Université de Strasbourg Ecole nationale d’administration
Master spécialité Administration et finances publiques
Parcours Administration Publique Spécialisée
Le harcèlement moral dans la fonction publique
Etude comparative entre la France et l’Egypte
Sous la direction de Mme Mélanie Schmitt
Maître de conférences HDR
Université de Strasbourg
soutenu par
Mirna SAAD
CIP Promotion Palmyre (2015-2016)
Juin 2016
1
Remerciements
Au terme de ce mémoire, je suis heureuse d’adresser mes remerciements à toutes les
personnes qui m’ont aidé dans sa réalisation.
Je tiens à exprimer particulièrement ma reconnaissance à ma tutrice, Madame SCHMITT
Mélanie, Maître de Conférences HDR, Université de Strasbourg pour m’orienter et guider, pour
ses conseils et le temps qu’elle m’a consacré, son écoute et ses réponses à mes interrogations.
Je tiens à remercier également la direction des Masters, à l’ENA, pour l’effort et le temps
consacré pour la recherche des tuteurs et la finalisation de la problématique.
J’adresse mes sincères remerciements à M. PEYRARD Georges, Professeur à l’Université
de Jean Moulin Lyon 3, qui m’a parfaitement guidé et conseillé, pour son aide et son soutien
pertinent
Je tiens également à exprimer mes vifs remerciements à mes collègues égyptiens
Bastawissy Ahmed, Juge Judiciaire et Samir Michaël, Juge administratif, mes collègues égyptiens
pour leur aide et leurs conseils.
A tous et à chacun, je renouvelle l’expression de ma respectueuse gratitude.
2
SOMMAIRE
Introduction ……………………………………………………………………………..5
Première partie : harcèlement moral, du fait au droit………………………………..9
CHAPITRE 1 : UNE RECONNAISSANCE JURIDIQUE RECENTE EN FRANCE
Section 1 – Les sources juridiques relatives au harcèlement moral …………………10
§ 1 - Les sources internationales ………………………………………………………10
§2 - Les sources internes : une définition extensive et critiquée …………………….11
Section 2 - L’élaboration de la notion du harcèlement moral ……………………….14
§ 1 – Distinction entre harcèlement moral et harcèlement sexuel …………………..14
§ 2- Les différentes formes du harcèlement moral …………………………………...15
a) Classification relative aux sujets………………………………………………16
b) Classification selon la nature de l’acte ………………………………………..16
CHAPITRE 2 – L’IGNORANCE DU PHENOMENE : LE CAS DE L’EGYPTE
Section 1 - Un vide juridique ………………………………………………………….. 17
§ 1 -Texte général du code de la fonction publique………………………………….17
§ 2 - Le droit d’ester en justice ………………………………………………………18
Section 2 - La double face du harcèlement……………………………………………18
§ 1 - Victime ou prétendue victime…………………………………………………18
§ 2 - Le harcèlement discriminatoire :
la forme la plus répandue notamment
contre les femmes………………………………………………………………19
Seconde Partie Vers une protection efficace
CHAPITRE 1 - LA NECESSITE DE LA PREVENTION
3
Section 1 - Les mesures existantes…………………………………………………….22
§ 1 -La protection Fonctionnelle ……………………………………………………22
§ 2-La prévention des risques psycho-sociaux……………………………………………...26
Section 2 - Le renforcement du rôle des inspecteurs : rôle à avantages multiples…28
§ 1-Les spécificités de la fonction publique………………………………………28
§ 2- Le renforcement des contrôles ………………………………………………31
a) Un contrôle régulier………………………………………………………………31
b) Une formation spécifique………………………………………………………...32
c) Une activité exercée en toute indépendance ……………………………………32
CHAPITRE 2 – UN CONTENTIEUX ADAPTE…………………………………..32
Section 1 – La facilité de la preuve…………………………………………………..33
§ 1 - La preuve : appréciation hétérogène en jurisprudence……………………….33
a) Le juge administratif ………………………………………………………...34
b) Le juge pénal………………………………………………………………….35
§ 2 - L’acceptation de moyens inhabituels…………………………………………...36
Section 2 – Une protection efficace contre la plainte abusive……………………..39
§ 1 – La dénonciation calomnieuse…………………………………………39
§ 2 – La sanction disciplinaire………………………………………………41
Conclusion……………………………………………………………………………..42
ANNEXES…………………………………………………………………………….51
4
LE HARCELEMENT MORAL DANS LA FONCTION PUBLIQUE
ETUDE COMPARATIVE ENTRE LA FRANCE ET L’EGYPTE
Le harcèlement moral est un phénomène qui a toujours existé, il ne peut pas être limité à un
seul domaine, voire à une seule forme, il est hétérogène de plusieurs points de vue. On le rencontre
dans le cadre conjugal, familial, scolaire ou professionnel. Il apparaît dans le domaine public ou
privé, il peut être imposé par un supérieur hiérarchique ou un collègue, prendre une forme
individuelle ou collective. Si on s’en tient au seul domaine professionnel, on comprend
l’affirmation suivante : « On peut considérer que le harcèlement moral est lié à la nature humaine
et qu’il a toujours existé sur les lieux de travail. »1
Sa reconnaissance juridique récente, ne révèle pas sa nouveauté, contrairement à ce que l’on
pourrait croire, il s’agit d’un phénomène ancien, très ancien. Néanmoins, le mot « harcèlement »
est plutôt lié au harcèlement sexuel, c’est ce qui nous vient à l’esprit lorsqu’on parle du
harcèlement. Sans doute parce qu’on n’accorde pas suffisamment d’importance, dans certains pays
ou dans certaines sociétés, à tout ce qui est moral ou psychologique. Ce qui entraine que la règle
de droit puisse négliger de telles situations ou qu’elle ne s’y intéresse que depuis peu de temps.
Cette reconnaissance était la conséquence de plusieurs travaux publiés par des psychiatres,
notamment et principalement Marie-France HIRIGOYEN, qui a créé cette expression. Le succès
de son ouvrage « Le harcèlement moral : la violence perverse au quotidien » montre une
dissimulation de ce phénomène derrière le silence et met en évidence son étendue et sa
gravité. « Nous avons tous été témoins d’attaques perverses à un niveau ou à un autre, que ce soit
dans le couple, dans les familles, dans les entreprises ou bien dans la vie politique et sociale.
Pourtant, notre société se montre aveugle devant cette forme de violence indirecte. »2
1 HIRIGOYEN Marie-France, Le harcèlement moral dans la vie professionnelle, Paris, Pocket, 2015, p. 229. 2 HIRIGOYEN Marie-France, La violence perverse au quotidien, Paris, Pocket, 2015 p. 7
5
Deux autres psychologues l’ont précédé dans la révélation et l’étude de ces conduites. Le
suédois d’origine allemande Heinz LEYMANN regroupe sous le terme « Mobbing »
« l’enchaînement, sur une assez longue période, de propos et d’agissements hostiles, exprimés ou
manifestés par une ou plusieurs personnes envers une tierce personne »3 et Christophe DEJOURS
qui a examiné la persécution au travail en critiquant l’acceptation de la souffrance d’autrui, parle
de la « banalisation du mal ». 4
Ce sont donc ces différents travaux qui ont amené à légiférer en ce domaine, en 1993 en
Suède et en 2002 en France par la loi de modernisation sociale du 17 Janvier 2002 modifiée par la
loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003.
Récemment, le Conseil d’état statuant en référé, a considéré le droit de ne pas être soumis à
un harcèlement moral, comme constituant une liberté fondamentale, pour le fonctionnaire.5
Quant au droit européen, il n’a pas défini explicitement le harcèlement moral mais à inciter
les pays membres à s’en protéger, notamment par la directive européenne 89/391/CEE du 12 juin
1989 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et
de la santé au travail. Dans ce cadre, il incombe à l’employeur de prendre tous les moyens
nécessaires afin de protéger les travailleurs. De même la directive 2000/78 du Conseil européen
du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en
matière d’emploi et de travail, directive qui établit un cadre général pour lutter contre les
discriminations et qui considère, en son article 2 que le harcèlement est une forme de
discrimination.6
Si on s’intéresse à la situation dans les pays du sud de la Méditerranée et au Proche et Moyen-
Orient, ce phénomène paraît encore négligé. C’est le cas en Egypte, ainsi qu’au Maroc, qui dépend
3 LEYMANN Heinz, Mobbing la persécution au travail, Paris, éditions du seuil, 1996, p. 27 4 DEJOURS Christophe, Souffrance en France, la banalisation de l’injustice sociale, France, édition du seuil,
collection l’histoire immédiate, 1998, P.155 et s. 5 CE 2 Octobre 2015, n°393766,inédit au Recueil 6 Malgré cette reconnaissance juridique, une enquête sur les conditions de travail en Europe faite en 2011 par la
Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de travail, révèle que la France est la plus mal
classée.disponible sur Clesdusocial.com, enquête sur les conditions de travail en Europe, Disponible sur http://clesdusocial.com/IMG/pdf/enquete-sur-les-conditions-de-travail-en-europe.pdf consulté le 25 mai 2016.
6
sur une codification vague. On notera cependant que dans ce dernier Etat il y a des voix qui
réclament l’intervention législative7, contrairement à l’Egypte où l’expression n’est jamais utilisée.
Il s’agit d’un phénomène lié à l’organisation sociale, il ne peut pas être interprété et traduit
sans une vue sociologique. Il n’y a pas de sociétés sans harcèlement moral, mais les conditions de
sa dénonciation ne sont pas toujours réunies. La plupart des cas sont en lien avec une culture ou
une organisation sociale, le caractère personnel ou plutôt l’histoire de la construction de la
personnalité du harceleur n’est pas sans lien avec ce phénomène.
Certes, les caractéristiques de la société créent les comportements mais les caractères de
chaque individu ainsi que son état psychologique, peuvent être à l’origine du harcèlement moral :
un caractère narcissique, un sentiment de jalousie ou d’envie, un désir de persécuter l’autre, un
manque de compétence, de communications, une culture décalée peuvent entraîner un harcèlement
à motif discriminatoire.
« Il est nécessaire d’analyser le harcèlement moral comme le produit de rapports sociaux
bien déterminés. Ces rapports prennent une forme particulière dans les relations entre individus
dans chaque lieu de l’espace social entreprise, famille, école, association et sont marqués par la
présence simultanée de dimensions antagonistes et coopératives…l’étiquette de harcèlement moral
peut en effet dissimuler l’existence de rapports sociaux antagoniques, que ce soit de genre, de
classe, de « race » ou encore en relation avec l’âge ».8
Une autre partie de la doctrine, considère que ce phénomène est plutôt lié à des raisons
relatives aux conditions de travail.
Ces conditions de travail créent « un état de stress » qui peut être considéré comme le terrain
susceptible d’entraîner du harcèlement moral, cet état de stress trouve son origine dans plusieurs
facteurs : l’intensité du travail, la manière de l’organiser, les objectifs fixés, les moyens et le
matériel fournis pour les réaliser, les relations sociales ou le soutien social au sein d’une
administration, ou encore un manque de surveillance hiérarchique qui peut augmenter les cas de
harcèlement horizontal.
7 http://lavieeco.com/news/societe/a-quand-la-penalisation-du-harcelement-moral-au-maroc.html consulté le 9 Juin
2016. 8 DE GASPARO, Claudia, Harcèlement moral et sexuel au travail : Une approche sociologique, Revue Cahiers du
genre, (n° 35) 2003/2, pages 165-187, L'Harmatan.
7
« Toutes les enquêtes le confirment, le harcèlement moral émerge plus facilement dans des
contextes particulièrement soumis au stress. »9
Quelle que soit l’origine de ce phénomène, et même si sa compréhension demeure
compliquée vu qu’elle se heurte toujours à la complexité des rapports sociaux, culturels et
organisationnels, ce qui reste indiscutable, c’est la nécessité de sa sanction, qui implique à son tour
un encadrement juridique précis.
Une définition juridique et une sanction ne suffisent pas pour lutter contre ces
comportements humiliants et hostiles. Il faut encore que les victimes puissent être encouragées et
soutenues pour pouvoir agir en justice et que les obstacles, en particulier en matière de preuves,
ne constituent pas une protection derrière laquelle pourront s’abriter les auteurs.
Existent-ils des éléments communs qui doivent être pris en compte en légiférant dans ce
domaine, et des éléments qui peuvent être différents d’un système juridique à l’autre, d’un pays à
l’autre ?
Puisque, pour l’instant, rien ne paraît prévu en cette matière dans le système égyptien, les
solutions mises en place en France sont-elles toutes directement transposables en Egypte ?
