UniversitéAbdelmalekEssaadiFacultédesSciencesJuridiques,EconomiquesetSociales-Tanger
Droitetrelationsinternationales
(Semestre1et2)
Dr.LATMANISaida
AnnéeUniversitaire2015-2016
2
SOMMAIRE INTRODUCTION Générale ....................................................................................................... 3
Partie I- Les Relations Internationales ........................................................................................ 4
Introduction de la première partie ............................................................................................... 4
CHAPITRE I- L’HISTOIRE DES RELATIONS INTERNATIONALES ................................ 7
CHAPITRE II- LES ACTEURS DES RELATIONS INTERNATIONALES ......................... 18
CHAPITRE III- LES THEORIES DES RELATIONS INTERNATIONALES ..................... 28
CHAPITRE IV : LA VIE INTERNATIONALE ...................................................................... 35
Conclusion de la première partie .............................................................................................. 47
Partie II- Le Droit International Public ..................................................................................... 48
Introduction de la Seconde partie ............................................................................................. 48
Chapitre préliminaire : .............................................................................................................. 50
CHAPITRE I- LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC ............................ 56
CHAPITRE II- LES SUJETS DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC ............................ 101
CHAPITRE III- L’APPLICATION DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC ................... 109
Conclusion de la seconde partie .............................................................................................. 126
Bibliographie ........................................................................................................................... 129
Table des matières ................................................................................................................... 132
3
INTRODUCTION Générale
Le Présent ouvrage « droit et relations internationales » se veut un manuel de cours
destiné aux étudiants en Licence de droit. Nous avons voulu dans un seul volume compilé les
enseignements essentiels de deux matières qui sont le Droit International et les Relations
Internationales. Car il s’agit de deux matières indissociables dont la bonne compréhension de
l’un exige une bonne connaissance de l’autre. La première partie est consacrée aux Relations
Internationales et la Seconde partie au Droit International.
4
Partie I- Les Relations Internationales
Introduction de la première partie
L’étude des Relations Internationales1 se situe à la croisée de plusieurs disciplines et
nécessite des connaissances fort variées. L’histoire contemporaine et la géographie restent des
matières essentielles sans lesquelles, tout développement, risque de manquer de repères. Des
notions d’économie, de géopolitique, de droit international sont ensuite fort utiles pour
comprendre les processus observables dans le monde comme la mondialisation, le statut et
rôle des ONG, les interventions militaires, processus de paix, pour n’en citer que ceux-ci.2
Il reste que l’apport le plus important est probablement celui de la science politique en ce
qu’elle est fondamentale dans l’analyse des enjeux, et objectifs sous-jacents et inavoués de la
guerre, de la paix, de l’intégration régionale etc.… Cependant, cet important apport de la
science politique a longtemps retardé l’affirmation des Relations Internationales en tant que
discipline autonome.
Véritable matière transversale, les Relations internationales comme discipline
universitaire à part entière datent de l’après première Guerre plus précisément en 1919 en
Grande-Bretagne 3 . Cette affirmation tardive dans le monde des sciences a vite posé le
problème de la légitimité des relations internationales comme discipline scientifique. En
effet, toute science sociale, et d’ailleurs toute science, se définit d’abord par un domaine
délimité (objet) et une démarche scientifique reconnue (méthode), autrement dit- par
l’existence d’un degré d’entente relativement élevé « sur quoi étudier ? », consensus
ontologique – et « comment l’étudier ? », accord épistémologique4.
1 L’expression « relations internationales » désigne à la fois l’objet d’étude que sont les relations entre nations et la discipline qui étudie ces relations. Nous utiliserons conformément à l’usage, « Relations Internationales » en majuscules lorsqu’il est question de la discipline et « relations internationales » en minuscules lorsqu’il s’agit de l’objet. 2 Amélie BLOM et Fréderic CHARILLON, Théories et concepts des relations internationales, Hachette supérieure, Paris, Décembre 2012, P.7 3 C’est le mécène David Davies qui créa la première chaire de « politique internationale » à l’University College of Wales à Aberystwyth avec des départements d’études, centres de recherches, associations professionnelles et des publications spécialisées. 4 Une science existe aussi si, et tant que, ceux qui la pratiquent sont d’accord pour dire qu’elle existe et la faire vivre. Voir, Dario BATTISTELLA, Théories des relations internationales, Presses de Sciences Po, Paris, 2012, P.14
5
Pour ce qui est de la délimitation de l’objet d’études des Relations Internationales,
l’adjectif « international » a lui seul a posé des problèmes redoutables dont l’un d’eux étaient
les dénominations multiples auxquelles se référaient les internationales pour désigner leur
discipline à l’instar des Relations Internationales, études internationales, affaires
internationales, politique internationale, politique mondiale, politique globale et bien d’autres
encore …
En ce qui concerne, les méthodes, la nature transversale des Relations Internationales
impose non pas une, mais plusieurs démarches scientifiques, impliquant ainsi des niveaux
d’analyse différents (micro ou macro).
Si ce débat scientifique a longtemps divisé les internationalistes, il reste cependant
qu’ils se sont tous accordés à reconnaitre que les relations internationales ont connu une
véritable consécration avec la naissance des Etats comme forme privilégiée d’organisation
politique des sociétés caractérisées par les deux principes de la souveraineté : souveraineté
externe (aucun Etat ne reconnait d’autorité au-dessus de lui et tout Etat reconnait tout autre
Etat comme son égal) et la souveraineté interne (Tout Etat dispose de l’autorité exclusive sur
son territoire et la population qui s’y trouve). Ce sont les traités de Westphalie de 1648 qui
posa l'Etat comme unité de base des relations internationales en ce sens que celles-ci sont
désormais perçues comme des relations horizontales régulières entre des groupes sociaux
basés territorialement et délimités politiquement les uns et par rapport aux autres5.
Intimement lié à l’Etat, les RI sont donc définis par rapport à ce dernier, car l’expression
signifie littéralement « relations entre les nations ». Il s’agit principalement des Etats
indépendants et souverains.
C’est du reste la définition donnée par Michel VIRALLY, pour qui les relations
internationales sont des « relations qui échappent à la domination d’un pouvoir politique
supérieur interne 6». Marcel Merle quant à lui évoque les relations internationales comme
étant « les rapports sociaux de toute nature qui traversent les frontières, échappant à l’emprise
d’un pouvoir étatique unique ou auxquels participent des acteurs qui se rattachent à des
sociétés étatiques différentes 7».
5 Dario BATTISTELLA, Op cit, P. 23 6 Michel VIRALLY., Relations internationales et science politique, Ed. PUF, Paris, 1959, P.9 7 Marcel MERLE., La vie internationale, Ed. PUF. Paris, 1977, P.30
6
Philippe BRAILLARD et Mohammad REZA s’inscrivent également dans la même logique
quand ils considèrent les relations internationale comme « un ensemble de liens, de rapports et
de contacts qui s’établissent entre les Etats et relèvent de la politique étrangère de ces
derniers8 »
Toutes ces définitions sus évoquées, abordent les relations internationales dans un sens
purement ontologique et classique, voire stato-centré en ne reconnaissant uniquement que
comme seuls acteurs les Etats. S’il est certes vrai que les Etats sont les acteurs
incontournables et majeurs des relations internationales, il demeure néanmoins que les
mutations du système monde accordent désormais une place importante aux autres acteurs des
relations internationales que sont les organisations non gouvernementales, les multinationales
etc...
Désormais, cette pluralité d’acteurs se justifie par l’évolution de la discipline des
Relations Internationales depuis sa création et la complexification des relations
internationales. C’est pourquoi, nous adoptons une définition plus juste et réaliste des
relations internationales donnée par Dario BATTISTTELLA. Pour lui en effet, « les relations
internationales désignent l’ensemble des relations qui se déroulent au-delà de l’espace
contrôlé par les Etats pris individuellement, quel que soit l’acteur-étatique ou non-concerné
par les relations et quelle que soit la nature-politique ou autre-de ces relations9 ». Il y’a donc
fondamentalement dans cette définition une volonté manifeste de rendre compte de la réalité
des relations internationales avec l’ensemble des acteurs, quel que soit leur statut, entretenant
des rapports d’ordre divers dans la sphère internationale.
Ainsi, l’étude des relations internationales pose un ensemble de questionnements dont les
plus importants sont : Quelles idées peut-on se faire de l’histoire des relations
internationales ? Quels liens peut-ont établir entre les relations internationales et le droit
international ? Quels sont les acteurs des relations internationales ? Comment se présente la
vie internationale et quels en sont les outils nécessaires permettant de comprendre les actions
et volontés de ces acteurs ?
Ce sont ces questions que se proposent d’étudier en détail les chapitres qui vont suivre en
rappelant les interactions et interrelations entre le droit et les relations internationales
8 Phillipe BRAILLARD et MOHAMMAD-REZA Djalili, Les relations internationales, Presses Universitaires de France, Paris, 1988, P.5 9 Dario BASTITTELLA, Théories des relations internationales, op cit, P.27
7
(Chapitre 2), ensuite en présentant les acteurs des relations internationales (Chapitre 3) , pour
la suite spécifier les grandes théories générales des relations internationales qui cherchent à
partir d’une vision globale, à éclairer les relations internationales dans leur ensemble
(Chapitre 4) , pour mieux cerner enfin les caractéristiques de la vie internationale (chapitre 5).
Il importe avant tout de jeter un regard sur l’histoire des relations internationales (Chapitre 1).
Le présent cours a un objectif purement pédagogique au sens universitaire du terme, il n’a
pas la prétention de rendre compte de l’évolution des relations dans leur globalité, et leur
aspect général, il est fortement demandé aux étudiants de compléter le cours par les lectures et
des recherches bibliographiques complémentaires, mais aussi et surtout par la lecture de la
presse internationale.
CHAPITRE I- L’HISTOIRE DES RELATIONS INTERNATIONALES
Lorsqu’on se propose de décrire l’histoire des relations internationales, il faut nécessairement
définir le cadre temporel dans lequel on compte s’inscrire, c’est-à-dire définir et fixer un point
de départ et une période terminale.
Pour cette dernière, il ne semble pas avoir de difficultés particulières, il suffit pour cela de
se référer à l’actualité la plus récente en la matière. Par contre, il semble beaucoup plus
difficile de choisir la période à laquelle, on entend faire commencer l’étude des relations
internationales.
En effet, décrire l’histoire des relations internationales suppose naturellement l’existence
de telles relations, même sous une forme rudimentaire. Il faut, dès lors, qu’il existe une
communauté suffisamment vaste et complexe pour qu’elle soit différenciée en une pluralité de
groupes humains à la fois distincts les uns des autres et entretenant parfois des relations
pacifiques, temporairement au moins.10
La conjugaison de ces deux conditions notamment des communautés particulières
distinctes au sein d’une communauté humaine plus large ne se trouve pas toujours réalisée.
D’où les nombreuses controverses observées autour du point de départ de l’évolution des
relations internationales, donc de l’histoire des relations internationales.
10 Claude Albert COLLIARD, Institutions des relations internationales, sixième édition, Dalloz, 1974, P.19
8
Conformément à la définition, que nous avons retenue pour elles (relations
internationales)11, l’histoire des relations internationales reste donc intimement liée à l’histoire
des Etats., Or, l’Etat en tant que phénomène historique, juridique, sociologique et politique
pris en compte par le droit12 n’est apparu que très récemment avec la naissance de l’Etat
moderne, plus précisément les traités de Westphalie en 1648.
Cela ne voudrait pas pourtant dire, qu’il n’existait pas de relations internationales au sens
large du terme avant cette période. Car, la pensée politique internationale est « aussi ancienne
que l’existence des communautés politiques indépendantes 13». C’est pourquoi de nombreux
internationales, estiment que l’origine des relations internationales est aussi à rechercher dans
les premières formes d’organisation politiques à l’instar de la Grèce antique. Thucydide, par
exemple dans œuvre majeure, la Guerre de Péloponnèse esquisse les premières générations
susceptibles de constituer les prémices des relations internationales. Certains auteurs
découvrent volontiers dans l’antiquité des traces de relations internationales notamment des
traités de vassalité ; de protectorat ; d’alliance dans les rapports entre peuples de l’Orient.
A contrario, cette idée de l’Antiquité comme point de départ des relations internationales,
n’est pas partagée par tous les internationalistes, certains préfèrent limiter l’origine des
relations internationales à la naissance de l’Etat moderne. Pour eux, en effet, les formes
d’organisation politique qui prévalaient à l’époque antique étaient dépourvues de
souveraineté.
Martin WIGHT par exemple évoque deux raisons principales expliquant cette situation.
D’une part , l’Etat moderne en se formant comme unité politique souveraine et exclusive, a
accaparé l’expérience et l’activité politique des individus , qui plus est représenté sur la scène
internationale par l’intermédiaire de leur seul Etat d’appartenance ; d’autre part, alors que les
politiques intérieures ont évolué vers davantage de liberté, de démocratie et de cohésion
sociale, la société internationale, par contre n’a pas connu d’évolution majeure, elle est restée
par excellence « le domaine de la récurrence et de la répétition »14.
C’est ainsi donc que l’ordre de Westphalie est un repère historique et incontournable
pour de nombreux historiens et politologues qui s’accordent à reconnaitre que l’État territorial
11 Voir introduction du présent cours 12 Saida LATMANI, Espaces terrestres et maritimes en droit international, Editions Marocaines et Internationales, Tanger, 2008, P.4 13 Dario BASTITETTELA, op cit, P.27 14 Martin WIGHT, cité par Dario BATISTTELLA, op cit, P. 52
9
est une forme politique, humaine et spatiale, propre à une période historique. Il prendrait
racines à la fin du Haut Moyen Âge, pour s’émanciper à la fin du XVIIe siècle, et devenir
jusqu’à nos jours, la structure indépassable et universelle que l’on connaît15
C’est en tenant compte de ces considérations que nous allons dans le cadre de cette
étude consacrée l’histoire des relations internationales sous l’angle originel des traités de
Westphalie (section I), nous permettant ainsi de comprendre l’institutionnalisation des
relations des relations internationales (Section II), pris dans l’étau des rivalités Est-Ouest et
Nord-Sud (Section III), nécessaire pour l’appréhension des relations internationales
contemporaines (Section IV).
Section 1 : Les relations internationales et le traité de Westphalie (1648-1815)
D’emblée, faut-il souligner que la naissance des relations internationales est largement
inspirée des civilisations occidentales notamment l’Europe. C’est tout naturellement que cette
histoire des relations soit imprégnée du contexte historique d’antan, lequel était une histoire
de guerres et de paix.
En effet, avant le traité de Westphalie, le contexte historique de l’Europe était marqué par
des conflits aussi bien religieux que politiques. Religieux dans le sens ou les papes guides
suprêmes de la chrétienté, avaient le pouvoir de lier et délier dans le ciel et sur la terre. Les
papes ne cessèrent ainsi d’affirmer leur suprématie spirituelle, à l’égard de tous les princes,
même des empereurs. Politique dans le sens, ou l’intégration des papes et les dignitaires
ecclésiastiques, créaient des conflits entre les papes et les souverains purement temporels.
C’est ce que les historiens ont qualifié de « lutte des deux glaives », cette opposition
violente qui a opposé le Pape et l’Empereur. Un peu plus tard, cette guerre féodale s’est mue
en guerres entre les catholiques et les protestants, appelée aussi guerre de Trente ans (1618-
1648) a longtemps à dominé le Moyen-âge.
En vue de mettre fin à ces conflits violents, qu’émergea les traités de Westphalie. Le
24 octobre 1648, les traités de Münster et d’Osnabrück mettent fin à la fameuse Guerre de
Trente ans. Longuement préparée, cette paix dite de Westphalie inaugure une nouvelle ère,
celle de l’équilibre des puissances ; désormais les rapports entre les puissances européennes se
feront sur la répudiation de l’impérialisme et l’adoption du principe de l’équilibre.
15 Gérard DUSSOUY, Traité des relations internationales, Tome II, les théories de l’interétatique, Paris, Editions L’Harmattan, 2008, P.14
10
Dès lors, comment comprendre l’apport des traités de Westphalie dans l’émergence des
relations internationales ?
Il faut dire que le principal apport de ces traités est sans conteste l’émergence des Etats-
Nations et avec eux une véritable consécration du principe de la souveraineté.
Les traités de Westphalie ont contribué au morcellement de l’Europe en plus Etats
indépendants. L’Allemagne par exemple, n’était plus qu’une entité géographique formée de
plus de 350 Etats qui recevaient « le libre exercice de la supériorité ecclésiastique que dans les
politiques ».
La souveraineté nationale a donc connu avec les traités de Westphalie une consécration
inédite dans l’histoire des relations internationales. C’est avec les auteurs tels Jean BODIN et
Hugo GROTUIS pour n’en citer que ceux-là.
La souveraineté telle que définie par Jean Bodin16, renvoie « à la puissance perpétuelle
et absolue d’une République 17», autrement dit, la souveraineté est la qualité d’un Etat qui ne
reconnait aucune autorité au-dessus de lui (souveraineté externe) et qui dispose de l’autorité
exclusive sur son territoire et la population qui s’y trouve et aucun Etat ne s’immisce dans les
affaires internes d’un autre Etat (souveraineté interne). La souveraineté est donc comme le
définissait Jelinek, « la compétence des compétences », car la souveraineté est un pouvoir
originaire, suprême et inconditionné. Originaire en ce qu’il ne dépend d’aucun autre pouvoir
qui l’aurait institué et qui lui serait antérieur, suprême parce que l’Etat n’est soumis à aucune
autorité tant sur le plan interne que sur le plan international et enfin inconditionné dans la
mesure où il dispose seul du pouvoir de commande et de se faire obéir et détient le monopole
de la contrainte ce que Max Weber appelle le monopole de la violence légitime.
Ainsi, donc la notion de souveraineté caractérisée par son exclusivité se matérialise par
deux principes que sont :
- La non-immixtion dans les affaires intérieures de la part des Etats étrangers
- L’interdiction des actes de contrainte de la part des Etats étrangers
Cette période consacra l’apparition embryonnaire d’un droit diplomatique et consulaire, mais
aussi l’avènement du premier ordre mondial avec l’organisation des rapports de force entre les
Etats.
16 Jean Bodin, fut le premier à en faire de la souveraineté un critère essentiel du droit international dans son ouvrage de référence, Les six livres de le République. 17 Jean Bodin, Les six livres de la République (1576), Paris, Fayard-Corpus, 1986, Livre I, P.179
11
Le plus grand mérite de l’ordre westphalien réside sans conteste en la primauté, qu’elle
accorde à la notion de souveraineté comme critère fondamental des relations mais aussi la
politique d’équilibre qu’il instaure, une idée que l’on retrouve que l’on retrouve au cœur de la
tentative d’institutionnalisation des relations internationales (Section II).
Section 2: Tentative d’institutionnalisation des relations internationales (1919-1945)
Suite à la Première Guerre Mondiale, l’idée d’institutionnaliser les relations
internationales s’imposaient comme une nécessité fondamentale afin de garantir l’équilibre
des puissances et la paix dans le monde. Elle fut l’œuvre du président Wilson, lequel proposa
la création d’une institution à vocation mondiale devant remplir les missions précitées.
C’est ainsi donc que naquit la Société des Nations (SDN), laquelle incarnait le vœu
pieux des combattants de la première guerre de maintenir la paix entre ses membres, sur
la base du statu quo politique et territorial. Regroupant plusieurs Etats (puissances
victorieuses, Etats neutres et les Etats vaincus durant la grande guerre), la SDN
s’efforça d’organiser sur une base juridique et rationnelle les relations internationales.
Mais cet effort d’organisation des relations internationales, ne s’est pas fait sans
imperfections. En effet, intrinsèquement liée au contexte historique de l’époque dominé
par les puissances victorieuses, la SDN se heurta rapidement aux problèmes de
désarmement, et l’éternel problématique de la guerre.
En ayant mis « la guerre hors-la loi », par le pacte Briand-Kellog de 1928, et
l’interdiction du recours à la force imposé par les articles 8 et 9 dudit pacte, la SDN n’a
pas su enrayer la dynamique conflictuelle. On en témoigne notamment le conflit sino-
japonais en 1931, le conflit italo-éthiopien en 1935, mais l’exemple le plus patent est
sans conteste la seconde guerre mondiale de 1939 à 1945.
La seconde guerre mondiale est la preuve évidente des échecs et de l’impuissance
de la SDN dans sa tache de maintien de la paix internationale dans l’ordre et la justice.
Suite aux affres de la seconde de la guerre mondiale, l’institutionnalisation des
relations internationales connut un essor considérable avec la création de l’Organisation
des Nations Unies (ONU), en 1945 en remplacement de la SDN.
La naissance de l’ONU coïncida ainsi avec une forte institutionnalisation des relations
internationales et du droit international à telle enseigne que l’on observa d’une part
12
l’émergence des nouveaux principes devant régir la société internationale à l’image de
l’égalité souveraine des Etats, le principe de non ingérence, la coopération ou encore par
la consécration juridique de l’interdiction du recours à la force armée dans les relations
internationales18 et d’autre part ,la création de nombreuses institutions internationales
que l’on nomme aujourd’hui, les institutions spécialisées des Nations Unies , dont les
objectifs n’étaient d’autre que de favoriser la paix et la coopération, lesquelles
demeurent la mission fondamentale de l’organisme onusien19.
Cette période marqua dès lors le passage des relations internationales de la formule dite
« relationnelle à celle qualifiée d’institutionnelle 20». Un passage qui connaitra une sorte
de léthargie, pris dans l’étau des rivalités Ouest-Est et Nord-Sud (Section III)
Section 3 : Les relations internationales pris dans l’étau des rivalités Ouest-Est (1947-1991)
Il s’agit essentiellement dans la présente section de présenter la situation des relations
internationales au cours de la période allant de 1947 à celle de 1991 correspondant dans
l’histoire à la guerre froide. Il ne s’agit donc pas de faire une étude systématique sur les
conflits ayant marqué cette période, mais il est plutôt question de comprendre la place et le
rôle que ces différents aspects ont joué dans la structuration des relations internationales
d’antan.
Forgé en 1945 par l’écrivain anglais Georges Orwell21, le terme « guerre froide » désigne
la période de tensions et de confrontations idéologiques et politiques entre les États-Unis
(USA) et l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (l'URSS). Il ne s’agit pas d’une
guerre au sens traditionnel du terme en ce sens qu’il est question d’une confrontation qui
proscrit l’affrontement armé direct entre les deux géants que sont les USA et l’URSS.
18 Ces principes ont été consacrés et proclamés dans la Charte des Nations Unies laquelle devint un document de référence en matière de droit international et des relations internationales. Pour plus d’informations, consulter, http://www.un.org/fr/documents/charter/index.shtml 19 Les institutions auxquelles la présente section fait allusion seront abordées profondément dans le chapitre consacré aux acteurs des relations internationales. 20 Claude Albert COLLIARD, op cit P.4 21 Georges ORWELL, « You and the atomic bombs », first published, Tribune. — GB, London. — October 19, 1945.
13
De nature, politique, idéologique, la guerre froide prit de formes diverses allant de
l’espionnage aux actions sécrètes, en passant par la propagande, jusqu’à la compétition
technologique, voire des conflits ouverts et délocalisés comme ceux de la guerre de Corée
(1950-1953), la guerre d’Indochine (19), celle du Vietnam etc…
Ce qui caractérisait le plus, cette guerre froide est la division du monde en deux blocs,
l’un nommé bloc de l’Ouest dominé par les USA et leurs alliés prônant la démocratie libérale
et l’autre bloc qualifié d’Est, dominé par l’URSS et leurs alliés préconisant une démocratie
populaire. Chaque bloc attirait dans sa sphère d'influence les États moins puissants. Bien que
ce phénomène affectait surtout l'Europe, enjeu principal, il se répercutait également sur le
processus de décolonisation puis sur les affrontements régionaux qui se développait dans
le tiers-monde (Voir carte ci-dessous)
Source : Questions internationales, n°11
La lecture des relations internationales devait donc se concevoir selon la logique bipolaire,
les autres pays devaient impérativement choisir un camp.
14
C’est ainsi par exemple que le blocus de Berlin devint le symbole de la division de
l’Europe, puisqu’en 1949 les occidentaux fondèrent la République Fédérale d’Allemagne
(RFA), et les Soviétiques fondèrent la République Démocratique d’Allemagne (RDA). En
1949, l’Asie devint aussi un champ d’affrontement des deux grands. On témoigne la guerre de
Corée, la guerre d’Indochine.
Cette bipolarisation du monde continua également dans le domaine militaire avec la
création par le bloc de l’Ouest de l’OTAN (Organisation du Traité Atlantique Nord) en 1949
et le bloc ne fut pas en reste avec le Pacte de Varsovie en 1955. Ainsi, la guerre froide devint
une course aux armements entre les deux grands au terme de laquelle l’équilibre de la terreur
fut la caractéristique principale des relations internationales de cette époque.
Cette course aux armements connut toutefois une certaine accalmie avec la détente en 1962,
correspondant à une phase d’amélioration des relations entre les deux blocs. Cependant,
l’affrontement idéologique et la recherche des nouveaux alliés étaient toujours de mise.
Ce qui sonna le glas de cette guerre froide est sans conteste l’effondrement la disparition
de l’URSS en 1991, plongea ainsi le monde dans une aire d’unipolarisation dominée par la
superpuissance étasunienne et leurs alliés, encore appelé le nouvel ordre mondial. (Section
IV)
Section 4: Les relations internationales de 1991 à nos jours
L’effondrement de l’URSS a marqué un tournant considérable dans l’histoire des
relations internationales, à telle enseigne que Jean Baptiste DUROSELLE 22 parle d’un
tremblement de terre et s’interroge : est-ce la fin du XXe siècle ?
La pertinence de l’interrogation va de pair avec l’effondrement brutal de l’empire
soviétique. Il n’a pas vraiment été prévu, ni par les ennemis du camp socialiste, ni moins
encore par ses soutiens. Sans doute des experts, avaient-ils entrevus l’éclatement de
l’empire, mais l’on se gardait de penser que l’affaiblissement de l’influence soviétique
pouvait être passager, certainement pas fatal.
Avec la disparition de l’URSS, les rivalités Ouest-Est ont pris fin, et le monde
s’est orienté vers une sorte de reconstruction des politiques (redéfinition de la carte du 22 Jean Baptiste DUROSELLE et André KASPI, Histoire des relations internationales : de 1945 à nos jours, Tome 2, Armand Colin, 12ième édition mise à jour, Paris, 2001, P.407
15
monde et de la politique internationale) incarnée par l’unipolarité dont les Etats-Unis en
sont les fervents partisans.
En effet, la disparition du grand rival de l’Est pouvait être célébrée comme une
victoire du camp opposé par l’ancien président Bush (père) dans une allocution au
congrès américain le 11 mars 1991. Dans un style prophétique mêlée d’euphorie, il
pouvait dès lors affirmer : « il est clair qu’aucun dictateur ne peut plus compter sur
l’affrontement Est-Ouest pour bloquer l’action de l’ONU contre toute agression. Un
nouveau partenariat des nations a vu le jour. Nous nous trouvons aujourd’hui à un
moment exceptionnel et extraordinaire. La crise dans le golfe Persique, malgré sa
gravité, offre une occasion rare pour s’orienter vers une période historique de
coopération. De cette période difficile, (…), un nouvel ordre mondial, peut voir le jour :
une nouvelle ère, moins menacée par la terreur, plus forte dans la recherche de la
justice et plus sûre dans la quête de la paix. Une ère où tous les pays du monde, qu’ils
soient à l’est ou à l’ouest, au nord ou au sud, peuvent prospérer et vivre en harmonie.
Une centaine de générations ont cherché cette voie insaisissable qui mène à la paix,
tandis qu’un millier de guerres ont fait rage à travers l’histoire de l’homme.
Aujourd’hui ce nouveau monde cherche à naître. Un monde tout à fait différent de celui
que nous avons connu. Un monde où la primauté du droit remplace la loi de la jungle.
Un monde où les États reconnaissent la responsabilité commune de grandir la liberté et
la justice. Un monde où les forts respectent les droits des plus faibles […]. ».
Les Etats-Unis d’Amérique entendaient ainsi jouer exclusivement les premiers
rôles sur la scène internationale (à défaut de voir d’autres centres de décisions
apparaitre), par la revendication de leur rang de « moteur de la construction »23 et de la
diffusion des valeurs démocratiques à l’échelle universelle, à travers la diffusion d’un
message de paix. Ils affirmaient ainsi, implicitement et par la voix du président Bush
d’alors, que la guerre avait jusque-là été le fait d’un déficit de démocratie et de liberté.
La démocratie et plus généralement, le libéralisme devinrent le référentiel
incontournable des relations internationales, en ce sens que l’on remarque une sorte
23 Stéphane Monney MOUANDJO, Les institutions internationales, les pays du Sud et la démocratie, le journal de Tanger, Tanger (Maroc), P.33
16
d’uniformisation autour de ces valeurs et principes, ils apparaissent dès lors comme les
seules solutions pour l’avenir des sociétés modernes24.
Cependant, la pax americana (paix américaine) tant souhaitée et prônée n’a pas connu
le succès escompté, bien au contraire, des foyers de tensions et de nombreux conflits
apparaissaient toujours nombreux. Ce constat corroborera ainsi les incertitudes de
Raymond ARON lorsqu’il concluait sa magistrale étude sur Paix et Guerres entre les
nations en ces termes, « l’âge des guerres s’achèvera-t-il en une orgie de violence ou en
un apaisement progressif ? 25».
S’il est vrai que l’après-guerre froide a réduit le risque de guerre entre Etats, il
semble qu’elle n’est pas apportée la paix universelle tant souhaitée et prônée. On en
témoigne notamment les instabilités, les conflits intra-étatiques observés de part et
d’autre (conflits politiques en Afrique etc..), fragilisant ainsi l’influence de
l’hyperpuissance américaine.
Une hyperpuissance américaine qui de nos jours semble sujette à dispute. D’une
part, l’après 11 septembre 2001, l’unilatéralisme américain (leur guerre contre le
terrorisme) souvent en porte-à-faux avec les dispositions internationales, provoqua le
courroux de nombreux Etats. L’unilatéralisme américain peut se traduire à travers la
carte suivante :
Le monde vu par les Etats Unis
24 Pour plus d’informations, voir le livre de Francis FUKUYAMA, La fin de l’histoire et le dernier homme, Champs Flammarion, Paris, 1992, 451p 25 Dario BASTITTELLA, Paix et guerres au XXIe, éditions sciences humaines, Paris, P.2
17
D’autre part, il est question de l’émergence d’autres puissances sur la scène
internationale à l’image de la Chine, la Russie, l’Allemagne, avec les lesquels les Etats-
Unis doivent désormais compter. C’est tout le sens du discours prononcé par Vladimir
POUTINE lors de la conférence de Munich sur la sécurité en 2007. Il plaida pour une
gouvernance mondiale en ces termes : « Qu’est-ce qu’un monde unipolaire ? Malgré
toutes les tentatives pour embellir ce terme, il ne signifie en pratique qu’une seule
chose : c’est un seul centre de pouvoir (…). Bien entendu, cela n’a rien à voir avec la
démocratie, car la démocratie, c’est, comme on le sait, le pouvoir de la majorité qui
prend en considération les intérêts et les opinions de la minorité. (…) Cependant, tout
ce qui se produit actuellement dans le monde (…) est la conséquence des tentatives pour
implanter cette conception dans les affaires mondiales : la conception du monde
unipolaire. Quel en est le résultat ? Les actions unilatérales, souvent illégitimes, n’ont
18
réglé aucun problème. Bien plus, elles ont entraîné de nouvelles tragédies humaines et
de nouveaux foyers de tension. (…) ».
L’histoire des relations internationales telle que revisité à travers ce chapitre, reste
une histoire parsemée de conflits et à la paix. L’élimination de la guerre sous toutes ces
formes dans le domaine des relations internationales, est l’une des missions
fondamentales assignées au droit international public. (Chapitre II)
CHAPITRE II- LES ACTEURS DES RELATIONS INTERNATIONALES
Les relations internationales renferment un ensemble d’acteurs allant des entités publiques
que sont les Etats et les organisations internationales (Section 1) et les entités non-étatiques
que sont les acteurs transnationaux, les organisations non gouvernementales (ONG) et les
acteurs religieux (Section 2)
Section 1 : Les entités publiques
Sont regroupées sous le vocable « entité publiques », les Etats, les organisations
internationales et les institutions internationales.
Sous-section 1 : Les Etats
En se référant à la définition littérale des relations internationales, il apparait
indubitablement que les Etats sont les acteurs principaux des relations internationales. L’Etat
est avant tout un phénomène historique, politique et juridique. Il désigne donc l’établissement
et la vie sur un territoire déterminé d’un groupe humains soumis à un pouvoir politique. C’est
donc comme l’affirmait Carré de Malberg : « l’Etat est une communauté d’hommes, fixée sur
un territoire propre et possédant une organisation d’où résulte pour le groupe envisagé dans
des rapports avec ses membres une puissance suprême d’action, de commandement et de
coercition26 ». Il y’a donc fondamentalement dans cette définition de Malberg, les éléments
constitutifs de l’Etat sur le plan international notamment le territoire, la population et la
souveraineté.
26Carré de Malberg, cité par Malika NAIMI, Droit constitutionnel et Grands systèmes politiques, 2ième édition, Tanger, 2007,P.13
19
Il n’est nécessaire de souligner que l’Etat ne peut exister sur le plan international que si les
trois éléments cités plus haut sont réunis.
- Le territoire
Le territoire apparait comme l’élément fondamental de l’Etat. Il constitue le cadre
spatial dans lequel est établie la collectivité humaine étatique. Donc l’Etat se caractérise par le
fait que groupe humain sur lequel s’exerce l’autorité politique est implantée sur un territoire.
C’est par le territoire que les Etats ont bâti leur unité politique27. Dès lors, le territoire de
l’Etat comprend à la fois un élément terrestre, des prolongements maritimes et l’espace aérien
situé au-dessus de lui défini par les frontières terrestres, celles dites maritimes et les autres
qualifiées de ariennes.
Le territoire terrestre est défini par des frontières stables qui séparent deux pays. C’est
la limite au-delà de laquelle la compétence de l’Etat ne peut plus s’exercer valablement. Selon
leur nature, on oppose les frontières naturelles (montagnes, fleuves, océans etc…) aux
frontières artificielles nées soit d’une convention, ou soit d’une juridiction internationale. Une
fois délimitée, les frontières font l’objet d’une opération de démarcation au moyen des cartes.
Le territoire maritime quant à lui renvoie à plusieurs espaces sur lequel la souveraineté
de l’Etat diminue au fur et à mesure que l’on s’approche du large. On distingue plusieurs
espaces en se référant aux lignes de base28 :
- Les eaux intérieures et la mer territoriale correspondant à 12 milles marins (règle dite
de la portée des canons). Dans cette zone, l’Etat dispose de la souveraineté pleine et
entière et doit conformément aux pratiques internationales accordées un droit de
passage inoffensif aux navires étrangers.
- La zone contigüe large de 24000 milles constituant le prolongement de lamer
territoriale est une zone dans laquelle l’Etat n’exerçant les compétences exclusives de
sa souveraineté, en garde un regard sur certains aspects de sa législation liés aux
questions douanières, fiscales et sanitaires.
- La zone économique exclusive large de 200milles est une zone dans laquelle les Etats
n’ont plus que les droits souverains d’exploration et exploitation des ressources
naturelles.
27 Philipe CHRESTIA, le principe d’intégrité territoriale : d’un pouvoir discrétionnaire à une compétence liée, Paris, l’harmattan, 2002, P.1-12 28 Ces lignes sont définies par la convention de Montego Bay sur le droit de la mer de 1986.
20
Les frontières aériennes enfin, renferment la couche atmosphérique surmontant le territoire
terrestre et maritime. L’Etat peut notamment en réglementer le survol.
Si les composantes du territoire ont été évoquées, il reste la question fondamentale de
l’acquisition du territoire. Dès lors, quels sont les modes d’acquisitions du territoire ?
