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Thèse présentée pour obtenir le grade de :
DOCTEUR DE L’UNIVERSITE DE MONTPELLIER II
Ecole doctorale : Information Structures Systèmes
Présentée par
Sara DEPIERRE
Etude des mécanismes d’altération du verre
par des eaux cimentaires
Soutenue le 22 Octobre 2012 devant le jury composé de :
Mme Anne CHABAS
M. Jean-Baptiste D’ESPINOSE DE LA CAILLERIE
M. André AYRAL
M. Martin CYR
Mme Agnès SMITH
M. Frédéric ANGELI
M. Fabien FRIZON
Mme Sophie BETREMIEUX
Mme Christelle MARTIN
M. Karel LEMMENS
Rapporteur
Rapporteur
Examinateur
Examinateur
Examinateur
Directeur de thèse
Encadrant CEA
Invité
Invité
Invité
À mes parents
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"Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas,
c'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont difficiles."
Sénèque
(Lettres à Lucilius XVII, 104)
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Remerciements
C’est avec beaucoup d’émotions et un immense plaisir que j’écris ces quelques pages, qui
représentent bien peu comparé à ce que, vous tous, m’avez apportés au long de cette expérience. Je
suis persuadée et convaincue qu’au-delà de l’aspect purement scientifique, c’est au travers des
nombreuses rencontres que j’ai grandi et me suis enrichie.
Je tiens à remercier tout d’abord mes encadrants, Frédéric Angeli et Fabien Frizon, qui ont
su brillamment et à leur manière, m’encadrer et me soutenir tout au long de cette épopée.
Frédéric, c’est avec une certaine fierté que je me rends compte que nos échanges ont
véritablement évolué, que nous avons appris à nous connaître au cours de ces trois ans. Malgré
notre perception bien différente de l’encadrement, nous avons progressivement trouvé notre
équilibre.
Fabien, ton soutien sans faille m’a toujours relevé dans les moments difficiles. Tu as su être à
mon écoute, être patient et me redonner confiance grâce au reflet que tu me renvoyais. Tu m’as
aussi montré que tous les deltas E se valent d’être franchis. Je te remercie infiniment.
Je voudrais également remercier chaleureusement Stéphane Gin. Bien que tu ne fusses pas
officiellement dans l’encadrement de ma thèse, tu as toujours été présent. J’ai beaucoup apprécié
nos longues conversations scientifiques que je regrette depuis quelques mois déjà.
Je souhaite remercier chaleureusement Agnès Smith, ancienne directrice de l’Ecole
Nationale Supérieure de Céramique Industrielle de Limoges, pour avoir présidé mon jury de thèse,
ainsi qu’Anne Chabas et Jean-Baptiste d’Espinose de la Caillerie pour avoir accepté de rapporter ce
manuscrit quelque peu volumineux… Je tiens également à remercier Martin Cyr et André Ayral
pour l’avoir examiné.
Cette thèse a été réalisée à l’interface entre deux laboratoires du Commissariat à l’Energie
Atomique et aux Energies Alternatives de Marcoule, au Laboratoire de Comportement à Long
Terme des matrices de conditionnement (LCLT) et au Laboratoire de Physico-Chimie des Matériaux
Cimentaires (LP2C). Je tiens à remercier Bruno Lorrain pour m’avoir accueilli au sein du Service
d’Etude des Matrices de Conditionnement.
Cette thèse n’aurait pas eu lieu s’il n’y avait pas eu une problématique industrielle à la base.
Pour cette raison, je remercie Sophie Bétremieux d’AREVA de m’avoir offert l’opportunité de
réaliser ces travaux. Un grand merci également à Christelle Martin et Xavier Bourbon de l’Agence
Nationale pour la Gestion des Déchets Radioactifs pour avoir suivi mes travaux de recherche et
avoir relu avec attention, voire méticulosité, mon manuscrit. Je remercie également Isabelle Ribet
pour avoir su coordonner l’aspect fondamental de cette thèse à l’aspect industriel.
Mes remerciements s’adresse maintenant à ma grande famille avec laquelle j’ai eu
énormément de plaisir et de joie à travailler durant ces années : le LCLT ! Parce que le LCLT, c’est
tous les jours de la bonne humeur, des personnes sur qui on peut compter et une qualité de travail
incomparable, je n’oublierai jamais…
…Chouchou, icône du LCLT qui m’a appris à nager le crawl et avec qui j’ai réalisé ALISE,
…Nicole, pour les discussions que nous avons eues, j’aurai aimé qu’elles soient plus
nombreuses,
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…Diane, spéciale dédicace de Julia : merci d’avoir été là ! Comme on se l’est déjà dit, nous
aurions pu indéniablement être amies si nous avions fait notre thèse ensemble…
…Patrick, toutes ces « petites questions » que je suis allée te poser et auxquelles tu as toujours
répondu avec justesse. Je serai toujours épatée par tes calculs mentaux !
…Yves, pour ta culture vertigineuse et pour nous avoir régalés avec les croissants aux amandes
du mercredi,
…Frédéric B., tu m’as beaucoup apporté, je pense notamment aux incertitudes où finalement, tu
avais raison, il y avait une certitude, c’est que je l’ai belle et bien eue ma thèse !! Merci aussi pour
tous tes conseils avisés et ta justesse dans tes réflexions,
…Chantal, fue un placer conocerte y charlar contigo en el labo. Tenemos muchos momentos inolvidables,
con el famoso « hello, que tal ? »,
…Jean-Pierre, pour m’avoir montré une apparition divine au MEB, à force de temps passé à
scruter les petits grains de verre,
…Pierre, malheureusement je ne serai pas arrivé jusqu’au GRAAL, mais je te remercie pour ton
aide sur CHESS et pour nos discussions scientifiques,
…Géraldine, la belfortaine qui m’a soutenu face à Jean-Pierre et Chouchou, le territoire de
Belfort n’est pas en Allemagne !
…Virginie, une ex du LCLT, pour toutes nos conversations et ta bonne humeur !
…Merci aussi à Nadine et Anne-Sophie pour leur gentillesse et leur disponibilité,
…Et enfin Guillaume Garaix, tu as été un stagiaire extraordinaire ! Tu cultives une réelle passion
pour la Science. Je te souhaite beaucoup de bonnes choses pour la suite.
Au LP2C, je souhaite remercier Céline Cau-dit-Coumes pour les échanges scientifiques que
nous avons eus au cours de la thèse.
J’aimerais remercier les personnes avec qui j’ai collaborées : Laurent Dupuy pour les
nombreuses analyses ToF-SIMS à Biophy Research, Pascale Jégou pour les caractérisations XPS au
service IRAMIS du CEA Saclay, Benoît Queffelec pour avoir accepté de faire une formation sur les
incertitudes qui m’a beaucoup appris, le professeur Philippe Vieillard de l’Université de Poitiers
pour m’avoir initié à la modélisation thermodynamique sur les zéolithes et pour être venu à ma
soutenance, Gaëtan Raimondi pour les nombreuses analyses ICP-AES réalisées à Solaize, Myriam
Chartier et Nicolas Massoni pour les caractérisations en DRX, Martianne Cabié pour les découpes
FIB et les observations aux MET du CP2M à l’Université de Saint-Jérôme de Marseille, Patrick
Lebescop pour m’avoir accueilli quelques jours au LECBA du CEA Saclay et enfin Karel Lemmens
et Karine Ferrand pour m’avoir accueilli au SCK à Mol en Belgique et pour avoir partager nos
connaissances sur nos travaux.
Viens maintenant le moment de remercier stagiaires, thésards et post-docs qui ont peuplé
les allées du LCLT !
Tout d’abord, un grand merci aux anciens qui ont su nous accueillir et nous aider à faire nos
premiers pas dans l’altération des verres : Bruno, Boris, Anne, Claire.
Un grand merci à Mathieu, le têtard qui devint crapaud, et à Benjamin n°1, qui restera têtard
encore quelques mois. Merci particulièrement à vous deux pour tous les moments passés ensemble,
notamment au squash, en co-voiturage, en soirée ou encore en train de porter canapés et machine à
laver !
Merci à Estelle, ma collègue de bureau avec qui j’ai partagé ces trois années, les bons
moments comme les plus difficiles. Investie et avertie, tu m’as souvent montré l’exemple. Tu as
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également toujours su positiver, souvent plus pour les autres que pour toi-même… Je te souhaite
bonne chance pour la suite !
Je voudrais remercier Ibrahim (super cuistot libanais), Emilien (Petanquos est en toi),
Quentin (Fabrique en Thym), Benjamin n°2, Maxime, Vanessa, Benoît, Mehdi, et les plus jeunes,
Julie, Isabelle et Joris.
Je voudrais aussi remercier les autres thésardes avec qui nous nous sommes soutenues :
Hassiba, Amélie, Séverine, Estelle…
Enfin, merci aussi aux expat’ du 438 : Cédric, Elodie, JB, Jennifer, Emilie, Seif, Prune, Adrien,
Pierre…
A tous ceux-là et à tous ceux que j’ai oubliés, je vous remercie sincèrement d’avoir été là,
directement ou indirectement, au cours de ces trois années.
Je voudrais adresser un remerciement particulier à Fabien, Nicole et Frédéric B. qui m’ont
encouragé à réaliser un de mes rêves d’enfance, celui de jouer du piano. Un autre remerciement
particulier également que j’adresse à Sophie Schuller qui a su être là aux bons moments.
J’ai une pensée pour tous mes amis Thomas, Jean, Droupi, Gillou, Marina, Martin… et en
particulier Anneso, Cha et Claudia pour être venues me soutenir le 22 octobre 2012 ! La thèse m’a
permis également de faire de belles rencontres, je pense en particulier à Hugo M. ou encore Aurélie
que j’ai rencontré au congrès SGT.
Je remercie profondément ma famille, particulièrement mes parents qui ont toujours cru en
moi, qui m’ont encouragé et soutenu dans n’importe quelle circonstance et ce, depuis toujours. J’ai
pleinement conscience que si j’en suis là, c’est en grande partie grâce à vous.
Mes dernières pensées sont pour Jérémy, qui a su me soutenir et surtout me supporter
pendant ces trois années, surtout à la fin…
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Table des matières Abréviations……………………………………………………………………………………….….....…..17
INTRODUCTION………………………………………….………………………………...……..……....19
CHAPITRE I. CONDITIONNEMENT ET PROJET DE STOCKAGE DES DECHETS NUCLEAIRES……………………………………………………………………….....……..……………...23 I. Les différents types de déchets radioactifs.......................................................................................... 25
II. Le choix de la vitrification des déchets radioactifs ............................................................................ 26
II.1. Le verre et ses propriétés physico-chimiques.................................................................................... 26
II.2. Les déchets vitrifiés .......................................................................................................................... 27
III. Concept de stockage réversible en couche géologique profonde .................................................... 28
IV. Concept de stockage pour les déchets HA et MA-VL ....................................................................... 30
V. La gestion des déchets radioactifs au-delà de nos frontières ........................................................... 32
Références bibliographiques........................................................................................................................ 36
CHAPITRE II. ETAT DES CONNAISSANCES SUR LA DEGRADATION DU VERRE ET DU CIMENT……………………………………………………………………………………………….….….37 I. Comportement du verre en milieu aqueux......................................................................................... 39
I.1. Mécanismes réactionnels ................................................................................................................. 39
I.2. Cinétiques d’altération..................................................................................................................... 45
I.3. Influence du pH sur les mécanismes et cinétiques d’altération ....................................................... 47
II. Le matériau cimentaire : du ciment à la dégradation d’une pâte cimentaire................................. 52
II.1. Le matériau cimentaire .................................................................................................................... 52
II.2. Altération d’un matériau cimentaire ............................................................................................... 58
III. Les objectifs de la thèse .......................................................................................................................... 62
Références bibliographiques........................................................................................................................ 63
CHAPITRE III. METHODOLOGIE, PROTOCOLES ET TECHNIQUES
EXPERIMENTALES…………………………………………………………………………..………..…...67
I. Méthodologie........................................................................................................................................... 68
I.1. Le système verre - matériau cimentaire ........................................................................................... 68
I.2. Modèle d’évolution de l’altérabilité du matériau cimentaire ........................................................... 69
I.3. Solutions représentatives d’états d’évolution .................................................................................. 69
II. Protocoles expérimentaux ..................................................................................................................... 71
II.1. Les verres : élaboration et composition ............................................................................................ 71
II.2. Synthèse des solutions d’eaux cimentaires ...................................................................................... 73
II.3. Protocoles d’altération ..................................................................................................................... 73
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III. Expression des résultats......................................................................................................................... 75
IV. Calculs d’incertitude .............................................................................................................................. 77
IV.1. Préambule ........................................................................................................................................ 77
IV.2. Processus de l’estimation de l’incertitude de la mesure................................................................... 78
IV.3. Estimation de l’incertitude sur la perte de masse normalisée.......................................................... 79
IV.4. Principe de la régression linéaire simple.......................................................................................... 80
IV.5. Incertitude sur la vitesse initiale d’altération.................................................................................. 81
IV.6. Conclusions...................................................................................................................................... 83
V. Traitement des données avec le code géochimique JCHESS............................................................ 84
VI. Techniques d’analyse et de caractérisation ......................................................................................... 85
VI.1. Analyse de solution.......................................................................................................................... 85
VI.2. Caractérisation du solide.................................................................................................................. 87
Références bibliographiques........................................................................................................................ 90
CHAPITRE IV. INFLUENCE DES EAUX CIMENTAIRES SUR L’ALTERATION DU VERRE EN REGIME INITIAL : RÔLE SPECIFIQUE DU CALCIUM………………………………...........……....91 I. Terminologie et concept de vitesses en régime initial ........................................................................ 93
II. Influence des eaux cimentaires sur les cinétiques d’altération du verre en régime initial............ 94
II.1. Conditions expérimentales................................................................................................................ 94
II.2. Influence du rapport S/V .................................................................................................................. 95
II.3. Influence du pH ................................................................................................................................ 96
II.4. Influence de la composition de la solution d’altération................................................................... 100
II.5. Comparaison des cinétiques en fonction du milieu d’altération ..................................................... 105
II.6. Bilan de l’influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial..................... 106
III. Rôle antagoniste du calcium sur l’altération du verre en régime initial........................................ 107
III.1. Effet du calcium en fonction du pH sur l’altération du verre en régime initial ............................. 107
III.2. Influence de la concentration en calcium à différents pH............................................................... 124
III.3. Bilan du rôle antagoniste du calcium en régime de vitesse initiale ................................................ 126
Références bibliographiques....................................................................................................................... 128
CHAPITRE V. INFLUENCE DU CALCIUM SUR L’ALTERATION DU VERRE EN REGIME DE CHUTE DE VITESSE……………………………………………………………………………..…….…131 I. Le magnésium, alcalino-terreux constitutif des matériaux d’environnement du stockage et son
influence sur l’altération du verre.............................................................................................................. 134
I.1. Influence du magnésium sur l’altération du verre ......................................................................... 134
I.2. Influence du magnésium de l’eau de Bure sur l’altération du verre............................................... 136
I.3. Conclusion concernant l’effet du magnésium sur l’altération du verre ......................................... 138
II. Etude de l’influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime de chute de
vitesse............................................................................................................................................................. 139
II.1. Conditions expérimentales.............................................................................................................. 139
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II.2. Comparaison des cinétiques en eaux cimentaires et en eau désionisée ........................................... 139
II.3. Altération du verre en régime de chute de vitesse en solution S1 .................................................. 141
II.4. Altération du verre en régime de chute de vitesse en solution S2 .................................................. 143
II.5. Bilan sur l’influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime de chute de
vitesse........................................................................................................................................................ 147
III. Etude de l’influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse........... 148
III.1. Conditions expérimentales.............................................................................................................. 148
III.2. Cinétiques d’altération.................................................................................................................... 149
III.3. Caractérisation des solides .............................................................................................................. 152
III.4. Bilan de l’influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse ................ 162
IV. Détermination de vitesses initiales par le biais d’un protocole d’altération original .................. 168
IV.1. Validité des mesures de vitesses initiales à partir de ce protocole d’altération ............................... 168
IV.2. Comparaison des vitesses initiales à partir de deux protocoles différents....................................... 168
IV.3. Origine des différences de vitesses en solution cimentaire avec et sans Portlandite ...................... 171
V. Discussion et conclusion sur l’influence du calcium en régime de chute de vitesse ................... 172
V.1. Similitudes entre deux alcalino-terreux : le calcium et le magnésium ........................................... 172
V.2. Analogie avec l’hydratation du ciment ........................................................................................... 172
V.3. Conclusions : mécanismes et paramètres pilotant l’altération du verre ......................................... 174
Références bibliographiques ....................................................................................................................... 179
CHAPITRE VI. ALTERATION DU VERRE EN SOLUTION S1 : PRECIPITATION DE ZEOLITHES ET MECANISMES ASSOCIES………………………………...……………………...…181 I. Etude bibliographique........................................................................................................................... 184
I.1. Les zéolithes .................................................................................................................................... 184
I.2. Formation et stabilité des zéolithes ................................................................................................. 193
I.3. Paramètres influant le phénomène de reprise d’altération.............................................................. 201
II. Etude expérimentale des mécanismes et des cinétiques d’altération du verre en présence de
zéolithes ......................................................................................................................................................... 207
II.1. Conditions expérimentales.............................................................................................................. 207
II.2. Problématique ................................................................................................................................. 207
II.3. Cinétiques d’altération et caractérisation des solides...................................................................... 209
III. Modélisation thermodynamique des expériences ............................................................................ 232
III.1. Expériences RA80 et RA200 .......................................................................................................... 236
III.2. Expériences RA1000 et RA2000 .................................................................................................... 237
III.3. Bilan des expériences par la modélisation thermodynamique......................................................... 238
IV. Discussion ............................................................................................................................................... 239
IV.1. Description des processus et mise en évidence des paramètres clés ................................................ 239
IV.2. Caractéristiques des zéolithes.......................................................................................................... 241
IV.3. Relation entre les caractéristiques des zéolithes et les cinétiques d’altération du verre.................. 243
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V. Conclusion .............................................................................................................................................. 248
Références bibliographiques ....................................................................................................................... 250
CHAPITRE VII. LE CIMENT BAS PH, UNE ALTERNATIVE ?.........................................................255 I. Introduction............................................................................................................................................ 257
II. Caractéristiques chimiques d’un ciment bas pH............................................................................... 257
II.1. Rôle des ajouts................................................................................................................................. 258
II.2. Association d’additifs au sein des ciments...................................................................................... 259
II.3. Solutions à l’équilibre avec un béton bas pH.................................................................................. 260
III. Etude du régime de chute de vitesse en solution bas pH ................................................................ 262
III.1. Comparaison de l’altération du verre en solution bas pH et en eau désionisée .............................. 262
III.2. Caractérisation de la pellicule d’altération ..................................................................................... 267
III.3. Effet des différentes solutions cimentaires sur l’altération du verre............................................... 276
IV. Conclusion .............................................................................................................................................. 278
Références bibliographiques....................................................................................................................... 279
CHAPITRE VIII. DISCUSSION………………………………..………………………………...……...281 I. Paramètres clés et mécanismes d’altération du verre en présence de calcium............................. 283
I.1. Influence du calcium à très faible rapport S/V................................................................................ 283
I.2. Influence du calcium à fort rapport S/V ......................................................................................... 285
I.3. Compétition des mécanismes .......................................................................................................... 286
II. Phénoménologie liée à la précipitation de phases secondaires : similitudes et différences entre
les zéolithes et les C-S-H.............................................................................................................................. 288
II.1. Structures et caractéristiques de ces phases.................................................................................... 288
II.2. Formation de zéolithes et de C-S-H : mécanisme de nucléation / croissance.................................. 288
II.3. Influence de la précipitation de C-S-H et de zéolithes sur l’altération du verre ............................. 289
II.4. Phénomènes limitants au cours d’altération en présence de C-S-H et de zéolithes ........................ 291
II.5. Paramètres clés pilotant les mécanismes d’altération..................................................................... 293
III. Figures de dissolution du verre, une analogie avec la dissolution des cristaux ? ........................ 295
III.1. Théorie de la dissolution des cristaux ............................................................................................. 295
III.2. Observations de figures de dissolution ........................................................................................... 297
IV. Perspectives de l’étude.......................................................................................................................... 300
Références bibliographiques ....................................................................................................................... 302
CONCLUSION………………………………………….………………………………...………....……..305
ANNEXE A : Nomenclature Qn ................................................................................................................. 308
ANNEXE B : Calculs d’incertitudes (1/2)................................................................................................. 309
ANNEXE C : Calculs d’incertitudes (2/2) ................................................................................................ 316
ANNEXE D : Spectroscopie des Photoélectrons X ................................................................................ 325
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ANNEXE E : Tableaux de résultats détaillés – Chapitre IV................................................................. 328
ANNEXE F : Spectroscopie des Photoélectrons X ................................................................................. 330
ANNEXE G : Diffractogrammes des rayons X – Chapitre V ............................................................... 335
ANNEXE H : Expérience d’altération à échelle 1 - ALISE ................................................................... 337
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Abréviations
CSD-B Colis Standard de Déchets de moyenne activité
Verre de référence pour un type de déchets MA-VL
VS Verre Simplifié, verre issu de la composition simplifiée du verre de référence
CSD-B
R7T7 Verre de référence pour les déchets de haute activité
SON68 Equivalent du verre R7T7 inactif
HA Haute Activité
MA-VL Moyenne Activité à Vie Longue
FMA-VC Faible et Moyenne Activité à Vie Courte
TFA Très Faible Activité
MOX Mélange d’OXydes
COx Callovo-Oxfordien, couche géologique dans laquelle le laboratoire souterrain
de Bure est implanté. On parle d’ « eau du COx » pour l’eau de site
MW Verre anglais Magnox pour les déchets de haute activité
C-S-H Famille des silicates de calcium hydraté
S/V Rapport de surface de verre sur le volume de solution pour les essais
d’altération du verre (cm-1)
l/s Rapport massique de liquide sur solide lors de l’hydratation du ciment
Andra Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs
EDS Spectromètre X à Dispersion d’Energie
MEB Microscope Electronique à Balayage
ToF-SIMS Spectrométrie de Masse d'Ions Secondaires à Temps de Vol
XPS Spectroscopie des Photoélectrons X
CHESS CHemical Equilibrium with Species and Surfaces
LQ Limite de Quantification
Nomenclature cimentière :
C CaO
S SiO2
A Al2O3
H H2O
F Fe2O3
S SO3
18
19
INTRODUCTION
Répondre au besoin énergétique croissant dans le monde constitue un enjeu phare de ce
début de XXIème siècle. Une prise de conscience collective de répondre aux besoins énergétiques de
notre génération tout en respectant l’environnement et le droit des générations futures à satisfaire
ces mêmes besoins est née au sein de notre société.
Revenons au siècle dernier. Dès la fin de la seconde guerre mondiale, quelques pays
explorent la voie de l’utilisation pacifique de l’énergie atomique et notamment de la production
d’électricité. L’engouement pour cette nouvelle source d’énergie est tel qu’elle est devenue la
première ressource énergétique en France : actuellement, 79 % de l’électricité produite provient de
nos centrales nucléaires. L’énergie nucléaire présente l’avantage de produire une énergie
abondante, fiable et économiquement compétitive. Un point fait cependant débat depuis les années
1960 : la gestion de ses déchets radioactifs. Quelle que soit la politique menée en matière d’énergie
nucléaire dans un avenir proche en France, le devenir des déchets radioactifs à vie longue est au
cœur des préoccupations et reste un défi pour notre génération et celles à venir.
La France a fait le choix du traitement du combustible usé il y a plus de 30 ans. Cette
opération consiste à extraire l’uranium et le plutonium, qui représentent une matière valorisable, et
à confiner le déchet ultime constitué des produits de fission et des actinides mineurs. Suite à l’étape
de traitement et de recyclage du combustible usé, le déchet ultime est conditionné au sein d’une
matrice vitreuse garantissant le confinement des radionucléides et optimisant le volume final des
colis à stocker. Le colis, formé de la matrice et de ses conteneurs, doit également répondre à des
exigences de manutention. Les colis sont ensuite entreposés en attente de trouver une solution
pérenne pour être stockés. Cette étape nécessaire permet aux colis de refroidir, diminuant ainsi la
charge thermique et le coût de leur stockage ultérieur. Les déchets de haute activité (HA) ainsi
qu’une partie des déchets de moyenne activité à vie longue (MA-VL) sont conditionnés au sein
d’une matrice vitreuse borosilicatée. Le verre, comme nous le verrons par la suite, présente de
bonnes capacités à confiner les radioéléments.
Depuis la loi Bataille de 1991, puis celle de 2006, l’Agence Nationale pour la gestion des
Déchets Radioactifs (Andra) travaille à la conception d’un stockage géologique profond réversible
en vue d’accueillir, notamment, les colis vitrifiés contenant les déchets HA et MA-VL. La sûreté du
stockage repose sur le concept multi-barrières protégeant la biosphère de la dispersion des
radionucléides de sorte que la radiotoxicité à l’exutoire soit inférieure au seuil d’exposition des
populations (0,25 mSv/an). Les trois barrières principales auxquelles il est possible d’allouer des
performances de confinement sont en premier lieu la matrice de conditionnement, c’est-à-dire le
verre au sein duquel sont confinés les radionucléides, ensuite le surconteneur métallique, et enfin
INTRODUCTION
20
la roche hôte du site de stockage, milieu argileux de faible perméabilité. La compréhension des
mécanismes régissant les interactions entre les différents matériaux de stockage dans l’eau de site
est la première étape à valider dans le processus de stockage des déchets nucléaires.
Toute démarche visant à comprendre le comportement à long terme d’un matériau est
d’abord basée sur l’expérimentation. A travers la réalisation et l’interprétation d’expériences sur
des systèmes de complexité croissante, les mécanismes principaux mis en jeu au cours de
l’altération peuvent être identifiés. L’utilisation de modèles mécanistiques permet de valider les
mécanismes clés et les modèles opérationnels afin d’extrapoler les résultats à de plus longues
échéances. Le recours à l’étude d’analogues archéologiques et naturels est une source de validation
complémentaire aux modèles puisque ce sont les seuls vestiges qui témoignent d’une altération de
plusieurs milliers voir millions d’années, temps inaccessibles à l’échelle humaine.
L’Andra prévoit différents scénarios de stockage en fonction du type de déchets, du nombre
estimé de colis, de la viabilité des colis dans leur environnement… La très longue période
radioactive des déchets HA en ont fait un sujet d’étude prioritaire. Le concept de référence retenu
pour ces déchets a donné lieu à de nombreuses années de recherche sur leur matrice de
conditionnement, le verre R7T71, qui ont permis d’acquérir de solides connaissances sur les
mécanismes d’altération du verre en milieu aqueux. Pour les déchets vitrifiés MA-VL, l’Andra
envisage plusieurs concepts avec différents matériaux d’environnement. Un concept actuellement
à l’étude consiste à placer les colis vitrifiés au sein de surconteneurs en béton dans des galeries du
stockage profond, il s’agit du concept de référence pour les colis non vitrifiés de déchets MA-VL.
Malgré un faible débit hydrique, le site de stockage va progressivement se resaturer en eau.
Les colis vitrifiés entreront en contact d’une eau de composition chimique complexe qui va être
fonction du temps de contact avec les matériaux d’environnement (roche hôte, matériaux
d’ouvrage : béton). L’eau va, entre autre, acquérir un caractère fortement basique durant son
passage au sein de la masse de béton constituant les surconteneurs. Une fois le conteneur en acier
corrodé, le verre se retrouvera en contact de cette eau chargée.
Etant donnée la complexité du système global, une approche de l’altération du verre par
des eaux cimentaires simplifiées se justifie par la nécessité d’identifier des phénomènes dominants
en fonction de la chimie de la solution ainsi que des durées d’altération envisagées. Dans ce cas, le
rôle de l’acier du colis comme barrière de confinement est négligé, seule est prise en compte
l’interaction entre la matrice vitreuse et l’environnement proche, le milieu cimentaire. Afin de
valider le choix d’un stockage en environnement cimentaire des colis vitrifiés MA-VL, l’objectif est
1 Matrice vitreuse de référence des déchets de haute activité portant le nom des ateliers de fabrication, R7 et T7, situés à
La Hague.
INTRODUCTION
21
d’étudier l’altération du verre en eaux cimentaires et d’évaluer l’impact de cet environnement sur
les cinétiques d’altération du verre.
Cette thèse a été réalisée en collaboration étroite entre deux laboratoires du Commissariat à
l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives de Marcoule, le Laboratoire de Comportement à
Long Terme des matrices de conditionnement (LCLT) et le Laboratoire de Physico-Chimie des
matériaux Cimentaires (LP2C).
Le premier chapitre reprend plus en détail le contexte de cette étude, en abordant les choix
qui ont été faits et ceux à venir concernant la gestion des déchets nucléaires. Dans le cadre du
concept de stockage actuellement envisagé pour les déchets MA-VL vitrifiés, le deuxième chapitre
présente un état des connaissances sur la dégradation des deux matériaux qui constituent le cœur
de cette étude : le verre et le ciment. Il convient de noter que de nombreux éléments de
bibliographie sont insérés dans les différents chapitres, chacun d’eux traitant de thématiques
spécifiques. Le troisième chapitre est consacré à la méthodologie appliquée dans cette étude. Les
protocoles d’altération utilisés ainsi que les techniques d’analyse et de caractérisation y sont
présentés.
Les trois chapitres suivants traitent de l’influence des eaux cimentaires sur l’altération du
verre dans les différents régimes d’altération, ceux-ci étant développés dans l’état des
connaissances. Ainsi, le quatrième chapitre s’attache à étudier l’influence des eaux cimentaires en
régime de vitesse initiale, principalement grâce au suivi des cinétiques. La dernière partie de ce
chapitre, portant sur l’effet du calcium, met en évidence ses rôles antagonistes qui sont fonction du
pH. Le régime de chute de vitesse est traité dans le cinquième chapitre. La première partie
concernant l’altération du verre en eaux cimentaires rend compte de la nécessité de maintenir une
concentration en calcium. En découle alors la seconde partie qui confirme le rôle prépondérant du
calcium dans ce régime d’altération. Le sixième chapitre concerne l’effet de la précipitation de
zéolithes sur les mécanismes et les cinétiques d’altération du verre. Par les outils d’analyse et de
modélisation, nous mettons en évidence les paramètres clés et les phénomènes limitants au cours
de ces altérations.