Ces deux principales problématiques auxquelles peut se heurter l’encadrement juridique de ce
phénomène, sont la charge de la preuve et ses moyens ainsi que l’abus exercé par des prétendues
victimes.
Ces deux problématiques se croisent, puisqu’un élargissement de moyens de preuves pourra
servir à éviter une augmentation des cas d’abus, en facilitant leur révélation.
Reconnaître l’existence du harcèlement moral et le caractériser ne paraît pas devoir obéir à des
solutions différentes selon les pays, la question de la charge de la preuve et de l’assistance que les
autorités peuvent apporter sur ce point aux victimes peut-elle être abordée différemment ?
On peut avantager les victimes qui sont les plus fragiles, en limitant à leur égard les exigences
de preuve, cela ne doit pas avoir pour effet de laisser la place à l’abus dans la dénonciation. Au
9 HIRIGOYEN, Marie-France, Le harcèlement moral dans la vie professionnelle, Paris, Pocket, 2015, p. 230.
8
contraire, une sanction de dénonciation calomnieuse sera plus justifiée et en ce domaine peut-elle
être soumise à des conditions moins exigeantes ?
C’est en tenant compte de ces considérations que le droit égyptien peut s’inspirer du droit
français pour sanctionner le harcèlement moral, en adaptant sa réponse à la nécessité que ressent
la société égyptienne toute entière d’une modification de la situation existante.
Il convient donc de présenter tout d’abord comment le système français, dans ses textes et
sa pratique judiciaire, a abordé le phénomène dans tous ces aspects, en mettant en parallèle la
situation actuelle en Egypte. (Partie 1) Dans un deuxième temps, nous rechercherons quelles
peuvent être les voies à suivre pour mettre en place un système adapté à la société égyptienne en
veillant à écarter les abus dans la dénonciation (Partie 2).
PREMIERE PARTIE – HARCÈLEMENT MORAL, DU FAIT AU DROIT
Un mouvement au niveau international pour lutter contre le harcèlement moral, a précédé sa
reconnaissance juridique en France. Cette dernière n’a pas manqué de critiques, notamment
lorsqu’il a fallu le définir, on a pu craindre que, comme pour le harcèlement sexuel, on ait recours
à une question prioritaire de constitutionnalité. Une nouvelle définition de ce dernier, qui la plupart
du temps l’accompagne, a été l’occasion de modification de la sanction du harcèlement moral,
dont la définition large a permis d’englober diverses formes. (Chapitre 1) Le fait que la notion
même de harcèlement moral ait été sujette à discussions et la présence dans une législation de
textes généraux qui pourraient être utilisées en ce domaine, peuvent-ils justifier le vide que l’on
rencontre sur cette question dans d’autres systèmes juridiques, notamment au Moyen Orient ?
(Chapitre 2)
Chapitre 1 : Une reconnaissance juridique récente en France
Le droit français a reconnu ce phénomène presque deux ans après le célèbre ouvrage de
Marie-France HIRIGOYEN, au niveau du code du travail, du code pénal et du statut général des
fonctionnaires par la loi de modernisation sociale du 17 Janvier 2002 modifiée par la loi n° 2003-
6 du 3 janvier 2003.
Avant cette date, le droit français définissait seulement le harcèlement sexuel, par la loi
numéro 92-1179 du 2 novembre 1992 relative à l’abus d’autorité en matière sexuelle dans les
9
relations de travail, complétée par la loi numéro 98-468 du 4 Juin 1998 relative à la prévention et
à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs. Par la suite, la loi de
modernisation précitée a apporté des compléments et précisions, par exemple en supprimant la
condition d’une relation hiérarchique pour aboutir à une incrimination.
Il est nécessaire de développer les fondements juridiques internationaux et internes de ce
phénomène, et les critiques de ce fondement (1) tout en le présentant de manière plus précise en la
distinguant du harcèlement sexuel, même s’ils sont souvent liés, et en exposant ses différents
aspects et formes (2).
Section 1 – Les sources juridiques relatives au harcèlement moral
Ce sont d’abord des sources internationales qui ont fait apparaître la notion de harcèlement
moral et ont permis ensuite que divers droits internes s’y intéressent.
Notion juridique récente, le harcèlement moral a suscité de nombreux débats dès lors qu’il a
fallu le qualifier précisément pour pouvoir le sanctionner efficacement. Cette recherche de
définition est issue à la fois de sources internationales et internes.
§ 1 - Les sources internationales
Le harcèlement moral, a fait l’objet d’une reconnaissance dans l’ordre international, en
particulier au sein de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Le harcèlement moral que
l’on envisage concerne évidemment le milieu professionnel, comme le prévoyait le Pacte
international des droits sociaux, économiques et culturels dans son article 7 « Les Etats parties au
présent Pacte reconnaissent le droit qu'a toute personne de jouir de conditions de travail justes et
favorables, qui assurent notamment… b) La sécurité et l'hygiène du travail »10
10 Adopté au sein du Haut-Commissariat pour les droits de l’homme (ONU) en 1966 et entrée en vigueur
en 1976. Récemment un commentaire du Comité économique, social et culturel, qui date du 27 avril 2016 interprétant
cette article a bien précisé dans son article 48 que la législation pénale, du travail ou contre la discrimination, doit
définir largement le harcèlement avec une référence explicite au harcèlement sexuel, il souligne qu’une politique
nationale sur les lieux de travail, privées et publics, doit être mis en place et doit notamment l’encadrer explicitement,
le prohiber, le prévenir, protéger les victimes et former les employeurs.
10
Poursuivant dans cette direction, l’O.I.T. s’est beaucoup préoccupée de la violence sexuelle
comme forme de violence au travail, sa convention numéro 111 sur la discrimination - emploi et
profession- a prohibé la discrimination basée sur le sexe. Dans ce cadre, un rapport du comité
économique et social européen du 2015 sur l’élaboration d’une convention de l’Organisation
Internationale du Travail contre les violences sexistes au travail incitait les Etats membres de
l’Union européenne à soutenir cette élaboration.
L’OIT n’a pas élaboré des conventions concernant le harcèlement moral, néanmoins, elle
ne le néglige pas. Un rapport datant de 2000 du Bureau International du Travail, Secrétariat de
l’OIT, sur la violence au travail a précisé cette forme de violence. « La notion de violence au
travail est en train d’évoluer en ce sens que l’on accorde désormais autant d’importance au
comportement psychologique qu’au comportement physique… ». Selon ce rapport, plusieurs
recherches effectuées au Royaume-Uni, ont révélé que 53% des salariés ont subi des formes de
brimades au travail et que 73% en ont été témoins.
Ces exigences internationales devaient se traduire dans le droit interne, ce que l’on va
exposer avec l’exemple français. Notons, dès maintenant, que l’Egypte a ratifié le Pacte précité
mais ne l’a pas intégré dans son doit interne.
§2 - Les sources internes : une définition extensive et critiquée.
La définition du harcèlement moral en droit français résulte de la loi numéro 83-634 du 13
Juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (Le statut général des fonctionnaires)
par l’intermédiaire de la loi de modernisation déjà citée en son article 178, en créant l’article 6
quinquies, à l’imitation du Code de travail11 ou du Code pénal avec l’article 222-33-2.
La même formulation définissant le harcèlement moral a été inséré dans les trois codes
« Aucun fonctionnaire/salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont
pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à
ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir
professionnel ».12
11 Anciens articles L.122-49 à L.122-53, aujourd’hui articles 1152-1 et suivants. 12 Quant à la sanction pénale elle a été fixée comme suit : « Le fait de harceler autrui par des agissements répétés…est
puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende ». Si cette sanction a fait l’objet d’une modification
11
A partir de la définition donnée par la loi, on peut dégager quelques éléments permettant de
préciser les contours de cette notion juridique.
Pour qu’il y ait harcèlement moral, il faut donc :
Une répétition des actes : Dans ce cadre, le législateur n’a pas établi une condition
de durée, ces actes peuvent donc se dérouler sur une longue ou une courte période,
c’est ce qu’a confirmé la jurisprudence de la Cour de Cassation avec son arrêt du 26
mai13. Cette dernière a également précisé que la diversité de la nature des faits
invoqués n’est pas une condition, un fait de nature unique est donc constitutif du
harcèlement moral à condition qu’il se répète.14Notons que le droit communautaire
n’exige pas cette répétition15.
Une dégradation des conditions de travail : Cette dégradation peut être traduite par
le changement du bureau et la carence d’outils nécessaires pour accomplir le travail,
une disqualification de la performance de la victime, une diminution ou une
complication de ses tâches.
Cette dégradation doit être susceptible de porter atteinte à la dignité du fonctionnaire,
altérer sa santé physique ou mentale et compromettre son avenir professionnel. Dans
ce cadre également, le législateur n’a pas exigé que ses conséquences soient
cumulatives.
Malgré ces éléments encadrant le phénomène, sa définition n’a pas manqué de critiques.
Les principales critiques faites par les commentateurs de cette définition portent principalement
sur deux points : 16
Le législateur s’est consacré aux conséquences et non pas aux agissements ce qui a
pour effet de négliger l’importance d’une conduite intentionnelle, puisqu’un acte « ayant
comme effet » n’exige pas une intention. Selon Patrice ADAM, le harcèlement moral
nécessite une « intention malveillante », néanmoins il considère que cette condition est
l’aggravant par la loi numéro 2012-594 du 6 août 2012. La définition précitée, et malgré les critiques dont elle a fait
l’objet, est demeurée telle qu’elle était. 13 Cass.Soc n° 08 -43152 du 26 mai 2010, inédit au Bull 14 Cass. Crim n° 14-80455 du 26 janvier 2016 15 « Tout agissement » qui a pour objet ou pour effet… - Par ex. : Dir. no 2006/54/CE du 5 juill. 2006 16 Disponible sur http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/reflexions.pdf consulté le 19 avril 2016.
12
exigée implicitement par le législateur dès lors que le harcèlement moral fait l’objet d’une
sanction pénale.17
En revanche, le législateur a exigé une dégradation des conditions de travail
négligeant ainsi les atteintes à la vie privée.
C’est notamment et principalement, le caractère extensif de cette définition qui est donc
critiqué, ou plutôt son imprécision. C’est cette dernière qui a entrainé donc les diverses
interprétations, si Patrice Adam, considère que l’article nécessite l’intention malveillante il avoue
quand même ce caractère imprécis. « Nous considérons en effet que l’article L 1152-1 du Code
de travail, malgré une rédaction défaillante qui peut laisser penser le contraire, définit bien - tout
en le faisant fort mal - la notion de harcèlement moral qui s’y trouvent énoncés ses éléments
constitutifs »18. Malgré tout, ces critiques n’ont toujours pas pu servir de base à une demande de
QPC « question prioritaire de constitutionnalité ». Au contraire ce sont ces éléments déjà cités qui
ont été soulignés par la Chambre criminelle de la Cour de cassation19, lorsqu’elle a refusé de
transmettre au Conseil Constitutionnel la question de la définition du harcèlement moral, refus qui
paraît d’autant plus justifié que les dispositions législatives le concernant avaient déjà été
considérées conformes à la constitution par la décision du Conseil Constitutionnel du 12 Janvier
2002.20
La Chambre criminelle n’avait donc pas seulement refusé la transmission, elle a précisé que
la définition du harcèlement n’échappe pas au principe de légalité des délits et des peines, prévu
par l’article 8 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.21 Le harcèlement
moral est donc qualifié à travers les conséquences de l'acte sur la situation de la victime, sur sa
dignité et sur sa santé notamment. Tel n'était pas le cas pour le harcèlement sexuel, dont la
définition était réduite à son objet, qui est "d'obtenir des faveurs de nature sexuelle"22.
17 ADAM Patrice, le harcèlement moral est mort, vive le harcèlement moral ?, le droit ouvrier, n° 740, mars 2010, Pages 117 et s. 18 ADAM Patrice, Harcèlement moral : la place incontournable de l’intention malveillante, de l’intérêt d’une lecture combinée des articles L1152-1 et L1154-1 du Code du travail, semaine social Lamy, N° 1404, 15 juin 2009 page 10 19 Cass.Crim 11 Juillet 2012 n° 11-88114 Bull.170 Pages 289 et s. 20 N° 2001-455 Journal Officiel du 18 janvier 2002, page 1053 Recueil, p. 49
21 "Les faits commis doivent présenter un caractère répété et avoir pour objet ou pour effet une dégradation des
conditions de travail (...)" Cass. Crim11 Juillet 2012 n° 11-88114 Bull.170 Pages 289 et s. 22 Arrêt précit.
