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Université de Strasbourg
Ecole nationale d’administration
Master Droit, Economie, Gestion
Mention Administration publique
Spécialité Administration et finances publiques
Titre : Les collectivités territoriales à la lumière de la
Constitution marocaine de 2011
Sous la direction de
M. David MELLONI
Professeur agrégé de droit public à l'Université de Haute-Alsace
Soutenu par
Jawad ABIBI
CIL Promotion Winston Churchill (2014-2015)
Jury composé de :
M. Gabriel ECKERT, président
M. David MELLONI, directeur de mémoire
M. Fabrice LARAT, membre du jury
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REMERCIEMENTS
J’adresse de chaleureux remerciements en premier lieu à M. David
MELLONI, Professeur agrégé de droit public à l'Université de Haute-Alsace
qui a bien voulu, malgré sa lourde responsabilité, diriger mon travail. Je lui
suis reconnaissant pour le temps conséquent qu’il m’a accordé, ses qualités
humaines, pédagogiques et scientifiques, sa franchise et sa sympathie. J’ai
beaucoup appris à ses côtés et je lui adresse ma gratitude pour tout cela.
Je remercie également MM. Gabriel ECKERT et Fabrice LARAT de l’intérêt
qu’ils ont porté à ce travail en acceptant de prendre part au jury de
soutenance.
Merci à ma femme et à toute ma famille qui ont supporté mon éloignement
durant ces deux ans de formation.
Merci à tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à ce mémoire.
J. ABIB
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SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE PREMIERE PARTIE : LE STATUT CONSTITUTIONNEL DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
CHAPITRE I : LE CONCEPT DE « COLLECTIVITE TERRITORIALE »
I. La nature juridique de la collectivité territoriale
II. Les éléments fondamentaux d’identification
III. Les catégories des collectivités territoriales
IV. Les relations entre les collectivités territoriales
CHAPITRE II : LA LIBRE ADMINISTRATION DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
I. La portée du principe de libre administration
II. Les implications du principe de libre administration
III. Les limites du principe de libre administration
CHAPITRE III : LA SUBSIDIARITE ET LES COMPETENCES DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
I. Le principe de subsidiarité
II. Les compétences des collectivités territoriales
DEUXIEME PARTIE : LE CONTROLE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
CHAPITRE I : LA TUTELLE ET LE CONTROLE ADMINISTRATIF
I. La tutelle administrative
II. Le contrôle administratif
CHAPITRE II : LE CONTRÔLE JURIDICTIONNEL
I. Le contrôle exercé par les juridictions administratives
II. Le contrôle exercé par les juridictions financières
CHAPITRE III : LE CONTROLE POLITIQUE ET DE BONNE GOUVERNANCE
I. Le contrôle exercé par les acteurs politiques
II. Le contrôle exercé par les instances de la bonne gouvernance
CONCLUSION GENERALE
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LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES
BO : Bulletin officiel
CA : Cour d’Appel
CCR : Commission consultative de la régionalisation
CE : Conseil d’Etat (français)
CNDH : Conseil national des droits de l’Homme
IGAT : Inspection générale de l’administration territoriale
IGF : Inspection générale des finances
REMALD : Revue marocaine d’administration locale et de développement
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INTRODUCTION GENERALE
La constitutionnalisation des diverses branches du droit ne cesse pas de
progresser au rythme du développement de l’application et de l’interprétation de
la Constitution par le juge constitutionnel, ainsi que sa mise en œuvre par les
autorités politiques, administratives et juridictionnelles1.
Il en est ainsi pour le droit de la décentralisation et des collectivités territoriales.
En effet, les Constitutions, notamment dans les Etats à organisation
décentralisée, consacrent des règles et des principes applicables aux
collectivités décentralisées.
Etant donné que les règles constitutionnelles sont établies principalement pour
réglementer les bases organisationnelles de l’Etat et la fonction des organes
étatiques2, et que les collectivités décentralisées constituent des organes
étatiques territoriaux, il est normal que l’organisation et le fonctionnement de ces
dernières soient prévus par les Constitutions.
Au Maroc, les Constitutions qui se sont succédé ont toujours contenu des
dispositions relatives à la décentralisation et aux collectivités locales.
Néanmoins, la Constitution du 29 juillet 2011 se démarque de ses devancières
par l’importance qu’elle a accordée à la décentralisation territoriale. En effet, elle
consacre, pour la première fois, la décentralisation comme forme de
l’organisation territoriale du Royaume3 et réserve tout un titre, composé de douze
articles, aux collectivités territoriales.
Ainsi, le constituant de 2011 semble vouloir poser un nouveau régime juridique
pour la décentralisation territoriale. L’objectif serait de repenser l’organisation de
l’Etat et ses relations avec les acteurs territoriaux pour les impliquer davantage
dans la résolution des problèmes locaux4.
1 André ROUX, Droit constitutionnel local, ECOOMICA, 1995, p 05. 2 Panayotis POULIS, Droit constitutionnel et institutions helléniques, L’Harmattan 2008, p 83. 3 Article premier de la Constitution du 29 juillet 2011. 4 Ahmed BOUACHIK, La régionalisation avancée dans la Constitution de 2011, in REMALD n° 77/2012,
p105.
6
L’étude de ce nouveau régime juridique nécessite préalablement une lecture
approfondie dans les différents textes existants relatifs à la question. En effet, le
Maroc s’est engagé, depuis l’indépendance dans un processus de
décentralisation. Celui-ci a été amorcé en 1960. Cependant, l’année 1976
demeure une date qui marque un tournant historique en la matière, avec
l’adoption d’une charte communale faisant des communes des véritables
collectivités décentralisées et transférant aux élus locaux d’importantes
attributions antérieurement dévolues aux autorités locales.
Concernant la décentralisation régionale, le Roi Hassan II, dans son discours
du 24 octobre 1984, avait exprimé son intention de mettre en place des régions
disposant des pouvoirs législatif et exécutif à l’image des Etats à organisation
fédérale ou régionalisée. Le Roi à l’époque avait une grande admiration pour le
régime territorial allemand et pensait que ce modèle pourrait convenir au Maroc,
vu la pluralité de ses traditions et la diversité de ses cultures5.
Cependant, la région-collectivité locale n’a été instituée qu’en 1997, c’est-à-
dire cinq ans après sa consécration dans la Constitution, et treize ans après le
discours royal cité. Aussi, son statut et les compétences dont elle dispose en font
une institution beaucoup plus proche d’une entité administrative que d’une
collectivité décentralisée.
Par ailleurs, l’installation de la Commission consultative de la régionalisation
en 2010, chargée d’élaborer des propositions pour mettre en place une
régionalisation avancée, a été considérée comme étant une étape importante et
déterminante pour assurer le passage d’une régionalisation naissante et limitée
à une régionalisation sereine avec une décentralisation plus forte et plus
participative6. Son objectif est de proposer une nouvelle forme de l’organisation
territoriale institutionnalisant de nouveaux rapports entre le centre et la
périphérie, et entre l’Etat et la région sur la base du principe de subsidiarité, et
5 Autonomie locale et régionalisation en Méditerranée: actes du séminaire international, Rabat 2-3
septembre 199, p 35. 6 Idem.
7
de rénover et moderniser les structures de l'Etat pour la consolidation du
développement intégré7.
Le constituant de 2011 s’est largement inspiré des recommandations de la
Commission citée. La reconnaissance de la décentralisation à l’article premier de
la Constitution revêt un caractère symbolique et juridique. Elle a pour objectif de
marquer le caractère irréversible de la décentralisation au Maroc. Elle rappelle
que la décentralisation implique un mouvement descendant qui ne va que dans
un sens : du haut vers le bas, c’est-à-dire de l’Etat vers les collectivités
territoriales. Cela empêche toute tentative de recentralisation. Mais
parallèlement, on affirme que cette organisation n’est que décentralisée, c’est-à-
dire que cette inscription ne change pas la forme de l’Etat, et que le Royaume
n’est ni fédéral ni régional.
Ainsi, la nouvelle Constitution, en plus de l’organisation horizontale des
pouvoirs entre les institutions constitutionnelles, ouvre la voie à une organisation
verticale des rapports et des compétences entre l’Etat et les collectivités
territoriales, et ce à travers les points suivants :
La définition d’un statut juridique qui encadre l’organisation, la gestion et
les attributions des collectivités territoriales.
La consécration des principes directeurs de la décentralisation, il s’agit
notamment des principes suivants : La libre administration, la subsidiarité,
la solidarité et la coopération;
La mise en place des mécanismes de contrôle et de contractualisation
entre l’Etat et les collectivités territoriales.
En outre, des dispositions constitutionnelles confient, pour la première fois, à
la loi organique la compétence de fixer l’ensemble des règles relatives au statut,
au fonctionnement et aux compétences des collectivités territoriales8.
Nous proposons dans ce travail l’étude des différentes dispositions de la
Constitution de 2011 qui concernent les collectivités territoriales, et ce à la
7 Discours royal du 3 janvier 2010 à l’occasion de l’installation de la Commission consultative de la
régionalisation. 8 Article 146 de la Constitution du 29 juillet 2011.
8
lumière des travaux développés en la matière, soit par la doctrine, soit par la
jurisprudence, au Maroc et ailleurs.
Il est vrai que le nombre des travaux de recherche qui ont été réalisés sur le
sujet des collectivités territoriales est très important. En revanche, l’originalité de
notre travail, est liée, au moins, à trois points suivants :
Nous avons travaillé à la lumière d’un nouveau texte qui est la Constitution
du 29 juillet 2011, ce qui a nécessité un effort de relecture des textes
juridiques qui régissent la décentralisation, tout en gardant à l’esprit les
nouvelles dispositions constitutionnelles et le nouveau contexte
institutionnel.
Nous avons effectué notre recherche dans un contexte politique marqué
par l’importance donnée à la question de la décentralisation et de la
régionalisation, ce qui a imposé la prise en considération des discours
politiques et des décisions prises à différents niveaux se rattachant à cette
question.
Nous avons traité des points qui constituent une nouveauté au Maroc,
notamment les principes constitutionnels qui devraient encadrer
l’organisation, le fonctionnement et les compétences des collectivités
territoriales ainsi que les contrôles que l’Etat exerce sur elles.
La question centrale de notre recherche est de savoir quel régime juridique
des collectivités territoriales pourrait découler des nouvelles dispositions
constitutionnelles relatives à la décentralisation territoriale ? Cette question
centrale englobe un ensemble d’autres questions à savoir :
Quelle est la nature juridique des collectivités territoriales ? Comment
sont-elles organisées et administrées à la lumière de la Constitution de
2011 ?
Quels sont les principes constitutionnels directeurs de la décentralisation
territoriale ? Comment les définir ? Et quels en sont l’étendu et les limites ?
Quel est la nature des rapports entre l’Etat et les collectivités territoriales ?
Quels sont les mécanismes de contrôle exercé par l’Etat sur elles? Quels
sont les limites de ce contrôle ?
9
Pour essayer de répondre à la question centrale de notre recherche et aux
sous-questions qui en découlent, nous avons scindé notre travail en deux
parties : la première partie sera consacrée au statut constitutionnel des
collectivités territoriales et la deuxième traitera des contrôles exercés sur celles-
ci.
10
PREMIERE PARTIE
LE STATUT CONSTITUTIONNEL DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
Les communes, les provinces et les préfectures ont bénéficié d’une
reconnaissance constitutionnelle, en tant que collectivités locales, dès 1962. En
effet, la première Constitution du Royaume a consacré son huitième titre,
composé de trois articles (93,94 et 95), aux collectivités locales.
Quant à la région, sa consécration constitutionnelle ne date que de 1992. Le
texte constitutionnel du 21 octobre 1992 a réservé son titre dix aux collectivités
locales. Ce titre comporte également un article relatif aux compétences des
gouverneurs en leur qualité de coordinateurs de l’action des administrations
(article 96)9.
De même, la Constitution de 1996, dans son article 100, réaffirme que les
collectivités locales du Royaume sont : les régions, les provinces, les préfectures
et les communes. Son titre onze encadre l’organisation de ces collectivités et les
attributions des gouverneurs10.
Cependant, ces dispositions constitutionnelles ne peuvent pas être
considérées comme portant statut des collectivités territoriales. Il est vrai que
certaines de ces dispositions régissent l’organisation des collectivités,
notamment celles qui concernent l’élection des conseils, la gestion démocratique
et l’exécution des délibérations, mais elles n’ont jamais donné lieu à une
jurisprudence constitutionnelle, ce qui en fait des simples principes directeurs et
non pas des vraies règles exécutoires susceptibles de former un statut
constitutionnel des collectivités territoriales.
En outre, la naissance d’une jurisprudence constitutionnelle en la matière était
entravée par le retard enregistré au niveau de la consécration du contrôle de la
constitutionnalité des lois. Ce contrôle n’a été possible qu’à partir de 1992, et la
9 La Constitution de 1992, BO n° 4173 du 21 octobre 1992. 10 La Constitution de 1996, BO n° 4420 bis du 10 octobre 1996.
11
première décision du Conseil constitutionnel relative au contrôle de
constitutionnalité d’une loi ordinaire ne date que de 199411. D’autant plus que les
lois ordinaires, contrairement aux lois organiques, ne sont pas automatiquement
contrôlées par le juge constitutionnel. Par conséquent, les lois relatives à
l’organisation des collectivités territoriales d’avant la Constitution de 2011 n’ont
jamais fait objet d’un contrôle de constitutionnalité.
Ainsi, le statut des collectivités territoriales était, jusqu’à l’adoption de la
Constitution de 2011, d’ordre législatif, en ce sens que l’établissement des règles
régissant l’organisation, le fonctionnement et les attributions de ces entités était
confié au législateur.
Par ailleurs, la Constitution de 2011 marque une grande innovation en la
matière. Elle dépasse ses devancières par le fait qu’elle n’accorde pas
uniquement une simple reconnaissance aux collectivités territoriales, mais elle
porte un "statut juridique complet"12 de celles-ci, consacre un ensemble de
principes leur permettant une liberté d’action et pose des normes relatives à leur
organisation et à leurs compétences.
Le titre IX de la Constitution de 2011, intitulé " Des régions et des collectivités
territoriales" et composé de douze articles (de 135 à 146), porte un véritable
statut constitutionnel des collectivités territoriales. L’article 146 renvoie à une loi
organique complétant ce statut. Ainsi, toutes les conditions sont réunies pour
produire une jurisprudence constitutionnelle des collectivités territoriales et pour
constituer un véritable « droit constitutionnel territorial ».
Pour appréhender le statut réservé aux collectivités territoriales par la
Constitution de 2011, nous allons tout d’abord étudier la notion de « collectivité
territoriale » (chapitre I). Nous allons essayer de définir juridiquement cette notion
à partir des dispositions constitutionnelles y afférentes. Nous étudierons
également les différentes catégories des collectivités territoriales marocaines et
11 Mohammed Amine BENABDALLAH, Le Conseil constitutionnel et la loi sur les paraboles : Note sous
décision du Conseil constitutionnel n° 37-94 du 16 août 1994, REMALD n° 9, 1994, p. 9. 12 Tarik ZAIR, Le nouveau statut constitutionnel des collectivités territoriales, in REMALD, numéro double
99-100, juillet-octobre 2011, p. 21.
12
les rapports que peuvent entretenir entre elles en application des dispositions
constitutionnelles et des lois qui les régissent.
Ensuite, nous nous arrêterons à l’étude de l’administration de ces collectivités
(chapitre II). Il ne sera pas question de faire une simple description des processus
électoraux et des organes de ces entités décentralisées. Il s’agira plutôt de traiter
les nouveautés du texte constitutionnel relatives à ce point. Ainsi, nous allons
nous attarder sur un principe constitutionnel majeur, à savoir, la libre
administration. Pour étudier ce principe, notre référence sera essentiellement les
textes juridiques français ainsi que la jurisprudence et la doctrine. Il sera question
également de l’analyse des implications de la gestion démocratique des affaires
de la collectivité prévue par la Constitution.
Enfin, nous essayerons d’analyser les dispositions relatives aux compétences
des collectivités territoriales (chapitre III). Il ne s’agira pas d’énumérer les
compétences respectives de chaque collectivité. Nous essaierons d’étudier les
procédés par lesquels le pouvoir constituant a cherché à encadrer le partage des
compétences entre le pouvoir central et les collectivités territoriales. Il s’agit
précisément du principe de subsidiarité. En l’absence de toute définition textuelle,
nous nous chargerons d’en chercher les significations et les applications dans le
droit français, et de concevoir les éventualités de son adaptation au contexte
marocain.
13
CHAPITRE I
LE CONCEPT DE « COLLECTIVITE TERRITORIALE »
Les collectivités territoriales sont des structures administratives distinctes de
l’administration de l’Etat. Elles ont pour mission la prise en charge des intérêts
de la population d’un territoire précis. Elles sont dotées des compétences propres
qui leurs sont confiées par le législateur. Néanmoins, elles ne constituent pas des
Etats dans l’Etat. Elles ne détiennent pas de souveraineté et ne peuvent pas se
doter, de leur seule initiative, de compétences ou d’organes nouveaux13.
La notion de « collectivité territoriale » n’est pas nouvelle en droit marocain. Il
est vrai qu’un grand nombre de textes relatifs à la décentralisation utilise la notion
de collectivité locale et pas de collectivité territoriale, néanmoins, le Dahir du 23
juin 1960 relatif à l’organisation communale, a défini les communes comme « des
collectivités territoriales14 de droit public dotées de la personnalité civile et de
l'autonomie financière »15, et le Dahir portant loi n° 1-76-583 du 30 Septembre
1976 relatif à l'organisation communale a défini les communes comme « des
collectivités territoriales16 de droit public, dotées de la personnalité morale et de
l'autonomie financière »17. Sur le plan constitutionnel, la notion de collectivité
territoriale est utilisée pour la première fois par la Constitution du 29 juillet 2011,
et commence de plus en plus à remplacer celle de collectivité locale dans les
différents textes juridiques18. En France, jusqu’à la révision constitutionnelle du
28 mars 2003, les deux termes apparaissaient dans la Constitution : collectivités
locales à l’article 34 et collectivités territoriales au titre XII. Mais depuis cette
révision, seule l’expression collectivité territoriale figure dans le texte
13 Jean-Luc BŒUF et Manuela MAGNAN, Les collectivités territoriales et la décentralisation, La
documentation française, Paris, 2008, p. 07 14 Le concept utilisé dans la version arabe est : الوحدات الترابية 15 L’article premier du Dahir n° 1-59-315 du 28 hija 1379 (23 juin 1960) relatif à l'organisation communale
Bulletin Officiel n° : 2487 du 24/06/1960 – p. 1230. 16 Le concept utilisé dans la version arabe est : الوحدات الترابية 17 L’article premier du Dahir portant loi n° 1-76-583 (30 Septembre 1976) relatif à l'organisation
communale. Bulletin Officiel n° 3335 bis du 1er octobre 1976. 18 Exemples : La loi organique n°28‐11 relative à la Chambre des conseillers, B.O. n° 6066 (les articles : 1,
11, 14, 15…), la loi organique n° 27-11 relative à la Chambre des représentants, B.O n° 5992 (l’article
13)…
14
constitutionnel. Ainsi, l’expression collectivité locale n’est plus juridiquement
fondée et les collectivités sont désormais des « collectivités territoriales »19.
La notion de collectivité territoriale ne doit pas être confondue avec des notions
voisines. Elle doit notamment être distinguée des circonscriptions administratives
qui sont dépourvues de la personne morale. Elle doit également être distinguée
de l’établissement public local qui est une personne publique spécialisée, alors
que la collectivité territoriale bénéficie d’une compétence générale lui permettant
de prendre en charge toute affaire d’intérêt local.
Les collectivités territoriales ont une nature juridique très particulière (I). Il s’agit
des institutions constitutionnelles dotées d’un certain nombre de compétences à
caractère réglementaire. Elles constituent des personnes morales de droit
public distinctes de l’État, cette qualité leur est reconnue par le texte
constitutionnel. A ce titre elles bénéficient d’une autonomie juridique, financière
et patrimoniale et possèdent un certain nombre de droits et d’obligations.
Par ailleurs, les collectivités territoriales ont une identité juridique et
symbolique forgée à partir d’un ensemble d’éléments constitutifs dont les plus
fondamentaux sont le nom, le territoire et la population (II).
Sur un autre plan, les collectivités territoriales au Maroc sont de trois
catégories définies par la Constitution (III) qui entretiennent entre elles des
relations juridiques de différentes natures (IV).
I. La nature juridique de la collectivité territoriale
La Constitution marocaine prévoit explicitement que les collectivités
territoriales constituent des personnes morales de droit public. Le législateur
réaffirme cette caractéristique et consacre leur autonomie financière.
19 Jean-Luc BŒUF et Manuela MAGNAN, Les collectivités territoriales et la décentralisation, La
documentation française, Paris, 2008, p. 07.
15
A. La personne morale de droit public
La collectivité territoriale est une personne morale de droit public. Autrement
dit, elle dispose de la personnalité juridique. A ce titre, elle « se détermine
librement et ne peut se voir imposer une décision, indépendamment de son
consentement. De même, dans l’exercice de ses attributions, elle ne subit pas
l’interférence d’une autre institution»20. Cependant, les collectivités territoriales,
tout en étant des personnes morales de droit public, subissent le contrôle
étatique, étant donné que l’Etat a un statut juridique supérieur qui lui permet de
contrôler toutes les institutions.
Dans le même ordre d’idées, l’action réglementaire et administrative s’exerce
au sein des collectivités territoriales, au nom et pour le compte de la personne
morale, derrière laquelle s’effacent les détenteurs physiques du pouvoir. Par voie
de conséquence, leurs organes n’agissent que dans le but de satisfaire l’intérêt
général. A cet effet, les collectivités territoriales, en leur qualité de personnes
morales de droit public, disposent d’un patrimoine propre et des moyens
financiers nécessaires pour l’accomplissement de leurs missions.
Au Maroc, durant les différentes expériences de la décentralisation territoriale,
c’est toujours le législateur qui accorde cette personnalité morale aux collectivités
territoriales. Cependant, la Constitution de 2011 marque une rupture dans ce
sens en accordant, elle-même, cette qualité aux collectivités en question21.
D’ores et déjà, la personne morale de droit public des collectivités territoriales a
la valeur constitutionnelle. Par conséquent, le législateur ne peut pas, sous peine
d’inconstitutionnalité, ni supprimer ni limiter cette prérogative. En outre, le
contentieux relatif à cette question, relève, dorénavant, de la compétence du juge
constitutionnel et non plus de celle du juge administratif.
Par ailleurs, trois conséquences découlent de cette qualité. La première est
que la collectivité territoriale est une institution de droit public. Elle se différencie
ainsi des sujets de droit privé, et ses activités sont soumises à l’application des
20 Antoine Delblond, Droit administratif, Larcier 2009, p. 402 21 L’article 135 de la Constitution de 2011 : «les collectivités territoriales du Royaume sont les régions, les
préfectures, les provinces et les communes. Elles constituent des personnes morales de droit public et
gèrent démocratiquement leurs affaires… ».
16
règles de droit public et à la compétence des juridictions administratives.
Néanmoins, les collectivités territoriales peuvent exceptionnellement, pour
certaines de leurs activités, être soumises au droit privé et à la compétence des
juridictions de droit commun.
La seconde conséquence est que la collectivité territoriale est une personne
morale de droit public. A ce titre, elle exerce ses compétences en son propre nom
et pour son propre compte ; elle peut acquérir des droits et contracter des
obligations, ester en justice et elle est responsable de ses actes devant les
tribunaux. En outre, la collectivité territoriale dispose d’organes qui lui sont
propres. La personne morale implique aussi son indépendance financière. La
collectivité territoriale a un patrimoine, une comptabilité et un budget propres,
distincts de ceux de l’Etat22. En cette qualité, la collectivité territoriale se
différencie de la régie, qui est une forme traditionnelle de gestion des services
publics. En effet, la régie, tout en étant une institution de droit public, est
dépourvue de la personnalité juridique. Ainsi, elle ne peut agir qu’au nom et pour
le compte de l’Etat ou de la collectivité dont elle relève.
En dernier lieu, les collectivités territoriales se distinguent des personnes
morales de droit privé par cela qu’elles sont « créées par les pouvoirs publics et
maitrisées par eux en vue de gérer des intérêts publics et qu’elles disposent à
cette fin de prérogatives de puissance publique et sont soumises aux sujétions
correspondantes »23.
Enfin, il est à préciser que la collectivité territoriale se démarque de
l’établissement public, qui est aussi une personne morale de droit public, par sa
compétence générale. En effet, les compétences de la collectivité territoriale ne
sont, en principe, limitées que spatialement, et non matériellement, alors que
l’établissement public est créé en vue de gérer un service public. La première a
donc une compétence générale, tandis que le second est doté d’une mission
spéciale.
22 Pascal Mahon, La Décentralisation administrative: étude de droit public français, allemand et suisse,
Librairie Droz, Genève, 1985, pp. 66-67 23Philippe Bouvier, Éléments de droit administratif, éditions De Boeck Université, 2002, pp. 65-66.
17
En revanche, en France, la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 relative à
la réforme des collectivités territoriales avait supprimé la clause de compétence
générale pour les départements et les régions dans l’objectif de clarifier les
compétences respectives de chaque collectivité. Cette clause a été rétablie pour
les collectivités concernées par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de
l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Dans ce même
contexte, un projet de loi portant organisation territoriale de la République
propose la suppression de la clause de compétence générale pour les régions24.
Ainsi, la compétence générale pourrait, au moins en France, ne pas constituer
un élément nécessaire pour définir une collectivité territoriale ou pour la
distinguer d’un établissement public.
B. L’autonomie financière
L’autonomie financière d’une collectivité signifie qu’elle dispose du pouvoir de
décider librement les recettes et les dépenses qui figureront ou non à son budget.
L’existence d’un tel pouvoir suppose que lors de l’établissement de son budget,
la collectivité n’est soumise ni à une obligation, ni à une interdiction de recette ou
de dépense. Or, force est de constater que ces collectivités ne disposent pas
d’une entière liberté à l’occasion de détermination de leurs recettes et
dépenses25. En revanche, l’autonomie financière des collectivités territoriales
constitue un élément essentiel de leur définition et demeure consacrée par
plusieurs textes juridiques.
La Constitution marocaine du 29 juillet 2011 ne prévoit pas d’une manière
explicite l’autonomie financière des collectivités territoriales. Cependant, un
ensemble de dispositions constitutionnelles consacrent implicitement cette
autonomie. C’est surtout le cas de l’article 141 qui énonce que : « les régions et
les autres collectivités territoriales disposent de ressources financières propres
et de ressources financières affectées par l’Etat… ». C’est aussi le cas de l’article
136 qui prévoit le principe de la libre administration des collectivités territoriales.
24 Projet de loi n° 636 enregistré à la présidence du Sénat le 18 juin 2014. www.senat.fr/leg/pjl13-636.html,
consulté le 06-11-2014 à 16h30mn. 25 Gestion financière des collectivités locales, Communes et régions d’Europe n° 50, publication du Conseil
de l’Europe, 1993, p. 26.
18
Sur le plan doctrinal, il est admis, au moins en France, que ce principe
« implique l'existence d'un pouvoir budgétaire, donc d'un budget pour chaque
collectivité, d'un pouvoir d'appréciation en matière de dépenses, ce qui suppose
des ressources suffisantes pour l'exercice des compétences locales ».26
En définitive, si les dispositions de la Constitution ne sont pas suffisantes pour
affirmer la valeur constitutionnelle de l’autonomie financière des collectivités
territoriales, il n’en demeure pas moins qu’elles constituent des éléments d’une
protection potentielle de cette autonomie dont l’effectivité dépendrait de
l’appréciation et de l’interprétation du juge constitutionnel.
Dans tous les cas, l’autonomie financière ne peut pas être absolue. Le
législateur demeure compétent pour encadrer le pouvoir budgétaire des
collectivités territoriales. Ainsi, la loi peut leur imposer un certain nombre de
charges obligatoires ou réduire une part de leur ressources, à condition de ne
pas entraver leur libre administration. Toute la question va alors être de savoir où
se situe la ligne que le législateur ne saurait franchir27. Seule la jurisprudence
constitutionnelle pourrait répondre à cette question. Et seul le juge constitutionnel
pourrait apprécier quand est ce que le droit des collectivités territoriales à
disposer de leurs ressources financières est transgressé.
II. les éléments fondamentaux d’identification
Les collectivités territoriales sont juridiquement identifiables à travers plusieurs
éléments. Nous allons nous contenter, dans cette section, de présenter les plus
fondamentaux, à savoir : le nom, le territoire et la population.
A. Le nom
Le nom constitue un élément constitutif de la personne juridique, et le droit au
nom fait partie des droits reconnus à la personnalité. La collectivité territoriale,
en tant que personne juridique et à l’instar de toute personne physique ou morale,
a droit à avoir un nom qui la désigne. Les noms des collectivités se nourrissent
en principe de l’histoire et de la géographie.
26 Loïc PHILIP, L'autonomie financière des collectivités territoriales, in Cahiers du Conseil constitutionnel
n° 12 (Dossier : Le droit constitutionnel des collectivités territoriales) - mai 2002 27 Idem.