Le septième chapitre constitue une ouverture vers un autre type de ciment, le ciment bas
pH, dont l’utilisation pourrait être envisagée dans le concept de stockage. L’altération du verre est
étudiée en contact d’une solution à l’équilibre avec ce liant. Les résultats viennent conforter les
mécanismes proposés dans les précédents chapitres.
L’ensemble de ces résultats est repris au huitième chapitre dans lequel nous tâchons de
mettre en cohérence l’influence des paramètres clés qui se sont dégagés de chacun des chapitres.
L’objectif est de donner une vision globale des mécanismes d’altération en milieu cimentaire en
fonction des conditions d’altération.
INTRODUCTION
22
23
CHAPITRE I. CONDITIONNEMENT ET PROJET DE
STOCKAGE DES DECHETS NUCLEAIRES
I. Les différents types de déchets radioactifs......................................................................................25
II. Le choix de la vitrification des déchets radioactifs ........................................................................26
II.1. Le verre et ses propriétés physico-chimiques ...........................................................................26
II.2. Les déchets vitrifiés.......................................................................................................................27
III. Concept de stockage réversible en couche géologique profonde ...............................................28
IV. Concept de stockage pour les déchets HA et MA-VL....................................................................30
V. La gestion des déchets radioactifs au-delà de nos frontières .......................................................32
Références bibliographiques .....................................................................................................................36
CHAPITRE I - Conditionnement et projet de stockage des déchets nucléaires
24
Ce premier chapitre s’attache à définir le cadre dans lequel s’inscrit cette étude : la gestion à
long terme des déchets nucléaires. Après une présentation des différents types de déchets
radioactifs et du mode de gestion associé, nous nous focalisons sur les déchets vitrifiés de type HA
et MA-VL qui possèdent deux points communs :
- une matrice de conditionnement qui est le verre. Nous justifierons alors le choix pour ce
matériau,
- un concept de stockage en couche géologique profonde. Nous aborderons l’évolution de
la législation qui a conduit à étudier le devenir des déchets nucléaires, les principes sur
lesquels reposent la sûreté du stockage et les différentes étapes nécessaires à la
réalisation du projet de stockage.
Afin de situer la France dans la gestion de ses déchets radioactifs, un bilan de la situation est établi
dans d’autres pays utilisant le nucléaire comme source d’énergie.
CHAPITRE I - Conditionnement et projet de stockage des déchets nucléaires
25
I. Les différents types de déchets radioactifs
Les déchets radioactifs proviennent de nombreux secteurs d’activité. Les cinq principaux
sont les suivants, les pourcentages étant donnés pour chacun d’eux par ordre décroissant et en
volume [1] :
- le plus important est le secteur électronucléaire (62 %) regroupant les centrales nucléaires
de production d’électricité ainsi que les usines dédiées à la fabrication et au traitement du
combustible nucléaire,
- le secteur de la défense (17 %) avec principalement des activités liées à la force de
dissuasion et à la propulsion nucléaire,
- le secteur de la recherche pour le nucléaire civil, les laboratoires de recherche médicale, de
chimie, de physique des particules entre autres (17 %),
- le secteur de l’industrie notamment pour l’extraction des terres rares, la stérilisation et
conservation des produits alimentaires (3 %),
- et enfin le secteur médical (1 %).
Tableau I-1. Catégories de déchets nucléaires en France et mode de gestion associé. En italique figure
également l’inventaire en volume (m3) des colis primaires à fin 2010, d’après l’Andra [1].
Période Durée de vie
Activité Courte (période < 30 ans) Longue (période > 30 ans)
Très Faible
Activité (TFA)
Déchets TFA
Stockés en surface au centre de stockage TFA de l’Aube - 360 000 m3
Faible Activité
(FA)
Déchets FA-VL
Centre de stockage à faible
profondeur à l’étude (entre 15 et
200 m). Mise en service prévue en
2020 - 87 000 m3
Moyenne
Activité (MA)
Déchets FMA-VC
(Déchets A)
Stockés en surface dans le centre
de l’Aube qui a succédé au
centre de stockage de la Manche
- 830 000 m3
Déchets MA-VL (Déchets B)
Centre de stockage profond (à
500 m) à l’étude. Mise en service
envisagée pour 2025 - 41 000 m3
Haute Activité
(HA)
Déchets HA (Déchets C)
Centre de stockage profond (à 500 m) à l’étude. Mise en service
envisagée pour 2025 - 2700 m3
CHAPITRE I - Conditionnement et projet de stockage des déchets nucléaires
26
En France, dans l’industrie électronucléaire, environ deux tiers du combustible usé est
retraité, ce qui signifie qu’une partie constitue de la matière valorisable réutilisée dans le cadre de
la fabrication de combustible (MOX1) et qu’une autre partie, le déchet ultime, est vitrifiée.
Afin de trouver des solutions de gestion adaptées aux déchets, les déchets produits doivent être
distingués à travers une classification basée sur deux critères : le niveau de radioactivité et la durée
pendant laquelle le déchet présente un risque radiologique (Tableau I-1).
Nous nous intéresserons par la suite aux déchets vitrifiés de catégorie B et C tous deux
amenés à être stockés en couche géologique profonde.
II. Le choix de la vitrification des déchets radioactifs
Les déchets ultimes issus du traitement du combustible sont des solutions de produits de
fission et actinides mineurs, ils se trouvent donc sous forme liquide. La solidification de ces déchets
est une nécessité pour plusieurs raisons. Elle permet tout d’abord de réduire significativement le
volume de déchets. La solidification des déchets assure également de meilleures propriétés de
confinement et de manutention par rapport à l’état liquide. Enfin, cet état permet de répondre aux
exigences de sûreté.
II.1. Le verre et ses propriétés physico-chimiques
Le choix du verre comme matrice de conditionnement pour les déchets radioactifs se justifie
sur de nombreux points. Le verre est un matériau solide caractérisé par sa structure amorphe. Cette
structure non organisée à longue distance lui offre la capacité d’incorporer divers types d’éléments
en quantités variables. Les radionucléides introduits font partie intégrante du réseau vitreux : ils
forment des liaisons avec les éléments constitutifs du verre (Figure II-1). Leur incorporation est
généralement homogène au sein de la matrice vitreuse.
Le verre présente également, la particularité d’être un matériau ayant une bonne stabilité et
durabilité chimique. Ces deux propriétés en font un matériau de référence pour le confinement des
déchets radioactifs.
En fonction de la composition des solutions de produits de fission à conditionner, des études
approfondies sont menées sur la formulation du verre ainsi que sur ses propriétés physico-
chimiques (conductivité électrique, thermique, rhéologie…) pour qu’elles répondent aux exigences
du procédé de vitrification.
1 Le combustible MOX est un Mélange d’Oxyde de plutonium et d’uranium.
CHAPITRE I - Conditionnement et projet de stockage des déchets nucléaires
27
(a) (b)
Figure II-1. Représentation obtenue par dynamique moléculaire. (a) Structure du verre avec les
principaux oxydes constitutifs (SiO2, B2O3, Na2O, Al2O3). (b) Incorporation des produits de fission sous
forme d’oxydes (PF2O3…). Les produits de fission sont confinés au sein du réseau vitreux en formant des
liaisons avec les éléments constitutifs du verre. D’après Godon [2].
La solidification des solutions de produits de fission est nécessaire. Le verre a été choisi comme
matrice de conditionnement car il présente les propriétés adéquates en termes de structure,
stabilité et durabilité chimique pour confiner les radionucléides.
II.2. Les déchets vitrifiés
Seuls les déchets C et une partie des déchets B sont vitrifiés. Par la suite, nous détaillons
leur origine ainsi que les caractéristiques des colis primaires vitrifiés.
Les déchets de haute activité (HA) ou déchets C, sont des éléments radioactifs non
valorisables issus du traitement des combustibles usés contenant des produits de fission et des
actinides mineurs. Ces déchets ultimes sont vitrifiés, le « colis » final étant constitué de la matrice
vitreuse contenant les déchets radioactifs ainsi que le conteneur en acier. Ils représentent seulement
0,2 % du volume total des déchets radioactifs français mais 95 % de la radioactivité totale, toutes
catégories confondues. Dans l’attente de la mise en service d’un site de stockage profond, ces
déchets sont entreposés sur leur site de production (La Hague, Marcoule et Cadarache).
Les déchets de moyenne activité à vie longue (MA-VL) ou déchets B proviennent
essentiellement de la filière électronucléaire. Ils rassemblent principalement des métaux (gaines de
combustibles, coques et embouts entourant le combustible usé), des boues issues du traitement des
effluents contaminés et des équipements liés à l’exploitation du parc nucléaire. Leur volume,
comme leur radioactivité, s’élèvent à environ 4 % du total des déchets radioactifs. Ils dégagent peu
de chaleur et sont compactés ou conditionnés dans des matrices cimentaires, bitumineuses ou
vitreuses. Ils doivent être ensuite placés par quatre dans des surconteneurs en béton pour faciliter
les opérations de manutention. De même que pour les déchets de catégorie C, les colis MA-VL sont
entreposés sur leur site de production (La Hague, Marcoule et Cadarache). Parmi ce type de
déchets, les effluents liquides de décontamination issus principalement de la mise à l’arrêt définitif
de l’usine UP2-400 à La Hague sont vitrifiés (verre CSD-B) et conditionnés au sein de conteneurs en
acier, l’ensemble étant appelé « Colis Standard de Déchets de type B ». Leur production a débuté
en 2010 à La Hague. Notre travail de recherche a été réalisé à partir du verre de référence CSD-B.
CHAPITRE I - Conditionnement et projet de stockage des déchets nucléaires
28
III. Concept de stockage réversible en couche géologique
profonde
Survenue suite au soulèvement de l’opposition pour le projet de stockage des déchets
radioactifs, la loi dite Bataille de 1991 a prévu un délai de 15 ans de réflexion pour étudier le
devenir de ces déchets radioactifs permettant ainsi d’approfondir les recherches selon trois axes :
- la séparation et transmutation des radionucléides à vie longue,
- l’entreposage de longue durée en surface ou en faible profondeur,
- le stockage géologique.
Durant cette période, les études menées au CEA ont porté sur les deux premiers axes, l’Andra
(Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs) étant chargée d’étudier la faisabilité de
principe d’un stockage de déchets radioactifs HA en couche géologique profonde.
La loi du 18 juin 2006 confirme l’orientation pour un stockage géologique profond et définit un
calendrier des principales étapes, du débat public à la mise en service du stockage (Figure III-1). La
loi stipule que le centre de stockage doit être une installation réversible pendant au moins cent ans.
Cette réversibilité devra permettre de retirer les colis stockés dans le cas où un nouveau mode de
gestion serait envisagé mais également pour laisser la possibilité aux générations futures de
modifier ou de réorienter le processus de stockage. L’Andra est actuellement chargée de concevoir
un centre de stockage profond réversible, les colis vitrifiés étant entreposés dans l’attente de
l’ouverture de ce site de stockage.
Figure III-1. Calendrier de la vie du centre de stockage français : de sa conception à sa fermeture, d’après
l’Andra2.
L’entreposage des colis est une étape provisoire mais nécessaire avant celle du stockage.
Cette solution permet (i) de passer la phase thermique et (ii) d’attendre que les colis aient une
2 http://www.andra.fr/
CHAPITRE I - Conditionnement et projet de stockage des déchets nucléaires
29
activité acceptable vis-à-vis de l’intégrité de la couche géologique dans laquelle ils seront stockés.
Le stockage géologique s’est imposé comme la solution de référence à travers la communauté
internationale pour minimiser les risques pour les générations futures. Le concept de stockage est
un ouvrage permettant d’isoler les colis de la biosphère par un concept multi-barrières (décrit
ci-dessous). Son acceptabilité repose sur la démonstration que le relâchement des radionucléides
susceptible d’atteindre la biosphère n’atteindra jamais une radiotoxicité supérieure à 0,25 mS/an
(limite réglementaire d’exposition des populations).
La sûreté d’un stockage repose sur plusieurs barrières s’opposant au relâchement et à la
migration des radionucléides : la première est le colis primaire (matrice de conditionnement), la
deuxième est le conteneur en acier (conteneur primaire) et enfin la troisième est le milieu
géologique qui constitue une barrière naturelle. Cet ensemble constitue le concept multi-barrières.
Les colis se dégraderont très progressivement dans le temps : dégradation des bétons, du
conteneur métallique puis de la matrice vitreuse dépendant des conditions thermiques, chimiques,
hydrauliques, radiologiques et mécaniques. Cette dégradation des colis entraînera un relâchement
progressif dans l’environnement d’une fraction des radionucléides confinés dans le verre. Les
radionucléides peuvent être retenus ou solubilisés en fonction des environnements chimiques
qu’ils rencontreront. La lenteur de la diffusion retarde leur migration et la plupart disparaissent
par le phénomène naturel de décroissance radioactive.
Concrètement, le site d’étude retenu par le gouvernement en 1998 se situe dans la commune
de Bure à la limite de la Meuse et de la Haute-Marne. Cette zone géographique, et plus
particulièrement cette couche géologique, a été retenue puisqu’elle présente les propriétés requises
pour la création d’un site de stockage sûr, à savoir un environnement géologiquement stable (pas
de failles pouvant favoriser la circulation de l’eau, bonne homogénéité sur une grande surface) de
bonnes propriétés de confinement (propriétés de rétention des substances radioactives, faible
conductivité hydraulique des argilites) ainsi qu’un comportement favorable aux perturbations
extérieures (performance thermique et mécanique). Le sous-sol de cette zone géographique est
constitué d’argilites dans la couche du Callovo-Oxfordien constituant un domaine géologiquement
stable du bassin parisien, avec une succession de couches horizontales de calcaires, de marnes et de
roches argileuses. La couche étudiée est une roche argileuse d’au moins 130 mètres de puissance,
datant de 155 millions d’années et située à une profondeur comprise entre 400 et 600 mètres.
Dans le cadre de la loi Bataille, le laboratoire de recherche souterrain de Bure a vu le jour en
2007. Exploité par l’Andra, ce laboratoire a pour but d’évaluer les propriétés de confinement du
milieu géologique à 500 mètres de profondeur dans le cadre du stockage des déchets HA et
MA-VL. De nombreuses expériences in-situ sont réalisées afin d’étudier les interactions entre les
matériaux des différentes barrières (béton, acier) et la roche hôte.
La sûreté du stockage est fondée sur le concept multi-barrières. Le concept de stockage doit être
réversible. Des études in-situ ont débuté au laboratoire de recherche souterrain de Bure.
CHAPITRE I - Conditionnement et projet de stockage des déchets nucléaires
30
IV. Concept de stockage pour les déchets HA et MA-VL
Pour les déchets HA, le concept de stockage de référence consiste en une alvéole
horizontale de 40 m de long et de 70 cm de diamètre, revêtue d’un chemisage métallique en acier
(Figure IV-1). Un dispositif automatique permettrait de placer les conteneurs primaires à l’intérieur
et éventuellement de les retirer dans le cadre de la réversibilité du concept de stockage.
Figure IV-1. Concept de stockage pour les déchets HA d’après l’Andra [3].
Pour les déchets MA-VL, le concept actuellement étudié est celui d’alvéoles de stockage de
250 m de long pour un diamètre extérieur d’environ 10 m. Une fois la structure de soutènement et
le revêtement en béton mis en place, la section utile serait de 5-6 m environ (Figure IV-2).
Le concept de référence pour les déchets MA-VL non vitrifiés consiste à placer les colis primaires
au sein de surconteneurs en béton et d’empiler ceux-ci dans des galeries du stockage profond
(Figure IV-3). Pour les déchets vitrifiés de catégorie MA-VL, l’Andra envisage plusieurs concepts
avec différents matériaux d’environnement, et notamment le concept de référence pour les
déchets non vitrifiés.
CHAPITRE I - Conditionnement et projet de stockage des déchets nucléaires
31
Figure IV-2. Concept de stockage pour les déchets
MA-VL d’après l’Andra [3].
Figure IV-3. Disposition des conteneurs en béton
dans la galerie d’après l’Andra [3].
Le volume des déchets MA-VL nécessitera une quarantaine d’alvéoles de stockage, soit une
surface souterraine de l’ordre de 3 km². Pour stocker les déchets HA, une superficie plus
importante sera nécessaire puisqu’étant plus thermiques, le nombre de colis par alvéoles devra être
réduit et l’espacement entre les alvéoles elles-mêmes devra être augmenté. La superficie sera de
l’ordre de 6 km² [3].
Figure IV-4. Schéma de principe d’une architecture de stockage avec la surface occupée pour les déchets B
(MA-VL) et C (HA) d’après l’Andra [4].
Le concept de stockage en couche géologique profonde envisagé par l’Andra est conçu pour
recevoir les déchets HA et MA-VL et éventuellement des combustibles usés.
CHAPITRE I - Conditionnement et projet de stockage des déchets nucléaires
32
V. La gestion des déchets radioactifs au-delà de nos frontières
Au travers des travaux initiés par l’AEN / OCDE (Agence pour l’Energie Nucléaire de
l’OCDE), l’AIEA (Agence Internationale de l’Energie Atomique) et la Commission Européenne, des
échanges réguliers se font au niveau international dans le but d’organiser un partage
d’expériences, de faire émerger des principes techniques communs mais également de mettre en
commun l’effort de recherche. Les pays exploitant le nucléaire de façon importante sont actifs au
niveau international (Etats-Unis, Canada, Japon, Chine, Corée, Allemagne, Suède, Finlande,
Espagne, Belgique, Suisse). Dans l’ensemble des pays disposant d’un parc électronucléaire,
différentes options de gestion des déchets sont envisagées ou développées. Le stockage en couche
géologique profonde est aujourd’hui considéré comme étant la solution de référence pour la
gestion définitive des déchets HA et MA-VL. Cependant, le degré d’avancement et la stratégie
adoptée varient d’un pays à l’autre. Afin d’avancer dans le projet de stockage en couche
géologique, des laboratoires de recherche souterrains ont vu le jour dans plusieurs pays. Le
Tableau V-1 fait état de la situation actuelle pour 10 pays ayant un poids important au niveau de la
communauté internationale.
L’Allemagne, la Finlande et les Etats-Unis disposent d’installations souterraines accueillant des
déchets radioactifs. Pour les déchets HA-VL et les combustibles irradiés, aucun pays n’a de site
de stockage définitif mis en service. Néanmoins, la France et la Finlande ont des projets bien
avancés concernant le choix du site et les concepts de stockage. La Suède, quant à elle, a choisi
son site de stockage définitif pour les déchets HA et MA-VL et le combustible usé.
Parmi les concepts étrangers existant à l’heure actuelle, le concept belge présente des
similitudes avec le concept envisagé en France pour les déchets de catégorie B, notamment par
rapport à l’interaction entre la matrice vitreuse et l’environnement cimentaire. Le concept de
stockage de référence pour les verres belges de haute activité consisterait à stocker les colis de
déchets vitrifiés au sein d’une succession d’enveloppes en stockage géologique profond dans
l’argile de Boom. Comme l’illustre la Figure V-1, les colis sont placés au sein d’une enveloppe en
acier au carbone, entourée par une enveloppe de ciment Portland et elle-même encerclée par une
dernière enveloppe d’acier inoxydable. Cette structure d’ensemble est désignée sous le terme
« Supercontainer ». Dans ce concept, la performance du conditionnement des colis repose sur le fait
que l’acier au carbone résiste à la corrosion dans des milieux fortement alcalins et non sur la
durabilité de la matrice vitreuse. Cependant, des études sont menées sur le comportement à long
terme du verre en milieu cimentaire depuis 2004 par le SCK-CEN (Centre d'étude de l'Énergie
Nucléaire belge). Une collaboration scientifique a été initiée afin de partager nos expériences et
contribuer à faire avancer la compréhension dans ce domaine novateur.
CHAPITRE I - Conditionnement et projet de stockage des déchets nucléaires
33
Figure V-1 . Schéma de la section d’une galerie contenant le « Supercontainer » belge avec le combustible
usé, d’après Bennett et Gens [5]
Un programme de recherche a débuté en 2004 afin de démontrer que le choix du
« Supercontainer » et de son design respectent les exigences de sûreté [6]. Il s’agit notamment
d’étudier l’effet d’une enveloppe cimentaire sur la dissolution du verre. L’ensemble des tests
réalisés est hiérarchisé suivant différents critères de conservatisme. Deux verres sont à l’étude, le
verre SM539 dit « PAMELA », qui est le verre belge de référence pour le confinement des déchets
de haute activité, et le SON68, qui correspond au verre français R7T7 inactif. Différents types de
tests sont menés afin de déterminer les régimes d’altération des verres (vitesse initiale, chute de
vitesse, vitesse résiduelle et éventuelle reprise d’altération). Des tests semi-intégraux, plus réalistes,
ont été mis en place en cellule de percolation.
CHAPITRE I - Conditionnement et projet de stockage des déchets nucléaires
34
Tableau V-1. Bilan de la gestion des déchets radioactifs dans les 10 principaux pays nucléarisés (excepté la Russie).
Pays Parc électronucléaire Déchets Situation actuelle Milieu de stockage
Déchets à pouvoir
exothermique négligeable - Autorisation de stockage sur le site de Konrad
Anciennes mines de
fer
Allemagne
36 réacteurs
dont 19 en « mise à
l’arrêt définitif »
Déchets à fort pouvoir
exothermique (HA-VL et
combustible usé)
- Etudes pour le stockage réalisées dans le sel (site de Gorleben
envisagé)
FMA-VC - Travaux de construction d’un centre de stockage en surface à Dessel
Belgique 7 réacteurs HA-VL et MA-VL
- Recherche active depuis 1974
- Laboratoire souterrain à Mol Argile de Boom
FMA-VC - Recherche dans le site de Bruce Calcaire
Canada 18 réacteurs HA-VL & combustible
usé
- Programme expérimental important sur le stockage du combustible
usé (1980-2000)
- Programme de recherche de site de stockage (2010-2014)
Granite
FMA-VC - Mise en service d’un site de stockage de surface d’El Cabri en 1992
TFA - Mise en service d’une installation de surface sur le site d’El Cabri en
2008
Espagne 10 réacteurs
HA / MA-VL et
combustible usé
- Entreposage en attendant la reprise des recherches sur le stockage en
formation géologique profonde après 2010
Déchets militaires à vie
longue (FMA)
- Mise en service d’un site de stockage géologique au Nouveau-Mexique
en 1999 Formation salifère
Etats-Unis 104 réacteurs
Combustible usé et HA
- Installation souterraine creusée en 1993 pour démontrer la faisabilité
du stockage : projet suspendu à ce jour
- Abandon du projet de stockage sur le site de Yucca Mountain en 2009
Tuff volcanique
CHAPITRE I - Conditionnement et projet de stockage des déchets nucléaires
35
Pays Parc électronucléaire Déchets Situation actuelle Milieu de stockage
Déchets d’exploitation
des centrales
électronucléaires
- Stockage dans des silos souterrains sur les sites de production Granite
Finlande 4 réacteurs
Combustible usé - Construction d’un laboratoire souterrain en 2004
- Stockage d’ici 2020 à l’île d’Olkiluoto Granite
FMA-VC - Mise en service du site de stockage de surface de Rokkasho-Mura en
1992
Japon 54 réacteurs Combustible usé et
HA / MA-VL
- Entreposage des fûts sur les sites des centrales
- Construction de deux laboratoires de recherche souterrains à caractère
méthodologique
- Etude d’un site de stockage en subsurface
Argile et granite
FMA-VC - Mise en service d’un site de stockage à Drigg Royaume-
Uni 19 réacteurs
HA / MA-VL - Accord pour le choix d’un site de stockage définitif (entreposage
préalable de 50 ans pour les HA-VL), pas de site identifié
FMA-VC - Stockage en subsurface (à 50 m sous la mer Baltique) vers le site de
Forsmark Granite
Suède 10 réacteurs Combustible usé et
HA / MA-VL
- Choix du site de stockage définitif : Forsmark à Osthammar
- Laboratoire souterrain à 450 m de profondeur Granite
FMA-VC - Entreposage dans l’attente d’un stockage définitif
Suisse 5 réacteurs Combustible usé et
HA / MA-VL
(retraitement)
- Laboratoires souterrains granitique du Grimsel et argileux à Mont-
Terri
- Entreposage sur les sites du Zwilag et Zwibez près de la centrale de
Beznau (40 ans)
- Programme de recherche en cours dans la perspective d’un stockage
géologique
Argile
CHAPITRE I - Conditionnement et projet de stockage des déchets nucléaires
36
Références bibliographiques
[1] 2012, Inventaire national des matières et déchets radioactifs édition 2012, les essentiels. [2] Godon N., 2004, Dossier de référence sur le comportement à long terme des verres
nucléaires. Rapport interne CEA. [3] 2005, Dossier 2005 - Les recherches de l'Andra sur le stockage géologique des déchets
radioactifs à haute activité et à vie longue. [4] 2005, Dossier 2005 Argile -Tome Architecture and management of a geological repository. [5] Bennett D.G. and Gens R., 2008, Overview of European concepts for high-level waste and
spent fuel disposal with special reference waste container corrosion. Journal of Nuclear
Materials 379, 1-8. [6] Lemmens K. and Ferrand K., 2010, Report Supercontainer Tests on HLW glass 2004-2008
and 2009-2014, status May 2010. Rapport interne SCK-CEN 112.
37
CHAPITRE II. ETAT DES CONNAISSANCES SUR LA
DEGRADATION DU VERRE ET DU CIMENT
I. Comportement du verre en milieu aqueux......................................................................................39
I.1. Mécanismes réactionnels..............................................................................................................39
I.1.1. Hydratation.........................................................................................................................39
I.1.2. Interdiffusion.......................................................................................................................40
I.1.3. Hydrolyse ............................................................................................................................42
I.1.4. Compétition entre interdiffusion et hydrolyse ....................................................................42
I.1.5. Formation du gel par recondensation, précipitation...........................................................43
I.1.6. Précipitation de phases secondaires.....................................................................................44
I.1.7. Mécanismes et pellicule d’altération ...................................................................................44
I.2. Cinétiques d’altération .................................................................................................................45
I.2.1. Régime de vitesse initiale ....................................................................................................46
I.2.2. Régime de chute de vitesse ..................................................................................................46
I.2.3. Régime de vitesse résiduelle ................................................................................................47
I.2.4. Régime de reprise d’altération.............................................................................................47
I.3. Influence du pH sur les mécanismes et cinétiques d’altération .............................................47
I.3.1. Effet du pH sur la solubilité de la silice...............................................................................47
I.3.2. Effet du pH sur les régimes de vitesse.................................................................................49
II. Le matériau cimentaire : du ciment à la dégradation d’une pâte cimentaire ............................52
II.1. Le matériau cimentaire.................................................................................................................52
II.1.1. Le ciment .............................................................................................................................52
II.1.2. Hydratation des phases anhydres du ciment Portland .......................................................53
II.1.3. Les phases hydratées du ciment Portland et leurs propriétés..............................................53
II.2. Altération d’un matériau cimentaire ..........................................................................................58
II.2.1. Mécanismes mis en jeu lors de l’altération d’un béton par l’eau........................................58
II.2.2. Processus d’hydrolyse / décalcification ...............................................................................59
II.2.3. Influence du pH à température ambiante............................................................................60
III. Les objectifs de la thèse.......................................................................................................................62
Références bibliographiques .....................................................................................................................63
CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment
38
Ce chapitre s’attache à présenter les deux matériaux qui constituent le cœur de ce travail : le
verre et le matériau cimentaire.
Nous détaillons les différents mécanismes réactionnels responsables des cinétiques
observées lors de l’altération du verre en milieu aqueux. Ces mécanismes sont fonction de
nombreux paramètres, en particulier le pH qui, comme nous le verrons ultérieurement, joue un
rôle essentiel dans cette étude.
Nous présentons ensuite le matériau cimentaire, avant et après hydratation puis nous
abordons le processus d’altération et les mécanismes mis en jeu.
CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment
39
I. Comportement du verre en milieu aqueux
Depuis de nombreuses années, l’altération du verre en milieu aqueux fait l’objet d’études
approfondies [1-4]. Par la suite, nous allons décrire la phénoménologie de l’altération du verre en
milieu aqueux, communément admise, en portant une attention particulière aux mécanismes
réactionnels qui la pilotent et aux cinétiques associées.
I.1. Mécanismes réactionnels
Cinq mécanismes principaux caractérisent l’altération du verre en milieu aqueux :
- l’hydratation qui correspond à la pénétration des molécules d’eau dans le verre,
- l’échange ionique ou interdiffusion qui est la phase durant laquelle les éléments mobiles
(bore et cations modificateurs de réseau) s’échangent avec les protons de l’eau,
- l’hydrolyse du réseau silicaté,
- la formation d’une pellicule d’altération (communément appelée « gel ») à l’interface verre
sain / solution, issue de la recondensation d’espèces hydrolysées,
- la précipitation de phases secondaires en surface du gel formé, principalement des
phyllosilicates et des zéolithes dans le cas des verres aluminoborosilicatés.
Lors de l’altération d’un verre, l’ensemble de ces réactions entre en jeu avec des contributions
dépendantes de la composition chimique du verre, des conditions d’altération et de la chimie de la
solution. Ces mécanismes vont être décrits dans le cas d’un verre silicaté puis les paramètres
pouvant les modifier au premier ordre seront discutés.
I.1.1. Hydratation
L’hydratation du verre correspond à la pénétration de molécules d’eau dans le réseau
silicaté. Ce mécanisme dépend de l’encombrement stérique imposé par les vides présents dans le
réseau vitreux et donc principalement de l’agencement tridimensionnel des tétraèdres de silice. La
diffusion des molécules est d’autant plus probable que la taille des anneaux formés par les
tétraèdres est grande. Dans un réseau silicaté, l’interconnexion de six tétraèdres de silice forme des
anneaux de taille caractéristique de 0,24 nm alors que les molécules d’eau ont un diamètre
cinétique de 0,28 nm. L’espace étant trop restreint pour permettre la diffusion des molécules, la
seule façon que l’eau a de pénétrer dans le verre est la rupture par hydrolyse des liaisons
covalentes Si-O-Si formant les anneaux (Figure I-1).
La présence de gros cations dans la composition d’un verre silicaté modifie l’assemblage
des tétraèdres, les anneaux formés peuvent créer des vides de taille supérieure et ainsi favoriser
l’hydratation.
CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment
40
Figure I-1. Coefficient de diffusion de l’eau à 90°C à travers des structures silicatées en fonction du rapport
entre le diamètre des anneaux de silice et le diamètre cinétique d’une molécule d’eau. La ligne en pointillés
donne approximativement la transition entre un régime de diffusion pure et une avancée de l’eau par des
réactions d’hydrolyse pour des anneaux contenant 6 tétraèdres silicatés. D’après Bunker [2].