13
C’est pour la raison évoquée dans la décision déjà mentionnée de la Chambre Criminelle
relative au harcèlement moral, que la définition du harcèlement sexuel a été déclarée
inconstitutionnelle, en raison de l’imprécision des éléments constitutifs de l’infraction, par une
décision du 4 mai 201223, suite à laquelle, une abrogation de l’ancien texte est intervenue le 5 mai
2012. Une nouvelle formulation a été rédigée puis insérée dans le code de travail, le code pénal et
le Statut des fonctionnaires.
Un amalgame se fait souvent entre les deux situations, puisqu’en pratique, il n’est pas rare
que l’on passe d’un harcèlement sexuel à un harcèlement moral ou que « des situations de
harcèlement sexuel soient masquées sous l’étiquette harcèlement moral »24. Ce lien, fait même par
le législateur, a entraîné une aggravation de la sanction du harcèlement moral à l’occasion de la
modification de la définition du harcèlement sexuel.
Section 2 - L’élaboration de la notion du harcèlement moral
Afin de bien identifier le harcèlement moral, on doit le distinguer du harcèlement sexuel et
préciser ses formes.
§ 1 – Distinction entre harcèlement moral et harcèlement sexuel
Le harcèlement sexuel avait été défini par l’article 6 ter de la loi 83-634 du 13 Juillet 1983
portant droits et obligations des fonctionnaires (Le statut général des fonctionnaires) précitée, cet
article a fait l’objet d’une modification par une loi adoptée à l’unanimité par le parlement, la loi
numéro 2012-594 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel.
Avant cette modification, la sanction était d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros
d’amende, et il était défini comme : « Le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs
de nature sexuelle ». La nouvelle loi a précisé deux types de harcèlement sexuel :
« Le harcèlement sexuel est le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des
propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en
23 N° 2012-240 Journal officiel du 5 mai 2012, page 8015, texte n° 150, Recueil, p. 233
24 DE GASPARO Claudia , op.cit.
14
raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation
intimidante, hostile ou offensante. »
« Le fait, même non répété, d'user de toute forme de pression grave dans le but réel
ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de
l'auteur des faits ou au profit d'un tiers. »25
Quant à la sanction elle passe à « deux ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende » et
peut aller jusqu’à «trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende » en cas de circonstances
aggravantes.
Cette nouvelle loi a interdit en insérant l’article 225-1-1 les discriminations résultant d’un
harcèlement sexuel, un nouveau délit a donc été créé « constitue une discrimination toute
distinction opérée entre les personnes résultant du fait qu’elles ont subi ou refusé de subir des faits
de harcèlement sexuel ou témoigné sur de tels faits ».
A l’occasion de cette modification, une aggravation de la peine du harcèlement moral a été
formulée, il est désormais sanctionné « de deux ans d’emprisonnement et de 15 000 à 30 000 €
d’amende. »26
Ces différentes dispositions récentes ont été rappelées par la circulaire numéro SE1 2014-1
du 4 mars 2014 relative à la lutte contre le harcèlement moral dans la fonction publique, qui
s’inscrit dans le cadre des engagements du protocole d’accord du 8 mars 2013, signé par les
organisations syndicales des trois fonctions publiques et les représentants des employeurs publics
à l’occasion de la troisième réunion du comité du suivi de l’accord précité relatif à l’égalité
professionnelle entre les hommes et les femmes dans la fonction publique.
Ce rapprochement dans notre droit et cet amalgame apparent entre les deux phénomènes ne
doivent pas laisser penser qu’ils coïncident nécessairement, le harcèlement moral peut prendre
plusieurs autres formes que celui envisageable en cas du harcèlement sexuel, il conviendrait donc
de développer les différentes formes
§ 2- Les différentes formes du harcèlement moral
25 Article 222-33 du code pénal 26 Article 222-33-2 du code pénal
15
La définition extensive du harcèlement moral a permis d’englober diverses situations dans
le champ de ce phénomène, ou plutôt c’est la diversité des formes de ce phénomène qui a permis
l’approfondissement de sa définition en l’encadrant par des éléments constitutifs. Plusieurs critères
peuvent servir de base pour en classer les différentes formes.
Vu que le législateur n’a pas imposé une hiérarchie des conditions dans la détermination du
harcèlement moral, la première classification qui peut être donc faite à cet égard c’est une
classification fondée sur la relation existant entre harcelé et harceleur, la deuxième est fondée sur
la nature même de l’acte.
b) Classification relative aux sujets
Trois classifications sont envisageables dans ce cadre, le harcèlement vertical ou descendant,
qui s’exerce d’un supérieur hiérarchique vers un subordonné, le harcèlement horizontal qui
s’exerce entre collègues sans lien de subordination, et le harcèlement ascendant, qui s’exerce d’un
subordonné vers un supérieur hiérarchique.
Ce dernier type de harcèlement, et sa poursuite, a été confirmé par la Chambre Criminelle
de la Cour de cassation le 6 décembre 2011 : « La cour d'appel, qui a ajouté à la loi des conditions
qu'elle ne comporte pas…, en subordonnant le délit à l'existence d'un pouvoir hiérarchique, alors
que le fait que la personne poursuivie soit le subordonné de la victime est indifférent à la
caractérisation de l'infraction, a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés ».27
Il faut noter que le législateur n’a pas mis une condition concernant le statut du
fonctionnaire, il peut s’agir d’agents titulaires ou non titulaires «…les dispositions du présent
article sont applicables aux agents non titulaires de droit public ».28
b) Classification selon la nature de l’acte
Marie-France HIRIGOYEN propose quatre catégories de harcèlement moral 29 : isolement
et refus de communication (la personne sera ignorée et privée de tâches sur son lieu de travail) ;
27 Cass.Crim. 6 déc. 2011, Bull. 249 pages 955 et s.
28 V. loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, art. 6 quinquies.
29 HIRIGOYEN, Marie-France, Le harcèlement moral au travail. Etat des lieux, France, PUF, collection
encyclopédique, décembre 2014, p. 13 à 16
16
atteinte aux conditions de travail : la victime sera disqualifiée, à un point qu’elle se disqualifiera
elle-même ; les attaques personnelles, c’est-à-dire les atteintes à la dignité ; les intimidations,
concernant des actes pouvant inspirer une crainte à la victime afin qu’elle parte.
Le harcèlement moral peut donc être classé autour de trois axes principaux englobant ses
différentes formes : l’ignorance ou le harcèlement passif, la sous-estimation ou la disqualification,
et l’humiliation et l’atteinte à la dignité.
Chapitre 2 – L’ignorance du phénomène : le cas de l’Egypte
Le système juridique égyptien, ne s’intéresse pas à ce phénomène, cette ignorance juridique
ne traduit pas évidemment l’absence du phénomène, aucunement, parfois ce sont les
comportements les plus dangereux et les plus répandus qui sont ignorés par les systèmes juridiques
quelle que soit la justification ou le fondement de cette ignorance.
Section 1 - Un vide juridique
Aucun texte juridique égyptien ne définit ce qu’est le harcèlement moral, ni dans le code
de la fonction publique ni dans le code pénal, la base juridique utilisée actuellement est un texte
général du code de la fonction publique.
§ 1 -Texte général du code de la fonction publique
Le code de la fonction publique numéro 47 de l’année 1978 prévoit dans son article 78
:« est sanctionné disciplinairement, tout fonctionnaire qui déroge aux exigences des obligations de
la fonction ou qui se comporte par un comportement incompatible avec les exigences et le respect
de cette fonction » (traduction libre).
La question qui peut se poser dans ce cadre, est celle de l’avantage que peut porter les textes
généraux, en permettant d’englober toutes sortes d’agissements et de comportements dérogatoires
aux obligations et au respect de la fonction publique. Celle était la réflexion du législateur égyptien
en insérant ce texte général, en plus des textes numérotant les comportements sanctionnés.
Néanmoins, l’existence de ce texte ne sera pas avantageux dans tous les cas, au contraire, un
phénomène comme le harcèlement moral vaut mieux qu’il soit bien encadré, surtout s’il sera
sanctionné pénalement aussi, et ce afin d’éviter les risques d’abus. Un abus d’excès de pouvoir qui
n’a pas été répété et n’est pas susceptible d’altérer la santé physique ou mentale de la victime et
17
compromettre son avenir professionnel ne sera pas donc qualifié de harcèlement moral, et sera
basé sur les textes généraux du code. Cela était le cas du système français avant la codification du
harcèlement moral, le juge se basait donc sur la notion d’exercice anormal du pouvoir hiérarchique
pour le sanctionner sans chercher beaucoup au-delà du comportement ou ses conséquences. Un
encadrement spécifique aura comme but de sanctionner un phénomène répétitif et donc entraînant
des conséquences graves ce qui justifiera à son tour une sanction grave telle qu’une sanction
pénale.
Quelle que soit la justification de ce vide juridique, les victimes du harcèlement moral ne
disposent actuellement que de cet article général pour fonder leurs recours en justice, qui est aussi
utilisé par les prétendues victimes.
§ 2 - Le droit d’ester en justice
La Constitution garantit dans son article 97, le droit d’ester en justice. Néanmoins aucun
texte ne prévoit une sanction de l’abus de ce droit. La dénonciation calomnieuse n’est prévue qu’en
droit pénal et elle est rarement applicable, d’où peuvent naître des cas d’abus d’ester en justice.
Naturellement, la jurisprudence a évidemment sanctionné les comportements révélant un
abus de ce droit, mais il n’existe pas de texte explicite, cette sanction elle aussi est donc basée sur
les textes généraux et laissée à l’appréciation de chaque juge.
Section 2 - La double face du harcèlement
Il y a évidemment de vraies victimes du harcèlement, mais également des prétendues
victimes qui estiment, à tort et à raison, être harcelés par leurs supérieurs hiérarchiques, c’est la
problématique auquel se heurte ce phénomène en Egypte, un abus de droit d’ester en justice, contre
sa hiérarchie, manifestation d’un malaise général de la fonction publique né de la baisse des
salaires et d’une démotivation des fonctionnaires souffrant d’un management très déficient.
§ 1 - Victime ou prétendue victime.
La faiblesse de la rémunération des fonctionnaires peut entrainer une démotivation de ces
derniers et donc un non accomplissement de leurs missions. S’ajoute à cela le stress subi par le
fonctionnaire dans sa vie privée ou même du fait de ses conditions de travail. Cela ne justifie pas
18
de ne pas prendre en considération l’existence de victimes d’un réel harcèlement et donc la
nécessité d’un encadrement juridique précis pour les protéger.
En plus une dégradation des conditions de travail, selon la définition du droit français, ne
doit pas être le but de ce comportement, ça peut être donc une conséquence, un fonctionnaire qui
n’accomplit pas son travail, n’est pas donc en abri d’une violence de harcèlement moral, cette
dernière peut s’exercer dans un but à motif personnel, pour une des raisons déjà développées, et
évidemment, en aucun cas, elle ne peut être une sanction que subi le fonctionnaire qui
n’accomplisse pas ces mission ou ces obligations, ce dernier devra être sanctionné par les voies
juridiques légales. C’est ce qu’a décidé le juge administratif français avec l’arrêt « Dame
Montaut »30, indiquant que dans le cas où l’existence du harcèlement moral est établie, le
comportement de la victime ne peut pas justifier ces agissements et exonérer l’administration de
sa responsabilité en estimant que celui-ci a contribué à cette dégradation des conditions de travail.
La répétition comme condition de prise en compte de ce phénomène de violences permet
d’éviter les abus, un acte isolé sera donc sanctionné sous un autre titre que le harcèlement moral.
L’ignorance du phénomène n’est donc pas la solution, au contraire c’est un encadrement
juridique précis et une prévention efficace qui limitera les cas d’abus et protègera donc les vraies
victimes qui sont certainement les plus nombreuses et on peut penser qu’elles pourraient être
encore plus nombreuses à se déclarer si leurs droits étaient plus précisément définis et leur action
mieux encadré et protégé. Ces victimes dans la plupart des cas subissent un harcèlement
discriminatoire
§ 2 - Le harcèlement discriminatoire : la forme la plus répandue notamment
contre les femmes
Vu que c’est un phénomène dont l’origine est en lien avec la vie sociale, l’éducation et la
culture, le harcèlement à motif discriminatoire notamment contre la femme est le plus répandu. Il
s’exerce surtout contre les femmes accédant à des fonctions de responsabilité importante. La
plupart du temps, il s’exerce par l’injure et la critique systématique l’auteur s’attaquant à la dignité
de la personne ou à sa vie privée.
