Download - Revue de l Ersuma - No3 Septembre 2013
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Revue de Revue de lERSUMAlERSUMA Droit des Affaires - Pratique Professionnelle
Numro 3 Septembre 2013 Version Electronique sur http://revue.ersuma.org
Doctrine Etudes Lgislation Jurisprudence : Commentaires darrts Pratique professionnelle Bibliographie
Editorial La Revue de lERSUMA : une autorit plus que jamais confirme ! par Flix ONANA ETOUNDI, Magistrat, Enseignant-Chercheur HDR , DG/ERSUMA
Revue semestrielle dEtudes, de Lgislation, de Jurisprudence et de Pratique Professionnelle en Droit des Affaires
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DIRECTEUR DE PUBLICATION
Flix ONANA ETOUNDI, Magistrat, Enseignant-Chercheur HDR, Directeur Gnral de
lERSUMA
CONSEIL SCIENTIFIQUE
Pr. AKUETE SANTOS Pedro, Agrg des Facults de Droit, Doyen de la Facult de droit, Universit de Lom ;
Pr. BOKALLI Victor Emmanuel, Doyen de la Facult des Sciences Juridiques et Politiques, Universit de Yaound II ;
Pr. CISSE Abdoulah Agrg des Facults de Droit, Universit Cheick ANTA Diop de Dakar ; (il faut vrifier si Abdoulah Ciss est encore cette Universit car il me semble
qu'il est l'Universit de Saint-Louis) ;
Me COUSIN Barthlmy, Avocat au Barreau de Paris, Cabinet Norton Rose LLP ; Pr. DJOGBENOU Joseph, Agrg des Facults de Droit, Universit dAbomey Calavi ; Me DOSSA Raymond, Avocat au Barreau du Bnin, Docteur en Droit ; Pr. DOUMBE BILLE Stphane, Agrg des Facults de Droit, Facult de Droit,
Universit de Lyon ;
Pr. JAMES Jean Claude, Agrg des Facults de Droit, Universit Omar Bongo de Libreville ;
Me KONATE Mamadou Ismal, Avocat au Barreau du Mali ; Mr. MBOSSO Jacques, Magistrat hors hirarchie, Ancien Premier Prsident de la Cour
de cassation de Centrafrique ;
Pr. MODI KOKO BEBEY Henri, Professeur agrg des Facults de droit, Doyen de la Facult des Sciences Juridiques et Politiques de lUniversit de Douala Dschang ;
Pr. POUGOUE Paul-Grard, Professeur Titulaire, Vice-recteur de lUniversit de Yaound II ;
Pr. SAWADOGO Michel Filiga, Professeur Titulaire, Universit de Ouagadougou.
SECRETARIAT DE LA REVUE
Pr. Moussa SAMB, Agrg des Facults de Droit, Universit Cheik Anta Diop, Dakar, Directeur de la Recherche et de la Documentation, ERSUMA ;
Dr.Achille NGWANZA, Charg d'enseignement Universit Paris Sud 11, Universit Versailles Saint Quentin-en-Yvelines ;
M. Karel Osiris Coffi DOGUE, Chef Services des Etudes, de la Formation et de la Recherche, ERSUMA ;
M. Ghislain OLORY-TOGBE, M.Sc., Cadre Juriste , ERSUMA.
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SOMMAIRE
Editorial, La Revue de lERSUMA : une autorit plus que jamais confirme ! par Flix
ONANA ETOUNDI, Magistrat, Enseignant-Chercheur HDR.....5
DOCTRINE .... 7
Droit commun de la responsabilit civile et indemnisation des victimes des prjudices ns
dinfractions boursires : le cas du Cameroun, par Gatchoup Tchinda Dsir. 9
Lessor de larbitrage international en Afrique sub-saharienne : les apports de la CCJA, par
Ngwanza Achille..30
Limmunit dexcution des personnes morales de droit public lpreuve de la pratique en
droit OHADA, par Armel Ibono Ulrich80
Le nantissement de compte de titres financiers dans lespace Ohada : regard sur une sret
nouvelle dans un contexte dmergence des marchs financiers, par Sunkam Kamdem
Achille..95
Lvocation en matire judiciaire : obligation ou simple facult pour la Cour Commune de
Justice et dArbitrage? par Ibrahim Ndam113
La protection du dposant des tablissements de microfinance, par Sara Nandjip
Moneyang133
La ralisation de lhypothque en droit OHADA : Etude de lAUS la lumire du droit
franais, par Christine YOUEGO155
Lexpression de la souverainet des tats membres de lOhada : une solution-problme
lintgration juridique, par Moneboulou Minkada Herv Magloire185
ETUDES ... 215
Le recouvrement de la dette publique intrieure dans les Etats de lOHADA, par Apollinaire
A. de Saba .216
Redcouvrir la technique du Build, Operate and Transfer (BOT) pour une ralisation optimale
de projets publics et privs en Afrique, par Roger Tafotie..227
Le prott et la protection du porteur dun effet de commerce dans la zone Cemac, par
Mlilingo Ellong Jean Joss.233
The advent of OHADA Cooperatives companies - An Insight into management control, by
Monkam Cyrille252
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JURISPRUDENCE ..265
Commentaire arrt CCJA du 28 fvrier 2008, par Gamaleu Kameni Christian.267
Les rcents dveloppements de la jurisprudence communautaire Ohada en matire
dinjonction de payer, par Jrmie WAMBO..273
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EDITORIAL
La Revue de lERSUMA : une autorit plus que jamais confirme !
Le troisime numro de votre Revue de lERSUMA : Droit des affaires Pratique
professionnelle parat et maintient le cap. La Revue continue dcrire en lettres dor une
page de lhistoire du Droit des affaires OHADA et des Droits communautaires africains. Elle
tient la drage haute et rassure de plus en plus sa tribune par lmancipation et la promotion
dune doctrine africaine et internationale de haute qualit.
Les contributions retenues dans ce numro couvrent les principaux axes de la Revue.
Dans la rubrique Doctrine, ct dun article sur la contribution de la jurisprudence de la
CCJA larbitrage international, figurent deux publications dans un de ces domaines encore
inexplors pour ne pas dire sotrique du Droit des affaires africain : le Droit boursier. Le
premier de ces articles se dmarque justement puisquil allie droit de la responsabilit civile et
droit boursier. Le second article est topique par son savant alliage des rgles du nouveau
nantissement des comptes de titres financiers, issu de la rforme OHADA des srets de 2010
et lmergence des marchs financiers africains.
A la suite de ces trois contributions, la question lancinante de limmunit dexcution des
personnes morales de droit public est propose nos lecteurs.
La qualit de la moisson de ce numro est complte par des rflexions portant sur la facult
ou lobligation dvocation de la CCJA de lOHADA, la ralisation de lhypothque en droit
compar franais et OHADA, de mme que la problmatique de lexpression de la
souverainet des Etats membres de lOHADA dans un contexte dintgration juridique.
La rubrique Etude nous plonge dans lunivers du droit prospectif OHADA et nous fait
dcouvrir la technique du Built Operate and Transfer (BOT), nouveau contrat de la
commande publique ayant pour objectif la ralisation optimale des projets de dveloppement
sous lapproche partenariat public-priv en Afrique. Ce sont ensuite des considrations de
recouvrement de la dette publique intrieure et de droit cambiaire en zone CEMAC qui sont
abordes par les contributeurs. Nos lecteurs anglophones ne sont pas en reste puisque cette
section est close par un article en anglais intitul The advent of OHADA Cooperatives
companies - An insight into management control et portant en substance sur les socits
coopratives OHADA du point de vue des rgles de gestion et de contrle.
Enfin, des commentaires aviss de Jurisprudence de la CCJA nous sont proposs dans la
section ddie cet exercice pour une exprimentation de ce droit uniforme vivant que la
jurisprudence contribue inluctablement maintenir vivace.
La qualit des contributions et lautorit croissante de la Revue de lERSUMA laissent
prsager de bonnes suites quant au processus rcent de reconnaissance de cette Revue par le
Conseil Africain et Malgache pour lEnseignement Suprieur (CAMES).
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Sil est donc vrai que lautorit de votre Revue ERSUMA est confirme, sa conscration
CAMES nen sera que pour bientt !
Flix ONANA ETOUNDI
Magistrat, Enseignant-Chercheur HDR
DIRECTEUR GENERAL DE LERSUMA
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DOCTRINE
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DROIT COMMUN DE LA RESPONSABILITE CIVILE ET INDEMNISATION DES
VICTIMES DES PREJUDICES NES DINFRACTIONS BOURSIERES : LE CAS DU
CAMEROUN
Par
GATCHOUP TCHINDA Dsir
Docteur en Droit priv
Assistante la Facult des Sciences Juridiques et politiques
Universit de Yaound II
e.mail : [email protected]
RESUME
La prsente tude a pour objet de sinterroger sur laptitude du droit commun de la responsabilit civile rgir lindemnisation des victimes des prjudices boursiers. Il en rsulte un constat, la prsence de nombreuses difficults dapplication tant du droit matriel que du droit formel la rparation des prjudices et une ncessit, le besoin dadapter ventuellement le droit de la responsabilit aux spcificits de la rparation des prjudices boursiers :
lapplication du droit matriel fait face aux obstacles lis la caractrisation des conditions de la responsabilit civile, do le besoin de recourir la notion de perte dune chance et celle de victimes par ricochet ; lapplication du droit procdural se heurte galement aux difficults relatives ltablissement de la faute boursire et lapplication des mcanismes procduraux actuels aux prjudices de masse, ce qui impose notamment lintroduction de la prsomption de fraude sur le march et des class actions. Ces mesures doivent saccompagner dune bonne interprtation et dune bonne adaptation des situations par le juge.
ABSTRACT
The present study has as an aim to wonder about the aptitude of the common right of
the civil responsibility to govern the compensation for the victims of the stock exchange
damages. It results from it a report, the presence of many difficulties of application as well of
the material law as of the formal right to the repair of the damages and a need, the need to
possibly adapt the right of the responsibility to specificities for the repair of the stock
exchange damages: the application of material law faces the obstacles related to the
characterization of the conditions of the civil responsibility, from where the need to resort to
the concept of loss for a chance and to that of victims by rebound; the application of the
procedural law also runs up against the difficulties relating to the establishment of the stock
exchange fault and the application of the current mechanisms procedural to the damages of
mass, which imposes in particular the introduction of the presumption of fraud on the market
and the class actions. These measurements must be accompanied by a good interpretation and
a good adaptation of the situations by the judge.
