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-r
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UVRES
COMPLETES
DE
MAXmiLIEiN
UOI{i:SIMKIilil']
-
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8/262
UVHES
DKS
MEMBRES
DE LA
SOCIT
DES
TUDES
ROBESPIERRISTES
Paul
AiuiAsciiEKF.
Les intendants
de
province
sous
Louis
XVI
tia.
diiit
du
russe
par
Louis
Jousseraudot).
Un
vol. in-8.
Paris. Fli.x
Alcan.
Hippolytc
HuKKENom. Les portraits de Robespierre.
Etude
iconogra-
phique
et historique.
Un
vol.
gr. in-8
Jsus.
Paris,
E.
Leroux.
Eugne
W.i'ke/..
Les
Volontaires
nationaux
[1791-1793)
(publi
sou
la
direction
de la
section
historinne
de
I
Etat-major de l'arme).
Un
vol.
in-8.
Paris, H. Chapelet.
Ed.
Driault.
Napolon
et l'Italie (1800-1812).
Un
fort vol.
in-8.
Paris,
F.
Alcan.
La
politique orientale de
Napolon (1806-1808). Un
fort
vol.
in-8.
Paris, F.
Alcan.
Hans Gl.^o.^u.
Reformversuche
und
Sturz
des Absolutismus in
Frankreich
(1774-1788).
Un vol.
in-8.
.Munich
et
Berlin,
R. Oldenbourg.
Michel JoivE.
Correspondance
intime
du
Conventionnel
Rovre
avec
GoupUleau
^de
Montaigu
aprs
la
Terreur
(1794-1795
. Un
vol.
in-8. Nimes, Debroas.
^
D'
Victorin Lav.\l.
Lettres indites
de
J.-P.
Rovre
son
frre
Simon-Stylite.
Un
vol.
in-8. Paris,
11.
Champion.
Albert Mathiez.
Les Origines
des cultes
rvolutionnaires (1789-
1792).
Un vol. in-8. Paris,
Cornly,
La
Thophilanthropie et
le culte
dcadaire
(1796-1802). Un
fort
vol. in-8. Paris,
F.
Alcan.
Contributions
l'histoire
religieuse
de
la
Rvolution
franaise
(avec
une
prface
de
Gabriel
Monod).
Un
vol.
in-8.
Paris,
K.
Alcan.
La
Rvolution
et
l'Eglise.
Eludes
critiques
et
ilocumenlaires
. Un
vol.
in-8.
Paris,
\.
Colin.
Le
Club des
Cordeliers pendant
la
crise
de
Varennes
et le
mas-
sacre du
Champ de
Mars,
documents
en
grande
partie
indits
avec
des
claircissements,
des notes et
une
planche. Un fort
vol.
in
8. Paris,
H.
Champion.
Franois
Vkk>hi,e.
Essai sur
la
rpartition
sociale
des
biens
eccl-
siastiques
nationaliss dans
le dpartement du
Rhne. Un
vol.
in-S,
Paris, K.
Alcan.
Le Comit
rvolutionnaire
d'Aix-les-Bains
(en
collab.
avec
\.
Itochel).
In
vol. in-S. Paris,
F.
.\lcnn.
-
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9/262
SOCIETE I>ES
TUDES HO BE
SP
1
E
RRl STE S
OKllVRES
COMPLTES
J3K
MAXIMILIEN
ROBESPIERRE
PREMIERE
PARTIE
L
T
orne
1
I
ROBESPIERRE
A
ARRAS
EXJGElsrE
DEPREZ
ANCIEN
KI.KVK
IIE
I.KI.OI.K
HlANAl^K IIK
IHHIK
DOCTEC'R KS
I.ETTIIES
AHCIIIVISTK nPABTEMENTAI. III
PAS-OE-l.AI.AIS
PARIS
ERNEST
LEROUX,
EDITEUR
_
^
o
28,
un: noNAPAmE,
vi'
^
Q
1910
-
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10/262
R(pm
\(\\0
L.l
-
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11/262
AVANT-PROPOS
Charg
par
la
Socit
des
ludes Robespierristes
d'uiio
dition
critique
des
uvres compltes de Maximilien
Robespierre
antrieures
1789,
je
tiens,
l'apparition
du premier fascicule,
dire trs
brivement, mais
trs
hiirement, comment
je
l'ai
conue.
Pendant sept annes,
dater
de
1782,
Robespierre
compose
des
posies,
rdige
propos des affaires qu'il plaide devant
le
Conseil
d'Artois des mmoires
et
consultations
judiciaires,
improprement
appels
plaidoyers,
crit pour
les
concours
des discours
et
des
loges acadmiques.
Ses
uvres de
jeunesse seront
donc divises
en
deux
catgories,
litt-
raires
en prose
et
en
vers
et
judiciaires. Chaque
uvre
sera
prcde
d'une
notice spciale,
comprenant
tous
les ren-
seignements
qu'il
aura
t
possible
de
recueillir.
Une
introduction gnrale,
qui
replacera
Maximilien
Robes-
pierre dans
le milieu arrageois o il a
vcu et
brill,
permettra de
mieux
comprendre
et de
nrieux pntrer
l'homme;
elle
sera
comme
la
chane
qui
runira
tous
ses
crits, si
diffrents
et
de
valeur
ingale.
Nous nous
efforcerons
d'observer
la
plus
rigoureuse
impartialit,
d'numrer
et
de
contrler toutes les
sources,
pour
viter
les
lacunes,
les erreurs
et
les
mprises.
Nous
ne
perdrons
pas
de vue
que
l'dition
entreprise
par
-
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12/262
UVnES
COMPLTES
DE MAXIMILIEN
KOUESPIERKE
la
Socit
des
KUides
Robespierrisles
est avant
tout
cri-
tique.
De
mme
qu'elle
ne
doit
pas tre
une
uvre
de
vulgarisation,
de
mme
l'introduction
historique
sur
la
carrire
de
Robespierre de
1782
1789
ne
doit
pas
tre
rduite
aux
dimensions
d'un
article
de
dictionnaire
biographique.
-
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13/262
DISCOURS SLU
LES
PEINES
INFMIAMES
COURONN PAR
L'ACADMIE
DE METZ EN
1784
-
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-
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15/262
INTRODUCTION
Le
21
avril
1784,
rActulmie
royale des
Belles Lettres
d'Arras
recevait
on
sance
publique
trois
nouveaux acad-
miciens qui
prononcrent
leurs
discours
de
rception
aux-
quels
rpondit
du
Quesnoy, avocat
et
chevin
arrageois
faisant
les fonctions de
directeur.
Les
trois
rcipiendaires,
outre
les
remcrciemenis
d'usage,
traitrent
chacun
un sujet
particulier
: Le Sage,
avocat
du
roi
la
gouvernance
d'Arras
parla contre
l'abus
des
talents,
Ansart.
mdecin,
disserta sur
l'air atmosphrique,
Maximilien de
Robespierre
(1),
avocat,
entreprit
de
prouver l'origine,
l'injustice
et
les inconv-
niens
du
prjug
qui
fait
rejaillir
sur
les
parents
dos
cri-
minels
l'infamie
attache
leur
supplice
(2).
Les
archives
de
l'Acadmie
d'Arras
n'ont
point conserv
ni le
manuscrit
ni
une
copie du
discours
prononc
par
Kobespiorre
lors
de
sa
rception.
Mais l'Almanach
d'Artois
nous
apprend
que
le
nouvel
acadmicien
l'envoya
peu de
temps
aprs,
avec
quelques
additions,
la
Socit
royale
des
Sciences
et
Arts
de
Metz
et
qu'il
y
fut
couronn
le
jour
de
la
Saint Louis
par cotte
Compagnie
qui avait
propos
le
sujet
pour
le
prix de
l'anne
178i
.
C'est,
en
effet,
dans
les
prix
proposs
par la
Socit
de
Metz que
Robespierre
(1)
Robespierre,
lu
le 13
novembre
1783,
avait
remplac
.M.
de
Crespiul.
Sur
l'Association
littraire
d'Arras
fonde
en
1137 et
rige
(1773)
en
Aca-
dmie, cf.
van
Drivai
:
Histoire de
t'Aradmie
d'Arras
depuh
sa
fondation
en
1737 jusqu' nos
jours.
Arras, 1872,
in-8.
(2)
Almanach
historique
et
gographique
d'Artois
pour
l'an
de grce
ITS
contenant la
description
A Arras,
chez la
veuve
de
Michel
Nicolas,
ibraire
et
imprimeur
du
Roi,
rue
Saint-Gerj-,
p.
25a.
-
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16/262
6
(EIVRES
COMPI.TKS DK
MAXIMII.IKN
HOBESPIERRK
avait
puis l'ide
de son discours de rception
;
la ques-
tion
que la
Socit lorraine
avait
propose
pour le prix
dcerner
le
jour
de la Saint
LouivS
1783
lui servit
ainsi
dou-
blement.