Il convient de faire la différence entre l’acquisition d’un territoire non encore approprié et
l’acquisition d’un territoire déjà approprié.
L’acquisition des territoires non appropriés
La doctrine traditionnelle distingue les territoires étatiques des territoires sans maitres, ces
derniers étant définis comme non incorporés dans un Etat. Tout territoire appartient à l’une ou
l’autre catégorie.
• Les divers systèmes d’acquisitions des territoires sans maitre
Cette conception européocentriste a été clairement écartée par la CIJ dans son avis
consultatif du 16 octobre 1975. Appelé à répondre à la question suivante : « le Sahara
occidental était-il au moment de la colonisation par l’Espagne, un territoire sans maitre (res
nullius) ? »
La Cour a rejeté l’assimilation automatique d’un « territoire sans maitre » à « un territoire
non étatique ». Quelles qu’aient pu être les divergences d’opinions entre juristes, il ressort de
la pratique étatique de la période considérée que les territoires habités, même par des
nomades, ne peut être res nulluis.
En fait, seuls des territoires inhabités peuvent être des territoires sans maitre. Toute
occupation humaine d’un territoire suppose un minimum d’organisation sociale : un territoire
habité, même par des nomades, ne peut être res nulluis. Il reste que si une collectivité humaine
n’a pas réussi à s’organiser selon les formes étatiques, le régime d’acquisition du territoire
qu’elle occupe sera équivalent à celui d’un territoire sans maitre.
Ces considérations peuvent sembler n’avoir plus aujourd’hui qu’un intérêt historique.
Dans le monde « fini » qui est le nôtre, toute acquisition de territoires par un Etat se fait
nécessairement au détriment d’un autre Etat. Elle constitue par nature une atteinte à l’intégrité
territoriale d’un Etat souverain, or, conséquence du principe de l’interdiction du recours à a
21
force dans les relations internationales. Le procédé normal d’acquisition est donc le procédé
conventionnel.
Historiquement, on recense quatre modes d’acquisition du territoire sans maitre, il s’agit de :
l’attribution pontificale, la découverte avec occupation fictive, le système de
l’occupation ou encore l’acquisition résultant de la continuité ou la contiguïté
L’acquisition d’un territoire aux dépens d’un Etat préexistant
On distingue généralement quatre procédés d’acquisitions que sont :
1- La cession
La cession peut être une opération avec compensation (vente ou échange) ou
sans compensation (suites d’une guerre ou contrepartie d’un service rendu : ex : cession
de Nice et de la Savoie à la France en 1860 après consultation populaire).
La cession peur également avoir lieu par un procédé couramment utilisé pour les
rectifications de frontières : il s’agit de transferts minimes à l’occasion de la révision du
tracé de la frontière généralement pour améliorer les voies de communications.
2- La décision d’une organisation internationale
C’est un système fréquemment utilisé au XIXe. Ce fut le cas du partage de la
Palestine (1947), ou encore le sort des colonies italiennes (1950).
3- La conquête ou debellatio
C’est l’acquisition d’un territoire effectuée à la suite d’une guerre, lorsque l’Etat
vaincu disparait et l’Etat vainqueur établit sa souveraineté sur l’ensemble du territoire
qui relevait de l’Etat vaincu.
Il faut non seulement que la lutte soit terminée (sinon il y a seulement occupation) et
que le gouvernement ait disparu, mais encore qu’il y ait volonté d’incorporer le
territoire (cette condition à fait défaut en 1945 à propos de l’Allemagne).
4- Création d’un Etat nouveau, par voie de détachement : sécession
22
C’est un procédé largement utilisé dans le cadre de la décolonisation. On peut citer
l’exemple du Sud-Soudan en Afrique.
Si le territoire constitue un élément fondamental pour la création d’un Etat, il en
est de même pour la population.
- La population
Un Etat ne saurait exister sans une population sur laquelle il pourrait exercer son autorité.
L’Etat au sens moderne, suppose donc un minima de peuplement humain. C’est pourquoi des
territoires sans peuplements, vide d’habitant comme le continent Antarctique ne saurait
prétendre au statut d’Etat.
Installé dans le cadre général du territoire étatique et régie par le pouvoir politique, la
notion de population a souvent tendance à se confondre avec la nation, similitude que l’on
retrouve parfois dans la terminologie des organisations internationales telles la Société des
Nations, les Nations Unies. Ainsi, le problème que pose le concept de nation est celui de sa
définition. Il existe en effet, deux conceptions différentes de la nation, l’une dite objective et
l’autre qualifiée de subjective :
Pour les tenants de l’approche objective, la nation s’entend comme la communauté
nationale déterminée par des éléments de faits comme les caractéristiques raciales,
linguistiques, religieuses et ethniques. C’est une conception qui a été particulièrement à
l’honneur en Allemagne, d’où l’appellation conception allemande.
En revanche, la conception subjective fait place à des éléments volontaristes en voyant
dans la communauté nationale comme lien essentiel le désir de la vie commune. C’est du reste
l’idée partagée par l’italien Mancini, lequel précise en substance que : « la nation est une
société naturelle d’hommes que l’unité de territoire, d’origine, de mœurs et de langage mène à
la communauté de vie de conscience sociale29 ». Ainsi, elle apparait comme une notion
d’adhésion à un mode de vivre, et de penser.
De nos jours, c’est plus la conception subjective qui est exacte, car la population est
composée de plusieurs catégories d’habitants. C’est ainsi que dans un Etat, on retrouve les
nationaux qui sont rattachés à l’Etat par un lien juridique (lien de nationalité) et les étrangers
qui sont les citoyens d’un autre Etat autre que celui sur le territoire duquel ils résident en
permanence ou temporairement. A ces deux catégories d’habitants, il faut impérativement
29 Mancini dans sa célèbre leçon de droit international à l’université de Turin, cité par Claude Albert COLLIARD dans Institutions des relations internationales, sixième édition, Dalloz, 1974, P.84
23
faire mention des apatrides qui sont les individus lesquels pour des motifs assez variés se
trouvent privés de nationalité et donc de protection réelle.
La réunion d’une population sur un territoire ne suffit pas à former un Etat, il faut
nécessairement le pouvoir politique.
- Le pouvoir politique
Le troisième élément constitutif de l’Etat est l’existence d’une organisation politique à
laquelle se trouve soumise la population établie sur le territoire. L’Etat a pour particularité par
rapport à toutes les autres personnes juridiques individuelles ou morales de détenir un pouvoir
juridique utilisé à diverses fins (intérêt général, établir l’ordre etc.…). Ce pouvoir politique
n’est pas organisé selon les dispositions du droit international, mais demeure régit par le droit
interne notamment le droit constitutionnel, le droit public général.
Le pouvoir politique est un élément fondamental pour la constitution de l’Etat sur le plan
international en ce qu’il lui confère la souveraineté, laquelle demeure encore aujourd’hui le
critère de l’Etat. C’est d’ailleurs cette souveraineté que l’on retrouve dans le fondement et le
statut des organisations internationales plus précisément le paragraphe 1 de l’article 2 de la
Charte des Nations Unies en ces termes : « l’Organisation est fondée sur le principe de
l’égalité souveraine de ses Etats membres ».
La souveraineté telle que définie par Jean Bodin30, renvoie « à la puissance perpétuelle et
absolue d’une République 31», autrement dit, la souveraineté est la qualité d’un Etat qui ne
reconnait aucune autorité au-dessus de lui (souveraineté externe) et qui dispose de l’autorité
exclusive sur son territoire et la population qui s’y trouve et aucun Etat ne s’immisce dans les
affaires internes d’un autre Etat (souveraineté interne). La souveraineté est donc comme le
définissait Jelinek, « la compétence des compétences », car la souveraineté est pouvoir
originaire, suprême et inconditionné. Originaire en ce qu’il ne dépend d’aucun autre pouvoir
qui l’aurait institué et qui lui serait antérieur, suprême parce que l’Etat n’est soumis à aucune
autorité tant sur le plan interne que sur le plan international et enfin inconditionné dans la
mesure où il dispose seul du pouvoir de commande et de se faire obéir et détient le monopole
de la contrainte ce que Max Weber appelle le monopole de la violence légitime.
30 Jean Bodin, fut le premier à en faire de la souveraineté un critère essentiel du droit international dans son ouvrage de référence, Les six livres de le République. 31 Jean Bodin, Les six livres de la République (1576), Paris, Fayard-Corpus, 1986, Livre I, P.179
24
Ces éléments constitutifs donnent naissance à plusieurs formes d’Etats (unitaire,
fédéral, confédéral), tout est fonction des spécificités historiques, sociologiques et culturelles
de ces peuples.
Si l’Etat constitue l’un des fleurons des entités publiques appartenant aux acteurs des
relations internationales, il faut admettre également que les organisations et institutions
internationales en sont des acteurs non négligeables. (Sous-section 2)
Sous-section 2 : Les organisations internationales
Les organisations internationales qui feront l’objet de la présente sous-section sont celles
dites publiques ou encore appelées organisations intergouvernementales ou internationales
gouvernementales (OIG), c’est-à-dire qui émanent ou sont contrôlés par les gouvernements
des différents pays et donc régit par le droit international public.
Ainsi, une organisation internationale est avant tout, une personne morale de droit public.
Elle fait référence à l’association d’Etats souverains établie par un accord (un traité
international) entre ses membres et dotée d’un appareil permanent d’organes communs,
chargés de la réalisation des intérêts communs par une coopération entre eux. Ces
organisations présentent donc des traits spécifiques comme :
- Les OIG sont des sujets dérivés du droit international public (sont les sujets et
destinataires du droit international public et en sont aussi les créateurs)
- Elles sont l’expression d’une volonté de coopération
- Elles visent la réalisation des intérêts communs
- Elles sont dotées d’organes communs et d’un appareil permanent
La naissance des OIG font suite à une volonté d’institutionnalisation des relations
internationales, laquelle avait depuis toujours hanté les esprits des hommes. Il faut, en effet,
remonter au XIXe pour voir la première trace de tentatives d’organisation internationale pour
l’essentiel techniques (développement du commerce, union des postes etc...). Mais, celles qui
méritent sans aucun doute d’être retenues, ce sont les organisations politiques avec la Société
des Nations, née dans l’entre-deux guerres, remplacée plus tard par l’Organisation des
Nations Unies (ONU) en 1945 avec l’apparition de nombreuses OIG à caractère technique et
25
administratifs, auxquelles on donne généralement de nos jours le nom d’institutions
spécialisées (UNESCO, OMS, PNUD, OIT, etc..)
Le rôle des organisations et la place internationale ne peuvent désormais plus être
ignorés. Le nombre des organisations internationales s’est considérablement accru depuis 50
ans au point que le nombre d’organisations internationales dépasse le nombre d’Etats dans le
monde. Aujourd’hui, on dénombre près de 250 OIG alors qu’il n’était que 100 en 1950.
Cette prolifération croissante des OIG pose ainsi le problème de leur classification. Si on
veut mettre l’accent sur la technique juridique, il faudrait les classer en organisations
internationales, et organisations supra-nationales, si on veut insister au contraire sur le
domaine d’activités , on opposera les OIG à but politique et les OIG à but techniques par
exemple spécialisées , si enfin, aimerait les classer selon leurs domaines géographiques, on
opposerait les OIG à vocation universelles et les OIG à vocation régionales. Tout ceci, pour
dit que la classification des OIG n’est pas aisée et aucune d’entre elles ne sauraient être
exhaustive. D’où un exemple des différentes OIG
v Les organisations universelles à compétence étendue : l’ancienne Société des
Nations (SDN) et l’Organisation des Nations Unies (ONU)
v Les organisations de caractère continental ou régional : L’Union Européenne (UE),
l’Union Africaine (UA), Organisation des Etats Américains
v Les organisations spécialisées : Organisation de l’Aviation Civile Internationale
(OACI), Organisation Internationale du Travail (OIT), Organisation Mondiale de la
Santé (OMS), Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la
Culture (UNESCO). Les OIG spécialisées sont régies par le principe de la spécialité
qui commande que les décisions émanant de ces OIG doivent être conformes aux
domaines et objectifs fixés par l’acte constitutif (charte, pacte, traité etc..).
S’il est certes vrai , qu’il n’existe pas de logiques communes concernant l’organisation
et la structure interne des OIG (ces dernières sont régies par l’acte constitutif), il reste
cependant que les OIG présentent des traits généraux qui leur sont propres comme la création
et la participation des membres, l’autonomie de gestion et la participation juridique des OIG.
A ces éléments, on pourrait ajouter la double fonction qui est la leur au niveau des
relations internationales.
En effet, les OIG remplissent deux rôles majeurs d’une part, ils sont un espace de
dialogue et d’autre part un centre de décision et de responsabilité.
26
L’espace de dialogue permet ainsi aux Etats de nouer des dialogues que le niveau
bilatéral ne suffisait pas rendre possible. C’est aussi un centre de décision et de responsabilité
au regard de certains espoirs fondés sur la capacité de certaines OIG à réguler des crises ou
simplement les tensions, par des initiatives politiques concrètes voire par des interventions
directes.32
En dépit de ces fonctions, les OIG sont aussi l’objet de nombreuses critiques liées aux
procédures administratives et budgétaires lourdes33. Des critiques qui ont un tant soit peu
réduit leur prolifération croissante au profit d’autres acteurs dits non étatiques , appelés aussi
transnationaux (Section 2).
Section 2 : Les acteurs non étatiques
Sont regroupés sous le vocable non étatiques, les acteurs qui par opposition à l’Etat, n’ont
aucun lien avec l’Etat, c’est-à-dire, qui n’appartienne juridiquement ou ne dépende
directement d’aucune administration ou agences d’Etat. Il s’agit en réalité des acteurs
relevant de la sphère privée soit qu’il soit des simples individus ou bien des personnes
morales de droit privé. On peut dès lors ranger dans cette catégorie des acteurs aussi variés
que sont les Organisations Non Gouvernementales (ONG), les associations, les entreprises,
les religieux (les représentants des trois religions monothéistes) ou encore les simples
individus citoyens.
Nous accorderons une attention particulière aux ONG en raison de l’essor considérable
qu’il connaisse depuis le XXe siècle.
Particulièrement nombreuses actuellement dans le monde, elles sont près de 2000. Elles
se définissent d’une manière négative, selon la résolution du Conseil économique et social
des Nations Unies du 27 février 1950 qui précise : « toute organisation internationale qui
n’est pas créée par voie d’accords intergouvernementaux sera considérée comme une
organisation non gouvernementale ».
Les ONG sont donc de nature privée, groupent des personnes privées mêlées parfois à des
personnes publiques, mais pas à des Etats. Ne poursuivant pas de but lucratif, mais dotées des
moyens parfois très puissants, elles possèdent la personnalité morale, mais il n’existe aucun
statut international et leur régime juridique propre varie selon les pays.
32 Amélie BLOM et Fréderic CHARILLON, Op cit, P.100 33 Voir, Franck Petiteville, « Les organisations internationales », in collection, Les Notices, relations internationales, Novembre 2012.
27
Cela n’empêche pas pour autant que les ONG entretiennent des liaisons avec les grandes
OIG. Par exemple, leur rapports avec l’ONU sont prévus par la charte elle-même dont
l’article 71 indique : « Le conseil économique et social peut prendre toutes dispositions utiles
pour consulter les ONG qui s’occupent de questions relevant de sa compétence. Ces
dispositions peuvent s’appliquer à des organisations internationales et s’il y a lieu, à des
organisations nationales après consultation du membre intéressé de l’Organisation ».
Nouvellement, la Résolution du 25 Juillet 1996 est venu codifier les rapports entre ONG
avec des principes de base déterminés aux paragraphes 8 à 13, qu’une ONG peut être
nationale, régionale, sous-régionale ou internationale, qu’elle doit être dirigée
démocratiquement et que ses financements doivent être d’origine privée mais que rien
n’interdit les financements publics si ceux-ci sont clairement identifiables.
Dès lors, les ONG remplissent divers types de services et fonctions : humanitaires,
d’information aux gouvernements sur les préoccupations de leurs citoyens, de surveillance
des politiques des gouvernements et de promotion de la participation politique au niveau
communautaire. Elles fournissent des analyses et expertises, servent de mécanisme d’alerte
avancée et aident à superviser et mettre en œuvre les accords internationaux. Certaines sont
organisées autour de questions spécifiques telles que les Droits de l’Homme, l’environnement
ou la santé.
Comme pour les OIG, les ONG posent également le problème de leur classification. La
classification des ONG peut se baser sur le critère géographique. Ainsi; on peut distinguer les
ONG internationales des ONG nationales ou régionales, on peut aussi faire la différence entre
les ONG européennes et celles africaines, ou entre les ONG du nord et du sud; bien sur, la
classification selon le critère géographique n’implique pas seulement une distinction sur le
niveau de l’espace, mais aussi sur plusieurs autres critères tels économiques, culturels et
politiques.
v Selon le domaine d’activités : Amnesty International et Human Rights Watch (droits
de l’homme), WWF et Greenpeace (protection de l’environnement), Médecins Sans
Frontières et Solidarités internationales (humanitaire).
v Les ONG ayant un statut consultatif auprès des Nations Unies (ECOSOC)
Le comportement de ces acteurs (Etat, OIG, ONG) sur la scène internationale a donné lieu
à un ensemble de théories explicatives rentrant dans le cadre des théories des relations
internationales (Chapitre III)
28
CHAPITRE III- LES THEORIES DES RELATIONS INTERNATIONALES
Avant d’aborder la question des théories des relations internationales, il convient de
donner une définition du terme « théorie ».
Du mot grec « theoros » qui signifie « spectateur, témoin » et du verbe subséquent
« theorein » qui signifie « observer avec émerveillement ce qui se passe, pour le décrire,
l’identifier et le comprendre », la théorie était alors assimilable comme « toute expression (…)
cohérente et systématique de notre connaissance de réalité 34». Cette conception large de la
théorie reposant sur une contemplation du monde qui a longtemps prévalu, n’est plus admise
en sciences sociales du fait qu’elle pouvait faire appel aux émotions, aux intuitions , voire des
préjugés métaphysique. Dorénavant, la théorie est définie de manière plus strict, c’est-à-dire
de façon scientifique. Désormais, est considérée comme théorie, « tout travail de connaissance
fondé sur le raisonnement logique et la confrontation empirique ».
Appliquer la théorie au domaine des relations internationales, revient donc à essayer de
comprendre les comportements de ces acteurs à travers notamment « la simple exposition des
faits politiques tels qu’ils existent ». C’est en d’autres termes, chercher à donner un sens, une
signification aux phénomènes internationaux. Ainsi, la recherche de la vérité, des sens, a vite
posé le problème des approches des relations internationales (comme partout ailleurs en
sciences sociales). Des approches se résumant à l’antagonisme entre la conception explicative
et la conception interprétative.
Pour les tenants de l’approche explicative, les relations internationales peuvent l’objet
d’une explication comparable à ce qu’il fait dans les sciences exactes (sciences naturelles), car
ils estiment que les relations internationales sont déterminées par des causes objectives
existant indépendamment de la conscience que peuvent avoir les acteurs et que les mêmes
causes provoquent les mêmes effets35.
En revanche, pour les partisans de l’approche interprétative, les relations internationales
doivent être interpréter au lieu d’être expliqué, vu que les objets qu’étudient les sciences
sociales, parce qu’ils s’insèrent dans les contextes spécifiques, sont radicalement différents
des objets des sciences de la nature36. D’où un célèbre auteur de dire : « l’homme on le
comprend, la nature on l’explique ».
34 Rappelons que le theoros était l’envoyé des cités grecques à Delphes, avec pour mission d’y observer les oracles et de les rapporter, voire d’en expliquer la signification. 35 Dario BATTISTELLA, op cit, P.30 36 Ibidem, P.31
29
C’est en tenant compte de ces différentes conceptions que les théories en relations
internationales sont désormais légions à telle enseigne que l’on retrouve les théories dites
classiques des relations internationales (Section 1) et les autres que l’on appelle
communément les nouvelles théories des relations internationales (Section 2)
Section 1 : Les théories classiques des relations internationales
Les théories classiques des relations internationales regroupent la théorie réaliste (Sous-
section 1), la théorie libérale (Sous-section 2) et la théorie marxiste. (Sous-section 3).
Sous-section 1 : La théorie réaliste
Le réalisme depuis la fin de la seconde guerre est sans conteste le paradigme dominant et
central des relations internationales. L’école réaliste propose une vision des relations
internationales qui s’efforce de voir « le monde tel qu’il est et non tel que l’on voudrait qu’il
soit au nom de quelque idéal ».
En effet, pour les réalistes le monde est gouverné par des lois objectives ou
caractéristiques immuables, le changement ou le progrès n’est possible que s’il est fondé sur
la connaissance et la prise en compte de ces contraintes. La préoccupation première des
réalistes est donc de comprendre ces contraintes grâce à une observation objective de la
réalité.
Issue d’une longue tradition historique associée notamment Thucydides (471-400 av.
J.C.), Nicolas Machiavel (1469-1527) et l’anglais Thomas Hobbes (1588-1679), Carl von
Clausewitz (1780-1831), pour les plus anciens d’entre eux, et Edward Hallett Carr’s,
Raymon ARON, Henry Kissinger sont les auteurs du XXe siècle, la théorie réaliste peut être
résumé selon les quatre positions principales suivantes37 :
L’état d’anarchie dans lequel se trouvent les relations internationales est
synonyme d’état de guerre, car il n’existe aucune autorité centrale susceptible
d’empêcher à la violence armée de la part des acteurs internationaux :
37 Ces auteurs et leurs principaux ouvrages seront abordés à la fin du cours, au niveau des références bibliographiques.
30
Les acteurs principaux des relations internationales sont les groupes de conflits
et, depuis qu’existe le système interétatique westphalien, ces groupes sont
essentiellement des Etats organisés territorialement ;
Incarnés dans le chef du pouvoir exécutif, les Etats sont des acteurs rationnels qui
cherchent à maximiser leur intérêt national défini en termes de puissance eu
égard aux contraintes du système international
L’équilibre des puissances est le seul mode de régulation susceptible d’assurer
non pas la paix, mais un ordre et une stabilité internationaux forcément précaires,
car dans l’histoire sans fin des relations internationales, il n’y a pas de progrès
possible.
Grosso modo, pour la très grande majorité des réalistes, les relations internationales
sont strictement les rapports politico-diplomatiques et stratégiques qu’entretiennent entre eux
les Etats souverains dans un cadre bilatéral ou multilatéral informel. Ces rapports sont
nécessairement caractérisés par la rivalité ou la compétition, d’une part, parce que chaque Etat
vise naturellement et constamment à défendre et à accroître sa puissance politique et militaire;
d’autre part, parce que la puissance est inégalement répartie au sein de la société
internationale; enfin parce qu’il est impensable que les Etats acceptent de se soumettre à une
autorité centrale qui les obligeraient à coopérer entre eux. C’est uniquement pour cette
dernière raison que la société internationale est anarchique, et non pas parce qu’elle est
entièrement dépourvue d’ordre et livrée totalement à la violence. Les Etat souverains adhèrent
librement et volontairement à des ententes et à des règles qui maintiennent la dynamique des
conflits inter-étatiques dans un cadre pacifique.
Toutefois, l’instauration d’une paix perpétuelle est inimaginable en raison de la
souveraineté, des ambitions, des inégalités et de la méfiance mutuelle des Etats qui les placent
dans un dilemme de sécurité. Le recours à la force est inévitable, mais il n’est pas souhaitable
et peut être limité. La guerre n’est pas souhaitable parce que, bien qu’elle permette de
redistribuer la puissance et d’instaurer une rotation de la suprématie entre les Etats.
Il appert donc que la puissance et le conflit sont pour les réalistes au cœur du système
international, des visions belligènes que la théorie récuse fortement.
Sous-section 2 : La théorie libérale
31
La théorie libérale est volontiers considérée comme la deuxième approche générale
principale en Relations Internationales en opposition au réalisme. La théorie libérale reste
intimement liée au libéralisme. En effet, les adeptes de l’approche libérale des Relations
Internationales sont les premiers à reconnaitre que « la dimension internationale du
libéralisme n’a guère été autre chose que la projection à l’échelle mondiale de la philosophie
libérale 38» et que cette dernière, fille du siècle des lumières constitue elle-même davantage
une attitude mentale qu’un corps de doctrine.
Si elle présente l’inconvénient de ne pas constituer une doctrine homogène, elle exerce
pourtant une influence forte sur la réflexion en Relations Internationales et a donné lieu à des
concepts, voire des méthodes politiques que l’on ne peut se permettre d’ignorer (la paix
démocratique, la paix par le marché etc…).
Héritière des pensées philosophiques (Erasme, Kant, et bien d’autres), la théorie libérale
met l’individu au centre de ses préoccupations, il l’appréhende non pas comme un « animal
politique », mais comme un être rationnel doué de raison, un être libre de tout lien social et
apolitique. C’est surtout un individu doté de droits naturels qui ne connaît pas d’unité de
valeur supérieure à lui-même et dont la raison s’exerce par le calcul de ses intérêts propres
Cette situation engendre ainsi une concurrence entre les individus, laquelle est génératrice
d’équilibre et de progrès. La société est possible en tant que somme des intérêts individuels
égoïstes car « les relations sociales se fondent sur l’échange des biens, matériels comme
symboliques, possédés par les uns et réclamés par les autres. » ; Ceci étant, les libéraux
ajoutent que, pour que chacun trouve son compte dans l’échange, il faut que ce dernier soit
régulé par des lois qui garantissent des conditions égales de concurrence à tous.
Transposé à l’échelle internationale, la théorie libérale commande que les Etats même
s’ils rivalisent pour la défense de leurs intérêts propres-comme les individus sont en
compétition au sein de chaque Etat pour la satisfaction de leurs intérêts et besoins-, leurs
relations peuvent être pacifiées et civilisées au même titre que les relations interpersonnelles,
si elles sont fondées sur le capitalisme, le droit et la démocratie.
Il s’agit de mettre un système commun de droits et de devoirs à même d’assurer une paix
permanente. C’est ainsi donc que l’essence du libéralisme consiste à favoriser certains
principes, aussi bien dans les relations entre gouvernements que dans les relations entre
individus : la paix, le progrès, le compromis, la liberté, la démocratie etc…
38 Stanley Hoffman, « The crisis of International Liberalism »,
32
Dès lors, la théorie libérale apparait comme une négation de l’incompatibilité entre l’ordre
politique interne et l’anarchie dus système international telle qu’établie par les réalistes. Pour
les libéraux, par exemple, il existe une analogie entre les relations pacifiques entre les
individus à l’intérieur d’un Etat libéral et les relations pacifiques des Etats entre eux (dans le
système international). Il devient alors possible de combattre l’anarchie puisque celle-ci n’est
plus nécessairement incohérente à l’ordre international. 39
Théorie réaliste, théorie libérale, reste plus qu’à s’interroger sur la théorie marxiste afin
de comprendre son apport dans les relations internationales (Sous-section 3).
Sous-section 3 : La théorie marxiste
Le troisième courant est d’essence plus particulière, puisqu’il prend sa source chez un
penseur, Karl Marx (1818-1883) dont les travaux ont directement inspiré des dirigeants
politiques (comme Lénine) et même au moins dans la rhétorique officielle, un système
politique notamment l’Union Soviétique.
Comme le réalisme et le libéralisme, la théorie d’inspiration marxiste à l’ambition d’une
analyse globale et tente de déterminer la variable explicative générale des relations
internationales au-delà des cas particuliers. Mais, contrairement, aux deux première théories,
qui placent les facteurs politiques au centre de leurs analyses (recherche de la puissance pour
le réalisme, nature des relations Etat-société pour le libéralisme), le marxisme accorde la
priorité aux rapports de force économique : ceux qu’impose la logique capitaliste de
l’exploitation en divisant le monde en « un centre et une périphérie »40.
Les marxistes affirment que les lois naturelles du capitalisme – la recherche du profit
maximal et la baisse tendancielle du taux de profit – engendrent inévitablement la
concentration du capital et des moyens de production, ce qui provoque des crises de sur
production, une augmentation du chômage et un appauvrissement des classes opprimées.
En se développant le capitalisme crée donc, selon eux, des conditions objectives
favorables à la révolution socialiste mondiale. Cette révolution ne peut être victorieuse que si
elle est dirigée par le prolétariat, d’une part parce que c’est cette classe qui est la productrice
du profit; d’autre part, parce que le prolétariat n’a rien à perdre et tout à gagner dans cette
39 Amélie BLOM et Fréderic CHARILLON, Op cit, P.31 40 Ibidem, P.49
33
révolution puisque, contrairement aux autres classes, incluant la paysannerie, il est dépossédé
de toute propriété.
Pour les marxistes, la politique internationale ne peut donc être comprise que comme un
effet de la structure économique dominante, c’est-à-dire le système capitaliste mondial. Car,
selon Karl Marx, toute l’histoire de l’humanité est celle de la lutte des opprimés contre les
oppresseurs (esclaves contre maitres, plébéiens contre patriciens, prolétaires contre bourgeois
etc …).
Cette dualisation de la société internationale inspire ultérieurement, en Relations
Internationales la vision d’un monde divisé entre « un centre » (les dominants essentiellement
les grands pays industrialisés) et une périphérie (les dominés essentiellement les Etats issus de
la décolonisation). Ainsi, la domination capitaliste comme exploitation est au centre des
relations internationales, à telle enseigne que l’on observe une exploitation par le commerce
du fait de l’inégalité des termes de l’échange, exploitation des ouvriers du Sud par les firmes
multinationales (FMN) etc…
Seule une révolution pourra mettre un terme à cette exploitation capitaliste, d’où la
célèbre formule du manifeste : « prolétaires de tous les pays, unissez-vous ». Il faut dire que
la théorie a inspiré d’autres courants de pensée que sont l’analyse d’inspiration léniniste41, la
théorie de la dépendance 42et la théorie du système-monde43.
Ces théories qui viennent d’être analysées sont qualifiées de classiques et ont été
grandement critiquées à telle enseigne que des nouvelles théories ont fait leur apparition afin
d’expliquer les phénomènes internationaux (Section 2).
Section 2 : Les nouvelles théories des relations internationales
Suite aux failles des théories classiques, ces dernières années, plusieurs tentatives de
renouvellement des théories des relations internationales, ont émergé. Ce renouveau n’est pas
homogène, on y retrouve des démarches fortes différentes les unes des autres, parmi
41 La théorie léniniste emprunte à Karl Marx sa théorie de lutte des classes et s’en distingue par deux points. Pour lui, le capitalisme est intrinsèquement lié expansionniste et estime que le capitalisme a rendu impossible l’harmonie entre les intérêts des bourgeois et ceux des prolétaires. 42 Forgée dans les années 1960 en Amérique latine, elle vise à expliquer le sous-développement par le fait que la périphérie se trouve dans une situation de « dépendance structurelle vis-à-vis du centre ». 43 Développée par Emmanuel Wallerstein en 1970, elle appréhende le système international comme une structure stratifiée ou chaque nation remplit une fonction nécessaire au bon déroulement de la division internationale du travail.
34
lesquelles le constructivisme (Sous-section 1) et la sociologie des relations internationales
(Sous-section 2) se distinguent particulièrement.
Sous-section 1 : Le constructivisme
Le constructivisme est d’abord « une façon d’étudier les relations sociales,-n’importe
quelles relations sociales-, à parti de l’hypothèse des « êtres humains comme êtres
sociaux 44», plutôt que d’être des individus instrumentalement rationnels guidés par une
logique des conséquences, ou de l’efficacité, c’est-à-dire maximisant leur utilité donnée une
fois pour toutes.
Appliqué en Relations Internationales, le constructivisme qui se concentre de façon
générale sur les faits sociaux, c’est-à-dire les objets qui, tels l’argent, la souveraineté, les
droits, n’ont pas de réalité matérielle, tente d’explorer les identités, les normes et les intérêts
dans les relations internationales.45 Le constructivisme donne un statut ontologique aux idées
et aux faits sociaux– qui sont considérés comme pouvant causer des effets concrets ainsi que
des forces matérielles, plus précisément il vise à démontrer comment les aspects essentiels des
relations internationales sont socialement construits – procédés continus de la pratique sociale
et de l'interaction.
Essentiellement, le fruit des auteurs, tels Emanuel Adler, Michael Barnett, Nicholas
Onuf, pour n’en citer ceux-là , le constructivisme présente quelques limites liées au manque
d’études empiriques, débats internes sur base de l’approche confuse , et ne convainc pas
totalement en appliquant aux relations internationales des méthodes qui n’ont pas été
imaginées pour elles. D’où l’intérêt de la sociologie politique des relations internationales
Sous-section 2).
Sous-section 2 : La sociologie des relations internationales
Les valeurs étant réintégrées dans l’analyse des relations internationales ; il restait à
redécouvrir les acteurs, à cet égard l’apport de la sociologie des relations internationales est
édifiante. Il faut d’abord préciser que cette démarche ne prétend ni enterrer les acquis du
44 N. ONUF, « constructivism. A User’s Manual », dans V. Kubalkova et al, International Relations in a constructed World, Armonk (N.Y), Sharpe, 1998, P.58-78 45 Adler Emanuel, « Seizing the Middle Ground: Constructivism in World Politics », European Journal of International Relations, vol.3, n°3, 1997, pp.319-363.
35
réalisme, du libéralisme ou du marxisme, ni supplanter les approches constructivistes, il s’agit
en revanche de poursuivre l’approfondissement de l’analyse des relations internationales, en
intégrant des problématiques issues des sciences politiques. La ou les trois grandes théories
privilégiaient le système, on redécouvre l’acteur. La où le constructivisme soulignait
l’aliénation de ce dernier, on redécouvre sa liberté d’action.
En fait, la sociologie des relations internationales subsume la mise en scène a priori de
tous les acteurs de relations internationales, puis l’étude des effets de leurs rencontres dans
une société devenue mondiale (Etats, OIG, ONG, firmes multinationales, groupes religieux,
individus). Ainsi, les relations possibles entre ces acteurs sont multiples pouvant aller de la
confrontation à la coopération et vice-versa, en passant par des rapports plus subtils. De
même, la séparation entre l’analyse politique interne et l’analyse politique internationale n’est
plus tenable, les frontières sont désormais transcendées par les flux de réseaux et d’acteurs.
Enfin, elle se propose de donner une analyse globale des relations internationales,
laquelle nous conduit à une triple recomposition de ces relations. Une recomposition du savoir
tout d’abord, avec des instruments conceptuels nouveaux, une recomposition des principes,
ensuite avec la redécouverte de nouveaux principes (identité, culture, réseaux de solidarité) et
une recomposition des pratiques enfin, car les stratégies des acteurs s’adaptent à ce nouveau
contexte et il appartient à l’observateur de les décrypter et les interpréter.
Il serait donc intéressant de voir comment se mue ces théories dans la pratique
internationale (Chapitre IV)
CHAPITRE IV : LA VIE INTERNATIONALE
La vie internationale s’exprime par l’existence des différents rapports que peuvent nouer
les Etats entre eux. L’étude de la vie internationale se veut donc dynamique dans la mesure ou
la société internationale est une société vivante ou on y observe des rapports assez variés et
diversifiés comme la coopération, la paix, la guerre, l’intégration régionale, la puissance etc..
En effet, les relations internationales ne sont pas la simple somme des politiques
étrangères des Etats. Elles constituent en effet, comme on l’a vu, un système complexe dont la
structure n’est pas sans influence sur le comportement des entités qui le composent. Dans le
cadre de ce système, interviennent toute une série de processus d’interactions impliquant deux
ou plusieurs acteurs internationaux. Ces processus ne sont pas uniquement le reflet du
36
comportement des acteurs concernés, mais ils ont leur dynamique propre qui échappe en
partie au contrôle de ces acteurs.
Les relations internationales constituent un objet d’études extrêmement vaste puisqu’il
englobe les rapports de toute nature que les organismes publics et privés, les groupements de
personnes et les individus des divers États ont noués entre eux dans le passé, entretiennent
dans le présent et prévoient développer dans le futur.46
C’est sans doute pourquoi le présent chapitre sera articulé autour de la politique étrangère
(Section I), avant de jeter un regard sur le processus de guerres et de paix (Section II) , pour
enfin comprendre la logique des processus de coopération et d’intégration (Section III).
