Download - Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 1/128
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 2/128
©
PUV,
Saint-Denis,
1984
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 3/128
MEDIEVALES
Revue
semestrielle
publiée par
les Presses
et
Publications
de l'Université
de
Paris VIII
-
Vincennes à Saint
Denis,
avec
le concours du Centre National de la Recherche
Scientifique
COMITE
DE REDACTION
_
-fiSļ
ļļ
ļ
Jérôme
BASCHET
_
~Í¡
~
-
fCTÍ
ir
*
François-Jérôme
EAUSSART
_
W
-
'
ļļ'Jļ
tf
ļ
J
Bernard
CERQUIGLINI
tÍCl
'
aC
CL
François^
JACQUESSON
¿Pļ / /| j
Christln^LAPOSTOLLE
'~~~Jfj, M|j ļ
iHïf
v:
p?'
•
OrlandoEde°RUDDER
gip
Wkī?J
Le
numéro
44
F
Abonnements
-
2
numéros
82 F
(étranger
95
F)
-
4
numéros
155F
(étranger
180
F)
Les
manuscrits,
actylographiés
ux
normes
habituelles
ainsi
que
les
ouvrages pour comptes
rendus,
oivent
tre
envoyés
:
MEDIEVALES
Centrede RechercheUniversité aris VIII
2,
rue
de la
Liberté
93526
aint-Denis
edex
02
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 4/128
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 5/128
/';-=09 )(8*
=-0/']
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 6/128
MOYEN
AGE,
MODE D EMPLOI
Parler
du
Moyen
Age.
Parlerdes médiévistes. aire
parler
es
médié-
vistes du
Moyen
Age
et d eux-mêmes. ar le
Moyen Age
est
aussi
fait
des
passions,
des
goûts,
des adhésions t
des haines de ceux
qui
le
fabriquent,
e
démolissent,
e
reconstruisent.
Nous
présentons,
ans ce
numéro,
es résultatsd une
enquête
dans
laquelle
nous avons souhaité
faire
pparaître
es
motivations,
es
impli-
cations des médiévistes.Nous
y voyons
se dessiner
un
Moyen Age
imaginaire, lein des lectures et des rêves d enfance, ôtoyant es
discours
scientifiques
t
auquel beaucoup
de
médiévistes
émoignent
de
leur attachement.
l n est donc
pas
inutilede faireune
place
à cette
dimension ecrète
qui,
qu on
le veuille ou
non,
participepleinement
notre
perception
e
l époque
médiévale. e
Moyen
Age
est bon à rêver
Ivanhoé
et Marc
Bloch,
a
main dans
la main.
Bien
sûr,
il
ne
s agit
pas
de s en tenir
à des
images
d Epinal,
ni
d oublier
que
le
Moyen Age
est
aussi
un discours
construit,
laboré.
C est en montrant es
variations,
es
évolutions,
travers
une
analyse
historiographique,
u on
le fait le mieux sentir.
Par
exemple,
l
nous
semble
que
la recherche
française
est souvent
encline
à
considérer
l étiquette«MoyenAge comme une pure convention.A l inverse,
Ovidio
Capitani interroge
ci
sur a
définition
un
unitédu
Moyen
Age.
Dans
une
perspective
ui
illustre
exigence
de
réflexion
héorique
de
l école
italienne,
l
entenddonner
une
rigueur
onceptuelle
l idée
de
Moyen
Age.
Pourtant,
a
périodisation
e l Histoire ur
laquelle
nous
vivons ne
va
pas
sans
poser
de
problème.
Pour
Jean
Devisse,
l entité
«
Moyen
Age
ne se
justifie
n
aucune
manière,
ni
économiquement,
i
politi-
quement.
Au-delàde cette
critique,
auteur
montre,
vec sa
double
expérience
e l histoire
médiévale t surtout
de
l histoire
de
l Afrique,
combien
idée de
«
Moyen Age
procède
de la
certituded une
supé-
riorité e l Occident, une exclusiondes autres cultures.
Discours
tranchés,
pposés
?
Sans
doute,
mais seulement
i l on ne
voit
pas qu ils
ne
parlent
pas
exactement e
la
même
chose,
qu ils
ne
visent
pas
le même
champ.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 7/128
6
Par
ailleurs,
e
discours sur
le
Moyen Age
s élabore
au sein
d un
système énéral
e
pensée.
Cette
dépendance pparaît
travers
emploi
des notions
ď
«
enfance et
ď
«
origine
,
couramment
mployées
our
définire
MoyenAge
par
la
distance
qui
nous
en
sépare.
Or,
l article
d Antoine
eillon
montre
ombien
a
métaphore
de
l enfance
est
un
outil
dangereux
our
qui
le manie sans
méfiance.
Notre
enquête
e
montre
la recherche
st
aussi
une
pratique,
ndis-
sociable
de certains
ieux.
A
partir
de
l exemple
de
la
Bibliothèque
Nationale,
Michel
Pastoureau
xamine
pour
nous les
manières
e biblio-
thèqueet nousmontre ombien e rapportdes chercheurs leurs ieux
est riche
de sens.
A
travers
es
différentes
pproches,
nous voulons
faire sentir
om-
bien
le
Moyen Age
est
impliqué
dans
les
pratiques
et les
savoirs
d aujourd hui,
ans
la
démarche
t la
personnalité
es chercheurs.
n
définitive,
e
MoyenAge
n a
de sens
que
pour
autant
qu il
existe
pour
nous
(et
c est aussi
pourquoi
l
peut
ne
pas
en
avoir).
Ici,
l unité
du
MoyenAge
rejoint
sa
dimension
maginaire.
l
n est
pas,
aujourd hui,
e
période
qui
se
prête davantage
notre
maginaire,
car
il
n est
pas
de
période
plus
cohérente
our
nous,
dès
lors
qu on
la
définit
au-delà
de la
périodisation
raditionnelle)
omme
l envers
de
notre ivilisation.
C.L.
et
J.B.
Nous sommestrèsheureuxde voir démarrer a chronique-jeuue
PatriciaMulhouse
iendra ésormais
u
fildes numéros.
Nous
y voyons
l occasion
d en
apprendre
lus
sur
un des
aspects
de
la vie
médiévale,
et
en même
temps,
a certitude
e bien nous
amuser.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 8/128
Jérôme
BASCHET
Christine
LAPOSTOLLE
Michel
PASTOUREAU
Yvonne
REGIS-CAZAL
PROFESSION MÉDIÉVISTE
La
mode
des
questionnaires
t des
sondages persiste
dans les
magazines
t les revues et il
était
impossible ue
Médiévales
n'y
aille
pas
aussi du sien
(1).
Ainsi
envoyions-nous,
oici
à
peu près
un
an,
à
tous nos
abonnés,
une
cinquantaine
de
spécialistes
de la littérature
et
de la
linguistique
u
MoyenAge,
une
cinquantaine
'historiens,
rne
vingtaine 'archéologues
t
d'historiens e l'art de
la
même
époque,
la
liste des
questions
reproduites
lus
loin. Nous
annoncions,
n intro-
duction, ue
ce
questionnaire
'adressait
«
à
tous ceuxqui s'intéressentau MoyenAge, uelles que soient eursdisciplines t leurspériodesde
prédilection
. Ce
que
nous souhaitions
«
que
les
motivations
des
médiévistes
pparaissent
ans leur
diversité dimension nstitutionnelle
de la
recherche,
njeux
épistémologiques
t
politiques...
mais aussi
implications ersonnelles
u
chercheur,
rop
souvent
ccultées
par
les
enjeux scientifiques
.
Autrement
it,
essayer
de faire
parler
es médié-
vistes en
tous
genres,
non
pas
du
Moyen
Age
mais
des
coulisses de
leur
Moyen Age,
de leur
Moyen Age
privé qui
se
cache,
sous-tend,
s'entremêle
vec leur
démarche
publique, cientifique.
Nous avons
envoyé
trois cents
questionnaires
t
reçu
trente-cinq
réponses.C'est la proportion abituelle dans ce genred'enquête.La
modestiede notre
entreprise,
a forme
de nos
questions
ne nous ont
pas
semblé
appeler
un traitement
es
réponses
par
pourcentages,
statistiques,
tc.
Le nombre
éduit
des
réponses
mais
aussi,
souvent,
a
longueur
de
chacune,
es
développements
uxquels
elles donnent
ieu,
nous ont
engagés
à nous
orienter
lutôt
vers un
traitement e
détail,
à
prêter
ttention
on seulement
ux
informations
onnées
mais à
la
manièredont elles
sont formulées.
1.
Exemples
e
questionnaires
médiévaux
dans a revue
Rapport
Net
FranseBook,
n°
3,
année
1983,
ené
Stuip
et
MartijnRus,
«
Nos étudesmédiévales, la mode?», pp. 154-178,t dans le magazine ire n° 91,
mars
1983,
es Stars
du
MoyenAge
«
Quelles
ont,pour
es
Français,
es
trois
ersonnalités
ymbolisant
e mieux e
Moyen
ge
»,
pp.
22-23.
n
pense
aussi
à certaines
uestions
u concours
ancé
par
es
Editions
odiaque,
ur
l'art
roman,
ans es
numéros
'été
1984)
u Monde
Dimanche.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 9/128
8
Pour
plus
de
clarté,
nous
reprendrons
ans
la
présentation
es
réponses
dont
l'analyse
sera
étayée
de
larges
citations,
'ordre dans
lequel
les
questions
étaient
posées.
D'autre
part,
comme
il
n'est
pas
dans
nos intentions e
prétendre quelque
scientificité
ue
ce soit
et
qu'une
vraie
analyse sociologique
n'est
pas
non
plus
dans
nos
compé-
tences,
nous avons choisi
de varier
es
points
de vue
en
répartissant
entre
quatre
personnes
2)
le
travail
d'analyse
des
réponses,
eci
expli-
quant
de
possibles
changements
de ton
de la
présentation
d'une
question
l'autre.
l
convient,
vant de
passer
à
cette
présentation,
e
nous fairepart de nos réflexionsoncernante déroulement e cette
enquête.
Qui
a
répondu
?
Voici
d'abord
quelques
chiffres
-
6
des
personnes
yant
répondu
ont
plus
de
60
ans,
3
entre
50
et
60
ans,
8
entre
0 et
50
ans,
7
entre
30
et 40
ans,
9
entre
20 et 30 ans
(deuxpersonnesne donnent as leurâge).
-
18
réponses
émanent
de littéraires
t de
linguistes,
viennent
d'historiens,
viennent
'archéologues,
d'historiens e
l'art,
1
d'un
théologien,
nfin
de médiéviste mateur
sans
spécialisation.
-
18
réponses
viennentde
Paris,
8
viennentde
province,
9
de
l'étranger.
-
19
de
nos
interlocuteurs
ont des
enseignants
u
Supérieur,
des
enseignants
u
secondaire,
des
étudiants,
exercentd'autres
profes-
sions
sans
rapport
direct
avec
le
Moyen Age.
La
répartition
es
âges,
des
professions,
es lieux de
résidence
eflète
à peu près la situationde départ.On constatedonc d'embléeque les
enseignants
du
Supérieur, parisiens,
masculins sont
surreprésentés
(plus
de la
moitié
des
réponses).
Nous
n'avons
pas
d'explication particulière
concernant e
petit
nombre es
réponses
féminines
8
sur
35 et aucune chez les
historiens).
Leur
proportion
st inférieure celle
qui
les
représente
ur la liste
des
questionnaires
nvoyés.
Ce
qui
nous semble se
dégager
e mieux
ici
est
qu'à
proportions
d'interrogationgales,
es littéraires
épondent lus
nombreux
ue
les
historiens.
l
faut bien sûr
prendre
en
compte
le fait
que
la revue
a d'abordtouchéun public ittérairece qui n'estplus vrai aujourd'hui
2. Les
questions
,
2
et 3 sont
présentées
ar
Michel
Pastoureau,
a
question
est
présentéear
Yvonne
egis-Cazal,
'introduction
t a
question
Ear
postolle,
hristine
la
question
apostolle,
7
et
a
la
uestion
conclusion
par
par
vonne
Jérôme
egis-Cazal
Baschet.
et Christine
Ear
postolle,
a
question
et la
conclusion
ar
Jérôme
aschet.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 10/128
9
où
le
partage
s'équilibre),
mais
il
nous semble
pouvoir
dire
tout
de
même
que
cette différence
st
en
partie
'effet 'une
certaine
réticence
de l'historien
laisser de côté
pour
un moment son
attitude
de
«
scientifique
alors
que
le littéraire
e
sent
probablement
lus
à
l'aise
face au
type
de
questions,
la
façon
dont celles-ci ont
posées.
Autre
particularité
e ce
sondage
plus
de
la moitié
de ceux
qui
y
ont
participéy
ont été invité
directement,
arfois
avec
insistance,
par
l'un
des membres e
l'équipe
de Médiévales.
Ce
qui
sera
présenté
ici reflète
onc les
attitudes
d'un
noyau
de
personnes
relativement
prochesde la revue d'autrepart, l fautprendre n compte 'influence
de
l'interrogation
irecte ur
la
réponsequi
lui
est faite.
Cette
situation,
i elle enlève
à ce
qui
va
être
présenté
ci toute
prétention représenter
es médiévistes
d'aujourd'hui
«
en
général
,
a
permis
en
revanche e contact avec
une
catégorie
habituellement
délaissée celle des
gens
interrogés
mais
qui
n'ont
pas répondu.
Les
réactions
que
nous
avons
rencontrées
hez ceux-ci sont
diverses
contestation
'une curiosité mal
placée
»,
concentration
ur
des
ques-
tions
purement
necdo
iques, reproche
du caractère
peu
sociologique,
peu professionnel
e notre
démarche.
Mais
il
est
apparu,
dans
le
plus
grand
nombre des
cas,
que
les
destinataires nt
lu le
questionnaire
et y ont réfléchi. partirde là, la gammedes excuses va de l'oubli
à
la
réponse qu'une
fois
rédigée
on
préfère
ne
pas
soumettre
u
tiers.
Entre es
deux,
ceux
qui
se sont
«
creusé
la tête et sont
sortis
tout
troublés
de
cette
interrogation,
eux
qui jusqu'à
la dernière
minute
nous
avons
parfois
été
terribles,
multipliant
ans
pitié
les
assauts)
ont
promis
qu'ils répondraient...
En
tenant
ompte
de
la
place
de
la
politesse
dans
les
«
c'est
inté-
ressant
mais...
qui
viennent
'être
évoqués,
il
nous
semble
tout
de
même
légitime
d'attacher
une
certaine
importance
à
l'espèce
de
malaise
suscité chez certains.
l
nous
semble tenir à
deux
raisons
principales le ton des questions, otre nsistance direque les choses
auxquelles
nous
nous
intéressionstaienthabituellement
achées,
qu'il
fallait
«
lever
un voile
»
pour
les dire
d'autre
part
la lourdeur
de
chacune
de
ces
questions
suggérant
ouvent
dans leur formulation
a
réponse
à
faire et ne
laissant
parfois guère
de
place
à
l'imagination
de
la
personne
nterrogée.
Quelles
réponses pour
quelles questions
?
Les
questions,
n
le verra
dans
l'analyse
qui
suit,
n'ont
pas
toutes
été abordées
de la
même
façon.
Il faut notamment
distinguer
a
question
4
(sur
les souvenirs
d'enfance)
qui,
comme on nous l'a
fait
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 11/128
10
remarquer,
ncite à
traquer
dans
la mémoire
le moindre
épisode
d'enfance
yant
eu un
rapport
avec
le
Moyen
Age
et
qui,
dans
un
autre
contexte,
e serait
pas
forcément
pparu
comme
déterminant.
La
question
7
sur
le
rapport
du
Moyen
Age
au
monde
contemporain
(cf.
infra)
est aussi
à isoler.
Elle
introduit
ouvent
une
rupture
vec
le ton des
réponses
ux
questions
précédentes.
lle
est
perçue
comme
plus grave,
parfois gênante
«
Quant
à
la
question
de
"l'actualité"
d'une
pratique
de
recherche,
'est tout
autre
chose
»
On sent
souvent
que
l'on
n'a
pas
affaire
xactement
u
même
degré
de sincérité.
ans
les questionsprécédentes,n se livrait, ci, on se reprend u encore
on choisit
de
ne
pas répondre.
A cause
de sa formulation
mais
plus
encore
sans
doute à cause
d'une
attitude
plus générale,
es
dernières
années
face à ce
type
d'interrogation,
n sent
qu'il
existe
en
filigrane
comme
une
sorte de
«
bonne
réponse
à
cette
question
par
rapport
à
laquelle
on
prend
mplicitement
osition.
Ainsi
eux
qui
ne
présentent
pas
ce
problème
omme
étant
le
centre
de
leurs
préoccupations
er-
çoivent
ux-mêmes
ils
sont
deux)
leur
réponse
comme
relevant
de
la
provocation.
D'une
manière
générale,
e
plan
du
questionnaire
été
suivi
de
très
près.Les questions ont e plus souvent eprises
dans
le
détail
de
leur
formulation. 'est très frappant, urtoutpour les questions4 et 5
(cf.
infra).
Souvent,
es
exemples
donnés
dans ces
questions
ont
été
directement tilisés
«
(question
4).
En ce
qui
concerne
a
visite à
Chartres,
n
effet,
j'y
suis
allé,
mais
je n'y
ai
rien trouvé.
Quant
à
l'étiquette
e
boîte
de
camembert,
e
n'en
mange pas...»
La
longueur
es
réponses
st
variable.
Elle est
en
moyenne
e deux
ou
trois
pages.
Plusieurs
réponses
vont
jusqu'à
sept pages.
Quelques
autres sont très succinctes t tiennent ntre les lignes de la feuille
de
questionnaire
ui
nous
a été
retournée
«
pas
vraiment
,
« assez
minime
...
La
place
accordée
à
chacune
des
questions
est à
peu près
équivalente,
n
peu
moindre
our
a
question
3,
es
questions
1,
5 et
7 se
partageant
es
réponses
es
plus
longues.
Les
questions
ne sont
en
général
pas
commentées
ar
nos
inter-
locuteurs.
On relève
seulement
uelques
remarques
brèves
«
question
trop personnelle»
questions
3
et
5),
«la deuxième
moitié
de
votre
question
st
moins claire»
(question
7).
Dans
un
cas,
la
question
3
est
retournée
«
Plutôt
que
de
parler
de ce
que je
n'aime
pas
dans
le
Moyen
Age, e
préfère
arler
de
ce
que j'aime...
D. Alexandre
idon.
Le commentairee plus précisest celui de Paul Zumthor
«
De
vos
sept
questions,
a
plus
importante
ans cette
perspective
(celle
de
l'implication
ersonnelle
u
chercheur
ans son
travail)
ast
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 12/128
11
évidemmenta dernière.
a
réponse
que
Ton
y
donne
mplique
en fait
les six
précédentes.
ersonne,
me
semble-t-il,
e
peut,
sans se
disqua-
lifier omme
chercheur,
rester ndifférent.
Les
réponses
ous formede lettres
elles
sont
au nombre
de
neuf),
en abandonnant
a
structure
du
questionnaire
ui font
perdre
son
aspect anecdotique
t le
synthétise
n
général
n
une
questionglobale
«
Quel
est
mon lien
personnel
vec le
Moyen
Age
et avec ce sur
quoi
je
travaille
n
particulier
»
Dix réponses,d'autrepart,sont introduites ar une lettreséparéede leur contenu.
ettres
de
politesse
et
d'encouragements
ui
mettent
parfois
'accent ur notre
uriosité,
'excusent
u
temps
que
leur
auteur
a
mis
à
répondre,
e
la
rapidité,
uelquefois
du
narcissisme
de cette
réponse
dont
on dit
qu'elle
a
au
moins
le mérite
d'être sincère.
Ces
lettres
nous donnent
quelques
définitions t
commentaires
u
ques-
tionnaire
ue,
pour
continuer ans e
narcissisme,
ous
pouvons
voquer
ici
«
Votre dée
de
faire cette
enquête
me
semble
excellente
utile
et
peut-être
écessaire
.
«
Même
après
avoir subi cet
examen
de cons-
cienceprofessionnel,e n'yvois pas tropclair... « Vous nous conviez
là à abandonner
es
défroques
dont nous
habillonsnos
passions,
et
ce
n'est
pas
chose facile.
La fraîcheur 'âme
n'est
pas
ce
qui
caractérise
l'universitaire
rançais,
habitué
à situer ses
entreprises
dans
un
système
du monde.
Que
n'avez-vous ffaire
ce
type
de
professeur
anglo-saxon ui
avoue
ingénument
ue
telle
direction
e recherche
ui
a
été
inspiréepar
une
promenade
dans
la
campagne
.
Il se
dégage
de ces lettres
e fantôme 'une sorte
de
réponse
déale,
celle
que
l'on aurait
faite
si
l'on
avait eu le
temps
de
répondreplus
longuement
t,
qu'à
défaut de
temps,
l'on
a
remplacé par
«une
petitecontribution, faite « par une sorted'acquit de conscience et
«
puisque
vous voulez
"absolument" savoir
ce
que pensent
vos lec-
teurs
,
de
«
brèves considérations
«
au
fil de
la
plume...
qui
ont
du
moins,
nous
dit-on
ncore,
e
mérite de
la
spontanéité.
hacun
sait,
derrière es
excuses
que
cette
réponse
ne
saurait,
quel que
soit le
temps
u'on
y
passe,
être
formulée,
ue
tout
cela n'est
que
construction
à
partir
d'éléments
électionnés
ui,
dans
d'autres circonstances
our-
raient être sensiblement
ifférents. ersonne
et
l'on
comprend
que
l'intérêt
orté
à
ce
questionnaire
'aille
pas jusque
là)
ne
s'est
amusé
à
nous
envoyer
plusieurs réponses
à
chaque
question.
Pourtant,
'un
de
nos
interlocuteurs
ous dit
«
C'est
un
problème
difficile
de
s'interroger
ur
la
part
de
soi-
même
que
l'on met
dans
la
recherche)
t
plus
encore
qu'il
n'y
paraît,
car
la
solution
se
dérobe sans
cesse.
Il
me
semble
qu'elle
excède
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 13/128
12
toujours
ce
qu'on
est
capable
d'en dire...
Personnellement,
e
crois
pouvoir répondre
de
plusieurs
façons,
sans
que
je
sois
-
en
toute
honnêteté
capable
de décider
aquelle
tient
e
plus
de
vérité...
Moyen Age
et
moyenne d'âge
Finalement et tout
e monde sans doute en sera
soulagé
-
il ne
se
dégage pas
de
cette
enquête
de
portrait ype
du médiéviste
ecteur
de Médiévales. Les convergences, on pas de points de vue mais
d'attitude,
face aux
questions
posées
se
remarquent
davantage
au
niveau des
générations
u'à
celui des
disciplines.
i
l'on
devait classer
les
réponses
n
groupes,
a
distinction
a
plus pertinente
e ferait
ntre
ancienneet nouvelle
génération
'enseignants
u
supérieur,
tudiants
et amateurs.
Ceci,
non
pas
tant,
comme nous
l'avons
déjà
dit,
pour
le contenudes
réponses
que pour
leur ton. On
peut,
de ce
point
de
vue,
faireun certain
nombre
de
remarquesgénérales
t
qui
ne
surpren-
dront sans
doute
pas
(tout
en
précisant
qu'il
existe,
bien
sûr,
dans
chaque
catégorie,
es
exceptions)
ce sont
en
général
es
enseignants
les plus âgés qui dénigrente monded'aujourd'hui u profit u Moyen
Age.
On
distingue
ssez clairement, ans le
groupe
des moins de
trente ns
un ton
plus léger, lus
porté
à
la
plaisanterie
t à
parler
du
Moyen
Age
comme
«
fiction
.
C'est
dans cette même
catégorie
ue
l'on
rencontre
e moins de
gens
parlant
avec admiration
de
leurs
profes-
seurs.
Sans doute
e recul eur
manque-t-il...
e
groupe
des
enseignants
jeunes
a tendance
parler
davantage
de
sa
recherche
ue
de lui-même
il
constitue
a
catégorie
a moins
homogène.
On
y
remarque
tout de
mêmeune volonté
e
parler
du
MoyenAge
de
façon
nouvelle t
moderne
à
l'égard
de
laquelle
les
enseignants
lus âgés
se montrentméfiants
«
Je
suis défiant
peut-être ar incompétence
t
ignorance)
vis-à-vis
des études rop ystématiquesu abstraites, es applications ropméca-
niques
de
"grilles"
modernes
ux
textes
médiévaux,
urtout
orsqu'elles
sont
une fin n elles-mêmes
t
non d'abord
au service du texte .
Cette
remarque
e
double du
fait
que
les
enseignants
es
plus âgés
parlentplus
volontiers
e la beauté des œuvres
qu'ils
aiment
et
énu-
mèrentaissant ux
plus eunes
e soin de
parlerproblématique
t
théorie
(ceci
peut-être
urtout
u niveau des littéraires
t des
linguistes).
a
dernière
atégorie
st celle des
amateurs,
de ceux
dont la
profession
est sans
rapport
avec le
Moyen Age
et
qui
s'intéressent
celui-ci
pendant
eur
temps
de
loisir.
La forme
e leurs
réponses
e
caractérise
par la modestie ui les fait renoncer uelquefois certaines uestions
et
par
le
rappel
à
répétition
dans
une lettre
d'accompagnement
ais
aussi
-
et
parfois
à
plusieurs
reprises
-
dans le texte de
leur
réponse)
de leur
situation
ď
«
amateurs
.
Ajoutons
enfin
u'à
notre
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 14/128
13
grandregret
ous n'avons
reçu
aucune lettre
d'insultes
sans
doute
es
gens qui
pensaient
du mal du
questionnaire
'ont-ils
as pris
la
peine
de
nous
répondre
il
n'est
pas trop
tard)
ni aucune
réponse
canular.
« L'historien
peut-il
tenir de tels
propos
?...
»
Il nous faut encoreévoquer
e
«
commentaire
ur
la
réponse,
dans
la réponse dont nous gratifient peu près la moitiéde nos interlo-
cuteurs,
ceci sous
forme de
parenthèses,
de
petites
phrases
excla-
matives
«
Le choix
de
me
spécialiser
n art
médiéval...
st dû
à
l'influence
de
certains
professeurs,
pécialistes
t
milieux
ceci
pour
dire
que
le
milieu
des
médiévistes
st
super
)
»
supposant
parfois
es réactions
du
lecteur
«
J'ai
horreur
l'historien
eut-il
enir de
tels
propos
-
de
la
période
1661-1789
«
j'ai
une aversion
profonde
et
scandaleuse
)
pour
l'histoire u droit et des institutions...ou encore nterpellentirecte-
ment
le
questionnaire
«
S'il me
faut
toutefois,
our
jouer
le
jeu,
choisir
coup
sûr
une
de ses
périodes...
«
veuillez excuser
e bavar-
dage
théorique
«
(à
propos
de
la
question
6)
C'est
le revers
de
la
question
2 ».
Si la
plupart
des
réponses
font
savoir
qu'elles
n'impliquent
ue
celui
qui parle
«
je
pense que
pour
moi...
«
en ce
qui
me concerne
quelques-unes
d'entre
elles,
pourtant,
manant
d'enseignants,
e
pré-
sentent
uvertement,
u
parfois
de
façon
déguisée,
omme
yant
valeur
générale,
omme
une
éthique
du médiéviste
u
encore
comme
une
diatribecontre e mondemoderneou un certain « type de médié-
viste.
En voici
quelques
témoignages
«
Le
médiéviste
n'a
pas
à
être
dans le
vent,
ni à
fréquenter
es conférences
e
Beaubourg.
Son rôle
véritable
st
de maintenir...
«
(je
déplore)
la
conception
ue
se
font
de
l'histoire
n nombre
croissant
d'historiens,
t souvent
eunes,
qui
dans
le
sillage
d'une
«
nouvelle
histoire
qui
ne l'est
guère,
vont
jusqu'à
oublier
'homme...
«
Je crois
qu'il
est
bon d'avoir
des
préoc-
cupations
à
la fois
verticales
t horizontales...
e
crois
nécessaire
et
agréable
de
fréquenter
es
institutions
ifférentes
...
Nous
vous
laissons,
maintenant,
écouvrir
es
réponses
qui
ont
été
faites
à
chacune
de
nos
questions.
Nous
remercions
haleureusement
les trente-cinq édiévistesui ontpris a peinede nous répondre. 'est
avec
joie,
bien
sûr,
que
nous
publierons
dans
un
prochain
numéro
de
Médiévales
es
commentaires
ue
vous souhaiterez
nous faire
sur
cette
enquête,
qui
sait,
peut-être
es
réponses
des
265 retardataires...
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 15/128
QUESTION
1
Après
avoir
succinctement
présenté
vos thèmes
de
recherches,
pourriez-vous
xposer,
au-delà
même
de
leur intérêt
scientifique,
les motifs
personnels
pour
lesquels
ils vous retiennent
a)
Cette
question
est
la seule à
laquelle
tout
le monde
ait
répondu,
du moins dans
sa
première artie.
Présenter es thèmes
de
recherches
n'effraie
i
ne déroute
personne.
En
revanche,
e
concept
«
thème
de
recherches est
fortement
lastique pour
deux chercheurs
ont les
préoccupations
t
les
enquêtes
sont
fort
voisines,
es
réponses
peuvent
être aussi
éloignées
ue
«
la
littérature
médiévale d'une
part,
et
«
la
brancheVIII du
Roman
de
Renart de
l'autre.Dans bien
des
cas,
en
effet,l sembleque les thèmesde recherches e peuvent treque ceuxen cours-
thèse, ivre,
rticle même- et de ce fait ls sonténoncés
de manièrerelativement éductrice.
Pour savoir
qui
est
qui,
qui
fait
quoi
et
pour
établir
quelques
statistiques,
l
nous
a donc fallu
parfois
xtrapoler
t
enquêter
u-delà
des
questionnaires
t
de ce
qu'ils
nous
appprennent.
tudiants
et
jeunes
chercheurs,
otamment,
réfèrent
ire avec
précision
ce sur
quoi
ils
travaillent
ctuellement,
lutôt
que
de
se
présenter
omme
archéologues,
inguistes
u historiens
e
tel
ou
tel domaine.
Timidité
certes.Mais aussi
souci vivificateure
faire
tomber es barrières
ntre
les
disciplines
t,
parfois,
de
donner a
priorité
la
problématique
sur les documents. a différencest ici nette entre les générations
les
plus âgés
se dotent volontiers
d'étiquettes
les
plus jeunes
les
refusent.
A ce
jeu
des
étiquettes, pontanément
evendiquées
u
bien attri-
buées
d'office,
es
«
littéraires
,
au sens
large,
sont
majoritaires.
lus
de la moitié
20)
des
personnes
yant
répondu
à
notre
questionnaire
peuvent
n effet tre
considérées
omme
telles,
qu'il s'agisse
de lin-
guistes,
de
philologues
ou
d'historiens
e
la littérature
roprement
dite. Viennent
nsuite
es historiens
es structures
ociales,
ceux des
mentalités
t
de la
sensibilité,
eux de
la vie
religieuse; puis
les
historiens 'art et les spécialistesde l'image.Les archéologues erment
la marche.
Toutefois,
e
développement
e
l'anthropoloiehistorique
enlève
ouvent
ces
découpages
oute
pertinence,
otamment
our
les
recherches
ui
sont
le
fait
des
plus
jeunes. L'archéologue
'affirme,
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 16/128
15
juste
titre,
«
historiende
la
civilisation
matérielle
et le
philologue
«
historien
es
phénomènes
ittéraires
u
linguistiques
.
b)
La seconde
partie
de cette
première
question
a
souvent
été
escamotée,
oit
qu'on
Tait
purement
t
simplement
autée,
soit
qu'on
se soit
contenté 'un
laconique
«
c'est
ça
qui
me
plaît
et
que
j'aime
»
(R.
H.
Bloch)
ou d'un
énigmatique
le
Moyen
Age
était
un
âge
raison-
nable
qui
ne
cherchait
as
à tout
compliquerpar
la raison
(H.
Nied-
zielski).
Les
réponses
ux
questions
4 et 6
et,
surtout,
la
question
7
compensent eureusementette lacune.On est toujours plus bavard,
moins
méfiant
u
moins
susceptible
la fin d'un
questionnaire
u'en
son début.
Plusieurs
personnes
nt
avoué être
incapables
de dire exactement
pourquoi
lles avaient
été
attirées
par
tel ou
tel thèmede recherches
«
On ne sait
jamais
bien la
raison d'êtrede
ce
qui
nous
occupe...
Ou bien
on
aime ce
que
l'on
fait,
t on voit
mal
qu'on
aille écrire
des
pages
sur les
raisons
pour
lesquelles
on
le
fait,
alors
que
le
plaisir
suffit...
u bien on
n'est
pas
satisfait
de ce
que
l'on
fait,
t
alors cela
vaut
la
peine
de
se chercher
des
justifications
our
continuer.
Mais
ce sont
des
justifications
t
non des raisons.
Et
de
plus c'estbien triste (J.Baschet).
Ou encore
«
Des
motifs réels
de mon
attachement
ux lettres
médiévales,
u-delà
des avatars d'une
formation
niversitaire,
e
ne
sais
ou
ne
puis
rien dire
(J.-C.
Huchet).
D'autres ont
fait dès
cette
première
uestion
appel
à
leurs
souvenirsd'enfance
voir
question
4),
ou
bien
ont
mis
en avant
l'influence 'un
maître
(cas
fréquent
l'étranger,
lus
rare en
France),
d'un
grand
historien,
oire
d'un seul
livre
L'automne
du
Moyen
Age
de J.
Huizinga
est
plusieurs
fois
cité).
L'attrait
pour
l'inconnu,
'exotique,
e
féerique, 'imaginaire
st une
dizaine
de fois
présenté
omme
un
motif
atalysateur,
l'époque
où
l'on était encoresur la lignede départ. l en sera longuement arlé
à
propos
des
questions
suivantes.
Signalons
toutefois
ci
que
le mot
imaginaire
qu'il
soit
adjectif
ou
substantif,
st
probablement
u
long
des
sept
questions
celui
qui
revient
e
plus fréquemment,
t
à
tout
propos,
sous
la
plume
de nos
interlocuteurs.
n
rêve
encore
aujour-
d'hui
a
façon
dont
on a
rêvé
ou
dont on
voudrait
voir
rêvé e
Moyen
Age
orsque
'on
était
plus
eune,
l
y
a
dix
ans,
vingt
ns,
cinquante
ns.
Il en
va de
même du
plaisir
et du
jeu
qui
peuvent
xpliquer,
u
en
tout
cas
justifier,
el ou tel
type
de recherches
on
y
fait
ici une
timide
allusion
(ainsi
A. Boureau
«
j'y
trouve
en effet...
'exaltation
ludique
de
l'enquête
où
jouent
alternativement
a découverte
et
l'attente... t le plaisir d'engendrer, 'animerce qui semblaitcomme
mort,
oublié,
dépourvu
de sens...
),
mais
on
préfère
reprendre
t
développer
e tels
motifs
dans la
réponse
à
la
question
7.
Ici,
ils
ne
semblent
uère
avouables.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 17/128
16
Quant
aux motivations
plus
intellectuelles,
lles sont
souvent
présentées
e manièretrès
banale,
au
moyen
de mots
et
de formules
galvaudées
«
j'ai
souhaité
faire
parler
e
passé
»
;
«
j'ai
été attiré
par
la nouveautéde ces
problèmes
;
«
j'ai
cherché
atteindre
a
pensée
profonde
t les
sentiments
rais des
hommesdu
Moyen
Age
.
Il faut
donc
chercher
lus
loin
les
véritables
motivations
péculatives yant
suscité
telle ou
telle
pratique
ou
telle ou telle
recherche.
Plusieurs
hercheurs, nfin,
nt reconnu
u'ils
n'étaient
pas
person-
nellement
l'origine
de
leur
spécialité
actuelle,
mais
que
la
paternité
en revenait des professeurs u à des collègues, une institution,
une
équipe
dont
ils ont
fait
partie,
u
hasard,
à
Dieu
même...
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 18/128
17
QUESTION
2
Dans la
même
optique,
pourriez-vous
parler
de
votre
attachement
au
Moyen
Age
dans
son
ensemble,
ou à l'une
des
périodes
particu-
lières
du
Moyen
Age
?
Cette
deuxième
question
est celle
qui
a
suscité les
réponses
les
plus
courtes.
Probablementétait-elle
maladroitement
osée.
Notre
«
dans la même
optique
, notamment,
'a
pas
été
compris,
t beau-
coup
de nos
interlocuteurse
sont
contentésd'énumérer
es siècles
ou les
groupes
de
siècles
qu'ils
aimaient sans vraimentnous dire
pourquoi.
En
outre,
six
personnes
n'ont
pas
répondu
à
la
question,
et
six autres
ont
répondu
qu'elles
n'avaient
pas
de
période
de
prédi-
lection.Parmi ces dernières, eux seulement nt justifié et attache-ment d'ensemble
par
une
explication
d'ordre ntellectuel t non
pas
par
une
vague
affection,
olle
ou
marécageuse.
Ainsi Alain Boureau
«
J'aime
e
Moyen
Age
dans
son ensemble mon
type
de recherche
me
promène
d'un
bout à l'autre de la
période,
et cette mobilité
déjoue
la lassitudeou
l'accoutumance...
e
Moyen
Age,
globalement,
m'attire
n
ce
qu'il
mêle,
plus
que
toute
autre
période,
'étrangeté
et la
familiarité,
a
clôture
des
temps
et des
documents)
t l'ouver-
ture
les
indéfinis éseaux
à
parcourir).
Au
plus près
de
l'espace
et
de la
culture,
l
offrea
plus
grande
distancede
variation t autorise
un
regard nthropologique
t
totalisant.
Quelques autressignalent, imidement,eur intérêtpour la longue
durée,
en
général
de
l'Antiquité
ardive au xvn*
siècle,
mais
sans
guère
fournir e détails.Par
là mêmenous a
heureusementté
épargné
le
traditionnel t
désormais
peu
supportable
discours
sur les
limites
du
MoyenAge,
ur les
découpagesprétendûment
rtificiels es manuels
scolaireset
universitaires,
t sur
la
façon
dont
l'historien 'aurait
pas
le droit
d'enfermer ne
époque
entre deux
dates. Ce
type
de
préoccu-
pation
ne semble
plus
guère
ntéresser
ersonne.
Parmiceux
qui
ont
reconnu n amour
particulier our
telle ou telle
période, resque
tous
ont tenu
à
souligner
néanmoins
leur attache-
mentau MoyenAge dans sa globalité.On sent là commeune gêne,
ou ime
petite
honte,
u
même une certaine
peur
vis-à-vis u discours
historique
ominant,
ui depuis
déjà
un certain
temps
condamne
tout
sectarisme
hronologique
troit.
Au
reste,
nous
le
verrons,
os médié-
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 19/128
18
vistes
ont
parfois
peur
peur
d'être
mal
compris,
peur
d'être
à côté
des modes
du
moment,
eur
de
ne
pas
savoir
ou
de
ne
pas
avoir
su
«
accrocher
e
bon
wagon
. Certes
ls
ne l'avouent
as,
bien
au
contraire,
mais
la manière dont
ils
répondent
nos
questions
-
qu'il
s'agisse
d'une
confession
ttendrie,
'une
prise
de
position
trop
nuancée
ou
d'une
violente
provocation
traduit
finalement
ette
même
crainte
d'être
«
à côté
de
la
plaque
»,
cette
même
peur
de ne
pas
répondre
e
qu'il
«
faut
répondre
ujourd'hui
.
Et
que
dire
de tous
ceux
(plus
de
200)
qui
ne
nous
ont
pas
retourné
eur
questionnaire...
Nous n'avonsrelevéqu'un seul cas de hainechronologique éclarée.
Mais
ici
encore
le
propos
est
peut-être
rop
sainement
orrosif
pour
avoir
une
réelle
portée
«
J'éprouve
e la
répulsion l'égard
du Haut
Moyen
Age,
t
parti-
culièrement
es
temps
carolingiens.
our
des
raisons
que je
crois
bonnes
l'extase
où
Charlemagne
plonge
les
maniaques
de
la
"Renaissance"
(?)
carolingienne,
u
nos
collègues
llemands,
m'irrite
plus qu'elle
ne
me fait
rire,
car du
fait
quelle
me semble
totale-
ment
njustifiée
n
comparaison
de ce
qui
s'est
passé
ensuite,
e
m'impatiente
e
lire ou
d'entendre
es
appréciations
yperboliques,
historiquement
nexactes
(R.
Fossier).
Les
médiévistes
iment tous la
période
sur
laquelle
ils travaillent.
Ici,
pas
d'aigreur,
peu
de
regret,
et
malheureusement
ussi
peu
d'appétit
déclaré
pour
voir
vraiment
e
qui
se
passe
ailleurs,
très
en
amont
ou
très en
aval.
Un
seul
universitaire
voue
un
léger
décalage
entre
a
période
qu'il
étudie
et la
période
qui
le
fascine
«
Le hasard
a
voulu
que
mes travaux
portent
ur
le
xive
siècle,
mieux
pourvu
n
documents
ur
la
culture
matérielle
t
plus
riches
en sites
désertés,
ccessibles
à
l'archéologue.
Mais
je
ne
suis
pas
loin
de
le
regretter.
e
vrai
MoyenAge,
i
je puis
m'exprimer
insi,
ce
sont
es
xie-xn"
iècles,
où
tout se
met
en
place,
où se
dessinent
les grands traits de cette civilisationrurale qui me fascine...
(J.-M.
esez).
Pour
tous
les autres
il
y
a concordance.
Cette
concordance
st-elle
une
forme
de
résignation
ui
s'est
progressivement
tablie
au
fil des
années
d'études
et des
hasards
de la
carrière
u de
la recherche
Ou
bien
traduit-elle
ne
pleine
réussite
pour
avoir
su
et
pu
mettre
en
accord
la
période
pratiquée
et
la
période
rêvée
Nous
ne le
saurons
jamais,
ou
du moins
pas
cette
fois-ci
ar nos
médiévistes
ont
avares
de
précisions
et
d'explications
ur
ce
problème,
comme
si
en
ce
domaine
tout
allait
de soi.
Au tableaud'honneur es périodespréférées,e MoyenAge central,
et
particulièrement
es
xn' et
xiir
siècles,
rrive
n
tête.
C'est
le
«
vrai
Moyen
Age
;
«
quand
je
dis
Moyen
Age,
e
pense
essentiellement
ux
xir et
xine siècles
». C'est
aussi
«
l'âge
d'or
de
la
littérature
médié-
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 20/128
19
vale
»,
l'époque
«
que
je
sens le
mieux
,
celle
«
où
je
suis
chez
moi
»
et
qui marque
«
le
début de
notrementalité
moderne
.
Vientensuite
e bas
Moyen
Age,
vec
une
mention
articulière
our
le
XV*
iècle
qui
attire
tout
spécialement
es
jeunes
chercheurs
t les
étudiants.
ls en
retiennenturtout
es
mutations
t
les innovations
t
plusieurs
ont tentés
de
fairedes
rapprochements
vec
notre
xx*
iècle.
Inversement,
e
haut
Moyen
Age
ne fait
plus
recette.
Deux
réponses
seulement ur
35
le citent
omme
période
de
prédilection.
'une émane
d'un universitaire
e
69
ans,
l'autre
d'un
jeune
professeur
e
30 ans.
Cettedifférence'âgeréconfortantee ferme as complètementa porte
sur ces
siècles
aujourd'hui
délaissés.
Enfin
ignalons
que plusieurs
chercheurs
t
étudiants
ont
préféré
ici
dire ou
redire
eur attachement
un
objet
(le
livre,
'image,
a
campagne)
plutôt
qu'à
une
époque
déterminée.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 21/128
20
QUESTION
3
Pouriez-vous aussi
parler
de ce
que
vous
n'aimez
pas
dans
le
Moyen
Age (période,
pays, type
de
document,
de
problématique,
de
pratique...)
?
Faire avouer aux
médiévistes e
qu'ils
n'aiment
pas
dans
le
Moyen
Age
ou
dans la
médiévistique
'est révélé
moins facile
qu'on
aurait
pu
le croire de
prime
abord. Ordinairement
out discours
se
fait
prolixe
lorsqu'il
'agit
de disserter ur ce
que
l'on
rejette
u
que
l'on
condamne,
sur
ce
qui
nous est
désagréable, mportun,
oire
étranger.
Cela
n'a
pas
été le
cas
ici.
Les
réponses
ont été courtes t
parfois
rès évasives.
Pudeur timidité
lâcheté
Question
ui
a fait
peur
?
Ou,
plus
simple-
ment, uestion laquelle nos médiévistes 'avaient amais pensé?
Six
d'entre
ux ont
occultéou
contourné
e
problème,
oit
en
passant
directement u
point
2
au
point
4,
soit en
noyant
'ensembledes trois
premières
uestions
dans une
réponse
globale,
vantant es
méritesde
ce
qu'ils
aimaient t
passant
sous silence
complet
ce
qu'ils
n'aimaient
pas.
Faut-il
our
autant en
conclure
ue
ce
qu'ils
n'aiment
as
c'est
ce
dont ils
ne
parlent pas
?
Un
septième,professeur
l'université
e
Berkeley,
emble avoir été
proprement
ffrayé
ar
notre audacieuse
indiscrétion t
répond
«
Question
trop
personnelle
dans
le
contexte
de
nos institutionsctuelles .
Ce
dernier
membre e
phrase
ne
manque
pas
de laisser rêveur sur la
façon
dont est
parfois
vécu
le milieu
universitaireméricain.