Elle
lait
nonce en
ces
lermes :
(Juellc
est l'origine
de
l'opinion
lui
tend
sur
tous
les
individus
d'une
mme
famille,
une
partie de
la honic atlachc aux peines
infa-
mantes
que subit
un
coupable? Cette opinion
est-elle
plus
nuisible qu'utile?
Et
dans
le
cas
o
l'on
se dciderait pour
l'alfirmalive,
quels
seraient
les
moyens
de
parer aux incon-
vniens
qui
en rsullcnt?
Mais aucun
des mmoires
prsents
au
concours
de
1783
ne
parut
rpondre
la
ques-
tion
d'une
manire
satisfaisante. Plusieurs auteurs avaient
soutenu
i'ulilili
du
prjug
sans nanmoins
en
avoir
pes
et
suffisamment
approfondi
les causes, ainsi
que
ses
avan-
tages
ou
ses
inconvniens
pour la Socit
en
gnral,
et
pour
cbaquc
famille
en
particulier . D'autres, en lalla-
quant,
n'avaient
pas fait
usage
de
toutes
les ressources
que
le
sujet
prsentait
(1).
Ce
n'est
pas
cependant,
ainsi
qu'en
fait foi
le rapport
sur le
concours,
imprim
et
distribu,
que
la
Socit
royale
n'et
distingu |)aimi les Mmoires qu'elle
avait examins
des
ouvrages
dignes d'loges
.
Le
Mmoire
inscrit sous le n 7 et portant pour
pigraphe
ces
mots d'Horace, Tol/ite lmrbanii nioretn,
est
crit pure-
ment
et
avec
chaleur. L'auleur
attaque vivement le prjug,
et
parlant
au
cur
avec les
mouvements
d'une
loquence
persuasive,
il sait
sentir
le mal qui en
rsulte pour les
familles;
mais
il
ne discute pas
sulfisammenl
celui
que
peut
prouver la
socit
politique, il
n'indique
pas
assez
nette-
ment les
sources
de l'opinion,
non
plus
que
les
moyens d'y
remdier.
(1)
Prix
proposs
par la
Socirt royale]
des Sciences
et
les
Arts
de AJetz
pour les
annes
1784 et
llS.'i.
A
Melz,
de riiiiprimerie
de Joseph Antoine,
imprimeur
du
Roi,
etc. MDCCLXXXIII,
in-4%
4
p.
-
7/25/2019 Oeuvres compltes : Robespierre, Maximilien, 1758-1794 - Tomo I
17/262
INTRODUCTION
7
Lo
Mmoire
n
6
qui a
pour
pigraphe
ces vers d'IIoraco
:
Hic
munis
alieneiis
esta
iVi7
conseil
e
sihi,
niiUd
pallescere
culp
a
mrit une
dislinclion
par des vues
profondes;
l'auteur
est
trs
vers dans la
science des
loix
;
mais
en s'tsndant
trop
en
raisonnemens mlapliysiques,
il
a
vu avec
illusion
le systme de
notre
lgislation
et
les fondemens
do
nos
moRurs.
D'ailleurs on
trouve
en gnral
plus
do
brillant
que
d'exactitude
dans
ses
eprcssions;
des
mtaphores
frquem-
ment
empruntes
de
la
science des
gomtres,
et
quelquefois
employes
sans
justesse, offrent une
sorte
de
nologisme
qui dpare une production
trs estimable par le
fonds
des
ides, et
par
la sagacit qu'elle annonce
dans
l'esprit
de
son
auteur.
Quant au Mmoire
n
.'
sous celte
pigraphe :
Anima
rjiiar
prccaieril ip.sa
moridiir
;
f'dius
no portalnt
iniquitaton
patris
et
pater non portail
inifjuilatcni
fdii
.
On
y
a trouv
un
systme
de
lgislation
propre prvenir en partie les
mau-
vais
effets
du
prjug
;
mais
on
ne
voit pas
dans
la dduction
des motifs une exposition suffisante des
incon venions
ou
des
avantages
de
l'opinion pour
la socit. L'on
y
apperoit
le
germe de beaucoup d'ides
justes,
et on regrette
qu'elles
n'ayent pas
t approfondies
ni
soutenues par une
chane
de raisonnemens capables
d'oprer
la conviction.
D'ailleurs
le
style
qui,
dans
ces matires,
doit
au
moins
tre
pur
et
exact,
prsente
trop souvent des
ngligences et des
trivia-
lits
qui annoncent une
plume
peu exerce crire
sur des
matires
de droit public et de jurisprudence.
Ainsi
la
Socit
Royale,
dsirant
que
cette
question int-
ressante soit traite avec la profondeur
qui
lui
convient,
a
remis
le Prix au
concours
de l'anne prochaine.
Elle
invite
les
Auteurs
des
Mmoires
qui
viennent
dtre
indiqus,
i
reloucher
leurs ouvrages
et en
gnral elle
engage
ceux qui
se
proposeront
d'entrer
en
lice,
examiner
l'opinion
dont
i s'agit, sous toutes ses faces, h
exposer
avec exactitude
-
7/25/2019 Oeuvres compltes : Robespierre, Maximilien, 1758-1794 - Tomo I
18/262
8
UVRES
COMPLTES
DE
MAXIMILIEN
ROBESPIERRE
rinflucnce
qu'elle
a
tant
sur
les
individus
que
sur
les
murs. Il
serait
ncessaire
que
l'on
s'attacht
singulire-
ment
discuter
les
points
suivans,
qui
drivent de
la ques-
tion principale,
savoir
:
1
Si nos
lois
donnent
un
Parent,
quelque proche
qu'il
soit d'un
homme
enclin
au
vice,
le
droit
et
le pouvoir
de
mettre,
dans
tous
les
tems, obstacle
ce
penchant?
2
Si
la
commnnication de
la
fltrissure
ne
nuit pas plus
l'tat
qu'elle
ne lui
profite,
en
forant
des familles
s'expa-
trier,
et
sotvetit en
les
disposant au
erime par
l'avilissonent'i
3
Si
en rendant l'infamie
personnelle,
on
n'
assurerait
pas
plutt la
punition
des
crimes qu'en
laissant
subsister
un pr-
jug
qui
oblige
les
familles
honntes
recourir
des
moyens
trangers aux
Loix,
jjorir
soustraire
les
coupables
aux
rigueurs
de la
justice?
4
Enfin,
quel
seroit le
systme
de
lgislation
le
plus
propre
dtruire
le
prjug,
ou
prvenir
ses inconvniens,
si
l'on
pensoit
qu'il
fiU
utile de
conserver une
partie
de ses
effets,
ou
qu'il
ft
impossible
de
l'anantir
entirement
?
Le
prix
pour
le sujet
propos
tait
une
mdaille
d'or de
la
valeur de
400
livres
(1);
les
mmoires
devaient tre adres-
(1)
CcUe
niL'daille portait
comme empreinte
l'elBgie du marchal de
Belleisle
qui
avait fond la Socit
royale en
175
sous le
nom
de
Socit
d'tude et
ics
peints inruiiiaiitcs
sont la
mort,
les
galres, le baonis^ciiicut
perp-
tuel,
le
fouet,
la marque avec
un
fer
cheval,
la
langue
coupe ou
perce,
le
poing
coupe, le
carcan-ol
le
pilori, la
dtention
dans une maison de
force.
i
-
7/25/2019 Oeuvres compltes : Robespierre, Maximilien, 1758-1794 - Tomo I
28/262
18
IVRF.S
COMPLTKS
DE MAXIMII.IKN
ROBESPIKRRK
tii
peine
s'excute
publiquement
et d'une
manire
ignomi-
nieuse
comme
le
carcan et le pilori. Que
peut faire
d'ailleurs
ce
condamn
qui
est
dans
les
fers?
il
n'a
plus
de secours
esprer que
du
ct
de sa
famille
et
celle
l'aniille est-elle
tou-
jours en
tat de
faire les frais
et
les
poursuites
ncessaires
pour
parvenir
jusqu'aux
pieds
du
Irnc et
y
faire
entendre
sa
voix. Les
Lettres de
grce excmplenl
de
la peine,
mais
lie
lvent
point la note dinfamie, suivant celte maxime
vul-
gaire
:
Princcps
qtios
absolvit nott
.
'
Lacrclelle
avait
raison
de dire
que
l'originalit
d'un
penseur
ou
d'un
crivain ne
peut pas
tre
dans ses
princi-
pales
ides,
qui peuvent se
trouver ailleurs
et mme
partout,
mais
dans les
conscjucnces o
elles
le
mnent,
dans le
sys-
tme
o
il les fond et les
lie,
dans les
dveloppements
qu'il
leur
donne. Il
est, dans
chaque
sujet,
une foule d'ides,
qui
ne
peuvent
chapper
ceux
qui
les mditent; et il
peut
aussi
se
rencontrer
des
esprits
de
la
mme nature
qui,
en
procdant
par
les
mmes
recherches,
doivent
arriver
aux
mmes
rsultais
.