Section I : La politique étrangère En dépit de l’émergence d’autres types d’acteurs internationaux, l’Etat demeure
aujourd’hui l’acteur central des relations internationales. C’est autour de lui que se structure
tout le système international. La politique étrangère est donc inévitablement au cœur de toute
réflexion sur les relations internationales.
Ainsi, la politique étrangère correspond aux choix stratégiques et politiques des plus hautes
autorités de l’État. Elle est donc comme le souligne Marcel MERLE : « […] la partie de
l’activité étatique qui est tournée vers le “dehors”, c’est-à-dire qui traite, par opposition à la
politique intérieure, des problèmes qui se posent au-delà des frontières47. »
Par la politique étrangère, l’Etat cherche à répondre au comportement des autres acteurs
internationaux, et d’une manière plus générale, agir sur son environnement pour le conserver
tel quel quand il lui est favorable et le transformer quand il lui parait est défavorable. En
d’autres termes, l’Etat cherche à travers sa politique étrangère à au moins maintenir et
conserver et au mieux à accroitre ses capacités d’influence à l’extérieur du territoire national.
Par rapport aux autres politiques publiques, la politique étrangère présente des
caractéristiques à bien des égards spécifiques. L’une des caractéristiques premières est le fait 46 Diane ETHIER, Introductions aux relations internationales, quatrième édition, Presses Universitaires de Montréal, 2010, P.9 47 Marcel MERLE, La politique étrangère, Paris, Presses Universitaires de France, 1984, P.7
37
qu’elle échappe en grand partie au contrôle. Si le domaine ou s’exercent les autres politiques
publiques s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté territoriale, marqué par un ordre
juridique bien défini, le champ des relations internationales , par contre est un milieu en partie
« anarchique » caractérisé par des centres de pouvoirs multiples et concurrentiels, qu’aucune
puissance n’a jamais pu contrôler.
Deuxièmement, les profondes mutations que connurent les relations internationales ces
dernières années (menaces asymétriques, terrorisme, crise financières etc…) ont
considérablement accru l’importance des relations internationales dans la vie des sociétés.
Dès lors, pour parvenir aux missions qui lui sont assignées, la politique étrangère dispose
d’un ensemble de moyens et d’outils à l’image notamment de la diplomatie qui l’exprime, de
l’armée qui la soutient et la police qui la couvre.48
La diplomatie est donc la mise en œuvre de la politique étrangère par l’intermédiaire des
diplomates. La politique étrangère est conçue comme un ensemble de décisions
intentionnelles entreprises par l'autorité politique en vue de maximiser ses objectifs dans un
environnement donné. C'est à dire analyser cette décision et en arriver à la conclusion qu'elle
sera celle qui parviendra le plus à ses objectifs.
Sous-section 1 : L’impossible dissociation entre politique interne et politique étrangère
Bien que distinctes, politique interne et politique étrangères, constituent la même face d’un
projet social et politiques. Ces deux types de politique émanent des mêmes institutions. Loin
d’être contradictoires, elles semblent désormais complémentaires à telle enseigne que l’on
remarque une interaction non négligeable entre ces deux domaines, la politique étrangère
tendant, d’une part, à interférer souvent dans le processus de la politique interne et d’autre
part, les choix de politique interne pouvant avoir une influence directe sur le secteur de la
politique étrangère.
Face à l’interdépendance entre nations qui caractérise, le monde qui est le nôtre, le destin
d’un Etat se joue en même temps à l’intérieur et à l’extérieur des frontières. Car, entre la
scène mondiale et la scène nationale, il n y’a plus aucune cloison, aucune séparation. C’est
48 General Charles DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1959, P.627
38
une seule et même politique qui doit être conduite « au-dedans » et « au dehors » avec des
moyens différents, certes, mais avec les mêmes objectifs et la même détermination.
Ainsi, une grande partie des choix de politique étrangère ne sont pas sans influence sur
le fonctionnement interne des sociétés. En effet, le débat de politique interne est alimenté par
les grandes orientations prises par la politique étrangère. Que ce soit en matière de défense,
dans le domaine économique ou encore dans celui des affaires culturelles, ces orientations
peuvent susciter des réactions et amener des controverses. C’est la raison pour laquelle, la
politique étrangère, notamment aux USA, occupe une place de choix dans les élections
présidentielles.
De l’autre côté, la vie politique intérieure et ses enjeux influent souvent de manière
directe, voire même déterminante, sur l’élaboration et les décisions en matière de politique
étrangère. Cette influence de la politique interne sur l’élaboration de la politique étrangère est
tout particulièrement soulignée par la conception marxiste des relations internationales. Pour
eux, par exemple, c’est le fonctionnement du système économique et social de l’Etat qui
détermine sa politique étrangère.
Sous-section 2 : L’analyse de la politique étrangère
L’analyse de la politique étrangère se fera à travers l’analyse des facteurs déterminants
de cette dernière pour mieux appréhender le processus décisionnel de la politique étrangère.
En ce qui concerne, les déterminants de la politique étrangère, il convient de dire que
celle-ci procède de nombreux facteurs. On peut ainsi, distinguer deux grandes catégories de
déterminants ceux qualifiés de facteurs internes et les autres appelés facteurs externes.
Par déterminants internes, il faut entendre tous les facteurs qui se rattachent aux acteurs
étatiques (structures sociales, politiques, économiques, ressources et caractéristiques
géographiques, personnalité des responsables politiques) alors que les déterminants externes
font référence aux facteurs propres à l’environnement de l’Etat (système international, action
d’autres Etats etc...)
• Les déterminants internes de la politique étrangère (facteurs physiques, facteurs
structurels, et les facteurs culturels et humains)
39
- Les facteurs physiques
Ils comportent une triple dimension la situation géographique (positionnement du
Maroc par exemple), les ressources naturelles (degré de dépendance des Etas à l’égard de
l’extérieur) et la situation démographique (Chine, Inde)
- Les facteurs structurels
Ils peuvent être regroupés en deux grandes catégories : d’une part, le groupe de facteurs
formels, ayant trait à la nature et à la forme des institutions politiques et économiques (type de
régime politique, économie de marché, économie planifiée etc…). D’autre part, il est question
du groupe de facteurs informels ayant trait à l’organisation des partis politiques, à leur type,
taille et degré d’influence.
- Les facteurs culturels et humains
Sous cette catégorie, on peut regrouper les variables aussi diverses que la culture proprement
dite, l’idéologie, les mentalités collectives, l’opinion publique. La culture (système de valeurs,
langue, religions) peut avoir une influence notable sur la politique étrangère d’un Etat.
Quant à la démographie, celle-ci n’est plus à démontrer dans le cadre de la politique
étrangère d’un Etat.
Les déterminants externes sont intimement liés à l’environnement et le système
international dans lesquels sont insérés les Etats.
Pour ce qui est du processus décisionnels de la politique étrangère, Raymond ARON dans
son analyse des acteurs de la politique étrangère recensait trois grandes catégories d’acteurs
que sont :
- le chef d'Etat (celui qui décide), c'est une politique extrêmement personnalisée sur une
seule figure même en démocratie
- le diplomate (celui qui exécute et parle au nom de l'Etat en matière de politique
étrangère)
- le soldat (celui qui exécute au nom de l'Etat lorsque le diplomate échoue), c'est la
guerre
40
Raymond Aron établit la une vision très simpliste, or l’analyse du processus décisionnel
et son influence sur la politique étrangère est toutefois un exercice complexe, car relevant
simultanément de plusieurs cadres explicatifs (choix rationnels, résultat de négociations,
fonctionnement d’un ensemble d’organisations gouvernementales etc...)
L’analyse de la politique étrangère comme élément déterminant des rapports entre Etats
étant analysés, quels regards peut-on porter sur les questions de guerres et de paix, lesquelles
constituent la thématique récurrente des relations internationales (Section II)
Section 2 : Guerres et paix en relations internationales
On le dira jamais assez toute l’histoire des relations n’est qu’une histoire de guerres et de
paix. D’où est-il utile de s’interroger avant tout sur les processus conflictuels (sous-section 1)
pour mieux cerner leurs contraires qui ne sont d’autres que les processus pacifiques (Sous-
section 2)
Sous-section 1 : Les processus conflictuels
Les conflits ont toujours existé dans toutes les cultures, les religions et les sociétés
depuis des temps immémoriaux. L’on peut même affirmer sans ambages qu’ils sont
consubstantiels à la nature humaine. Dans les familles, les entreprises, entre les Etats, le
conflit semble être un fait social, largement partagé.
Au local comme à l‘international, les conflits foisonnent. rares sont les collectivités
humaines qui indépendamment de leur nombre, taille ou étendue, ne connaissent pas le
phénomène du conflit. Nul besoin de dire, qu‘ils peuvent se développer dans n'importe quelle
situation où les gens sont appelés à interagir, dans toutes les situations où deux ou plusieurs
personnes ou groupes de personnes ont l'impression que leurs intérêts sont opposés, et que ces
intérêts ne peuvent pas être remplis à la satisfaction de toutes les parties concernées.
La guerre, l'usage de la force est souvent vu comme l'ultime recours dans les Relations
Internationales. Pour Clausewitz, « la guerre est la continuation de la politique par d'autres
moyens ». L'étude de la guerre dans le champ des Relations Internationales est du ressort de
deux disciplines : les études militaires et les études stratégiques
41
Malgré tous les progrès dont se targue l’humanité, les conflits armés n’ont jamais été aussi
violents, étendus et meurtriers. Ces processus conflictuels peuvent être abordés sous
plusieurs angles différents : celui de la conduite de la stratégie, celui de la recherche des
causes etc…
Dans la première hypothèse, on se place du point de vue de la conduite à adopter pour
gagner face à l’adversaire, sans se poser de questions sur l’origine et la finalité du conflit. En
effet, dans l’optique de la stratégie, on part de l’existence de situation d’opposition et de
conflits et l’on recherche à analyser ces situations rationnellement, non pour en comprendre
les causes et encore moins pour y trouver des remèdes. Plus précisément, il est question de
savoir comment utiliser la force ou la menace de la force pour atteindre certains buts. De
manière, plus précise, on cherche à déterminer quel est le comportement le plus adéquat
permettant d’influencer ou de contrôler l’adversaire et de lui imposer sa volonté dans une
situation conflictuelle.
La pensée stratégique ne se limite toutefois pas à la seule conduite des opérations
militaires ; elle englobe aussi l’analyse des moyens de prévention des affrontements armés et
de a préparation des forces49.
Sur un tout autre plan, la recherche des causes de conflits est une démarche de nature
sociologique. Parallèlement, à cette réflexion sur le « pourquoi » des conflits, cette approche
cherchera également à mettre en lumière les diverses formes de conflits et les éléments
dynamiques qui leur sont propres.
Pour les conflits liés aux acteurs étatiques, il est ainsi possible de prendre en
considération des facteurs aussi divers que la situation géographique, l’existence ou l’absence
de ressources naturelles, la situation démographique (on pense notamment aux conflits
frontaliers, aux conflits politiques).
Ces différents facteurs est un préalable nécessaire pour la compréhension de la typologie
des conflits impliquant l’acteur étatique. En effet, cette typologie se retrouve chez la majorité
des auteurs sous le triptyque conflit intraétatique, transnational / transétatique, et conflit
interétatique50. L‘unité fondamentale sur laquelle repose cette classification est l’Etat en tant
49 Philippe BRAILLARD et Mohammad-REZA DJALILI, les relations internationales, op cit, P.105 50 Richard Garon et Dany Deschenes, « Vers une nouvelle typologie des conflits ? », Symposium des étudiants des études supérieures de l’institut canadien des associations de défense, Kingston, 26 octobre 2007,25p.
42
que régulateur de la vie sociale. Ceci parce que les conflits politiques interétatiques
renverraient aux oppositions violentes entre deux ou plusieurs souverainetés. Ensuite, les
conflits politiques intraétatiques seraient des conflits qui se dérouleraient au sein de l‘Etat en
proie à une fragmentation de la violence politique. Ce serait des conflits qui mettraient au
prise, l‘Etat et des insurgés généralement liés juridiquement au même Etat. Enfin, les conflits
transétatiques, à mi-chemin entre le conflit intraétatique et interétatique, renverraient aux
conflits politiques qui opposent un Etat à des acteurs non étatiques armés ne connaissant pas
des limites de frontières51.
Si les processus conflictuels sont aussi importants en relations internationales, il en est
de même pour les processus pacifiques (Sous-section 2)
Sous-section 2 : Les processus pacifiques
La fabrication de la paix est une valeur centrale des relations internationales. Elle s’inscrit
à la fois dans une longue tradition philosophique illustrée notamment par Emmanuel Kant52 et
d’une réflexion juridique, qui s’est fortement développée dès le début du vingtième siècle.
C’est ainsi donc que le droit international a consacré l’essentiel de son activité sur la
recherche de la paix entre les Etats en mettant en place des moyens non contraignants comme
les règlements pacifiques de différends et d’autres moyens plus contraignants comme
l’intervention armée sous mandat des Nations Unies.
Pour les règlements pacifiques des différends, le droit international a mis en place de
nombreuses dispositions. C’est ainsi que la convention de la Haye du 18 octobre 1907 pour
les règlements pacifiques des conflits internationaux reconnait plusieurs moyens de
règlements alternatifs de règlements de conflits.
En effet, les articles 1 et 2 du titre II de cette convention énonce ainsi que :
Art 1 : En vue de prévenir autant que possible le recours à la force dans les rapports entre
les Etats, les Puissances contractantes conviennent d’employer tous leurs efforts pour assurer
le règlement pacifique des différends internationaux.
51 Richard Garon et Dany Deschenes, loc.cit, p.19 52 Voir Emmanuel Kant, Projet de paix perpétuelle : Essais philosophiques, 1796,122p
43
Art 2 : En cas de dissentiment grave ou de conflit, avant d’en appeler aux armes, les
Puissances contractantes conviennent d’avoir recours, en tant que les circonstances le
permettront, aux bons offices ou à la médiation d’une ou de plusieurs Puissances amies53.
Restant dans la même logique et marquant même une sorte de régression par rapport à la
convention de la Haye, le pacte de la Société Des Nations qui viendra plus tard marquer une
étape additionnelle dans le processus d‘ancrage institutionnel des modes alternatifs de
règlement des différends, ne fit pas mieux que la convention de la Haye du 18 octobre 1907.
S‘il est toujours reconnu que les Etats doivent s‘abstenir du recours à la guerre, et que les
membres de la Société Des Nations doivent « accepter certaines obligations de ne pas recourir
à la guerre ». Le cadre juridique international institué par le pacte de la SDN, en particulier les
articles 12 à 15, invitaient seulement les membres de la Société des Nations à soumettre leurs
litiges à la procédure de l‘arbitrage ou à l‘examen du conseil60 qui devait user de ses
prérogatives reconnues par le pacte de la SDN pour trouver une solution aux différends des
Etats membres.
Se démarquant nettement du pacte de la Société des Nations, la Charte des Nations unies
entrée en vigueur le 24 octobre 1945, consacra davantage ces différentes postures du tiers
dans le règlement pacifique des différends. L‘expression médiation qui n‘apparaissait pas
dans le pacte de la S.D.N, est consacrée par la nouvelle charte au milieu d‘autres expressions
tels arbitrage, négociation, conciliation qui font eux aussi allusion à l‘idée du tiers dans une
relation conflictuelle. C’est l’idée qui ressort de la lecture du chapitre VI de la Charte des
Nations Unies en son article 33, lequel précise : « Les parties à tout différend dont la
prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationale
doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation, d’enquête, de
médiation, de conciliation, d’arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes
ou accords régionaux, ou par d’autres moyens pacifiques de leurs choix ».
L’avantage des modes de règlements pacifiques des conflits précités est qu’il permet aux
parties de trouver une autre alternative, qui est celle de la coopération, du dialogue. Des idées
que l’on retrouve au cœur du processus de coopération et d’intégration (Section III)
53 Convention pour le règlement pacifique des conflits internationaux disponible sur http://www.admin.ch/ch/f/rs/0_193_212/index.html consulté le 16 novembre 2014
44
Section 3 : Les processus de coopération et d’intégration
Bien que le système international soit marqué par le conflit et caractérisé par une certaine
anarchie, fondée sur la possibilité qu’ont les acteurs étatiques de recourir légitimement à la
force, il contient néanmoins une dimension coopérative dont l’importance est loin d’être
négligeable.
La présence d’un grand nombre d’entités politiques souveraines engendre certes le conflit,
mais en même temps crée certains besoins de coopération en raison de la nécessité de
survie54. Cette idée de coopération peut se faire à travers un cadre bilatéral, voire multilatéral,
mais peut aussi prendre la forme d’une intégration régionale.
Avant d’aborder, les différents aspects de la coopération, il est nécessaire de donner une
définition du terme coopération. La coopération internationale est, historiquement, un
phénomène récent. Elle date du dix-neuvième siècle, où elle apparaît en Europe dans un
contexte très spécifique, celui de l’hégémonie libérale. Mais les origines de la coopération
internationale se trouvent dans les circonstances troublées de l’Europe post-Westphalienne.
La coopération s’entend donc comme est une action d’aide et/ou d’échange économique,
financière, culturelle et technique entre plusieurs parties distinctes. Elle est dite internationale
lorsqu’elle l’aide ou l’échange est déborde les frontières des Etats. En effet, de plus en plus
d’associations solidaires, de sociétés coopératives et de collectivités mettent en place des
programmes de coopération, aux niveaux local, national et international (notamment entre les
pays industrialisés et les pays en développement), visant à faire partager, à transmettre et à
développer les cultures et les savoir-faire de tous les pays du monde.
Il existe plusieurs formes de coopération internationale en fonction des critères retenus.
Si l’on considère le type d’acteur, on aura d’une part la coopération intergouvernementale et
d’autre part la coopération non gouvernementale. Si l’on considère le domaine ou le champ de
la coopération, on parlera de : la coopération militaire, la coopération économique, la
coopération au développement et la coopération scientifique, universitaire et culturelle. Si l’on
met plutôt en exergue le nombre des acteurs, on distinguera la coopération bilatérale de la
54 Philippe BRAILLARD et Mohammad-REZA DJALILI, les relations internationales, op cit, P.111
45
coopération multilatérale…Si l’on retient le critère de niveau de développement ou du cadre,
on aura la coopération nord-sud, la coopération sud-sud, la coopération nord-nord…
La coopération internationale est généralement officialisée par un traité, un accord ou
bien une déclaration. Elle peut aussi être l'expression d'une amitié entre deux pays, comme
dans le domaine de l'aide humanitaire dans les pays en développement.
Ainsi, les processus de coopération qui se sont développés à la faveur de la croissance de
l’interdépendance ont, dès le dix-neuvième siècle, de plus en plus largement pris place dans le
cadre d’institutions internationales de nature permanente. Dans ce sens, on doit reconnaitre
qu’aujourd’hui les organisations internationales constituent le lieu privilégié de la coopération
multilatérale. En institutionnalisant, la diplomatie multilatérale et concertation qui lui est lié,
l’organisation internationale constitue des réseaux de communication entre les acteurs
étatiques, et tend à favoriser l’émergence de normes communes règlementant le
comportement international, et formant par là un certain embryon d’une socialisation des
acteurs internationaux.55
Après avoir exposé, les formes bilatérales et multilatérales de la coopération, il convient
de s’intéresser à la logique d’intégration.
La coopération entre les membres du système international peut, dans certaines
circonstances, dépasser la simple coordination interétatique des politiques et conduire à un
transfert progressif de souveraineté des Etats à de nouvelles structures communautaires.
En effet, depuis plusieurs décennies, les relations internationales sont marquées par la
mondialisation, ou globalisation des échanges, qui se traduit par la construction d’espaces
économiques au sein desquels les frontières géographique, vestiges de souverainetés
décadentes, n’ont qu’une signification politique 56 . La construction de ces espaces
économiques qui consacrent, le plus souvent, l’intégration économique des Etats membres
vise souvent, d’une part, la promotion du développement économique et social, d’autre part,
celle de l’investissement privé en rendant les marchés plus attractifs et les entreprises
nationales ou communautaires plus compétitives.
55 Ibidem 56 Alhousseini MOULOL, « comprendre l’organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) », 2ième édition, décembre 2008, P.5
46
Le phénomène de l’intégration a suscité de nombreuses réflexions et d’analyses fondées
sur la préoccupation d’une réforme du système international dans le sens d’une plus grande
sécurité.
D’une manière générale, trois grandes écoles de pensée, lorsqu’on évoque le processus
d’intégration régionale. On distingue notamment le fonctionnalisme qui met l’accent sur les
fonctions techniques et économiques comme éléments moteurs de l’intégration. A cet égard,
on peut citer l’exemple des communautés économiques l’Organisation pour la Coopération et
Développement Economique (OCDE), de l’Union Européenne (UE) ou encore la CEDEAO
(Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) en Afrique de l’Ouest.
Il faut également souligner le fédéralisme comme école de pensée, qui insiste sur le rôle
clé de la volonté politique et de la création d’institutions communes à l’image des Etats-Unis
et le transnationalisme, enfin, qui cherche à mettre en évidence l’importance de l’assimilation
socio-culturelle et du rôle des communications entre sociétés (la francophonie, le
Commonwealth etc…).
Les processus d’intégration de par le monde révèle que ces derniers sont complexes et
sont forts différents les uns des autres en raison des aires géographiques culturelles et
politiques différentes.
47
Conclusion de la première partie
Les relations internationales sont les rapports multiformes que développent entre eux les
individus, les organisations privées et les gouvernements des États, dans les diverses sphères
de l’activité humaine.
Ils sont de toute évidence une réalité difficile à cerner. Les phénomènes internationaux
sont en effet de nature complexe et mouvante, particulièrement à notre époque ou le champ
des relations internationales a connu une extension sans précèdent.
Même si elles débutent formellement avec les traités de Westphalie, les relations internationales sont en réalité antérieures à ceux-ci. Le système westphalien est tout simplement venu leur donner un autre visage : celui de la coopération et des guerres plus politiques que religieuses. Et aujourd’hui, l’Etat n’en est plus le seul acteur (comme l’ont consacré les traités de Westphalie), l’expansion du libéralisme et les progrès techniques ayant sérieusement limité l’intervention de l’Etat au profit d’autres acteurs dans la scène internationale
48
Partie II- Le Droit International Public
Introduction de la Seconde partie
Les études de droit international constituent un enseignement indispensable pour les
formations en droit en particulier à notre ère de mondialisation où les frontières entre droit
interne et droit international tendent à se réduire considérablement. L’on ne peut aujourd’hui
prétendre réellement maitriser le droit interne dans aucune de ses branches sans une certaine
connaissance du droit international. Ce qui fait du droit international, une matière
fondamentale de la licence en Droit. Son étude est encore plus nécessaire pour les personnes
s’orientant dans une carrière publiciste et internationaliste.
Il impossible d’entreprendre une étude sérieuse du droit international sans au préalable
s’intéresser aux relations internationales et à leur évolution dans le temps parce que le droit
international, c’est avant tout le droit des relations internationales. Cette démarche permet de
constater l’évolution constante des relations internationales et de mieux comprendre le
caractère dynamique du droit international.
Parler de l’histoire des relations internationales dans le cadre d’une brève introduction
à l’étude du droit international exclut toute prétention à l’exhaustivité. Nous nous limiterons
donc à mettre en lumière les repères historiques majeurs dans relations internationales.
L’histoire des relations internationales est aussi vielle que la constitution des premières
nations. De tous les temps, les nations différentes ont entretenues entre elles des rapports.
Avant la naissance des Etats modernes actuels au XVIe siècle, le monde était constitué de
Cités et d’Empires. « Défini au sens strict comme un système politique hiérarchisé acquis par
la violence au profit d‘un centre et maintenu par la coercition au détriment de la périphérie
conquise, l’empire, entité issue d’expansions territoriales de certaines unités politiques au
détriment d’autres, avait constitué la forme privilégiée – et intériorisée comme telle –
d’organisation politique des sociétés humaines jusqu’au XVIIe siècle : il en était ainsi des
empires sumérien, égyptien et perse jusqu’à celui de Byzance en passant par l’empire romain
et ceux d’Alexandre ou de Charlemagne, sans oublier les empires des Qin en Chine ou des
Maurya en Inde, des Omeyyades et des Abbassides dans le monde arabo-musulman.»57
57 Dario BATTISTELLA, La notion d'empire en théorie des relations internationales. Questions internationales, La Documentation française, 2007, 26 (Les empires), pp.27-32.
49
Les relations internationales à cette époque étaient très précaires et laissaient peu de
place à l’émergence d’un droit stable. Ce droit était essentiellement axé sur la conduite de la
guerre et la paix entre ces différentes cités et empires. Ce qui fera écrire à BATISTELLA que
« les empires n’entretenaient guère de relations avec les autres empires, sinon de façon
sporadique, soit aux marchés des territoires qu’ils contrôlaient respectivement, soit au
moment de la conquête et de l’absorption de l’un d’entre eux par un autre.»58
C’est donc à la naissance de l’Etat moderne que les relations internationales
évolueront vers la constitution d’un ordre international mieux organisé. La naissance de l’Etat
moderne intervient selon bon nombre d’auteur au XVIe siècle après la guerre des trente ans en
Europe et les traités de Westphalie. Les traités de Westphalie ont mis en place deux principes
qui ont permis l’émergence de l’Etat moderne et initiée une réorganisation des rapports entre
ces Etats souverains. Les principes du « rex est imperator in regno suo,59 « synonyme de
souveraineté externe (aucun Etat ne reconnaît d’autorité au-dessus de lui et tout Etat
reconnaît tout autre Etat comme son égal), et du cujus regio, ejus religio,60 synonyme de
souveraineté interne (tout Etat dispose de l’autorité exclusive sur son territoire et la
population qui s’y trouve et aucun Etat ne s’immisce dans les affaires internes d’un autre
Etat).» 61 Ainsi pour beaucoup d’auteurs, les traités de Westphalie, constituent un repère
capital dans les relations internationales.
C’est surtout au XX siècle que les relations internationales connaitront leurs plus
grandes transformations. L’évolution des échanges économiques entre les Etats ont favorisé
l’émergence des pratiques diplomatiques consacrant la volonté des Etats de consolider des
rapports entre Etats voisins. Avec les deux guerres mondiales, les Etats souverains ont sentis
la nécessité d’aller vers un monde plus paisible à travers la consolidation des rapports
pacifiques. Cela s’est traduit par la mise en place de nombreux accords entre les Etats qui ont
abouti à la création de plusieurs organisations internationales dont une organisation mondiale,
l’ONU dont la principale mission est de maintenir la paix et la sécurité dans le monde par
l’interdiction du recours à la force et le règlement pacifique des différends entre les Etats
souverains.
58 Ibid. 59 Ce texte latin signifie « le roi est empereur dans son royaume » 60 « tel prince, telle religion » 61 Dario BATTISTELLA, La notion d'empire en théorie des relations internationale, op.cit.
50
Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, les relations internationales seront
marquées par l’émergence de nouveaux Etats indépendants du tiers monde et par la guerre
froide. Cette nouvelle crispation des relations internationales n’empêchera pourtant pas le
renforcement de la coopération internationale entre les Etats dans divers domaines. A la fin
du XXe siècle, l’on peut dire que les relations internationales ont atteint leur maturité. D’une
part avec le processus de mondialisation, entretenir des relations avec les autres Etats est
devenu une nécessité. D’autre part, les Etats en vue de pacifier leurs rapports, privilégient le
droit dans leurs relations. Comment se présente donc aujourd’hui ce droit international qui
régit les relations entre les Etats à l’échelle internationale? Quelles sont ses sources ? Qui sont
ses sujets? Comment est-il mis en œuvre concrètement ?
L’émergence sur la scène internationale d’acteurs non étatiques conduit à une révision
des conceptions traditionnelles de ce droit international qui cesse d’être exclusivement du
ressort des Etats pour prendre en compte les activités de ces nouveaux acteurs. Le droit
international n’est plus seulement le droit international public, il comprend également d’autre
branches ; le droit international privé, le droit pénal international.
Dans les enseignements classiques du droit international, l’étude se limite au droit international public vu qu’il constitue la branche fondatrice et fondamentale du droit international. Sans faire exception à cette règle, nous aborderont l’étude du droit international public en trois parties. Et nous consacrerons la conclusion aux mutations actuelles du droit international. Bien avant tout cela, nous nous attèlerons dans un chapitre préliminaire à définir et à caractériser le droit international de façon générale en vue de mettre en exergue l’objet de notre étude.
Partie I : Les sources du droit international public
Partie II : Les sujets du droit international public
Partie III : l’Application du droit international Public
Conclusion : Les mutations actuelles du droit international
Chapitre préliminaire :
« Ubi societas ubi jus » nous dit l’adage latin signifiant « où il y a une société, il y a
du droit ». Le droit est donc avant tout un phénomène social qui évolue et change avec
l’ordre social auquel il s’applique. Les formes particulières que peut prendre le droit sont
51
aussi fonction de la nature de l’ordre social qu’il régit ainsi que des types de rapport s’y
établissant. Au-delà des espaces de souveraineté de chaque Etat, existe l’espace international,
au sein duquel s’établissent des rapports entre différents acteurs ayant des activités au-delà
des frontières Etatiques. Ces relations internationales sont l’objet d’un droit spécial, le droit
international connu jusqu’au XIXe siècle comme le droit des gens.62 Qu'est-ce que le droit
international (I)? Qu’est-ce que la société internationale dans lequel il est sensé
s’appliquer (II)? Quelles sont les particularités de ce droit par rapport au droit interne (III)?
Quelles sont ces différentes branches (IV)? Des questions préliminaires auxquelles il importe
de répondre avant d’entrer dans des analyses plus profondes de cette matière.
I. Définition du droit international
Avant de passer à la définition de n’importe lequel des branches du droit, il est de
bonne coutume de commencer par définir ce qu’est le droit tout court. Aussi banale qu’il
puisse paraitre, il s’agit pourtant d’un exercice pour le moins complexe pour les juristes
expérimentés. N’est-ce pas le problème de cette définition qui a opposé les partisans du droit
naturel aux partisans du droit positif. Sans vouloir rentrer dans ce débat, nous nous limiterons
ici à une définition simple et généralement admise. Selon cette définition communément
admise, le droit serait un ensemble (et non l’ensemble) de règles de conduite qu’on qualifie de
« juridiques » qui s’appliquent au sein d’une société.
Partant de cette définition du droit comme ensemble de règles juridiques, plusieurs
définitions ont été données du droit international selon deux approches ; l’une traditionnelle et
l’autre plus actuelle.
Pour René-Jean DUPUY, partisan de la définition classique « le droit international est
l’ensemble des règles qui régissent les rapports entre les Etats ».63Dans cette approche, le
droit international est confondu avec le droit international public. Et comme le précise Michel
Virally « Le droit international public est traditionnellement défini comme le droit des
relations internationales, conçues comme se confondant avec les relations interétatiques, ou
de la société internationale, considérée elle-même comme ne se distinguant pas de la société
62 Antonio TRUYOL Y SERRA, Recueil Des Cours –Académie de droit International à la Haye 1985-IV, Martinus Nijhoff Publishers, 23 oct. 1992, p27 63 René-Jean DUPUY, le Droit International, Que-sais-je? 1990, 8e Ed. p3.
52
des Etats.»64 On retiendra donc de cette approche que le droit international est l’ensemble des
règles juridiques qui s’appliquent dans les relations entre les Etats.
Les changements que connait la scène internationale tant du point de vue des acteurs
qui s’y rencontrent que des dynamiques qui s’y déroulent, ont conduit à la proposition de
nouvelles définitions du droit applicable à la société internationale. Ainsi, ce droit qui sort de
l’apanage des seuls Etats, serait l’ensemble des règles juridiques qui s’appliquent dans les
rapports entre les différents acteurs ayant des relations au plan international, au-delà des
limites de chaque Etat. Parmi les tenants de cette approche, on trouve Michel VIRALLY.
Pour mieux comprendre cette évolution du droit des relations internationales, il
importe d’étudier brièvement l’évolution de la société internationale et des relations qui s’y
nouent.
II. Objet du droit international : les relations internationales et la société internationale
Toute branche du droit dispose d’un objet spécifique auquel il s’applique. L’objet du
droit international, ce sont les relations internationales. Que sont les relations? Les relations
internationales avaient été définies comme étant celle mettant en rapport deux ou plusieurs
Etats. Les relations internationales étaient marquées par les diverses actions internationales de
différents acteurs étatiques qui leur permettaient de rentrer en contacts les uns avec les autres.
L’action internationale de l’Etat, en d’autres termes sa politique étrangère dans la conception
classique est le seul acte fondateur des relations internationales.
Cependant depuis la fin de la deuxième moitié du XXe siècle, l’observation permet de
voir que l’Etat n’est plus seul sur la scène internationale. Beaucoup d’autres acteurs
développent d’importantes activités dépassant les frontières étatiques. Ce sont par exemple les
entreprises privées dont certains sont dits multinationales, les organisationnelles non-
gouvernementales (ONG), les collectivités locales. Ces nouveaux acteurs posent des actions a
portées internationales non négligeables qui reconfigurent le système des relations
internationales. Une conception plus moderne des relations internationales essaie ainsi
d’intégrer l’action de ces nouveaux acteurs dans la définition des relations internationales.
64 M. VIRALLY, Droits de l’homme et théorie générale du droit international, in Mélanges Cassin, vol. 4, Méthodologie des droits de l’Homme, Paris, Pedone, 1972, p. 323
53
C’est le cas de la définition que nous propose Michel VIRALLY selon laquelle les relations
internationales prennent en compte l’ensemble des relations qui s’établissent au-delà des
frontières étatiques. Elle concerne aussi bien les relations interétatiques que les relations entre
acteurs privés ou entre acteurs et publics s’inscrivant dans une échelle internationale c’est-à-
dire au-delà des frontières d’un Etat.
Au-delà donc des frontières étatiques, se construit la société internationale dans
laquelle se déroulent les relations internationales dont sont acteurs principalement les Etats et
non plus exclusivement. La société internationale constitue un espace superposé sur les
espaces étatiques au sein duquel se déroulent les activités des acteurs des relations
internationales. Pour le professeur Antonio TRUYOL Y SERRA dans ses cours à l’académie
international de droit international, la société internationale est définie comme « une société
de sociétés » avant de préciser plus loin que « en termes actuels, c’est essentiellement une
société d’Etats ».65 Les différences qu’il y a entre la société internationale et les sociétés
nationales sont également visible à travers la différence qu’il y a entre le droit international
qui regit la société internationale et le droit interne qui régit les sociétés nationales.
III. Droit international et droit interne : caractéristiques particulières du droit international
La société internationale est une société institutionnelle, constituée essentiellement de
personnes morales à la différence des sociétés nationales qui sont des sociétés humaines
constitués de personnes physiques et de personnes morales. René DUPUY caractérise la
société internationale et le droit qui le sous-tend dans sa conception volontariste par trois traits
interdépendants; « l’éparpillement », « l’inconditionnement » et la « violence ».66 En premier
lieu, il n’y a pas d’autorité centrale comme dans la société interne, chaque Etat disposant de sa
souveraineté d’où l’idée d’éparpillement du pouvoir. Cet éparpillement du pouvoir, marqué
par l’absence d’un pouvoir absolu, traduit en premier l’absence d’unité du droit international
dans la mesure où les normes qui la constituent proviendraient de plusieurs sources
s’équivalant. Certains auteurs ont qualifié ce fait d’anarchie.67 Il en découle que chaque Etat
65 Antonio TRUYOL Y SERRA, op. cit. p33 66 René-Jean DUPUY, op.Cit. p21-57 67 « L’anarchie est le trait fondamental de la vie internationale et le point de départ de toute réflexion théorique sur celle-ci» H. BULL, Society and Anarchy in International Relations, in H. Butterfield et M. Wight (eds), Diplomatic Investigations, Londres, Allen & Unwin, 1966,pp. 35-60.