19
Le droit des collectivités territoriales au nom implique leur droit à le protéger
contre toute usurpation ou exploitation illégale. Si la jurisprudence marocaine, à
notre connaissance, ignore encore des cas liés à cette question, il n’en demeure
pas moins que le juge français a condamné une exploitation commerciale
injustifiée d’un nom d’une collectivité territoriale. (Cour d’Appel de Paris 4ème
Ch. Section A 12/12/2007 ville de Paris / SIMON)28.
Dans un autre cas similaire, la Cour d’Appel de Montpellier a considéré
l’utilisation de l’abréviation du nom d’une commune, dans la dénomination d’un
site Internet sans précision ou complément permettant la différenciation avec le
nom de la collectivité, comme constituant un trouble manifestement illicite, ce qui
était de nature à induire une confusion dans l’esprit du public en laissant croire
aux internautes qu’il s’agissait d’un des sites officiels de la commune (CA
MONTPELLIER Ch.5, section A 16/10/2008 n°08/00878. L’Association LA VOIE
DU RIBERALE / COMMUNE DE SAINT-ESTEVE).
Dans ce même sens, il est à noter qu’en France, le Code des postes et des
communications électroniques, notamment son article L 45-2 prévoit un régime
de protection des noms de domaine des collectivités territoriales29.
En revanche, les collectivités territoriales marocaines ne bénéficient pas
encore des normes juridiques qui protègent, d’une manière explicite, les droits
qu’elles devraient posséder sur leurs propres noms.
Dans le même ordre d’idées, la consécration constitutionnelle d’un véritable
statut des collectivités territoriales et de leur qualité de personne morale n’aurait
pas son plein sens sans la mise en place des textes d’application et des
dispositions légales et réglementaires nécessaires pour la protection des noms
de ces collectivités contre toute exploitation abusive.
28 « … Considérant que le dépôt de la marque "PARIS L'ÉTÉ", dont l'exploitation n'est pas démontrée,
porte atteinte au nom de la ville de PARIS ; que le préjudice d'ordre moral en résultant sera entièrement
réparé par l'allocation de la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts ;….
… Dit que le dépôt par Stéphane SIMON de la marque "PARIS L'ÉTÉ" n° 033242771 porte atteinte aux
droits antérieurs que détient la ville de Paris sur son nom…
Annule l'enregistrement de la marque "PARIS L'ÉTÉ"n°033242771… ». 29 L’article L 45-2 du Code des Postes et des Communications Electroniques modifié par la loi n° 2011-
302 du 22 mars 2011.
20
Par ailleurs, les collectivités territoriales, en droit marocain, ne peuvent pas
décider souverainement du changement de leurs noms. Ainsi, à titre d’exemple,
la modification du nom d’une commune « est décidé par décret, sur proposition
du ministre de l’intérieur après consultation du conseil communal intéressé, ou
sur proposition de ce dernier »30.
En droit français, les changements des noms des communes sont
subordonnés à un décret en Conseil d’Etat, pris sur demande de la commune et
après avis du conseil général concerné31.
B. Le territoire
Le territoire est l’élément essentiel de l’identification des collectivités
territoriales. Chacune de ces collectivités exerce une compétence générale sur
un territoire bien défini en fonction d’un découpage adopté par voie législative ou
réglementaire. Additionnés, les territoires de toutes les collectivités territoriales
couvrent l’ensemble du territoire national.
Les dimensions du territoire différent d’une collectivité à une autre, même
quand il s’agit des collectivités se trouvant au même rang. En outre, « le territoire
des collectivités territoriales comporte un centre de gravité juridique, qui est le
chef-lieu, où va se trouver le siège principal des autorités et services : c’est le
centre administratif de la collectivité »32.
Néanmoins, la collectivité territoriale ne détient pas une compétence exclusive
en matière d’administration de son propre territoire. En effet, un même territoire
relève de plusieurs collectivités territoriales, ainsi à titre d’exemple le territoire
d’une commune relève aussi de la compétence de la province ou de la préfecture
et de la région dont relève la commune en question. L’administration du territoire
est également assurée par les services déconcentrés de l’Etat.
Toutes ces considérations permettent de faire une distinction entre le territoire
en tant qu’élément constitutif de l’Etat sur lequel ce dernier exerce sa
souveraineté et monopole le pouvoir légitime, d’une part, et le territoire en tant
30 Article premier de la loi n° 87.00 portant la charte communale. 31 Nadine Dantonel-Cor, Droit des collectivités territoriales, 3° édition, BREAL 2007, p. 09. 32 Idem.
21
qu’élément d’identification et de limitation de la compétence de la collectivité
territoriale d’autre part.
La délimitation du ressort territorial des collectivités peut se baser sur des
considérations diverses qui peuvent être d’ordre historique, culturel, politique ou
économique. Pendant longtemps, le découpage territorial relevait du règlement
autonome. Cependant, depuis la Constitution de 29 juillet 2011, le Parlement est,
en vertu de l’article 71, compétent pour définir les principes de cette délimitation.
Ainsi la compétence réglementaire en cette matière est, dorénavant, liée par le
respect de ces principes sous peine d’illégalité. La première illustration de nos
propos est le décret n°2-15-40 du 20 février 2015 portant nouveau découpage
régional qui a été pris sur la base des principes définis par la loi n° 12-131 du 27
juillet 2013.
C. La population
La collectivité territoriale n’est pas un territoire vide, elle a une population qui
fait partie des éléments constitutifs de son identité juridique. Les actions des
collectivités territoriales visent la réalisation du développement et du bien-être de
leurs populations dans le cadre de l’intérêt général national.
En principe, toutes les collectivités territoriales ont une population. Cependant,
dans certains pays, des territoires sans population peuvent être érigés en
collectivités territoriales pour des raisons historiques ou autres. Ainsi, à titre
d’illustration, en France « certaines communes du département de la Meuse :
Beaumont-en-Verdunois, Bezonvaux, Haumont-près-Samogneux et Louvement-
Cote-du-Poivre…Bien qu’ayant perdu leur population, elles ont conservé leur
statut en raison des souvenirs, liés à la première guerre mondiale, qu’elles
évoquent »33.
La notion de population des collectivités territoriales a une existence juridique.
En effet, le nombre de la population est le plus souvent pris en compte pour
l’application des textes relatifs à l’organisation territoriale ou pour l’évaluation
des bases des impôts locaux. Ainsi, par exemple, le mode d’élection du conseil
33 Idem.
22
de la collectivité peut dépendre de nombre de la population, d’où l’importance
des recensements de populations des collectivités territoriales.
Dans le même sens, la Constitution marocaine a donné une importance
particulière à la population en matière d’organisation territoriale. En effet, cette
dernière, en vertu de l’article 136 doit assurer « la participation des populations
concernées à la gestion de leurs affaires et favorise leur contribution au
développement humain intégré et durable ».
III. Les catégories des collectivités territoriales
La Constitution marocaine de 2011, comme fut le cas de sa devancière, retient
trois niveaux de décentralisation territoriale. En effet, l’article 135 prévoit trois
catégories de collectivités territoriales, à savoir : les communes, les préfectures
et les provinces et enfin les régions.
A. Les communes
La commune fut la première collectivité territoriale qu’a connue le Maroc. En
effet, jusqu'à 1963 les communes étaient les seules collectivités locales
existantes. Les communes sont instituées, pour la première fois, par le Dahir du
1 septembre 1959 dont l’article premier stipulait que « Le territoire de notre
Royaume est divisé en communes urbaines comprenant les municipalités et les
centres autonomes, et en communes rurales »34.
Par ailleurs, le Dahir du 23 juin 1960 relatif à l'organisation communale fut le
premier texte qui a érigé les communes en collectivités territoriales dotées de « la
personnalité civile et de l'autonomie financière ». Cependant, l’année 1976
demeure une date qui marque un tournant historique en matière de
décentralisation communale avec l’adoption de la loi du 30 septembre 1976
relative à l'organisation communale faisant des communes des véritables
collectivités décentralisées et transférant aux élus locaux d’importantes
attributions antérieurement dévolues aux autorités locales. Ce texte a été modifié
et complété plusieurs fois. La dernière modification date du 18 février 200935.
34 Dahir n° 1-59-161 du 27 safar 1379 (1er septembre 1959) relatif à l'élection des conseils communaux,
Bulletin Officiel n° : 2445 du 04/09/1959 – p. 1477. 35 La loi n° 17.08 promulguée par le dahir n° 1.08.153 du 18 février 2009, BO n° 5714 du 5-3-2009.
23
Depuis le dernier découpage administratif de 2009, les communes sont au
nombre de 1 503 dont 221 communes urbaines et 1 282 communes rurales.
A côté de ce qu’on peut appeler les communes de droit commun, certaines
communes sont soumises à des régimes particuliers. Ces dernières sont de trois
catégories : d’abord, les communes soumises au régime d’arrondissements
prévues par le titre VIII de la Charte communale. Au sein de ces communes des
arrondissements, dépourvus de la personnalité juridique, mais jouissant d'une
autonomie administrative et financière et dotés de conseils d'arrondissement sont
créés. Ensuite, les communes des Méchouars sièges de Palais Royaux. Les
attributions reconnues aux présidents des conseils communaux sont exercées
dans cette catégorie de communes par un Pacha assisté d'un adjoint, à qui il peut
déléguer partie de ses attributions et qui le remplace en cas d'absence ou
d'empêchement. Enfin, la commune urbaine de Rabat qui dispose d’un régime
particulier. La principale particularité de ce régime est que les attributions
reconnues aux présidents des conseils communaux sont exercées par le wali,
gouverneur de la préfecture de Rabat.
Jusqu’à l’adoption de la Constitution du 29 juillet 2011, la commune a constitué
l’instance qui porte l’ensemble de l’édifice territorial, et ce sur les plans politique,
juridique et financier. En effet, c’est au niveau communal que le processus
électoral est entamé, par l’élection des conseils communaux au suffrage
universel direct, pour servir ensuite de plate-forme de base pour l’élection des
organes des deux autres catégories de collectivités territoriales. La commune a
constitué, depuis sa création, la cellule de base du développement politique,
social et économique36.
En revanche, le texte constitutionnel de 2011 reflète l’intention du pouvoir
constituant d’accorder à la région une prééminence par rapport aux commune et
aux préfectures et provinces.
36 Michel ROUSSET et Mohammed Amine BENABDALLAH, Actualité du droit administratif 2003-2009,
La Porte, 2010, p. 63.
24
B. Les préfectures et les provinces
La préfecture et la province sont des subdivisions territoriales intermédiaires
se situant entre la commune et la région. La première est à dominante urbaine
tandis que la seconde est à dominante rurale.
Avant la mise en place de la première Constitution marocaine, les préfectures
et les provinces étaient déjà les principales circonscriptions administratives. Elles
étaient dirigées par des gouverneurs et administrées d'une manière très
centralisée. Leur budget n'était qu'une simple section du budget général de l’Etat.
Par ailleurs, en tant que collectivités locales, les préfectures et les provinces
sont instituées, pour la première fois, par la Constitution du 7 décembre 1962. En
effet, dans son article 93, elle disposait que : « les collectivités locales du
Royaume sont les préfectures, les provinces et les communes. Elles sont créées
par la loi ».
Les préfectures et les provinces constituent un échelon important d’une
administration de proximité. Il ne s’agit pas de véritables collectivités territoriales
au sens sociologique du terme37, mais plutôt des institutions intermédiaires
représentant des entités qui sont à la fois décentralisatrices et déconcentrées.
Ces entités sont placées sous le contrôle direct de l’Etat. Ainsi, il est difficile de
parler d’une véritable décentralisation, même si des conseils élus incarnent
juridiquement cette vocation.
Ce constat peut être expliqué par le fait que la création des préfectures et
provinces n’est pas uniquement motivée par le souci de rapprocher
l’Administration des administrés ou d’assurer une certaine participation des
populations à la gestion de leurs affaires territoriales, mais aussi et surtout par le
souci d’avoir un contrôle direct et effectif sur les populations.38
Cependant, la réorganisation des préfectures et provinces mise en place par
la loi n° 79-00 du 3 octobre 2002 a radicalement modifié les principes régissant
les conseils préfectoraux et provinciaux. Ainsi, les nouvelles règles régissant la
37 Idem, p. 62. 38 Abdellah Boudahrain, Éléments de Droit Public Marocain, L’Harmattan, 1994, p. 171.
25
composition et le fonctionnement de ces conseils ont tendance à aligner, à
quelques différences, l’organisation des préfectures et provinces sur celles des
communes39.
Dans le même ordre d’idées, la Constitution du 29 juillet 2011 prévaut la
logique décentralisatrice et opte pour une séparation entre la préfecture et
province - administration déconcentrée dirigée par le gouverneur - d’une part, et
la préfecture et province - collectivité territoriale dont le président du conseil, et
non plus le gouverneur, est l’autorité qui est chargée de l’exécution des
délibérations et décisions du conseil préfectoral et provincial - d’autre part40.
C. Les régions
Les régions ont été créées au Maroc par le Dahir n° 1-71-77 du 16 juin 1971,
qui a été plusieurs fois modifié pour tenir compte de l’évolution de la division
administrative du pays41. Les régions créées par ce Dahir ne constituaient pas
des collectivités territoriales. Il s’agissait en fait, et comme le précisait l’article 2
de ce Dahir, « d’un cadre d'action économique dans lequel des études seront
entreprises et des programmes réalisés en vue d'un développement harmonieux
et équilibré des différentes parties du Royaume »42. Ainsi, les régions de 1971
constituaient un cadre géographique destiné à la spatialisation du plan43 et non
pas à l’instauration de la décentralisation régionale.
La région en tant que collectivité territoriale a été consacrée, pour la première
fois, par la Constitution de 1992. Quatre ans plus tard, la Constitution de 1996 a
confirmé le choix du renforcement de la décentralisation régionale. Cependant,
pour mettre en place cette nouvelle catégorie de collectivités territoriales, il a fallu
attendre l’adoption de la loi du 2 avril 1997 relative à l’organisation régionale. Ce
39 Tarik Zair, La gestion décentralisée du développement économique au Maroc, L’Harmattan, 2007, p53. 40 L’article 138 de la Constitution de 29 juillet 2011 dispose que « les présidents des conseils régionaux et
les présidents des autres collectivités territoriales exécutent les délibérations et décisions de ces conseils ». 41 Abdellah Boudahrain, Éléments de droit public marocain, L’Harmattan, 1994, p. 165. 42 L’article 2 du Dahir n° 1-71-77 du 22 rebia II 1391 (16 juin 1971) portant création des régions, Bulletin
Officiel n° : 3060 du 23/06/1971 – p. 685 43 Michel ROUSSET et Mohammed Amine BENABDALLAH, Actualité du droit administratif 2003-2009,
La Porte, 2010, p. 50.
26
Dahir a institué, conformément à l’article 100 de la Constitution de 199644, « des
régions-collectivités locales dotées de la personnalité morale et de l’autonomie
financière »45.
En revanche, la personnalité morale et l’autonomie financière de la région,
sous la Constitution de 1996, avaient un aspect beaucoup plus théorique que
réel étant donné que l’exécutif revenait au représentant de l’Etat, c’est-à-dire au
gouverneur de la préfecture chef-lieu de la région.46. Ce constat constituait une
grande entrave devant le projet de la décentralisation régionale préconisé par les
responsables politiques. Pour la surmonter, des réformes radicales, aussi bien
institutionnelles que constitutionnelles étaient nécessaires.
Dans ce même contexte, le projet de la régionalisation avancée initiée par le
Chef de l’Etat, notamment dans son discours du 3 janvier 2010 à l’occasion de
l’installation de la Commission consultative de la régionalisation, requiert des
propositions constructives visant l’établissement, entre autres, d’une
«régionalisation d’essence démocratique ».
Ainsi, les propositions de ladite Commission, dont certaines sont retenues
dans la Constitution de 2011, ont comme objectif d’élargir le cadre représentatif
de la région et son autonomie financière et décisionnelle47. Dans ce cadre, la
Constitution de 2011 a consacré l’élection des Conseils régionaux au suffrage
universel direct et elle a doté leurs présidents de la fonction exécutive. En outre,
le texte constitutionnelle a donné une existence juridique au concept de « la
régionalisation avancée », en stipulant dans son premier article
que : « l’organisation territoriale du royaume est décentralisée. Elle est fondée
sur une régionalisation avancée ».
44 L’article 100 de la Constitution de 1996 dispose que « les collectivités locales du Royaume sont les
régions, les préfectures, les provinces et les communes ». 45 L’article premier du Dahir du 3 avril 1997 dispose : « les régions, instituées par l’article 100 de la
Constitution, sont des collectivités locales dotées de la personnalité morale et de l’autonomie
financière… ». Dahir n° 1-97-84 du 2 avril 1997 portant promulgation de la loi n° 47-96 relative à
l’organisation de la région, BO n° 4470 du 3 avril 1997, p. 292. 46 Réformes et mutations des collectivités territoriales, ouvrage collectif sous la direction de : Joseph
Carles,Didier Guignard,Serge Regourd, L’Harmattan, 2012, p 533 47 CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Aspects institutionnels, pp. 7et 8.
27
IV. Les relations entre les collectivités territoriales
Les collectivités territoriales sont appelées à entretenir entre elles des relations
de coopération afin de réaliser des objectifs communs (B). Ces relations sont
fondées sur les principes de l’égalité entre ces collectivités et de l’interdiction de
tutelle de l’une sur une autre (A).
A. L’interdiction de la tutelle d’une collectivité sur une autre
L’interdiction de la tutelle d’une collectivité sur une autre a pour objectif de
protéger la libre administration des collectivités territoriales. En effet, ces
dernières se trouvent placées sur un pied d’égalité, qu’elles soient de même
niveau territorial, ou situées à des niveaux différents. Ainsi, seul l’État est habilité
à exercer un contrôle sur ces entités.
En France, l’interdiction de la tutelle entre les collectivités territoriales a été
consacrée, d’abord par la loi depuis 1983 (loi du 7 janvier 1983)48, et ensuite par
la Constitution depuis 2003. En effet, l’alinéa 5 de l’article 72 de la Constitution,
introduit lors de la révision de 2003, dispose qu’"aucune collectivité territoriale ne
peut exercer une tutelle sur une autre ».
Au Maroc, avant la Constitution de 2011, aucune interdiction de la tutelle d’une
collectivité sur une autre n’a été expressément consacrée, ni par la loi ni par la
Constitution. Néanmoins, les deux lois relatives respectivement à l’organisation
préfectorale, provinciale et régionale contiennent des dispositions qui interdisent
l’empiétement d’une collectivité territoriale sur les compétences d’une autre49. Il
48 « Les transferts de compétences prévus par la présente loi au profit des communes, des départements et
des régions ne peuvent autoriser l'une de ces collectivités à établir ou exercer une tutelle, sous quelque
forme que ce soit, sur une autre d'entre elles ». Article 2 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la
répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat (France). 49 « Le conseil régional règle par ses délibérations les affaires de la région, et, à cet effet, décide des
mesures à prendre pour lui assurer son plein développement économique, social et culturel, et ce, dans le
respect des attributions dévolues aux autres collectivités locales ». Alinéa 1 de l’article 6 du Dahir n° 1-
97-84 du 23 kaada 1417 (2 avril 1997) portant promulgation de la loi n° 47-96 relative à l'organisation de
la région.
« Le conseil préfectoral ou provincial règle par ses délibérations les affaires de la collectivité préfectorale
ou provinciale. A cet effet, il décide des mesures à prendre pour assurer son développement économique,
social et culturel, dans le respect des attributions dévolues aux autres collectivités locales ». Alinéa 1 de
l’article 35 du Dahir n° 1-02-269 du 25 rajab 1423 (3 octobre 2002) portant promulgation de la loi n° 79-
00 relative à l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales.
28
est vrai que l’interdiction de l’empiétement n’est pas synonyme de l’interdiction
de la tutelle, mais l’application des dispositions en question est susceptible de
prévenir toute forme de tutelle d’une collectivité sur une autre.
L’absence d’une disposition similaire dans la charte communale peut être
expliquée par deux raisons : d’une part, la commune constitue l’échelon le plus
inférieur de la décentralisation, et par conséquent il n’y a aucune collectivité
territoriale pouvant constituer un objet potentiel de la tutelle communale ; et
d’autre part, le législateur a probablement l’intention de doter les commune d’une
compétence plus générale que celle des autres collectivités territoriales.
Par ailleurs, la Constitution du 29 juillet 2011 interdit formellement et d’une
manière explicite toute tutelle pouvant être exercée par une collectivité territoriale
sur une autre. En effet, le premier alinéa de l’article 143 dispose : qu’ « aucune
collectivité territoriale ne peut exercer de tutelle sur une autre ». En revanche,
cette interdiction ne devrait pas être considérée comme incompatible avec la
prééminence dont jouit la région par rapport aux autres collectivités en matière
d’élaboration et de suivi des programmes de développement régionaux et des
schémas régionaux d’aménagement des territoires, tant que les compétences
propres des autres collectivités sont respectées (alinéa 2. Article 143).
Les formules par lesquelles, en France et au Maroc, l’interdiction de la tutelle
est consacrée constitutionnellement, ne concernent que les rapports des
collectivités territoriales entre elles. Et les deux Constitutions sont silencieuses
quant à l’interdiction ou non d’une tutelle qui pourrait être exercée sur les
collectivités par leurs propres établissements publics, notamment par le biais de
groupements de collectivités.
La jurisprudence constitutionnelle française a, d’une manière indirecte, interdit
aux établissements publics d’exercer la tutelle sur les collectivités territoriales.
Ainsi, dans la décision n° 2000-436 DC du 7 décembre 200050, le conseil
constitutionnel français, saisi de la loi relative à la solidarité et au renouvellement
urbains, a considéré que les schémas de cohérence territoriale, élaborés par un
50 Conseil constitutionnel français, décision n° 2000-436 DC du 7 décembre 2000, Journal officiel du 14
décembre 2000, p. 19840.
29
établissement public de coopération intercommunale ou par un syndicat mixte,
n’ont vocation qu’à déterminer les orientations générales de développement à
l’échelle de l’agglomération concernée. Par conséquent, ils ne portent pas
atteinte à la libre administration des communes. Des prescriptions plus
normatives auraient pu être constitutives d’une tutelle et déclarées
inconstitutionnelles51.
En parallèle, le droit marocain contient des dispositions autorisant à certains
établissements publics d’adresser aux communes des prescriptions normatives.
C’est le cas, à titre d’exemple, de l’obligation pour la commune de respecter l’avis
conforme émis par l’Agence urbaine en matière des autorisations de
lotissements, groupes d’habitations, morcellements et constructions52.
Néanmoins, l’occasion ne s’est pas encore présentée au juge constitutionnel
marocain pour se prononcer sur la constitutionnalité ou non de ce genre de
dispositions.
B. La coopération entre les collectivités territoriales
Le législateur, à travers les textes relatifs à l’organisation des différentes
collectivités territoriales, a autorisé ces dernières à entretenir entre elles des
relations de coopération, et ceci à travers deux techniques majeures : les
conventions et les groupements.
Ainsi, en vertu de l’alinéa premier de l’article 61 de la loi n° 47-96 relative à
l'organisation de la région, « les régions peuvent être autorisées à établir entre
elles des relations de coopération pour la réalisation d'une œuvre commune, d'un
service d'intérêt inter-régional ou pour la gestion des fonds propres à chacune
d'elles et destinés au financement de travaux communs et au paiement de
certaines dépenses communes de fonctionnement. La coopération inter-
régionale est gérée par un comité inter-régional de coopération ».
51Les relations entre collectivités territoriales, ouvrage collectif sous la direction de Sylvie Caudal, 2005,
l’Harmattan, pp. 67-68. 52 Voir l’article 3 alinéa 4 de la loi n° 1-93-51 su 10 septembre 1993 instituant les agences urbaines, BO n°
4220 du 15-09-1993, pp 481-482. Voir aussi l’article 3 alinéa 4 de la loi n° 1-84-188 du 9 octobre 1984
relatif à l’Agence urbaine de Casablanca (BO n° 3762 du 5-12-1984, pp 424-425) tel qu’il a été modifiée
et complétée par la loi n° 1-93-323 du 6 octobre 1993, BO n° 4223 du 6-10-1993, pp. 535-536.
30
Les régions peuvent aussi conclure des conventions avec l'Etat ou toute autre
personne morale de droit public en vue d’entreprendre toute action nécessaire
au développement régional53.
Par ailleurs, les préfectures, les provinces et les communes peuvent conclure
entre elles ou avec d'autres collectivités territoriales -les communes peuvent
conclure aussi avec les administrations publiques, les établissements publics ou
les organismes non gouvernementaux d’utilité publique- des conventions de
coopération ou de partenariat pour la réalisation d'un projet d'intérêt commun, ne
justifiant pas la création d'une personne morale de droit public ou privé54.
Dans le même contexte, les préfectures, les provinces et les communes
peuvent constituer, entre elles ou avec d'autres collectivités territoriales, des
groupements en vue de la réalisation d'une œuvre commune ou pour la gestion
d'un service d'intérêt général. Les groupements en question ont la forme
d’établissements publics dotés de la personne morale et de l’autonomie
financière.
Sur le plan constitutionnel, la Constitution du 29 juillet 2011 a consacré tout un
ensemble de dispositions à la question de la coopération entre les collectivités
territoriales. D’ores et déjà, cette coopération bénéficie d’une protection
constitutionnelle, et les collectivités sont en principe libres d’en définir les
modalités.
Ainsi, conformément aux dispositions de l’article 136 de la Constitution, la
coopération est l’un des principes sur lesquels l’organisation territoriale du
Royaume est reposée. De même, l’alinéa 3 de l’article 143 dispose que : «
lorsque le concours de plusieurs collectivités territoriales est nécessaire à la
réalisation d’un projet, les collectivités concernées conviennent des modalités de
leurs coopération ».Toujours dans le même sens, l’article 144 précise que « les
53« En outre, les régions peuvent entreprendre toute action nécessaire au développement régional, en
collaboration avec l'Etat ou tout autre personne morale de droit public, dans des conditions fixées par des
conventions ». Alinéa 3 article 8 de la loi n° 47-96 relative à l'organisation de la région. 54 Voir les articles : 78 de la loi n° 78.00 relative à la charte communale telle que modifiée et complétée par
la loi n° 17.08 du 18 février 2009, et 66 de la loi n° 79-00 relative à l'organisation des collectivités
préfectorales et provinciales.
31
collectivités territoriales peuvent constituer des groupements en vue de la
mutualisation des programmes et des moyens ».
Les modalités de coopération entre les collectivités territoriales prévues par
les textes législatifs en vigueur sont soumises à l’approbation ou à l’autorisation
du ministre de l’intérieur ou de son délégué. Cependant, la constitutionnalisation
de cette coopération et du principe de la libre administration rend cette forme de
tutelle incompatible avec la Constitution, par conséquent, elle doit disparaitre
dans les prochaines lois relatives aux collectivités territoriales sous peine
d’inconstitutionnalité.
Une éventuelle suppression de la tutelle en la matière ne sera pas synonyme
d’une liberté absolue des collectivités quant à la détermination des modalités de
coopération. En effet, les actes relatifs à cette coopération doivent être conformes
aux dispositions légales sous peine d’annulation par le juge administratif. Ainsi,
à titre d’exemple, la jurisprudence administrative française admet qu’une
convention de coopération entre les collectivités territoriales serait entachée
d’illégalité si elle porterait atteinte aux règles relatives à la publicité de la
commande publique (CE, 3 février 2012, Commune de Veyrier-du-Lac,
n° 353737).
32
CHAPITRE II
LA LIBRE ADMINISTRATION DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
Le principe de libre administration des collectivités territoriales est affirmé par
l’article 136 de la Constitution du 29 juillet 2011. Selon cet article :
« L’organisation territoriale du Royaume repose sur les principes de libre
administration, de coopération et de solidarité… ». C’est ainsi que ce principe,
qui n’avait pas d’existence juridique en droit marocain, a été érigé au rang de
principe constitutionnel. Par conséquent, il s’impose au législateur et à toutes les
autorités administratives.
La constitutionnalisation de ce principe traduit la volonté du constituant de faire
des collectivités territoriales des véritables institutions décentralisées, libres et
autonomes par rapport aux autres administrations de l’Etat. Il s’agit donc d’une
garantie constitutionnelle de la liberté de ces collectivités à l’encontre des
ingérences dans leurs propres affaires par les représentants de l’Etat55.
Cependant, le texte constitutionnel ne donne aucune définition précise du
principe en question ; il ne fixe pas non plus les conditions relatives à l’exercice
de la libre administration par les collectivités territoriales. Dans cette situation, il
appartient à la loi, à la jurisprudence mais aussi à la doctrine de développer les
différents aspects devant définir et encadrer ce principe.
Par ailleurs, en droit français, le principe de libre administration des
collectivités territoriales a été consacré par la Constitution de 1946 (article 87). Il
a été réaffirmé par le texte constitutionnel de 1958 à deux reprises : les articles
34 et 72. Selon les dispositions de ce dernier article, les collectivités territoriales
« s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir
réglementaire pour l’exercice de leurs compétences ». Le même article stipule
55 Tarik ZAIR, le nouveau statut constitutionnel des collectivités territoriales, in REMALD, numéro double
99-100, juillet-octobre 2011, pp. 25-26.
33
que les conditions de l’exercice de cette libre administration sont fixées par voie
législative56.
Sur le plan législatif, l’article 1111-2 du Code général des collectivités locales
dispose que : « Les communes, les départements et les régions règlent par leurs
délibérations les affaires de leur compétence».