Quatre
autres
lecteurs,
bon
public
mais dont
l'enthousiasme
st
cependant
quelque
peu
suspect,
ont
répondu qu'ils
aimaient tout
«
j'aime
tout
proclame
joyeusement
t
simplement
H. Niedzielski
(les
médiévistes
cette
enquête
l'a montré
ont souventdes
joies
simples),
t
«
d'un amour
qui
ne se divise
pas
»
ajoute
P.-T.
Cornède.
«
Tout est
bon,
il
n'y
a rien
à
jeter
»
écrit
de
son côté J.-P.Hible.
Affirmationrès rafraîchissante
orsque
l'on
sait
que
le
Moyen
Age
a
longtemps
té la
poubelle
des historiens mais
affirmation
ui
aujourd'hui
st néanmoins
eut-être
n
peu
trop
hygiénique.
e même
cette
profession
e foi d'Anne Labia
:
«
j'ai
toujours
eu
horreur
de
l'histoiremais j'aime le MoyenAge parce qu'il est admirable .
Parmi ceux
qui
ont osé confesser eurs
antipathies,
l
y
a les
timides,
majoritaires,
ui
pour
ce faire ont banalement
recours à
la
géographie
t à la
chronologie
je
n'aime
pas
telle
région, e
déteste
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 22/128
21
telle
époque)
les
semi-timides,
ui
ont reconnune
pas
aimer telle ou
telle
discipline
et les téméraires
les
provocateurs
)
qui
ont
avoué
une
aversion
pour
tel
type
de
problématique
u
pour
telle
manière
actuelle
d'envisager
u d'écrire
'histoire. es
derniers ont
évidemment
les
moins
nombreux.Mais
il
s'en trouve
out
de
même six
pour
oser
condamner a
«nouvelle
histoire»,
ses
méthodes,
es
préoccupations,
son
«
sectarisme
troit et son
«
jargon
ridicule
. Par les
temps qui
courent
mais
pour
combien
de
temps
ncore
),
condamner
a
nouvelle
histoire raduit
eut-être
n certain
ourage,
u du
moins
me
certaine
inconscience. moinsqu'il ne s'agisse que d'une forme e dandysmela
recherche
toujours
eu ses
snobs)
ou
bien,
plus
cyniquement,
'une
stratégie
our
se
préparer
éjà
au discours uivant
t
devancer
a
mode.
Les balanciers
de
l'historiographie
e sont
pas
immobiles,
t
leurs
retours
apides gnorent
a
longue
durée.
Pour
des
raisons tout à fait
autres,
RobertFossier est
le
plus
viru-
lent
il
conteste
'appellation
de
«
nouvelle histoire
(«
une nouvelle
histoire
qui
ne
l'est
guère»),
lui
reproche
«d'oublier
l'homme»,
d'abandonner
'histoire t
de
glisser
vers
«
une
sorte de
sociologisme
anthropologique
ans
aspérités,
ans
douleurs,
donc
particulièrement
aseptique,
c'est-à-dire aux
et endormeur
. Et il
conclut
«
attitude
typiquementonservatrice, our ne pas dire réactionnaire. Quatre
autres
chercheurs isent eur aversion
pour
l'abstrait,
our
«
l'abstrac-
tion,
qu'elle
soit
le fait de l'homme
médiéval
dans les débuts de
la
scholastique,
ans
les
excès
de
la
symbolique
u de la
poétique,
ou
qu'elle
soit le
fait
du médiéviste
uand
il
réduit
a
vie à des schémas
économiques, uand
il
enferme
'art médiéval dans un
système
d'in-
fluences,
quand
il
limite
l'archéologie
à
des
typologies
stériles
(J.-M. esez).
Les
«
grandes
généralisations
et
les
«
grandes ynthèses
suscitent
galement
eur
colère
parce qu'elles
«
semblent
articiper
e
la
même
démarche
éductrice
.
Cette
méfiance is-à-vis e
l'abstraction
est,
il faut e noter mais
non s'en
étonner,
e
fait
de
quatre
archéo-
logues.Tous disent,hurlentmême, eur passionpour le concret « je
veux
pouvoirparler
du
pain
en
ayant
en tête
'image
du
pain,
sa
forme,
sa
taille,
e
plaisirqu'on prenait
le consommer...
écrit
oliment trop
joliment
)
D.-A.Bidon.
A
l'opposé,
M.
Pastoureau,
bien
que
chartiste
(?),
proclame
qu'il
est
«
de
ceux
qui
donnent
riorité
la
problématique
ur
la documen-
tation et
qu'il
lui semblerait aberrant
de
prendre
un ensemble de
documents
t,
sans
horizons
problématiques
i
idées
préconçues,
de
voir
ce
qu'ils
peuvent
nous
apprendre».
Mais est-il
vraiment incère
en
écrivant
ela
?
Autre façon contestée d'écrire l'histoire,celle qui n'est pas
«
sérieuse
,
qui
est
«
trop romantique
u
trop
romancée
(S.
Mosca-
delli),
celle
qui simplifie
t
qui
nous
montre
e
Moyen
Age
«comme
un bloc
monolithique»
F.
Rappenne)
ou celle
qui
en
donne
une
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 23/128
22
«
vision
rose
et
mièvre,
comme le
fait
par exemple
la romancière
Jeanne
Bourin
(M.
Miguet).
Curieusement e
plaidoyer
pour
une
histoire
cientifique
st
surtout e fait
de lecteursde Médiévalesdont
la
profession
'a
aucun
rapport
vec le
MoyenAge
ni
avec la recherche
historique.
L'un
de
ces
lecteurs,
gérant
d'un
garage
«
exploitant
une
pompe
à
essence
à
la
sortie de
Montluçon
,
exige
une
«
histoire
a
plus
rigoureusepossible,
n'avançant
rien
qu'elle
ne
puisse prouver
scientifiquement;
il
souhaite
«
le recours ux
moyens echnologiques
les
plus
modernes
pour exploiter
a
documentation
ue
nous ont
transmisees sièclespassés».Parmi les
disciplines,
a
grande
victime
de
notre redoutable
ques-
tion 3 c'est
l'histoiredu
droit,
parfois plus
archaïquement
ualifiée
ď
«
histoire
du
droit et des
institutions. La
majoirté
des
personnes
ayant
répondu
au
questionnaire
tant des
«
littéraires
,
il
ne faut
probablement
as
s'étonner 'un
tel
rejet.
Mais certains
historiens
es
structures
ociales
ou
des
mentalités
ondamnent
galement
'histoire
du
droit
«
telle
qu'elle
est
pratiquée
e
plus
souvent,
lle
me semble
purement
théorique
et
normative,
ectaire, desséchée,
totalement
coupée
des
réalités
vécues,
de la
sensibilité t
de
l'imaginaire
. En ce
sens,
es
réponses
u
questionnaire
eflètent
arfaitement
ur
ce
point
l'opinion ctuellede la plupartdes médiévistes. 'histoire conomique-
est-ce
vraiment
lus
surprenant
-
n'est
guère
mieux traitée
que
l'histoire u
droit.
Trop éloignée
de leurs
préoccupations
our
les
uns,
trop
«
démodée
pour
es
autres.
ci
aussi le retourde balancier
paraît
avoir
été
brutal,
même
si
l'on est
souvent
gêné
de
ne
pas apprécier
une
discipline
aguèreportée
ux nues
«
l'histoire
conomique,
ont
e
sais
l'importance
t
l'utilité,
me semble anesthésier
omplètement
e
rapport
ffectif,
oire
esthétique, ue
le
chercheur
eut
et doit avoir
avec sa recherche
(M. Pastoureau).
L'histoire événementielle este
elle aussi
une mal
aimée,
mais
plus
discrètementt
probablement lus
pour
ongtemps.
our
une
condamnation
éritable,
otre
questionnaire
vientquinzeans troptard pour ime réhabilitationomplète, l vient
cinq
ans
trop
tôt.
Géographiquement
n ne
relève
qu'un
seul
cas de nationalisme
«
je
préfère
vant
tout travailler n
France
et
sur
la France
(affirmation
pour
le moins
étonnante sous la
plume
de
quelqu'un qui
se dit
médiéviste).
L'Europe
occidentale
-
signe
des
temps
-
est
en
revanche élébrée et aimée comme un tout.
Avec toutefois ne
petite
réserve
pour
la
péninsule
bérique
(«est-ce
vraiment
'Europe?»
se
demandeun universitaire
elge).
Mais la vraie victime
éographique
st
l'Orient. 'Orient
ui
a tant et tant fasciné es
populations
médiévales,
ne semble
plus
exercer
de séduction sur
nos médiévistes.
Byzance,
notamment,st qualifiée e « civilisation -médiévale (?) et ne suscite
aucune
sympathie.
l semble bien
qu'en
ce domaine
on n'aime
pas
ce
qu'on
ne connaît
pas.
Ce
qui,
à
la
réflexion,
st
quelque peu
inquiétant.
A moins
qu'il
ne
s'agisse
plutôt
d'un
problème
de
sensibilité.
lusieurs
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 24/128
23
chercheurs nt ainsi reconnu
«
mieux sentir telle
zone
géographique
que
telle
autre,
ou telle
période que
telle
autre.
A
ce
palmarès
du
flair,
es
vainqueurs
ont
l'Europe
du
Nord-Ouest
t le
Moyen
Age
central
voir
la
question
2
pour
les
problèmes
de
prédilections
hro-
nologiques).
Autres
ictimes
e
marque
de notre
questionnaire,
mais
assassinées
par
les
seuls littéraires
les
chansons
de
geste
et
leur
«
grandiloquence
stéréotypée
qui
se
situe
fort oin de
notre sensibilité
d'aujourd'hui.
Un
lecteur,
ui
demande à
garder 'anonymat,
empère
toutefois
es
mots trèsdursqu'il a tenuscontre es chansonsde gesteen précisant
«
il
est
vrai
que
je
n'ai
jamais
pu prendre
u
sérieux
'opéra,
auquel
je
préfère
'opéra-bouffe...
(?).
A
la
chanson de
geste
tout le
monde
préfère
e
roman,
spécialement
e roman
arthurien.
ci,
encore
et
toujours,
e
Moyen
Age,
e vrai
Moyen Age,
c'est
Arthur
t
non
pas
Charlemagne.
e
dont l faut
probablement
e
réjouir.
Enfin,
our
en
terminer
vec cette troisième
uestion, ignalons
e
cas de trois
ecteurs
ui
n'hésitent
as
à
juger
le
passé
et à
reprocher
au
Moyen Age
sa
«
cruauté
et
ses
«
pratiques
sanguinaires
.
Les
croisades
sont
directement
ccusées
«
car sous
le
prétexte,
onorable
certes,
'aller
convertir
es
infidèles,
n tuait sans
pitié
des
innocents
.
L'humanisme niversitaireerait-ilndélébile On sembleen toutcas
encore
écrire
'histoire
vec de
bons sentiments.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 25/128
24
QUESTION
4
A
côté
des
thèmes
généraux,
l
se
peut
qu'une
attirance
plus ponc-
tuelle
et moins rationnelle
vous ait
orienté
vers le
Moyen
Age
(souvenir
d'enfance,
séduction
d'une
visite
à Chartres
ou d'une
étiquettede boîte de camembert...) Pourriez-vous n parler?
Une invitation
à
la
fraîcheur
La
question
4
engageait
les médiévistes
à
peser
l'influence
de
l'anecdotique
u de
l'obscur dans
leur orientation
ers le
Moyen
Age.
Plus
que
les
autres,
lle
invitait
«
dépouiller
es
défroques
dont
nous
habillons
nos
passions
(J.-M.
esez).
Il
lui fut
répondu,
omme
ses
termes e suggéraient,ur le mode plaisant.C'est de bonnegrâce que
les chercheurs
même
confirmés
nt
déchaussé
leurs
pieds
d'argile,
reconnaissantvec
réticence
our
certains,
vec
bonheur
our
beaucoup
que
c'étaient
eux-làmêmes
qui
leur avaient donné
des
ailes.
Les
réponses
données
fournissent
e
l'attendu
mais aussi
des
sur-
prises.
Le moinerondouillet
es
couvercles
e boîtes
de
camembert 'a
pas
suscité de
vocations
fulgurantes.
as
de
dangereux
enchant,
on
plus, pour
a Bénédictine...
Trois
médiévistes
eulement ur
trente-cinq
e
répondent
as
à cette
question.
Ne
surinterprétons
as
leur
silence.
Il
y
a aussi
parmi
les
chercheurs
es
gens
distraits
u
convaincus
ue
l'essentiel
st
ailleurs.
Si la plupart 17) répondent irectement la questionpour en recon-
naître
15)
ou en
rejeter
2)
la
pertinence
our
eux-mêmes,
es autres
font
précéder
eur
réponse
d'un
commentaire,
lus
ou
moins
explicite,
de
la
question.
Certains
bondent
dans son
sens
«
Dans
l'affirmation
e
nos
choix,
l
y
a
plus
de
hasard
que
de
nécessité.
J'ai
aimé
entendre
el
médiéviste
élèbre
reconnaître
u'à
l'origine
e sa
vocation,
'histoire
es
batailles
a
joué
un
plus grand
rôle
que
l'histoire
conomique
et
sociale
ou
celle des
idées.
Cela
commence
vec Walter
Scott,
pas
avec
Marc
Bloch»
(J.-M.
esez).
D'autres
relèvent
laisamment
a lourdeur
de nos
suggestions,
iant
farouchement'être amais abîmés « dans la contemplation'uneboîte
de
camembert). G.
Zink).
Une
réponse
met
le
doigt
sur
ce
que
sup-
posent
d'identification
l'objet
de
recherche
a
question
4
et
peut-être
l'ensemble
u
questionnaire
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 26/128
25
«
Je ne
dirais
pas,
comme
Brassens,
que je
suis né avec
cinq
siècles
de retard.
Tout
simplement,
a
période
du
moyen
français
-
en
particulier
a fin
du
xv*
siècle
-
m'a fourni a
matière
de
deux
livres
(M.
Wilmet).
Un
autre
groupe,
forméde
sept réponses,
st visiblement éservé.
Leurs auteurs
mentionnent
ne
anecdote,
n
fait mais
n'y
voient
ûre-
ment
pas
une motivation
rofonde.
eurs
réponses
commencent
ar
«
Il
est
certain
ue,
e
dois
peut-être
ignaler
ue...
»
s'excusant
resque
de
l'imperfection
e
leur
alibi
«
J'ai eu une attitude n
peu
romantique
vis-à-vis u Moyen Age... Leur prudence ncite à faire la part du
caractère
éremptoire
e
la
question
pour
l'analyse
des
questionnaires.
A
l'opposé,
certains
surenchérissent vec enthousiasme.
Ce sont
principalement
eux
qui
ont surtout retenu
la
mention
«
souvenir
d'enfance et
qui,
à cette
occasion,
se dessinent n
destin,
bauchent
une
biographie,
n
parcours imaginairecharpentépar
le
médiéval.
«
Mon attirance
pour
le
Moyen
Age
remonte n effet
ort
oin,
à des lectures out
à
fait
fortuites
(M.
Frachette),
De nombreux
souvenirs
me reviennent n ce domaine...
(P.-T.
Cornède),
«
Quant
aux
motivations
ui
m'ont ttaché et
m'attachent
oujours
au
Moyen
Age,
l
y
aurait
toute
une
histoire,
oute une
biographie
ous
un angleparticulier, vous raconter» H.U. Gumbrecht).
Ces
réponses
retiennent
ar
leur fraîcheurmais
elles ne sont
pas
majoritaires.
Quand
les médiévistes e souviennent
e leur
première
rencontre
vec
le
Moyen Age,
c'est
de
leurs maîtres
qu'ils parlent
en
premier.
« Ces
nouveaux Abélard »
(J.-Ch. Huchet)
Ce sont
es
professeurs
e
lycée
ou d'université
ui
ont su commu-
niquer eur intérêtpour les textes, a langue ou l'histoiredu Moyen
Age.
Treize de
nos
réponses
voient dans
l'enseignement
e
point
de
départ
de leur
vocation.
Quand
le cadre fut e
collège
ou
le
lycée,
euls
le
contenu,
a nouveauté
mportent
'adhésion.La
chanson
de Roland
est la
plus fréquemment
itée. Ses héros suivis
de bien
près par
le
personnage
de Jeanne
d'Arc,
entraînent a
«
fascination
,
le
«
rêve
sur la
société médiévale . Pour J.-C.
ayen,
a
découverte
e la litté-
raturemédiévale
alimenteun talent de
pasticheur,
ne
activité
créa-
trice
«
...en
troisième,
'avais
alors
entrepris
d'écrire une
chanson
de
geste.
Quand
la
découverte lieu au
moment
de la
spécialisation,
n
faculté, aradoxalemente contenude l'enseignement un rôle moins
décisif
que
les
qualités
de
l'enseignant,
on
prestige
cientifique,
on
pouvoir
e séduction. n
effet,
a matière
lle-même
eut
rebuter,
ernie
par
son
appartenance
u
cursus universitaire. e
spectre
de
l'épreuve
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 27/128
26
obligatoire
des concours
de
recrutement
banalise
toute
rencontre,
évite toute
sidération
(J.-C.
Huchet).
Mais
«
la
façon
méthodique
t
sympathique
ont
e
professeur
eschiere
Amsterdam)
ous
présentait
langue
t littérature e
l'époque
a faitnaître
n
moi
le
désir
d'en
savoir
davantage
(R.
Stuip),
«
l'influence
ositive
ou
négative
de certains
professeurs,
pécialistes
ou
milieux»
(B. Buettner),
e
talent
d'un
Gustave
Cohen,
tienne
Gilson,
Jacques
Le
Goff ont ntrer
es
étudiants
dans le
Moyen
Age,
pris
au
jeu
de
«
l'identification
et de l'admiration.
Parfois,
a rencontre
ut
préparée,
'enseignant
onfirme
t conso-
lide « Ce fut a conjonction e deuxévénements,n certificat'ancien-
français
et
la visite-découverte
e
châteaux forts...
(J.-P.
Hible).
Il
éclaire
d'un
jour
neuf
des
lectures
enfantines,
onne
une caution
scientifique
une fascination
ncienne.
Après
«
une
approche
omplètement
rrationnelle
t
romantique
u
Moyen
Age,
provoquée
par
des lectures
d'enfance,
...)
découverte
ardive,
au séminaire
de
Jacques
Le Goff
'abord,
à Vincennes
nsuite,
de
l'extraordinaire
t
passionnante
omplexité
e
la
période.
La réalité
dépassait
a
fiction
(M.
Miguet).
Au-delà es
qualités
ntellectuelles
t de l'enthousiasme
édagogique
des
maîtres,
es motifs
de l'orientation
ers le
Moyen
Age
peuvent
e
révéler lus subtils.La séduction eutémanerdu « discoursde l'ensei-
gnant
,
«
du
grain
d'une
voix,
disait
Roland
Barthes
. A
côté des
raisons
intellectuelles
et
la
question
4 est bien une
question
de
l'à
côté
-
le
Moyen
Age,
el
qu'on l'enseigne
l'Université,
eut
être
e
bénéficiaire
nattendu
'un
discours
éducteur.
Portrait
du médiéviste en
explorateur
Pour
ceux
qui
ont
rencontré
e
Moyen
Age
sur le
mode
de l'irra-
tionnel t du coup de foudre oudain, es termesqui décriventeur
découverte
ont
révélateurs
'une
certaine
oonception
u
Moyen
Age.
Personne,
n
effet,
'oserait
plus
affirmer
ue
la
période
médiévale
st
un monde
ténébreux
mais
l'obscurité
ont
on
l'a souvent
axée se
reva-
lorise
n
mystère
«
Attirance
ussi
pour
e
mystère
e
la
métamorphose
des
langues
(G.
Zink).
Les
âges
noirs
se renversent
n
terres
vierges
à
explorer.
e
préjugé
changé
de
signe.
Mais c'est
ui
que
l'on
rencontre
et
que
l'on
souligne
«
C'est
surtout
e côté
méconnu
de
cette
période,
habituellement
onsidérée
omme
obscure,
dans
le monde
de la
pensée,
analyse
dans
laquelle j'ai
pénétré
grâce
à
l'exploration
atiente
de
son
art
»
(P.
Variet).
Ou encore
«
Le
triage
du
temps
fait
qu'on
a
toujours
'impression
e tra-
vailler à
partir
de
la matière
première.
n
plus,
et c'est ceci
qui
compte
e
plus,
on
a si souvent
'impression
e toucher
quelque
chose
pour
a
première
ois
(R.-H.
Bloch).
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 28/128
TI
Ce
n'est
pas
un
«
autre
MoyenAge
,
vainqueur
des idées
préconçues
mais le
monde de
l'Autre
ue
l'on
pressent
t
qui
se
dessine.
«
Révé-
lation d'une
ittérature
ui
n'étaitni cornélienne i
hugolienne
t d'un
autre
français
(G. Zink).
Si les
métaphores
ui
accompagnent
a
des-
cription
e
la
découverte e
cet
inconnudemeurent
patiales,
es rêves
enfantins
'exploration
e sont rabattus ur l'échelle du
temps.
L'exal-
tation st la
même
«
J'eus
'impression
xaltantede me
trouver
our
la
première
ois
sur les
rivages
d'un Nouveau Monde
(P. Zumthor),
et
semblable a
fierté
«
Et
puis,
l
est
toujours
séduisantde
se sentir
un petit xplorateur e terres nconnues (P. Buettner).
Ce
Nouveau
Monde est celui de la liberté.Celle du
pionnier
devant
un
matériau
qu'on
dirait
rajeuni par
le
temps
et l'oubli
«
Je me
suis rendu
ompte, l'âge
de 20 ans
que
je
serais
capable
de
bouger plus
de
matière,
de franchir
lus
de
seuils,
de casser
plus
d'icônes dans le domaine médiéval
qu'ailleurs.
C'était au
momentde
l'éclatement
e la
nouvelle
critique qui
semblait
avoir
le
monopole
du 'T et du 19e siècles et le 20e était
trop près
»
(R.-H.
Bloch).
Que
cherche
'explorateur
l'historien
)
sinon a source des fleuves
et l'originedes choses ? Dans un mouvement ue les réponsesdisent
de
«
remontée
,
jouent
curieusementes
sentiments
e
servitude
t de
délivrance
«
J'ai rencontrée
Moyen
Age par
hasard,
comme
Jacques
le
Fataliste son
maître,
n remontant u
xvie
siècle
où le hasard des
sujets
de
thèse avait cru m'enfermer
(J.
Chocheyras).
Monde nouveau
et
fort
ncien,
qui
délivre
mais
aussi
protège
«
Le
goût
de
l'altérité,
d'un
autre
monde,
d'une "terra
incognita"
qui
serait
à la fois
un
refuge
t
un
abri,
un mondede l'enfance
êvé et
idéalisé .
Le
Moyen
Age,
dans ses
modes
de
découverte,
la forme
des rêves
de
«
Frontière des médiévistes.
Le
Moyen Age
raconté aux enfants
A
l'inverse 'autresmédiévistes
et ils sont les
plus
nombreux
entretiennentne
grande
familiarité vec
le
Moyen Age.
S'ils
l'ont
découvert
n
jour,
c'est
tout
enfant,
travers es
lectures
u des films
qui
ont
inspiré
eurs
eux
et
alimenté eur
imagination.
our
eux,
pas
de
distance,
pas
d'inconnu
mystérieux
mais une identificationmmé-
diate à tel ou tel
héros. Le
premier
de ce
hit-parade
nfantin st
incontestablement
vanhoe
(cité
onze
fois).
On
joue
à être Ivanhoe
«
L'attachement
ue je
ressens
pour
cette
période
st né dans mon
enfance
-
à
l'âge
où on
lit
Walter
Scott,
où
l'on
joue
à être
Ivanhoe
j'étais
usuellement
on
écuyer,
vanhoe
tant
ma meilleure
amie de
l'époque
-
j'avais
12
ans
au
plus
»
(D.
Alexandre-Bidon).
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 29/128
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 30/128
29
On
croit e rencontrer
u
coin
d'un
bois
«
Mais ce
qui
m'a le
plus frappé
fut la
lecture du
début
du
roman,
lors
que l'orage
et la nuit
pprochaient,
t
qu'il
me semblait
voir,
au détour
d'une
allée
cavalière,
e
prieur
de Jorvaulx t le
chevalier Brian de
Bois-Guilbert,
e
diriger
vers
la
demeure de
Cedric e Saxon
»
(P.-T.
Cornède).
Il
est
compagnon
e
jeux
«
Mes deux frères
maginaires,
ont
je
contais
les
aventures
qui
voulait les
entendre,
vanhoe et
Thierry
(à cause de Thierrya Fronde) (C. Lapostolle).Au succès du roman
de
Walter
Scott contribue
'adaptation
cinématographique
e
Richard
Thorpe
en
1954
«
Ce
Moyen Age
plus
ou moins
cinématographique
tait
mon
Far
West.
...)
Je
passais
mes vacances
dans un
village
breton,
ont
le cinéma
paroissial
était administré
ar
la
grand-mère
e l'un de
mes camarades. Un été
-
j'avais
huit
ans
-
ce
camarade a fait
l'ouvreuse
endant
outeune semaine
pour
remplacer
ne
personne
malade.
Grâce à lui
je
suis entré
gratuitement chaque
séance et
j'ai
vu
ainsi
sept
ou
huit fois
le film
vanhoe.
(...)
Je
me
souviens
encore de la
plupart
des
scènes
et des
dialogues
(M. Pastoureau).
Ensuiteviennent es Contes et Légendesdu Moyen Age,suivis de
Victor
Hugo
et
d'ouvragesplus
datés
qui
ne sont cités
qu'une
fois
Le
bois du
templierpendu
d'Henri
Béraud,
Les trois couleurs de
Montaiglon,
ne
adaptation
de la
Vulgate
de
Boulanger,
'Histoire de
Saint
Louis
de Joinville
t la
Jeanned'Arc
de
Michelet,
lectures
out
à fait
fortuites
,
pêchées
dans la
bibliothèque
familiale.Aucun
souci
éducatifn'a
obligé
ces
lectures,
d'où
la fraîcheur
t le bonheur des
souvenirs
u'elles
ont
forgés.
i
les
parents
'en mêlent t les
proposent
c'est
pour
canaliserun
trop plein d'énergie
table
« Plus immédiatement,t en ce qui concerne e MoyenAge,c'estla lecture des Récits des
temps
mérovingiens 'Augustin hierry,
habile remouture
e
Grégoire
e
Tours,
dmirablereconstitutionu
Haut
MoyenAge
mon frère t moi
devions
être
nsupportablesje
devais avoir 10
ans)
parce
que
nos
parents,
pour
nous faire taire
sans
doute,
nous
faisaient
à
tour
de
rôle
lire
à haute voix
des
chapitres
durant e
repas.
Très mauvaise
hygiène
d'ailleurs,
mais
nous nous
disputions
e
privilège
e lire
»
(R.
Fossier).
C'est
parfois
a
méfiancedes
auteurs
de
livres
scolaires
pour
les
textes
modernes
ui
oriente
e
goût
de
l'apprenti-lecteur
ersces
époques
reculées. Dans mon
cas,
j'attribue
ne
certaine
mportance
u fait
que
mon
premier
ivre de
lecture it été un
"Malet"
de
1916
il
s'arrêtait
en 1610 (je ne m'en suis avisé que tardivement) (J.-M. esez).
A
ces
supports
ittéraires e
l'imaginaire, 'ajoutent
des
objets plus
concrets château-forts
n carton
bouilli,
déguisement
e
Merlin,
e
fée,
«
fascination
pour
les
belles dames
en
hennin
-
quelle
déception
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 31/128
30
d'apprendre
plus
tard
que
les hennins
avaient
été si
peu représen-
tatifs
du
Moyen Age
»,
tout
ce
qui
permet
des
«
identifications
très
mythiques
contes
de
fées,
châteaux et
princes
charmants
(B.
Buettner).
A
travers es
souvenirsdes
médiévistes e
dessine ce
Moyen Age,
raconté ux
enfants,
impliste
t
romantique, lus
proche
du
Western
que
de la
réalité
historique,
vant
tout
prétexte
u
jeu,
à
l'identification.
Romantique
ui,
à
l'excès
même,
parfois
de
mauvais
goût,
es
réponses
le
soulignent
vec
tendresse
t
nostalgie.
Elles
s'en méfient
ussi
«J'ai
toujours
un
peu
peur
de mettre n scèneun
Moyen
Age
que
je
m'invente,
n
Moyen
Age
qui
me fait
plaisir,
plus
coloré,
plus
émotionnel
que
celui
que
nous font connaître
les documents
(M.
Pastoureau).
Habit« le
Moyen Age
A
l'opposé
de
ceux
qui,
dans
le
Moyen
Age,
ont
été fascinés
par
l'inconnu
t
le
mystère,
e
placent
ceux
qui
semblent
'avoir
toujours
connu,y être nés. Abus de langage Pas sûr Le Moyen Age a, dans
nos
réponses,
uelque
chose
à voir avec
une
quête
de
l'origine.
ans
être
dupes
de cette
llusion,
es
chercheurs,
uand
leur
histoire
erson-
nelle
le
permet,
evendiquent
ne
naissance ou
une
enfance
«médié-
vale
»,
un
destin
dont 'unité
es enchante.
Le
faitd'êtrené et de vivre
encore
dans me
ville Sienne de
grande mportance
cette
période,
qui
conserve ncore
ujourd'hui
a
trace
de son
passé
»
(S.
Moscadelli).
Plus
qu'un
décor,
c'est un lieu
que
l'on
parcourt,
u à défaut
de se
retrouver,
n
ne
peut
se
perdre
«
Je
suis
née
et
j'ai passé
mon
enfance
jouer
et à me
promeneren forêt e Brocéliande.J'ai faitdes dizaines de promenades u Val
sans
retour.
...)
Je
crois
honnêtement
e
pas
pouvoir
me
perdre
n
forêt e Brocéliande
(C.
Lapostolle).
Sous cet
angle
subjectif
et
pour peu que
l'on soit
né dans une
province
cartée,
a
distance
n'est
pas
si
grande
ui sépare
e
médiéviste
du
MoyenAge
il
date
de
son
enfance
«
La
raison
profonde
e mon attachement
our
le
Moyen
Age
?
Il
faut
la
chercher
ien
loin
dans mon
passé.
Toute ma
jeunesse
s'est
déroulée dans
une
région
d'un
type
particulier
le
Borinage)
où,
par
bien des
côtés,
e mode de vie est encore
médiéval.
Dans
mon enfance l n'yavait ni eau couranteni électricité. es familles
étaient fixéesdans
le même hameau
depuis
des
générations,
mon
arrière-grand-père
abitait
déjà
la
maison
où
je
suis né.
L'exogamie
était
à
peu
près
nexistante.
es
traditions
vaientune
force
dont
un
parisien
n'a
pas
la
moindre dée»
(P. Ruelle).
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 32/128
31
Les
bouleversementse la
guerre
lacent
es
écoles dans es châteaux.
Même s'ils ne
sont
pas
tout fait
médiévaux,
a
coïncidence rouble e
souvenir,
ransforme
étrospectivement
e
hasard
en nécessité
«
J'ai
appris
à lire à
l'école de mon
village,pendant
a
dernière
guerre,
ans
une
salle du
château du
pays
transformé n
salle de
classe et
qui
n'est rien
d'autre
que
la
salle de l'Edit de
Roussillon,
où Charles
X
signa
l'édit confirmant
elui de Paris et
qui
faisait
commencer
'année civile
au
1er
anvier
Charles
IX
n'est
pas
du
MoyenAge
mais le château
de cette
seigneurie
u
Roussillon
emon-
tait,pour quelques parties
u
moins,
u xine
siècle
»
(M. Frachette).
La
guerretoujours,qui
détruit
es
villes,
peut
les
transformern
lieux de tournois
our
des
enfants-chevaliers
«
Je
me
souviens
que,
comme
un
bon
représentant
e la
géné-
ration allemande occidentale
d'après-guerre,e jouais
aux
cheva-
liers Ritter
pielen
dans es ruinesde la
guerre
e mon
quartier.
A
cette
époque-là,
e
"jeu chevaleresque"
était
la concrétisation
typique
des
rêves
d'un
enfant.
...)
D'ailleurs,
es ruines-là
ffraient
une
scène
théâtrale
presque
idéale
(bien
que quelquefois
un
peu
dangereuse)
H.U.
Gumbrecht).
Le MoyenAgese lit dans l'environnement,ans le mode de vie et
dans les
espaces
de
jeux
mais aussi
dans
le
dialecte
maternel. e
qui
procure 'impression
'être de
plain-pied
vec sa
littérature,
e
parler
sa
langue
«
Surtout,
out e monde
parlait, e parlais
et
je parle
encore
-
quand
l'occasion s'en
présente
un dialecte
picard
remarquable-
ment
rchaïque.
Pourvu de ce
bagage linguistique
éréditaire
t
du
français
de
l'école,
e
ne me suis
pas
senti
dépaysé,
contrairement
à
la
plupart
de mes camarades
d'université,
evant
des textes
en
ancien
français
(P.
Ruelle).
Parler la langue du Moyen Age ce peut être aussi lui emprunter
images
et
modèles
pour
tenirun
discours
non
plus
de
médiéviste,
mais
un
discours
ur
soi
:
«
Lorsqu'il y
a
une
vingtaine
d'années,
'ai
ressenti e
besoin,
à tort
ou
à
raison,
d'écrireune
sorte
de
confession-journal,e
n'ai
pu
le faire
que
par
le
truchement
'images
médiévales
ç'a
été mon
Puits de Babel
paru
en
1969,
ous le label de
"Roman" mais
qui
pour
moi était tout
autre chose
»
(P. Zumthor).
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 33/128
32
QUESTION
5
Le
Moyen
Age
exerce-t-il ne influence ur votre vie
privée
(cadre
de
vie,
prénoms
et éducation de vos
enfants,
ctivités de
loisir et
de
vacances...)
et
sur
votre
imaginaire (place
du
Moyen Age
dans
vos goûts personnels,dans vos rêves...) ?
Mises
à
part quelques réponses
clairs
du
type
«
pas
vraiment
ou
«
question roppersonnelle
,
tout
e
monde
répondu
cette
question
de manière ssez
développée.
La
plupart
des
réponses
eprennent
ans
Tordre t s'en tiennent
ux
thèmes
proposés
par
la
question,
e
qui
réduit
souvent
à une
forme
assez
schématique
a
notionde
«
vie
privée
. On
peut
s'étonner
u'une
définitioni restrictive 'ait pas été critiquée davantage.On imagine
très bien
que, posée
autrement,
t sans cette énumération
'exemples,
la
question
urait fait
apparaître
une autre
image
de la vie
privée
du
médiéviste.
e toute
façon,
cette notion
est d'un
maniement
élicat,
sa délimitation st incertaine.
eules deux
personnes
nous
ont
fait
remarquer u'une
distinction
vie
privée/vie ublique
(?)
ne valait
guère
pour
eux
«
Pour
moi
la recherche
e
se
sépare pas
de
la "vie
privée"
elle
détermine
es
lectures,
es
amitiés,
des
rencontres
(A.
Boureau).
«Mon
attachement
mon
travail
de "médiéviste"
dépasse,
et
j'en suis heureuse, 'intérêt niquementntellectuel t professionnel.Je me considèredans ce sens commeprivilégiée ans la mesure
où
il
n'y
a
pas pour
moi de
limites trictes ntre
travailet
intérêts,
enthousiasmes,
oisirs...
ersonnels...
(C.
Rabel).
La
façon
la
plus
simple
de rendre
compte
des
résultats
de cette
question
sera
de
reprendre
'un
après
l'autre les
exemples
proposés.
Les
développements
ui
les
concernent ont
en
général
précédés
d'une
remarque
brève concernant 'évaluation
uantitative
et
subjective)
de
la
place
du
Moyen Age
dans
la vie
privée
de
chacun.
Les
réponses
commencent
ar
des
phrases
comme
«
Une
influence ncontestable.
«
Il est certain
que
l'influence
u
Moyen
Age
sur
ma vie n'est
pas
à
négliger... «Aucunement. inon parfois.... Certains émettentdes
réserves
quant
à leur
capacité
à
évaluer cette
influence
«
A ce
que
je
sache...
,
«
Consciemment,
on
»,
«
Le
Moyen
Age,
si
ce mot
a un
sens,
n'exerce ucune
nfluence ur
ma vie
privée...
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 34/128
33
Plus de
la moitiédes
personnes nterrogées
ont avoir
que
le
Moyen
Age
nfluence
un
peu
»
leur vie
privée.
Un
quart
des
gens
lui trouve
une
grande
nfluence.
uelques-uns, arfois,
disent-ils,
râce
à
notre
questionnaire,
nt
découvert
u'il
n'en avait
presque
aucune
«
Votre
nquête
m'a fait
prendre
onscience
ue
le rôle
du
Moyen
Age
dans
ma vie
privée
et familiale)
st
beaucoup
moins
mportant
que je
ne le
pensais
(H.U.
Gumbrecht).
Sous
une
forme
qui
est
souvent
celle de
l'inventaire
d'objets,
de
prénoms, e lieuxmédiévaux)on perçoitaussi clairement,uivant es
réponses
ne
gradation
ui
va de la
résignation...
«
Pendant
nos
vacances
en
France
et
en
Espagne,
nous
voyons
les
monuments
médiévaux...
omme
tous les
touristes
cultivés"
se
sentent
bligés
de
voir tous
les
monuments
(H.U.
Gumbrecht)
...à l'amour
passionné
«
Quand
je
pars
en
voyage,
l
m'arrive
de ne
jamais
arriver
u
but ou
au
pays
de
destination
cause de
quelques
monuments
rencontrés
e
long
de la
route,
vieilles
villes
allemandes,
hâteaux
autrichiens u fortificationsénitiennes e Dalmatie pire,de plus
apprécier
a
Rome
paléochrétienne
u
la
Grèce
byzantine
t
franque,
que
les immortels
hefs-d'œuvre
e
l'antiquitéclassique.
(P.-T.
Cornède).
Notons tout
de
même
que
tout
cela
reste dans
le cadre
du raison-
nable. Nous
n'avons
pas
détecté
de
cas
pathologiques,
de
fous
du
MoyenAge
ou
autres
Don
Quichotte.
L'habitat du médiéviste
Avant
de
passer
à
quelques
descriptions
détaillées
concernant
l'habitat
médiéviste,
ignalons
out
de
même un cas de forteréticence
au décor
médiéval
M.
Pastoureau
«
Il me semblerait
consternant
e
tapisser
les murs
de mon
appartement
e
reproductions
e
miniatures t
d'armoiries...
Voyons
maintenant
uelques
intérieurs
« J'ai derrièremonbureau une reproduction 'un manuscrit u
XIIIe siècle
(tomba
di
San
Francesco).»
«
J'aime
décorer
mon
appartement
vec des
reproductions
e
gravures
des
XIIIe,
XIVe
ou
XVe
siècles,
que
l'on trouve
chez les
bouquinistes
ar
exemple.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 35/128
34
«
Je
suis attirée
par
les éléments de
décoration
qui
évoquent
pour
moi le
MoyenAge,
'ai
commencé
broderune
petite
ongueur
d'une
reproduction
e
la
tapisserie
e
Bayeux...
«
Mon
appartement
st
peuplé
d'objets
-
malheureusement,
éné-
ralement
es
reproductions,
ussi fidèles
que possible
-
évoquant
le
MoyenAge
statuettes,ceaux,
ableaux, nluminures,
hotos,
tc.
»
«
J'ai
déterré hez un étameur un vitrail
gothique
qui produit
chez moi
un
effet
plendide.
«
Le
MoyenAge
balise mon
espace
de
travail,
n
l'espèce
d'affiches
des films
ui
mirent n
scène
quelques
grands
extes
de
la
littérature
médiévale
(Lancelot
de
Bresson,
Perceval le
Gallois
de
Rohmer,
Excaliburde Boreman).Ainsi, u-dessusde monbureau, 'affiche ePerceval e Galloisne cesse de me rappeler e premier rticlepublié
sur la
littératuremédiévale.
«
Comme
décor d'accueil
dans l'entrée de
notre
appartement,
une
photo
du
chapiteau
de Gislebert
eprésentant
a
Sainte
Famille
lors
de
la fuite n
Egypte
dans
la
pièce
où
je
travaille,
-
un
papier
peint
sur
un
panneau
entier)
représentant
es motifs
de
tapisserie
u
XVe
siècle,
-
la
coquille
rapportée
ors du
pèlerinage
e
Saint
Jacques
congrès
de la
Société
Rencesvals
1978),
-
une
copie
de
statuette
médiévale
icilienne
cadeau
d'étudiant),
-
une
photographie
'une
statue de Saint
Jacques,
-
l'affiche e
l'exposition
Les
Fastes du
Gothique".
Ainsi,ceux qui aimeraientdécorerleur appartement e manière
médiévalemais ne
savent
que
choisir uront-ils
u
trouver ci
quelques
suggestions...
Tybert
et Matthieu
Pour ce
qui
est de
la
place
tenue
par
le
MoyenAge
dans
le
choix
des
prénoms
des
enfantsdes
médiévistes,
n
rencontre,
omme
dans
le
cas de
l'habitationmais
chez un
interlocuteur
ifférent,
n
seul
cas
de réticence éclarée
«
...Jeme refuse...
affichermon
"médiévisme"
par
des
signes
extérieurs
ussi artificiels
ue
les
prénoms
des enfants...
Dans
les autres
cas,
ce
qui
frappe
n
premier
ieu
est le caractère
hautement
ubjectif
de la
perception
d'un
prénom
comme médiéval.
Ainsi,
i
«
Laure et Anne sont
des
prénoms intemporels
,
«
François
et
Gilles
correspondent
des
questions
de
civilisationmédiévales
rencontrées,
ous
dit
leur
père,
à
l'époque
de
leurs naissances
respec-
tives. En
revanche,
«
Renaud et France
«
pourraient
seulement)
présenter ne vagueconnotationmédiévale bien que « à la réflexion,
il
s'agit plutôt
de
francophilie
.
Même
type
de
nuances subtiles
entre
«
Anne et
Margot
ainsi
baptisées
«
pour
des
raisons
de
souvenirs
d'enfance t d'affinités
oétiques
contemporaines
Margot,
mon
page,
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 36/128
35
de
Brassens)
alors
que
leur frère
Olivier,
en
revanche,
porte
ce
prénom arce qu'on
avait
en tête
«
Roland
et le
preux
Olivier . Alors...
A
vous
de
juger
nous
dit
leur
mère. En effet...
n
rencontre
ncore
une
«
Camille
pour
laquelle
«
le souvenir
de
Virgile
'a
emporté
ur
l'Eneas
». Mais le
plus énigmatique
este cette
proposition
aconique
et sans
commentaire
«
Mon fils
se
prénomme
Matthieu
. Là
encore,
à vous de
juger...
Ce
que
nous avons
de
plus
médiéval
est
peut-être
es
«
prénoms
de comtes
de Flandre
reçus
par
les
filsd'un
de nos
interlocuteurs
ui,
malheureusement,e nous en ditpas plus.Quantà Tristan, i l'on a pu
croire
un instant
u'il
venait
nous consoler
de tous
les
Lancelot,
Mélu-
sine,
Aucassin,
Yseult,
etc.,
que
nous
ne
rencontrerons
as,
ne nous
y
fions
pas
car,
s'il
s'appelle
ainsi,
c'est
«
plus
pour Wagner
que
pour
Beroul et
Thomas
...
Les
animaux
domestiques,
élas
trop
peu
représentés,
ont
baptisés
d'une
manière
plus
franchement
médiévale
«
Un
chien
que
nous
avons
gardé
quelque
temps
fut nommé
"Roonel"
et
un chat
"Tybert".
Mais, pour en finir vec ce chapitredes prénoms,nous devonsreconnaître
ue
tous nos
espoirs
reposent
maintenantur celui de nos
interlocuteurs
ui
annonce
que
:
«
Les
enfants
ue j'aurai
peut-être
orteront
robablement
es
noms
mpruntés
ux héros
des textes
ongtemps
réquentés
(rien
de
sûr encore
une
fois)
et
il
ajoute
«
Ce serait
d'ailleurs
moins
une
manière
de faire
coïncider
a
mémoire
ulturelle
ue
de
souligner
comment
e
Moyen
Age
met
tout
un chacun
sur
la voie
de "cet
obscur
objet
du désir"
dont
parlait
Bunuel.
Education des enfants
Parmi
les
cinq personnes
qui
ont abordé
ce
thème,
me seule est
véritablement
réoccupée
de
la
transmission
u feu sacré
«
J'essaye
d'éveiller
'intérêt
e mes enfants
t de mes
étudiants
pour
cette
époque.
»
Celle-ci
e
sera
sans
doute
aussi
mais
il
s'agit
de
l'avenir
«
Lorsque 'aurai
des
enfants,
e
leur
dirai
chaque
soir
quelques
pages
du
Roman
d'Alixandre
u
du
Lancelot
en
prose
dans
le
texte.
Si H.U.
Gumbrecht
egarde
ans commentaire
on
fils
se livrer
ui
aussi
à
des
jeux
médiévaux
«
Mon fils
il
a
cinq
ans),
lui
aussi
joue
aux
chevaliers...
on
note
chez
les autres un
désintérêt,
oire un refus
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 37/128
36
de
l'initiation
u
Moyen
Age.