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PLAN SOMMAIRE
Introduction
I : Une certaine inaptitude du droit commun de la responsabilit civile rgir
lindemnisation des victimes de prjudices boursiers
A : Linaptitude du droit substantiel B: Linaptitude du droit formel
II : Les voies dadaptation du droit de la responsabilit civile aux spcificits de la rparation des prjudices boursiers
A : Le recours certains palliatifs au droit matriel de la responsabilit civile
B : Linvitable introduction dun rgime particulier de rparation au plan procdural
Conclusion
INTRODUCTION
La libert a t consacre par la Dclaration des droits de lhomme et du citoyen de 1789 comme le pouvoir de faire tout ce qui ne nuit pas autrui. Au-del de cette frontire,
toute personne, quelle soit physique ou morale, est susceptible dengager sa responsabilit civile lgard de ceux qui ont subi un prjudice de ce fait. Ainsi dfinie, la responsabilit civile apparat comme un principe gnral qui sapplique toutes les activits humaines en contrepartie de la libert de les entreprendre. Ce droit stend presque tous les domaines de la vie sociale, quils soient de nature civile ou commerciale.
Que ce soit sur les marchs boursiers1 ou dans tout autre domaine, la responsabilit
civile poursuit un double objectif : la rparation des dommages causs et la dissuasion de les
commettre ou de ritrer un acte fautif. Si la responsabilit civile remplit toujours, au moins
partiellement, ces deux fonctions, les conditions de sa mise en uvre imposent parfois de favoriser lune ou lautre. Loptimisation simultane des objectifs de rparation et de dissuasion est en effet un idal quil nest pas toujours possible datteindre2. A cet effet, il nous semble important de faire prvaloir la fonction indemnitaire de la responsabilit
notamment, en prenant davantage en considration lintrt des victimes des fautes
1 La terminologie march boursier est ancienne et a connu une volution. Traditionnellement, la bourse
voquait les marchs rglements grs par une entit but non lucratif et o laccs aux ngociations tait le plus souvent rserv aux dtenteurs de parts ou dactions. Ce mode dorganisation a t abandonn au profit dun nouveau statut ouvert aux non actionnaires. On est donc pass de lappellation de march boursier celle de march financier et plus rcemment celle de march dinstruments financiers ; cette nouvelle appellation couvre non seulement la bourse, mais aussi dautres organismes intervenant dans le fonctionnement du march tels le dpositaire central, la banque de rglement, lautorit de contrle du marchLexpression march financier est ainsi plus large. Le choix de la dnomination de march boursier dans le cadre de ce travail tmoigne de la volont de vouloir limiter notre champ danalyse aux acteurs boursiers. 2 SPITZ N., La rparation des prjudices boursiers, Revue banque dition, 2010, pp. 65-66.
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boursires3. Lindemnisation met donc laccent sur la personne qui subit le prjudice boursier
que sur lauteur de la faute boursire. Par ailleurs, plusieurs arguments peuvent tre avancs pour carter lindemnisation des
consquences dommageables de certaines infractions boursires : de nombreuses rgles
rgissant les marchs financiers ont pour seule finalit la protection du march, ce qui
exclurait la protection des investisseurs. Ces derniers seraient ainsi privs du droit de
demander la rparation des prjudices quils ont subi individuellement. Parmi ces rgles boursires, les infractions dinitis sont frquemment cites comme un exemple de rgles participant lintrt gnral. A cet effet, il est difficile de dceler la place de la victime dans larsenal juridique rpressif. Et pourtant, cette place des victimes dinfractions boursires doit tre trouve, car la rparation du prjudice
4 subi par elles est une ncessit morale et un
facteur de crdibilit du march.
Le choix du qualificatif boursier par rapport lexpression prjudice de march financier sexplique par la volont didentifier des manifestations financires prsentant des caractristiques singulires au regard du droit de la responsabilit civile. Il sagit donc de discerner les spcificits de lindemnisation des prjudices particuliers qui peuvent tre subis par les acteurs boursiers. Les prjudices de marchs financiers reprsentent un ensemble trs
large de prjudices. En effet, ils comprendraient tous les dommages subis sur tous les marchs
financiers. La rparation de certains prjudices relevant de ce domaine repose mme
principalement sur les mcanismes du droit de la responsabilit contractuelle dans lesquels les
dispositions contractuelles tiennent lieu de loi aux parties5. Les prjudices boursiers sont donc
des dommages subis par une personne qui dtient ou aurait d dtenir un titre financier admis
la ngociation sur un march rglement ou inscrit sur un systme multilatral de
ngociation organis, la suite dune atteinte au bon fonctionnement de la bourse6. La rparation des prjudices boursiers en droit camerounais nest pas pour linstant
encadre par un rgime particulier. Elle sinscrit dans le cadre gnral de la responsabilit civile
7. Ainsi, lon est en droit de sinterroger sur laptitude de notre droit commun de la responsabilit civile, tant matriel que formel, rgir lindemnisation des victimes des prjudices boursiers, cest--dire, surmonter les divers obstacles dresss sur la voie de son application par les particularismes techniques du fonctionnement des marchs financiers. Ces
particularismes sont notamment, lanonymat et lintermdiation des transactions, la complexit des techniques et des produits financiers, la multiplicit des ordres et la diversit
des situations individuelles, la varit des catgories dintervenantsLenjeu dune telle recherche est considrable tant au plan pratique quau plan thorique. Au plan thorique, elle permettra de vrifier ladaptabilit du droit commun de la responsabilit rgir lindemnisation des victimes dinfractions boursires. Lenjeu au plan pratique est dans lassistance fournie toutes les personnes intresses par la rsolution des litiges individuels. Ainsi, il sagit dun outil de travail pour nos juges qui seront certainement interpells sur la question dans nos marchs financiers. Lenjeu est aussi de taille pour lattractivit de nos
3 Les fautes boursires sont constitues par des comportements ayant une influence illgale ou artificielle sur le
fonctionnement de la bourse. La ncessit de qualifier dillgale ou dartificielle linfluence exerce sexplique par le fonctionnement des marchs boursiers qui repose notamment sur le principe de licit de la spculation. 4 Le prjudice peut tre dfini comme le dommage subi par une personne dans son intgrit physique (prjudice
corporel, esthtique), dans ses biens (prjudice patrimonial, pcuniaire, matriel), dans ses sentiments (prjudice
moral) qui fait natre, chez la victime, un droit rparation. 5 Par exemple, les dommages rsultant des transactions portant sur des titres financiers cots mais effectus sur
un march de gr gr. 6 SPITZ N., La rparation des prjudices boursiers, Revue banque dition, 2010, p. 43.
7 Un auteur a pu mentionner la vocation universelle de la responsabilit civile comme remde aux lacunes du
droit : FASQUELLE D., La rparation des prjudices causs par les pratiques anticoncurrentielles , RTDcom.
n 51, oct- dc. 1998, p. 763 et 766.
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places financires naissantes. Ceci dit, lanalyse va se situer davantage sous langle prospectif au regard de ltat de lvolution de la question dans notre environnement. Ce qui nous impose de mener une rflexion partir de lexemple des droits trangers8. En effet, le droit des marchs financiers est un droit naissant dans notre contexte
9, do labsence presque totale de la jurisprudence en matire dindemnisation des victimes de prjudices boursiers. Bien plus, le droit pnal camerounais des marchs financiers regorge de nombreuses lacunes
relatives son systme rpressif10
; de nombreuses insuffisances sont enregistres dans le
domaine de la conscration des infractions, par exemple, la conscration de lincrimination de manipulation de cours est implicite. Ce qui ne favorise gure la situation des victimes des
prjudices qui pourraient natre de cette infraction. Les sanctions ne sont pas assez dissuasives
du fait de leur faiblesse. Tout ceci engendre de nombreuses consquences ngatives sur
lindemnisation des victimes des prjudices. Les prjudices boursiers sont difficiles caractriser notamment, en ce qui concerne leurs caractres certain, direct et personnel. Leur
valuation pose aussi dnormes problmes. La preuve nest pas en reste. Ces multiples difficults compliquent la situation des victimes. La procdure devant le juge napporte pas de soulagement. Au contraire, les principes procduraux applicables en matire judiciaire
accentuent cette situation. La liste des difficults nest pas exhaustive.
En considration de nombreux obstacles enregistrs tant au niveau du droit substantiel
qu celui du droit formel, il se prsente que le droit commun de la responsabilit civile connat une certaine inaptitude rgir lindemnisation des victimes des prjudices ns des infractions boursires (I). Pour cela, simpose la ncessit ventuelle de ladapter aux spcificits des marchs financiers (II).
I UNE CERTAINE INAPTITUDE DU DROIT COMMUN DE LA RESPONSABILITE
CIVILE A REGIR LINDEMNISATION DES VICTIMES DE PREJUDICES BOURSIERS
Linaptitude du droit de la responsabilit rgir lindemnisation des victimes des prjudices boursiers est visible tant dans le droit substantiel (A), que dans le droit formel (B).
A. Linaptitude du droit substantiel
Les obstacles lis au droit matriel se fondent sur les trois conditions requises pour
engager la responsabilit civile. A cet effet, ils concernent le prjudice (1), la faute et le lien
de causalit (2).
1 : Les difficults dapplication lies au prjudice Afin de mieux caractriser les prjudices boursiers, il semble ncessaire danalyser
successivement le cas de la manipulation de march (a), celui du dlit diniti (b) afin de conclure sur la difficile valuation des prjudices (c).