Enfin, sur le plan jurisprudentiel, la valeur constitutionnelle du principe de libre
administration est consacrée, pour la première fois, par la décision du Conseil
constitutionnel n° 73-104 du 23 mai 1979 relative au Territoire de Nouvelle
Calédonie. Selon A. ROUX, le juge constitutionnel a fait, à l’occasion de cette
décision, « œuvre créatrice, car à la lecture de l’article 72 al. 2 de la Constitution,
il était permis de voir dans la libre administration un principe de simple valeur
législative »57.
Comme tous les principes à valeur constitutionnelle, la portée (I), les
implications (II) et les limites de la libre administration (III), dépendent largement
de l’action jurisprudentielle, des textes de mise en application adoptés par le
législateur et des travaux de la doctrine.
I. La portée du principe de libre administration
Le principe de libre administration des collectivités territoriales constitue
incontestablement un principe fondamental d’organisation administrative de ces
entités (A). Néanmoins, la jurisprudence et une partie de la doctrine le
consacrent également comme une liberté fondamentale (B).
A. La libre administration comme principe d'organisation administrative
La consécration constitutionnelle de la libre administration des collectivités
territoriales vaut reconnaissance de l’existence des intérêts locaux qui doivent
56 « Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus
et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences ». Alinéa 3 Article 72 de la
Constitution française de 1958. 57 André ROUX, Droit constitutionnel local, ECONOMICA, 1995, p.09.
34
être organisés et gérés par des entités décentralisées bénéficiant d’un « budget
particulier et d’un statut garantissant l’exercice de leurs libertés »58.
En France, ce principe n’a été utilisé durant les vingt premières années de la
V° République que comme règle de répartition des pouvoirs entre le Parlement
et le Gouvernement. Mais à partir des années quatre-vingt, la jurisprudence
constitutionnelle a fait de la libre administration un principe de fond qui s’impose
à la loi59et qui détermine l’organisation administrative des collectivités
territoriales.
Le juge constitutionnel a défini, dans plusieurs de ses décisions, le sens qu’il
convient de donner à ce principe, notamment dans sa décision du 8 août 1985
où il a précisé que celui-ci signifie que les collectivités territoriales doivent
disposer des conseils élus dotés d’attributions effectives (Conseil constitutionnel,
décision du 8 août 1985, Loi sur l’évolution de la Nouvelle-Calédonie)60.
Il découle de cette jurisprudence que deux principaux éléments sont
considérés comme constitutifs de la libre administration des collectivités
territoriales. D’une part, l’élection des assemblées ; et d’autre part, les
compétences effectives de ces assemblées. Par conséquent, les lois et les
règlements ne doivent pas porter atteinte à ces deux éléments sous peine
d’inconstitutionnalité.
Par référence à cette jurisprudence, on pourrait penser que la clause de
compétence générale en serait l’une des composantes. En revanche, le juge
constitutionnel ne s’est pas opposé à la spécialisation de l’action de chaque
collectivité territoriale en dérogeant même à la clause de compétence générale
à l’occasion de la modification du Code général des collectivités territoriales. Ceci
dit que « cette clause n’a, par elle-même, pas acquis de valeur constitutionnelle
58Marie-Christine Rouault, L’intérêt communal, Presses Universitaires de Lille 1991, p. 148 59 Francis-Paul BENOIT, Encyclopédie des collectivités locales, Dalloz 2004, p. 63-16. 60 « …Considérant…qu'il résulte, d'autre part, de l'article 72 que, pour s'administrer librement, le territoire
doit, dans les conditions qu'il appartient à la loi de prévoir, disposer d'un conseil élu doté d'attributions
effectives… » . Conseil Constitutionnel Français, Décision n° 85-196 DC du 08 août 1985, Loi sur
l’évolution de la Nouvelle-Calédonie, Journal officiel du 8 août 1985, p. 9125.
35
et qu’elle ne saurait être confondue avec le principe constitutionnel de libre
administration »61.
En outre, il ne ressort pas de cette jurisprudence que le principe étudié
implique la nécessité de doter les présidents des assemblées des collectivités
territoriales du pouvoir exécutif et de l’ordonnancement des dépenses et des
recettes. En effet, le législateur est compétent pour confier ces tâches soit aux
présidents des assemblées élus, soit aux représentants de l’Etat nommés par le
pouvoir central.
Par ailleurs, le droit marocain qui actuellement ne donne aucune définition
précise du principe de libre administration, comporte des dispositions, d’ordre
constitutionnel et légal, susceptibles d’en définir les contours et les implications.
Ainsi, les lois relatives aux différentes collectivités locales ont consacré la
pratique de l’élection des conseils de ces collectivités et doté les organes de ces
dernières des compétences effectives.
En outre, la Constitution du 29 juillet 2011 a renforcé la démocratie locale et
les compétences des collectivités territoriales. Nous allons nous contenter, dans
ce chapitre, de l’étude des implications du principe de libre administration qui sont
liées à l’organisation et à l’administration des collectivités territoriales. Les
éléments relatifs aux compétences seront traités dans un chapitre à part (chapitre
III).
B. La libre administration comme liberté fondamentale
La libre administration des collectivités territoriales constitue-t-elle une liberté
fondamentale ? La réponse à cette question est d’une importance particulière ;
d’abord en France depuis l’adoption de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative
au référé devant les juridictions administratives, mais surtout depuis l’introduction
de l’exception d’inconstitutionnalité par l’article 61-1 de la Constitution, issu de la
révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 ; ensuite au Maroc depuis la
61 Rapport du Comité pour la réforme des collectivités locales présidé par Edouard Balladur, remis le 5
mars 2009 au président de la République Française, p. 37.
36
consécration de l’exception d’inconstitutionnalité par l’article 133 de la
Constitution de 2011.
Cette réponse déterminerait si la collectivité territoriale pourrait ou non saisir le
juge des référés en cas d’une atteinte grave et manifestement illégale à sa libre
administration62. Elle déterminerait également si la collectivité pourrait ou non
soutenir, au cours d’un procès, qu’une disposition législative – la loi dont dépend
le litige, pour le cas du Maroc- porte atteinte à sa libre administration en tant que
liberté garantie par la Constitution, et ce dans le cadre de l’exception
d’inconstitutionnalité63.
Si les débats autour de cette question ne sont pas encore entamés au Maroc,
il n’en demeure pas moins que les éléments de réponse sont déjà disponibles en
France, dans les textes, dans la jurisprudence et dans la doctrine.
Au niveau des textes, même si la libre administration n’est considérée comme
liberté fondamentale par aucune disposition constitutionnelle ou autre, il n’en
reste pas moins, que « les libertés » sont reconnues aux collectivités territoriales
par certains textes juridiques. Déjà l’article 89 de la Constitution de 1946 a
consacré l’expression « des libertés départementales et municipales »64. Dans le
même sens, la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 a donné une existence juridique
à la notion de « libertés locales »65.
Au niveau de la jurisprudence, il est vrai que le Conseil constitutionnel français
n’a pas tranché expressément cette question à l’occasion de sa décision n° 79-
62 « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures
nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou
un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de
ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai
de quarante-huit heures. » Art. L. 521-2. - du code de justice administrative introduit par la loi n° 2000-
597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives. 63 Voir l’article 133 de la Constitution marocaine du 29juillet 2011 et l’article 61-1 de la Constitution
française de 1958 introduit par la révision du 23 juillet 2008. 64 « Des lois organiques étendront les libertés départementales et municipales ; elles pourront prévoir,
pour certaines grandes villes, des règles de fonctionnement et des structures différentes de celles des petites
communes et comporter des dispositions spéciales pour certains départements ; elles déterminent les
conditions d'application des articles 85 à 88 ci-dessus… ». L’article 89 de la Constitution française de
1946. 65 Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, Journal Officiel n°190
du 17 août 2004, p14545.
37
104 DC du 23 mai 1979 dans laquelle il a reconnu valeur constitutionnelle au
principe de libre administration66. Néanmoins, le Conseil d’Etat, dans sa décision
n° 229247 du 18 janvier 2001, a répondu positivement à la question et a
considéré la libre administration comme une liberté fondamentale67.
Sur le plan doctrinal, un article a été publié par Louis FAVOREU et André
ROUX en 2002 intitulé « La libre administration des collectivités territoriales est-
elle une liberté fondamentale? »68. Les auteurs ont essayé de mettre en évidence
l’idée selon laquelle la libre administration constitue une liberté fondamentale des
collectivités territoriales. Ainsi, ils se sont posé deux questions, à savoir : Les
personnes morales, plus précisément les personnes morales de droit public,
sont-elles susceptibles d'être titulaires de droits et libertés fondamentaux ? La
libre administration des collectivités territoriales est-elle, en elle-même, une
liberté fondamentale ?
Pour réponde à ces deux questions, L. FAVOREU et A. ROUX soutiennent
d’abord que les libertés ne peuvent être applicables aux personnes morales
qu’ « en raison de leur nature ». Ainsi, si une personne morale ne peut demander
« l'asile politique ni prétendre bénéficier de la liberté d'aller et venir », il n’en
demeure pas moins qu’il est tout à fait concevable que celle-ci demande que lui
soit reconnue « la liberté d'expression, ou le droit de propriété, ou la liberté
d'association, ou encore la liberté d'entreprendre ainsi que la liberté
contractuelle ». Ensuite, ces auteurs concluent que « la libre administration se
présente comme une liberté constitutionnellement reconnue et garantie dont le
respect s'impose au législateur ».
Ainsi, ce débat tend vers sa clôture en France. La question est pratiquement
tranchée en faveur de la collectivité territoriale. Cette dernière se voit reconnue
le droit de saisir le juge des référés et de soulever la question de l’exception
66 Louis FAVOREU, André ROUX, La libre administration des collectivités territoriales est-elle une liberté
fondamentale? Cahiers du Conseil constitutionnel n° 12 (Dossier : Le droit constitutionnel des collectivités
territoriales) – mai 2002. 67 Conseil d’Etat, 18 janvier 2001, n° 229247, Commune de Venelles et Morbelli). 68 Louis FAVOREU, André ROUX, La libre administration des collectivités territoriales est-elle une liberté
fondamentale? Cahiers du Conseil constitutionnel n° 12 (Dossier : Le droit constitutionnel des collectivités
territoriales) – mai 2002.
38
d’inconstitutionnalité à chaque fois qu’elle estime que sa libre administration est
mise en cause.
Par ailleurs, en droit marocain, les éléments de réponse ne sont pas encore
réunis. La doctrine ne s’est pas encore engagée dans ce débat. L’occasion ne
s’est pas encore présentée, ni au juge administratif, ni au juge constitutionnel,
pour se prononcer sur la question. Enfin, un ensemble de textes d’application de
la Constitution susceptibles de porter plus d’éclaircissements à la question, ne
sont pas encore adoptés. C’est le cas particulièrement de la loi organique relative
à l’exception d’inconstitutionnalité, prévue par l’article 133 de la Constitution.
II. Les implications du principe de libre administration
Le principe de libre administration des collectivités territoriales est une
condition sine qua non d’une décentralisation effective. Il implique, entre autres,
une véritable autonomie administrative de ces collectivités et de leurs organes
qui ne doivent relever d’aucun pouvoir hiérarchique ou disciplinaire du pouvoir
central. L’élection de ces organes constitue une garantie de leur indépendance
et une source de légitimité de la personne morale et de l’autonomie financière
dont disposent les collectivités territoriales. Au Maroc, les conseils délibérants
des collectivités territoriales et l’exécutif communal sont depuis toujours élus (A),
et depuis la Constitution de 2011, l’élection des organes exécutifs a été
généralisée aux autres collectivités territoriales (B).
A. L’élection des conseils délibérants
Pour que la libre administration de la collectivité territoriale soit assurée, d’un
point de vue organique, l’existence du conseil délibérant élu doté d’attributions
effectives représente le minimum requis69. Ainsi, une éventuelle administration
de la collectivité par un organe délibérant composé, en totalité ou en partie, de
membres nommés, serait une atteinte au principe de libre administration.
En effet, le principe de l’élection des membres des conseils des collectivités
territoriales a été consacré depuis le premier texte relatif à l’organisation
69 André ROUX, Droit constitutionnel local, ECONOMICA 1995, p.18.
39
communale établi en 1959. L’article 3 de ce dernier stipule que « Les membres
des conseils communaux sont élus au scrutin uninominal à la majorité relative à
un tour, au suffrage universel et direct, pour une durée de trois ans…»70.
De même, la constitutionnalisation de ce principe remonte à la première
Constitution du Royaume adoptée en 1962. Selon l’article 94 de cette dernière,
les collectivités locales gèrent démocratiquement leurs affaires par des conseils
élus71. Cette disposition a toujours été maintenue à l’occasion des différentes
révisions constitutionnelles.
Ainsi, la volonté de démocratisation qui a inspiré, dès le lendemain de
l’indépendance, plusieurs textes juridiques, notamment celui de 1958 relatif aux
libertés publiques, celui de 1959 relatif aux élections communales et celui de
1960 relatif au régime communal, est formellement affirmée par le premier texte
constitutionnel du Royaume et réaffirmée par toutes les révisions
constitutionnelles72.
Si l’élection au suffrage universel direct des conseils communaux est établie
depuis 1959, il n’en reste pas moins que, pour les conseils des autres collectivités
territoriales, le procédé retenu, jusqu’à l’adoption de la Constitution du 29 juillet
2011, est celui de suffrage universel indirect.
La consécration du suffrage universel indirect ne contredit pas le principe
constitutionnel de la gestion démocratique des affaires des collectivités
territoriales. Ce principe se trouve réaffirmé dans le troisième alinéa de l’article
premier de la loi n° 47-96 relative à l'organisation de la région qui prévoit
que : « Les affaires de la région sont librement gérées par un conseil
démocratiquement élu pour une durée de six ans, conformément à la législation
en vigueur ». Dans le même ordre d’idées, l’article 3 de la loi n° 79-00 relative à
l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales dispose que « Les
70 Dahir n° 1-59-161 du 27 safar 1379 (1er septembre 1959) relatif à l'élection des conseils communaux.
Bulletin Officiel n° : 2445 du 04/09/1959, p. 1477. 71 « Elles élisent des assemblées chargées de gérer démocratiquement leurs affaires dans les conditions
déterminées par la loi… ». Article 94 de la Constitution marocaine de 1962. Cette disposition est retenue
par l’article 101 de la Constitution de 1996. 72 Mohamed BRAHIMI, La commune marocaine : un siècle d’histoire, de la veille du protectorat à 2009,
Tome I, in REMALD, série « thèmes actuels », n° 65, 2010, p. 359.
40
affaires de la collectivité préfectorale ou provinciale sont gérées par un conseil
élu, dont la durée du mandat et les conditions d'élection sont prévues par les
dispositions de la loi formant code électoral.. ».
Les différents textes constitutionnels qu’a connus le Maroc, excepté le dernier,
imposent en effet l’élection des conseils, sans pour autant définir les modalités
de cette élection ; ce qui a laissé au législateur le pouvoir de déterminer librement
les conditions et les formalités de cette opération.
Le suffrage universel direct adopté par la loi pour l’élection des conseils
communaux a pu faire des communes les collectivités les plus proches des
citoyens et les plus représentatives de leurs intérêts et de leurs projets. En
parallèle, l’adoption du suffrage universel indirect pour l’élection des membres
des conseils des préfectures, des provinces et des régions était animée
principalement par le souci du législateur d’assurer la représentation des
chambres professionnelles et des élus des autres collectivités territoriales qui
relèvent de la collectivité concernée. La loi relative à la région assure également
la représentation des salariés et des parlementaires de la région73.
Toutefois, la Constitution du 29 juillet 2011 a introduit une innovation
essentielle en matière d’élection des conseils des collectivités territoriales. Cette
innovation consiste à décider que les conseils des régions et des communes
seraient élus au suffrage universel direct74. Pour les conseils communaux, il s’agit
d’une affirmation constitutionnelle d’une pratique qui est déjà consacrée par la
loi. En revanche, pour les conseils régionaux, leur élection au suffrage universel
direct se trouve consacrée pour la première fois. D’ores et déjà, il n’est plus
possible au législateur d’établir un mode du scrutin autre que le suffrage universel
direct pour l’élection des conseils des communes et des régions. Ainsi, la
modification de ce mode nécessite la révision du texte constitutionnel.
73 « Conformément à la législation en vigueur, le conseil régional est composé de représentants élus des
collectivités locales, des chambres professionnelles et des salariés. Il comprend également les membres du
Parlement élus dans le cadre de la région ainsi que les présidents des assemblées préfectorales et
provinciales sises dans la région qui assistent à ses réunions avec voix consultative ». Article 3 du Dahir
n° 1-97-84 du 23 kaada 1417 (2 avril 1997) portant promulgation de la loi n° 47-96 relative à l'organisation
de la région. 74 « Les Conseils des régions et des communes sont élus au suffrage universel direct ». Alinéa 3 de l’article
135 de la Constitution du 29 juillet 2011.
41
Cependant, le législateur demeure compétent pour fixer le mode d’élection des
conseils préfectoraux et provinciaux.
B. L’élection des organes exécutifs
On entend par organe exécutif la personne ou l’ensemble de personnes
compétentes pour appliquer les décisions qui émanent de la collectivité, d’une
autorité supérieure, du Parlement ou du juge75. C’est à l’organe exécutif de la
collectivité territoriale qu’il revient d’appliquer la loi et le règlement et d’exécuter
les délibérations du conseil.
L’étude de l’évolution du régime juridique de l’exécutif des collectivités
territoriales nécessite la distinction entre deux expériences différentes : d’une part
l’expérience communale, et, d’autre part, l’expérience préfectorale, provinciale et
régionale.
S’agissant de l’expérience communale, l’exécutif est confié au président du
conseil depuis 1960. Cependant, le Dahir du 23 juin 1960 relatif à l'organisation
communale a instauré, aux côtés de l’exécutif élu, un exécutif nommé par le
pouvoir central en la personne du Pacha ou du Caïd. Ces derniers, mieux formés,
outillés et mieux perçus par la population locale, ont « éclipsé le président du
conseil communal », ce qui est considéré comme préjudiciable pour la
décentralisation76.
Dans l’objectif de corriger cette situation, le législateur de 1976 a renforcé le
rôle du président du conseil communal. Ainsi, la charte communale de 1976 a
confié au président élu une grande partie des pouvoirs qui étaient jusqu’ici
exercés par l’autorité locale. En outre, l’article 37 de la même charte fait du
président le seul organe exécutif de la commune en disposant que : « Le
président exécute les délibérations du conseil, prend les mesures nécessaires à
cet effet et en assure le contrôle ».
Les différentes modifications qu’a connues la charte de 1976 n’ont cessé de
renforcer le statut du président du conseil communal en tant que véritable organe
75 Antoine Delblond, droit administratif, Larcier 2009, p. 60 76BASRI Driss, La décentralisation au Maroc de la commune à la région, NATHAN 1994, p. 39.
42
exécutif de cette collectivité territoriale et ordonnateur de ses dépenses et
recettes.
Dans le même ordre d’idées, jusqu’à l’année 2002, le président du conseil
communal exerçait des attributions de police administrative communale sous le
contrôle de l’administration supérieure77. Ces dispositions faisaient de cet organe
élu un subordonné de l’administration de tutelle ce qui était une atteinte à
l’autonomie administrative de la commune. En revanche, depuis l’adoption de la
loi n° 78.00 du 3 octobre 2002, ces attributions sont exercées par le président de
plein droit78.
S’agissant de l’expérience des autres collectivités territoriales, jusqu’au 29
juillet 2011, date d’entrée en vigueur de l’actuel texte constitutionnel, l’exécution
des délibérations et l’ordonnancement des dépenses et des recettes des conseils
préfectoraux, provinciaux et régionaux relevaient des attributions des agents
d’autorités, à savoir : les walis (gouverneurs des chefs-lieux des régions) pour
les régions79 et les walis ou les gouverneurs pour les préfectures et les
provinces80.
Le texte constitutionnel de 2011 marque une rupture significative avec ce
régime juridique de l’autorité exécutive des collectivités territoriales. Dorénavant,
ce sont les présidents de ces collectivités qui sont compétents pour exécuter les
délibérations et les décisions de leurs conseils81. Le fait de confier aux présidents
élus cette compétence exercée auparavant par les agents d’autorité nommés par
le pouvoir central, reflète la volonté du constituant de consacrer le principe de la
gestion démocratique des collectivités territoriales et de donner un sens
beaucoup plus large – par rapport au sens donné par la jurisprudence
77 Article 44 du Dahir portant loi n° 1-76-583 (30 Septembre 1976) (5 chaoual 1396) relatif à l'organisation
communale (B.O. 1er octobre 1976). 78 Article 49 de la loi n° 78.00 modifiée par la loi n° 17.08 du 18 février 2009, BO n° 5714 du 5 mars 2009. 79 « Le gouverneur du chef-lieu de la région assure l'exécution des délibérations du conseil régional dans
les conditions fixées par la présente loi ». Alinéa 5 de l’article premier du Dahir n° 1-97-84 du 23 kaada
1417 (2 avril 1997) portant promulgation de la loi n° 47-96 relative à l'organisation de la région. 80 «Le wali ou le gouverneur de la préfecture ou la province exécute les délibérations du conseil. Il prend
les mesures nécessaires à cet effet après avis du président du conseil préfectoral ou provincial ». alinéa
premier de l’article 45 Dahir n° 1-02-269 du 25 rejeb 1423 (3 octobre 2002) portant promulgation de la loi
n° 79-00 relative à l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales. 81 « Les présidents des conseils régionaux et les présidents des autres collectivités territoriales exécutent
les délibérations et les décisions de ces conseils ». Article 138 de la Constitution du 29 juillet 2011.
43
constitutionnelle française82- au principe de libre administration de ces
collectivités.
Ainsi, la Constitution consacre l’une des recommandations les plus
importantes énoncées dans le rapport de la Commission consultative de la
régionalisation. Pour cette dernière, l’objectif de ce procédé est de permettre aux
collectivités territoriales de contrôler leurs propres organes d’exécution afin de
pouvoir rendre compte de leurs responsabilités83.
Les walis et les gouverneurs qui ne sont plus compétents pour exécuter les
délibérations des conseils préfectoraux, provinciaux et régionaux, sont
dorénavant appelés, en vertu de l’article 145 de la Constitution, à assister les
présidentes des collectivités territoriales dans la mise en œuvre des plans et des
programmes de développement84. Néanmoins, certains auteurs, à l’instar de T.
ZAIR, exprime leur inquiétude de voir les dispositions de cet article interprétées
par le représentant de l’Etat comme « règle de co-administration ». ZAIR insiste
sur le rôle que doivent jouer le législateur et le juge constitutionnel pour clarifier
les nouveaux rapports entre les présidentes des collectivités territoriales et les
représentants de l’Etat85.
III. Les limites du principe de libre administration
Une décentralisation effective est conditionnée par la libre administration des
collectivités territoriales. Cependant, cette libre administration ne signifie pas
l’indépendance. Les collectivités disposent des pouvoirs de décision propres,
mais elles doivent se soumettre aux règles de la Constitution, des lois et des
règlements qui les régissent.
82 Conseil constitutionnel français, Décision n° 85-196 DC du 08 août 1985, Loi sur l’évolution de la
Nouvelle-Calédonie, Journal officiel du 8 août 1985, p. 9125. 83 « Les objectifs ainsi tracés supposent, à l’égard du thème en revue, que les collectivités locales jouissent
d’un réel pouvoir d’exécuter leurs délibérations et décisions et de contrôler, en conséquence, leurs propres
organes d’exécution, dans le respect des lois et règlements en vigueur ; condition fondamentale pour
assumer valablement leurs responsabilités et en rendre compte». Commission consultative de la
régionalisation/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Aspects institutionnels, p.38. 84 « Les walis et les gouverneurs assistent les présidents des collectivités territoriales et notamment les
présidents des conseils régionaux dans la mise en œuvre des plans et des programmes de développement ».
Alinéa 3de l’article 145 de la Constitution du 29 juillet 2011. 85 Tarik ZAIR, le nouveau statut constitutionnel des collectivités territoriales, in REMALD, numéro double
99-100, juillet-octobre 2011, pp. 26-27.
44
Ainsi, comme tous les principes de valeur constitutionnelle, la libre
administration des collectivités territoriales n’est pas absolue, ni sans limites.
Celles-ci sont d’ordre textuel (A), jurisprudentiel (B) voire même pratique (C).
A. Les limites d’ordre textuel
Les limites de la libre administration tiennent d’abord au principe de
l’indivisibilité de la souveraineté qui, selon l’article 2 de la Constitution, appartient
à la nation. En outre, la forme unitaire de l’Etat consacrée par le préambule du
texte constitutionnel est incompatible avec une liberté illimitée des collectivités
territoriales. Il en découle que ces collectivités ne peuvent disposer que d’une
autonomie administrative et non politique. Elles sont mêmes interdites d’émettre
des vœux86 et de délibérer sur des affaires à caractère politique87. Il ressort
également des dispositions de la Constitution que les collectivités territoriales ne
peuvent disposer que d’un pouvoir réglementaire et non législatif. L’article 140
énonce que « …les régions et les autres collectivités territoriales disposent, dans
leur domaines de compétence respectifs et dans leur sort territorial, d’un pouvoir
réglementaire pour l’exercice de leurs attributions ». Par conséquent, les
collectivités territoriales ne peuvent pas choisir leur organisation, leurs
compétences, leurs ressources ou leur régime électoral. Ces choix sont de la
compétence du législateur.
De même, les collectivités territoriales, en vertu de l’article 137 de la
Constitution, ne peuvent que participer à la mise en œuvre de la politique
générale de l’Etat. Elles ne sont donc habilitées à définir les politiques territoriales
qu’à travers leurs représentants à la Chambre des conseillers.
Ensuite, Le principe de libre administration des collectivités territoriales ne
saurait remettre en cause l’unité de l’ordre juridique de l’Etat. En effet, la
86 « Le conseil peut, en outre, émettre des vœux sur toutes les questions d’intérêt communal, à l'exception
des vœux à caractère politique… ». Alinéa 2, article 44 de la loi n° 78.00 modifiée par la loi n° 17.08 du
18 février 2009, BO n° 5714 du 5 mars 2009. 87 « Le conseil régional ne peut délibérer sur des affaires à caractère politique ou étrangères aux questions
d'intérêt régional ». Alinéa 6, article premier du Dahir n° 1-97-84 du 23 kaada 1417 (2 avril 1997) portant
promulgation de la loi n° 47-96 relative à l'organisation de la région.
45
Constitution prévoit un ensemble de mécanismes de contrôle des collectivités
territoriales.
Il s’agit plus précisément du contrôle administratif confié aux Walis et
Gouverneurs et du contrôle juridictionnel exercé par les juges du Royaume. En
outre, un certain nombre de dispositifs de contrôle ont été prévus par des textes
législatifs et réglementaires dans l’objectif de prévenir ou de sanctionner les
manquements aux lois et aux règlements en vigueur.
Enfin, toute collectivité territoriale est tenue, en vertu des textes en vigueur et
dans l’exercice de ses attributions, de respecter les prérogatives de l’Etat, les
compétences des autres collectivités et le principe de l’inexistence de tutelle
d’une collectivité territoriale sur une autre.
B. Les limites d’ordre jurisprudentiel
Le principe de libre administration n’est pas le seul principe de valeur
constitutionnelle. Il en existe une pluralité hiérarchisée. Certains sont considérés
par la jurisprudence comme supérieurs aux autres. Ainsi, la libre administration
doit être conciliée avec les principes constitutionnels qui lui sont supérieurs88.
Si ce débat demeure encore étranger à la jurisprudence constitutionnelle
marocaine, il n’en reste pas moins que le Conseil constitutionnel français a
produit un certain nombre de décisions constituant déjà une jurisprudence en la
matière.
Ainsi, à titre d’exemple, le juge constitutionnel fait prévaloir le principe d’égalité
des citoyens devant la loi et celui de liberté de l’enseignement sur la libre
administration. Le législateur peut prévoir l’octroi d’une aide des collectivités
territoriales aux établissements d’enseignement privés mais les conditions
essentielles d’application de cette législation ne peuvent pas dépendre de
décisions de ces collectivités et doivent être les mêmes sur l’ensemble du
territoire (Conseil constitutionnel, décision du 13 janvier 1994, aide aux
88 Nadine Dantonel-Cor, Droit des collectivités territoriales, 3° édition, BREAL 2007, p. 12.
46
investissements des établissements d’enseignement privé)89. Dans le même
ordre d’idées, le Conseil constitutionnel fait prévaloir le principe de continuité des
services publics sur celui de libre administration (Conseil constitutionnel, décision
28 décembre 1982 relative à l’organisation administrative de Paris, Lyon,
Marseille)90.
C. Les limites d’ordre pratique
On entend par les limites pratiques, l’ensemble des éléments qui ne sont
imposés ni par les textes, ni par la jurisprudence, et qui entravent la libre
administration des collectivités territoriales
En effet, les collectivités territoriales sont dotées de larges compétences dans
l’ensemble des domaines relevant des affaires locales. L’exercice de ces
compétences nécessite la mobilisation des moyens considérables91.
