NoroisEnvironnement, aménagement, société 196 | 2005Géographie du littoral : approche géomatique
Planification côtière en Afrique de l’Ouest. Retourd’expérience SIG en Guinée-BissauCoastal planning in West Africa: GIS experience feedback in Guinea Bissau
Gwenaëlle Pennober, Emmanuel Giraudet, Jacqueline Giraudet,Véronique Madec-cuq, Françoise Gourmelon, Alfredo Simao da Silva etPierre Campredon
Édition électroniqueURL : http://norois.revues.org/1866DOI : 10.4000/norois.1866ISBN : 978-2-7535-1544-4ISSN : 1760-8546
ÉditeurPresses universitaires de Rennes
Édition impriméeDate de publication : 1 septembre 2005ISBN : 978-2-7535-0218-5ISSN : 0029-182X
Référence électroniqueGwenaëlle Pennober, Emmanuel Giraudet, Jacqueline Giraudet, Véronique Madec-cuq, Françoise Gourmelon, Alfredo Simao da Silva et Pierre Campredon, « Planification côtière en Afrique de l’Ouest.Retour d’expérience SIG en Guinée-Bissau », Norois [En ligne], 196 | 2005/3, mis en ligne le 15décembre 2008, consulté le 30 septembre 2016. URL : http://norois.revues.org/1866 ; DOI : 10.4000/norois.1866
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Planification côtière en Afrique del’Ouest. Retour d’expérience SIG enGuinée-BissauCoastal planning in West Africa: GIS experience feedback in Guinea Bissau
Gwenaëlle Pennober, Emmanuel Giraudet, Jacqueline Giraudet,Véronique Madec-cuq, Françoise Gourmelon, Alfredo Simao da Silva etPierre Campredon
1 La Guinée-Bissau, petit pays lusophone enserré entre le Sénégal et la République de
Guinée (fig. 1), possède des caractéristiques littorales uniques. Sa plate-forme
continentale est la plus étendue vers le large de toute l’Afrique de l’Ouest ce qui induit des
marnages exceptionnels. Ce phénomène, lié à la présence d’une côte basse, génère une
zone intertidale représentant près du tiers de la surface totale du pays, et largement
colonisée par une forêt de palétuviers. L’interpénétration entre milieux terrestres et
marins y est maximale. Sept rias, d’orientation est-ouest, perpendiculaires à la côte,
exposent la plus grande part du pays aux influences marines.
2 À une vingtaine de kilomètres au large du continent, l’archipel des Bijagos, constitue
l’espace le plus remarquable de ce littoral. Composé de plus de quatre-vingt-huit îles et
îlots, il s’étend sur un vaste ensemble deltaïque situé à l’embouchure de l’estuaire du
fleuve Geba et est maintenu grâce à la rencontre des dérives littorales nord et sud
d’Afrique de l’Ouest. Cet archipel possède des caractéristiques physiques, biologiques et
culturelles tout à fait exceptionnelles qui lui ont valu un classement en réserve de
biosphère1 en 1996.
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Figure 1 : Localisation de la zone d’étudeLocalization of the study area
3 Le projet de planification côtière qui a émergé au début des années 1990 en Guinée-Bissau
est fortement marqué par la nécessité de préserver ces littoraux. Le laboratoire brestois
Géosystèmes2 dirigé par François Cuq a été associé à ce projet lors de la mise à jour des
cartes d’occupation du sol de l’ensemble de la plaine côtière à l’échelle du 200 000e (Cuq et
al., 1996). Puis, il contribua au projet de recherche lancé par le Bureau de Planification
Côtière (GPC – Gabineto Planificação Costiera), l’Institut National d’Étude et de Recherche
(INEP) et l’Union Mondiale pour la Nature (UICN) consacré à la synthèse des
connaissances nécessaires à la mise en place d’une réserve de biosphère sur l’archipel des
Bijagos3 en élaborant une base d’information géographique spécifique. Le transfert de
technologie nord/sud réalisé a garanti l’appropriation du SIG par les gestionnaires de ces
territoires. L’outil est aujourd’hui opérationnel au sein du GPC.