Ce mécanisme est étroitement associé au mécanisme d’interdiffusion et il est rarement
étudié comme un mécanisme à part entière [2].
I.1.2. Interdiffusion
L’interdiffusion correspond à l’échange entre des alcalins du réseau vitreux (M) et des
espèces hydrogénées présentes en solution (H2O, OH-, H3O+). Les réactions en fonction de l’espèce
hydrogénée sont les suivantes :
OHMOHSiOHMOSi 23 ++−→≡+−−≡ ++ −+ ++−→≡+−−≡ OHMOHSiOHMOSi 2
La réaction d’échange ionique est irréversible car le départ du cation engendre un
réarrangement structural. Quelque soit l’espèce hydrogénée qui s’échange, le mécanisme
d’interdiffusion entraîne une augmentation de pH puisque soit il consomme des protons, soit il
crée des ions hydroxyles. L’interdiffusion est favorisée en milieu acide et neutre [1] et engendre un
relâchement sélectif des alcalins : la dissolution est non congruente. Le processus d’interdiffusion
crée une zone de verre appauvri en alcalins, appelée verre « hydraté ». Les éléments constitutifs du
verre sont relâchés, selon un processus diffusif, i.e. proportionnellement à la racine carrée du
temps car lorsque l’épaisseur de verre hydraté augmente, les échanges se font de plus en plus
lentement.
Dans le cas du verre SON68 (R7T7 inactif), les mécanismes de diffusion de l’eau et
d’échanges d’ions sont simultanément responsables du processus d’interdiffusion [5, 6].
L’écriture de la constante d’équilibre qui décrit l’échange d’ions montre que la vitesse
d’échange est dépendante de la composition du verre et de sa structure, du pH et de la
composition de la solution [2] :
CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment
41
++−→≡++−−≡ NaOHSiHNaOSi
[ ][ ][ ][ ]+
+
−−=
HONaSi
NaOHSiK
Bunker montre que la réactivité des sites de protonation est différente suivant la nature des
sites (Figure I-2). La zone de pH dans laquelle l’interdiffusion est significative dépend fortement de
l’unité structurale du verre. Par exemple à température ambiante, l’unité structurale [ ]−−≡ OSi perd
son Na+ dès que le pH est inférieur à 12.
Figure I-2. Echange ionique sur différentes structures anioniques dans le verre en fonction du pH de la
solution, d’après Bunker [2].
Ce processus est caractérisé par la vitesse de diffusion et surtout par le coefficient de
diffusion d’une espèce donnée au sein du verre hydraté. L’augmentation du pH notamment
conduit à une diminution du coefficient de diffusion. Pour le verre SON68 à 50 °C, Chave et al. ont
déterminé une dépendance du coefficient de diffusion (D) au pH qui s’écrit [3]:
03,035,02512 ][10.29,2).( ±−−−− = OHsmD
Le coefficient de diffusion décroît d’un facteur 4 quand le pH passe de 8 à 10. Le coefficient de
diffusion dépend du pH, de la température, de la composition du verre et de celle de la
composition altérante.
Le processus d’interdiffusion se produit à l’interface verre sain / solution et entraîne une
dissolution sélective. La vitesse de diffusion décroît rapidement en racine du temps avec
l’épaisseur de la zone de verre appauvri. L’interdiffusion est favorisée en milieu acide, à
température élevée, pour des verres riches en alcalins et pour des solutions peu chargées en
alcalins.
CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment
42
I.1.3. Hydrolyse
L’hydrolyse s’attaque aux liaisons pontantes (Si-O-Si, Si-O-Al, Si-O-Zr…) ce qui conduit à
une dépolymérisation et une dissolution du réseau silicaté, celui-ci est modifié par les réactions
suivantes :
≡−+−↔≡+≡−−≡ −− SiHOOSiOHSiOSi −− +−↔≡+−≡ OHOHSiOHOSi 2
Ces réactions sont réversibles et la dissolution est congruente. Ce mécanisme est une réaction de
surface qui se produit à l’interface couche hydratée / solution.
Dans un verre silicaté, l’attaque d’une unité silicatée par un ion hydroxyle forme un réactif
intermédiaire pentacoordiné et conduit à la libération de l’acide orthosilicique selon les réactions
suivantes [2] :
443 )()()( OHSiOSiOHSiOSiOHOHSiOSi −+−→≡−−→≡+−−≡ −−
C’est l’hydrolyse des liaisons les plus stables qui va limiter l’hydrolyse du matériau global,
c’est le cas des liaisons Si-O qui sont nombreuses pour les verres silicatés. Dans des verres plus
complexes, l’existence d’oxygènes non pontants (NBO1) augmente la réactivité des sites au sein du
réseau et favorise ainsi la réaction d’hydrolyse. Les cinétiques d’hydrolyse dépendent de la
distribution des unités structurales locales et de la chimie de la solution.
L’hydrolyse du réseau vitreux dépend de la température, du pH, de la composition du
verre et de la composition de la solution [4]. Lorsque le pH augmente et par là même, la
concentration en ion hydroxyle, la réaction d’hydrolyse est favorisée. La présence en solution de
certains cations ou anions peut catalyser ou inhiber ce mécanisme.
L’hydrolyse du réseau vitreux correspond à la dépolymérisation et la dissolution du verre par
rupture de ses liaisons pontantes. Ce phénomène est catalysé par l’augmentation de la
température et du pH de la solution.
I.1.4. Compétition entre interdiffusion et hydrolyse
L’interdiffusion et l’hydrolyse du réseau vitreux sont en compétition dans la première
phase de l’altération. Ces réactions et leur prépondérance l’une par rapport à l’autre vont conduire
à des cinétiques d’altération variables au cours du temps et dépendantes de la composition du
verre et de la nature de la solution. Ainsi, aux premiers instants d’une altération, c’est
l’interdiffusion qui est essentiellement responsable du passage des alcalins en solution. Mais avec
l’augmentation de l’épaisseur du verre hydraté, les échanges ioniques se font de plus en plus
1 Voir annexe A.
CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment
43
lentement et c’est alors le mécanisme d’hydrolyse des liaisons pontantes qui devient prépondérant.
A partir de ce moment là, les fronts de diffusion et d’hydrolyse progressent à la même vitesse et
l’épaisseur de verre hydraté reste constante : un état stationnaire est atteint.
I.1.5. Formation du gel par recondensation, précipitation
Suite à l’interdiffusion et à l’hydrolyse du réseau vitreux, les espèces solubilisées se
recondensent pour former un gel. Le matériau formé à l’interface verre sain / solution est
amorphe, poreux (voire nanoporeux) et hydraté. Le gel est principalement constitué de silicium et
d’espèces faiblement solubles (zirconium, aluminium, calcium, terres rares).
Le gel est un matériau poreux dont la taille caractéristique des pores dépend du régime
d’altération étudié et de la composition du verre. A titre indicatif, les tailles de pores varient du
nanomètre pour de très forts rapports S/V2 à la dizaine de nanomètres en milieu renouvelé [7, 8].
La formation du gel se fait généralement de façon isovolumique [9, 10].
Le gel n’est pas le squelette résiduel d’un verre progressivement dépolymérisé et n’est pas
assimilable au verre hydraté. Le gel est le résultat de l‘atteinte en solution d’un équilibre local
(condensation / recondensation) [5, 11, 12] et d’un équilibre par rapport à la solution globale
(précipitation). Ces deux mécanismes, recondensation et précipitation, peuvent être l’un ou l’autre,
voire simultanément à l’origine de la formation du gel, leur proportion varie avec la composition
du verre altéré, les conditions d’altération et les éléments considérés.
La saturation de la solution vis-à-vis du silicium favorise la densification de cette pellicule
amorphe. Le gel agit comme une barrière diffusionnelle vis-à-vis des espèces réactives d’autant
plus que sa densité est élevée. Un gel peut être considéré comme passivant lorsque son
développement entraîne un ralentissement de l’altération. Ainsi Gin a remis en eau désionisée un
échantillon de verre SON68 préalablement altéré pendant 600 jours à un rapport S/V de 50 cm-1 et a
constaté une vitesse 300 fois inférieure à la vitesse initiale qui aurait été observée dans le cas d’un
verre non altéré [13]. Le caractère passivant du gel dépend fortement de sa composition, de la
rétention en silicium et en éléments insolubles mais aussi de sa texture poreuse.
Le gel peut évoluer au cours du temps par transformation in-situ d’une phase initialement
amorphe en phases de plus en plus ordonnées [14]. D’un point de vue structural, l’évolution du gel
se traduit par un accroissement de l’ordre à courte distance et une diminution de son volume poral
[15].
Le gel est un matériau amorphe, poreux et hydraté formé par recondensation / précipitation des
espèces solubilisées suite à l’interdiffusion et l’hydrolyse du réseau vitreux. Ce matériau peut
présenter un caractère passivant vis-à-vis de la diffusion des espèces réactives.
2 Le rapport S/V correspond au rapport de la surface de verre par le volume de solution, il est exprimé en cm-1.
CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment
44
I.1.6. Précipitation de phases secondaires
Les phases secondaires résultent de la précipitation à l’interface gel / solution d’éléments en
solution provenant de l’altération du verre et se recombinant éventuellement avec ceux de la
solution environnante. La précipitation des phases secondaires entraîne donc une consommation
des éléments présents en solution au cours de l’altération du verre (notamment Si et Al). Leur
formation est favorisée en milieu fermé ou en milieu fortement confiné. La nature des phases est
largement influencée par la chimie de la solution d’altération et leur précipitation est limitée par la
disponibilité de leurs éléments constitutifs.
Les phases cristallisées qui se développent à l’interface gel / solution sont essentiellement de
deux types :
- des smectites (phyllosilicates) qui sont des cristaux structurés en feuillets de petites tailles.
La formation des phyllosilicates à la surface du gel se fait par dissolution / précipitation. Les
éléments constitutifs des phyllosilicates (notamment silicium et aluminium), solubilisés à
l’interface, diffusent au travers du gel et précipitent à l’interface gel / solution à l’atteinte d’une
limite de solubilité. Les phyllosilicates consomment Zn, Fe, Ni mais aussi une petite fraction de Na,
Al, Si provenant du verre. Ces phases se forment dès les premiers instants de l’altération mais les
expériences à fort rapport S/V favorisent leur formation et leur observation. La précipitation de ces
phases semble être gouvernée par des équilibres thermodynamiques [11], elle dépend donc de la
température, du pH et de la concentration des différents éléments constitutifs en solution.
- des zéolithes (tectosilicates) se formant préférentiellement en milieu basique et / ou à
hautes températures [16, 17]. La formation de ces phases secondaires s’accompagne généralement
d’une forte reprise d’altération. La précipitation des zéolithes est soumise, contrairement aux
phyllosilicates, à des effets cinétiques de nucléation / précipitation beaucoup plus importants [18].
La première partie du chapitre VI est une étude bibliographique portant sur les mécanismes de
formation de ces phases aluminosilicatées et leurs conditions de formation.
La précipitation à l’interface gel / solution d’éléments en solution conduit à la formation de
phases secondaires, telles que des phyllosilicates ou des zéolithes.
I.1.7. Mécanismes et pellicule d’altération
L’ensemble des mécanismes vus précédemment conduit à l’altération du verre sous forme
de pellicule d’altération constituée de différentes couches (Figure I-3) :
- la première couche correspond au verre hydraté, désalcalinisé et déboraté issu du
processus d’interdiffusion,
- un gel, issu de l’hydrolyse du réseau vitreux suivie de la recondensation et précipitation
des éléments solubilisés. L’évolution du milieu environnant engendre une évolution du gel au
cours du temps,
- la couche en contact direct avec la solution constituée de phases secondaires précipitées.
Nous distinguerons par la suite ces trois couches : le verre hydraté, le gel et les phases secondaires.
CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment
45
Figure I-3. Formation progressive de la pellicule d’altération au cours du temps. Les épaisseurs des couches
d’altération sont données à titre illustratif.
Les mécanismes réactionnels associés à l’altération des verres conduisent à une évolution de
la vitesse d’altération du verre au cours du temps et des conditions d’altération. Nous allons donc
maintenant nous attacher à présenter les différents régimes d’altération d’un verre borosilicaté.
I.2. Cinétiques d’altération
Durant le processus de lixiviation d’un verre en milieu aqueux, les mécanismes réactionnels
engendrent différents régimes d’altération comme l’illustre la Figure I-4. Ils peuvent durer plus ou
moins longtemps suivant la composition du verre et les conditions d’altération. Pour chaque
régime, les mécanismes prépondérants sont présentés.
Figure I-4 . Différents régimes d’altération d’un verre borosilicaté au cours du temps.
CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment
46
I.2.1. Régime de vitesse initiale
Dans les premiers instants de l’altération, les mécanismes d’interdiffusion et d’hydrolyse se
déroulent simultanément. Cependant, le régime d’interdiffusion est transitoire puisqu’il suit un
processus diffusif. C’est donc la vitesse d’hydrolyse qui contribue principalement à la vitesse
initiale d’altération.
Par définition, la vitesse initiale est la vitesse maximale de dissolution du verre obtenue dans des
conditions loin de la saturation, c’est-à-dire en milieu fortement dilué et lorsqu’aucune barrière
diffusionnelle ne vient ralentir l’altération [19]. Cette dernière, liée à l’hydrolyse du réseau vitreux
par l’action de la solution altérante, dépend du pH, de la composition du verre et de la température
mais également de la composition chimique de la solution lixiviante [20]. Au chapitre IV sont
données des définitions de la vitesse initiale en fonction des conditions d’altération.
Notons que pour le verre R7T7, la vitesse initiale à 100 °C et pH neutre est de 2 g.m-2.j-1 (soit
0,7 µm.j-1). Plusieurs équations fournissent la dépendance de la vitesse initiale en fonction du pH et
de la température en eau désionisée mais elles s’appliquent à des domaines restreints. Le premier
terme est une constante de vitesse mesurée à température T0 et pH 7, le second terme marque la
dépendance en température et le dernier celle de la dépendance en pH :
)0;7max(
11
0000
010),( −∗
−−
⋅⋅= pHNTTRT
E
T
a
eVpHTV
Dans le cas de l’altération du verre R7T7, l’équation suivante s’applique à des températures
comprises entre 25 et 100 °C et des pH compris entre 6 et 10. 00TV est la vitesse initiale à pH 7 et
100 °C (1,7 g.m-2.j-1), Ea l’énergie d’activation associée à la vitesse initiale d’altération du verre R7T7
(76 kJ.mol-1), N0 une constante de dépendance au pH déterminée expérimentalement et égale à 0,4.
Cette équation a été déterminée pour le verre CSD-B (chapitre IV, § II.3.).
I.2.2. Régime de chute de vitesse
La chute de vitesse est un régime complexe qui correspond à la transition entre le régime de
vitesse initiale et celui de vitesse résiduelle. L’augmentation des concentrations en solution conduit
à la recondensation d’une partie du silicium dissous sous forme d’une phase amorphe, poreuse et
hydratée, le gel [21]. La formation de cette phase entraîne une diminution de la vitesse de passage
des éléments traceurs de l’altération, la dissolution devient largement incongruente. La chute de
vitesse est due à une diminution de l’affinité de dissolution du verre et à la formation d’un gel
passivant limitant le transport de la silice dissoute depuis l’interface verre / gel vers la solution. Le
caractère passivant du gel augmente avec l’augmentation des concentrations en solution favorisant
la recondensation des éléments au sein du gel. A ce stade, la vitesse d’altération du verre peut
diminuer de plusieurs ordres de grandeur.
CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment
47
I.2.3. Régime de vitesse résiduelle
La chute de vitesse laisse place au régime dit de vitesse résiduelle. Cette vitesse évolue peu
ou pas à long terme. Deux mécanismes sont à l’origine d’une vitesse résiduelle :
- la diffusion des éléments issus de l’altération du verre au sein du gel entraînant une
sursaturation à l’interface verre hydraté / gel et la diffusion des éléments mobiles associée à la
pénétration de l’eau jusqu’à l’interface verre / verre hydraté (vitesse d’interdiffusion supérieure à la
vitesse d’hydrolyse) [22],
- la formation de phases secondaires de types phyllosilicates qui entretient une hydrolyse
résiduelle en consommant du silicium mais également de l’aluminium et des éléments comme le
sodium et le calcium.
A terme, lorsque la vitesse est plus ou moins stabilisée, les fronts d’altération de l’interdiffusion et
de l’hydrolyse avancent à la même vitesse.
Dans le cas du R7T7, à l’atteinte des conditions quasi-stationnaires en silicium en solution, on
mesure une vitesse d’altération très faible, de 4 ordres de grandeur inférieure à la vitesse initiale à
90 °C, égale à 2,4.10-4 ± 0,6 g.m-².j-1 (< 0,1 nm.j-1).
I.2.4. Régime de reprise d’altération
La reprise d’altération correspond à une augmentation de la vitesse d’altération suite à la
chute de vitesse. Le mécanisme principal lié à la reprise d’altération est la formation de phases
secondaires, plus ou moins cristallisées, qui déclenche, voire entretient, une hydrolyse résiduelle en
consommant les éléments formateurs de la pellicule d’altération (aluminium, silicium…). Ces
phases entraînent un pompage des éléments constitutifs du gel, ce qui le déstabilise et inhibe son
caractère passivant. D’après les études expérimentales et théoriques menées jusqu’à présent, le
phénomène de reprise d’altération dépend essentiellement du rapport S/V, du pH, de la
composition du verre et de la solution lixiviante. La reprise d’altération est, entre autre, favorisée à
des pH fortement basiques [17, 23]. Nous reviendrons plus en détail sur ce phénomène et les
mécanismes associés au chapitre VI.
I.3. Influence du pH sur les mécanismes et cinétiques d’altération
Le pH est un paramètre chimique clé dans l’altération des verres puisqu’il régit les
concentrations des ions hydroxyles et hydroniums à la base des mécanismes principaux
d’altération de la matrice vitreuse : hydratation, hydrolyse des liaisons du réseau iono-covalent et
échanges ioniques entre les alcalins et les protons de la solution.
I.3.1. Effet du pH sur la solubilité de la silice
Dans le cas de silice pure, la réaction de dissolution du verre peut s’écrire de la façon
suivante en considérant l’acide orthosilicique comme le premier produit de la réaction :
4422 2)( SiOHOHSiO verre ↔+
CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment
48
A pH neutre ou légèrement basique, la forme de silice stable est l’acide orthosilicique. Lorsque le
pH augmente, les espèces se dissocient selon les réactions suivantes :
+− +↔ HSiOHSiOH 4344
+−− +↔ HSiOHSiOH 24243
où K1 = 10-9,17 et K2 = 10-10,17 à 90 °C [24]. La valeur de K1 est légèrement différente pour Helgeson
[25] : K1 = 10-8,97.
La solubilité du verre peut être écrite à partir de la concentration en H4SiO4 à saturation. Cette
hypothèse constitue la base de la loi cinétique du premier ordre :
−=
*0
44
441SiOH
SiOH
C
Cvv
44SiOHC : concentration en silicium dissous à l'interface réactionnelle.
*
44SiOHC : concentration du silicium dissous à l’interface réactionnelle à saturation avec le verre.
V0 : vitesse de dissolution maximale du verre.
La loi du premier ordre implique la définition, à une température donnée, « d’une limite de
solubilité » en acide orthosilicique qui reste indépendante du pH (Figure I-5 (a)). La mesure de
cette valeur à saturation est généralement obtenue à partir d’expériences de lixiviation en eau
initialement désionisée, menées à fort rapport S/V et en milieu non renouvelé. Pour valeur de
référence, la solubilité proposée pour le R7T7 à 90 °C est *
44SiOHa = 10-3,01 mol.L-1 [1].
(a) (b)
Figure I-5. (a) Evolution de la solubilité en silicium total du verre R7T7 à 90°C en fonction du pH. Si1 [26] et
Si2 [24] d’après Jégou [27]. (b) Solubilité de la silice amorphe en fonction du pH à 25 °C, d’après Iler [28].
CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment
49
Une augmentation du pH entraîne la dissociation de l’acide orthosilicique et par là même,
une augmentation de la concentration en silicium total (Figure I-5 (b)). La concentration en H4SiO4
à saturation est indépendante du pH contrairement à la concentration totale en silicium dans la
solution. A partir des réactions de dissociation de H4SiO4, une relation peut être établie entre la
concentration de silicium dissout et le pH :
++= −− pHpHSiOHSi
KKCC
221
10101
44
Notons que la dissociation de l’acide orthosilicique devient un facteur essentiel pour les pH
supérieurs à 9,5. L’effet du pH est plus complexe dans des verres nucléaires que dans une phase
silicatée pure.
I.3.2. Effet du pH sur les régimes de vitesse
I.3.2.1 Influence du pH en milieu dilué
Advocat et al. [1] comparent les mécanismes mis en jeu dans des milieux fortement dilués
(très faibles rapports S/V) dans une large gamme de pH à 90 °C. Lorsque le pH atteint une valeur
supérieure à 6,2, une transition s’opère entre une dissolution sélective et congruente du verre
(Figure I-6).
En milieu acide à pH imposé, les rapports de congruence sont significativement supérieurs
à ceux du verre, ce qui indique un relâchement préférentiel du bore et des modificateurs du réseau
vitreux. En milieu basique, tous les éléments sont relâchés en quantité proportionnelle à celle de la
composition du verre, la dissolution est donc congruente. Dans les conditions de basicité étudiée,
la présence de silice au sein de la pellicule d’altération ne semble pas affecter la cinétique de
corrosion du verre puisque les concentrations des éléments majeurs du réseau Si, B, Na
augmentent linéairement en fonction du temps. Par conséquent, la pellicule d’altération ne
constitue pas une barrière diffusionnelle aux échéances courtes.
Figure I-6. Cinétiques d’altération en fonction du pH à 90°C, d’après Advocat et al. [1].
CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment
50
En milieu dilué, l’acidité du milieu favorise la dissolution sélective des modificateurs de réseau
(Na, Li) assurant l’échange interdiffusionnel avec les protons H+ de la solution. La basicité du
milieu n’induit pas d’extraction préférentielle, la dissolution est congruente et fortement
dépendante du pH. A ces pH, le mécanisme d’hydrolyse est largement prédominant, ce qui
entraîne la rupture des liaisons covalentes du réseau silicaté.
I.3.2.2 Influence du pH en conditions de saturation
L’effet du pH sur les cinétiques d’altération du verre SON68 a été étudié dans des
conditions de saturation [23].
Une réaction en chaîne simplifiée permet d’illustrer l’effet du pH sur l’évolution chimique
du système et les cinétiques de dissolution : par le contrôle des concentrations en ions H3O+ et OH-,
le pH modifie les réactions d’hydrolyse et de condensation des espèces silicatées, qui à leur tour,
modifient la structure du gel et les coefficients de diffusion des espèces réactives.
L’altération à long terme est dépendante du pH. La Figure I-7 montre que le minimum
d’altération est observé à pH 9,5 qui correspond au pH proche de l’équilibre avec le verre SON68
(pH de 9,1 à 90 °C) ; en deçà et au-delà de cette valeur, l’altération augmente brusquement avec
une dépendance plus marquée dans les pH basiques.
Figure I-7. Pourcentage de verre altéré après 1 jour et 594 jours en fonction du pH imposé, d’après Gin et
Mestre [23].
Par ailleurs, Gin et Mestre [23] montre que pour des pH compris entre 7 et 9, la vitesse
d’altération chute de quatre ordres de grandeur par rapport à la vitesse initiale après un mois. La
chute de vitesse est relativement indépendante du pH entre pH 9 et 10,5, une chute légèrement
plus faible est observée pour les pH 7 et 8 ainsi que 10,5 et 11.
Pour les pH 11 et 11,5, la chute de vitesse est suivie d’une reprise d’altération. La reprise
d’altération se produit plus rapidement pour pH 11,5 après 50 jours environ alors qu’à pH 11, elle
survient après 250 jours. Aucune reprise n’a été observée à pH 10,5. Ces résultats expérimentaux
sont en accord avec l’étude menée par Ribet et al. [17] où il est constaté qu’aucune reprise
CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment
51
d’altération ne se produit pour des pH inférieurs à 10,7 alors que presque tous les verres sont sujets
à des reprises d’altération pour des pH supérieurs à 11 (Figure I-8).
Figure I-8. Pertes de masse normalisées en fonction du temps calculées à partir du relâchement du bore à pH
10,5, 11 et 11,5, d’après Gin et Mestre [23].
L’influence du pH sur le phénomène de reprise d’altération est repris plus en détail au
chapitre VI (§ I.3.4.).
CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment
52
II. Le matériau cimentaire : du ciment à la dégradation d’une
pâte cimentaire
Dans le langage courant, le béton désigne un matériau de construction composite fabriqué à
partir de granulats (sable, gravillons) agglomérés par un liant (ciment + eau). Le ciment,
constituant de base du béton, est un liant hydraulique. C’est une matière inorganique finement
moulue qui, gâchée avec de l'eau, forme une pâte qui fait prise, durcit en réaction au processus
d'hydratation et conserve ses propriétés mécaniques même sous eau. Il s’agit d’un matériau poreux
hétérogène essentiellement constitué de phases solides réactives en équilibre avec la solution
porale.
Plusieurs travaux ont montré que le granulat peut être considéré inerte chimiquement
lorsqu’il est correctement choisi. Cette étude s’attachera donc à la description des mécanismes de
dégradation d’une pâte cimentaire3 en considérant que les granulats des mortiers ou des bétons ne
réagissent ni avec le liant, ni avec le milieu extérieur.
II.1. Le matériau cimentaire
II.1.1. Le ciment
Le ciment dit « Portland » est constitué principalement de clinker et de sulfate de calcium.
Le clinker résulte de la cuisson jusqu’à fusion partielle (vers 1450 °C) puis du broyage d’un
mélange de roches calcaires (80 %) et argileuses (20 %). Les ciments sont classés par catégorie,
notées CEM I à CEM V, en fonction de leur teneur en clinker et de la nature des autres constituants.
Le ciment CEM I, constitué à 95 % de clinker, est le matériau de référence utilisé dans cette étude,
en particulier du point de vue des compositions des solutions cimentaires interstitielles. Le Tableau
II-1 donne les proportions des différents constituants du clinker.
Tableau II-1. Proportion des constituants du clinker.
Constituant Notation cimentière 4 Formulation en
oxyde
Proportion dans le
clinker
Silicate tricalcique C3S 3CaO.SiO2 50-70 %
Silicate bicalcique C2S 2CaO.SiO2 15-30 %
Aluminate de calcium C3A 3CaO.Al2O3 5-10 %
Ferroaluminate de calcium C4AF 4CaO.Al2O3.Fe2O3 5-15 %
3 On dénommera ciment, le liant anhydre et pâte cimentaire, le liant hydraté.
4 Tout au long de ce chapitre, les notations cimentaires seront employées. Les correspondances sont : C = CaO ;
S = SiO2 ; A = Al2O3 ; F = Fe2O3 ; S = SO3 ; H = H2O.
CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment
53
II.1.2. Hydratation des phases anhydres du ciment Portland
Les minéraux constitutifs des grains de ciment (C3S, C2S…) sont hydrauliques, ce qui
signifie qu’en présence d’eau, ils forment des minéraux hydratés qui précipitent et s’organisent en
une structure mécaniquement résistante. Les réactions d’hydratation sont donc la cause directe du
phénomène de prise.
L’hydratation du ciment Portland conduit à l’obtention de trois types de produits dont les
proportions sont rapportées dans le Tableau II-2.
Tableau II-2. Proportion des principaux produits d’hydratation du ciment Portland.
Constituant Proportion dans le ciment hydraté
Silicate de Calcium Hydraté C-S-H 50-70 %
Portlandite CH 20-25 %
Ettringite et monosulfates 5-15 %
L’hydratation des silicates C3S et C2S produit des silicates de calcium hydratés (C-S-H) et de la
Portlandite (CH) selon les réactions bilans suivantes :
C3S + (y+3-x) H → CxSHy + (3-x) CH
C2S + (y’+2-x’) H → Cx’SHy’ + (2-x’) CH
Le C3A est le constituant cinétiquement le plus réactif du clinker. Il réagit très rapidement avec
l’eau pour donner des hydrates métastables (C4AH13, C2AH8) qui se transforment en un aluminate
de calcium hydraté C3AH6. Cependant, la précipitation de ces phases induit une perte d’ouvrabilité
de la pâte de ciment. Afin d’éviter ce désagrément, du gypse (CSH12) est ajouté, ce qui provoque la
formation d’ettringite (C6AS3H32) (ou trisulfoaluminate de calcium hydraté) autour des grains de
C3A. Après quelques heures, la quantité subsistante de gypse est faible, l’ettringite réagit avec le
C3A restant pour former des monosulfoaluminates de calcium (C4ASH12). Lorsque tous les sulfates
sont épuisés, ce sont les hydroaluminates de calcium comme C4AH13 qui précipitent.
Enfin, pour ce qui est de l’hydratation du C4AF, elle est comparable à celle du C3A, il convient de
substituer les aluminates par des ferroaluminates dans les réactions précédentes.
II.1.3. Les phases hydratées du ciment Portland et leurs propriétés
La pâte de ciment durcie constitue donc un système hétérogène comprenant un solide
poreux, une phase liquide et généralement une phase gazeuse présentes dans les pores. Le solide
est formé de minéraux hydratés et éventuellement de ciment anhydre résiduel si la quantité d’eau
est insuffisante pour une hydratation complète.
II.1.3.1 La Portlandite
La Portlandite (CH) est la seule phase solide qui soit présente sous forme relativement pure
avec quelquefois des petites quantités d’ions étrangers. Elle cristallise en plaquettes hexagonales
CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment
54
parfois massives, sa surface spécifique est donc faible. Les cristaux de Portlandite précipitent à
partir de la solution interstitielle.
La Portlandite est la phase la plus soluble de la pâte de ciment hydratée. Par son équilibre de
solubilité, elle maintient le pH de la solution interstitielle (tampon de pH ~ 12,5) et la teneur en
calcium en solution. L’équilibre de solubilité peut s’écrire de la façon suivante :
Ca(OH)2 = Ca2+ + 2 OH-
Une caractéristique de la Portlandite est sa rétro-solubilité : sa solubilité diminue avec la
température. Par exemple, la solubilité en calcium passe de 32 mM à 15 °C à 3 mM à 85 °C.