Néanmoins, les moyens humains, matériels et financiers dont disposent ces
collectivités ne sont pas toujours suffisants pour remplir leurs missions. Ainsi,
89 « …Considérant qu'il résulte des dispositions et principes à valeur constitutionnelle ci-dessus rappelés
que le législateur peut prévoir l'octroi d'une aide des collectivités publiques aux établissements
d'enseignement privés selon la nature et l'importance de leur contribution à l'accomplissement de missions
d'enseignement ; que si le principe de libre administration des collectivités locales a valeur
constitutionnelle, les dispositions que le législateur édicte ne sauraient conduire à ce que les conditions
essentielles d'application d'une loi relative à l'exercice de la liberté de l'enseignement dépendent de
décisions des collectivités territoriales et, ainsi, puissent ne pas être les mêmes sur l'ensemble du territoire
; que les aides allouées doivent, pour être conformes aux principes d'égalité et de liberté, obéir à des
critères objectifs ; qu'il incombe au législateur, en vertu de l'article 34 de la Constitution, de définir les
conditions de mise en œuvre de ces dispositions et principes à valeur constitutionnelle ; qu'il doit
notamment prévoir les garanties nécessaires pour prémunir les établissements d'enseignement public
contre des ruptures d'égalité à leur détriment au regard des obligations particulières que ces établissements
assument ;
… Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'article 2 de la loi déférée doit être déclaré contraire
à la Constitution… ». Conseil constitutionnel français, Décision n° 93-329 DC du 13 janvier 1994/ Loi
relative aux conditions de l'aide aux investissements des établissements d'enseignement privés par les
collectivités territoriales, Journal officiel du 15 janvier 1994, p. 829. 90 « …Considérant que, selon le dernier alinéa de l'article 72 précité de la Constitution, le délégué du
Gouvernement, outre la charge des intérêts nationaux, a celle du contrôle administratif et du respect des
lois ; qu'il appartient donc au législateur de prévoir l'intervention du délégué du Gouvernement pour
pourvoir, sous le contrôle du juge, à certaines difficultés administratives résultant de l'absence de décision
de la part des autorités décentralisées normalement compétentes lorsque cette absence de décision risque
de compromettre le fonctionnement des services publics et l'application des lois ; qu'ainsi, les dispositions
du dernier alinéa de l'article 12 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ne sont pas
contraires à la Constitution… ». Conseil constitutionnel français, Décision n° 82-149 DC du 28 décembre
1982/ Loi relative à l'organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de
coopération intercommunale, Journal officiel du 29 décembre 1982, p.3914. 91 BASRI Driss, La décentralisation au Maroc de la commune à la région, NATHAN 1994, p. 122.
47
l’insuffisance de moyens ne constitue pas uniquement une limite à la libre
administration mais à l’idée de la décentralisation en général.
Dans le même sens, les limites d’ordre pratique sont liées également à la
confusion qui caractérise la répartition des compétences entre l’Etat et les
collectivités territoriales d’une part, et entre les collectivités territoriales elles-
mêmes d’autre part.
De même, la formule « libre administration » constitue, elle-même, une limite.
En effet, il ne s’agit pas pour les collectivités territoriales de gouverner librement
mais tout simplement de s’administrer librement. Ainsi, elles ne disposent que de
la liberté de gestion des affaires locales, dans le respect des lois et règlements
en vigueur. Autrement dit, la libre administration se limite à des compétences
administratives et exclut les compétences régaliennes qui demeurent un
domaine réservé de l’Etat.
48
CHAPITRE III
LA SUBSIDIARITE ET LES COMPETENCES DES COLLECTIVITES
TERRITORIALES
La subsidiarité est un principe de répartition des compétences. Au sein d’un
Etat unitaire, elle règle le cadre et les limites des organisations infra-étatiques92.
Il s’agit donc d’une nouvelle façon de penser l’intervention publique et d’une idée
capable de transformer l’action publique. Selon A. Faure, la subsidiarité
s’apparente à une procédure de répartition des tâches et des missions.
Cependant, il ne s’agit pas d’un principe neutre permettant la répartition des
compétences d’une manière évidente et objective. Le sens du principe de
subsidiarité dépend en fait des négociations et des interprétations des acteurs93.
Contrairement à la Constitution française du 4 octobre 1958 qui ne contient
pas l’expression « principe de subsidiarité », l’article 140 de la Constitution
marocaine du 29 juillet 2011 consacre explicitement le principe en question. Cet
article dispose que : « sur la base du principe de subsidiarité, les collectivités
territoriales ont des compétences propres, des compétences partagées avec
l’Etat et celles qui leur sont transférables par ce dernier… ».
Ainsi, sur la base de ce principe, les collectivités territoriales disposent d’un
ensemble de compétences dont le cadre général et les domaines sont définis par
la Constitution et par les textes législatifs relatifs à la décentralisation.
Dans ce chapitre, nous allons d’abord examiner le contexte d’apparition et de
constitutionnalisation du principe de subsidiarité ainsi que les implications de ce
principe (I). Ensuite, nous aurons à analyser le cadre général et les catégories
des compétences dont disposent les collectivités territoriales (II).
92 Guillaume Drago, Le principe de subsidiarité comme principe de droit constitutionnel, in: Revue
internationale de droit comparé. Vol. 46 N°2, Avril-juin 1994, pp. 583-592. 93 Territoires et Subsidiarité: L'action publique locale à la lumière d'un principe controversé, ouvrage
collectif sous la direction d’Alain Faure, L’Harmattan 1997, p. 27
49
I. Le principe de subsidiarité
Avant la Constitution de 2011, le principe de subsidiarité n’avait aucune
existence juridique dans le droit positif marocain. Sa consécration comme "base"
des compétences des collectivités territoriales constitue l’une des nouveautés du
nouveau texte constitutionnel. Néanmoins, il pose certaines difficultés quant à sa
portée et à ses implications.
A. Le contexte d’apparition du principe
L’apparition du concept de subsidiarité comme principe de répartition des
compétences entre les différents centres de pouvoir est marquée par un contexte
politique particulier. En effet, les démocraties libérales ont connu une prolifération
institutionnelle inédite, ce qui a engendré de nouveaux enjeux à différents
niveaux : enchevêtrement des compétences et des responsabilités,
revendication d’une plus grande implication et participation des citoyens à la
gestion des affaires publiques et appel généralisé à un rapprochement entre
décision et citoyen. Tous ces enjeux convergent vers une même philosophie,
celle de la proximité.
En outre, la complexité de la gestion publique et les contraintes managériales
d’efficacité administrative ont donné un nouveau souffle aux anciens débats sur
l’efficacité technocratique d’une part ; et la légitimité et la proximité démocratique
d’autre part.
Dans ce contexte, la subsidiarité apparait comme un principe pouvant
répondre aux différents dilemmes posés et fournir des choix susceptibles
d’accorder l’efficacité et la proximité.
Le concept de subsidiarité a vu le jour dans la terminologie de droit
communautaire européen et mis en exergue au moment de la ratification du
Traité de Maastricht en 1992. Il a été conçu dans l’objectif de répartir les
compétences entre les institutions de l’Union européenne et les Etats membres.
Par la suite, ce concept a été intégré dans de différents domaines, à tel point que
Alain Faure a écrit : « l’expression "principe de subsidiarité" a investi tous les
50
champs de nos pensées contemporaines, tant dans le domaine du philosophe,
du juriste, de l’universitaire que du politique »94.
Ultérieurement, le principe de subsidiarité a été introduit dans le droit public
interne dans l’objectif d’en faire un critère objectif et raisonnable de la répartition
des compétences spécialement entre l’Etat et ses entités décentralisées.
En Europe, la Suisse offre précisément un exemple typique de subsidiarité,
selon lequel tout problème doit être résolu, si possible, au sein de collectivité de
niveau inférieur ; ce n’est qu’en cas de difficultés insurmontables qu’on juge
opportune l’intervention à un niveau supérieur95.
B. La constitutionnalisation de la subsidiarité
En France, l’expression "principe de subsidiarité" ne figure pas dans le texte
constitutionnel. Ainsi, la subsidiarité ne doit être considérée, dans ce pays, que
comme un concept doctrinal et non pas un concept de droit positif.
En revanche, la disposition constitutionnelle prévue par l’article 72 al. 2 de la
Constitution de 1958, tel qu’il résulte de la révision du 28 mars 2003, est
interprétée comme la consécration du principe de subsidiarité en droit
constitutionnel français. La disposition en question précise que : « Les
collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des
compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon».
Par ailleurs, en droit marocain le "principe de subsidiarité" est, bel et bien, un
concept de droit positif. En effet, l’introduction explicite du principe de subsidiarité
est l’une des innovations de la Constitution du 29 juillet 2011. Ainsi, et
contrairement à la Constitution française, le texte marocain donne une existence
juridique et constitutionnelle à la notion de subsidiarité.
Il en découle que la définition des différentes catégories de compétences des
collectivités territoriales doit être conforme aux exigences de la subsidiarité.
94 Alain Faure, Territoires et subsidiarité: L'action publique locale à la lumière d'un principe controversé,
l’Harmattan 1997, p. 65. 95 Idem, p. 74.
51
Cependant, la Constitution marocaine ne donne aucune définition du principe et
ne renvoie à aucune loi devant déterminer ce qu’on devrait entendre par cette
notion. Dans cette situation de fait, le juge constitutionnel assumerait la charge
de définir le principe, sa portée et ses limites. Ses références majeures seraient
la jurisprudence française et la doctrine, et la première occasion serait
probablement le contrôle de la constitutionnalité de la loi organique prévue par
l’article 146 de la Constitution, et qui fixera, entre autres, « les compétences
propres, les compétences partagées avec l’Etat et celles qui sont transférables
aux régions et aux autres collectivités territoriales».
C. La portée du principe de subsidiarité
Selon Francis-Paul BENOIT, « La notion de subsidiarité se manifeste avec
les compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à l’échelon d’une
collectivité ». Toujours selon cet auteur, la subsidiarité « vise la répartition des
compétences entre l’Etat et l’échelon local mais aussi sans doute entre les
différents échelons de collectivités »96.
La subsidiarité ne peut pas signifier que les collectivités territoriales
déterminent elles-mêmes les compétences qu’elles estiment être le mieux à
même de mettre en œuvre. En effet, le législateur demeure compétent, aussi
bien en France qu’au Maroc, pour définir les compétences de chacune des
catégories de collectivités territoriales.
Néanmoins, le législateur ne détient plus une souveraineté absolue en matière
de définitions des attributions des collectivités territoriales. Il est désormais tenu
d’attribuer à ces collectivités les compétences qui peuvent être mieux mises en
œuvre à leur échelon. Autrement dit, le pouvoir discrétionnaire du législateur en
la matière devient limité par une règle de fond sous le contrôle du juge
constitutionnel.
Par ailleurs, le principe de subsidiarité n’a pas nécessairement une portée
décentralisatrice, c’est-à-dire qu’il ne mène pas automatiquement vers le
renforcement des attributions des collectivités territoriales. Il est vrai que ce
96 Francis-Paul BENOIT, Encyclopédie des collectivités locales, Dalloz 2004, pp. 63-23.
52
principe vise à repenser l’intervention des pouvoirs publics dans son ensemble
et à transférer davantage de responsabilités aux collectivités territoriales.
Cependant, la prise en compte de certaines exigences constitutionnelles telles
que l’égalité entre les citoyens, pourrait aussi conclure au choix de l’échelon
national ou de l’échelon régional de préférence à un échelon préfectoral,
provincial ou encore communal.
Sur un autre plan, le principe de subsidiarité n’apporte pas de réponses
précises, clefs en main, sur ce que devrait être une répartition idéale des
compétences entre le pouvoir central et les entités décentralisées. Cette carence
revient au fait qu’il n’est pas possible de savoir à l’avance si l’exercice d’une
compétence peut le mieux être mise en œuvre à tel ou tel échelon territorial. Ce
n’est qu’après l’expérimentation et l’évaluation qu’il devient possible de se
prononcer sur l’efficacité et la performance d’une compétence mise en œuvre à
un échelon donné.
Pour faire face à cette carence, le constituant français, par l'article 37-1 de la
Constitution, a ouvert la possibilité des expérimentations qui permettraient
éventuellement de déterminer le niveau adéquat pour l'exercice de telle ou telle
compétence97. Aucune possibilité pareille n’est prévue par le Constituant
marocain.
En définitive, l’identification des compétences qui conviennent le mieux à un
échelon donné n’a rien d’évident. Ainsi, le principe de subsidiarité reste un
concept beaucoup plus doctrinal que pratique. Même s’il est consacré
implicitement par la Constitution française et explicitement par la Constitution
marocaine, son sens est ambigu et la détermination de sa portée juridique
dépendrait de l’action jurisprudentielle. Seul le juge constitutionnel peut y
procéder au cas par cas. L’occasion ne s’est pas encore produite pour le juge
marocain. Quant au juge français, il semble qu’il a déjà raté sa première
opportunité en s’abstenant de faire des remarques relatives au principe qui nous
retient, et ce à l’occasion du contrôle de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004
97 « La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère
expérimental ». L’article 37-1 de la Constitution française de 1958.
53
relative aux libertés et responsabilités locales, qui a opéré des réaménagements
importants de compétences des collectivités territoriales98.
Ce constat pousse une partie de la doctrine à penser que le principe de
subsidiarité n’est pas bien précis et ne peut être qu’un concept promoteur. Son
caractère opérationnel n’est guère évident a priori. La délimitation des
compétences en matière d’action publique « est à la fois complexe et évolutive
et elle n’est guère compatible avec une définition générale et abstraite »99.
II. Les compétences des collectivités territoriales
La Constitution de 2011 consacre, pour la première fois dans l’histoire
constitutionnelle marocaine, un ensemble de dispositions relatives aux
compétences des collectivités territoriales. Ces dispositions tracent le cadre
général de ces compétences et en définissent les catégories.
A. Le cadre général
La définition des attributions des collectivités territoriales relève de la
compétence du législateur. Ce dernier ne peut pas dépasser les contours
délimités par le constituant. Ainsi, il ne peut les doter que d’un pouvoir
réglementaire. En outre, certaines dispositions retraçant le cadre général des
compétences des collectivités sont d’ordre législatif. C’est surtout le cas de la
clause générale de compétence consacrée par les textes relatifs à l’organisation
des collectivités territoriales.
1. La compétence législative en matière de définition des attributions
La Constitution consacre la compétence législative en matière de définition
des compétences des collectivités territoriales. Cette consécration constitue une
protection des principes constitutionnels liés à cette matière, particulièrement la
libre administration et la subsidiarité, contre des atteintes éventuelles émanant
du pouvoir exécutif. Ces principes sont également protégés contre les abus du
98 Conseil constitutionnel français, Décision n° 2004-503 du 12 août 2004/ Loi relative aux libertés et
responsabilités locales. Journal Officiel du 17 août 2004, p. 14648. 99 Les collectivités territoriales en France, coordonné par Maryvonne BONNARD, La documentations
française, 2008, p. 24.
54
législateur lui-même, notamment que les compétences des collectivités
territoriales sont fixées par une loi organique qui, par définition, doit subir le
contrôle de constitutionnalité.
Ainsi, le constituant de 2011 confie au pouvoir législatif la mission de
répartition des compétences, ce qui comporte un risque, malgré toutes les
garanties, de porter atteinte aux principes de subsidiarité, de libre administration
et de l’effectivité des compétences qui en découle. En vue de maitriser ce risque,
certains auteurs pensent qu’il est nécessaire d’exiger un certain seuil de
compétence. Autrement dit, un minimum de compétences propres devrait être
consenti aux collectivités territoriales à l’occasion de la répartition des
compétences100.
Par ailleurs, et contrairement à la Constitution française101, la Constitution
marocaine ne prévoit pas des matières que le législateur ne devrait pas confier
ou transférer aux collectivités territoriales. En principe, le législateur dispose d’un
pouvoir discrétionnaire en matière de définition des compétences de ces
collectivités, à la seule condition de respecter les compétences des autres
collectivités publiques qui leur sont dévolues par le texte constitutionnel.
Sur un autre niveau, la question de compétence réglementaire du
Gouvernement pour l’exécution des lois relatives aux collectivités territoriales se
pose. En France, une thèse développée dans les années quatre-vingt était hostile
à cette compétence. Cette thèse est aujourd’hui définitivement abandonnée,
100 Tarik ZAIR, Le principe de libre administration des collectivités territorial, in REMALD, numéro 107,
novembre-décembre 2012, p. 17. 101 «Dans les départements et les régions d’outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit.
Ils peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces
collectivités.
Ces adaptations peuvent être décidées par ces collectivités dans les matières où s’exercent leurs
compétences et si elles y ont été habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement.
Par dérogation au premier alinéa et pour tenir compte de leurs spécificités, les collectivités régies par le
présent article peuvent être habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement, à fixer elles-mêmes les
règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la
loi ou du règlement.
Ces règles ne peuvent porter sur la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques,
l’état et la capacité des personnes, l’organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la
politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que
le droit électoral. Cette énumération pourra être précisée et complétée par une loi organique… ». Article
73 de la Constitution française de 1958.
55
notamment après avoir été écartée par le juge constitutionnel en ne censurant
pas le renvoi aux décrets opéré par la loi relative à la fonction publique territoriale
(décision n° 83-168 DC du 20 janvier 1984). Cette attitude jurisprudentielle a été
confirmée par la suite dans un ensemble de décisions du Conseil constitutionnel
français102.
En définitive, le constituant marocain consacre une compétence législative de
principe en matière des collectivités territoriales en général103 et en matière de
détermination de leurs compétences en particulier104. Le pouvoir réglementaire
national ne peut pas intervenir d’une manière autonome dans ces matières. Son
intervention doit se limiter à la mise en application des lois sous le contrôle du
juge administratif.
2. Un pouvoir réglementaire non autonome
Le deuxième alinéa de l’article 140 de la Constitution du 29 juillet 2011 dispose
que : « les régions et les autres collectivités territoriales disposent, dans leurs
domaines de compétence respectifs et dans leur sort territorial, d’un pouvoir
réglementaire pour l’exercice de leurs attributions ». Ceci signifie que, ni le
principe de libre administration, ni celui de subsidiarité n’impliquent nullement
l’existence d’un pouvoir législatif local.
En effet, le Maroc est un Etat unitaire dont la souveraineté est indivisible. Ainsi,
le pouvoir normatif trouve sa source première dans l’Etat, et le législateur national
est le seul compétent pour légiférer pour tout le territoire national.
Si le pouvoir réglementaire est reconnu constitutionnellement aux collectivités
territoriales, il n’en demeure pas moins qu’il ne saurait être autonome. Autrement
dit, la disposition constitutionnelle énoncée ci-dessus ne peut pas constituer une
source directe du pouvoir réglementaire des collectivités territoriales. Elle ne leur
permet pas d’intervenir dans le domaine de l’administration locale pour fixer des
102 Les collectivités territoriales en France, coordonné par Maryvonne Bonnard , la documentation française
2008, p. 33. 103 Article 71 de la Constitution du 29 juillet 2011. 104 Article 146 de la Constitution du 29 juillet 2011.
56
normes initiales et indépendantes des lois préexistantes ou pour préciser les
conditions d’application d’une loi sans que celle-ci l’ait prévu.
Ainsi la différence entre le pouvoir réglementaire national et le pouvoir
réglementaire des collectivités territoriales est établie. Le premier est général et
autonome, tandis que le second est lié et limité. L’acte réglementaire national
peut être un acte d’application de la loi comme il peut être un acte pris en
application de la loi. Alors que l’acte réglementaire local ne peut être qu’un acte
pris en application de la loi105.
Dans le même ordre d’idées, l’exercice du pouvoir réglementaire par les
collectivités territoriales ne doit pas être en dehors de leurs domaines de
compétences, ni au-delà de leurs ressort territorial.
En définitive, le pouvoir réglementaire territorial, tout en étant consacré par la
Constitution, ne peut être qu’un pouvoir limité et subordonné au respect du
principe de légalité sanctionné par le juge administratif. Et il n’y a pas lieu que
l’exercice de ce pouvoir puisse être soumis au contrôle de constitutionnalité,
n’étant pas autonome, ce pouvoir ne peut émaner que d’une loi faisant écran
entre lui et la Constitution106.
3. La clause générale de compétence
Les lois relatives à la décentralisation consacrent la clause générale de
compétence qui consiste à reconnaître à la collectivité territoriale une
compétence générale de principe107. Cette clause permet à la collectivité de se
105 Les contrôles de l'Etat sur les collectivités territoriales aujourd'hui, sous la direction de Pascal
COMBEAU, L’Harmattan 2007, p. 122.
106 Mohammed Amine BENABDALLAH, Du contrôle de la constitutionnalité des décrets réglementaires
autonomes, REMALD, 2003, n° 53, p. 9. 107 - « Le conseil régional règle par ses délibérations les affaires de la région, et, à cet effet, décide des
mesures à prendre pour lui assurer son plein développement économique, social et culturel, et ce, dans le
respect des attributions dévolues aux autres collectivités locales ». Article 6, al 1 du Dahir n° 1-97-84 du
23 kaada 1417 (2 avril 1997) portant promulgation de la loi n° 47-96 relative à l'organisation de la région.
- « Le conseil préfectoral ou provincial règle par ses délibérations les affaires de la collectivité préfectorale
ou provinciale. A cet effet, il décide des mesures à prendre pour assurer son développement économique,
social et culturel, dans le respect des attributions dévolues aux autres collectivités locales ». Article 35, al
1 du Dahir n° 1-02-269 du 25 rejeb 1423 (3 octobre 2002) portant promulgation de la loi n° 79-00 relative
à l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales.
57
saisir des affaires relevant de son territoire. Ainsi, la clause générale de
compétence est définie comme la possibilité reconnue à une collectivité
territoriale de délibérer sur toute matière pour répondre à un intérêt public local,
à condition de ne pas empiéter sur les compétences attribuées par la loi à une
autre autorité publique, qu’il s’agisse de l’Etat ou d’une autre collectivité
territoriale. Ceci dit que cette clause n’a pas un sens absolu, ou selon les propos
de Gérard MARCOU, « elle n’a jamais signifié que les collectivités territoriales
avaient une compétence générale, ou de principe »108.
Cependant, cette clause engendre, selon les termes de M. BRAHIMI, des
imprécisions et des contradictions, ce qui crée des situations de conflits de
compétences entre collectivités publiques sur un même territoire109.
La consécration de cette clause, malgré son inconvénient lié à l’imprécision,
présente un avantage pragmatique et technique, en ce sens qu’elle dispense le
législateur de la difficulté de l’énoncé précis et exhaustif qui nécessite
l’établissement d’un inventaire des matières relevant de la compétence de la
collectivité avec le risque de manquer à l’exhaustivité110.
En parallèle avec cette clause, le législateur marocain énumère un ensemble
de matières dévolues aux collectivités territoriales, ce qui pourrait être interprété
comme une consécration de la théorie des blocs de compétences. En revanche,
étant donné que les deux théories : La clause générale de compétence et le bloc
de compétences "reposent sur deux principes intellectuellement différents, et
même opposés111 "; ou encore, selon les termes de C. Nach Mback, sont
"incompatibles et contradictoires " ; cette énumération ne devrait être considérée
- « Le conseil règle par ses délibérations les affaires de la commune. A cet effet, il décide des mesures à
prendre pour assurer le développement économique, social et culturel de la commune ». Article 35 al 1 de
la loi 78-00 relative à la charte communale, telle que modifiée et complétée par la loi n° 17.08 promulguée
par le dahir n° 1.08.153 du 18 février 2009. B.O n° 5714 du 5-3-2009. 108 Gérard MARCOU, « la réforme territoriale. Analyse du nouveau projet de réforme des collectivités
territoriales », in « Quelle nouvelle réforme pour les collectivités territoriales Françaises », sous la direction
de Jean-Claude NEMERY, L’Harmattan 2010, p. 70. 109 Mohamed BRAHIMI, La commune marocaine : un siècle d’histoire, de la veille du protectorat à 2009,
Tome II, in REMALD, série « thèmes actuels », n° 65 bis, 2010, p. 212. 110 Idem, p. 213. 111 Rapport d’information n°283 au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la
décentralisation sur la clarification de la répartition des compétences entre l’État et les collectivités
territoriales, fait par Antoine LEFÈVRE, Sénat-France, 2011, p. 07.
58
que comme une simple précision des attributions des collectivités territoriales112
et non pas une liste exhaustive de ces attributions.
B. Les domaines d’attribution des collectivités territoriales
Les lois relatives à la décentralisation distinguent trois catégories de
compétences des collectivités territoriales, à savoir : les compétences propres,
les compétences transférables et les compétences consultatives. Par ailleurs, la
Constitution du 29 juillet 2011 consacre une nouvelle catégorisation. Les
compétences propres et transférables sont maintenues, alors que les
compétences consultatives ont laissé la place à une nouvelle catégorie appelée
compétences partagées entre l’Etat et les collectivités territoriales.
1. Les compétences propres
Enracinée dans les textes relatifs à l’organisation des différentes collectivités
territoriales marocaines, et consacrée par le constituant de 2011, la notion de
compétences propres mérite qu’on s’y attarde pour essayer de l’élucider.
M. BRAHIMI affirme que le concept de « compétence propre » incline à penser
qu’il s’agit des compétences qui relèvent du « domaine exclusif » de la
collectivité113. Pour sa part, T. ZAIR pense que l’existence des compétences
propres interdites à l’intervention des personnes autres que les collectivités
territoriales, est une condition incontournable pour asseoir les bases de la libre
administration114.
Les compétences propres sont exercées par la collectivité territoriale pour la
gestion de ses propres affaires et pour son propre compte. Elles s’opposent ainsi
aux compétences déléguées ou transférées que la collectivité territoriale exerce
pour la gestion des affaires de l’Etat et pour le compte de ce dernier115.
112 Charles Nach Mback, Démocratisation et décentralisation: Genèse et dynamiques comparées des
processus de décentralisation en Afrique subsaharienne, KARTHALA 2003, p. 420. 113 Mohamed BRAHIMI, La commune marocaine : un siècle d’histoire, de la veille du protectorat à 2009,
Tome II, in REMALD, série « thèmes actuels », n° 65 bis, 2010, p. 215. 114 Tarik ZAIR, Le principe de libre administration des collectivités territorial, in REMALD, numéro 107,
novembre-décembre 2012, p. 17. 115Autonomie locale et régionalisation en Méditerranée: actes Séminaire international, décembre 1999 à
Rabat, Etudes et travaux, n°67, éditions du Conseil de l’Europe 2000, p. 58.
59
En l’absence d’une définition constitutionnelle de ce concept, il appartient au
législateur de définir son contenu et ses contours. Les textes en vigueur, sans
donner aucune définition générale, énumèrent un ensemble de matières relevant
des compétences propres de chaque collectivité territoriale. Il s’agit
particulièrement des matières relatives au développement économique et social
de la collectivité, la gestion du patrimoine et les moyens financiers,
l’aménagement du territoire, les services publics locaux et la promotion de
l’emploi et des investissements116. Chacune des trois catégories des collectivités
territoriales dispose d’un domaine de compétences propres légèrement différent
de celui des autres.
2. Les compétences transférables
Les lois relatives à la décentralisation contiennent une disposition
reconnaissant à l’Etat la faculté de transférer aux collectivités territoriales des
nouvelles compétences, dans des domaines définis, appelées les compétences
transférables117. Le texte constitutionnel de 2011, en retenant cette catégorie de
compétences, accorde une valeur constitutionnelle à cette disposition.
Néanmoins, cette constitutionnalisation ne comporte aucun aspect prescriptif
ou obligatoire. D’une autre manière, la Constitution n’énumère pas des matières
à transférer obligatoirement aux collectivités territoriales. Il s’agit d’une simple
autorisation de transfert de compétences accordée au législateur, et il revient à
ce dernier de définir le moment de ce transfert, son objet et son bénéficiaire.
Dans un contexte similaire, M. BRAHIMI considère que les dispositions
législatives énonçant la faculté pour l’Etat de transférer de nouvelles
compétences aux communes, comme « porteuse de simples promesses et n’ont
pas de force exécutoire ».
Ainsi, les compétences transférables demeurent de l’apanage de l’Etat qui est
libre de les transférer aux collectivités territoriales ou de ne pas le faire. La
116 Mohamed BAHI, les compétences du wali, du gouverneur et des autres agents d’autorité : 1. Domaine
des collectivités locales (communes, préfectures, provinces et régions), 1er édition 2005, pp. 21, 49 et 37. 117 Article 8 de la loi n° 47-96 relative à l'organisation de la région. Article 37 de la loi n° 79-00 relative à
l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales. Article 43 de la loi n° 78.00 portant charte
communale.
60
Constitution n’impose aucune exigence de temps pour effectuer le transfert qui
relève de l’appréciation de l’Etat118.
Par ailleurs, le législateur marocain a consacré le principe de la compensation
financière des transferts de compétences. Ainsi, il retient que tout transfert de
compétences de l'Etat aux collectivités territoriales doit s'accompagner du
transfert des ressources nécessaires à leur exercice. La notion de ressources
comprend aussi bien les moyens humains que les moyens financiers119.
La Constitution de 2011, à l’instar de la Constitution française120 a hissé ce
principe au rang constitutionnel. En effet, le deuxième alinéa de son article 141
dispose que « tout transfert de compétences de l’Etat vers les collectivités
territoriales doit s’accompagner d’un transfert des ressources correspondantes ».
Ainsi, il est interdit à l’Etat de se servir de la transférabilité des compétences pour
transférer les charges121.
L’absence de mise en œuvre des dispositions législatives relatives au transfert
de compétences de l’Etat aux collectivités territoriales, laisse penser qu’il s’agit
des dispositions superfétatoires122. De même, la reconnaissance
constitutionnelle de cette transférabilité de compétences n’apparait pas
suffisante pour y donner un aspect effectif.