D. Alexandre
idon,
qui
aime
à retrouver
dans
les
«
techniques
e
puéricultures
ctuelles
nombre
e celles
recensées
déjà
au
XIVe
siècle
par
les
médecins
ne fait
pas
entrer
e
Moyen
Age
dans
l'éducation
de
ses enfants
,
mais elle
ajoute
«
l'éducation
de
ma fille
n'a
pas
à être
modelée
par
mon
métier
et mes
goûts
de
médiéviste,
t
je
me sentirais
oupable
de
la
pré-
déterminerar des contraintes rofessionnellest personnelles elle
doit
pouvoir
'épanouir
n
pleine
iberté,
n
bénéficiant,
utant
que
faire e
peut,
de
mes
compétences
t de
ma
culture
le
Moyen
Age
ne
peut
donc
occuper
dans cette
éducation
qu'un
place
modeste,
à
égalité
vec tous
es autres
centres
'intérêt
ue
constituent
outes
les
civilisations
t
toutes
es cultures
uropéennes
u
non,
de
l'Anti-
quité
à nos
jours.
»
M. Pastoureau
va encore
plus
loin
«Ma famille
st
dispensée
de
Moyen
Age...
Je ne
cherche
nulle-
ment
faire imer
e
Moyen
Age
à
mes
filles.
A la
limite,
e
serais
presque peiné
et
déçu
qu'elles
l'aiment.
Je
préférerais
e
beaucoup
que leurs goûts, eurs attiranceset leurs rêves viennentd'elles-mêmes et non
pas
de moi...
Vacances, visites,
voyages
Sur les chemins
de la
promenade,
resque
tous
les
médiévistes
e
retrouvent.
Mis à
part
notre contradicteur
abituel,
M.
Pastoureau,
«
nos vacances
ne sont
nullement
rganisées
en fonction
e
la visite
de lieux
médiévaux
,
le
médiéviste
fait
des
promenades
médiévales
(plus
de la moitié
des
réponses
n
parlent).
La
gradation
a
(cf.
supra)
de l'intérêt bligé à la passion.Certainesréponsesne retiennentue
cet
aspect
ambulant
de
la
vie
privée
«
des
vacances
sans
églises
romanes
ont
des
vacances
assurément
ernies
...
C'est
le château
qui
revient
e
plus
souvent
8
fois)
sur
les
itiné-
raires.
l
passe
avant
l'église
(6
fois),
'abbaye,
a
ville,
e tout
étant
quelquefois
désigné
sous
le terme
de
«
monuments
.
Ces
visites sont
une
occupation
dominicale
possible
«
quelques
promenades
dominicales
dans
quelque
château,
abbaye
ou
endroit
qui,
dans
les
environs
e
ma
ville
(Sienne),
garde
des
traces du
Moyen
Age
(S.
Moscadelli).
Souvent, a visite médiévale,même avec quelques concessionsà
d'autres
types
de
vacances,
entre
dans
une
perspective
ui
a
quelque
chose
de
catégorique,
'irrémédiable,
'est
une
habitude de
toujours
sur
laquelle
on
ne
reviendra
as
:
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 38/128
37
«
Je
ne
connais
que
l'Europe
-
et si mal
-
car toutes mes
vacances et
tous mes
voyages
ma
femme
t mes enfants
artagent
heureusement
es
mêmes
goûts)
sont
choisis
en
fonctionde l'art
médiéval
-
ce
qui
n'empêchepas,
sur
place,
de
découvrir t de
goûter
beaucoup
d'autres
distractions.
«
Hors
quelques
jours
de
montagne
u dans la
famille,
es seuls
déplacements
mportants
ue
nous
ayons
faits
ces
dernières
nnées
ont
correspondu
des
congrès
médiévaux.Et
en cas
de tourisme
limité
par
rapport
un
lieu de
séjour,
le
but est le
plus
souvent
médiéval
une
abbaye,
un
château,
un
monument...
«
Lorsque je voyageen France, 'aime visitertoutes es églises,découvrireurs sculptures,eurs vitraux t parfois es manuscrits
qu'elles
conservent
(C.
Poussard-Joly).
On
connaît,
ans les lieux
du
MoyenAge
des
émotions
ortes
«
Je
visite es
cathédrales
et
les
hautes nefs se mirantdans
l'eau
des
bénitiers,
es
verreries
blouissantes
omme
des tentures
de
pierreries,
es
tombeaux u
fond des
chapelles,
e
jour
incertain
des
cryptes,
out,
usqu'à
la fraîcheur
es
muraillesme cause un
frémissemente
plaisir,
une
émotion
religieuse
(N.
Maximovitch).
On
s'y
retrouve ans
son élément
«Je ne me sens jamais si à l'aise que dans le cadre d'une ville
comme
York,
ou commeGand
(tout
en
sachant,
à
aussi,
a
part
des
restaurations
(J.-M.
esez).
On va
de
l'abbaye
à la
bibliothèque
t de la
bibliothèque
l'abbaye
«
Exemple
de
quête
sans
queue
ni
tête
il
y
a
quelques jours,
e
me
suis offert
Art
Gothique
chez
Mazenod
hier
j'ai
revu,
avec
plaisir,
es
châteaux
du
Coudray-Salbart
t de Niort.
Ceci,
dans les
jours
qui
viennent
a
me
replonger
ans mes livres ur
'architecture
médiévale.
«
Je
suis un
amateur.
Enfin,
uelques
buts
de visite cités
les
expositions
ur
Childeric,
«
des
Burgondes
Bayard
,
la
tapisserie
de
Bayeux,
Exeter,
Padoue,
Evreux,
Ratisbonne...
Le
prix
du
billon
Restent
uelques
thèmes,
hobbies et
passions évoqués
individuelle-
ment n dehorsdu cadre que nous proposions
-
la
musique,qui
revient
uatre
fois
«
J'aime a
musique
ancienne.
Je
sais
bien
que
celle
qu'on
entend
n'est
pas
exactement
elle
qui
était
ouée
mais on
peut supposer ue
ça
ressemble
uand
même...
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 39/128
38
-
Le tir à
l'arc,
e
cinéma,
a collection
e
monnaies
«
si
on se
limite
au billon
(les
nigri
denarii),
ce
n'est
pas
ruineux...
,
wagner
qui
redouble
e
goût pour
le
Moyen
Age
d'un
goût
pour
son
image
à
travers les
siècles
qu'il
faut
conjuguer
avec
son
approche
de
chercheur
«Je nourris
une solide
aversion
pour
le
"moyen-âgeux".
ncore
que...
ma
wag
nérophilie
elève
un
peu
de
cette
nclination
outeuse,
que je
me défende
mal
d'un
goût
prononcé
pour
les ruines
médié-
vales
(tout
en
sachant
qu'elles
faussent
a
vision
du
médiéviste,
surtout 'il estarchéologue), oiremêmepour es films e chevalerie
(tout
en
pestant
contre
les
contresens
qu'ils
véhiculent...)
(J.-M. esez).
Rêveries,
lectures,
contaminations
Deux
personnes
eulement
ous disent
«
rêver
médiéval
.
La
réponse
de la
première
st
malheureusement
eu
lisible,
'autre
nous
dit
«
Il
m'est arrivé
de
faire des rêves
médiévaux,
ien situés
chronologique-
ment, t d'un réalismequi me laissait stupéfait u réveil (P.-T.Cor-
nède).
Pour deux autres
médiévistes,
e
Moyen
Age
est
une source
d'inspi-
ration
poétique.
On
évoque
aussi
les
lectures,
es
achats
de
livres
concernant
e
MoyenAge
«
Influence
ur
ma vie
privée
Essentielle-
ment
une
bibliothèque
nvahissante
(P.
Ruelle).
«
J'achète
tous
les
livres
qui
s'intéressent
e
près
ou
de loin
au
Moyen
Age
(C.
Pous-
sard-Joly).
On
cite le
Nom de
la Rose
d'Umberto
co
(trois
fois),
the distant
mirror e B.W.
Tuchman
trois
fois).
Une réponsefaitpart d'un «manque d'intérêt ans doute fâcheux,
pour
ce
qui
est...
postérieur
1500
. Une
autre
dit être
«
bien
davan-
tage
sollicité
par
les
œuvres
majeures
de la littérature
ontemporaine
que
sont
Le désert
des
Tartares...
u
Le
rivage
des
Syrtes...
ue par
les
grandes
œuvres
de
la littérature
médiévale
.
On
signale
à
plusieurs
reprises
e
jeu
de
va-et-vient
ui
s'instaure
entre
lectures
médiévales
et
lectures
modernes.
Le
nom
de
Villon
revient
lors
«
Je
n'aurais
pas
la
même ecture
de
Baudelaire
ou
d'Apollinaire
si
je
n'avais,
une
fois,
imé
Villon
(F.
Rappenne).
Plus
largement,
e thème
du
Moyen
Age
comme
formateur
u
goût,
omposante
mportante
e
l'appréhension
ensible,
visuelle,
itté-
raire...du
monde
moderne
st
évoqué
par
quatre
personnes
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 40/128
39
«
Il
est bien
possible
que
mon
propre
système
de
valeurs doive
quelque
chose aux
codes du
Moyen
Age
le
prud'homme
lutôtque
l'honnête
omme
(J.-M.
esez).
«
Dans
mes
goûts personnels,
e
seul
-
ponctuel
-
que
j'ai
jamais
relevé st
une
passade,
influencée
ar
la
mode
-
mais
c'est
là
le
système
t
non sa
reprise
mon
compte qui
est
intéressant
étudier
des
vêtements ont
la
partition
olorée est
inspirée
des
livrées
d'écuyers
médiévaux.
Cette
bipartition
as
si
éloignée
du
goût pour
l'art
abstrait,
emble
recueillir
ujourd'hui
un étonnant
succès.
Mais sans
doute seule
ma
familiarité
vec les
miniatures
médiévales
m'a-t-elle
oussée
à
y
souscrire Par
amusement,
t
non
par besoin» (D. Alexandre-Bidon).
«
Il
me
semble^
ue
malgré
moi
j'ai
une
certaine
perception
médiévale
(moyenâgeuse
)
de
ce
qui
m'entoure.
Notammentdu
point
de
vue
visuel.
Je
n'aime
que
les
peintres
primitifs
t les
peintres
modernes u
contemporains.
'ai une
aversion
particulière
pour
la
peinture
vénitienne,
spagnole
et
française
des XVIe
et
XVIIe
siècles.
Est-ce
n raison
d'un œil
médiéval »
(M.
Pastoureau).
Une
seule
personne
nous
parle
du
Moyen
Age
comme
d'un lieu
utilisé
non
pas
seulement
dans
l'enfance
mais encore
aujourd'hui,
comme
un
terrain
de
rêveries
« Le
MoyenAge
est donc
quelque
chose
que
je
vis seul et
que
je
tiens à
vivre
seul. Je ne
rêve
pas
médiéval
pendant
mon
sommeil.
En
revanche,
marcher
dans
Paris,
prendre
e
métro,
e
raser ou
assister
à une
messe
peuvent
être
pour
moi
l'occasion
de rêves
éveillés
où le
Moyen
Age,
et
spécialement
a
légende
arthurienne,
joue
un
rôle. Cela
toutefois st de
moins en
moins
fréquent.
Dernier
hème,
xclusivement
éminin,
elui
qui
consiste
s'imaginer
vivant u
MoyenAge,
poser
cette
époque
dans
sa
globalité
n
balance
avec le
temps
présent.
i
l'on a
parfois
quelques
regards
nostalgiques
sur
ce
bon vieux
temps...
«A une époque où tout est
pour
nous
industrialisé,
lectrifié,
automatisé,
etrouver es
gestes
qui
filent a
laine,
la
teignent,
a
tissent,
ont es
objets
usuels en
bois...
non
pas
parce
que
"c'était
mieux
dans 'ancien
emps"
mais
parce
que
c'était
utile
à
la
vie.
»
«
Je
n'oublie
pas que
la
pauvreté
t
les
guerres
croisades
urtout)
sévissaient
ussi,
mais
je
reste
sensible
à la
douceur
de
vivre
qui
se
dégage
de cette
époque
telle
que
l'on
peut
la
découvrir
d'après
certaines
ectures
(C.
Poussard-Joly).
...le
plus
souvent,
n
est bien
content
'y
avoir
échappé
«
Je ne
souhaite en
rien me
retrouver
mêlée
à un
temps
qui
m'apparaîtbeaucoup tropdifficile vivre,beaucoup tropinconfor-
table...On
ne
peut
s'empêcher
e faire
e
point
avec
notre
xistence
protégée
tous
points
de vue où
les
femmes
ne
voient
plus
mourir
leurs nouveau-nés t où une
infection
entaire
ne
vous
envoie
plus
ad
patres...
(D.
Alexandre-Bidon).
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 41/128
40
QUESTION
6
Il est
permis
de
penser qu'à
côté des thèmes d'étude
eux-mêmes,
le caractère
particulier
du travail
que
ceux-ci
réclament,
es
règles,
les
méthodes,
es lieux dont ils
impliquent
a
fréquentation
iennent
une place importantedans l'attachementdu chercheur à sa pra-
tique.
Comment 'évaluez-vous
pour
vous-même
Les
26
réponses
qui
ont
été faites à
cette
question témoignent
e
la
satisfaction es
médiévistes
ils aiment e travail
en
bibliothèque,
les
déplacements
ue
leur
objet
d'étude eur
impose.
ls
tiennent
ux
règles
et
aux
méthodes
qui
les
maintiennent ans
le chemin
de
la
recherche aisonnable
t
fructueuse.
uand
on
pense
aux
difficultés
e
travailler
n
bibliothèque
i facilement
voquées
dans les
conversations,
aux griefs réquents ontre a lenteurdu « service , la restriction es
horaires
'ouverture,
a
prépondérance
njuste
de Paris sur
la
province,
on est
surpris
qu'une
seule
personne
nous ait fait
part
de
son
mécontentement
«
...letravail
de
bibliothèque
st
rendu
nécessaire
par
le
manuscrit
(parce que pour
a
photocopie,
'est
difficile,
ong
et
coûteux),
e
prêt
est
parcimonieux,
es délais
incroyables
t les
horaires honteux.
Quand
tout
marche
bien c'est
parfait.
Mais
comparé
un chercheur
moderneou
contemporain,
uel
travailleur
la chaîne
(le
médié-
viste)
presque
pas
de
livres
chez
soi,
la
plupart
des
textes étant
inédits
Ni le soir
après
17 h ni le
matin avant
10 h. Ni le
dimanche...
Sur la route
Première
onstatation,
e médiéviste
ravaille
urtout
n dehors
de
chez
lui. Sa
pratique
des documents
riginaux,
a rareté
t
l'ancienneté
des
ouvrages
qu'il
consulte
ui
imposent
un travail
sur
le terrain.
e
terrain arie
bien sûr
en
fonction
e
la recherche
menée.
La
vedette
restetoutefois
'inévitable
ibliothèque
Nationale
« Quel chercheur, plus forteraison médiéviste, eut ne pas
habiter
dans
le
périmètre
mmédiat e
la B.N.
?
»
(A.
Labia)
et,
dans la
Bibliothèque
Nationale,
e cabinet
des
manuscrits,
ilencieux
et hors
du
monde,
ient
pour
certains
e
rôle de cocon
salutaire
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 42/128
41
«
J'aime e cabinet des
manuscrits,
ar
je m'y
sens en confiance
et
comme
protégée
par
les manuscrits
ui
nous
entourent,
'atmo-
sphère
toute
particulière
e ce
cabinet
que
l'on ne retrouve
pas
ailleurs,
m'aide à
travailler,
ar
je
me sens isolée des
oppressions
du monde
extérieur,
t
je
peux
travailler dans le calme et
la
solitude
(C.
Poussard-Joly).
«
J'aime tre assise à la
salle
des
manuscrits e
la B.N.
(surtout
près
de la
fenêtre)...
L'émotion atteint son comble
quand
arrive le manuscrit tant
attendu
«
...le
plaisir
du lieu
et
de tenir
n main des
livres
qui
sont
'éma-
nationdirectede l'homme
médiéval
(D.-A.
Bidon).
«
Mais ce
que j'aime par
dessus
tout,
'est consulteres manuscrits
car leur lecture ouventdifficile
blige
le lecteur entrer n com-
munion
vec eux afin
ue
nul
détail ne lui
échappe...
«
Mon attachement la
pratiqueprofessionnelle
st
actuellement
certes
ié à mon ieu de
travail,
e fondLatin du cabinetdes
manus-
crits
trésor e livres
ux
vénérables
eliures,
enfermant
es
trésors
inconnus 'enluminuresncore
plus
merveilleux...ans les
meilleurs
moments,
et
endroitme
grise...
(C.
Rabel).
mais quelquefois n se sentcoupablede rompre insi avec le monde
«
...dansd'autres
moments),
on ambiance ombre t fermée
evient
pour
moi le
symbole
même
du
danger
de
glisser
dans
une vie de
chercheurs
eclus,
loigné
de
toute
réalité...
(C. Rabel).
Cependant,
'est
l'amour de la
bibliothèque
t du
livre,
e
plaisir
de
la
lecture olitaire
ui
l'emportent...
«
J'ai
toujours prouvé
une sorte de
plaisir physique
déambuler
dans
les salles d'archives u
les
rayons
des
bibliothèques
je
m'in-
terroge our
savoir
s'il
s'agit
d'un
goût congénital
silence,
ontact
physiqueavec le témoignagehumain,possibilité d'imaginer)qui
m'aura orientévers les
Chartes,
u
si c'est l'Ecole
qui
m'a
façonné
à cet
égard
(R.
Fossier).
«
Le fait
que
les
textes
oient
à
première
vue
si
peu
abordables
me force
lire très entement et c'est
ce
temps
d'assimilation
ui
rend la
lecture
médiévale si intéressante t si
productrice
.
La
bibliothèque,
'unicité
du
document ont en
général
une raison
de
déplacements
ouvent
ppréciés
du
médiéviste
«
L'obligation
de recourir des documents
vec
les
aléas,
les
déplacements
t
les
surprises que
cela
implique m'apporte
une
coupurebénéfique ar rapport u travailde cabinet (A. Boureau).« C'estpourmoi un immenseplaisirde parcourir es régions t
des
pays
très différents.
t dans une même
ville,
e
crois nécessaire
et
agréable
de
fréquenter
es
institutions ifférentes
bibliothèques,
archives,
musées.
l me
serait très
pesant
de conduirema recherche
dans une seule
institution,
ne seule
ville,
un seul
pays.
Cette
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 43/128
42
fréquentation
'endroits rès
éloignés
et
très divers
est une
des
raisons essentielles
ui
m'attachent l'histoire
médiévale
(M.
Pas-
toureau).
«
J'ai
beaucoup
de
plaisir
à travailler ux
Archives,
ans
une
ambiance tudieusemais
généralement
ccueillante
t "bon
enfant",
où l'on fait
beaucoup
de rencontres
ympathiques
t enrichissantes
.
En
revanche,
e médiéviste
ui
a dû
quitter
sa
provincepour
se
rapprocher
e la
Bibliothèque
Nationale verra
au
contraire
e
dépla-
cement
omme une occasion de
repos,
peut-être
mer
«Quelle délicieuseperspective ue celle d'un couple de jeunes
chercheurs
assant
deux nuits
à
l'hôtel,
quand
le
besoin s'en
fait
sentir,
ans la lointaine
province
»
(A.
Labia).
Il existeaussi
des médiévistes
ui,
ayant
renoncé ux sources
pari-
siennes,
ivent
ependant
ne
joyeuse
vie de chercheurs
n
province
«
Ma
"pratique
de chercheur" st
aléatoire,
ombinatoire t asso-
ciative.
Je
poursuis
un chemin buissonnier
-
sans
objectif
à
atteindre et
je
grapillonne
u
gré
de
ce
que je
trouve...
n
pro-
vince,
n ne
peut
que
prendre
e
qui passe
à notre
portée
»
Mais qu'il aille vers les documents u qu'il les attire à lui, la vie
du médiéviste oûte
cher
«
Compte
tenu de
l'éloignement
e la
bibliothèque
universitaire
(60 km...)
j'ai
dû acheter tous les
grands
dictionnaires
t bon
nombre
d'autres
ivres,
ui
m'étaient
ndispensables.
ela ne laisse
pas
d'avoir
des
conséquences
financières t de réduire
l'espace
habitable...
(P.
Ruelle).
«
(je
fais)
..un
usage
immodéré e la
photocopie...
«
Pour
nous,
a
photocopie
'est
difficile,
ong
et
coûteux...
Ce
qui
se
dégage
de
l'ensemble,
'est la
dépendance
de l'Université
dans laquelle se trouve le médiéviste.Un travail de médiéviste n
solitaire st
difficilement
oncevablemais
l'Université
'est
pas
toujours
aussi
accueillante
u'on
le
souhaiterait
«
A la différence
u
vingtiémiste,
e médiéviste
emeure
nextri-
cablement
ié à
l'Universitéu à ses
annexes.Et
lorsqu'il
n'y
enseigne
pas,
sa
recherche
n
pâtit, grevée
qu'elle
est
par
de
multiples
démarches
isant
à obtenir
e
que
l'universitaire
sous la main
(J.-C.
Huchet),
et,
dans
le
même ordre
d'idée,
le travail de
groupe
semble une des
caractéristiques
u chercheur
médiéviste,
otamment n histoire t en
archéologie
«
J'apprécie
ortement
n métier
qui,
un
mois ou
plus par
an,
me
pousse
à travailler
la terre"
sur un chantier
de
fouille)
ôte à
côte
avec ceux
qui
sont mes
employeurs
u
mes
collègues
et
mes
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 44/128
43
amis
par
conséquent
qui,
le reste de
l'année,
me
fait travailler n
équipe,
solidairement...
ul
doute
que
ce besoin
de travailler
n
commun,
écouvert
lors
que
j'étais
encore
étudiante,
e soit issu
d'un
certain rt
(avec
un
petit
)
de vivre
caractéristique
u
Moyen
Age
(D.
Alexandre-Bidon).
Seul
l'amateur ne
ressent
pas
comme un
besoin son
rattachement
l'Université
«
étant
-
au
niveau du
pain
quotidien
-
médecin
libéral...
e
considère
omme
des
vacances
es
journées
ou
les
semaines
passées
dans les dépôtsd'archives travailler... la journéecontinue...
L'équipement
du
médiéviste
Le
travail
qui
l'attend
uppose
au
médiéviste n
bagage
qui
n'est
pas
seulement
matériel. l
doit,
uivant
on
terrain e
travail,
résenter
des
dispositions
l'effort
hysique
«
Il
va
de
soi
qu'un
archéologue
du
village,qui
n'aimeraitni la
terre,
i
la
campagne,
i
le
plein
air ni
l'effort
hysique,
i
la com-
munauté e vie d'unchantier,eraitbienmalheureux
ou
encore
posséder
un
certainnombre
de
langues
peu
courantes
«
Très
tôt,
e
fis
l'effort
écessaire
pour
apprendre
es
langues
romanes
nciennes...
eaucoup plus
tard
'ai
ajouté
à ma
collection
le
moyen
haut
allemand
et le
moyen
nglais
et
je
déplore
comme
une
infirmité
'ignorer
ratiquement,
ujourd'hui
ncore,
e
norrois
et le
slavon
(P.
Zumthor)
mais ce
qu'on
lui
conseillera,
uel
que
soit
son
domainede
prédilection,
c'est
la
patience
« la méthode précision, atience,durée... (D. Alexandre-Bidon).
«
Recherche
modeste,
ongue, parcellaire
et
souvent
anonyme,
"travail
de
fourmi"
dit le
visiteur
d'un
chantier
de
fouille»
(P-T.
Cornède).
De
l'utilité des
contraintes
de la
méthode
Comme e
travail
n
bibliothèque
ient,
n
alternative u
travailde
cabinet,
quilibrer
a
vie du
médiéviste,
es
contraintes
ue
lui
imposent
sa méthode t son sujet de travailsont souventperçues comme un
pendant
nécessaire son
imagination
u
à
une
forme
de
pensée
trop
uniquement
héorique,
un
terrain
sur
lequel
celle-ci
peut
s'exercer,
une
manière
de la
canaliser
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 45/128
44
«
Les
règles
t
les
méthodes e
l'histoire
pposent
une
contrainte
féconde ux
tentations
hétoriques
t
généralisatrices
ui
guettent
le
chercheur
n
sciences
humaines
(A.
Boureau).
«
Le
fait
d'aborder
mon
travail
ussi
rationnellement
ue
possible,
en m
efforçant
'éliminer
e
qui
chez
moi
peut
être
trop
"affectif"
me
semble
un
objectif
essentiel
réaction
contre ma
nature
pro-
fonde
)
(M.
Miguet).
«Je
trouve
ue
les
méthodes
t
règles
que
réclament
mon
travail
m'apportent
ne
certaine
larification u
savoir
dans
mon
esprit
.
Le
terme
ui
revient e
plus
fréquemment
7
fois)
est
celui
de
rigueur,
joyeusementcceptée
«
La
règle
-
et la
joie
-
est la
juste
compréhension
u
texte.
La
seule
règle
st la
rigueur...
pprendre
ussi à
aimer
cette
rigueur
malgré
es
snobismes t
les
systèmes...
(J.-C.
ayen)
ou voie
ouverte
ers a
joie
:
«
Plus cette
ommunion
st
difficile
lus
e
travail
st
riche
d'ensei-
gnements,
lus
la
joie
d'avoir
trouvé
st
grande
.
Mais
tout
cela est
bien
abstrait
t
il
nous faut
voquer
es
formes
rises
par
cette
rigueur
«
Un
travail
nalytique
ar
toujours
en
prise
sur la
réalité
l'ar-
chéologue
de
la
culture
matérielle
manipule
des
objets
et non des
idées
abstraites...»
D.
Alexandre-Bidon).
«
J'ai
hérité
de la
fréquentation
es
textes
médiévaux
a
rigueur
méthodologique
t la
minutie
d'analyse qui
me
semblent
ndispen-
sables
à toute
pproche
érieusedes
phénomènes
e
langue...
«
Description,
lassification,
xpérimentation
t
explication
ppli-
quant
à des
objets
sociaux
es
méthodes es
sciences
de la
nature .
Si
ces
discours et
l'ensemble
de
leurs
préoccupations
émoignent
avant
tout
d'une
attitude
de
chercheur
les
formulations
arient
mais
les
préoccupationsdes historiens, ittéraires t archéologuesayantrépondu ici s'avèrentassez semblables les unes aux
autres)
deux
personnes,
outefois,
ous
apprennent
ue
leur
goût
se
porte
n
premier
lieu
sur
'enseignement
«
La
présence
d'un
public
me
mobilise
puissamment
u
pointque
je
me
soupçonne
d'être
un
comédien
refoulé .
«
Je
prise
davantage
'enseignementue
la
recherche,
uestion
de
caractère,
ans
doute»
(R.
Fossier).
Opération
portes
ouvertes
Pour
finir,
emarquons
ue
ce
vers
quoi
les
médiévistes
nterrogés
disent
tendre,
e
qu'ils
réclament
ous
des
termes
différents
pluri-
disciplinarité,
résupposés théoriques
fournis
par
la
sociologie
et
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 46/128
45
l'anthropologie,
uverture,
ectures
plurielles,
nterdisciplinarité),
'est
le décloisonnement
ntre
es différentes
isciplines
«
Encore
convient-il
e
concevoir
elle-ci,
on comme
a constitu-
tiond'un
pot-pourri'allégations
étérogènes,
ais
comme
ne
ouver-
ture.Du
moins
i
ce
que
nous
disons des textes
poétiques
médiévaux
ne
peut
trouver
de
prolongement
ans
les
recherches
d'histoire
événementielle,
olitique, conomique,
oire
ethnologique
u
Moyen
Age,
l
y
a
des chances
pour que
notrediscours
soit
vicié
par
cette
fermeture,
t tombe
dans un trou
sans écho
»
(P.
Zumthor).
Le danger st donccommeon l'a vu déjà de travailler solé et c'est
aussi
à cause
de cette
aspiration
la
pluridisciplinarité
ue
le
médié-
viste recherche
e travail
d'équipe,
craignant
omme
un
danger
de se
renfermer
ur
sa
trop
grande
pécialisation
«
Je
ne
pense
pas
qu'un
bon
chercheur
uisse
être
étroitement
spécialiste
d'un
problème,
'un
type
de
document,
'une
région,
ni
même
d'une
période.
l
faut
s'intéresser tout
et avoir
différentes
spécialités.
N être
que spécialiste
d'héraldique
me semblerait
touf-
fantet
débilitant.
l en
est
de
même des lieux et
des institutions.
Je suis hostile
tous cloisonnements
(M.
Pastoureau).
Ainsi, l'ensemble des contraintesmatériellesqui s'imposent
au
médiévistemais aussi des contraintesméthodologiquesu'il s'impose
lui-même
ont-elles,
e
la
manière
a
plus
générale,
etournées
ar
le
chercheur
n éléments
positifs
qui
l'empêchent,
onformément
ce
rêve de
communication
ntre ous les
médiévistes,
e sombrer
dans
la
tristesse
du travail
enfermé
t solitaire
et
les élucubrations
valeur
strictement
ersonnelles
ui
risqueraient
e
s'ensuivre.
'un
d'eux donne
même
l'impression
e s'être
parfaitement
ondu à
ce
que
les
autres
auraient
e
plus
souvent
tendance
à
faire
apparaître
comme
contrai-
gnant
«
Les
règles
et
les
méthodes
me
paraissent
difficiles
apprécier
quant aux satisfactions ersonnelles u'elles m'apportent ar elles
sont
vraiment
evenues
une
seconde
nature...
(M.
Frachette).
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 47/128
46
QUESTION
7
Comment
pensez-vous
que
puisse
se
définir e
rapport
du
MoyenAge
au
monde
contemporain (origine,
altérité,
proximité...)
Y
a-t-il
dans les
motivations
de votre
travail sur
le
Moyen Age
une
part
de
visée du monde moderne,on pensez-vousau contraire quii n'est
pas
nécessaire
de déterminer
«
l'actualité
»
d'une
pratique
de
recherche
La
septième
uestion
est
quelque peu
différente
u reste du
ques-
tionnaire
elle
interroge
on l'individu
chercheur
mais la société
à
laquelle
l
appartient.
eux
aspects
sont
distingués
le
premier
oncerne
le
rapport
u
MoyenAge
ui-même u monde
actuel
(le
chemin
ui
les
lie, a distancequi les sépare), e secondsubstitue l'objet d'étude e
discours
u'on
tient
ur
lui. Certains
n'ont
répondu
u'à
l'une des
deux
questions,
uivant ans
doute
eurs
préoccupations
ominantes.
Sur le
premier oint,
deux citations uffiront
fairesentir ombien
les
positions
outenues
peuvent
tre contraires
«
Le
fait de base est
l'altérité,
ar
rapport
à
nous
et à notre
culture,
u
MoyenAge.
Cela me
paraît
une
évidence
fondamentale.
Néanmoins,
ette altérité
n'est ni totale
ni absolue.
Si
elle
l'était,
l
serait
mpossible
e
dire
quoique
ce soit sur
le
MoyenAge
tout
au
plus,à proposde lui,en tournant utour du vide.Il y a donc aussiune relative
proximité
u
Moyen
Age.
De
plus,
dans la
ligne
dia-
chronique
ou
génétique,
u sens
physiologique
u
terme),
l
est
possible
de dire
du
Moyen
Age
qu'il
constituenotre
origine.
Mais
cette
dernière
ossibilité
omporte
n
danger
onsidérable.
a
notion
d'origine,
ncore
iée aux
séquelles
de l'idéalisme
omantique,
st une
idée
mythique
lus
qu'historique.
lle dissimule
a
réalité
fuyante
du
temps
humain,
amène
par métaphore
es cultures
u
modèle
des
organismes
ivants.
«
Altérité-proximité
double
détermination,
u
double statut de
notre
objet.
Puisqu'il
est
proche,
nous
pouvons
e
saisir
du
regard
puisqu'il
est
autre,
nous
ne
pouvons
sans erreur n
parler
comme
de notre dentité
résente
(P.
Zumthor).
«
Si
je
vois
le
Moyen
Age
partout je
n'ai
qu'à
ouvrir
e
journal
pour
retrouver
a
marque,
dans les événements
nternationaux,
es
mœurs
politiques
seule
peut-être
'économie
y
échappe),
c'est
parce
qu'il
continue,
dans
l'ignorance
générale,
marquer
nos
compor-
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 48/128
47
tements
on
ne
se
débarrasse
pas
de
1
100
ans d'histoire
esante
en
l'espace
de
cinq
siècles
seule l'imbécile anitéde nos
contemporains
se
l'imagine
(R.
Fossier).
C'est
sur
ces bases
que
s'affrontenta
plupart
des
réponses
neuf
soulignent
'altèri
é,
autant a
proximité
u
Moyen
Age.
Trois se situent
à
égale
distancedes
deux
positions.
Neuf autres ne se
prononcent as
sur ce
point,
oit
qu'elles
s'en tiennent u
second
aspect
de
la
question,
soit
qu'elles
rejettent
plus explicitement
'alternative
roposée.
Ainsi
pour
R.-H.
Bloch,
«
ce
n'est une
question
ni
d'origine,
i
d'altérité,
i
de proximité,mais de pertinence, celle-ci tenant à l'importance e
l'étude
de
la
langue
médiévale
pour
la
critique
moderne.
Ces
chiffres
ne
tiennent
as
compte
de
cinq
réponsestrop
allusives
sur l'ensemble
des
questions).
Sans tirer
es conclusions
rop
précises
de ces
chiffres
ien
modestes,
on
peut
toutefois
mettre
n évidence
certainestendances.Une bonne
majorité
de
réponses
prendparti
sur
l'option
ltérité/proximité,
e
qui
après
tout
ne va
pas
de
soi.
Surtout,
es
deux
positions
extrêmes e
retrouvent
ace à
face,
aussi défendues 'une
que
l'autre.
l
n'y
a donc
ni
consensus,
ni
position
dominante,
mais bien
répartition quilibrée
des réponses.
A
la rencontre de l'Autre
Cette
hématique
araît
relever e
deux
phénomènes.
i elle constitue
le
pivot
d'une attitude
méthodologique,
lle est d'abord
l'expression
d'une
façon
personnelle
de
percevoir
'époque
médiévale.
Ainsi,
les
partisans
de l'altérité
voquent
bien
souvent
e
MoyenAge
sur
le
mode
d'une
rencontre,
'une
découverte
oudaine,
génératrice
e
choc intel-
lectuel.Cet épisode est fréquemmentitué au moment des études
supérieures
quatre
réponses, uxquelles
s'ajoute
celle
de J.-C.
Huchet
«
la
véritable
encontre
ut
lieu
plus
tard
).
Le
Moyen
Age
est
alors
perçu
comme
un domaine
à
explorer
voir
question
4).
Ce
qui
est
«
inconnu
est
en même
temps
«
différent
.
Le monde
que
découvre
e médiéviste uscite un
sentiment 'étran-
geté,
mais
plus
encore,
une volonté de
comprendre ui
le contredit.
Dans
l'entre-deux,
roismots
résument'attitude u
médiéviste
«
curio-
sité
»,
«
attirance
,
«
fascination
.
«
Attirance est le
plus
employé
le
terme
semble
tenir
la
juste
dose
de
désir,
ni
trop
futile,
ni
trop
pesante,
ue
fait
naître
'objet
MoyenAge.
La
relation u
Moyen Age
est ainsi décrite rencontre, ésir,appropriation.
Dès
lors,
on
peut
s'inquiéter
e la durée du
goût pour
e
MoyenAge.
Le
médiéviste
e finit-il
as par
être à l'unisson avec
son
objet
?
Ne
faut-il
as
alors établir
de
nouvelles
relations,
ans la
familiarité
Il
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 49/128
48
semble
bien
que
non. La connaissance
peut
accroître
a conscience
des
parallèles,
elle ne fait
pas pour
autant
disparaître
e
sentiment
e
l'altérité.
elle
est
l'opinion
du Dr Frachette
«
Si
j'aime
à
souligner,
l'occasion,
es
racines
médiévales
de
telle
ou telle de nos
«
habitudes
actuelles,
je préfère
mettre
l'accent sur l'altéritéde ces deux
mondes,
et
c'est
précisément
e
sentiment
'étrangeté
t
de
dépaysement
ue
j'éprouve
en
fréquen-
tant
e
MoyenAge
qui
me
le
rend encore
plus
attrayant
c'est
un
perpétuel oyage
dans
le
temps
et
l'espace
de toute
'Europe que je
peux
faire n restant
ma table de
travail,
ace aux
documents
ui
nous permettentette merveilleusevasion...
D'autre
part,
es
métamorphoses
u thèmede
l'altérité
ui
permettent
de résister la durée.L'altérité
du
Moyen
Age
n'est
pas
seulement
n
sentiment
écu,
elle
peut
devenir
'axe d'un
discours,
d'une
position
de
principe.
Pour P.
Zumthor,
'est un
postulat méthodologique,
ne
garantie
ontre
'anachronisme
«
Il serait aisé
d'alléguer
des
exemples
de distorsions
dues
à
l'oubli,
par
les
chercheurs,
u facteur
d'altérité
le
plus
manifeste
à mes
yeux
réside
dans
l'emploi
fait couramment
e
l'expression
de
"littérature
médiévale"
...)
je
suis
profondément
onvaincu
ue
rien
(ou
à
peu près)
des
idées,
des
images
et
présupposés
qu'elle
véhicule n'est applicable à l'époque antérieure la diffusion e
l'imprimerie.
nversement,
'est
le même
rejet
de
l'altérité
ui,
en
dépit
des
apparences,
dicte
à
de bons
esprits,fatigués
du monde
moderne,
es
assertions elles
que
«
le
MoyenAge
est mon
refuge
.
Le médiéviste
ultive
partout
ette différence
éconde.
l la
traque,
cherche
la
saisir sans
la détruire.
'est me
quête
dont
'aboutissement
est
sans cesse
remis. l
y
a là une volonté
de
feinte,
mais
aussi la
conséquence
de l'immensité
du domaine
médiéval.
En
fait,
selon
J.-C.
Huchet,
l
y
a
une
«
irréductibilité
u
Moyen
Age
à
nos savoirs
et
à
nos
pratiques
.
L'objet
impose
sa
loi,
mais de
son
côté,
e cher-
cheur choisit
sa
posture
«
Il
faut cultiver
'altéritédu
Moyen Age
.
Au-delàdes salutairesefforts e méthode, 'altéritédoit provoquer
toute
une attitude
d'esprit
«
Il faut aborder
cette
période
dans un
état
de fraîcheur
conquérir
chaque
instant
. Le
Moyen
Age
apparaît
comme
l'occasion
d'une remise
en
cause,
d'une ouverture.
Non
qu'il
propose
un modèle
de
pensée
le même
chercheur
eut
souligner
a
fécondité
ntellectuelle
e cette
démarche,
out
en étant
profondément
dégoûtépar
l'essentiel
des
valeurs
que
propose
e
Moyen
Age.
Le
Moyen Age parmi
nous
Sans bien
sûr
nier es
différences,
n certain
nombrede chercheurs
préfère
nsister
ur
l'imité
de civilisation
ui englobe
le
Moyen
Age
et le monde
ctuel.Dans
son
combat rdent
pour
rendre
u
Moyen
Age
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 50/128
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 51/128
50
«
Evidemment,
ous
vivons
aujourd'hui
dans
une culture
(qui
est
d'ailleurs
éclatée
et
multiple) qui
n'est
plus
par
elle-même
expression
u
vêtement e
la Foi. Nous sommes
ainsi comme
tirés
entredeux
extrêmes,
mais
l'expérience
montre
ue
c'est
parfaitement
vivable.
Précisément,
l
faut
prendre
dans
chacun
des deux
mondes,
ce
qui
est
vivant
t
nourriture e
vie ».
Plus
radical,
J.-C.
ayen érige
e
Moyen
Age
en modèle exclusif
«
Le
monde moderne
st celui des
ruptures
avec
les
traditions,
avec le
terroir).
e tourne
e dos à
l'informatique,
ux
portillons
u
métro, u matraquagedes médias. Le Moyen Age est un antidote
nécessaire.
'actualitédu
Moyen
Age,
'est
le besoin
d'enracinement,
d'essentiel,
e
retour ux vraies valeurs
.
Ici,
rupture
t
continuité e
rejoignent
le fil des civilisations
st
rompu,
mais les
défenseurs clairés
de la tradition
ue
sont
es médié-
vistes
savent
retrouver
a continuité.
Un deuxième
ype
de considérations
'organise
autour
des notions
de
«
racine
,
de
«
filiation
,
ď
«
origine
. La différence
st
claire
délaissant
un lien
par
la
ressemblance,
n s'en tient
à
un lien
par
la
généalogie.
ormulation
lus descriptive,
lus
discrète
uant
à
l'impli-
cationpersonnelle ue l'on tire de cetteproximité. n met alors en
avant le rôle
du
MoyenAge
dans la
genèse
du monde
actuel.
Comme
chez R.
Fossier,
ette affirmation
st une réaction ontre
'indifférence
ou
l'ignorance
ue
l'on
prête
au sens commun.
«
Il
y
a bien
plus
de
filiations
irectes
qu'on
ne
l'imagine
normalement
(C.
Rabel)
Sur
quels objets
privilégiés
e
fixe cette
quête
des
origines
Les
réponses
obtenues llustrent
'idée
que
le
Moyen Age
est
le moment
fondateur
e la Nation.
En
outre,
rois
points
de
jonction
ont souvent
évoqués
la
langue,
es
monuments,
a
religion
chrétienne.
Chacun
évaluera à
sa
guise
a
part
de
permanence
ue
cela
peut
constituer
u
sein de notre ociété).
La
notion
de
«
racine
est
fréquemmentmployée,
lus
que
l'idée
équivalente
«
origine
pourtant roposée
dans
la formulation
e
la
question.
«
Racine
»
est dans
l'ordre
du
lieu,
ce
qu'
«
origine
est
dans
l'ordre
du
temps.
Or,
on
sait
l'importance
u
terroir
t du sol
national
dans
l'image
que
l'on
se fait du
Moyen Age.
Surtout,
'expression
possède
une
ambiguïté
emarquable,
usceptible
e
réunir
es
opinions
opposées.
«
Racine
peut
aussi
bien
désigner
notre
propre
identité
(Y.
Congar),
qu'un
passé
lointain
t révolu
(«Je
cherche connaître
une
époque
et des
mentalités
ui
ne sont
plus
les
nôtres,
mais
dont
nous sommes
es
héritiers.
e souhaite
être
conscientde
ces
racines
(J.-P.Hible). Les racines déjà l'arbreou avant l'arbre La notionde
racine,
dans sa
molesse
conceptuelle,
ermet
d'exprimer
n
goût
du
passé,
sans
avoir à
trancher
ur le
statut
que
l'on donne à
ce
passé,
sur
le
rôle
qu'il joue
dans
notre
monde ou
dans nos savoirs.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 52/128
51
Quels
clivages
?
Jusqu'ici,
n
a voulu
cerner es
deux
positions
opposées
(sans
pour
autant
masquer
les
plages
de
rencontre).
n
peut
maintenant
'inter-
roger
sur
les critères
xternes
ui permettent
e rendre
compte
de
cette
opposition.
u
vu
des
réponses
btenues,
l
ne semble
pas
y
avoir
de
clivage
en fonction
es
disciplines.
On
défend
a continuité
u
la
rupture
ussi
bien
chez les
littéraires
ue
chez les
archéologues
u
les
historiens.
En
revanche,
l
est
probable
que
les centres
d'intérêt
privilégiés
jouent
un rôle
décisif.
l
est
sûrement
lus
aisé
de
déceler
des
conti-
nuités dans
les
paysages
ruraux,
es
modes
d'alimentation,
ue
dans
les
goûts
musicauxou les
systèmes
e
représentation
e
l'univers.
n
fait,
es tenants
de
l'altèri é situent
elle-ci
principalement
u niveau
des mentalités.
Bien
que
les
constituants
e
l'étrangeté
médiévale
oit
peu
détaillés,
on
relève des
expressions
omme
«
façon
d'agir
et de
penser»,
«culture
inconnue»,
«mentalité
surprenante»).
On
peut,
peut-être,
oir à
une
conséquence
de
l'influence
e
l'anthropologie
ur
l'histoire
es
mentalités
ne
suggère-t-elle
as
cette
problématique
e
l'Autre
Inversement,
n
peut
s'étonner
e
voir
les tenants
de la
continuité
citer maints
exemples
à
l'appui
de leur
thèse,
tout
en
délaissant
es
mentalités.
t c'est
R. Fossier
ui-même
ui,
ailleurs,
décrit
es
façons
primitives 'agir
et de sentir
ui
caractérisent
'homme
du
Moyen
Age.
Qu'est-ce
lors
qu'un
monde
proche
où
l'on
sent,
pense,
vit,
i
différem-
ment
Le domaine
des
mentalités
t
de
la sensibilité
pparaît
bien
comme
un
bastion
de
l'altérité.
Une
autre
frontière
e
dessine,
elle des
convictions
eligieuses.
'est
très
logiquement
u'environ
a moitié
des
partisans
de
la
continuité
témoigne
'un
intérêt
lus
ou moins
manifeste
our
la
religion.
Plus
généralement,e choixde valeurspersonnellesembledéterminantvoir
la
réponse
de
J.-C.
ayen).
Entre
ncore
en
jeu,
l'expérience
ue
chacun
peut
avoir
des
aspects
les
plus
traditionnels
u
monde
actuel.
Voyons
'opinion
de
P.