Contexte de la mise en œuvre des SIG en Guinée-Bissau
4 Le SIG bissau-guinéen s’intègre pleinement dans le projet de planification côtière initié en
1989. Les lignes directrices de cet exercice de planification côtière ont été synthétisées, en
1993, dans le plan directeur de la zone côtière (UICN/MDRA-DFC, 1993). Mené par le GPC
avec l’assistance de l’UICN, il a pour objectif le développement concerté et durable de la
zone côtière, en pleine mutation depuis le début des années 1980.
5 Ces mutations sont les conséquences de la crise climatique qui a affecté l’ensemble de
l’Afrique aride, semi-aride et sub-humide au cours des années 1980 et entraîné un afflux
important de populations vers les côtes, attirées par les ressources littorales abondantes.
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L’augmentation de la pression humaine sur ces ressources a eu pour conséquences des
perturbations dans les écosystèmes et des conflits d’usage entre les différentes activités
littorales. Signalons, à titre d’exemple, la déforestation massive pour la plantation
d’anacardier dont les noix de cajou constituent le principal produit d’exportation de la
Guinée-Bissau, ainsi que la surexploitation des ressources halieutiques mettant en péril la
pérennité des stocks. En outre, dans le contexte actuel de la mondialisation, les pressions
ne cessent de s’accentuer : recherche de sites touristiques encore vierges, de sites
poubelles (chantier de démolition navale, décharges de produits toxiques, etc.), de
réserves pétrolifères. Cela se traduit par des tentatives d’implantations anarchiques
d’infrastructures qui ne respectent pas toujours le statut d’aire protégée des espaces
naturels et qui mettent en péril les sociétés traditionnelles. Les faibles revenus de la
Guinée-Bissau (PNB = 140 $/hab. en 2003) et la qualité de ses paysages littoraux en font un
espace particulièrement convoité. Cependant, les investisseurs étrangers sont encore
rares en raison de l’instabilité politique du pays qui règne depuis de nombreuses années :
conflit politico-militaire de juin 1998 à mai 1999, coup d’état en septembre 2003,
mutinerie en octobre 2004.
6 Le programme de planification a pour principal objectif de promouvoir un
développement durable de la zone côtière, par la préservation des ressources et de la
diversité biologique, au bénéfice des populations locales. Il est en réelle rupture avec les
projets antérieurs d’aménagement du territoire mis en œuvre en Guinée-Bissau et dans
toute l’Afrique de l’Ouest qui restaient « cantonnés à la construction de routes et de
grands équipements sans se soucier de l’accompagnement social et démographique des
populations » (Alvergne, 2002).
7 Ce programme de planification côtière fonctionne en partenariat avec les différentes
institutions étatiques, ONG et organismes internationaux présents sur le territoire bissau-
guinéen. Il est plus spécifiquement financé par la coopération helvétique (DDA – Suisse)
via l’UICN. Son action se concentre sur les estuaires bissau-guinéens et sur l’archipel des
Bijagos pour aboutir à la création de cinq aires marines protégées (AMP) : le parc naturel
des mangroves du fleuve Cacheu, le parc national de l’île d’Orango, le parc naturel de
Lagoa de Cufada, la réserve de biosphère de l’archipel des Bijagos et le parc national
marin des îles João Vieira e Poilaõ.
Naissance du SIG national bissau-guinéen pour leszones côtières : une collaboration nord/sud
8 En 1991, dans la perspective d’aider à la mise en œuvre de la planification des activités de
développement et de contribuer aux objectifs de protection des milieux naturels, naît
l’idée de réaliser un SIG national bissau-guinéen. La décision est prise conjointement par
le Département des zones humides de l’UICN et le GPC après constat de l’ancienneté des
cartes disponibles pour initier cette politique d’aménagement du territoire. Les
différentes actions entreprises pour la mise en place du SIG, ont fait l’objet d’une étroite
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collaboration entre le laboratoire de recherche français Géosystèmes du CNRS, la Cellule
d’études environnementales de l’INEP (INEP/CEA) et le GPC.