J{ien
que Muyart
de
Vouglans
ait crit,
en
1780,
son
mmoire
sui' les
l'eiues
infamantes
que
lohes-
pierre a
pu
lire et
dont il a
pu
profiter
quatre ans
aprs, il ne
s'ensuit
pas que
ce
dernier
soit
un
plagiaire.
Un
avocat,
qui
tudie une
question,
consulte
les
livres
o
elle est
traite;
qu'il
s'agisse de
discours
acadmiques
ou
de
plaidoyers,
il
s'inspire des travaux
de ses devanciers. C'est
ce
litre
que
Maximilien Robespierre a
mis
contribution le
trait des
Lois criminelles dont l'auteur de ce
recueil encyclopdique
avait
dissert
spcialement
sur
le
prjuge
des
Peines
infa-
mantes, avant
que l'Acadmie de
Metz
et
mis
le
sujet
au
concours.
Brillant
lve
du collge
Louis-ic-Grand, couronn
au
Concours
gnral
mme
depuis
la
quatrime, Hobespiorre
donne
dans
ce
discours
la
mesure de sa
culture
classi(iue.
Le
jeune avocat, qui
plaidait
ses
premires
causes
dans
le
temps
o
il crivait
ce discours
,
ne
manque ni
de talent ni
d'loquence. Il
5cril
avec chaleur
cl
parfois
avec
vigueur.
-
7/25/2019 Oeuvres compltes : Robespierre, Maximilien, 1758-1794 - Tomo I
29/262
INTRODUCTION
19
L'Acadmie royale
des
Bcllos-Letlres
d'Airas,
qui avait
pris
pour devise
et emblme en 1737 de
jeunes
aiglons qui
essaient
leurs
ailes sur
le
bord de
leur
nid,
pouvait
s'applaudir
du
choix qu'elle avait fait. Et
nul
des
acadmiciens d'alors,
d'es-
prit si cultiv,
n'et song
faire
un
grief
leur
nouveau
collgue,
pris d'ides
philanthropiques,
d'oser,
avec tout
le
respect d la religion et au
gouvernement,
lever
sa
voix
contre
les
prjugs
les
plus
alTcrmis
(1).
(I) I.e
discours
de
Robespierre
existe
en
original
dans
les
Archives
de
l'Acadmie
de Metz; la
prsente dition
a
t
faite
d'aprs ce manuscrit,
qui
a d'ailleurs
t
imprim
par
l'Acadmie
dans
les
Mmoires de
VAcadmie
royale de
Metz,
lettres,
sciences,
arts,
agriculture, XX anne,
1838-1839,
p.
387-416.
Les
variantes
ont t
donnes
d'aprs l'dition
de 1783. D'aprs
Qurard,
dans sa
Bibliographie de
Robespierre
(tir
part de
sa
France
littraire),
une premire dition
de
64 pages
aurait
paru en
1784
chez Mrigot.
Nous
ne
l'avons pas
retrouve
en dpit de nos recherches. La
Bibliothque
nationale
possde
(rserve
263t,
2032
et
4900)
3
exemplaires de
ce discours,
mais
tous
de
l'dition
de
1783.
La
bibliothque de
la
ville
de Metz,
celle d'Ar-
ras
(n
7349),
celle
du
dpartement
du
Pas-de-Calais
(collection
Victor
Barbier)
n'ont que
l'dition de 1783. L'exemplaire mis
en
vente
l'HIel
Drouot
en
mars 1910 collection Victorien
Sardou
n
1164^
tait
galement
de 1785.
Lors-
que Robespierre
a publi le discours
qui
avait
t
couronn, il
y
a fait
des
additions
si
importantes qu'elles
n'auraient
pu
trouver place
au
bas du
texte
primitif.
Nous
avons
rais
en
notes
au
bas des pages les variantes de
mots
et
de phrases
et
rejet aux
appendices
F, 11
et
III
les
additions. Le
texte ori-
ginal est publi avec
l'orthographe
et
la ponctuation ruKIcmenl
respects.
-
7/25/2019 Oeuvres compltes : Robespierre, Maximilien, 1758-1794 - Tomo I
30/262
DiSCOLHS
ADISS
(1)
A
Messielus
de
la Socit
littraire
de
Metz
suit
les
QUESTIONS SUIVANTES
PROPOSES
POUR
SUJET
(2)
d'un
prix
qu'elle
DOIT
DCERNER AU
-MOIS
d'aOUT
1785-.
Quelle est
lorigine de
lopinion
qui
tend
sur tous
les
individus
d'une
mme
famille,
une
partie
de
la
honte
attache
aux
peines
infamantes
que subit
un
coupable
?
Cette
opinion
est-elle
plus
nuisible
quutile
.'
et
dans
le
cas o
l'on
se
dcideroit
pour
l'affirmative,
quels
seroient les moiens de
parer
aux
inconv-
niensi
qui en
rsultent.
Quod
gcnus
hoc
hoiuinuiu :
quacve
huiic
laQi
barbara
inoreiu
peruiillit
patria?
Virg.
.Eneid.
Messieurs,
C'est
un sublime
spectacle
de voir les
compagnies
sa-
vantes, sans
cesse
occupes
d'objets
utiles
l'intrt
(3)
public, inviter
le
ge'nic,
par
Tappas des
plus
tlatteuses
rcom-
penses
(4)
combattre
les abus
qui
troublent
le
bonheur
de
la
socit. Ce prjug
imprieux
(o),
qui
voiie
l'infamie
les parens des
malheureux,
qui ont
encouru
l'animadver-
sion
des
loix
sembloit
avoir
chapp
jusques
ici
leur
atten-
tion; vous
avez
eu
la
gloire. Messieurs, de
diriger
(6)
les
premiers vers
cet
objet
intressant
les
travaux
de
ceux
qui
aspirent
aux
couronnes
acadmiques.
In
sujet
si
grand
veill
rallcntion
du
public
;
il a
allum
parmi
les
gens de
lettres une
noble
mulation
:
heureux ceux qui ont reu
de
la nature
les tulens
(7)
ncessaires pour le traiter
d'une
manire
qui
rponde
son importance,
et
(8)
digne
de
la
(i)
Edition de
\'iS'j
:
couronn.
(2)
du
prix
de
l'anne
l^iti.
;3)
au
bien
public.
(4)
frapper
sur
les
prjuf/s
qui.
(a Celte
opinion
imprieuse.
(6)
de
tourner.
(7)
le
f/nie
[8,
qui
soit
dijrne.
-
7/25/2019 Oeuvres compltes : Robespierre, Maximilien, 1758-1794 - Tomo I
31/262
DISCOURS SLR
F-KS
PF.INES
INFAMANTES 2t
Sot'iU' clbro qui
la
propos
Jo
suis
loin de
trouver
en
moi
ces
grandes ressources :
mais
je n'en ai
pas moins
os
vous
prsenter
mon
tribut
:
c'est le
dsir
d'tre utile;
c'est
l'amour de
l'humanit
qui
vous
l'olTre
;
il
ne seauroit
tre
tout
fait indigne
de
vous
(I).
La
premire des
trois
questions
que
(2)
je
dois
examiner
pourroit
(3)
paroilre, au
premier
coup
d'a-ii, offrir
des diffi-
cults
insurmontables.
Comment
dcouvrir
l'origine
d'une
opinion
qui
remonte
aux
sicles
les
plus
reculs?
Comment
dmler
les
rapports
imperceptibles par
lesquels un
prjug
peut
tenir
mille circonstances
inconnues,
mille
causes
impntrables?
S'engager dans
une
pareille
discussion,
n'est-
ce
pas
d'ailleurs s'exposer
rendre
raison de
ce qui
n'est
peut tre
que
l'ouvrage
du hazard?
N'est-ce pas
vouloir
(4)
en
quelque
sorte
ciiercher des
rgles au caprice,
et
des
motifs
la
bizarrerie
? telles
sont
(5^ les ides qui se prsen-
trent d'abord mon
esprit
:
mais
j'ai
rflchi,
qu'en pro-
posant cette question, vous
aviez
jug
par l mme qu'elle
n'toit pas
impossible
rsoudre
:
votre
authorit
m'a sduit
et
j'ai
os
entreprendre cette
tache.
Il m'a sembl
d'abord qu'une
observation
trs
simple
me
dcouvroit
les premires
traces
du
pnjug
dont
(6)
il est
ici
question.
Quoi(|ue les
bonnes
et
les
mauvaises
actions
soient per-
sonneles,
j'ai cru remarquer
que les
hommes
toient
partout
naturellement
enclins
tendre,
on
quelque
sorte, le
mrite
ou
les fautes
d'un
individu
ceux
qui
lui
sont
unis
par des
liens troits
:
il semble
que les
sentimens
d'amour et d'ad-
miration
que
la vertu nous
inspire
se
rpandent
jusqu'
un
certain point
sur tout
ce
qui tient
elle;
tandis
que
l'indi-
gnation
et
le
mpris
qui
suivent
le
vice
rejallissent
en
partie
sur
ceux qui ont
des
(7)
rapports
avec
lui.