Ruelle
(éclairée par
son
témoignage,
oir
question
4)
:
«
La
vraie
rupture
ntre
e
MoyenAge
et nous
s'est
produite
u
début
de
ce
siècle,
orsque
la
société
agricole
et stable
(ce
qui
ne
veut
pas
dire
"satisfaisante"
)
a
cédé la
place
à une société
ndus-
trielle
t
mobile.
N'étaient
es
témoignages
isibles
aissés
par
l'archi-
tecture,
e
dirais
que pour
la société
urbanisée
d'aujourd'hui,
e
MoyenAgen'a pas plus de réalitéque l'Antiquitéu la Préhistoire.
On
peut
admettre
que
cette
mutation
ne cesse
de se
prolonger,
aujourd'hui
ncore,
dans
ses
aspects
sociaux
et culturels.
Dès
lors,
e
problème
e
pose
bien différemment
our
celui
qu'enflamme
es
sou-
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 53/128
52
venirs
d'une enfance
rurale,
d'un
système
de
vie
traditionnel,
t
pour
les sans-racines
es
cités modernes.
'idée
traverse
plusieurs
réponses
que
les derniers
spects
vécus du
Moyen
Age
s'effacent
ous
nos
yeux.
Certains
n sentent
ncore e
poids,
voire
s'y
attachent
délibérément.
D'autres n'ont
en rien
'expérience
e
ce
qui, aujourd'hui,
araît
lié à
l'idée de notre
Moyen
Age.
Actualité de la
recherche
?
En
fait,
a
deuxième
artie
de
notre
uestion
uscite
peu
de
réponses
(moins
de la
moitié).
Contrairement
u
premier
point,
l
n'existe
pas
de
positions
ien
tranchées.
t,
si les
formulations
ont
très
différentes,
on
y
décèle
un
large
consensus
le
savoir
des
médiévistes
'est
pas pure
connaissance
il
est
d'une
façon
ou d'une
autre,
impliqué
dans
les
préoccupations
es hommes
d'aujourd'hui.
Ce
qui
crée,
pour
une bonne
part,
des
écarts
dans
les
réponses,
c'est
la réaction
que
suscite e
terme
«
d'actualité
.
Choqués,
certains
répondent
vivement
«
Déterminer
l'actualité
d'une
pratique
de
recherche
me semble
une
hérésie
(D. Alexandre-Bidon).
Il serait
vain
de penser ue nos travaux ur e MoyenAgepourraientvoirune réper-
cussion
quelconque
sur le
monde
moderne
(P.
Ruelle).
Ceux-là
paraissent
oucieux
de soustraire
a recherche
toute
finalisation,
ux
impératifs
e la
mode,
t
plus
encore
ux directives
u
politique.
Une
pratique
de recherche
'a
pas
à
se
justifier
ar
rapport
l'actualité,
sinon
c'est
a condamnation
e
toute
recherche
ondamentale
une
pra-
tique
de
recherche
oit
être
indépendante
e
toute
visée
pratique
et
pragmatique
.
Ici,
l'emprunt
ux sciences
dites
exactes
de
la notion
de recherche
fondamentale
ide
le
médiéviste
à
se
protéger
des
exigences
roductivistes
et
peut-être
ussi
des
scrupules
d'une
certaine
inutilité).
D'autres
chercheurs
plus
sensibles
peut-être
ux
guillemets
ui,
dans
la formulation
e
la
question,
largissaient
a notion
d'actualité)
n'ont
pas
vu dans
ce
terme
'occasion
de
défendre
eur territoire.
insi
en
va-t-il
our
es
tenants
d'une continuité
ntre
e
Moyen
Age
et nous.
De cette
prise
de
position
découle
assez
logiquement
ne
conception
du statut
de
la recherche
si la connaissance
u
Moyen
Age
est
connais-
sance
de
nous-mêmes,
on
inscription
ans
le
présent
devient
vidente.
La recherche
met à
jour
un savoir
qui
concerne
directement
'homme
d'aujourd'hui,
arce
qu'il
parle
de
lui,
de son
présent.
D'où
également
e
désir
de
diffuser
ette
connaissance
visée
du
grandpublic,enseignement. insi,pour R. Fossier
«J'ai
dit
que
ce
rapport
[entre
le
Moyen
Age
et
aujourd'hui]
est étroit
comment
omprendre
uoique
ce soit
au
Moven-Orient
pour
prendre
un douloureux
xemple)
c'est
pourquoi
la vue
du
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 54/128
53
monde
moderneme
soutient,
t
l'inverse,
ans
l'étudedu
Moyen
Age,
et
je
voudrais
e
faire entir
peut-être
st-ce
a raison
pour
laquelle
l'enseignement,
e souci de
faire
savoir,
m'attire
plus
que
la médi-
tationde
la
recherche.
n
somme,
y
réfléchir,
'est
1'
«
instruction
civique
à base
médiévale
ui
m'est a
plus
familière.
On voit
bien ici le lien
entre es deux
aspects
de
la
question
posée.
Parfois
même,
'idée d'un
Moyen
Age
actuel semble
a
conséquence
'une
volonté
de rendre
plus
évidente
'utilité
du chercheur
« Il me semble mportantd'actualiser" le MoyenAge,ou plutôtde rechercher...) des
témoignages
t des problématiquesmodernes
(...)
Je
définise
rôle de l'historien
omme
celui
d'un
éducateur.
ela
n'aurait
pas
de
sens d'étudier
e
Moyen
Age,
ou
une
autre
période,
en
soi,
et sans
voir
les
profonds
arallèles
qui
existent
ntre hier
et
aujourd'hui
(S.
Moscadelli).
L'idée
d'une
«
actualisation
peut
paraître
étrange
comme
si l'on
pouvait
hoisir
ntreun
Moyen
Age
en
soi,
sans
efficacité,
t
un
Moyen
Agepour aujourd'hui.
n
tout
cas,
il
est clair
qu'un
discours
u
présent
est nécessairement n
discours
ur
le
présent.
Pour
d'autres,
l'inverse,
arler
pour
aujourd'hui
ne
suppose
pas
que l'on parle d'aujourd'hui.Ainsi, e choix d'un MoyenAge lointain
n'implique
as
un
savoir
étranger
u monde
moderne.
implement,
e
rapport
st
plus
complexe,
ndirect.
.
Alexandre-Bidon,
arallèlement
à
l'inutilité
économique)
de
l'historien,
ffirme
u'il
est
«
absolument
utile,
u-delà de toute
contingence
(dès
lors
que
l'on se
place
à
un
niveau
philosophique).
Chez les
partisans
d'une utilité
non-immédiate,
n reconnaît
n
pre-
mier
lieu,
le discours
qui
célèbre
les
vertus
d'une connaissance
du
passé.
«
Plus mes travaux
m'éloignent
e
l'actualité,
lus
se
fait
ucide
le
regard
ue je jette
sur
elle.
La
compréhension
'ici-maintenant
asse
par
la connaissance
'hier-ailleurs,
'est
bien connu
(G.
Zink).
Position
du sage qui sait relativiser,u simplementonsciencedu rôle que le
passé
doit tenir
dans
la formation
ntellectuelle
e l'homme
cultivé
Surtout,
'est
un
souci
théorique
ui
rend son
actualité
ce
Moyen
Age
ointain.
n cesse
d'y
voir
'occasion
d'un savoir
qui
dit,
on
y
prend
la matière
pour
un savoir
qui
se forme.
ans
parler
de
ressemblance
ou
de
différences,
e
Moyen
Age
doit
tenir
a
place
dans
l'élaboration
d'un savoir
général
de l'homme.
«
L'horizon
de
la
recherche
st
toujours
comparatif
our
moi.
Au-delà
es
thèmes
articuliers,
u-delà
des
pures
mutations,
l
s'agit
de
poursuivre
d'éventuels
universaux,
e
chercher
es
limites
de
l'historicité, 'évaluer les différentesitesses
du
changement
ul-
turel (A.Bourreau).
Pour J.-C.
Huchet,
'altérité
st
la condition
même
de ce rôle théo-
rique.
Loin
«
qu'il
faille
à
tout
prix
s'arranger
our
que
le
Moyen
Age
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 55/128
54
serve
la
"
modernié"
»,
l'altèri é
«
constitue
une force
critique
qui
relance
la
recherche
,
et
fait
«
avancer la
théorie
ittéraire
n
lui
permettant
e découvrir es
insuffisances
ans la confrontation
vec
son
Autre. Puisse les troubadours
et leur
érotique
conduire,
par
exemple,
un
"affinage"
onceptuel
e
la
psychanalyse
igne
de cette
alchimiedu
désir
par
la
langue
que
fut a
"fin'amors"
.
A travers es différentes
ositions,
e souci du
présent
emble
faire
l'unanimité.
ar,
e
chercheur
'inquiète
de sa
légitimité
ociale
«Mes efforts out au moins théoriquestendentdonc toujoursà ne
pas
perdre
de vue
l'importance
e mes éventuels ravaux
pour
l'époque
contemporaine
d'où
également
égulièrement
es
scrupules
à
prendre
n
plaisir
trop pur
et
égoïste
à mon travail
actuel à
la
B.N.
»
(C.
Rabel).
Pourtant,
ertains hercheurs
efusent a
facilité
d'un discours
us-
tificatif
«J'ai
toujours
trouvé
suspectes
les
justifications
u
"métier
d'historien"
ui
l'aident se défendre
ontre
'accusation
d'inutilité
(sociale).
Mêmes
bonnes,
se sont des
justifications
posteriori
(J.-M. esez).
M. Pastoureau st plus radical. Sans faire de la recherche ne acti-
vité futile
«
Pour
moi,
être
médiéviste,
'est une
façon
de
chercher
à mieuxconnaître
'homme,
pécialement
'homme
vivant n société
),
l'essentielde
son
propos
en réduit a
portée
-
le sérieux
«
Je
revendique our
le
chercheur,
uel
qu'il
soit,
e droit
de se
faire
plaisir.
Jecrois à l'enthousiasme
t à ses
vertus
ur
a
recherche.
Je
crois
qu'un
chercheur
le droitd'être
«
égoïste
lorsqu'il
choisit
tel
sujet
d'enquête lutôt
ue
tel autre.
Je connaisdes
chercheurs
ui
n'aiment
pas
leurs recherches
je
connais
des médiévistes
qui
n'aiment
pas
le
Moyen Age
cela me semble
proprement
ffarant.
De
la même
façon
e
suis sidéré
devant des
étudiants n année
de
maîtrise ui ne saventpas quel sujet de mémoire hoisir, ui n'ontaucune
préférence
our
tel
domaine,
elle
époque,
tel
problème.
«
En définitive
et
je
devrais
avoir honte de
le
dire
-
j'ai
parfois
'impression
ue
le
Moyen Age
est
pour
moi
plus
un
jeu
qu'un enjeu.
Mes recherches
ur les
couleurs,
les
animaux,
les
emblèmes,
nt
souvent
un caractère
udique.
Est-ce condamnable
Scandaleux Est-ce
une fuite
pour
ne
pas
affronteres
«
vrais
problèmes
Je crois
beaucoup
au
Moyen Age
comme
fuite.
Et
ce,
pour
tous
les
médiévistes,
u'ils
le reconnaissent
u
non
».
Opinion
ui
ne
manque pas
de
courage,
ompte
tenu
de
la
pression
du discours
dominant.
La
préoccupation
u
plaisir
l'emporte
ur
le
sérieux,
e soi
sur le
monde.
Plus besoin alors de
référer
a
pratique
à une utilité ociale.
Ainsi,
'étiquette Moyen
Age
suscite des discours
fort
différents,
ce
qui
n'est en
rien
surprenant.
es
opinions
sont
tranchées,
mais
ne
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 56/128
55
cessentde
se
rejoindre
n
un
certain
point.
Altérité
u
proximité
On
l'a
dit tout
dépend
de
quel aspect
du
Moyen
Age
on
parle,
des
valeurs
personnelles ue
l'on
affiche,
t aussi du souci
que
l'on se
fait
du
monde
actuel.
Une
autre
ligne
de
partage
semble
émerger
la
façon
dont
chacun
perçoit
e
temps,
t se montre ensible
plutôt
à
la
tradition,
ou
davantage
la nouveauté.
Comparant
'enfant
t l'homme
qu'il
est
devenu,
ira-t-on
«
c'est le
même
,
ou
bien
«
comme
l a
changé
?
Il
serait absurde de
voir a
véritédans
un choix.
Pourtant,
n
ce
qui
concerne
e
Moyen
Age,
es
discours se
veulent,
e
plus
souvent,
'un
côté ou de l'autre.
En arrière
plan, quelques questions
se
dessinent.
Croit-on
une
histoire
qui
rétablit e
fil
ininterrompu
t
régulier
du
temps
Ou
perçoit-on
n
agencement
e blocs
instables,
ordés
de
failles
Consé-
quemment,
e
statut
des
«
permanences
istoriques
apparaît
comme
crucial.
Quoique
tenant
e discours
de
la
continuité,
. Rabel
s'interroge
«
un
système
ncore
existant
fonctionnant
Comment
Avec
quelles
permanences
Quels
changements
-
aujourd'hui
.
Qu'est-ce
qu'une
permanence,
ne survivance
D'un état
historique
un
autre,
qu'y
a-t-il
de
comparable
Sur
ce
problème
celui
du
temps,
en
quelque
sorte),
tout
est,
comme
souvent,
ffaire
de sensibilité
utant
que
de
principede méthode.
«
Si
un
portrait
e
quelqu'un,
montré
vingt
ersonnes
ui
connaissent
e
modèle,
st
reconnu
par
neuf,
non
reconnu
par
onze,
dira-t-on
ue
ce
portrait
ontient
/20
de
vrai,
11/20
e
faux,
u le
contraire
«
Mais
supposé
que personne
n'ait
connu
ce
modèle
Il
arrive
lors
ceci de
merveilleux
que
les
gens
n'en
dispu-
teront
as
moins
ardemment
e
la ressemblance
.
Paul
Valéry.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 57/128
LE
CHERCHEUR,
LE « JE
»
ET L'OBJET
«
et
moi,
t
moi et
moi...
En
proposant
e
questionnaire
ux
médiévistes,
ous avons
suscité
des discours
personnalisés (pas
autant
certes
que
nous
l'aurions
souhaité,
mais assez toutefois
our
nous
satisfaire).
e
n'est
certes
pas
un souci
pervers
e dévoiler
es dessous
de l'histoire
ui
nous
a animé.
Simplement,
ous avons
cru
pouvoir
profiter,
n toute
tranquillité,
e
la
mort
du vieux démon
positiviste
pour qui
toute
connaissance
valable
se doit
d'ignorer
e
sujet
connaissant
,
et sonder
'espace
de
liberté
qu'elle
a ouvert.
Pourtant,
l n'est
pas
dans nos
intentions
e
relancer a rhétorique sée qui, aux prétentionscientistes, ppose la
révélation
elon
laquelle
le discours
scientifique
st autant
expression
de l'homme
ui
étudie
que
dévoilement
e
l'objet
étudié.
L'acquis
théo-
rique, depuis
H.-I.
Marrou,
A.
Besançon,
M.
de Certeau
et
beaucoup
d'autres,
st suffisant
our
éviter
de
justifier
ne
nouvelle fois
cette
idée. Ce
qui importe
davantage,
c'est
de
cerner les
pratiques
qui
découlent
e
ce
principe,
e
préciser
es
modalitésde sa
mise en
œuvre.
Mais,
es résultats e
notre
uestionnaire
'invitent-ils
as
à
nuancer
le constat
d'évidence
ue
je
viens
de dresser
Le nombre
de
réponses
obtenues
st
resté
imité.N'est-ce
pas
le
signe
d'une
incompréhension,
voired'une hostilité l'encontre e questions ugées «métaphysiques,
«
subjectives
et
«
futiles à
la fois
Ou
encore,
'expression
d'irne
résistance
des
universitaires,
etranchés
ans
un discours
strictement
professionnel
Cela
n'est
pas
si sûr
qu'il
y
paraît
au
premier
bord
voir
l'introduction).
ien souvent
en
effet,
eux-là
même
qui
ont
pris
la
question
très
au sérieux
ne sont
pas
parvenus
mettre
n
forme
eur
discours.
A vouloir
aller
trop
loin
dans
l'introspection
même
profes-
sionnelle),
n
peut
être
pris
de
vertige.
urtout,
i
l'on
veut
tout
dire
de ses
motivations,
n
risque
bien
de ne
jamais
en
finir.
n
fait,
nous
sommes
conscients
que
notre
questionnaire
ne
pouvait
recevoir
de
réponses
complètes
et définitives.
e
sont
des
questions
dont
on
n'attendait as de résolution. our pouvoir y répondre,l me semble
qu'il
fallait
accepter
de se
livrer
une
sorte
d'exercice
ittéraire,
ui
soit
un
équilibre
ntre
ce
à
quoi
l'on
tient,
e
que
l'on croit
savoir
et
la
part
d'incertitude
t
d'ignorance
e soi-même.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 58/128
57
Entre
un
refus e
la
question
t
sa
survalorisation,
ne autre
attitude
mérite
éflexion.
ertaines
personnes
nt en
effet
éclaré,
qu'en
dépit
de leur
bonne
volonté,
lles ne
savaient
nullement
ue
répondre.
Que
de
jeunes
chercheurs,
manquant
du
recul
nécessaire,
ne
soient
pas
en
mesure
d'analyser
eurs
propres motivations,
ela
se
comprend.
Ce
point
de vue
est
beaucoup plus
surprenant
orsqu'il
est le
fait
de
cher-
cheurs
confirmés.
ar,
en fin
de
compte,
l
s'agit
d'un
exercice
banal
(Pourquoi
e
MoyenAge
?
Pourquoi
vous
?)
auquel
le
chercheur
oit
bien
être
convié,
de
temps
à
autre,
par
son
entourage
ocial.
Pourtant,
l
semblebienque l'attitude e G. Duby « Monmétier,e le fais, t je ne
réfléchis
as
tellement
dessus
»
1)
soit
partagée
par
beaucoup
de
médiévistes.
A
l'inverse,
uelques-unes
es
réponses
qui
nous sont
parvenues
e
prononcent
lairement ur
le
principe
même de
notre
entreprise.
'est
avec
un
vif
plaisir
que
nous
lisons
es
propos
de P.
Zumthor
«
Votre
enquête
souligne
implicitement
a
nécessité
d'un
lien
personnel
ntre
e
chercheur t
l'objet
de sa
recherche. n
ne
saurait
trop
nsister
ur
ce
point.
Une
certaine
onception
e
1'
"objectivité"
scientifique
omme im-
ou
dé-personnification
st non
seulement
dépassée
aujourd'hui,
mais
par
là-même
devenue
pour
nous
impro-
ductive.«
L'idée
que
nous
nous
faisons,
hacun
pour
notre
propre
ompte,
de
notre
rapport
nos
recherches
ait
partie
ntégrante
que
nous
en
soyons
conscients u
non)
de
notre
position
pistémologique,
t
celle-ci,
même
non
explicitée,
étermine a
validité
de
toute
activité
dite
"scientifique".
«
Il
est,
à mon
avis,
bien
regrettable
ue
trop
de
savants
surtout
peut-être
ans ma
génération)
'aient
amais
perçu
clairement
es
implications,
'ils
ne les
ont même
purement
t
simplement
éniées .
Discours
social
et
discours
narcissique
A
ce
point
de
l'analyse,
l
convient
de situer
notre démarche
en
écho avec
les
théories
déjà
exposées
par
un
certain
nombre
d'auteurs.
En
somme,
e
qui
sous-tend
otre
ntreprise
essemble
ort u
principe
cher à
H.-I.
Marrou
«
l'histoire
est
inséparable
de
l'historien
(2).
Proposition
ui
vise
à ruiner
e
concept
d'objectivité
el
que
l'avaient
conçu
les
positivistes,
oit
l'illusion
d'une
connaissance
ans
point
de
vue. Pour
eux,
le
savoir
vrai
est le
produit
d'une
soustraction
celle
qui
élimine
du
discours sur
l'objet,
la
part
de
déformation
ue
le
savant
y
introduit.
insi,
eignobos,
e
grand
maîtrede
l'histoire
osi-
tiviste,
ntroduit
on
Histoire
politique
par
l'énoncé
de
ses
opinions
1.
G. DUBY
et G.
LARDREAU,
ialogues, aris,1980,
.
38.
Affirmation
faussement
aïve, ue
tout e
livre
ément.
2.
H.-I.
MARROU,
e
la
connaissance
istorique,
e
éd.,
Paris,
Point-Seuil,
1975,
hap.
(lre d.,
1954).
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 59/128
58
libérales
«
Si
je
me suis
trompé,
e lecteur est averti
du sens dans
lequel
il
est
possible que
j'aie penché
(3).
Ainsi,
a
vérité,
'est
le
livre
moins
a
préface.
A
l'inverse,
.-I.
Marrou nsiste ur
l'impossibilité
'une telle
opéra-
tion. Les deux
termes,
e
sujet
connaissant t
l'objet
d'étude,
ont si
intimement
mêlés,
qu'aucune
dissociation
ne
saurait
être
entreprise.
Qu'entre
ux,
on
parle
de
rapport,
e
dialogue,
e
rencontre,
l est clair
que
retirer
n
des facteurs erait
une
aberration.
Tout
savoir
sur le
passé
est finalement e
qu'un
individu,
telle
époque,
mû
par
ses
propres ésirs, ans un environnementcientifiqueonné, puconnaître
et
dire
de tel
sujet.
Dès
lors
que
l'on
veut
atteindre
e dernier lément
seul,
tout s'évanouit.
omme e dit M. de
Certeau,
la vérité st
dans
cet entre-deux
entre
l'objet
et le
sujet
de
la
recherche],
ont
une
œuvre
pose
les termes ans
pouvoir
créer un
objet
qui
se
substitue
ce
rapport
(4).
Cette dée de la connaissance omme fusion
de
l'objet
et du
sujet
semble
rassembler,
ar
delà les
divergences,
e
point
de vue
du catho-
lique
libéral
et
celui des marxistes.
Ainsi,
Marx,
loin
de chercher
retranchere
point
de vue de
l'historien,
onsidère
ue
c'est
précisément
en tant
que sujet pris
dans l'histoire
ue
l'historien
eut
atteindre
ne
certaine vérité (5). Chez Marrou,c'est dans la mesuremême où il
s'engage
ue
l'historien
onnevaleur son
œuvre.
l
ne
s'agit pas,
bien
évidemment,
e
gommer
'écart
qui
sépare
ces
opinions.
On
veut seule-
ment
ouligner
'identité u mouvement
ui
fonde a validitédu discours
historique
la
critique
dressée
à
la
connaissance e
retourne
n condi-
tion même de
ce
savoir.
De
ce
point
de
vue,
a seule différence
otable
est
que
le
produit
de cette démarche
st
dit
«
objectif
chez
les uns et
«
subjectif
chez
les autres...
Et,
pratiquement,
e sont
bien les tenants
'une
philosophie
ritique
de l'histoire
d'une
part,
les historiens
d'inspiration
marxisted'autre
part,qui se sonttenusau plus près des questions qui nous occupent.
Ainsi,
PierreVilar
inaugure
sa thèse sur la
Catalogne
en
rappelant
que
«
l'historien
st
dans l'histoire
. Il
explique
comment
haque
étape
de sa
recherche
a été
déterminée
ar
des circonstances
la fois très
générales
et
très
personnelles,
xtérieures
l'œuvre
entreprise,
mais
dont
le retentissement
ur elle
n'a
pas
été seulement
matériel,
mais
aussi
intellectuel,
méthodologique
(6).
Aussi
raconte-t-il,
ans
une
longue
préface,
'histoire
e
l'historien.
l réfère a
recherche
l'histoire
collective,
montre
'influence
'événements
els
que
la
guerre
d'Espagne
ou
la seconde
guerre
mondiale.
Deux ordres
de considérations ont
3. C. SEIGNOBOS,Histoire olitique e l'Europe ontemporaine,aris,
1897,
.
XI.
4.
M. de
CERTEAU,
'écrituree
l'histoire
Pans, 1975,
.
75.
5. Sur
ce
point,
oir
1 ntroduction
e
G.
Lardreau
ux
Dialogues,
.
9-17.
6.
P.
VILAR,
La
Catalogne
ans
l
Espagne
moderne,
e
ed.,
Pans,
1983,
vol.
,
p.
11.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 60/128
59
encore
nvisagés
le
contexte
istoriographique
certaines
irconstances
institutionnelles
ouchant
personnellement
auteur
(rappel
prématuré
à
Paris,
nominations...)
'est de ces trois
composantes ue
résulte
a
démarche
de l'auteur. Conformément
l'inspiration
ociale
chère
au
marxisme,
e
sujet
connaissant
désigne
n
lui,
pour
l'essentiel,
a
voix
de
l'Histoire.
l n'en
est
pas
moins
un
sujet, qui
dit
«
je
»
et se
raconte,
même s'il
est
avant tout 'hommed'une
époque,
d'un contexte.
Ce sont
les mêmes
préoccupations
ue
l'on
retrouve
hez M.
de
Certeau.
orsque
celui-ci nsiste
ur le rôle du
«
présent
de
l'historien
dans l'élaboration e la connaissancedu passé, il l'invite prendre n
compte
sa relation au
«
corps
social
»
(faute
de
quoi,
son
discours
cesserait d'être
scientifique),
'est-à-diree
lien à
son
présent
d'être
social
d'une
part,
sa
place
institutionnelle
'autre
part.
Quant
à
la
voix
plus personnelle
d'un
individu,
ris
comme
sujet
narcissique,
lle ne
perce
ci
que
bien timidement.
'est
chez
H.-I. Mar-
rou,
en
revanche,
u'elle s'épanouit
tout
à loisir.
Pour
lui,
«
l'histoire
est une aventure
pirituelle
ù
la
personnalité
e l'historien
'engage
tout
entière
pour
tout
dire en
un
mot,
elle est
douée,
pour
lui,
d'une
valeur
existentielle,
t c'est de
là
qu'elle
reçoit
son
sérieux,
a
signifi-
cation
et
son
prix (p.
197).
Ou
encore,
'historien
poursuit,
ans
son
dialogueavec le passé, l'élaboration ...) du problèmepour lui fonda-
mentaldont
a
solution,
ar
des
voies
quelquefois
étournées
t
souvent
mystérieuses,
mporte
son
destin,
engagera
sa
vie et
sa
personne
entière
(p.
201).
On ne saurait
nsister
lus
vigoureusement
ur
l'idée
d'une
implication
personnelle
du
chercheur.
Rappelons
toutefois
e
caractère très
nuancé de
la
position
d'H.-I.
Marrou.
L'importance
accordée
au
sujet-historien
onnaît
trois
limites
-
une limite sociale
la
conclusion
de
l'ouvrage
entend
prévenir
l'accusation
'individualisme
t
rappelle,
omme
une
évidence,
es
liens
étroits
ui
unissent
'aventure
ersonnelle
t
les
«
besoins
et
aspirations
de la collectivité
.
On ne dissocie
pas
l'individu
e son
contexte
ocial
- une limiteméthodologique l individu-chercheure saurait se
livrer
ans
retenue
ses
inclinations.
es
outils
de la méthode
t
les
nécessités
e la
rigueur
'exigent
-
une limite
uantitative
la
prise
en
compte
des
sentiments
t des
passions
doit
être
mesurée,
discrète.
Elle
doit
se
garder
de toute
lourdeur,
e tout
débordement
e
pathos.
Sur ce
point,
on s'étonne
de voir
H.-I.
Marrou
décider
quelle
est
la
forme
t le ton
justes
que
l'historien
oit
adopter.
Prisonnier
'une
esthétique
classique,
il
fait
prévaloir
un
discours
clair,
lumineux,
raisonnable,
et
qui
surtout,
exorcise
oute
ngoisse
ce
mot constituant a
cible
privilégiée,
p.
200-
201).
Aussid'accordqu'on puisse être avec l'idée d'une implication er-
sonnelle,
es
propos
d'H.-I.
Marrou,
ue
nous avons
rappelés,
uscitent
la
critique.
e vocabulaire
même
ne
peut
manquer
de
faire
frissonner
ceux
qui
ne
partagent
as
les convictions
eligieuses
ui
s'y
dessinent,
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 61/128
60
ou
encore ceux
qui
jugent
sa
teinture
xistentialiste
ien
désuète.
D'une
façon
ou d'une
autre,
ces
phrases
sont
chargées
d'une
lourdeur,
d'un souci d'atteindre'essentiel
«
sérieux
,
«
fondamental
,
«
destin
,
«
engage
sa vie tout
entière
)
dont on
peut
accepter
qu'il
anima
H.-I.
Marrou,
mais
qui
devient franchement
nsupportable
dès
lors
qu'il
est
donné comme
obligatoire.
L'historien-philosophe
éfinit
ne
norme,
xclut de
l'analyse
de
la démarche
historique
tous
ceux
qui
ne
conçoivent
as
leur
vie lestée
d'une
quête
de
l'essentiel
tous
les
athées,
finalement
).
H.-I.
Marrou
fait
peser
sur
tous
les
historiens
une fondamentalebligation e sérieux.
En
fait,
a
position
st
étroitement
épendante
de ses
conceptions
religieuses.
Quelle
est
cette
aventure
pirituelle
ont
on
nous
parle
?
A travers sa
recherche,
'historien
encontre
es
hommes
du
passé.
Ceux-ci
ui
apparaissent
différente
lui-même,
eurs
façons
de
penser
étrangères.
Mais
grâce
à sa
faculté
de
compréhension,
l
parvient
transformer
'Autre
n Même.
Du
mouvement
e
sympathie
ui porte
l'historien,
ésulteune
«
communion
pirituelle
avec les hommes
dont
il retrouve
a trace. Une
chose
est claire
ce
qui
fonde
cette
commu-
nion,
c'est
l'idée chrétienne
'une universalité
u
fait
humain,
d'une
unité de
l'homme
n
Dieu. Sans
la
Foi,
sans
le désir
de
saisir
l'incar-
nation de Dieu dans l'Histoire, a sympathie, t donc la démarche
historique,
n'aurait
pas
de sens.
L'aventure
spirituelle,
'est
la
ren-
contre
de Dieu.
Enfin,
'engagement
ersonnel
me
paraît
trop
étroitement
éfini
ar
H.-I.
Marrou,
t cela
de
deux
points
de
vue
-
Il
concerne
uniquement
e
sujet
que
l'historien
borde,
le
pro-
blème dont
l traite.
Certes,
'idée
que
le
destin
emprunte
des voies
quelquefois
détournées
et souvent
mystérieuses
suggère
d'autres
dimensions,
mais
l'auteur
néglige
de
les
explorer.
Or,
-
et
notre
ques-
tionnaire
st
là
pour
le
rappeler
-
,
l'engagement
u chercheur
st
aussi d'ordre
nstitutionnel
il vise
parfois
'élaboration
'un
problème
théorique énéral. n outre, 'attachement la recherche euts'ancrer,
plus
que
dans
le discours
tenu,
dans
une
pratique
qui
convient
à
l'individu,
ar
son
aspect
obsessionnel,
u
pour
le
moins,
rassurant.
H.-I.
Marrou
néglige
que
l'histoire,
out
en
étant
une
approche
de
problèmes mportants,
st aussi
-
et
le mutisme
es
historiens
ur
eux-
mêmes
e
souligne
un
moyen
d'échapper
d'autres
questions
non
moins
entrales.
'essentiel
t
le
futile,
a
quête
et
la fuite
e
rejoignent
parfois.
-
L'engagement
u chercheur
st
situé,
out
ntier,
ans sa
démarche
consciente
t
volontaire.
n
l'a dit
le
discours
de
la
profondeur
even-
diqué par
H.-I.
Marrou
doit,
paradoxalement,
mprunter
es
chemins
de la clartéet de la lumière divine ). Mais, le point de vue de la
conscience
aisonnable
st
une
citadelle
ssiégée,
u
milieudes
réflexions
théoriques
u
xxe siècle.
Cheval
de
Troie
de
rigueur
Freud
se cache
derrière
ophocle.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 62/128
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 63/128
62
scrupuleuse
peut apporter
à ce
qu'en
termes
empruntés
Sartre
j'avais
proposé d'appeler
sa
"psychanalyse
xistentielle"
p.
232).
Cela
concerne ussi
bien
l'énoncé
de
ses
postulats,
on
itinéraire
ntérieur,
que
le récit de la
genèse
de son œuvre. Cette
pratique
tend,
aujour-
d'hui,
à se
développer
dans
le
cadre des
préfaces,
lors
même
que
H.-I.
Marrou,
onscient
es difficultés
e
l'exercice,
référait
miser sur
les
vertus du
recul
chronologique
t donc
de
l'analyse
rétrospective.
(Ce
qu'il
fit
ui-même
n
ajoutant,
reize ns
après,
une retractado
sa
thèse
sur saint
Augustin).
'exemple
n'a
guère
été
suivi,
et le
discours
que nous analysonsreste,avant tout,proposé comme une mise en
garde
préliminaire.
Encore celui-ci onnaît-il es
formes rès variées.
Outre
e texte
de
P. Vilar
déjà
évoqué, e
me limiterai
deux
exemples.
Dans
l'intro-
duction de son
livre,
Le
péché
et la
peur,
J.
Delumeau,
fort de
la
constatation
ue
les
historiens
s'impliquent
ans
leur
enquête
et
s'en-
gagent
dans
ses conclusions
et du souci
d'honnêteté
ui
en
découle,
veut se
garder
de
«
dissimuler
son]
propre
sentiment
ur
le dossier
qu'[il]
présente
(8).
Aussi,
avoue-t-il
a
croyance
u
péché.
C'est
en
fonction
e
celle-ci
u'il
entend
montrer
e
qu'il
considère
omme
une
présence trop
forte de
la
culpabilité
dans
l'Europe
moderne.
Toute
l'entreprise eposesur l'idée que l'auteur e faitdu « trop , ou encore
sur sa
propreconception
u
péché.
l n'est
donc
pas
mauvais
qu'il
se
livre à
une
déclarationd'intention.
Mais,
par rapport
à
nos
préoccu-
pations,
l
s'agit
d'une
position
minimale,
n ce
qu'elle
réduit
'introspec-
tion à l'énoncé d'un
point
de
vue
(du
type
«
voilà
ce
que j'ai
voulu
dire
).
Ce texte
rapide
ne
peut
que
faire
regretter
'émouvant
récit
des
premières
mages
de
la mort
vécues
par
l'auteur,
qu'on
lit au
début
de
son
précédent
uvrage,
a
peur
en
Occident.
On
trouve,
n
revanche,
lus
de
profondeur
ans
l'introduction
u
livre de
J.
Chiffoleau,
a
comptabilité
de
l'au-delà.
En
reprenant
quelques lignes
de
Michelet
«J'aimais
la
mort...»),
'auteur
suggère,
avec forceet discrétion,a complexitédes rapportsque l'historien
entretient
vec
la
mort,
ainsi
que
les
problèmes
qui
en
découlent
pour
a recherche t
l'écriture
ans
leur ensemble
9).
Ici,
aucun
rapport
conscientn'est
établi
entre
ce
qu'on
pose
comme
caractéristique
u
sujet
connaissant
t ce
qu'on
livrecomme
connaissance
e
l'objet.
Utile
précaution
ontre
e
risque
d'un
retour à
la soustraction
ositiviste.
Il me semble
que,
s'il
y
a
actualité
du
problème,
'est
au niveau
des
pratiques
du discours
de
l'implication
u'elle
se situe.
Quelques
phrases
posées
en
guise
d'avertissement
e suffisent
as
à résoudre
le
problème.
l
n'y
a
pas
de
solution
déale
à
proposer.
Mais,
il me
semble
que
la
question
de
l'implication
oit
être intimementmêlée à
8. J.
DELUMEAU,
e
péché
t
a
peur
Paris, 983,
.
10-11.
9. J.
CHIFFOLEAU,
a
comptabilité
e l
au-dela. es
hommes,
a mort
t
a
religion
ans
a
région
'Avignon
la
fin
du
Moyen
Age,
Rome-Paris,980,
p.
11.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 64/128
63
l'ensemble
u
travail
t,
d'une
façon
ou d'une
autre,
'intégrer
ans
la
démarchemême
qui
se veut
rigoureuse,
u
au
moins
en certaines
de
ses
articulations,
e ses zones cruciales.
De ce
point
de
vue,
es
Dialogues
de
G.
Duby
et
G.
Lardreau
consti-
tuent un
exemple remarquable
d'introspection rofessionnelle.
vec
l'aide de
qui
débat avec
lui,
'historien
herche éclairer
sa démarche
épistémologique,
es
concepts,
es
présupposés
philosophiques
ui
la
sous-tendent.
ulle
part
le désir de
réfléchir
ur
soi ne rencontre
lus
de difficultést ne doit montrer utant
de ténacité
ue
lorsque
G.
Duby
évoque « les pulsionsdu désirqui s'introduisentans le travailmême
de
l'historien
. Pour
lui,
l'histoire
st une forme
d'auto-analyse,
mais
lorsqu'il
e demande
«
pourquoi suis-je
devenu historien
»,
il
ne
peut
que
reconnaître
'étendue e son
ignorance
10).
Lorsqu'on
revient
u
cadre
des
«
livres
d'histoire
proprement
it,
la
question
est
plus
délicate.
Que
doit-on
aisser voir de ce
dialogue
avec
soi-même
Cettedémarche
oit-elle tre
ivrée u lecteur u
rester
à
usage
personnel
Dans
quelle
mesure
A
cet
égard,
il
n'est
pas
inutile
e
rappeler
ue
la
formule
ameuse
de
Michelet
«
Biographer
l'histoire,
omme d'un
homme,
comme
de
moi
»
-
est,
pour
lui,
l'expression
'une
«
méthode
ntime
,
qu'il consigne
dans
le secret
de
son journal.
Au terme
de cette relecture
e
quelques
textes,
l
apparaît
que
le
discours
du
«
je
»,
par
la banalité
qui
est
devenue
a
sienne,
doit se
mêler d'autres
ypes
d'analyse,
t non
plus
être mis en
avant,
omme
lorsqu'il
tait
encoreoccasion
de manifeste.
e
qui importe
ujourd'hui,
c'est
de
multiplier
es
pratiques.
On
a,
certes,
nsisté ur
e
discours
narcissique,
ans toutefoismettre
en
place
un terrorisme
e
l'auto-analyse,
n
dogmatisme
e
l'introspec-
tion-confession.
n
fait,
notre
questionnaire
llustre
a
diversitédes
motivations
u'il
est
légitime
e faire ntervenir.
our
certains,
'atta-
chement
u
sujet
de
la
recherche
'emporte,
mais
ce
peut
être aussi
le MoyenAgedans son ensemblequi susciteune rêveriepersonnelle,
ou
encore
a
problématique
énérale
de
la
discipline
hoisie
et éven-
tuellement
es visées
politiques.
Pour
d'autres,
e
MoyenAge
relève
du
jeu,
ou
simplement
e tient
ucune
importance pécifique.
nfin,
out
dépend
du
type
de
sujet
choisi
on
ne s'attend
guère
à une ardente
10.
Dialogues, .
45-49. ans
vouloirfaire
parler
ceux
qui
n'ont
pas
répondu
notre
uestionnaire,
n
voit
ue
les
propos
e G.
Duby
ont ans
e
sens
de notre
nterrogation.
n même
emps,
ls
suggèrent
omment
lle a
pu,
dans
de nombreux
as,
rester
ettremorte. n
relèvera
ue
G.
Duby
développe
essentiellement
e thème
u
goût
pour
l'histoire,
onçu
commefortement
névrotique.
Je
me demande
i avoirdu
goûtpour
'histoire,
e
mettre
"fairede l'histoire", 'estpas le symptôme'unenévrose...) Pourcelui
qui
choisit
'histoire,
e
départ
e fait
par
ntroversion,
nfoncement
ers
es
racines.
l est
repli,
rotégé,
alfeutré.
ilence ne
pas
parler
ux
autres,ire,
déchiffrer,
onverservec
des ombres.
Monologue,
u
fond.
Un
départ
ui
n'enest
pas
un rester
nfermé
ans
une chambre les
archives,
es
biblio-
thèques,
e
refuge
les
chuchotements,
'odeur
u vieux
apier...
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 65/128
64
participation
u moi
chez
qui
étudie es
fluctuations
es
prix
agricoles
ou
la
comptabilité
ontificale.
Quoi
que...)
En
fait,
nier
l'existence
e
l'implication
ous
prétexte u'un
travail
e
déroule
dans
les
eaux
glacées
du
calcul et de
la
technique,
onduirait
réduire
ette
notion
à
l'atta-
chement
u
sujet
traité,
oit
finalement
la
sympathie
marrouienne.
Or,
nous
avons
insisté
sur
la nécessité
d'analyser
a
pratique
du cher-
cheuret
les satisfactions
ntimes
ui s'y
glissent.
Reste
que
le
dévelop-
pement
de
l'histoire
es
mentalités,
n
plaçant
le
dialogue
entre
sujet
et
objet
au
plan
des
façons
de
penser
t
de
sentir,
e
peut
que
favoriser
l'usaged'untonplus personnel ans l'analysede l'implication.
Enfin,
l
est
une
limite
que
le
discours
de
l'implication
e doit de
reconnaître,
t
qu'il
ne
peut
outrepasser
ous
peine
de se
disqualifier.
La
prise
de conscience
laquelle
l convie
ne
saurait
tre
conçue
comme
le
moyen
e
parvenir
un
contrôle
otal
du
discours.
Même
a
psychana-
lyse,
pourtant
ncline
ce
genre
de
rhétorique,
e
garde
bien
d'affirmer
que
la connaissance
e
l'obstacle
st
suffisant
our
e
surmonter.
ussi,
n'est-il
pas
question
de
promouvoir
n
idéal
de
la
maîtrise
de
soi,
accessible
grâce
aux
vertus
e
l'auto-analyse.
cet
égard,
l
se
peut
bien,
dans
certains
cas au
moins,
qu'une
démarche
aveugle
ne
soit
pas
moins
«
rentable
que
de
patients
fforts
'introspection.
'irait-on
as
jusqu'à une revalorisation aradoxale de la non-conscience e soi ?
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 66/128
WALTER COTT
(éd.
illustrée
ar
Edouard
rère, aris,
856)
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 67/128
Ovidio CAPITANI
LE MOYEN
AGE,
UNE
MENTALITÉ DU MULTIPLE
Les médiévistes
es
plus
conscients surtout
es italiens
-
se
demandent
ujourd'hui
s'il
est
légitime,
'il est
possible,
de résoudre
le
problème
de la
conceptualisation lobale
d'une
période
aussi riche
en éveils et en
origines
ue
le
Moyen
Age
en trouvant
ne reductio
d
unum
qui
rendrait
ompte
de
son
originalité,
e son
essentialité,
ui
en
somme e définirait.
'historiographie
n
œuvre
depuis
la findu siècle
dernier
fait
cette
tentative,
ui
s'est réalisée en
quatre
directions
-
celle de
l'intégralisme eligieux
le
Moyen
Age
chrétien,
a
Christianitasn tantqu'institution lobaleet epitoméde la société,de
ses
problèmes
t de
ses contradictions
-
celle de
la
découverte
d'une élite du
sang,
charismatique,
ans
laquelle
la
tradition
ermanique
de la
noblesse des
armes et
la reli-
giosité
e fondaient
n
une
expression
e vie sociale non
réductible la
dialectique
de classe
qu'objectivement
n
trouvedans
la
société
ndus-
triellemoderne
-
celle des doctrines
conomiques
d'inspiration
marxiste
-
celle du
spontanéisme
caractère
pluraliste
de
ce
qu'on appelle
«
giurisdizione
pontanea
,
particulièrement
ttrayant
our
l'historio-
graphiemédiévale talienne,ttentive saisir,dans ses caractéristiques
les
plus
profondes,
'histoire ommunale
ans ses
aspects
nstitutionnels
et sociaux
qui
ne
se
laisse
jamais
réduire aux éléments d'un état
rationnel.
A
qui regarde
ien,
ces
quatre
tentatives
istoriographiques
on seu-
lement
orrespondent
quatre approchesméthodologiques
ifférentes,
mais
-
en
l'état
actuel
de
l'historiographie
édiévale a
plus
accré-
ditée
-
elles
sont toutes
sensiblement
quivalentes
ustementparce
qu'elles
se
réfèrent
u
Moyen
Age.
Pour
la
première
irection
n
pourrait
iter e moderniste
afEaelo
Morghen
ui
propose
de
définir
lobalement
e
Moyen
Age
comme
une
périodedominéepar l'espritreligieux hrétien,ui inspireraitoutesa
vie
sociale,
vec
une
pétition
e
principe,
i l'on veut
puisqu'on
e
fonde
sur le
caractère
religieux
'une
période
nclue dans sa
chronologie
ui
reste
à
démontrer
et
est
indémontrable])
ui
finit
ar
masquer
tout
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 68/128
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 69/128
67
Christianisme
vait induitedans la société était
de loin
plus puissante
que n'importe uelle
déviance,
ustement
parce
qu'elle s'appuyait
ur
une
mentalité
ien
affirmée.
Il a été
dit,
non
sans
esprit, ue
l'histoire es mentalités
st
l'histoire
des
lenteurs,
es
processus
longs
et
non
homogènes
bloquer
l'his-
toiredes
autoreprésentations'esprit
ollectif n
une
dialectiqued'op-
positions
entre l'institutionnelt le
religieux,
e conformisme
t
la
déviance,
'a
pas
de sens. C'est une attitude
moraliste
uisque,
comme
pour
l'économie,
es faits
quantitatifs
ont
d'un
poids
certain
dans
l'appréciation es mentalités.Mais je ne voudraispas par là êtremal
comprispuisque
j'ai
d'abord mentionné
uatre
tentatives
istoriogra-
phiques,
or nous n'avons relevé
les traits essentiels
que
d'une
seule.