9 Après 10 ans de recherche, le projet s’est concrétisé par l’élaboration d’un SIG organisé
autour de l’exploitation de deux bases d’information géographique (fig. 2) :
• l’une (BISSASIG), analysable à l’échelle du 200 000e, est orientée vers la planification des
provinces côtières. En effet, la planification des activités de développement et de protection
des milieux à l’échelle nationale nécessitait la réalisation d’un support cartographique
actualisé de l’occupation du sol des provinces côtières en remplacement du document publié
en 1978 (SCET International, 1978),
• l’autre (BIJASIG), analysable à l’échelle du 50 000e, est orientée vers les missions
conservatoires de la réserve de biosphère de l’archipel Bolama-Bijagos. Sa réalisation a été
initiée lors de la rédaction du programme scientifique qui a accompagné la demande de
classement de l’archipel des Bijagos en réserve. Ce label implique la mise en place d’un
zonage de l’espace au sein duquel un suivi scientifique à long terme doit être mené. Pour ce
faire le projet prévoit la constitution d’une base d’information pluridisciplinaire
synthétisant les connaissances sur l’archipel, ainsi que le transfert technologique du SIG
vers le GPC.
Figure 2 : Les bases d'information géographique du SIGThe geographic data base of the GIS
10 Les phases de capitalisation du projet se sont concrétisées par différentes actions et
réalisations :
• notamment par la réalisation de deux synthèses cartographiques à l’échelle du 200 000e4 et
du 50 000e5 (Cuq et al., 2001),
• par des actions de recherches menées au laboratoire Géosystèmes qui ont permis de mieux
comprendre le fonctionnement de l’écosystème côtier,
• par la formation de personnel bissau-guinéen à la géomatique,
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• par un transfert d’informations et de compétences vers la Guinée-Bissau : la cellule SIG du
GPC est opérationnelle depuis 1995. Elle est animée par le Directeur de la Planification
Côtière formé aux méthodes d’analyse spatiale par le laboratoire Géosystèmes et par un
géographe en formation SIG (photo 1)
Photo 1 : La cellule SIG du GPC (2004)The GIS office of the GPC
Fondements de la constitution d’un système de gestion intégrée de la zone côtière
11 La zone côtière est définie de manière générique comme un espace spécifiquement riche,
vulnérable et complexe, siège de fortes concentrations humaines où interviennent des
événements météo-marins parfois paradoxaux. La combinaison de ces éléments en fait
une zone de risques potentiels importants, d’origine anthropique et ou naturelle, (Robin
et al., 2004 dans Gourmelon et al., 2005). Gérer cet espace consiste à maintenir ou
améliorer globalement l’état du système dans la perspective de l’entretien des ressources
renouvelables et du développement durable des sociétés humaines (Cuq, 2000). Ceci
implique la mise en œuvre d’un « processus qui réunit gouvernements et sociétés,
sciences et décideurs, intérêts publics et privés en vue de la protection et du
développement des systèmes et ressources côtières » (Cicin-Sain et Knecht, 1998). Ces
objectifs et processus sont résumés sous le terme de Gestion intégrée de la zone côtière
(GIZC) au niveau international.
12 L’approche pluridisciplinaire s’impose donc. Il est impératif de prendre en compte le
contexte naturel, politique, institutionnel, économique et social qui conditionne le
devenir environnemental de la zone côtière. Elle doit se baser sur une description d’un
modèle de réalité fiable visant à faire apparaître les dynamiques, les enjeux, les conflits
d’usage et de perception entre les différents acteurs. Il s’agit d’œuvrer à la gestion
durable des zones côtières par le maniement de procédures visant au décloisonnement
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des approches et « à l’émergence d’un accord commun sur le devenir des écosystèmes »
(Denis et Hénocque, 2001). L’élaboration du modèle de réalité « repose sur une prise en
compte précise du système étudié, des relations entre ses différents compartiments et des
processus dynamiques qui le structurent. Cette description doit, bien entendu, s’appuyer
sur une analyse de la pertinence des échelles spatiales et temporelles qui permettra de
décrire le fonctionnement global du système » (Cuq et al., 2003).