Tous les
jours,
on
dit
de cet
homme,
qu'il est
l'honneur de sa famille;
et de
cet
Hi
Edition
de 1785
: PRE.MIKUE
PAKTIE.
(2)
Jai
discuter.
[3]
pourra.
(4)
en
quelque
sorte deest
(5)
Messieurs.
,6)
dont je parle.
(7,
quelques.
-
7/25/2019 Oeuvres compltes : Robespierre, Maximilien, 1758-1794 - Tomo I
32/262
22
UVRES
COMPLTKS
DK
MAXIMH.IKN
ROBESPIERRE
autre,
qu'il
en est
la
honte.
On
applique mme
cette ide
des
liaisons
plus gnrales,
et
parconsquent
plus
foiblcs
;
on
intresse quelquefois,
pour
ainsi
dire,
la
conduite d'un
particulier
la
gloire
d'une
nation
;
que
dis-je?
celle
de
l'hu-
manit entire
;
n'appelle-t-on pas
un
Trajan, un
Antonin,
l'honneur de
l'espce humaine? ne
dit-on
pas
d'un Nron,
d'un
Caligula
qu'il en est l'opprobre ?
Ces
expressions
(i)
sont
de
toutes les
langues, de
tous les
temps et
de
tous les
pays
;
elles
annoncent
un
sentiment
commun tous
les peuples; et c'est
dans
cette
disposition
naturelle, que
je
trouve
le
premier
germe de
l'opinion
dont
je
cherche
l'origine.
Modifi chez
les
diffrens
peuples par
des circonstances
diffrentes elle a
acquis
plus ou
moins
d'empire
:
ici elle est
reste
dans les bornes que
lui
prescrivoient
la
nature
et la
raison; l
elle
a
prvalu
sur
les
principes
de
la
justice
et de
l'humanit, elle a
enfant
ce
prjug
terrible,
qui
fltrit
une
famille entire pour
le crime
d'un
seul
et
ravit
l'honneur
l'innocence
mme.
Vouloir expliquer
en
dtail toutes les raisons
particulires
qui
auroient
(2)
pu
influer
sur
les
progrs
de
cette
opinion
(3),
ce
seroit un projet
aussi
immense que
chimrique;
je
me bornerai
dans cette recherche l'examen
des causes
gnrales.
La
plus
puissante
de
toutes
me paroit
tre la
nature
du
gouvernement.
Dans
les
tats despotiques, la
loi
n'est
autre
chose
que la
volont
du
prince,
les peines
et
les
rcompenses
semblent
elre plutt les
signes
de
sa
colre
o
de
sa
bienveillance
que
les
suites
du
crime
o
de
la vertu : lorsqu'il
punit,
sa
justice mme ressemble toujours la violence
et
l'op-
pression.
Ce n'est
point la loi
incorruptible,
inexorable,
mais sage.
(1)
Ed. de 1785
:
manires
de
s'exprimer
(2)
qui ont.
(3)
sur ses
pro-
grs.
-
7/25/2019 Oeuvres compltes : Robespierre, Maximilien, 1758-1794 - Tomo I
33/262
DISCOURS SLR
LES
PEINES
INFAMANTES
23
juste,
quitable,
qui
procoilo au
jugement des
accuss
avec
l'appareil de
ces
formes salulaires,
qui
atteslent
son respect
pour
[ honneur et
pour
la
vie
des hommes;
qui ne dvoue
un
citoien au
supplice, que
lorsqu'elle
y
est
force
par
l'vi-
dence
des
preuves, et (t)
qui par
cette
raison mnie im-
prime
(2)
celui qu'elle
condamne
une
fltrissure
ineffa-
able
:
c'est un
pouvoir
irrsislible,
qui
frappe
sans discerne-
ment et sans
rgle
;
c'est
la
foudre,
qui tombe,
brise, crase
tout ce
qu'elle
rencontre :
dans
un
tel
(2)
gouvernement, la
honte
attache
au
supplice
est
trop
foiblepour
rejallir
jusques
sur la famille de
celui qui
l'a subi.
D'ailleurs
ce
prjug suppose
des
ides
d'honneur pousses
jusqu'au
rafinemcnt; mais
qu'est-ce
que
l'honneur dans
les
tais
despotiques
? on
sait
qu'il
est
tellement
inconnu
dans
ces
contres,
que dans
quelques
unes,
en
Perse
par
exemple,
la
langue
n'a
pas mme
de
mot
pour
exprimer
cette ide; et
comment
des
mes
dgrades
par
l'esclavage
pour'roient
elles
oulrer la
dlicatesse
en ce
genre?
Au
reste
ces
raisonnemens sont
assez
(4)
justifis
par
l'ex-
prience
;
puisque,
non
seulement
en Perse; mais
la
Chine,
en
Turquie,
au Jappon
et
chez
les
autres
peuples
soumis
au
despotisme,
on
ne
trouve
aucune trace
de
l'opinion
dont
(o)
je cherche
l'origine.
Ce
n'est
pas
non
plus
dans
les
vrilables
rpubliques
qu'elle
exercera
sa tirannie;
L
l'tat d'un
citoien est
un objet
trop
important,
pour
(6)
qu'il
puisse tre
en
quehiue
sorte
(7)
abandonn
la discr-
tion
d'autrui
:
chacjue
particulier
ayant part au
gouverne-
ment, tant
membre
de la
souverainet,
(8)
il
ne peut
tre
dpouill
de
celle auguste
prrogative par la faute d'un
autre,
et, tant
qu'il la
conserve,
l'intrt
et
la
dignit de
l'tat
ne
souffre
pas
qu'il
soit
lltri
si
lgrement
par
les
prjugs :
la libert
rpublicaine se
rvolteroit contre
ce
{i) Ed. de
nSj :
mais.
2)
toujours.
(3)
pareil.
li]
assez
deesl.
(5)
il
s'af/il
ici.
(6)
qu'il
puisse deesl.
(7)
eu
quelque sorte deest.
(8;
il
deesl.
-
7/25/2019 Oeuvres compltes : Robespierre, Maximilien, 1758-1794 - Tomo I
34/262
21
IYKKS
f.O.MPI.TF.S
T)K
MAXIMII.ICN
UOBESPIKRRK
despotisme
de
l'opinion;
loin de permellrc l'honneur
de
sacrifier
ses
fantaisies
les droits
des citoiens,
elle
l'oblige
de
les
soumettre
la force des
loix et
l'influence dos
murs
qui
les
protgent.
D'ailleurs chez
des
peuples,
o
la
carrire de la gloire
et
des
dignits
est
toujours ouverte
aux talens, la
facilit
de
faire
oublier des
crimes
qui nous
sont
trangers
par des
actions
clatantes, qui nous
sont
propres
ne
laisse
point
lieu
au
genre de tltrissuro
dont
(1)
il s'agit ici
:
l'habilude
de
voir
des
hommes
illustres
dans
les
parons
d'un
coupable
sufiroit
seule pour
anantir
ce
prjug.
On
pourroit ajouter
une
autre
raison
qui
tient au
principe
fondamental de l'espce de
gouvernement
dont
je
parle. Le
ressort essentiel
des rpubliques,
est
la
vertu,
comme
l'a
prouv
l'autheur
de l'esprit des
loix,
c'est
dire la
vertu
politique,
qui
u'est
autre
chose
que
l'amour
des
loix
et
de la
patrie
:
leur
constitution
mme
exige
que
tous
les
intrts
particuliers, toutes
les
liaisons
personnelles
cdent
sans
cesse au bien gnral. Chaque
citoien
fesant
partie
de
la
sou-
verainet,
comme
je
l'ai dj
dit; il est
oblig
ce
lilre
de
veiller
la
sret
de
la
patrie dont
les droits
sont
remis
entre
ses mains; il
ne doit pas pargner
mme
le
coupable
le
plus
cher, quand le
salut
de la rpublique demande
sa
punition;
mais comment
jjourroit-il
observer ce
pnible
devoir,
si le
deshonneur
pouvoit
(2)
tre
le
prix do sa fidlit
le remplir?
(3)
Ne
seroit-il pas
au
contraire
forc
trahir
lui
mme
les
loix,
en cherchant
leur arracher
leur
viclime?
soumettez Brutus
celte terrible preuve;
croiez
vous
qu'il
aura
le triste
courage
de cimenter la
libert romaine
parle
sang
de
deux (ils
criminels?
Non. Une
grande ame
peut
immoler
l'tat
la fortune,
la
vie, la
nature
mme
;
mais
jamais
l'honneur.
Ici
j'ai encore l'avantage de voir que mon
systme
n'est
(1)
Ed.
de nS :
je parle.
(2)
Dcuoil.
(3'
Depuis ne
seroit-il
jusqu'
viclime
nianriue
dans l'dition
de
178. .