Parmi les autres
il
n'en est
pas
une,
Dieu
merci,
qui par
réaction
contre
'importance
ccordée
aux
phénomènes
de déviance
songe
à
faire du
Moyen
Age
le lieu
privilégié
u conformisme
eligieux,
as
même omme
xpression
'une nstitution
lobale
appelée
Christianitas
En
réalité,
es autresdirections
istoriographiques
nt cherché
e
façon
plus
ou moins
évidente,
une définition
xempte
de
contradictions
internes alors
que,
nous l'avons
vu,
a
première
entative
n
compor-
tait
-
,
et donc
plus
ouverte
ux éléments
es différents
rocessus
que
la réduction otalisantedu MoyenAge chrétienne réussissaitpas à
contenir,
t moins
encore à
comprendre.
n
substance,
e caractère
contradictoire
e la
définition
piritualiste
ésidait
dans
la dévaluation
totale
du moment nstitutionnel
ans
lequel
l'Eglise
elle-même
'ailleurs
s'était
définie
près
le
XIe
siècle,
avec les formes
de
pouvoir
monar-
chique, seigneurial,
ommunal
de
l'Europe
centrale
et
occidentale.
D'autre
part,
une histoire
médiévale
qui
serait
une
anticipation
de
l'histoire
des
rapports
entre
l'Eglise
et l'Etat était
rigoureusement
impensable
t c'est
justement
a
faillite
pectaculaire
de cette
concep-
tion
historiographique
atant de la fin
du XIXe siècle
qui
avait suscité
la réaction
d'au moins trois
des écoles
historiographiques
uxquelles
nous avonsfaitallusion, l'exception e celle qui se réfère ux thèses
générales
marxistes.
n
réalité
un des
plus graves problèmes
que
se
posent
ujourd'hui
es
médiévistes,
'est
ustement
a
place qu'il
faudrait
donner
l'institutionnel
t à
sa
corrélation,
ommeon
dit
aujourd'hui,
avec le
politique,
ustement
travers
a
fonctionnalité
ou
la non-
fonctionnalité,
e
qui
est
la même
chose
-
des institutions.
l est désor-
mais
inopportun
e
parler
de
la continuité e
l'Etat,
même si c'est
par
l'intermédiaire
e
l'adaptation
des
modèles
«
romano-germaniques
et
au delà
des formules
mitatives
'un
Cassiodore
dans les
Variae,
ou
dans les
apologues
de
la
Laus
Hispaniae
d'Isidore de
Séville,
u dans
le
mimétisme
ormatif
es
Leges
Wisigothorum
u
Burgundionum,
our
finalementboutiraux expressionsde type politologico-religieuxes
cercles
ntellectuels
e
l'école
palatine,
des
Specula Principům
arolin-
giens
et
post
carolingiens.
Mais à ce
point
l
reste
deux
problèmes
résoudre
l'Etat,
de structure
t de
fonctionnement
mpérial
romain,
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 70/128
68
n'existe
plus
mais
cela
ne veut
pas
dire
que
le
problème
du
pouvoir,
et
par
conséquent
du
politique,
ne
se
pose pas.
D'autant
plus
que
ces
problèmes
taient névitablementiés à
la
conscience
même de
la tradi-
tion
culturelle
omano-chrétienne
ce n'est
pas
par
hasard
que
nous
avons cité
Cassiodore,
nous
croyons
en effet
ue,
si le
pouvoir
est
culture,
a cultureest
pouvoir
-
et aussi
à la
tradition
germanique
dans
ses
aspects
de
violence
et
prédominance
militaire.
Certes,
e
pouvoir
et le
politique
ne
sont
pas
l'Etat.
L'organisation
politico-territoriale
érovingienne,
a
vitalité
politique
des duchés
péri-
phériquesque les Carolingiensvaientvolontairementaissé survivre,le recours des
moyens
ui
nous
apparaissent
lutôt
ommedes
expé-
dients
déologiques
destinés à entretenir
ne cohésion
entre des
élé-
ments
composites
de ce
qu'on
appelle héritage
mpérial carolingien,
tous ces
éléments
ne
sont
que
des faits
macroscopiques
ui
dénoncent
l'impossible
transmutation
u
politique
à
l'étatique
et
qui frappent
notre
magination
t
éveillent otre
uriosité ntellectuelle
'autant
plus
que
la
comparaison
vec
la réalité actuelle de notre
Etat
peut
nous
incliner
tenter
des
rapprochements
ans doute
anachroniques,
mais
sûrement
mpressionnants.
Dans
la
lignée
de la
sociologie
allemande
d'entre
es deux
guerres,
on a tellementepoussé oute dée « libérale d'Etatagissant u Moyen
Age
que,
devant
uand
même
expliquer
e
phénomène
e
l'organisation
du
pouvoir
ur
lequel
on buttecontinuellement
u
Moyen
Age
-
et ici
la
distinctionntre
Haut et Bas
Moyen
Age
est sans
importance
uisque,
une fois admis
le
principe,
l
n'y
a
pas
de différence ormelle
ntre
l'empire
arolingien
t
la
commune
talienne on
a eu recours
à un
grand
raffinement
philologique
dans la
terminologie
istoriogra-
phique appliquée
à ces thèmes.
Considérer 'Etat
et la société
comme
des
organisations
istinctes
uivant
des
concepts pératoires
our
l'état
libéral et encore
aujourd'hui
dominants
n'a
pas
de sens
pour
les
historiens llemands
qui
ont le
plus
d'audience
parmi
les
médiévistes
comme Otto Brunner t Karl Bosl.
Les
distinctions,
e
que
nous
appelons
en italien
a
«
separatezza
et
dans
une certaine
mesure
la
dialectique
entre
le
corps
social
et
celui de
gouvernement,
'institution,
t
le
politique,
ont
pour
toute
a
période
ui
va du VIe
siècle à la crise de
la
Querelle
des
Investitures
t
du
conflit
ntre es
Souabes,
a
Papauté
et
les Communes
XII-XIII*
s.)
une
transposition
onceptuelle
ndue
(dont
nous sommes
responsables,
nous,
es historiens
u
XXe
siècle),
dans
un tissu
historique
t
social
beaucoup plus
«
simple
et
compact.
Plusieurs iècles
et toute
une
aire
politico-culturelle,
elle
que
nous
pourrions
définir omme
eurogermanique,
nt
vu
les tentatives
sommetoutepositivespour cette école sociologiqueallemandedont
nous avons
cité
es deux
plus grands
maîtres de faire
«
fonctionner
la
société
selon
la
tradition
nobiliaire
du
pouvoir,
ù
seuls
les liens
de
sang,
les
alliances
familiales,
e
prestige
militaire,
permettaient
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 71/128
69
l'adhésion
une institution
omme a monarchie
es
aristocraties
ha-
rismatiques
ermaniques.
ette structure
ociale,
celle
du
Moyen
Age
eurogermanique
'était
pas
déchirée
ar
des conflits els
qu'entreEglise
et
Etat,
puisque
l'Eglise
elle-même
tait insérée dans
la tradition
de
puissance
familiale e la
noblesse,
u tels
qu'entre
monarchie
t aristo-
cratie,
puisque
la
transformatione
la noblesse d'élément
ocial
supé-
rieur
en élément
social
de service
n'intervient
ue
tardivement
ou
encore
moins
de conflits
e classes
tels
qu'une
partie
de
l'historiographie
médiévale
moderne
e l'est
imaginé.
La seule mobilité ocialeque cettevisionde l'histoire t de la société
médiévale
nvisage
st verticale
t elle
n'agit
qu'à
l'impulsion
u haut
à
la société des
nobles libres
qui
font du
souverain
un
primus
nter
patres
se substitueront
es
ministeriales,
ne noblesse
de
service.
A
la
puissance
de la
possession
héréditaire t
du
pouvoir
sur
les hommes
se
substitue
a
puissance
du service
dû au
roi,
mais
les
changements
n'ont
ieu
qu'en
haut.
Puis,
tout
d'un
coup,
c'est
la
rupture
quand
l'Eglise
se
dégage
du
corps
même de
la
structure
rganique
de
la
société
du
Haut
Moyen
Age
et
quand émerge
ne
force
ocio-économique
elle-aussi
substantiellement
trangère
la tradition
de
la noblesse
charismatique
ermanique
dont
a
puissance
tait
d'origine
oncière
celle de la cité communale t de ses groupes ociauxqui dans la ville-
indépendamment
e
leur condition
'origine
noble
ou
non)
-
trouvent
leur
identité
n
des
caractéristiques
ui
étaient
étrangères
u monde
germanique.
Il a été
dit et
répété ustement
par
Brunner t
par
Bosl
que
très
peu
étaient
eux
qui
en ce
monde
ouissaient
de
la liberté.
a condition
sociale
moyenne
tait
celle de
la liberté
non libre
parce
que
condi-
tionnée
par
le lien
vassalique, par
la
fonctionnalité
u service
rendu,
parce
que,
au
fond,
cette
liberté était
perçue
plutôt
comme
l'accès
aux conditions
d'existence
et
d'affirmation
es meilleures
dans
un
contexte ù ce qui comptait e plus c'était es rapportsde forceet les
possibilités
éfensives.
e
seul vrai
homme
ibre
-
pour
l'école socio-
logique
allemande
était
au
Moyen
Age
celui
qui pouvait
se
défendre
seul
-
condition
arissime.
Ne
me
demandez
pas
comment
out
cela
peut
concerner
'Italie,
comment
on
explique
certaines
mutations
radicales
et
imprévues,
V
Aufbruch,
e
Zusammenbruch
ui
sont
à mon
avis des instruments
conceptuels
nsuffisants,
a
représentation
l'intérieurmême
des
Communes
es
rapports
rofessionnels
t sociaux
qui
en se
reproduisant
continuent
e
garantir
a
fonctionnalité
ociale
dans un
cadre où
le
pouvoir
este
figé
ntre
es
mains de
groupes
amiliaux
ien
particuliers.
L'histoire ociale qui, suivant 'analysede ces historiens,endde plus
en
plus
à
se
considérer
on
seulement
omme
une
histoire
des
usages
mais comme
une
histoire
des
mentalités,
st actuellement
u
centre
des
débats
entre
es
médiévistes
n
Italie
et hors d'Italie.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 72/128
70
Il
ne faut
pas
oublier
que,
si
l'on refuse
d'appliquer
des
concepts
modernes la
compréhension
e
l'histoire
médiévale
-
ou tout au
moins à
une
partie
considérablede
l'histoire
médiévale de l'Occident
européen
c'est
que
l'on
constate
en
dernière
nalyse
que
le
Moyen
Age
ne
peut
se
comprendre
u'à
condition e
l'approcher
omme une
réalité
sociale
profondément
utre,
puisque,
à
ces
problèmesqui
ne
sont
qu'apparemment
nalogues
aux
nôtres,
lle a
fourni
es
solutions
bien
différentes.a
vraie
mentalité
médiévale,
embleraient
uggérer
les
historiens t les
sociologues
llemands est
celle
qui,
ustement
ur
le plan du quantitatifulturel e montre idèle la tradition e cohé-sion fonctionnelle
ntre
les divers
éléments sociaux
opérant
dans
l'Eurogermanie
t,
en
partie
aussi en
Italie. Cette
école
sociologique
isole
vraiment
es mentalités
«
Née en
grande partie
d'une réaction
à
l'impérialisme
e
l'histoire
conomique,
'histoire
es mentalités 'est
ni
la
renaissance
d'un
spiritualisme
épassé
-
caché sous le
vague
concept
de
psyché
ollective
par
exemple,
'idée de
Croisade,
ui
anime
plusieurs
mouvements
pontanés
de croisés en
différentes
ériodes
du
MoyenAge,
mais
surtout ux
XIe,
XIIe
et XIIIe
siècles)
-
ni l'effort
de
survivance d'un
marxisme
vulgaire
qui
y
chercherait
a facile
définitione
superstructures
ées
mécaniquement
es structures ocio-
économiques .
La
mentalité
'est
pas
un
«
reflet .
Je voudrais
jouter
que
la menta-
lité est la
consciencede
l'existant
historique.
Une conscience iée au
contexte t
non
pas
aux
interprétations
istoriques
es siècles suivants.
A
bien
regarder,
'histoire es
mentalités st une manière
de
faire de
l'histoire
ociale
(et
donc
inévitablement
e
l'histoire
conomique)
en
cherchant
ne
pas
oublier
'homme
omplet,
'homme
ui,
avant d'être
protagoniste
e
l'histoire,
st
protagoniste
e
l'existence
de manière
consciemment
onditionnée. t
même,
si vous
voulez,
l'histoire
des
usages
il
s'agit
de
voir si
l'attention e l'historien e
porte plus
sur
la
définition es éléments
politico-culturels
u sur
celle de
comporte-
mentssociaux liés à ces éléments,mais il ne s'agit en aucun cas de
présupposer,
our
ensuite
démontrer,
es
rapports
de cause à
effet,
privilégiant
e
comportement.
Dans cette
optique, qui
d'ailleurs
n'est
pas
celle de la
sociologie
allemande mais
française
mais la
position
historiographique
ran-
çaise
ne
serait
pas
compréhensible
ans
les
présupposés
conceptuels
et
terminologiques
llemands
-
il
est même
possible
de
résoudre
e
problème
des contradictions
pparentes
entre es
différents
ypes
de
mentalités
oexistants.
uisque
la
mentalité 'est
pas
un
réflexe uto-
matique,
nous la
reconnaîtronsmême au-delà des facteurs
homogènes
que
nous historiens
modernes,
ous cherchons tout
prix
à rassembler
autour d'un typedéterminé e mentalité. a schématisation st inévi-
table,
dans
un
champ
déterminé,
mais
plus
pour
distinguer
ue
pour
niveler.
Ce
n'est
pas
un
hasard si l'un des
livres e
plus
souvent
cité
-
avec un très
large
consensus
par
les
historiens-sociologues
ile-
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 73/128
71
maneis
est
précisément
e très
élèbreAutomne
u
Moyen
Age,
poque
de contrastes
psychologiques
rès
vifs,
de
souverains
machiavéliques
(avant
a
lettre)
t
qui
pourtant
e révèlent otés
d'une
grande
pietas.
Il
est
vrai
qu'on peut
refuser e
voir en Louis
XI
-
parfaite
llustration
de cette
manièred'être
ouverain
le modèle
d'une
application
atis-
faisante
de
l'histoiredes
mentalités
u
Moyen
Age justement
parce
qu'il
est situé dans
la
seconde
moitié
du
XVe
siècle,
l
est
encore
plus
vrai
que l'apparente
ontradiction
ntre
ses
actes
-
appui
à
la bour-
geoisie
contre
a noblesse
qui
sortait
puisée
de
la
guerre
de 100
ns
-
et son comportement religiosité t cynismepolitique
-
se révèle
l'unique
dimension ohérente
pour
comprendre
n
personnage
ons-
cient et attentif
t
donc
«
coexistant
aux
processus
évolutifs
ivers
de
la
société.
Mais avec
cela
on n'est
pas
encore
arrivé
à réduire
complètement
'histoire
du
Moyen
Age
à une
histoire
des
mentalités.
Même
Jacques
Le
Goff e
l'a
pas
osé,
bien
qu'il
soit
sans
aucun
doute
une des
personnalités
es
plus
stimulantes
'historien
t
médiéviste,
dotée d'une
nlassable curiosité.
Admettons
ue
le sur le
plan
des
«
mentalités
,
du
«
quantitatif
culturel
,
qui
se traduit
n
processus
ents d'évolution
ociale
et en
durées
économiques
non
traditionnelles,
a
problématique
e
la socio-
logieallemandepartantd'un renversementu privilège ue l'historio-
graphie
médiévale raditionnelle
vait attribué
ux
problèmes
Eglise/
Etat
»,
-
nous
l'écrivons
volontairement
ntre
guillemets
cette
problématique
vait remis
en
question
un des
aspects
fondamentaux
de la vision
du
Moyen
Age,
e
veux
dire l'isochronie
es
processus.
Je
m'explique
ce n'est
pas
seulement
a tradition
colastique
-
qui
pour
un
grand
nombre
st encore
fraîche
qui
nous
porte
«
unifier
et à
«
connoter
d'une
manière
homogène
out ce
qui
est
compris
dans
notre
millenium.
Un
des
plus grands
historiens
de l'économie
et de
l'histoire
ociale
du
Moyen
Age
dans
la
première
moitié
du
XXe
siècle,
Henri
Pirenne,
cru bon
de
couper
son
Moyen
Age
en
l'amputant
de
quelques sièclesau débutde la périodetraditionnelle,ommençantu
VIII® siècle
plutôt
qu'au
Ve
siècle,
avec Mahomet
plutôt
qu'Odoacre,
dans
la conviction
ue
les
processus
politiques,
conomiques,
ulturels,
spirituels
t
surtout
ociaux
étaient
llés
du même
pas
(en
isochronie
justement)
de
façon
à
arriver
u seuil
de
l'époque
moderne
dans
le
cadre
d'une
réalité
européenne
ssez
compacte,
u
moins en
Occident.
Ainsi
concluait-il,
n
1925
à
Princeton
puis
en 1927 à
Bruxelles son
livre
Les villes
du
Moyen
Age
«
laïque
et
mystique
out
à la
fois,
a
bourgeoisie
u
Moyen
Age
se
trouve
insi
singulièrement
ien
préparée
au
rôle
qu'elle
jouera
dans
les deux
grands
mouvements
'idées
de
l'avenir
la Renaissance
fille de
l'esprit
aïque
et
la
Réforme,
ers
laquelle conduisait e mysticisme eligieux.
Même
en
tenant
compte
du
point
de vue
particulier
ù
se
plaçait
Pirenne
celui
de
la
ville
-
et
peut-être
lus
encore
en se
plaçant
à
ce
point
de
vue
particulier
omme
au lieu
géométrique
ù
peuvent
e
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 74/128
72
rencontrer
t se rencontrent
es
processus
et
des
mentalités
diver-
geants,
l est
certain
ue
l'historien
elge
était
pour
la vision
opposée.
Exactement
0 ans
plus
tard,
Otto
Brunner,
vec
une ouverture
ur
l'histoire
ui
reste
difficile
étiqueter
on
a dit
de
lui
«
historien
e
quoi
?
»)
écrivaitdans
son
histoire ociale
du
Moyen
Age
Souvent
e
Moyen
Age
a été
représenté
omme
un monde
en
soi,
opposé
à
l'époque
moderne...
es
Lumières
et le
Romantisme
distinguent
e
la même
manière
es
deux
époques
historiques...
Moi
au
contraire,
e
voudrais
mettre
n évidence
'unité
de l'histoire
uropéenne...
es
phénomènes
typiquement édiévauxubsistentusqu'au XVIIIe etmême u XIXe s. ;
des tendances
pécifiquement
odernes e
peuvent
tre
comprises
ans
leur évolution
istorique ue
si
l'on
remonte
ustement
leurs
origines
médiévales
. Pour
comprendre
oute
la
portée
de
ces
affirmations
l
faut
rappeler
que
Brunner
st
un
spécialiste
d'histoire
graire,
mais
qu'il
n'a
jamais
compris
ette
histoire
omme
e
simple
hamp
d'enquête
d'un
seul
processus
historique.
l
y
a
repéré
la diffusion
e
ce
qui
pour
ui est
un ethos
propre
de
la vie noble
à
la
findu
monde
nobiliaire
même
première
moitié
du
XVIIIe
siècle).
L'ethos
que
le
protagoniste
du
livre,
e noble
autrichien
on
Hohlberg,
manifeste,
appelle
e
Moyen
Age
par
l'intérêt
u'il porte
à
la
science
agraire,
ar
son
attitude
erei-
nementpaternaliste nversles paysans,par le respectqu'il montre
envers
des
croyances
tranges
le
grain
qui
tombe
du
ciel,
l'ensorcel-
lement
des
animaux),
par
sa
méfiance
nvers
'alchimie,
ar
son
atta-
chement
des
formes
d'économie
rurales
caractéristiques
e la
sei-
gneurie
foncière,
ar
l'intérêt
t
la
compétence
vec
lesquels
il
gère
sa
propriété
mais
aussi
par
son
incapacité
réelle
(démontrée
ans
ses
écrits
sur
l'agriculture)
percevoir
es
principes
fondamentaux
u
cycle
conomique
t
de
l'économie
olitique
ue
pourtant
a
scholastique
avait
déjà
perçus.
Dans
ses
écrits,
à
une
époque
qui
était
celle
du
mercantilisme,
es
conceptions
mercantilistes
'apparaissent
qu'occa-
sionnellement
t
superficiellement.
Si je me suis attardé ur cet exemple 'est aussi par goûtdu para-
doxe
car
von
Hohberg
xprime
ellement
a survivance
e
mentalités
et
de
conditions
ocio-économiques
médiévales
-
plutôt
même
des
premiers
emps
du
Moyen
Age
-
qu'il
semble
pour
ainsi
dire
«en
retard»
non
seulement
ar
rapport
ux
conceptions
mercantilistes,
l'économie
olitique,
l'absolutisme
u
XVIIe et
plus
loin
du
XVIIIe s.
mais
aussi
à
l'éthique
conomique
u
Moyen
Age,
ux
premières
ormu-
lations
du
concept
même
de
capital,
qui
remontent
ux
XIII* et
XIV*
siècles.
Un
bloc
erratique
Nous
sommes
oujours
plus
convaincus
que
non,
i
nous
pensons
ux
conditions
e la
propriété
oncière,
urant
ces
mêmes
siècles,
en
Italie
méridionale.
L'importantst d'accepter u départ a possiblité ue les processus
évolutifs
e
sont
pas
isochroniques
t
que
des
formes
'Etat
absolu
et
de
société
bureaucratisée
oexistent
gagnantes
ou
perdantes,
peu
importe
avec
des
formes
de
féodalité,
e
seigneurie
nobiliaire,
e
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 75/128
73
commune.
u'elles
soient
gagnantes
u
perdantes,
e
le
répète, mporte
peu,
parce
que
considérer
n modèle
comme
gagnant
u
perdant ignifie
qu'on
ne croit
pas
à
la
simultanéité
ffective
'éléments
ifférents
ui
réciproquement
'influencent.
eci est
capital
si on
veut
comprendre
aussi
la
vive
réaction
ui
s'est
manifestée,
urtout ans
l'historiographie
consacrée
ux
origines
des Communes
n Italie centrale
t
septentrio-
nale
-
dans
leur
phénoménologie
rbaine,
rurale ou
castrale
-
face
à toute tentative
de
liaison avec
le
système général
d'organisation
publique
l'intense
pplication
de
la
micro-analyse
u
territoire,
es
familles, es liens de parenté,des propriétés, es structures graires,rendait ainetoute formede coordinationohérente ntre des
noyaux
politico-sociaux
ui apparaissaient
hétérogènes.
'autonomie
des com-
munes
par rapport l'organisation
ationalisée
de
la structure
mpé-
riale
-
il
suffit
e
penser
une fois de
plus
aux
surprenantes
onstruc-
tions
uridiques
d'un
Bartolo et d'un
Baldo
-
est
une nécessité
dans
un
système
rationnel et
homogène,
mais cette
condition
n'est
pas
pour
autant réalisée
une fois
pour
toute
après
la
paix
de
Constance
les
tensions
ntre es Communes
t
l'Empire
se
poursuivirent
'une
manière ncore
plus
dramatique
usqu'à
Frédéric
I
et
dans
me certaine
mesure,
usqu'à
Henri
VII. Ceci
pour
dire
que
les thèses
du
sponta-
néisme, e l'autojuridictionolontaire, ermettente saisir le moment
initial
de certains
phénomènes
'agrégation
olitique
et sociale
(nous
pensons
aux communautés
as
traies,
à l'établissement
e
rapports
contractuels
ntrecollectivités
t
seigneur,
l'érosion
des
pouvoirs
de
l'évêque
par
des
groupes
de
vassaux et
capitami)
mais
ne
peuvent
pas
conduire
exalter
une
histoire ocale
au sens
strict.
Justement,
'accu-
sation
de chaos
comme
dérivé
négatif
'un
certain
ationalisme
istorio-
graphique
aractéristique
e
la
fin
du
XIXe
siècle,
que
l'intérêt
enou-
velé
pour
l'histoire
ocale
de
bon ou
excellent
niveau
veut
justement
rejeter,
n démontrant
u'il
n'y
a chaos
que
si
l'on
présuppose
un
ordrerationnel
t une
relation
ntre es
différentes
omposantes
ocio-
politiquesdu mondemédiéval,précisément ette accusation, juste
titremise
à la
porte,
risque
de rentrer
ar
la fenêtre
i l'on
n'a
pas
pris
a
précaution
e se
rappeler
ue
ces
composantes
elevaient
imul-
tanément e
plusieurs
processus
historiques.
Un
organisme
cclésias-
tique
en tant
que
tel ne cessait
pas
d'être
un formidable
noyau
de
pouvoir
économique
et
même
souvent
militaire
d'être
relié à
une
structure
énérale
omme
'Eglise,
d'avoir
des
obligations
t
des clien-
tèles
qui réagissaient
es
unes
aux autres.
L'important
st
de
ne
jamais
oublier
uand
on
étudie
es
phénomènes
ocio-politiques
u
Moyen
Age,
le
caractère
minemment
t
objectivement
ontractuel
e
la
rationali-
sation
de la vie
collective
qu'est
l'organisation
uridique
générale,
a
pacification,a fidélitéurée, e lien féodal objectivementontractuel
puisqu'instable,
e valeur
proportionnelle
sa
capacité
de
maintenir
et
de
dépasser
des
conditions
ui
avaient,
un
moment
onné,
ssuré
un
équilibre
déterminé.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 76/128
74
Ce n'est
pas
le
règne
du
désordre,
ni le
règne
du
provisoire,
mais
bien celui
de la
conflictualité,
es tensions
ntrinsèques.
Un
exemple
spectaculaire
Frédéric
Barberousse
voulait
sans
aucun
doute
promou-
voir
t
multiplier
es
liaisons
entre
des réalités
particulières
seigneuries,
communes,
rganismes
cclésiastiques)
et
l'organisation
ublique,
au
moyen
du
rapport
féodal
qui
assurait
à
l'Empereur
a continuité
e
l'aide
militaire
t
financière,
t
garantissait
e
pouvoir
eigneurial,
aci-
litant
d'une
certaine
façon
un
processus
de
recomposition
olitique
mais
parallèlement
cette
politique
il en
amorçait
une
autre,
de
contrôle urementmilitaire, ar la constitutione noyauxfortifiés,e
postes
d'observation,
u seinmêmede collectivités
uxquelles
on offrait
par
ailleurs
une
pleine
autonomie.
Ce n'était
pas
seulement
ne
ruse,
un
expédient
olitique
passager,
mais
cela
exprimait
ne
réelle
cons-
cience
de
l'instabilité
u schéma
politique
complexe
que
l'on voulait
promouvoir.
ue
l'on ait
privilégié,
ans
la
proposition
e
liaison
entre
Communes
et
Empire,
a
forme
du
lien
féodal,
voilà
qui
«
est
en
harmonie
vec
la
mentalité,
a sensibilité
propres
aux
classes
domi-
nantes
et
aussi certainement
onforme
la
représentation
u
rapport
politico-institutionnel
ue
se
faisaient
es
groupes
ou
ces éléments
ui
étaient
devenus
dominants
râce
à
la
constitution
en
libres tenta-
tivesde domination olitique de communautés e typeset origines
différents.
eci
apparaît
encore
plus
vrai
si l'on
pense
que
ce
type
de
rapport
end
exprimer
es
relations
ans
les domaines
es
plus
divers
même
en
dehors
des
champs politique,
conomique
t
social
le condi-
tionnement
ntrinsèque,
e
qu'on
a
appelé
«
l'élasticité
es
applications
de
la relation
éodale
garantit
tous
ceux
qui
le nouent
a libre
nter-
prétation
e ce
rapport
même.
La
définition
uridique
des
institutions
éodo-vassaliques
e
renforça
et se
perfectionna
n
même
temps
que
se réduisait
e
besoin
que
pou-
vaient
avoir
ces
institutions,
daptables
à
n'importe
uel
contenu,
de
renvoyer
ux
fictions
énérales
onçues
comme
ssentielles
e
la
société
médiévale. a relative ixité es conceptualisationsmodernesdes insti-
tutions
d'Etat,
norme,
négociation,
ui
est
une donnée
spécifique
de
notre
mentalité
st
totalement
trangère
celle
du
Moyen
Age.
Même
l'interprétation
rganiciste
lassique,
de
la société
comme
corps,
si
récurrente
ous
la
plume
des
auteurs
de
théologie
t
de théorie
poli-
tique,
se
dissout,
dans
les
polémiques
entre
tenants
du
roi
et
de
la
curia,
en
une
dispute
ur
le
légitime
onctionnement
es
parties
de
ce
corps.
Et
voici
que
nous
reprenons
insister
ur
a différence
ondamen-
tale
entre
a
mentalité
médiévale
t la
nôtre,
mais
conscients
ésormais
que, parlant
de
Moyen
Age,
nous
nous
référons
on
pas
à
une
masse
compacte
de
siècles,
mais
à
une
composante
e
notre
histoire
ui
ne
se
réduitpas à une pureet simpleanticipation es thèmesdominants e
notre
ociété,
même
si
elle
les
annonce
et
si
elle
leur
offre
n
quelque
sorte,
n
support
e
projection.
Ainsi
a continuité
ntre
e
Moyen
Age
et
l'époque
moderne
marque
aussi
la
différence
éelle
entre les
deux
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 77/128
75
époques
la
frontière
orrespondustement
la
définition,
la
simpli-
fication
des
modèles
socio-politiques
t
économiques,
suivant
des
schémas
tables,
ortementationalisés
partir
d'éléments
ouant
diver-
semententre
eux. Le véritable
Moyen
Age
existe dans
la faculté
de
participer
imultanément des réalités t des conduites
différentes
ui
composent
'histoire
uropéenne,
n une
ligne
chronologique ui
dans
certains as
pénètre
bien avant
dans
le
monde dit
moderne,
t aussi
dans
la
complexité
es
rapportsque
nous,
nous
sommes habitués à
saisir
dans leurs
conséquences
t dans l'évidence
e
leurs automatismes
(le fonctionnemente l'appareildes servicesde l'état, 'inévitable rédo-minance es modèles es
plus
rationnels 'association l'uniformitées
structures
e
gouvernement,
tc.)
et
que, par
erreur,
ous cherchons
à
où ils ne
pouvaient as
être,
parce que
justement
ans
ce
qu'on appelle
le
Moyen Age personne
ne
songeait
à les
chercher,
les considérer
comme
els.
Il
nous
reste à
parler,
brièvement,
'une
certaine
conceptualisation
globale
du
Moyen
Age,
sous
l'angle
économique,
omme
époque
du
mode
de
production
éodal,
puisque
ce
que
nous
appelons
es
«
forces
de
production
a
bien
sûr
dû avoir
un
poids
et un rôle
dans cette
«
constante nstabilité où nous est
apparu
le
Moyen Age,
si nous
voulons considérer 'exploitationde masses de serfs et d'hommes
libres,
ndifféremment,
omme
conséquence
de l'arrêt
dans
l'expansion
conquérante
es
Francs,
après
la
grande
dilatationde
l'empire
caro-
lingien.
A
ce
propos,
comme
l'a récemment
éaffirmé
eorges Duby
dans un livrecélèbre Les trois
ordresou
l'imaginaire
u
féodalisme
«
Obscurément,
n mouvement e mit dès lors
en branle
qui
retourna
vers 'intérieur out
e
système
militaire,
'est-à-dire
e
goût
de
prendre
de
force,
es
déprédations...
'avidité des
gens
de
guerre
détermina
l'intensification
u
travail
rural,
a
mise
en valeur des
terres
vierges,
le
perfectionnement
es
techniques
gricoles
(pp.
188,
190).
Le nivelle-
ment ntre ibres t non
ibres,
a
préoccupation
'avoir
pour
fondement
de leurpouvoir politique t économique nonpas tant une grande
extensionde
terres,
qu'un grand
nombre
de
travailleurs,
ut
aussi
pousser
les
seigneurs
qui
n'étaient
absolument
pas
contrôlés
par
une
institution
onarchique
rop
faible,
Yimbecillitas
egum
à favo-
riser cette
croissance
démographique
'après
l'an
1000,
qui
reste un
des facteurs écisifs
e toute 'histoire
e
l'Europe
et
qui
a
suscité,
u
long
des
générations
'historiens,
es
explications
es
plus
diverses.
A
propos
de cette
présentation
ui
doit
beaucoup
à une
terminologie
courante,
mais
pas
vraiment onfirmée
comme
pourrait
e
prouver
une
simple
confrontation
vec un
classique
en
ce
domaine,
je
veux
parler
de la Théorie
Economique
du
Système
Féodal de Witold
Kula,
qui se réfère 'ailleurs ux XVP-XVIIP siècle en Pologne- Giovanni
Tabacco,
qui
est un de
nos
plus grands
médiévistes,
fait
des obser-
vations
pénétrantes
ui peuvent
e
résumer
n deux
points
a)
si
la
conception lobale
du
Moyen
Age
comme
période
des
«
modes
de
produc-
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 78/128
76
tion féodauxdoit
être
comprise
omme
conjointe
une
réelle
auto-
nomiedu
processus
conomique,
n
tant
que
facteur éellement
nifiant
des différentes
rticulations
e l'évolution
historique,
aire remonter
ses motivations l'action d'un élément
xtérieur
l'élément
politico-
militaire e la noblesse
signifie,
ncore
une
fois,
econnaître
a subor-
dination,
eut-être
même
xcessive,
u moment
conomique
u moment
politique
b)
dans
la
présentation
ue
nous venons
de
rappeler,
n
admet
que
durant a
période
carolingienne,
ans les
aires où
ce
phéno-
mène
«
d'orientation
l'intérieur u
système
militaire
ranc
t ce
nivel-
lement ntre ibres et non libres se seraienteffectivementroduits,simultanémente sont déroulés es
processus typiques
de l'économie
qu'on
considère
érivée
des modes de
production
éodale.
Or,
d'un
côté,
il
reste
à
prouver
ue
la
période
carolingienne
it été une
période
de
croissance
conomique
uniforme d'un
autre
côté,
en
Italie,
à
la survi-
vance de certains
ignes
positifs
n économie
ux
IXe-Xe
iècles corres-
pond
la
persistance
e
noyaux
d'hommes
ibres,
ctifs,
ncore
posses-
seurs de terres t
capables
-
comme
en
témoigne
a
documentation
a
plus
anciennerelative
l'Italie
septentrionale
d'initiatives
omplète-
ment autonomes
de déboisement
t de
bonification
es
marais
ces
faits
pouvaient
e
rapporter
dans
leur
origine
non
pas
toujours
à un dessein exclusivementolitique (qui certainement,n plusieurs
cas,
agit
délibérément
u-delà
des connotations
e
classe)
mais à
une
reprise
«
naturelle
(je
le dis entre
guillemets)
près
une
période
qui
avait connu
des
invasions
des
Normands
ux
Sarrasins
t aux
Hongrois)
des
épidémies,
es famines.
Au
fond,
e
plus
grand
historien
e
l'époque
féodale,
Marc
Bloch,
n'a
pas
insisté,
eut-être
vec
raison,
ur
a
«
peur
qui
était si
courante
au X*
siècle,
ur
le
souci
de sécurité
personnelle
ui préoccupait
même
les
puissants,
ur
ces
«
aventures
u
corps
(et
il vaudrait
mieux
parler
de
mésaventures)
ui,
dans
la
période
dont
on
parle,
ne
dépassait
que
rarement
ne
moyenne
e
cinquante
ns. La thèse
de Witold
Kula,
déjà
cité, ppliquéeau contexte e l'Europeoccidentale, e tientpas quand
il
affirme
ue
«
les
calamités
naturelles
t
les dévastations
e la
guerre,
considérées
omme
phénomènes
ocialement
éterminants
taient
es
éléments
tables,
normaux
u
fonctionnement
u
système
éodal,
ù le
rendement
es
instruments
e
travail
était
bas...
»
Même
une connaissance
modeste
et
superficielle
es
phénomènes
démographiques
t de
l'histoire
pidémiologique
montre
u'en
France
t
en
Italie
justement,
a
période
qui
suit
celle où
se
serait
constitué
e
«
mode
de
production
éodale
et
justement
n
concomitance
vec
la
crise
de
«
certains
modes
de
production
,
dans
des
régions
déterminées
où s'affirmaient
ar
exemple
des
phénomènes
omme
le
phénomène
urbain, économiquement ifférentses processus qui se déroulaient
dans
les
campagnes
t
pourtant
nfluant
irectement
ur ces
processus,
il
y
eut
une
croissance
ninterrompue
e
la
population
qui
conduisit
les
campagnes
à
la
crise
et
les
villes
au
gigantisme,
vec toutes
les
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 79/128
77
conséquences
ien
connues
même
avant
e tournant
ocial,
économique
et moral
que
fut
a
grande
peste
de 1348.Jamais
autant
qu'en
relisant
La
Société Féodale
de Marc
Bloch on
n'a la sensation
ussi
nette
que
si
l'on
veut
qualifier
vec cet
adjectif,
dont on
a tant
abusé,
même
tout à
fait
à
tort en
l'appliquant
à une structure
ocio-économique,
quand
on
doit dire
seigneuriale
si on
veut,
disais-je,
qualifier
ne
époque,
une
«
civilisation
dans
le sens
du mot
allemand Kultur
on
doit se
préoccuper
des
autoreprésentations
ui,
si elles
sont
toujours
en corrélation
vec les
idées,
ont
pourtant,
eaucoup plus
que
celles-ci,
dissociéesdes constructionsystématiques elles ont une profondeur
variable,
d'ailleurs
amais
très
grande,
lles émanent
de ces
situations
qui
doivent
onfluer ans
une vision
complexe,
lles
ont,
e
le
répète,
un indéniable
apportmajoritaire,
e
que
nous
entendons
ar
l'expres-
sion
quantitatif
ulturel.
Il existe
alors
un
MoyenAge,
qui
n'est
pas
uniquement je
dirai
qui
n'est
pas
surtout
un bloc
homogène
u seulement
ichotomisé
entre e Bas
et le
Haut
Moyen
Age,
mais
qui
fait
référence
une
manière
d'être,
de
penser
et
de
vivre,
ntrinsèquement
t structurelle-
ment
polydirectionnel,
mprévisible
t,
si
vous
voulez,
pensant
aux
nivellements
xistentiels
e notre
époque, beaucoup
plus
«
libre
que
ne l'est - je ne dirais pas seulement 'époque moderneet contem-
poraine
mais
que
nous-même
e réussissons
l'imaginer
t à le recons-
truire,
l'aide
d'une
philologie
qui
est
pourtant
aujourd'hui
très
aguerrie.
elle-ci
evra nous
fournires
morceaux xacts
du
«
puzzle
:
mais
le
dessin
de ce
dernierne
nous sera
jamais
fourni
xclusivement
ni même
principalement
ar
les
modèles,
aujourd'hui
presque
sans
alternative,
e notre
ociété.
Et c'est
précisément
our
cela
que
parler
du
MoyenAge
a encore
un sens *.
*
Cet article
aru
en italien
dans la
revue
ntersezioni
II-1-1983,
été
traduit
ar
Lada
Cáillat-Hordynsky
t Odile
Redon.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 80/128
Jean DEVISSE
QUE
FAIRE DU « MOYEN AGE
» ?
L'unedes plusgrandesdifficultésue recontre'organisationhrono-
logique
de
l'histoire e
l'Occident st celle de la
périodisation.
orgée
après coup
et
par mépris
des siècles
qu'elle
enferme ous
une dénomi-
nation
commune,
'expression
Moyen
Age
est
peu
adéquate.
L'idéo-
logie
chrétienne
cette construction es hommes
qui
n'a
que
des
rapports
ndirects vec la
foi en
un
Dieu
unique
-
pouvait
à la limite
s'en
accommoder,
u
prix
de
quelques
contradictions
t tensions
c'est
un
Jésuite
qui
a
«
inventé e
Moyen Age
.
On
pouvait,
à
n'y
pas
regarder
e
tropprès
considérer
es
dix
siècles
concernés
omme ceux
où
s'est
épanouie
a foi chrétienne
plus
sommairement
ncore,
n
n'a
parfoispas hésité à y reconnaîtree « tempsdes cathédrales » - ces
monuments
u'un
esprit
vengeur
traiterait
n
jour
de
«
gothiques
,
c'est-à-dire
arbares. A la limite
'expressionpouvait
garder
un
sens
pour l'Europe
Occidentale,
condition
d'évacuer du
Moyen
Age
en
question
es milliersd'êtres
qui
ont
vécu
dans
l'Islam
depuis
l'Hégire,
les millionsd'Africains ont l'histoire
st continue
depuis
10
000
ans,
les milliards
d'Asiatiques
maîtres
de culturesantérieures
u christia-
nisme
pour
ne rien
dire des
vrais
Américains,
ui
ont
presque
disparu
de leur terre
après
1492.
A la limite
encore,
'unité était
perçue
non
seulement
ar
la
foi commune
si riche
en variations
égionales
ite
baptisées
«
hérétiques cependant
mais aussi
par
la
langue
latine,
commune ependant de faiblespourcentages es peuplesconcernés.
Peut-être n sentiment
égatif
de l'unité
a-t-il onsisté
dans la
peur
«
des autres
.
Les
«
autres
: Scandinaves
et
Slaves,
Turcs
puis
Mon-
gols puis
Ottomans,
Musulmans,
Africains
Noirs,
sont à des
degrés
différents,
ongtemps
perçus
comme
menaçant
l'existence
même de
l'Europe.
«
Païens
»
ou
«
schismatiques
,
«
fils
du diable
»,
ils
rappellent
au
moins
usqu'au
XIII* siècle
-
et de
nouveau
u
XV*
ncore
que
dans
un tout utrecontexte
le souvenir
magnifié plaisir
des
«
Invasions .
Les
Germains,
utre
type
de
«
l'autre
qu'il
a
fallu
dompter
t
éduquer
constituent
ne
image
motrice
de l'histoire
de
l'Occident
usqu'au
XX*
siècle
et
aussi
-
c'est
plus
étonnant
un
topique
irrationnel-
lement ransposé ans l'histoire es autrescontinents. ui n'a pas eu,
dans l'histoire
que
nous avons
fabriquée
pour
les autres
mondes,
sédentaire
t
«
civilisé
,
à
éduquer
ses
«
germains
ou
turcs,
Scandi-
naves,
slaves...
-
plus
ou
moins
nomades,
barbares
et
à
la limite
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 81/128
79
«
régénérateurs
de
civilisations
languies
La
«
structureMontes-
quieu
»
fonctionne
ncore à
merveille.
Après quelques
lustres
de
réflexion ur l'histoire
des
autres conti-
nents,
out
spécialement
e
l'Afrique,
orce
st
bien,
pour
moi,
aujour-
d'hui,
d'écrire
ue
la
notionde
MoyenAge
n'a aucune
pertinence our
les mondes extérieurs.
ien
entendu
e
ne retiens
ci,
pour
ne
pas
allonger
nterminablementes
réflexions,
ue
l'emploi
le
plus
banal,
le
plus
plat,
de
cette
xpression,
elle
qui
permet
e
désigner
n
espace-
temps
qui
va du
V*
au
XV*
siècle ne
chicanons
pas
sur 1453
ou
1492 Je n'entrepas dans la discussion,si intéressante ependant,
de
la
pertinence
mondiale ou non
?
-
de la
notion,
érivéeon sait
bien
comment,
e
«
mode de
production
éodal
:
ce
serait
un autre
thème
pour
une autre
réflexion.
Mon
interrogation
ctuelle,
à
partir
des constats
qui précèdent,
consiste
savoir si
«
MoyenAge garde
une valeur même en
Europe
occidentale.Je
pense que
non. Je voudrais dire
pourquoi.
Le
temps
des
comptables
Dans toutes es sociétés dont nous
connaissons
ujourd'hui
e
passé,
les hommes
nt
vécu
à l'intérieur e
temps
concrets,
ythmés
ar
des
phénomènes
onstatables le
jour
et
la
nuit entre deux
levers du
soleil,
le
«
mois
»
entre
deux
apparitions
comparables
de la
lune,
1'
«
année
entre deux
retours de
plantes
cueillies ou
cultivées,
de
gibiers
nimaux u
aquatiques
fidèles
u
rendez-vous
e
rythmes
iolo-
giques
bien
observés
puisque
toute
survie
dépendait
de cette
obser-
vation.
Mon
ami Robert Delort
est,
aujourd'hui,
'un des scrutateurs
les
plus
attentifs e ces
rythmes
t
des
calendriers
u'en
ont
tirés
es
hommes.
Les travauxrécemmentonduits, ous l'autorité u Professeur aul
Lemerle,
nous ont
montré
qu'une
telle
organisation
u
temps,
biolo-
gique
et
répétitive,
'avait
pas longtemps
uffi satisfaire a
curiosité
des
hommes.
a
profondeur
e leur
passé
ancestral es
préoccupe
vite,
même si
la
computation
énéalogique
demeure
très souvent
centrée
sur
la
subjectivité
t les
préoccupations
'un
groupeparfois
restreint
la controverse
ur le
passé
de
l'espèce
humaine
se
trouve
placée
au
centre
de
toutes
es discussions ntre
uifs
et
chrétiens
elle fait
appa-
raître
es
Chroniques,
ieu du
déploiement
es souvenirs
mportants
sur
une trame
continue et
plus
mathématiquement
esurée.