II.1.3.2 Les C-S-H
II.1.3.2.1 Structure des C-S-H
Les Silicates de Calcium Hydratés (C-S-H) forment un gel organisé sur quelques centaines
de nanomètres. Les dimensions typiques des particules nanométriques agrégées les unes aux
autres sont de l’ordre de 60 x 30 x 5 nm3 [29]. Ce matériau présente donc un mode d’organisation
intermédiaire entre celui d’un cristal tridimensionnel et d’un solide amorphe. L’arrangement local
est dépendant des conditions d’hydratation du ciment (rapport eau / ciment). Contrairement à la
Portlandite, les C-S-H se développent essentiellement sous la forme d’une couche entourant les
grains de ciment anhydres.
Les particules nanométriques présentent une structure lamellaire. La résolution structurale
directe de C-S-H de synthèse a montré l’analogie de ces matériaux avec la structure, proposée par
Hamid [30], de la tobermorite (C5S6H5) [31, 32], qui est un silicate de calcium hydraté naturel de
rapport C/S égal à 0,83. Le feuillet est constitué d’une double couche d’atomes de calcium associée
de part et d’autre à deux couches de tétraèdres de silicates (Figure II-1). Les couches de silicates
sont constituées de chaînes linéaires infinies de tétraèdres de silicium, un motif de trois tétraèdres
de silice est appelé « dreierketten » (Figure II-2). L’interfeuillet est composé par des molécules d’eau
et des ions calcium.
CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment
55
Figure II-1. Structure tridimensionnelle de la tobermorite 11 Å, d’après Hamid [30]. Les paramètres de
maille sont les suivants : a/2 = 5,58 Å ; a = 7,39 Å ; c/2 = 11,389 Å. Les atomes de calcium en pointillés sont
distribués statistiquement entre les mailles.
Figure II-2. Représentation de la structure « dreierketten » des C-S-H, tiré de Viallis-Terrisse [33] .
Les données de la littérature rapportent que la longueur des chaînes silicatées varie avec la
concentration en hydroxyde de calcium de la solution d’équilibre [33-36]. Plus le rapport C/S est
important, plus la longueur de la chaîne silicatée est courte. A l’inverse, plus le rapport C/S est
faible et plus la longueur de la chaîne silicatée est grande. Les spectres RMN du 29Si de C-S-H de la
Figure II-3 montrent que lorsque le rapport C/S augmente, l’intensité des raies attribuées aux
tétraèdres Q2 et Q2p (annexe A) diminue, ce qui se traduit par une diminution de la longueur des
chaînes silicatées.
CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment
56
La variation du rapport C/S modifie également l’environnement structurel du silicium. Lorsque le
rapport C/S augmente, on observe un accroissement du déplacement chimique vers les bas champs
de la position des raies de RMN du 29Si [33, 35, 37]. Cette modification est expliquée par une
diminution de l’angle moyen Si-O-Si dans les chaînes silicatées en fonction de la présence de
calcium dans l’interfeuillet [37, 38]. Cette diminution de l’angle Si-O-Si entraîne une diminution
des dimensions de la cellule unitaire suivant l’axe b [39].
II.1.3.2.2 Solubilité des C-S-H
La stœchiométrie des C-S-H obtenue est imposée par la quantité de calcium présente dans
la solution interstitielle. Il est possible d’écrire leur composition sous la forme (CaO)x(SiO2)y(H2O)z
avec 0,6 < x/y < 2 et 1 < z < 4 [40]. La composition des C-S-H est généralement définie par le rapport
molaire C/S. Ces phases contrôlent la concentration de silice en solution et le pH en l’absence de
Portlandite (12,4 > pH > 10,5).
De nombreuses études expérimentales montrent l’existence de plusieurs C-S-H de stœchiométrie,
de structure ou de morphologie variables [35, 38, 39, 41-43]. Ces études rapportent également que
le rapport C/S du solide varie en fonction de la concentration en calcium de la solution d’équilibre
(Figure II-4) : plus la concentration en calcium en solution est élevée, plus le rapport C/S du solide
est important.
Un phénomène singulier apparaît sur cette courbe : il existe des sections de courbes verticales
caractéristiques de points invariants correspondant à la présence de deux solides en équilibre avec
la solution. Nonat et al. proposent l’existence de trois phases C-S-H [44] :
- C-S-H α, phase de rapport à 0,66 ≤ C/S < 1, à l’équilibre avec une solution d’hydroxyde de
calcium à 2 mmol/L,
- C-S-H β, phase de rapport 1 < C/S < 1,5, apparaît pour des concentrations en hydroxyde de
calcium variant entre 2 et 20 mmol/L,
Figure II-3. Evolution de l’intensité des raies attribuées aux tétraèdres de silicium de C-S-H en fonction du
rapport C/S. Une représentation simplifiée des C-S-H correspondants illustre cette évolution. D’après Chen
[35] et Viallis-Terrisse [33].
CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment
57
- C-S-H γ, phase de rapport 1,5 < C/S < 2, la concentration en hydroxyde de calcium est
supérieure à 20 mmol/L.
L’évolution du rapport C/S du solide en fonction de la concentration en calcium de la solution ainsi
que des différentes phases C-S-H ont été reportées en Figure II-5.
D’un point de vue de l’équilibre des C-S-H en solution, différents composés peuvent être
observés en fonction de la température. La dissolution non congruente des C-S-H rend délicate la
Figure II-4. Représentation de l’évolution du rapport C/S du solide en fonction de la concentration en
calcium dans la solution d’équilibre à température ambiante à partir de données expérimentales de la
littérature, d’après Frizon [45].
Figure II-5. Représentations schématiques de l’évolution du rapport C/S du solide en fonction de la
concentration en calcium dans la solution d’équilibre et des différentes phases C-S-H avec les points
invariants A, B, C, D. Tirés de Viallis-Terrisse [33].
CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment
58
description simple de l’évolution de ces phases en fonction de la température. Retenons qu’avec la
température et la forte limitation de solubilité de la Portlandite, celle-ci vient contrôler la solubilité
des C-S-H par l’intermédiaire de celle du calcium en solution. Au niveau structural, une réaction à
température plus élevée entraîne une meilleure cristallisation pouvant conduire à des minéraux
totalement cristallins.
II.1.3.3 L’ettringite et le monosulfoaluminate
L’ettringite et le monosulfoaluminate respectivement abrégées phases AFt (Alumino-Ferrite
monoCalcique) et AFm (Alumino-Ferrite triCalcique), contrôlent tous deux la concentration en
sulfate de la solution.
Les composés de type AFm se présentent sous la forme de fines plaquettes hexagonales
avec un clivage marqué selon le plan de base. Ils possèdent une structure en feuillets qui dérive de
celle de la Portlandite par remplacement d’un atome de calcium sur trois par un atome
d’aluminium.
Les phases AFt se présentent sous la forme de cristaux aciculaires à base hexagonale.
Les travaux de Atkins [42, 46] et ceux de Damidot [47, 48] mettent en évidence l’extension
du domaine de stabilité du monosulfo-aluminate au détriment de celui de l’ettringite en fonction
de la température. Notons que l’évolution de la température d’équilibre de ces deux phases est très
dépendante du pH.
Les principales phases hydratées d’une pâte cimentaire ont été présentées. Il convient à
présent de présenter le comportement des matériaux à base de liants hydrauliques qui est
essentiellement déterminé par l’évolution physico-chimique de la pâte de ciment qui le constitue.
La plupart des mécanismes de dégradation, qu’ils soient d’origine physique ou chimique, ont un
élément en commun : ils mettent en jeu un transport de matière dans le réseau poreux de la phase
liante.
II.2. Altération d’un matériau cimentaire
La lixiviation est un lessivage des produits solubles de la pâte de ciment durcie (Portlandite,
ettringite, monosulfoaluminate de calcium hydraté, C-S-H).
II.2.1. Mécanismes mis en jeu lors de l’altération d’un béton par l’eau
La dégradation d’une pâte cimentaire résulte des déséquilibres chimiques liés à la
modification de la composition de la solution interstitielle directement au contact avec les phases
solides.
Lorsque l’on immerge une pâte de ciment ou un béton dans une solution aqueuse, il se produit
deux phénomènes consécutifs ayant chacun sa propre cinétique :
CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment
59
- un transport de matière par diffusion dans la porosité du ciment hydraté, engendré par les
gradients de concentrations entre la solution interstitielle de la pâte de ciment et la solution
agressive,
- des réactions chimiques de dissolution-précipitation, provoquées par les variations de
concentrations résultant de la diffusion.
Les phases solides se mettent en équilibre localement avec les espèces dissoutes
correspondantes dont les concentrations sont gérées par les lois d‘équilibre chimique. Les
équilibres chimiques sont atteints très rapidement par rapport aux temps caractéristiques de
diffusion. Etant donné que c’est le phénomène le plus lent qui imposera sa vitesse, ce sont les
phénomènes de transport diffusif au travers de la porosité qui régissent la vitesse d’altération des
matériaux cimentaires.
La durabilité des matériaux cimentaires dépend de nombreux paramètres notamment
l’hydrolyse / décalcification, la dégradation chimique en présence d’ions agressifs, la carbonatation
(sous eau ou atmosphérique)… Au cours de cette synthèse, nous nous attacherons uniquement au
processus d’hydrolyse / décalcification qui va être le phénomène de base principal à étudier dans
le cadre de la compréhension de la dégradation en milieu saturé5.
II.2.2. Processus d’hydrolyse / décalcification
Dans les matériaux cimentaires, la réaction d’hydrolyse correspond à l’action des espèces
dissociées de l’eau sur les phases solides de la matrice cimentaire et la décalcification correspond à
l’appauvrissement en calcium du matériau suite au départ des ions Ca2+ fixés dans les phases
solides.
Le processus d’hydrolyse / décalcification des matériaux cimentaires a été étudié par Adenot [49].
Indépendamment des vitesses de dégradation qui peuvent varier selon les approches
expérimentales, les phénomènes mis en jeu sont identiques :
- une zonation minéralogique du matériau et l’apparition d’un front de dégradation
parallèle à la surface exposée de l’échantillon,
- une limite entre la partie saine et la partie dégradée se caractérisant par un front net de
dissolution de la Portlandite et / ou des silicates de calcium anhydres résiduels. La vitesse
d’altération semble augmenter avec la teneur en Portlandite, dont la dissolution favorise la
dégradation en créant une porosité supplémentaire,
- une décalcification progressive des C-S-H entre la partie saine et la surface,
- une cinétique d’altération limitée par la diffusion et des équilibres chimiques locaux entre
la solution porale et le ciment hydraté en cours de dégradation. Ainsi on observe (pour une
composition de la solution maintenue constante) des quantités lixiviées et une avancée des fronts
de dégradation proportionnelle à la racine carrée du temps.
5 Les conditions dites « saturées » signifient que la dégradation a lieu lors d’un contact prolongé entre un matériau
cimentaire et une solution aqueuse sans phase gazeuse.
CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment
60
Figure II-6. Résultats expérimentaux obtenus avec une pâte de ciment CEM I altérée dans une solution
déminéralisée à pH 8,5 et détails de la zonation résultante, adaptée de Adenot [49].
Comme nous le verrons dans le chapitre suivant, le modèle d’évolution thermodynamique
des pâtes cimentaires sur lequel est basée la présente étude repose sur une discrétisation de
l’évolution du système global et moyenne ainsi le comportement du matériau. Cela signifie
notamment que la progression du front de dégradation dans le matériau n’est pas prise en compte
et que pour un état de dégradation donné, l’ensemble des phases constitutives de la pâte de ciment
est considéré comme homogène dans la profondeur du matériau.
II.2.3. Influence du pH à température ambiante
En fonction des conditions physico-chimiques du milieu, la stabilité des hydrates d’un
ciment est très variable. Le pH apparaît comme l’un des principaux facteurs caractérisant leur
stabilité. Deux approches complémentaires permettent de rendre compte de l’impact du pH sur la
stabilité des phases hydratées. La première approche développée par Berner [50] schématise
l’évolution du pH de l’eau interstitielle en fonction de l’état d’altération d’un mortier comme
l’illustre la Figure II-7.
Figure II-7. Evolution du pH de la solution interstitielle en fonction de l’état de dégradation d’un mortier à
base de ciment CEM I, d’après Berner [50].
CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment
61
La seconde approche consiste à étudier les domaines de stabilité des différents hydrates en
fonction du pH se basant sur l’analyse des solubilités respectives des principaux hydrates selon
Bourbon [51].
Figure II-8. pH d’équilibre et solubilité des principaux hydrates, d’après Bourbon [51].
Berner note que lors de la première étape de dégradation, la solution porale est constituée
d’hydroxydes alcalins (Na,K)OH fortement solubles.
Avec l’abaissement du pH, la concentration des hydroxydes alcalins diminue et ils tendent à
disparaître. La dissolution de la Portlandite présente dans la pâte cimentaire va conduire à saturer
la solution porale à une concentration totale en ions Ca2+ de 22 mM. Cette phase tamponne le pH à
une valeur proche de 12,5. Tant qu’il y a de la Portlandite dans le matériau, celui-ci peut être
considéré comme sain.
Les C-S-H à fort rapport C/S (C/S > 1,8) apparaissent et l’abaissement progressif du pH entraîne
une diminution de leur stabilité, avec une diminution conjointe du rapport C/S. A cet état
d’altération, le matériau est qualifié de « matériau altéré ». Les concentrations en calcium seront
inférieures à 20 mM et le pH inférieur à 12 pour des rapports C/S ≤ 1,4. La concentration en silice
est généralement faible, inférieure de 0,03 mM. Au cours de la dissolution des C-S-H, d’autres
hydrates, comme l’ettringite et le monosulfoaluminate, sont susceptibles de se décomposer et donc
de jouer un rôle dans le comportement chimique des bétons au cours de la phase « altérée ».
A un pH proche de 11, les C-S-H ont un rapport C/S inférieur à 1, la concentration totale en ions
Ca2+ chute entre 1 et 5 mM alors que la concentration totale en silice augmente pour atteindre des
valeurs comprises entre 2 et 6 mM. A pH 11,1, la dissolution des C-S-H est congruente, les rapports
C/S en solution et de la phase solide sont égaux à 0,83, à ce stade le matériau est qualifié de
« matériau dégradé ». On considèrera alors comme dernière phase le C-S-H que l’on peut décrire à
C/S < 0,9 par la tobermorite.
CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment
62
Lorsque les C-S-H se dissolvent complètement, le restant de brucite (Mg(OH)2) se dissout à pH 10,4
après quoi le pH chute jusqu’à des valeurs proches de la neutralité. Le matériau subsistant sera
alors composé majoritairement de gel de silice, le matériau est dit « neutralisé ».
De nombreuses phases hydratées présentes en faibles quantités au cours de l’altération
n’ont pas été prises en compte car elles n’affectent pas l’évolution du système de manière décisive
vis-à-vis d’un contrôle du pH en solution. Nous retiendrons que la Portlandite tamponne le pH à
une valeur proche de 12,5 et que les C-S-H peuvent contrôler le pH jusqu’à une valeur de 10,5
suivant le rapport C/S.
III. Les objectifs de la thèse
Au cours de ce chapitre, nous avons décrit le verre et le ciment à travers les mécanismes
d’altération auxquels ils étaient soumis durant les différentes étapes de leur dégradation. Nous
avons notamment rapporté la forte augmentation de la solubilité du verre à pH basique. Il apparaît
donc raisonnable, a priori, de soulever la question de l’influence des eaux cimentaires sur la
durabilité du verre.
Bien que très différents d’un point de vue structural, ces deux matériaux sont en partie
constitués de même éléments chimiques, notamment par le silicium, le calcium, le sodium ou
encore l’aluminium. Ainsi, au cours de l’altération, les éléments constitutifs du verre, au même titre
que ceux du ciment, peuvent réagir ensemble pour former des hydrates ou d’autres phases
secondaires.
Ces deux remarques soulèvent en réalité des questions plus profondes liées au contexte de
l’étude. La durabilité du verre en condition de stockage est un enjeu important puisque le verre
constitue la matrice de conditionnement des déchets radioactifs. Peu de travaux portent sur l’étude
de la durabilité du verre en environnement cimentaire [52]. Cette étude apparaît donc essentielle
pour déterminer les mécanismes qui pilotent les cinétiques d’altération du verre en milieu
cimentaire.
CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment
63
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CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment
65
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CHAPITRE II - Etat des connaissances sur la dégradation du verre et du ciment
66
67
CHAPITRE III. METHODOLOGIE, PROTOCOLES ET
TECHNIQUES EXPERIMENTALES
I. Méthodologie.......................................................................................................................................68
I.1. Le système verre - matériau cimentaire .....................................................................................68
I.2. Modèle d’évolution de l’altérabilité du matériau cimentaire .................................................69
I.3. Solutions représentatives d’états d’évolution ...........................................................................69
II. Protocoles expérimentaux .................................................................................................................71
II.1. Les verres : élaboration et composition......................................................................................71
II.2. Synthèse des solutions d’eaux cimentaires................................................................................73
II.3. Protocoles d’altération..................................................................................................................73
II.3.1. Mode dynamique.................................................................................................................73
II.3.2. Mode statique......................................................................................................................74
III. Expression des résultats.....................................................................................................................75
IV. Calculs d’incertitude ..........................................................................................................................77
IV.1. Préambule.......................................................................................................................................77
IV.2. Processus de l’estimation de l’incertitude de la mesure..........................................................78
IV.3. Estimation de l’incertitude sur la perte de masse normalisée ................................................79
IV.4. Principe de la régression linéaire simple ...................................................................................80
IV.5. Incertitude sur la vitesse initiale d’altération............................................................................81
IV.6. Conclusions ....................................................................................................................................83
V. Traitement des données avec le code géochimique JCHESS .....................................................84
VI. Techniques d’analyse et de caractérisation....................................................................................85
VI.1. Analyse de solution.......................................................................................................................85
VI.1.1. Colorimétrie.........................................................................................................................86
VI.1.2. Chromatographie ionique....................................................................................................86
VI.1.3. ICP-AES .............................................................................................................................87
VI.2. Caractérisation du solide..............................................................................................................87
VI.2.1. Microscopie Electronique à Balayage..................................................................................87
VI.2.2. Diffraction des Rayons X....................................................................................................87
VI.2.3. Spectroscopie des photo-électrons X....................................................................................88
VI.2.4. Time Of Flight – Secondary Ion Mass Spectroscopy..........................................................88
Références bibliographiques .....................................................................................................................90
CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales
68
I. Méthodologie
Le comportement à long terme du verre est étudié depuis de nombreuses années dans des
solutions lixiviantes de complexités croissantes :
- en eau désionisée et en eau à pH acide ou basique, afin de mettre en évidence les
mécanismes de base à l’origine des cinétiques observées,
- en eau contenant des produits de corrosion issus de l’altération des colis en acier, en eau en
équilibre avec des phases cimentaires, matériaux d’environnement des colis en condition de
stockage profond ou encore en eau en équilibre avec l’argilite du site, le Callovo-Oxfordien,
appelée « eau de Bure » : autant de systèmes permettant d’étudier l’altération du verre dans des
milieux spécifiques.
Suivant les conditions d’altération, la chimie des eaux représentatives d’un environnement en
condition de stockage profond influence les mécanismes et les cinétiques d’altération du verre.
I.1. Le système verre - matériau cimentaire
Du concept envisagé par l’Andra (Chapitre I) consistant à stocker les colis de déchets
vitrifiés MA-VL au sein de surconteneurs en béton est né le besoin d’approfondir nos
connaissances sur la phénoménologie de l’altération du verre en milieu cimentaire et les
mécanismes qui lui sont associés. Afin de simplifier le système global verre – acier du colis – béton
– argilite du site et de mettre en lumière les mécanismes clés, il a été nécessaire de déconvoluer les
effets, et pour cela, de ne considérer dans un premier temps que la matrice vitreuse et le milieu
cimentaire. Ce système binaire se justifie également en conditions de stockage. Lors de la
resaturation du site, l’eau percole très lentement en régime diffusif et s’équilibre avec les matériaux
d’ouvrage. Les solutions qui pénètrent jusqu’aux colis primaires proviennent d’eaux de percolation
au travers des bétons d’ouvrages et des bétons des surconteneurs, leur composition est donc très
proche des solutions interstitielles des bétons de colis de stockage.
Etant donné le pH fortement basique du milieu d’altération, l’acier du conteneur est passivé
et sa vitesse d’altération estimée est de l’ordre de 0,1 µm par an. Ainsi, la dégradation du ciment
sera étudiée en eau désionisée, sans tenir compte du fait qu’il s’agit, en condition de stockage,
d’une eau de site ayant une composition plus complexe.
Le milieu cimentaire sera représenté par des solutions de compositions représentatives
d’états physico-chimiques d’évolution d’une pâte de ciment Portland CEM I. Il a été choisi que
l’ensemble des compositions soit représentatif d’un comportement moyen d’un matériau
cimentaire en tenant compte à la fois de sa composition initiale et du facteur principal d’altérabilité
chimique à savoir l’hydrolyse / décalcification. Le modèle physico-chimique d’évolution dont sont
issues les compositions des eaux cimentaires est basé sur des analyses de solutions interstitielles
récupérées par extraction ainsi que sur des calculs et des évaluations faites sur la base de
l’exploitation d’expérimentations [1].
CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales
69
I.2. Modèle d’évolution de l’altérabilité du matériau cimentaire
Le modèle d’évolution simplifié proposé par Bourbon [1] permet de caractériser de façon
quantitative les différents états de dégradation potentiels d’une pâte de ciment (Figure I-1). Cette
approche nécessite de discrétiser le système global en sous-systèmes correspondants aux différents
hydrates. Il en résulte trois grands états correspondants à une évolution chimique et physique des
matériaux pouvant être décrite de la manière suivante, ici à température ambiante :
- les bases fortes (Na,K)OH issues de l’hydratation des oxydes alcalins sont neutralisées, le
pH décroît jusqu’à une valeur de 12,5,
- la Portlandite qui est la base la plus forte et l’hydroxyde le plus soluble, après les
hydroxydes alcalins, tamponne le milieu à un pH de 12,5,
- les C-S-H voient leur rapport C/S diminuer, ce qui indique une décalcification croissante de
la phase. Le pH décroît parallèlement de 11,5 à 10,5, limite basse de la stabilité des C-S-H.
Tobermorite
sain altéré dégradé
Temps (log t)
(Na,K)OH
Ca(OH)2C-S-H
C/S≈1,212,5
10,5
S1S2
S3tobermorite
Tobermorite
sain altéré dégradé
Temps (log t)
Tobermorite
sain altéré dégradé
Temps (log t)Temps (log t)
(Na,K)OH
Ca(OH)2C-S-H
C/S≈1,212,5
10,5
S1S2
S3tobermorite
Figure I-1. Evolution des hydrates et de l’altérabilité du matériau cimentaire en fonction du pH.
I.3. Solutions représentatives d’états d’évolution
La solution 1 (S1) représente les milieux les plus alcalins, faisant référence à un matériau
sain pour des pH ≥ 13. La solution 2 (S2) correspond à une solution en équilibre avec la Portlandite.
La solution 3 (S3) est représentative de milieux dont la chimie en solution est contrôlée par les
C-S-H, leur état de dégradation correspondant étant donné par le rapport molaire C/S d’environ
1,2 pour cette solution.
Les solutions S1 et S2 correspondent aux premières solutions qui arriveront au contact de la
matrice vitreuse. La resaturation complète des ouvrages de stockage est prévue après plusieurs
siècles, voire milliers d’années. Les compositions des eaux de percolation des colis primaires ne
seront pas modifiées significativement pendant au moins plusieurs milliers ou dizaine de milliers
d’années. Les solutions S1 et S2 représentent donc des états de dégradation correspondants aux
CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales
70
stades prépondérants à considérer dans le cadre du concept de stockage envisagé par l’ANDRA. La
solution S3 n’a donc pas été étudiée dans le cadre de ce travail.
Les compositions de l’ensemble des solutions ont été modélisées à 25 °C et 50 °C. Le choix
des températures s’explique par deux raisons. D’une part, c’est à 25 °C que les bases de données
thermodynamiques sont les plus exhaustives, ce qui permet de modéliser des compositions plus
réalistes. D’autre part, l’étude s’inscrit dans le cadre du comportement à long terme des verres dont
les processus de dégradation sont très lents. Il a donc été choisi d’effectuer des expérimentations à
50 °C afin d’accélérer les processus réactionnels et d’accéder à des mécanismes au long terme. Les
études concernant l’influence de la température sur la composition de la solution porale et plus
spécifiquement sur la représentativité du système solide / liquide à 50 °C sont rares. Entre 5 °C,
20 °C et 50 °C, les compositions varient peu après 150 jours [2]. A 50 °C, la concentration en ion
sulfate augmente et les concentrations en ions aluminium et fer diminuent légèrement.
Les expériences sont menées en boîte à gants, laquelle est à 30 °C. Cette différence de
température entre 25 et 30 °C ne modifie pas significativement l’équilibre des solutions
cimentaires.
Les compositions prises en compte pour les solutions d’eaux cimentaires S1 et S2 sont
présentées dans les Tableau I-1 et Tableau I-2.
Tableau I-1. Compositions théoriques de la solution d’eau cimentaire S1 à 25°C et 50°C issues de calculs
géochimiques [1].
S1b1 : Alcalins
Na K Ca Si OH pH
Concentration totale
(mol.L-1) à 25°C 6,55.10-2 1,61.10-1 2,2.10-3 3.10-6 2,31.10-1 13,2 ± 0,1
Concentration totale
(mol.L-1) à 50°C 6,55.10-2 1,61.10-1 1,2.10-3 2.10-6 2,29.10-1 12,6
Tableau I-2. Compositions théoriques de la solution d’eau cimentaire S2 à 25°C et 50°C issues de calculs
géochimiques [1].
S2b : Portlandite
Ca pH
Concentration totale
(mol.L-1) à 25°C 2.10-2 12,4 ± 0,1
Concentration totale
(mol.L-1) à 50°C 1,5. 10-2 11,7
1 La nomenclature employée correspond à celle de la note de l’Andra [1].
CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales
71
Concernant la solution S1, le silicium n’a pas été ajouté lors de la synthèse car cet élément n’est pas
dosable compte-tenu de la dilution à appliquer (dilution par 15 imposée par le potassium) et de la
limite de quantification du silicium (0,05 mg.L-1).
II. Protocoles expérimentaux
II.1. Les verres : élaboration et composition
Dans le cadre de la vitrification des effluents de rinçage de l’usine UP2-400, un verre CSD-B
associé à un domaine de composition, a été défini comme verre de référence. Il est constitué de 20
oxydes et a fait l’objet de caractérisations aussi bien d’un point de vue de ses propriétés physico-
chimiques d’élaboration que de ses propriétés en condition d’altération en eau désionisée.
Tableau II-1. Composition du verre CSD-B en pourcentage molaire d’oxydes (théorique et analysé) et en
pourcentage massique d’oxydes analysé.
CSD-B
Oxyde % mol
théorique
% mol
analysé
% massique
analysé
SiO2 55,02 54,84 50,31
B2O3 13,63 13,54 14,39
Na2O 13,33 13,29 12,58
Al2O3 5,61 5,6 8,72
Li2O 4,77 5,04 2,3
CaO 3,64 3,68 3,15
Fe2O3 1,17 1,17 2,89
ZrO2 1,06 1,02 1,92
NiO 0,29 0,33 0,38
MoO3 0,32 0,31 0,69
CoO 0,03 0,27 0,31
P2O5 0,19 0,19 0,41
SO3 0,11 0,11 0,14
BaO 0,15 0,14 0,33
Ce2O3 0,15 0,14 0,7
MnO2 0,14 0,13 0,17
Nd2O3 0,08 0,08 0,4
RuO2 0,01 0,07 15
Cr2O3 0,03 0,03 0,08
La2O3 0,06 <0,06 <0,06
CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales
72
Un second verre dénommé Verre Simplifié (VS) est constitué des sept éléments majeurs du
verre de référence CSD-B qui représentent 97 % molaire des oxydes du verre de référence. Du fait
de son nombre réduit d’éléments, l’utilisation de ce verre permet de mettre en évidence le rôle des
oxydes majeurs du verre CSD-B. Il a été montré, pour le verre nucléaire SON68, que ces verres
simplifiés permettent d’obtenir une bonne représentativité des principaux régimes d’altération du
verre nucléaire [3-5]. Les compositions en pourcentage molaire d’oxydes des verres CSD-B et VS
figurent respectivement dans les Tableau II-1 et Tableau II-2.
Tableau II-2. Composition du verre VS en pourcentage molaire d’oxydes (théorique et analysé) et en
pourcentage massique d’oxydes analysé.
VS
Oxyde % mol
théorique
% mol
analysé
% massique
analysé
SiO2 56,69 55,99 53,32
B2O3 14,04 14,52 16,02
Na2O 13,74 13,58 13,34
Al2O3 5,77 5,77 9,32
Li2O 4,92 5,28 2,5
CaO 3,74 3,81 3,39
ZrO2 1,09 1,06 2,07
Une fois pesées et mélangées, les poudres d’oxydes sont portées à 1250 °C pendant
3 heures. Une partie du verre est coulée en creuset graphite afin d’obtenir des barreaux, l’autre
partie est coulée sur une plaque métallique. Le verre subit ensuite un recuit d’une heure à 530 °C
(température de transition vitreuse + 20 °C) dans le creuset graphite.
Après élaboration, le verre, coulé sur plaque, est broyé puis tamisé afin d’obtenir des plages
granulométriques définies (Tableau II-3). La poudre est lavée à l’acétone et subit un dernier lavage
dans un bac à ultrasons afin d’éliminer les fines particules avant d’être séchée à l’étuve à 50 °C. Les
barreaux de verre sont tronçonnés afin d’obtenir des monolithes de 4 mm d’épaisseur. Ils sont polis
puis lavés au bac à ultrasons dans l’acétone.
La poudre a été caractérisée par la méthode BET par adsorption de Kr pour obtenir la
surface spécifique des poudres de verre de chacune des plages granulométriques (Tableau II-3).
Les compositions chimiques des verres ont été analysées par fluorescence X suite à une fusion
alcaline, hormis pour le bore et le lithium, qui eux ont été analysés respectivement en spectromètre
à torche plasma et absorption atomique.
CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales
73
Tableau II-3. Surface spécifique déterminée par BET pour les différentes plages granulométriques des verres
CSD-B et VS.