Les SIG dans la démarche GICZ dans les pays endéveloppement
13 Il est unanimement admis que la cartographie constitue une des assises fondamentales de
la planification tant à l’échelle locale, régionale, nationale qu’internationale. « Dessiner »
le monde aide à sa compréhension : en offrant la possibilité d’afficher, d’étudier l’emprise
spatiale des phénomènes ainsi que les interactions spatiales qu’ils génèrent. Dans ce
domaine les SIG représentent la synthèse des progrès réalisés dans le traitement
numérique de l’information géographique en rendant possible une approche structurée,
cognitive de l’information géographique sur un même territoire à travers un ensemble
coordonné d’opérations informatisées. « Ce dispositif vise particulièrement à combiner au
mieux les différentes ressources accessibles : bases de données, savoir-faire, capacité de
traitement qui lui sont demandées. Il apporte ainsi un appui essentiel dans la prise de
décision des responsables d’un organisme » (AFNOR, Z 13-150, EDIGEO)6. Les SIG sont alors
définis comme un ensemble cohérent de matériel informatique, de logiciels de gestion et
d’analyse, des bases de données et les ressources humaines qui les mettent en œuvre
(Pornon, 1992).
14 S’il est admis aujourd’hui que le SIG est un outil bien adapté pour la compréhension et la
gestion des milieux continentaux, en zone côtière, le contexte d’interface entraîne des
difficultés de mise en œuvre qui en ont longtemps retardé l’utilisation (Gourmelon et al.,
2005). Ces difficultés découlent de la nécessité de confronter au sein d’un même système
des données issues d’organismes ayant pour un même territoire des référentiels et des
perceptions différentes.
15 Si dans les pays développés, la production de données à références communes tend à se
mettre en place, soulignant un effort de coordination des approches (Gourmelon et al.,
2005), dans les pays en développement les difficultés sont réelles en raison de politiques
institutionnelles très sectorisées et de conditions matérielles et humaines moins
favorables (Baudouin, 1996 ; Nwilo et Osanwuta, 2004). Aussi, dans ces pays, les
réalisations de SIG sur les littoraux sont rares et s’écartent bien souvent de la
structuration idéale proposée par les pays développés. Néanmoins, à la faveur de
programmes ponctuels, des données scientifiques adaptées sont acquises et enrichissent
progressivement des bases d’informations complexes. Les images satellitaires à haute
résolution constituent une source de données incontournable permettant de palier bien
des manques en autorisant des études diachroniques. À ce titre, les pays en
développement sont une nouvelle fois lésés en raison des coûts d’acquisition de ces
images.
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Constitution et principes d’exploitation des SIGbissau-guinéens
Évaluation des données disponibles et collectes de données
16 Dans la plupart des pays en développement, les données cartographiques sont anciennes
et ne sont disponibles de façon exhaustive qu’à des échelles moyennes. La Guinée-Bissau
bénéficie d’une situation plus favorable dans la mesure où elle est entièrement couverte
par une série de cartes topographiques de la Junta de Investigações de Ultramar à l’échelle
du 50 000e datant de 1965. Cette couverture cartographique, produite à partir de
mosaïques de photographies aériennes acquises dans les années 1960, peut encore
constituer une référence géométrique pour le continent tandis que dans l’archipel des
Bijagos, elle présente des fortes distorsions en raison de la difficulté de montage de
mosaïques en milieux insulaires. Dès le début du projet, l’utilisation de l’imagerie
satellitaire s’est donc imposée pour la constitution d’un référentiel spatial fiable et pour
la description actualisée des états de surface aux échelles attendues. Les bases
d’information ont été principalement alimentées par des produits thématiques dérivés
d’images satellitaires acquises dans le visible (Landsat Thematic Mapper et SPOT).