54
membre de cette société n’est soumis qu’à sa propre volonté et ne vise que ses propres intérêts
dans ses rapports avec les autres membres de la société. En l’absence d’une autorité qui crée
et impose le droit comme dans les sociétés nationales, le droit dans la société internationale
tirerait donc sa source dans la volonté de chaque Etat de se soumettre à certaines normes dans
ses rapports avec les autres Etats ou acteurs des relations internationales. La société
internationale serait par cet inconditionnement une société libertaire. L’inconditonnement
signifie pour DUPUY « que le droit (international) est essentiellement volontariste et
qu’aucune obligation originaire ne s’impose aux Etats s’ils n’ont pas souscrit par leur
participation à une coutume ou un traité ». Par contre dans les sociétés infra-étatiques règne
une hiérarchie institutionnelle et parfois sociale qui conditionne les rapports des différents
membres entre eux ainsi que l’ensemble de leurs actions tout cela sous le contrôle d’une
puissance unique. Cette deuxième caractérise a pour conséquence que les rapports entre les
différents Etats conduisent parfois à des confrontations violentes. Ce qui fera dire à Philippe
CHRESTIA que « l’Etat des relations internationales révèle une société largement
décentralisée et porteuse de conflits».68 Pour finir, on peut dire que le caractère inégalitaire
des Etats membres de la société internationale (les inégalités démographiques, économiques,
militaires…) font du droit international, un droit inégalitaire comme on dirait assez fort pour
s’imposer aux faibles Etats et laissant libre les Etats puissants.
Si ces caractéristiques ont pu correspondre à ce qu’était la société internationale à une
époque, aujourd’hui elles semblent dépassées et la société internationale tend vers ce qu’on
peut appeler « une communauté internationale » qui serait à peu près à l’image des sociétés
intra-étatiques. Pour d’autres, l’évolution actuelle de la société internationale tend vers
l’émergence d’une société organisée, institutionnalisée partageant des valeurs communes dits
universels. Les Etats qui enfreignent ces valeurs sont qualifiés de transgresseurs. Ces valeurs
sont entre autre les droits de l’homme, le rejet du recours unilatéral à la force, le respect des
engagements pris… Avec la mise en place d’organisations telles que l’ONU, l’OMC, la BM
et le FMI auxquelles les Etats reconnaissent une certaine légitimité, l’ordre international
s’harmonise et l’Etat perd de plus en plus son autonomie c’est-à-dire sa capacité à
s’autodéterminer ou à définir ses propres règles de fonctionnement dans ses relations
internationales. Dans ce contexte le droit international se développe, se précise et devient de
plus en plus un droit contraignant pour les Etats. La Charte des Nations unies, la création de
la cour internationale de Justice à la Haye en 1945, la Convention de Vienne de 1969 appelé
68 Philippe CHRESTIA, Relations Internationales, Studyrama 2004, p16
55
aussi « le traité des traités » entrée en vigueur à partir de 1980 constituent des étapes clés dans
cette construction d’un ordre juridique international de plus en plus encadré.
Avec le renforcement des relations internationales et son élargissement à de nouveaux
acteurs ainsi qu’a des nouveaux secteurs sous l’effet de la mondialisation, le droit
international se dépolarise, sortant du cadre uniquement public pour se diviser en plusieurs
branches à l’instar du droit interne.
IV. Les différentes branches du droit international
Le droit international n’est donc plus seulement le droit public international. Il admet
aujourd’hui d’autres branches en plus de ce traditionnel droit public; le droit international
privé et le droit pénal international. Ce qu’il est important de connaitre afin de bien cerner le
problème épineux de sujet du droit international. En effet, si seuls les Etats sont sujets du droit
international public et de façon accessoire les ONG, pour ce qui est des autres branches, les
personnes privées (individus et entreprises, ONG) constituent les sujets principaux.
Le droit international privé peut prendre en compte deux aspects; national et international. D’une part il est un ensemble de règles juridiques s’appliquant à l’intérieur d’un Etat lorsque la relation concerne des personnes privées de nationalités différentes. C’est pourquoi selon François RIGAUX, le droit international privé « se limite à la branche des conflits de loi».69 Dans le second aspect, le droit international privé serait un ensemble de règles juridiques qui codifie les relations commerciales entre différentes personnes privées à l’échelle internationale. En effet, le développement du commerce international a conduits les acteurs de ces relations commerciales à élaborer un ensemble de règles qui régissent leurs activités au-delà des cadres généraux posés par les accords étatiques. C’est ce que l’on a qualifié de lex mercatoria.70
Le droit pénal international quant à lui s’est développé à partir de la seconde moitié du XXe siècle, après la seconde guerre mondiale de la volonté des vainqueurs de cette guerre de juger certains dirigeants allemands et japonais pour certains les crimes commis durant la guerre. D’après une définition jurisprudentielle de cette période, le droit pénal est un « « Droit qui gouverne les crimes internationaux c'est-à-dire les actes qui sont universellement reconnus comme des actes criminels, qui revêtent une importance internationale et qui pour cette raison ne peuvent être laissés à la compétence exclusive de l’État qui en aurait
69 François RIGAUX, Droit Privé et Droit Public dans l’ordre international, in Mélange à Jean DABIN, Bruylant 1963, T1, p256 70 Cours général Académie De Droit International de la Haye, Diversification, spécialisation, flexibilisation et matérialisation des règles de droit international privé, Martinus Nijhoff Publishers, 21 déc. 2001
56
le contrôle en temps ordinaire ».71 A partir des tribunaux militaires internationaux (TMI) de l’après seconde guerre mondiale, plusieurs tribunaux pénaux verront le jour ; le tribunal pénal international pour la Yougoslavie(TPIY), le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR)… Aujourd’hui ce processus de construction d’un droit criminel international s’est consolidé avec le statut de Rome et la création de la Cour Pénal Internationale (CPI) en 2002.
Le droit pénal international a pour objet les crimes dont la gravité fait qu’ils constituent une atteinte à l’ordre public international et sont pour ainsi qualifiés de crimes internationaux. On peut citer à titre illustratif le génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité… Les individus quel que soit leur titre qui se seront rendus coupables de ces actes doivent être jugés au nom de la communauté internationale.
Le droit pénal international s’il prend sa source dans un ensemble de traités interétatique ne s’applique principalement qu’aux individus personnes physiques et accessoirement aux personnes morales comme les entreprises.
Apres ce chapitre préliminaire, nous pouvons à présent nous intéresser à l’étude du droit international public en commençant par ses sources.
CHAPITRE I- LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC
Toute étude de droit, doit au préalable mettre l’accent sur les sources et, le droit
international public n’échappe pas à cette logique. Plus que dans les différentes branches du
droit interne, ou la technique juridique l’emporte de loin sur les questions qui concernent les
fondements des règles juridiques, toute bonne étude du droit international débute
nécessairement avec un examen de ses sources.
L’expression « sources du droit international » renvoie à la formation du droit
international. A cet effet, il convient de noter que le vocable « sources » en droit international
renvoie à deux types de sources : les sources formelles et les sources matérielles.
Les sources formelles du droit sont des procédée d’élaboration du droit, c’est-à-dire, les
diverses techniques qui autorisent à considérer qu’une règle appartient au droit positif. C’est
du reste l’idée partagée par Paul REUTER, pour qui les sources formelles sont « les procédés
71 Définition jurisprudentielle du crime international donnée dans l’affaire des otages jugée à Nuremberg par le Tribunal militaire des États-Unis à Nuremberg 8 juillet 1947 – 19 février 1948 États-Unis c/Wilhelm List, UNWCC, Law Reports of Trials of War Criminals, vol. VIII, 1949, p. 34.
57
extérieurs (organes, procédures, actes) par l'intermédiaire desquels les règles prennent corps
dans la société internationale 72». Les sources matérielles, quant à elles sont « l'ensemble des
données, non juridiques en elles-mêmes, qui influent sur le contenu et l'évolution des règles,
relations de puissance, idéologies, systèmes culturels. 73». Elles font références à tous ces
éléments et influences qui déterminent le contenu de la réglementation juridique, que ce
soient les intérêts et besoins pratiques des Etats ou les exigences idéales, qui découlent, à un
moment donné, de la conscience sociale, des idéologies prévalant dans la prétendue
« communauté internationale ».
Ces deux types de sources (matérielles et formelles), entretiennent des rapports étroits
dans la mesure où, les sources matérielles servent de fondement sociologique des sources
formelles, lesquelles expriment l’aboutissement du processus d’élaboration de la norme
internationale.
Aujourd’hui, toute étude des sources du Droit International Public passe nécessairement
par l’article 38 du Statut de la Cour Internationale de Justice, qui fournit l’énumération des
sources formelles du Droit international Public.
Ledit article, dispose en ces termes :
« La Cour, dont la mission est de régler conformément au Droit International, les différends
qui lui sont soumis, applique :
a) Les conventions internationales, soit générales, soit spéciales, établissant des règles expressément reconnues par les Etats en litige ;
b) La coutume internationale comme preuve d’une pratique générale acceptée comme étant le droit
c) Les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées
d) Sous réserve de la disposition de l’article 59, les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes les plus qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit. »
L'article 38 du Statut de la Cour Internationale de Justice énumère cinq (5) sources
différentes du Droit international public. Il s'agit des conventions internationales, de la
72 Paul REUTER, Principes du Droit International Public, RCADI 1961, II, Vol. 103, p. 461 73 Jean COMBACAU, Serge SUR, Droit International Public, Montchrestien, Paris, 1986, p33-34
58
coutume, des principes généraux de droit, des décisions judiciaires et de la doctrine. Cette
disposition pose, aujourd'hui, un certain nombre de difficultés pratiques compte tenu du fait
qu'e1le consacre des institutions anachroniques (référence aux principes généraux de droit
reconnus par les nations civilisées) et qu'elle ne mentionne pas des sources importantes du
Droit international public à savoir les actes unilatéraux des Etats et des organisations
internationales.
Pour pallier ces difficultés pratiques, nous avons jugé utile de s’intéresser d’une part aux
sources principales (Section 1) du Droit International ou il sera question d’examiner le traité
international et la coutume internationale, d’autre part , nous nous intéresserons aux autres
sources subsidiaires du Droit international (Section 2) que sont les principes généraux de
droit, les actes unilatéraux , la doctrine et la jurisprudence.
Section 1- Les sources principales du droit international public
Les sources principales du Droit International Public, objet du présent chapitre va porter
sur la source par excellence de ce droit qui n’est autre que le traité international (Sous-section
1), pour mieux envisager un tout autre mode de formation de ce droit aussi important en
l’occurrence la coutume internationale (Sous-section 2).
Sous-section 1- Le traite international
Le traité international ou convention internationale est l’une des sources les plus
importantes du droit international. C’est la source qui sied le mieux à la nature volontariste du
droit international, en ce qu’il (traité) est un accord résultant de la rencontre de volontés des
sujets de droit international. Il constitue à nos yeux le moyen le plus sûr, par lequel les sujets
du droit international établissent des relations stables, durables et pacifiques.
Le traité international sera abordé par sa définition et sa classification (1), pour mieux
s’intéresser aux règles en matières de conclusion des traités (2), de validité des traités (3),
d’application et des effets des traités (4) et en termes de modification et fin de traités (5).
59
1. Le traité international: de sa définition et de sa classification
1-1 : Définition et caractéristiques du Traité International
Le traité international a fait l’objet d’une codification par la Commission du droit
International des Nations Unies, ayant abouti à la consécration juridique des Conventions de
Viennes sur le droit des traités entre Etats de 1969 et la Convention de Viennes sur le
droit des traités entre les Etats et les Organisations internationales d’une part et d’autre
part entre les organisations internationales entre elles de 1986.
Il est ainsi dérivé de ces efforts de codification, une définition générique du traité
international. La définition du traité international nous est donnée par l’article 2, Par 1a de la
Convention de Viennes de 1969, dont la teneur est la suivante : « L’expression ″traité″
s'entend d'un accord international conclu par écrit entre Etats et régi par le Droit
International, qu'il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs
instruments connexes, et quelle que soit sa dénomination particulière ».
A lecture de cet article, le traité international est :
Un accord international
Le traité est un acte juridique élaboré à la suite d'un échange de volontés survenu entre des
sujets de droit. Le consentement de chacune des parties est la condition fondamentale sans
laquelle il n'y a pas de traité. Ce principe est constamment affirmé par la jurisprudence
internationale74. Le traité résulte de l'accord scellé entre deux ou plusieurs sujets de Droit
International ou par des entités détenant des compétences particulières (Saint siège ou Comité
International de la Croix Rouge)75.
Un accord international écrit
Le formalisme sur la nature écrite du traité est très important, dans la mesure où il
permet d’exclure les accords internationaux verbaux, souvent très nombreux dans la pratique
internationale. Si les accords internationaux verbaux ne sont pas réglementés par la
Convention de Viennes de 1969, cela ne porte en aucun cas atteinte à la valeur juridique de
74 Voir C. I. J, A.C, 28 mai 1951, les réserves à la convention sur la prévention et la répression du crime de génocide. «Un Etat ne peut, dans ses rapports conventionnels, être lié sans son consentement ». 75 Voir le Chapitre II consacré aux Sujets du Droit International pour davantage d’informations. Voir infra
60
tels accords. C’est tout le sens de l’article 3 de ladite Convention, laquelle dispose : « « le fait
que la présente convention ne s'applique ni aux accords internationaux conclus entre des
Etats et d'autres sujets du Droit international ou entre ces autres sujets du Droit
International, ni aux accords internationaux qui n'ont pas été conclus par écrit, ne porte pas
atteinte: a) à la valeur juridique de tels accords; b) à l'application à ces accords de toutes
règles énoncées dans la présente Convention auxquelles ils seraient soumis en vertu du Droit
International indépendamment de ladite convention. (..) »
Un accord international écrit régi par le droit international
La conclusion des traités permet aux Etats de réaliser un objectif déterminé. Et, de ce
point de vue, on peut affirmer que tous les traités présentent un aspect politique. Cependant,
au-delà de ces motivations, les traités sont des actes juridiques destinés à créer des droits et
des obligations internationaux. Ces effets juridiques permettent notamment, de distinguer les
traités des accords purement politiques, dépourvus d'effets juridiques directs. Les accords
politiques sont des engagements qui lient leurs auteurs mais qui ne créent pas d'obligations
juridiques. Ils doivent être exécutés de bonne foi et leur inapplication peut justifier certaines
réactions d'ordre politique et non juridiques.
Etant un acte juridique, c’est-à-dire une manifestation de volonté portant sur un objet
déterminé et produisant les effets de droit. , le traité crée la norme, laquelle peut être
consignée dans un instrument dans un ou plusieurs instruments. Cette pluralité d'instruments
juridiques ne remet pas en cause l'unicité de la norme. Ces principes sont consacrés par la
pratique et la jurisprudence internationales.
Un accord international écrit régi par le droit international … et quelle que
soit sa dénomination particulière
La formule est donc extrêmement large « quelle que soit sa dénomination particulière »,
elle consacre donc une diversité terminologique en ce qui concerne la dénomination d’un
traité international. A cet effet, il est important de noter que la terminologie n'est pas un
élément déterminant quant au caractère obligatoire d'un accord ou d'un engagement
international. Dans la pratique des États et des organisations internationales, comme dans la
jurisprudence des tribunaux internationaux, on trouve des usages très variés; le caractère de
dispositions conventionnelles a été attribué à de nombreux types d'actes différents.
61
Il existe à ce sujet une véritable profusion: traité, convention, protocole, déclaration,
échange de notes, de statut, de modus vivendi, de pacte, de concordat, etc. Ces terminologies
sont d'usage dans le langage juridique.
A titre d’exemple, le concordat se dit d’un est un traité conclu entre le Saint-Siège et un
État en vue de régler la condition de l'Église et du culte dans cet État. Les intérêts du
«spirituel» sont la préoccupation dominante de l’accord. Le Traité créant l’Organisation des
Nations Unies en 1945 porte le nom de Charte etc….
La définition du traité international et ses caractéristiques étant examinées, quels
regards peut-on porter sur la classification des traités ?
1-2 : La classification des Traités Internationaux
La classification des Traités internationaux est l’un des domaines les plus controversés
du droit des traités. Bien que les travaux préparatoires de la Convention de Viennes de 1969
se soient penchés sur la question des traités internationaux, la convention de Viennes ne
consacre pas une classification exhaustive des traités.
Parce que le traité en soi couvre de nombreuses réalités de la vie internationale, la
doctrine propose diverses classifications. Celles-ci prennent en considération : le nombre de
parties ; la qualité des parties ; les procédures suivies ou les aspects matériels de l’acte.
Ainsi, la doctrine a retenu deux critères fondamentaux pour classer les traités notamment
le critère formel et le critère matériel.
Le critère formel
Selon le critère formel, nous avons :
• La qualité des parties
Par la qualité des parties, il faudrait faire la distinction entre :
- les traités conclus entre Etats (exemples les conventions signées entre le Maroc et les
autres pays du monde portant sur des domaines variés)
- les traités conclus entre les Etats et les organisations internationales (il est question le
plus souvent des traités d’adhésions aux organisations internationales. Par exemple, les
traités d’adhésion du Maroc avec la Ligue Arabe etc...)
- les traités conclus entre organisations internationales (Ces traités répondent au
principe de la spécialité, c’est-à-dire que les organisations internationales ne peuvent
62
conclure des traités que dans leur domaine de compétences Par exemple l’Organisation
Mondiale de la Santé ne peut conclure des traités avec les autres organisations
internationales que dans le domaine de la santé.)
• Le nombre de parties
Par le nombre de parties, il faudrait faire la différence entre :
- Les traités bilatéraux, qui sont des traités conclus entre deux Etats (Exemple les Traités
conclus entre le Maroc et la France, entre le Maroc et le Sénégal etc..)
- Les traités multilatéraux. Ce sont des traités conclus entre plusieurs Etats. Il établit des
obligations et droits relatifs aux Etats concernés. Ce type de traité est plus difficilement
mis en place puisque sa complexité est supérieure à celle des traités bilatéraux et implique
plusieurs Etats. L’entrée en vigueur des traités multilatéraux n’est effectif qu’après
plusieurs aménagements si besoin. Le traité multilatéral est un traité ouvert à tous les
Etats.
- Les Traités plurilatéraux, sont des traités conclus entre un nombre restreint d’Etats
(plus de deux Etats) et qui ne sont pas ouverts à tous les Etats. Par exemple, les traités du
G8, les traités de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale
(CEMAC).
• Selon la procédure suivie ou la forme de conclusion du traité
Selon la procédure suivie ou la forme de conclusion du traité, nous avons :
- Les traités en forme simplifiée ou Gentlman Agreement sont des traités conclus par un
échange de notes, un échange de lettres, un procès-verbal etc…. C’est-à-dire qui ne
nécessite pas de procédure de ratification (Exemple les Accords franco-marocains du 2
Mars 1956)
- Les traités en forme solennelle sont les traités conclus qui nécessite une procédure de
ratification pour leur rentrée en vigueur. La procédure de ratification est régie par le droit
interne de chaque Etat.
- Les traités élaborés au sein ou sous les auspices des organisations internationales, ce
sont des traités conclus dans le cadre des organisations internationales touchant des
63
aspects importants de la vie internationale (La conférence Mondiale sur le Climat, cop21,
qui s’est tenu à Paris en 2015 sous les auspices des Nations Unies)
Le critère matériel
En recourant au critère matériel, la doctrine opère les distinctions suivantes :
- Les traités-lois seraient des conventions de caractère général fixant des règles communes
pour l'ensemble de la communauté internationale. Abstraites, ces règles seraient
représentatives des intérêts généraux de l'humanité. Ils établissent une situation juridique
impersonnelle et objective. (Exemple Le Pacte international sur les Droits civils et
politiques de 1966,
- Les traités-Contrats créent entre les cocontractants une situation juridique subjective car
ils contiennent à la charge des Etats uniquement des obligations particulières et concrètes
comme celles qui découlent des contrats de droit civil. (Exemple Les Accords de Libre
échanges entre le Maroc et Les Etats Unis de 2001)
- Les Traités-cadres constituent une nouvelle classification formulée dans le domaine de
l’environnement. Ils sont définis par Alexandre KISS comme « un instrument
conventionnel qui énonce les principes devant servir de fondement à la coopération entre
les Etats parties dans un domaine déterminé, tout en leur laissant le soin de définir, par
des accords séparés, les modalités et les détails de la coopération, en prévoyant, s'il y a
lieu, une ou des institutions adéquates à cet effet 76».
- Les traités constitutifs sont des traités qui donnent naissance aux organisations
internationales (Exemple La Charte des Nations Unies de 1945, La Charte de l’Union
Africaine 2002)
- Les traités normatifs ont des traités qui qui fixent des obligations de comportement à
ceux qui établissent des structures et déterminent leur mode de fonctionnement (Exemple
les règlements intérieurs des organisations internationales)
La classification non exhaustive des traités internationaux doit être un préalable
nécessaire à la compréhension de la conclusion des traités (2) 76 Alexandre KISS, « Les traités cadres : une technique juridique caractéristique du droit international de l’environnement », Annuaire Française du Droit International, 1993, p793
64
2. La conclusion des traités
La conclusion des traités, peut être entendue comme l’ensemble des opérations et
procédures nécessaires en vue de l’élaboration du traité, c’est-à-dire toutes les mesures mises
en jeu pour matérialiser l’existence du traité international. La procédure de conclusion des
traités est complexe comme l’avouent un grand nombre de juristes, « car les souverainetés
(Etats) répugnent à s’engager à la légère 77». La procédure de conclusion dont la complexité
varie selon les traités comporte plusieurs étapes à savoir : l’élaboration de l’acte (2-1),
l’engagement des Etats (2-2), l’entrée en vigueur, l’enregistrement et la publication (2-3).
2-1 : L’élaboration de l’acte
La procédure d’élaboration de l’acte des traités démarre avec la négociation et se
termine avec l’adoption du texte du traité.
A- La négociation
La négociation qui, est une opération matérielle au cours de laquelle les participants
discutent en vue de l’élaboration du traité, pose au préalable la question de l’habilitation à
négocier, c’est-à-dire vérifié si les personnes habilitées ou désignées pour la circonstance ont
la compétence à négocier au nom de l’Etat qu’ils prétendent représenter.
En effet, la négociation est menée par les personnes habilitées appelées les
« plénipotentiaires », ces derniers disposent des pleins pouvoirs. D’après l’article 2 de la
Convention de Viennes, l’expression pleins pouvoirs s’entend « d’un document émanant de
l’autorité compétente d’un Etat et désignant une ou plusieurs personnes pour représenter
l’Etat pour la négociation, l’adoption ou l’authentification d’un traité, pour exprimer le
consentement de l’Etat à être lié par un traité ou pour accomplir tout autre acte à l’égard du
traité ». Une personne est donc considérée comme représentant d’un Etat si elle produit des
pleins pouvoirs appropriés. La présentation des pleins pouvoirs n’est pas, cependant, une règle
absolue: les Etats intéressés peuvent y renoncer et en vertu de leurs positions, certaines
personnes n’ont pas à produire des pleins pouvoirs; c’est le cas notamment des chefs d’Etat,
des chefs de gouvernement et des ministres des affaires étrangères, les chefs de mission 77 Paul Marie DUPUY, Le droit international, Paris, PUF, 1982, p.191
65
diplomatique pour les traités conclus entre l’Etat accréditant et l’Etat accréditaire, les
représentants des Etats à une conférence internationale ou auprès d’une organisation
internationale78.
Il faut dire que le droit international en général a peu de choses à dire sur la négociation,
parce que c’est une procédure libre, mais aussi surtout parce que le traité est un contrat et
comme tel il incarne la liberté contractuelle, laquelle traduit le principe d’autonomie de la
volonté des Etats. Néanmoins, la pratique nous enseigne qu’il existe une différence
importante entre la négociation d’un traité bilatéral et la négociation d’un traité multilatéral.
La négociation des traités bilatéraux
Le traité bilatéral est élaboré par deux Etats parties à une négociation déterminée. Le
caractère synallagmatique de l'engagement permet aux parties de s'entendre sur un objet
identique. Le traité bilatéral peut être conclu à l'issue d'une procédure longue, courte ou par
échange de lettres.
- La procédure longue suppose la rédaction du projet de convention par les
représentants habilités et à la fin des discussions, la signature vaut authentification du
texte. Elle exprime leur volonté de poursuivre la négociation. Dans l'hypothèse où les
parties à la négociation désirent distinguer l'authentification de la signature, elles
recourent au paraphe c'est-à dire qu'elles procèdent à l'apposition des initiales des
négociateurs sur les documents. Les procédures internes d'engagement définitif de
l'Etat sont alors mises en œuvre. Puis, les deux parties procèdent à l'échange ou à la
notification des instruments de ratification.
- La procédure courte permet aux deux Etats de s'engager définitivement au moment
de la signature ou du paraphe.
- L'échange de lettres se distingue de la procédure courte par le fait que les signatures
des représentants des deux Etats ne se retrouvent pas sur le même document. Elles
sont apposées sur un document et ensuite, chacun des documents est remis à l'autre.
78 Toutes ces personnes citées bénéficient de ce que l’on appelle en droit « la compétence ex officio ». Cette compétence est prévue par la Convention de Viennes de 1969 en son article 2, par 2.
66
Ainsi, chaque partie conserve-t-elle le document portant la signature de l'autre.
Généralement, les deux lettres comportent le même texte.
La négociation des traités multilatéraux
Les traités multilatéraux sont des traités qui portent sur les intérêts communs de
l’ensemble de l’humanité, ceux-ci ont connu à la faveur des grands enjeux de la
communauté internationale (environnement, droits de la mer, droit de l’homme etc..) un
développement considérable. Bien que n’ayant fait l’objet d’aucune disposition
particulière dans les conventions diplomatiques de 1969 et 1986, cette catégorie de traités
multilatéraux présente certaines particularités.
Les traités multilatéraux sont élaborés selon deux modalités :
- dans le cadre d’une organisation internationale le plus souvent l’ONU. Par
exemple, la conférence de codification convoquée par l’Assemblée Générale de
l’ONU en 1960 sur le droit de la Mer à Genève
- dans le cadre d’une conférence diplomatique, c’est-à-dire, des réunions
spécialement convoquées à cet effet, soit à l’initiative d’un Etat ou à l’initiative d’une
organisation internationale. Nous pensons ici, à la récent1e conférence mondiale sur le
climat à Paris, en novembre 2015, dénommée Cop21, et à la prochaine cop22 qui sera
convoquée par le Royaume du Maroc en octobre 2016.
Autrefois, l’adoption du texte d’un traité multilatéral se faisait à l’unanimité,
aujourd’hui, le texte d’un traité multilatéral peut être adopté par consensus (la pratique du
consensus suppose la volonté réelle des Etats parties à la négociation de faire des compromis
et d'aboutir à un accord équilibré) par tous les États qui participent aux négociations, ou par
voie de scrutin par l’organe compétent d’une conférence internationale. Dans ce dernier cas
de figure, lorsque les États ne se sont pas entendus sur les modalités de scrutin de l’organe
compétent, l’adoption du texte est censée se faire à la majorité des deux tiers des voix des
États présents et votants, à moins que ces États ne décident à la même majorité d’appliquer
une règle différente (Convention de Vienne, article 9).
Dans le cas où il n’y a pas d’échec dans les négociations, celles-ci conduisent le plus
souvent à l’adoption du texte du traité.
B- L’adoption du texte du traité
67
L’adoption du « projet du traité » met un terme à la procédure de négociation. Celle-ci
s’effectue par le consentement des Etats participant à sa rédaction. Ainsi, le texte du traité se
compose généralement des parties suivantes :
- Le préambule : Il procède à l’énumération des parties contractantes (dénommées
Hautes Parties Contractantes, quand il s’agit des traités en forme solennelle et des
Parties, quand il est question des traités en forme simplifiée) et à la présentation de
l'exposé des motifs c'est-à-dire, à une présentation de l'objet et du but du traité. De
façon générale, la doctrine considère que le préambule d'un traité ne possède pas de
force juridique 79 . Il n’est pas toutefois dépourvu d’effets dans la mesure où,
l’interprète du traité peut s’y référer pour déterminer l’intention des parties.
- Le dispositif : Le dispositif est composé du corps du traité. Il comprend les différents
articles et précise, les droits et obligations des parties. Il se termine par les clauses
finales.
- Les clauses finales : Les clauses finales présentent la caractéristique d'être
d'application immédiate c'est-à-dire d'entrer en vigueur dès l'adoption de la convention
et avant son entrée en vigueur (article 24-4 de la Convention de Vienne)
- Les Annexes : Les annexes sont des dispositions d'ordre technique ou complémentaire
qui ont la même valeur juridique que le dispositif. Par exemple, les neuf (9) annexes
de la Convention de Montego Bay sur le droit de la Mer ont la même valeur juridique
que le dispositif. Malgré les divergences entre auteurs sur la question, la CIJ a eu
l’occasion de préciser que les annexes sont une partie intégrante du traité dont elles
possèdent la nature juridique, car elles permettent de déterminer l’intention des
parties80. Une fois, le texte du traité adopté celui-ci doit être authentifié.
C- L’authentification
79 Voir C.I.J., A, 18 juillet 1966, Sud-ouest Africain, Rec.v1966, p.5. La Cour se prononce sur la nature juridique du préambule de la Charte de l'Organisation des Nations-Unies et elle affirme que: « Le préambule de la Charte des Nations Unies constitue la base morale et politique des dispositions juridiques qui sont énoncées ensuite. De telles considérations ne sont pas cependant en elles-mêmes des règles de droit » 80 Voir, CIJ, A, 27 août 1952 Droit des ressortissants des Etats- Unis d'Amérique au Maroc, Rec. 1952, p.196-197.
68
On entend par authentification, « la procédure qui consiste à déclarer que le texte rédigé
correspond à l'intention des négociateurs et qu'ils le tiennent pour définitif. En principe, un
texte authentifié n'est plus susceptible de modification81» .Cette authentification peur se faire
soit par la signature ad referendum (les représentants des États qui participent aux
négociations apposent leur signature sous réserve de confirmation ultérieure par leur
gouvernement), soit par le paraphe, consistant à l’apposition des initiales. En outre, une
différence est à opérer entre l’authentification des traités bilatéraux et l’authentification des
traités multilatéraux.
Pour les traités bilatéraux, ceux-ci sont généralement adoptés et authentifiés par la
signature. La seule condition exigée est celle de l’unanimité des parties. Par contre, lorsqu’il
est question des traités multilatéraux adoptés par une conférence internationale ou l’organe
d’une organisation internationale, la pratique actuelle commande d’arrêter le contenu du traité
par décision prise à la majorité des Etats représentés au sein de la conférence ou
conformément aux règles de vote de l’organe international. La convention de Vienne en son
article 9, par 2 dispose clairement que « l’adoption du texte d’un traité à une conférence
internationale s’effectue à la majorité des deux tiers des Etats présents et votant, à moins que
ces Etats ne décident, à la même majorité, d’appliquer une règle différente ».
Si le texte adopté et authentifié exerce une petite portée juridique particulière.
Généralement, à ce stade, le traité n'est pas obligatoire pour les parties à la négociation, dans
la mesure où il n'est pas encore entré en vigueur. Cependant, les Etats qui ont signé en faveur
de l'adoption de l'acte sont soumis à une obligation de comportement. En vertu du principe de
la bonne foi consacré par l'article 18 de la Convention de Vienne, les Etats ne doivent pas
prendre des actes qui auraient pour objectif de priver le traité de son objet et de son Il en
résulte une conséquence juridique importante. Car, le traité sans être en vigueur commence à
produire certains effets dès sa conclusion. La pratique permet, cependant, de relever que
l'adoption du texte n'empêche pas les Etats de le remettre en cause avant son entrée en vigueur
en recourant à plusieurs moyens. Les Etats peuvent élaborer des protocoles additionnels
L’authentification met fin à la phase d’élaboration de l’acte du traité et donne lieu à la
phase de l’engagement des Etats à être liés par le traité.
81 Nguyen Quoc Dinh, Droit international public, Paris, A.LGDJ, 1986, p.124.
69
2-2 : L’engagement des Etats L’engagement des Etats à être liés définitivement par un traité présente des formes
variables caractérisées ou non par un certain formalisme (Voir les accords en forme simple
et les accords en forme solennelle).82 En effet, il a été vu précédemment que la signature des
traités en forme simplifiée était synonyme d’engagement définitif des Etats, car ils ne
nécessitent aucune autre procédure particulière pour lier définitivement les Etats aux traités en
question. En revanche, la volonté de l’Etat à être lié de manière solennelle s’exprime par la
ratification, laquelle est soumise à l’ordre juridique interne de chaque Etat. Une idée
confirmée par Manin en ces termes : « dans les cas des formes dites ″solennelles″ d’accord,
l’expression du consentement à être lié ne peut résulter que d’un acte postérieur et distinct de
l’authentification, et cet acte n’est autre que la ratification 83».
La volonté de l'Etat d'être lié définitivement (Article 14 de la Convention de Vienne)
s'exprime au moyen de la ratification, de l'acceptation et de l'approbation. Ces trois concepts
semblent avoir une valeur équivalente. Et, il faut se référer à la pratique générale afin de
tenter de cerner la signification particulière qu'ils peuvent revêtir. C'est ainsi que la ratification
serait la confirmation de la négociation conduite par un représentant de l'Etat, opérée par le
Chef de l'Etat, tandis que l'acceptation et l'approbation relèveraient de la compétence du
Ministre des Affaires Etrangères ou d'autres autorités internes. Toutefois, il faut noter que ces
différentes procédures produisent, du point de vue du Droit international public, les mêmes
effets juridiques. Le juge international a eu plusieurs fois l'occasion d'affirmer que la
ratification des conventions constitue une règle ordinaire du Droit international public84.
Dès lors, la procédure de ratification varie selon les ordres juridiques internes. Elle peut
être l'œuvre exclusive de l'exécutif (régime d'exception), du législatif (régime d'Assemblée)
ou d'une compétence partagée entre l'exécutif et le législatif. Dans ce dernier cas, le législatif
accorde l'autorisation de ratifier au moyen d'une loi. Et, l'exécutif ratifie au moyen d'un décret
ou d’un Dahir. C'est cette troisième modalité qui est consacrée par le droit positif marocain.
Au Maroc, par exemple, c’est le chef de l’Etat en la personne de Sa Majesté le Roi qui est
compétent en ce qui concerne la ratification des traités internationaux, en dehors des traités 82 Voir la Section 1-1-2 de la présente analyse réservée à la classification des traités internationaux, p. 83 P. Manin, Droit international public, Paris, Masson, 1979, p.86. 84 CIJ, A, 1er juillet 1952, Ambatielos, « La ratification d'un traité, lorsqu'elle est prévue comme dans le traité de 1926 est une condition indispensable de l'entrée en vigueur du traité: elle n'est donc pas une simple formalité, mais un acte d'importance essentielle ».
70
internationaux ayant une incidence financière, des traités de paix ou d’Union, de
délimitations des frontières, des traités de commerce qui sont de la compétence du pouvoir
législatif (Article 55 de la Constitution de 2011). 85
L’engagement des Etats à être liés définitivement par le traité donne lieu
automatiquement à l’entrée en vigueur, laquelle dans notre analyse sera suivi de
l’enregistrement et la publication.
2-3 : L’entrée en vigueur, l’enregistrement et la publication
L’entrée en vigueur
L’entrée en vigueur d’un traité signifie tout simplement que ce dernier est apte à
produire des effets de droits, c’est-à-dire à modifier l’ordonnancement juridique. Paul
REUTER nous le rappelle très bien en ces termes : « l’entrée en vigueur se réfère au fait que,
pour les Etats ayant exprimé leur consentement à être liés par le traité, le traité en tant que
tel a acquis désormais sa pleine efficacité juridique 86 ». Par ailleurs, l’article 24 de la
Convention de Vienne détermine les conditions d’entrée en vigueur des traités. Celles-ci sont
soit fixées par l’art 24 de la convention de Vienne, soit par le traité, soit par accord des Etats
parties à la négociation, soit par tout autre moyen que les Etats auront jugé nécessaire. Ainsi,
l’article 24 de la Convention de Vienne dispose : Les Etats peuvent convenir de l’entrée en
vigueur provisoire du traité :
1-Un traité entre en vigueur suivant les modalités et à la date fixées par ses dispositions ou
par accord entre les Etats ayant participé à la négociation.