8 Le droit franais et le droit amricain en loccurrence.
9 Ce nest que le 22 dcembre 1999 que le Cameroun va se doter de la premire loi portant cration et
organisation dun march financier. Le march ainsi cr ne sera inaugur quau 23 avril 2003, marquant le dbut de son fonctionnement. Mais, dix (10) ans aprs son inauguration, ce march ne dcolle pas toujours
vritablement : trois socits seulement sont cotes, notamment SEMC, SAFACAM et SOCAPALM et quelques
emprunts obligataires ont t lancs comme celui de lEtat du Cameroun. La CEMAC a cr aussi son march un an aprs le Cameroun, soit en 2000. La situation nest gure meilleure de ce ct-l. 10
Sur les lacunes relatives aux systmes rpressifs boursiers camerounais, CEMAC et UEMOA, lire
GATCHOUP TCHINDA D., La transparence dans les marchs financiers de lUEMOA, de la CEMAC et du Cameroun. Regard crois avec le droit franais , Thse, UYII, 2011-2012, pp.200-250.
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a : La difficile caractrisation des prjudices dans les manipulations de march
La manipulation de march regroupe la diffusion des fausses informations et
informations trompeuses et la manipulation de cours. Ces faits faussent le fonctionnement
rgulier du march. Conformment au droit commun de la responsabilit civile, le prjudice
doit tre certain, direct et personnel. Les situations dans lesquelles le prjudice est incertain
concernent les titres financiers qui sont la fois acquis ou cds au cours de la priode de
commission de la faute boursire. Ainsi, un actionnaire qui prtend avoir pris sa dcision
dacheter des actions sur la base de linformation fausse ou trompeuse, peut demander tre remis dans la situation dans laquelle il aurait t si la faute boursire navait pas t commise
11. La difficult est de dterminer qui a subi un prjudice du fait de la diffusion d'une
information errone. Le doute rgne sur le fait de savoir sil faut indemniser les actionnaires qui ont achet au moment de cette diffusion, ceux qui possdaient auparavant des titres et qui
n'ont pas vendu, ceux qui auraient pu vouloir acheter mais qui ont chang d'avis du fait de
l'information. Il sagit de savoir sil faut subordonner l'indemnisation un achat postrieur ou au contraire antrieur la diffusion d'informations
12. Si malgr les difficults la victime dune manipulation de march parvient dmontrer le caractre certain du prjudice, encore faut-il
que soit tabli le caractre direct et personnel13
, ce qui se heurte aux mcanismes de droit des
socits.
Pour tre indemnis, le prjudice doit tre direct et personnel. Or lon refuse dindemniser sparment le prjudice invoqu par un associ ds lors quil ne se singularise pas du prjudice social
14. Le prjudice de lassoci nest que le corollaire du prjudice social qui labsorbe compltement15. De ce fait, seuls les prjudices relevant du non-respect des droits individuels de lactionnaire peuvent donner lieu une indemnisation individuelle16. La situation est plus complique dans le dlit dinitis.
11
La rparation des prjudices de dcision pose la question de leur caractre certain. La rponse ce problme
est a priori simple dans lhypothse o linvestisseur a revendu les titres quil avait dcid dacqurir avant la fin de la priode de commission de la faute boursire. La rponse est bien plus complexe lorsque linvestisseur avait dcid dacheter des titres financiers et ne les a pas encore vendus ou lorsque la dcision consistait vendre des titres dtenus. En effet, dans la mesure o le prjudice de dcision inclut lala boursier, il devient certain la date laquelle la faute boursire est totalement rectifie. A cette date, linvestisseur qui a dcid de vendre ses titres peut, en toute connaissance de cause, les racheter sur le march, ce qui limite son prjudice de dcision aux
pertes subies pendant cette priode. Inversement, linvestisseur qui conserve les titres financiers quil avait dcid dacheter peut les cder un cours correctement valu. Une telle solution vite de faire supporter indfiniment lauteur de la faute boursire la partie du prjudice de dcision reprsentant lala boursier. De mme, lauteur de la faute boursire ne peut plus bnficier dune volution positive du cours aprs rectification de la faute boursire pour rduire, voire anantir, les dommages et intrts quil est tenu de verser. Les prjudices de dcision dsignent les dommages subis par un acteur boursier qui a pris une dcision
dinvestissement dfavorable en raison dune faute boursire. Ils sopposent aux prjudices de condition qui dsignent les dommages subis par un acteur boursier du fait de la ralisation dune transaction boursire un cours dfavorable au regard du cours qui aurait rsult du bon fonctionnement du march. 12
Pour les tentatives de solutions ces proccupations, voir la sous-partie A de II. 13
La chambre criminelle de la Cour de Cassation franaise a admis, dans une dcision du 11 dcembre 2002, la
constitution de partie civile dun actionnaire du chef du dlit diniti commis en estimant quil y a eu atteinte un intrt direct et personnel des actionnaires : COURET A. et alii, Droit financier, Prcis Dalloz, 1
re d., 2008,
pp. 950-951. 14
Il est dfendu dans certaines circonstances que le prjudice constitu par la baisse de la valeur patrimoniale
dune socit, du fait dune infraction boursire, constitue un prjudice personnel cette socit qui seule peut intenter une action en rparation, lexclusion des actionnaires. 15
Il est souvent tentant de considrer que tout prjudice est peu ou prou un prjudice social : LIKILLIMBA G-
A., le prjudice individuel et/ou collectif en droit des groupements , RTDcom 2009, p. 1. 16
VALANCE L., Lindemnisation des victimes dinfractions boursires , mmoire de Master 2 juristes daffaires, Universit de Paris II Panthon-Assas, anne 2006-2007, p. 16.
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b : Les incertitudes du droit sur le dlit dinitis
Si la dtermination du prjudice en matire de manipulations de march est ardue, elle
semble relever de limpossible en matire de dlit dinitis. Il existe une controverse autour de la notion de victimes dans le dlit dinitis. Les oprations dinitis ont la singularit de faire natre une question particulire, celle de savoir si elles sont prjudiciables aux marchs ou aux
investisseurs. La premire incertitude concerne donc les victimes indemniser. Face cette
proccupation, daucuns ont pu affirmer que le trouble qui rsulte de linfraction touche les intrts gnraux de la socit et de ce fait, la rparation ne peut tre assure que par laction publique : la commission du dlit diniti ne cre pas de prjudices pour les porteurs de titres, dautant plus que ce dlit a un fondement moral et non conomique17. Dans lannotation de laffaire Socit Gnrale de Fonderie18, le Professeur H. HOVASSE dclare quon aperoit mal comment le dlit diniti pourrait donner prise une demande en rparation de la part des oprateurs, car le dlit diniti ne cause aucun prjudice ; si un initi titulaire dinformations boursires se porte acqureur, il va tirer les cours vers le haut et toute la communaut
doprateurs va en profiter ; le mme raisonnement pourrait tre conduit en sens inverse lorsque liniti est titulaire dinformations dfavorables. Ces dclarations ne nous semblent pas convaincantes.
En effet, la victime qui a conserv des titres antrieurement acquis en raison de la
hausse artificielle des cours rsultant de la diffusion dinformations fausses ou trompeuses sur la situation des metteurs naurait srement pas agi de la sorte si les informations navaient pas t publies. Par le canal de la notion de perte dune chance, ce prjudice est rparable. Pourquoi ne pas retenir un raisonnement similaire en matire de dlit diniti ; nous pensons que lpargnant naurait pas conserv ses titres si linformation privilgie tait publique. Il convient de dire en dfinitive que le dlit diniti porte certainement un prjudice aux investisseurs. Par ailleurs, il faut sinterroger sur le fait de savoir si le march lui-mme subit un prjudice du fait des oprations dinitis. En rapprochant le titre de sa valeur relle, lopration diniti contribue au bon fonctionnement du march en rtablissant lefficience informationnelle. Mais, une telle conception est limite en ce quelle omet de prendre en compte la perte de confiance qui sinstalle dans lesprit des investisseurs, ce qui conduit une rduction de linvestissement sur ce march
19. En dautres termes, lopration diniti soppose lefficience parce quelle diminue le niveau dinvestissement et le profit des non-initis. Au Cameroun, le march financier est un phnomne nouveau et reste embryonnaire.
Ce qui explique labsence de jurisprudence sur la question. En puisant dans le droit franais, il faut relever que dans laffaire Socit Gnrale de Fonderie, la Cour dAppel de Paris20 a vit de rpondre la question de savoir qui est victime du dlit dinitis. Elle sest contente de relever que les parties civiles navaient rclam aucune rparation du chef des dlits dinitis pour lesquels les prvenus taient galement poursuivis. Or, lon remarque que les victimes ne sont pas toujours conscientes de leurs droits. Par un arrt du 11 dcembre 2002
21,
la chambre criminelle de la Cour de cassation franaise a cass une dcision de la chambre
dinstruction de la Cour dAppel de Paris en date du 15 juin 2001 qui avait dclar irrecevable la constitution de partie civile du chef du dlit dinitis en estimant que lutilisation
17
DE VAUPLANE H. et SIMART O., Dlits boursiers : propositions de rformes , Rev. Droit bancaire et
bourse, mai-juin 1997, n 61, p. 85. 18
CA Paris, 15 janvier 1992, 9me
ch., Rev.Soc., septembre 1992, Obs. H. HOVASSE. 19
DEFFAINS B. et STASIAK F. : Les prjudices rsultant des infractions boursires : approche juridique et
conomique , le droit au dfi de lconomie, CHAPUT Y., droit conomique 2002, 1997, p. 177. 20
CA Paris, op.cit. 21
Cass.crim, 11 dcembre 2002, Bull. Crim. n 224 ; Bull. Joly bourse 2003, p. 149, 23, note F. STASIAK;
Bull. Joly bourse 2003, p. 437, 87, note E. DEZEUZE.
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dinformations privilgies si elle peut porter atteinte au fonctionnement normal du march, ne cause par elle-mme aucun prjudice personnel et direct aux autres actionnaires de la
socit ni la socit elle-mme . La Cour de Cassation franaise a sanctionn cette
dcision. Cette importante dcision marque une affirmation de la possibilit dun prjudice caus aux actionnaires du fait du dlit diniti. Cette position a t confirme par laffaire Sidel
22. En lespce, les juges ont admis la constitution de partie civile des actionnaires qui rclamaient la rparation du prjudice subi en consquence des diffrentes infractions,
notamment le dlit diniti. En tout tat de cause, il faut dire que le droit positif franais est favorable la rparation du prjudice individuel subi du fait doprations dinitis mme sils subsistent de nombreuses difficults quant la caractrisation du prjudice
23. Et cest la voie que doit suivre le droit camerounais. Ces difficults ont un impact sur lvaluation du prjudice.
c : La dlicate valuation des prjudices
La dtermination du montant du prjudice subi par l'actionnaire qui a t victime d'une
information errone est si dlicate qu'elle a longtemps frein toute indemnisation. Celui qui
investit en bourse s'expose un risque qui est parfois considr comme un obstacle de
principe l'indemnisation de toute perte subie suite une chute de cours. Mme si l'on
accepte l'indemnisation, le droit de la responsabilit civile n'admet la rparation d'un prjudice
que s'il est certain. Or de nombreuses incertitudes rendent particulirement dlicate la
dtermination de l'tendue de ce prjudice.