17 Certains documents cartographiques anciens ont toutefois été utilisés. Les cartes
topographiques ont servi à référencer les images et à produire des modèles numériques
de terrain (MNT). Les cartes marines portugaises au 400 000e publiées en 1968 et les cartes
anglaises au 100 000e du Canal de Bolama datant de 1989, ont fourni la référence
bathymétrique. Des missions sur le terrain ont permis aux chercheurs de Géosystèmes, de
l’INEP et du GPC d’effectuer des mesures physiques, et de valider les résultats du
traitement des images, notamment ceux de l’occupation du sol. Différents documents, de
type rapport, ont enfin été exploités pour recueillir des informations sur la toponymie,
l’utilisation des sols et de l’estran, la démographie, les sites rituels, les principales espèces
animales.
Constitution de Bissasig
18 La constitution de la base d’information Bissasig, livrée en 1993, a reposé sur la
confrontation des résultats de l’exploitation d’une image Landsat 5 TM de novembre 1987
et de la carte d’occupation des sols au 200 000e datant de 1978 (Cuq et al., 1996).
19 Après les opérations de prétraitements géométriques et radiométriques, une
classification est appliquée sur l’image Landsat. Les états de surface, issus de cette
opération sont vectorisés et les polygones ainsi obtenus sont intersectés avec ceux de la
carte numérisée de 1978. À chacun des polygones d’occupation du sol correspond alors
des états de surface très hétérogènes. Une segmentation spatiale des paysages fondée sur
leur degré d’hétérogénéité est opérée. À chaque classe de paysage est finalement associé
un modèle d’évolution mis au point et étalonné par la connaissance du terrain.
Constitution de Bijasig
20 Bijasig concerne les milieux terrestres et marins de l’archipel des Bijagos (Gourmelon et
Pennober, 1997 ; Cuq, 2000). Elle a pour objectif de dresser une synthèse des
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caractéristiques physiques, biogéographiques et humaines de l’espace côtier et doit
contribuer à la gestion de la réserve de biosphère. Pour ce faire, il est nécessaire
d’inventorier les acteurs et les processus qui façonnent cet archipel. Une synthèse multi-
échelle du fonctionnement de l’archipel guide la structuration de la base d’information
géographique, le choix des thématiques et des typologies (fig. 3). La limite de cet exercice
étant la disponibilité de l’information.
Figure 3 : Représentation des relations entre les différentes composantes du système « Bijagos »(Cuq et al., 2001)Representation of the relations between the various components of the “Bijagos” systems
21 Une demande de programmation simultanée des capteurs HRV (haute résolution visible)
effectuée grâce au programme ISIS de SPOTimage a permis d’acquérir quatre images
SPOT 3 de l’archipel datant du 9 mai 1995. À cette date, les conditions climatiques et
hydrologiques sont en effet favorables à la description de l’environnement littoral sur les
10 000 km2 de la zone d’étude.
22 Après la phase de prétraitements (atmosphériques et géométriques) une segmentation
des images est réalisée dissociant les milieux terrestres, littoraux et marins nécessitant
chacun des traitements particuliers. Une classification des états de surface est opérée à
l’aide d’un algorithme d’agrégation autour de centres mobiles. Les indices de végétation
et de brillance sont utilisés pour en sélectionner une dizaine. Une analyse contextuelle a
permis leur classement en thèmes d’occupation du sol. Cette couche « occupation du sol »
a servi ensuite de référence pour la cartographie des usages, des implantations humaines
et des limites administratives, des voies de communication et des limites d’aire sacrée.
23 La couche d’information « utilisation du sol » résulte de l’exploitation cartographique des
minutes de terrain levées par les équipes de l’INEP. En complément, des informations de
type ponctuel sont également saisies : sites sacrés, campements de pêche, infrastructures
touristiques, pêche à pied.