3. Les compétences partagées avec l’Etat
L’article 140 de la Constitution du 29 juillet 2011 consacre, pour la première
fois, une nouvelle catégorie des compétences des collectivités territoriales. Il
s’agit des compétences partagées entre ces dernières et l’Etat.
118 Tarik ZAIR, Le principe de libre administration des collectivités territorial, in REMALD, numéro 107,
novembre-décembre 2012, p. 17. 119 Mohamed BRAHIMI, La commune marocaine : un siècle d’histoire, de la veille du protectorat à 2009,
Tome II, in REMALD, série « thèmes actuels », n° 65 bis, 2010, p. 224. 120 « Tout transfert de compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales s’accompagne de
l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou
extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales
est accompagnée de ressources déterminées par la loi ». L’article 72-2 al.4 de la Constitution française de
1958. 121 Mohamed BRAHIMI, La commune marocaine : un siècle d’histoire, de la veille du protectorat à 2009,
Tome II, in REMALD, série « thèmes actuels », n° 65 bis, 2010, p. 224. 122 Idem, p. 225.
61
Conformément aux dispositions de ce même article, la fixation des
compétences partagées entre l’Etat et les collectivités territoriales doit être
effectuée sur la base du principe de subsidiarité. Il revient au législateur de définir
les domaines relevant de cette catégorie123.
A l’égard de ce type de compétences, les collectivités territoriales ne
possèdent aucun pouvoir exclusif d’exercice124. Néanmoins, cette catégorie de
compétences est susceptible de contribuer à la redéfinition des rapports entre
l’Etat et les collectivités territoriales sur la base de partenariat et de collaboration.
4. Les compétences consultatives
Cette catégorie de compétences n’a pas une existence constitutionnelle. Elle
n’a qu’une valeur législative. En effet, les lois relatives à l’organisation des
collectivités territoriales reconnaissent respectivement à celles-ci la possibilité de
présenter à l’Etat et aux autres personnes morales de droit public, des
propositions et des suggestions sur les actions à entreprendre pour promouvoir
leur développement économique, social et culturel lorsque ces actions dépassent
leurs compétences ou leurs moyens. Elles peuvent également émettre des avis
et des vœux sur toutes les questions d’intérêt local, à l’exception des vœux à
caractère politique125.
Les matières qui relèvent de cette catégorie ne constituent pas des véritables
compétences. En effet, si on retient la définition de B. MEUNIER, une
compétence serait « toute aptitude légale, matérielle, territoriale, temporelle et
personnelle dont dispose une autorité pour agir »126. Autrement dit, une
compétence implique une action ou une possibilité d’agir fondée sur un texte
123 Article 146 de la Constitution du 29 juillet 2011. 124 Tarik ZAIR, Le principe de libre administration des collectivités territorial, in REMALD, numéro 107,
novembre-décembre 2012, p. 16. 125 Article 9 de la loi n° 47-96 relative à l'organisation de la région. Article 38 de la loi n° 79-00 relative à
l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales. Article 44 de la loi n° 78.00 portant charte
communale. 126 Benjamin MEUNIER, Les règles relatives aux transferts de compétences entre collectivités publiques,
Thèse dirigée par Claude DEVES, UNIVERSITE D’AUVERGNE – CLERMONT FERRAND I, 2006, p.
05.
62
juridique. Alors que la faculté d’émettre un avis ou une proposition est beaucoup
plus une liberté qu’une compétence.
C’est peut-être cette raison qui a poussé le constituant à écarter cette
catégorie du texte fondamental. Néanmoins, sa consécration législative ne peut
pas être mise en cause par le simple fait qu’elle n’est pas consacrée par la
Constitution.
63
DEUXIEME PARTIE
LE CONTROLE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
Au début du 20ème siècle, le doyen Maurice Hauriou a écrit : « Non seulement
l’administration centrale subsiste, mais elle conserve un contrôle étendu sur les
administrations décentralisées, contrôle qui porte le nom de tutelle
administrative. Ainsi on peut dire que la centralisation reste la règle et que la
décentralisation est l’exception »127.
Aujourd’hui encore, le constat du doyen Hauriou semble être toujours valable.
Il est vrai que le régime des collectivités territoriales a subi depuis des
modifications considérables et que leur autonomie est devenue plus effective,
néanmoins, l’Etat influence encore largement la gestion des affaires locales,
notamment à travers les multiples contrôles qu’il exerce sur ces collectivités.
En effet, la décentralisation, quelle que soit son ampleur, n’implique jamais
une liberté pleine et entière des collectivités territoriales, celles-ci restent malgré
tout soumises au contrôle des autorités étatiques128.
La réalité de la décentralisation au Maroc n’échappe pas à cette logique. La
Constitution du 29 juillet 2011, même si elle instaure une nouvelle organisation
territoriale basée sur la régionalisation avancée et qu’elle consacre les principes
de la décentralisation, il n’en demeure pas moins vrai qu’elle met en évidence le
caractère unitaire de l’Etat. Ceci donne toute légitimité aux différents contrôles
institués sur les collectivités territoriales, soit par la Constitution elle-même, soit
par des textes législatifs ou réglementaires.
Ainsi certains contrôles exercés sur les collectivités territoriales relèvent de
l’ordre constitutionnel. C’est notamment le cas du contrôle effectué par les cours
régionales des comptes et qui est prévu par l’article 149 de la Constitution, mais
127 Pascal COMBEAU, « Les contrôles de l'État sur les collectivités territoriales aujourd'hui », L’Harmattan
2007, p. 01. 128 Céline ABSOLON, la télétransmission des actes des collectivités territoriales soumis au contrôle de
légalité, mémoire d’obtention de DESS en Droit De L’Internet : Administration et Entreprises, Université
Paris 1, 2004, p. 09.
64
également du contrôle administratif dont l’exercice est confié, conformément aux
dispositions de l’article 145, aux walis de régions et aux gouverneurs de
provinces et préfectures.
Dans le même contexte, le texte constitutionnel de 2011 met en place un
ensemble d’institutions et d’instances de protection des droits et libertés, de
bonne gouvernance et de régulation dont le contrôle s’étend aux activités des
collectivités territoriales. (Articles 161 à 167).
De même, le législateur organique est compétent, en vertu de l’article 146,
pour fixer les règles relatives au contrôle de la gestion des fonds et programmes
des collectivités territoriales, à l’évaluation de ses actions et à la reddition des
comptes. D’autres types de contrôle sont consacrés par des textes législatifs ou
réglementaires.
Ainsi, l’action des collectivités territoriales se trouve soumise à une pluralité de
contrôles exercés par plusieurs organismes. Chaque type du contrôle à sa raison
d’être et couvre une réalité complexe129.
Dans cette partie, nous allons distinguer entre le contrôle administratif assuré
par des instances administratives (chapitre I), le contrôle juridictionnel confié aux
juridictions du Royaume (chapitre II) et enfin le contrôle politique exercé par des
institutions politiques et des instances de bonne gouvernance (chapitre III).
129 Céline ABSOLON, la télétransmission des actes des collectivités territoriales soumis au contrôle de
légalité, Mémoire d’obtention du DESS en Droit De L’Internet : Administration et Entreprises, université
Paris 1, Septembre 2004.
65
CHAPITRE I
LA TUTELLE ET LE CONTROLE ADMINISTRATIF
L’exercice du pouvoir local par les collectivités territoriales peut présenter un
certain nombre de risques, d’où la nécessité de le soumettre à la tutelle de
l’administration et au contrôle de l’Etat pour préserver le caractère unitaire de ce
dernier et pour assurer la protection de l’intérêt général.
L’existence de ces mécanismes de contrôle ne met pas en cause la
philosophie de la décentralisation. Bien au contraire, et comme l’explique P.
Combeau, « La notion même de décentralisation ne peut se concevoir sans un
contrôle des collectivités territoriales par l’Etat »130.
La tutelle administrative constitue le moyen de contrôle le plus rigoureux et
limite considérablement le champ de manœuvre des collectivités décentralisées.
Elle correspond à ce que M.A. BENABDALLAH appelle « le stade primaire de la
décentralisation»131. Elle peut s’exercer a priori ou a posteriori et prend plusieurs
formes : approbation ou annulation des décisions, pouvoir de substitution,
suspension ou révocation des élus voire même dissolution des assemblées.
En France, la tutelle administrative sur les collectivités territoriales a été
supprimée depuis l’adoption de la loi du 2 mars 1982 et remplacée par le contrôle
administratif.
Par ailleurs, au Maroc, les dispositions relatives à la tutelle sont toujours en
vigueur, sauf que la consécration constitutionnelle du contrôle administratif
reflète la volonté du constituant de 2011 de passer à un nouveau stade de la
décentralisation où les collectivités seront affranchies de la tutelle administrative.
130 Pascal Combeau, Les contrôles de l'État sur les collectivités territoriales aujourd'hui, L’Harmattan 2007,
p. 01. 131 Mohammed Amine BENABDALLAH, Propos sur la décentralisation territoriale au Maroc, Economica,
2003, p. 19.
66
I. La tutelle administrative
Le concept de tutelle est emprunté au droit civil. Il s’agit d’une mesure de
protection et de représentation juridique permettant la protection par
un tuteur d'une personne majeure dont les capacités physiques ou mentales sont
altérées, ou de mineurs qui ne sont pas protégés par l'autorité parentale.
La tutelle administrative de droit public est une forme de pouvoir ou de contrôle
d'une personne morale de droit public ou d'un organe administratif sur une autre
institution publique.
L’objectif de la tutelle administrative exercée sur les collectivités territoriales
est d’assurer le respect du droit et la sauvegarde de l’intérêt général contre
l’inertie préjudiciable, les excès et les empiètements des collectivités territoriales.
P. Fraisseix définit la tutelle comme « une sorte de contrôle disciplinaire assuré
par une autorité étatique ou un représentant de l’Etat sur une autorité locale élue
décentralisée »132.
La tutelle administrative n’est pas la négation de l’autonomie locale ou de la
libre administration. Elle constitue en fait l’acte par lequel l’Etat, qui confère aux
collectivités territoriales l’exercice des responsabilités publiques locales, veille au
respect par les conseils délibérants et les organes exécutifs des lois et
règlements en vigueur et d’assurer la protection de l’intérêt général133. Il s’agit,
pour emprunter l’expression à M.A. BENABDALLAH, d’un « procédé nécessaire
de la défense de l’intérêt général contre les éventuels excès des collectivités
décentralisées »134.
Par ailleurs, la tutelle doit être distinguée de la subordination hiérarchique qui
constitue un pouvoir général qui s’exerce même en cas de silence des textes. La
132Patrick Fraisseix, Institutions administratives: administrations centrale et locale, missions de
l'administration, justice administrative, Panorama du droit 2006, p. 14. 133Mohamed BRAHIMI, La commune marocaine : un siècle d’histoire, de la veille du protectorat à 2009,
Tome II, in REMALD, série « thèmes actuels », n° 65 bis, 2010, p. 240. 134 Mohammed Amine BENABDALLAH, Propos sur la décentralisation territoriale au Maroc, Economica,
2003, p. 19.
67
tutelle constitue un pouvoir conditionné. Elle ne comporte pas le pouvoir de
donner des instructions, ni celui de réformation135. Elle est considérée comme un
« régime d’exception ». Autrement dit, le principe est l’autonomie des collectivités
territoriales. La tutelle ne se présume pas. Elle doit être prévue expressément
par un texte conformément au principe « pas de tutelle sans texte »136.
Le législateur marocain a soumis toutes les catégories de collectivités
territoriales à une tutelle administrative très étroite. On distingue entre la tutelle
sur les personnes et la tutelle sur les actes qui sont exercées par les services du
ministère de l’intérieur.
Les collectivités territoriales et leurs groupements sont soumis également à un
régime particulier de contrôle budgétaire confié aux services du ministère des
finances. En outre l’Etat, via les corps d’inspection, exerce un contrôle a posteriori
sur la gestion des collectivités territoriales.
A. La tutelle sur les personnes
Historiquement, la modalité la plus rigoureuse de contrôle exercé par l’Etat sur
les organes des collectivités territoriales a été la nomination gouvernementale de
ces organes. Cette nomination était habituellement accompagnée d’un pouvoir
disciplinaire de sanction, de suspension, de destitution et même de dissolution
des organes en question.
Ce type de contrôle n’est plus compatible avec les exigences de la démocratie
locale ni avec les principes de la décentralisation137. La tutelle sur les collectivités
territoriales constitue une alternative au contrôle hiérarchique. Elle permet
d’exercer un contrôle disciplinaire sur les organes de ces collectivités sans mettre
en cause substantiellement leur autonomie.
135 Pascal Mahon, La Décentralisation administrative: étude de droit public français, allemand et suisse,
Librairie Droz, Genève 1985, p. 58. 136 Tarik Zair, La gestion décentralisée du développement économique au Maroc, L’Harmattan 2007, p.
365. 137 Le contrôle et l’audit de l’action des collectivités locales, Rapport du Comité directeur sur la démocratie
locale et régionale (CDLR) préparé avec la collaboration de Juan Santamaria Pastor et de Jean-Claude
Nemery in communes et régions d’Europe n° 66, Conseil de l’Europe, mars 1999, p. 24.
68
La tutelle administrative exercée sur les personnes et les organes des
collectivités territoriales est strictement encadrée par la loi. En effet, les textes
relatifs à la décentralisation prévoient expressément les cas, les conditions et les
modalités de son exercice.
La tutelle sur les personnes concerne tous les organes des collectivités
territoriales : les présidents des conseils, les conseils et les élus pris
individuellement. Elle se matérialise par un ensemble de sanctions. Ainsi, dans
les conditions prévues par la loi, les membres des conseils peuvent être
suspendus ou déclarés démissionnaires par arrêté motivé du ministre de
l’intérieur ou révoqués par décret motivé du Chef du Gouvernement. De même,
les conseils peuvent être suspendus par arrêté motivé du ministre de l’intérieur
ou dissous par décret motivé138.
Malgré l’efficacité de la tutelle sur les personnes en termes de la discipline des
élus et des conseils et de leur respect de la légalité et de la régularité, elle
constitue « une profonde atteinte à l’autonomie des pouvoirs décentralisés »139.
B. La tutelle sur les actes
La tutelle est exercée aussi bien sur les actes des conseils délibérants que sur
ceux des organes exécutifs. Elle est exercée par les wali de régions ou les
gouverneurs de provinces et préfectures pour les actes des communes rurales
et certains actes des communes urbaines, et par le ministre de l’intérieur ou son
délégué pour les actes des autres collectivités territoriales140.
1. La tutelle sur les actes des conseils délibérants
Les textes relatifs à la décentralisation prévoient une tutelle administrative
rigoureuse sur les délibérations et les actes des conseils des collectivités
138 Articles 20 à 27 de la loi n°78-00 portant charte communale, articles 22 à 28 de la loi n° 79-00 relative
à l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales et les articles 17, 19, 20 et 33 de la loi n° 47-
96 relative à l'organisation de la région. 139 Tarik Zair, La gestion décentralisée du développement économique au Maroc, L’Harmattan 2007, p.
366. 140 L’article 73 de la loi n°78-00 portant charte communale, l’article 60 de la loi n° 79-00 relative à
l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales et l’article 43 de la loi n° 47-96 relative à
l'organisation de la région.
69
territoriales. En effet, les actes pris en matière financière, budgétaire ou fiscale
et les décisions relatives à la gestion du patrimoine, la gestion des services
publics locaux ou la coopération et le partenariat, ne sont exécutoires qu’après
leur approbation par l’autorité de tutelle141.
En outre, les textes en vigueur prévoient que l’autorité de tutelle peut
provoquer, par demande motivée, un nouvel examen par le conseil délibérant
d'une question dont celui-ci a déjà délibéré, s'il ne lui paraît pas possible
d'approuver la délibération prise.
2. La tutelle sur les actes des organes exécutifs
La charte communale consacre son chapitre II à la tutelle sur les actes du
président du conseil communal. Conformément à son article 76, les actes
réglementaires pris par le président en vertu de l’article 47 paragraphe 2 et de
l’article 50, doivent être, pour être exécutoires, revêtus du visa du ministre de
l’intérieur ou son délégué pour les communes urbaines et du wali ou du
gouverneur pour les communes rurales.
En outre, l’article 77 de la charte communale reconnait à l’autorité
administrative locale la possibilité de substituer au président du conseil
communal qui refuse ou s’abstient de prendre les actes qui lui sont légalement
impartis lorsque ce refus ou cette abstention a pour effet de se soustraire à une
disposition législative ou réglementaire, de nuire à l’intérêt général ou de porter
atteinte à des droits des particuliers.
Par ailleurs, les textes relatifs à l’organisation préfectorale, provinciale et
régionale ne prévoient aucune forme de tutelle sur les actes de l’exécutif. En
effet, les walis et les gouverneurs qui sont chargés d’exécuter les délibérations
des conseils préfectoraux, provinciaux et régionaux sont des représentants de
l’Etat. A ce titre, ils subissent une subordination hiérarchique qui permet à l’Etat
141 Voir l’article 41 de la loi n° 47-96 relative à l'organisation de la région, l’article 69 de la loi n° 78-00
portant charte communale et l’article 59 de la loi n° 79-00 relative à l'organisation des collectivités
préfectorales et provinciales.
70
de contrôler leurs actes d’une manière beaucoup plus rigoureuse et efficace que
la tutelle.
La Constitution de 2011, en accordant aux présidents des préfectures, des
provinces et des régions le pouvoir exécutif de leurs collectivités, met leurs actes
à l’abri de tout contrôle hiérarchique. Ce constat peut conduire à la mise en place
d’une tutelle administrative sur ces actes à l’image de la tutelle exercée sur les
actes du président du conseil communal. Cependant, la constitutionnalisation de
la libre administration et du contrôle administratif n’est compatible avec aucune
forme de tutelle administrative.
C. Le contrôle budgétaire
Le principe de la séparation de l’ordonnateur et du comptable conduit à confier
l’exécution du budget des collectivités territoriales à deux catégories d’agents
nettement séparés. Le président de la collectivité intervient dans la phase
administrative, en tant qu’ordonnateur ; et le comptable public intervient dans la
phase comptable des opérations142. Ce dernier manipule les deniers publics et
les textes le chargent d’effectuer le contrôle de certaines opérations budgétaires.
Ainsi, en vertu des dispositions de l’article 55 du Décret n° 2-09-441 du 3
janvier 2010 portant règlement de la comptabilité publique des collectivités
locales et de leurs groupements, les dépenses de ces derniers sont soumises au
contrôle budgétaire effectué par les services de la trésorerie générale du
Royaume. Deux types de contrôle budgétaire sont à distinguer : le contrôle de
l’engagement et le contrôle du paiement143.
142 Gestion financière des collectivités locales, communes et régions d’Europe n°50, Conseil de l’Europe
1993, p. 49. 143 Décret n° 2-09-441 du 17 moharrem 1431 (3 janvier 2010) portant règlement de la comptabilité publique
des collectivités locales et de leurs groupements. Bulletin officiel n° 5814 du 03 rabii I 1431 (18 février
2010).
71
1. Le contrôle de l’engagement
Ce contrôle est prévu par l’article 61 du décret cité. Il intervient avant que
l’engagement ne devienne définitif. Il est exercé par le trésorier payeur communal
et porte sur les points suivants:
La disponibilité des crédits et des postes budgétaires ;
L’imputation budgétaire ;
L’exactitude des calculs du montant de l’engagement ;
Le total de la dépense à laquelle la collectivité territoriale ou le groupement
s’oblige pour toute l’année d’imputation.
Pour l’exercice de ce contrôle, les propositions d’engagement de dépenses
faites par les ordonnateurs des collectivités territoriales et de leurs groupements
sont accompagnées d’une « fiche navette » aux fins de certification et de prise
en charge comptable (article 62).
Le contrôle de l’engagement est sanctionné soit par la certification de la fiche
navette, soit par la suspension de la certification de celle-ci qui est alors renvoyée
à l’ordonnateur pour régularisation. (Article 63).
L’ordonnateur peut maintenir une proposition d’engagement d’une dépense
ayant fait l’objet d’une suspension de certification. Dans ce cas, il doit saisir le
ministre de l’intérieur ou son délégué pour passer outre cette suspension de
certification, sauf si celle-ci est motivée par l’insuffisance ou l’indisponibilité des
crédits ou des postes budgétaires. (Article 66).
2. Le contrôle du paiement
Ce contrôle est confié à la même autorité chargée du contrôle de
l’engagement, à savoir le trésorier payeur. Conformément aux dispositions de
l’article 74 du Décret portant règlement de la comptabilité publique des
collectivités locales et de leurs groupements, cette autorité est compétente pour
vérifier :
L’exactitude des calculs de liquidation ;
L’existence de la certification préalable d’engagement budgétaire ;
72
Le caractère libératoire du règlement.
La signature de l’ordonnateur qualifié ou de son délégué ;
La disponibilité des crédits de paiement ;
La disponibilité des fonds ;
La production des pièces justificatives prévues par la réglementation en
vigueur, dont celles comportant la certification du service fait par
l’ordonnateur qualifié.
Ce contrôle est sanctionné, soit par le visa et le règlement des dépenses
lorsqu’aucune irrégularité n’a été relevée, soit par la suspension du visa en cas
de constatation d’irrégularités. Dans ce second cas, les ordonnances de
paiement non visées sont renvoyées à l’ordonnateur aux fins de régularisation.
Toutefois, en cas de suspension du visa, l’ordonnateur peut passer outre le
trésorier payeur par le biais d’un ordre écrit et sous sa responsabilité, appelé
ordre de réquisition. Cette procédure permet au trésorier de procéder au visa
pour paiement sans en être responsable. (Article 75).
Par ailleurs, l’ordre de réquisition doit être refusé par le trésorier payeur
lorsque la suspension du paiement est décidée pour l’un des motifs suivants :
L’absence, l’indisponibilité ou l’insuffisance des crédits ;
L’absence, l’indisponibilité ou l’insuffisante des fonds ;
L’absence de certification préalable de la proposition d’engagement ;
Le défaut du caractère libératoire du règlement.
D. Le contrôle de la gestion par les corps d’inspection
L’Inspection générale des finances et l’Inspection générale de l’administration
territoriales effectuent, au nom des ministres chargés respectivement des
finances et de l’intérieur, un contrôle a posteriori sur les actes des collectivités
territoriales. Ces corps d’inspection constituent des autorités administratives dont
le contrôle porte sur la légalité, la régularité et la sincérité. A cet effet, ils vérifient
la réalisation effective des services fournis, les fournitures livrées et les travaux
effectués.
73
1. L’Inspection générale des finances
L’Inspection générale des finances est un corps supérieur d’inspection créé
par le Dahir n° 1.59.269 du 14 avril 1960. En matière de contrôle des collectivités
territoriales, elle est compétente pour :
- Effectuer les vérifications des services de caisse et de comptabilité,
deniers et matières, des comptables publics chargés d’exécuter les
recettes et les dépenses des collectivités territoriales ;
- Contrôler et auditer la gestion des comptables publics et des collectivités
territoriales;
- Auditer les actions réalisées dans le cadre de l’Initiative nationale pour le
développement humain en partenariat avec l’Inspection générale de
l’administration territoriale144;
- Evaluer les résultats atteints en comparaison avec les objectifs tracés et
les moyens utilisés et s’assurer que le contrôle interne, les systèmes
d’information et les procédures appliquées garantissent, au sein de
l’organisme, une gestion optimale des ressources, et de leur utilisation
ainsi que la protection de son patrimoine.
- Formuler des recommandations en vue d’améliorer la gestion des
collectivités contrôlées.
Les rapports de l’Inspection générale des finances, établis définitivement
après l’engagement de la procédure contradictoire permettant aux entités
inspectées de formuler leurs réponses et explications, sont adressés au ministre
de l’intérieur et à la cour régionale des comptes pour tout ce qui concerne la
discipline budgétaire et financière145.
2. L’Inspection générale de l’administration territoriale
L’Inspection générale de l’administration territoriale est un corps de contrôle
institué au sein du ministère de l’intérieur. Elle assure le contrôle et la vérification
144 L’article 13 du décret n°02. 05. 1017 du 19 juin 2005 relatif aux modalités d’exécution des dépenses du
compte spécial de l’INDH. 145 L’article 2 du Dahir n° 1-59-269 du 14 avril 1960 relatif à l'inspection générale des finances et l’article
138 de la loi n° 62-99 formant code des juridictions financières.
74
de la gestion administrative, technique et comptable des services relevant du
ministère de l'intérieur, des collectivités territoriales et de leurs groupements146.
Ses missions peuvent être des missions d’inspection, d’audit ou d’étude et de
réflexion.
En matière de contrôle de la gestion des collectivités territoriales et de leurs
groupements, elle contrôle la manière dont le bureau exécutif gère les biens de
la collectivité. A cet effet, elle est chargée de s’assurer de la légalité et de la
régularité des décisions de l’organe exécutif et des délibérations des
assemblées.
L’IGAT effectue également un contrôle d’opportunité. Dans ce sens, elle
évalue la pertinence des décisions prises et leur adéquation avec les exigences
d’une bonne gestion des affaires locales de la collectivité concernée et formule
des recommandations en vue d’améliorer la performance et l’efficience de la
gestion147.
Les inspecteurs de l’administration territoriales rendent compte
individuellement de leurs inspections, par des rapports écrits, au ministre de
l'intérieur148. Ces rapports comportent des propositions de mesures à prendre en
fonction de la nature et de la gravité des anomalies constatées (redressement,
suspension, révocation, saisine de la cour régionale des comptes et poursuites
judiciaires).
Par ailleurs, la mise en application des nouvelles dispositions
constitutionnelles relatives aux collectivités territoriales va changer
substantiellement la nature des missions de l’IGAT. Le principe de libre
administration est incompatible avec les sanctions administratives que les
inspecteurs peuvent proposer au ministre de l’intérieur. Il est à noter que les
projets des lois organiques relatifs aux collectivités territoriales confient la
146 L’article 2 du Décret n° 2-94-100 du 16 juin 1994 portant statut particulier de l'inspection générale de
l'administration territoriale, Bulletin Officiel n° 4264 du Mercredi 20 Juillet 1994. 147 Les organes du contrôle et leur rôle dans la lutte contre la corruption, Ministère de la modernisation des
secteurs publics, octobre 2011, pp. 17-18. 148 L’article 7 du Décret n° 2-94-100 du 16 juin 1994 portant statut particulier de l'inspection générale de
l'administration territoriale, Bulletin Officiel n° 4264 du Mercredi 20 Juillet 1994.
75
compétence de la révocation des élus locaux exclusivement au juge
administratif149. Ainsi, après l’adoption de ces projets, aucune sanction
administrative ne pourrait être prononcée contre un élu local. Par voie de
conséquence, les rapports de l’IGAT ne pourraient plus proposer ce type de
sanctions.
II. Le contrôle administratif
La notion de contrôle administratif est entrée dans le droit positif marocain
depuis l’adoption de la Constitution du 29 juillet 2011. Elle a été insérée par
l’article 145 qui énonce que « Dans les collectivités territoriales, les walis de
régions et les gouverneurs de provinces et préfectures représentent le pouvoir
central. Au nom du Gouvernement, ils assurent l’application des lois, mettent en
œuvre les règlements et les décisions gouvernementales et exercent le contrôle
administratif».
Le texte constitutionnel ne donne aucune définition de cette notion. De même,
l’article 146 qui prévoit les matières que la loi organique relative aux collectivités
territoriales doit réglementer, ne fait aucune référence au contrôle administratif.
Toutefois, rien n’empêche le législateur organique de définir les conditions de
son exercice étant donné que les matières qui figurent dans l’article 146 ne sont
listées qu’à titre indicatif et non pas exhaustif tel que le montre l’adverbe
« notamment »150. Il appartient donc au législateur organique, sous le contrôle du
juge constitutionnel, de déterminer les conditions de l’exercice du contrôle
administratif, ses modalités et ses procédures.
Ce contrôle doit permettre aux walis et gouverneurs en tant que représentants
du pouvoir central d’assurer l’application de la loi et la prééminence des intérêts
149 L’article 63 du projet de loi organique n° 113-14 relatif aux communes, l’article 64 du projet de loi
organique n° 112-14 relatif aux préfectures et provinces et l’article 66 du projet de loi organique n° 111-14
relatif aux régions. Consultés sur
http://www.sgg.gov.ma/ProjetsTextesDiffus%C3%A9sMembresGouvernement.aspx, le 02-03-2015,
disponibles uniquement en langue arabe.
150 « Une loi organique fixe notamment :…. » L’article 146 de la Constitution de 29 juillet 2011.
76
nationaux sur les intérêts locaux, et faire prévaloir l’unité de l’ordre juridique
national.
Toutefois, le législateur doit veiller à ne pas porter atteinte au principe
constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. Ainsi, l’enjeu
serait de trouver un équilibre entre la libre administration des collectivités
territoriales et le contrôle administratif exercé par le représentant de l’Etat.
L’expérience française en la matière serait inévitablement une référence
importante.
En effet, la Constitution française consacre le contrôle administratif dans son
article 72151. Les modalités de son exercice sont fixées par des dispositions
législatives notamment celles de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et
libertés des communes, des départements et des régions.
Si le contrôle administratif est considéré par certains spécialistes comme étant
en « flagrante contradiction avec le principe de libre administration »152, il n’en
demeure pas moins qu’il constitue un moyen du contrôle beaucoup plus souple
et plus respectueux des libertés locales que la tutelle administrative153.