30 CE. 11 Juillet 2011, n° 321225 Recueil p. 350 et s.
19
Cette discrimination contre les femmes, existe partout, c’est sa gravité, son degré ou son
origine qui diffère d’un pays à un autre. Si dans certains pays c’est la culture qui entraine cette
distinction, une culture qui a créé une image refusant d’accepter qu’une femme se trouve dans un
tel poste en ayant une certaine autorité ou croyant qu’elle n’est pas qualifiée pour y parvenir, dans
d’autres pays, c’est peut-être la nature de la femme, qui est à l’origine de ce comportement, c’est
ce qui explique le fait qu’une grande partie de ces discriminations sont contre les femmes
enceintes.
Ce qui prouve que les femmes représentent une grande partie des victimes de ce phénomène, c’est
que cette discrimination commence même avant leur accès à certains postes ou même par le refus
de leur accès à ces postes, en se basant sur un préjugé de disqualification émanant d’une culture
sous estimant la femme. Ce comportement révèle donc un comportement général discriminant la
femme. Si parfois cette discrimination arrive à empêcher son accès à un tel poste, elle pourra
encore plus se manifester évidemment une fois qu’elle sera en place et cela à tout moment de sa
carrière.
Cette discrimination contre les femmes, est vécue aussi en France, discrimination face à
laquelle, un protocole d’accord relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction
publique a été signé le 8 mars 2013 avec l’ensemble des organisations syndicales et les
représentants des employeurs publics. Le but de ce protocole est de réaliser une égalité
professionnelle réelle entre hommes et femmes et d’éviter tout comportement discriminatoire
contre les femmes. Parmi les mesures prévues, il y a la lutte contre les stéréotypes et les
discriminations contre les femmes dans le cadre de l’égalité professionnelle, la mise en place de
politiques et de démarches permettant la suppression des inégalités salariales entre femmes et
hommes, la réalisation d’une égalité représentative dans le cadre du dialogue social, ainsi que la
vérification du caractère non discriminatoire des processus de recrutement et de l’égalité d’accès
aux formations. Un des exemples concerne le droit au congé de paternité et d’accueil de l’’enfant
dans la fonction publique, dans les mêmes formes que pour le congé prévu pour à la mère.
Cette présentation de la lutte contre le harcèlement, dans les deux pays qui nous intéressent,
en ce qui concerne les bases juridiques, ainsi que ses raisons et ses formes, qui restent plus ou
moins communs, permettra de bien définir les éléments qui permettront au droit égyptien de
20
s’inspirer du droit français afin d’encadrer et de sanctionner ce phénomène tout en écartant ou
éliminant les abus.
Mais est ce que le système français ne cherche à combattre ce phénomène par la seule voie
de la sanction ou de la répression, n’est-il pas plus utile, de mettre en place une politique de
prévention ? Le système français est vigilant et conscient d’une telle nécessité, la jurisprudence
n’avait-elle pas un rôle primordial dans l’encadrement de ce phénomène ? Ces éléments seront-ils
avantageux dans le but d’une élimination des risques d’abus ?
En examinant non plus comment le harcèlement moral se manifeste et comment le définir
pour ensuite l’empêcher, on va montrer que la prévention prévue en droit français doit aussi être
prise en considération dans un aménagement d’un ensemble protecteur et sanctionnateur par le
système égyptien. Prenant en considération la situation avec retard, le législateur égyptien pourra
ainsi tirer des enseignements utiles pour une protection immédiatement efficace et complète.
SECONDE PARTIE - VERS UNE PROTECTION EFFICACE
Après avoir tracé les limites de la notion de harcèlement moral et présenter l’état de la
législation en France et en Egypte, il s’agit maintenant de présenter les développements que peut
prendre cette question en droit égyptien, à la lumière de la situation en France. Notre sujet ne
concernant que la situation dans la fonction publique, notre exposé s’inspirera de ce qui est prévu
dans l’administration en France.
Afin de limiter, à la fois, les risques de harcèlement et les dommages qui peuvent en
résulter, on ne peut se contenter de mettre en place les conditions d’une sanction juridique, mais
il est préférable de chercher à éviter une intervention judiciaire en imposant au sein des
administrations différents modes de prévention du harcèlement.
Ce n’est qu’en cas d’échec de ces mesures que la victime, avec ou sans le concours de sa
hiérarchie, pourra mettre en route la machine judiciaire pour aboutir à une sanction et une
réparation. Dans cette hypothèse, il est souhaitable que les règles habituelles applicables lors du
procès soient aménagées afin de faciliter l’action de la victime, cet assouplissement, favorable à la
victime, ne doit pas cependant être une source de plaintes excessives, ni laisser sans sanction la
prétendue victime dont le comportement serait la manifestation de l’exercice abusif d’un droit.
21
Cela nous conduit à présenter, dans un premier chapitre, les aspects que pourrait prendre la
mise en place, à l’imitation des solutions françaises, d’une prévention efficace, tandis que le second
chapitre présentera les aménagements que l’on pourrait apporter dans le régime de droit commun
des actions en justice pour renforcer la sanction de harcèlement juridiquement établis.
Chapitre 1 - La nécessité de la prévention
Le système français, a mis en place, une forme de protection préventive et réparatrice
définie par l’article 11 de la loi du 13 Juillet 1983, ainsi qu’une forme de prévention encadrée par
l’accord-cadre du 22 octobre 2013 relatif à la prévention des risques psycho-sociaux dans la
fonction publique, signé avec l’ensemble des organisations syndicales et les représentants des
employeurs publics. Ces éléments textuels forment la base de la nécessaire prévention du
harcèlement moral. Mais les intentions, même suivies de mesures pratiques ne peuvent être
efficaces que si on a la garantie qu’elles seront réellement appliquées, ce qui impose un contrôle
renforcé et régulier de la part des inspecteurs de la fonction publique.
Section 1 - Les mesures existantes
Il s’agit de deux volets principaux de prévention, celle dite protection professionnelle et
celle concernant les risques psycho-sociaux, puisque le harcèlement moral entre dans le champ
d’application de ces deux modes de protection.
§ 1 -La protection Fonctionnelle
L’administration doit protéger les fonctionnaires des risques de harcèlement moral sur la
base de l’article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 précité, qui non seulement le définit mais
prohibe toute acte portant préjudice à la victime à cause de dénonciation de ce phénomène, ainsi
que ceux que peuvent subir les témoins.31
31 Article 6 quinquiés : « Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération :1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait
22
A part cette protection, l’article 11 de la même loi a défini une protection dite professionnelle,
dont peut bénéficier une victime de harcèlement moral, puisqu’elle énonce trois situations subies
par le fonctionnaire à l’occasion ou dans le cadre de l’exercice de ses fonctions : 32
Les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages.
La mise en cause de sa responsabilité pénale.
En cas des condamnations civiles prononcées contre lui.
Il s’agit de l’équivalent de l’obligation de sécurité auquel est soumis l’employeur du secteur
privé33, et qui a connu récemment, une évolution la limitant, avec l’arrêt de la Cour de Cassation
du premier juin 2016. Auparavant, l’employeur ne pouvait pas être exonéré de sa responsabilité,
même en cas d’absence de faute de sa part, autrement dit même s’il aurait pris les mesures
nécessaires pour faire cesser les attaques subies par une victime34. En 2015, cette exigence était
allégée en décidant que l’employeur qui a pris les mesures nécessaires, n’est pas considéré
dérogeant à cette obligation35 , c’est ce qu’a été confirmé par la récente décision36.
Cette protection couvre les agents titulaires ou non titulaires et même en retraite, ainsi que les
militaires disposant de droits identiques à ceux des fonctionnaires publics civils, les magistrats
judiciaires sur le fondement de l’article 11 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 ainsi que le
agents placés en disponibilité, détachés ou mis à la disposition d’un organisme privé si les faits en
question ont été commis au sein de l’administration.37 Il incombe à l’administration de la mettre
en place, même si la victime n’invoque pas explicitement l’article qui la prévoit38. Il ne s’agit pas
témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus ». 32 Article 11 de la loi numéro la loi 83-634 du 13 Juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires 33 Cass.Soci. n°13-18603 du 11 mars 2015 34 Cass.Soci.3 février 2010 n° 08-44.019, bull. N° 30 35 Cass. Soci.25 novembre 2015, n° 12-24.444 36 Cass.Soc.1 Juin 2016, n°14-19.702 inédit au Bull, disponible sur
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/1068_1er_34378.html « Ne méconnait pas
l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé
physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l’employeur qui justifie avoir pris
toutes les mesures de prévention prévues par les articles L 4121-1 et L 4121-2 du code de travail et qui informé de
l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à les faire
cesser ». 37 Circulaire n° 2158 du 5 mai 2008 relative à la protection fonctionnelle des agents publics de l’état. 38 TA de Lyon 11 décembre 2003, weigel n°0200103, circulaire 2008 opt.cit
23
uniquement d’une protection réparatrice ou d’une assistance juridique - qui consiste
principalement en de conseils dans le choix des avocats, une prise en charge des frais de ce dernier,
ainsi que les dépenses d’huissier, ou liées à la consignation exigée lors de la plainte, d’un
accompagnement tout au long de la procédure - mais également d’une protection plus ou moins
préventive puisque l’administration sera obligée de faire cesser ces agissements.
Vu que le législateur n’a pas prévu les moyens de la mise en place de cette protection, c’est la
jurisprudence qui a complété son encadrement, une décision du tribunal administratif de Lyon du
19 mai 199839 a décidé qu’une telle protection doit être complétée par un soutien psychologique
de la victime sans préciser les modalités de ce soutien. La jurisprudence considère aussi que la
liste des attaques prévue dans la loi n’est pas exhaustive40 et que le choix des moyens relève de la
compétence de l’administration, à condition qu’ils soient considérés comme suffisants pour la mise
en place de cette protection.41
Une circulaire datant de 5 mai 2008 a précisé les conditions et les modalités de cette protection,
quant aux moyens que l’administration devait mettre en œuvre notamment pour faire cesser une
situation de harcèlement moral, ils ont été précisés par le ministre de la fonction publique42.
Ces mesures peuvent donc consister en l’ouverture d’une enquête administrative, des actions
disciplinaires contre l’auteur de l’agression43, ou une suspension des fonctions44, une mutation
l’éloignant de la victime, un rétablissement de la situation de la victime affectée par l’agression,
ou encore des solutions pratiques telles qu’un changement du numéro de téléphone ou de l’adresse
électronique professionnelle ainsi qu’une lettre d’admonestation à l’auteur des attaques sont
envisageables45
La circulaire déjà citée a également précisé les conditions d’octroi de cette protection. Les
attaques doivent avoir comme but de nuire au fonctionnaire en raison de ses fonctions ou de sa
39 Arret Jarnet N° 9500306, circulaire op.cit 40 CA Nancy, 2 août 2007, n° 06NCO1324, circulaire op.cit 41 CE 18 mars 1994 Rimassin n° 92410 Recueil P. 147 et s, CE 21 février 1996 De Maillard n° 155915 Recueil p. 48 et s. 42 quest. écr. AN n°61894 du 27 octobre 2009 43 CE, 21 novembre 1980, Daoulas n° 21162 pages 771 ; Rép. min. n°3765, JO Sénat 3 juillet 2008 p. 1350. 44 Rép. min. n°13166, JO Sénat 28 juillet 2011 p.1989. 45 Circulaire n° 2158 du 5 mai 2008 op.cit
24
qualité de fonctionnaire46, elle n’est pas envisageable en cas de faits commis
involontairement47.Elles doivent être dirigées contre sa personne ou ses biens personnels48, et
doivent être réelles, la victime doit prouver la matérialité des faits et l’existence d’un préjudice
direct49.
Cette demande doit être écrite et adressée au service compétent par un courrier, elle doit être
motivée, précise et présentée de préférence avant le procès engagé contre l’auteur des attaques. Le
refus par l’administration de l’octroi de cette protection doit également être explicite et motivé,
mentionnant les moyens de protection proposés et ce dans les meilleurs délais. Le silence de
l’administration dépassant deux mois sera considéré comme un rejet de la demande. La
responsabilité de l’administration pourrait alors être engagée en cas de refus illégal entraînant un
préjudice50. La victime pourra alors avoir recours au juge administratif pour constater l’illégalité
de la décision de refus, obtenir des dommages et intérêt et obtenir la mise en place de la protection
sollicitée puisque l’administration ne peut pas la refuser si les conditions sont réunies51 et même
si le comportement du fonctionnaire n’est pas entièrement satisfaisant 52ou s’il s’agit des faits
relevant des fonctions d’un poste que la victime n’occupe plus.53
En revanche, cette protection peut être refusée, pour un intérêt général justifié54 ou dans le cas
des demandes extrêmement tardives à un moment qui place l’administration dans l’impossibilité
d’agir et ou de pouvoir prendre aucune mesure de protection,55ou en cas de faute personnelle du
fonctionnaire, détachable du service.