Surface développée (cm2.g-1)
Plage granulométrique Verre CSD-B Verre VS
5 – 15 µm 5940 -
20 – 40 µm 1780 1585
40 – 80 µm 1025 1005
80 – 125 µm 520 517
II.2. Synthèse des solutions d’eaux cimentaires
Des protocoles spécifiques ont été mis en place afin de réaliser la synthèse des solutions
d’eaux cimentaires. Les solutions alcalines étant très sensibles à la carbonatation atmosphérique,
l’eau et la chaux ont été décarbonatées et l’ensemble du processus a été réalisé en boîte à gants sous
atmosphère d’azote, du début de la synthèse jusqu’à la fin des altérations. Tout au long de la
synthèse, les solutions sont agitées.
Le protocole de synthèse de la solution S2 consiste à ajouter la chaux décarbonatée à la solution en
température et à agiter l’ensemble durant 24 heures. Le pH est mesuré en température et un
prélèvement de solution est analysé par chromatographie ionique pour valider la concentration en
calcium. Si la composition expérimentale est proche de celle théorique, alors la solution est filtrée et
conservée en boîte à gants.
Dans le cas de la solution S1, la première partie du protocole est identique. Après validation de la
concentration en calcium, la potasse et la soude sont ajoutées à la solution, sous forme liquide pour
une meilleure précision des quantités mesurées par rapport aux pastilles solides. L’ensemble des
concentrations est validé par analyse de solution ainsi que le pH en température. La solution est
ensuite filtrée et conservée en boîte à gants.
II.3. Protocoles d’altération
Deux modes d’altération sont utilisés, en système fermé ou ouvert, permettant d’obtenir des
cinétiques correspondant à des régimes d’altération spécifiques.
II.3.1. Mode dynamique
Ce mode permet d’obtenir des vitesses initiales d’altération en système ouvert2. Le lixiviat
ne restant pas en contact avec le verre, la saturation vis-à-vis de la silice n’est pas atteinte
moyennant un paramétrage adapté. Ce « test colonne » permet d’altérer les poudres en contrôlant
2 On parlera de milieu ouvert lorsqu’il y a renouvellement de la solution altérante et respectivement de milieu fermé
lorsqu’il n’y a pas de renouvellement de solution.
CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales
74
plusieurs paramètres : le débit, la composition et le pH de la solution. La Figure II-1 représente un
schéma de principe du montage. L’échantillon à altérer se trouve sous forme de poudre maintenue
dans une cellule (réacteur ou colonne) de 4 mm de diamètre et 5 cm de longueur, soumise à un flux
ascendant de solution altérante. Une pompe péristaltique assure le renouvellement de la solution
altérante dans la cellule. Son débit de l’ordre de quelques millilitres par minute est suffisamment
important pour éviter toute rétroaction des éléments en solution sur la vitesse de dissolution du
verre. La granulométrie de la poudre de verre se situe dans la fraction 80 - 125 µm. Le réacteur est
placé dans une étuve à 30°C ou 50°C, la mesure de température se faisant à l’entrée de la colonne.
Le lixiviat est prélevé en sortie de colonne et ensuite analysé par colorimétrie.
L’altération est ici contrôlée par la surface de verre et par le débit de la solution altérante. La vitesse
d’altération est alors calculée selon l’équation suivante :
Sx
QCV
i ⋅⋅=
Q : débit de la solution altérante (m3.j-1),
S : surface de verre (m²),
xi : fraction massique de l’élément i dans le verre,
C : concentration en élément i (g.m-3).
Figure II-1. Schéma de principe d’un test colonne.
II.3.2. Mode statique
Le mode statique permet d’étudier l’ensemble des régimes d’altération. Un paramètre-clé
de l’expérience est le rapport S/V qui va permettre d’atteindre des progrès de réaction différents.
Tout comme en mode dynamique, la température, la composition et le pH de la solution sont des
paramètres importants.
Pour mesurer des vitesses en régime initial, le rapport S/V doit être très faible pour
maintenir des conditions éloignées de la saturation en silice. Les solutions sont fortement agitées
pour homogénéiser la solution. Les tests sont réalisés sur une durée pouvant varier de sept heures
à plusieurs jours suivant les conditions d’altération. Les chutes de vitesse, les vitesses résiduelles et
éventuellement les reprises d’altération seront, elles, mesurées à fort rapport S/V : dans ces
CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales
75
conditions, la solution est rapidement saturée vis-à-vis des principaux produits d’altération. Les
échéances de prélèvement sont alors effectuées en fonction du régime étudié.
Les tests sont réalisés dans des réacteurs en téflon Savillex® (PolyTétraFluoroEthylène) en
boîte à gants. La mesure du pH est réalisée à l’aide d’un pH-mètre Metrohm® équipé d’une
électrode ROSS 813 RC, les solutions tampons utilisées sont à pH 9,81 et 12,00 à 25 °C. Les
prélèvements de solution sont effectués à différentes échéances et le lixiviat est directement filtré
avec un filtre-seringue GHP 0,45 µm avant sa sortie à l’air ambiant.
Nous préciserons au début de chaque chapitre le protocole d’altération utilisé ainsi que les
caractéristiques des essais.
III. Expression des résultats
Les cinétiques obtenues sont issues des analyses de solutions. La concentration en éléments
est obtenue soit par colorimétrie, spectrométrie par torche plasma (ICP) ou encore
chromatographie ionique. Après avoir corrigée cette valeur du facteur de dilution, les pertes de
masse normalisées NLi (g.m-2) sont calculées de la manière suivante :
i
ii
xV
SC
NL⋅
=
où Ci (g.m-3), S/V (m-1) et xi (gramme de i par gramme de verre) sont respectivement la
concentration en solution de l’élément i, le rapport de la surface de verre sur le volume de la
solution en contact et la fraction massique de l’élément i dans le verre.
De la perte de masse normalisée, peut être déduite la vitesse d’altération Vi (g.m-2.j-1) en fonction de
l’élément i :
dt
NLdV i
i
)(=
Au cours d’une lixiviation, il apparaît que les paramètres intervenant dans la formule des
pertes de masse normalisées NLi (g.m-2) varient au cours de la réaction. Le volume de solution
évolue compte-tenu des prélèvements et de l’évaporation. De même, la surface réactive du verre en
contact avec la solution s’amenuise avec le progrès de la réaction. Le calcul des pertes de masse
normalisées s’effectue donc de façon itérative ce qui permet de tenir compte des variations de ces
paramètres :
it
tititiititi
xV
S
CCNLNLNLNL
⋅
−+=∆+= −
−−1
11
)()()()()()(
CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales
76
On peut également calculer l’épaisseur équivalente de verre altéré EEi (m-1) de l’élément i
s’il est un traceur de l’altération, en fonction des pertes de masse normalisées NLi et de la masse
volumique du verre ρρρρ (g.m-3) pour une géométrie ne présentant pas de variation de surface au
cours du temps (plaque de verre infinie) :
ρi
i
NLEE =
La prise en compte de la variation du volume de solution et de la correction de la surface
est nécessaire surtout pour des tests statiques menés au long terme. Ces variations sont calculées à
partir du modèle du cœur rétrécissant [4]. Les grains de verre sont assimilés à des sphères de rayon
moyen correspondant à la moyenne géométrique de la plage granulométrique de la poudre
considérée. La surface active pour chaque échéance est alors calculée en considérant le pourcentage
d’altération du verre.
Il est possible de déterminer la fraction de verre altérée qui est le rapport entre la masse
d’élément i (traceur de l’altération) passée en solution et la masse de l’élément i présent
initialement dans le verre. La fraction de verre altéré fVAi par élément est obtenue à partir de la
concentration en élément Ci, du volume de solution V, de la masse initiale de verre m0, de la
fraction massique de l’élément xi :
iverre
iVAi
xm
VCf
⋅⋅
=0
Calculée à partir d’un élément traceur de l’altération, cette fraction fVAi peut être interprétée comme
le degré d’altération du verre.
Le calcul de la fraction de verre altéré peut-être amélioré en prenant en considération la variation
de volume aux temps t et t-1 :
[ ]iverre
ttititVAitVAi
xm
VCCff
⋅⋅−
+= −− 0
11
)()()()(
Remarquons que le calcul effectué à partir de la fraction de verre altéré fVAi par élément et
du rayon initial r0 (m) de la poudre de verre permet de déterminer l’épaisseur altérée EEi en tenant
compte de la géométrie sphérique des grains :
03/1 ))1(1( rfEE VAii −−=
Les pertes de masse normalisées peuvent s’exprimer également en fonction de la fraction de
verre altéré fVAi et de la surface spécifique Sspé (m2.g-1) de la poudre de verre considérée :
CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales
77
spe
VAi
ispeverre
ii S
f
xSm
VCNL =
⋅⋅⋅
=0
Un dernier paramètre que nous utiliserons est le facteur de rétention FRi qui permet de
mettre en évidence la rétention d’un élément du verre par rapport au traceur de l’altération qui, lui,
n’est pas retenu dans les phases secondaires :
traceur
ii NL
NLFR −= 1
IV. Calculs d’incertitude
IV.1. Préambule
Travailler sur l’incertitude des résultats de mesure s’est avéré être une nécessité. D’une part
un résultat de mesure se doit d’être encadré et d’autre part, les résultats de mesure étant intégrés à
des modèles de comportement à long terme, il est nécessaire de maîtriser l’incertitude.
La définition du terme d’incertitude est : « Un paramètre associé au résultat d’une mesure, qui
caractérise la dispersion des valeurs et pourrait être raisonnablement attribué au mesurande »3.
L’incertitude d’une mesure n’implique pas un doute affectant la validité de la mesure ; au
contraire, la connaissance de l’incertitude implique une confiance accrue dans la validité du
résultat de la mesure. Il s’agit donc de l’évaluer le plus exactement possible, ce que nous nous
proposons de faire ici.
La démarche suivie consiste à estimer l’incertitude des résultats de mesure par la méthode
dite de « loi de propagation des incertitudes ». En réalité, deux méthodes existent mais leur
approche est sensiblement différente. La méthode la plus directe, mais qui peut s’avérer très
fastidieuse, consiste à répéter un certain nombre de fois une expérience définie dans des conditions
strictement identiques. Pour réduire le facteur d’élargissement et ainsi obtenir de meilleures
statistiques, il est nécessaire de répéter l’expérience environ vingt fois dans le cas où la grandeur
suit une loi normale. Cette approche était inenvisageable dans le cadre d’une thèse : la seconde
méthode a donc été utilisée. Cette approche est basée sur une hypothèse forte qui dit que les
grandeurs xi, permettant de déterminer la grandeur y, décrivent une statistique gaussienne autour
d’une valeur moyenne (loi normale), pour laquelle on détermine un écart-type.
Nous détaillerons dans un premier temps le processus à suivre pour estimer l’incertitude
sur les points de mesure (perte de masse normalisée, NL) et dans un second temps le principe de la
régression linéaire et l’estimation de l’incertitude sur la vitesse d’altération. Seuls des résultats clés
de cette étude sont présentés, les calculs ainsi que les résultats sont développés en annexe C. Nous
3 International Vocabulary of Basic and General terms in Metrology. ISO, Geneva, (1993). (ISBN 92-67-10175-1)
CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales
78
demanderons donc au lecteur de s’y référer pour éclairer les résultats importants donnés par la
suite.
Avant de présenter la partie théorique des calculs d’incertitude, il semble important de
souligner un point particulier. Cette première observation n’est pas intuitive a priori : l’incertitude
sur la pente du modèle de régression linéaire (incertitude sur V0) est indépendante de l’incertitude
sur chacun des points de mesure (pertes de masse normalisées), sauf dans le cas de modèles plus
complexes de régression linéaire (appelée régression pondérée), rarement utilisés en pratique.
Cette méthode consiste à affecter un poids à un écart-type : cela signifie qu’un point bien connu
(faible écart-type) aura plus de poids dans le modèle de régression, ou bien que la droite de
régression se rapprochera plus des points dont les écart-types sont petits (bien connus). Ainsi les
écart-types calculés sur chacun des points pondèrent la régression.
L’estimation de l’incertitude sur les points de mesure permettra de rendre compte du poids
de chacune des variables de base intervenant dans le calcul de l’incertitude du résultat et ainsi
d’offrir la possibilité de diminuer une incertitude jugée trop importante en modifiant par exemple
le protocole expérimental ou la méthode d’analyse et ainsi d’améliorer la méthode de la mesure.
Quant à l’estimation de l’incertitude sur le modèle utilisé pour déterminer les coefficients de
régression, elle permettra de juger de la pertinence du modèle et de sa fiabilité.
IV.2. Processus de l’estimation de l’incertitude de la mesure
Quatre étapes constituent le processus de l’estimation de l’incertitude associée à un résultat
de mesure :
- spécification du mesurande,
- identification des sources d’incertitude,
- quantification des composantes de l’incertitude, c’est-à-dire de chacune des contributions à
l’incertitude prise séparément,
- réalisation du calcul de l’incertitude type composée uc(y).
La procédure utilisée pour estimer l’incertitude globale dépend des données disponibles. Il s’agit
de concilier les exigences en matière d’information avec les données disponibles, ce qui a constitué
une des étapes les plus délicates du processus.
L’identification des sources d’incertitudes consiste à évaluer les paramètres xi affectant la grandeur
y. Dans notre cas, un certain nombre de variables ont été identifiées, celles supposées avoir un effet
non négligeable sur la grandeur y.
La relation générale entre l’incertitude-type composée uc(y(x1,x2…xn)) d’une valeur y et l’incertitude
des paramètres x1, x2, xn dont elle dépend est :
∑∑≠==
⋅
∂∂⋅
∂∂+⋅
∂∂=
kinki
kikini
ii
c xxux
y
x
yxu
x
yxxyu
,1,,1
2
2
21 ),()(,...)),((
CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales
79
Où u(x1,xk) est la covariance entre xi et xk et ∂y/∂xi, la dérivée partielle de y par rapport à xi, est le
coefficient de sensibilité.
Dans le cas où les paramètres x1, x2, xn sont indépendants, la covariance est nulle et le second terme
disparaît :
∑=
⋅
∂∂=
nii
ic xu
x
yxxyu
,1
2
2
21 )(,...)),((
Le calcul de l’incertitude-type composée peut être simplifié car les différentielles partielles peuvent
être arrondies selon :
)(
)())((
i
iii
xu
xyxuxy
x
y −+≈∂∂
Pour des cas complexes, une méthode numérique, suggérée par Kragten [6], est utilisée. Elle
permet de calculer l’incertitude-type composée à partir de la formule de calcul utilisée pour
déduire le résultat final, des valeurs numériques ainsi que de leurs incertitudes-types. La méthode
du tableur et sa construction sont détaillées dans le guide EURACHEM [7].
IV.3. Estimation de l’incertitude sur la perte de masse normalisée
La démarche explicitée précédemment a été appliquée sur l’ensemble des tests réalisés, afin
de comparer l’effet des variables de bases et de leur paramétrage. Un cas détaillé est présenté en
annexe B, il suit le processus de l’estimation de l’incertitude pour des pertes de masse normalisées
sur un test statique en vitesse initiale (verre CSD-B altéré en solution S1 à 30 °C).
Concernant la part de variance de chacune des variables, il a été montré que 3 variables
principales sur 22 ont un poids important dans le calcul d’estimation d’incertitude sur la perte de
masse normalisée, à savoir, la surface spécifique BET, le pourcentage massique d’oxyde et la
concentration en l’élément considéré. La part de variance pour chacune de ces trois variables est
fonction de l’élément considéré. En régime de vitesse initiale, une quatrième variable doit être prise
en compte, celle de la concentration dans le blanc de l’élément considéré, car les concentrations
analysées sont très faibles dans ce régime d’altération, son poids n’est alors plus négligeable.
Concernant l’estimation de l’incertitude sur la perte de masse normalisée, les résultats
montrent que la concentration en élément considéré est un paramètre clé. En régime de chute de
vitesse, si on considère que l’incertitude sur la concentration dépend de la concentration pour
chaque élément (incertitude par gamme de concentration), on peut conclure que quel que soit le
test, l’incertitude relative sur les pertes de masse normalisées est constante pour l’élément
considéré.
CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales
80
IV.4. Principe de la régression linéaire simple
On recherche des estimateurs de α0 et α1 qui minimisent la somme des carrés des distances
entre les points observés et les points sur la droite, comptés parallèle à (Oy). Les coefficients de
régression a0 et a1 étant les estimateurs de α0 et α1.
XaaY ⋅+= 10
ii xaay ⋅+= 10ˆ
iy : ordonnée du point sur la droite qui a pour abscisse xi ou encore yi estimé
iiiii xaayyye ⋅−−=−= 10ˆ
ei : le résidu au point i, il représente l’écart au modèle (Figure IV-1)
Figure IV-1. Schéma de principe illustrant la notion de résidu.
On cherche alors a0 et a1 tels que :
∑=
n
iie
1
2 soit minimum
La solution du problème des moindres carrés est donnée par les deux relations ci-dessous :
)(
),(1
10
XVar
YXCova
xaya
=
−=
Avec ∑=
−−=
n
i
ii
n
yyxxYXCov
1
))((),( et ∑
=
−=
n
i
i
n
xxXVar
1
2)()(
CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales
81
Les paramètres de la régression et les écart-types sur ces paramètres peuvent être estimés
par calcul. Deux tests, appelés test intrinsèque et test extrinsèque, permettent par la suite de valider
le modèle utilisé à partir du test de Fisher.
Comme précisé dans le préambule, l’estimation de l’incertitude sur chacun des points de
mesure est indépendante de celle sur le modèle de régression linéaire utilisé pour déterminer les
coefficients de régression a0 et a1 (a0 : ordonnée à l’origine, a1 : pente). En effet, les écart-types sur
chacun des points de mesure n’interviennent pas dans les estimations des paramètres du modèle
de régression linéaire d’après les formules ci-dessous :
∑=
=
n
xasas
XnVar
sas
i
r
2
10
1
)()(
)()(
Avec 2
1
2
−=∑
=
n
e
s
n
ii
r , l’écart-type résiduel.
L’incertitude sur l’estimation d’une prévision est donnée par la formule suivante qui est
représentée par deux hyperboles encadrant les résultats. L’écart-type sera minimum en x .
2
1
20
0
)(
)(11)ˆ(
∑=
−
−++=
n
ii
r
xx
xx
nsys
IV.5. Incertitude sur la vitesse initiale d’altération
L’estimation de l’incertitude sur la vitesse initiale d’altération est obtenue pour le même
essai : test statique avec le verre CSD-B altéré en solution S1 à 30°C. Le logiciel Lumière 5.49 est
utilisé pour réaliser ces calculs. En annexe B figure une image du tableur avec les résultats de cette
simulation. La Figure IV-2 est une image du graphique obtenu avec le logiciel Lumière. Les pertes
de masse normalisées en silicium sont représentées en fonction du temps, en haut à gauche sont
affichées les valeurs estimées par le modèle des coefficients a0 et a1. Sur cette image figurent
également la droite de régression linéaire (en bleu) ainsi que les hyperboles correspondantes à un
intervalle de confiance à 95 % (en rouge).
D’après les résultats obtenus (annexe B), nous pouvons dire que le risque sur a1 est
quasiment nul (0,07 %) et que celui sur a0 est plus élevé (13,51 %). Le risque sur l’hypothèse H1 (i.e.
de dire que a0 ≠ 0) pour a0 est supérieur à 5 %, ce qui signifie que a0 n’est pas significativement
différent de 0. La pente obtenue dans le cas de la régression sans constante est de 0,0317 ±
CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales
82
0,0091 g.m-2.j-1 avec un niveau de confiance à 95 % (0,0317 g.m-2.j-1 ± 27 %). Dans ce cas, le modèle de
régression linéaire passant par l’origine est un modèle adapté à notre essai.
(a) (b)
Figure IV-2. Images du graphique, obtenu par le logiciel Lumière, de la régression linéaire des NLSi en
fonction du temps (a) régression avec constante, (b) régression sans constante. Les points bleus sont les
points de mesure, la droite bleue correspond à la régression linéaire et les courbes rouges sont les hyperboles
de confiance à 95 %.
Pour l’ensemble des vitesses initiales, il a été choisi de pondérer les régressions linéaires par
les incertitudes sur les pertes de masse normalisées en chacun des points puisque nous disposons
de ces données, i. e. des incertitudes en chacun des points. Comme précisé dans le préambule, cette
méthode consiste à affecter un poids d’autant plus grand que son écart-type est petit (i. e. un poids
d’autant plus grand que le point est « bien connu », avec une grande précision). Les coefficients de
la régression a0 et a1 dépendent donc, dans ce cas, des incertitudes sur les pertes de masse
normalisées (Figure IV-3). La pente obtenue dans le cas de la régression pondérée sans constante
est de 0,0323 ± 0,0051 g.m-2.j-1 avec un niveau de confiance à 95 % (0,0323 g.m-2.j-1 ± 16 %).
Figure IV-3. Image du graphique, obtenu par le logiciel Lumière, de la régression linéaire des NLSi en
fonction du temps régression pondérée par les écart-types sans constante. Les points bleus sont les points de
mesure, la droite bleue correspond à la régression linéaire et les courbes rouges sont les hyperboles de
confiance à 95 %.
CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales
83
IV.6. Conclusions
Rappelons tout d’abord que l’incertitude sur le modèle de régression linéaire (vitesse) est
indépendante de celle de chacun des points de mesure (NL). En d’autres termes, l’incertitude sur
la vitesse dépend de celles sur la perte de masse normalisée si et seulement si la régression linéaire
est pondérée par les incertitudes sur les pertes de masse normalisées.
L’étude réalisée sur l’estimation de l’incertitude sur la perte de masse normalisée ainsi que
celle associée à une pente (vitesse) a permis de montrer que, quel que soit l’élément considéré,
l’incertitude sur la perte de masse normalisée dépend principalement de trois variables (surface
BET, pourcentage massique d’oxyde et concentration en l’élément considéré). La part de variance
associée à chacune de ces variables est cependant dépendante de l’élément.
La forte incertitude relative pour des faibles valeurs de NL est due aux importantes
incertitudes aux faibles concentrations. La Figure IV-4 montre que l’incertitude sur la perte de
masse normalisée dépend fortement, aux faibles valeurs de NL, de l’incertitude sur la
concentration de l’élément considéré. La diminution de l’incertitude relative sur la perte de masse
normalisée permet par la suite, lors de régression linéaire pondérée, de donner plus de poids à
certains points et ainsi d’obtenir une meilleure estimation de la vitesse.
0
10
20
30
40
0,00 0,10 0,20 0,30 0,40 0,50 0,60 0,70 0,80
NL(Si) (g/m²)
Ince
rtitu
de r
elat
ive
(%)
1cm-11cm-1 bis0,5cm-10,25cm-1
0
20
40
60
80
100
0,00 0,10 0,20 0,30 0,40 0,50 0,60 0,70 0,80
NL(Si) (g/m²)
Par
t de
varia
nce
(C(S
i)) (
%)
1cm-11cm-1 bis0,5cm-10,25cm-1
Figure IV-4. (a) Evolution de l’incertitude relative en fonction des pertes de masse normalisées du silicium à
différents rapports S/V (a) Evolution de la part de variance de la concentration en silicium en fonction des
pertes de masse normalisées du silicium à différents rapports S/V.
Au cours d’une expérience d’altération, l’incertitude relative sur la perte de masse
normalisée diminue exponentiellement pour atteindre une valeur seuil, obtenue à partir d’une
certaine valeur de NL (Figure IV-5). La valeur à l’asymptote est fonction de l’élément (pour Si,
incertitude relative (IR) ≥ 10 % et pour B, IR ≥ 17 % environ) et plus précisément de l’incertitude sur
le pourcentage massique de l’oxyde associé (celui-ci est de 2 % et 14 % pour le silicium et le bore
respectivement). Un des objectifs des calculs d’incertitudes est de montrer quelles sont les variables
ayant un poids important dans l’incertitude de la grandeur étudiée et si possible de réduire cette
proportion. Dans notre cas d’étude, il s’avère qu’une solution pour diminuer cette incertitude est
d’améliorer la méthode de détermination de la teneur en oxyde dans le verre. Pour une incertitude
de 5 % au lieu de 10 % actuellement sur la surface BET, la valeur à l’asymptote de l’incertitude
a b
CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales
84
relative sur le silicium serait de 5,3 % (au lieu de 10 % environ). Dans le cas où l’incertitude sur la
teneur en oxyde de bore serait de 5 %, au lieu de 15 % actuellement, l’incertitude relative sur le
bore serait de 12 % environ au lieu de 17 %.
0
10
20
30
40
0,00 0,20 0,40 0,60 0,80 1,00 1,20
NL (g/m²)
Ince
rtitu
de r
elat
ive
(%)
C13-50 CS1-50
CS1-50bis CS2-50
C13-50 CS1-50
CS1-50bis C12-30
Si
B
Figure IV-5. Evolution de l’incertitude relative en fonction des pertes de masse normalisées du bore et du
silicium pour des tests statiques en régime de vitesse initiale.
Comme nous le verrons dans les chapitres de résultats, l’incertitude sur les mesures semble
faible pour des expériences censées être reproductibles, c’est le cas de certaines vitesses initiales. Il
est probable que des biais modifient sensiblement la valeur des vitesses et que les incertitudes
calculées soient faibles. Plusieurs explications à ces observations sont possibles, notamment deux
facteurs :
- l’influence des fines de broyage. Si, lors du prélèvement de la poudre, celle-ci est ségrégée,
alors la surface spécifique considérée n’est plus valable,
- le phénomène de nucléation. Ce phénomène est fonction de nombreux paramètres, entre
autre des impuretés en solution. D’une expérience à l’autre, suivant le déroulement de la filtration
des solutions, des fines de broyage ou encore du nettoyage du réacteur, ce paramètre peut
sensiblement varier.
Ainsi la première méthode décrite au préambule consistant à répéter un certain nombre de fois
l’expérience pourrait prendre en compte ces biais et d’éventuels paramètres liés aux phénomènes
non encore étudiés. Confronter les incertitudes obtenues par la loi de propagation des incertitudes
et celles obtenues par approche statistique d’expériences répétées permettrait de mettre en lumière
le poids des biais et des variables majoritaires.
V. Traitement des données avec le code géochimique JCHESS
L’approche par modélisation thermodynamique des données permet de confirmer les
résultats obtenus, d’interpréter les expériences mais également de pouvoir mettre en avant
d’éventuels phénomènes qui n’avaient pas été pris en compte.
CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales
85
Développé par l’Ecole Nationale Supérieure des Mines de Paris [8], CHESS (CHemical
Equilibrium with Species and Surfaces) est un code de spéciation géochimique, JCHESS est son
interface graphique. Ce code permet de modéliser des systèmes aqueux complexes en calculant la
spéciation des espèces en solution et les indices de saturation des minéraux. Il repose sur le
principe des composantes principales qui permet de former à partir d’un nombre minimum
d’espèces de base toutes les autres espèces de la solution. Le calcul de spéciation est basé sur
différentes lois comme l’équation de conservation de la matière, la loi d’action de masse ou la loi de
Van’t Hoff.
Ses multiples fonctionnalités (spéciation, précipitation et dissolution des phases)
permettent, par exemple, de recalculer le pH d’une solution en supposant une balance ionique
entre les cations et les ions OH- et par comparaison avec le pH expérimental, de valider les
analyses. Si des écarts importants sont observés, il est nécessaire de s’interroger sur des erreurs
d’analyse, d’espèces non prises en compte ou encore de la présence de carbonates. Une deuxième
application est celle de la détermination de l’indice de saturation de phases susceptibles de
précipiter dans le système. La précipitation des phases minérales est donc interdite et on obtient les
indices de saturation définis par la relation suivante :
=K
QIS log
avec Q le produit des activités ioniques et K la constante de solubilité de la phase.
Lorsque IS < 0, la solution est sous-saturée par rapport au minéral, il y a alors dissolution du
minéral ; à l’inverse, si IS > 0, la solution est sursaturée par rapport au minéral, il peut précipiter
d’un point de vue thermodynamique. Il convient ensuite de prendre en compte l’aspect cinétique
de la précipitation. L’utilisation de ce code reste limitée car la plupart des expériences ont été
réalisées à 50 °C et les constantes d’équilibre sont renseignées à 25 °C pour les phases cimentaires.
VI. Techniques d’analyse et de caractérisation
L’étude expérimentale de l’altération de verre en solution aqueuse résulte d’un suivi
régulier et d’une analyse à la fois de la solution et des solides en présence. A un instant t, la
solution lixiviante reflète, par le passage des éléments constitutifs du verre en solution, un état
d’altération du verre. La caractérisation des couches d’altération et des phases secondaires permet
de conforter les analyses de solution et d’apporter des informations complémentaires sur les
phases (composition, morphologie…).
VI.1. Analyse de solution
Trois techniques d’analyse de solution ont été utilisées au cours de cette étude, d’une part,
en fonction des quantités de solution disponibles et des limites de quantification imposées par la
technique et d’autre part, afin de répondre aux exigences de délais. La colorimétrie permet de
doser un élément à la fois, principalement le bore et le silicium, dans la journée. Suivant le type de
CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales
86
colonne utilisée, la chromatographie ionique permet quant à elle d’analyser plusieurs éléments
simultanément, à savoir les alcalins et les alcalino-terreux pour une colonne cations et les anions
(Cl-, SO42-, NO3-…) pour une colonne anions. Suivant la disponibilité de l’appareil, les résultats
peuvent également être obtenus dans la journée. L’ICP-AES (Inductively coupled Plasma - Atomic
Emission Spectroscopy) est quant à elle une méthode d’analyse multi-élémentaire qui nécessite des
délais beaucoup plus importants, de l’ordre du mois. Nous rappellerons succinctement les
principes de ces techniques ainsi que le protocole d’analyse.
VI.1.1. Colorimétrie
Cette technique est basée sur le dosage d’un complexe coloré, formé entre un réactif
spécifique et l’élément à doser. En se plaçant à la longueur d’onde d’absorbance maximale du
complexe, la concentration peut-être déterminée grâce à la loi de Beer-Lambert :
ClA ⋅⋅= ε
Avec A l’absorbance, ε le coefficient d’extinction molaire (L.mol-1.cm-1), l la longueur de la cuve
(cm) et C la concentration de l’élément à doser (mol.L-1).