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24 L’analyse des ensembles morphosédimentaires de l’estran (couche « faciès de l’estran »)
se fonde sur l’étude des propriétés optiques des sédiments à partir de classification. En
parallèle de nombreuses données sont collectées sur le terrain : levés sédimentologiques
des formations sédimentaires localisées à l’aide du GPS (Global Positionning System) et
témoins de la cinématique actuelle. Les couches d’information concernant la cinématique
à long terme et la dynamique littorale sont le résultat de l’analyse spatiale basée sur des
analyses de texture et de contexte des polygones d’estrans (localisation, morphologie,
sédimentologie, etc.) (Pennober, 1999 ; 2000).
25 La couche d’information « bathymétrie » résulte, dans son ensemble, de l’exploitation des
cartes bathymétriques. La mise à jour et l’adaptation de cette information à l’échelle du
50 000e a principalement concerné les petits fonds (jusqu’à 10 m de profondeur) et s’est
appuyée sur l’interprétation visuelle de la morphologie sous-marine révélée par les
images SPOT (canaux XS1 et XS2). Les conditions hydrologiques non homogènes sur
l’ensemble de l’archipel interdisant tout autre type d’approche.
Structuration générale du SIG
26 Un dictionnaire de données décrit l’ensemble des couches d’information qui constituent
la base d’information géographique. Dans le tableau synthétique de ce dictionnaire
(tab. 1) on remarquera outre les couches d’information citées, d’autres thématiques
traitées concernant par exemple la faune et la toponymie. Elles résultent de l’exploitation
d’études réalisées pour l’essentiel dans la perspective de l’inventaire de la biodiversité lié
à la demande de classement du site en réserve.
Tableau 1 : Dictionnaire de données de BijasigData dictionary of Bijasig
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Exploitations de la base d’information
27 La base d’information BIJASIG a d’abord été réalisée dans la perspective d’acquérir une
meilleure connaissance des milieux physiques, écologiques et sociaux de l’archipel en vue
de la création d’une réserve de biosphère sur l’archipel des Bijagos. En fait, cette base
d’information a très vite révélé son intérêt pour des opérations scientifiques et de gestion
d’accompagnement.
28 L’étude scientifique menée en vue de la création d’une réserve de biosphère sur l’archipel
se devait dans sa dimension dynamique et cinématique d’éclairer les décideurs et
scientifiques sur l’évolution à long terme de la zone côtière et d’en déduire les
implications pratiques du point de vue de la gestion. Une thèse (Pennober, 1999) a ainsi
permis de décrire les mécanismes de la cinématique actuelle et les processus dynamiques
de l’archipel par le jeu d’analyses spatiales. Ces travaux rappellent le caractère
exceptionnel de ce littoral qui présente le marnage le plus important de l’Afrique de
l’Ouest (> 7 m dans le Rio Geba) ; un contexte hydrologique particulier en raison de sa
position au point de rencontre des dérives littorales nord et sud permettant la
construction du seul delta marin actif de l’Afrique de l’Ouest ; des eaux côtières
particulièrement riches bénéficiant des apports de productivité primaire des upwellings
côtiers ouest-africains.
29 L’une des conclusions originale de ce travail est que l’archipel constitue la partie émergée
d’un cas particulier de delta de type estuarien toujours en accrétion. Mais cet équilibre
dynamique est fragile. Des projets de construction de barrage sur le fleuve Corubal,
principal affluent du Géba, ressurgissent régulièrement. Ils risquent de priver le delta de
ses apports fluviaux, ce qui remettrait cet équilibre en cause.
30 Les savoirs traditionnels en matière de gestion de l’espace et des ressources naturelles
dans l’archipel des Bijagos côtoient des initiatives externes plus techniques et le principal
enjeu, en matière de gestion de l’environnement dans cet espace, consiste à « marier ces
différentes aspirations dans un ensemble harmonieux et dynamique » (Cuq, 2000). Cela
implique des échanges de points de vue entre les différents acteurs (populations locales,
gestionnaires bissau-guinéens, scientifiques locaux et externes) qui aboutissent sur des
consensus en terme de réglementation des usages sur l’espace côtier. C’est sur cette
démarche, visant à promouvoir un modèle de développement durable, que s’appuie la
zonation de la réserve de biophère des Bijagos (fig. 4). La réalisation de la carte de
l’occupation du sol des régions côtières ainsi que celle de l’environnement littoral de
l’archipel des Bijagos ont constitué des outils de référence particulièrement importants
lors de ces négociations (photo 2).