2-A défaut de telles dispositions ou d'un tel accord, un traité entre en vigueur dès que le
consentement à être lié par le traité a été établi pour tous les Etats ayant participé à la
négociation. » Ils ont aussi la possibilité de décider de son entrée en vigueur définitive..
85 Article 55 de la constitution marocaine de juillet 2011, « Le Roi signe et ratifie les traités. Toutefois, les traités de paix ou d’union, ou ceux relatifs à la délimitation des frontières, les traités de commerce ou ceux engageant les finances de l’Etat ou dont l’application nécessite des mesures législatives, ainsi que les traités relatifs aux droits et libertés individuelles ou collectives des citoyennes et des citoyens, ne peuvent être ratifiés qu’après avoir été préalablement approuvés par la loi. Le Roi peut soumettre au Parlement tout autre traité avant sa ratification. Si la Cour Constitutionnelle, saisie par le Roi ou le Président de la Chambre des Représentants ou le Président de la Chambre des Conseillers ou le sixième des membres de la première Chambre ou le quart des membres de la deuxième Chambre, déclare qu’un engagement international comporte une disposition contraire à la Constitution, sa ratification ne peut intervenir qu’après la révision de la Constitution. » 86 Paul REUTER, Introduction au droit des traités, op cit, p.62
71
Il faut préciser que l’entrée en vigueur des traités bilatéraux résulte de l'échange des
instruments de ratification. En cas de silence des parties sur les conditions d'entrée en vigueur
d'un traité bilatéral, la date sera celle de l'échange des instruments de ratification. Par contre,
les conditions d'entrée en vigueur des traités multilatéraux varient selon les traités.
L'unanimité est généralement requise pour les traités fermés, les traités élaborés dans le cadre
d'une région déterminée ou les traités communautaires. D'autres traités multilatéraux exigent
au contraire, le consentement de quelques Etats bien identifiés pour leur entrée en vigueur.
C’est le cas notamment du traité de non-prolifération des armes nucléaires du 10juillet 1968,
pour lequel le consentement des Etats-Unis d'Amérique, de l'URSS et du Royaume-Uni de
Grande-Bretagne, parties originaires, déterminait l'entrée en vigueur dudit traité.
L’enregistrement et la publication
Les traités ratifiés doivent en principe être enregistrés et publiés. Cependant, l'histoire
des relations internationales témoigne de la conclusion d'accords secrets de caractère
politique, militaire ou parfois économique. Cette pratique a conduit à de nombreux conflits
par le passé, ce qui explique sa condamnation Pour mettre un terme à ces confusions du genre,
l’enregistrement et la publication des traités internationaux sont désormais des obligations ou
du moins des pratiques obligatoires que la Charte des Nations Unies ainsi que la Convention
de Vienne tente de rendre effectives.
C’est tout le sens de l’article 102 de la Charte, laquelle prescrit une obligation pour
l’enregistrement et la publication des traités internationaux. Toutefois, l’absence
d’enregistrement a tout du moins un effet n’occasionnant pas la suspension ou la nullité du
traité. Car, un traité non enregistré ne peut être évoqué devant tout organe de l'ONU, bien
qu'il soit obligatoire, cependant, il peut être interprété devant toute autre juridiction telle que
la Cour Internationale de Justice notamment, devant une juridiction arbitrale ou un autre juge
international. Et il peut être appliqué par les parties. La lecture de l’article 102 de la Charte est
très édifiante à cet égard. Il dispose clairement que :
« 1. Tout traité ou accord international conclu par un membre des Nations Unies après l "entrée en vigueur de la présente charte sera, le plus tôt possible, enregistré au secrétariat et publié par lui.
2. Aucune partie à un traité ou accord international qui n'aura pas été enregistré conformément aux dispositions du paragraphe 1 du présent article ne pourra invoquer ledit traité ou accord devant un organe de l'organisation ».
72
Il y’a donc la une prescription à encourager l’enregistrement et la publication des traités
internationaux. Les traités ou accords enregistrés sont publiés, dans le recueil des traités et
dans les langues de travail des Nations-Unies, par le Secrétaire Général de l'O.N.U87. L'article
80 de la Convention de Vienne tente de généraliser la règle de l'enregistrement des traités
internationaux. En effet, il édicte le principe de l'enregistrement de tous les traités
internationaux, même ceux conclus par les Etats tiers, auprès du Secrétaire Général de
l'O.N.U. Cet article recommande clairement que :
« 1. Après leur entrée en vigueur, les traités sont transmis au secrétariat de l'organisation des Nations Unies aux fins d'enregistrement ou de classement et inscription au répertoire, selon le cas, ainsi que de publication. 2. La désignation d'un dépositaire constitue autorisation pour celui-ci d'accomplir les actes visés au paragraphe précédent ». Malgré ces différentes prescriptions, force est de constater que de nombreux traités ne
sont pas encore de nos jours enregistrés et publiés.
2-4 : Les réserves
La réserve est une institution qui permet à un Etat de modifier ou d'exclure certaines
dispositions d'un traité et partant de ne pas être soumis au même régime juridique que les
autres Etats. L'uniformité de la règle et l'intégrité du traité se trouvent ainsi remis en cause.
C'est le souci d'assurer au traité son intégrité qui a justifié le régime initialement consacré en
matière de réserve.
La Convention de Vienne définit les réserves et les soumet à un régime particulier. Au
terme de l'article 2-1-d de la Convention de Vienne définit la réserve comme: « une
déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un Etat quand il
signe, ratifie, accepte ou approuve un traité ou y adhère, par laquelle il vise à exclure ou à
modifier l'effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à cet Etat».
L'objet de la réserve doit être de modifier l'engagement de l'Etat ou d'exclure
certaines dispositions du traité. Seul le critère matériel permet de qualifier un acte déterminé
de réserve, ou d'opérer une autre qualification juridique
87 Pratiquement, en 50 ans, le Secrétariat des Nations Unies a publié près de 1650 volumes contenant plus de 35000 traités enregistrés.
73
La Convention de Vienne consacre la liberté de l'Etat de formuler une réserve au
moment de la signature, de la ratification, de l'acceptation, de l'approbation ou de l'adhésion à
un traité. Le régime des réserves est déterminé par le traité lui-même. En cas de silence, on se
réfère au critère de la compatibilité de la réserve avec l'objet et le but du traité énoncé par la
Cour Internationale de Justice en 1951 et repris par la Convention de Vienne.
Ainsi, le traité peut autoriser la formulation des réserves, ce que nous apprend l’Article
20-1 de la Convention de Vienne: « 1. Une réserve expressément autorisée par un traité n'a
pas à être ultérieurement acceptée par les autres Etats contractants, à moins que le traité ne
le prévoie. ». Mais, le traité peut aussi interdire les réserves, comme le dit l’Article 19- a de la
Convention de Vienne: « Un Etat, au moment de signer, de ratifier, d'accepter, d'approuver
un traité ou d’y adhérer, peut formuler une réserve, à moins ; a) que la réserve ne soit
interdite par le traité. ». Par Exemple : la convention de Montego Bay interdit aux Etats la
possibilité de formuler des réserves exceptions faites des réserves autorisées (article 309).
Cependant, elle leur laisse la possibilité de faire des déclarations en vue notamment
d'harmoniser leurs lois et règlements avec la convention (article 310).
L’acceptation ou l’objection des réserves La réserve formulée par un Etat peut être acceptée ou contestée par les autres parties. Un
Etat peut accepter la réserve de façon expresse ou tacite. L'acceptation tacite résulte du silence
observé 12 mois après la date de notification de la réserve (article 20 paragraphe 5 de la
Convention de Vienne).
- L'acceptation unanime de la réserve: une exception
L'acceptation unanime de la réserve constitue une exception et une survivance du
système antérieur. Elle est, cependant, exigée pour les accords plurilatéraux qui répondent à
des conditions particulières: nombre restreint d'Etats, objet et but particuliers, application du
traité dans son intégralité.
- L'acceptation de l'organe compétent de l'Organisation Internationale
Les réserves formulées à l'endroit d'un traité qui est l'acte constitutif d'une organisation
internationale doivent être acceptées par l'organe compétent de l'Organisation Internationale.
La convention de Vienne est claire à ce sujet en son Article 20 paragraphe 3 de la
74
Convention de Vienne qui dispose : «Lorsqu'un traité est un acte constitutif d'une
organisation internationale et à moins qu'il n'en dispose autrement, une réserve exige
l'acceptation de l'organe compétent de cette organisation. »
Les effets de la réserve.
La réserve modifie les relations des parties selon qu'elle est acceptée ou refusée. En cas
d'acceptation de la réserve, le lien conventionnel entre l'Etat réservataire et ceux qui ont admis
la réserve se trouve modifié sur toutes les dispositions sur lesquelles porte la réserve. C’est ce
que nous dit l’Article 20 paragraphe 4 a de la Convention de Vienne: « Dans les cas autres
que ceux visés aux paragraphes précédents et à moins que le traité n'en dispose autrement: a)
l'acceptation d'une réserve par un autre Etat contractant fait de l'Etat auteur de la réserve
une Partie au traité par rapport à cet autre Etat si le traité est en vigueur ou lorsqu'il entre en
vigueur pour ces Etats. »
La réciprocité joue entre ces Etats qui peuvent ainsi chacun se prévaloir de la réserve
(article 21 paragraphe l de la Convention de Vienne).
L’objection simple à une réserve n'empêche pas le traité d'être en vigueur entre l'Etat
réservataire et l'Etat auteur de l'objection. Cependant, l'ambiguïté de la Convention de Vienne
consiste à énoncer le principe selon lequel les dispositions sur lesquelles porte la réserve ne
s'appliquent pas aux deux Etats et ce conformément à l’Article 20 paragraphe 4 b de la
Convention de Vienne: « Dans les cas autres que ceux visés aux paragraphes précédents et à
moins que le traité n'en dispose autrement: b) l'objection faite à une réserve par un autre Etat
contractant n'empêche pas le traité d'entrer en vigueur entre l'Etat qui a formulé l'objection et
l'Etat auteur de la réserve, à moins que l'intention contraire n'ait été nettement exprimée par
l'Etat qui a formulé l'objection. »
L’entrée en vigueur, l’enregistrement et la publication des traités internationaux et les
réserves marquent la fin de la conclusion des traités, d’où la question de validité des traités (3)
3. la validité des traités
Pour qu’un traité puisse être valable, c’est-à-dire qu’il puisse produire des effets de
droits à l’égard des parties ou des tiers, il est important que ce traité respecte certaines
75
conditions dégagées par la pratique internationale. Il est donc impérieux que le traité ne soit
pas vicié, c’est-à-dire, ne comporte aucun vice de consentement prévues par la convention de
Vienne sur le droit des traités.
La validité des traités, objet de la présente analyse sera abordé sous l’angle de la
théorie des vices de consentement et les sanctions prévues en cas de vice de consentement.
Les vices de consentement
Parce que le traité est l’expression suprême de la volonté des Etats, il importe dès lors que
le consentement de l’Etat à être lié, ne doit souffrir d’aucune forme des vices de
consentement, c’est pourquoi la régularité et la liberté sont les maitres mots de la validité
d’un traité. Les vices de consentement prévus par la Convention de Vienne présentent une
certaine ressemblance avec ceux prévus par le droit civil interne. La Convention de Vienne
sur le droit des traités conclus par les Etats consacre plusieurs vices du consentement. Il s'agit
de l'erreur, du dol, de la corruption, de la contrainte et du jus cogens.
• L’erreur :
L'article 48 de la Convention de Vienne érige l'erreur en vice du consentement
susceptible de conduire à l'invalidité du traité. Il retient, cependant, une définition restrictive.
En effet, seule l'erreur substantielle portant sur un fait ou une situation est admise. Sont
écartées les erreurs de droit, les erreurs matérielles ou celles résultant du fait de l'errans. Cet
article est édifiant à ce propos, il dispose :
« 1. Un Etat peut invoquer une erreur dans un traité comme viciant son consentement à être lié par le traité si l'erreur porte sur un fait ou une situation que cet Etat supposait exister au moment où le traité a été conclu et qui constituait une base essentielle du consentement de cet Etat à être lié par le traité. 2. Le paragraphe 1 ne s'applique pas lorsque ledit Etat a contribué à cette erreur par son comportement ou lorsque les circonstances ont été telles qu'il devait être averti de la possibilité d'une erreur. 3. Une erreur ne concernant que la rédaction du texte d'un traité ne porte pas atteinte à sa validité; dans ce cas, l'article 79 s'applique88. ». L'erreur invoquée par l'Etat victime doit avoir constitué « la base essentielle du
consentement de cet Etat à être lié par le traité » . En effet, seule l'erreur qui affecte la réalité
du consentement doit être prise en considération et entraîne la nullité du traité. Lorsque le
consentement n'est pas altéré, l'erreur est indifférente et l'acte demeure valable. Conforme en 88 L’article 19 de la Convention de Vienne prévoit une procédure de correction des erreurs dans les textes ou les copies certifiées conformes des traités.
76
cela à une jurisprudence et à une pratique bien établie, l'article 48 de la Convention de Vienne
exclut de son champ d'application l'erreur de droit. Seule est admise l'erreur portant sur un fait
ou sur une situation que l'Etat supposait exister au moment de la conclusion du traité. La
Convention de Vienne en consacrant l'erreur de fait présentant un caractère essentiel,
n'émanant pas de l'errans et non matérielle retient une conception restrictive de l'erreur. Cette
démarche est conforme à l'opinion de L. Dubouis selon laquelle « l'erreur est protéiforme;
les effets que le droit lui attache varient nécessairement selon le genre de méprise
commise 89».
• Le dol :
A la différence de l'erreur, le dol est une institution qui a donné lieu à une pratique peu
répandue en Droit international public. Les auteurs se sont, cependant, interrogés sur la
nécessité d'instituer un vice du consentement autonome de l'erreur avec lequel il présente
quelques similitudes. Le dol s'inspire de l'adage selon lequel « la fraude corrompt tout ». La
Convention de Vienne est allée au-delà de ces conjectures et a retenu le dol comme la
conduite frauduleuse d'un Etat ayant participé à la négociation et qui détermine le
comportement d'un autre Etat. Si erreur il y a dans la représentation de la réalité, celle-ci
résulte de la manipulation, de la tromperie à laquelle a eu recours l'une des parties. Ce que
nous renseigne l’article 49 de la Convention de Vienne : « Si un Etat a été amené à conclure
un traité par la conduite frauduleuse d'un autre Etat ayant participé à la négociation, il peut
invoquer le dol comme viciant son consentement à être lié par le traité. ». La doctrine
avance comme unique précédent dans la pratique internationale, les accords de Munich de
1938 qui ont été conclus par le gouvernement hitlérien avec l'intention frauduleuse d'annexer
la Tchécoslovaquie.
• La corruption :
La corruption du représentant de l'Etat n'est pas aisée à définir. Elle comprend deux
éléments essentiels. D'une part, l'existence d'offres, promesses ou dons préalables à
l'expression d'un consentement et, d'autre part, l'existence d'un rapport entre ces offres,
promesses ou dons et l'effet recherché qui est d'infléchir la volonté du représentant dans un
89 Louis DUBOIS, « L’erreur en Droit International Public », in Annuaire Français de Droit International, Paris, 1963, p191-227
77
sens favorable à l'auteur de la corruption» . Au sens de l’article 50 de la Convention de
Vienne, « Si l'expression du consentement d'un Etat à être lié par un traité a été obtenue au
moyen de la corruption de son représentant par l'action directe ou indirecte d'un autre Etat
ayant participé à la négociation, l'Etat peut invoquer cette corruption comme viciant son
consentement à être lié par le traité. ». Aux termes de l'article 50 de la Convention de Vienne,
la corruption du représentant de l'Etat est constituée par l'action directe ou indirecte d'un Etat
ayant participé à la négociation à l'endroit du représentant d'un autre Etat. La corruption est un
vice du consentement qui pose des difficultés de preuve. Et, elle met souvent en relief un
réseau opaque de relations. Bien que l'article 50 de la Convention de Vienne exige qu'elle soit
le fait d'un Etat et à l'encontre d'un autre Etat, il faut, toutefois, souligner qu'au-delà des
relations interétatiques, des rapports particuliers existent entre l'Etat et des sociétés privées.
Ainsi, la corruption est une pratique fort répandue dans les transactions économiques,
dans lesquelles les intérêts privés sont prédominants. Ce qui explique une interprétation
relativement souple. L'acte de corruption doit être imputable à un Etat déterminé, il suffit qu'il
émane d'une personne agissant pour le compte ou sous le contrôle de l'Etat, peu importe qu'il
soit son représentant ou non. Les effets de la corruption sont identiques au dol. L'Etat victime
peut invoquer la divisibilité du traité (article 44-4 de la Convention de Vienne) ou obtenir
l'annulation de l'ensemble du traité. L'acte de corruption peut être couvert par l'Etat victime
(article 45 de la Convention de Vienne).
• La contrainte
D’emblée, il convient de faire la distinction entre la contrainte exercée sur le représentant
d’un Etat et la contrainte exercée sur l’Etat. La contrainte exercée sur le représentant d'un Etat
encore appelée contrainte physique est souvent difficile à distinguer de celle qui est faite sur
l'Etat lui-même. Il s'agit ici des actes qui mettent en cause la personnalité du représentant de
l'Etat et qui visent notamment son intégrité physique, sa réputation, sa carrière et celle des
personnes qui lui sont proches. La contrainte constitue un vice grave qui a pour conséquence
d'invalider le traité. Tout se déroule comme si le traité n'avait jamais existé à l'origine. Il s'agit
d'une nullité ab initio. L’article 51 de la Convention de Vienne en est une illustration parfaite,
il dispose : « L'expression du consentement d'un Etat à être lié par un traité qui a été obtenue
par la contrainte exercée sur son représentant au moyen d'actes ou de menaces dirigés contre
lui est dépourvue de tout effet juridique ».
Par contre, la contrainte exercée contre l'Etat doit être distinguée de l'hypothèse
précédente. L'Etat est ici directement visé par un acte particulier et l'on peut citer à titre
78
d'exemple, un traité élaboré sous la menace d'une invasion armée ou sous l'emprise d'une
occupation militaire. Les conceptions juridiques concernant les effets de la contrainte ont
évolué dans le temps. Les débats ont été houleux au moment de l'élaboration de la Convention
de Vienne compte tenu des oppositions observées. Celles-ci portent notamment sur la
signification que peut revêtir le terme contrainte et le sort réservé à certains traités. L'article
52 dispose que la contrainte résulte de l'usage de la menace ou de l'emploi de la force en
violation des principes du Droit international public contenus dans la Charte de l'O.N.U. A
contrario, tout usage ou menace d'usage de la force en conformité avec les principes de la
Charte des Nations-Unies n'est pas constitutif d'un acte de contrainte.
Les pays développés ont soutenu que l'article 52 devrait être interprété comme
interdisant le recours à la force armée. Mais les pays en voie de développement ont posé la
question de la contrainte économique et politique que pouvait subir un Etat. Le compromis
entre ces deux thèses a consisté en l'affirmation des principes incorporés dans la Charte, la
prise en compte de la contrainte économique, politique ou militaire et, dans le vote d'une
déclaration sur l'interdiction de la contrainte militaire, politique ou économique lors de la
conclusion des traités annexée à l'Acte Final adopté à l'issue de la conférence diplomatique de
Vienne. Finalement, l’extension de la contrainte aux aspects économique, politique et
militaire a été évoquée devant la Cour Internationale de Justice90.
• Les normes impératives du Jus Cogens
Le Jus Cogens constitue l'une des innovations majeures de la Convention de Vienne. Cette
disposition relève beaucoup plus du développement progressif du Droit international public
que de la codification de la coutume; ce qui explique nombre d'oppositions enregistrées. Les
raisons de la critique résident notamment dans les contours imprécis de cette notion et dans
les conséquences graves qui s'y rattachent. Dès lors, que faut-il entendre par « Jus Cogens » ?
L'article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités conclus par les Etats
consacre l'existence de normes de Jus Cogens : « Est nul tout traité qui, au moment de sa
conclusion, est en conflit avec une norme impérative du Droit International général. Aux fins
de la présente convention, une norme impérative du Droit International général est une 90 Voir C.I.J. A, 2 .février 1973, Compétence en matière de pêcheries. « L'Islande soutient que l'échange de notes favorable à la Grande Bretagne n'a pu être fait que grâce aux actions de la flotte de guerre britannique dans les espaces maritimes controversés. La Cour Internationale de Justice rejette cette "allégation déguisée de contrainte qui aurait prétendument rendu l'échange de notes nul dès l'origine". Elle conclut qu'un traité ne peut prendre en considération une accusation aussi grave sans preuve. Dans son opinion dissidente, le juge de nationalité mexicaine Padillla NERVO, affirme: « une grande puissance dispose de bien des moyens pour utiliser la force et exercer des moyens de pression sur une petite nation. Il existe des pressions morales et politiques qui ne peuvent être établies au moyen de preuves documentaires mais dont l'existence est un fait incontestable ».
79
norme acceptée et reconnue par la Communauté Internationale des Etats dans son ensemble,
en tant que norme à laquelle aucune dérogation n'est permise et qui ne peut être modifiée que
par une nouvelle norme du Droit International général ayant le même caractère ».
Aux termes de l'article 53 de la Convention de Vienne, une norme de Jus Cogens est:
- une norme impérative : le Jus Cogens établit une « échelle dans la normativité
internationale»91. Une hiérarchie se trouve instaurée, par conséquent, entre les «super-
normes» qui sont les normes impératives et les « normes ordinaires ». Le caractère
impératif d'une norme ne signifie pas que les normes non impératives ne sont pas
obligatoires. Toutes les normes sont obligatoires, cependant, certaines ont une force
juridique plus importante dans la mesure où, les autres doivent s'y conformer.
- Une norme de Droit International : La norme de Jus Cogens se caractérise par son
caractère général et on pourrait même dire universel. Le Jus Cogens représente les
intérêts généraux de la société internationale. Sont cités par la doctrine comme normes
de Jus Cogens : l'interdiction du génocide, de l'esclavage, de la traite négrière et le
droit humanitaire.
- Une norme qui frappe de nullité la norme contraire : Tout traité entrant en conflit
avec une norme impérative de Jus Cogens est frappé de nullité. Ainsi la contradiction
avec une norme impérative conduit-elle à l'application du régime le plus rigoureux qui
soit. La divisibilité est impossible et la norme ne peut être couverte par l'acceptation
ultérieure (articles 44, 45, 53, 64,71 de la Convention de Vienne). En effet, tout traité
existant qui se trouve en conflit avec cette nouvelle norme devient nul et de nul effet.
La doctrine cite traditionnellement les règles de droit humanitaire et les droits de la
personne humaine comme des règles de Jus Cogens. Ces droits doivent être respectés en tout
temps et en toutes circonstances et ils ne sont susceptibles d'aucune dérogation. Il s'agit
notamment du droit à la vie, du droit de ne pas être soumis à la torture, à des peines ou
traitements dégradants et du droit de ne pas être réduit en esclavage.
Tout traité dont le consentement n’est pas régulier, libre et éclairé est frappé de nullité
relative ou de nullité absolue.
La nullité relative et la nullité absolue des traités
91 Paul WEIL, « Vers une normativité relative du Droit International », Revue Générale de Droit International Public, 1982, p.5
80
Un traité qui ne répond pas aux conditions de validité des traités telles que étudiées
précédemment est frappée de nullité.
La nullité absolue suppose la disparition totale du traité, c’est-à-dire que ce dernier est
considéré comme n’avoir jamais existé. Cette disparition totale de l’acte du traité intervient
que dans les hypothèses les plus graves en matière de non-conformité des traités avec les
normes impératives du Jus Cogens, ou encore de contrainte.
La nullité relative, quant à elle suppose la disparition de certains éléments du traité. Seuls
les éléments du traité incriminé seront annulés. Il s’agit de la théorie de la divisibilité du
traité, qui suppose que les clauses divisibles soient détachables du reste du traité; que leur
acceptation n'ait pas constitué pour les parties la base essentielle de leur consentement à être
lié et que l'exécution de ce qui subsiste du traité n'occasionne pas d'injustice (article 44-3-b de
la Convention de Vienne). La nullité relative est autorisée dans les hypothèses du dol, de la
corruption ou encore de l’erreur.
Si le traité répond aux conditions de validité, ci-dessus décrites et échappe aux vices
de consentement, le traité est désormais apte à produire des effets de droit (4).
4. Les effets des traités Le Droit international public consacre la règle de l'effet relatif des traités. Le traité ne
produit des effets juridiques qu'entre les parties. Pour les Etats tiers, il n'est pas obligatoire.
Les effets des traités seront envisagés sous deux angles : d’une part les effets à l’égard des
Etats parties au traité, et d’autre part les effets à l’égard des Etats tiers.
Les effets des traités à l’égard des Etats parties au traité
Les effets des traités à l'égard des parties sont régis par le principe du caractère obligatoire
des traités encore appelé" pacta sunt servanda" et par le principe de la bonne foi. L'article 26
de la Convention de Vienne sur le Droit des Traités conclus par les Etats et le préambule de la
Charte de l'Organisation des Nations-Unies affirment le principe du caractère obligatoire des
obligations nées des traités et des autres sources du droit. L’article 26 de la Convention de
Vienne: « Tout traité en vigueur lie les Parties et doit être exécuté par elles de bonne foi. »
Le caractère obligatoire des traités constitue une règle fondamentale du Droit
international public. La doctrine volontariste l'explique par la volonté des Etats de se lier. Le
81
traité est, en effet, obligatoire pour les Etats qui ont consenti à être liés et à l'égard desquels il
est en vigueur. Au vu de la place cardinale qu'occupe la règle Pacte Sunt Servanda en Droit
International, certains auteurs s’interrogent si elle ne devrait pas être considérée comme une
règle impérative de Droit International. Cette approche est notamment celle de Pierre Marie
Dupuy, pour lequel «le principe du caractère obligatoire des traités est souvent présenté
comme une sorte de loi des lois, et l'on évoquait un peu plus haut la possibilité logique de lui
reconnaître en effet une portée que l'on pourrait dire structurellement impérative, en tant
qu'elle constitue une exigence première de l'existence et de la cohérence d'un ordre juridique
international92 ».
La bonne foi qui subsume le principe du Pacte Sunt Servanda, renvoie à l'esprit de
loyauté, de respect du droit, de fidélité aux engagements de la part de celui dont l'action est en
cause. La bonne foi est donc une attitude psychologique, elle relève de l'état d'esprit des sujets
de droit. Cette psychologie s'extériorise et se manifeste par les indices qui peuvent être
appréciés en recourant à certains standards. L'appréciation de la bonne foi suppose la prise en
compte du comportement objectif du sujet de droit qui résulte de sa psychologie. En d'autres
termes, les traités sont obligatoires et sont exécutés de bonne foi par les parties. Ce principe
fait l'unanimité au sein de la doctrine. Il se justifie par une société internationale composée
d'Etats souverains et égaux. Car accepter qu'un groupe d'Etats puisse élaborer des traités pour
les imposer à d'autres reviendrait, en effet, à remettre en cause les principes de souveraineté,
d'indépendance et d'égalité des Etats93.
Les traités conclus entre les parties doivent être appliqués dans le temps et dans
l’espace.94
Les effets de traité à l’égard des Etats tiers
La Convention de Vienne définit l'Etat tiers comme l'Etat qui n'est pas partie au traité
c'est-à-dire qui n'est pas lié par les dispositions du traité entré en vigueur, le tiers peut être un
Etat qui a signé, mais qui n'a pas ratifié le traité, qui ne l'a pas signé, ou qui n'a pas adhéré.
92 Pierre Marie DUPUY, Droit International Public, op cit, p.201 93 Ce principe de l’effet relatif des traités est aussi confirmé par la jurisprudence internationale. Voir C.I.J, A, 20 février 1969, Plateau continental en mer du Nord Dans cet arrêt, la Cour Internationale de Justice relève que l'on ne saurait présumer à la légère qu'un Etat qui avait la possibilité de devenir partie à la Convention et qui n'a pas recouru aux procédures légales soit lié par le traité. Cet Etat ne peut revendiquer aucun droit tant qu'il n’a pas exprimé sa volonté ou son acceptation dans les formes prescrites 94 La Convention de Vienne en son article 29 traite du champ d’application territorial des traités et en son article 28 traite de l’application du traité dans le temps.
82
En principe, les Etats tiers ne sont pas régis par les dispositions du traité en vertu de l’effet
relatif des traités, néanmoins, il existe un certain nombre d’exceptions.
Le principe de l'effet relatif des traités trouve son fondement dans la souveraineté des
Etats, c’est-à-dire qu’il serait difficile d'imposer des obligations à un Etat tiers ou de lui
reconnaître des droits. Car les Etats ne sont engagés que parce qu'ils l'ont voulu, parce que et
surtout le droit international est de nature volontariste. C’est tout le sens de l’article 34 de la
Convention de Vienne qui rappelle qu’ « un traité ne crée ni obligations, ni droits pour un
Etat tiers sans son consentement ».
Ce principe de l’effet relatif des traités connait de nombreuses exceptions. D’où les traités
peuvent produire des effets de droit à l’égard des tiers.
v Avec le consentement des Etats tiers,
Nous avons deux types de traités : la clause de la Nation la plus favorisée et la Stipulation
pour autrui.
- La clause de la Nation la plus favorisée :
La clause de la nation la plus favorisée est une clause insérée dans un traité et en vertu
de laquelle les Etats parties conviennent d'appliquer automatiquement à leur relation
conventionnelle tout régime favorable consenti à un Etat tiers dans la matière visée par la
clause. L'avantage dont bénéficie l'Etat résulte d'un traité auquel il n'est pas partie. Si ce traité
vient à disparaître, l'Etat n'a pas le droit au maintien de l'avantage concédé. Ce principe a été
rappelé par la Cour Internationale de Justice. La clause de la nation la plus favorisée permet
d'assurer l'égalité réelle entre les Etats en évitant les discriminations dans le domaine
économique. Elle constitue l'un des principes essentiels de l'Organisation Mondiale du
Commerce (OMC). Elle ne fait pas l'objet, cependant, d'une disposition particulière de la
Convention de Vienne.
- La stipulation pour Autrui
La stipulation pour autrui peut se définir comme la clause d'un traité énonçant une
promesse dont le bénéficiaire est un Etat qui n'est pas partie à ce traité et dont on peut se
demander si elle crée un droit dont cet Etat est fondé à se prévaloir et qui ne peut pas lui être
retiré sans son consentement. Deux éléments apparaissent dans cette définition d'une part, la
création d'un droit au bénéfice d'un tiers et, le consentement du tiers en cas de modification,
d'autre part.
83
De nombreux traités internationaux contiennent des stipulations en faveur d'Etats tiers.
Ces clauses sont en général insérées dans les traités de paix ou dans les traités établissant un
régime international général. Elles permettent à un Etat qui ne peut pas devenir partie, de
bénéficier de droits sur un aspect du règlement global qui le concerne. Par exemple, le traité
de Versailles prévoyait en faveur de la Suisse (tiers) des droits sur le Rhin.
La stipulation pour autrui reste régie par l’article 36 de la Convention deVienne, lequel
dispose : «
1. Un droit naît pour un Etat tiers d'une disposition d'un traité si les Parties à ce traité entendent, par cette disposition, conférer ce droit soit à l'Etat tiers ou à un groupe d'Etats auquel il appartient, soit à tous les Etats, et si l'Etat tiers y consent. Le consentement est présumé tant qu'il n y a pas d'indication contraire, à moins que le traité n'en dispose autrement.
2. Un Etat qui exerce un droit en application du paragraphe 1 est tenu de respecter, pour l'exercice de ce droit, les conditions prévues dans le traité ou établies conformément à ses dispositions. »
v Sans le consentement des Etats tiers
Dans certaines circonstances, malgré l'absence de consentement du tiers, il existe bel et
bien la création d'obligations juridiques. Il s'agit, d'une part, des traités établissant des
situations objectives et, des statuts territoriaux, d'autre part.
- Les traités établissant des situations objectives
Le professeur Sir Humphrey WALDOCK, l’un des rapporteurs de la Commission du
Droit International nous apprend qu’un traité établit des situations objectives « lorsqu'il
ressort de ses dispositions et des circonstances de sa conclusion que l'intention des parties est
de créer dans l'intérêt général des obligations et des droits de caractère général concernant
une région, un Etat, un territoire, une localité, un fleuve ou une voie d'eau déterminée, ou une
zone déterminée de la mer, du lit de la mer, ou de l'espace aérien, à condition que parmi les
parties se trouve un Etat ayant compétence territoriale à l'égard de l'objet du traité, ou qu'un
tel Etat ait consenti à la disposition en question».
Cette définition de Sir Humphrey est édifiante à plusieurs égards. Elle nous apprend que
le statut objectif d’un traité suppose la réunion de trois éléments cumulatifs :
- l’intention des parties de créer des droits et obligations dans un but d’intérêt général
- le traité doit concerner le domaine territorial : espace terrestre, maritime ou aérien
- l’une des parties doit avoir compétence territoriale sur l’objet du traité
84
La pratique internationale va s'enrichir de nombreux exemples de création de statuts
objectifs parmi lesquels on peut citer les traités relatifs à l'Antarctique. Trois traités en 1959,
en 1980 et en 1988 scellent le sort de ce territoire. Le traité du 1er décembre 1959 est élaboré
afin de neutraliser les prétentions de certains pays qui avaient des visées sur ce territoire aux
potentialités multiples. Le régime organisé se base sur quelques principes fondamentaux à
savoir: l'utilisation pacifique du territoire, la démilitarisation, le gel des prétentions
territoriales, la liberté de la recherche scientifique et la coopération internationale.
- Les traités établissant des statuts territoriaux
Il existe différents statuts territoriaux, cession et délimitations des frontières et des
voies de communication internationales.
Pour les traités de cession et de délimitation des frontières, ils s'imposent aux tiers. En cas
de cession de territoire, il n'y a pas de création d'obligation pour les tiers. La seule obligation
qui pèse sur le tiers résulte du Droit International. Le tiers ne doit pas mettre d'obstacle à
l'exécution d'un traité licite.
Pour les voies de communications internationales, celle-ci sont des voies qui empruntent
le territoire de plusieurs Etats ou même d'un seul Etat et qui présentent un caractère d'intérêt
général. Ces voies de communication créent des droits pour les tiers. Elles auraient, par
conséquent, une valeur erga omnes. Le droit positif actuel résulte, cependant, des articles 35
et 36 de la Convention de Vienne.
5. La modification et la fin des traités
Après leur conclusion et leur entrée en vigueur, les traités sont susceptibles de subir une
certaine évolution. Celle-ci peut, d'une part, consister en un aménagement partiel ou total ou,
d'autre part, conduire à sa disparition.
5-1 : La modification des traités
Les traités stabilisent à un moment déterminé les relations entre les parties. Elaborés dans
un environnement particulier, ils en subissent les conséquences de l'évolution. Le Droit
international public se préoccupe des conséquences de ces mutations sur le traité et sur les
situations juridiques qu'il a créées. La pratique internationale a consacré en matière de
modification des traités deux institutions: il s'agit de l'amendement et de la révision.
85
L'amendement consiste en une modification partielle d'un traité; tandis que la révision vise la
modification substantielle du traité. Cette distinction a été retenue par certains traités
notamment la Charte des Nations Unies (articles 108 et 109). La Convention de Vienne se
réfère par contre, à l'amendement et à la modification. La procédure d'amendement est
réservée aux modifications substantielles (article 40-2 de la Convention de Vienne) et la
modification ne concerne que quelques parties au traité (article 41 de la Convention de
Vienne).