-
7/25/2019 Oeuvres compltes : Robespierre, Maximilien, 1758-1794 - Tomo I
35/262
IlISCOUKS
SIH
r.KS
PKI.NES
INFAMANTKS
2o
point dnionti
par
les
faits.
Un
coup
d'il
jette
sur l'histoire
des
anciennes
ropiibliquos
sutlit
pour
me
convaincre
que
le
pr(^jug dont
je parle
en
toit banni.
A Rome, par exemple,
le
dcemvir Appius
Claudius
con-
vaincu
d'avoir opprim
la libert publique,
souill
du
sang
innocent
de
Virginie,
meurt dans les
fers
(1
)
sur le point do
subir la
peine
due
tant
de forfaits. La famille
des
(2)
Clau-
dius
fut-elle
deshonore?
Non.
Immdiatement
aprz
sa
mort,
je
vois
Gains
TJaudius
son
oncle
briller
encoie
aux
premiers rangs des ciloiens, soutenir
avec hauteur les
pr-
rogatives
du
Snat, s'lever
contre
les entreprises
des
tri-
buns avec cette fiert
hrditaire
que
ses anctres
avoient
toujours dploic dans
les
affaires publiques.
Ce
qui
me
paroit surtout caractriser l'esprit
de
la
nation
relativement
l'objet
dont il est ici question; c'est que dans
les discours
que les
historiens
de
la rpublique
prtent
Claudius
dans
ces occasions,
ce romain ne craint
pas
de
rappeler
au peuple
le
souvenir
de
ces
nn'^mes
dcemvirs
dont
son
neveu
avoit
t le
chef.
Il
y
a plus;
je vois
le
(ils
mme
de cet
Appius
gouverner
aprez son
perc
(3)
en
qualit
de
tribun militaire
la
rpu-
blique dont
ce
dernier
(i)
avoit t
l'oppresseur et la
vic-
time.
La
punition
des autres
dcemvirs
ne
ferma
pas
non
plus
le chemin
des
honneurs
leurs
familles.
A
peine
le
peuple
a-t-il
condamn
Duillius,
qu'il
choisit
pour
tribun un
citoien
de son
sang
et
de
son nom.
Les jugemens
qui
fltrirent
Fabius
Vibulanus,
M.
(5)
Servilius
et M. Cornlius
ne
pr-
cdent
que de
quelques
annes
l'lvation
de
leurs
descen-
dans
(6)
ou
de leurs
proches
au
tribunal
(7)
militaire
et
au
consulat.
M. Manlius
accus
d'avoir conspir
contre
la
rpublique
est
condamn
tre prcipit
du
haut
de
la roche
tarpeienne
;i; K(l. lie
ns
:
la prison
il'oii
il
allait sortir
pour
subir...
(2)
de,
(3]
aprs
son
pre deesl.
(i) dont
son pre
avoit.
(5)
Marcus.
(6)
de
leurs
descendans
deexi.
I'
Tribunal.
-
7/25/2019 Oeuvres compltes : Robespierre, Maximilien, 1758-1794 - Tomo I
36/262
26
(El
VUES COMFLTKS
DK
MAXIMILIEX ROBESPIERBK
a
O
15
ans
aprz
son
supplice,
les
Romains
dcfcrenl
:i
l'ubiius
Manlius,
lun
de
ses
descendans
(1),
avec
le titre
de
diclateur, la
puissance
la
plus
absolue
laquelle
un ciloien
pt
(2)
aspirer.
Je
ne
finirois
pas
si
je
voulois
puiser
tous
les exemples
de ce
genre
que l'histoire me
prsente
;
je
me contenterai
de
rappeler
encore ici
celui
dune nation voisine
dont les murs
sont
une
nouvelle
preuve
de
mon
systme. 'J'out le monde
scait
que
l'Angleterre,
qui
malgr le
nom
de
monarchie,
n'en est pas
moins
par
sa
constitution
(3)
une vritable
rpir
bliquo
a
secou le
joug
de
l'opinion
qui
fait l'objet
de
nos
recherches.
Quels sont
donc les lieux
o
elle
domine?
ce sont
les
mo-
narchies.
C'est l
que
seconde
par la nature du gouverne-
ment,
soutenue
par les mo'urs, nourrie
par l'esprit
gnral,
elle semble
tablir
son
empire sur une base inbranlable.
L'honneur,
comme
(4)
l'a
prouv
le
grand
homme
que
j'ai
dj
cit,
l'honneur
est l'ame
du
gouvernement monar-
chique
: non
pas cet honneur
philosophique,
qui
n'est autre
chose que
le
sentiment exquis
qu'une
ame
noble
et pure
a
de
sa
propre
dignit;
qui
a
la
raison
pour base
et
se
confond
avec
le
devoir;
qui
xisteroit,
mme
loin des
regards des
hommes,
sans
autre
tmoin que le ciel
et
sans
autre
juge
que
la
conscience
:
mais
cet
honneur
politique dont la
nature
est
d'aspirer
aux
prfrences
et aux distinctions; qui
fait que
l'on
ne
se
contente
pas d'tre estimable; mais que
l'on
veut
surtout
tre
estim,
plus
jaloux
de mettre dans
sa conduite
de
la
grandeur
que de
la justice,
de
l'clat
et
de
la
dignit
que de
la
raison;
cet honneur qui tient au
moins
autant
lo)
la vanit
qu'a
la
vertu
:
mais qui, dans
l'ordre politique,
supple la
vertu
mme;
puisque, par
le plus
simple
de
tous
les ressorts,
il force
les citoiens
marcher
vers
le
bien
(1)
Ed.
de nSS
: l'un
de ses
proches
parens.
(2)
puisse.
(3)
par
sa
constitution
deesf.
(4)
comme
on
l'a
souvent
remarqu.
( j)
qui tient
plus
;'i la.
-
7/25/2019 Oeuvres compltes : Robespierre, Maximilien, 1758-1794 - Tomo I
37/262
.'
DISCOURS
SUR
LES
PEINES INFAMANTES
27
oC'
/u>rtfU,^,
yu>^^^
U
^y^u.-^,:
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McH^^cAcyi^
,
^,^
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H'orf
cuZt^yH^
;
^u*
ycr yux.
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...
a
ayyas
\
1
-
7/25/2019 Oeuvres compltes : Robespierre, Maximilien, 1758-1794 - Tomo I
38/262
28
ivnKs
r.oMPi.TKs
m:
maximii.ikn robkspierrf,
public;
lorsqu'ils
ne
pensent
aller qu'au but
flo
loiiis pas-
sions
particulires;
cet
honneur
enfin,
souvent
aussi bizarre
dans ses
loix que grand
dans
ses elTets; qui produit tant
de
sentimens
sublimes
et
tant
d'absurdes prjugs,
tant
de
traits
broiques
et tant
d'actions
draisonnables
(1);
qui
se
pique
ordinairement de respecter
les
loix,
et
qui
(2)
quelques
fois
aussi
se fait
un devoir de
les
enfreindre; qui prescrit
imprieusement
l'obissance
aux
volonts
du prince; et
cependant
permet de
lui
(3)
refuser
ses
services,
qui-
conque
se
croit
bless
par une
injuste
prfrence;
qui
or-
donne
en
mme
temps
de
traiter
avec
gnrosit
les
enne-
mis
de
la
patrie,
et de
laver
un
alTrout
dans le sang
du
cito'icn.
Ne
cherchons
point
ailleurs
que
dans ce
sentiment,
tel
que
nous
venons
de
le peindre
la
source
du
prjug
dont
nous
parlons
(4).
Si
l'on
considre la
nature
de
cet
honneur,
fertile
en
ca-
prices,
toujours
port
une
excessive
dlicatesse,
appr-
ciant
(5)
les
choses
par
leur
clat
plutt
que
par
leur
valeur
intrinsque,
les
hommes
par
des
accessoires,
par des
titres
qui
leur
sont
trangers
autant
que
par
leurs
qualits
per-
sonnelcs,
on
concevra
facilement,
comment
il
a pu
livrer au
mpris
ceux qui
tiennent
un
sclrat
fltri
par la
socit.
II
pouvoit
tablir
ce
prjuge
d'autant
plus
aisment,
qu'il
toit
encore
favoris
par
d'autres
circonstances
relatives
la
nature du
gouvernement
dont
je
parle.
L'tat
monarchique
exige
ncessairement
des
prmi-
nences, des
distinctions de
rangs,
surtout
un
corps
de
noblesse,
regard
comme
essentiel
sa
constitution,
suivant
ce
principe
que Hacon a
(6)
dvelopp
le
premier
:
sans
nobles
point de
monarque;
sans
monarque,
point de
nobles.
Dans
ce
gouvernement
l'opinion
publique
attache
avec
rai-
son
un
prix infini
l'avantage
de
la
naissance :
mais
cette
(1)
dition
de 1785:
&cl\on3
extravagantes.
{2)
qui
deest.