Le spectromètre utilisé est le modèle Cary 50 UV-Vis Varian®. Cette technique est employée pour
doser le silicium et le bore lors de tests statiques à faibles rapports S/V autrement dit, pour
déterminer des vitesses initiales. Les solutions lixiviantes étant très chargées en ions et à des pH
supérieurs à la gamme indiquée, un protocole d’analyse spécifique a été mis en place. Le pH est
notamment ajusté pour être ramené dans la gamme attendue. Dans certains cas, notamment dans
des solutions fortement chargées en K et Ca, un effet de matrice est observé. Cet effet est mis en
évidence par les différences de concentrations obtenues par étalonnage dans l’eau et dans la
solution d’altération. Lorsqu’il existe un effet de matrice, l’étalonnage est systématiquement réalisé
dans la solution d’altération. Notons qu’un étalonnage est nécessaire à chaque analyse car
l’absorbance est très sensible aux variations de température. Dans la gamme utilisée
(0,01 – 5 mg.L-1), le complexe silico-molybdique jaune est réduit en bleu de silicomolybdène. La
longueur d’onde d’analyse est à 820 nm. Les incertitudes sont inférieures à 5 % pour la gamme
1 - 4 mg.L-1 et de l’ordre de 15 % pour la gamme 0,1 - 1 mg.L-1.
VI.1.2. Chromatographie ionique
La chromatographie ionique est une méthode de dosage des espèces ioniques. Elle repose
sur la séparation de composés électriquement chargés entraînés par un liquide (phase mobile) à
travers une résine échangeuse d’ions (phase stationnaire) placée dans une colonne. Cette résine
présente à sa surface des groupes fonctionnels permettant la rétention des espèces dont on désire
obtenir la séparation. La colonne pour doser les cations est la plus utilisée dans cette étude. La
limite de quantification des principaux éléments dosés est répertoriée dans le Tableau VI-1. Pour
l’ensemble des éléments, l’incertitude est d’environ 2 à 3 % pour une gamme de 0,1 à 10 ppm.
CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales
87
Tableau VI-1. Limites de quantifications des cations et anions dosés en chromatographie ionique.
Elément Li Na K Cs Mg Ca Sr Ba Cl- NO3- SO42-
Concentration
(µg.L-1) 2 1 2 50 5 1 50 100 10 5 10
VI.1.3. ICP-AES
L’ICP-AES est une méthode d’analyse multi-élémentaire de type spectrométrie d’émission
avec excitation par un plasma. Le principe de la mesure repose sur l’ionisation de l’échantillon au
contact d’un plasma d’argon. L’analyse se fait ensuite par des photomultiplicateurs disposés en arc
de cercle de façon à balayer une large gamme spectrale. L’incertitude sur la concentration est
fonction de la valeur de celle-ci (elle est de 20 % pour une concentration inférieure à 0,2 ppm, de
10 % entre 0,2 et 1 ppm, de 5 % entre 1 et 5 ppm et enfin de 3% au-delà de 5 ppm). Les analyses ont
été réalisées par le Service central d’analyse du CNRS à Solaize.
VI.2. Caractérisation du solide
Les deux premiers outils étant communément utilisés dans le domaine de la caractérisation
du solide, seul un bref rappel de la technique sera donné. En revanche, les deux dernières
techniques, moins utilisées, méritent d’être détaillées.
VI.2.1. Microscopie Electronique à Balayage
La Microscopie Electronique à Balayage (MEB) permet de rendre compte de l’état de
surface du verre altéré (texture) et des phases secondaires (morphologie) en observation directe.
Couplé à la spectroscopie en énergie dispersive (EDS), le MEB permet également d’obtenir une
microanalyse chimique du matériau. La réalisation de sections polies offre entre autres la
possibilité d’obtenir des informations semi-quantitatives sur la composition chimique des couches
et phases et d’évaluer des épaisseurs de couches d’altération. Deux MEB ont été utilisés au cours
de cette étude, un MEB JEOL JSM-6330F principalement pour les observations directes et un MEB
ZEISS Supra 55 pour réaliser des cartographies sur sections polies et caractériser des objets de taille
inférieure à quelques microns. La poire d’excitation, fonction de la porosité du matériau sondé, est
de l’ordre de 1 µm3. En ce qui concerne la préparation des échantillons, ceux-ci doivent être
conducteurs afin d’évacuer la quantité importante d’électrons venant frapper la surface de
l’échantillon et nécessite donc d’être métallisés, généralement au platine.
VI.2.2. Diffraction des Rayons X
Les poudres de verre altérées ont été analysées par DRX à l’aide du diffractomètre X’Pert de
Philips®, qui utilise la raie Kα1 du cuivre (λ = 1,5418 Å). Les paramètres d’analyse sont de 40 kV et
40 mA. La plage angulaire balayée est comprise entre 5° et 80°. Le temps total d’acquisition varie
CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales
88
suivant l’estimation de la quantité de phases secondaires observée au MEB, il peut aller de 2 à 8
heures. Les diffractogrammes sont exploités à l’aide du logiciel EVA et de la base de données JCP2.
VI.2.3. Spectroscopie des photo-électrons X
La spectroscopie XPS (X-Ray Photoelectron Spectroscopy) ou ESCA (Electron Spectroscopy
for Chemical Analysis) est une méthode d’analyse de l’extrême surface du solide. Elle permet
d’obtenir à la fois la composition chimique d'une surface d'un matériau (sur une profondeur de
10 nm environ) et des informations sur la nature chimique des éléments. L'intérêt de la technique
résulte de la variation des énergies de liaison des atomes photo-ionisés en fonction de leurs
environnements chimiques. Applicable à tous les solides, notamment aux isolants, la méthode
permet l’analyse des tous les éléments à l’exception de l’hydrogène et de l’hélium.
Comparativement au SIMS ou à la spectroscopie Auger, l’XPS est une méthode causant peu de
dégâts d’irradiation et ne présentant pas d’artefacts majeurs. La méthode n’est pas absolue en
général, mais relative par rapport à un élément pris comme étalon interne, elle mesure les rapports
stœchiométriques en pourcentage atomique. Dans ce cas, elle est quantitative avec une répétabilité
de 3 % et une justesse de l’ordre de 20 à 30 %.
La spectroscopie XPS est basée sur la mesure de l’énergie cinétique des photoélectrons
éjectés de l’échantillon sous l’impact de rayons X. Peu de résultats proviennent de cette technique
dans ce manuscrit, c’est pourquoi le principe de la méthode ainsi que les spécificités liées à la
caractérisation de monolithes de verre sont détaillés en annexe D. Les caractérisations ont été
réalisées au Service de Physique et Chimie des Surfaces et Interfaces (SPCSI) du CEA Saclay.
VI.2.4. Time Of Flight – Secondary Ion Mass Spectroscopy
Le ToF-SIMS (Time of Flight - Secondary Ions Mass Spectroscopy) est une technique
d’analyse chimique de surface. La Figure VI-1 illustre le principe de l’appareil. Un faisceau d’ions
primaires va bombarder la surface de l’échantillon et interagir avec les éléments présents dans les
premières couches nanométriques. Cet effet induit l’émission de rayonnements et de particules de
différentes natures (photons, électrons secondaires, ions, atomes). Les ions positifs secondaires
vont être collectés et analysés en fonction du temps de parcours dans l’analyseur.
Le ToF-SIMS présente une très bonne résolution en masse qui permet de différencier les
différents isotopes d’un même élément et d’analyser l’ensemble des éléments de l’échantillon. Le
SIMS utilisé en mode statique permet, grâce à la faible intensité des ions primaires (Ip < 1 nA.cm-2),
de consommer une fraction de la première couche atomique au cours de l’analyse. Dans le cas de
profils en profondeur, un premier faisceau d’ions primaires Bi+ bombarde la surface de
l’échantillon sur une aire de 100 x 100 µm². Une fois les ions secondaires positifs analysés, un
second faisceau d’ions primaires O2+ vient abraser la surface de l’échantillon sur 350 x 350 µm².
Cette succession de cycles d’analyse / abrasion dure jusqu’à l’atteinte d’une profondeur visée.
Dans le cas d’analyse de pellicules d’altération de verre, il est nécessaire de prendre
quelques précautions. Le premier point est, dans le cas de matériaux isolants, l’accumulation de
CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales
89
charges en surface perturbant l’émission et l’extraction des ions secondaires. Un faisceau
d’électrons à faible énergie (~20 eV) est donc utilisé pour compenser les charges positives en
surface et permettre de neutraliser la surface.
Figure VI-1. Schéma de principe du ToF-SIMS (Biophy Research).
Un deuxième point concerne la profondeur réellement sondée durant l’analyse. Connaissant le
temps d’abrasion et la profondeur du cratère, mesurée par profilométrie, une vitesse d’abrasion
moyenne peut être estimée. Cependant dans le cas d’analyses de couches de densités différentes,
l’épaisseur de la pellicule d’altération est bien souvent faussée. Les pellicules d’altération obtenues
dans des milieux fortement dilués seront probablement moins denses que le verre, la vitesse réelle
d’abrasion est donc plus grande. Cet artefact est atténué dans des conditions d’altération proche de
la saturation.
Un troisième point est lié à la rugosité de la surface analysée. Si la surface présente une rugosité
non négligeable par rapport à l’épaisseur de la couche analysée, le signal obtenu sera un mélange
de différentes couches au niveau d’une interface. Le signal obtenu sera alors lissé et ne représentera
pas le profil réel des éléments en fonction de la profondeur.
Un dernier point concerne l’interprétation des données. Les intensités ne sont pas absolues et elles
sont généralement utilisées de façon qualitative. En effet, de faibles variations au sein de la matrice
sont susceptibles d’induire d’importantes modifications sur le pouvoir ionisant de l’élément
considéré et donc de faire varier l’intensité de l’élément analysé. Les analyses quantitatives des
pellicules d’altération restent difficilement accessibles par cette méthode de caractérisation mais les
profils chimiques en profondeur sont précieux lorsqu’ils sont couplés aux analyses chimiques en
solution pour interpréter l’ensemble des données.
Les analyses ont été réalisées à Biophy Research à Fuveau sur l’appareil TOF5 d’ION TOF.
Au cours des prochains chapitres, nous étudions l’altération des verres CDS-B et VS à
travers, successivement, les régimes de vitesse initiale (chapitre IV), chute de vitesse (chapitre V) et
reprise d’altération (chapitre VI).
CHAPITRE III - Méthodologie, protocoles et techniques expérimentales
90
Références bibliographiques
[1] Bourbon X., 2010, Compositions de solutions de type "eaux cimentaires". Document interne
ANDRA, C.NT.ASCM.09.0010 13. [2] Lothenbach B. et al., 2007, Effect of temperature on the pore solution, microstructure and
hydration products of Portland cement pastes. Cement and Concrete Research 37, 483-491. [3] Trotignon L. et al., 1992, The compared aqueous corrosion of 4 simple borosilicate glasses -
Influence of Al, Ca and Fe on the formation and the nature of secondary phases Journal of
Nuclear Materials 190, 228-246. [4] Jégou C., 1998, Mise en évidence expérimentale des mécanismes limitant l'altération du
verre R7T7 en milieu aqueux. Critique et proposition d'évolution du formalisme cinétique. Thèse de l'Université Montpellier II, 224.
[5] Gin S. et al., 2012, Effect of glass composition on the short-term and long-term dissolution rates of ten nuclear borosilicate glasses. in press.
[6] Kragten J., 1994, Calculating standard deviations and confidence-intervals with a universally applicable spreadsheet technique. Analyst 119, 2161-2165.
[7] Williams A. et al., 2000, Guide Eurachem / CITAC, Quantifier l'incertitude dans les mesures analytiques. Ellison, S. (LGC - UK), Rosslein, M. (EMPA - Suisse), Williams, A (UK). 112.
[8] van der Lee A. et De Windt L., 2002, CHESS Tutorial and Cookbook. Updated for version 3.0. Centre d'Informatique Géologique, Fontainebleau, France, 114.
91
CHAPITRE IV. INFLUENCE DES EAUX CIMENTAIRES
SUR L’ALTERATION DU VERRE EN REGIME INITIAL :
RÔLE SPECIFIQUE DU CALCIUM
I. Terminologie et concept de vitesses en régime initial....................................................................93
II. Influence des eaux cimentaires sur les cinétiques d’altération du verre en régime initial .....94
II.1. Conditions expérimentales ..........................................................................................................94
II.2. Influence du rapport S/V..............................................................................................................95
II.3. Influence du pH.............................................................................................................................96
II.3.1. Influence du protocole d’altération .....................................................................................97
II.3.2. Comparaison des vitesses initiales en eau à pH ajusté à l’équation Vi(T,pH) ....................98
II.4. Influence de la composition de la solution d’altération.........................................................100
II.4.1. Solution cimentaire S1......................................................................................................100
II.4.2. Solution cimentaire S2......................................................................................................103
II.5. Comparaison des cinétiques en fonction du milieu d’altération..........................................105
II.6. Bilan de l’influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial .......106
III. Rôle antagoniste du calcium sur l’altération du verre en régime initial ...................................107
III.1. Effet du calcium en fonction du pH sur l’altération du verre en régime initial.................107
III.1.1. Conditions expérimentales ................................................................................................107
III.1.2. Cinétiques et mécanismes d’altération..............................................................................108
III.1.3. Discussion sur la base de la littérature .............................................................................114
III.2. Influence de la concentration en calcium à différents pH.....................................................124
III.2.1. Conditions expérimentales ................................................................................................124
III.2.2. Résultats et discussion ......................................................................................................124
III.3. Bilan du rôle antagoniste du calcium en régime de vitesse initiale .....................................126
Références bibliographiques ...................................................................................................................128
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
92
Ce chapitre présente l’influence des eaux cimentaires S1 et S2, et plus particulièrement
l’influence du calcium, sur l’altération des verres CSD-B et VS en régime de vitesse initiale.
Nous verrons tout d’abord qu’il a été nécessaire de repréciser le concept de vitesse en
régime initial et de définir des terminologies spécifiques associées aux conditions d’altération.
La deuxième partie de ce chapitre concerne la détermination des vitesses initiales dans les
différentes solutions d’altération et fait état des artefacts et difficultés rencontrés, liés à la
composition et au pH des solutions lixiviantes. Nous montrons que le calcium des eaux cimentaires
est à l’origine d’une diminution significative de la vitesse initiale comparée à une altération menée
au même pH.
La dernière partie traite spécifiquement de l’altération du verre en régime initial en
présence de calcium dans le but de comprendre par quels mécanismes cet élément engendre une
telle diminution de la vitesse initiale. Pour cela, les altérations sont réalisées sur une large gamme
de pH ainsi qu’à différentes concentrations en calcium. Cette approche met en évidence un double
rôle du calcium, fonction du pH, dont nous discuterons l’origine en nous basant sur les données de
la littérature.
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
93
I. Terminologie et concept de vitesses en régime initial Les résultats obtenus en régime initial en milieu cimentaire ont révélé la nécessité de
revisiter le concept de vitesse initiale. Jusqu’à présent, la vitesse initiale était définie comme étant la
vitesse d’hydrolyse du réseau vitreux silicaté en milieu dilué. C’est la vitesse maximale obtenue
dans des conditions pour lesquelles il n’y a pas de rétroaction des produits d’altération (espèces
passées en solution, pellicule d’altération). Cette vitesse dépend de trois paramètres : la
température, le pH et la composition du verre [1].
Cette définition ne prend pas en compte l’influence de la composition de la solution
lixiviante. Or, les résultats le prouveront à de nombreuses reprises, ce paramètre doit être pris en
compte.
Il convient tout d’abord de distinguer la vitesse d’interdiffusion de la vitesse d’hydrolyse qui, tout
deux, font référence à des mécanismes différents :
La vitesse d’interdiffusion est la vitesse liée au mécanisme d’échanges des cations modificateurs
du verre (et bore) avec les protons (ou hydronium) de la solution. Ce phénomène est favorisé en
milieu acide et neutre dans les premiers instants de l’altération.
La vitesse d’hydrolyse correspond à la vitesse d’altération du verre lié au mécanisme d’attaque
chimique des liaisons formatrices d’un réseau vitreux (notamment liaisons Si-O-Si).
Selon les conditions d’altération (pH, température, composition du verre…) et l’échéance étudiée,
la vitesse maximale d’altération du verre peut correspondre soit à un mécanisme d’interdiffusion,
soit à un mécanisme d’hydrolyse.
Le régime d’interdiffusion est transitoire puisque la vitesse d’interdiffusion diminue en 1/ t avec
l’augmentation de l’épaisseur de verre hydraté. Elle égale la vitesse d’hydrolyse qui, elle, est
constante tant qu’il n’y a pas rétroaction des éléments en solution. A terme, la vitesse d’hydrolyse
pilote la dissolution du verre. La détermination de la vitesse d’altération du verre en régime initial
se fera donc à partir du silicium. Une nouvelle définition de la vitesse d’hydrolyse du verre
fonction des conditions d’altération en régime initial a donc été proposée :
La vitesse intrinsèque du verre correspond à la vitesse d’hydrolyse du réseau silicaté mesurée en
eau désionisée à pH neutre sans qu’il y ait rétroaction des éléments issus de l’altération du verre
pour une composition de verre et à une température données.
La vitesse initiale en eau à pH ajusté est la vitesse d’hydrolyse du réseau silicaté mesurée à pH et
température donnés sans qu’il y ait rétroaction des éléments issus de l’altération du verre. Elle
dépend du pH, de la température et de la composition du verre.
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
94
La vitesse initiale est la vitesse d’hydrolyse du réseau silicaté mesurée à pH et température
donnés, dans une solution de composition donnée, sans rétroaction des éléments issus du verre.
Elle dépend du pH, de la température, de la composition du verre et de la composition de la
solution.
Dans cette étude, nous ferons appel aux termes de :
- vitesse initiale en eau à pH ajusté, ViREF, lors d’altérations en milieu KOH, qui constitue le
milieu de référence,
- vitesse initiale, ViS1 et ViS2 respectivement lors d’altérations en eaux cimentaires S1 et S2.
II. Influence des eaux cimentaires sur les cinétiques d’altération
du verre en régime initial
II.1. Conditions expérimentales
Deux protocoles sont couramment utilisés pour déterminer la vitesse initiale : le test
colonne et le test statique. Ces deux protocoles ont été présentés dans le chapitre précédent. Des
problèmes de reproductibilité en milieu de référence (KOH) à fort pH en test colonne nous ont
amené à choisir le mode statique à faible rapport S/V pour mener les campagnes de mesure de
vitesses initiales. De plus, les concentrations atteintes au cours de l’expérience par ce mode
d’altération sont plus importantes que celles obtenues par test colonne, ce qui est un atout, compte-
tenu des conditions d’altération rendant délicates les analyses (pH fortement basique, présence de
calcium…). La précision des résultats est donc améliorée.
Les essais sont réalisés dans des réacteurs en téflon Savillex® (PolyTétraFluoroEthylène) sur
une durée pouvant varier de sept heures à plusieurs jours suivant les conditions d’altération. A
chaque échéance, 6 mL de solution sont prélevés. Les tests sont réalisés en boîte à gants sous
atmosphère d’azote. La solution est directement filtrée avec un filtre-seringue GHP 0,45 µm. Les
solutions en attente d’analyse sont ensuite stockées en boîte à gants afin d’éviter tout phénomène
de carbonatation.
Le pH initial fixé par la solution lixiviante, reste libre au cours de l’expérience : une analyse
est effectuée au début et à la fin de chaque expérience. La mesure du pH (pH-mètre Metrohm®
équipé d’une électrode ROSS 813 RC) s’effectue également en boîte à gants puisqu’à aucun
moment les réacteurs ne sont sortis à l’air ambiant durant les expériences. Les solutions utilisées
pour étalonner le pH-mètre sont tamponnées à 9,18 et 12,00 à 25 °C.
Les prélèvements sont analysés en spectrophotométrie UV-Visible par dosage du silicium,
qui est l’élément majoritaire au sein du verre, le bore étant, dans nos conditions expérimentales,
fréquemment situé sous les limites de quantification. A cause de la forte basicité des solutions
cimentaires et KOH, un protocole de dosage spécifique a été mis en place. L’étalonnage est réalisé
de façon systématique dans la matrice, les solutions sont acidifiées de manière à respecter les
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
95
gammes de pH à chaque étape de la préparation des échantillons à doser. Une vérification de la
concordance du maximum d’absorbance et de la longueur d’onde indiquée dans le kit de dosage
permet de valider la mesure.
Le Tableau II-1 récapitule l’ensemble des essais menés au cours de ce chapitre.
Tableau II-1. Récapitulatif des tests statiques à très faibles rapports S/V. Les rapports S/V de chacun des
essais sont reportés dans les tableaux de résultats.
Référence Verre Solution pH Température
(°C) Nombre d’essais
C13-30 CSD-B KOH 13,2 30 4
S13-30 VS KOH 13,2 30 1
C12-30 CSD-B KOH 12,4 30 1
S12-30 VS KOH 12,4 30 1
C7-30 CSD-B eau désionisée 7,2 30 1
S7-30 VS eau désionisée 7,2 30 1
S1-30 VS S1 13,2 30 2
C1-50 CSD-B S1 12,6 50 3
S1-50 VS S1 12,6 50 1
S2-30 VS S2 12,4 30 1
C2-30 CSD-B S2 12,4 30 1
S2-50 VS S2 11,7 50 1
C2-50 CSD-B S2 11,7 50 4
II.2. Influence du rapport S/V
En régime initial, la vitesse maximale d’altération est, par définition, indépendante du
rapport S/V. Afin de le vérifier, le verre CDS-B a été altéré en eau ajustée à pH 13,2 (KOH) à 30°C
pour trois valeurs de rapport S/V (Figure II-1 et Tableau II-2).
Figure II-1. Influence du rapport S/V sur la vitesse initiale du verre CSD-B altéré en eau à pH 13,2 à 30°C.
Tableau II-2. Evolution de la vitesse initiale du verre CSD-B altéré en eau à pH 13,2 à 30°C.
S/V (cm-1) 1,1 ± 0,1 1,1 ± 0,1 0,58 ± 0,07 0,27 ± 0,02
ViREF (g.m-2.j-1) 0,32 ± 0,04 0,32 ± 0,03 0,36 ± 0,04 0,37 ± 0,06
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
96
Le rapport S/V le plus faible se situe à 0,27 cm-1, il correspond à des concentrations en
solution situées aux limites de quantification liées aux instruments de mesure.
Dans la gamme de S/V étudiée, la vitesse initiale en eau à pH ajusté pourrait sembler
dépendre du rapport S/V (Figure II-1) mais du fait de l’importance des incertitudes observées, il
n’est pas raisonnablement possible de prédire une évolution de la vitesse d’altération en fonction
du rapport S/V. Les valeurs des vitesses ainsi que leur incertitude permettent d’affirmer que les
vitesses dans cet intervalle de rapport S/V ne sont pas significativement différentes : la vitesse
initiale ViREF est ainsi considérée indépendante du rapport S/V dans une gamme comprise entre
0,25 et 1 cm-1.
Notons dès à présent que les expériences en mode statique seront réalisées à un rapport S/V
proche de 0,25 cm-1 et 0,5 cm-1 (sauf certains cas particuliers, où le S/V sera plus grand afin
d’augmenter les concentrations en éléments à doser).
L’influence du rapport S/V a été étudiée en eau à pH ajusté. Pour des valeurs comprises entre
0,27 cm-1 et 1,1 cm-1, ce paramètre n’a pas d’effet significatif sur les valeurs de vitesses initiales
en eau à pH ajusté.
II.3. Influence du pH
La détermination des vitesses initiales en eau à pH ajusté (7, 12,4 et 13,2) à 30 °C servira de
base de comparaison aux altérations en eaux cimentaires.
Dans le cadre d’études précédentes, des expériences de lixiviation en mode dynamique (test
colonne) avaient été réalisées sur le verre CSD-B dans une gamme de pH de 7 à 11 et de
température de 30 °C à 90 °C. Une équation décrivant les variations de la vitesse initiale en eau à
pH ajusté en fonction du pH et de la température pour le verre CSD-B a été établie :
( ) )0;7max(
000
00 1011
exp, −⋅
−−= pHNa
Ti TTR
EVpHTV
Les valeurs V0T0, N0 et Ea0 ont été déterminées par la méthode des moindres carrés. Les paramètres
proviennent des expériences dédiées spécifiquement aux variations de température pour les
différentes conditions de pH, les valeurs des paramètres sont les suivantes :
11
0
0
1
1200
..315,8
373
05,033,0
.590
..3,05,2
0
−−
−
−−
=
=±=
±=
±=
KmolJR
KT
N
molkJE
jmgV
a
T
V0T0 étant la vitesse intrinsèque à T = 373 K et pH = 7, Ea0 l’énergie d’activation apparente et N0
paramètre lié à la dépendance au pH.
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
97
II.3.1. Influence du protocole d’altération
En mode dynamique, la vitesse d’altération dépend fortement du rapport Q/S1. En effet, la
vitesse maximale de dissolution n’est obtenue que dans une certaine gamme de rapport Q/S
suffisamment élevée (Figure II-2). L’inconvénient majeur de ce protocole expérimental est la faible
quantité d’éléments dosables : bien souvent les limites de quantification empêchent toute
détermination.
En mode dynamique, une autre méthode existe. Il s’agit, non plus de rechercher une zone où la
vitesse serait maximale (Figure II-2) mais une zone où l’évolution de la vitesse d’altération en
fonction de la concentration est linéaire (Figure II-3). Par extrapolation à une concentration nulle,
une vitesse d’altération hypothétique majorant la vitesse maximale de dissolution peut être
déterminée (Figure II-3).
Figure II-2. Schéma évolutif de la vitesse
d’altération en fonction du rapport Q/S.
Figure II-3. Principe de détermination d’une vitesse
majorante du Vi.
L’influence du protocole d’altération et de la méthode de détermination de la vitesse initiale en eau
à pH ajusté a été étudiée sur le verre VS altéré en eau à pH ajusté (pH 12,4 et 13,2) à 30 °C. Les
résultats obtenus, selon l’une ou l’autre des méthodes, sont présentés dans le Tableau II-3.
Tableau II-3. Vitesses initiales du verre VS altéré en eau à pH ajusté à 30°C, déterminées selon les 2 types de
méthode en mode dynamique et comparées au mode statique.
pH
(30 °C)
ViREF (g.m-2.j-1)
test dynamique
ViREF extrapolée (g.m-2.j-1)
test dynamique
ViREF (g.m-2.j-1)
test statique
S/V = 0,25 cm¬1
13,2 0,40 ± 0,03 0,43 ± 0,01 0,35 ± 0,02
12,4 - 0,34 ± 0,01 0,28 ± 0,04
On peut conclure que la valeur de la vitesse initiale à pH 13,2 est très proche de celle obtenue par
extrapolation. La méthode extrapolée, bien qu’elle permette d’obtenir une vitesse initiale
majorante, est une bonne méthode pour obtenir des vitesses initiales au vue des incertitudes.
1 Débit de la solution altérante (m3.j-1) sur la surface développée par le verre (m2).
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
98
L’influence du protocole d’altération utilisé ainsi que le mode de détermination de la vitesse ont
été étudiés en eau à pH ajusté. Ces deux paramètres n’ont pas d’effets significatifs sur les
valeurs de vitesses initiales en eau à pH ajusté dans les conditions considérées.
II.3.2. Comparaison des vitesses initiales en eau à pH ajusté à l’équation Vi(T,pH)
Les verres VS et CSD-B sont altérés à différents pH à 30 °C. Les vitesses initiales en eau à
pH ajusté sont obtenues par régression linaire des pertes de masse normalisées en silicium sur des
échéances variables en fonction du pH de la solution. Les Figure II-4 et Figure II-5 illustrent les
pertes de masse normalisées en silicium pour quelques expériences figurant dans le Tableau II-4.
Dans ces milieux et à cette température, les points sont très bien alignés, ce qui permet de
confirmer que nous sommes bien en régime de vitesse initiale. Remarquons pour les expériences
C13-30 (Figure II-4 (a)) et C12-30 (Figure II-4 (c)) que le dernier point de mesure effectué après 3
jours d’altération n’est plus dans l’alignement des premiers points. A cette échéance, les espèces
solubilisées ont rétroagi sur le verre : un régime de chute de vitesse a débuté.
(a) (b)
(c) (d)
Figure II-4. Evolution des pertes de masse normalisées en silicium en fonction du temps pour les verres VS et
CSD-B altérés à 30 °C : (a) verres CSD-B et (b) VS altérés à pH 13,2 ; (c) verres CSD-B et (d) VS altérés à
pH 12,4.
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
99
(a) (b)
Figure II-5. Evolution des pertes de masse normalisées en silicium en fonction du temps pour les verres VS et
CSD-B altérés à 30 °C : verres (a) CSD-B et (b) VS altérés à pH 7,2.
Les valeurs de vitesses initiales en eau à pH ajusté sont comparées aux valeurs obtenues par
l’équation Vi(T, pH) (Figure II-6). L’ensemble de ces valeurs sont présentées dans le Tableau II-4.
Rappelons que l’équation Vi(T, pH) est issue de données expérimentales obtenues sur le verre
CSD-B et non sur le verre VS. A 30 °C, les résultats ont été obtenus expérimentalement jusqu’à pH
12,5.
Tableau II-4. Valeurs des vitesses initiales en eau à pH ajusté à 30°C.
Référence Verre S/V (cm-1) pH ViREF (Si) (g.m-2.j-1) Vi(T,pH)
C13-30 CSD-B 1,00 13,2 0,32 ± 0,03 0,37
C13-30 CSD-B 1,00 13,2 0,32 ± 0,03 0,37
C13-30 CSD-B 0,50 13,2 0,36 ± 0,04 0,37
C13-30 CSD-B 0,25 13,2 0,37 ± 0,06 0,37
S13-30 VS 0,25 13,2 0,35 ± 0,02 0,37
C12-30 CSD-B 1,00 12,4 0,23 ± 0,03 0,20
S12-30 VS 0,25 12,4 0,30 ± 0,03 0,20
C7-30 CSD-B 0,50 7,2 0,0009 ± 0,0002 0,004
S7-30 VS 0,50 7,2 0,0015 ± 0,0002 0,004
Les valeurs des vitesses d’altération rendent compte de la bonne représentativité du verre simplifié
VS vis-à-vis du verre CSD-B. En effet, leurs rapports de vitesse de dissolution sont inférieurs à un
facteur 1,4. De plus, les valeurs ne sont pas significativement différentes par calcul. Remarquons
également que les vitesses déterminées en mode statique sont reproductibles et qu’elles suivent
l’équation Vi(T,pH) à 30 °C.
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
100
0,0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
6 8 10 12 14
pH (30°C)
V (
g.m
-2.j-1
)
Figure II-6. Evolution des vitesses initiales en eau à pH ajusté des verres CSD-B (rouge) et VS (vert) à
différents pH à 30°C ; la courbe en pointillés représente l’extrapolation de l’équation Vi(T,pH).