L’amendement par tous les Etats
L'amendement est, selon les termes de la Convention de Vienne, un aménagement du
traité qui lie toutes les parties au traité. Le critère retenu pour la définition de cette procédure
est donc organique. Il répond à des conditions particulières et il produit des effets déterminés.
Ainsi, l'amendement est subordonné à l'accord des parties au traité. Comme nous le
précise l’article 39 de la Convention de Vienne : « un traité peut être amendé par accord
entre les Parties. Sauf dans la mesure où le traité en dispose autrement, les règles énoncées
dans la partie II s'appliquent à un tel accord. » . L'amendement est, sauf stipulation contraire,
soumis au même régime juridique que la conclusion des traités. C'est-à-dire que les règles
relatives à la discussion, à l'adoption, à l'authentification et à l'entrée en vigueur de
l'amendement sont fixées par le droit des traités en général ou par la convention particulière.
Il faut également préciser que la procédure d'amendement peut être déterminée par les
clauses finales d'un traité ou répondre aux dispositions supplétives de la Convention de
Vienne. A cet effet, aux termes de l'article 40 paragraphe 2 de la Convention de Vienne, le
droit d'amendement appartient à chaque Etat partie au traité qui l'exerce au moyen de
l'initiative. En outre, l’adoption de l'amendement, peut, selon les traités, se faire à l'unanimité
ou à la majorité des voix. L'unanimité est requise pour des traités particuliers traités
politiques, militaires ou traités communautaires, parfois, c'est le consentement de quelques
Etats qui est requis.
Par exemple, les articles 108 et 109 de la Charte des Nations Unies dispose que
l’initiative de l’amendement et de la révision de la Charte des Nations Unies sont subordonnés
au consentement des deux tiers des membres des Nations Unies y compris les cinq membres
permanents du Conseil de Sécurité.
L’amendement par quelques Etats
86
La modification des traités répond, à l'instar de l'amendement, à une définition
organique. Il s'agit de l'adaptation du traité entreprise par quelques Etats alors que
l'amendement est opéré par tous les Etats. La modification doit être prévue par le traité ou
el1e ne doit pas être interdite. Quand el1e n'est pas prévue par le traité, les parties désireuses
d'y recourir doivent notifier leur intention aux autres parties. Celles-ci sont aussi informées
des modifications apportées. Il suffit pour s’en convaincre de faire une lecture de l’article 41
de la Convention de Vienne qui dispose que «
1. Deux ou plusieurs parties à un traité multilatéral peuvent conclure un accord ayant pour objet de modifier le traité dans leurs relations mutuelles seulement : a) Si la possibilité d'une telle modification est prévue par le traité; ou b) Si la modification en question n'est pas interdite par le traité, à condition qu'elle : i) Ne porte atteinte ni à la jouissance par les autres parties des droits qu'elles tiennent du traité ni à l'exécution de leurs obligations; et ii) Ne porte pas sur une disposition à laquelle il ne peut être dérogé sans qu'il y ait incompatibilité avec la réalisation effective de l'objet et du but du traité pris dans son ensemble.
2. A moins que, dans le cas prévu à l'alinéa a du paragraphe 1, le traité n'en dispose autrement, les parties en question doivent notifier aux autres parties leur intention de conclure l'accord et les modifications que ce dernier apporte au traité. »
5-2 : La fin des traités
La fin du traité libère les parties de l'obligation d’exécution. Il existe plusieurs
hypothèses de terminaison d'un traité: il s'agit de l'extinction et de la suspension. Les parties
peuvent décider unilatéralement de mettre fin à leur participation en recourant à la
dénonciation ou au retrait. Enfin, l'expiration du terme intervient, dans certains cas, en matière
de terminaison des traités.
L’expiration du traité
L'expiration des traités peut résulter d'une part, de l'expiration du terme et, de
l'intervention d'une condition résolutoire, d'autre part. Pour les premiers, Certains traités sont
conclus pour une période initialement fixée. Quand ce terme arrive à expiration, le traité cesse
d'être en vigueur et il perd, par conséquent, son caractère obligatoire. Très souvent, ces
accords comportent des clauses de reconduction tacite. Pour les seconds traités comportant
des clauses des conditions résolutoires. Celles-ci prévoient des événements dont la réalisation
a pour conséquence de mettre fin à l'existence du traité. Ces conditions résolutoires ont
87
généralement un rapport avec le nombre de parties au traité. Elles stipulent que le traité cesse
d'exister si le nombre d'Etats parties descend en dessous d'un seuil
L’extinction des traités
L'extinction résulte de la disparition du traité du fait de la volonté des parties (article 54
de la Convention de Vienne), de sa violation (article 60 de la Convention de Vienne), du
retrait ou de la dénonciation opérée par un Etat, ou encore de changement de circonstances.
- La dénonciation ou le retrait :
C’est l'acte de procédure accompli unilatéralement par les autorités compétentes des
Etats parties qui désirent se délier de leurs engagements95. La dénonciation ou le retrait est
une cause d'extinction des traités bilatéraux. Pour les traités multilatéraux, les effets sont
différents. En effet, il n'y a d'extinction qu'à l'égard de l'Etat qui procède au retrait; pour les
autres Etats, le traité continue de s'appliquer. Les clauses de dénonciation ou de retrait
constituent un moyen aisé pour les Etats qui désirent se libérer de l'exécution de certaines
obligations internationales.
- La violation du traité par l’une des parties
Les Etats se réfèrent généralement à la violation du traité par l'une des parties pour se
libérer de leurs obligations internationales. Cette attitude peut se fonder sur des facteurs
objectifs. Elle peut aussi être basée sur des causes subjectives liées à la volonté de l'Etat de se
délier de ses obligations en invoquant ainsi un prétexte fallacieux. Quel que soit le motif
soutenu par cet Etat, sa prétention suscite la réaction des autres Etats notamment celle du
prétendu auteur de la violation. L’article 60 de la Convention de Vienne en est un plus
explicite à ce sujet. En effet, cet article définit la violation substantielle comme le rejet non
autorisé du traité ou comme la violation d'une disposition essentielle pour la réalisation de
l'objet ou du but du traité (article 60-3 de la Convention de Vienne).
- Le changement des circonstances ou « la clause rebus sic standibus »
Le dynamisme de la vie internationale se caractérise notamment par de nombreuses
mutations et par la modification des conditions qui avaient présidé à l'élaboration d'un traité
particulier. Ce changement des circonstances affecte le traité quand il est question d’un
changement fondamental. L'article 62 de la Convention de Vienne apporte, toutefois, des
95 Nguyen QUOC Dinh, Droit International Public, Paris, 1996, op cit, p.277
88
précisions. Le changement fondamental de circonstances ne peut contribuer à la terminaison
du traité que si d'autres conditions cumulatives sont réunies:
- le changement n'a pas été prévu par les parties au moment de la conclusion;
- il doit porter sur des dispositions contractuelles essentielles au consentement;
- il doit transformer radicalement la portée des obligations du traité
La clause rebus sic stantibus ne joue pas pour les traités établissant les frontières. En
outre, l'auteur de la violation du traité ne peut l'invoquer.
La modification et la fin des traités ferment donc cette importante section consacrée aux
traités internationaux, ou il a été passé en revue la classification des traités, la conclusion des
traités, sa validité, ses effets, la modification et la fin. Il importe dès lors de s’intéresser à une
source principale du droit international, tout aussi important que le traité à savoir la coutume
internationale (Section II).
Sous-section 2- La coutume internationale
L'énumération, des sources du droit international, fournie par l’article 38 du statut de
la C.I.J. place la coutume internationale en deuxième position parmi celles que la Cour
Internationale de Justice aura à appliquer dans les litiges qui lui seront soumis par les parties.
L'article 38, conformément à l'opinion doctrinale et à la pratique des États, définit la coutume
internationale « comme preuve d'une pratique générale acceptée comme étant le droit ». Cette
coutume internationale, objet de notre section sera abordé sous l’angle des fondements de la
coutume internationale (1), des éléments constitutifs de la coutume (2) et des effets juridiques
de la coutume (3).
1. Les fondements de la coutume internationale
Nul ne peut aujourd'hui remettre en cause le caractère obligatoire de la coutume,
véritable source autonome du Droit international public. Cette unanimité ne doit pas,
toutefois, occulter la diversité d'appréciations relatives au fondement de la coutume. Car, il
existe un débat sur la question entre d’une part, les tenants du volontarisme et, d'autre part,
les partisans de la doctrine objectiviste.
89
La doctrine volontariste :
Pour la doctrine volontariste, la coutume internationale est perçue comme un accord
tacite survenu entre diverses autorités. Elle doit être conforme à la raison, elle constitue
l'expression de la volonté divine révélée. Ce point de vue est défendu par des auteurs désireux
de préserver le consentement de l'Etat en matière d'engagements internationaux. On peut citer
notamment Anzilotti, Triepel, la doctrine soviétique représentée par G.I. Tunkin et celle des
pays en voie de développement. L'approche volontariste encore qualifiée de « conception
subjective de la coutume» est consacrée par la Cour Permanente de Justice Internationale dans
l'affaire du Lotus96.
Bien que présentant de nombreux avantages, la thèse volontariste suscite, néanmoins,
quelques limites. L'on doit déplorer, d'une part, l'intérêt excessif accordé au consentement des
Etats, dans la mesure où sans consentement, il n’y aurait pas coutume. Or, la pratique
internationale témoigne de l'existence de coutumes constituées sans le consentement de
certains Etats et qui les lient juridiquement. D'autre part, cette théorie conduit à la négation de
l'existence de coutumes générales opposables à tous les Etats. En effet, de telles coutumes
supposeraient le consentement unanime des Etats. Ce qui est loin de refléter la réalité
internationale. Ces limites justifient le recours au point de vue objectiviste.
La doctrine objectiviste
Pour les tenants de cette approche objectiviste, notamment Georges Scelle, M. Bourquin
et Charles De Visscher, la coutume est une réalité objective qui naît des nécessités sociales.
Elle serait un phénomène spontané et indépendant de toute volonté délibérée. G. Scelle a eu
l'occasion d'affirmer à ce propos:« Chacun des actes qui constituent la coutume est autonome,
isolé, et que par conséquent il n’y a aucune trace de contrat, soit explicite soit implicite, dans
la formation coutumière du droit ». Cette démarche présente l'avantage d'expliquer
l'opposabilité de la règle coutumière même en l'absence de consentement d'un Etat. L'accord
de tous les Etats n'est donc pas requis. Et, produit des nécessités sociales, la coutume peut 96 Dans l’affaire du Lotus, C.P.J.L A, 7 Septembre 1927, Lotus. La Cour Permanente de Justice Internationale énonce un dictum célèbre qui consacre le point de vue volontariste, « le Droit International régit les rapports entre Etats indépendants. Les règles de droit liant les Etats procèdent donc de la volonté de ceux-ci, volonté manifestée dans des conventions ou dans des usages acceptés généralement comme consacrant des principes de droit et établis en vue de gérer la coexistence de ces communautés indépendantes ou en vue de la poursuite de buts communs.
90
apparaître à la suite d'un certain laps de temps. La Cour Internationale de Justice a consacré,
dans l'affaire de la Namibie, cette seconde approche97.
2. Les éléments constitutifs de la coutume internationale
La coutume se distingue fondamentalement des actes conventionnels en ce sens qu’elle
ne découle pas d’un acte juridique mais d’un comportement; elle résulte non pas de la
manifestation d’une volonté, mais de la conviction qu’une règle existe. C’est pourquoi sa
constitution suppose la réunion de deux éléments. Il s'agit, d'une part, de l'élément matériel,
et, de l'élément psychologique, d'autre part. L'absence de l'un de ces éléments conduit le juge
à déclarer l'absence de coutume internationale.
L’élément matériel de la coutume
L'élément matériel de la coutume résulte de la répétition dans le temps et dans l'espace
d'actes positifs ou négatifs qui, sans être strictement identiques, peuvent être similaires. Le fait
positif résulte d'un comportement délibéré donc volontaire. Tandis que l'acte négatif est
constitué par l'abstention observée par le sujet international et qui est à l'origine d'une norme
coutumière. L’élément matériel qui correspond à la pratique de la coutume peut être l’œuvre
des Etats (les organes de l’Etats au niveau interne comme le parlement, les tribunaux, ou les
organes qui représentent l’Etat au niveau externe comme le Ministère des Affaires
97 Voir C.I.J., A.C., 21 juin 1971, Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest Africain), Rec. 1971, p.22. Dans cette affaire, la Cour Internationale de Justice admet que la pratique suivie par un organe des Nations Unies est opposable à tous les Etats membres de l'ONU. Par le biais d'une résolution, le Conseil de Sécurité a prononcé la révocation du mandat de la République Sud-Africaine (R.S.A.) sur la Namibie. Cette résolution a été élaborée sur la base du vote affirmatif de trois des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité: les deux autres se sont abstenus. La République Sud-Africaine conteste la légalité de cette résolution au motif qu'elle a été adoptée en violation de l'article 27 paragraphe 3 de la Charte de l'ONU. La Cour Internationale de Justice rejette cet argument au motif que la procédure suivie correspond à une pratique qui est apparue au sein du Conseil de Sécurité et opposable à tous les Etats membres : « Les débats qui se déroulent au Conseil de Sécurité depuis de longues années prouvent abondamment que la pratique de l'abstention volontaire d'un membre permanent a toujours et uniformément été interprétée (...) comme ne faisant pas obstacle à l'adoption de résolutions. La procédure suivie par le Conseil de Sécurité (..) a été généralement acceptée par les membres des Nations Unies et constitue la preuve d'une pratique générale de l'organisation.
91
étrangères), des organisations internationales et de manière exceptionnelle les individus
peuvent contribuer à l'apparition de certains précédents coutumiers98.
L’élément matériel de la coutume se caractérise par :
- une pratique uniforme et constante : cela supposerait donc que la coutume ne
saurait être tributaire d’un précédent isolé, ou d’une pratique s’appuyant sur des
précédents discordants.
- La répétition de la coutume dans le temps : Le temps est un élément dont
l'appréciation s'avère indispensable pour l'identification d'une norme coutumière. Ce
facteur est diversement perçu par la doctrine classique et par les auteurs des pays en
voie de développement.
La doctrine classique exige la répétition prolongée du précédent dans le temps. Ce n'est
qu'au terme de ce long mûrissement que la norme coutumière émerge. Cette pratique doit
remonter à une période si lointaine qu'on ne peut la situer dans le temps; elle doit être
séculaire. René Jean Dupuy se réfère à cette pratique immémoriale quand il évoque «les
coutumes sages établies sur la somptueuse lenteur de l'éternel hier99». La coutume ne peut
donc pas surgir à la suite d'actes ou de faits isolés, elle exige donc une certaine continuité.
A l’opposé, les pays en voie de développement et les pays socialistes ne partagent pas
ce point de vue de la doctrine classique. Pour eux, en effet, il sera désormais admis que la
coutume apparaisse au terme d'une brève période. Cette approche révolutionne la théorie de la
coutume internationale; elle est consacrée par une partie de la doctrine et par la jurisprudence
internationale100. La position de ces pays se justifie par une critique à la doctrine classique,
jugée très sélective. Pour ces pays, « le Droit International coutumier dont la formation
historique s'est opérée à la fois en dehors de lui (le Tiers-Monde) et largement contre lui101».
Par conséquent, ces coutumes ne leur seraient pas opposables, parce que « l'écoulement du
temps nécessaire à la création de la règle coutumière correspondait pratiquement à la 98 A priori, les personnes privées ne peuvent avoir la prétention de participer à la formation d'une coutume internationale. Une partie de la doctrine soutient, cependant, à l'instar de J. Barberis, l'existence de coutumes internationales résultant de la pratique ininterrompue et constante des personnes privées. J. Barberis rapporte l'existence d'une coutume locale créée par les ressortissants Colombiens et Vénézuéliens et insérée dans des règlements locaux. Celle-ci est relative à la réglementation de l'utilisation des eaux du fleuve Tachira entre les deux Etats. Voir J.A.BARBERIS, « Réflexions sur la coutume internationale », AFDI 1990, p. 9-46. 99 René Jean DUPUY, La Communauté Internationale entre le Mythe et l’Histoire, Paris, Economica, 1986, p.132 100 Voir, C.I.J, A, 20 février 1969, Plateau continental de la Mer du Nord. La Cour Internationale de Justice confirme cette évolution en affirmant que: « le fait qu'il ne soit écoulé qu'un bref laps de temps ne constitue pas en soi un empêchement à la formation d'une règle nouvelle de Droit International coutumier». 101 Mohamed BEDJAOUI, Pour Un Nouvel Ordre Economique International, Paris, UNESCO, 1979, p.136
92
période durant laquelle les Etats qui forment maintenant la grande majorité du Tiers-Monde
n'étaient pas encore indépendants et ne pouvaient donc participer au processus normatif en
question 102»
L'écoulement du temps demeure donc indispensable à l'établissement et à la
consolidation d'une coutume internationale. Cependant, aujourd'hui, ce temps peut être très
long, raccourci ou accéléré. Sa durée est fonction des enjeux, des Etats en présence et de leur
volonté d'être liés juridiquement ou non.
- La répétition de la coutume dans l’espace : la répétition de la coutume dans l’espace
donne lieu à des coutumes générales, les coutumes régionales et les coutumes locales.
L’élément psychologique ou l’opinio juris sive nécessitas
La pratique doit être dictée par le sentiment d’une obligation juridique, et non par la
courtoise ou par des raisons d’opportunité politique (ex : indemnisation pour des motifs
humanitaires). Les organisations internationales peuvent renforcer la preuve de l’opinio juris.
Les sujets de droit adoptent un comportement parce qu'ils ont la conviction qu'il est
obligatoire. Cette exigence est relevée par le juge international dans différentes affaires
notamment celles du Lotus et du Plateau continental en mer du Nord.
Cet élément de l’opinio juris est plus important que la constance de la pratique. L’opinio
juris a fait l'objet de l'attention particulière des nouveaux Etats. Ceux-ci entendent, en effet,
privilégier l'élément psychologique au détriment de l'élément matériel. La coutume
internationale résulterait, par conséquent, de comportements étatiques successifs traduisant
l'existence d'une volonté politique de réformer le Droit International. Cette démarche
volontariste s'inscrit dans le cadre de la stratégie normative des nouveaux Etats.
La codification de la coutume internationale
La codification consiste à donner une forme écrite à des règles coutumières. Elle
peut être définie de manière restrictive ou extensive. D'un point de vue restrictif, la
codification consiste à transcrire une norme coutumière telle qu'elle existe au moment où
l'exercice s'effectue. Cette démarche présente l'avantage d'identifier la règle coutumière stricto
sensu. L'inconvénient résulte, néanmoins, du fait, qu'un tel exercice est tourné vers le passé et
la norme conventionnelle qui en résulte risque de se trouver très vite inapplicable car 102 Georges De Lacharrière, La politique juridique extérieure, Paris, Economica, 1983, p.32
93
dépassée. D'un point de vue extensif, la codification intègre les éléments relevant de la
coutume ainsi que les éléments de développement du droit. Cet exercice est tourné vers
l'avenir, ce qui permet d'élaborer un texte dont la longévité sera certaine dans la mesure où il
tient compte des éléments d'évolution du droit. Le statut de la Commission du Droit
International reprend les deux aspects de la codification dans son article 15103.
La codification peut être réalisée par des organes permanents à l’instar de la Commission
du Droit International, de la Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial
International (CNUDCI) et par des structures ad hoc.
Il faut dire que la codification ne fait pas perdre à la norme son caractère coutumier. La
règle possède désormais un double support: un support coutumier et un support
conventionnel. Sa portée est, cependant, relative. Alors que la règle coutumière est régie par
le principe de l'opposabilité générale, la règle conventionnelle est soumise au principe de
l'effet relatif des traités.
Les expériences entreprises en matière de codification mettent en évidence
l'irréductibilité de la norme coutumière. Cette permanence de la règle coutumière rappelle à
J'évidence que quelle que soit la volonté des Etats, l'on ne saurait codifier J'intégralité de la
coutume internationale. Sur ce point, le professeur Paul De Visscher, affirme: « Quelle que
soit l'importance des traités et plus particulièrement des traités de codification (---) la
coutume conserve et conservera longtemps encore sa place comme instrument privilégié
d'adaptation progressive du droit aux besoins changeants de la vie internationale ».
Section 2- Les sources subsidiaires du droit international public
En dehors des traités et de la coutume internationale, le droit international se fonde sur
d’autres sources qualifiées de subsidiaires compte tenu de leur influence limitée sur le droit
international. Il s’agit entre autres des principes généraux du droit international (Sous-
section-section 1), des actes unilatéraux des Etats et de certaines organisations internationales
(section Sous-section 2), de la doctrine et de la jurisprudence (Sous-section 3).
103 Dans les articles qui suivent, l’expression « développement progressif du droit international » est employée, pour la commodité, pour couvrir les cas où il s’agit de rédiger des conventions sur des sujets qui ne sont pas encore réglés par le droit international ou relativement auxquels le droit n’est pas encore suffisamment développé dans la pratique des Etats. De même, l’expression « codification du droit international » est employée, pour la commodité, pour couvrir les cas où il s’agit de formuler avec plus de précision et de systématiser les règles du droit international dans des domaines dans lesquels il existe déjà une pratique étatique considérable, des précédents et des opinions doctrinales
94
Sous-section 1- Les principes généraux
En l’absence d’une définition conventionnelle entre les Etats, il existe plusieurs
définitions données aux principes généraux de droit par la doctrine et la jurisprudence divisées
entre une conception large et une conception restrictive. Selon la conception large, les
principes généraux de droit seraient l’ensemble des règles du droit international qui
s’appliquent entre « toutes les nations indépendantes et qui partant s’appliquent au même
titre à toute les parties contractantes».104 Avec l’évolution actuelle de l’élaboration du droit
international, il est devenu évident de distinguer entre les principes généraux de droit et le
droit international qui devient de plus en plus écrit. On aboutit ainsi à la mise en avant de
l’approche restrictive.
Dans l’approche restrictive, un principe général de droit serait une règle juridique
particulière, non écrite, de portée générale applicable dans le droit international. Les principes
généraux du droit découleraient de la logique du corpus juridique international (contenus
matériels des traités et de la coutume). Ils sont dégagés en général par la jurisprudence et la
doctrine qui ne les créent pas mais les découvrent. Ainsi par exemple, la Cour avait qualifié
de principe général « que toute violation d’un engagement comporte l’obligation de le
réparer».105 Ils sont aussi parfois insérés dans des instruments internationaux tels que la
convention de vienne sur le droit des traités de 1969. Autre exemple également, les principes
d’Accra et de Paris sur l’aide public International.
Parmi les principes généraux s’appliquant dans le droit international, il y a ceux qui
découlent directement du droit international tel qu’il se présente et ceux qui sont « communs
aux grands systèmes de droit contemporains et applicables à l’ordre international».106
1. Fonction des Principes généraux de droit
Les principes généraux de droit ont pour fonction de combler les lacunes du droit
international formés par les traités et la coutume internationale. En effet, le droit international
étant peu organisé et harmonisé, les accords entre les Etats ainsi que la coutume internationale 104 CPJI Arrêt n°10, Ser. A, p16-17, dans une autre définition, la cour précisera que « « le sens des mots principe du droit international ne peut signifier autre chose que le droit international tel qu’il est en vigueur entre toutes les nations faisant partie de la communauté internationale… » 105CPJI, Avis n°17, serie A, p29 106 Dominique CARREAU, Droit Internationl, Pédone, 4e éd.1994, p278
95
laissent suffisamment d’ombre sur certains point que les juges ou les parties tentent de
combler en se réfèrent aux principes généraux de droit. Leur fonction est donc d’expliciter ou
de préciser les aspects du droit international n’ayant pas été suffisamment mis en évidence par
les accords. Cependant on doit reconnaitre qu’au fil du temps les principes généraux sont
devenus des corps juridiques déterminés par les conventions entre les Etats et dont la portée
générale laisse aux juges et arbitres une marge d’appréciation suffisante en cas de lacunes de
certains accords. Ainsi, dans l’affaire Algera, la Cour de Justice de la Communauté
Européenne avait noté l’absence de règles contenues dans le traité CECA en la matière pour
justifier son recours aux principes généraux du droit.107
2. La place subsidiaire des principes généraux de droit
Les principes généraux de droit occupent une place subsidiaire dans l’ordonnancement
des sources du droit international. En effet, comme nous l’avons vu plus haut les principes
généraux ont une fonction purement complémentaires par rapport aux traités et à la coutume
internationale. Par conséquent, lorsqu’ils sont contraires à un accord ou une coutume
internationale, ils sont écartés au profit de ces derniers. 108 Par ailleurs, leur processus
d’élaboration fondé principalement sur la jurisprudence et la doctrine et très peu les accords
entre Etats, ne répond pas à une démarche objective. Leur prise en compte dans le droit
international demeure pour ainsi problématique.
Les principes généraux de droit tels qu’évoqués par l’art 38 du statut de la CIJ posent
un certain nombre de problèmes. En effet, l’art 38 al 3 de la Cour fait référence aux
« principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées» comme une source du droit
international. Si La référence faite aux « nations civilisés » traduit le contexte historique dans
lequel a été créé la C.P.J.I en 1920 avec la quasi domination de l’Europe sur la plupart des
autres nations considérées à cette époque comme pas encore « civilisée », elle apparait
aujourd’hui incongrue ou tout au moins anachronique du fait de l’abandon de cette distinction
dans un monde postcolonial et post guerre froide. Toutes les nations se valent en termes de
civilisation et aucune n’est supérieure à l’autre.
107 L’arrêt du 12 juillet 1957, Algera (7/56 et 7/57, Rec. p. 81), CJCE 108 Dominique CARREAU, op. cit., p291
96
Le second problème posé par les principes généraux tels que mentionnés à l’art 38 du
statut de la CIJ, est celui de la délimitation. S’agit-il de principes généraux de droit reconnu
par certains droits internes ou s’agit-il uniquement de principes généraux du droit
international? En effet, l’ordre juridique international par ses caractéristiques propres la
distinguant largement de l’ordre juridique interne semble moins perméable à l’application de
règle venant du droit interne contrairement au droit interne qui semble plus ouvert à la
réception des normes du droit international. S’il existe bien un ensemble de principes
généraux de droit née de la pratique juridique dans les relations internationales, les juges font
aussi très souvent référence aux principes de droit interne.109
Pour finir, il est important de rappeler à l’instar du professeur CARREAU que les
principes généraux de droit sont des normes transitionnelles se convertissant en convention ou
en coutume internationale.
Sous-section 2: Les actes unilatéraux
Dans le lexique juridique, les actes unilatéraux en droit représente un acte imputable à
un seul acteur ou sujet de droit. En droit international, cette faculté est généralement réservée
aux Etats et particulièrement aux organisations internationales. Dans les deux cas, ces actes
contribuent à la formation du droit international public.
1. Les actes unilatéraux des Etats
Les actes unilatéraux des Etats sont des actes pris par des autorités compétentes qui
engagent l’Etat dans l’ordre juridique international:110 le chef d’Etat, le chef de gouvernement
ou le ministre des affaires étrangères. Ces actes qui produisent des effets internationaux, sont
de plusieurs types : la notification, la reconnaissance, la protestation, et la renonciation.
« La notification est la déclaration d’une volonté formelle au moyen de laquelle un Etat
porte à la connaissance des autres Etats de certains faits qui sont survenus et qui peuvent
nuire à la paix ou aux bonnes relations entre les Etats. Elle peut avoir un caractère constitutif
109 Ibid. 272 110 La cour internationale de justice, 17 Novembre 1953, Minquiers et Eréchous : « les propos du ministre français de la marine ne peuvent pas engager l’Etat français, ce n’est pas un acte unilatéral»
97
ou déclaratoire. Dans le premier cas, elle est l’élément nécessaire susceptible de produire un
effet juridique déterminé. Dans la deuxième hypothèse, elle se limite, au contraire, à offrir à
l’Etat destinataire l’occasion de prendre position par rapport au fait qu’on lui a
communiqué. »111.
« La reconnaissance est un acte juridique par lequel un Etat prend acte de l’existence de
certains faits et déclare ou admet implicitement qu’ils lui sont opposables. L’objet de la
reconnaissance est variable et dépend des situations reconnue»112. On peut citer l’exemple de
la reconnaissance d’Etat, de gouvernement, de belligérance... La reconnaissance peut prendre
plusieurs formes ou elle est expresse ou tacite, verbale ou écrite.
« La protestation est un acte unilatéral très fréquent dans la pratique internationale ;
pourtant, « il n’existe en droit international aucun principe qui impose aux sujets de droit
l’obligation de protester contre une violation ou une menace de leurs droits. Cependant, par
cet acte, un Etat manifeste sa volonté de ne pas reconnaitre la légalité des actes ou des
prétentions d’un autre sujet de droit international, de ne pas accepter la situation que ces
actes ont créée ou pourraient créer ou, encore, l’Etat vise à empêcher la consolidation de
cette situation ou la reconnaissance de cette prétention. »113.
« La renonciation occupe une place très restreinte en droit international … C’est un acte
juridique international unilatéral par lequel un Etat abandonne un droit ou une prétention.
Elle ne doit pas etre confondue avec la volonté de renoncer qu’un sujet émet dans un accord
international en face d’autres sujets. Dans ce cas, la renonciation constitue le contenu de
l’obligation assumée par le renonciateur vis-à-vis d’autres sujets et son efficacité dépend de
la conclusion de l’accord auquel il se révolte »114.
2. Les actes unilatéraux des organisations internationales
Les organisations internationales se présentent comme des organes indépendantes des
Etats qui les composent, et se définit sur comme un dispositif établi pour prendre des
décisions sur l’ensemble de ses membres, dans un domaine de compétence préétabli. Toujours
111 Benjamin Mulamba Mbuyi, Introduction à l’étude des sources modernes du droit international public, Les presses de l’Université de Laval, les Editions Bruylant, 1999, p.154. 112 Patricia BUIRETTE, « RECONNAISSANCE, droit international », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 3 mars 2016. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/reconnaissance-droit-international/. 113 Benjamin Mulamba Mbuyi, p.161, Op.cit. p1. 114 Ibid.
98
d’un point de vue juridique, les décisions émanant de toutes les organisations internationales
sont considérées comme étant des actes unilatéraux c’est-à-dire des actes à un seul auteur,
même si ce dernier constitue un organe collégial. Compte tenu de la place que les
organisations internationales occupent dans l’ordre juridique internationale, il convient dès
lors judicieux d’élargir l’étude des actes unilatéraux à travers les organisations internationales,
acteurs incontournables dans l’établissement de l’ordre juridique international.
Les actes d’une organisation internationale appelé communément résolutions, émanent de
ces organes, qui sont eux-mêmes de nature diverse. Il y a les organes administratifs organisés
suivant une structure bureautique et hiérarchisée, les autorités qui les composent prennent des
actes administratifs individuels ou réglementaires nécessaire au bon fonctionnement des
services. A côté, des organes juridiques qui sont emmené à rendre des jugements, à prendre
des décisions de procédure, mais dans des cas exceptionnelles ces organes juridiques peuvent
prendre également des actes administratifs. On enregistre également les organes
parlementaires, bien que ce genre d’organes restent très limités et inexistant dans la plupart
des organisations internationales, ils sont appelé à émettre des mandations 115 et des
propositions116.
La distinction que nous sommes emmenés à établir, est celle qui sépare lesdites décisions
personnelles et les décisions substantielles. Les décisions personnelles sont généralement des
actes relatifs à des personnes, des Etat ou des organisations identifiés. Ces actes sont multiples
n’empêche qu’on les désigne souvent par : l’admission, la suspension, l’exclusion, l’élection,
la désignation, la nomination, l’invitation, l’inscription …. Par contre, pour les décisions dites
substantielles sont d’une extrême variété, classée souvent par la nature de la compétence, ou
par la nature de l’acte elle-même. Les décisions substantielles sur la nature de la compétence
se distinguent comme suit : les décisions administratives, les décisions organiques, les
décisions de procédure, et les décisions juridiques. Pour les décisions substantielles sur la
nature de l’acte on peut citer : l’adoption d’un instrument, l’autorisation, la proclamation, la
constatation, la recommandation, l’injonction et l’expression d’opinions. Ces actes
unilatéraux nécessitent le respect deux conditions pour leurs validités ; des conditions
formelles dans le respect des procédures préétablies pour l’acte en question, et des conditions
matérielles pour le respect de la charte constitutive et le droit international général.
115 Article 22 du Statut du Conseil de l’Europe. 116 Article 29 et 31 du traité de Rome instituant la communauté économique européenne.
99
Sous-section 3: la doctrine et la jurisprudence
L’étude sur la doctrine et la jurisprudence traduit d’une certaine manière la richesse ainsi
que la vivacité que renferment les différentes sources du droit international public, bien que
celles-ci ne sont guère considérées comme des sources de droit, mais des moyens de
déterminer la règle de droit ainsi que le dispose l’art 38 du Statut de la CIJ ; «... Les décisions
judiciaires et la doctrine des publicistes les plus qualifiés des différentes nations, comme
moyen auxiliaire de détermination des règles de droit. »117
1. La doctrine
La doctrine vient du terme doctus qui désigne dans un sens plus élargie, les savants dans
une discipline particulière et bien définie. Partant du principe que personne ne peut ni
connaitre ni maitriser tous les textes de lois dans les détails, tout particulièrement en droit
international public dont la diversité et la complexité sont de fait, la doctrine a ainsi pour
vocation de traduire et de commenter les mesures juridiques. Ces appréciations doctrinales
peuvent prendre une forme négative ou positive, mais dans tous les cas, l’idée est d’emmener
le courant doctrinal vers une nouvelle tendance, celle de proposer de nouvelles idées et de
nouvelles théories alternatives pour renforcer ou pour répondre aux défaillances d’un système,
d’un mécanisme ou d’une règle de droit international public. Pour se faire, la doctrine se
caractérise par deux supports dont : les auteurs et les outils.
Pour ce qui est du premier support, les auteurs sont essentiellement des universitaires mais
aussi des praticiens. Les universitaires à travers leur statut d’enseignant chercheur qui consiste
à réfléchir et à repenser l’état du droit international et à proposer des améliorations ont
conquis cette vocation doctrinale. Tous les travaux des juristes internationaux ont eu un
impact d’une manière ou d’une autre sur l’évolution de l’ordre juridique internationale. A côté
des chercheurs universitaires, nous avons les praticiens. Il s’agit de ceux qui pratiquent le
droit en général et le droit international en particulier et qui témoigne à travers des œuvres ou
117 Article 38, du statut de la Cour Internationale de Justice, 1946.
100
des articles leurs points de vue sur un cas particulier ou général du droit international public.
Parmi eux, on peut trouver des avocats, des magistrats, des notaires, des fonctionnaires
libérales, …. Pour ce qui est des outils et des universitaires et des praticiens, on peut citer les
écrits bien évidement mais aussi la parole à travers des médias, des débats ou autres.
2. La jurisprudence
La jurisprudence du droit international public concerne les décisions rendues par les cours
de justice internationale en particulier celles détenant un statut permanent comme la Cour
internationale de justice (CIJ) créée en 1920 et renouvelée en 1945118, ainsi que toutes les
sentences arbitrales rendues au niveau international119. Il convient par ailleurs d’emblée de
distinguer dans cette matière entre les décisions judiciaires internes et celles qui sont rendues
par les tribunaux internationaux ou arbitraux. Les premières exercent un rôle plutôt accessoire
et indirect dont l’usage dans la pratique des Etats se résume à la détermination d’une règle
non écrite du droit international. Donc, principalement, la jurisprudence internationale
concerne d’une manière plus directe les décisions judiciaires internationales dans la formation
du droit international.