'3;
lui deest.
(4)
dont
t7 est
ici
question.
(5)
apprciant
souvent
les
choses.
(6
avait
dvelopp avant
Montesquieu,
-
7/25/2019 Oeuvres compltes : Robespierre, Maximilien, 1758-1794 - Tomo I
39/262
DISCOLRS
Slll
LES
PJINKS
IM'AMANTES
29
habitude
mme
do
faire
dpendre
l'estime
que
ion accorde
un citoien
de
l'anciennet
de
son
origine,
de
l'illublralion
de
sa
famille,
de
la
grandeur
de
ses
alliances
a
dj
des
rap-
ports assez
sensibles
avec le
prjug
dont
je
parle
(i). La
mme
tournure
d'esprit
qui
fait que
l'on
respecte
un
homme,
parce qu'il
est n
d'un
pre
noble;
qu'on
le ddaigne
parce
qu'il sort de
parens
obscurs
conduit
naturellement
le
mpriser,
lorsqu'il a
reu
le
jour d'un
homme
tllri,
o
qu'il
l'a
donn
un
sclrat.
Combien
d'autres
circonstances
particulires ont pu
aug-
menter l'inlluence de
ces causes
gnrales
dans les
monar-
chies
modernes et
particulirement
(2)
en France.
Les anciennes
loix
franoises ne
punissoient
les
crimes
des nobles
([ue par
la perte de
leurs privilges
:
les peines
corporelles
(;jj
toient
rserves
pour
le roturier
o
vilain.
Dans la
suite
le clerg
fut
aussi
affranchi
par
ses prroga-
tives
de
celle
dernire
espce
de
punition
:
quel
obstacle
pouvoit trouver
alors
le
prjug
qui deshonoroil
les
familles
de
ceux qui
toient
condamns
au
supplice?
il
ne
s'altachoil
qu'
celle
partie
de
la nation, avilie pendant
tant
de
sicles
(4)
par la plus
dure et
la plus
honteuse
servitude.
S'il
eut
attaqu les
deux corps qui dominoient dans l'tat;
s'il
eut
mis
en
danger l'honneur des
seuls
ciloiens dont
les
droits
parussent
alors dignes d'tre
respects; il est probable
qu'il
auroil
t
bientt
ananti.
Nous avons d'autant
plus
de raison de le croire, qu'il n'a
jamais
pu
tendre
son
empire
jusqu'aux
grandes
maisons
du
royaume
:
aujourd'hui
que
les
nobles
sont
(5)
sou-
mis
aux
peines
(6)
corporelles, la
famille
d'un
illustre
cou-
pable
chappe
encore
au deshonneur; tandis
que
le gibet
tletril
pour
jamais
(7)
les parens
du
roturier, le
fer
qui
abbat
la
tle
d'un
grand
n'imprime
aucune
tache
sa postrit.
Mais
pur
une
(8)
raison
contraire
celle opinion
cruelle
I
Kil.
Je 17So
:
ilmit
il est
quculion.
Ji et
sur
lout.
,3)
les
pciues
al/ticlives.
(i; peaJaut des
sieles.
(3)
oui
t.
(6)
punitions.
(1)
jamais.
8
la.
-
7/25/2019 Oeuvres compltes : Robespierre, Maximilien, 1758-1794 - Tomo I
40/262
30
LVRES
COMPLTES
DE
MAXIMILIEX ROBESPIERRE
s'est
tablie sans poino,
dans
des
sicles
(1)
de barbarie,
o
elle
frappoit
loisir
sur
un
peuple
esclave,
si
mprisable
aux
yeux
de ce
clerg
puissant
el
de
celle
superbe
noblesse
qui
ropprimoienl.
Je ne
dirai
plus
qu'un mot sur ce
sujet, pour observer que
ce
mme prjug
pouvoil
(2)
tre encore fortifi par une
coutume
bizarre,
qui rgna lontems chez plusieurs nations
di; l'curope.
Je
parle
du
combat judiciaire.
Lorsque celle
absurde
inslilution
dcidoit
de toutes les
affaires civiles
et
criminelles,
les
parens
de
l'accus toient
quelques
fois
(3)
obligs
de devenir
eux
mmos
parties
dans
le
procz d'o
dpendoit
son sort
:
lorsque
sa
foiblesse,
ses
infirmits, son
sexe
surtout
ne
lui
permeltoit
pas de prouver
son
inno-
cence
lpc
la
main, ses
proches
(i)
embrassoient
sa
querelle
et
combatloienl
sa
place
:
le
procz
devenoit donc
en
quelque
sorte
pour eux une affaire
personnelle;
la puni-
lion
(5)
de l'accus
toil
la suite de leur
dfaite, el doz lors
il
toil
moins
tonnant
qu'ils
en
partageassent
la
honte,
surtout
(6)
chez
des
peuples qui ne connoissoient d'autre
mrite
que les
qualits guerrires
(7).
Aprez
avoir
cHerch l'origine
du
prjug
qui
fait
l'objet
de
nos
rflexions,
j'ai
a
discuter une seconde
(jucslion
pcut-
elre plus
intressante
(8)
encore.
Ce
prjug
est-il plus
utile
que
nuisible
(9)?
J'avoue que
je
n'ai jamais pu concevoir
comment
les sen-
limens
(10)
pouvoient
tre
partags
sur
un
point que
le
bon
sens
(11)
et
l'humanit
dcident
si
clairement.
Aussi
quand
j'ai
vu
une
des
compagnies littraires les
plus
distingues
du
royaume
(12)
proposer celle
question
je
n'ai
jamais
pens
(13)
que son intention
fut
d'offrir un
problme
rsou-
dre; mais seulement
une
erreur
funeste
combattre, un
(1)
Eil.
de
nSa
:
dans
des
temps.
(2)
a
pu.
(3)
Souvent.
(4)
ils.
(5)
la
condamnation.
(6)
Surtout deesl.
(7)
Seconde
Partie.
(8)
ques-
tioa
plus
importante
encore.
(9)
plus
nuisible qu'utile.
(10)
les
avis.
(U)
que la l'aison
et.
(12)
j'ai vu
une Socit savante
aussi distingue
pro-
poser.
^13)
jamais cru que.
-
7/25/2019 Oeuvres compltes : Robespierre, Maximilien, 1758-1794 - Tomo I
41/262
Drscouiis srii les
peines
infamantes
31
usage
barbare
dliuiro, une
tics
plaies
de
la
socit
gurir.
Uii'uno
^1)
opinion dont
l'efFct
est
de
faire
porter
l'inno-
cence ce
que
la
peine
du
crime a
de plus
accablant
soit
injuste,
c'est une
vril,
ce
me
semble qui n'a
pas
besoin
de
pr'cuve
:
mais co
point rsolu, la
question
est
dcide;
si elle
est
injuste, elle n'est
donc
pas
utile.
De
toutes les maximes de
la
morale, la plus
profonde,
la
plus
sublime peut
tre,
et en
mme
Icras
la plus certaine
est
celle
([ui
dit
:
que
rien
n'e.it
utile,
que
ce
qui
est
bonnete.
Les
loix
de
l'tre supi'cme n'ont pas
besoin d'autre sanc-
tion,
que
des suites naturelles
qu'il
a
lui mme
attaches
l'audace
qui
les
enfreint
o
la fidlit
qui
les respecte.
La
vertu produit le bonheur, comme
le
soleil produit
la
lumire, tandis (jue le
malheur
sort
du
crime, comme
l'insecte
impur nait
du
sein
de la corruption
(2).
Itien
n'est
utile
(jue
ce qui
est
honnte;
cette
maxime
vraie
en
morale
ne l'est
pas moins en politique : les
hommes
isols
et
les
hommes
runis
on
corps
de
nations
sont gale-
ment
soumis
cette
loi
:
la prosprit des socits
{'i)
poli-
tiques
repose
ncessairement
sur
la
base
immuable
de
l'ordre, de la justice et
de
la
sagesse :
toute
loi injuste
;
toute institution
cruelle qui oITense
le
droit
naturel
;
contrarie
directement
(4)
leur
but, qui
est
la
conservation dos
droits
de
l'homme,
le
bonheur
et
la
tranquillit
des
citoiens.
Si les
politiques
paroissent avoir souvent
mconnu
ce
|)rinci|)e, c'est
qu'en
gnral
les
politi(iues
ont
beaucoup
de
mpris
pour
la
morale; c'est
que la force, la tmrit, l'igno-
rance et
l'ambition
ont trop
souvent gouvern
la
terre.
(1
Ed.
de
ns.j :
li'ahuiU
qu'une.
[2)
de
la
corruption.
Le
jour
es l
arriv
oit
Csar
saisit
enfin
le
prix
de ses travaux, de ses victoires
et
de
ses
forfaits;
il
triomphe,
il
rr/iie,
il
est
assis
sur
le
trne
de
l'univers.
Csar
est-il
heu-
reux'.'
Son.