Les vitesses initiales en eau à pH ajusté obtenues en test statique à trois pH différents sont en
accord avec les valeurs de vitesses obtenues par l’équation Vi(T,pH) à 30 °C. Les vitesses
initiales en eau à pH ajusté déterminées en mode statique sont reproductibles. Le verre VS est
un bon analogue au verre CSD-B dans ces conditions d’altération.
II.4. Influence de la composition de la solution d’altération
L’une des difficultés majeures de l’étude des vitesses initiales en eaux cimentaires est la
détermination de ces vitesses. Comme nous allons le voir, la durée du régime initial est très bref,
voire non mesurable suivant les conditions d’altération. Il a donc été nécessaire de réaliser un
compromis sur la valeur du rapport S/V. En effet, à trop faible rapport S/V, les concentrations se
situent sous les limites de quantification alors qu’à des rapports S/V trop élevés, on ne se situe plus
à proprement parlé dans le régime initial. A cela s’ajoute le fait que la valeur de la vitesse initiale
est dépendante du nombre des points de mesure, de l’échéance de ceux-ci et de leur alignement. Il
s’avère donc complexe de déterminer une incertitude sur la vitesse. Cette approche permet
d’obtenir une valeur de vitesse initiale indicative et présente donc un caractère subjectif.
II.4.1. Solution cimentaire S1
La solution S1 présente un effet de matrice important lors de l’analyse en
spectrophotométrie UV-Visible. Les tendances observées résultent de points légèrement dispersés
et des concentrations proches des limites de quantification (LQ) (Figure II-7 (a), (b) et Figure II-8
(d)). A 30 °C, seul le silicium est dosable, alors qu’à 50 °C et avec l’augmentation du rapport S/V, il
devient possible de doser le bore (Figure II-8 (a), (b) et (c)). On remarque qu’à 50 °C, la dispersion
des points s’atténue.
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
101
(a) (b)
Figure II-7. Evolution des pertes de masse normalisées en silicium en fonction du temps pour le verre
VS à 30°C en solution S1 (a) et (b) : test de reproductibilité.
A 50 °C se pose un autre problème : pour un même élément, deux pentes sont obtenues durant
l’expérience, marquant des régimes d’altération distincts. La vitesse initiale déterminée à partir du
silicium présente deux pentes (Figure II-8 (a)) : une première pour un intervalle de temps inférieur
à 7 h qui est supérieure à une deuxième pente, similaire à celle déterminée à partir du bore (Figure
II-8 (b)). De même, d’après la Figure II-8 (c), c’est le bore cette fois qui présente deux pentes
différentes suivant l’échéance de temps. Or, d’après la définition de la vitesse initiale, un
changement de pente traduit un changement de régime d’altération.
La pente la plus élevée est bien obtenue dans les premiers instants de l’altération, elle est
donc susceptible de correspondre à la vitesse initiale, mais cette première pente mesurable
correspond-elle réellement à la vitesse initiale ? S’il existe une rétroaction, il est possible qu’une
pente plus importante existe à un instant antérieur, où la vitesse n’est pas mesurable. Les
conditions expérimentales ne permettent pas de répondre à cette interrogation.
Cette remarque rend compte de la difficulté à déterminer une vitesse initiale et montre la limite de
ces expériences. Comme nous l’avons dit préalablement, le paramètre clé de ce protocole
d’altération est le rapport S/V, sur lequel il est nécessaire de faire un compromis :
- d’une part, pour se situer au dessus des limites de quantification,
- et d’autre part, afin d’éviter tout phénomène de rétroaction. En effet, si les conditions
d’altération conduisent à une concentration en silicium telle qu’il puisse rétroagir sur le verre, alors
la vitesse déterminée n’est plus une vitesse initiale. Il convient donc de travailler dans une gamme
de concentrations suffisamment faible afin de s’affranchir des effets inhibiteurs du silicium sur la
vitesse de dissolution du verre.
Au rapport S/V s’ajoute l’effet de matrice due à la composition de la solution et son pH, qui sont
également des paramètres à prendre en compte puisqu’ils augmentent la valeur de la limite de
quantification.
La diminution des pertes de masse normalisées en silicium et en bore après un certain
temps d’altération peut être due à deux phénomènes différents :
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
102
- la passivation du verre par une éventuelle rétroaction du silicium en surface du verre
avec, ou non, des éléments constitutifs de la solution, d’où un relâchement également inférieur du
bore.
- la réaction en solution entre le silicium et le bore (seuls éléments dosables) avec des
éléments constitutifs de la solution S1 pour former des phases secondaires. La concentration dosée
en solution n’est donc plus le reflet du degré d’altération du verre.
Les simples données cinétiques ne permettent pas de trancher, ce sont les caractérisations du solide
qui permettront d’éclaircir ces résultats cinétiques, comme nous le verrons par la suite.
(a) (b)
(c) (d)
Figure II-8. Evolution des pertes de masse normalisées (a) en silicium, (b) en bore et (c) en silicium et bore
pour le verre CSD-B altéré en solution S1 à 50°C. (d) Evolution des pertes de masse normalisées en silicium
pour le verre VS altéré en solution S1 à 50 °C.
Le Tableau II-5 récapitule les vitesses initiales obtenues sur l’ensemble des tests réalisés en
solution cimentaire S1. Pour des conditions expérimentales identiques (verre, granulométrie, S/V,
température, protocole d’altération), des valeurs de vitesses initiales sensiblement différentes sont
obtenues à 50 °C. Cette dispersion des valeurs nous indique que les expériences ne sont pas
reproductibles à cette température et qu’il s’avère délicat de déterminer une vitesse initiale dans
ces conditions d’altération.
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
103
Tableau II-5. Vitesses initiales obtenues en solution S1.
Référence Verre T (°C) S/V
(cm-1)
ViS1 (Si)
(g.m-2.j-1)
ViS1 (B)
(g.m-2.j-1)
S1-30 VS 30 0,25 0,024 ± 0,004
S1-30 VS 30 0,25 0,027 ± 0,002
C1-50 CSD-B 50 0,50 0,23 ± 0,06
0,080 ± 0,007
C1-50 CSD-B 50 0,50 0,039 ± 0,002 0,12 ± 0,02
0,05 ± 0,02
C1-50 CSD-B 50 0,50 0,09± 0,03
S1-50 VS 50 0,25 0,08 ± 0,03
L’ensemble des graphiques et les valeurs de vitesses obtenues permettent de rendre compte de
la difficulté de déterminer avec précision une vitesse initiale dans les conditions expérimentales
de l’étude (solutions chargées, faible rapport S/V). L’évolution des pertes de masse normalisées
présente deux pentes, la première pouvant correspondre à la vitesse initiale.
II.4.2. Solution cimentaire S2
Tout comme la solution S1, la solution S2, riche en calcium, présente un effet de matrice
important lors du dosage en spectrophotométrie UV-Visible. En termes d’évolution des pertes de
masse normalisées, celles-ci ne suivent pas l’évolution linéaire attendue compte tenu du
paramétrage. Au contraire, les pertes de masse normalisées présentent une courbure importante et
ce, dès les premiers instants. D’après les différents graphiques de la Figure II-9, ce comportement
peut s’apparenter à un phénomène diffusif puisque les points suivent une tendance en racine
carrée du temps. Ce comportement commun au silicium et au bore (Figure II-9 (c) et (d)) pourrait
être attribuable à la formation d’une couche à caractère passivant en surface des grains de verre.
On ne peut toutefois pas exclure l’hypothèse de la formation de phases secondaires calciques à
base de silicium et de bore. D’après la littérature, à ces pH basiques, le calcium tend à recondenser
avec le silicium en milieu alcalin [2] pour former des phases de type C-S-H mais également avec le
bore sous forme de borates de calcium [3]. Cet effet pourrait expliquer les cinétiques d’altération
des verres à 30 °C et 50 °C. Les mécanismes sous-jacents seront éclaircis par la caractérisation des
solides.
La problématique de la validité du protocole d’altération dans ces conditions spécifiques
d’altération se pose donc à nouveau avec la solution S2. Les valeurs de vitesses initiales obtenues
avec différents paramétrages sont présentées dans le Tableau II-6. La dispersion des valeurs est
due (i) à la non-linéarité des points de mesures et (ii) à la subjectivité quant au choix des points
pour la régression linéaire. Attribuer une incertitude à ces valeurs n’a donc pas de sens.
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
104
(a) (b)
(c) (d)
Figure II-9. Evolution des pertes de masse normalisées en silicium en fonction du temps en solution S2 (a)
pour le verre CSD-B altéré à 30 °C ; (b) pour le verre VS altéré à 50 °C. Evolution des pertes de masse
normalisées (c) en silicium et (d) en bore en fonction du temps pour le verre CSD-B altéré en solution S2 à
50 °C.
Remarquons par exemple, pour le verre CSD-B, que sa vitesse initiale en solution S2 est plus
importante d’un ordre de grandeur à 30 °C qu’à 50 °C d’après les valeurs du Tableau II-6. A
présent, si l’on examine les Figure II-9 (a) et (c), les régressions linéaires respectives effectuées pour
obtenir les vitesses sont tout à fait différentes quant au nombre de points pris en compte et surtout
aux échéances correspondantes. Ainsi, proposer un raisonnement à partir des simples valeurs de
vitesses « initiales » peut aboutir à des conclusions erronées.
Tableau II-6. Vitesses initiales obtenues en solution S2.
Référence Verre T (°C) S/V
(cm-1)
ViS2 (Si)
(g.m-2.j-1)
ViS2 (B)
(g.m-2.j-1)
S2-30 VS 30 0,25 0,017
C2-30 CSD-B 30 1,00 0,026
S2-50 VS 50 0,25 0,02
C2-50 CSD-B 50 0,5 0,0024
C2-50 CSD-B 50 0,5 0,0021
C2-50 CSD-B 50 0,5 0,001
C2-50 CSD-B 50 0,5 0,20
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
105
Le problème de reproductibilité se pose à nouveau et celle des incertitudes associées
également. Il semble qu’un mécanisme ne soit pas pris en compte dans cette approche. Si tel est le
cas, l’utilisation de ce protocole avec ces solutions d’altération (S1 et S2) ne permet pas de mesurer
des vitesses initiales, au sens de la définition donnée au paragraphe I.
La réactivité possible du calcium avec les éléments lixiviés du verre, considérés comme
traceurs de l’altération dans ce régime, remet en question le choix du traceur. Cette problématique
reviendra de façon récurrente au cours de cette étude.
D’un point de vue des cinétiques, l’étude de l’altération du verre en solution S2 en régime
initial est complexe. Le relâchement du silicium et du bore suit un régime diffusif d’après
l’évolution des pertes de masse normalisées.
Les résultats obtenus, en particulier à 50 °C où les chutes de vitesse sont plus rapides, montrent
la difficulté de déterminer une vitesse initiale en solution cimentaire. Le problème de
reproductibilité dans certaines expériences pose la question des mécanismes sous-jacents aux
cinétiques.
II.5. Comparaison des cinétiques en fonction du milieu d’altération
Les vitesses d’altération sont difficilement comparables étant donnée l’incertitude sur la
validité de ces valeurs en solutions cimentaires S1 et S2. Il apparaît en solution S1 que les vitesses
aux premiers instants sont plus importantes que celles à une échéance ultérieure, ce sont donc les
vitesses maximales qui sont considérées. De même dans le cas de la solution S2, ce sont les vitesses
maximales obtenues qui sont utilisées à titre de comparaison avec le milieu de référence. Nous
avons montré que les vitesses initiales en eau à pH ajusté obtenues expérimentalement étaient en
accord avec celles obtenues à partir de l’équation Vi(T,pH). Les vitesses initiales en eau à pH ajusté
sont également représentées ici.
L’objectif ici est de mettre en avant l’effet de la composition de la solution (S1, S2) par
rapport à l’effet du pH (milieu KOH) (Figure II-10 (a) et (b)).
(a)
0
0,1
0,2
0,3
0,4
KOH - 13,2 S1 - 13,2 KOH - 12,4 S2 - 12,4
CSD-BVSVi(T,pH)
(b)
0
0,5
1
1,5
2
KOH - 13,2 S1 - 13,2 KOH - 12,4 S2 - 12,4
CSD-BVSVi(T,pH)
Figure II-10. Comparaison des vitesses initiales en eau à pH ajusté (KOH) et en solutions cimentaires
(S1 et S2) pour les verres CSD-B et VS à (a) 30 °C et (b) 50 °C.
En solution cimentaire, le verre VS présente des vitesses initiales plus faibles que le verre
CSD-B en solution S1 à 50 °C et en solution S2 à 30 °C. Bien que la détermination de ces vitesses
30 °C 50 °C
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
106
reste discutable, le verre VS semble être un bon analogue du verre CSD-B pour l’ensemble des
expériences. Les éléments mineurs ne semblent donc pas avoir d’effets prépondérants dans ce
régime d’altération.
Le résultat majeur mis en avant par la Figure II-10 est la diminution de la vitesse initiale
d’altération en eaux cimentaires par rapport à celle en eau à pH ajusté. Les rapports des vitesses en
milieu KOH et en solutions cimentaires sont compris entre 5 et 54. D’après les tests, la borne haute
ne peut être plus élevée puisque les vitesses en solutions cimentaires sont sous-estimées par la
méthode de régression linéaire quelque peu subjective. A l’inverse, la borne basse est une valeur
minimale qui peut être plus faible pour les mêmes raisons. Les moyennes des rapports est de 11 et
22 en solution S1 et S2 respectivement, ce qui signifie que les vitesses initiales d’altération en
solutions cimentaires sont inférieures d’un ordre de grandeur à celles en milieu KOH.
Ces expériences étant réalisées au même pH pour un verre et une température donnée, cette
différence est due à la composition chimique des solutions cimentaires. Le seul élément présent en
solution S2 est le calcium, en solution S1 environ 10 % de calcium est présent par rapport à la
solution S2. Il est donc fort probable que cet élément, à ce pH basique, ait un rôle prépondérant
dans la diminution des vitesses initiales. A ce stade, il est impossible de savoir si cet élément réagit
avec les éléments du verre pour former des phases secondaires ne conduisant pas à de réelle
diminution de l’altération ou s’il existe une réactivité du calcium avec la surface du verre pour
former une couche passivante.
II.6. Bilan de l’influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en
régime initial
Pour un même pH, la vitesse initiale en milieu cimentaire diminue d’environ un ordre de
grandeur par rapport à son homologue en KOH. Il s’agit d’un résultat majeur de cette étude qui
met en avant l’effet du calcium et qui a amené à revisiter le concept de vitesse initiale. Il a été
montré que le verre simplifié VS est un bon analogue du verre CSD-B vis-à-vis de ce régime
d’altération.
Nous avons mis en évidence la difficulté de déterminer des vitesses initiales en eaux
cimentaires et souligné les artefacts liés à une estimation de ces vitesses. La question de
l’adaptabilité du protocole d’altération en régime initial dans ces conditions spécifiques
d’altération est soulevée. Au chapitre V, une réponse nous est donnée : des vitesses initiales ont pu
être mesurées dans des conditions ne correspondant pas à celles du régime initial. Le lecteur peut
donc se rendre au paragraphe IV du chapitre V pour prendre connaissance de ces vitesses et des
conditions d’acquisition.
Le calcium des solutions cimentaires semble être à l’origine de la diminution des vitesses
initiales. Afin de comprendre le mécanisme lié au calcium à ce pH, la partie suivante vise à
approfondir l’influence de l’ion calcium sur l’altération du verre sur une gamme de pH plus
étendue et à différentes concentrations en calcium permettant de doser un plus grand nombre
d’éléments lixiviés du verre.
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
107
III. Rôle antagoniste du calcium sur l’altération du verre en
régime initial
Nous traitons dans une première partie de l’influence du calcium sur une gamme de pH
étendue par rapport à un milieu de référence (KOH / HCl). Les cinétiques permettent de discuter
des mécanismes sous-jacents, fonction du pH, tandis que des caractérisations en XPS de l’extrême
surface du verre altéré complètent cette partie expérimentale. Une discussion alimentée par la
littérature permet de proposer des mécanismes d’altération liés au calcium en fonction du pH de la
solution.
La deuxième partie s’attache à étudier l’influence de la concentration en calcium sur les
cinétiques. Ces résultats confortent les mécanismes proposés dans la partie précédente.
III.1. Effet du calcium en fonction du pH sur l’altération du verre en régime
initial
III.1.1. Conditions expérimentales
Les expériences sont réalisées sur le verre VS de granulométrie 80 - 125 µm à 50 °C. Deux
séries d’essais permettent de rendre compte de l’effet du calcium par rapport à un effet du pH :
- la première série correspond aux essais de référence en milieu HCl / KOH pour une
gamme de pH s’étendant de 3 à 11,7 (à 50 °C),
- la seconde série d’essais est réalisée aux mêmes pH que ceux de la série précédente, en
présence de 150 mg.L-1 de calcium en solution.
Les difficultés liées à la détermination de vitesses initiales en eaux cimentaires ont conduit à
choisir une concentration de référence en calcium inférieure à celle de la solution S2. La
concentration maximale en calcium choisie est de 150 mg.L-1 (soit 3,75 mmol.L-1), elle correspond à
une solution de Portlandite à pH 11,1 à 50 °C. Des essais préliminaires ont montré qu’à cette
teneur, les concentrations en traceurs sont augmentées pour une même échéance et la durée du
régime initial est allongée, ce qui permet d’obtenir des pertes de masse normalisées supérieures et
mieux alignées.
Dans la nomenclature utilisée, le premier nombre correspond à la concentration en calcium
en mg.L-1 (0 ou 150), le deuxième nombre est le pH de la solution à 50 °C. Par exemple, l’expérience
« 150-11,7 » signifie que le verre est altéré dans une solution de 150 mg.L-1 de calcium à pH 11,7.
Le pH des solutions est ajusté par ajout d’HCl ou de KOH avant le lancement mais
également durant l’altération s’il y a des variations de pH. Pour éviter tout phénomène de
carbonatation, les altérations en solution calcique à pH supérieur à 5 sont menées en boîte à gants.
Le rapport S/V ainsi que la durée des expériences sont paramétrés afin que les concentrations des
éléments à doser soient supérieures aux limites de quantification et pour éviter tout phénomène de
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
108
rétroaction sur le verre. Pour l’ensemble des expériences, le rapport S/V est de 0,5 cm-1, hormis
pour les expériences à pH 6, 7 et 8 où il est de 0,25 cm-1. Sept prélèvements sont réalisés à échéances
régulières, les solutions sont filtrées à 0,45 µm puis une partie est conservée au réfrigérateur pour
analyse UV, l’autre est acidifiée à l’acide nitrique concentré (18 M) pour être analysée en ICP-AES.
Seul le silicium est analysé par les deux techniques, les résultats montrent que les analyses de
solution ne sont pas significativement différentes, excepté à pH 10,5 et 11. Les incertitudes étant
plus importantes en analyse UV dans ces deux cas, les valeurs en ICP seront utilisées par la suite.
Les éléments dosés en ICP-AES sont le silicium systématiquement et dans certains essais le bore et
le lithium également.
La détermination des vitesses est réalisée en écartant les points aberrants liés à des
problèmes d’analyse ainsi que les points aux dernières échéances lorsque ceux-ci présentent un net
infléchissement. Le nombre de points utilisés pour la régression linéaire pondérée figure dans le
tableau complet en annexe E. La régression linéaire permettant d’estimer la vitesse est pondérée
par les incertitudes sur les pertes de masse normalisées. Les incertitudes sont systématiquement
données avec un intervalle de confiance à 95 %.
Pour distinguer les deux séries d’expériences, nous ferons appel aux termes de vitesse
initiale en eau à pH ajusté Vi(pH) et de vitesse initiale en milieu calcique Vi(Ca) pour différencier
l’effet du pH de celui du calcium. L’indice i correspond à l’élément à partir duquel la vitesse est
déterminée.
III.1.2. Cinétiques et mécanismes d’altération
La terminologie et les concepts de vitesses associées en régime initial ont été définis au
paragraphe I de ce chapitre. Rappelons néanmoins que le régime d’interdiffusion est transitoire et
que c’est le mécanisme d’hydrolyse qui pilote la dissolution du verre. En milieu de référence, le
poids des mécanismes d’interdiffusion et d’hydrolyse est fonction du pH de la solution :
- A pH acide et neutre (jusqu’à pH 8 environ), la dissolution n’est pas congruente dans les
premiers instants [4, 5]. Les éléments mobiles du verre (modificateurs et bore) sont lixiviés
préférentiellement par rapport au silicium. Les vitesses d’interdiffusion et d’hydrolyse sont donc
sensiblement différentes. La détermination de la vitesse initiale se fera donc à partir du silicium
et non du bore ou du lithium bien qu’on puisse évoquer les vitesses d’hydrolyse et
d’interdiffusion relatives aux mécanismes sous-jacents.
- A pH basique (supérieur à 8), la dissolution devient congruente pour les éléments
majeurs du verre. La vitesse initiale peut donc être déterminée à partir des alcalins (lithium,
sodium), du bore ou du silicium.
Un récapitulatif des résultats est présenté dans les Tableau III-1 et Tableau III-2.
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
109
Tableau III-1. Vitesses initiales en eau à pH ajusté du verre VS altéré sur une gamme de pH variant de 3 à
11,7 à 50 °C. IC est l’intervalle de confiance à 95 % associé à la vitesse initiale en eau à pH ajusté.
Référence VSi
(g.m-2.j-1) IC (Vsi)
(%) VB
(g.m-2.j-1) IC (VB)
(%) VLi
(g.m-2.j-1) IC (VLi)
(%) 0-3 0,018 49,28 0,249 17,23 0,231 13,84
0-4 0,010 3,00
0-5 0,006 10,11
0-6 0,006 15,03
0-7 0,007 31,40 0,067 10,29 0,071 15,13
0-8 0,032 7,65
0-9 0,093 10,90
0-10 0,278 2,66
0-11,7 0,588 15,30 0,542 8,44 0,781 22,22
Tableau III-2. Vitesses initiales du verre VS altéré dans 150 mg.L-1 de calcium sur une gamme de pH variant
de 3 à 11,7 à 50 °C. IC est l’intervalle de confiance à 95 % associé à la vitesse initiale.
Référence VSi
(g.m-2.j-1) IC (Vsi)
(%) VB
(g.m-2.j-1) IC (VB)
(%) VLi
(g.m-2.j-1) IC (VLi)
(%) 150-3 0,047 29,2 0,300 21,5 0,272 28,3
150-4 0,017 13,8
150-5 0,017 12,9
150-6 0,026 11,4
150-7 0,049 72,0 0,051 13,7 0,063 14,5
150-8 0,152 3,9
150-9 0,306 7,0
150-10 0,497 2,5 0,480 3,1 0,603 19,6
150-10,5 0,597 9,1 0,566 6,3 0,622 7,3
150-11 0,400 4,5 0,378 4,5 0,448 2,5
150-11,7 0,090 22,6 0,117 36,0 0,202 105,5
Les vitesses initiales en eau à pH ajusté et en milieu calcique sont représentées sur la
gamme de pH de 3 à 11,7 en Figure III-1. Les variations importantes d’incertitudes sur les vitesses
initiales sont dues principalement au nombre de points de mesure et à leur alignement.
L’évolution des vitesses initiales en eau à pH ajusté est en accord avec la littérature [4, 6].
Les vitesses augmentent presque de deux ordres de grandeur entre pH 6 et 11,7.
En revanche, l’évolution des vitesses initiales en milieu calcique est singulière : jusqu’à pH 10,5, la
tendance est similaire à celle obtenue en milieu de référence, au-delà, la vitesse diminue fortement
avec le pH. Cette évolution révèle l’existence d’un pH auquel les mécanismes d’altération liés au
calcium sont probablement modifiés.
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
110
0,0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
2 4 6 8 10 12
pH (50°C)
VS
i (g.
m-2
.j-1)
VSi(Ca)
VSi(pH)
Figure III-1. Comparaison de l’évolution des vitesses initiales en silicium en milieu de référence et en milieu
calcique à 50 °C.
Ainsi, selon le pH considéré, la présence de calcium peut conduire à une augmentation ou
une diminution de la vitesse initiale d’altération du verre, résultant d’une modification conjointe
des vitesses d’hydrolyse et d’interdiffusion.
L’influence du calcium sur la vitesse d’hydrolyse, dépendante du pH, peut être caractérisée
en considérant l’évolution du rapport des vitesses d’hydrolyse VSi(Ca)/VSi(pH) en fonction du pH
(Figure III-2).
0
1
2
3
4
5
2 4 6 8 10 12pH (50°C)
VS
i(Ca)
/ V
Si(p
H)
Figure III-2. Influence du calcium sur la vitesse d’hydrolyse en fonction du pH à 50 °C.
Aux pH neutres (entre 6 et 8), l’ajout de calcium aux solutions d’altération conduit à une
augmentation jusqu’à un facteur 5 des vitesses d’hydrolyse du réseau silicaté. A pH 4, le calcium
ne semble pas avoir d’effet notable sur la vitesse d’hydrolyse. Au-delà d’un pH probablement
compris entre 10,5 et 11, le calcium diminue la vitesse d’hydrolyse du réseau vitreux jusqu’à
atteindre un facteur 6,5 à pH 11,7.
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
111
Le calcium en solution augmente la vitesse d’hydrolyse du réseau silicaté pour des pH
inférieurs à 10,5 alors qu’au-delà, il conduit à une diminution de la vitesse d’hydrolyse.
De façon similaire, l’influence du calcium sur le relâchement du bore et du lithium peut être
mise en évidence en considérant les évolutions des rapports VB(Ca)/VB(pH) et VLi(Ca)/VLi(pH)
(Tableau III-3). Ces résultats laissent suggérer que lorsque le pH augmente, le calcium diminue la
vitesse de départ du bore et du lithium. Rappelons que le bore est un élément formateur de réseau
et qu’il est lixivié par un mécanisme d’hydrolyse. Le lithium quant à lui est un élément
modificateur du réseau vitreux qui peut être lixivié à la fois par mécanismes d’interdiffusion et
d’hydrolyse. Ces deux éléments semblent donc avoir un comportement similaire quel que soit le
milieu d’altération. On parlera, par abus de langage, de « vitesse d’interdiffusion » pour ces deux
éléments.
Tableau III-3. Rapport de vitesses d’altération en régime initial pour le silicium, le bore et le lithium.
pH VSi(Ca)/VSi(pH) VB(Ca)/VB(pH) VLi(Ca)/VLi(pH) 3 2,63 1,202 1,181
7 4,41 0,764 0,885
11,7 0,15 0,259 0,259
Enfin, la prépondérance d’un mécanisme par rapport à l’autre selon le milieu d’étude est
représentée sur la Figure III-3 sur laquelle sont reportés les rapports de vitesse d’altération en bore
et en lithium par rapport à la vitesse d’hydrolyse en silicium dans les différents milieux et en
fonction du pH.
0
2
4
6
8
10
12
14
3 7 10 10,5 11 11,7pH (50°C)
Rap
port
de
vite
sses
B/Si_Ca
Li/Si_Ca
B/Si_pH
Li/Si_pH
Figure III-3. Rapport de vitesses du bore et lithium par rapport au silicium dans les expériences de référence
et en milieu calcique à différents pH à 50 °C.
A partir de ces résultats, il est possible de proposer une vision synoptique de la présence de
calcium sur l’altération en régime initial en fonction du pH.
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
112
III.1.2.1 pH acide et neutre : pH 3 et 7
A pH 3 et 7, les rapports d’interdiffusion sont de 1,2 et 0,8 respectivement (le bore et le
lithium sont parfaitement congruents), i.e. proches de 1. Le calcium n’a donc pas d’influence sur la
vitesse d’interdiffusion à ces deux pH (Tableau III-3).
Comme attendu, en milieu de référence, les dissolutions sont fortement incongruentes. En
milieu calcique, l’incongruence est moins marquée (Figure III-3). Dans ces deux milieux, le bore et
le lithium sont lixiviés préférentiellement par rapport au silicium. Ainsi, à pH 3 et 7, l’ajout de
calcium diminue l’incongruence entre le silicium et les éléments mobiles du réseau, ce qui signifie
que l’épaisseur relative de la couche de gel augmente par rapport à l’épaisseur de la couche de
verre hydraté.
Par ailleurs, les résultats de la Figure III-3 montrent que la vitesse d’interdiffusion peut être
supérieure d’un ordre de grandeur à la vitesse d’hydrolyse. Ce résultat n’est pas sans
conséquences : bien que le régime d’interdiffusion soit transitoire, le mécanisme associé conduit à
modifier la cinétique d’hydrolyse du réseau vitreux [4, 7]. D’un point de vue phénoménologique,
l’échange d’un proton H+ avec un alcalin du verre entraîne la formation d’un groupe silanol et
l’augmentation du pH local, conduisant à la catalyse de la réaction d’hydrolyse :
)()( 442 aqSiOHOHOHOHSi →+−− −
Grambow [8] met cependant en avant la possibilité de recondensation des groupements silanols
formés par l’interdiffusion, deux à deux, selon :
OHSiOSiOHSi 22 +≡−−→≡−≡
La littérature concernant l’influence du mécanisme d’interdiffusion sur le mécanisme d’hydrolyse
est peu fournie. Néanmoins, par la modification de la vitesse de formation des groupements
silanols, la réaction d’échange entre un ion et une espèce hydratée modifie l’état du réseau vitreux
directement ou indirectement.
Le calcium augmente la vitesse d’hydrolyse sans modifier significativement la vitesse
d’interdiffusion à pH 3 et 7.
III.1.2.2 Gamme de pH entre 8 et 11
En milieu de référence, bien que le lithium et le bore n’aient pas été analysés, il est connu
que la dissolution est congruente [4]. En milieu calcique à présent, la Figure III-3 permet de
montrer que le relâchement du bore et du lithium est congruent à celui du silicium, donc que les
vitesses pour chaque élément ne sont pas significativement différentes. Or, dans cette gamme de
pH, l’ajout de calcium engendre une augmentation de la vitesse d’hydrolyse (Figure III-2). Cela
signifie donc que les vitesses d’interdiffusion augmentent également. Remarquons que l’effet du
calcium s’atténue en augmentant le pH dans cette gamme (Figure III-2).
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
113
Par ailleurs, soulignons également que l’hydrolyse du réseau silicaté, exacerbée en présence de
calcium, conduit non seulement au relâchement du silicium mais également aux relâchements des
modificateurs de réseau (Na, Li) et du bore. Ainsi, la part des éléments modificateurs relâchés liée
au mécanisme d’interdiffusion est probablement faible devant celle liée au mécanisme d’hydrolyse.