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Figure 4 : Organisation et zonage de la réserve de biosphère Bolama-BijagosOrganization and zoning of the biosphere reserve Bolama-Bijagos
Photo 2 : La carte, un instrument de réflexion participative et de concertation (Campredon, 2001)The map, an instrument of participative reflexion and dialogue
31 Les exploitations cartographiques des bases d’information géographique sont les
expressions de tout ou partie des informations du SIG et leurs échelles de publication sont
liées aux échelles de constitution de ces derniers. Ainsi, l’exploitation d’une image
Landsat pour l’actualisation des cartes de l’occupation du sol des régions côtières
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répondait au souhait des autorités bissau-guinéennes de pouvoir proposer une zonation
globale des espaces côtiers du pays : le choix du 200 000e pour la production des quatre
feuilles cartographiques a été contraint par la résolution de l’image jugée suffisante pour
atteindre cet objectif. Les dix feuilles cartographiques de la carte de l’environnement
littoral de l’archipel des Bijagos répondaient, pour leur part, à un besoin de gestion de
l’environnement et devaient être des cartes de terrain. Le choix des images SPOT de
résolution plus fine a permis une restitution des résultats à l’échelle du 50 000e.
Conclusion
32 L’expérience acquise en commun, les résultats obtenus et l’appropriation par les autorités
guinéennes de la démarche et des méthodes associées à l’exploitation d’un SIG ont fait
école au sein des pays côtiers d’Afrique de l’Ouest : de telles montages sont désignés
comme des objectifs à atteindre au niveau national par les acteurs de la planification
territoriale. Ce bilan largement positif est essentiellement dû à la mise en place des deux
bases d’information géographique répondant à une demande exprimée des bissau-
guinéens. Dans toutes les étapes de conception et de réalisation de ces outils, le
laboratoire Géosystèmes et les chercheurs bissau-guinéens de l’INEP ont étroitement
collaboré. C’est à ces deux conditions que le projet a pu aboutir. La base de données au
50 000e sur l’Archipel des Bijagos est toujours active. Elle est gérée par la cellule SIG du
GPC avec lequel le laboratoire Géomer a conservé des liens étroits. En avril 2004, trois
ingénieurs du laboratoire ont ainsi participé à une mission organisée par la cellule SIG
bissau-guinéenne et l’UICN. Cette mission a permis d’organiser pour les cadres bissau-
guinéens une session de formation aux SIG et de maintenir à niveau le matériel
informatique de la cellule SIG, toujours opérationnelle malgré les préjudices dus à la
guerre civile de 1998-1999.
33 Les conditions matérielles et institutionnelles semblent donc être réunies pour garantir la
pérennité de l’action de planification côtière en Guinée-Bissau. Néanmoins, la situation
reste fragile en raison de l’instabilité politique, mais aussi, en raison de la dépendance des
équipes de recherche vis-à-vis des partenaires financiers des pays du nord pour acquérir
des données et lancer des programmes de recherche novateurs. Cependant, quelques
signes encourageants pour le pays peuvent être signalés :
• un atelier de validation de la stratégie régionale pour les Aires Marines Protégées (AMP)
d’Afrique de l’Ouest a eu lieu en Guinée-Bissau du 16 au 21 décembre 2002. L’atelier a décidé
de redynamiser le Réseau régional de planification côtière créé en 1997 et de renforcer la
coopération avec les institutions internationales et sous-régionales au profit des actions de
conservation engagées par les États membres et les ONG de la sous-région ;
• la création d’une université à Bissau (annoncée lors de la conférence mondiale de
l’Enseignement supérieur, le 9 octobre 1998 à l’Unesco) est également un atout important en
constituant un point d’entrée pour l’organisation d’échanges pédagogiques entre les pays du
nord et la Guinée-Bissau ;
• enfin, la présence d’une délégation ministérielle bissau-guinéenne lors de la Conférence
Internationale sur la Biodiversité qui s’est tenue à l’Unesco du 24 au 28 janvier 2005
témoigne de l’importance que revêtent les questions liées à la sauvegarde des patrimoines
naturels pour les dirigeants du pays. Or, le soutien politique des actions de recherche en ce
domaine est également une condition essentielle pour la durabilité de ces actions.