C’est l’arrêt du conseil d’Etat du 12 mars 201056 qui a inséré le harcèlement moral dans le cadre
de cette protection, vu les conditions précitées, sa mise en place en cas du harcèlement moral est
46 CE 6 novembre 1968 Morichère n° 70283 Recueil p. 545 et s. 47 CE 9 mai 1971 vacher-desvernais inédit au Recueil 48 CE 24 février 1995 Vasseur, n°112538 inédit au Recueil 49 CAA Paris 16 mai 1989 n° 89PA00078, Circulaire op.Cit 50 CE 17 mai 1995 Kalfon n° 141635 inédit au Recueil 51 CE 17 janvier 1996 Mlle Lair n° 128950 inédit au Recueil 52 CE 24 Juin 1977 Dame Deleuse n° 93480- 93481-93482 Recueil p. 294 et s. 53 CE 17 mai 1995 Kalfon n° 141635 54 CE 14 février 1975, Teitgen ( Paul ) n° 87730 Rec p.112 et s, CE 18 mars 1994, Rimasson n°92410 Recueil P. 147 et s. 55 CE 21 décembre 1994 Mme Laplace n°140066 Recueil p.1005 56 CE, 12 mars 2010, n°308974, inédit au Receuil
25
donc compliquée concrètement, surtout que ce dernier peut être involontaire dans certains cas en
en revanche, récemment, la loi relative à la déontologie, aux droits et aux obligations du
fonctionnaire du 20 avril 2016 a modifié l’article 11 précité en insérant explicitement le
harcèlement moral dans le cadre de cette protection . En plus une nouvelle jurisprudence57 a
séparé entre le contentieux engagé contre l’auteur et celui engagé contre l’administration.58
Quant au deuxième volet de cette prévention, il a été organisé par l’accord-cadre du 22 octobre
2013 relatif à la prévention des risques psycho-sociaux dans la fonction publique.
§ 2-La prévention des risques psycho-sociaux
Cette prévention trouve son fondement juridique dans l’article 23 de la loi du 13 juillet
1983, imposant de garantir la protection de la santé et de la sécurité des fonctionnaires «Des
conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont
assurées aux fonctionnaires durant leur travail ».
En application de cet article, l’administration doit prévenir les risques professionnels dont
font partie les risques psycho-sociaux, ces derniers sont définis comme « les risques pour la santé
mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels
et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental. »59 Le harcèlement moral
en fait donc partie.
Les modalités de cette prévention trouvent leur origine dans les règles du code de travail
c’est ce que souligne l’accord déjà précité qui a rappelé que les dispositions de l'article L.4121-2
du Code du travail sont applicables à la fonction publique et établissent les principes généraux de
57 CE, 20 mai 2016 N° 387571 58 MAZZA Christelle, le nouveau régime de la protection fonctionnelle, disponible sur http://www.village-
justice.com/articles/une-clarification-certes-attendue,22331.html, consulté le 10 Juin 2016 « Cet arrêt du Conseil
d’état ne concerne pas le harcèlement moral mais il ouvre une voie intéressante sur la reconnaissance en fin comme
en droit du travail de la responsabilité de l’employeur dans la commission des infractions et fautes commises par
ses agents sur d’autres. Il n’y a plus qu’un pas à faire reconnaitre le harcèlement institutionnel et a responsabiliser en
fin les administrations sur leurs fautes managériales » 59 Rapport du collège d’expertise sur le suivi statistique des risques psycho-sociaux au travail (Gollac et Bodier) en date du 11 avril 2011
26
la prévention.60.Dans ce cadre, également comme pour la protection professionnelle, la
responsabilité de l’administration pourra être engagée si les mesures nécessaires pour cette
prévention n’ont pas été prises.61
Parmi les mesures de prévention des violences internes, dont le harcèlement moral, et selon
le plan d’action ministériel de prévention des risques psychosociaux datant du 6 décembre 2013,
on peut citer : la sensibilisation et l’information des agents ainsi que de la hiérarchie sur les
définitions du harcèlement moral et sexuel, la gestion des conflits, l’élaboration de protocoles
contre l’agression intégrant la conduite à tenir, et ce par les modalités suivantes respectivement :
l’affichage sur tous les lieux de travail du texte de l’article 222-33-2 du code pénal sur le
harcèlement moral et du texte de l’article 222-33 du code pénal sur le harcèlement sexuel,
l’élaboration d’un règlement intérieur ou d’une charte de bonnes pratiques, la formation initiale
et continue des Ressources Humaines, la mise en place de ces protocoles par chaque direction. Ce
plan traite également de l’amélioration de l’accès à la prévention médicale, un aspect en lien avec
le harcèlement moral. Il précise certaines actions dont notamment l’affichage, sur chaque site, des
coordonnées du médecin de prévention compétent et la diffusion du livret d’accueil à tous les
arrivants pour qu’ils aient connaissance des coordonnées et des missions des médecins de
prévention.62
Cette prévention révèle l’importance du rôle des syndicats au sein de la fonction publique,
contrairement à leur rôle au sein de la fonction publique égyptienne, où elle se réduit de plus en
plus, mais d’autres moyens ne sont-ils pas possibles pour prévenir cette forme de violences et
protéger les fonctionnaires ? Un moyen ayant plusieurs effets, non seulement une lutte contre le
60 Application partielle du code de travail qui avait été prévue par les décrets n˚82-453 du 28 mai 1982 et n˚85-603
du 10 juin 1985.
61 Dans ce cadre, des formations des acteurs de la prévention de ces risques, un guide méthodologique, ainsi qu’une
diffusion d’un livret d’information relatif aux risques professionnels sont nécessaires.
62 Il faut noter que l’affichage dans les lieux de travail de l’article 222-33-2 du code pénal, ne constitue pas une obligation pour
l’administration, puisqu’elle ne concerne que les employeurs privés et les personnels des personnes publiques employés dans les
conditions du droit privé et ce en vertu de l'article L. 1151-1 du code du travail.
27
harcèlement moral mais également une amélioration du fonctionnement de l’administration par un
contrôle régulier des fonctionnaires.
Un renforcement du rôle des inspecteurs par un contrôle continu et régulier parviendra à
lutter contre plusieurs fléaux que connait l’administration dont le harcèlement moral.
Section 2 - Le renforcement du rôle des inspecteurs : rôle à avantages multiples
Les relations entre les fonctionnaires ou celles des fonctionnaires avec les usagers obéissent
à des règles spécifiques. La spécificité de la fonction administrative peut expliquer, des
comportements qui ne seraient pas acceptés dans les relations sortant de ce cadre réservé. Il est
important de pouvoir distinguer, quant à un prétendu harcèlement moral, ce qui n’est que l’effet
de la hiérarchisation des rapports professionnels et ce qui la dépasse et n’est pas acceptable, même
dans l’administration.
Les limites entre ces deux comportements seront plus faciles à tracer, non seulement par
l’effet des mesures de prévention bien expliquées aux intéressés, mais aussi par le renforcement
des contrôles. Si les inspections sont plus fréquentes et plus sérieuses, elles pourront avoir un effet
dissuasif non négligeable.
§ 1-Les spécificités de la fonction publique.
Le système administratif français ainsi que le système égyptien connaissent certaines
caractéristiques spécifiques, auxquelles se heurte le harcèlement moral, c’est ce qu’avait bien
expliqué l’avocate Christelle MAZZA dans son article « Du harcèlement moral au risque psycho-
social dans la fonction publique »63
La spécificité primordiale résulte de l’obligation d’obéissance hiérarchique, prévu par
l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983 : "tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie,
est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions
de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de
63 MAZZA, Christelle, Revues Lexbase Hebdo édition publique n˚323 du 13 mars 2014, p.2 Disponible sur http://armide-avocats.com/du-harcelement-moral-au-risque-psycho-social-dans-la-fonction-publique/ consulté le 14 avril 2016
28
nature à compromettre gravement un intérêt public". Cette obligation, qui existe évidemment en
droit privé, peut-être plus stricte ou plus spécifique, dans l’administration vu son lien avec l’intérêt
général.
De même, en droit égyptien, cette obligation est prévue par l’article 76 alinéa 8 du code de
la fonction publique.
Dans le cadre de cette obligation qui caractérise la relation entre supérieur hiérarchique et
subordonné, un phénomène de harcèlement moral est plus envisageable surtout que cette relation
consiste en une sorte de surveillance impliquant et générant des ordres.
Ce pouvoir élargi se manifeste également lors de l'évaluation professionnelle, qui consiste
en un entretien d'évaluation, conduit par le supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire, qui
établit également le compte rendu de l’entretien et le signe. « Soumise au contrôle et à
l'approbation du supérieur hiérarchique direct, elle peut devenir un véritable déclencheur
procédural de harcèlement moral laissant l'agent public sous le seul contrôle et la seule
appréciation de son supérieur hiérarchique si celui-ci le harcèle »64.
De même le devoir de réserve auquel est soumis le fonctionnaire en fonction de l’article
26, deuxième alinéa de la loi du 13 juillet 1983 et de l’article 77 alinéa 7 du code égyptien de la
fonction publique, peut constituer un obstacle dans la dénonciation des faits de harcèlement moral,
en la soumettant à l’autorisation du supérieur hiérarchique qui peut lui-même être l’auteur du
harcèlement, puisqu’à défaut la victime peut se trouver coupable de non-respect de ce devoir. On
doit s’en remettre à l’appréciation du juge pour faire l’équilibre entre le respect de ce devoir et le
droit du fonctionnaire victime d’être protégé en cas de dénonciation des faits de harcèlement moral.
A part ces deux spécificités développées par l’auteur précité, le harcèlement moral comme
défini en droit français, peut se heurter à la dégradation des conditions de travail, surtout dans
64 MAZZA, Christelle, Revues Lexbase Hebdo édition publique n˚323 du 13 mars 2014, p.2 disponible sur http://armide-avocats.com/wp-content/uploads/2014/03/HM-et-RPS.pdf consulté le 14 avril 2016. Dans le même sens : V. DURIEZ Anne, Le harcèlement moral dans la fonction publique, spécificités, enjeux et issues, 2005, Editions du papyrus,p.72. : « Aussi, ce supérieur hiérarchique peut-il être tenté, en cas de mésentente, de jalousie, ou de
relations personnelles difficiles avec l’agent, d’utiliser ce pouvoir pour sanctionner son subordonné de manière
indirecte, en motivant la mauvaise notation par des éléments professionnels suffisamment imprécis et négatifs pour
entraver la preuve contraire ».
29
l’administration égyptienne, puisque pour apprécier cette dégradation il incombera évidemment
d’avoir des éléments permettant de comparer l’état des conditions de travail antérieures et l’état
actuel contesté dans le cadre d’une dénonciation de harcèlement moral.65
On peut constater que le risque commun que peuvent faire naître ces trois spécificités,
résulte de l’absence d’une tierce personne, permettant de faire apparaître la vérité. Cela fait qu’elle
peut être dissimulée par l’auteur du harcèlement disposant de pouvoirs élargis. Cette intervention
d’un tiers pourra être utile pour éviter de concentrer les moyens de preuve entre les deux acteurs
du harcèlement moral, la victime et l’auteur. Cette personne, caractérisée par sa neutralité, peut-
être le juge, mais son rôle n’apparaît qu’a posteriori pour sanctionner et réparer, lorsque la victime
a pu aboutir dans sa demande. Ne serait-il pas nécessaire de confier un rôle à l’inspection avant
l’intervention du juge ? Cela permettrait également au juge lui-même d’avoir recours aux résultats
de cette inspection afin de pouvoir apprécier la fiabilité des preuves présentées par l’un et par
l’autre.
Même s’il existe de recours gracieux, dans le système égyptien ou français, un contrôle
régulier par des inspecteurs, totalement neutres, ne dépendant pas de l’administration en cause,
serait plus efficace. De plus, par son caractère dissuasif, il permettra d’éliminer des cas de
harcèlement, puisqu’un supérieur hiérarchique sera plus vigilant dans ses comportements
notamment en ce qui concerne l’évaluation professionnelle. Sachant que régulièrement lui et son
subordonné seront contrôlés, il hésitera à abuser de sa position hiérarchiquement supérieure en
estimant, par exemple, que son subordonné n’est pas en mesure de produire un travail d’un niveau
de fiabilité acceptable, contrairement à la réalité.