On distingue dans la jurisprudence internationale, le rôle des décisions des différentes
cours internationales et les sentences arbitrales. Les décisions des cours internationales
notamment la Cour de la Haye, n’ont qu’un poids de moralité et consultatif. Ils ne lient pas
les institutions qui en ont reformulé la demande ni les Etats. Sa portée est strictement relative,
elle n’engage que les parties en litiges120. N’empêche que ses décisions participent d’une
manière rigoureuse à la formation et à l’évolution du droit international public. Par contre, les
sentences rendues par les tribunaux arbitraux et par des arbitres différents sont loin de
présenter une certaine constance de cohérence et d’uniformité dans la perception, l’analyse et
l’interprétation du droit international. Cette discordance prétend que les sentences arbitrales
jouissent, en général, d’une autorité moindre que les arrêts ou avis consultatifs des cours
internationales. Même si certains auteurs prêchent l’inexistence de véritable jurisprudence
arbitrale, n’empêche que cette dernière est devenu le mode de règlement de prédilection des
différends d’ordre économique ou technique ; il est de plus le seul qui présente la souplesse
118 Guillaume Gilbert, La cour internationale de justice à l'aube du XXIème siècle, Ed. Pédone, Paris, 2003. 119 Blaise Tchikaya, Mémento de la jurisprudence du droit international public, 6ème Ed., Hachette-Sup., 2015 120 Article 59 du Statut de la Cour Internationale de Justice
101
nécessaire pour trancher des conflits entre acteurs de la société internationale possédant des
statuts juridiques différents.
CHAPITRE II- LES SUJETS DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC
Le droit international Public constitue un système juridique assez particulier comme
nous l’avons sus-évoquée. Son élaboration n’étant organisée comme le droit interne, son
application est par conséquent limitée aux seuls sujets qui participent à son élaboration
matérielle et formelle. Les sujets du Droit International Public sont donc les personnes
destinataires des normes de ce droit, les personnes auxquelles s’appliquent ses normes. Selon
une approche classique seuls les Etats (Section1) et leur organisation (Section 2) sont des
sujets du Droit International Public.
Il est certes d’une conception classique que seuls les Etats et leurs organisations constituent des sujets du droit international public. La présence de certains acteurs privés dans les relations internationales ne fait pas d’eux automatiquement des sujets du droit international en général et moins encore du droit international public. Cependant autant la doctrine que la pratique des organisations internationale semblent de plus en plus faire de la place à certaines Organisations Non Gouvernementales (ONG) en tant que sujet limité du droit international Public.121 Les ONG sont avant tout des associations de personnes privées poursuivant des buts non lucratifs. Elles sont créées sous la base du droit interne du pays d’origine qui fixe leur statut. Il faut ici rappeler que toutes les ONG ne sont pas internationales. Certaines lois internes comme c’est le cas en France distinguent entre celles qui sont nationales et celles qui ont vocation à mener des activités à l’international.
Pour ce qui concerne les individus et les sociétés transnationales, la doctrine classique n’admet pas encore leur qualité de sujet du droit international public mais leur reconnait la personnalité juridique dans d’autres branches du droit international tel que le droit privé international ou le droit pénal international.
Section 1- L’Etat
La réalité de l’Etat est assez difficile à cerner complètement. Sa définition suscite
encore énormément de divergence au sein de la doctrine. L’Etat est avant tout une forme
121 Dominique CARREAU, op. cit., p298
102
d’organisation sociale autrement dit une forme de société humaine, à l’instar des empires et
des cités, géographiquement localisée et gouvernée par un organe politique souverain,
apparue vers le XVIe en Europe. L’Etat désigne parfois aussi, l’organe politique qui gouverne
cette société. L'autorité étatique est exercée par des agents publics avec à leur tête le chef
d'État et le gouvernement. Ces agents sont regroupés dans des institutions superposées régie
par un droit propre : le droit public.
La naissance et la disparition d’un Etat est liée à l’acquisition ou à la perte de certains
éléments sine qua none à son existence (sous-section 1). En droit international, au-delà de ses
éléments essentiels, ce qui caractérise un Etat et en fait un sujet de droit international Public
est sa souveraineté qu’il importe de bien comprendre. (Sous-section 2)
Sous-section 1- Les éléments de la reconnaissance internationale d’un Etat
Selon la conception classique de l’Etat en droit international, une entité ne peut être
qualifiée d’« Etat » que si elle réunit trois éléments constitutifs : un territoire, une population
et un gouvernement souverain.
1. la population
Un Etat est avant tout une collectivité humaine, une société constituée de personne
humaine ayant des rapports organisés entre elles. La population désigne le groupement
humain qui se trouve à la base de l'institution étatique. Entant qu’élément constitutif de l’État,
elle comprend en son sein les nationaux, les étrangers et les apatrides. En effet, dans son
premier sens large, la population de l'Etat comprend tous les habitants qui vivent sur son
territoire. C'est une donnée géographique et démographique qui est à la fois trop large et trop
étroite dans un point de vue juridique. Cette donnée est trop large en ce sens que la population
comprend aussi les étrangers qui sont domiciliés sur le territoire de l'Etat ou qui y ont plutôt
leur principal établissement tout en gardant leur nationalité d'origine. En revanche, elle est
restreinte en ceci qu'elle néglige les nationaux qui sont à l'étranger et qui continuent à servir
leur pays d'origine.
103
La population, prise en tant qu'élément constitutif de l'Etat dans un sens plus juste serait
entendue comme une masse d'individus rattachée de manière stable à un Etat par un lien
juridique, celui de la nationalité. Ainsi la population se confond avec les nationaux.
2. le territoire
Le territoire constitue un point d’implantation stable clairement délimité, indispensable
pour définir l’espace géographique dans lequel l’Etat peut exercer ces compétences. On parle
de compétence territoriale de l'Etat. En son absence, l'Etat n'existe pas. Il est protégé par le
principe de l'intégrité territoriale. Tout territoire est délimité par des frontières. Les frontières
sont terrestres, maritimes et aériennes. Une frontière par définition est la ligne déterminant où
commencent et où finissent les territoires relevant respectivement de deux Etats voisins. Donc
il faut qu’il y’ai un territoire délimité et reconnu en droit.
La délimitation d’un territoire est indispensable dans la mesure où elle permet de fixer les
limites du territoire sur lequel la puissance étatique peut exercer ses pouvoirs par rapport à un
autre Etat. Toutefois, on peut concevoir les territoires sans Etat c’est le cas de l’Antarctique
par exemple mais le territoire est une condition nécessaire pour constituer un Etat (L’ONU
ne reconnaît que les Etats). C’est une condition indispensable pour que l’autorité politique
s’exerce efficacement. Ce territoire va situer donc l’Etat dans l’espace et va être délimité par
les frontières122 c'est à dire des limites linéaires et stables.
L’Etat est reconnu comme une personne morale de droit public, on considère donc qu’il
possède un territoire et on s’interroge sur la nature de son droit sur ce territoire. Le territoire
échappe à la volonté de l’Etat, il est sous le contrôle du droit international. La plupart des
constitutions prévoient que leur territoire est intangible, il a une garantie appelée principe
d’intégrité territoriale et le principe d’inviolabilité. L’Etat se doit de le défendre. Mais il peut
être amputé dans certains cas, sans disparaître, comme de nouveaux territoires peuvent être
acquis.
122 « (…) Il convient d’ajouter que le cadre de l’exercice de la puissance de l’Etat ne se restreint pas au territoire c’est-à-dire à la surface ou au tréfonds du sol national : mais il comprend aussi la couche atmosphérique située au-dessus de ce sol et les portions de mer qui baignent le territoire de l’Etat, du moins dans la mesure où l’Etat peut en fait exercer sur ces portions atmosphériques ou maritimes son action dominatrice. » (ibid.)
104
3. Un gouvernement souverain
Le gouvernement, c’est l’autorité qui agit dans l’État. Elle est notamment dotée d’une
administration, qui exécute ses volontés et dispose de la légitimité nécessaire accordée à lui
par le détenteur de la souveraineté nationale. Un gouvernement est nécessaire, l’idée de
gouvernement étant bien entendue perçue au sens large réunissant les idées de pouvoir
politique et d’appareil administratif. La forme d’organisation du pouvoir politique n’obéit à
aucune règle impérative, chaque État pouvant s'organiser selon son propre droit interne,
librement avec le système politique qu’il veut.
Sous-section 2- La souveraineté des Etats : principe et limite en droit international public
Selon Jean-Jacques Rousseau, « La souveraineté ne se coupe pas en morceaux, ne se
divise pas, ne se partage pas, ne se transfère pas, ne se délègue pas : elle est ou elle n'est pas.
Mais si elle n'est pas, il n'y a pas non plus d'Etat, il ne reste que des entités plus ou moins
autonomes et plus ou moins subordonnées». En effet par cette définition, on comprend que la
notion même de souveraineté appelle quelques précisions. La souveraineté, telle qu'elle a été
conçue dès l'origine comme pouvoir suprême, indépendant, comme liberté d'action et
d'engagement et comme ne pouvant être engagée que par elle-même, est en effet par
définition complète, intangible, inaltérable.
En revanche, il ne faut surtout pas faire la confusion, il faut distinguer la souveraineté des
compétences qui en sont sa démultiplication. Ces compétences peuvent parfaitement être
déléguées, exercées en commun avec d'autres, voire limitées ainsi en matière de recours à la
force armée dans les relations internationales, sans que la souveraineté soit en rien atteinte
dans son principe. La souveraineté, suivant une formule classique, demeure la compétence de
la compétence.123 Ces compétences sont indéfinies, puisqu'il appartient à l'Etat souverain de
les distinguer, de les définir et de les régler pour lui-même. On peut ici donner quelques
123 Le fait d'exercer des compétences en commun, de les subordonner le cas échéant à des décisions internationales n'affecte en rien la souveraineté, puisque ces décisions reposent toujours sur une acceptation préalable de l'Etat concerné. C'est ainsi que, dans son premier arrêt rendu en 1923, la CPJI nouvellement instituée a justement observé qu'il ne fallait pas voir dans la conclusion d'un traité un abandon de la souveraineté de l'Etat, mais tout au contraire un exercice de cette souveraineté.
105
exemples en vrac - de façon générale, organisation des pouvoirs et des services publics,
compétence pour conclure des traités internationaux, compétence pour régir et réglementer les
activités menées sur le territoire de l'Etat...
Ce n'est pas en dépit d'un engagement international qu'un Etat reste souverain, c'est
parce qu'il est souverain qu'il peut prendre un engagement international. Et en prenant un
engagement de cette nature, l'Etat ne renonce ni à en prendre d'autres, ni à modifier voire à
révoquer dans certaines conditions ceux qu'il a pris. Quelles sont les conséquences et les
limites de la souveraineté ?
Avant d'y venir plus concrètement, il faut encore apporter deux précisions
terminologiques. Le souverainisme est une idéologie, juridique et politique mais plus
politique que juridique. Elle considère que l'Etat doit conserver le monopole de l'exercice des
compétences qui découlent de sa souveraineté et se refuser à les exercer de concert, voire à
prendre des engagements internationaux. Les Etats « souverainistes » à l'heure actuelle sont
par exemple les Etats-Unis ou la Chine, voire d'autres Etats du BRICS. Ils seraient très surpris
si on leur disait que leur souveraineté est en voie d'effacement.
1. Le principe de la souveraineté internationale d’un Etat
Sur le plan juridique, la souveraineté implique deux conséquences distinctes : la
compétence nationale (A) et le principe de la non-ingérence (B).
A. La compétence nationale
La souveraineté nationale se définit comme la détention de l’autorité suprême, c’est-à-
dire d’un pouvoir absolu et inconditionné à l’intérieur d’un Etat. Dans les régimes
despotiques, la souveraineté est le plus souvent détenue par un seul homme. Dans les
démocraties, elle est détenue par le peuple, constitué en un corps politique, la nation : on parle
dès lors de souveraineté nationale.
Dans la démocratie, le principe de toute Souveraineté nationale réside essentiellement
dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane
expressément". Dans ce cadre, la souveraineté ne peut être exercée par un despote, ni divisée
entre plusieurs fractions du peuple : elle est détenue par un être collectif et indivisible, distinct
des individus qui la composent. Mais les contraintes de l’exercice du pouvoir impliquent que
106
cette souveraineté soit déléguée : le peuple, bien que constitué en corps politique, ne peut en
effet délibérer directement sur les affaires publiques. Cette mission est donc confiée à des
représentants élus, dont les décisions constituent l’expression de la volonté générale.
La souveraineté nationale implique l’existence d’un régime représentatif, c’est-à-dire
d’un système politique dans lequel le pouvoir législatif est détenu par une assemblée
parlementaire élue par le peuple constitué en corps politique. La notion de souveraineté
nationale légitime la représentation du peuple par un corps législatif élu par lui, tout en étant
doté d’une véritable autonomie dans la prise de décision.
Cette notion a, par ailleurs, des conséquences importantes sur l’organisation du corps
législatif : le pouvoir qu’il exerce ne peut être délégué ou partagé (la souveraineté
est indivisible) ; le mandat des représentants doit être limité dans le temps (la souveraineté
est inaliénable) ; la nation ne peut déléguer l’exercice de la souveraineté de manière
définitive (la souveraineté est imprescriptible).
Dans les systèmes démocratiques, le suffrage est toujours universel, égal et secret. Mais le
principe de la souveraineté nationale a pu être mis en œuvre dans le cadre d’un suffrage
censitaire, restreignant l’effectif du corps électoral et des personnes éligibles en fonction de
critères de fortune ou de capacité. Le principe de la souveraineté nationale n’exclut pas, par
ailleurs, l’existence d’institutions incarnant la continuité de l’État, qu’il s’agisse d’un
monarque ou d’une chambre haute, composée de membres inamovibles (ex. : le Royaume-
Uni ou la Monarchie de Juillet en France).
Le principe de la souveraineté nationale implique par ailleurs l’interdiction du mandat
impératif. Même si les membres des assemblées parlementaires sont élus, en fait, dans des
circonscriptions correspondant à une portion du territoire, ils représentent en droit l’ensemble
de la nation. Les parlementaires ne représentent donc pas les seuls électeurs qui les ont
choisis, mais la nation dans son entier. Ce sont "les représentants du peuple". L’interdiction
du mandat impératif est la conséquence logique de cette conception, car un tel principe
reviendrait à lier le représentant à la volonté des représentés. Le représentant ne ferait alors
que traduire la volonté exprimée par les électeurs, sans pouvoir se prononcer en conscience.
B. Le principe de la non-ingérence
107
Le principe de non-ingérence ou de non-intervention représente le second corollaire du
principe de la souveraineté de l'État. 124 Il signifie le droit de chaque État souverain de jouir de
l'exclusivité de sa compétence dans les domaines relevant des affaires internes.125 A contrario,
nulle autorité ne peut se prévaloir d'un titre juridique quelconque pour intervenir ou agir dans
la sphère de compétence d'un État. Le principe de non-ingérence trouve son fondement dans
la Charte des Nations Unies plus spécialement en son article 2 § 7 qui dit : « Aucune
disposition de la présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui
relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un Etat ni n'oblige les membres à
soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente
Charte ; toutefois ce principe ne porte en rien atteinte à l'application des mesures de coercition
prévues au chapitre VII ».
De l'exégèse de ces principales lignes, il ressort que le principe ne concerne que
l'organisation. Mais des questions tournent autour de son applicabilité à l'égard dans les
relations entre Etats. Il ressort de la conférence de Mexico (préparatoire à celle de San
Francisco) que l'affirmatif l'emporta sur le fait que ce principe était mutatis mutandis
applicable aux Etats dans leurs rapports.
2. Les limites à la souveraineté internationale des Etats
La souveraineté, contrairement à ce que certains affirment, n’est pas un pouvoir absolu.126
Comme le faisait remarquer, Jules Basdevant, « l’Etat est l’autorité la plus haute dans l’ordre
juridique actuel ; cette autorité est donc l’autorité suprême; on est fondé à l’appeler
l’autorité souveraine puisqu’il n’y a pas d’autorité établie qui lui soit supérieure »
Par ailleurs, la notion de souveraineté n’est pas une donnée immuable.127 Si les Etats
avaient cru trouver dans l’article 2§7 de la Charte des Nations Unies un rempart
infranchissable contre tout empiètement sur leur souveraineté, l’interprétation évolutive qui en
a été donnée par les organes de l’ONU (Conseil de sécurité et Assemblée générale) a montré
qu’il n’en était rien. Sans parler d’un véritable droit d’ingérence, on peut remarquer que la
distinction entre les conflits internationaux et les conflits internes a tendance à s’estomper et
même à disparaître. Le Conseil de sécurité a de plus en plus souvent recours à l’article 39 et 124 BETTATI (M.), Un droit d'ingérence?, RGDIP, 1991, pp.639-670, p.662. 125 BETTATI (M), Le droit d'ingérence. Mutations de l'ordre international, Paris, Odile Jacob, 1996. 126 Jacques Sapir , Souveraineté limitée ou souveraineté absolue, Septembre 2015 127 DRAGO (R.) (sous la direction de), Souveraineté de l'Etat et interventions internationales, Paris, Dalloz, 1996, 74 p.
108
au chapitre VII dans des situations internes, sans implications internationales directes, et la
jurisprudence des tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda a
confirmé l’effacement de la frontière entre conflits internationaux et conflits internes en
matière de droit international humanitaire. La création des juridictions pénales internationales
peut être considérée, en elle-même, comme portant atteinte à la souveraineté judiciaire des
Etats, ce qui explique les nombreuses résistances de la part des Etats qui se considèrent
“souverains” en la matière, notamment à propos des arrestations de personnes inculpées ou de
l’audition en tant que témoins de certains de leurs ressortissants.
Les États ont fait ainsi l’amère expérience des limites de leurs pouvoirs. Ils s’étaient crus
capables de construire leur développement seuls. C’était un leurre. Le développement est dû à
une position sur un marché mondial sauvagement concurrentiel et les montées en puissance
des uns se font au détriment des autres. Les souverainetés sont aujourd'hui limitées et
partagées. Les États sont des communautés politiques construites à travers l’histoire et
correspondant à des richesses culturelles qui font toute la valeur de l’humanité. Mais il ne sert
plus à rien de les dire souveraines si elles ont perdu cette maîtrise des compétences. Il faut
rechercher comment renouveler les garanties d’une meilleure égalité entre les peuples,
garanties qui ne peuvent être données que par le droit international. Et le droit international
actuel échoue à exercer cette fonction. Par conséquent, la souveraineté fait obstacle à tout
droit contraignant qui se situerait au-dessus des États.
Section 2- Les organisations internationales
Les organisations internationales qui feront l’objet de la présente sous-section sont celles
dites publiques ou encore appelées organisations intergouvernementales ou internationales
gouvernementales (OIG), c’est-à-dire qui émanent ou sont contrôlés par les gouvernements
des différents pays et donc régit par le droit international public.
Ainsi, une organisation internationale est avant tout, une personne morale de droit public.
Elle fait référence à l’association d’Etats souverains établie par un accord (un traité
international) entre ses membres et dotée d’un appareil permanent d’organes communs,
chargés de la réalisation des intérêts communs par une coopération entre eux. Ces
organisations présentent donc des traits spécifiques comme :
109
- Les OIG sont des sujets dérivés du droit international public (sont les sujets et
destinataires du droit international public et en sont aussi les créateurs)
- Elles sont l’expression d’une volonté de coopération
- Elles visent la réalisation des intérêts communs
Elles sont dotées d’organes communs et d’un appareil permanent
CHAPITRE III- L’APPLICATION DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC
L’élaboration autonome du droit international a des effets sur son application qui
demeure tout aussi marquée par le volontarisme des Etats. Le caractère obligatoire du droit
international constitue une sorte d’auto-obligation afin de maintenir des rapports sains avec
les autres Etats. L’application du droit dès lors est parfois l’objet de nombreuses controverses
entre les Etats et au sein même de la doctrine. Ces controverses commencent par le rapport
droit interne et droit international qui a donné au lieu aux théories dualiste et moniste (section
1). C’est surtout dans la théorie de la responsabilité internationale que s’affirme les
particularités les plus spectaculaires du droit international. (Section 2)
Section 1- Les théories dualistes et monistes
La concomitance de ces deux normes interne et internationale implique une certaine
influence entre elles, le droit interne ayant impact sur le droit international public, et vis-versa.
Pour parvenir à comprendre une telle juxtaposition de deux éléments différents sur une
question à la fois classique et contemporaine, il faut prendre en considération plusieurs
facteurs, notamment la doctrine du droit international, mais aussi et surtout les courants du
droit interne. Cependant, le rapport entre ces deux vigueurs est conditionné en droit
international public par deux théories principales : dualisme (Sous-section 1) et monisme
(Sous-section 2).
110
Sous-section: La théorie dualiste
Parmi les deux théories, le dualisme en droit international demeure la plus ambiguë.
Par ailleurs, elle se veut comme la position traditionnellement soutenue par le droit
internationale. En principe, et selon cette théorie, l’ordre internationale se présente comme
l’organisation qui veille à l’acquittement par les Etats de leurs obligations, indifféremment de
leur ordre interne. « Une partie (Etat) ne peut invoquer les dispositions de son droit interne
comme justifiant la non-exécution d'un traité »128, pour la théorie dualiste, cette disposition
traduit de la manière la plus large, la distinction entre l’ordre juridique internationale et
l’ordre juridique interne.
« Les ordres juridiques interne et international sont hermétiquement séparés. Il n’y a pas de
contact entre eux, ils évoluent chacun dans leur sphère. Selon cette conception, le Droit
International ne peut pas être appliqué dans l’ordre interne et ce pour deux raisons :
- L’objet et les sujets des ordres juridiques sont radicalement différents. Les sujets de
l’ordre juridique international sont les Etats, les rapports sont horizontaux, alors que
dans l’ordre interne, les sujets sont les personnes privées et les rapports sont
verticaux.
- Les sources sont différentes puisque les règles dans un ordre interne sont issues de la
volonté individuelle et supérieure de l’Etat (verticalité). A l’inverse, dans l’ordre
international, c’est une volonté commune qui va créer du Droit International. »129.
1. Le principe de la théorie dualiste
De la manière la plus générale, le dualisme est un courant qui tend à concevoir le droit
international public et le droit interne comme deux courants juridiques distincts, dont le
rapport de transposition, est conditionné par le droit interne. En effet, bien que l’ordre
international est en soi distingué par sa suprématie hiérarchique, le droit interne gagne en
128 Article 27 : droit interne et respect des traités, de la convention de Vienne sur le droit des traités, 1969. 129 Cours de droit : Le cours de droit international, Intégration du droit international en droit interne : dualisme, monisme, http://www.cours-de-droit.net [Consulté le 24 février 2016].
111
souveraineté, tous les Etats souverains ont en principe cette faculté d’orientation de tous les
rapports avec l’extérieur notamment avec d’autres Etats ou bien même avec des Organisations
Internationales.
« Ces normes n’ont pas le même objet, et elles ne réglementent par les mêmes
rapports sociaux. Une telle situation n’est ni impossible, ni illogique puisque la norme
internationale s’applique exclusivement dans le cadre de l’Etat et ne pénètre pas, en tant que
norme, dans l’ordre juridique international. En second lieu, les communications entre les
deux ordres juridiques ne peuvent se faire qu’en vertu des procédures propres à chaque ordre
juridique, et par la transformation d’une norme caractéristique d’un ordre juridique en une
autre norme, caractéristique de l’autre ordre. Enfin, les sujets du droit ne peuvent pas être les
mêmes dans les deux ordres juridiques. Chacun a un champ d’application bien délimité, l’un
aux rapports interétatiques, l’autre aux rapports interindividuels. »130.
Un système est dualiste lorsque la validité d’une toute autre règle de droit, en
particulier le droit international, qu’à condition qu’elle ait été transposée de fait sur l’ordre
juridique interne. Selon cette optique, le droit international ne pourrait devenir du droit
national que par transposition, à défaut, ce droit international reste méconnu par l’ordre
juridique national.131 Du monisme au dualisme, chaque Etat a tendance à favoriser l’une ou
l’autre des deux doctrines, à l’exemple du Royaume-Uni, un fervent de la théorie dualiste.
Dans le système du Common Law il n’y a en principe aucune norme de droit supérieur à la loi
dans l’ordonnancement juridique. La loi peut être perçue comme l’extension de la
souveraineté populaire et dispose ainsi du plein pouvoir de traduire dans la loi les
engagements internationaux. Tant bien même qu’en principe les prérogatives des affaires
étrangères restent exclusivement du ressort de la Couronne pouvant engager l’Etat par des
Traités sur la scène internationale, elle doit dans la pratique, solliciter la majorité parlement
du gouvernement afin de faire adopter les engagements internationaux.
Par rapport à la question de la primauté entre le droit international et le droit interne,
sur l’approche de la théorie dualiste, la question n’a pas lieu d’être. En effet, on ne peut
concevoir en aucun cas une hiérarchisation des ces deux ordres juridiques, que si l’on
convient à un caractère unitaire entre elles. En conséquent, pour les dualistes qui distinguent
avec rigueur ces deux doctrines ne considèrent aucune primauté de l’une sur l’autre, l’ordre
130 Michael Muller, Normes de droit, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, p.9. 131 Cette position a été défendu par Heinrich TRIEPEL ((1866-1946) et Dionisio ANZILOTTI (1867-1950).
112
international reste uniquement soumis aux règles internationales et l’ordre interne aux normes
de droit interne. Dans ce sens où les deux ordres juridiques sont séparés ; les règles
internationales ne sont que de simple faits au regard du droit international 132 et
réciproquement.
Parmi ces avantages, le dualisme en droit international public permet aux Etats de
garder une certaine distanciation à l’influence de l’ordre juridique internationale qui est
conséquente sur les transitions des systèmes juridiques internes, pour ainsi sauvegarder la
souveraineté et l’originalité de leurs normes internes. Mais dans un monde en pleine mutation,
et généralement mondialisée, est ce que la doctrine dualiste demeure toujours de rigueur ?
Même si cette théorie soulève la curiosité des uns et reste manifestement dans la pratique
contemporaine par certains Etats, n’empêche qu’elle est accompagnée par un nombre assez
important de critiques.
2. Les critiques de la théorie dualiste
La théorie dualiste peut laisser paraitre être le moins convaincant. Sa conception
semble archaïque et inadapté aux nouvelles réalités mondiales. Elle ne reflète pas toute la
complexité des rapports entre le droit interne et le droit international.133 En effet, cette
théorie peut paraitre dépassée quand elle affirme que le droit international ne s’applique sur
les Etats, excluant ainsi les individus. Le public s'était en effet habitué à comprendre le monde
des Etats comme un monde radicalement séparé du monde des hommes 134 .
Traditionnellement, l’ordre qui régissait les Etat délogeait toute considération de l’humain
dans les rapports entre les Etats, une sorte de d’assemblée que les humains n’étaient tolérés
qu’à titre consultatif, sinon de simple spectateur. Une logique qui semble symboliquement ne
plus être de vigueur. Le statut international de l’individu est depuis reconsidéré, désormais un
sujet émergent de droit international, la théorie dualiste perd tout de son sens considérant que
l’ordre juridique internationale se distingue de l’ordre juridique interne notamment par l’objet
et les acteurs. Bien que le droit international ne régit en principe que les relations entre les
132 CPIJ, 25 Mai 1926, Intérêts allemands en Haute Silésie polonaise (Allemagne c. Pologne), Série A, n° 7. 133 Andrea Bianchi, Séminaire de droit international public, Seconde Edition, 2002-2003. 134 Olivier De Frouville, Une conception démocratique du droit international, Revue européenne des sciences sociales, Tome XXXIX, 2001, N°120, pp.101-144.
113
Etats, il est évident que la finalité c’est l’humain, pas plus que désormais, l’individu est
entrains de devenir un acteur international incontournable.
Une autre réalité inéluctable, tant bien même que les accords internationaux engagés
par l’Etat n’ont pas été transposé dans l’ordre juridique interne, n’empêche que l’Etat reste
quand même soumis à ses accords. Même si au sein de l’ordre juridique interne l’accord n’a
pas force d’une loi, mais sur la scène internationale l’Etat doit répondre à ses engagements.
De surcroit ça relève de l’irrationalité qu’un Etat s’engage dans un ordre juridique
international contraire sinon à l’extrême opposé de sa juridiction interne, au risque de créer un
conflit de juridiction.
Même si dans une certaines perception de cette approche, cette distanciation peut être
interprétée comme une réserve souverainiste, n’empêche que c’est un paradoxe d’embrasser
la communauté internationale et de renier entre temps son ordre juridique. C’est une
manifestation d’un acte de puissance à l’égard de toute une communauté sans considération
aucune de tous les engagements pris. Ainsi, le dualisme ne peut plus convenir à l’explication
des rapports de systèmes : l’ordre juridique international et l’ordre juridique interne, de trop
nombreuses difficultés viennent le mettre à mal. Faut-il pour autant adhérer à la thèse du
monisme ?
Sous-section 2- La théorie moniste
Le monisme135 est la théorie à l’opposé du dualisme, elle reconnait l’existence de
l’ordre international et son impact sur l’ordre interne sans transposition aucune. Elle convient
au-delà de cette coexistence des deux ordres, une hiérarchisation dont l’ordre internationale
est dans la logique supérieure à l’ordre interne. « Les règles du droit international, tout
comme du droit interne, s'appliquent aux juridictions nationales et par conséquent aux
justiciables. La transposition n'est alors pas considérée comme condition nécessaire de la
validité du droit international, un magistrat pouvant écarter une norme nationale si elle
contredit une norme internationale ratifiée par l'État en question. Le monisme distingue
néanmoins, en général, entre les traités et les règles impératives du jus cogens. »136.
135 Cette conception a été défendue par Hans KELSEN (1881-1973), s'appuyant sur la conception de l'organisation pyramidale des normes, Georges SCELLE (1878-1961) ou, plus récemment, Pieter-KOOIJMANS, magistrat à la Cour internationale de justice de 1997 à 20063. 136 Dualisme et monisme en droit international, Wikipédia, https://fr.wikipedia.org [consulté le 26 févr. 16]
114
En conséquence, l’intégration du droit international dans le droit interne est justifiée
par le partage commun de l’objet, des sujets et des sources de ces deux ordres juridiques :
l’objet principal du droit international, comme du droit interne, c’est la réglementation des
rapports sociaux au sein de la communauté internationale ou la communauté interne. Ainsi,
les sujets sont représentés par les destinataires ultimes que sont les individus. La source est la
même pour ces deux ordres juridiques, il s’agit du droit dans l’Etat.
1. Le principe de la théorie moniste
« Le droit international et le droit interne sont des différents genres (interne ou
international) d’une même espèce (le droit). Il n’y a que des différences de degré. Il n’y a plus
rien à transposer car les deux font partie d’un même ordre juridique, donc le droit
international fait automatiquement partie du droit interne »137. En effet, la pensée moniste
regroupe et le droit international et le droit interne dans une même sphère eu égard au
caractère unitaire des sujets de droit, les mêmes sources et répondent au même Objet. Mais la
question qui se pose est celle de savoir quelle est la norme supérieure et qui prime sur
l’autre ?
La thèse de la supériorité du droit interne a été défendue, comme celle du droit
international. Le moniste peut reconnaitre la priorité à l’ordre internationale ou bien à l’ordre
interne, c’est un courant de pensée qui peut être divisé en deux : le monisme à primauté du
droit interne, selon cette première approche, en cas de discorde entre les deux règles, c’est
automatiquement le droit interne qui doit prévaloir sur le droit internationale. Pour la
deuxième approche, il est question du monisme à primauté du droit international, toujours on
constate une unité des deux ordres mais au bénéfice du droit international. Dans une
conception normative, selon H. KELSEN, les règles internes dérivent des règles
internationales qui déterminent les compétences des Etats, et ne peuvent donc leur être
contraire. G. SCELLE, quant à lui, opte pour une conception objectiviste, et estime que la
hiérarchie devrait s’exprimer au travers d’un fédéralisme universel qui reste à construire.
137 Andrea Bianchi, Séminaire de droit international public, Seconde Edition, 2002-2003.
115
Cependant, dans la pratique du monisme, force est de constater la prédominance du droit
international sur le droit interne. D’ailleurs, la thèse la plus défendue reste celle de la priorité
du droit international. Selon M. VIRALLY, le droit international est forcément supérieur
puisque le contraire signifierait la négation certaine de son existence : l’ordre juridique doit
être supérieur à ses sujets. Quoiqu’il en soit, dans ces deux cas, la théorie moniste reste
intègre à sa conception qui est celle de la négation sur l’élaboration d’actes de transpositions
du droit international sur le droit interne par des mécanismes législatives.
Pour la France qui a opté pour le monisme, le droit interne n’est que l’extension de l’ordre
internationale. 138 De ce fait, dès leur publication, les Traités internationaux sont
techniquement supérieurs à l’ordre interne, exception faite de la coutume en droit
international. Pour incorporer la coutume en droit interne, un acte de réception sous forme
d’une loi reste impératif. Pour ainsi dire que le cas français reste du moins particulier,
puisqu’il est dualiste par rapport à la coutume. En somme, il est difficile de concevoir
l’application directe et complète de toutes dispositions du droit international, au sein de
l’ordre interne, ainsi, l’applicabilité de la théorie moniste reste chose complexe et peut
prendre différentes formes selon les Etats.
2. Les critiques de la théorie moniste
Bien que la doctrine du monisme reste la plus satisfaisante puisqu’elle assure l’effectivité
du droit international et demeure la plus rependue et adoptée par la communauté
internationale dans sa majorité, elle n’évite guerre les critiques. Parmi les critiques,
l’interprétation suivante : « le droit national est délégué par le droit international ». Il est
inconcevable d’admettre que le droit interne n’est qu’une délégation dans la mesure où ce
sont les Etats qui constituent le droit international, en d’autres termes le droit international
n’est que le prolongement du droit interne au-delà des limites de son effectivité. La légitimité
du droit international tient de l’acceptation et la transposition par les Etats de l’ordre
international dans le droit interne.
Par ailleurs, on peut également reprocher au moniste de passer outre toutes distinctions
entre le droit international et le droit interne pour les confondre en un droit universel unifié.
138 Article 55, de la constitution française de 1958.
116
Selon cette interprétation, simultanément, l’Etat perd de sa souveraineté quand toutes mesures
adoptés en droit international abroge toutes les autres mesures internes qui y précédent. Le
monisme tend sur l’effacement de l’Etat en tant qu’entité souveraine, laissant l’ultime
légitimité à l’ordre internationale dans la gestion des rapports internationaux et même des
affaires internes. Aussi paradoxalement, la théorie moniste apparait trop idéaliste. Alors que le
monisme reconnait à l’ordre international autant de force obligatoire sur le droit interne, ce
n’est pas le cas des Etats. Ces derniers ne consacrent pas en conséquence les mesures
nécessaires à la reconnaissance de cette puissance aux normes internationales. On constate
alors l’insuffisance de la doctrine.
Enfin, on ne peut pas concevoir que toutes les dispositions du droit international soient de
la manière la plus effective appliquées en droit interne. Même si la théorie moniste est
adoptée par beaucoup des Etats n’empêche que l’application de cette théorie en elle-même
reste encore contestable. Peu d’Etats sont en mesure de céder la souveraineté de leur ordre
interne au profit de l’ordre international, en effet, tous les Etats émettent certaines réserves
dans l’application de cette doctrine. A l’exemple de la France qui se fonde sur l’article 55 de
la Constitution pour assurer la primauté de la loi nationale sur la coutume internationale, ce
qui place le droit international à un rang infra législatif alors que ce dernier devrait être au
sommet de l’ordonnancement juridique, tel que décidé par le conseil Constitutionnel dans sa
jurisprudence du 22/01/99, statut de la CPI et qui lui reconnaît une valeur constitutionnelle.
Section 2- les théories de la responsabilité internationale
L’espace mondial est en principe le résultat d’une fragmentation des Etats à la fois
indépendants et souverains. La prise de conscience des inégalités économiques et sociales
entre les Etats et les peuples a favorisé le développement du sentiment de la solidarité
internationale 139 . C’est dans cette perspective que le droit international s’est donné des
prérogatives pour but de prévaloir, d’organisé les relations entre Etats, simplifié la
coopération internationale et rendre prévisible le fait des règles contraignantes qu’il établit. Il
sert à la fois de fondement à la paix, à la stabilité et à la protection des êtres humains.