En effet, il y a une difficult isoler le prjudice subi par lactionnaire de celui subi par la socit, mesurer le prjudice la lumire de la variation constante dun cours de bourse, notamment dans un contexte de forte volatilit, quantifier la perte dune chance, fondement souvent allgu. La rponse ces questions est dautant plus dlicate que le raisonnement repose sur une diffrence de valorisation dinstruments cots, avant et aprs linfraction considre qui varie en permanence sous leffet des facteurs exognes24. Ainsi, ltude des prjudices boursiers ne sduit gure les juristes : leur valuation serait une mission impossible pour les pessimistes
25, difficile rduire en quelques formules
logiques pour les ralistes26
et mme en dehors de leur champ de comptence pour les plus
prudents27
. Faut-il pour autant renoncer rflchir aux prjudices boursiers dun point de vue juridique ? Des auteurs ont rpondu cette question par une autre, pleine de dfi : comment
une jurisprudence capable de dterminer le prix des larmes pour la rparation du prjudice moral, par dfinition non valuable en argent, pourrait-elle tre gne pour valuer
un prjudice purement financier ? 28
. Ces interrogations sont une invite tenter une
valuation des prjudices ns des infractions boursires. Il faut souligner quen ltat actuel du
22
T. corr. Paris, 12 septembre 2006, n 0018992026, Bull. Joly socits, janvier 2007, n 1, p. 119, note J.-F
BARBIERI ; Bull. Joly bourse, janvier 2007, n 1, p. 37, note E. DEZEUZE ; D. 2006, n 36, p. 2522, note D.
SCHMIDT. 23
VALANCE L., Lindemnisation des victimes dinfractions boursires , mmoire de Master 2 juristes daffaires, Universit de Paris II Panthon-Assas, anne 2006-2007, p. 23. 24
CLERMONTEL P., Le droit de la communication financire, Joly ditions, 2009, p.444 25
MAZEAUD L., Le dlit daltration des prix, DP, 1927, 4, p. 146. 26
ALAMOWITCH S., De la rumeur la manipulation : la diffusion des fausses informations , Marchs et
techniques financires, n 74, oct. 1995, p. 13. 27
COURET A.et al., Les contestations portant sur la valeur des droits sociaux , Bull. Joly socits, n 11, nov.
2001, p. 1045, n 242. 28
DEFFAINS B. et STASIAK F., Les prjudices rsultant des infractions boursires, approche juridique et
conomique , Le droit au dfi de lconomie, Publications de la Sorbonne, 2002, p. 177, spc. p. 185.
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droit positif camerounais, aucune rponse de principe nexiste. Plusieurs mesures sont tout de mme envisageables, mais elles connaissent des limites.
On peut rechercher limpact de la fausse information sur le cours de bourse ou encore valuer le montant du prjudice partir de la diffrence entre la valeur normale du cours et la
valeur aprs diffusion de fausses informations. Cette approche ne tient pas malheureusement
compte de la dformation opre par linformation fausse ou la manipulation sur le cours du titre avant sa dcouverte ; la diffrence de cours nest pas uniquement due la diffusion de la fausse information ou la manipulation. On peut aussi raisonner sur la certitude du prjudice.
Mais cette mthode ignore le caractre alatoire de linvestissement en bourse. Lorsque les juridictions dcident de fonder leurs dcisions sur la notion de perte dune chance, elles ont lobligation de prendre en compte lala pour valuer le prjudice subi et en limiter la rparation. Le prjudice manant des oprations dinitis natrait de limpact sur le cours de bourse ; ainsi, son valuation pourrait correspondre la diffrence de cours entre la valeur
normale du titre et la valeur du titre aprs les oprations dinitis. Une telle mesure est surprenante dautant plus que contrairement aux manipulations de march, les oprations dinitis auront tendance rapprocher le titre de sa vraie valeur selon la thorie de lefficience informationnelle
29.
Au-del de la difficile valuation des prjudices ns des infractions boursires, de
nombreux autres obstacles semblent natre du domaine boursier lui-mme. Dans de
nombreuses hypothses, la dtermination des prjudices ressentis suppose la comparaison
entre deux cours de bourse et notamment la caractrisation de limpact sur ce cours de bourse de lopration diniti, de la fausse information et de la manipulation. Mais valuer exactement la variation des cours des instruments financiers concerns induite par la
commission des infractions boursires savre difficile. Le cours de bourse varie en fonction de trs nombreux facteurs qui peuvent mme lui tre trangers. Il peut sagir des recommandations danalystes, des anticipations des investisseurs, des rumeurs de march, de la publication de rsultats ou de prvisions ou dune situation conomique globale. Le juge civil doit pour cela recourir lautorit de contrle des marchs financiers pour valuer le montant des prjudices boursiers
30. Le prjudice nest pas lui seul une condition suffisante pour engager la responsabilit civile. Lexigence de la faute et dun lien de causalit entre cette faute et le prjudice constitue des conditions supplmentaires.
2 : Les obstacles relatifs la faute et au lien de causalit
Quil sagisse de la caractrisation de la faute (a) ou de ltablissement du lien de causalit (b), des obstacles sont encore prsents.
a : La pnible caractrisation de la faute
Ltude des fautes boursires invite rechercher une dfinition gnrale de la faute civile qui puisse servir de point de dpart. Larticle 1382 du code civil pose le principe gnral de la responsabilit pour faute
31. Soucieux de poser ce principe gnral, les rdacteurs
du code civil nont pas apport davantage de prcision la dfinition de la faute civile. A dfaut dun encadrement plus structurant de cette notion de faute civile, la faute boursire,
29
VALANCE L., Lindemnisation des victimes dinfractions boursires , mmoire de Master 2 juristes daffaires, Universit de Paris II Panthon-Assas, anne 2006-2007, p. 26. 30
CONAC P-H, Synthse de la consultation publique sur le rapport du groupe de travail sur lindemnisation des prjudices subis par les pargnants et les investisseurs , 16 mai 2011, Dalloz.fr, Rev. Soc. 2011, p. 451. 31
Lart. 1382 du code civil dispose que tout fait quelconque de lhomme, qui cause autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arriv le rparer .
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lment central des conditions de la responsabilit boursire, doit tre tudie de manire
autonome en recherchant directement ses caractristiques.
La condition pralable lexistence des prjudices boursiers est la commission dune faute boursire. Cette dernire se prsente tout simplement comme une atteinte au bon
fonctionnement de la bourse. Dresser une liste exhaustive de tous les faits constitutifs dune faute boursire relve videmment de limpossible tant limagination et lingniosit des hommes sont grandes. Les fautes boursires susceptibles dengendrer des prjudices boursiers prsentent cependant un trait caractristique commun : elles conduisent une altration de
linformation fournie au march boursier. Elles mritent ainsi dtre qualifies de fautes par influence artificielle ou illgale
32. Commet ainsi une faute boursire, toute personne dont
le comportement a eu une influence artificielle ou illgale sur le bon fonctionnement de la
bourse.
Le comportement fautif couvre les actes rprhensibles commis par les dirigeants. Ce
qui peut entraner la mise en cause de la responsabilit de la personne mettrice. La mise en
uvre de la responsabilit des dirigeants relvent du droit des socits commerciales. Dans cette uvre, les victimes dinfractions boursires se heurtent de nombreux obstacles : la mise en cause personnelle des dirigeants est sujette la dmonstration de lexistence dune faute sparable des fonctions du dirigeant en cause. La faute dtachable est le fait pour le
dirigeant de commettre intentionnellement une faute dune particulire gravit incompatible avec lexercice des fonctions sociales 33. Ce principe sexerce pour la responsabilit des dirigeants sociaux lgard des tiers34. Or cette rgle est applique aux actions en responsabilit engages par les actionnaires de la socit. Face lexigence dune faute sparable des fonctions pour engager la responsabilit des dirigeants, la mise en cause de la
responsabilit civile de lmetteur parat plus aise, ce dautant plus que les demandeurs bnficient de la capacit financire et de la solvabilit de ce dernier. A dfaut dune telle faute, lcran de la personnalit morale simpose et la socit est responsable des fautes commises par ses dirigeants dans lexercice de leurs fonctions. Cette situation ne nous parat pas pleinement satisfaisante. En effet, les actionnaires supportent seule la charge financire
des fautes commises par les dirigeants, alors mme quen raison des poursuites judiciaires, et des fautes commises par les dirigeants, notamment caractre pnal comme la diffusion
dinformations fausses ou trompeuses, la socit a pu elle-mme perdre de la valeur. Autrement dit, les actionnaires indemnisent un prjudice, alors mme quils en subissent un du fait de la dprciation de leurs titres, qui nest pourtant pas rparable individuellement. Ainsi, un paradoxe fait surface : la socit est tenue seule responsable des agissements de ses
dirigeants alors que dautre part elle peut tre elle-mme victime de ces agissements35. Mme en prsence dune faute caractrise, la mise en uvre de la responsabilit
suppose lexistence dun lien de causalit entre cette faute et le dommage.
b : Le difficile tablissement du lien de causalit
Dterminer lexistence dun lien de causalit entre la faute et le prjudice est une tche difficile pour linvestisseur. En effet, la question de la preuve du lien de causalit dans laction individuelle de lactionnaire est dlicate et subjective. Il nest pas ais de dmontrer
32
SPITZ N., La rparation des prjudices boursiers, Revue banque dition, 2010, p. 106. 33
Cass. Com., 20 mai 2003, Bull. Civ. IV, n 84; Bull. Joly Socits 2003, 167, p. 786, note H. Le
NABASQUE ; D. aff. 2003, p. 1502, Obs. A. LIENHARD ; RTDcom 2003, p. 523, Obs. J-P. CHAZAL et Y.