L’article 28 du Code de la Fonction publique numéro 47 de l’année 1789 prévoit que
l’évaluation annuelle du fonctionnaire ayant une mention excellente ou faible doit être justifiée, à
défaut, elle ne sera pas ratifiée. Néanmoins, il n’existe pas un contrôle régulier pour suivre ces
évaluations ni des rapports suffisants, avec contrôle sur pièces, examinant la réalité et la régularité du
travail des fonctionnaires. La victime pourrait donc avoir recours à la commission des griefs, qui est
composée de membres du syndicat et de membres du personnel de l’administration en cause. Mais
65 Anne Duriez, op. cit, p. 16.
30
cette procédure est lente, ce qui aura pour conséquence de retarder la promotion de la victime et
évidemment pourra avoir des conséquences sur sa santé.
De ce qui précède, on peut déduire que cette extension du rôle des inspecteurs, aura
plusieurs avantages, elle permettra une amélioration du fonctionnement de l’administration,
puisqu’elle éliminera les excès de pouvoir exercés par les supérieurs hiérarchiques, contrôlera
d’une manière durable le travail des fonctionnaires et finalement pourra être utilisée en tant que
mode de preuves pour les vraies victimes.
§ 2- Le renforcement des contrôles
La recherche d’efficacité dans la prévention et dans la sanction, qui résultera du développement
de l’inspection, impose d’une part de rendre plus régulier le rythme des inspections et d’autre part
de mieux préparer les inspecteurs à leurs nouvelles attributions en leur offrant une formation
adaptée et en leur garantissant une véritable indépendance.
a)Un contrôle régulier
Le recours à des éléments écrits résultant d’un contrôle préalable exercé par une inspection
permettrait de donner une réponse plus argumentée pour juger de la fiabilité et de la sincérité de
ce qui est mentionné dans le compte rendu de l’évaluation. Une mission annuelle pourrait donc
être mise en place non seulement pour réviser le travail du fonctionnaire mais en même temps pour
contrôler l’existence d’un excès de pouvoir exercé par le supérieur hiérarchique en comparant les
évaluations faites par ce dernier avec les travaux et missions accomplis par le fonctionnaire.
Les missions des inspecteurs, dans le système égyptien ne sont pas faites régulièrement et
systématiquement. Elles interviennent seulement suite à une demande de la part d’autres organes,
notamment les ministères ou les tribunaux, pour des cas précis, ou dans un but précis. En dehors
de ces interventions, faisant suite à une demande circonstanciée, il existe un plan annuel prévoyant
des missions d’inspection sur tel ou tel service d’une administration choisie par hasard et sans
information préalable de l’administration inspectée.
Un contrôle plus précis et plus régulier pourrait limiter le dysfonctionnement sous toutes ses
formes, y compris la dégradation des conditions de travail et plus spécialement le harcèlement
moral.
31
b) Une formation spécifique
Dans la mesure où la question du harcèlement moral n’est pas envisagée clairement dans la
réglementation actuellement applicable aux fonctionnaires, les inspecteurs ne sont pas préparés à
effectuer des contrôles efficaces en ce domaine. Pour garantir l’efficacité de leur intervention, une
formation des inspecteurs est indispensable. Non seulement en leur expliquant la notion dans ses
aspects juridiques, mais également en développant l’approche psychologique des situations
sources de harcèlement.
c) Une activité exercée en toute indépendance
Pour établir leur rapport de manière neutre, le corps des inspecteurs de l’Administration doit
bénéficier d’une totale indépendance vis-à-vis de cette dernière. Une réforme du régime encadrant
leur travail est nécessaire, elle permettra de créer un statut particulier les plaçant auprès du
ministère de la justice et ainsi indépendants des différentes administrations qu’ils sont chargés de
surveiller. De plus, pour éviter tout risque de corruption, leur activité devrait s’effectuer de manière
anonyme. L’inspecteur qui sera chargé du dossier de tel ou tel fonctionnaire, dans telle ou telle
administration, ne doit pas être connu par les contrôlés et tous les documents qui lui seront
nécessaires pour exercer son contrôle lui seront transmis au ministère de la justice, il s’agira donc
d’un contrôle sur pièces et non sur place.
C’est la complexité des modes de preuves qui justifient une telle prévention et un tel
contrôle interne, il vaut mieux prévenir ce phénomène que de se trouver dans l’incapacité de le
sanctionner, pour manque de preuves, néanmoins la jurisprudence peut aussi contribuer à un
meilleur encadrement de ce phénomène en assouplissant les moyens de preuves utilisables.
Chapitre 2 – Un contentieux adapté
L’intérêt que l’on doit porter à la victime de tels agissements impose de se pencher sur les
difficultés qu’elle peut rencontrer dans sa démarche destinée à faire cesser et punir les agissements
dont elle souffre. Le simple fait de les dénoncer exige déjà un effort psychologique de sa part, on
doit éviter d’ajouter des obstacles à sa démarche, ce qui sera le cas si on ne prévoit pas d’aménager
certaines règles de droit commun appliquées devant les juridictions susceptibles d’être saisies.
32
Toutefois, rendre l’accès au juge plus facile ne doit pas pour autant permettre d’ouvrir
l’accès au prétoire à ceux qui voudront utiliser ces facilités pour gêner un supérieur ou un collègue
en les accusant faussement d’un harcèlement qu’il n’aurait pas la charge de prouver. Soit par la
voie judiciaire, soit par la voie disciplinaire, on doit veiller à décourager et punir de tels
comportements.
Section 1 – La facilité de la preuve
Dans toute action en justice la mise en œuvre des droits impose de prouver la base de ses
prétentions. A cet égard, on distingue généralement deux points : la charge de la preuve et les
moyens de preuve.
Si la victime doit supporter seule la charge de la preuve, c’est un obstacle à sa démarche
auquel peut s’ajouter les limites concernant les moyens de preuve utilisables. Concernant le
harcèlement moral, en examinant la situation devant les juridictions françaises on pourra tirer
d’utiles enseignements pour établir, en droit égyptien, des solutions efficaces et équilibrées.
En France, la charge de la preuve et les moyens de preuves envisageables pour les victimes
de harcèlement moral varient selon les juridictions saisies, il est donc assez difficile d’en tirer une
solution unique et indiscutable.
§ 1 - La preuve : appréciation hétérogène en jurisprudence
Diverses juridictions peuvent avoir à connaître d’un harcèlement moral, on constate alors que
selon la juridiction saisie le régime juridique de la preuve n’est pas exactement le même et que,
depuis quelques années, des évolutions particulières sont intervenues dans la jurisprudence
appliquée par les juges.
En droit français, pour les salariés du secteur privé, deux juridictions de l’ordre judiciaire,
peuvent être saisies, le Conseil des prud’hommes sera la juridiction à laquelle le salarié va le plus
souvent s’adresser, il agira alors contre l’entreprise qui n’a pas été en mesure de le protéger,
conformément à ses obligations légales. Il pourra en même temps agir devant les juridictions
répressives, le tribunal correctionnel, dans ce cas il pourra adresser une plaine contre l’auteur du
harcèlement et également contre l’entreprise dont la responsabilité pénale peut être engagée selon
l’article 121-2 al.1 du code pénal.
33
Dans les deux cas, la victime pourra obtenir une indemnisation si le harcèlement est reconnu.
En ajoutant une plainte à son action devant la juridiction civile - le conseil des prud’hommes - elle
pourra avoir une satisfaction complémentaire par la sanction prononcée par la juridiction
répressive contre l’auteur du harcèlement.
Même si l’exposé de la jurisprudence prudhommale pourrait apporter des éléments utiles, il ne
paraît pas indispensable d’aller plus loin afin de respecter les limites de notre sujet.
Pour rester dans le cadre de notre sujet, nous limiterons cet exposé à la situation devant laquelle
va se trouver l’agent public soumis à un harcèlement moral. Le fonctionnaire, ou assimilé, dispose
d’un choix entre la juridiction administrative et la juridiction répressive, mais il peut aussi décider
d’agir en même temps devant les deux ordres de juridiction.
a)Le juge administratif
Les exigences de la procédure administrative constituent un premier obstacle. En effet, en
dehors de l’utilisation exceptionnelle du référé-liberté, que nous verrons plus tard, deux voies
s’offrent à la victime :
- Le recours en plein contentieux mettant en cause la responsabilité de l’administration et
demandant des dommages-intérêts.
- Le recours pour excès de pouvoir afin d’obtenir l’annulation d’une décision portant
préjudice. La victime a signalé les faits de harcèlement et demandé qu’ils cessent, en
demandant une protection fonctionnelle prévue par la loi, le refus de l’administration sera
la base du recours.
Dans tous les cas, il ne s’agit pas d’agir directement contre l’auteur du harcèlement mais contre
l’administration qui a manqué à son devoir d’éviter de telles situations.
Quant à la charge de la preuve devant ce juge, elle a été fixée par un arrêt célèbre du
Conseil66. Par cet arrêt, la charge de la preuve est dorénavant partagée entre la victime et
l’administration, puisqu’il incombera à l’administration de prouver que les faits présentés par la
victime et présumés constitutifs d’un harcèlement moral, ne peuvent être qualifiés de tels et qu’ils
sont justifiés par telle ou telle raison ou par une procédure légale et ne constituent en aucune
66 CE 11 juillet 2011, dame Montaut, op.cit
34
manière un harcèlement. Ensuite il appartiendra au juge de construire sa conviction en fonction de
ces échanges contradictoires et à cette fin, il peut demander des mesures d’instruction
complémentaires.
Le juge administratif par cet arrêt a rapproché sa jurisprudence de celle existant dans le
secteur privé et appliqué par le juge prud’homal. Auparavant, la victime invoquait les faits ou les
éléments constituant le harcèlement moral, mais l’administration ne devait pas prouver qu’ils ne
constituaient pas un harcèlement moral. Le fonctionnaire se trouvait donc dans une situation moins
favorable par rapport au salarié.
Néanmoins le juge administratif n’a pas exigé, comme le juge prud’homal et le code du
travail, que le présumé auteur prouve l’inexistence du harcèlement moral, il suffit juste de présenter
une argumentation pouvant justifier les agissements en cause. Il conserve ainsi, comme à son
habitude, une grande marge d’appréciation.
Comme on l’a déjà indiqué, le droit de ne pas être soumis à un harcèlement moral constitue
un droit fondamental, la décision du Conseil d’Etat permet donc à la victime d’avoir recours à un
référé-liberté prévu par l’article L521-2 du code de justice administrative. Cette procédure
permettant d’obtenir une décision dans un délai de quarante-huit heures si la demande est justifiée
par l’urgence, concerne une liberté fondamentale et suppose une atteinte grave et manifestement
illégale. Comme dans toute procédure de référé, les pouvoirs du juge restent limités puisqu’il ne
juge pas sur le fond, il n’annulera pas une décision par exemple, mais il décidera de mesures
provisoires mettant fin aux atteintes graves.
Quant aux modes de preuve, puisqu’il s’agit de faits, on peut recourir à tous moyens :
témoignages, échanges de courriers ou de courriels, documents médicaux, compte rendu
d’entretien d’évaluation, etc... La diversité des éléments qui peuvent être fournis ne signifient pas
pour autant que la victime obtiendra facilement les moyens d’appuyer ses dires.
b) Le juge pénal
La rigueur de l’application des principes généraux du droit en matière pénale conduit à une
attitude beaucoup moins favorable à la victime en regard de ce qui est admis, après évolution, par
le juge civil – conseil des prud’hommes- ou le juge administratif.
L’attachement naturel au principe imposant la présomption d’innocence et la qualification
du harcèlement parmi les infractions supposant une intention de nuire a pu conduire à classer trop
35
souvent sans suite de nombreuses plaintes. Sur ce dernier point, une évolution peut être remarquée
à la suite d’un arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 22 octobre 2013.67
Dans cet arrêt la Cour a repris sans la critiquer l’appréciation des juges du fond selon laquelle,
dans les rapports professionnels, certaines attitudes ou paroles du supérieur, sortant du cadre
normal d’une relation entre supérieur et subordonné, étaient « nécessairement intentionnelles ».