Le contrôle administratif ne peut pas porter sur l’opportunité des actes. Il porte
uniquement sur leur légalité. Le représentant de l’Etat contrôle aussi bien la
légalité externe que la légalité interne. Toutefois, il ne dispose pas du pouvoir
d’approbation ni d’annulation. Il ne dispose que de la possibilité de saisir le juge
administratif pour les actes qu’il considère comme entachés d’illégalité154.
A. La nature du contrôle administratif
Le contrôle administratif est un contrôle de légalité exercé a posteriori par le
représentant de l’Etat sur les actes des collectivités territoriales. Il est exercé en
151 « …Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l’État, représentant de
chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du
respect des lois ». L’article 72 de la Constitution française de 1958. 152 Tarik ZAIR, le nouveau statut constitutionnel des collectivités territoriales, in REMALD, numéro double
99-100, juillet-octobre 2011, p. 27. 153 Marie-José TULARD, la réforme du contrôle de légalité, in Les contrôles de l'État sur les collectivités
territoriales aujourd'hui, L’Harmattan 2007, p. 09. 154 Diane Roman, L'indispensable du droit administratif, Studyrama 2004, p. 29.
77
France par les préfets de régions et les préfets de départements155. Au Maroc, il
est confié aux walis de régions et aux gouverneurs de préfectures et provinces156.
La vérification de la légalité des actes des collectivités territoriales constitue la
raison d'être essentielle de ce contrôle. Son fondement se trouve dans les
principes de l'Etat de droit.
En effet, les collectivités territoriales, à l’instar de toutes les autorités
administratives, sont tenues de respecter le principe de légalité aussi bien dans
leurs rapports avec les autres collectivités publiques et l'Etat que dans leurs
rapports avec les administrés157.
Le contrôle administratif, comme son nom l’indique n’est pas un contrôle
juridictionnel. Le représentant de l’Etat peut contrôler seul et conclure à la légalité
de l’acte. Il peut également, en cas d’irrégularité, entrer dans des négociations
avec la collectivité territoriale en question en vue d’obtenir une rectification de
l’acte contesté. Cependant, il n’est pas compétent pour annuler l’acte objet du
contrôle. S’il estime qu’il est entaché d’illégalité il peut, dans le cadre du déféré
préfectoral, saisir le juge administratif qui est le seul compétent pour déclarer son
illégalité et pour l’annuler158.
B. Le champ d’application du contrôle administratif
En France, le contrôle administratif porte sur l’ensemble des actes des
collectivités territoriales qu’ils soient unilatéraux ou contractuels. Toutefois, les
actes du maire exerçant ses fonctions en tant que représentant de l’Etat et les
actes relevant du droit privé sont exclus de ce contrôle.
Par ailleurs, deux catégories d’actes soumis au contrôle administratif sont à
distinguer. D’abord, les actes soumis à l’obligation de transmission, dont la liste
155 L’article 34 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiée relative aux droits et libertés des communes,
des départements et des régions, et l’article 4 du Décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs
des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements. 156 L’article 145 de la Constitution marocaine du 29 juillet 2011. 157 Le contrôle et l’audit de l’action des collectivités locales, Rapport du Comité directeur sur la démocratie
locale et régionale (CDLR) préparé avec la collaboration de Juan Santamaria Pastor et de Jean-Claude
Nemery in communes et régions d’Europe n° 66, Conseil de l’Europe, mars 1999, p. 25. 158 Nadine Dantonel-Cor, Droit des collectivités territoriales, 3éme édition, BREAL 2007, p. 261.
78
est déterminée exhaustivement par la loi, qui ne sont exécutoires qu’après leur
publication ou leur notification et leur transmission au représentant de l’Etat.
Ensuite, les actes non soumis à l’obligation de transmission et qui sont
exécutoires dès leur publication ou leur notification.159.
Au Maroc, étant donné que le président du conseil communal n’a pas la qualité
du représentant de l’Etat, les textes qui réglementeraient le contrôle administratif
l’étendraient éventuellement à tous les actes des collectivités territoriales
relevant du droit public.
C. La saisine du tribunal administratif
Dans le cadre du déféré préfectoral, le représentant de l’Etat peut saisir le
tribunal administratif de tout acte pris par les collectivités territoriales et qu’il
estime contraire à la légalité, soit de sa propre initiative, soit sur demande d’un
administré lésé.
La jurisprudence française a considéré le déféré préfectoral comme un
véritable recours pour excès de pouvoir (CE 26 juillet 1991 Commune de Sainte-
Marie et CE 28 février 1997 Commune du port). En effet, le déféré est soumis à
toutes les règles qui régissent ce recours, soit au niveau des cas d’ouverture ou
des conditions de recevabilité160. Ainsi, ne peuvent faire objet du déféré que les
actes qui réunissent les trois conditions suivantes:
- L’acte doit être administratif : ainsi les actes des collectivités territoriales
qui relèvent du droit privé ne peuvent pas faire objet de déféré préfectoral.
- L’acte doit faire grief : c’est-à-dire qu’il doit s’agir d’un acte qui modifie
l’ordonnancement juridique et qui crée des droits ou des obligations au
profit ou à la charge des administrés161.
159 Les collectivités territoriales en France, coordonné par Maryvonne Bonnard, la documentation française
2008, p. 38. 160 Nadine Dantonel-Cor, Droit des collectivités territoriales, Bréal 2007, p. 262. 161 Nadine Poulet-Gibot Leclerc , Droit administratif: Sources, moyens, contrôles, Bréal 2007, pp. 222-223.
79
- L’acte ne doit pas être soumis au contrôle budgétaire : en vertu du principe
de l’exception de recours parallèle, un acte soumis au contrôle budgétaire
ne peut pas faire objet du déféré162.
Le délai de recours en matière de déféré est régi, lorsque la loi n’en dispose
pas autrement, par les règles de droit commun de la procédure devant les
tribunaux administratif. Ainsi, le préfet dispose d’un délai franc de deux mois qui
commence à courir le lendemain du jour de la publication ou la notification (ou
encore de la soumission pour les actes soumis à cette formalité), et reste ouvert
jusqu’à la fin de la vingt-quatrième heure du jour où les deux mois sont atteints163.
En cas de saisine du tribunal administratif d’un acte d’une collectivité
territoriale, le représentant de l’Etat auteur de la saisine doit en informer sans
délai la collectivité concernée et lui communiquer toutes les précisions sur les
illégalités invoquées à l’encontre de l’acte objet de saisine.
L’objectif de cette formalité est de mettre la collectivité territoriale en mesure,
dès l’engagement de la procédure contentieuse, de modifier, si elle le souhaite,
l’acte contesté dans le sens de la légalité ou de le retirer définitivement. Cette
procédure permet d’éviter les contentieux et saisines inutiles.
Par ailleurs, le juge administratif français a considéré que le déféré préfectoral
a un caractère facultatif. Le préfet dispose d’un pouvoir discrétionnaire en la
matière. Il peut, après avoir déféré un acte, se désister pour des motifs
d’opportunité (CE, 25 février 1991, Brasseur). Il lui est possible aussi de refuser
à une personne physique ou morale la demande de déférer un acte au juge
administratif164.
Si le contrôle administratif effectué par le représentant du pouvoir central est
considéré comme le plus respectueux de l’autonomie locale, il n’en reste pas
moins qu’il est légitime de le considérer comme portant risque d’ouvrir la porte
aux abus des responsables locaux.
162 Nadine Dantonel-Cor, Droit des collectivités territoriales, Bréal 2007, p. 264. 163 Marie-José TULARD, La réforme du contrôle de légalité, in Les contrôles de l'État sur les collectivités
territoriales aujourd'hui, L’Harmattan 2007, pp. 23-24. 164 Nadine Dantonel-Cor, Droit des collectivités territoriales, Bréal 2007, p. 263.
80
En vue de faire face à cette carence et de renforcer le contrôle de légalité des
actes des collectivités territoriales, une partie de la doctrine propose la création
d’un « ministère public de la décentralisation » qui serait compétent pour
poursuivre devant le juge administratif les violations de la légalité administrative
commises par les autorités locales165.
165 Hugues CLEPKENS, la fonction juridique dans les collectivités locales : connaissance et
méconnaissance du droit, in La gestion locale face à l'insécurité juridique: Diagnostic, analyse,
propositions, publié par l’Institut de la décentralisation, L’Harmattan 1997, p. 240.
81
CHAPITRE II
LE CONTRÔLE JURIDICTIONNEL
Les collectivités territoriales sont soumises à une pluralité de contrôles
juridictionnels. Le contrôle de légalité est assuré par le juge administratif qui peut
être saisi par les administrés, à travers le recours pour excès de pouvoirs, ou par
le représentant de l’Etat, à travers le mécanisme du déféré dans le cadre du
contrôle administratif traité dans le chapitre précédent.
En outre, les juridictions financières sont compétentes pour contrôler les
activités budgétaires et financières des collectivités territoriales. En effet, les
cours régionales des comptes sont chargées, en vertu de l’article 149 de la
Constitution, d’assurer le contrôle des comptes et de la gestion des collectivités
territoriales. Elles sont compétentes aussi pour sanctionner « les manquements
aux règles qui régissent les opérations financières publiques ».
Le contrôle des collectivités territoriales peut également être assuré par les
juridictions civiles, c’est le cas du contrôle des actes qui relèvent du droit
commun. La juridiction pénale peut aussi intervenir pour réprimer des infractions
de nature pénale commises par les organes locaux.
Nous laisserons de côté les contrôles juridictionnels civil et pénal pour ne
traiter que le contrôle exercé par le juge administratif (I), et celui exercé par le
juge financier (II).
I. Le contrôle exercé par les juridictions administratives
La reconnaissance du principe d’autonomie locale et de la libre administration
des collectivités territoriales exige un nouveau cadre du contrôle qui jouerait le
rôle d’arbitre de la nouvelle politique décentralisatrice. Ce contrôle est confié aux
juges administratifs.
82
Dans l’accomplissement de cette tâche, les juges exercent un strict contrôle
de légalité. Ils ne sont pas compétents pour se prononcer sur l’opportunité des
actes et ne peuvent pas, par conséquent, modifier une décision librement
adoptée par une collectivité dans un domaine d’activité où celle-ci bénéficie
d’une marge d’appréciation discrétionnaire166.
Le contrôle de légalité exercé par le juge administratif sur les collectivités
territoriales est considéré comme le plus respectueux des libertés locales que la
tutelle administrative. Il permet de concilier entre le caractère unitaire de l’ordre
juridique de l’Etat et le principe de la libre administration des collectivités
territoriales167.
Ce contrôle est exercé a posteriori puisqu’il intervient après que l’acte ait effet.
Il s’agit donc du contrôle le plus respectueux envers l’autonomie locale168 et le
plus compatible avec le principe de libre administration des collectivités
territoriales.
Les actes administratifs des collectivités territoriales sont donc soumis, à
l’instar des actes administratifs de l’Etat, au contrôle de légalité exercé par le juge
administratif. Un contrôle qui est fondé sur le principe de la hiérarchie des normes
et qui exige que ces actes soient conformes aux normes réglementaires et
législatives qui leur sont supérieures.
En France, depuis la loi du 2 mars 1982 la tutelle a été supprimée et les
collectivités territoriales ne sont soumises qu’au contrôle de légalité exercé par
le juge administratif. Cette loi pose le caractère exécutoire des actes des
collectivités territoriales dès leur publication, notification ou transmission169.
Par ailleurs, en droit marocain, le contrôle de légalité coexiste avec la tutelle
administrative. L’article 118 de la Constitution du 29 juillet 2011 dispose que
166 Le contrôle et l'audit de l'action des collectivités locales, in communes et régions d’Europe n°66, Conseil
de l’Europe, mars 1999, p. 34. 167 Pascal Combeau, Les contrôles de l'État sur les collectivités territoriales aujourd'hui, L’Harmattan 2007,
p.09. 168 Le contrôle et l'audit de l'action des collectivités locales, éditions du conseil de l’Europe, Communes et
Régions d’Europe n°66, mars 1999, p. 39. 169Nadine Poulet-Gibot Leclerc, Droit administratif: Sources, moyens, contrôles Bréal 2007, p. 28.
83
« …Tout acte juridique, de nature réglementaire ou individuelle, pris en matière
administrative, peut faire l’objet de recours devant la juridiction administrative
compétente ». Ainsi, aucune disposition législative ou réglementaire ne peut
soustraire aucun acte administratif au contrôle du juge administratif.
De ce fait, les actes des collectivités territoriales qui ont un caractère
administratif sont susceptibles de recours en annulation devant le juge
administratif. Ce dernier est compétent pour l'appréciation de leur légalité.
En effet, en vertu de l’article 8 de la loi n° 41-90 instituant les tribunaux
administratifs170, le juge administratif est compétent pour juger les recours en
annulation pour excès de pouvoir formés contre les décisions des collectivités
territoriales en tant qu’autorités administratives, les litiges relatifs aux contrats
administratifs conclus par ces collectivités et les actions en réparation des
dommages causés par leurs actes ou leurs activités, à l'exclusion toutefois de
ceux causés sur la voie publique par leurs véhicules.
Ils sont également compétents pour connaître des litiges nés à l'occasion de
l'application de la législation et de la réglementation des pensions et du capital-
décès des agents des collectivités territoriales, de la législation et de la
réglementation en matière électorale et fiscale, du droit de l'expropriation pour
cause d'utilité publique, des actions contentieuses relatives aux recouvrements
des créances du trésor et des litiges relatifs à la situation individuelle de leurs
fonctionnaires et agents.
Le contrôle des actes des collectivités territoriales par les juridictions
administratives est effectué principalement dans deux cas : le recours en
annulation pour excès de pouvoir qui doit être introduit dans le délai de soixante
jours à compter de la publication ou de la notification à l'intéressé de l'acte
attaqué171, et l'exception d'illégalité qui ne peut être invoquée que lors d'une
instance juridictionnelle (sans condition de délai).
170 Dahir n° 1-91-225 (22 rebia I 1414) portant promulgation de la loi n° 41-90 instituant des tribunaux
administratifs (B.O. 3 novembre 1993). 171 L’article 23 du Dahir n° 1-91-225 (22 rebia I 1414) portant promulgation de la loi n° 41-90 instituant
des tribunaux administratifs (B.O. 3 novembre 1993).
84
A. La saisine du juge administratif
L’article 3 de la loi n° 41.90 instituant les tribunaux administratifs dispose que
« le tribunal administratif est saisi par une requête écrite signée par un avocat
inscrit au tableau de l'un des barreaux du Maroc… ». La requête doit indiquer le
nom, le prénom, la qualité ou la profession, le domicile ou la résidence du
défendeur et du demandeur, ainsi que, s'il y a lieu, le nom, la qualité et le domicile
du mandataire du demandeur. Si le requérant est une société, la requête doit
indiquer la dénomination sociale, la nature et le siège de la société. En outre, la
requête doit énoncer sommairement l'objet de la demande, les faits et moyens
invoqués172.
Par ailleurs, la personne qui saisit le juge administratif doit être capable d’agir
en justice et présenter un intérêt à agir. C’est-à-dire, la recevabilité de la
demande en justice est subordonnée à la présence de l'intérêt à agir.
Si la notion "d’intérêt à agir" se matérialise, en plein contentieux, par
l’existence d’un préjudice direct et personnel causé par l’administration, il n’en
demeure pas moins que dans le cadre du contentieux de la légalité, l’intérêt à
agir peut être purement moral. Dans ce sens, Pascal Labbée a écrit : « Pour avoir
qualité à agir, il faut appartenir à une catégorie définie et limitée de personnes
touchées par un acte critiqué ou potentiellement touché par l’acte. Il faut
appartenir au cercle des "intéressés"»173.
B. Le champ d’application du contrôle de légalité
Les collectivités territoriales agissent principalement en leur qualité de
personnes de droit public qui disposent de la prérogative de la puissance
publique. A ce titre, elles émettent des actes administratifs soumis au contrôle du
juge administratif. Cependant, ces collectivités peuvent, exceptionnellement, agir
en tant que personnes de droit privé et prendre des actes qui échappent au
contrôle des juridictions administratives.
172 Article 32 de la loi n° 1-74-447 portant code de la procédure civile. 173 Pascal Labbée, introduction au droit processuel, Presses Universitaires de Lille 1995, p. 48.
85
1. Les actes soumis au contrôle de légalité
En vertu des dispositions de l’article 118 de la Constitution, tous les actes
administratifs, de nature réglementaire ou individuelle, sont susceptibles de
recours devant le juge administratif. De ce fait, les actes émis par les collectivités
territoriales en matière administrative peuvent faire objet de recours devant les
juridictions administratives.
Le contrôle du juge administratif couvre aussi bien les délibérations des
conseils que les actes unilatéraux et les actes contractuels des organes exécutifs
qui relèvent du droit public.
2. Les actes échappant au contrôle de légalité
Certains actes émis par les collectivités territoriales échappent au contrôle du
juge administratif. En effet dans certaines circonstances, la collectivité peut
entretenir des rapports de droit commun et agir comme une personne privée. Il
en est par exemple ainsi des actes relatifs à la gestion du domaine privé des
collectivités territoriales et des contrats de droit privé conclus avec les personnes
privées. Les actes émis dans ces conditions n’ont pas la qualité d’acte
administratif. De ce fait, ils sont exclus du contrôle de légalité et ne relèvent pas
de la compétence des juridictions administratives. Toutefois, ils sont soumis au
contrôle du juge civil qui leur applique le droit privé.
C. Les éléments du contrôle de légalité
A l’occasion de l’appréciation de la légalité d’un acte administratif, le juge
administratif assure le contrôle de deux types de légalité : la légalité externe et la
légalité interne :
1. Le contrôle de légalité externe
Le contrôle de légalité externe porte sur la compétence de l’autorité qui a pris
l’acte et sur la forme et la procédure suivie pour son édiction. A cette occasion,
le juge se livre à une appréciation de la compétence de son auteur. Il s’assure
86
également du respect des règles de forme (motivation de la décision, procédure
contradictoire…)174.
2. Le contrôle de légalité interne
Le contrôle de légalité interne porte sur le contenu de l’acte. A cet effet, le juge
administratif contrôle tout d’abord la conformité de son contenu au droit en
vérifiant l'absence d'erreur de droit ou de fait. Il examine ensuite, dans le cadre
du contrôle de détournement de pouvoir, les intentions subjectives de l’auteur et
vérifie que l’acte a été effectué pour des raisons que retient la loi175.
II. Le contrôle exercé par les juridictions financières
Le contrôle juridictionnel des collectivités territoriales est confié, en matière
financière, aux cours régionales des comptes. Celles-ci assurent la vérification et
jugement des comptes et la gestion de fait (A), la discipline budgétaire et
financière (B), le contrôle des actes relatifs à l’exécution du budget (C) et enfin le
contrôle de la gestion (D).
A. La vérification et jugement des comptes et la gestion de fait
Les cours régionales des comptes sont compétentes pour assurer la
vérification et le jugement des comptes des collectivités territoriales (1) et pour
déclarer les gestions de fait dans les conditions prévues par la loi (2).
1. La vérification et jugement des comptes
En vertu de l’article 149 de la Constitution, « les cours régionales des comptes
sont chargées d’assurer le contrôle des comptes et de la gestion des régions et
des autres collectivités territoriales et de leurs groupements ».
A ce titre, et conformément aux dispositions de la loi n° 62-99 formant code
des juridictions financières, les cours régionales des comptes assurent la
vérification et le jugement des comptes des collectivités territoriales, de leurs
groupements et des établissements publics et des entreprises dont le capital est
174 Diane Roman, L'indispensable du droit administratif, Studyrama 2eme édition 2004, p. 143. 175 Idem, p. 144.
87
souscrit exclusivement par des collectivités territoriales, des groupements et des
établissements publics relevant de la tutelle de ces collectivités et groupements,
qui sont dotés d’un comptable public176.
L’instruction des comptes est confiée à un conseiller rapporteur qui peut être
assisté par des magistrats et des vérificateurs désignés par le président de la
chambre compétente. La procédure d’instruction est, en vertu de l’article 30 de
la loi n° 62-99 formant code des juridictions financière, écrite et contradictoire.
A la fin de l’instruction, le conseiller rapporteur établit deux rapports à remettre
au président de la chambre compétente : le premier rapport présente les résultats
de l’instruction du compte ou de la situation comptable présentée par le
comptable public et, le cas échéant, les observations sur des faits de nature à
mettre en jeu la responsabilité, notamment, de l’ordonnateur, du contrôleur ou du
comptable public dans les matières juridictionnelles de la cour. Le deuxième
rapport retrace les observations relatives à la gestion du service concerné et qui
relèvent des compétences de la cour en matière de contrôle de la gestion177.
Le premier rapport est remis à un conseiller contre rapporteur qui émet son
avis dans un délai d’un mois et transmet le dossier au Procureur du Roi. Ce
dernier transmet le dossier accompagné de ses conclusions au président de la
chambre pour inscription au rôle des audiences178.
En cas de l’existence d’irrégularités, la cour invite le comptable public, par un
arrêt provisoire, à produire par écrit ses justifications ou de verser les sommes
déclarées comme étant dues à l’organisme public concerné. La cour se prononce
par arrêt définitif qui établit si le comptable public est quitte, en avance ou en
débit tout en prononçant les mesures nécessaires, et ce dans un délai d’un an à
la date de l’arrêt provisoire179.
Les jugements définitifs rendus par la cour régionale des comptes sont
susceptibles de faire objet d’appel devant la Cour des comptes. L’appel a un effet
176 L’article 126 de la loi n° 62-99 formant code des juridictions financières. 177 L’article 32 de la loi n° 62-99 formant code des juridictions financières. 178 Les articles 33, 34 et 35 de la loi n° 62-99 formant code des juridictions financières. 179 Les articles 37 et 40 de la loi n° 62-99 formant code des juridictions financière
88
suspensif, sauf si l’exécution provisoire du jugement est décidée par la cour
régionale180.
2. La gestion de fait
L’article 131 de la loi n° 62-99 formant code des juridictions financière dispose
que « Dans les limites de son ressort, la cour régionale déclare les gestions de
fait, dans les conditions prévues à l'article 41 de la présente loi ».
Ainsi, la cour déclare comptable de fait, « toute personne qui effectue sans y
être habilitée par l'autorité compétente, des opérations de recettes, de dépenses,
de détention et de maniement de fonds ou de valeurs appartenant à l'un des
organismes publics soumis au contrôle de la cour, ou qui, sans avoir la qualité
de comptable public, procède à des opérations portant sur des fonds ou valeurs
n'appartenant pas auxdits organismes, mais que les comptables publics sont
exclusivement chargés d'exécuter en vertu des lois et règlements en vigueur »181.
Conformément aux dispositions de l’article 41 de la loi précitée, « tout
fonctionnaire ou agent ainsi que tout titulaire d'une commande publique, qui en
consentant ou en incitant soit à exagérer les mémoires et factures, soit à en
dénaturer les énonciations, s'est prêté sciemment à l'établissement
d'ordonnances de paiement, de mandats, de justifications ou d'avoirs fictifs »,
peut être considéré comme coauteur responsable d’une gestion de fait.
Le Procureur du Roi défère les opérations de nature à constituer des gestions
de fait, soit de sa propre initiative, soit à la demande du ministre de l’intérieur, du
wali ou du gouverneur à la limite de leurs compétences, du ministre des finances,
du trésorier général, préfectoral ou provincial, du représentant légal de la
collectivité territoriale ou du groupement ou des comptables publics. La cour
régionale peut également s’en saisir d’office sur la base des constatations faites
à l’occasion de la vérification des comptes182.
180 L’article 134 de la loi n° 62-99 formant code des juridictions financières. 181 L’article 41 de la loi n° 62-99 formant code des juridictions financières. 182 L’article 132 de la loi n° 62-99 formant code des juridictions financières.
89
Toute personne déclarée comptable de fait doit produire son compte et le
présenter à la cour dans un délai qui ne doit pas dépasser deux mois. Au cas où
il ne fait pas objet de poursuites pénales, le comptable de fait peut « être
condamné par la cour à une amende calculée selon l'importance et la durée de
la détention ou du maniement des fonds et valeurs, sans que le montant de cette
amende puisse excéder le total des sommes indûment détenues ou
maniées »183.
B. La discipline budgétaire et financière
Le contrôle des collectivités territoriales opéré par le juge financier en matière
de discipline budgétaire et financière est prévu par l’article 136 du code des
juridiction financières184.
L’objectif de ce contrôle est la répression des infractions commises185 par les
ordonnateurs, les fonctionnaires et les agents des collectivités territoriales et de
leurs groupements, et ce dans le but d’assurer le respect du droit budgétaire et
financier et d’instaurer les principes d’une bonne gestion et d’une bonne
gouvernance territoriales186.
Conformément au paragraphe 4 de l’article 118 du code des juridictions
financières, les personnes soumises à la discipline budgétaire et financière de la
cour régionale des comptes peuvent être des responsables, fonctionnaires ou
agents des organismes suivants :
- Les collectivités territoriales et de leurs groupements ;
- Les établissements publics relevant de la tutelle de ces collectivités et
groupements;
- Les sociétés ou entreprises dans lesquelles des collectivités territoriales
ou leurs groupements possèdent, séparément ou conjointement,
183 L’article 44 de la loi n° 62-99 formant code des juridictions financières. 184 Dahir n° 1-02-124 du 1er rabii II 1423 portant promulgation de la loi n° 62-99 formant code des
juridictions financières.(B.O du 15 août 2002). 185 Les infractions prévues par les articles 54, 55 et 56 du code des juridictions financières. 186 Mohamed HARAKAT, les cours régionales des comptes au Maroc, guide pratique du contrôle des
finances locales, Diwan 3000, Rabat 2004, pp. 183, 184 et 185.
90
directement ou indirectement, une participation majoritaire au capital ou
un pouvoir prépondérant de décision.
Ce même paragraphe dispose également que « Le wali et le gouverneur sont
soumis à la juridiction de la cour régionale lorsqu'ils agissent en tant
qu'ordonnateur d'une collectivité locale ou d'un groupement ». Cependant, cette
disposition, depuis que la Constitution de 2011 a accordé la qualité d’ordonnateur
aux présidents des collectivités territoriales n’a plus raison d’être.
La responsabilité en matière de discipline budgétaire et financière est engagée
à l’égard des personnes citées à l’article 118 qui ont commis l’une des infractions
prévues aux articles 54, 55 et 56 de la loi portant code des juridictions financières.
En cette matière, la cour régionale des comptes fonctionne comme une cour
de justice ordinaire. Les droits de la défense sont garantis. Les justiciables ont le
droit d’être écoutés et de présenter leurs explications et justifications, comme ils
peuvent citer toute personne dont le témoignage leur paraît nécessaire.
La cour régionale est saisie par le Procureur du Roi, soit de sa propre initiative,
soit à la demande du président. Sur la base de rapports de contrôle ou
d'inspection appuyés des pièces justificatives, le ministre de l'intérieur et le
ministre chargé des finances peuvent également saisir la cour régionale par
l'intermédiaire du son Procureur du Roi187.
Les jugements de la cour régionale des comptes peuvent faire objet d’un
recours en révision ou d’un recours en appel. Le recours en révision est effectué
auprès de la cour qui a rendu le jugement en cas de découverte d’un fait nouveau
à l’expiration du délai prévu pour l’appel. Ce recours est ouvert également au
Procureur du Roi, au ministre de l'intérieur, au wali ou au gouverneur dans la
limite de leurs compétences, au ministre chargé des finances ou au trésorier
régional, préfectoral ou provincial et au représentant légal de la collectivité
territoriale ou du groupement ou de l'établissement concerné188.
187 L’article 138 du Code des juridictions financières. 188 L’article 135 du code des juridictions financières.
91
Quant au recours en appel, il est effectué devant la Cour des comptes sur la
base d’une requête déposée par la personne concernée au greffe de la cour
régionale des comptes dans les 30 jours qui suivant la notification du jugement.
C. Le contrôle des actes relatifs à l’exécution du budget
Les dispositions de l’article 142 du code des juridictions financières accordent
au ministre de l'intérieur, au wali et au gouverneur dans le cadre de leurs
compétences, la possibilité de soumettre à la cour régionale des comptes toute
question concernant les actes relatifs à l'exécution du budget d'une collectivité
territoriale ou d'un groupement.
Ces autorités sont compétentes pour saisir la cour d’un compte administratif
qui n’a pas été adopté par l’organe délibérant d’une collectivité territoriale ou d’un
groupement, soit de leur propre initiative, soit à la demande de l'ordonnateur de
la collectivité concernée ou de la partie qui a refusé le compte administratif.
La cour rend un avis sur les conditions d'exécution du budget de la collectivité
territoriale ou du groupement concerné. Au vu de cet avis, le ministre de
l'intérieur, le wali ou le gouverneur, chacun dans la limite de ses attributions,
décide des mesures à prendre. La décision doit être motivée lorsqu’elle n’est pas
conforme à l’avis de la cour régionale des comptes.
D. Le contrôle de la gestion
En vertu de l’article 147 du code des juridictions financières, la cour régionale
des comptes est compétente pour contrôler la gestion des collectivités
territoriales et pour en apprécier la qualité et formuler des suggestions
susceptibles d’améliorer cette gestion.