REIHARD ; Rev. Soc. 2003, p. 479, note J-F. BARBIERI. 34
SCHILLER S., Lactionnaire plus facilement indemnis en cas de diffusion dune information errone , Petites affiches, 10 sept. 2010, n 184, p. 4. 35
VALANCE L., Lindemnisation des victimes dinfractions boursires , mmoire de Master 2 juristes daffaires, Universit de Paris II Panthon-Assas, anne 2006-2007, p. 29-30.
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quel point linformation financire errone ou trompeuse, voire son absence ou son insuffisance a eu de limportance dans la dcision de linvestisseur et dans lvolution des cours de bourse
36. Il faut notamment prouver quen matire de dlit de fausses informations ou trompeuses, linformation litigieuse a t dterminante de la volont de lactionnaire investir, en se portant acqureur des titres de la socit un prix suprieur leur valeur relle.
Dans le domaine boursier, les considrations dachat et de vente rpondent autant de variables que dlments influant sur le cours. Cest lapproche retenue par laffaire Socit Gnrale de Fonderie : il est impossible de dmontrer le fait gnrateur du prjudice allgu,
ce dautant plus que les oprateurs se sont dtermins acheter les titres de la socit de fonderie en fonction des articles de presse, en suivant les tendances du march et les ordres
passs en bourse sans quil soit possible dtablir avec certitude que la diffusion du dernier communiqu ait t la cause principale ou la seule de lacquisition ou de la conservation des titres par les parties civiles et donc pas de lien de causalit direct.
Gnralement, cest le rapprochement des circonstances de fait qui permet dtablir de faon suffisamment certaine une relation de cause effet entre linfraction boursire et le prjudice subi par linvestisseur. Les circonstances de fait sont primordiales, ce qui marque lemprise de la subjectivit dans la caractrisation du lien de causalit en matire boursire. La victime devra dmontrer le caractre dterminant de la faute boursire sur sa dcision
dinvestissement ou, dfaut, son influence significative sil ninvoque quune perte de chance
37. Le caractre dterminant doit pouvoir tre dmontr tant lgard du comportement fautif que de latteinte au bon fonctionnement du march. Par exemple, dans lhypothse dune faute boursire par dsinformation directe, il suffirait linvestisseur de dmontrer que sa dcision dinvestissement repose soit sur le communiqu diffusant une information fausse ou trompeuse, soit sur le franchissement dun seuil par le cours du titre financier du fait de la faute boursire. En consquence, il nest pas forcment ncessaire linvestisseur de dmontrer quil a pris personnellement connaissance du document contenant une information fausse ou trompeuse. La preuve du lien de causalit devient diabolique lorsquil sagit dune dcision dabstention comme celle de conserver des titres financiers quil sapprtait cder. En dfinitive, le droit matriel de la responsabilit civile semble sappliquer difficilement lindemnisation des victimes de prjudices boursiers. Faire une analyse de la rparation des prjudices boursiers relativement au droit matriel sans prolongement vers le
droit procdural, cest samputer dune dimension intellectuelle certaine 38.
B: Linaptitude du droit formel
Les conditions de recevabilit de laction la fois devant le juge civil et devant le juge pnal constituent dimportants freins laction des victimes dinfractions boursires (3). Dautres obstacles proviennent de la complexit inhrente aux marchs financiers (1) et de la multiplicit des parties en cause (2).
36
CLERMONTEL P., Le droit de la communication financire, Joly ditions, 2009, pp.463-464. 37
Les dcisions relatives aux transactions boursires effectues antrieurement sans conservation de titres ou
postrieurement la dcision de commission de la faute boursire nont pas pu tre prises sur la base de cette faute, ce qui prive les ventuels prjudices de tout lien de causalit. Cest ce que le juge pnal a rappel dans laffaire SEDRI, TGI Paris, 11me ch., 27 fv. 1998, RG n 98 /07599 : Bull. Joly, 1er sept. 1998, n 9, p. 925, note N. RONTCHEVSKY. 38
VINCENT J., GUINCHARD S., Procdure civile, Dalloz, 2me
d., 2003, spc. n 9.
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1 : La complexit des marchs financiers, obstacles la rparation effective des
prjudices boursiers
La rparation effective des prjudices boursiers dpend troitement de la capacit du
droit et des tribunaux traiter des litiges dune grande complexit technique39. Cette technicit entraine de nombreuses difficults dans ltablissement de la faute boursire, cest--dire la difficult de la dtecter (a) et de la prouver (b).
a: La difficult de dtecter la faute boursire
Les fautes boursires sont particulirement difficiles dtecter par les personnes qui
en subissent pourtant les consquences. Les prjudices boursiers surviennent sur des marchs
o les investisseurs choisissent volontairement de sexposer un certain risque en contrepartie dun rendement espr. Les cours auxquels ils achtent ou vendent des titres financiers fluctuent au gr de la publication des informations les concernant, sans quil soit possible en principe danticiper ces volutions. Cet ala boursier a pour consquence de masquer les effets dventuelles fautes boursires. Parfois, les investisseurs lss ont des difficults dtecter la faute boursire en raison de lanonymat des donneurs dordre qui peut rendre complexe lidentification de lauteur. A dfaut de pouvoir identifier lauteur, la personne lse renonce lexercice de son droit rparation.
Le caractre dterminant de la faute boursire pourrait tre apprci soit in abstracto
soit in concreto. Lapproche in abstracto utilise en matire de manquements dabus de march, est certainement la plus favorable aux victimes car, il leur suffit de dmontrer le
caractre dterminant de la faute boursire pour un investisseur raisonnable. Cette approche
nest pas nanmoins la bienvenue dans la rparation des prjudices de dcision car ce type de prjudices met la charge de lauteur de la faute lala boursier auquel la victime sest expose. La rparation des prjudices boursiers risquerait alors de driver vers une assurance
contre les moins-values40. Pour viter cet cueil, il semble quil faille opter pour une approche
in concreto41
. La preuve de la faute est aussi source de difficult.
b : La difficult de prouver la faute
Lorsquune faute boursire est dtecte, la charge de la preuve pse sur les acteurs boursiers victimes. Ltablissement des faits seffectue selon le principe gnral de la procdure civile. Daprs ce principe, il incombe chaque partie de prouver conformment la loi les faits ncessaires au succs de sa prtention. La difficult tient ici au fait que les
personnes lses ne dtiennent pas toujours les documents ncessaires pour prouver cette
faute. Ces documents sont parfois dtenus par les tiers et le plus souvent par lauteur suppos de la faute boursire. Les victimes de fautes boursires ont ainsi difficilement accs aux
documents de preuve et leurs actions sont pour cela entraves. La consolation nest pas rechercher dans les mcanismes procduraux de notre droit judiciaire.
39
Cette complexit sexplique par le fonctionnement des marchs boursiers et en particulier par la prsence inhrente du risque. 40
Dans le mme sens, SPITZ N., La rparation des prjudices boursiers, Revue banque dition, 2010, p. 272. 41
Cette approche a t retenue dans diffrentes affaires : Cass. Com., 22 nov. 2005, pourvoi n 03-20.600 indit,
Banque et droit n 105, janv.-fv. 2006, p. 25, Obs. H. DE VAUPLANE ; RTDcom. 2006, p. 445, note M.
STORCK; Affaire REGINA RUBENS, CA Paris, 9me
ch., sect. B, 14 sept. 2007, n 07/01477.
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2 : Linefficacit des mcanismes procduraux actuels prendre en compte la multiplicit des parties en cause : les principes gnraux limitant les prjudices de masse
En plus de lventuelle pluralit des auteurs de la faute boursire, le nombre de personnes qui subissent un prjudice boursier est positivement corrl au volume des titres
changs pendant la priode de dysfonctionnement du march boursier. Il en rsulte une
multiplicit de victimes. Leffectivit de la rparation des prjudices boursiers dpend notamment de la capacit des rgles procdurales faciliter le traitement des litiges de masse
dans le domaine boursier. Le constat partag est celui de lincapacit des mcanismes actuels prendre en compte la multiplicit des parties, lses ou fautives, dans le cadre des actions en
rparation des prjudices boursiers. Plusieurs rgles de la procdure civile entravent le
traitement judiciaire des litiges de masse. Il sagit notamment de lautorit relative de la chose juge (a), de ladage nul ne plaide par procureur (b) et de la libert individuelle dester en justice (c).
a : Le principe de lautorit relative de la chose juge
Les dcisions judiciaires sont revtues de lautorit relative de la chose juge, ce qui signifie quun jugement ne peut ni profiter ni nuire une personne qui nest pas partie au litige. Cette mesure nest pas favorable au traitement des litiges de masse. Une dcision de justice obtenue par une association de droit commun ne simpose par exemple qu cette association et ses ventuels mandants, lexclusion de toute autre personne. Lautorit de la chose juge est donc un obstacle au traitement judiciaire des litiges de masse. Le principe de
lautorit relative de la chose juge doit ainsi tre assorti dexceptions pour permettre lintroduction de certaines formes dactions de groupe. Quid de ladage nul ne plaide par procureur ?
b : Le principe nul ne plaide par procureur
Aujourdhui, le rle de la maxime nul ne plaide par procureur est devenu plus formel et consiste faire obligation au mandataire dindiquer le nom de son ou de ses mandants dans tout acte de procdure quil fait en son nom. Il sagit dassurer une certaine transparence lors du procs o les parties doivent connaitre lidentit de leurs contradicteurs. Cette rgle suppose donc de connatre lidentit des parties qui seront lies par la dcision de justice, ce qui pose une difficult a priori insurmontable pour les actions de groupe reposant
sur un mcanisme dopt-out42. Le nombre lev de victimes dans les prjudices boursiers constitue un obstacle la connaissance des diffrentes identits. Dautres formes dactions de groupe, en particulier le mcanisme de lopt-in43, sont en revanche compatibles avec cette rgle qui alourdit toutefois la procdure. Il convient prsent danalyser le principe de la libert individuelle dester en justice.
c : Le principe de la libert individuelle dester en justice
Le principe de la libert individuelle dester en justice comprend le droit pour chaque personne dester en justice. Ce droit doit sexercer en accord avec le consentement de la personne concerne. Ce principe de la libert individuelle dester en justice reprsente un
42
Le mcanisme de lopt-out consiste agir pour un groupe dont les membres, identifiables mais non identifis, sont prsums avoir donn tacitement leur accord sauf sils manifestent leur volont dtre exclus. 43
Le mcanisme de lopt-in consiste agir pour le compte dun groupe dont tous les membres, identifis, ont expressment donn leur accord.