Cette solution améliore la situation de la victime qui pourra, en apportant la preuve de certains
agissements, être dispensée de prouver qu’ils sont inspirés par l’intention de nuire. Il reste que la
question des moyens de preuve utilisables devant les différentes juridictions reste délicate à
résoudre. Etablir la réalité du harcèlement tout en restant dans le cadre du droit commun de la
preuve, c'est-à-dire en se limitant aux témoignages ou attestation de collègues, échanges de
courriers ou de courriels ou tous autres documents tels que certificats médicaux, compte rendu
d’entretien d’évaluation, met la victime en situation difficile, ce qui ne peut laisser les juges
indifférents.
§ 2 - L’acceptation de moyens inhabituels.
Les modes de preuve envisageables devant les différentes juridictions sont d’une
utilisation limitée. Le moyen de preuve le plus pertinent est le témoignage, mais il est difficile à
fournir pour deux raisons assez évidentes, la première est en lien avec la position professionnelle
des témoins qui, le plus souvent, préféreront rester neutres surtout s’il s’agit de donner un
témoignage contre un supérieur hiérarchique, la deuxième est en lien avec la nature même du
harcèlement puisque, souvent, le harceleur est vigilant à exercer cette violence d’une manière
discrète et hors la présence de témoins.
C’est la raison pour laquelle, l’élargissement des modes de preuves ou plus précisément
une acceptation de moyens de preuves qui en droit commun pourraient être qualifiés de déloyaux,
peut être une solution envisageable afin de lutter plus efficacement contre le harcèlement moral.
Les juridictions, sous certaines conditions, adaptent leurs solutions en tenant compte du progrès
technique, du changement de mentalité et des contraintes auxquelles la victime se trouve soumise.
67 Cass. Crim. 22 oct. 2013, pourvoi n° 12-84.320. Inédit au Bull
36
On aperçoit cette évolution, en s’intéressant au sort fait par le juge à un moyen qui peut
être considéré, en principe, comme déloyal, l’enregistrement sonore à l’insu de la personne qui
s’exprime.
En dépit des solutions antérieures et de leurs justifications, la Cour de cassation, du moins
en ce qui concerne sa chambre criminelle, a accepté depuis longtemps qu’un particulier puisse se
prévaloir d’un moyen de preuve illicite, illicite parce qu’il porterait atteinte à la vie privée. Ce sont
les règles de droit qui entraînent cette divergence de solutions entre les chambres, puisque l’article
247 du Code de procédure pénale n’exige pas que les moyens de preuves soient limités par la loi
et prévoit le principe de la liberté de preuve. Aucun texte n’interdit le recours à des preuves illicite
ou déloyales, le sort de ces deux modes étant maintenant semblable, que ce soit pour la victime ou
pour le prévenu, à condition qu’elles soient transmises à l’autre partie dans les délais légaux pour
qu’elle puisse s’en défendre, en respect du principe du contradictoire68.
C’est en 2012, à propos de l’affaire BETTENCOURT, que le juge pénal a clairement admis
la possibilité d’avoir recours à de tels moyens. 69
En revanche, la chambre criminelle de la cour de cassation n’admet pas ces modes de
preuves, s’ils sont présentés par l’autorité publique, services de police ou de gendarmerie. 70 Cela
à l’exception des situations prévues par la loi du 2 mars 2004 concernant les infractions de la
criminalité organisée qui permet la sonorisation des surveillances …
Si cette acceptation faite par le juge pénal peut laisser penser à son incompatibilité avec la
jurisprudence de la Cour européenne de droit de l’homme, au contraire, cette dernière ne l’a pas
condamnée. Selon la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, il appartient
aux droits internes de fixer les moyens de preuves acceptables. La seule condition exigée c’est le
caractère équitable de la procédure, c’est d’ailleurs ce qu’a admis aussi la Cour européenne de
droit de l’homme71.
68 Cass.Crim. 7 mars 2012, Bull. n°63 page 99 et s. 69 Cass.crim.31 janvier 2012, Bull. n°27. « La chambre de l’instruction a justifié sa décision, dès lors que les
enregistrements contestés ne sont pas en eux-mêmes des actes ou des pièces de l’information, au sens de l’article
170 du code de procédure pénale, et comme tels, susceptibles d’être annulés, mais des moyens de preuve qui
peuvent être discutés contradictoirement, et que la transcription de ces enregistrements, qui a pour seul objet d’en
matérialiser le contenu, ne peut davantage donner lieu à annulation » 70 Cass. crim., 27 fév. 1996, Bull. n° 93 71 Schenk c/ Suisse", 12 Juillet 1988
37
C’est la protection de l’intérêt général, non envisageable en droit civil, qui peut expliquer
que la position des chambres civiles soit en sens contraire, même s’il apparaît un assouplissement
de la part de la chambre sociale, dans un arrêt du 25 septembre 2013 concernant l’admission d’un
courriel privé : « les dispositions invoquées- articles 1316-1 et 1316-4 du code civil - ne sont pas
applicables au courrier électronique produit pour faire la preuve d’un fait, dont l’existence peut être établie
par tous moyens de preuve, lesquels sont appréciés souverainement par les juges du fond »72. Auparavant,
la position plus souple était apparue à l’égard de la transcription de messages en format SMS ou
de messages laissés sur un répondeur téléphonique.73
On constate donc la faiblesse née de l’absence de règles explicites concernant ces modes
de preuves, que ce soit en droit national ou en droit européen, néanmoins ils sont justifiés,
précisément en matière pénale, par l’absence de règle les prohibant.
Quant à la chambre criminelle de la Cour de cassation égyptienne, elle a aussi admis ce
type de preuve et a jugé que l’enregistrement d’une diffamation par le téléphone de la victime,
même sans l’accord du parquet général, ne constitue pas une atteinte à la vie privée74.
L’évolution des solutions sur cette question dépend donc de la conviction et de
l’appréciation du juge, il peut décider d’accepter ce mode ou de le refuser au cas par cas, il n’existe
pas un critère incontestable permettant de savoir si le juge peut ou non écarter ce mode de preuve.
Une augmentation des décisions en faveur de cette acceptation, encouragera les victimes d’autant
plus que le tribunal de grande instance de Paris a décidé que la vie professionnelle ne relève pas
de l’intimité de la vie privée75 et que l’enregistrement dans le cadre de la vie professionnelle ne
porte pas atteinte à la vie privée dès lors que les propos enregistrés touchent uniquement la vie
professionnelle.76 Il faut noter que la Cour Européenne de droit de l’homme a considéré en 1992
que la notion de la vie privée n’exclut pas les activités professionnelles 77 néanmoins, elle a
récemment décidé que la surveillance des comptes internet des employés ne viole pas l’article 8
de la convention.78
72 Cass.Soc.n° 11-25884 Bull 207 73 Cass. Soc. 23 mai 2007, Bull. n° 85, Cass. Soc. 6 février 2013, n°11-23.778. 74 Décision n°8862/65 du 2 Octobre 1997 site officielle de la Cour de Cassation 75 TGI Paris, 17e, 14 mai 1999 https://www.cairn.info/revue-legicom-1999-4-page-85.htm 76 Cass. Crim. 16 février 1990, Bull. n° 25 77 L’affaire Niemetz c/ L’Allemagne 16 Décembre 1992 78 L’affaire Barbulescu c /Roumanie 12 Janvier 2016
38
Cette situation encouragera les fonctionnaires à avoir recours à ces modes de preuve que
ce soit devant le juge administratif, qui admet toute forme de preuve également, ou le juge pénal,
sans risque d’être poursuivi pénalement pour atteinte à la vie privée.
Le développement des modes de prévention du harcèlement et la protection dont jouissent
les victimes ne doit pas être un encouragement à profiter des facilités de la loi pour dénoncer, à
tout propos, un comportement en le qualifiant abusivement de harcèlement moral. Ceux qui
seraient victimes de ces dénonciations abusives sont en droit d’attendre une protection équivalente,
avec peut-être des aménagements du droit commun.
Section 2 – Une protection efficace contre la plainte abusive.
Dans les rapports professionnels, comme dans la vie quotidienne, des tensions peuvent
naître entre ceux qui chaque jour partagent le même environnement de travail, les mêmes
contraintes. De plus, dans un milieu où des choix sont nécessaires pour une évolution de carrière
les occasions de créer un sentiment d’injustice ne manquent pas. Tout cela peut conduire une
personne insatisfaite à chercher à gêner un supérieur hiérarchique ou un collègue en se plaignant
de subir de sa part un harcèlement moral.
Soit en s’adressant à une autorité judiciaire, soit en saisissant une autorité hiérarchique,
et en désignant une personne déterminée, l’auteur de cette dénonciation pourra porter à leur
connaissance des faits qu’elle sait partiellement ou totalement inexacts. Cette attitude doit être
sanctionnée, mais on verra que la réalité est complexe et qu’il est difficile de lutter contre un tel
abus.
§ 1 – La dénonciation calomnieuse.
Que ce soit en droit français ou en droit égyptien, la dénonciation calomnieuse est prévue
par l’article 226-10 ou l’article 305 du code pénal de chacun des deux systèmes. Cette dénonciation
est sanctionnée lorsque son auteur avait pleinement conscience de la fausseté totale ou partielle
39
des faits dénoncés. Il a dénoncé des faits inexacts ou présenté de façon tendancieuse des faits
exacts. Cela montre la mauvaise foi qui a inspiré sa démarche.79
On aperçoit alors la difficulté à laquelle va se heurter la victime de cette dénonciation, qui
devra, pour réussir dans son action, démontrer que le dénonciateur savait que les faits étaient
inexacts. La preuve de l’intention de nuire sera plus facile lorsqu’on se trouvera en présence d’une
présentation très contestable de faits exacts. La manœuvre utilisée implique par elle-même la
mauvaise foi.
Néanmoins, le système français permet de couvrir les victimes de cette dénonciation par la
protection fonctionnelle. Ce qui risque, dans un premier temps de poser problème, car la prétendue
victime du harcèlement moral, tant que l’inexistence de celui-ci n’est pas reconnue, a droit
également à la protection fonctionnelle… L’administration est donc tenue de protéger non
seulement la prétendue victime du harcèlent moral mais aussi le présumé auteur.
Dans tous les cas, même si elle ne prouve pas qu’il n’est pas coupable ou en cas de faute
personnelle, elle est obligée de le soutenir partiellement en ce qui concerne les condamnations
civiles prononcées et aura l’obligation de rembourser une partie de la réparation du préjudice
prononcée à son égard, puisque elle sera considérée comme responsable au cas où le harcèlement
moral est établi car, à part le fait qu’il s’agit d’une faute personnelle du fonctionnaire auteur, il
s’agit aussi d’une faute de l’administration qui n’a pas su protéger la victime contre ce
harcèlement.80
Ainsi l’administration est obligée de le soutenir dans sa défense contre la dénonciation.
Evidemment, en cas de décision de relaxe ou de non-lieu à l’encontre des faits contenus dans la
dénonciation, elle sera tenue de lui apporter son aide dans les recours contentieux que l’auteur
prétendu engagera contre la prétendue victime, en prenant en charge les frais d’avocats. Encore
faut-il que les faits dénoncés soient déclarés inexistants, si les poursuites contre les faits liés à la
dénonciation prétendue calomnieuse ne sont abandonnées que parce qu’il y a doute sur leur réalité,
il sera impossible d’engager un recours contre l’auteur de la dénonciation.81
79 Il est évident que les dispositions de l’article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 ne protègent que ceux qui agissent de bonne foi. 80 CE,12 avril 2002, Papon, N°238689. Recueil P. 139 et s. 81 Cf Michel Huyette, Paroles de juge. www.huyette.net Les nouveaux contours de la dénonciation calomnieuse.
40
On voit ainsi que l’exigence de mauvaise foi pour aboutir à faire apparaître le caractère
calomnieux de la dénonciation n’est pas le seul obstacle que peut rencontrer, en droit français,
celui dont on a dénoncé faussement le harcèlement moral. L’inexistence comme la réalité des faits
n’étant pas toujours facile à établir.
La situation n’est guère différente en droit égyptien. La dénonciation calomnieuse est
prévue explicitement en droit pénal égyptien, en revanche elle n’est pas spécifiquement envisagée
par le Code de la fonction publique, laissant ainsi la sanction se baser sur le texte général qui
englobe toutes formes de comportements décrits explicitement ou laissés à l’appréciation des
juges. Cela a pu conduire à tenter de sanctionner le fonctionnaire par la voie disciplinaire.