Les collectivités territoriales et les autres organismes soumis à ce contrôle sont
tenus de transmettre annuellement à la cour régionale, leurs comptes ou leurs
documents comptables. Cette dernière procède à l’appréciation de la réalisation
des objectifs assignés, des résultats obtenus, ainsi que le coût et les conditions
d'acquisition et d'utilisation des moyens mis en œuvre.
92
Le contrôle de la gestion porte également sur la régularité et la sincérité des
opérations réalisées ainsi que sur la vérification matérielle des prestations, des
fournitures et des travaux effectués par la collectivité. En outre, la cour veille sur
la gestion optimale des moyens et sur la protection du patrimoine.
Elle est habilitée à se faire communiquer tous documents ou pièces
justificatives susceptibles de renseigner sur la gestion des collectivités
territoriales et des autres organismes assujettis à son contrôle. Elle peut aussi
procéder à l'audition des personnes dont elle estime le témoignage nécessaire.
Les rapports de la cour régionale des comptes établis en matière de contrôle
de la gestion sont communiqués au ministre de l'intérieur, au wali ou au
gouverneur dans la limite de leurs compétences et au ministre chargé des
finances ou au trésorier régional, préfectoral ou provincial, et ce en vue de
formuler leurs avis ou suggestions.
Dans le même sens et conformément aux dispositions de l’article 153 du code
des juridictions financières, Le ministre de l'intérieur ou le ministre chargé des
finances peut demander à la cour régionale des comptes d'inscrire à son
programme annuel l'examen d'une question intéressant la gestion des
organismes soumis à son contrôle.
93
CHAPITRE III
LE CONTROLE POLITIQUE ET DE BONNE GOUVERNANCE
Le contrôle politique des collectivités territoriales est confié à une pluralité
d’institutions dont certaines relèvent de l’organisation interne des collectivités
territoriales elles-mêmes, le cas des conseils délibérants, alors que d’autres sont
extérieures à ces collectivités, il s’agit notamment du contrôle exercé par les
citoyens et éventuellement le contrôle exercé par les commissions d’enquête
parlementaires (I).
Par ailleurs, un ensemble d’instances de bonne gouvernance sont instituées
par le texte constitutionnel de 2011. Celles-ci participent, dans la limite de leurs
attributions, au contrôle des collectivités territoriales (II).
I. Le contrôle exercé par les acteurs politiques
Les collectivités territoriales subissent un contrôle d’ordre politique exercé soit
par leurs propres organes délibérants ; soit par des acteurs extérieurs, en
l’occurrence les citoyens par le biais du vote et le Parlement par le biais des
commissions d’enquête.
A. Le contrôle exercé par les conseils délibérants
Les lois de la décentralisation instaurent une séparation stricte entre les
fonctions délibératives des conseils des collectivités territoriales et les fonctions
administratives de leurs organes exécutifs. Ainsi à titre d’exemple, la charte
communale interdit formellement aux conseillers, en dehors du président et des
94
vice-présidents, d’exercer des fonctions administratives au sein de la
commune189.
Par ailleurs, ces mêmes lois n’instaurent pas de véritables mécanismes de
contrôle politique permettant à l’organe délibérant d’engager la responsabilité de
l’exécutif. Il est vrai que les exécutifs de la province, de la préfecture et de la
région, avant l’adoption de la Constitution de 2011, ne puisent pas leur légitimité
des conseils ce qui peut justifier l’absence du contrôle politique à leur égard,
néanmoins, la suppression de la possibilité, prévue par l’ancienne charte
communale, pour le conseil de voter une motion de censure contre le
président190, reflète la volonté du législateur de protéger l’organe exécutif, que ce
soit élu ou nommé, contre toute sanction politique pouvant faire objet de
délibérations du conseil.
Cependant, si les organes délibérants des collectivités territoriales sont
incapables de démettre leurs exécutifs, il n’en reste pas moins que les
assemblées élues de ces collectivités disposent des compétences importantes
qui leur permettent d’exercer un contrôle effectif sur l’action des organes
exécutifs. En effet, elles exercent un contrôle rigoureux sur la gestion financière.
A ce titre, elles examinent et votent les budgets. Ce pouvoir limite le champ
d’action des présidents qui ne peuvent effectuer que des opérations financières
autorisées préalablement par le conseil, que ce soit en termes de recettes ou de
dépenses.
En outre, les assemblées sont chargées de veiller sur la gestion des biens des
collectivités territoriales. Elles statuent sur toutes les transactions portant sur des
biens de domaine privé et approuvent tous les actes relatifs à la gestion ou
l’occupation du domaine public.
189 « Il est formellement interdit aux conseillers communaux, en dehors des présidents et des vice-
présidents, d'exercer au-delà de leur rôle délibérant au sein du conseil ou des commissions qui en
dépendent, des fonctions administratives de la commune, de signer des actes administratifs, de gérer ou
de s'immiscer dans la gestion des services publics communaux, à peine de révocation prononcée dans les
formes prescrites à l'article 21 cidessus, sans préjudice de poursuites judiciaires pour exercice de fait de
fonctions réglementées ». Article 23 de la loi n° 78.00 portant charte communale. 190 Tarik Zair, La gestion décentralisée du développement économique au Maroc, L’Harmattan 2007, p. 64.
95
Dans le même contexte, l’ordonnateur de la collectivité territoriale est tenu de
rendre compte annuellement des opérations budgétaires qu’il a exécutées. En
effet, il doit établir, à la clôture de l’exercice budgétaire, le compte administratif du
budget principal ainsi que les comptes administratifs des différents budgets
annexes et les soumettre à l’examen et au vote du conseil délibérant191.
En cas de vote négatif d’un compte administratif d’une collectivité territoriale
par son organe délibérant, le ministre de l'intérieur, le wali ou le gouverneur,
chacun à la limite de ses compétences et sans préjudice des dispositions
permettant la demande d'un nouvel examen, en saisit la cour régionale des
comptes compétente, soit d'office, soit à la demande de l'ordonnateur concerné
ou de l’organe qui a refusé le compte administratif192.
Par ailleurs, les organes délibérants des communes, des provinces et des
préfectures exercent un contrôle sur les actes exécutifs relatifs au jumelage et à
la coopération décentralisée. A cet effet, ils sont compétents, en vertu des lois
relatives à l’organisation de ces collectivités, d’examiner et d’approuver les
conventions signées en la matière193.
B. Le contrôle exercé par le citoyen
Les collectivités territoriales sont soumises à un contrôle d’ordre politique
exercé par le citoyen. Ce contrôle constitue une composante essentielle de la
décentralisation et de la démocratie locale. En France, sa consécration remonte
à la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789. En effet, son article
14 précise que « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou
par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir
librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le
recouvrement et la durée ». Son article 15 ajoute que « La Société a le droit de
191 Article 7 de la loi n° 47-96 relative à l'organisation de la région, l’article 36 de la loi n°79-00 relative à
l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales et l’article 37 de la loi n° 78.00 portant charte
communale. 192 Article 143 du Dahir n° 1-02-124 du 1er rabii II 1423 portant promulgation de la loi n° 62-99 formant
code des juridictions financières. (B.O du 15 août 2002). 193 L’article 36 de la loi n°79-00 relative à l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales et
l’article 42 de la loi n° 78.00 portant charte communale.
96
demander compte à tout agent public de son administration ». Aujourd’hui, ce
contrôle se matérialise par une pluralité de mécanismes juridiques et politiques
consacrés soit par les textes (exemple de vote), soit par la pratique (exemple des
manifestations).
Au Maroc, l’ampleur du contrôle politique exercé par le citoyen diffère selon
qu’il s’agit d’une catégorie de collectivité ou d’une autre, ou qu’il s’agit d’un
organe ou d’un autre. Ainsi, le contrôle exercé sur les conseils communaux est
beaucoup plus effectif que celui qui est exercé sur les conseils des autres
collectivités du fait que les premiers sont élus aux suffrages universel direct alors
que les seconds sont élus au suffrage indirect.
Dans le même sens d’analyse, le contrôle exercé sur l’exécutif de la commune
est plus rigoureux par rapport au contrôle exercé sur l’exécutif des autres
collectivités. Ce constat s’explique par le fait que le premier est élu alors que le
second est désigné.
Néanmoins, la Constitution de 2011 donne plus d’effectivité au contrôle
politique exercé par le citoyen, et ce en consacrant l’élection des conseils
communaux et régionaux au suffrage universel direct194 et en accordant le
pouvoir exécutif dans toutes les collectivités aux présidents élus195 d’une part ; et
en instituant un ensemble de mécanismes permettant l’exercice de ce contrôle
d’autre part.
Ainsi, le citoyen dispose, au moins, de cinq moyens de contrôle de l’action des
collectivités territoriales et qui sont tous institués et protégés par le texte
constitutionnel, à savoir : le vote, la saisine de juge administratif, l’accès à
l’information, la présentation des pétitions et l’organisation des manifestations.
1. Le vote
Il est vrai que le mandat de l’élu local est représentatif et non pas impératif. Il
est général, libre et non révocable. Par conséquent, l’élu peut agir en tous
194 Article 135 de la Constitution de 2011. 195 Article 138 de la Constitution de 2011.
97
domaines de sa compétence à sa guise sans être tenu de respecter les
engagements qu'il aurait éventuellement pris devant ses électeurs.
En revanche, les citoyens sont invités périodiquement à valider ou à
sanctionner, a posteriori, la gestion des collectivités territoriales par leurs élus.
Le vote des citoyens constitue la source de légitimité des organes de ces
collectivités. Il s’agit du contrôle politique le plus effectif et le plus direct qui permet
à l’électeur de renouveler ou pas le mandat d’un élu.
2. la saisine du juge administratif
Le droit de saisir la justice est un droit constitutionnel consacré par l’article 118
de la Constitution. Cet article dispose que : « L’accès à la justice est garanti à
toute personne pour la défense de ses droits et de ses intérêts protégés par la
loi ». Il ajoute que « Tout acte juridique, de nature réglementaire ou individuelle,
pris en matière administrative, peut faire l’objet de recours devant la juridiction
administrative compétente ».
Ainsi, peut-on avancer que le citoyen peut se servir de la justice administrative
pour contrôler l’action des collectivités territoriales. Il en est ainsi lorsqu’il est, ou
il prétend être, lésé par un acte d’une collectivité territoriale. Ou encore pour
demander à celle-ci d’exercer une action qui lui appartient et qu’elle refuse
d’exercer.
3. l’accès à l’information
L’accès à l’information détenue par l’administration publique, les institutions
élues et les organismes investis d’une mission de service public est un droit
garanti par la Constitution. En vertu des dispositions de son article 27, seule la
loi peut limiter ce droit « dans le but d’assurer la protection de tout ce qui concerne
la défense nationale, la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat, ainsi que la vie
privée des personnes, de prévenir l’atteinte aux droits et libertés énoncés dans
la présente Constitution et de protéger des sources et des domaines
expressément déterminés par la loi ». Par conséquent, le législateur ne dispose
pas d’une compétence illimitée pour le réglementer. Il ne peut pas le limiter dans
un but autre que ce qui est prévu par la Constitution. De même, les collectivités
98
territoriales ne sont pas compétentes pour limiter l’accès à l’information qu’elles
détiennent.
Par ailleurs, plusieurs dispositions contenues dans les lois relatives à la
décentralisation consacrent des mécanismes permettant aux citoyens d’accéder
à l’information relative à la gestion des affaires locales par les collectivités
territoriales. Ainsi, à titre d’exemple, les délibérations des conseils et les arrêtés
pris par les organes exécutifs, sont publiés ou portés à la connaissance du public
par tous moyens appropriés. En outre, tout électeur a le droit de demander
communication et de prendre à ses frais copie totale ou partielle des
délibérations. Il peut également les publier sous sa responsabilité.196.
4. La présentation des pétitions
Le droit des citoyens à présenter des pétitions aux pouvoirs publics est protégé
par la Constitution. En effet, son article 15 dispose que « les citoyennes et les
citoyens disposent du droit de présenter des pétitions aux pouvoirs publics. Une
loi organique détermine les conditions et les modalités d’exercice de ce droit ».
Dans le même contexte, l’article 139 de la Constitution dispose que «…Les
citoyennes et les citoyens et les associations peuvent exercer le droit de pétition
en vue de demander l’inscription à l’ordre du jour du Conseil, d’une question
relevant de sa compétence ».
Il s’agit donc d’un nouveau mécanisme constitutionnel de contrôle qui
permettrait aux citoyens et citoyennes d’influencer les décisions des pouvoirs
publics en général, et des collectivités territoriales en particulier et de contrôler la
gestion des affaires publiques locales.
5. l’organisation des manifestations
Les citoyens peuvent organiser des manifestations pacifiques, des réunions
ou des rassemblements pour exprimer leur mécontentement vis-à-vis d’une
décision ou d’un projet initié par une collectivité territoriale. Ce droit est garanti
196 Articles 32, 52 et 55 de la loi n° 47-96 relative à l'organisation de la région, l’article 42 et 58 de la loi
n°79-00 relative à l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales et l’article 55 et 67 de la loi
n° 78.00 portant charte communale.
99
par l’article 29 de la Constitution et ne peut être limité que par la loi. En outre, en
vertu de l’article 28 du même texte, les citoyens peuvent exprimer et diffuser
librement, dans les seules limites expressément prévues par la loi, les
informations, les idées et les opinions.
Le contrôle politique exercé par les citoyens peut aussi prendre la forme des
lobbies, des groupes de pression, des associations, des syndicats ou des partis
politiques197. L’objectif de ce contrôle est d’influencer les autorités territoriales en
vue de prendre une décision favorable à leurs intérêts ou à retirer une décision
qu’ils estiment défavorable.
C. Le contrôle exercé par le Parlement
La compétence du Parlement en matière de contrôle des collectivités
territoriales peut découler des dispositions de l’article 67 de la Constitution qui
précise que « … peuvent être créées à l’initiative du Roi ou à la demande du tiers
des membres de la Chambre des Représentants, ou du tiers des membres de la
Chambre des Conseillers, au sein de chacune des deux Chambres, des
commissions d’enquête formées pour recueillir les éléments d’information sur
des faits déterminés ou sur la gestion des services, entreprises et établissements
publics, et soumettre leurs conclusions à la Chambre concernée… ». Les
organismes pouvant faire l’objet d’une commission d’enquête ne sont pas bien
définis dans cet article. Si on excepte l’établissement public qui est un concept
dont la définition est très claire en droit administratif, les deux autres notions,
services et entreprises, ne sont pas juridiquement définies. Si le constituant
entend par services les services publics et par entreprises les entreprises
publiques, les collectivités territoriales dans ce cas peuvent, en tant que
prestataires de services publics, être soumises aux contrôle du Parlement par le
biais des commissions d’enquête.
Cependant, en l’absence d’antécédents en la matière –sauf erreur de notre
part-, seule la jurisprudence constitutionnelle pourrait trancher la question et
197Emmanuel Evah-Manga, Le contrôle de gestion dans les collectivités territoriales: Une approche
sociologique, L’Harmattan 2012, p. 166.
100
préciser si le Parlement peut ou non diligenter une commission d’enquête en vue
de s’enquérir de la gestion d’une collectivité territoriale.
Par ailleurs, l’article 102 de la Constitution relatif aux commissions
permanentes et qui dispose que « Les commissions concernées dans chacune
des deux Chambres peuvent demander à auditionner les responsables des
administrations et des établissements et entreprises publics, en présence et sous
la responsabilité des ministres dont ils relèvent », ne peut, en aucun cas,
concerner les responsables des collectivités territoriales. Certes, ces dernières
constituent des administrations, mais ne relèvent d’aucun ministre. Elles sont en
fait autonomes financièrement et administrativement.
II. Le contrôle exercé par les instances de la bonne gouvernance
Le titre XII de la Constitution de 2011 est consacré à la bonne gouvernance,
ses principes généraux et ses instances. Deux catégories d’instances sont à
distinguer : les instances des droits de l’Homme et les instances de la bonne
gouvernance et de régulation. L’objectif est « le respect de la loi, de neutralité,
de transparence, de probité et d’intérêt général 198». Le champ d’action de ces
instances couvre tous « les agents des services publics199 », y compris
inévitablement les responsables des collectivités territoriales. Il est question
notamment des instances suivantes :
A. Le Conseil national des droits de l’Homme
Le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) est créé par le Dahir n° 1-
11-19 du 1er mars 2011200 pour remplacer le Conseil consultatif des droits de
l’Homme. Il est consacré par l’article 161 de la Constitution de 2011 qui dispose
que « le Conseil national des droits de l’Homme est une institution nationale
pluraliste et indépendante, chargée de connaître de toutes les questions relatives
à la défense et à la protection des droits de l’Homme et des libertés, à la garantie
de leur plein exercice et à leur promotion, ainsi qu’à la préservation de la dignité,
des droits et des libertés individuelles et collectives des citoyennes et citoyens,
198 Article 155 de la Constitution de 2011. 199 Idem. 200 Bulletin officiel n° 9522 du 3 mars 2011, pp. 260 à 266.
101
et ce, dans le strict respect des référentiels nationaux et universels en la
matière ».
Dans le cadre des missions qui lui sont assignées, le CNDH exerce un contrôle
sur toutes les personnes de droit public, notamment celles qui sont en contact
permanent avec les citoyens et dont les actes peuvent comporter une violation
des droits et des libertés. Ainsi, les collectivités territoriales sont naturellement
concernées par ce contrôle. Dans ce sens, il exerce, entre autres, les missions
suivantes :
L’observation, la surveillance et le suivi de la situation des droits de
l’Homme aux niveaux national et régional ;
La surveillance des cas de violations et engagement des investigations et
des enquêtes nécessaires ;
La soumission au Roi des rapports annuels et thématiques sur les droits
de l’Homme ;
La présentation devant chacune des deux Chambres du Parlement du
contenu des deux rapports : le rapport annuel sur la situation des droits de
l’Homme et le rapport sur les perspectives d’action du Conseil.
Le CNDH, peut également, en coordination avec les autorités concernées,
intervenir par anticipation et urgence chaque fois qu’il s’agit d’un cas de tension
qui pourrait aboutir à une violation individuelle ou collective des droits de
l’Homme.
Par ailleurs, le CNDH est doté de compétences régionales à travers des
commissions régionales des droits de l’Homme dont les présidents sont nommés
par Dahir201. Ces commissions sont compétentes pour assurer le suivi et le
contrôle de la situation des droits de l’Homme au niveau régional, recevoir et
examiner les plaintes et les violations qui leurs sont soumises et élaborer des
rapports spéciaux ou périodiques sur les mesures prises pour le traitement des
affaires et des plaintes à caractère régional ou local. Les commissions régionales
assurent également la mise en œuvre des programmes et projets du Conseil en
201 Article 40 du Dahir n° 1-11-19 du 1er mars 2011.
102
matière de promotion des droits de l’Homme en coopération avec les acteurs
locaux202.
Il n’est donc pas rare qu’un administré ou un fournisseur fasse recours au
CNDH contre une décision ou une attitude d’une collectivité territoriale. Cette voie
est parfois préférée à celle de la justice administrative dont la procédure est lente
et coûteuse et dont les décisions ne sont pas tout le temps exécutées.
B. Instance centrale de prévention de la corruption
Jusqu’à 2011, l’Instance centrale de prévention de la corruption n’avait qu’une
valeur réglementaire. Elle a été instituée auprès du premier ministre par le décret
n° 2-05-1228 du 13 mars 2007. Elle a été hissée au rang constitutionnel en la
consacrant par l’article 167 de la Constitution de 2011 sous l’appellation
«Instance nationale de probité et de lutte contre la corruption ».
D’une manière transitoire et jusqu’à l’adoption de la loi fixant la composition,
l’organisation, les attributions et les règles de fonctionnement de l’Instance
nationale de probité et de lutte contre la corruption, le décret instituant l’Instance
centrale de prévention de la corruption demeure en vigueur.
Les missions incombant à l’Instance centrale sont très diverses. Pour ce qui
nous concerne, nous allons nous contenter de présenter ses attributions relavant
du contrôle des collectivités territoriales. Il s’agit notamment des missions
suivantes :
Suivre et évaluer les mesures prises pour la mise en œuvre de la politique
de prévention de la corruption ;
Proposer des mesures de sensibilisation de l'opinion publique et organiser
des campagnes d'information ;
Collecter les informations et gérer la base de données relative à la
corruption;
202 Articles 28 et 29 du Dahir n° 1-11-19 du 1er mars 2011.
103
Informer l'autorité judiciaire compétente de tous les faits portés à sa
connaissance à l'occasion de l'exercice de ses missions, qu'elle considère
être susceptibles de constituer des actes de corruption punis par la loi.
Par ailleurs, le contrôle exercé par cette instance ne peut être que limité. Ceci
s’explique par l’absence de l’autonomie administrative et financière et par
l’insuffisance des moyens juridiques dont elle dispose.
Pour faire face à cette carence, un projet de loi relatif à l’Instance nationale de
probité et de lutte contre la corruption a été adopté. Il consacre la pleine capacité
juridique et l’autonomie financière de cette institution. Il reconnait, en outre, sa
compétence à présenter des recommandations aux administrations, collectivités
territoriales et établissements publics pour renforcer les valeurs d’intégrité et de
transparence203.
C. Institution du Médiateur
En vertu des dispositions de l’article 162 de la Constitution, le Médiateur qui
est une institution nationale indépendante et spécialisée est compétent pour
contrôler la gestion des administrations, des établissements publics, des
collectivités territoriales et des organismes dotés de prérogatives de la puissance
publique, et ce dans l’objectif de défendre les droits, de contribuer à renforcer la
primauté de la loi et à diffuser les principes de justice et d’équité, et les valeurs
de moralisation et de transparence.
Le Médiateur, promu au rang d’institution constitutionnelle depuis l’adoption
de la Constitution de 2011, a été créé par Dahir204 en tant qu’autorité
indépendante afin de moderniser «Diwan Al Madalim», institué en 2001.
Dans l’attente de l’adoption de la loi fixant l’organisation, les attributions et les
règles du fonctionnement du Médiateur conformément à l’article 171 de la
Constitution, l’Institution du Médiateur est régie par les dispositions du Dahir n°
1-11-25 du 17 Mars 2011.
203 Projet de loi n° 12-113 relatif à l’Instance nationale de probité et de lutte contre la corruption,
http://www.icpc.ma, le 06-08-2013. 204 Dahir n° 1-11-25 du 17 Mars 2011 portant création de l’Institution du Médiateur.
104
Par ailleurs, en matière de contrôle des collectivités territoriales, le Médiateur
est compétent, conformément aux dispositions de l’article 5 du Dahir n° 1-11-25
du 17 Mars 2011, pour contrôler leurs actes. Ainsi, il peut « instruire, soit de sa
propre initiative conformément aux modalités fixées dans le règlement intérieur
de l'Institution, soit sur plaintes ou doléances dont il est saisi, les cas qui
porteraient préjudice à des personnes physiques ou morales, marocaines ou
étrangères en raison de tout acte de l'administration ».
Le contrôle effectué par le Médiateur ne se limite pas à vérifier si l’acte en
cause est entaché ou non d’excès ou d’abus de pouvoir, il s’étend à la vérification
du respect ou non des principes de justice et d’équité.
Pour ce faire, le Médiateur est habilité, en vertu de l’article 13 du Dahir précité,
« dans la limite de ses attributions, à mener des enquêtes et des investigations
pour s'assurer de la véracité des faits portés à sa connaissance et de l'étendue
du préjudice causé au plaignant ou au requérant et à procéder à la qualification
juridique de la nature dudit préjudice ».
Dans le même objectif, le Médiateur est compétent pour « provoquer les
explications des autorités concernées sur les faits objet de la plainte ou de la
doléance et se faire communiquer les éclaircissements nécessaires, les
documents et les informations y afférents ».
L’Institution du Médiateur est également compétente pour intervenir, en cas
de refus de la collectivité territoriale d’exécuter une décision judiciaire définitive.
En effet, lorsque ce refus est dû, soit à une position injustifiée d’un responsable,
d’un fonctionnaire ou d’un agent, soit à un manquement du devoir d’exécution de
ladite décision, il soumet au Chef du Gouvernement un rapport sur le cas. Le
Médiateur peut, dans ce cas, adresser à la collectivité en question une
recommandation d’engager la procédure disciplinaire ou judiciaire à l’égard de
tout responsable des manquements précités.205
Le Médiateur du Royaume, après avoir informé le ministre concerné en vue
de prendre les sanctions et les mesures nécessaires à l’égard du responsable
205 Article 32 du Dahir n° 1-11-25 du 17 Mars 2011 portant création de l’Institution du Médiateur.
105
ou fonctionnaire concerné, adresse au Chef du Gouvernement des rapports
spéciaux relatant d’éventuels dysfonctionnements et l’informant de tous les cas
où l’administration s’est abstenue de répondre aux demandes d’information qui
lui sont adressées ou de donner suite à ses recommandations206.
Il soumet également au Chef de l’Etat un rapport annuel sur le bilan d’activité
et les perspectives d’action de l’Institution. Ce rapport comprend un inventaire du
nombre et du contenu des plaintes, doléances et demandes de règlement
traitées, ainsi qu’un aperçu sur sa gestion financière et administrative. Ce rapport
fait état des dysfonctionnements et défaillances relevés et des recommandations
et des propositions formulées. Il est publié au Bulletin officiel et « diffusé à grande
échelle »207.
D. Le Conseil de la concurrence
Le Conseil de la concurrence est une instance administrative de bonne
gouvernance et de régulation. Il a été institué par l’article 14 de la loi n°06-99 sur
la liberté des prix et de la concurrence. Il est ensuite promu au rang
constitutionnel et consacré par l’article 166 de la Constitution de 2011. En vertu
de cet article, ce conseil qui est une institution indépendante est « chargée, dans
le cadre de l’organisation d’une concurrence libre et loyale, d’assurer la
transparence et l’équité dans les relations économiques, notamment à travers
l’analyse et la régulation de la concurrence sur les marchés, le contrôle des
pratiques anticoncurrentielles, des pratiques commerciales déloyales et des
opérations de concentration économique et de monopole ».
Le Conseil de la concurrence est habilité à contrôler, dans la limite de ses
attributions, les activités des collectivités territoriales relatives à l’achat public,
notamment ce qui concerne la conclusion des marchés publics et des bons de
commande. Ainsi, il est chargé de constater les pratiques anticoncurrentielles et
de formuler des avis, des conseils et des recommandations à leur sujet.
206 Article 13 du Dahir n° 1-11-25 du 17 Mars 2011 portant création de l’Institution du Médiateur. 207 Article 37 du Dahir n° 1-11-25 du 17 Mars 2011 portant création de l’Institution du Médiateur.
106
Il communique son avis au Chef du Gouvernement ou aux organismes dont
émane la demande d'avis, et recommande, le cas échéant, les mesures,
conditions ou injonctions prévues par la loi précitée (art 25).
En vertu de l’article 66 de cette loi, les enquêteurs du Conseil peuvent, sans
se voir opposer le secret professionnel, accéder à tout document ou élément
d'information détenu par les administrations, les établissements publics et
collectivités territoriales.
En outre, conformément à l’article 26 du même texte, le Conseil de la
concurrence peut, lorsque les faits lui paraissent de nature à justifier l'application
des sanctions pénales, recommander au Chef du Gouvernement de saisir le
Procureur du Roi près le tribunal de première instance compétent afin d’engager
les poursuites judiciaires.
107
CONCLUSION GENERALE
Pour conclure, il est à constater que la Constitution du 29 juillet 2011 marque
une innovation singulière par rapport à ses devancières qui se limitaient à une
simple reconnaissance des collectivités locales. En effet, elle a posé un véritable
statut des collectivités territoriales faisant d’elles des personnes morales de droit
public dotées de l’autonomie financière et administrative. Un statut qui ne se
limite pas à énoncer les fondements et les principes généraux de la
décentralisation territoriale, mais qui en définit aussi les règles et les dispositifs
d’organisation, de fonctionnement et de répartition des compétences.
Les principes de libre administration et de subsidiarité consacrés par le texte
fondamental du Royaume, constituent le noyau dur de ce statut, et sont
susceptibles d’aménager le chemin pour une décentralisation territoriale plus
poussée. Tous les textes qui compléteront ce statut doivent, sous peine
d’inconstitutionnalité, en respecter la lettre et l’esprit. Ils sont conçus dans
l’objectif de déterminer la nature des relations que les collectivités territoriales
peuvent nouer avec l’Etat ou avec d’autres personnes morales de droit public.
Ainsi, le Constituant de 2011 donne un nouveau sens aux rapports entre l’Etat
et les collectivités territoriales pour passer des rapports verticaux d’autorité
qu’implique la notion de tutelle à des rapports de coopération, de concertation et
de convergence. Ces collectivités ne sont pas des simples entités administratives
soumises à la tutelle de l’Etat, elles sont des partenaires potentiels de celui-ci.
Elles sont appelées à jouer un rôle primordial en matière d’administration
territoriale et de gestion des affaires locales. En parallèle, l’Etat est tenu de leur
accorder les moyens appropriés pour accomplir leurs missions. C’est dans cet
objectif que la Constitution inscrit, dans son article 141, le principe de
l’équivalence des ressources et des compétences qui impose à l’Etat
d’accompagner tout transfert de compétences vers les collectivités territoriales
d’un transfert des ressources correspondantes.