Il
clui/iperoii
en vain
au
frr
de ses
ennemis
qui
vont
l'immoler
lu libert; la
peine
qui
le poursuit ne
l'atleindroit
pas
moins'silrement :
il
ne
vivro'U
que
pour
apprendre tous
les
jours
par
de
terribles
leiMus,
que
ce
qui
n'est point honnte
ne
sauroit
tre
juste.
Cette
ina.xiiiie,....
(:))
des Etats
repose.
4)
ouvertement.
-
7/25/2019 Oeuvres compltes : Robespierre, Maximilien, 1758-1794 - Tomo I
42/262
32
LVUKS
COMPLTKS
])E JIAXIMILIEN ROBESPlKIlKK
Au
reste si j'avois
ou dmontrer la vrit
do la
maxime
que
je
viens
d'exposer (I),
par
un
exemple
frappant,
j'aurois
choisi
prcisment
celui ([ue me fournit le prjug dont
il est
ici
question.
Mais
ici j'enlcns des voix
s'lever
en
sa faveur;
je
crois
rencontrer dz
le premier
pas
un
sophisme accrdit, qui lui
a
donn
un assez grand nombre de
partisans.
11
est, dit-on,
salutaire
au
genre humain
(2);
il
prvient
une
inlinit
de
crimes; il force les parons
veiller
sur la
con-
duite
des
parons; il rend les
familles garantes des
membres
qui
les
composent.
Des citoiens
garansdes
crimes d'un
autre
citoien
(3)
con-
damns
l'infamie
qu'un
autre a
mrite...
eh c'est
prcis-
mont
ce
monstre
de
l'ordre
social
que
j'attaque. C'est
par
des loix sages,
c'est
par le
maintien
des
murs
plus
puis-
santes que
les
loix,
qu'il
faut
arrter
le crime
;
et
non
par
des usages
atroces toujours
plus
contraires
(4)
au bien
de
la
socit
que
les
dlits
mme
qu'ils
pourroient
prvenir.
A
la Chine on a
imagin
un
moien assez
frappant
d'tablir
cette
espce de
garantie
dont
on
nous
vante les avantages.
L,
les loix
condamnent
mort
les
pores
dont
les onfans ont
commis
un crime
capital,
que
n'adoptons
nous
cotte loi?
cette
ide
nous
fait
frmir ... et
nous
l'avons ralise.
Ne
nous
prvalons pas
de
la
circonstance
que
nous
n'avons
pas t
jusqu'
oter
la vie aux
parons des
(S)
coupables :
nous avons
fait
plus,
mme
dans
nos
propres
principes,
puisque nous
rougirions de
mettre la
vie
mme en
concur-
rence avec
l'honneur.
Mais
aprz tout ce
prjug
nous
donne-t-il on
efl'ct
le
((i)
foible
ddommagement qu'on nous
promet?
Comment
dimi-
nue-l-il
le
nombre das crimes? estoc do
la part do
ceux
qui
sont
capables de les
commettre?
je
n'ai pas
l'ide
d'un
homme
assez
sclrat
pour
fouler
aux
pieds
les
loix
les
plus
;i)
Ed.
lie
nSo
:
([uc
j'ai
criss
par
un
cxoiiiplc.
[2
salutaire
/
Socit;
il.
(3)
de condannis
...
mrite
deesl.
\i)
plus funestes
la
Socit.
(aj du
coupable.
^6)
ce.
-
7/25/2019 Oeuvres compltes : Robespierre, Maximilien, 1758-1794 - Tomo I
43/262
DISCOURS
SIU
LKS
PKIMCS
IiNFAMANTES
33
sacres,
el
cependant
assez
sensible,
assez
gnreux,
assez
dlical
pour
craindre
d'imprimer
sa famille
le deshonneur
qu'il
ne
redoute pas
pour
lui
mme.
Le
prjug produira
l-ii
plus
d'efTet
de la
part des parens?
rendra-l-il
les
pcres
(1)
plus
attentifs
l'ducation
de
leurs
(2^
enfans?
Quand
leur
(3)
esprit
pourroit se fixer sur
les horribles
images
qu'il
lui
prsentcroit
;
quand
la
tendresse
pater-
nelle
(4),
si
prompte
se
flatter pourroit
penser srieuse-
ment qu'elle
caresse
peut
tre
des monstres capables
de
m-
riter un jour
tonte
la
rigueur
(o)
des
loix;
cet
trange
(6)
mo-
bile seroit
au
moins
superflu
;
car
il n'est
un
seul
pre
dont
les soins
ne se
proposent
(7)
quelque
chose
de
plus
que d'em-
pcher
que
ses enfans
n'expirent
un jour sur un
cchaffaut.
On m'objectera peut-tre
que ce
motif
peut
au moins enga-
ger
les
iiarens
rclamer
le
secours de
l'anthorif
contre des
enfans
|)ervers
qui
les
menacent
d'un deshonneur
prochain.
Mais
outre
que
la
dernire
classe
dos citoiens
n'a
pas
les
ressources
ncessaires
pour
se
|)rocurer ce
remde
violent :
quand les
pres
(8)
se
dterminent-ils
en
faire
usage?
lorsque
le mal
est
devenu incurable;
lorsque la
corruption
de
celui
(9)
qui les
rduit
l'emploier est
parvenue
son
der-
nier
priode
;
lorsque
des carts
multiplis
qu'ils
connois-
senl
(tO)
souvent les
derniers
(II), et qui ont dj mrit
l'animadversion
de la
justice
les
(12)
forcent une
dmarche
cruelle
(13)
qui
laisse
toujours
une
tache sur
l'objet
de
leur
(14)
tendresse.
Souvent mme
(1.
,
a peine
lauront-ils
(16)
priv
do
la
libeit
dont
il
abuse,
que
sduits
par l'espoir d'un
change-
ment dont
eux seuls
(17)
peuvent se flatter,
ils
obtien-
dront
(18)
la rvocation de l'ordre
fatal qu'ils
avoienl
(19)
(I)
Eil.
lie
ns.'i
: le
pre.
(2)
de
ses.
(3j
son.
(4)
toujours
si
prompte.
( ))
svrit.
(6'
a/freux.
{V,
pre
qui
ne
se propose.
(Si
quainl
un
pi're.
9)
la
corruption de
son
fils
est
djn parvenue.
(10)
-
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44/262
34
UVRES
COMPLTES
DK
MAXIMILIEX
ROBESPIEURE
sollicit.
Le
coupable
(1)
dj corrompu
avant sa
dtention,
aigri
peut-tre
encore par le
chtiment
rentrera dans le sein
de
la
socit
o
il
rapporlera des
dispositions
funestes
tous
les
crimes qui peuvent la troubler.
Voil
donc
les
avantages
que
nous procure le
prjuge
dont
je
parle
(2)
:
c'toit
bien
la
peine
d'tre
injustes
cl barbares
Mais
dailleurs
pour avoir au
moins
(3)
un
prtexte
do
rendre
le
pcre
responsable
ce
point
des
actions
de ses
eufans,
il
faudroit
lui laisser
tous
les moiens
ncessaires pour
les
diriger.
Les Chinois
sont en
cela plus
consquens
que
nous :
leurs
loix leur
donnent un
pouvoir
sans bornes sur
leurs
familles;
elles les
punissent,
dit-on, de n'en
avoir pas us
:
mais
nous
qui
avons
presqu'entierement
soustrait
l'authorit
pater-
nelle la
personne
et
les
biens
des
enfans;
nous qui
fixons
un ge
si
peu
avanc
le
terme de
leur
indpendance; com-
ment
imputerions-nous aux
pres
tant
de
fautes
qu'ils
ne
peuvent
empcher?
Avant
(i)
d'exercer
contr'eux
cette
odieuse
rigueur ren-
dons
leur du
moins
tous
les droits
qui leur
appartien-
nent
(S);
rtablissons
ce
(G)
tribunal
domestique
que les
anciens peuples
regardoient avec
raison
comme
la sauve-
garde des murs; ou
plutt
cette
sage
(7)
institution nous
prouveroit bientt que
pour
diminuer
le
nombre des coupa-
bles
(8),
il
n'est
pas
ncessaire d'accabler
(9)
l'innocence
et
d'outrager l'humanit.
Mais
(10)
quand nous
pourrions
couvrir
de
quoique
motif
(I) Ed.
de 1783
:
Le
coupable,
donl
les
iiicliiialions fiiiiesles
auront t
fortifies
encore par
la
compar/uie
des
hommes vicieux,
que
la
mme punition
aura
rassembls
dans
sa j/rison, ou
par
la
solitude non
moins
dangereuse
pour
les
mes perverses
que le commerce des mdians,
rentrera
dans
le
sein
de
la Socit,
oit
il
rapporlera de
funestes
dispositions,
tous
les
ciiiues.
(2)
que
nous procure
ce prjug
{3)
au moins
deesl
(4)
.)/(.'
si
nous
vou-
lons e.M'rcer
envers
eux.