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obstacle au traitement des litiges de masse dans la mesure o il impose de recueillir avant la
date de jugement le consentement des personnes qui seront tenues par la dcision judiciaire.
Cet obstacle nest pourtant pas infranchissable. Ainsi, la Cour Suprme des USA a pu admettre quune large diffusion de la publicit faite autour des actions de groupe, avec la possibilit pour les personnes concernes de demander leur exclusion du groupe, suffisait
garantir leur libert individuelle dagir en justice44. La publicit rendrait ainsi admissible ladage qui ne dit mot consent . Lexpos de ces quelques principes dmontre quel point le traitement des litiges de masse se heurte actuellement aux rgles de la procdure civile. Des drogations sont prvues,
notamment les associations de dfense des droits des investisseurs. Les investisseurs qui
subissent un prjudice boursier peuvent envisager de se regrouper au sein dune association dont lobjet consiste les reprsenter dans le cadre des dmarches contentieuses. Toute association rgulirement dclare peut ester en justice. Mais cette action a des limites :
- laction est cantonne aux actes ncessaires laccomplissement de sa mission telle que dfinie par lobjet social ;
- elle ne peut viser que lindemnisation des prjudices subis individuellement par chacun des membres quelle reprsente ;
- elle ne peut pas agir devant les juridictions rpressives, par voie de constitution de partie civile, mais seulement devant les juridictions civiles.
La difficult rparer les prjudices boursiers tient donc notamment lexistence des principes procduraux qui semblent sopposer a priori au traitement collectif des litiges de masse. Les associations, qui sont rgulirement mises en avant par les lgislateurs comme le
moyen le plus appropri de faciliter le traitement des litiges de masse, ne pourraient permettre
actuellement de droger efficacement aux rgles juridiques reprsentant des obstacles la
rparation des prjudices boursiers.
3 : Les obstacles relatifs laction en justice
Ils concernent non seulement les conditions de la recevabilit de laction en justice(a), mais aussi les moyens (b).
a : Les obstacles relatifs aux conditions de la recevabilit de laction
La recevabilit de laction au civil suppose un intrt agir et laction au pnal est conditionne la dmonstration de lexistence dun prjudice personnel, direct et certain. Laction en justice est ouverte tous ceux qui ont un intrt lgitime au succs ou au rejet dune prtention. Lintrt agir doit tre n et actuel. En droit processuel, lancien actionnaire na plus dintrt agir. Son intrt nest plus actuel. Linvestisseur victime dune infraction boursire qui na pas encore cd ses titres se verra opposer labsence dintrt direct alors que celui-ci existe bel et bien. Les contentieux seront ainsi arrts au stade de la
recevabilit. La situation au pnal nest pas meilleure.
Laction civile devant le juge pnal est ouverte tous ceux qui ont souffert personnellement du dommage directement caus par linfraction. Le prjudice invoqu par la victime doit donc runir certaines conditions. Il doit sagir dun prjudice certain, n dune infraction punissable ; il doit galement sagir dun prjudice personnel, directement caus par linfraction. La dfinition de la recevabilit de laction civile devant les juridictions
44
SPITZ N., La rparation des prjudices boursiers, Revue banque dition, 2010, p. 393.
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rpressives est ainsi rigoureuse. Laction civile devant les juridictions rpressives est un droit exceptionnel qui doit tre encadr strictement par la loi.
b : Les obstacles relatifs aux moyens
Le procs civil est contraignant au plan financier pour linvestisseur isol. Laction civile devant le juge pnal est certes moins contraignante, mais la justice pnale est alatoire.
Lindemnisation des prjudices ns des infractions boursires connat, au-del des obstacles juridiques des obstacles matriels.
Le premier est celui du cot du procs civil. En effet, le foss est immense entre
lpargnant personne physique dune part et dautre part les metteurs et leurs dirigeants et les professionnels dappel public lpargne. Les difficults rencontres par un individu isol, notamment lorsque son prjudice, bien que certain, reste minime, en comparaison avec les
cots dun procs, incitent peu saisir les tribunaux judiciaires. Cette situation explique la ncessit de dvelopper des actions individuelles exerces collectivement et des rflexions sur
les actions de groupe. Les personnes physiques disposent donc des moyens financiers limits
et une faible connaissance de la matire financire. Vu les difficults de prouver le prjudice,
la victime dun prjudice boursier peut aussi faire recours lexpertise judiciaire ; mais cette mesure a des cots non ngligeables qui ne sont pas la porte de tous, ce qui peut justifier le
recours au juge pnal.
La justice pnale prsente des avantages : elle est peu onreuse dautant plus que les frais de lenqute sont la charge de lEtat ; le plaignant est pargn de la charge de la preuve. Cependant, la voie pnale est dabord faite pour sanctionner les comportements illicites. Lindemnisation nest donc que laccessoire de laction publique. Elle est dailleurs le plus souvent forfaitaire, car elle ne fait lobjet daucune valuation. Ceci nous amne nous interroger sur le point de savoir ce que devient le grand principe de la rparation intgrale du
prjudice en droit commun des obligations.
En effet, le montant de la rparation dpend de lampleur du prjudice : tout le dommage et rien que le dommage doit tre rpar. La jurisprudence la affirm dans cette formule : le propre de la responsabilit civile est de rtablir aussi exactement que possible
lquilibre dtruit par le dommage et de replacer la victime, aux dpens du responsable, dans la situation o elle se serait retrouve si lacte dommageable ne stait point produit 45. Or, lindemnisation forfaitaire ne permet pas toujours de couvrir intgralement le prjudice subi. Finalement, il est remarquer que le droit de la responsabilit civile tant substantiel que
procdural rencontre dnormes difficults en matire dindemnisation des victimes des prjudices boursiers. Il serait donc louable de ladapter ventuellement aux spcificits des prjudices boursiers.
II : Les voies dadaptation du droit de la responsabilit civile aux spcificits de la rparation des prjudices boursiers
Partant du constat que lindemnisation des victimes des prjudices ns des infractions boursires connat beaucoup dobstacles relatifs au droit matriel et au droit procdural, il nous semble urgent de rflchir sur lventuelle ncessit dadapter notre droit lenvironnement des marchs boursiers. Relativement aux obstacles dordre matriel, des
45
Civ. 2me
, 4 fvrier 1982, JCP 1982. II. 19984, note J. -F. BARBIERI.
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palliatifs doivent tre trouvs (A). Dans le droit procdural, la spcificit de la matire
boursire semble imposer un rgime particulier de rparation (B).
A : Le recours certains palliatifs au droit matriel de la responsabilit civile
La dtermination dun prjudice par un ventuel demandeur est dlicate46. On peut estimer que le prjudice subi par linvestisseur est le fait davoir achet les actions un cours suprieur leur valeur relle du fait de la diffusion des informations fausses ou trompeuses
47.
De mme, on peut octroyer la rparation du prjudice pour les acquisitions de titres
postrieures la publication dinformations trompeuses. Un actionnaire peut demander la rparation du prjudice de la revente perte des actions acquises aprs la publication dun communiqu litigieux sur les rsultats prvisionnels de lmetteur. On peut retenir comme prjudice le fait davoir achet des actions des conditions beaucoup trop onreuses et de les avoir revendues avec une moins-value substantielle. Lon peut mme sappuyer sur la notion de perte dune chance pour fonder son action en indemnisation48. Le prjudice boursier peut donc rsulter de lacquisition ou de la vente des titres pendant la priode de diffusion des informations fausses ou trompeuses ou de la conservation des titres antrieurement acquis.
Sera retenue ici la notion de perte dune chance (1), tant donn quelle apparat comme un remde gnral beaucoup de situations. Elle doit tout de mme saccompagner de celle de victime par ricochet dans une hypothse particulire (2).
1 : Le recours la notion de perte dune chance
La notion de perte dune chance apparat comme un palliatif possible pour la rsolution des obstacles au droit matriel. Elle constitue un remde la difficult dtablir la certitude du prjudice
49 dans les manipulations de march et dans les oprations dinitis, de
mme qu la difficult de dmonter la certitude de lexistence du lien de causalit.
La perte dune chance fait appel des prvisions, cest--dire des donnes dont la fiabilit nest pas certaine par principe, quel que soit le srieux qui a prsid leur laboration. La question de lvaluation du prjudice subi par les actionnaires en cas de diffusion dinformations errones par les dirigeants est assurment dlicate, au sens o il est quasi-impossible dtablir quelle serait lindemnisation rparant exactement le prjudice subi par chaque actionnaire ou ancien actionnaire, voire par les actionnaires potentiels qui
nauraient pas ralis un investissement la suite dinformations errones de la socit. Les situations prendre en compte sont extrmement variables. Cela explique sans doute que les
principes de la responsabilit civile soient inflchis et quon renonce une indemnisation exacte du prjudice. Le recours la notion de perte dune chance semble participer de cette logique.
La faute de lmetteur, souvent constitutive dun dlit de diffusion dinformations fausses ou trompeuses, mme si elle ne reprsente pas srement la cause unique de la dcision
dinvestissement ou de dsinvestissement, aura de toute manire obr les chances de
46
Cette difficult tient ltablissement dune ligne de dmarcation entre le prjudice et lala boursier. 47
La cour a par une dcision de la chambre criminelle de la Cour de Cassation du 15 mars 1993 confirm un
arrt de la Cour dAppel de Paris du 15 janvier 1992 dans laffaire Socit Gnrale de Fonderie : CA Paris, 15 janvier 1992, 9
me ch., Banque et droit, nov.-dc. 1993, n 32, p. 22, note F. PELTIER ; Gaz. Pal. 22-23 avril
1992, obs. J-P. MARCHI ; Rev. Soc., septembre 1992, obs. H. HOVASSE. 48
CA Paris, 26 septembre 2003, Soulier c/ Flammarion et a., Bull. Joly bourse, janvier 2004, n 1, Obs. E
DEZEUZE ; Bull. Joly socits, janvier 2004, n 1, p. 84, Obs. J.J DAIGRE. 49
Pour assurer une meilleure indemnisation des victimes, lexigence de certitude a t relativise par la notion de perte dune chance : CABRILLAC R., Droit des obligations, 3ime d., 1998, p. 208.