Rome
avait
donné,
vec
le calendrier
ulien,
une
première
mesure
abstraite
du tempsqui passe : le christianisme'a adoptéd'autantplus aisément
qu'il
était
riche,
déjà,
d'un environnement
pectaculaire
'observations
astronomiques
t
mathématiques.
e
temps,
ependant,
'avait,
n
soi,
aucun
contenu
déologique
il
pouvait
recevoir
'empreinte
déologique
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 82/128
80
que
chaque
culture
voudrait ui
donner,
ar
le
choix,
par
exemple,
u
point
d'origine
e la
computation
ontinue
nous
pouvons
'appeler
a
par
commodité.
éjà,
entre a
Rome
antique,
e
judaïsme
et les milieux
chrétiens,
ans
l'empire
romain,
a
discussion allait bon train
sur
la
situation
absolue
de ce
point
a
:
création de Rome ou
création
de
l'homme
par
Dieu ?
Il
est inutile
d'entrer ci
dans le
détail,
mais
il
faut
sans
cesse
se
rappeler
que
cette
préoccupation, ui
nous semble
aujourd'hui
dérisoire,
occupé beaucoup
de
bons
esprits
pendant
plusieurs
iècles.
Saint
Augustin
'était efforcé e
créer
pour
la chrono-
logie de l'espèce humaine une dimensionthéocentrée,ui donnât à
l'homme e
sens de la
durée et une
certaine
possibilité
d'approcher
a
notion
d'éternité
deux
perceptions
u
temps
singulièrement
bsentes
des
computations
ntérieures. l a
appartenu
au
disciple
trop
zélé
d'Augustin,
'Espagnol
Paul
Orose de traduire es
intentions n
institu-
tions,
créant une
situation
rréversible ont nous
n'avons
guère pu
sortir
usqu'à
nos
ours.
D'une
part
Orose
organise
e
temps
de l'histoire
de manière
désormais
ndéformable,
auf
à sortir
du
christianisme.
Aux
premiers
emps,
'homme été créé
libre de toute utre
contrainte
excepté
d'obéiren
tout
aux
ordres
divins aucune loi ne
pesait
sur lui.
Il a
librement
hoisi
-
deuxième
temps
de
l'histoire de
désobéir
et toute 'humanité st tombée, ès lors,sous le coup de la loi contrai-
gnante.
Dieu a
délégué
e Christ u
rachat
des
hommes,
es libérant
à
nouveau
par
la
grâce
nul,
cependant
ne
peut
obtenircette
grâce
sans
adhérer u
Christ
s'ouvre ainsi le troisième
emps
de
l'histoire,
dont
'aboutissement,
mprévisible, oint
Ū
que
Dieu seul
connaît,
era
le
Jugement.
u
même
coup
Orose
cristallisedeux dimensions ssen-
tielles
pour
a
suite des
temps.
Tout d'abord a
certitude
ue
l'histoire
a
un sens
irréversible t
téléonomique,
ompréhensible
eulement
l'intérieur
u
christianisme
d'autre
part que chaque phase
de
cette
Histoire st en
rapport
dialectique
nversé vec la
précédente.
n
peut
sans
peine
mesurer
ue
les enfants 'Orose
sont
présents
ans le monde
bien au delà de 1492 Jusqu'à Teilhard de Chardincompris, ucun
penseur
ui
n'ait cherché situer 'a
et
l'Q
et surtout a
signification
des
phases dialectiques.
Tout
le
débat
de l'Occident vec lui-même
st
contenu
à-dedans tout son
problème
de
comptabilisation
inéaire
du
temps,
oute sa
perception
ccidentalocentrée e
l'évolution,
oute sa
croyance
u
progrès
matériel,
éificationnversée
par rapport
u
Dieu
originel
t
projetée
sans réserve
vers
Q
est en
puissance
contenudans
Orose. Et avec ces
croyances
la véritédu
système
e
comptabilisation
du
temps pparaît
aussi la
conception
omptable
de son écoulement t
probablement
ne
perception
matérialiste
ésespérée
de la brève exis-
tence
humaine,
détachée
aujourd'hui
et du
temps
des
ancêtreset
du
tempsde Dieu et de toutprojet collectifgénéreuxde créationd'une
cité humaine
qui dépasse
la
vie
de
l'individu.
Les
contradictions
internes,
enues d'Orose dans notre
manière d'évaluer et
de
vivre
e
temps
n'ont,
l'évidence,
ien à voir avec le
«
MoyenAge
.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 83/128
81
Kaléidoscope
économique
L'un des
plus
dramatiques
ombats
qu'ait
mené
l'homme
est
celui
de
sa
subsistance,
elui de
la satisfaction
e ses
besoins
alimentaires,
non
seulement
our
a survie
de
l'espèce,
ondition
minimale,
mais
aussi
pour
sa
croissance
raisonnable.
Nous
avons sous
les
yeux,
ujourd'hui,
en
Ethiopie,
u Sahel
africain,
u
Bengladesh
par
exemple,
des
images
spectaculaires,
outes
proportions
ardées,
de
ce
qu'on
dut
être
les
difficultés
es
groupes
humains
dans
ce
domaine,
assées
les
premières
centainesde milliersd'annéesoù l'espace ne manquait pas encore-
même si
le
risque
environnemental
tait alors
incomparablement
lus
grand
qu'aujourd'hui.
'adaptation
de la
production
ux
besoins
a été
très
lente
en
Europe
Occidentale,
e
déséquilibre
entre
besoins
et
production
'a été
supprimé
u'au
cours
du
deuxième
uart
du
XIX* s.
il
ne
l'est
pas
encore
dans
certaines
régions
de
l'Eurasie
il
est
loin
de
l'être
dans
«
le
Sud
».
Les
véritables
volutions
mportantes
ont
très
entes et
très
ongues
dans
ce
domaine
on
les
suit,
en
Occident,
continûment,
e
l'époque
romaine
nos
jours.
Certes
a forte
poussée
démographique
es
IXe
?)-XIIIe
siècles
a
grand
ntérêt
t
importance
elle
éclaire
probablement
ne
certaine
frénésie
de
conquête
de
lieux
nouveauxoù produire, aute d'intensifieréellement t aisément es
rendements
mais
elle
est
compensée
ar
la
grande
dépression
umaine
des
XIVe-XVe
iècles
et
les
éléments
décisifs
de la
progression
es
rendements
atent
du
XVIIIe
siècle.
Où,
dans
tout
cela,
retrouver
os
chères
bornes
de
mesure
du
Ve et du
XVe
siècle
?
Peut-être
aut-il lors
abandonner
e
terrain
froid
des
phéno-
mènes
économiques ongs
pour
se
pencher
ur les
formes
ociales
de
la
production.
Qui,
aujourd'hui,
croit
encore
totalement,
u
progrès
décisif,
umainement
arlant,
de
l'esclavage
au
servage.
Certes
l faut
continuer
de
défendre,
moralement,
'impossibilité
'admettre
qu'un
hommedevienne ne chose entre es mainsd'un autre mais est-il rai
que,
en
tant
que
force
de
travail,
ous
les
esclaves
-
en
Europe
-
aient
été
globalement
t
moyennement
eaucoup plus
malheureux
ue
tous
les
serfs,
héoriquement
ibres,
mais
tout
aussi
dépendants
cono-
miquement
Notre
époque
sait
mieux
séparer
l'étude
des statuts
personnels
e
celle
des
situations
de
production
elle
n'envisage
pas
forcément
'admettre
ue
la
liberté
civile
et
le droit
à l'existence
religieusement
econnue,
'ils
sont des
conditions
nécessaires
-
au
«
Moyen
Age
-
sont
des
conditions
uffisantes
'une réelle
amélio-
ration
du
sort
des
producteurs.
'inégalité
de traitement
es
produc-
teurs
par
les
possesseurs
du sol
est
pour
une
faible
part
fonction
es
différencese statut ocial elle l'estbienplus largement es conditions
globales
du
rapport
de
force,
n
chaque
point
considéré
de
l'Occident.
Un
moment
squissée
par
les
historiens,
'histoire
ongue
de la force
de
travail
n'a
pas
été
traitée,
oncrètement,
vec le même
soin,
usqu'à
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 84/128
82
présent,
ue
celle de
la
production
lle-même
ou,
au
niveau
théorique,
celle des modes de
production.
ur ce
point,
es
travauxconduits ur
les
sociétés
africainesm'ont
appris
à
regarder
utrement es
rapports
de la forcede travaildes
hommes t
de leurs statuts
ociaux.
Si
l'on tente
de
comprendre
omment
'opèrent
es
mutations ucces-
sives de la
capitalisation,
es
choses ne sont
pas,
non
plus,
très
simples
chronologiquement.
omment onsidérer
es
producteurs
erriens
rra-
geois
du
XII*
siècle,
étudié
adis
par Lestocquoy,
ui
réinvestissaient
«
dans
le
drap
»
une
partie
des bénéfices irés de
la terre Comment
comprendree que nous a montréToubert de la gestionde certaines
abbayes
taliennes,
ès le
IX*
siècle,
oucieusesde
rentabilité inancière
de leurs terres Le
dégagement
e
surplus
capitalisables
st ancien.
l
a
été
plus
ouvertement
éalisé et réussi dans
le monde musulman
ue
dans
le
chrétien
ù,
usqu'aux
renversements
e
faitdu
XI
I*
siècle,
e
«
scandale de la richesse dans une
société
globalement auvre
est
demeuré
un
topique
dominant. ombiende
siècles
faut-il,
n
Occident,
à
partir
de ce
XIII'
pour que
les
formes
uccessives
tudiées et nom-
mées
avec
soin
par
les économistes t
les
historiens,
'accumulation
du
capital,
du
capitalisme rimitif,
ommercial
uis
industriel
e
déve-
loppent
il n'est
guère
difficile 'admettre
u'il
a fallu
six siècles
pour
que le phénomène rennetoute son ampleuret développeses consé-
quences,
souvent
i
négatives
t si
dangereuses
pour
les
producteurs.
Quel
espace-temps
aut-il
ès
lors,
étudier
pour
comprendre
et autre
phénomène
ong
? En
tout
cas
pas
«
le
MoyenAge
.
L'étude
des mécanismes
monétaires
onduirait de semblables nter-
rogations,
de
semblables
hésitations,
robablement
des conclusions
identiques.
lle
entraîne,
n tout
cas,
inévitablement,
s'interroger
ur
les
pouvoirs.
Fascination monarchique
Le
christianisme c'est le
moins
qu'on
puisse
dire
-
a eu du
mal
à
s'accoutumer
la
démocratie.
l
a fourni
ux
pouvoirs
d'Occident n
modèle
monarchique
de
fonctionnement
ui,
lui
aussi,
perdure
bien
au
delà
de 1492.
Beaucoup
de
théologiens
nt
défendu 'idée
que
l'auto-
rité,
conséquence
du
péché
originel,
st
voulue
par
Dieu
pour
gêner
l'action
du
diable
au milieu
des hommes t
maintenir
'ordre,
gage
de
paix.
Aux
vieux
rapports
e
force,
rès
physiques
t
souvent
anglants
des
royautés ermaniques,
la
perception
ationnelle
mais
bien abstraite
du
pouvoir
impérial
romain,
'Eglise
a
apporté,
en
particulier
en
EspagneWisigothiqueu VIP siècle, nAngleterreu VIII* et en Gaule
et
Germanie,
eu après,
une
construction
déologique
neuve. Oint
par
Dieu
dans
sa fonction
in
regimine
le
roi
-
rex
qui
dirige, ui
guide
-
est
intouchable,
omme
oint,
tant
qu'il
respecte
a
loi
chré-
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 85/128
83
tienne.
on contrat
'a
plus
rien
d'égal,
n'a
plus
de
contrepoids
umains
réels
-
sauf
lorsqu'il
consent
à
négocier,
de
gré
ou de
force
des
contrats.
De
l'onction
n
peut
aisément
tirer
e
droit absolu
de
gou-
verner
sous
le
regard
de
Dieu
»
:
Franco
ou Pinochet
nt
été ou
sont,
de
ce
point
vue,
dans
l'absolue
logique
du
système.
l n'est
pas
né
automatiquement
es monarchies
bsolues
ou
des
dictatures
de
ce
contrat
vec
Dieu.
Mais
il
est
singulièrement
clairant,
pour
en
com-
prendre
'importance,
e
voir,
au
XVI*
siècle,
e
Mani
du
Kongo,
que
nous nommons
Alfonso
er,
éaliser
pleinement
es
avantages
que
lui
procure, ans l'exercice olitairedu pouvoirce typede relation vec
Dieu,
par
rapport
ux relations
i
astreignantes
vec
les
contrepouvoirs
humains
ue
lui
imposait
a
tradition
fricaine.
Une
trace
indélébile
été
imprimée
la
pensée
politique
occidentale,
partir
de
ce schéma.
A.
Camus
a bien
vu,
dans
un
beau
chapitre
de
YHomme
révolté
les
Déicides
-
que
les
plus
lucides
des révolutionnaires
vaient
enti
qu'on
ne
pouvait
e
débarrasser
e ce
modèle
de
pouvoir
u'en
«
tuant
Dieu
».
Les
philosophes
u XVIII*
siècle
avaient
tenté
de faire
a
part
du
feu
en
équilibrant
et
exorbitant
ouvoir
par
de
savants
équilibres,
dont
très
peu,
finalement,
nt
été
durablement
éalisés
en
Occident.
Thomas
d'Aquin
avait,
plus
tôt,
pensé
rétablir
a
justice
par
le
célèbre
«per
populum qui lui paraissaitune garantiede la délégation onsentie u
pouvoir.
Rien
n'y
a réellement
ait Rousseau
est
probablement
e
seul,
avant
Marx et
combien
différemment,
avoir
compris
que
la
fasci-
nation
monarchique
que
celle-ci
fût
ncarnée
en
un homme
ou
en
des
oligarchies
de
types
divers
-
n'avait
qu'un
substitut
décisif:
la
démocratie
irecte.
En
Occident,
epuis
des
siècles,
es
grenouilles
e
cessent
point
de
demander
n
roi,
quitte
le
guillotiner,
our
'exemple,
de
temps
à
autre.
Tant
est
implantée
ette
idée,
d'origine
hrétienne
mais
aussi
romaine,
ue
le
pouvoir
a
besoin
d'être
incarné
dans
un
personnage
uissant.
Même
si
la
généralisation
u
«
per
populum
a
fondédans
le
principe
a
démocratie
moderne
d'Occident,
même
si
le
pouvoirn'estdéléguéque temporairement,ême s'il est soumisà des
contrôles,
a vieille
mage,
plus
vieille
même
que
le
christianisme
u
Rome,
du
chef
régulateur
re
-
est
toujours
présente
t
la tentation
de
la démocratie
irecte
emeure
peu près
nulle.
Dieu a
été
remplacé,
comme
uge
de
la conformité
u
rex,
par
le
Parti,
par
le
Parlement,
par
des
syndicats
divers
d'intérêts,
a
structure
monarchique»
du
pouvoir
demeure.
e
désir
de se
reposer
ur
elle
en
lui
déléguant
oute
responsabilité,
'accompagne
e
l'affection
uand
elle ne
déçoit
pas,
de
la
mauvaise
humeur
uand
elle
heurte
es
préjugés
ou
les intérêts.
Mais
la taille
des
pays
en
cause
-
Rousseau,
ncore
une
fois
'avait
bien vu
-
a
supprimé,
u
moins
jusqu'à
une
date
récente
et
à
l'exception
de
quelques cantons uisses, e goûtde la gestiondirecte t collectivede
la cité.
Où
rattacher, hronologiquement,
ne
si
longue
tradition
à Rome
dès
le
premier
iècle,
à
l'Espagne
du
VIP siècle
où
apparaît
'onction,
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 86/128
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 87/128
85
terre
e
sauvagerie
mais
elle
va
rapidement
evenir erre
d'exploitation
de la marchandise umaine
ici
comment
ouper
en
1492,
lors
que
le
courant
d'exportation
des esclaves
d'Afrique
Occidentale
s'amorce
après
1470 t
qu'il
n'a
pas
cessé
jusqu'au
XIXe
siècle
Fier de ses réussites
conomiques,
u
développement
e ses tech-
niques
et
de
l'épanouissement
e sa
science,
'Occident
ontracte,
ente-
ment
mais
sûrement,
n
complexe
de
supériorité
ait
pour
une
part
de la revanche ur tant
de
frustrations
assées.
Les
Byzantins,
n
1204,
ont,
parmi
es
premiers,
ait
'expérience
e ce
que
devient
peu
à
peu
le méprisde l'Occident ourles autrescultures,orsquecelles-cine se
laissent
ni
convaincre
i assimiler. e
fier
u'il
était
déjà
au XIIIe
siècle,
grand
iècle
d'épanouissement
ans tous es
domaines,
'Occident
evient
facilement
ominateur,
eux
ou trois siècles
après.
Et
il
en
a
gardé
e
goût
bien
au delà
de 1960.La domination e colore
ici, aisément,
de
l'alibi
du devoir
de civiliser es
«
attardés
,
de la construction
rogres-
sive de
la totale certitude
ue
la croissance
économique
et
démogra-
phique
de
l'Europe
est normale
et
quasiment prédestinée.
On
n'a
même
plus
besoin,
u
XVIIIe
siècle,
de recourir
Dieu
pour
expliquer
le
«
miracle
uropéen
: le
progrès
ndéfini
ui
s'ouvre
l'esprit
d'entre-
prise
européen
est le
gage
de
l'intelligence
t de la réussite
du Pro-
méthéemoderne. l peut se passer de protecteur t il s'institue e
protecteur
aturel
de tous les
autres
peuples.
L'athéisme
puis
le
posi-
tivisme
ont
permis
d'assumer,
«
dans
un
esprit
de
progrès
et
de
liberté toutes
les formeset toutes les
valeurs de cette conscience
de
supériorité
enue
du
XIIIe
siècle,
en
rejetant implement
on habit
et ses
attendus
hrétiens.
n
n'en
a
pas
moins,
pour
autant,
onfié
ux
missionnaires
ne
tâche
de
supplétifs
e
la
colonisation,
même au delà
de
la
séparation
de 1905.
ans
aucun
doute
pour
moi,
cette conscience
de
supériorité
ue
rien ne
justifie,
onstitue-t-elle
otre
principal
pro-
blème
culturel
t
politique,
face
aux
autres
mondes,
en cette
fin
du
XXe siècle.
l n'est
même
pas
nécessaire,
ujourd'hui,
ue
des connais-
sances fondent e réflexe il est devenu évident t «nécessaire . Le
«
petit
blanc
»
est
le fils
naturelde ce
long
courant
il
naît
supérieur
t
n'a besoin
d'aucune
démonstration
our
le sentir.
Voici au moins
sept
siècles
que
ce
phénomène
e
mentalité 'est installé
au cœur
de
notre
système
de
pensée
et d'éducation.
Encore le
long
terme...
Que
faire
du
«
Moyen
Age
? Au
total,
l
m'apparaîtqu'aujourd'hui
cette
manière
de
périodiser
'histoire
mondiale
st,
bien
entendu,
nad-
missible
elle
n'est
d'ailleurs
plus
du tout admise
par beaucoup
d'histo-
riens
non
européens.
Même
en
Europe
occidentale,
l me semble
qu'elle
joue un rôlepernicieux. lle masque,on en a vu plusieurs xemples,es
évolutions
ongues
les seules
qui
aient,
au
total,
une valeur et
un
poids
décisif
dans
l'histoire
es
hommes.
Dans une
large
mesure,
on
existence
même,
comme
double
repoussoir
d'une
Antiquité
et de
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 88/128
86
l'époque
contemporaine,
ieu de
toutes
es
libérations,
ermet 'y puiser
en
toute
quiétude
des
héritages,
ont
beaucoup
sont du reste ncontes-
tables,
rremplaçables
t
fondamentaux
our l'esprit
humain,
tout en
refusant
'enveloppe
«
totalitaire
chrétienne
u
sein de
laquelle
ces
héritages
'inscrivent
t
s'éclairent.Du même
coup,
cela
dispense
de
tout effort
ritique
relatif
certainsde ces
héritages
ui pèsent
sur
notre
analyse
du
monde actuel.
L'expression
st
née
du
mépris
dans
lequel,
même
l'intérieur
e
l'Eglise,
es
«
modernes
tenaient
es siècles
«
balbutiants :
bien
entendu,
e
ne
saurais
reprendre
ette
analyse
à
moncompte.Jecrainsqu'aujourd'hui lle serve aussi à occulter, ans
le
passé
lointain,
bscur
des
occidentaux,
os réactions actuelles de
mépris
à
l'égard
des
autres cultures. Patrimoine ommun
des occi-
dentaux
ui
le
considèrent
vec
respect
ou
amusement,
cepticisme
u
agressivité,
e
MoyenAge
est en toutcas le lieu
d'enracinementhrono-
logique
de la
plupart
des traditions ont nous vivonsencore.
Et
pour-
tant,
l
me semble bien
que
cette
expression
ne
correspond
rien de
très sérieusement
iscernable,
ujourd'hui,
pour
un
historien.
i
l'on
devaitfinalementonserver
ette
expression our
l'histoire
ccidentale,
j'aimerais
bien
pouvoir
enser
ue
nous
allons,
dans
quelques
décennies,
commencer
sortir
du
MoyenAge...
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 89/128
Antoine PEILLON
INFANTILISME ET
PRIMITIVITĚ DU MOYEN AGE
A
propos
de
quelques
lieux
communsd'une
historiographie
moderne
Le
Moyen Age
ou F «
Enfance de
l'Europe
»
«
L'histoire
de l'An Mil
est donc
possible.
Mais,
c'est celle d'une
première
nfance elle
balbultie, lle fabule.
G.
Duby,
'An
Mil,Paris,
nouvelle
dition,
1975,
.
10.
Un récent
ivre
d'histoiredu
Moyen
Age
a
pour
titre
Enfance
de
l'Europe
..
(2 tomes, aris,P.U.F.,
ollection
NouvelleClio
»,
1982).
on
auteur,
Robert
Fossier,
professeur
la
Sorbonne,
st l'un des
maîtres
incontestés e l'actuelle
histoiremédiéviale
1).
Le
titrede
ce
livren'est
pas
accidentel,
ni
arbitraire,
t
R. Fossier
consacre
ime
importante
«
Introduction
(p.
67
à
84
du t.
1)
à
expliquer
et
justifier
on choix
du terme « enfance , pour caractériser es traits fondamentaux el'Occident des
X*,
XI* et XII* siècles. Cette introduction
qui
s'affirme
xplicite uant
au
point
de
vue
nécessairement
articulier
e
l'auteur ur les
problèmes,
pproches
et
objets
de sa
recherche
2)
-
nous
permet
e
relever ertaines aisons
historiographiques
t,
au-delà,
philosophiques
d'un nouvel
usage
de
la
traditionnelle
métaphore
de
l'enfance
n histoire.
1.
Parmi ne
œuvre
cientifique
bondante
La
Terre t les hommes n
Picardie
usqu'à
la
fin
du
XIII
*
siècle
2
vol.,
Paris-Louvain,
968
Histoire
socialede VÔccident
édiéval
Paris,
970
(avec
J.
Chapelot)
e
village
t la
maison
u
Moyen
ge,
aris,
980
comporte
n
chapitre
ur
«
le
Moyen
Ageadulte ) ; (sous la directione R. Fossier)Le MoyenAge,3 vol. Paris,
1982-1983
Paysans
'Occident
XIe
XIV
siècle,
aris,
984.
2.
«
Qu'on
m'entendelairement...écritR. Fossier
propos
du
terme
marxiste
féodalisme
,
page
69. Son introduction
l'Enfance
e
l'Europe
procède
oute ntière
vec a
même ranchise.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 90/128
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 91/128
89
«
système
et
ustifie
es rivalités
e
classe,
e
suis
convaincu
u'elle
est
exacte
et
qu'elle passe
bien avant
la
désintégration
u
pouvoir
ou le
poids
du
sacré
pour expliquer
ce
Moyen
Age (p.
69).
Si R. Fossier
«
récuse
le terme
e "féodalisme"
...),
cet
abus de
langage
(6)
il
n'en
reste
pas
moins
que,
selon
lui,
'économique
t
le
social sont
des infra-
structures
éterminantes,
andis
que
l'institutionnel
t le culturel ont
tout
compte
fait
des
superstructures
ui passent
bien
après
et n'ex-
pliquent
ien.
Enfin
et c'est ici
que
le
propos
initial
(revalorisation
lobale
du
MoyenAge)nousapparaîtcontredit, . Fossierprocèdeà une dévalori-
sation
radicale de
la culture t de la mentalité
médiévales.
Bien
que
Raoul Glaber
et Thietmar e
Mersebourg
oient
reconnus
comme étant
des
«
témoins
lairvoyants
e
la
naissance
d'une
Europe
chrétienne
(p.
67)
et
malgré
e fait confirmé
ue
«
rien ne vaudra
davantage
ue d'interroger
es témoins
ur
ce
qu'ils
ont
vu et
compris
de leur
époque
»
(p.
76),
R.
Fossier
fait
profession
'un
véritable
mépris
pour
«
l'écrasante
majorité
de
ces
témoins
t
pour
leur
culture,
insi
que pour
l'art
et
la littérature
e
leur
époque
«
ceux
qui
nous ont
laissé
un
jugement
ou
une
preuve
sont,
en
écrasante
majorité,
es
hommesde
l'Eglise
(7),
attentifs
u siècle
certainement,
onnêtes
eut-
être,mais sans compétence echnique u simplementociale pénétrés
des schémas
plus
ou
moins
valables de
leur
temps,
l
nous
parlent
de
salut,
de
péché,
et
pour
couper
court
à leurs tirades
moralisantes
l'historien
'a
que
le
médiocre recours
de
l'art
ou
de
la littérature
romancée
encore
'ombre
u'y
projette
'Eglise usqu'en
1200
y
est-elle
épaisse
»
(8)
(p.
76 et
77)
de
même
«
Lorsqu'un
moine du
XP
siècle
entreprend
e décrire
son
temps,
l débute
toujours
par
un
rappel
de
la Création t
poursuit grands
pas jusqu'au
petit
horizon ù
il
se
confine nsuite
(p.
77).
Ce
méprisflagrant
our
les
clercs et
leur
culture,
our
l'art
et
la
littérature
u
MoyenAge,
tient
ssentiellement
u matérialisme isto-
rique de R. Fossier,de son marxismerelevéprécédemment,e cette
philosophie
e l'Histoire
qui
n'est
pas
seulement
méthode
d'historien,
mais
comporte
ussi
une morale
politique.
Au cœurde
la
culture
médié-
vale et
cléricale,
R. Fossier
isole
et
critique
un élément
déologique
6.
A
part
Guy
Bois
(1976),
Georges uby
1978)
t Alain
Guerreau
1981),
la
plupart
es
historiens
y
compris
marxistes
évitent
'employer
e
terme féodalisme
pour
voquer
'Occident
édiéval
même
'ils définissent
celui-ci n
premier
ieu
par
son
mode
de
production
ont
e
rapport
e
production
st le
servage)
t lui
préfèrent,
omme
R.
Fossier,
e terme
«
seigneurial
. Cette
uestion
e vocabulaire
st
en fait
mpropre
définir
la
position
'unhistorien
is-à-vis
u marxisme.
7.
Comme
hietmar
e
Mersebourg
t Raoul
Glaber,
ustement,
1
veque
allemandt le moinede Bourgogne,émoinslairvoyants...(p. 67).
8.
Pourtant,
ecrasante
majorité
es historiens
e la
littérature edievale
considère
ue
c'est
justement
partir
de 1200 nviron
ue
le
roman
st
réellement
t
complètement
hristianisé.
'ombre
rojetée
par l'Eglise
est
certainement
lus paisse
ur e
Lancelot
raal
ue
sur e
Perceval
e Chrétien
de
Troyes,
i ombre
l
y
a.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 92/128
90
-
«
imaginaire
dirait
G.
Duby
(9)
-
fondamental
la
«
théorie
des
trois
ordres
p.
78
à
80).
Pour
lui,
si
«
une vision aussi
conservatrice
du monde
peut
(...)
résister
la
pression
ociale
ou
économique
,
c'est
que
«
la théorie e défend
bien
par l'ignorance
'abord,
en
refusant
à ce
qui
n'est
pas
clerc,
'accès
à la
parole
divine
(...)
par
la
condam-
nation
quand
elle
le
peut
par
l'exclusion
t le
soupçon
à
l'égard
de
qui
n'entre
pas
dans
le schéma
. Et
si
cette
culture
manifestement
coercitive
comporte
comme
compensation,
u comme
issue
imagi-
naire
10),
«
l'image
de la
roue de Fortune
précipitant
ans
l'ignominie
le puissantet hissant e plus humbleau pinacle , il s'agit alors d'un
«mythe
somme
toute
"décourageant
et
réactionnaire"»
(11).
Cette
critique
ocio-politique
e
la culture
médiévale
s'étend
évidemment
ses modes
d'expression
«
Laissons
donc les
moines,
es
évêques
et les
rois,
et
tentons
e toucher
ous
les autres.
Est-ce
possible
puisque
les
clercs
parlent
our
eux,
que l'iconographie
st à
peu près
toute
d'Eglise,
que
la
littérature
rop
souvent
ne concerne
ue quelques-uns
(p.
81).
Par
là,
R. Fossier
reprend
'idée
déjà
ancienne
que
la
croyance
n
«
la
volonté
divine
-
bref,
a
religion
n'est
que
«
l'argument
érisoire
et
odieux
du
dominant u
dominé
(p.
80),
'opium
du
peuple
médiéval.
De
culture en
religion,
a dénonciation
des valeurs
cléricales
et
aristocratiques 'un certainMoyenAge- celui des « dominants - ,
la dévalorisation
de
ce
qu'on
appelle
communément
a civilisation
médiévale
non
compris,
bien
sûr,
la
«
civilisation
matérielle
)
et la
mise en
question
de
la
«
compétence
«
des hommes
de
ces
temps
(p.
76),
entreprise
ar
R.
Fossier en
introduction
son
Enfance
de
l'Europe
..,
s'étendent
la
mentalité
et à
la
psychologie
ollective
médiévales.
Ainsi,
malgré
a difficulté
ocumentaire
our
«
toucher
ceux
qui
ne sont
pas
moines,
évêques
ou
rois,
R. Fossier
«
semble
discerner
rois
dées
constantes
hez 'homme
ui
ne
fait
pas profession
de
penser
: lé
«
culte de
la
coutume
,
«
le
culte
de
la force
et
«
le
sentiment
e
la
peur
»
(p.
81
et
82).
Parmi
ces
«
trois
dées constantes
,
R. Fossiers'attarde ur la peurdes hommesdu MoyenAge p. 82 à 84)
et
affirme
ue
c'est
elle
qui
est
la
source
de
1'
«
irrationnel
médiéval,
de cet
irrationnel
ui
est
un trait
dominant
de
la vie
au
Moyen
Age
puisqu'
«
à
tant
d'attitudes ociales
qui
heurtent
otre
aison
ans
doute
n'y
a-t-il
as
d'autre
explication
(12).
Pour
en finir
vec le contenu
décidément
misérable
de
la mentalité
médiévale,
R. Fossier
déclare,
9. G.
Duby
emploie
ndifféremment
es termes
imaginaire
,
«
fran-
tasmes
,
«
idéologies
,
«
structures
entales
,
«
théories
,
«
mythologies
,
«
mentalités
,
pour
désigner
e
même
bjet
cf.
A.
Lysberg,
Entretienvec
G.
Duby...
,
L'Histoire
n°
10,
mars
1979,
.
70 et 71.
10.Telleque l'analyse athanWachtel,ansLa vision esvaincusPans,Gallimard,971),hez es Indiens u Pérou, uMexiquet du Guatemala.
11.P.
79-80.
. Fossier
ite ci
Jacques
e
Goff,
a civilisation
e l'Occident
médiéval
Paris,
Arthaud,
964,
.
211.
12.
ci,
'irrationnel
e se
définit
as
comme
e
qui
est contraireu
irré-
ductible
la
raison,
mais
omme
e
«
qui
heurte
otre aison
.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 93/128
91
avant
de
conclure
son
«
Introduction :
«
ce
qui
traduit
a
peur
des
hommes
est
l'irrationnel
t
l'instabilité.
'irrationnel,
ar
un
monde
qui
approche
de sa
fin
...)
ne
peut plus
tenir
qu'en
la
main
de
Dieu
le
surnaturel t
l'inconnaissable,
mieux
l'étrange
et
l'extraordinaire
dominent
a
terre le
chrétien
st
écrasé
par
le
mystère
ue
ses
yeux
ne
peuvent
ntrevoir
mais
qui
s'étend
au-delà
de
l'apparence,
par
le
miracle
qui
manifeste
a
providence
divine,
par
le
symbole
où
se
réfugie
'incompréhensible
(13).
En
clair,
e
MoyenAge
n'a donc
pas
fini
'être
«
cette
époque
obscure,
sservie,
mère de
toutes es
supersti-
tions , cette successionde « siècles sombres et frustes, bref,ces« ténèbres
médiévales
qui
offraient
le
spectacle
de
la
mortet
de
la
prosternation
tupide»
(14).
2. Ces
prises
de
position
historiographiques
t
philosophiques
de
R.
Fossier
trouvent
ans la
métaphore
e l'enfance
eur
expression
a
plus
simple
(15).
Simplicité,
mais
aussi
fondement,
mage générative
de
la
vision
d'une
Histoire
volutive
primitivité
elative u
Moyen
Age)
et
d'un
matérialisme
istorique
ffirmé,
'une
philosophie
e
l'Histoire
implicite
16),
qui
commencent
ar
la
conjugaison
d'une
idée
parti-
culièrede
l'enfance
construite
partir
de
divers
postulatsplus
empi-
riques
que
scientifiques)
vec le
transfert 'un
mot
désignant
un
phénomène e la vie des individus la description 'unphénomène e
société
métaphore
e
l'enfance).
La
métaphore
e
l'enfance
'énonce
par
deux
fois
comme
évidence
brute,
la
première
t
à
la
dernière
page
de 1'
«
Introduction de
l'Enfance
de
l'Europe...,
hème
primordial
xposé
en
ouverure t finale
du
texte
«
Je
vois
dans
l'Occidentde ces
temps...
;
ce sont
les
traits
de l'enfance
(p.
67
et
68) et,
«
les
deux
siècles
et
demi
que
doit
parcourir
mon
récit
offrent
ous
ces contrastes
mêlés comme chez
l'enfant
(p.
84).
Démarche
qui
postule
nécessairement ne
identité
mentale u
psychologique
ntre ollectif
t
individuel,
ersonnalisant
t
psychologisant
a
société à
l'image
d'un
seul homme.
Recours
pratique
13.
Propos
ui
relève u
rationalismee
plus
pur
et fait
bon
marché es
travaux
ontemporains
ur
le
mythe,'imaginaire
t le
symbolisme,
otam-
ment eux
de G.
Bachelard,
.
Caillois,
G.
Rosolato,
H.
Corbin,
l.
Lévi-
Strauss,
M.
Eliade,
J.-P.
ernant,
.
Gusdorf,
.
Durand,
.
Todorov,
. Ser-
vier,
A.
Virel,
.
Sperber,
tc.
14.
Cf.
G.
Dubv,
An
Mil
Paris,
nouvelle
dition, 975,
.
9,
à
propos
e
l'historiographie
es
Lumières.
15.
«
...enfance.
ourquoi
e
pas
s
arreter
ce
mot
imple
»
(p. 68).
16. l
va sans dire
que
R.
Fossier e défend
'être e
tenant 'une
quel-
conque
héorie,
ût-ellene
philosophie
e
l'Histoire
«
e
laisse
d'autres
e
soin
de
découvrire
substantifn
-isme
ui
lui
vaudrad'être dmis
par
les
doctrinaires
(p.
70).
En
cela,
l
ne fait
que
sacrifier
la méfiance
bligée
deshistoriensour a philosophie,istoriensui au mieux ne s'autorisent
plus
qu'une
réflexion
pistémologique
ur
la
démarche
e
la
connaissance
historique(G.
Bourdé t H.
Martin,
es
écoles
historiques,
aris, 983,
.
58).
«
Car
a
philosophieervertit
'historiographieu'elle
roit
panouir
...)
Pour
Clio,
e
risque
de
philosopher,
'est
celui de
mourir»
Ch.-O.Carbonnel,
L'Historiographie,
aris,
1981,
. 81).
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 94/128
92
à une forme
ssez
répandue
de
psychologie
istorique,
mais
néanmoins
jugé
«
inacceptable par
les
quelques
spécialistes
e cette
discipline
17).
A
cette
métaphore
de
l'enfance,
conditionnée
par
une certaine
psychologie
historique,
'articule
une idée
particulière
de
l'enfance,
donnée
pour
universelle. ous écrivions
ue
cette
dernière
st
construite
à
partir
de
divers
postulats
empiriques
t
pseudo-scientifiques,
arce
que
son
exposition mprunte
bscurément
t tout
la fois
à la
biologie,
à la
physiologie,
la
psychologie
t même
ndirectement
la
botanique
(il
est
question,p.
72,
de
«
germes
de
maturation,
oire
de
pourisse-
ment ). Voici doncce qu'est l'enfance, 'aprèsR. Fossier « des forces
qui
se cherchent
ncore,
d'impérieuses
xigences
peu
à
peu
tempérées,
une
ignorance
ui
se comble
entement,
ne sensibilité
iguë
tout
en
contrastes
déroutants,
ne
confiance
dans
les
autres
qui
deviendra
confiance
n soi
»
(p.
67 et
68),
et
«
chez
l'enfant,
'opposent
des
exigences
t
des
pulsions
galement
iolentes,
e
mêlent
'inquiétude
e
l'avenir t
l'appétit
du
présent
(p.
84).
Mais
surtout,
omme
e
monde
médiéval,
'enfant
a une
passion:
la
lumière;
tout
ce
qui
est sans
clarté
'épouvante
...)
tout
ce
qui
brille
'attire
(18),
de
même
que
les
colliers
de verre
plaisaient
ux naïfs
et
bons
sauvages
amérindiens
e
Christophe
olomb
(19).
Infantilisme
t
primitivité
e
confondent
u
MoyenAge.
3.
Au-delà
d'un
matérialisme
historique
relativement
rthodoxe,
a
philosophie
e l'Histoire
de
R.
Fossier tient
directement
u
positivisme
sa
croyance
mplicite
n un
progrès
e
l'humanité
u cours
de
l'Histoire.
En
effet,
ans
ses
derniers
crits,
Auguste
Comte
applique
directement
sa
«
loi
des trois
états
(20)
à l'évolution
es sociétés
occidentales
t
imagine
a
progression
e
l'esprit
humain
par
étapes,
selon
un
rythme
ternaire.
Au
Moyen
Age,
'esprit héologique
urait
mposé
a
reconnais-
17.
Cf.
R.
Mandrou,
L'histoire
es mentalités
,
dans
Y
ncyclopedia
UniversalisParis, 970,. 8,p. 437 J.Le Gofft P. Nora,Fairede l'histoire,t. 3,Nouveau bjets, aris,Gallimard,974, . 83 M. Vovelle,déologies t
mentalités
Paris,Maspéro,
982,
.
85
100
J.-P.
ernant,
Sur es
recherches
de
psychologie
omparative
istorique
,
Journal
e
psychologie,
960
«
His-
toire
t
psychologie
,
dans
L'histoire,
cience
humaine
u
temps
présent,
XXVe
emaine
e
synthèse,
aris,
965
«
Qu'est-ce
ue
la
psychologie
isto-
rique
Cahiers
e
philosophie,
°
1,
1966.
18.
Ce
que
fc,.
anorsKy
eleve
ous
le terme
e
«
meiapnysique
e ia
lumière
(
Architecture
othique
t
pensée
colastique,
aris,
d.
de
Minuit,
1967,
.
33
à
47)
et G.
Duby
ous
l'expression
e
«poétique
de la lumière»
(Le temps
es
cathédrales...,
aris,
Gallimard,
976,
.
121
162)
emble
tre
une
passion
aisonnable
t
extrêmement
omplexe.
19.Cf.
Les
plus
belles
lettres
e
Christophe
olomô
(presentees ar
Marianne
Mahn-Lot),
aris,
Calmann-Lévy,
961
«
Afin
ue
ces
gens
nous
prissent
n
amitié,
e
donnai
certains
'entre
ux,
des bonnets
e couleur
et des
colliers
e verre
u'ils
se
mettaient
u
cou,
ainsi
que
d'autres
etites
choses epeudevaleur,e dont ls eurent eaucoup e plaisir (p. 19).20.Cf.
Auguste
omte,
oursde
philosophie
ositive, . 1, raris,18Ò4,
p.
8 à 10.
Selon
'inventeur
e la
sociologie,
otre
onnaissance
asse
succes-
sivement
ar
trois états
théoriques
ifférents:
' «état
théoîogique
,
ou
«
fictif
1'
«
état
métaphysique
,
ou
«
abstrait
1'
«
état
scientifique
,
ou
«
positif».
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 95/128
93
sance d'une
autorité
acralisée,
ne
confusion es
pouvoirs
emporels
t
des
pouvoirs
spirituels,
une
stricte
hiérarchie
sociale,
influençant
toute
l'organisation
es
institutions éodales
(21).
Or,
en
principe,
la
«
loi des trois
états
concerne en
premier
ieu la
psychologie
et une certaine
structure e
l'intelligence
umaine,
a
connaissance
«
chacun
de
nous,
en
contemplant
a
propre
histoire,
e
se
souvient-il
pas
qu'il
a
été successivement
...)
théologien
ans son
enfance,
méta-
physicien
ans sa
jeunesse,
t
physicien
ans
sa virilité
»
(22).
Ainsi,
our
R. Fossier
-
comme
pour
Auguste
Comte,
a
philosophie
évolutionnistet progressiste e l'Histoireprocèded'une certaine dée
du déroulement
e la vie humaine
notamment
a
vie
mentale),
dée
selon
laquelle
l'enfance est
synonyme
e
violence,
d'ignorance,
de
naïveté
ou de fiction.
Cette idée
nous est
toujours
donnée
comme
évidente
t
universelle,
yant
'autoritédu vécu
individuel
u
collectif,
bref,
omme
un axiome
scientifique,
lors
qu'il
ne
s'agit
en
fait
que
d'un
système
de
postulats
empiriques
à
partir duquel
se
déduit et
s'autorise
e
principe
ositiviste
e
progrès, uis,
de
là,
tout
matérialisme
historique
t
dialectique.
BOHORT T
LES
COCHONS
NOIRS
Gouache
ur
toile, 977,
oll.
H.C.)Fantasme ictural e l'unde noscollaborateurs.equel
21.Cf.G. Bourdé t H.
Martin,
p. cit.,
.
71.
22.A.
Comte,bid.,
.
11.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 96/128
94
Métaphore
de l'enfance et
concept
de
progrès
:
petite
archéologie
des
philosophies
de l'Histoire
(23)
«
L'histoire
universelle
présente
donc
les
étapes
de
l'évolution
du
principe
dont
le
contenu st
la
conscience
de la liberté...
La
première
poque
dans
laquelle
nous consi-
dérons
'Esprit
doit
être assimilée à
l'esprit
enfantin.
ci
règne
a
prétendue
nité vec
la
nature que nous trouvons dans le monde
oriental
Cet
esprit
naturel
est celui
qui
demeure
ncoredans
la
nature,
ui
n'est
pas
encore
uprès
de soi
et
par
conséquent
n'est
pas
encore
ibre,
t
n'a
pas
connu
e
proces-
sus
de la liberté.
Hegel,
La Raison
dans
l'Histoire
Paris,
U.G.E., 10-18,
965,
p.
184
et 185.
La métaphorede l'enfance
L'usage
de
la
métaphore
e l'enfance
n histoire
st une
figure
éjà
ancienne
t
pour
ainsi
dire
imposée
de
la
pensée
occidentale.
De
plus,
c'est
à
la
philosophie
rançaise
lassique
que
revient
'immense
mérite
d'avoir
la
première
achevé
de briser e cercle
magique
des
éternels
retours,
our
ouvrir
a voie à l'idée
de continuité
ans
l'Histoire
par
l'effet
es
progrès
de
la
Raison,
notamment
u fait
de
la
faculté
et
propriété
u'a
la connaissance
de se transmettre
t de
s'accumuler.
Dans son
Tableau
philosophique
es
progrès
uccessifs
de
l'esprit
humain discours atin prononcéen Sorbonne, e 11 décembre1750),
Turgot
projette
de reconstituer'enchaînementes
âges
de la société
selon
une
filiation ontinue
t
nécessaire,
haque âge
étant
la cause
efficiente
e
l'âge
suivant
«
Tous
les
âges
sont
enchaînés
es uns
aux
autres
par
une suite
de causes
et d'effets
ui
lient
l'état
présent
du
monde
tous
ceux
qui
l'ont
précédé.
Les
signes
arbitraires
u
langage
et de
l'écriture,
n donnant
aux hommes
le
moyen
de s'assurer
la
possession
de
leurs dées
et de
les
communiquer
ux
autres,
nt
formé
23.Cf.
H.-I.
Marrou,
la
théologie
e
l'histoire
,
Enc.
Univ.,
970,
.
8,
p.