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BIBLIOGRAPHIE
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NOTES
1. label attribué par le programme Man And Biosphere (MAB) de l’Unesco : [ http://
www.unesco.org/mab/].
2. actuellement laboratoire Géomer UMR 6554 LETG CNRS.
3. Réserve de biosphère de l’archipel Bolama-Bijagos.
4. Guiné-Bissau, Regiões costeiras, Mapa da ocupação dos solos, 1/200 000, projection UTM,
Géosystèmes CNRS, 1993.
5. Guinée-Bissau, Environnement littoral de l’archipel des Bijagos, 1/50 000, projection UTM,
Géosystèmes CNRS, 2000.
6. AFNOR, Z 13-150, EDIGEO norme concernant l’échange de données informatisées dans le
domaine de l’information géographique, 1992.
RÉSUMÉS
Cet article relate le contexte de la mise en œuvre d’un SIG à vocation de planification côtière en
Guinée-Bissau dans le contexte de création d’une réserve de biosphère. Il fait le bilan des
productions et des acquis de 10 ans de collaboration entre des organismes de recherche et de
gestion territoriale du nord et du sud. Une expérience qui fait école au sein des pays côtiers
d’Afrique de l’Ouest.
This article reports the context of the implementation of a GIS which is intended for coastal
planning in Guinea Bissau in the context of the creation of a biosphere reserve. It takes stock of
the productions and the assets of 10 years of collaboration between research and territorial
management organisations of the north and south. This experiment has become a model in the
coastal countries of West Africa.
INDEX
Index géographique : Afrique, Guinée-Bissau, Bijagos (archipel des)
Mots-clés : développement durable, pays en développement, planification côtière, SIG
Keywords : coastal planning, GIS, sustainable and equitable development, undeveloped country
AUTEURS
GWENAËLLE PENNOBER
CREGUR (Centre de Recherches et d’Études en Géographie de l’Université de la Réunion),
Université de la Réunion, 15 Av. René Cassin, BP 7151, 97715 Saint-Denis, La Réunion, France,
Planification côtière en Afrique de l’Ouest. Retour d’expérience SIG en Guiné...
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EMMANUEL GIRAUDET
Géomer - UMR 6554 CNRS LETG, Université de Bretagne Occidentale, IUEM, Technopôle Brest-
Iroise, Place Nicolas Copernic, 29 280 Plouzané, France,
JACQUELINE GIRAUDET
Géomer - UMR 6554 CNRS LETG, Université de Bretagne Occidentale, IUEM, Technopôle Brest-
Iroise, Place Nicolas Copernic, 29 280 Plouzané, France,
VÉRONIQUE MADEC-CUQ
Géomer - UMR 6554 CNRS LETG, Université de Bretagne Occidentale, IUEM, Technopôle Brest-
Iroise, Place Nicolas Copernic, 29 280 Plouzané, France,
FRANÇOISE GOURMELON
Géomer - UMR 6554 CNRS LETG, Université de Bretagne Occidentale, IUEM, Technopôle Brest-
Iroise, Place Nicolas Copernic, 29 280 Plouzané, France,
ALFREDO SIMAO DA SILVA
Gabineto Planificação Costiera, Bissau (Guinée-Bissau),
PIERRE CAMPREDON
Unité de Coordination du PRCM, S/C UICN Mauritanie, Avenue Charles De Gaulle, Nouakchott, BP
: 4167, Mauritanie,
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