139 Raymond Ranjeva et Charles Cadoux, droit international public, Part.4, Vanves : EDICEF, 1992, p.200.
117
Chaque Etat apprécie pour lui-même sa situation juridique à l’égard des autres Etats et
chaque interprétation étatique est aussi licite qu’une autre. Lorsqu’un Etat ratifie un traité, il
s’engage, devant la communauté internationale tout entière, à respecter les engagements qu’il
a souscrits. S’il vient à manquer à ses obligations, en allant à l’encontre des dispositions du
traité, il est susceptible d’engager sa responsabilité sur la scène internationale140.
La responsabilité est cet institution inaliénable au droit en général, et en droit
international en particulier. La responsabilité internationale a ses particularités du fait de la
souveraineté des Etats. La conception nihiliste avait une influence considérable, dont les
partisans considéraient que les Etats ne sont responsables que devant eux-mêmes et que l’idée
de la responsabilité mutuelle contredisait la souveraineté. Chaque Etat est le juge supérieur de
ses actions 141 . Cependant certains auteurs font attention au rôle de la réalisation de la
responsabilité au sein du droit international, à l’instar de Petrovskyi Yu qui considère que
« toutes les actions des Etats sont dirigées vers le but d’atteindre l’accord sur les questions
pratiques de la réalisation de la responsabilité internationale de l’Etat coupable »142.
Notre étude se veut donc limitée : elle prend pour axiome la conformité au droit
international en vigueur de règles dégagées sur les théories de la responsabilité internationale.
Nous nous pencherons ci-après sur les théories générales qui ont été avancées, dans la
perspective d’identifier les contours de ces conditions (sous-section 1) puis de ces effets
(sous-section 2).
Sous-section 1: condition de la responsabilité internationale
La responsabilité comme institution, sied de dégager d'une part sa fonction et d'autre
part son régime. La fonction de la responsabilité se résume sur la garantie de la légalité à la
fois sur les dommages, la faute et l’applicabilité. La responsabilité n'a jamais eu une fonction
exclusive de réparation ; c'est alors celle-ci qui la caractérise principalement. Au contraire, la
responsabilité est plus qu'une institution destinée à réparer le dommage subi par la victime. Ce
140 Pierre Désert, La responsabilité internationale des Etats, article, 2008. 141 Pradier-Fodéré, Traité de droit international public, T.1, Paris, 1895, p. 329 ; Funck-Brentano, Sorel A. Précis de droit de gens, Paris, 1900, p.224
142 Petrovskyi Yu.V., O, (Sur la notion de la faute et de l’imputabilité dans le droit international), 1968, émission 1, No5, p. 136, cité par Phakhim Ruchdi Al-Surani (La responsabilité internationale des particuliers pour les violations du droit international), afin d’obtenir le grade du candidat en sciences juridiques М. 1989, p.62
118
qui se traduit par un moyen de garantir la légalité internationale ainsi que de la rétablir quand
elle court le risque d'être enfreinte.
En principe, la Commission du droit international a toujours joué depuis sa création,
un rôle essentiel en matière de codifications et de développement du droit international. La
responsabilité internationale des Etats pour des faits internationalement illicite était un point
régulièrement inscrit à son ordre du jour. En 1979, elle adoptait un ensemble de trente-cinq
articles portant sur le fait international illicite et ses modalités, mais nullement sur les
conséquences qu'il fallait y attacher quant à la responsabilité de son auteur. Il fut remédié à ce
manquement en 1996 avec l'adoption d'un projet plus vaste et plus complet ; qui resta
néanmoins critiqué par un certain nombre d'Etats.
L'aboutissement de ce projet eut lieu en 2001 143 , année où fut adopté un texte
profondément remanié. Mais l'Assemblée Générale de l'ONU hésitant sur le fait de savoir s'il
fallait codifier ce texte et donc le rendre obligatoire, s'est contentée de « prendre note » des
articles et de les recommander à l'attention des gouvernements, renvoyant à une session
ultérieure la question de leur statut définitif. En principe trois conditions sont requises : les
dommages, la faute et l’applicabilité
1. Le dommage en droit international
L'analyse doctrinale du déroulement de la responsabilité est souvent obscurcie par le
fait que l'on ne distingue pas toujours suffisamment le temps successif qui le constitue. Cette
analyse a pourtant une importance théorique se rapportant notamment à la catégorisation des
différents types de faits illicites mais elle a aussi une importance pratique, révélée en
particulier à propos de l'appréciation des formes et de l'ampleur de la réparation due par l'Etat
responsable. Il faut ainsi distinguer entre le lien de causalité et la mise en œuvre de la
responsabilité.
La responsabilité doit s'apprécier de deux points de vue : le premier est celui de l'Etat
responsable et le deuxième celui de l'Etat victime. On peut, pour ce qui concerne le premier
dire que sa responsabilité est engagée à partir du moment où la violation d'une obligation
primaire par l'un de ses organes a créé à sa charge une obligation subsidiaire généralement
susceptible de réparation. Cependant, du point de vue de l'Etat victime, l'engagement de
143 Annuaire de la commission du droit international, volume II.
119
responsabilité a lieu à partir du moment où ce dernier subit un dommage provoqué par le fait
illicite de l'autre Etat144 ainsi atteint dans son droit subjectif, l'Etat lésé peut alors invoquer la
responsabilité propre à l'auteur de la violation. En effet, dans bien de cas, il est vrai que le
temps de réalisation du manquement au droit coïncidera avec celui de la création du
dommage. L'engagement de responsabilité, naît de la conjonction de l'illicéité imputable à un
sujet et du dommage subi par l'autre. En droit international, on admet aussi le dommage moral
que le dommage matériel. Le dommage moral est considéré comme particulièrement
important (le fait de porter atteinte à un Etat par exemple en brûlant son drapeau). Le
préjudice doit consister en l'atteinte à un intérêt juridiquement protégé.
2. La faute en droit international
L’influence du droit romain sur le monde moderne a été immense et profonde. La
notion de faute que nous connaissons dans les systèmes juridiques actuels plonge donc ses
racines directement dans le droit romain, qui en a finement ciselé les contours à travers le
droit des obligations et la systématisation des délits. Cette notion est beaucoup plus civiliste et
privatiste, alors que l’intérêt capital qui nous retient sur ce sujet est internationalement
publiciste. Voyons maintenant les contours de la faute dans la responsabilité internationale
d’aujourd’hui.
La question de la responsabilité des États a été, comme on le sait, à l’agenda de la
Commission du droit international depuis 1953. Pendant presque un demi-siècle, la CDI a été
un véritable laboratoire où les différentes théories sur la responsabilité internationale se sont
affrontées à travers les rapports successifs des rapporteurs spéciaux. Les articles sur la
responsabilité adoptés par l’Assemblée générale des Nations-Unies le 12 décembre 2001, «
reflètent fidèlement l’équilibre des opinions au sein de la CDI, à la suite de longues
discussions et de longs débats au cours des dernières décennies, devenus intensifs depuis
1992 »145.
144 DUPUY P.M., Droit international Public, 4è édition, Paris, Dalloz, 1998, P. 185 145 Cité par Awalou Ouedraogo, sur l’évolution du concept de faute dans la théorie de la responsabilité internationale des Etat, Revue québécoise de droit international, 2008, p.158.
120
L’équilibre des opinions dont parle le professeur Crawford a consisté à éviter la vive
controverse de la doctrine sur la place de la faute dans la naissance de la responsabilité et à
affirmer le principe d’une responsabilité objective à travers les articles 1 et 2. Ainsi, l’article
premier pose le principe coutumier de base que tout fait internationalement illicite de l’État
engage sa responsabilité internationale. L’article 2 précise les éléments constitutifs du fait
illicite. Seuls deux éléments sont dégagés : un comportement attribuable à l’État en vertu du
droit international et constitutif d’un manquement à une obligation juridique à sa charge.
Disait Gattini que malgré les apparences, la commission du droit international n’a pas du tout
exclu la faute du délit international.
- Complicité et intention délictuelle ; chapitre 4 du texte final de 2001
- Force majeure et faute ; chapitre 5 du texte final de 2001
- Etendue de la réparation et faute ; toute la deuxième partie du texte final de 2001
3. Applicabilité
Ces principes généraux de droit, bien respectés en droit interne, semblent ne pas
recevoir d'écho dans la pratique internationale. Les contre-mesures en sont une bonne
illustration à travers des pratiques telles que les représailles et les mesures de rétorsion. Le
droit de la responsabilité internationale découle de la bonne loi entendue comme pacta sunt
servanda « les accords doivent être conservés ». C’est un dépassement de la responsabilité de
compétences internes, qui s’est vite progresser dans la pratique diplomatique et arbitrale à
partir du 19e siècle. Dans la pratique de l’avant dernier siècle, il était encore débattu si cette
imputabilité relève exclusivement du droit international ou si le droit international opère un
renvoi au droit interne afin qu’y soit défini, selon les règles relevant de chaque collectivité
politique, ce qui constitue l’acte étatique en opposition à l’acte d’une personne privée.
Une fois l’acte arrêté, la présomption tente de protéger l’organisation contre les
tendances anarchiques des auto-interprétations en élevant le seuil du débat juridique. La
question a déjà été examinée dans le chapitre consacré à la bonne foi subjective, le déni de
justice. La sécurité juridique des relations internationales est invoquée avec insistance146. La
146 Ch. DE VISSCHER, « La responsabilité des Etats », Bibliotheca Visseriana, t. II, Leyden, 1924, p. 92. Affirmation de la Belgique lors de la Conférence de 1930 de La Haye, Actes de la Conférence pour la codification du droit international, Séances des Commissions, vol. IV, Doc. C. 351 (c). M. 145 (c). 1930. V, Genève, 1930, p. 98-9.
121
finalité du principe réside dans la limitation de la responsabilité étatique. Il propose un critère
pour distinguer les actes officiels imputables à l’Etat et les actes privés, faits à l’occasion
d’une fonction officielle, non imputables à l’Etat. Etablissant une responsabilité objective
limitée147, le principe se propose de concilier d’un côté les besoins de protection sentis par les
étrangers et par les Etats tiers ainsi que l’impératif de la sécurité juridique internationale,
avec, de l’autre côté, l’intérêt légitime de l’Etat de ne pas devoir répondre de tout acte en
quelque rapport éloigné que ce soit avec l’exercice d’une fonction publique148.
Cette théorie s’est rapidement imposée à la doctrine et à la jurisprudence. Son origine
semble remonter à la pratique. Pour les actes accomplis à l’étranger par des diplomates, le
critère fut retenu sous sa forme négative : aucune responsabilité internationale de l’Etat pour
l’incompétence manifeste du fonctionnaire responsable. La CDI rejeta toute idée de limitation
de la responsabilité par crainte d’offrir des échappatoires trop aisées149. La jurisprudence s’est
consacrée la théorie, car l’affaire Caire (1929) en témoigne, selon la formule du président
VERZIJl : « Pour pouvoir admettre cette responsabilité, dite objective de l’Etat pour les actes
commis par ses fonctionnaires ou organes en dehors des limites de leur compétence, il faut
qu’ils aient agi au moins apparemment comme des fonctionnaires ou organes compétents ».
Sous-section 2 : les effets de la responsabilité en droit international
Lieu commun de toute réflexion sur le droit, la responsabilité est la colonne vertébrale
de tout ordre juridique. Dans le langage juridique, les règles de la responsabilité aménagent
l’obligation qui incombe à une personne de réparer un dommage subi par une autre personne.
C’est dans ce sens qu’elle conditionne la juridicité d’un système donné. Cependant, si la
responsabilité est « l’épicentre d’un système juridique » 150 , sa magnitude découle des
principes gouvernant l’imputabilité et notamment de leur adéquation à la réalité de la pratique
des sujets de droit. Un certain nombre de règles du droit international ne cherchent à régir que
des rapports d’Etat à Etat. Des règles interétatiques, des règles dont l’objet est de régir les 147 Ian BROWNLIE, System of the Law of Nations, Part I, Oxford University Press ; 1 edition, 1983, p. 145. 148 Pierre QUÉNEUDEC, La Responsabilité internationale de l'Etat pour les fautes personnelles de ses agents, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, 1966, p. 142ss.
149 FISCHER, p. 218ss. BROWNLIE, System, p. 147. JIMÉNEZ D’ARÉCHAGA, p. 278. 150 Pierre-Marie DUPUY, Le fait générateur de la responsabilité internationale des Etats, RCADI 1984-V, p. 21.
122
relations des Etats à travers les traités en vigueur liant ces derniers. Cette règle qui sous-
entend la bonne foi des parties concernées, exige par ailleurs le respect mutuel des
engagements151. Pour prévenir, les violations des engagements internationaux par un Etat, la
pratique veut que le contrôle exercer d’une manière mutuelle entre les Etats. Une fois la
responsabilité établie, l’Etat doit répondre à des obligations par ses paires pour réparer le
préjudice par une restitution, une indemnisation ou la satisfaction de la partie lésée. Mais, en
droit international la préoccupation porte davantage sur la mise en jeu de la responsabilité de
l’Etat, qui peut emmener à des sanctions.
Les effets de la responsabilité en droit international sous-entendent en principe les
contre-mesures dont la communauté internationale fait usage pour stopper un acte illicite ou
bien pour la réparation d’un dommage causé. Il s’agit d’un ensemble de mesures dont la
finalité et de veiller au respect du droit international par des mécanismes contraignantes.
Ainsi, les Etats se contrôlent mutuellement par le biais de ces sanctions, et sont soumis à ces
mesures dans le respect d’une convention bilatérale, multilatérale ou du droit international
dans sa généralité.
Cependant, le droit à l’immunité se présente tantôt comme une limite à l’application
effective de ces sanctions en droit international. L’immunité en droit international est un droit
attribué aux personnes diplomatiques d’un Etat dans l’exercice de leurs fonctions à l’étranger,
d’être soustrait à la compétence des juridictions de l’Etat de résidence.
1. Les sanctions en droit international
La notion de sanction renvoie à l’ ensemble des mesures diplomatiques, économiques ou
militaires prises par l'Etat ou par une organisation internationale pour faire cesser une
violation du droit international qu'une organisation a constatée ou dont un Etat s'estime
victime152.« Dans le cadre propre au droit international, il existe deux sanctions possibles : le
recours à un mécanisme compensatoire (mise en cause de la responsabilité internationale,
lorsque l’inexécution du traité émane d’un organe étatique déterminé), l’application d’une
151 L’article 26 de la convention de Vienne 152 Voir ABC du droit international public, p.34.
123
sanction répressive : action individuelle traditionnelle (représailles, légitime défense, mesures
coercitives, boycottage) ou action collective (action de police internationale)153.
Les sanctions en droit international se veulent des contre-mesures devant les faits illicites
engendrés par les Etats, toutefois, ces mesures sont à la limite conditionnée par l’alinéa 4, de
l’article 2 des Nations Unies, sur le principe du non recourt à la force, mais aussi de
l’obligation faite aux Etats de faire usage de tous les moyens pacifiques pour la résolution des
différends, posée par l’article 33. Donc, dans le cadre du non usage de la force, se manifeste
deux catégories de sanctions ou de contre-mesures dont les mesures de rétorsion et les
sanctions économiques.
En l’absence d’une police internationale contraignante, la mise en œuvre et la conformité
aux principes du droit international ne dépendent que de la volonté des Etats. A cet effet, les
Etats deviennent eux-mêmes les gardiens du droit international, avec des mesures dissuasives.
D’abord les actes contraignants de la rétorsion. Ce sont des mesures prises par un Etat usant
de la manière la plus rigoureuse son droit afin de répondre à des actes illicites commis à son
égard ou à l’égard d’un autre Etat. Rappelons par ailleurs, que cette faculté d’engager des
mesures de sanctions contre un Etat dans l’illicite en droit international n’est pas reconnue
seulement à l’Etat lésé, tant que l’acte en question viole le droit international en général, tous
les Etats ont en effet, le droit d’engager des mesures de rétorsion (action de police
internationale).
En principe, ce sont des mesures licites et légales au regard du droit international car, bien
qu’elles peuvent être assez draconiennes et malhonnêtes, elles ne comportent cependant aucun
usage de force. Notons par ailleurs que, même si l’acte de rétorsion en question réponde à une
mesure licite ou illicite, elle est par principe licite et légale au regard du droit international.
C’est d’ailleurs, cette licéité par nature qui la distingue des représailles illicites par
définition154. Selon l'Institut du Droit International, les représailles sont des « mesures de
contrainte dérogatoires aux règles ordinaires du droit des gens prises par un Etat à la suite
153 Ch. Rousseau, Revue internationale de droit comparé, Vol. 16, N°4, 1964, pp.778-779, p.779. 154 Dans la décision de la CIJ intervenue en 1986 entre les Etats-Unis et le Nicaragua, le juge international a qualifié de représailles l'appui des Etats-Unis aux activités militaires et paramilitaires des contras au Nicaragua (soutien financier, entraînement, fourniture d'armes, de renseignements et de soutien logistique). Parce que cet appui constituait une violation du principe de non-intervention, alors qu'il a considéré que l'interruption de l'aide économique à ce même Etat ou la réduction du quota d'importation du sucre étaient des mesures de rétorsion.
124
d'actes illicites commis à son préjudice par un autre Etat et ayant pour but d'imposer à celui-
ci, au moyen d'un dommage, le respect du droit »155.
Les mesures de rétorsion de distinguent des représailles sur deux points : elles sont la
réponse à des actes illicites et elles s’exercent par « des moyens qui auraient été illicites si le
comportement initial qui les explique n'avait pas été lui-même illicite »156. Ce sont peut-être
bien des mesures illicites tous les deux mais la licéité des rétorsions par découle du fait
qu’elles sont destinées à répondre à un acte illicite antérieur. Les mesures en question peuvent
prendre des formes extrêmement variées dans le respect du principe du non usage à la force,
parmi les mesures les plus rependues : rupture des relations diplomatiques (l’expulsion de
citoyens ou de diplomates)157. Ces mesures de rétorsions peuvent également prendre la forme
d’une sanction exercée contre toutes les relations économiques ou commerciales 158 . La
pratique des ruptures diplomatiques et/ou commerciales sont les plus courantes dans la
communauté internationale.
2. L’immunité en droit international
Du latin immunitas, immunitatis, la notion de l’immunité est d’origine latine munis qui
désigne en droit romain l’exemption d’une charge 159 . En droit international public
contemporain, l’immunité internationale est fondée sur ce qui est appelé le comitas gentium, il
s’agit du respect mutuel entre Etats à l’endroit des représentants diplomatiques bénéficiant de
la souveraineté étatique, sur ce principe se fonde d’ailleurs les relations diplomatiques entre
les Etats160. C’est une exception faite, un droit particulier dévolu à une personne pour jouir de
l’inviolabilité tant en droit interne qu’en droit internationale dans l’exercice d’une fonction
précise. Les immunités sont également définies comme des « restrictions à l'exercice par un
Etat de sa compétence judiciaire et de son action et exception à la règle qui s'applique, dans
155 Annuaire I.D.I, 1934, p.708 156 Marcel SINKONDO, Droit International Public, Ellipses, 1999, p. 128. 157 C'est le cas, par exemple, de l'expulsion d'étudiants iraniens et de certains membres du personnel diplomatique iranien à Washington lors du conflit entre les Etats-Unis et l'Iran lors de l'affaire de prise d'otages américains à Téhéran en 1980. Dans le cadre de cette même affaire, on a abouti à une rupture complète des relations diplomatiques entre les deux Etats. 158 Les Etats-Unis ont suspendu ou réduit leur aide publique à certains Etats qui avaient nationalisé des investissements américains sans aucune indemnité, à d'autres qui ne respectent pas les droits de l'homme ("politique Carter" de 1977 à 1980) ou, enfin, à ceux dont ils désapprouvaient les orientations (comme le Nicaragua entre 1981 et 1989). 159 Lire les immunités diplomatiques, in www.diplomatia.com. Consulté le 02 Mars 2016. 160 Le principe est posé par la Convention de Vienne sur les immunités diplomatiques du 18 Avril 1961.
125
la mesure déterminée par le droit international et les traités, à l'égard d'un Etat étranger, de
ses agents diplomatiques»161.
L’immunité est un concept de droit large présent aussi bien dans les juridictions nationales
que celles internationales Et s’appliquant de manière spécifique à plusieurs sujets de droit.
Dans cette analyse, on s’intéresse essentiellement à l’immunité des Etats eux-mêmes, portant
effet sur la responsabilité internationale. Un principe généralement accepté en droit
international coutumier. Il est dès lors nécessaire de faire la distinction entre immunité de
l’Etat et immunité de son représentant car en droit international contemporain le chef de l’Etat
n’est plus considéré comme la personnification de l’Etat, mais le représentant suprême de
l’Etat. Selon la définition d’Hervé Ascensio : « l’immunité internationale peut être défini
comme l’obligation qui est faite à l’Etat en vertu du droit international public de ne pas
exercer sa juridiction contre un Etat étranger ou son représentant, le terme « juridiction »
étant entendu dans un sens ample couvrant l’exercice de l’ensemble des compétences
internes. »162.
Si l’on admet qu’une protection particulière dite « immunité » doit être accordée aux
chefs d'Etats, gouvernants et diplomates en exercice, cela ne saurait inclure comme une
immunité juridictionnelle totale, y compris dans des situations avérées de commission ou de
complicité de crimes considérés internationalement comme les plus graves. Au demeurant, les
textes internationaux relatifs aux immunités et privilèges, et particulièrement des Conventions
de Vienne (du 18 avril 1961 et du 24 avril 1963)163, sont muets pour ce qui concerne les chefs
d'Etats. En revanche, quoi qu'il en soit, ces immunités et privilèges attachés aux dirigeants
comme à leurs agents en poste à l’étranger disparaissent lorsque la preuve est apportée que
ces personnes ont commis, ordonné de commettre ou se sont rendus complices y compris par
leur abstention d’empêcher l’acte criminel d'infractions internationales graves.
161 Lire les origines, historique, but des immunités diplomatiques, www.google.com. Consulté le 02 Mars 2016. 162 Dans la nouvelle lettre de la FIDH n° 32 du 14 février 2000 163 Sous-section 4 et 5 de la convention de vienne (1961-1964)
126
Conclusion de la seconde partie
Depuis la seconde moitié du XXe siècle, le droit international est entré dans une
dynamique sans précèdent. Les structures de la société internationale changent
continuellement. Les relations qui s’y déroulent également se transforment constamment. On
a de nouveaux acteurs qui sont impliqués dans les relations internationales. De nouvelles
formes de conflictualité apparaissent (le terrorisme religieux, les révoltes populaires,…). En
bref, depuis 1990 le monde est entré dans un nouvel ordre comme l’avait annoncé Bush
père.164
Dans ce monde en mutation, le droit international s’imprègne de nouvelles tendances.
On assiste au dépassement des fondements traditionnels (1) et à l’émergence de nouveaux
principes quand bien même que ceux-ci restent encore peu clairs (2). Les analyses consacrées
à l’étude du droit international doivent être pour cela dominées par la flexibilité afin de mieux
rendre compte du caractère dynamique de ce droit et des principes qui le sous-tendent.
1- Le dépassement des fondements traditionnels
164 Voir l’Extrait du discours de Georges Bush adressé au Congrès le 6 mars 1991, En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/revision-du-bac/annales-bac/histoire-terminale/extrait-du-discours-de-georges-bush-adresse-au-congres-le-6-mars-1991_t-hrde88.html#tVgJJJQz8xvVgQcC.99
127
Le droit international s’est bâti sur un ensemble de principes fondateurs. Ces principes
fondés sur les acquis des traités de Westphalie, tournaient autour de l’Etat et de l’affirmation
de sa toute-puissance dans les relations internationales. L’Etat était le destinataire principal
des normes du droit international qui avaient pour principe fondamental, la reconnaissance et
le respect absolu de la souveraineté des Etats.165
Le principe de la souveraineté sur le plan externe affirmait l’autonomie des Etats sur la
scène internationale. Aucun Etat ne pouvait être contraint à se soumettre à une norme à
laquelle, il n’avait pas volontairement adhéré. De même, l’Etat pouvait se retirer d’un accord
lorsque celui-ci ne répondait plus à ses intérêts par un acte de dénonciation. Sur le plan
interne, le principe de la souveraineté avait pour implication l’interdiction pour les autres
Etats d’intervenir dans les affaires internes d’un Etat. L’ordre interne relevait strictement de la
compétence exclusive de l’Etat au regard du droit international. Toute immixtion d’un Etat
dans les affaires internes d’un autre Etat est considérée comme une ingérence condamnée par
le droit international. A ce sujet, on rappelle volontiers la célèbre jurisprudence de la CIJ sur
les manœuvres militaires des Etats-Unis au Nicaragua dans laquelle la cour avait condamné
les frappes militaires des Etats-Unis contre le Nicaragua comme étant une ingérence qui
violait la souveraineté de cet Etat.166
Aujourd’hui, de plus en plus, l’évolution du droit international tend vers le
dépassement du principe de la souveraineté de l’Etat et non son abandon. En effet, le droit
international au regard de la pratique actuelle, sans remettre en cause la souveraineté des
Etats, lui apporte de plus en plus de limitation. En outre, les dynamiques de regroupement
entre Etats frontaliers dans le cadre des politiques d’intégration économique, la domination
des tenants du marché et la montée des revendications citoyennes constituent les facteurs
majeurs de limitation de la place centrale qu’occupait l’Etat sur la scène internationale ainsi
que dans le droit international et même interne. Par ailleurs, la personnalité de l’Etat semble
s’effacer pour laisser place suprême à de nouveaux acteurs et destinataires des normes du
droit international ; les organisations régionales, l’homme individu et les entreprises
165 René-Jean DUPUY, Op. Cit. p21 166« décide que les Etats-Unis d'Amérique, par certaines attaques effectuées en territoire nicaraguayen en 1983-1984, contre Puerto Sandino les 13 septembre et 14 octobre 1983, contre Corinto le 10 octobre 1983, contre la base navale de Potos les 4-5 janvier 1984, contre San Juan del Sur le 7 mars 1984, contre des navires de patrouille Puerto Sandino les 28 et 30 mars 1984 et contre San Juan del Norte le 9 avril 1984, ainsi que par les actes d'intervention impliquant l'emploi de la force visés au sous-paragraphe 3 ci-dessus, ont, l'encontre de la République du Nicaragua, viole l'obligation que leur impose le droit international coutumier de ne pas recourir la force contre un autre Etat;» Jurisprudence CIJ, Nicaragua c/USA, Arrêt du 27 juin 1986.
128
multinationales, véritable détentrice du pouvoir économique mondiale et de l’économie de
marché.
2- L’affirmation de nouveaux principes encore controversés
La règlementation des rapports entre les Etats semblent occuper de moins en moins de
place dans le droit international. Le droit international devient le droit de la société mondiale
prenant en compte des préoccupations autrefois réservés à l’Etat.167 Au nom de ces nouvelles
préoccupations de la communauté internationale, le principe de la souveraineté est limité et
relativisée. L’ingérence qui est son contraire devient un principe du droit international
lorsqu’il s’agit d’apporter assistance au peuple. Le droit d’ingérence ou comme le préfèrent
beaucoup de juriste, le droit d’assistance humanitaire avec l’obligation de protéger les
populations constitue la principale limite à la souveraineté des Etats. Par ce droit des Etats en
leurs noms ou au nom de la communauté internationale lorsque dans le cadre des missions
onusiennes, peuvent par diverses formes de pressions y compris l’usage de la force intervenir
contre un Etats qui violerait de façon grave le principe des droits de l’homme vis-à-vis de sa
population. Nous l’avons vu en 2011 en Côte d’Ivoire, en Libye et difficilement en Syrie. Le
fait que ce soit les pays occidentaux qui coordonnent ses soi-disant interventions humanitaires
et en fonction d’intérêts particuliers souvent connus mis en évidence par l’approche sélective
adoptée par ces Etats, le principe de l’ingérence humanitaire ou du droit d’assistance
humanitaire demeure encore controversée. Au-delà des controverses sur le bon usage de ce
principe humanitaire, l’obligation de protéger les populations civiles, force est de constater
que la protection des droits humains est devenue une priorité pour la communauté
internationale qui met parfois l’homme au-dessus de l’Etat.
D’autre part, la domination du monde économique par l’idéologie libérale et les
tenants du marché mondial a également apporté une limitation importante au pouvoir des
Etats dans l’élaboration des normes du droit international notamment celles en rapports avec
le secteur économique. En 1998, David Korten a écrit « Quand les multinationales gouvernent
le monde », dans lequel il disait « une crise de contrôle gouvernemental provoquée par la
convergence de forces idéologiques, politiques et technologiques à la suite du processus de
globalisation économique qui a transmis le pouvoir des gouvernements responsables de
167 Cours général Académie De Droit International de la Haye, Diversification, spécialisation, flexibilisation et matérialisation des règles de droit international privé, Martinus Nijhoff Publishers, 21 déc. 2001
129
l’intérêt général à des entreprises institutionnelles et financières motivées par un seul but :
obtenir des bénéfices économiques à court terme ».168
Aujourd’hui, les multinationales par l’imposition des règles du marché libéral
prennent parfois le dessus sur les gouvernements des Etats. D’où pour certains, le droit
international économique est dominé par les principes conçues par ces multinationales.
L’Organisation Mondiale du Commerce qui est chargé d’harmoniser le droit des échanges
internationaux ne fait qu’officialiser ces principes du marché libéral face auquel les Etats ont
de moins en moins de choix surtout pour les plus faibles.
En définitif, le droit international même public n’est plus un ordre exclusive aux Etats et la consolidation de leur souveraineté. Ces nouvelles tendances du droit international qui sont aujourd’hui indéniables, s’inscrivent-elles pourtant dans une forme de continuité avec le l’évolution antérieure ou sont-elles l’affirmation d’un renouveau du droit international?
Bibliographie
Ouvrages
168 David KORTEN, Quand les multinationales gouvernent le monde, Barret-le-Bas (Hautes-Alpes) : Y. Michel, 2006
130
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132
• N. ONUF, « constructivism. A User’s Manual », dans V. Kubalkova et al, International Relations in a constructed World, Armonk (N.Y), Sharpe, 1998, P.58-78
Table des matières INTRODUCTION Générale ....................................................................................................... 2
Partie I- Les Relations Internationales ........................................................................................ 4
133
Introduction de la première partie ............................................................................................... 4
Chapitre I- L’histoire des relations internationales ..................................................................... 7
Section 1 : Les relations internationales et le traité de Westphalie (1648-1815) .................... 9
Section 2: Tentative d’institutionnalisation des relations internationales (1919-1945) ........ 11
Section 3 : Les relations internationales pris dans l’étau des rivalités Ouest-Est (1947-1991) ............................................................................................................................................... 12
Section 4: Les relations internationales de 1991 à nos jours ................................................. 14
CHAPITRE II- LES ACTEURS DES RELATIONS INTERNATIONALES ......................... 18
Section 1 : Les entités publiques ........................................................................................... 18
Sous-section 1 : Les Etats .................................................................................................. 18
Sous-section 2 : Les organisations internationales ............................................................ 24
Section 2 : Les acteurs non étatiques .................................................................................... 26
CHAPITRE III- LES THEORIES DES RELATIONS INTERNATIONALES ..................... 28
Section 1 : Les théories classiques des relations internationales .......................................... 29
Sous-section 1 : La théorie réaliste .................................................................................... 29
Sous-section 2 : La théorie libérale ................................................................................... 30
Sous-section 3 : La théorie marxiste .................................................................................. 32
Section 2 : Les nouvelles théories des relations internationales ........................................... 33
Sous-section 1 : Le constructivisme .................................................................................. 34
Sous-section 2 : La sociologie des relations internationales ............................................. 34
CHAPITRE IV : LA VIE INTERNATIONALE ...................................................................... 35
Section I : La politique étrangère .......................................................................................... 36
Sous-section 1 : L’impossible dissociation entre politique interne et politique étrangère 37
Sous-section 2 : L’analyse de la politique étrangère ......................................................... 38
Section 2 : Guerres et paix en relations internationales ........................................................ 40
Sous-section 1 : Les processus conflictuels ....................................................................... 40
Sous-section 2 : Les processus pacifiques ......................................................................... 42
Section 3 : Les processus de coopération et d’intégration .................................................... 44
Conclusion de la première partie .............................................................................................. 47
Partie II- Le Droit International Public ..................................................................................... 48
Introduction de la Seconde partie ............................................................................................. 48
Chapitre préliminaire : .............................................................................................................. 50
I. Définition du droit international ............................................................................. 51
134
II. Objet du droit international : les relations internationales et la société internationale .................................................................................................................. 52
III. Droit international et droit interne : caractéristiques particulières du droit international ................................................................................................................... 53
IV. Les différentes branches du droit international ................................................... 55
CHAPITRE I- LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC ............................ 56
Section 1- Les sources principales du droit international public .......................................... 58
Sous-section 1- Le traite international ............................................................................. 58
1. Le traité international: de sa définition et de sa classification ................................ 59
2. La conclusion des traités ......................................................................................... 64
3. la validité des traités ............................................................................................... 74
4. Les effets des traités ............................................................................................... 80
5. La modification et la fin des traités ........................................................................ 84
Sous-section 2- La coutume internationale ...................................................................... 88
1. Les fondements de la coutume internationale ....................................................... 88
2. Les éléments constitutifs de la coutume internationale .......................................... 90
Section 2- Les sources subsidiaires du droit international public ........................................ 93
Sous-section 1- Les principes généraux ............................................................................ 94
1. Fonction des Principes généraux de droit ............................................................... 94
2. La place subsidiaire des principes généraux de droit ............................................. 95
Sous-section 2: Les actes unilatéraux ................................................................................ 96
1. Les actes unilatéraux des Etats ............................................................................... 96
2. Les actes unilatéraux des organisations internationales ......................................... 97
Sous-section 3: la doctrine et la jurisprudence .................................................................. 99
1. La doctrine .............................................................................................................. 99
2. La jurisprudence ................................................................................................... 100
CHAPITRE II- LES SUJETS DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC ............................ 101
Section 1- L’Etat ................................................................................................................ 101
Sous-section 1- Les éléments de la reconnaissance internationale d’un Etat .................. 102
1. la population ......................................................................................................... 102
2. le territoire ............................................................................................................ 103
3. Un gouvernement souverain ................................................................................. 104
Sous-section 2- La souveraineté des Etats : principe et limite en droit international public ......................................................................................................................................... 104
135
1. Le principe de la souveraineté internationale d’un Etat ....................................... 105
2. Les limites à la souveraineté internationale des Etats .......................................... 107
Section 2- Les organisations internationales ....................................................................... 108
CHAPITRE III- L’APPLICATION DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC ................... 109
Section 1- Les théories dualistes et monistes ...................................................................... 109
Sous-section: La théorie dualiste ......................................................................................... 110
1. Le principe de la théorie dualiste .......................................................................... 110
2. Les critiques de la théorie dualiste ....................................................................... 112
Sous-section 2- La théorie moniste ..................................................................................... 113
1. Le principe de la théorie moniste ......................................................................... 114
2. Les critiques de la théorie moniste ....................................................................... 115
Section 2- les théories de la responsabilité internationale ................................................... 116
Sous-section 1: condition de la responsabilité internationale .......................................... 117
1. Le dommage en droit international ....................................................................... 118
2. La faute en droit international .............................................................................. 119
3. Applicabilité ......................................................................................................... 120
Sous-section 2 : les effets de la responsabilité en droit international .............................. 121
1. Les sanctions en droit international ...................................................................... 122
2. L’immunité en droit international ......................................................................... 124
Conclusion de la seconde partie .............................................................................................. 126
Bibliographie ........................................................................................................................... 129
Ouvrages .............................................................................................................................. 129
Articles ................................................................................................................................ 131
Table des matières ................................................................................................................... 132