441
«
dans
a
pensée
de ses
fondateurs
Turgot
1751),
oltaire
1765),
Condorcet
1795) ,
la notion t
l'expression
ême
de
«
philosophie
de
l'histoirevaient ne valeurpolémiqueêtre«philosophe, c'étaitopposer
les
umières
e la raison
umaine
ux
superstitions
t
préjugés
e
l'obscuran-
tisme
t
adopter
ue attitude
ritique
t
sceptique
l'égard
de la
religion
établie
. Cette econde
partie
de 1 rticle
doit
beaucoup
un cours
poly-
copié
d'Angèle
remer-Marietti
ur e Discours
ur
l'esprit
ositif 'Auguste
Comte
1983).
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 97/128
95
de
toutes les
connaissances
particulières
n
trésor commun
qu'une
génération
ransmet
l'autre,
insi
qu'un héritage oujours augmenté
des découvertes e
chaque
siècle
et le
genre
humain,
onsidéré
depuis
son
origine,
paraît
aux
yeux
d'un
philosophe
un tout immense
qui,
lui-même,,
comme
chaque
individu,
on enfance t
ses
progrès
(24).
Ainsi,
e
savoir,
e
«
trésor ommun
de
l'humanité,
ait
de
celle-ci
un
seul et même
homme,
omme Pascal
l'avait
déjà
énoncé,
dans une
for-
mule
célèbre,
n siècle
avant
Turgot
«
la même chose
arrive
dans
la
successiondes hommes
que
dans
les différents
ges
d'un
particulier.
De sorteque toute a suite des hommes, endant e cours de tantde
siècles,
doit
être
considérée comme
un
même homme
qui
subsiste
toujours
t
qui apprend
ontinuellement
(25).
Formule
que
Condorcet
et
Auguste
Comte
reprendront,
près
Terrasson
(26),
et
qui,
selon
A.
Comte,
été
inspirée
Pascal
par
«
la
marche ontinue
es connais-
sances
positives
et
explicitait
«
la
première
notion
rationnelle
du
progrès
humain,
nécessairement
trangère
toute
l'ancienne
philo-
sophie
(27).
Si
les
Entretiens ur la
pluralité
des mondes
(1686)
de
Fontenelle
constituent
e
premier uvrage
de
vulgarisation
cientifique
oulignant
les
progrès
de
la
science
et si Fontenelle
'en
prend
aussi,
avant
Ter-
rasson, u préjugéde la supériorité es « anciens sur es «modernes,
dans sa
Digression
ur les anciens
et les
modernes
1686),
omme
dans
son
Histoire dès
Oracles
(1687),
'est
Julien
Offray
e
la Mettrie
ui
écrit
le
premier
toute
la
«
phénoménologie
du
progrès
de
l'esprit
(avant
Condillac
qui
en
reprendra
e
projet)
et
qui
la
publie,
en
1745,
dans son
Histoire
naturelle 'une
âme. Cet
ouvrage
omprend
'exemple
célèbre
qui propagea
certainement
a
métaphore
de l'enfance
celui
d'un enfant
nouveau-né,
ecevant es
soins nécessaires
d'une
nourrice
muette,
ans un souterrain
eu
éclairé et
insonorisé
ù
il vit
jusqu'à
l'âge
adulte.
Cet
exemple
vait
pour
raison de mettre
n lumière
u'un
fils
d'homme,
insi
élevé,
n'aurait aucune
notion,
ni
même aucune
langue, gnorant ue les sons peuvent ignifieruelque chose,et sem-
blait
faire
la
preuve
par
l'absurde
de
la
dialectique
humaine
de la
nature t
de la raison
sans
les
sens,
pas
d'idées
et,
peu
d'instruction,
peu
d'idées
(28).
24.
Turgot,
uvres,
aris,Alean, 913,
ol.
,
p.
215.
25.
Pascal,
Fragment
un
traite u
viae,
Pensees
t
opuscules,
d. Brun-
schvick,
.
80.
26.Cf.
La
philosophie
pplicable
tous
es
obļets
e l
esprit
t de la raison
(Paris,
hez
Prault,
754)
ui
combine a formule
e
Pascal à
la
métaphore
de l'enfance
l'espèce
humaine,
omprise
omme n enfant
ui
se
développe,
doit
on
progrès
u savoir
n mouvementans
'Histoire.
27.A.
Comte,
iscours
ur l
esprit ositif,
d. Soc. Posit.
nternationale,
Paris, 898, . 93.
28. La
Mettrie
oit et
exemple
Arnobe
Adver
us
nationes,
I,
ch.
XX),
père
de
l'Eglise
260
-
327),
dont
'hypothèse
insi
proposée
vait
pour
fin
la réfutation
e la
théorie
latonicienne
e l'âme dans
'exemple
epris ar
La Mettrie
n chercherait
n vain
'idée d'une âme
divine,
éjà
savante
t
éclairée,
enant
'unir
u
corps.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 98/128
96
Cependant,
'est
Condorcet
qui
réalise
véritablement
'articulation
explicite
de la
métaphore
e l'enfance
vec
le tableau
des
progrès
de
l'esprit
humain.
En
effet,
elon une
phénoménologie
ensualiste
qu'il
condense dans l'introduction
e son
Esquisse
d'un
tableau
historique
des
progrès
e
l'esprit
humain
1794),
ondorcet
montre omment
'indi-
vidu
combine,
ompare,
ttache des
signes
aux
objets,
suivant n cela
sa
«
faculté
de recevoir
des sensations
,
faculté
développée
«
par
l'action des
objets
extérieurs
(29).
Aussi,
si
Condorcet
distingue
ce
qu'il
nomme
«
métaphysique
,
au
niveau de
l'individu,
e ce
qu'il
nomme « tableau des progrèsde l'esprit humain , au niveau des
générations,
our
lui,
les
lois du
développement
e l'individu
t celle
du
développement
es
générations
articipent
u
même
concept
de
progrès,
éritable
oint
focal de
sa
philosophie
«
Ce
progrès
des
géné-
rations)
est soumis
aux
mêmes ois
générales
qui
s'observent
ans le
développement
ndividuel
e nos
facultés,
uisqu'il
est le résultat e
ce
développement
onsidéré
n même
temps
dans
un
grand
nombred'indi-
vidus réunis n
société
(p.
76).
De
plus,
il n'est
pas
indifférent
e
relever
que
Condorcet,
omme
tout savant
d'alors,
tait
grand
ecteur
des récits
des
voyageurs.
Aussi,
connaissait-il ertainementes Relations des Iles Pelew (1793) de
Georges
Keate,
les
Voyages
en
Afrique
t en Asie
(1794)
du Chevalier
Thunberg,
es
Voyages
hez
différentes
ations
auvages
de
l'Amérique
septentrionale
an
II)
de J.
Long,
ainsi
que
les
«
voyages
qu'évoque
Rousseau
dans son
Discours
ur
'origine
t les
fondements
e
l'inégalité
parmi
es hommes
1755),
'est-à-dire
eux de
Battel,
Chardin,
Corréal,
Dapper,
Dutertre,
Kämpfer,
Kolben,
La
Condamine, aët,
Merolla,
et
l'Histoire
générale
des
voyages
citée
par
Y.
Goguet
dans son
traité
De
l'origine
es
lois des arts et
des sciences
et de leurs
progrès
hez
les
anciens
peuples
1758).
Or,
à
la
suite
de
la découverte
e
l'Amérique,
qui
pourvoit
oudain
'Europe
en
«
bons
sauvages
,
l'histoire
t l'ethno-
logie se sont constituées omme disciplines la fois parentes elles
l'étaient
déjà,
dès
l'Antiquité
recque)
(30)
et
contradictoires,
ntrete-
nant entre
elles
des relations
complexes
qui
découlent
des
positions
relatives
de
deux
catégories
ssentielles,
e
temps
et
l'espace,
dans
la
pensée
occidentale.
Tandis
que
les
progrès
de
l'homme,
ux
yeux
de
l'Occident
«
moderne
,
sont scandés
par
ceux
de
lTEtat-Nation
31),
l'ethnologie
naissante
est réservée
aux
groupes
humains
élémen-
29.
Esquisse...,
d.
Sociales, aris,
971,
.
75.
30.
Cf. F.
Hartog,
e
miroir 'Hérodote.
ssai sur
la
représentation
e
VautreParis, 980.
31.
Ainsi,
es deux
premières
hrases
e l'introduction
u
premier
hapitre
du Siècle
ae Louis
XIV
de Voltaire
«
Ce n'est
pas
seulement
a vie
de
Louis
XIV
qu'on
prétend
crire
on se
propose
un
plus
grand
objet.
On
veut
essayer
e
peindre
la
postérité,
on
les actions
d'un seul
homme,
mais
'esprit
es hommes
ans
e
siècle
e
plus
éclairé
ui
fut
amais.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 99/128
97
taires
32).
Cependant,
ès le
XVIIIe
siècle,
une
échelle
de valeur
unique
assujettit
e
«
voyage
à
l'étude
de
l'hommedans
le
temps.
Dans les
classifications
ibliographiques
lassiques,
les
récits
de
voyages
font
partie
des
livres
ď
«
histoire
: ils
en forment
ne
sous-catégorie,
consacrée la
description
es
pays
étrangers
t notamment
xotiques.
D'ailleurs,
n
rapportant
u
lecteur es
mœurs
de
populations
loignées,
le
voyageur
e cherche
pas
seulement
vulgariser
e
pittoresque
e la
différence
il ramène
de
l'espace
lointain
mais
contemporain
une
image
du
passé.
Le
sauvage
est
devenu
'enfance
du civilisé
et
l'ethno-
logie règnealors sur un enversde l'histoire, la fois immense et
marginal
c'est
le domaine
particulier
e l'oral
contre
'écrit
33),
de
l'immobile ontre
e
changement,
u
primitif
ontre e
progrès.
En
bref,
andis
que pour
Terrasson
'ordre
historique
st
analogue
à l'ordre
naturel,
'Histoire
étant
«
ordre de
raison
,
«
de
nécessité
,
de
«
mouvement
ocal
»
dans le
temps,
une
hypothèse
écessaire
34),
tandis
que pour Turgot
e moteur
e l'Histoire
st le
progrès
des
idées,
aussi bien
quant
à
la société
en
général
que pour
les sciences
et
les
mathématiques
n
particulier,
our
Condorcet,
'Histoire
possède
en
propre
un élément
dynamique.
L'Esquisse...
(1794)
se
propose
de
démontrer par le raisonnementt par les faits qu'il n'y a aucune
limite u
perfectionnement
es
facultés
humaines,
ue
la
«
perfectibilité
de
l'homme
est
réellement
ndéfinie
et
que l'espèce
humaine
s'est
constamment
modifiée
u cours
des
siècles,
dans
une
marche
vers
la
vérité
t le
bonheur,
es
deux
termes
de
l'Histoire,
ar tous
les maux
ne viennent
ue
de
l'ignorance
t
nullement
des
péchés.
Enfin,
es
éléments
moteurs
de
l'Histoire
obéissent
à des lois
que
l'observation
du
passé
humain
permet
de
découvrir
les
lignes
directrices
e l'His-
toire,
dégagées
par
Condorcet,
ont
la destruction
e
l'inégalité
ntre
les
nations,
a réalisation
e
l'égalité
entre
es hommes
à l'intérieur
d'une
nation
et
enfin
e
perfectionnement
ontinu
de l'être humain
en général.Evidemment,e progrèsde l'humanitén'est autre pour
Condorcet
ue
la marche
de
la
Raison
universelle
'incorporant
ans
chaque
événement
istorique,
t
poursuivant
ans
son ascension
cons-
tamment
e même
but,
comme
chaque
enfant
oursuit
naturellement
t
nécessairement
on
apprentissage
u contact
des
objets
extérieurs.
32.
L'
«
ethnologie
voit
son statut
cientifique
e fixer u
XVIII* siècle
etreçoit onnomd'Ampèrecf.G. de Rohan-Csermak,La premièreppa-rition u terme thnologie, Ethnologiauropea...,ol. I, 1967, ° 4, p. 170
à 184.
33.
Cf.
Michel
e
Certeau,
'Ecriture
e
l'histoire,
aris,
Gallimard,
975,
p.
215
à
248
«
Ethno-graphie.
'oralité
u
l'espace
de l'autre
Léry
,
et
L'absent
e
l'histoire,
aris,
973,
.
169 180: «Altérations».
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 100/128
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 101/128
99
mots sont des
métaphores
t les
premières hrases
des
allégories,
t
il
montre
omment
es
prêtres
tiennent e
peuple
dans
l'ignorance
n
faisant e cette
angue
originelle
n instrument e
tromperie.
'est
que
le
progrès
de la
philosophie,
la
quatrième période,
e
progrès
des
sciences,
la
cinquième,n'empêchèrent
as
l'essor
du christianisme.
Désormais,
es
«
prêtres
dominateurs
ne sont
plus qu'un moyen
de
manipulation olitique
entre les mains du
pouvoir
les
«
Lumières
finissent e
dépérir
la sixième
période,
du
Ve au XIII*
siècle,
durant
cet
obscur
Moyen
Age
mis
en
scène,
dès
la findu
XVe
siècle
et
«
dans
les triomphes u nouvelhumanisme, par le «méprisque professait
la
jeune
culture
'Occident
l'égard
des siècles sombres
t
frustes ont
elle sortait
(36).
Au
contraire,
a
période
suivante,
du XIII«
au XV*
siècle,
voit
renaître
'énergie
u
peuple par
la réaction
ue
détermine
'intolérance
des
prêtres.Après
'invention e
l'imprimerie,
ommence
a huitième
période,
elle de
Copernic
et
de
Galilée,
celle de Bacon
aussi
-
qui
révéla
«
la
véritable
méthoded'étudier
a nature
(par
l'observation,
l'expérience
t le
calcul).
La neuvième
période,
allant
de
Descartes
«
jusqu'à
la formation
e la
République française
,
voit
«
la Raison
soulever es chaînes (p. 203).C'est alors que, dans
les
catégories
es
plus importantes
e la vie sociale, e progrès st manifeste. nfin,me
nouvelle octrine
'impose
tous,
«
la
doctrine
e la
perfectibilité
ndé-
finie
de
l'espèce
humaine,
octrinedont
Turgot,
rice et
Priestley
nt
été les
premiers
t les
plus
illustres
pôtres (p.
221).
En
définitive,
our
Condorcet,
t
d'après
l'observation
istorique,
e
progrès
des connaissances
des
sciences
notamment)
t
le
dévelop-
pement
de l'Histoire
vont de
pair
la
Révolution
rançaise
n est
un
exemple
ncontestable,
éalisant
au niveau du
citoyen
une
libération
accomplie uparavant
u
niveau de
l'esprit
p.
231
à
238).
En ce
sens,
la science
est révolutionnaire.
ependant,
oin
de
se bercerde
tableaux
apaisants,Condorcet iretoutes es conséquencesde cettepenséede la
continuité
t
du
perfectionnement
ndéfini,
n
soupçonnant
ue
la
ligne
continue
du
progrès
comprend
toutefois a
contradiction
même
du
progrès.
Outre
ce
que
l'on
peut
appeler
un
«
progrès
dialectique
,
Condorcet
postule
encore
la finitude
du
temps historique
«
Cette
oscillation
dans les
sociétés
arrivées
ce termene
serait-elle
as
ime
cause
toujours
subsistante
e
misères,
n
quelque
sorte
périodiques
Ne
marquerait-elle
as
la
limite où toute améliorationdeviendrait
impossible,
t à la
perfectibilité
e
l'espèce
humaine,
e
terme
qu'elle
atteindrait
dans
l'immensité des
siècles,
sans
pouvoir
jamais
la
dépasser
»
(p. 269).
Condorcet
devance ici le
pessimisme
des écono-
mistes ibérauxMalthus t Ricardo,pessimisme tténuécependantpar
36.
Cf.
G.
Duby,
'Ari
Mil, p.
cit., .
9.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 102/128
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 103/128
101
Ensuite,
pour
penser
le
développement
e
l'homme,
l a fallu
procéder
u
banissement es
causes
finales
40)
il
a
fallu
supposer
un
ordre fondamental e
la
nature,
'est-à-dire
evenir la
conception
épicurienne
e la
nature comme
fixée,
ermanente
t
stable
(41).
Ce
bannissement
es
causes finales
aisse seules subsister es différences
en
nombre,
n
grandeur,
n forme t en coordination.
r,
pour Epicure
et
Lucrèce,
a racinede la connaissance e résidenulle
part
ailleurs
que
dans
la
perception
ensible Lucrèce nie la
possibilité
d'archétypes
u
monde,
d'idées
existant de toute éternité dans des
raisons trans-
cendantes 42).
Ainsi,
'idée
d'un devenir
humain en
progrès
tient
en dernière
instanced'un
sensualisme
ui perdure,
'une certaine
manière,
usque
dans nos actuelles
«
théories
e
l'apprentissage
(nous
pensons
notam-
ment
la
psychologie
e Jean
Piaget)
(43).
Au milieu du
XVII*
siècle,
Gassendi revient ux thèses
de
l'épicurisme ntique,pour
les
opposer
à Aris ote et à Descartes
tel
est
l'objet
de
son
Manuel de
philosophie
ď E
picure
(1649),
'un des
documents fondamentaux
u
sensualisme
moderne.
Mais,
contrairement
l'épicurisme
ntique, qui
attribue
e
progrès
du
genre
humain à
l'historicité
pécifique
de l'homme
(44),
Gassendi
xpliquepar
le
même mouvement
la
fois
a transformation
incessantedes atomes et l'activitéhumaine mue par l'exigencedu
progrès.
C'est
par
là
que,
à
partir
du
milieu
du XVIIIe
siècle,
rationalisme,
progressisme,
ensualisme t
métaphore
de l'enfance e
commandent
les uns
les
autres.
Avec
A.
Comte, ationalisme,
ensualisme
t
progres-
sisme sont
fondus dans
le
corps
du
positivisme,
uquel
s'articulent,
au
XIX*
et
XXe
siècle,
matérialisme
t évolutionnnisme.
40.Arisotedistinguaituatre spècesde causes la cause matérielleparexemple,ansunestatue,a matière ont lleestfaite),a causeformellela
figure ue
la
statue
eprésente),
a cause
efficiente
le sculpteur),
a cause
finale
désir
de la
gloire
u
du
gain
chez le
sculpteur).
a
«
cause finale
d'une
chose est
comprise,
n
général,
omme a
fin
elle-même,
omme
a
raison 'être
e la chose.
41.La
permanence
e la substance
onfirme,
hez
Epicure,
ette
ensée
e
Démocrite
elon
aquelle
rienne vient e rien rien
e ce
qui
existe e
peut
être néanti.
out
changement
st
agrégation
u
désagrégation
e
parties
(qui
devient
e
«
rienne se
perd,
ien
ne se
crée de
Lavoisier).
es atomes
d
Epicure
béissent
une loi
mécanique,
mathématique
t dénuéede
toute
finalité.
42.
Le
livre
V,
vers469et
suivants,
u De Natura
Rerum, xpose
ette
théorie
ensualiste
e la
connaissance,
ui
amènera
onséquemment
ucrèce
à affirmer
ue
les
dimensions u soleil sont comme
notreœil
les voit
(livreV,vers 92 613).43-Cf.Centre oyaumont,héoriesulangage,héoriesel'apprentissage
le débat
entreJean
Piaget
et
Noam
Chomsky,
aris, Seuil,
1982
nouvelle
édition), .
20 à 75.
44.
Cf.
Léon
Robin,
Sur
la
conception
picurienne
u
progrès
,
Revue
de
Métaphysique
t de
Morale,
XXIII,
1916.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 104/128
102
Une autre
enfance
pour
un
autre
Moyen Age
«
Si on
pense
réellement
u'un
enfant
peut
croire
ļue uand
on
agite
un
chaton
engendre
des
quantités
de chats ou
qu'un objet peut
ne
pas
être
identique
à
lui-même,
lors,
je
ne vois
pas
quel
type
d'entraînementonce-
vable
persuaderait
'enfant
ue
le mondeest
tel
que
nous
semblons
e
percevoir.
J.Mehler, A proposdu développement
cognitif»,
ans
E. Morin et M. Piatelli-
Palmarini,
L'unité
de
l'Homme,
t.
2,
Le
cerveau humain
Paris, Seuil,
Nou-
velle
édition, 978,
.
48.
Par
ce
qui
précède,
nous
connaissons
ue
la
métaphore
e l'enfance
est au fondement 'une chaîne
déologique
particulièrement
actuelle
au sein de
«
la culture t
(de)
la mentalité
ommunes e notre
poque
»,
culture
t mentalité
rofondément arquées
par
les
philosophies
isto-
ricistes t
empirites
e
1'
«
Aufklärung
(45).
Il
importe
e
comprendre
que les différentslémentsde cette chaîneidéologique ont solidaires,
nécessaires
es uns
aux
autres,
et
qu'ils
sont
logiquement
rticulés
entre
eux.
Il
n'est
pas
aujourd'hui
de matérialisme
istorique ui
ne
comprenne,
xplicitement
u
implicitement,
u
positivisme
t de l'évo-
lutionnisme,
t
réciproquement.
e ce
fait,
a
métaphore
de l'enfance
n'est
aujourd'hui ignifiante
ue
dans un
discours
qui participepleine-
ment à cette
chaîne
idéologique
discours
dont
le
paradigme
est
le
concept
de
progrès
cf.
Tableau),
comme utrefois
XV*-XVIIIe
iècles)
elle n'était
ignifiante
ue pour
et
par
ceux
que
prêchaient
es Lumières
dont l'avènement
evait
reléguer
jamais
les valeurs
de l'Occident
médiéval et
chrétien u
rang
des
«
superstitions
othiques
.
PROGRES
,
»
Enfants
APPRENTISSAGE
Construe
i
víame
^
Adultes
Primitifs ESPACE
E
hnocentrisme
Civilisés
Anciens
TEKiPS:
Historieis
me
y
Modernes
A
partir
e cette
ocalisation
déologique
e la
métaphore
e l'enfance
en philosophie e l'Histoire t en histoire, t du fait de « l'usure et de
la mise
en
question
de
l'idéologie
du
progrès
ur
laquelle
avait misé
45.
Cf.H.-I.
Marrou,
p.
cit,,
t Noam
Chomsky,éflexions
ur
e
langage,
Paris,
Maspéro,
977,
.
19
à 23.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 105/128
103
l'Europe
de l'ère libérale
(46),
se
lèvent
quelques
questions
qui
cons-
tituent
utant
d'esquisses
convergentes
'une
critiqueépistémologique
de
l'idée selon
laquelle
le
Moyen
Age
est l'enfance
de notre
modernité
et
le
stade
primitif
e notre
société ou civilisation.
n
1949,
Claude
Lévi-Strauss ormulait
éjà
l'essentielde
ces
questions,
propos
de
l'assimilation ourante
de
la
pensée
primitive
qu'il appellera,
n
1967,
«
la
pensée
sauvage
)
à la
pensée
enfantine
47).
A
partir
de
«
la
constatation
rès
simple qu'il
n'existe
pas
seulement
des
enfants,
es
primitifs
t des
aliénés,
mais aussi
-
et
simultanément
des
enfants
primitifst des primitifs liénés (p. 103),Cl. Lévi-Strausspouvait
affirmer
ue
«
la culture
a
plus primitive
st
toujours
ime
culture
adulte
(p.
107).
De
plus,
le
fait constaté
que,
«
pour
le
primitif,
es
attitudes
u civilisé
correspondent
...)
à
ce
que
nous
appellerions
es
attitudes
nfantiles»
p.
111)
permet
de mettre
jour
et
de
dénoncer
le
mécanisme
«
d'une
illusion
subjective,
t
qui
se
reproduirait
ans
doute
pour
des
adultes
de
n'importe
uelle
culture
comparant
eurs
propres
enfants
vec des
adultes relevant
d'une culture
différente
(p.
110).
Et
Cl.
Lévi-Strauss
vance
que
c'est
la nature
même
de
l'enfance
ui
est
la
première
aison de
«
l'illusion
rchaïque
:
l'enfant,
comme
a
psychanalyse
reudienne
e
disait
déjà
à
propos
de la
sexualité,
estun « polymorphe(l'adulte tantunenfant spécialisé ) et « il n'est
pas surprenant
ue
dans
ce
«
panmorphisme
,
les différences
ous
frappent
lus
que
les
similitudes,
i bien
que, pour
une
société
quel-
conque,
ce sont
toujours
ses
propres
enfants
qui
offrent
e
point
de
comparaison
e
plus
commode
avec des
coutumes
et
des attitudes
étrangères
(p.
110 et
111).
Ainsi,
'assimilation
lassique
de
la
pensée primitive
la
pensée
enfantine
ient
de
ce
que
nous
ne
percevons
que
le niveau
le
plus
simple
«ce
niveau très
élémentaire»
p.
111)
-
d'une
pensée
pour-
tant
«
aussi
complètement
t
systématiquement
ocialisée
que
la nôtre
(p. 113).
De
là
que
l'adulte
Navaho
et l'adulte
médiéval ont
des
adultes
à partentière,u mêmetitre ue Cl. Lévi-Strausst R. Fossier. l n'en
reste
pas
moins
que,
pour
Cl.
Lévi-Strauss,
'enfant
demeure
encore
relativement
nfantile
si le
primitif
t l'ancêtrene
sont
plus
de
grands
46.
l ne
s'agit
pas
de
recommencer
ci la
critique
u
concept
e
progrès.
Chacun
dmet
isément
ujourd'hui
ue
ce
concept,
el
qu'il
se
cristallise
dans a
seconde
moitié
u
XVIIIe
siècle,
'est
u mieux
u'une xtrapolation
du
changement
echnique
t matériel
l'évolution
orale t
intellectuelle
e
l'humanité.
ette
xtrapolation
eut
encore
e
défendre,
ais au
titrede
postulat
on
ne
peut
a
démontrer,
i démontrer
on
contraire},
'anthro-
pologie
ontemporaine
CL
Lévi-Strauss
n
particulier)
yant
définitivement
relativisée point evue occidentalur e reste e l'humanité.e relativismeanthropologiqueientd'unecriseépistémologiqueajeure, erceptiblen
Occident
epuis
plus
d'un
demi-siècle
cf. J.-P.
Vernant,
Mythe
t
pensée
chez
es
Grecs...,
aris,
Maspéro,
965,
.
286.
47. Cl.
Lévi-Strauss,
tructures
lémentaires
e la
parenté,
aris,
2*
éd.,
1967, .
98
à
113
chapitre
II
:
«
L'illusion
rchaïque
.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 106/128
104
enfants,
'enfant st
toujours
un
primitif
niversel.
'il
est
évident
ue
«
l'enfant
résente
n très haut
développement
ocial
»
et
si
«
dès les
toutes
premières
nnées
de la
vie,
la
pensée
de
l'enfant
pparaît
avec
des caractères
complètement
t
intégralement
umains
(p.
109),
il
n'empêche
ue
«
l'esprit
de
l'enfant st
égocentrique
t
précausal
...)
en
raison de son
ignorance,
t
de l'insuffisance e
ses
expériences
rga-
nisées
(p.
107).
Pourtant,
l.
Lévi-Strauss
emarquait juste
titre
«
jusqu'à
quel
point
a
pensée
enfantine
ormalediffère-t-elle
e
façon
rréductible,
e
la penséeadultenormale, u seind'une sociétédonnée,rested'ailleurs
toujours
une
question
ouverte à
controverse
(p.
104).
De
même,
l
rappelle
un
certain nombre
de
critiques
formulées
l'encontre
du
constructivisme
e
Piaget
par quelques
autres
psychologues
L.
Deshaies,
G. Kreezer
et
K.M.
Dallenbach,
Th. Mead
Abel),
Piaget
étant
-
entre
autre
un évident
artisan
de
l'assimilation
e la
pensée primitive
u
antique
à
la
pensée
enfantine.
n
définitive,
évi-Strauss
eprenait
e
propos
de
S. Isaacs :
«
les
attitudes
ognitives
es
petits
nfants,
même
à un
âge peu
avancé,
ont,
près
tout,
rès
proches
des nôtres
(p.
106),
mais sans
poursuivre
ésolument
ans ce
sens
la
critique
de l'ethno-
centrisme e nécessitant as
alors une
critique
de
l'adultocentrisme.
Malgré
tout,
aujourd'hui,
i la
loi
biogénétique
d'A.
Serres
(1786-
1868)
elon
aquelle
'ontogénie
eproduit
a
phylogénie
st
généralement
considérée
omme
contestable,
lle
reste
néanmoins
«
une
des orien-
tations
de recherche
référées
e l'école
de Genève
(celle
de J.
Pia-
get)
»
(48)
et bénéficie
ertainement
u
fait
qu'elle
va dans le sens
«
de
la
pensée
dominante
es
quelque
trois cents
dernières
nnées,
tant
en
psychologie
u'en philosophie
(49).
Quoiqu'il
en
soit,
a
loi
de Serres
n'est
pas
plus
infirmée
cientifiquement
u'elle
n'est démontrée.
lle
reste un
postulat
possible,
à
partir
duquel
se
déduit
et s'autorise
a
métaphore
e
l'enfance,
insi
que
toute
a
philosophie
e l'Histoire
t
l'historiographieui en découlent.Ce qui est, par contre,définitive-
ment
dépassé,
c'est
l'image
classique
de l'enfance
lle-même
tous
les
travaux
récents
de
psychologie
xpérimentale,
e
psycho-linguistique,
portant
ur
le nourrisson
t l'enfant
50),
montrent
ue
le
«
dévelop-
pement
de
l'individu
e
fait
par
«
désapprentissage
,
par
perte
de
nombreuses
facultés
innées,
par
«
baisses
temporaires
de
perfor-
48. Centre
oyaumont,
p.
cit.,p.
242.
49.
bid.,
.
219.
50.Cf. en particulierC. Trevarthen,. Hubley t L. bheeran, Lesactivitésnnées u nourrisson, La Recherche, ai 1975, ° 56,p. 447 458
(vol.
VI),
et
H.
Montagner,
Communication
on verbale
t
discrimination
olfactive
hez
es
jeunes
enfants
approche
thologique
,
dans L'Unité
de
l'homme,
.
1,
Le
primate
t
l'homme,
aris,
1978,
ouvelle
dition,
.
246
à 270.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 107/128
105
mance
(51)...
Bref,
'enfancen'est
plus
ce
qu'elle
était
elle n'est
plus
un
vide
que
comble un
apprentissage
rogressif,
i
un
état véritable-
ment
tranger
l'âge
adulte
(52).
Or,
il
est à
parier que
si l'assimilation e la
pensée
ou
mentalité
médiévales
ux
pensées
ou
mentalités
rimitives
t infantiles
erdait
toute
possibilité
d'être
péjorative,
elle
perdrait
du même
coup
sa
raison d'être et cesserait d'être
le lieu commun déterminant 'une
historiographie
oderne et
positiviste.
Alors,
a mentalitémédiévale
devenant out à la
fois
respectable
t
objet
de
science,
u
même titre
que la pensée de l'enfant t que « la pensée sauvage , l'histoire
comme a
psychologie
t
l'anthropologie
ctuelles
-
s'échapperait
u
cercle vicieux des discours
«
hétérologiques
(53)
qui
n'ont
d'autre
motif
ue
de se
produire
eux-mêmes.
'histoire
participerait
nfin
«
la nouvelle alliance
que
constitue e
projet
d'une
«
anthropologie
fondamentale
(54),
répondant
la
question
de Marc
Bloch
«
Il
n'y
a
donc
qu'une
science des hommes
dans le
temps,
et
qui
sans
cesse
a besoin d'unir l'étude des
morts
à celle
des vivants. Comment
l'appeler
»
(55).
1
51. E. Morin
t
M.
Piatelli-Palmarini,
'Unité e
l'homme,
.
2,
Le cerveau
humain,
aris,
1978,
ouvelle
dition,
.
17 à 95. Cette nversion u
propos
communur
e
dévelopement
e l'individu
orrespond
une autre nversion
d'après
es
rechercheses
plus
récentes n
psychologieognitive,
a
pensée
rationnelleeraitpré-symbolique,t non l'inverse cf. Dan Sperber, Lapensée ymboliquest-elle re-rationnelle, dans La Fonction
ymbolique
(ouv.
ollectif),aris,
Gallimard,979,
.
17
à
42,
insi
que
les
p.
357 372
de
Centre
Royaumont,
p. cit.,
et René
Thom,
Modèles
mathématiques
e
la
morphogénèse,
aris,
Ch.
Bourgeois,
980
nouvelle
dition) .
261 277.
52. L'idée
que
le
MoyenAge
e
faisait
e l'enfance
faible
différenciation
entre
'enfant t
l'adulte)
n'était
peut-être
as
aussi
fruste
u'on
le dit
souvent,
uisque
'enfant
pparaît ujourd'hui
ouvent
lus
adulte
t
l'adulte
plus
enfantin
u'on
ne
voulait e croire
epuis
a
findu XVII* siècle.Outre
Ph.
Ariès,
'enfant
t la
vie
familiale...,
aris,
Seuil, 1973,
f. J. Le
Goff,
«
Images
e
l'enfant
éguées
ar
e
Moyen ge
,
Les cahiers
ranco-polonais,
1979,
.
139
155,
t P.
Riché,
L'enfant
u
MoyenAge
,
L'histoire,
°
18,
déc.
1979,
.
41 à
50.
53.Cf.M. de
Certeau,
'absent e
l'histoire,
aris, 973,
.
171 180.
54.Nouspensonsnparticulierla perspectiventhropologiqueuverte,en France, ar E. Morin Le paradique erdu la naturehumaine, aris,
Seuil,
1973 avec M.
Piatelli-Palmarini,
'Unité e
l'homme,
aris, euil,
1974
Centre
oyaumont,p.
cit.
55.
M.
Bloch,
Apologie
our
'histoireu métier
'historien,aris,
nouvelle
éd.,1974,
.
50.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 108/128
Michel PASTOUREAU
COTÉ
VERT
ET COTÉ
GRIS
S'asseoir à la Bibliothèque nationale, travailler, lire,
écrire,
dormir,
rêver,
se souvenir
d'avoir
aimé
Les
lieux
fréquentés
ar
les
chercheurs
ont
souvent
des
lieux
à
forte
charge
onirique.
En ce
domaine,
a
grande
salle
de
lecture
du
département
es
Imprimés,
la
Bibliothèque
nationale,
st
probable-
ment e
lieu
parisien
e
plus
fortement
chargé
: architecture
erro-
viaire, mobilier « victorien (parfois «mussolinien), sonorité de
piscine,
umière
crépusculaire.
ue
ce soit
pour
s'en
réjouir
ou
pour
s'en
scandaliser,
nombreux
ont
toujours
été
les
commentaires
ur
l'atmosphère
isuelleou
sonore
voire
olfactive)
e
cette
salle.
L'organisation
de
l'espace,
en
revanche,
n'a
guère
suscité
de
remarques
u
de
critiques.
Ce
silence
est
d'autant
plus
étonnant
ue
cet
espace
est structuré
e
manière
subtile
et
contraignante,
t
qu'il
conditionne
on seulement
e
travail
de
lecture
des
chercheurs,
eurs
déplacements,
eurs
facilités
'accès
aux
catalogues
et
aux
usuels,
mais
aussi leurs
capacités
de
concentration,
eurs
chimères,
eurs
états
d'âme.
D'où l'idéed'une timide nquêtepourchercher savoirqui s'assiedoù,
qui
a des
préférences
t
qui
n'en
a
pas,
qui
demande
telle
ou
telle
place, qui
choisit
telle
ou telle
zone,
qui
exige
tel
ou
tel
côté
(1).
Car
il
y
a deux
côtés
dans
la
grande
salle
de travail
de
la
Bibliothèque
nationale
un
côté
vert
(à
droite
orsqu'on
entre)
et
un côté
gris
(à
gauche).
Et
le résultat
e
plus pertinent
e
l'enquête
a
été
de mettre
en
valeur,
au-delà
des
petites
manies
de
chacun,
'existence
de deux
camps
bien
marqués
il
y
a des
chercheurs
erts
et
il
y
a des
cher-
cheurs
gris.
1.Je ne connaispas d'enquête emblable oncernant
'autres
ieux
de
rechercheu de documentationréquentésar des médiévistes,i même,
plus généralement,
ar
des
historiens,
a
grande
alle
de
travail
u
Depart-
ment
f
Printed
ooks,
la
British
ibrary
e
Londres,
vec
sa structure
n
étoile,
a
luminosité
e
paquebot
t ses
couleurs
astel,
e
prêterait
rèsbien
à une
telle
pproche.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 109/128
107
Vert et
gris
Dans
l'histoire de
la
sensibilité
emblématique,
u'elle
soit
fran-
çaise
ou
européenne,
e
vert
t le
gris
n'ont
amais
entretenu e
rapports
d'association
ou
d'opposition
remarquables.
Et
c'est un
couple
de
couleurs
dont la
signalisation
ontemporaine
e
se sert
pour
ainsi
dire
amais.
On
lui
préfère,
ien
évidemment,
es
systèmes
lanc/noir,
blanc/rouge,
oire
rouge/bleu.
Alors
d'où vient
qu'à
la
Bibliothèque
nationale
e
lecteur
qui
franchit
e
seuil de la
grande
salle de
lecture
reçoive neplaquette erte u uneplaquette rise,ndiquant onnuméro
de
place
et
déterminant
ar
là
même
e côté
où
il
doit s'asseoir
côté
vert
n°
1
à
180)
ou
côté
gris
n°
181à
360)
?
La
réponse
est
donnée
par
l'histoire
immobile
des bulletins
servant
demander
es
livres.Ces
bulletins ont
aujourd'hui
verts ou
gris
selon
que
l'on
est
assis sur
le côté
droit ou
sur
le
côté
gauche.
Bien
que
de
format
utre
et de
typographie
ifférente,
es bulletins
étaient
déjà
verts
ou
gris
l
y
a
vingt
ns,
il
y
a
cinquante
ns,
il
y
a
plus
d'un
siècle.
Les
plus
anciens
qu'il
m'ait été
donné
de retrouver
avec
ces
couleurs,
atent n
effet
e la
findu
second
Empire
2).
Pour-
quoi
verts et
gris
Je
ne
suis
pas
en
mesure de
répondre.
J'observe
simplementue ce sont dès cetteépoque, et aujourd'huiencore,des
verts
et
des
gris peu
soutenus,
délavés,
«
pisseux
.
Probablement n
aurait-il
té de
même
s'il
s'était
agi
de
jaunes,
de
beiges
ou
de
roses.
Sous leur
tonalité
délavée,
ce
sont
là,
depuis
fort
ongtemps,
es
cinq
couleurs
ordinairesdes
cartonnages 'imprimerie,
es couvertures e
tirés
à
part,
des
étiquettes
t
des
bons de
toutes
natures. Verts et
gris Pourquoi
pas.
Ce
que
l'historien oit
en
revanche
ouligner
'est
la
longue
durée,
la
très
longue
durée de la
fonction
mblématique
des
couleurs,
pour
les
lieux
comme
pour
les
personnes.
La
Bibliothèque
nationale,
sa
grandesalle de lectureet ses lecteurs semblent insi à tout jamaisemblématisés
ar
le vertet
par
le
gris.
l
s'agit presque
d'un
drapeau.
Et seul
les
révolutions
ici
l'informatique
)
peuvent
changer
les
drapeaux.
Qui
s'assied où ?
A
la
Bibliothèque
nationale
plus
de 80
%
des
lecteurs sont
des
historiens
u des
personnes
s'adonnant
à
des
recherchesde
nature
historique pourcentage onsidérable, ffrayant ême,mais dont ni
2. Je
dois
remercierci
mes amis
conservateurs
ui
m'ont
idé dans ces
recherchest
qui
ont
facilité
mon
enquête
Maxime
réaud,
Michel
opoff/
Patricia
Mulhouse,
lfred
ierro,
ominique
oq.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 110/128
108
l'administration
e rétablissement
i ses différents
inistères
e tutelle
n'ont
amais
voulu tenir
ompte
3).
Et
parmi
ces
historiens,
es
médié-
vistes, urieusement,
nt
longtemps
té
majoritaires.
l
serait
intéres-
sant
de chercher
savoir
pourquoi
absence à
Paris
d'une
grande
bibliothèque pécialisée
dans
les études
médiévales
4)
(ce qui
n'est
le
cas ni
pour
l'Antiquité
i
pour
l'époque
moderne
ou
contemporaine
Formation
chartiste
d'un nombre
mportant
e
conservateurs
Ou
surtout
présence,
u
premier
tage
de
la
Bibliothèque,
e
la salle
de
travail
du
département
es
Manuscrits
autre
ieu
onirique
de
la médié-
vistique,plus feutré, lus confiné,mais tout aussi « atmosphérique)
et
donc
possibilité
pour
les
médiévistes
d'aller
le
même
jour
dans
les deux
salles
?
Mais
là n'est
pas l'objet
de
la
présente
nquête.
Celle-ci
ne concerne
que
la
géographie
e
la
grande
salle
de travail
des
Imprimés,
t se
propose
seulement
de
répondre
à cette
question
qui
s'assied
où
?
Pour
ce faire
e
n'ai
(sauf
quatre
exceptions)
nterrogé
ue
des
médié-
vistes,
n tout
une
cinquantaine
parents,
mis,
collègues,
onnaissances,
inconnus.
'enquête
été
totalement
mpirique
et
donc
d'autant
plus
performante
).
Les
interrogations
nt
surtout
onsisté
n
conversations
débridées,
ans
les couloirs
de
la
Bibliothèque,
ans
la
rue,
dans
le
métro, u café,ailleurs.J'ai souventeu du mal à faire comprendre
mes
questions.
J'ai
parfois
encontré
'indifférence,
e
mépris
u
l'agres-
sivité.A
cela d'une
part
le caractère
«
futile
,
«
ridicule
,
voire
«
poli-
cier» de
ma
problématique
«qui
s'assied
où »);
d'autre
part,
la
dégradation
es conditions
e travail
à
la
Bibliothèque
nationale
ces
dernières
nnées,
t
le discours
nécessairement
iolent
ue
cela
entraîne
chez ses
usagers.
Toutefois,
ce
sujet,
il faut
remarquerque
cette
dégradation
indéniable
-
a eu
pour
le
problème
qui
m'occupe
des
conséquences
avorables
moinsde
lecteurs,
moins
d'attente,
avan-
tage
de
sièges
disponibles,
donc
possibilités
accrues
de choisir
sa
place,sa zone,son côté.
Car
il va
sans
dire
qu'à
la
Bibliothèque
nationale,
hoisir
sa
place
ou
son
côté
est un
luxe
que
l'on
ne
peut
s'offrir
u'à
certaines
heures,
tôt
le
matin,
ou
après
le
milieu de
l'après-midi.
ntre
10 heures
et
16
heures,
l
faut se
contenter
e
rêver
de
pouvoir
choisir
a
place,
et
à
la
question
posée
répondre
non
pas
«
je
m'assieds
ici
»,
mais
«
j'ai-
merais
m
asseoir
là-bas
.
3. Je
pense
n
particulier
ux
expositions
rganisées
ar
la
Bibliothèque
nationale
elles
se veulent
resque
toujours
littéraires
,
parfois
«
artis-
tiques , jamais «historiques. Et, de fait, a problématiqueistorique,udumoinsa problématiquees historiens'aujourd'hui,esttoujoursbsente.
Un
accord
même
té
passé
avec es
Archives
ationales,
ui
seules
uraient
compétence
our
organiser
es
expositions
istoriques
4. La
Bibliothèque
e l'Ecole
des
chartes,
ui
pourrait
emplir
e
rôle,
st
réservée
ux
seuls
élèves
t
anciens
lèves
de
cette
cole.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 111/128
109
Préoccupations
érudites
?
Demander
une
place
précise,
lorsqu'on
arrive
tôt le
matin,
que
cela est
encore
possible
et
que
le
préposé
à la
distribution
es
plaquettes
est
bienveillant,
st une
«
manie d'un
autre
âge
».
Aucun
médiéviste e
moinsde
cinquante
ns
ne semble voirune
telle
exigence.
Elle
n'est
pas
si
rare,
en
revanche,
hez les
chercheurs
lus
âgés,
et
paraît
constituer
e
reliquat
de
pratiques
utrefois
quand
?)
courantes.
Un cas
limite
est
représenté
ar
la
singulière
lace
n° 90
(côté
vert,
contre 'allée centrale)qui susciteune affection lurielle deux cher-
cheurs a
revendiquent.
'un
d'eux
(moderniste,
l
est
vrai)
a
accepté
de
répondre
mes
questions
t
m'a
expliqué que
c'était
probablement
là l'endroit
ui
le
protégeait
e mieux
des
importuns
irculantdans
l'allée
centrale.
Cette
place
est
donc une
cachette
il
y
en a
d'autres,
à
mon
avis
plus
efficaces)
mais elle
présente
un
inconvénient le
bruit.
Encore
qu'il
soit
permis
de se
demander si le bruit
est
réel-
lement
une
gêne
dans une
bibliothèque plusieurs
médiévistes
ont
affirmé
ue
cela ne les
dérangeait
ucunement
et certains nt
même
poussé
le
paradoxe
aujourd'hui
banal)
jusqu'à prétendre
ue
ce
bruit
lancinant t
cotonneux
ui
règne
dans
la
grande
salle était
indispen-sable à leurconcentration.
Plus
fréquente ue
la
demande
de
place
est la demande
de
zone.
On
souhaite tre
assis non
pas
à telle
ou telle
place précise
mais
près
de tel
ou tel
endroit.
a
raison
généralementnvoquée
est
la
proximité
de
telle ou
telle
catégorie
d'usuels.
Raison
pratique,
un
peu
décevante,
mais
inévitable.
ourquoi
es
chercheurs
nt-ils esoin
d'être assis
près
des
usuels dont ils se servent Pour
ne
pas
perdre
de
temps
Pour
«
ne
pas déranger
?