(j)
du
moins
toutes
leurs prrogatives.
(6)
ce.
(7)
sage
deest.
(8)
que pour
mettre un
frein
au
crime
il
n'est.
,0,
d'op-
primer.
(10)
mais
enfin.
-
7/25/2019 Oeuvres compltes : Robespierre, Maximilien, 1758-1794 - Tomo I
45/262
DISCOlUS SLll LES l'IilNES INFAMANTES
35
spcieux
(1)
notre
injustice l'gard
les pres
(2);
com-
ment pourrions nous l'excuser envers l( s autres
parcns
des
coupables
(3)?
quelle
authorit
le
frre
a-l-il
pour
corriger
le
frre?
quelle
puissance
le fils
xcrce-t-il
sur son pre? et
la
tendre,
la
timide,
la
vertueuse
pouse, est-elle criminelle
(4)
pour
n'avoir pas rprim les excs
du
mailre,
auquel
la
loi
l'a
soumise?
de quel droit portons
nous le dsespoir
dans
son
cur
abattu?
de quel droit
la forons-nous
cacher,
comme
un
douloureux
tmoignage
de sa
honte, les
pleurs
mmes
que
lui
arrache l'excs de
son
infortune?
J'ai
cherch
vainement
de
quelle
apparence
d'utilit,
on
pouvoit
colorer
l'injustice du prjug
que je
combats;
mais
je
suis moins
embarrass
dcouvrir les maux innombra-
bles
qu'il traine
aprz
lui.
Pour bien les
apprcier,
il
faudroit pouvoir suspendre
un
moment
l'impression
de
l'habitude
qui nous l'a rendu
trop
familier,
et le considrer
en
quelque sorte dans un
point
de
viie
plus
loign.
Je
suppose donc qu
un
habitant de
quehjue
contre loin-
laine, o nos usages sont
inconnus,
aprz
avoir
voyag
parmi
nous,
retourne vers
ses compatriotes
et
leur tienne
ce
discours :
J'ai vu
des pays
o
rgne
une coutume
singulire
;
toutes
les fois
qu'un criminel est
condamn
au
supplice,
il faut
que
plusieurs
autres
(5)
ciloiens
soient
deshonors
:
ce
n'est
pas
qu'on
leur reproche
aucune
faute;
ils peuvent
tre
justes,
bicnfaisans, gnreux; ils
peuvent
possder
mille
talens
et
mille vertus; mais
ils
n'en
sont
pas moins des gens
infmes
:
avec l'innocence,
ils ont encore les
droits
les plus
louchans
la
commisration
de
leurs concitoicns;
c'est,
par exem-
ple, une
famille dsole,
qui
l'on
arrache
son
chef
et
son
appui,
pour le
Irainer
l'chalfaut
: mais
(6)
on
juge
qu'elle
(I,
Ed. de
n8.'i
:
nous
pourrions /)a//i>/-
/Kic
ce frivole
prlexle.
(2)
injus-
tice envers
les
pres.
(3)
comment
la
jualifierons-nous
l'gard
des
autres
parens du coupa'/le.
(t)
coupable.
(.j)
autres
deest.
(6)
mais
deest.
-
7/25/2019 Oeuvres compltes : Robespierre, Maximilien, 1758-1794 - Tomo I
46/262
36
LVRES COMPLTES
DE
MAXIMILIEN
UOBESPrERRE
seroit
ti'op heureuse,
si elle
n'avoil que ce malheur
pleurer;
un
la dvoue elle mme
un
opprobre
lernel.
Les
infor-
tuns, avec
toute
la sensibilit
d'une
ame honnte
(1),
sont
rduits
porter tout le poids
de celte peine horrible,
que
le
sclrat peut
seul soulenir.
Ils
n'osent
plus
lever
les
yeux,
de peur
de
lire le mpris
sur
le
visage
de tous
ceux
qui
les
environnent;
tous
les
tats les ddaignent; tous les
corps
les
repoussent; loules les
familles
craignent de
se souiller
par
leur alliance;
la
socit entire
les abandonne
et les
laisse
dans une solitude affreuse; la bienfaisance
mme
qui
les
soulage
se
dfend
peine
du
sentiment
superbe
et
cruel
qui
les
outrage;
l'amiti...
j'oubliois
que l'aniiti ne peut
plus
exister
pour
eux. Kiilin
leur
situation est si
tcriible,
quelle
fait piti
ceux
mmes
qui en sont les
aulhcurs; on
les
plaint... du mpris
que
l'on
se sent pour eux
;
et
on
continue
de les tlti'ir;
on plonge le
couteau
dans
le
cieur
de
ces
vic-
times
innocentes
;
mais ce n'est
pas sans
tre
un
peu mu
de
leurs
cris.
A cet
tonnant, mais fidle rcit, que
diroient
les
peuples
dont
je parle
;
ne
croiroient-ils
pas d'abord qu'un
tel
pr-
jug
ne
peut
rgner
que
dans
(juelqae
contre sauvage?
on
auroit beau ajouter
que
les peuples qui
l'ont
adopt sont
d'ailleurs,
justes,
humains, clairs;
qu'ils
ont des
murs
polies,
des loix sages,
des
institutions
sublimes
;
qu'ils saveut
mieux qu'aucun autre
respecter
les
droits
de
l'humanit
et
connoitre les
principes
du
bonheur social;
qu'ils
ont
port
les
arts et
les
sciences
un
degr
de perfection inconnu au
reste de
l'univers
:
ils
ne voudroient
jamais
croire
(2)
des
contradictions si
inconcevables; ignorant
tous
les avantages
qui nous
ddommagent
de
ces restes
Je
l'ancienne
barbarie,
ils nous
rcgarderoient
peut
eire
comme les plus malheureux
des
hommes; ils
s'applaudiroient
de
ne
pas vivre
dans
des
pays
(3)
o
l'innocence
n'est
point
en
sret
;
o
les
ciloicns
([}
K(J.
de
nSj
: honnte
ils
sont
rduits.
2;
ces
inconcevables
con-
tradictions.
(3j
dans itn
pays
ot.
-
7/25/2019 Oeuvres compltes : Robespierre, Maximilien, 1758-1794 - Tomo I
47/262
DISCOURS SIR LES
PKINES INFAMANTES
37
sont
sans
cosse
exposes
anx
dangers
affreux
(1)
do perdre le
plus
|)rcieux do
tous les
biens par des
vcnemens
qui
leur
sont
trangers.
Tel
est
le
premier inconvnient attach
cet
absurde
pr-
jug;
il est
fait
pour
nous efraier. Nous regardons tout ce
qui porto
alleinle
la stabilit
de
nos
proprits,
comme
un
coup
funeste qui
branle
les
fondemens de la
flicit
pu-
blique
2);
quelle ide nous
formerons-nous donc
d'un
pr-
jug
qui
souniet
aux
caprices
du
ha/ard
Ihonneur
mme,
sans
lequel
tous
les
autres biens
sont
sans
prix et la
vie
nest
qu'un
supplice?
Nous
rptons
tous
les
jours
cette
maxime
quitable,
qu'il
vaut mieux
pargner
cent
(3)
coupables que de
sacrifier un
seul innocent: et
nous
ne
punissons
pas
un
coupable,
sans
perdre
plusieurs
innocensi
la punition
d'un
sclrat, disons-
nous, n'est
qu'un
exemple pour d'autres
sclrats; mais
le
supplice d'un
homme
de
bien est l'effroi de la socit
en-
tire : et
tous les
jours
nous
donnons
la
socit
ce
spectacle
horrible,
qui
doit porter
la
terreur dans
l'ame
de
chacun
de
nous,
puisque rien no
nous garantit que nous
n'en
serons
jamais les
dplorables
objets
et qu'oppresseurs
aujourd'hui,
nous
pouvons
demain
tre
opprims
notre
tour.
Kl
quel
tort pense-t-on
que
cause
l'tat
la
tltrissure
imprime
a
tant
de
citoiens?
Les
lgislateurs
clairs
se
sont
toujours
montrs avares
du
sang mme le plus vil,
lorsqu'ils
ont
pu
le
conserver
la
patrie;
ils n'ont pas voulu
lui
oter(4) les
moindres avantages
qu'elle
pouvoit
tirer
de la
punition
des
criminels
qui
auroient
viol
SOS loix
(5).
De
l
les
peines qui
vouent
(6)
aux tra-
vaux publics les
autheurs
de
certains
dlits
:
nos loix
mme
ont
adopt
ces
sages
(7)
prin\;ipes;
et
nos
prjugs
les
bles-
sent ouvcrtemout
on
londanl inutiles
l'tat
(8)
les
citoiens
(1)
Ed. de nS'i
: au
(lanr/er
a/f'reuj:.
(2)
les fondeuiens du bonheur
public.
(3)
mille.
(4;
voulu la priver des
uioiiidres.
(5)
des criminels
qu'ils
n'ont
pa. cru
devoir
c