108
En revanche, certaines dispositions constitutionnelles qui ont fait objet de
notre étude réduisent le rôle des collectivités territoriales à la simple participation
à la mise en œuvre de la politique générale de l’Etat. Par conséquent, elles ne
sont pas compétentes pour élaborer leurs propres politiques territoriales. Nous
dirons donc que la conception et l’élaboration des politiques publiques demeurent
l’apanage du pouvoir central. Les collectivités territoriales ne peuvent intervenir
dans ce sens qu’à travers leurs représentants dans la Chambre des conseillers.
Rappelons que celle-ci assure la représentation des collectivités territoriales à
raison de trois cinquièmes de ses membres, et celle des chambres
professionnelles, des organisations professionnelles des employeurs et des
salariés à raison de deux cinquièmes.
Dans le même ordre d’idées, le contrôle administratif exercé par le
représentant de l’Etat constitue inévitablement une véritable entrave à
l’émancipation de ces collectivités. Il reflète une tendance centralisatrice de
l’administration et constitue un mécanisme de protection du caractère unitaire de
l’Etat. Ce procédé rappelle l’idée du doyen Hauriou selon laquelle la centralisation
reste la règle et la décentralisation est l’exception.
La décentralisation territoriale n’est donc pas synonyme de l'abandon des
prérogatives de l'Etat. Il s’agit plutôt d’un usage de celles-ci, d’une manière
raisonnée et adaptée à l'émergence d'une démocratie locale et aux exigences de
la bonne gouvernance territoriale. Elle implique l’obligation pour l’Etat non
seulement de transférer un ensemble de compétences aux collectivités
territoriales, mais aussi d’assurer le suivi et le contrôle de leur exercice.
Dans ce contexte, force est de constater que l’organisation territoriale du
Royaume est très loin de celle d’un Etat fédéral, dans le sens que chaque région
n’a pas sa propre constitution, les collectivités territoriales sont des entités
administratives et n’ont aucun pouvoir politique. Elle est très loin également de
celle d’un Etat régional, dans le sens que ces collectivités ne disposent nullement
de pouvoirs législatifs, elles ne disposent que d’un pouvoir réglementaire pour
l’exercice de leurs attributions.
109
Cependant, la Constitution de 2011 a eu le mérite de mettre en exergue le
pouvoir réglementaire local, ce qui va permettre d’en renforcer l’étendue au fur
et à mesure que seront effectués les partages et transferts de compétences en
application des dispositions de l’article 140. Cette inscription constitutionnelle lui
confère une base solide et une protection assurée par le juge constitutionnel.
Le statut constitutionnel des collectivités territoriales ainsi défini laisse poser
une pluralité de questions quant aux perspectives de l’organisation territoriale
marocaine. On est donc dans le droit de se demander si ce statut permet de
concrétiser le projet de la régionalisation avancée qui aspire à concrétiser la
volonté royale de doter le Maroc d’une décentralisation régionale, d’essence
démocratique et vouée au développement intégré et durable sur les plans
économique, social, culturel et environnemental.
En effet, le modèle proposé par la Commission royale de la régionalisation
vise à assurer une conception concertée et coordonnée du développement
intégré dans l’espace régional, par l’émergence de la région en tant que
collectivité territoriale bénéficiant de la prééminence pour coordonner et intégrer
les visions, les plans et les programmes des autres collectivités territoriales
impactant l’espace régional, et en tant que partenaire privilégié de l’Etat en la
matière.
Si la Constitution, dans son article 143, reconnait à la région un rôle
prééminent par rapport aux autres collectivités dans l’élaboration et le suivi des
programmes de développement régionaux et des schémas régionaux
d’aménagement des territoires, nous ne pouvons pas, pour autant, en conclure
que la mise en application des dispositions constitutionnelles étudiées au cours
de notre travail est susceptible de mettre en place la régionalisation avancée
préconisée dans les discours royaux. La confirmation ou l’infirmation de cette
hypothèse pourra constituer l’objectif d’un prochain travail de recherche.
Sur un autre niveau, la mise en place de la nouvelle organisation territoriale
présente un défi majeur, celui de la nécessité de corriger les disparités
territoriales que vit le pays. A-t-on prévu des mécanismes susceptibles de mettre
un terme, ou au moins d’atténuer les disparités inter-régionales et intra-
110
régionales ? Certes, le constituant prévoit la solidarité et la coopération comme
deux principes, entre autres, sur lesquels repose cette organisation, et institue
deux fonds pouvant guider ce projet dans le sens de réaliser l’équité territoriale,
à savoir : un fonds de mise à niveau social et un autre de solidarité régionale.
Mais, cet objectif dépond beaucoup plus de l’action politique et des programmes
des gouvernants que des mécanismes juridiques.
En dernier lieu, il est important de signaler que la mise en place d’une
décentralisation territoriale approfondie nécessite préalablement l’instauration
d'une déconcentration effective. C’est une condition sine qua non pour instituer
un dialogue efficace entre l'Etat et les collectivités territoriales et pour faciliter la
coordination et la coopération entre les différents acteurs locaux. En effet, la
décentralisation nécessite un rapport d’interpénétration et de complémentarité,
dans ce sens les élus locaux doivent trouver en face d’eux, à l’échelon territorial,
des représentants du pouvoir central qui sont investis de responsabilité et de
pouvoir réel en matière de prise de décision.
Si la décentralisation territoriale constitue un choix constitutionnel, n’y-a-t-il
pas besoin de prévoir des mécanismes constitutionnels obligeant les
responsables au niveau de l’administration centrale à déléguer des pouvoirs
effectifs à leurs représentants au niveau territorial? La nécessité de la
déconcentration a été solennellement rappelée, à plusieurs occasions, par le
Chef de l’Etat, cependant, le processus de sa mise en place demeure encore lent
par rapport au rythme de la décentralisation.
En définitive, la mise en application des dispositions constitutionnelles
relatives à la décentralisation territoriale et l’adoption des lois organiques et
ordinaires et des textes réglementaires régissant la matière, compléteront et
modifieront substantiellement le statut des collectivités territoriales. Il appartient
donc au législateur, au juge, à l’administration et à la doctrine de l’interpréter et
de le compléter tout en veillant au respect du texte fondamental du Royaume.
Ainsi, la loi organique prévue par l’article 146 de la Constitution constituera un
véritable code général des collectivités territoriales. Le législateur y définira
l’ensemble des conditions et des mécanismes nécessaires à la mise en
111
application des principes et des dispositifs constitutionnels relatifs à l’organisation
territoriales. Il y précisera également, sous le contrôle de la Cour
constitutionnelle, toutes les dispositions devant régir l’organisation, le
fonctionnement et les compétences des différentes collectivités territoriales.
En outre, la jurisprudence, aussi bien constitutionnelle qu’administrative,
contribuera nécessairement à l’établissement de l’édifice de la décentralisation
marocaine. Le contrôle de constitutionnalité de la loi organique citée sera une
grande occasion pour le juge constitutionnel pour poser la pierre angulaire de la
jurisprudence constitutionnelle en matière des collectivités territoriales.
L’enjeu pour les différents intervenants en la matière, notamment le législateur
organique et le juge constitutionnel, est de savoir comment concilier les principes
de libre administration et de subsidiarité avec le caractère unitaire de l’Etat et les
contrôles exercés sur les collectivités territoriales.
Sur le plan doctrinal, il est judicieux de se demander si la constitutionnalisation
d’un ensemble de principes et de règles relatifs à l’organisation et au
fonctionnement des collectivités territoriales, va inciter les juristes à mener des
recherches et des réflexions sur une discipline jusque-là fort ignorée de la
doctrine marocaine, à savoir « le droit constitutionnel des collectivités
territoriales ». En France, celui-ci constitue déjà une discipline juridique
confirmée. En effet, la revue « Cahier du Conseil constitutionnel » lui a consacré
son numéro 12 publié en mai 2002. Avant même cette date, un ouvrage d’André
Roux, intitulé « Droit constitutionnel local » a été publié par l’éditeur ECONOMICA
en 1995. L’auteur y traite les différents principes constitutionnels régissant
l’organisation territoriale de la République française.
Les spécialistes marocains de droit constitutionnel auront intérêt à explorer
cette nouvelle discipline. Leurs recherches constitueront inévitablement une
référence importante pour les différentes autorités, afin qu’elles puissent assurer
une meilleure mise en application des dispositions constitutionnelles relatives à
la question, et inspireront le juge, tant constitutionnel qu'administratif, dans
l’élaboration d’une jurisprudence riche et cohérente en la matière.
112
ANNEXES
Annexe 1 : TITRE IX DE LA CONSTITUTION MAROCAINE : DES REGIONS ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ;
Annexe 2 : TITRE XII DE LA CONSTITUTION FRANÇAISE : DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES.
113
Annexe 1
TITRE IX DE LA CONSTITUTION MAROCAINE DE 2011 -DES REGIONS ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES-
Article 135 Les collectivités territoriales du Royaume sont les régions, les préfectures, les provinces et les communes. Elles constituent des personnes morales de droit public et gèrent démocratiquement leurs affaires. Les Conseils des régions et des communes sont élus au suffrage universel direct. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas échéant, en substitution d’une ou plusieurs collectivités mentionnées à l’alinéa premier. Article 136 L’organisation territoriale du Royaume repose sur les principes de libre administration, de coopération et de solidarité. Elle assure la participation des populations concernées à la gestion de leurs affaires et favorise leur contribution au développement humain intégré et durable. Article 137 Les régions et les autres collectivités territoriales participent à la mise en œuvre de la politique générale de l’ةtat et à l’élaboration des politiques territoriales à travers leurs représentants à la Chambre des Conseillers. Article 138 Les présidents des Conseils régionaux et les présidents des autres collectivités territoriales exécutent les délibérations et décisions de ces Conseils. Article 139 Des mécanismes participatifs de dialogue et de concertation sont mis en place par les Conseils des régions et les Conseils des autres collectivités territoriales pour favoriser l’implication des citoyennes et des citoyens, et des associations dans l’élaboration et le suivi des programmes de développement. Les citoyennes et les citoyens et les associations peuvent exercer le droit de pétition en vue de demander l’inscription à l’ordre du jour du Conseil, d’une question relevant de sa compétence. Article 140 Sur la base du principe de subsidiarité, les collectivités territoriales ont des compétences propres, des compétences partagées avec l’ةtat et celles qui leur sont transférables par ce dernier. Les régions et les autres collectivités territoriales disposent, dans leurs domaines de compétence respectifs et dans leur sort territorial, d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs attributions. Article 141 Les régions et les autres collectivités territoriales disposent de ressources financières propres et de ressources financières affectées par l’ةtat. Tout transfert de compétences de l’ةtat vers les collectivités territoriales doit s’accompagner d’un transfert des ressources correspondantes. Article 142 Il est créé, pour une période déterminée, au profit des régions, un fonds de mise à niveau sociale destiné à la résorption des déficits en matière de développement humain, d’infrastructures et d’équipements.
114
Il est créé, en outre, un fonds de solidarité interrégionale visant une répartition équitable des ressources, en vue de réduire les disparités entre les régions. Article 143 Aucune collectivité territoriale ne peut exercer de tutelle sur une autre. Dans l’élaboration et le suivi des programmes de développement régionaux et des schémas régionaux d’aménagement des territoires, la région assure, sous l’impulsion du président du Conseil régional, un rôle prééminent par rapport aux autres collectivités, dans le respect des compétences propres de ces dernières. Lorsque le concours de plusieurs collectivités territoriales est nécessaire à la réalisation d’un projet, les collectivités concernées conviennent des modalités de leur coopération. Article 144 Les collectivités territoriales peuvent constituer des groupements en vue de la mutualisation des moyens et des programmes. Article 145 Dans les collectivités territoriales, les walis de régions et les gouverneurs de provinces et préfectures représentent le pouvoir central. Au nom du Gouvernement, ils assurent l’application des lois, mettent en œuvre les règlements et les décisions gouvernementales et exercent le contrôle administratif. Les walis et gouverneurs assistent les présidents des collectivités territoriales et notamment les présidents des Conseils régionaux dans la mise en œuvre des plans et des programmes de développement. Sous l’autorité des ministres concernés, ils coordonnent les activités des services déconcentrés de l’administration centrale et veillent à leur bon fonctionnement. Article 146 Une loi organique fixe notamment : • Les conditions de gestion démocratique de leurs affaires par les régions et les autres collectivités territoriales, le nombre des conseillers, les règles relatives à l’éligibilité, aux incompatibilités et aux cas d’interdiction du cumul de mandats, ainsi que le régime électoral et les dispositions visant à assurer une meilleure participation des femmes au sein de ces Conseils, • Les conditions d’exécution des délibérations et des décisions des Conseils régionaux et des autres collectivités territoriales, conformément aux dispositions de l’article 138, • Les conditions d’exercice du droit de pétition prévu à l’article 139, • Les compétences propres, les compétences partagées avec l’ةtat et celles qui leurs sont transférables au profit des régions et des autres collectivités territoriales, prévues à l’article 140, • Le régime financier des régions et des autres collectivités territoriales, • L’origine des ressources financières des régions et des autres collectivités territoriales conformément à l’article 141, • Les ressources et les modalités de fonctionnement des fonds de mise à niveau sociale et de solidarité interrégionale prévus à l’article 142, • Les conditions et les modalités de constitution des groupements visés à l’article 144, • Les dispositions favorisant le développement de l’intercommunalité, ainsi que les mécanismes destinés à assurer l’adaptation de l’organisation territoriale dans ce sens,
115
• Les règles de gouvernance relatives au bon fonctionnement de la libre administration, au contrôle de la gestion des fonds et programmes, à l’évaluation des actions et à la reddition des comptes.
Annexe 2
TITRE XII DE LA CONSTITUTION FRANÇAISE DE 1958 -DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES-
Article 72 Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas échéant en lieu et place d’une ou de plusieurs collectivités mentionnées au présent alinéa. Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon. Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences. Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l’a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences. Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. Cependant, lorsque l’exercice d’une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l’une d’entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune. Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l’État, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois. Article 72-1 La loi fixe les conditions dans lesquelles les électeurs de chaque collectivité territoriale peuvent, par l’exercice du droit de pétition, demander l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée délibérante de cette collectivité d’une question relevant de sa compétence. Dans les conditions prévues par la loi organique, les projets de délibération ou d’acte relevant de la compétence d’une collectivité territoriale peuvent, à son initiative, être soumis, par la voie du référendum, à la décision des électeurs de cette collectivité. Lorsqu’il est envisagé de créer une collectivité territoriale dotée d’un statut particulier ou de modifier son organisation, il peut être décidé par la loi de consulter les électeurs inscrits dans les collectivités intéressées. La modification des limites des collectivités territoriales peut également donner lieu à la consultation des électeurs dans les conditions prévues par la loi. Article 72-2
116
Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi. Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l’assiette et le taux dans les limites qu’elle détermine. Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en œuvre. Tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales. Article 72-3 La République reconnaît, au sein du peuple français, les populations d’outremer, dans un idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité. La Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint- Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis et Futuna et la Polynésie française sont régis par l’article 73 pour les départements et les régions d’outre-mer et pour les collectivités territoriales créées en application du dernier alinéa de l’article 73, et par l’article 74 pour les autres collectivités. Le statut de la Nouvelle-Calédonie est régi par le titre XIII. La loi détermine le régime législatif et l’organisation particulière des Terres australes et antarctiques françaises et de Clipperton. Article 72-4 Aucun changement, pour tout ou partie de l’une des collectivités mentionnées au deuxième alinéa de l’article 72-3, de l’un vers l’autre des régimes prévus par les articles 73 et 74, ne peut intervenir sans que le consentement des électeurs de la collectivité ou de la partie de collectivité intéressée ait été préalablement recueilli dans les conditions prévues à l’alinéa suivant. Ce changement de régime est décidé par une loi organique. Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut décider de consulter les électeurs d’une collectivité territoriale située outre-mer sur une question relative à son organisation, à ses compétences ou à son régime législatif. Lorsque la consultation porte sur un changement prévu à l’alinéa précédent et est organisée sur proposition du Gouvernement, celui-ci fait, devant chaque assemblée, une déclaration qui est suivie d’un débat. Article 73 Dans les départements et les régions d’outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités. Ces adaptations peuvent être décidées par ces collectivités dans les matières où s’exercent leurs compétences et si elles y ont été habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement.
117
Par dérogation au premier alinéa et pour tenir compte de leurs spécificités, les collectivités régies par le présent article peuvent être habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement, à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement. Ces règles ne peuvent porter sur la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, l’organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral. Cette énumération pourra être précisée et complétée par une loi organique. La disposition prévue aux deux précédents alinéas n’est pas applicable au département et à la région de La Réunion. Les habilitations prévues aux deuxième et troisième alinéas sont décidées, à la demande de la collectivité concernée, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. Elles ne peuvent intervenir lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti. La création par la loi d’une collectivité se substituant à un département et une région d’outre-mer ou l’institution d’une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités ne peut intervenir sans qu’ait été recueilli, selon les formes prévues au second alinéa de l’article 72-4, le consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités. Article 74 Les collectivités d’outre-mer régies par le présent article ont un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d’elles au sein de la République. Ce statut est défini par une loi organique, adoptée après avis de l’assemblée délibérante, qui fixe : – les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables ; – les compétences de cette collectivité ; sous réserve de celles déjà exercées par elle, le transfert de compétences de l’État ne peut porter sur les matières énumérées au quatrième alinéa de l’article 73, précisées et complétées, le cas échéant, par la loi organique ; – les règles d’organisation et de fonctionnement des institutions de la collectivité et le régime électoral de son assemblée délibérante ; – les conditions dans lesquelles ses institutions sont consultées sur les projets et propositions de loi et les projets d’ordonnance ou de décret comportant des dispositions particulières à la collectivité, ainsi que sur la ratification ou l’approbation d’engagements internationaux conclus dans les matières relevant de sa compétence. La loi organique peut également déterminer, pour celles de ces collectivités qui sont dotées de l’autonomie, les conditions dans lesquelles : – le Conseil d’État exerce un contrôle juridictionnel spécifique sur certaines catégories d’actes de l’assemblée délibérante intervenant au titre des compétences qu’elle exerce dans le domaine de la loi ; – l’assemblée délibérante peut modifier une loi promulguée postérieurement à l’entrée en vigueur du statut de la collectivité, lorsque le Conseil constitutionnel, saisi notamment par les autorités de la collectivité, a constaté que la loi était intervenue dans le domaine de compétence de cette collectivité ;
118
– des mesures justifiées par les nécessités locales peuvent être prises par la collectivité en faveur de sa population, en matière d’accès à l’emploi, de droit d’établissement pour l’exercice d’une activité professionnelle ou de protection du patrimoine foncier ; – la collectivité peut participer, sous le contrôle de l’État, à l’exercice des compétences qu’il conserve, dans le respect des garanties accordées sur l’ensemble du territoire national pour l’exercice des libertés publiques. Les autres modalités de l’organisation particulière des collectivités relevant du présent article sont définies et modifiées par la loi après consultation de leur assemblée délibérante. Article 74-1 Dans les collectivités d’outre-mer visées à l’article 74 et en Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement peut, par ordonnances, dans les matières qui demeurent de la compétence de l’État, étendre, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole ou adapter les dispositions de nature législative en vigueur à l’organisation particulière de la collectivité concernée, sous réserve que la loi n’ait pas expressément exclu, pour les dispositions en cause, le recours à cette procédure. Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis des assemblées délibérantes intéressées et du Conseil d’État. Elles entrent en vigueur dès leur publication. Elles deviennent caduques en l’absence de ratification par le Parlement dans le délai de dix-huit mois suivant cette publication. Article 75 Les citoyens de la République qui n’ont pas le statut civil de droit commun, seul visé à l’article 34, conservent leur statut personnel tant qu’ils n’y ont pas renoncé. Article 75-1 Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France.
119
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FAVOREU. L, ROUX. A, La libre administration des collectivités territoriales est-elle une liberté fondamentale? Cahiers du Conseil constitutionnel n° 12 (Dossier : Le droit constitutionnel des collectivités territoriales) – mai 2002 ;
TULARD. M.J, la réforme du contrôle de légalité, in Les contrôles de l'État sur les collectivités territoriales aujourd'hui, L’Harmattan, 2007 ;
121
ZAIR. T, Le nouveau statut constitutionnel des collectivités territoriales, in REMALD, numéro double 99-100, juillet-octobre 2011.
ZAIR. T, Le principe de libre administration des collectivités territorial, in REMALD, numéro 107, novembre-décembre 2012 ;
Rapports, thèses et mémoires
Gestion financière des collectivités locales, Communes et régions d’Europe n° 50, publication du Conseil de l’Europe, 1993 ;
Gestion financière des collectivités locales, Communes et Régions d’Europe n°50, Conseil de l’Europe, 1993.
Rapport du Comité pour la réforme des collectivités locales présidé par Edouard, remis le 5 mars 2009 au Président de la République Française ;
Commission Consultative de la Régionalisation/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Aspects institutionnels ;
Rapport d’information n°283 au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation sur la clarification de la répartition des compétences entre l’État et les collectivités territoriales, fait par Antoine LEFÈVRE, Sénat-France, 2011 ;
Les organes du contrôle et leur rôle dans la lutte contre la corruption, Ministère de la modernisation des secteurs publics, octobre 2011 ;
MEUNIER. B, Les règles relatives aux transferts de compétences entre collectivités publiques, Thèse dirigée par Claude DEVES, UNIVERSITE D’AUVERGNE – CLERMONT FERRAND I, 2006 ;
La télétransmission des actes des collectivités territoriales soumis au contrôle de légalité, mémoire d’obtention de DESS en Droit De L’Internet : Administration et Entreprises, Université Paris 1, 2004 ;
Le contrôle et l’audit de l’action des collectivités locales, Rapport du Comité directeur sur la démocratie locale et régionale (CDLR) préparé avec la collaboration de Juan Santamaria Pastor et de Jean-Claude Nemery in communes et régions d’Europe n° 66, Conseil de l’Europe, mars 1999 ;
Textes juridiques
Constitutions marocaines de 1962 à 2011 ;
Constitution française de 1958 ;
Dahir n° 1-11-25 du 17 Mars 2011 portant création de l’Institution du Médiateur ;
Dahir n° 1-02-124 du 1er rabii II 1423 portant promulgation de la loi n° 62-99 formant code des juridictions financières.(B.O du 15 août 2002) ;
Dahir n° 1-91-225 (22 rebia I 1414) portant promulgation de la loi n° 41-90 instituant des tribunaux administratifs (B.O. 3 novembre 1993) ;
loi n° 1-74-447 portant code de la procédure civile ;
loi n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiée relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions. (France) ;
Dahir n° 1-59-269 du 14 avril 1960 relatif à l'inspection générale des finances ;
122
Dahir n° 1-59-315 du 28 hija 1379 (23 juin 1960) relatif à l'organisation communale Bulletin Officiel n° : 2487 du 24/06/1960 - Page : 1230 ;
Dahir portant loi n° 1-76-583 (30 Septembre 1976) (5 chaoual 1396) relatif à l'organisation communale (B.O. 1er octobre 1976) ;
loi n° 78.00 modifiée par la loi n° 17.08 du 18 février 2009, BO n° 5714 du 5 mars 2009 portant charte communale ;
Dahir n° 1-59-161 du 27 safar 1379 (1er septembre 1959) relatif à l'élection des conseils communaux. Bulletin Officiel n° : 2445 du 04/09/1959 - Page : 1477 ;
loi n° 1-93-51 su 10 septembre 1993 instituant les agences urbaines, BO n° 4220 du 15-09-1993, PP 481-482 ;
loi n° 1-84-188 du 9 octobre 1984 relatif à l’Agence urbaine de Casablanca (BO n° 3762 du 5-12-1984 PP 424-425) tel qu’il a été modifiée et complétée par la loi n° 1-93-323 du 6 octobre 1993, BO n° 4223 du 6-10-1993, PP 535-536 ;
Code des Postes et des Communications Electroniques modifié par la loi n° 2011-302 du 22 mars 2011. (France) ;
Dahir n° 1-71-77 du 22 rebia II 1391 (16 juin 1971) portant création des régions, Bulletin Officiel n° : 3060 du 23/06/1971 - Page : 685 ;
Dahir n° 1-02-269 du 25 rejeb 1423 (3 octobre 2002) portant promulgation de la loi n° 79-00 relative à l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales ;
Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, Journal Officiel n°190 du 17 août 2004 page 14545. (France) ;
Projet de loi n° 12-113 relatif à l’Instance nationale de probité et de lutte contre la corruption, http://www.icpc.ma, le 06-08-2013 ;
Décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements ;
Décret n° 2-94-100 du 16 juin 1994 portant statut particulier de l'inspection générale de l'administration territoriale, Bulletin Officiel n° 4264 du Mercredi 20 Juillet 1994 ;
Décret n° 2-09-441 du 17 moharrem 1431 (3 janvier 2010) portant règlement de la comptabilité publique des collectivités locales et de leurs groupements. Bulletin officiel n° 5814 du 03 rabii I 1431 (18 février 2010) ;
Décret n°02. 05. 1017 du 19 juin 2005 relatif aux modalités d’exécution des dépenses du compte spécial de l’INDH.
Jurisprudence
Conseil constitutionnel français, décision n° 82-149 DC du 28 décembre 1982/ Loi relative à l'organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale, Journal officiel du 29 décembre 1982, p.3914 ;
Conseil constitutionnel français, décision n° 85-196 DC du 08 août 1985, Loi sur l’évolution de la Nouvelle-Calédonie, Journal officiel du 8 août 1985, p. 9125 ;
Conseil constitutionnel français, décision n° 2000-436 DC du 7 décembre 2000, Journal officiel du 14 décembre 2000, p. 19840 ;
123
Conseil constitutionnel français, décision n° 2004-503 du 12 août 2004/ Loi relative aux libertés et responsabilités locales. Journal Officiel du 17 août 2004, P14648 ;
Conseil d’Etat, 18 janvier 2001, n° 229247, Commune de Venelles et Morbelli).
124
TABLES DES MATIERES
REMERCIEMENTS 02
SOMMAIRE 03
LISTES DES SIGLES ET ACRONYMES 04
INTRODUCTION GENERALE 05
PREMIERE PARTIE : LE STATUT CONSTITUTIONNEL DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
10
CHAPITRE I : LE CONCEPT DE « COLLECTIVITE TERRITORIALE »
13
I. La nature juridique de la collectivité territoriale 14
A. La personne morale de droit public 15
B. L’autonomie financière 17
II. Les éléments fondamentaux d’identification 18
A. Le nom 18
B. Le territoire 20
C. La population 21
III. Les catégories des collectivités territoriales 22
A. Les communes 22
B. Les préfectures et les provinces 24
C. Les régions 25
IV. Les relations entre les collectivités territoriales 27
A. L’interdiction de la tutelle d’une collectivité sur une autre 27
B. La coopération entre les collectivités territoriales 29
CHAPITRE II : LA LIBRE ADMINISTRATION DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
32
I. La portée du principe de libre administration 33
A. La libre administration comme principe d'organisation administrative
33
B. La libre administration comme liberté fondamentale 35
II. Les implications du principe de libre administration 38
A. L’élection des conseils délibérants 38
B. L’élection des organes exécutifs 41
III. Les limites du principe de libre administration 43
A. Les limites d’ordre textuel 44
B. Les limites d’ordre jurisprudentiel 45
C. Les limites d’ordre pratique 46
125
CHAPITRE III : LA SUBSIDIARITE ET LES COMPETENCES DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
48
I. Le principe de subsidiarité 49
A. Le contexte d’apparition du principe 49
B. La constitutionnalisation de la subsidiarité 50
C. La portée du principe de subsidiarité 51
II. Les compétences des collectivités territoriales 53
A. Le cadre général 53
B. Les domaines d’attribution des collectivités territoriales 58
DEUXIEME PARTIE : LE CONTROLE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
63
CHAPITRE I : LA TUTELLE ET LE CONTROLE ADMINISTRATIF
65
I. La tutelle administrative 66
A. La tutelle sur les personnes 67
B. La tutelle sur les actes 68
C. Le contrôle budgétaire 70
D. Le contrôle de la gestion par les corps d’inspection 72
II. Le contrôle administratif 75
A. La nature du contrôle administratif 76
B. Le champ d’application du contrôle administratif 77
C. La saisine du tribunal administratif 78
CHAPITRE II : LE CONTRÔLE JURIDICTIONNEL 81
I. Le contrôle exercé par les juridictions administratives 81
A. La saisine du juge administratif 84
B. Le champ d’application du contrôle de légalité 84
C. Les éléments du contrôle de légalité 85
II. Le contrôle exercé par les juridictions financières 86
A. La vérification et jugement des comptes et la gestion de fait
86
B. La discipline budgétaire et financière 89
C. Le contrôle des actes relatifs à l’exécution du budget 91
D. Le contrôle de la gestion 91
CHAPITRE III : LE CONTROLE POLITIQUE ET DE BONNE GOUVERNANCE
93
I. Le contrôle exercé par les acteurs politiques 93
A. Le contrôle exercé par les conseils délibérants 93
B. Le contrôle exercé par le citoyen 95
C. Le contrôle exercé par le Parlement 99
126
II. Le contrôle exercé par les instances de la bonne gouvernance
100
A. Le Conseil national des droits de l’Homme 100
B. L’Instance centrale de prévention de la corruption 102
C. L’Institution du Médiateur 103
D. Le Conseil de la concurrence 105
CONCLUSION GENERALE 107
ANNEXES 112
BIBLIOGRAPHIE 119
TABLE DES MATIERES 124