Pour se
sécuriser Pour
surveiller
eurs
petites
affaires On ne le saura
jamais
car ils
ne
parviennent
uère
à
s'expli-
quer
clairement ur
ce
point.
C'est
comme
ça.
Cela
semble faire
partie
de la règledu jeu, des conventionsu lieu. l en estcependant uelques-
uns,
peu
nombreux,
n
peu
menteurs,
n
peu
«
frimeurs
,
qui
affirment
souhaiter tre assis
loin,
très oin des
usuels
qu'ils
utilisent. cela
des
préoccupations tratégiques
se
lever, circuler,
bserver,
e
montrer.
Nous
entrons
à
dans
une
nouvelle
catégorie
de
motivations,
moins
studieuses,
lus
affectives.
Stratégies
du désir
?
Les
médiévistes,
n
effet,
e vont
pas
à la
Bibliothèque
nationale
seulement
our
travailler. ls
y
vont
aussi
pour
voir,
pour
être
vus,
pour
rencontrer,
our
«
draguer
. Et
pour
ce
faire
l
y
a
des
places,
des
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 112/128
110
zones
et,
surtout,
n côté
le côté
vert.
C'est le côté
où Ton ne travaille
pas,
ou
peu.
C'est le côté le
plus proche
de
l'escalier
qui
descend à
la
salle
des
catalogues.
tratégiquement,
'est
là
que
l'on
observe
e
mieux
les
allées
et venues des autres
lecteurs,
eurs
gesticulations,
eurs
débauchesde
signes
qui
se
lève,
qui
passe,
qui
va
où,
qui
parle
à
qui
(tous
es
médiévistes,
n le
sait,
sont
des
«
concierges
)
?
C'est
là aussi
-
quoi
qu'en
disent es locataires de
la
place
90
-
que
les chances
d'être
remarqué,
'être
sollicité
ont les
plus grandes.
Et
c'est souvent
ce
que
l'on
espère
quand
on est
un
tenant
du côté vert.
D'où l'aversion rèsgrandedes fidèlesdu côté gris pour cet espace
vert,
ruyant, gité,
mbouteillé,
angereux.
e côté
vert c'est
«
le côté
du
cirque
,
la
«
saturnale
permanente
( ).
Et,
de
fait,
on ne
drague
pas
à
gauche (gris)
mais
à
droite
vert).
Dans
ce
but,
les
meilleures
places
sont es
places
périphériques
la
première
t
la
dernière
angée
dans leur
totalité,
u
bien les
places
situées
aux
deux extrémités
e
chaque rangée
(dont
la fameuse
place
90
).
On
peut
aussi
opérer
debout.
Dans
ce cas le lieu le
plus
propice
est
situé devant
es usuels
«
dictionnaires
e
langues
(tout
de
suite
à
droite,
en entrantdans
la
salle).
Derrière e
long
pupitre,
n faisant
semblant
de
consulter
le
dictionnaire
e Du
Cange,
ou
celui de
Godefroy,
n
dispose
d'un
observatoire rivilégié our regarder, rendre on temps,choisir, e
préparer.
ans
avoir des desseins
aussi
peu
érudits,
'est
également
à
l'endroit
e
plus
efficace
our
chercher
uelqu'un
et le trouver.Du
côté
gris
on est
presque
toujours
bredouille
uand
on tente
de
repérer
un
collègue
ou un
ami. Les
lecteurs,
ous
assis,
ont la couleur
du lieu
vestimentairement,
harnellement
scientifiquement
)
ils sont
tous
gris
(d'où
l'utilité
es
écarts
chromatiques
ans
le vêtement
orsque
'on
est
assis
dans cette
moitié).
En
face,
du côté
vert,
es
lecteurs,
ont
beau-
coup
sont
debouts,
ont
moins
uniformes,
lus
bariolés,
plus signalé-
tiques.
Le
repéragey
semble
plus
aisé.
Au-delàde
ces
comportements
ociaux
et
stratégiques,
ne autre
motivation,lus égoïsteet plus émotionnelle,xpliqueque l'on puisse
avoir
telle ou
telle
préférence.
'est la
joie
de retrouver
e
connu,
chère toutes
es
psychanalyses.
lusieurs
médiévistes,
ue
l'on
pourrait
qualifier
e
«
proustiens
,
aiment
ainsi s'asseoir
près
de
la
place
ou
dans
la
zone
où
ils se
sont assis
la
première
fois
qu'ils
sont venus
travailler
la
Bibliothèque
nationale. ls
éprouvent
eur
plus grand
plaisir
et
je
reste
persuadé
que
l'on
peut
venir n ce lieu aussi
pour
se faire
plaisir
-
non dans
la nouveauté
mais dans
l'habitude.N'inno-
vons
jamais
Esthétique de l'indifférence?
Reste,
l'opposé,
es
indifférents,
eux
qui
ont
fait
semblant
de ne
pas comprendre
a
question
posée,
ou
qui
ont
affirmé
'avoir aucune
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 113/128
Ill
préférence,
rendre
e
qu'on
leur
donne,
'y
trouver
ien,
s'y
trouver
mal,
peu
importe.
Ces
médiévistes-là
e sont
pas
majoritaires,
mais
ils forment
éanmoinsun
groupe
relativement
mportant
Et
ils se
mettent
n colère
quand
on
leur fait observer
u'être
ndifférent
'est
une
façon
de vouloir e
démarquer,
onc
d'être
nfluencé
ar
les
autres,
par
ceux
qui
ne sont
pas
indifférents
t
au
groupe
desquels
on
ne veut
pas
se
joindre.
Ces
médiévistes-là
nt
été
les
plus agressifs
l'un
-
ou
plutôt
'une
-
d'entre
ux
a
qualifié
mon
enquête
de
«
fascisante
)
et
les
plus
volubiles
pour
discourir
ur
la
scandaleuse
dégradation
des
conditions e travail à la Bibliothèquenationale.Quelques-uns,ssez
nombreux,
nt
refusé
u
chercheur
e
droit
d'avoir
des
préférences,
e
se
faire
plaisir,
voire
e
simple
droit
de
se raconter.
D'autres
ont
nié
tout
rapport
affectif
ntre
le chercheur
t les
lieux
qu'il
fréquente.
Pour
eux,
la
grande
salle
de lecture
de
la
Bibliothèque
nationale
ne
véhicule
ucune
palpitation,
ucune
charge
onirique,
ucune
dimension
magique.
C'est
«
seulement
n
lieu
de travail
(faut-il
ire
ici
«
on
croit
rêver
?).
Chez
quelques
étudiants,
nfin,
n
remarque
non
pas
l'indifférence
mais
une
volonté
délibérée
de
multiplier
es
expériences,
'essayer
es
deux
côtés,
de
vérifier
es charmes
et les
inconvénients
es différentes
zones,de tester outes es places.Attitudeoyeuse, eune,enthousiaste,
parfois
ainement
rovocante.
u'en
restera-t-il
ans
dix
ans,
lorsqu'ils
seront
devenus
des
chercheurs
lasés,
des
lecteurs
grincheux,
es
uni-
versitaires
aniteux
t
insupportables
Pour
le
savoir
donnons-nous
endez-vous
ans
dix
ans,
avec
le
numéro
de Médiévales
qui
paraîtra
dans
le second
semestre
de
1994.
La
revue,
ertainement,
xistera
ncore,
fructueuse,
uxueuse,
lorieuse.
Mais
la
Bibliothèque
ationale
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 114/128
Patricia
MULHOUSE
JEUX
(jeux)
«
La
civilisation
médiévale
st une
civilisation
u
jeu
».
Cette
phrase
aujourd hui
un
peu
défraîchie
longtemps
leuri ous
la
plume
des
meilleurs
uteurs.
Je n ai
eu
aucune
difficulté
our
la
cueillir
et
la
placer
en
exergue
de
cette
page
annonçant
a création
d une rubrique«Jeux» dans les prochaines ivraisonsde Médiévales.
Cette
rubrique
e
veut
souple,
ouverte,
ébridée.
Elle se
propose
d abord
de
présenter
n
certain
nombre
de
jeux
de
société
je
prends
ette
expression
ans
un sens
large)
médiévaux,
en
expliquer
es
règles
et
les
pratiques
sociales,
d en
retracer
a diffusion
dans le
temps
t
dans
l espace,
d en
souligner
a
portée
nthropologique.
Elle
essayera
également
de
soumettre
nos
lecteurs
un
certain
nombre
de
problèmes,
d énigmes,
de
grilles,
de
casse-tête,
de
jeux
modernes
ur
les
jeux
médiévaux.
Peut-être era-t-elleussi tentéede franchire gué qui sépare le
mélange
des
jeux
du
mélange
des
genres
Le
milieu
des
médiévistes,
les structures
niversitaires,
e
monde
de
l érudition
euvent
e
révéler
des
terrains
e
jeux
étonnants
our
qui
sait
en
transgresser
es
règles
et
voyager
dans
l au-delà
de
la recherche
t
de
l enseignement.
es
structures
e notre
univers
cientifique
emblent
e
prêter
aux
rêves
et
aux
dérives
es
plus
ludiques.
Toute
littérature
idactique
est
une
littérature
évasion.
Les
médiévistes
ont-ils
oueurs
?
Les hommes t
les
femmes
du
MoyenAge
l étaient.
Qui
veut
ouer
avec
eux? Ce sont
d agréables
compagnons
de
jeu.
Même s ils sont
parfois
un
peu
tricheurs.
Mais
nous
le
sommes
ussi...
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 115/128
NOTES
DE
LECTURE
Jeanne
ourin
Les recettes e
Mathilde
Brunei,
uisine
médiévale
our
table
d'aujourd'hui,
aris,Flammarion,
983,
48
pages.
La cuisine des châteaux-forts
à
l'usage
des
ménagères
modernes...
Après
e succès de
son
roman
La Chambredes Dames
dont
'intrigue
se
situe
au
Moyen
Age,
J. Bourin
pour
répondre
ux
nombreuses
ettres
de ses lecteurs eu l'idée de
composer
un
livre
de recettes
de cuisine
médiévaledont
le sous-titre
Cuisine médiévale
pour
table
d'aujour-
d'hui
précise
d'emblée
a
portée.
Dans une édition
gréablement
onçue,
lle
nous
propose
160
recettes,
extraites e
cinq
textes ulinairesmédiévaux
ccompagnées
d'une
pré-
sentation
apide
et
de
quelques pages
de
remarques.
Nous
ne nous
appesantirons as
sur ces brefstextes ntroductifs
ont e seul
mérite
est d'exister. n effet,a présentationui prétendnous instruireur le
repas
médiéval n'est
qu'une
mise
bout
à
bout d'un certain
nombre
d'idées
reçues,
de lieux communs
t de
quelques
connaissances
écentes
dans le
domaine,
ans
le moindre
ssai de réflexion u
d'analyse.
Mais
le
but
de J.
Bourin
était
de faire
un
livre
de cuisine
s'adressant
ux
ménagères
'aujourd'hui
t non
un livre
d'histoire.
En
revanche,
uivanten cela le
parti-pris dopté par
ses
prédéces-
seurs
canadiennes C.B. Hieatt et S.
Butler,
auteur de
Pain,
vin et
venaison,
un livre de
cuisine médiévale
(Montréal,
L'Aurore, 1977),
J. Bourin ffre
ortheureusement son lecteur e texte n
langue origi-
nalede chacunede ses 160recettes uivid'une nterprétationermettant
son exécution
ans les conditions
ui
sont celles de nos cuisines
d'au-
jourd'hui.
aluons
comme
l
le
mérite
et effort
e mise
à
la
portée
d'un
grandpublic
de textes
ntrouvables
t difficilest ce
souci
de
guider
e
lecteurdont
on
imagine
mal
qu'il
puisse
se
dépêtrer
irectementvec
les textes sans
l'aide d'une version
adaptée.
Mais,
tout le
problème
de
cet
ouvrage
réside
dans la
manièredont est menée cette
adaptation
et dont
J. Bourin
repense
en
quelque
sorte a cuisine
médiévale.
Tout
d'abord,
pour permettre robablement
cette cuisine
«
an-
cienne
d'entrer
de
plain-pied
dans nos
usages,
J. Bourin donne un
planmoderne son livredivisé n « Potages, ntrées, oissons,Viandes,
Volailles,Gibiers,
égumes,
Desserts,Sauces,
poudres
et
préparations,
Boissons
,
ajoutant
pour
le
plaisir
un
chapitre
de
«
Recettes
mpos-
sibles
»
et
de
«
Trucs et
astuces . Elle
a donc
sélectionné
u fil des
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 116/128
114
traités
médiévaux
es
recettes
ui
pouvaient
onvenir
nos
catégories
actuellesde
plats.
Et ce choix ui fait
perdre
du même
coup
la
première
occasion
d'instruire on lecteur
sur la
conception
du
repas
médiéval,
radicalement ifférente
es
nôtres,
puisque par exemple,
e
rôt,
caté-
gorie
disparue
de nos menus actuels
en était e
pivot,
t
que
les entre-
mets,
pparaissant
près
le rôt
ne
correspondaient as
nécessairement
aux
plats
sucrés
qu'ils
sont devenus
ujourd'hui.
D'ailleurs,
e livre entier est une occasion
perdue
pour
le
lecteur,
qui,
s'il
ajoutera quelques
recettes
xotiques
à
son
répertoire,
'aura
quasiment
rien
appris
sur la cuisinemédiévale.Car J. Bourinn'a pas
compris
qu'une
cuisine d'une
époque
ou d'une contrée
quelconque
ce
n'est
pas
seulement
ne liste
de
recettes,
mais
que
c'est
un
ensemble
structuré
ont
l
faut mettre
jour
les
règles
de
combinaison
cer-
tains
ont
même
parlé
de
grammaire
ulinaire
-
pour
en saisir
la
signification
t
pouvoir
n
jouir
et
en
jouer.
D'une manière
générale,
e
qu'on peut
donc
reprocher
J. Bourin
ce n'est
pas
d'avoir
choisi et
adapté
des recettes
médiévales,
mais de
l'avoir
fait
n'importe
omment,
'est-à-dire
ans souci
réel
du
contexte
historique
t sans
respect
du
texte
ui
devient
implement
n thème
partirduquelelle exécutedes variations. ourquoi pas Mais il aurait
alors
fallu ntituler
'ouvrage
Ma cuisine médiévale
et
ne
pas
laisser
croire
que
l'interprétation
onnée de
chaque
recette tait
la
plus
litté-
rale
possible compte
tenu des
nécessités ctuelles.
Les
textes
ulinaires
médiévaux
ont
parfois
i
allusifs,
es
mesures
si
souvent
absentes
qu'il
est
nécessaire de
les
«
traduire
pour
le
lecteurnon
médiéviste.
Mais,
plus
on a de
connaissances ur
la cuisine
médiévale
n
particulier
t sur
l'histoirede
la cuisine
en
général,
t
plus
on a de chances
de
proposer
une
version
«
vraisemblable
de ces
recettes.
t
malheuresuement,
uand
on
constate 'étendue
des lacunes
de J. Bourinen la matière, n n'estguèretentéde lui faire confiance.
Quelques
exemplespris
au hasard suffiront
illustrer eci
Si l'on en
croit
'interprétation
ue
fournit
J. Bourin de
la recetteChaudun
de
porc
devenue ous
sa
plume
Saucisse au
gingembre,
lle n'a
même
pas
lu
avec
attention
e
Ménagier
e Paris
(dont
elle tire
un
grand
nombre
de
recettes)
ui
dit
clairement
ue
«
le chaudun e
sont es
boyaux
...)
et aussi
sont-ce
es
boyaulx
menus sont
l'en fait boudins
et saucisses
et
aussi
en
est
la
pance
»
(
M.P.,
éd.
Brereton,
.
31).
Le chaudun
de
porc
est
une recette
de
tripes
et non
de saucisses De
même,
es
dictionnaires
ous
apprennent
ue
la
petite
oé
ce
n'est
pas
une
petite
oie comme
le
suppose
J.
Bourin,
mais
les
abattis de
l'oie,
ce
qui
donneun contenu iendifférentu Potaged'unepetite é que J.Bourin
imagine
tre
une
Oie
rôtie
la
sauge.
D'autres erreurs
plus grossières
sont
probablement
ues à
la
négligence
lus
qu'à
l'ignorance.
omment
J.
Bourin,
crivain
pécialisé
sur le
Moyen
Age, peut-elle
éduire son
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 117/128
115
explication
de
«
à
jour
de
poisson
à
«
en
carême si
ce n'est
par
facilité.Et
c'est
probablement
our
des
raisons
identiques
que
la
recette
Rissoles à
jour
de
poisson
est étourdiment
losée
Petits
pâtés
de
porc.
De même
pourquoi
commenter
'illustration
ntitulée
esticuli
et
représentant
eux
femmes
pprêtant
rois
coqs
-
les
crêtes
rouges
témoignent
'elles-mêmes
l'une tenant la
main
un saladier
rempli
de ce
qui
semble
effectivement
tre
des
rognons
blancs,
par
«
Bien
avant Henri
V,
la
poule
au
pot
était à
l'honneur... t
au
menu
Il est dommage ussi que notreauteur n'ait pas pris la peine de
s'informer
uprès
d'un
bon
épicier
de la
gamme
d'épices
vendues
à
Paris. Elle aurait ainsi
appris
que
la
maniguette
'achète
couramment
chez certains
piciers pécialisés
t
que
le
garingal
e trouve
fraisdans
grand
nombre
d'épiceries
siatiques
et séchés
parmi
es
produits
d'épi-
cerie
fine.
Cela
lui
aurait
évité
de
remplacer
a
maniguette
ar
de la
cardamone alors
que
la
maniguette
une saveur
plus
poivrée
que
parfumée
t le
garingal
par
du
gingembre
t
de l'eau de
rose
parce
qu'elle pense
-
qui
sait
pourquoi
-
que
le
garingal
st
un
rhizome
ressemblant
u
gingembre
t au
goût
de rose très
prononcé
N'ayantpas cherché comprendreéritablemente qui caractérisait
la cuisine
médiévale,
mais
sachant
comme
tout
un chacun
que
les
épices
en sont
un élément
obligé,
J.
Bourin,
à
l'instar de
la
plupart
des auteurs
de
livres similaires
u
sien,
les met à toutes
les
sauces,
comme
si
l'abondance
et
la variété des
épices
constatées
utorisaient
qu'on
les utilise
sans
règles.
Ainsi,
lle associe
le
poivre
au sel
comme
nous
en avons
l'habitude
ujourd'hui,
faisait
abstraction
de son
exis-
tence
ou
de son
absence
dans
le texte
original.
lle
«
oublie
»
certaines
épices,
mais
pas
de
manière
systématique
i bien
qu'il
est
difficile
de
comprendre
es
raisons.
La
maniguette
u'elle
remplace
donc
par
la
cardamone
st
absente
de
la
Soupe
à
l'oignon
u
de
la
Soringue
d'an-
guillealors qu'elle est mentionnée ans le texteoriginal.De mêmele
poivre
ong,
pour
lequel
elle
choisit comme
équivalent
e
poivre
de
cayenne,
n'apparaît
pas
dans
la Tourte ď
espinoches
ou
la Gelée
de
poisson.
Même
si le choix
du
poivre
de
cayenne
comme
substitut
u
poivre
long
n'est
pas
très
heureux
-
le
poivre
de
cayenne
malgré
son
nom
est
un
piment
qui
ne
parviendra
en
Europe qu'après
la
découverte
des
Amériques
pourquoi
ne l'utilise-t-elle
as
chaque
fois
qu'il
apparaît
dans
la recette
riginale
La noix de
muscade,
peut-
être
parce
qu'elle
s'appelle
«
noix
muguette
est la
plus négligée.
Elle
est
presque
toujours
oubliée,
de
même
que
le sucre
orsqu'il
ntredans
la
composition
e
plats
considérés
omme
salés
par
J. Bourin.
Mais,
le
plus surprenantst encore 'ajout d'épicesnon mentionnéesu la sup-
pression
de
certaines
fort
courantes
au
profit
d'autres.
Pourquoi
le
cumin
prend-il
out
à
coup
la
place
de la
cannelle,
du clou de
girofle
et
de
la
graine
de
paradis
dans
Mortereul
t
faulx grenon
recette
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 118/128
116
appelée
par
J. Bourin
Potage
crèmede volaille
Plus
ennuyeux
ncore,
un
bouquet garni
st
systématiquement
jouté
là
où elle l'estime
néces-
saire alors
que
les aromates
autochtones
pparaissent
peu
dans
les
ouvrages
culinairesmédiévaux.
J.
Bourin
ustifie
parfois
ses
abus en
expliquant
u
lecteur,
u'il
serait bien étonnant
u'il
n'en
ait
pas
été
ainsi
Elle
parfume
donc
de
cannelle,
este
de citronet
eau
de fleur
d'oranger
)
la Cresme
fritte
our
laquelle
le
texte
original
ne
prévoit
aucun
parfum
i ce n'est
du sucre.
Mais,toutautantque les épices,un subtilusage des graissesselon
les
temps
de
l'année,
ainsi
que
la
combinaison
de certains
modes
de
cuissson
sont des traits
ignificatifs
e la cuisine
médiévale.
J. Bourin
ne
s'en est
guère aperçue,
elle
qui prépare
au beurre les
limassons
(escargots)
t les
renoulles
grenouilles)
lors
qu'ils
doivent
tre
frits
en
huile,
u
qui
ajoute
crème,
beurre
et
petits
uisses
( )
à des sauces
à base d'éléments
cides dont la
nature même est d'être
maigres.
Contrairement
nos
usages
actuels,
dans la cuisine
médiévale,
ni le
beurre,
ni
la crème
ne sont considérés et utilisés
comme
agent
de
liaison.
De
même,
ue
la recette
prescrive
e
faire
frire
n
poisson
ou
de
faire
bouillir une viande
n'empêche
nullement
J. Bourin
de
les
rôtir u four.Et de manièregénérale, es doubles cuissons, i carac-
téristiques
es
potages
médiévaux,
e sont
pas respectées.
Jamais
par
exemple,
J. Bourin ne
replace
le
«
grain
dans
sa sauce
pour
le faire
recuireun
peu,
comme cela
est souvent
précisé
dans les
recettes
de
potages.
D'ailleurs la
plupart
du
temps,
on
sent bien
que
J. Bourin
n'a même
pas
essayé
de réaliser
a recette elon
es indications
u texte.
Cela
est
frappant ar
exemplepour
le Taillis
qui
est une
finebouillie
de
pain
et
de fruits uite
dans du lait
d'amande,
qui,
après
refroidis-
sement,
rend
en consistance
e flan ur une assiette
et
que
l'on
peut
découper
n tranches.
J. Bourin
e
baptise
Pudding
ux raisins
et
aux
pommes
et
le
prépare
à
partir
d'une
bouillie au lait de
vache addi-
tionnée e poudred'amandes « unebouillietrèsépaisse et qui reste
forcément
rumeleuse
précise-t-elle
-
qu'elle
fait
cuire ensuite
au
four
parsemé
de noisettes
e beurre.
Nous
pourrions
ontinuer
l'envi cette accumulation
'inepties
ui
démontre
ue
J. Bourin
n'a
pas
cherché
prendre
u sérieux es
textes.
Certes,
nous
venons de
le
dire,
J. Bourin
ne
connaît
pas grand
chose
de son
sujet
et nombre
de ses
interprétations
eflètenton
ignorance.
Mais
J.
Bourin n'est
pas
la
première agir
de la sorte.
C.
Hieatt,
S. Butler t
leur
traductrice
.
Thaon,
pourtant
médiévistes
i elles
se
sont
montrées
lus
avisées
en ce
qui
concerne es
usages exposés
dans
leur introduction 'ont pas agi autrement n ce qui concerneles
recettes.
eurs
interprétations
ont
parfois
encore
plus
burlesques
et
éloignées
du texte
que
celles
de
J.
Bourin.
Alors
pourquoi
Pourquoi
ces textes
ulinaires
ont-ils
raités
vec tant de
légèreté
Au-delàdes
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 119/128
117
raisons
ntrinsèques ue
nous venons
d'évoquer,
l en
est
d'autres
qui
tiennent,
notre
avis,
d'une
part
au texte culinaire
comme
genre
d'écrit,
'autre
part,
u statutde l'art culinaire
dans notre
culture,
t
enfin ux motivations
t aux
objectifs
profonds
de J.
Bourin,
uteur
d'un certain
ype
de romans succès.
Le
texte
ulinaire,
e
par
sa fonction
même,
n'est
pas
un
genre
très
respecté.
C'est
l'écrit-objet
ue
l'on
place
souvent dans
la cuisine
et
qu'on
ne
craintni de
tacherni de
déchirer,
t
paradoxalement,
lus
on
l'aime,plus on l'utilise et plus on l'endommage. arallèlement la
fragilité bligée
de
son
support
matériel,
e texteculinaire
st souvent
considéré
ommeune
simple
référencendicative
ue
l'on
peut
et
que
l'on doit
dépasser.
Elles sont
légion
es
cuisinières
ui
affirment
vec
fierté
u'elles
ne suivent
amais
dans
tous les détails les
prescriptions
d'une recette
écrite. Elles
se
comportent
insi
car
il
serait un
peu
ridiculede
vraiment
rendre
u sérieux
une recettede cuisine
et aussi
parce que
dans notre
culture,
'art
culinaire ela
peut
être
l'affaire
e
n'importe
ui
car
la cuisine st le
lieu le
plus
immédiat ù
la créativité
de
chacun trouve à
s'exercer.
En
effet,
uiconque peut
se
déclarer
cuisinier t les
grands
professionnels
oivent
pour s'imposer,
xécuter
de véritables rouesses ui les placent ans contestationossibleà cent
coudées au-dessus
de la masse
cuisinante. t être
cuisinier,
ans notre
culture
'est essentiellement
aire
preuve
d'imagination.
ar,
ce
qui
est
valorisé
dans
notre radition
ulinaire,
e n'est
pas
seulement
a
faculté
de
réaliser
la
perfection
ne recette
lassique,
mais surtout
e
génie
créateur
de celui
qui
innove.
On
comprend
lors
que
respecter
la
lettre
une recette
'est
un
peu
comme réciter
par
cœur
un texte
que
l'on
ne
comprend as.
Quant
à
J. Bourin
l
ne
faut
pas
oublier
que
son
objectif,
omme
dans ses
autres
ivres,
st
de
parler
de la vie des
«
habitantsdes
villes
et des villages,alors peuplés en grandemajorité de marchandset
d'artisans,
'est-à-dire
e ce
que
nous
appelons
maintenant
es
"classes
moyennes"
(p.
13),
pour
montrer l'art
de
vivre d'une
époque
beau-
coup
plus
évoluée
qu'on
ne le
pense
d'ordinaire
(4e
de
couverture).
Nul doute
que
l'ambition
de J. Bourin est
de
s'adresser
à la
«
classe
moyenne
d'aujourd'hui
pour
qu'elle
se retrouve
dans les
membres
de
la famille
Brunei,
représentants
e la
«
classe
moyenne
médié-
vale
( ).
Le
souci
majeur
de J. Bourin st
de
plaire
à ses lecteurs
u'elle
ne doit
ni
décourager
i
effrayer
outen les
distrayant peine.
Elle
leur
offre
onc
un
texte
riginal,
urprenant, arant
de son
sérieux,
ontelle
corrige
mmédiatement
'âpreté
par
une
version
raisonnable,
epensée
en termesfamiliers. e lecteurn'a qu'à se laisser guider aveuglément
par
son
interprète.
nutile
pour
lui de faire 'effort e lire les
textes
originaux
ui
n'ont
pas
de
réalité,
l lui
suffit e
faire
confiance u
jugement
de J. Bourin.
En
quoi
il
a bien
tort,
car le
jugement
de
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 120/128
118
J.Bourin
st celui d'un
auteur succès
qui
sait
que
ses
lecteurs,
malgré
leur désir
d'être charmés
par
des mondes
étranges
nt surtout
esoin
d'être
onfortés ans
eurs certitudes.
Françoise
Sabban.
Jean-Pierre
eguay,
La rue au
MoyenAge.
Ouest
France,Rennes,
1984.
Depuis
quelques
années,
grâce
à
différentestudes
sur
la
société
médiévale
et à
de nombreuses
monographies
rbaines,
a
ville et
le
citadin
médiéval
nous
paraissent
un
peu
moins obscurs.
J.-P.
Leguay,
se
propose
de
porter
n
éclairage
nouveau
sur
le
paysage
urbain
et
les
individus
ui
y
passent
et
y
vivent,
n
s'attachant
la
rue,
microcosme
de
la ville.L'auteur
imite on
étude
dans le
temps
de
Ph.
Auguste
u
XVP
siècle)
et dans
l'espace
(la
France).
Dans un premier emps, 'étudeporte sur la rue dans le paysage
urbain
s'appuyant
sur
de nombreux
documents,
J.-P.
Leguay
nous
confirme,
u'au Moyen
Age,
es
«
maîtresses
rues
»
(plus
de
6 mètres
de
large)
sont
rares
et les sections
rectilignes,
xceptionnelles
rue
de
l'Angle
Droit à
Agen)
d'autre
part,
es
riverains
mpiètent
ur
la
rue
par
le
haut
(les
encorbellements
es
étages
à
pignon)
ou
par
le
bas
(les
étals
dressés
par
le
commerçant)
les
rues se
présentent
comme
une
succession
d'étranglements
t
d'élargissements,
emblables
aux
verrous
et
aux ombilics
des
vallées
glaciaires
(J.-P.
Leguay).
Elles
sont,
pour
la
plupart,
ormées
ransversalement
e deux
plans
inclinés
vers un
caniveau
central
pour
permettre
'écoulement
ui,
lorsqu'il
est
tropviolent, blige e piéton « tenir e haut du pavé».
L'une
des
richesses
de
l'ouvrage
st
de s'attacher
ouvent
la
topo-
nymie,
évélatrice
e
l'aspect
de
la rue
les
immondices,
rdures,
t
autres
«
fiens
ui engendrent
estilences
(et
qui peuvent
tre
l'origine
de
grandes
nfections)
e
devinent
ans
les
«
Rue
Sale
»
ou
«
Foireuse
(Angoulême),
Passage
Merdeux
(Chartres),
«Rue
Merdière
(La-
gny),
tc...
Pourquoi
cette
saleté
et
ces odeurs
dans
la rue
médiévale
Problème
d'éducation
du
riverain
Oui,
répond
'auteur,
mais
pas
seu-
lement
à
cette
cause,
viennent
'en
ajouter
beaucoup
d'autres
les
enceintes
mpêchent
'écoulement
ors de
la
ville,
es insuffisances
es
« retraits ou « chambres ourtoises (latrines),'abondance esmétiers
nuisibles
à
la salubrité
publique
(bouchers
qui
égorgent
ans
la rue
(«
Rue
de
l'Ecorcherie
à
Paris),
foulons,
einturiers,tc.),
des
habitudes
encore
rurales
élevage
d'animaux
ur
la
chaussée)
et
enfin,
es
tenta-
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 121/128
119
tives
trop
timides,
de
la
part
des autorités
urbaines,
d une
«
ratio-
urbanistique
(J.
Le
Goff).
lle
se limite
à la
création de
dépotoires
(fosses),
égouts,
uelquefois
un
service
éboueurs
dès
le XIII* siècle
à
Montpellier pparaissent
des
«
probi
homines
),
au
pavage
de
quelques
rues
Leguay
note,
avec
beaucoup
de
justesse,
que
les
premières
mentions
e chaussées
pavées
coïncident
vec l essor
urbain
des XIe et XIIIe siècles et
le
développement
u trafic ommercial
le
passage
de
plus
en
plus fréquent
es
sabots des
animaux,
des
grosses
roues ferrées
égradent
ite es sols
mal
protégés
es rues
principales.
Le pavagedevient lors une nécessité dès 1270 Troyes, n lève un
nouvel
impôt
«
le denier
de la chaussée
).
Les
édits traitant
de
l hygiène
ublique,
e
multiplient
la
findu
Moyen
Age
et sont
plus
nombreux
souvent
mieux
appliqués)
dans les
«
grandes
villes
,
mais
leurs
répétitions euvent
faire douter
de
leur totale
application.
L auteur
conclut on observation
e
la rue dans
le
paysage
urbain,
par
l étude très
udicieuse
du décor de
la chaussée
(enseignes,
mont-
joies
»...)
et des
noms de rue où
l évocation
eligieuse
rédomine
«
Rue
de la
Cathédrale
,
«
des Cordeliers
...)
mais
où
s exprime galement
a
vie
économique
(«Rue
de
la
Draperie»)
ou
la
topographie
«Rue
Pen u
»,
«
Rue
Courbe
).
Pour
l auteur
il
semble
que
la
ségrégation
sociale horizontale e développe la findu MoyenAgeet donc que la
distinction
ntre
les rues bien
fréquentées
t les zones
de
taudis,
s accentue.
Mais
la
ségrégation
ociale
verticale
au
sein
d un même
immeuble)
este
argement
rédominante
riches t
pauvres
coexistent
dans la mêmerue.
D ailleurs,
a seconde
partie
de
l ouvrage
attache décrire e monde
de la rue
description
rès
minutieuse,
rès
documentée,
rès
réalistede
la sociabilité
médiévale,
ui
corrobore
t
précise
les
superbes
études
d A.
Farge
1)
et de
J.
Kaplow
(2)
pour
le Paris
du XVIIIe
siècle
(il
est
très
intéressant
e
comparer
ces
deux mondes
que séparent
quatre
siècleset de noter es trèsfaibles volutions).
Quelles
sont les
remarques
de l auteur Les
activités artisanales
débordent
ur
la chaussée. Les métiers
e
regroupent
«
Rue des
Tan-
neurs
)
par
obligation
matérielle
ou
technique proximité
de
l eau)
ou
pour
faciliter
es
opérations
de contrôle
«
le travail
au noir
est
juridiquement
t
moralement
nacceptable
pour
l hommemédiéval.
On
pénètre
nsuite
dans
le monde des
petits
métiers
ui
déambulent ans
la
rue,
toute cette
masse
flottante u
travail,
i
difficile
saisir
pour
l historien.
a
rue est
aussi
le domaine des
loisirs,
du
jeu,
de
la fête
(«on
s esbaudit
aisément»
au
Moyen Age).
Mais c est
également
e
1. A. FARGE
Vivre ans
a rue
à
Paris au
XVIIIe
siècle,
oll.
Archives,
Paris,
979.
2. J.
KAPLOW
Les noms
des
rois,
es
pauvres
e Paris à
la veillede la
Révolution,aris,
974.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 122/128
120
rendez-vous
es
«
sans
logis,
ne
adveu,
ne
mestyer
,
le domaine
de
la
marginalité,
e
la
violence,
de
la
délinquance,
es
truands,
désormais
mieux connu
grâce
aux travauxde
Br. Geremek
3).
Face
aux
dangers
que
représentent
es dernières
catégories
d individus,
J.-P.
Leguay
s interroge
ur l attitude
des autorités
t
note
que
la
répression
em-
porte
ur
la
prévention,ue
la
propriété
emble
mieux
protégée
ue
le
corps
(la
société
médiévale
st intraitable
is-à-vis u
vol).
La rue nous
permet
enfin
de saisir le collectif
«
le bon
peuple
qui
manifeste on dévouement
ux
grands
de ce monde
(lors
d une
entréeprincière ar exemple)mais aussi le « peuple en émoi», celui
qui
se révolte
la
«
Harelle
à Rouen
ou les
«
rebeynes lyonnaises)
Le
grand
ntérêt
de
l ouvrage
de
J.-P.
Leguay
est de se
consacrer
uniquement
la rue.
Après
a lecture
de ce livreon
ne
peut
plus passer
dans une de nos
vieillesrues
médiévales ans
s interroger
ur
son
nom,
son
aspect,
on
décor.
Didier Lett.
Françoise
Ferrand,
Esprit
et
fonctions
e
la
danse
au XI P siècle
,
La Recherche
n
danse,
Université
e Paris
IV,
n°
1,
uin
1982,
p.
29
à 38.
L article de
F. Ferrand
fait
le constat
préalable
d un
manque
des
recherches
istoriques
ur une
part
importante
e la vie
quotidienne
et de
la culture
médiévales les
travaux modernes sur la danse
au
MoyenAge
sont
trop peu
nombreux.
ependant,
es
difficultés
étho-
dologiques t la raretédes sources, ui expliquent ssentiellementette
lacune,
ne
suffisent
as
à
décourager
e
chercheur.
Une
étudedes
sermons,
ar
exemple,
claire
rapidement
e
médiéviste
sur un
certain nombre
de
pratiques gestuelles,
andis
que
toute
une
série
de
documents
conographiques
este
à
inventorier
t
à
analyser...
Quoiqu il
en
soit,
e
XI P siècle voit véritablement
e fixer es
grandes
formes
poétiques
et musicales
accompagnant
a
danse
-
désignée
e
plus
souvent
par
le
terme
«
carole
»,
mais surtout n
dansait
manifes-
tement
eaucoup
et souvent
cette
époque.
Après
une
définition
tymologique
e la carole
(de
l étymon
cho-
raula
»
: flûtiste
e
chœur),
F. Ferrandnous en donne une
descriptionconcrète. l
s agit
d une danse collective n chaîne,circulaire u demi-
3. Br. GEREMEK
Les
marginauxarisiens
u
XIVe et
au XVe
siècles,
Paris,
976.
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 123/128
121
circulaire,
ur une mélodie
porteuse
de
paroles
et
accompagnée
ven-
tuellement
ar
des
instruments. ans
un
second
temps,
F.
Ferrand
relèveet
analyse
-
là
est l essentielde son
propos
-
trois
fonctions
particulières
e la
danse
au XIIIe
siècle celle-ci
eut
être,
out
d abord,
la célébration e
vieilles fêtes
païennes plus
ou
moins christianisées
elle
peut
être
aussi
une
louange
de Dieu
dans
la
célébration
du
culte
religieux
hrétien elle
est,
enfin
t
surtout,
n
divertissement
ondain
associé aux
plaisirs
de
l amour.
Si l article étendrelativementeu sur la place des carolesdans les
ancienscultes
naturalistes,
aute
de
documents t
parce qu au
XIIIe s.
beaucoup
de ces cultes se confondaient vec des fêtes
chrétiennes,
l
aborde
pourtant
lairemente
problème ociologique
osé par
le
phéno-
mène.Les caroles du
printemps,
ouvent onsidérées omme des
mani-
festations
une
religion
dite
populaire,
sont
pratiquées
en fait
par
l aristocratie
hevaleresque
elles
relèvent
e la même culture
magico-
religieuse
ue
celle véhiculée
ar
la
littérature ourtoisedont
e
«
mer-
veilleux
exprime
n
paganisme
n voie de christianisation.es
limites
sociologiques
de
l étude étant ainsi
posées,
il
importe
principalement
de
concevoir
a carole commeun
système
e
représentationfiguration
du mondequi fut créé en cercle, ffirmatione la ressemblance ntre
le monde visible et le monde
nvisible,
vocationde
l analogie
qui
lie
le microcosme-hommevec le macrocosme-univers.
Mais
la
danse,
définie
par
les
«
théoriciens du
XIIIe
siècle,
fait
partie
de la
Musique
bien
plus
qu elle
n a
un
pouvoir
magique
ou
mystique
uelconque,
omme e sera le
cas deux siècles
plus
tard
chez
Marsile
Ficin,
par exemple).
Or la
Musique
est
la
science des
nombres
régissant
univers,
es
mouvements es étoileset du cours des
saisons,
des
rythmes
iologiques
de
l homme,
utant
qu elle
est
l art
des
sons
proprement
it. Dans cette
conception
hiérarchisée e
la
musique,
a
carole est une médiation rivilégiéentre homme, on monde et leur
créateur. l faut
admettre
vec F.
Ferrand
que
la
carole reflète
leine-
ment
esthétique
t
la
métaphysique
u
Moyen Age
elle
n est
pas
simplement
e
fait
de
licences ccordéesen certains as
limités
par
une
Eglise
soit disant
répressive. Eglise,
en
effet,
e refusait
pas
à
la
danse
la
capacité
d exprimer
e
sacré,
même si elle lui
reprochait
a
sensualité,
oire sa
lascivité,
ans
certaines
de
ses formes
ui
sont ici
enfin
récisées.
Cependant,
a
fonction a
plus importante
e
la
carole est
de faire
danser aristocratie
hevaleresque,
a
société
courtoise
e vivant nten-
sémentpar les chants et par les danses.La carole se fait ainsi miroir
de
la
beauté
de
l apparence
et des
corps,
signe
par
lequel
la
noblesse
se reconnaît
t
se
distingue,
ite de
l élite
spectatrice
elle-même. a
danse,
parce qu elle
est
circulaire,
ermet
e
regard
sur autrui et
le
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 124/128
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 125/128
A NOS LECTEURS
Si la revue
«
MEDIEVALES
»
vous
paraît
digne
d intérêt,
outenez-la n vous abonnant
ou en
renouvelantvotre abonnement.
Bulletin
ďabonnement à retourner
:
Universitéde
Paris
VIII
Centre de Recherche.Publication
«
Médiévales
»
2,
rue de
la
Liberté
93526 SAINT-DENIS CEDEX 02
□
Je souscris
un
abonnement deux
numéros de
«
MEDIEVALES
»
(N°
8
-
Printemps
985
N° 9
■
Automne
985)
•
France
: 82 Francs
(port
compris)
•
Etranger
95 Francs
(port compris)
□
Je souscris
un
abonnement
quatre
numéro de
«
MEDIEVALES
»
(N° 8 -Printemps 985- N° 9 -Automne 985,
N° 10
-
Printemps
986
-
N°
11
-
Automne
986)
•
France
: 155
Francs
(port
compris)
•
Etranger
180 Francs
(port compris)
□
Jesouhaite
ecevoir es
numéros uivants
(n°
1
à 3
: 30
F
;
n°
4
à
6 : 40
F,
ensuite
4
F)
(n°
5
épuisé)
Règlementpar chèque uniquement l ordre de : AgentComptable
Université aris
VIII
(P.U.V.-MED).
NOM
Prénom
ADRESSE
:
Code
postal
VILLE :
Date
Signature
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 126/128
Imprimerie
raphosprint
44,boulevardFélix-Faure
92320
Châtillon-sous-Bagneux
Dépôt
légal
4e
trimestre 984
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 127/128
Rappelonsque sont acceptés volontiers ous manuscritsd articles
concernant
es
sujets
susceptibles
d être
traités
par
la
revue,
quand
même
es
auteurs
ne seraient
pas,
ou
pas
encore,
fficiellement
édié-
vistes. Les
articles
seront
tous
lus.
La revue se
réserve
e droit
de
publier
u non.
Sont
en
préparation
un
numéro sur
les
voyages
dans
l Orient
Byzantin,
ous
la direction
d E.
Patlagean
et
un
numéro
spécial
sur
«
Moyen
Age
et
Cinéma .
Toutes
les
suggestions
et
propositions
d articles
sont les
bien-
venues.
LISTE
DES
LIBRAIRIES
DEPOSITAIRES
DE MEDIEVALES
Librairie
Saint-Michel-Sorbonne,
0,
me
de la
Sorbonne,
75005
Paris
Librairie
Gallimard,
15,
boulevard
Raspail,
75007
Paris
Librairie
Tschann,
84,
boulevard
du
Montparnasse,
75006
Paris
Librairie
Autrement
it,
73,
boulevard
Saint-Michel,
5005
Paris
Librairie
du
Regard,
41,
rue
du
Cherche-Midi,
5006
Paris
Librairie
Internationale
Picard,
82,
rue
Bonaparte,
75006
Paris
Librairie
Flammarion,
centre
commercial
Galaxie, 30,
av.
d Italie,
75013 Paris
Librairie
Pages
d Histoire,
8,
rue
Bréa,
75006
Paris
Presses Universitairesde
France,
49,bd Saint-Michel, 5005Paris
Librairie
Alphonse
Daudet-Alésia,
73,
rue
d Alésia,
75014
Paris
Librairie
Le
Divan,
37,
rue
Bonaparte,
75006
Paris
Librairie
La
Hune,
170,
boulevard
Saint-Germain,
5006
Paris
Librairie
La
Procure,
3,
rue
de
Mézières,
75006
Paris
Librairie
Les
Mille
Feuilles,
2,
rue
Rambuteau,
75003
Paris
Librairie
Slatkine
France,
7,
quai
Malaquais,
75006 Paris
FNAC
Montparnasse,
136,
rue
de
Rennes,
75006
Paris
FNAC
Forum,
Forum
des
Halles,
1
à
7,
r.
Pierre-Lescot,
5001 Paris
FNAC
Strasbourg,
La Maison
Rouge,
22,
place
Kléber,
67000
Strasbourg
8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-7-automne-1984pdf 128/128
ISSN
0751-2708
SOMMAIRE
N°
7/
AUTOMNE
1984
MOYEN
AGE,
MODE
D EMPLOI
Page
Editorial
5
Enquête
Profession
médiéviste
J.
BASCHET,
C.
LAPOSTOLLE,
M.
PASTOUREAU,
Y. REGIS-CAZAL
Présentation u
questionnaire
7
Analyse
es
réponses
14
Le
chercheur,
e
«
je
»
et
l objet
56
Le
MoyenAge
une
mentalité
u
multiple
OvidioCAPITANI 65
Que
faire
du
«
Moyen
Age
?
Jean
DEVISSE
78
Infantilisme
t
primitivité
u
MoyenAge.
A
propos
de
quelques
lieux communs
une
historiographie
oderne
Antoine
PEILLON 87
Côté
vert,
côté
gris.
S asseoir à la
Bibliothèquenationale,
tra-