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linvestisseur de prendre une dcision en connaissance de cause et dagir au mieux de ses intrts. Ainsi, lorsque le caractre dterminant de la faute boursire sur la dcision
dinvestissement nest pas dmontr, une partie du dommage subi par linvestisseur peut cependant tre indemnise sous la forme dune perte de chance condition quil tablisse au moins linfluence significative de la faute sur sa dcision. Avec le recours la notion de perte dune chance, mme si la rparation montaire ne peut alors tre que partielle, il permet nanmoins daccorder une certaine indemnit aux victimes de prjudices boursiers. Afin de surmonter donc toutes les difficults pour dterminer son montant et pouvoir ainsi
attribuer une indemnisation, on peut faire recours la notion de perte de chance. La victime
ne touchera pas la diffrence entre le prix de vente et le prix qu'elle aurait obtenu en l'absence
d'information errone, car il est impossible de dterminer avec prcision qui sont les victimes,
ainsi que le comportement qu'aurait adopt chacun et le montant de son prjudice. La victime
sera indemnise pour avoir perdu la chance de pouvoir prendre une dcision en se fondant sur
des lments justes.
Cette solution prsente de nombreux avantages. Tout d'abord, elle permet de
surmonter la difficult dfinir qui a rellement subi un prjudice. Elle vite de faire une
apprciation au cas par cas et de s'interroger pour chacun sur ses motivations, sa date d'entre
et sa date de sortie. Est indemnis le prjudice subi par les actionnaires, en achetant ou
conservant une action aux perspectives prometteuses survalues. Ensuite, elle permet
galement de contourner les incertitudes qui rendent si difficile l'valuation du prjudice. La
rgle est que la rparation d'une perte de chance doit tre mesure la chance perdue et ne
peut tre gale l'avantage qu'aurait procur cette chance si elle tait ralise. En pratique,
elle aboutit verser aux victimes une indemnisation forfaitaire, par exemple de 10 par action dans l'affaire Sidel
50. Mme si cette dmarche peut tre critiquable, elle doit tre
nanmoins approuve du fait de l'impossibilit pratique d'valuer le rel prjudice de chacun
et de faire une apprciation au cas par cas en prsence de centaines de demandeurs. Elle a t
suivie par l'arrt de la Cour de Cassation franaise du 9 mars 2010 selon lequel celui qui
acquiert ou conserve des titres mis par voie d'offre au public au vu d'informations inexactes,
imprcises ou trompeuses sur la situation de la socit mettrice perd seulement une chance
d'investir ses capitaux dans un autre placement ou de renoncer celui dj ralis 51
.
Certes, la Cour de cassation franaise a cass l'arrt d'appel qui avait retenu un prjudice du
minimum de l'investissement ralis ensuite des informations tronques portes leur
connaissance, mais la cassation tait invitable. En effet, il est impossible d'affirmer que les
actionnaires auraient tous sauv intgralement leur investissement s'ils avaient connu les
vraies informations. Le prjudice devant tre certain, il ne peut donc pas tre valu en faisant
la diffrence entre ce qu'ils avaient investi et la valeur actuelle des titres.
La fixation de la rparation selon les chances perdues nexclut pas du reste de procder une valuation pragmatique et nuance des prjudices des diffrents investisseurs dont la
situation peut tre sensiblement diffrente du point de vue de limpact de la fausse information sur la dcision dinvestissement. Lestimation de la chance perdue pourra ainsi varier entre un faible pourcentage des sommes investies (par exemple pour un prjudice
tenant la conservation des titres) et un pourcentage lev des mmes sommes aboutissant
une indemnisation proche de la diffrence entre le prix dacquisition du titre et leur valeur aprs la rvlation de la fraude.
50
TGI Paris, 11e ch., 12 sept. 2006, sidel, D. SCHMIDT, affaire sidel: lindemnisation des actionnaires, D. 2006.
Point de vue 2522, Rev. Soc. 2007. 102, Obs. J-J. DAIGRE ; Bull. Joly 2007. 37, note E. DEZEUZE. 51
Com. 9 mars 2010 cit par RONTCHEVSKY N., Rparation du prjudice des actionnaires victimes de
manipulations ou tromperies en matire financire : des foreign-cubed class actions une action de groupe la
franaise ? , RTDcom. 2011, p. 753.
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Derrire la notion de perte dune chance, se cachent les formes trs varies de prjudices alors que ce mode dindemnisation ne devrait concerner que les prjudices boursiers de non-dcision, cest--dire, labstention dacheter ou de vendre. Dans cette logique, les tribunaux devraient rigoureusement valuer pour chaque investisseur ayant choisi
de conserver ses titres, la probabilit quil les ait cds puis la multiplier, le cas chant, par la plus-value quil aurait pu raliser par cette cession, cest--dire, le cours moyen de cession52 moins le cours au jour de la rectification de la faute boursire. Le cours de cession en question
est celui du titre financier tel quil aurait t en labsence de faute boursire, ce qui impose chaque jour de cotation de calculer un cours thorique. Le recours la notion de perte dune chance, au-del de son intrt napporte pas de solutions toutes les difficults dindemnisation des victimes des prjudices dinfractions boursires ; pour cela, il faut recourir dautres notions.
2 : Le recours la notion de victime par ricochet Le prjudice nest indemnisable que sil est certain, direct et personnel. Les obstacles
au caractre direct et personnel peuvent trouver un dbut de solutions dans le recours la
notion de victimes par ricochet. Il convient de noter que lincertitude sur le titulaire de laction en responsabilit naffecte pas le constat de lexistence dun prjudice rparable. En ce sens, on peut affirmer que le caractre personnel du prjudice ne fait pas dfaut
53. En effet,
en droit des obligations, il est tabli dsormais que si la rparation du dommage est
subordonne au caractre direct de celui-ci, il ne faut pas en dduire que dautres personnes que la victime immdiate ne peuvent pas, elles aussi, titre personnel se prvaloir lgard de lauteur de laccident, des dommages qui en rsultent pour elles. A ce titre, ne pourrait-on pas considr que laction individuelle de lactionnaire serait fonde tre admise, malgr lexistence parallle des prjudices affectant la personne morale, car le prjudice conomique de lactionnaire rentrerait dans la catgorie de prjudices par ricochet. Latteinte au patrimoine social conscutive une mauvaise gestion se rpercute sur les droits des associs,
dont les actions baissent. Un auteur pense que ce raisonnement tend vacuer le risque de
lassoci inhrent aux alas de la vie sociale et entretient le risque douvrir largement les portes de laction individuelle54, do linvite la prudence des juges. Encore faut-il pouvoir apporter la preuve de ces allgations.
En dfinitive, au plan du droit matriel, les solutions aux difficults dindemnisation des victimes des prjudices boursiers peuvent se trouver dans le recours la notion de perte
dune chance et celle de victimes par ricochet. Il convient prsent denvisager les hypothses du droit procdural.
B : Linvitable introduction dun rgime particulier de rparation au plan procdural
Les obstacles au plan du droit formel sont importants et ncessitent lintroduction dun rgime particulier de rparation. Le rgime envisageable doit tre orient vers des objectifs
prioritaires identifis. Ainsi, il doit prendre en compte dune part la difficult dtablissement de la faute boursire (1) et dautre part, la multiplicit des parties en cause (2). Le rglement des litiges est une ncessit (3).
52
Lutilisation du cours moyen de la cession nest approprie que pour des priodes courtes o le cours a suivi une volution linaire ; en cas de priodes de dysfonctionnement du march plus longues o la volatilit du cours
a t forte, il conviendrait de distinguer des sous-priodes qui seront pondres par leur dure. Il en est de mme
si, pour certaines priodes, la cession des titres engendre une moins-value pour linvestisseur. 53
SPITZ N., La rparation des prjudices boursiers, Revue banque dition, 2010, p. 37. 54
COURET A., Interrogations autour de la rparation du prjudice individuel de lactionnaire , RJDA, mai 1997, p. 391.
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1 : Lintroduction dun rgime prenant en compte la difficult dtablissement de la faute boursire
Une incertitude plane sur la preuve du prjudice et la rend difficile tablir en matire
de manipulations de march. En matire de diffusion dinformations fausses ou trompeuses, linformation litigieuse doit tre de nature agir sur les cours. Les difficults de preuve se concentrent sur lincidence de linformation sur les cours et non sur le caractre faux ou trompeur de linformation qui est relativement ais caractriser. Il semble difficile dtablir que si le cours a vari, cest parce que les oprateurs ont intgr la fausse information. Le plaignant doit-il tablir que cest linformation trompeuse qui a dcid son intervention sur le march ou suffit-il dtablir que puisque le cours a t fauss par la fausse information, le plaignant a ncessairement peru ou pay un prix artificiel ? Il convient de retenir que
linformation ayant altr le cours est frauduleuse du seul fait de cette altration alors mme que le plaignant naurait pas eu connaissance de cette information avant son intervention sur le march. Dans la tentative de recherche des solutions aux difficults dtablissement de la faute boursire, deux mesures peuvent tre envisages : la prsomption de fraude au march
(a) et la spcialisation de la procdure (b).
a : Limportation de la prsomption de fraude au march
La prsomption de fraude au march doit tre importe du droit amricain. La preuve
du prjudice rsultant des manipulations de march se heurte aux obstacles en raison
notamment de labsence dintgration de la thorie financire fraud-on-the-market theory. Cette thorie dcoule de celle de lefficience informationnelle en conomie. Selon cette thorie conomique, le march doit intgrer linformation relative un bien et la transformer ensuite un prix qui dterminera ultrieurement lquilibre entre loffre et la demande. Les prix des actifs refltent toute linformation disponible. Cette thorie est transpose dans le droit sous le nom de fraud on the market theory. Cette dernire repose sur le principe selon
lequel linvestisseur peut faire confiance dans le prix du march dun titre en tant quil reflte la vraie valeur de celui-ci. Sur le fondement de la prsomption de confiance, les investisseurs
qui acquirent des titres financiers un prix qui intgre une information fausse ou trompeuse
ou qui nintgre pas toutes les informations disponibles subissent un prjudice, sans quils doivent apporter la preuve du caractre dterminant de cette information dans leur dcision.