§ 2 – La sanction disciplinaire
Plusieurs décisions de justice ont sanctionné plusieurs formes d’abus du droit d’agir en
justice. Le Conseil d’Etat, a décidé dans un arrêt du 18 mars 2001 que « le droit d’ester en justice
est garanti par la constitution néanmoins le fonctionnaire, en utilisant ce droit, ne doit pas déroger
aux obligations de la fonction publique en ce qui concerne le respect des supérieurs hiérarchiques
et lorsqu’il vise par sa plainte la révélation des infractions et non l’intention de nuire aux collègues
ou aux supérieurs hiérarchiques, il doit être sûr de la vérité des faits qu’il invoque et disposer de
la preuve, à défaut il manque aux devoirs de sa fonction et mérite d’être sanctionné. »82 Un autre
arrêt de la même juridiction datant du 27 février 1988 a décidé que «.. À condition qu’il soit sûr de
la réalité de ce qu’il dénonce et en dispose de la preuve, à défaut il sera de bonne foi mais qualifié
d’imprudent, ce qui peut entraîner sa sanction disciplinaire parce qu’il a basé sa plainte sur des
faits incertains ou il est de mauvaise foi et dans les deux cas il mérite d’être sanctionné
disciplinairement du fait qu’il a pu nuire à autrui. »83
Même s’il s’agit d’un droit garanti par la Constitution, cela ne doit pas servir de base pour
un abus qui, à son tour, portera atteinte à d’autres victimes, « les prétendus auteurs », qui ont le
droit d’être elles aussi protégées.
A cette fin, une sanction disciplinaire prévue explicitement ne serait-elle pas nécessaire ?
Dans ce cadre, la preuve de l’intention de nuire pourrait-elle être écartée, car c’est une exigence
82 Pourvoi n° 1284 de l’année judiciaire 40. 83 Pourvoi n° 2173 de l’année judiciaire 33.
41
quasiment impossible à prouver, puisqu’« elle ne peut résulter que de la connaissance, par le
salarié, de la fausseté des faits qu’il dénonce »84 comme l’ont indiqué les deux hautes juridictions85.
La chambre criminelle de la Cour de cassation égyptienne a considéré86 que l’incapacité
du plaignant à prouver les faits qu’il dénonce ne peut pas être qualifiée de dénonciation
calomnieuse, cette dernière n’est établie que lorsque le plaignant dénonce des faits sanctionnés
juridiquement et que ces faits ne sont pas vrais. Nous ne partageons pas cet avis, si juridiquement
ce comportement ne peut pas être qualifié de dénonciation calomnieuse, rien n’interdit sa sanction
disciplinaire. Nous pensons qu’un fonctionnaire qui ne présente pas de preuves, dans le sens
précité c’est à dire « des faits susceptibles de faire présumer l’existence du harcèlement moral »
ne montre qu’une intention de nuire à autrui ou au moins il fait preuve d’une imprudence, qui
mérite d’être sanctionnée comme l’a bien indiqué la haute juridiction administrative.
Il est clair que « la mauvaise foi n’est pas caractérisée du seul fait que le harcèlement
dénoncé n’est pas établi »,87 on ne peut pas reprocher à la victime le fait que le harcèlent moral
n’a pas été qualifié et reconnu, c’est comme si on lui demandait de prévoir ce qui va passer suite
à sa plainte. Evidemment elle ne peut pas être au courant de ce que l’administration va présenter
comme argumentation, de même qu’elle ne peut pas deviner la décision du juge, néanmoins tout
ce qui lui est demandé est de présenter le minimum d’éléments dont le juge pourra se servir pour
répondre à sa plainte, à défaut, elle doit savoir qu’elle risque d’être sanctionnée.
De tout ce qui a été exposé, on peut constater, qu’un phénomène comme le harcèlement
moral, est assez compliqué dans tous ses aspects : sa qualification, sa preuve et ses conséquences.
Son encadrement juridique doit donc en tenir compte, on ne doit pas se limiter à prévoir une
sanction grave à caractère dissuasif, il faut plutôt essayer de le prévenir autant que possible, par
les différents moyens précités, notamment par le contrôle précis et constant des inspecteurs, qui
peut contribuer à éliminer, une grande partie des différentes formes de ce comportement violent.
Mais avant tout, il doit être bien défini avec des éléments constitutifs éliminant les risques de son
amalgame à d’autres agissements moins graves, impliquant évidement une sanction, mais une
sanction moins grave. La sanction pénale du harcèlement implique donc une vigilance dans sa
84 Cass. Soci. 1 février 2012, numéro 1018035. 85 Décision du 2 mai 1971, pourvoi n° 142 de l’année jurisprudentielle 41. 86 Pourvoi n°17855 de l’année judiciaire 47 du 6 février 1996 site officielle de la Cour de Cassation 87 Cass. Soc. 10 mars 2009, pourvoi n° 07-44092 Bull.66
42
qualification notamment ses éléments constitutifs. Toutefois, à notre avis, cette définition ne doit
pas donner une énumération limitative des agissements répréhensibles, elle doit se limiter aux
éléments le constituant et cela pour ne pas négliger un agissement qui peut en réalité constituer un
harcèlement moral mais qui n’entrerait pas dans une définition juridique trop limitative. De plus
comme on l’a vu dans l’exposé du droit français, on doit s’attacher à mettre en évidence que c’est
la répétition des comportements qui justifient qu’ils fassent l’objet d’une sanction rigoureuse.
La nécessité de légiférer en Egypte sur cette matière n’est pas discutable, mais parce que
les aspects du harcèlement peuvent différer d’un pays à autre, il peut exister une différence dans
la législation.
La spécificité du phénomène étudié implique un encadrement plus vigilant et précis. Et s’il
connait des risques d’abus, le pourcentage de ces risques, et de leur gravité diffèrent d’un pays et
d’une société à autre. C’est la raison pour laquelle, la codification de ce phénomène par le système
égyptien ne doit pas se limiter à prévoir une sanction dissuasive, elle doit, de même que le système
français, mettre en place divers moyens de prévention telle que la protection fonctionnelle, qui
permettra d’obliger l’administration à, au moins, faire cesser ces agissements par les différents
processus déjà présentés comme la mutation, l’ouverture d’une enquête administrative, en
prévoyant également une sanction significative s’il y a négligence dans la mise en place de cette
protection ou pour un refus de protection sans justification légale. Cela est indispensable afin
d’inciter l’administration à aider les victimes de toutes les formes de violence qui peuvent être
subies au sein de la fonction publique.
Cette prévention doit être complétée par le contrôle régulier assuré par des inspecteurs,
dans le cadre que nous avons proposé, en veillant au respect de leur indépendance, évitant un
manque d’impartialité.
Bien évidemment une disparition du phénomène n’est pas plus envisageable, que pour tout
comportement délictueux. La rédaction d’un code pénal n’a pas fait disparaître la délinquance…
L’élargissement des moyens de preuves est donc une autre méthode pour faciliter
l’élimination de ce risque puisque pour certains agissements les victimes ne peuvent pas bénéficier
des solutions du droit commun. C’est le cas pour le harcèlement moral dit « passif »88 qui consiste
88 http://www.village-justice.com/articles/harcelement-moral-peut-resulter,22003.html consulté le 29 mai 2016
43
à une placardisation, ou une mise à l’écart qui se manifeste le plus souvent par un isolement de
l’environnement professionnel.
A notre avis, l’introduction de la reconnaissance du harcèlement moral dans le droit
égyptien s’il se réalise dans le cadre exposé, avec un mécanisme de prévention, un contrôle
préventif régulier et un encouragement des vraies victimes à présenter tous moyens de preuves à
leur disposition sans risque d’être poursuivies, n’empêche pas de prévoir également dans le régime
juridique de la fonction publique une sanction administrative de dénonciation abusive dans les
conditions déjà évoquées, une victime doit au moins présenter des faits susceptibles de faire
présumer l’existence du phénomène.
Le fait que les fonctionnaires ne sont pas motivés, les risques d’abus de droit d’ester en
justice, ne devront donc pas être des obstacles pour refuser de légiférer en matière de harcèlement
moral. Au contraire cela peut être l’occasion d’améliorer le système administratif égyptien, surtout
par le renforcement du rôle des inspecteurs, un rôle assez pertinent mais n’a jamais été mis en
place et encadré d’une manière efficace permettant de mieux contrôler les fonctionnaires et d’aider
le juge dans la révélation de la vérité. On ne doit oublier que tous les fonctionnaires ne sont pas
négligents ou désabusés, il faut encourager ceux qui effectuent consciencieusement leur mission
et également les protéger puisqu’ils peuvent parfois être considérés par leurs collègues ou
supérieurs comme un « danger » menaçant de faire apparaître au grand jour leur paresse et leur
incompétence.
De même, il ne faut pas se limiter à la vision répressive, lorsqu’on parle d’un encadrement
juridique, la prévention est toujours plus efficace. En réalité c’est l’ensemble du système
administratif qui doit faire l’objet d’une réforme globale, le phénomène du harcèlement moral n’est
pas le seul fléau de ce système, il s’agit d’un phénomène qui cache d’autres lacunes,
principalement liées à la relation hiérarchique, avec la concentration des pouvoirs dans une seule
main, sans un contrôle réel, ce qui génèrent de nombreux dysfonctionnements.
C’est cette même vision des choses, qui aurait pu ne pas permettre d’étendre les moyens
de preuves, en se limitant strictement au principe de la loyauté, au lieu de privilégier celui de la
vérité, c’est également cette même vision qui voit dans la sanction de la dénonciation calomnieuse
dans les conditions précitées, un moyen qui fera échapper les victimes à chercher le respect de
44
leurs droits en renonçant à ester en justice, sans voir qu’en réalité une telle sanction ne devrait
gêner que les prétendues victimes, qui ne cherchent qu’à nuire l’autrui.
Finalement, cette même vision ne doit pas nous laisser croire qu’il suffit de légiférer pour
résoudre le problème ou, autrement dit, que c’est uniquement les règles de droit qui élimineront
ce phénomène. Une législation nouvelle doit être le signe d’une volonté réelle des autorités
compétentes qui veilleront constamment à sa prévention et à la mise en place des moyens
l’éliminant.
45
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50
ANNEXES:
Annexe 1:
Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Loi dite loi
Le Pors.
Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont
pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter
atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de
compromettre son avenir professionnel.
Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération,
la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la
mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération :
1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au
premier alinéa ;
2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une
action en justice visant à faire cesser ces agissements ;
3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés.
Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de
procéder aux agissements définis ci-dessus.
51
Annexe 2 :
Conseil d'État N° 365552
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Résumé : 36-07-10-005 Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de
faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par
l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de
tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire
présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une
argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des
considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient
d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de
ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute
mesure d'instruction utile.
36-13 Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de
harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il
relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement,
de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il
incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à
démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à
tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de
harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il
peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
54-04-04 Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs
de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont
il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de
harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer
l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une
argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des
considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient
d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de
ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute
mesure d'instruction utile.
52
Annexe 3:
Cour de cassation chambre criminelle Audience publique du mardi 31 janvier 2012 N° de pourvoi: 11-85464
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Titrages et résumés :
ATTEINTE A LA VIE PRIVEE - Action publique - Exercice - Condition - Plainte
préalable de la victime - Actes d'enquête antérieurs - Régularité - Détermination
La plainte préalable de la victime d'une atteinte à l'intimité de la vie privée, prévue par
l'article 226-6 du code pénal, est exigée par ce texte pour l'exercice, par le procureur de la
République, de l'action publique, laquelle suppose la saisine d'une juridiction
d'instruction ou de jugement.
Sont dès lors réguliers les actes d'enquête requis par le procureur de la République sur des
faits susceptibles de recevoir cette qualification qui lui ont été dénoncés préalablement au
dépôt d'une plainte par la personne qui en serait victime
ACTION PUBLIQUE - Mise en mouvement - Plainte préalable - Victime d'une atteinte à
l'intimité de la vie privée - Actes d'enquête antérieurs - Régularité - Détermination
CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Nullités de l'instruction - Examen de la régularité de
la procédure - Annulation d'actes - Acte ou pièce de la procédure - Définition -
Enregistrements de conversations privées réalisés par un particulier (non)
Les enregistrements de conversations privées, réalisés à l'insu des personnes concernées
par un particulier, en ce qu'ils ne constituent pas en eux-mêmes des actes ou des pièces de
l'information, au sens de l'article 170 du code de procédure pénale, et dès lors qu'ils ne
procèdent d'aucune intervention, directe ou indirecte, d'une autorité publique, ne peuvent
être annulés en application des articles 171 à 173 du même code.
Il en va de même de leur transcription, qui a pour seul objet d'en matérialiser le contenu.
Il s'agit de simples moyens de preuve soumis à la discussion contradictoire
53