La prsomption de fraude au march est systmatiquement invoque comme un
moyen de faciliter lindemnisation des victimes des prjudices boursiers. Elle permet aux investisseurs, principalement aux victimes dinfractions boursires, de substituer la dmonstration du caractre dterminant dune information fausse ou dune omission sur leur dcision dinvestissement, celle du caractre dterminant du cours de bourse. Labsence de reconnaissance de la prsomption de fraude sur le march est souvent cite comme un
obstacle infranchissable pour les victimes de prjudices boursiers lorsquelles doivent dmontrer le lien de causalit ou dterminer le prjudice subi
55. La victime ne peut attribuer
les dommages subis lauteur de la fausse information ou information trompeuse qu la condition de dmontrer quelle a eu connaissance de cette information au moment de sa dcision dinvestissement. Or il savre matriellement impossible de remplir une telle condition lorsque la faute boursire consiste en lomission dune information par lmetteur dun titre financier. Cest pour rpondre cette preuve impossible que la prsomption de fraude a t dveloppe. Selon cette thorie, les marchs boursiers sont efficients et intgrent
55
ARSOUZE C. et LEDOUX P., Indemnisation des victimes dinfractions boursires , Bull. Joly bourse, n 4, juillet-aot 2006, 101, spc. n 14 ; SIMART O., La notion de manipulation de cours et ses fondements en
France et aux USA , RD Bancaire et financier, n 56, juillet-aot 1996, pp. 158-159.
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ainsi dans les cours toutes les informations disponibles. De ce fait, linvestisseur peut prtendre que linformation omise par le dirigeant de la socit mettrice a t dterminante dans sa dcision dinvestissement prise en considration du cours de bourse nintgrant pas cette omission. Une autre mesure de solution est la spcialisation de la procdure.
b : La spcialisation de la procdure de rparation des prjudices boursiers
Certaines difficults procdurales lies au caractre complexe des prjudices boursiers
tiennent au manque de comptence technique des demandeurs et des juges de la rparation.
Lune des solutions ces difficults est la spcialisation de la procdure. Les questions relatives la rparation des prjudices boursiers sont assez techniques, et pour cela, la
comptence en la matire doit tre dvolue une juridiction spcialise. Cette spcialisation
doit saccompagner dun effort de formation des magistrats sur les questions boursires et financires. Les juges, mme spcialiss, doivent tre accompagns dans leur tche par des
experts financiers56
: cet effet, les juges seront chargs de trancher les prjudices boursiers
que les experts auront eu la charge danalyser. En effet, lattribution des actions en indemnisation des victimes des prjudices boursiers une juridiction spcialise prsente lavantage de faire traiter ces litiges par des magistrats forms en la matire. Elle permettrait aussi le dveloppement dune jurisprudence cohrente et serait par l-mme une source de scurit juridique pour les acteurs de la bourse.
La spcialisation des juridictions doit saccompagner dun recours lexpertise financire. Les juristes appels statuer sur le contentieux boursier, mme avec leur spcialisation, ne
seraient pas des experts financiers. Certes, le recours lexpertise financire engendre des frais et des dlais supplmentaires mais cela nous semble important. Par exemple,
ltablissement dun prjudice supposant dvaluer leffet de la faute boursire sur le cours ncessite davantage les lumires dun expert financier. Les expertises financires semblent tre un gage damlioration de leffectivit de la rparation des prjudices boursiers. La spcialisation de la procdure aurait aussi certainement pour avantage dapporter quelques solutions aux difficults relatives la multiplicit des parties en cause.
2 : Lintroduction dun rgime prenant en compte la multiplicit des parties en cause
Deux principales mesures sont envisageables : les actions de groupe (a) et les fonds
dindemnisation (b).
a : Lintroduction des actions de groupe
Les actions de groupe sont des actions qui consistent runir dans une seule
instance, donnant lieu un seul jugement, la rparation des prjudices individuels multiples
ayant une origine commune 57. Il sagit plus simplement de laction en justice dun groupe
de consommateurs non encore identifis reprsents par quelques personnes, voire
simplement par un avocat en rparation du prjudice. Dans ces actions, un groupe de
personnes est reprsent en justice sans avoir pralablement donn son accord exprs. Elles
permettent de rendre plus effective la rparation des prjudices boursiers. Lobjet recherch
56
Cest la technique de lchevinage. 57
Table ronde de droit et dmocratie, Pour mieux rparer les prjudices collectifs-une class action la franaise,
Gaz. Pal. 29 sept. 2001, pp. 1469-1470 ; pour BORE L., il sagit de laction introduite par un reprsentant pour le compte de toute une classe de personnes ayant des droits identiques ou similaires qui aboutit au
prononc dun jugement ayant autorit de la chose juge lgard de tous les membres de la classe (cit dans le Rapport sur laction de groupe, remis le 16 dc. 2005, p. 28).
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est de permettre au plus grand nombre dagir en rparation de leurs prjudices individuels de manire regroupe, linstar des class actions aux USA.
En effet, les actions de groupe permettent des conomies de cot sur le plan
judiciaire ; le cot excessif de laction individuelle limite laccs des personnes lses la justice. Elles ont donc lavantage damliorer laccs effectif la justice : par la mutualisation des frais de justice entre tous les membres, laction de groupe abolit lobstacle financier rencontr par chaque personne lse dans le cadre dune action individuelle o les cots judiciaires excdent le montant du dommage subi.
Au-del des intrts prsents, les actions de groupe participent la bonne
administration de la justice en vitant que les tribunaux ne prennent des dcisions
contradictoires lorsquils ont connatre simultanment dactions individuelles ayant un objet similaire. Cest dire concrtement que les actions collectives permettraient de regrouper les petits contentieux ayant la mme origine, de mme que les pargnants dont le prjudice est
trs modeste pour quils puissent supporter seuls les frais dune procdure judiciaire face aux metteurs beaucoup plus puissants. Son introduction dans notre droit permettrait de diminuer
les risques de dcisions divergentes et aurait un effet dissuasif sur les metteurs et les
dirigeants fautifs58
. Il semble nanmoins que les class actions ne doivent pas se limiter
strictement au domaine de la consommation. Une class action limite au seul domaine de la
consommation laisserait beaucoup de victimes sans moyens dactions efficaces. Laction collective doit se distinguer de laction dune association. La diffrence
essentielle entre la class action et laction dune association de consommateurs consiste en ce que lassociation dfend lintrt gnral des consommateurs tandis que la class action dfend les intrts particuliers de chacun des consommateurs, voire tous les individus mme sils ne sont pas des consommateurs. Les actions de groupe doivent saccompagner de la mise sur pied des fonds dindemnisation.
b : Lintroduction des mcanismes alternatifs dindemnisation
Il sagit notamment des fonds dindemnisation. Ces derniers constituent galement une solution aux obstacles la rparation des prjudices boursiers. Leur cration est du pouvoir du
rgulateur boursier, en loccurrence la commission des marchs financiers. Ils sont constitus des fonds provenant non seulement des gains illgalement acquis mais aussi des sanctions
pcuniaires, que ces sanctions aient t prononces par un tribunal au terme dune procdure contentieuse ou quelles rsultent dune transaction conclue avec les personnes poursuivies, afin de les redistribuer aux investisseurs lss. Cette redistribution serait interprte comme
une marque dintrt porte aux personnes lses. Mais, elle nest possible que si la personne sanctionne est galement tenue de restituer les gains illgalement acquis. Les fonds
dindemnisation ne sauraient tout de mme tre substitus aux actions de groupe dans la mesure o ils ne garantissent pas la rparation intgrale des prjudices subis ds lors que les
sanctions prononces sont plafonnes par la rglementation boursire.
En dpit de la contribution limite des fonds la rparation des prjudices, leur
introduction dans notre environnement permettrait dmettre un signal fort en direction des acteurs du march boursier de la volont politique dadjoindre la rgulation par les autorits publiques une rgulation par ces acteurs boursiers. Le rglement amiable des litiges est aussi
une voie non ngligeable.
58
CLERMONTEL P., Le droit de la communication financire, Joly ditions, 2009, pp.469.
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3: La ncessit de privilgier le rglement amiable des litiges
Le rglement amiable des litiges, bien que susceptible de couvrir tout le champ
financier, y compris les abus de march, a en ralit pour terrain dlection les relations entre les professionnels et leurs clients.
A loccasion de la vente des produits financiers, lpargnant ou linvestisseur peut estimer ne pas avoir bnfici de linformation ou du conseil requis et solliciter le professionnel afin dobtenir la modification ou la rparation de lachat effectu, avant dinitier, en cas de dsaccord, une action contentieuse. Il convient de ce fait, de faciliter le rglement amiable des litiges, qui prsente
lavantage dtre rapide. Ceci suppose non seulement un traitement adapt et efficace des rclamations par les professionnels, mais aussi la possibilit dune mdiation ds lors que le client nest pas satisfait des suites donnes par le professionnel sa rclamation59. Un tel dispositif concourt lamlioration du processus de commercialisation des produits financiers sous deux angles :
- il permet aux consommateurs de produits financiers de faire valoir leurs droits plus rapidement et plus facilement que par la voie contentieuse ;
- il constitue, pour ltablissement concern, une source prcieuse dinformation sur les dysfonctionnements qui peuvent affecter son dispositif de commercialisation et une
incitation les corriger, sans encourir un risque de rputation conscutif une
procdure judiciaire60
.
CONCLUSION
En dfinitive, il faut relever la difficile prise en compte des victimes dinfractions boursires. Cette situation sexplique dune part, par le fait dune certaine incapacit de notre droit de la responsabilit civile et surtout de notre droit judiciaire priv favoriser la