Le calcium augmente la vitesse d’hydrolyse ainsi que la vitesse d’interdiffusion à des pH
compris entre 8 et 11.
III.1.2.3 Gamme de pH supérieure à 11
A pH 11,7, le rapport de vitesses d’interdiffusion, identique pour le bore et le lithium, est de
0,26 (Tableau III-3). L’ajout de calcium conduit donc à une diminution d’un facteur 4 de la vitesse
d’interdiffusion à ce pH. Bien qu’il y ait un facteur 1,7 entre les rapports de vitesse d’hydrolyse et
d’interdiffusion, la comparaison des vitesses initiales en silicium, en bore et en lithium nous
conduit à affirmer que celles-ci ne sont pas significativement différentes (Tableau III-2). Ainsi, à ce
pH, le calcium apparaît affecter de manière équivalente la vitesse d’hydrolyse et la vitesse
d’interdiffusion.
Au-delà de pH 11 et en milieu calcique, l’incongruence du bore et du lithium, de 1,3 et de
2,2 respectivement, par rapport au silicium semble nettement plus marquée que dans le milieu de
référence. Cependant, l’incertitude sur la vitesse d’interdiffusion en lithium en milieu calcique est
importante (Tableau III-2), cette valeur s’explique par le fait que les points sont relativement
dispersés. Les vitesses d’interdiffusion entre le bore et le lithium ne sont donc pas significativement
différentes. Ainsi, à partir de pH 11, le calcium de la solution conduit à la fois à une diminution de
la vitesse d’hydrolyse d’un facteur 6,5 par rapport au milieu de référence et à une diminution des
vitesses d’interdiffusion du bore et du lithium d’environ un facteur 5 et 4 respectivement.
De même que dans la gamme de pH entre 8 et 11, et a fortiori au-delà de pH 11, le
mécanisme d’interdiffusion est négligeable devant celui d’hydrolyse. Le relâchement des éléments
modificateurs et du bore provient majoritairement de l’hydrolyse du réseau silicaté. On peut alors
parler de vitesse d’interdiffusion « apparente » du lithium.
La part de lithium lixiviée par mécanisme d’interdiffusion augmente avec l’ajout de calcium, il en
est de même pour le bore.
Au-delà de pH 11, le calcium diminue fortement la vitesse d’hydrolyse ainsi que la vitesse
d’interdiffusion.
III.1.2.4 Bilan des cinétiques et mécanismes
De façon systématique, la présence de calcium modifie significativement les vitesses
d’hydrolyse. Quant aux vitesses d’interdiffusion, il apparaît que le calcium n’a pas d’influence à
des pH inférieurs à 7. En effet, à des pH acides à neutres, le mécanisme d’échange entre un cation
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
114
modificateur du réseau silicaté (ou bore) et un proton (ou hydronium) de la solution est
prépondérant par rapport au mécanisme d’hydrolyse, le front d’interdiffusion est donc plus avancé
que celui d’hydrolyse. Le calcium interdiffusant peu, il ne modifie pas ce mécanisme.
La Figure III-4 illustre l’influence du calcium sur les mécanismes d’interdiffusion et
d’hydrolyse suivant le pH de la solution. Il apparaît clairement qu’à un pH supérieur à 11, le
calcium a un effet favorable sur l’altération du verre en régime de vitesse initiale.
Suivant le pH, le calcium interagit différemment avec le verre. Jusqu’à pH 10,5 environ, il
augmente la vitesse d’hydrolyse alors qu’à pH 11,7, il la diminue. Entre ces deux pH, la différence
entre la vitesse d’hydrolyse en milieu de référence et en présence de calcium diminue, s’annule
puis devient négative (Figure III-2).
L’action du calcium sur l’altération du verre s’inverse suivant le pH, ce qui indique qu’elle doit être
régie par deux mécanismes antagonistes. Entre pH 10,5 et 11,7, les deux mécanismes doivent
coexister et voir leur prédominance s’inverser, marquant un régime de transition.
Grâce à la littérature, nous allons maintenant discuter et proposer des mécanismes à l’origine de
l’évolution de ces cinétiques qui sont fonction du calcium.
III.1.3. Discussion sur la base de la littérature
La littérature est riche de travaux concernant l’influence d’ions sur l’altération de minéraux
silicatés à pH neutre, notamment dans le domaine de la géologie et des systèmes hydrothermaux.
Bien que ce ne soit pas le verre, mais souvent le quartz, qui soit étudié, les résultats montrent de
très fortes similitudes entre ces deux matériaux et confirment que c’est la liaison Si-O qui pilote le
mécanisme de dissolution. Les observations d’une augmentation de la vitesse initiale en présence
d’électrolyte à pH neutre sont nombreuses. Plusieurs approches existent pour expliquer le rôle des
cations, en revanche, une seule semble mettre en cohérence l’ensemble des résultats pour expliquer
le rôle du calcium à pH neutre.
En ce qui concerne l’influence du calcium à pH basique, peu de travaux portent sur
l’altération du verre en présence de calcium en régime de vitesse initiale à ces pH. Seules des
Figure III-4. Schéma illustrant l’influence du calcium sur les mécanismes d’interdiffusion et d’hydrolyse en
fonction du pH de la solution. Les épaisseurs des couches d’altération sont arbitraires.
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
115
hypothèses sont formulées, sans aucune preuve expérimentale. Grâce à la complémentarité de la
littérature dans le domaine du verre et du ciment, nous allons cependant pouvoir proposer une
explication à ce résultat.
III.1.3.1 Effet du calcium à des pH proches de la neutralité
III.1.3.1.1 Littérature concernant l’influence des cations sur la vitesse initiale de minéraux silicatés à des
pH proches de la neutralité
De nombreux travaux ont été réalisés concernant l’influence de l’électrolyte sur la
dissolution de minéraux silicatés en régime de vitesse initiale à des pH proches de la neutralité.
Dans le domaine de systèmes géologiques hydrothermaux, le quartz a notamment fait l’objet
d’études en température (entre 100 et 300 °C) en présence de cations alcalins et alcalino-terreux [9-
11]. Toutes rapportent une augmentation de la vitesse initiale de dissolution, jusqu’à deux ordres
de grandeur suivant les conditions d’altération. Dans le cas de la silice amorphe, la présence de
NaCl augmente la vitesse de dissolution d’un ordre de grandeur pour des températures comprises
entre 40 °C et 250 °C [12]. Une étude récente de Jollivet et al. [13] montre que la vitesse initiale du
verre SON68 en eau de Bure est cinq fois plus élevée qu’en eau désionisée à pH neutre à 90 °C.
L’influence du cation a également été étudiée. Les études de Dove et Nix [10] et de
Dove [11] indiquent que l’influence des différents cations sur la vitesse initiale d’altération du
quartz suit l’ordre suivant : Mg2+ < Ca2+ ≈ Li+ ≈ Na+ ≈ K+ < Ba2+. A pH 10 à 25 °C, le calcium et le
sodium conduisent à des augmentations modérées de la vitesse initiale d’altération de la silice
amorphe, cependant l’effet du sodium est négligeable devant celui du calcium [14]. Jollivet et al.
[13] montrent que l’altération du verre SON68 en présence de cations alcalins et alcalino-terreux
conduit à des vitesses initiales supérieures à celle en eau désionisée (Figure III-5). Ils remarquent
notamment que l’effet du calcium est trois fois plus important que celui du magnésium et des
cations alcalins, même si la concentration en sodium est quatre fois supérieure à celle du calcium
dans l’eau de Bure. Ils concluent que l’augmentation de la vitesse en eau de Bure par rapport à
l’eau désionisée est due majoritairement à l’ion calcium et dans un second ordre à la force ionique
de la solution.
Différentes hypothèses ont été avancées pour expliquer l’influence de la nature du cation
sur la vitesse initiale de dissolution du quartz ou de la silice amorphe, entre autres le rayon du
cation hydraté [10] ou la vitesse d’échange des atomes d’oxygène de la 1ère sphère de coordination
autour du cation [11]. Cependant, ces hypothèses ne se vérifient pas pour l’ensemble des cations
alcalins et alcalino-terreux. Jollivet et al. [13] testent également la cohérence entre l’évolution des
vitesses initiales et d’autres propriétés des cations : l’électronégativité, le rayon de la sphère
hydratée du cation, le nombre de molécules d’eau solvatant le cation, le coefficient de diffusion du
cation dans l’eau… De même que dans les autres études, ces diverses propriétés des cations ne
permettent pas de mettre en évidence le rôle du calcium.
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
116
Par une approche de spéciation et de complexation de surface, Dove et Elston [15]
proposent une relation basée sur les fractions de sites de surface qui permet de rendre compte de la
variation de la vitesse initiale du quartz en fonction de la concentration en NaCl de la solution. En
effet, la spéciation de surface évolue avec le pH de la solution [6, 16, 17], de même que les
propriétés de la double couche électrique à l’interface silice / solution. Bien qu’il existe des
controverses concernant la position du point de charge nulle2 (PCN) et du point isoélectrique3 [18],
les résultats sont compatibles dans la gamme de pH de 4 à 10, où la charge de surface de la silice
est négative. Pour des pH supérieurs au pH PCN, la densité de charge négative à la surface de la
silice augmente avec le pH [17, 19]. Janusz et al. [20] étudient l’adsorption du calcium sur la fumée
de silice en présence de NaClO4. Ils montrent que les ions Ca2+ s’adsorbent sur les sites Si-O- mais
également sur les sites Si-OH qui s’accompagne dans ce cas du relâchement d’ions H+. Plusieurs
études rapportent également que l’adsorption de calcium à la surface de la silice augmente avec le
pH [20-22] et que dans le domaine d’existence des C-S-H, la réaction des sites Si-O- avec les protons
est très faible étant donné l’ordre de grandeur du pH [22] (Figure III-6).
2 Le point de charge nulle correspond au pH auquel la surface du solide ne présente pas de charges.
3 Le point isoélectrique correspond au pH auquel les charges positives et négatives de la surface s’annulent.
Figure III-5. Influence de la nature des cations en solution pour une force ionique de 0,1 mol.L-1, sur la
vitesse initiale du verre SON68 à 90 °C, d’après Jollivet et al. [13]. DW correspond à l’eau désionisée qui est
le milieu de référence.
Figure III-6. Calcul de densités d’adsorption des ions calcium et des protons à la surface de la silice en
fonction du pH à partir d’un modèle de complexation de surface, d’après Henocq [22].
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
117
Basé sur l’approche de Dove et Elston [15], Jollivet et al. [13] étudient l’influence des fractions
molaires de sites de surface en fonction des différents cations qui constituent l’eau de Bure. Pour
cela, ils considèrent que la surface de verre se ramène à une surface de silice et ils supposent que la
vitesse initiale est pilotée au premier ordre par l’hydrolyse des liaisons Si-O. Ils montrent alors que
la vitesse initiale du verre SON68 augmente avec la fraction molaire de sites métalliques X[SiO]mM
(Figure III-7).
La formation de ce complexe métallique en surface de la silice entraîne un affaiblissement de la
liaison Si-O, ce qui la rend plus hydrolysable [10, 23]. Par calculs ab initio, Dove et Crerar [9]
évoquent que la variation de l’ouverture de l’angle Si-O-Me (Me = cation) peut faciliter
l’accessibilité aux molécules d’eau. Suivant le type de complexe qui se forme à la surface du verre,
les mécanismes sont différents : les complexes de sphères externes4 mettent en jeu des mécanismes
électrostatiques, et sont souvent moins stables que les complexes de sphère interne5, qui eux
mettent en jeu des liaisons ioniques, voire covalentes [24]. Wallace et al. [23] montrent que les
complexes de sphères internes sont plus favorables à la rupture des liaisons Si-O et suggèrent un
mécanisme en deux étapes :
- l’adsorption spécifique du cation à l’oxygène de la liaison Si-O, rendant l’ensemble plus
sensible à l’attaque par l’eau,
- l’hydrolyse de la liaison Si-O sur le côté par le complexe de sphère interne.
La corrélation entre la vitesse initiale et la fraction de sites métalliques à la surface du verre permet
donc d’expliquer l’influence des cations, notamment du calcium, du magnésium et du sodium sur
la vitesse initiale du verre SON68 en eau de Bure.
4 Une molécule au moins s’interpose entre le groupement fonctionnel de surface et l’ion auquel il est lié.
5 Aucune molécule d’eau ne s’interpose entre le groupement fonctionnel de surface et l’ion auquel il est lié.
Figure III-7. Evolution de la vitesse initiale du verre SON68 à 20 °C à pH 7 et à force ionique constante
(0,1 mol.L-1) en présence de différents cations et en eau de Bure (GW) en fonction de la fraction de sites
métalliques pour les cations alcalins et alcalino-terreux, d’après Jollivet et al. [13].
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
118
III.1.3.1.2 Cohérence de nos essais avec la littérature
L’augmentation de la vitesse d’altération en régime initial en présence de calcium par
rapport à un essai au même pH est cohérente avec les résultats de la littérature. Ces derniers
permettent d’expliquer l’origine de cette augmentation et le rôle spécifique du calcium par rapport
à d’autres cations alcalins et alcalino-terreux. Le pH et la composition de la solution engendre une
spéciation de surface du verre puis une complexation des cations avec les sites de surface. D’après
la Figure III-7 et les hypothèses formulées par Jollivet et al. [13], le calcium forme un nombre de
sites métalliques en surface plus important que le potassium au même pH. Par conséquent, le
calcium augmente la fréquence d’hydrolyse de la liaison Si-O et donc l’altération du verre par
rapport au milieu KOH au même pH.
III.1.3.2 Effet du calcium à pH basique
Plusieurs hypothèses peuvent être formulées pour tenter d’expliquer la brusque diminution
de la vitesse initiale en présence de calcium au-delà de pH 10,5. Remarquons tout d’abord que ce
pH est proche de celui du début du domaine d’existence des C-S-H [22], comme nous l’avons
évoqué au paragraphe précédent. Cependant, l’observation au MEB des grains de verre altéré ne
révèle pas l’existence de phases de type C-S-H, ni d’aucune autre phase, tout du moins avec cet
outil de caractérisation.
Nous pouvons invoquer la variation de spéciation du calcium avec le pH, cependant la fraction
d’ion Ca(OH)+ reste relativement faible comparativement à celle en ion Ca2+ (calculs issus de
CHESS): à pH 10,5, la concentration en ion Ca(OH)+ est de 0,33 % et à pH 11,1 et à pH 11,7, elle est
de 1,27 % et 7 % respectivement. Concernant l’évolution de la spéciation de la surface du verre, sa
charge négative augmente avec le pH [6, 16, 17], la surface va sorber de moins en moins de protons
et de plus en plus de calcium (Figure III-6). Une inversion des effets attribués à la complexation de
surface semble peu probable.
Remarquons enfin qu’à pH neutre, le calcium présent dans l’eau de Bure ne pénètre pas
dans la pellicule d’altération [13] alors qu’à pH basique dans les essais en présence de calcium, la
caractérisation des pellicules d’altération met en évidence la pénétration de calcium. Cette
observation met en évidence une différence d’interaction du calcium avec la surface du verre
altéré.
III.1.3.2.1 Littérature concernant l’altération du verre
Deux études semblent intéressantes pour apporter des éléments d’interprétation à ce
phénomène. Elles concernent l’altération de verres simples en eau désionisée à des rapports S/V
élevés, pour lesquels le régime d’altération n’est plus celui de la vitesse initiale.
La première étude concerne des expériences d’altération réalisées sur deux verres simples, à quatre
oxydes (62,0SiO2-19,1B2O3-13,4Na2O-5,5CaO6 : CJ8) et cinq oxydes (59,8SiO2-18,5B2O3-12,9Na2O-
6 Les compositions théoriques sont exprimées en pourcentage molaires d’oxydes.
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
119
5,3CaO-3,5ZrO2 : CJ9) à pH imposé entre 7 et 10, à 90 °C et pour des rapports S/V de 20 cm-1 et
48 cm-1, respectivement pour les verres CJ8 et CJ9 [25]. Ces expériences rendent compte de la
variation de l’interaction du calcium avec les éléments du verre en fonction du pH. A pH inférieur
à 8, le calcium interagit principalement avec les autres éléments structurants du gel (zirconium,
aluminium). Au-delà de pH 9, le calcium commence à interagir avec le silicium : à pH 10, des
C-S-H précipitent et engendrent une reprise d’altération alors qu’à pH 9, il semble qu’il y ait une
interaction Si-Ca au sein du gel. Ce dernier phénomène se caractérise par une forte limitation de
l’activité en calcium ainsi qu’une diminution notable du coefficient de diffusion de l’eau et des ions
solvatés dans le gel.
La seconde étude porte également sur l’altération d’un verre simple à cinq oxydes (62,5SiO2-
16,6B2O3-13,1Na2O-6,0CaO-1,8ZrO2) altéré en eau désionisée à 90 °C et à un rapport S/V de 80 cm-1
[26]. Le suivi des cinétiques indique que la vitesse d’altération atteint un plateau et est non
mesurable après 86 jours d’altération et que le pH est constant au cours de l’altération et égal à 9,1
à 90 °C. La caractérisation en ToF-SIMS et la modélisation Monte Carlo montrent que cet arrêt de la
dissolution est dû à une fermeture de la porosité du gel proche de l’interface gel / solution, après la
densification de cette couche par la recondensation du silicium. La caractérisation en ToF-SIMS
montre également une augmentation significative des teneurs en silicium et en calcium à l’interface
gel / solution, sur une profondeur qui correspond à la zone de gel passivant (Figure III-8). Nous
pouvons supposer que la fermeture de porosité n’est pas seulement due à la recondensation du
silicium mais aussi à l’interaction Si-Ca en surface du gel.
Ces deux études réalisées mettent en évidence qu’à de plus forts rapports S/V et autour de
pH 9 à 90 °C, il existe une interaction spécifique entre le calcium du verre lixivié et celle du silicium
au sein de la pellicule d’altération, et ce plus particulièrement à l’interface gel / solution. Cette
pellicule présente un caractère passivant puisqu’elle diminue le coefficient de diffusion de l’eau et
des éléments solvatés dans le gel [25] et / ou puisque sa structure évolue pour induire une
fermeture de porosité [26].
Figure III-8. Profils ToF-SIMS du calcium et du silicium au sein de la pellicule d’altération de verre altéré
86 jours en eau désionisée à 80 cm-1 à 90 °C, adapté de Jollivet et al. [26].
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
120
D’autres travaux réalisés à des pH plus basiques, correspondant au domaine d’existence
des C-S-H, mettent en évidence le rôle favorable du calcium par rapport à d’autres cations sur
l’altération du verre.
Ishikawa et al. [27] rapportent que l’influence des différents cations sur la vitesse initiale d’un verre
ternaire (71,7SiO2-15,0Na2O-13,3CaO) altéré entre pH 10 et 11,5 à 70 °C suit l’ordre suivant :
Ca2+ < Li+ < Na+ < Sr2+ < Ba2+. Pour expliquer la faible altération du verre en présence de calcium, ils
suggèrent la formation d’un film protecteur de C-S-H en surface du verre, sans en donner de
preuve expérimentale. Deux autres études réalisées par Oka et al. [28, 29] mettent également en
évidence le rôle inhibiteur du calcium sur l’altération de silice amorphe à pH basique par la
diminution des cinétiques. Ils supposent que la formation d’une couche de C-S-H à la surface du
verre agit comme une barrière diffusionnelle, présentant donc des propriétés protectrices.
A pH basique, ces études rapportent que la présence de calcium en solution conduit à une
diminution significative de la vitesse par rapport à d’autres cations. Leurs auteurs supposent la
formation d’une fine couche protectrice de Si-Ca en surface du verre qui constituerait une barrière
diffusionnelle.
III.1.3.2.2 Littérature concernant l’hydratation du ciment
Il est intéressant de constater que des hypothèses semblables sont formulées pour expliquer
l’origine de la période dormante dans le cas de l’hydratation de C3S.
Durant l’hydratation du ciment, après une réaction initiale de quelques minutes succède une
période d’induction pouvant durer entre 1 et 6 heures, avant la poursuite de la réaction
d’hydratation. L’origine de cette période d’induction fait actuellement débat au sein de la
communauté scientifique et diverses hypothèses ont été proposées [30, 31] :
- La première hypothèse repose sur l’existence d’une couche d’hydrate métastable en
surface des grains d’alite qui atteindrait l’équilibre avec la solution après la période initiale [32-34].
Jennings et al. [35] montrent l’existence de deux courbes de solubilité de C-S-H à partir de données
de la littérature sur la composition de solutions porales de pâtes cimentaires (Figure III-9). La
courbe présentant les concentrations en calcium et en silicium les plus élevées correspondrait à
l’équilibre de cette solution avec la couche d’hydrate métastable à différents rapports C/S.
Une des difficultés majeure avec cette hypothèse est qu’aucune observation expérimentale directe
n’a mis en évidence l’existence de cette phase. Cependant, une approche par simulation de
l’hydratation de C3S prenant en compte l’hypothèse d’existence de cet hydrate métastable,
reproduit quantitativement les résultats obtenus expérimentalement [36].
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
121
De récentes études de RMN du 29Si mettent en évidence l’existence d’une phase Ca-Si contenant
des monomères de silice hydratée au tout début de l’hydratation. Bellmann et al. [37] démontrent
alors que l’hydratation du C3S se déroule en deux étapes, par formation d’une phase silicatée
intermédiaire qui se convertit en une phase C-S-H lorsque la solution devient suffisamment
concentrée en calcium (Figure III-10). Les travaux très récents de Bellmann et al. [38] concernent
l’analyse de la surface de C3S au cours de la période d’induction. Après 30 minutes d’hydratation,
ils déterminent la composition du volume analysé en XPS : 44 %mass de C3S et 56 %mass de phase
intermédiaire (hydrate métastable). Aucun C-S-H n’est détecté. Grâce au MEB haute résolution et à
des considérations géométriques, il apparaît que cette phase intermédiaire se présente sous forme
d’une fine couche de 2 nm d’épaisseur qui recouvrirait la totalité de la surface des grains de C3S.
Figure III-9. Concentrations en silicium et en calcium de solutions porales de pâtes cimentaires collectées
suite à une importante recherche bibliographique réalisée par Jennings et al. [35].
Figure III-10. Représentation schématique du processus de dissolution du C3S en deux étapes, avec A=C3S,
B = phase intermédiaire et C = C-S-H, d’après Bellmann et al. [37].
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
122
Cette première hypothèse est discutée pour plusieurs raisons [31], notamment par la formation de
piqûres à la surface des grains d’alite et de la morphologie des C-S-H sous forme d’amas.
- La seconde hypothèse repose sur la cinétique de dissolution des grains d’alite et
l’évolution de l’état de saturation de la solution. Selon Nonat et al. [39, 40], la faible réactivité
durant la période d’induction est liée à une diminution significative de la vitesse de dissolution à
cause de l’augmentation de la concentration en hydroxyde de calcium de la solution et de la
croissance de piqûres à la surface des grains de C3S. Scrivener et Nonat [31] font appel à la
dissolution des cristaux d’alite et l’évolution de l’état de sous-saturation dans les premiers
instants : dès que le C3S est en contact avec de l’eau, il se dissout et les concentrations en calcium,
silicium et hydroxydes augmentent, ce qui a pour conséquence de diminuer le degré de sous-
saturation et donc la vitesse de dissolution [41].
Comme le soulignent Scrivener et Nonat [31], des points restent à éclaircir concernant cette seconde
hypothèse.
III.1.3.2.3 Lien entre la littérature et nos essais : une caractérisation de la pellicule d’altération en XPS
Pour développer notre raisonnement à partir des données de la littérature, nous allons tout
d’abord exposer un résultat expérimental complémentaire aux cinétiques d’altération.
Des caractérisations de surface en XPS ont été réalisées sur le verre VS altéré en solution S2
durant 24 heures à 30 °C pour rendre compte de l’évolution de la variation de composition avant et
après altération. La préparation des échantillons et l’acquisition des données sont développées en
annexe F. Notons simplement que la caractérisation en XPS nécessite une préparation spécifique de
l’échantillon : entre autre, la surface de verre doit être fraîchement fracturée pour ne pas avoir subi
d’hydratation par les molécules d’eau présente dans l’air ambiant.
Une analyse qualitative des fenêtres des spectres du Ca 2p pour le verre fracturé sain permet de
montrer que le calcium est présent en quantité beaucoup plus faible en extrême surface (Figure
III-11), comparé au verre fracturé altéré.
(a) (b)
Figure III-11. Spectre XPS du Ca 2p du verre VS fracturé (a) sain et (b) altéré en solution S2.
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
123
Les analyses semi-quantitatives sur le verre fracturé sain et altéré figurent dans le Tableau III-4. Les
rapports entre le verre fracturé altéré et sain sont similaires pour le silicium, bore, sodium,
zirconium et aluminium pour le verre VS. Les rapports mettent clairement en évidence un
enrichissement en calcium : l’extrême surface du verre altéré est enrichie 7,3 fois par rapport au
pourcentage dans le verre sain, ce qui signifie qu’une quantité importante de calcium provenant de
la solution est présente en surface de l’échantillon. Le rapport C/S du volume analysé du verre
altéré est de 0,7 contre 0,07 dans le cas du verre fracturé sain de référence. Ce premier rapport C/S
est probablement sous-estimé car les pourcentages des éléments du verre fracturé altéré indiquent
qu’une fraction non négligeable de verre sain est contenue dans le volume analysé.
Tableau III-4. Comparaison des compositions analysées d’un monolithe de verre VS fraîchement fracturé
sain et altéré en solution S2 à 30 °C pendant 1 jour.
Elément Verre fracturé
sain (% at) Verre fracturé altéré (% at)
Rapport
Na 9,39 6,19 0,7
O 58,01 62,49 1,1
Ca 1,34 9,81 7,3 B 7,48 5,39 0,7
Zr 0,37 0,27 0,7
Si 19,59 13,77 0,7
Al 3,82 2,09 0,5
L’objectif initial de l’utilisation de cette technique était d’obtenir des informations structurales sur
la pellicule d’altération lors de l’incorporation du calcium en régime initial. Utilisée pour
caractériser de très faibles épaisseurs de l’ordre de la dizaine de nanomètres, cette technique
permet d’obtenir des informations sur la structure du verre suite par exemple à des variations de
compositions [42-47]. Une seule étude existe sur l’étude de pellicules d’altération [48]. En réalité,
après avoir surmonté les difficultés liées à la préparation de l’échantillon, les caractérisations n’ont
pas permis de rendre compte d’une différence de structure au sein de la pellicule (décalage des
pics à de plus grandes ou plus faibles énergies) avec l’incorporation du calcium. Néanmoins
l’analyse quantitative confirme l’enrichissement de cette couche en calcium et permet de
déterminer un rapport estimatif C/S de 0,7.
La caractérisation en XPS de la pellicule d’altération du verre VS altéré en solution S2 montre
une incorporation importante du calcium au sein de la pellicule d’altération. Le rapport C/S
estimatif est de 0,7.
La littérature mentionne à plusieurs reprises la diminution de la vitesse initiale d’altération
en présence de calcium à pH basique. Ces mêmes études supposent l’existence d’une couche
passivante Si-Ca en surface des grains de verre sans que celle-ci n’ait été mise en évidence
expérimentalement. Cependant, à de forts rapports S/V et des pH proches de 9 à 90 °C,
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
124
l’enrichissement en Si-Ca de la surface du gel semble être à l’origine d’une diminution du
coefficient de diffusion de l’eau et des ions solvatés. Nous pouvons supposer que la fermeture de
porosité observée dans l’étude de Jollivet et al. [26] n’est pas seulement due à la recondensation du
silicium mais également à la synergie Si-Ca à la surface du gel. Par ailleurs, l’existence d’une
couche d’hydrate en surface des grains de C3S est une hypothèse forte pour expliquer l’origine de
la période dormante lors de l’hydratation du ciment. La solubilité de cette phase, intermédiaire à
celle du C3S et des C-S-H, conduirait à sa formation dans les premiers instants de l’hydratation
puis à sa dissolution progressive au profit des C-S-H avec l’augmentation de la concentration en
calcium.
Notre système verre + Ca(OH)2 présente de fortes similitudes avec celui de l’hydratation
de grains de C3S par le pH du milieu et les éléments lixiviés. L’ensemble de ces observations peut
donc être interprété pour proposer un mécanisme d’altération lié au calcium à pH basique.
Au pH étudié, correspondant au domaine d’existence des C-S-H, le calcium en solution
présente une affinité pour le silicium de la pellicule d’altération. La synergie Si-Ca au sein de cette
couche conduit probablement à une restructuration de la pellicule d’altération donc une
modification de ses propriétés de transport. Cette couche de verre altéré deviendrait alors une
barrière diffusionnelle pour l’eau et les ions solvatés, conduisant à une diminution de la fréquence
de rupture des liaisons Si-O et donc une diminution de la vitesse d’altération.
La partie suivante porte sur l’influence de la concentration en calcium sur les vitesses
initiales à différents pH. Nous allons voir que ces résultats confortent les mécanismes envisagés.
III.2. Influence de la concentration en calcium à différents pH
III.2.1. Conditions expérimentales
Une troisième série d’essais a été réalisée dans le but d’étudier l’influence de la
concentration en calcium en solution à différents pH. De même que dans les deux séries
antérieures, les expériences sont réalisées sur le verre VS de granulométrie 80 - 125 µm à 50 °C. Les
deux concentrations en calcium étudiées sont de 5 et 50 mg.L-1, sachant que les valeurs de vitesses à
0 et 150 mg.L-1 de calcium sont issues des deux séries précédentes. Les expériences sont réalisées à
pH 7 et 11,7 ainsi qu’à pH 10,5 et 11 mais uniquement à 5 mg.L-1. La nomenclature utilisée est la
même quel pour les essais précédents, ainsi l’expérience « 5-10,5 » signifie que l’altération est
menée dans 5 mg.L-1 de calcium à pH 10,5 à 50 °C.
Les prélèvements sont dosés par ICP-AES, le silicium est systématiquement analysé, le bore
et le lithium uniquement pour certains essais.
III.2.2. Résultats et discussion
Les incertitudes sont données avec un intervalle de confiance à 95 %. Un récapitulatif des
résultats est présenté dans le Tableau III-5, le tableau complet est en annexe E.
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
125
Tableau III-5. Vitesses initiales du verre VS altéré dans différentes concentrations de calcium sur une
gamme de pH variant de 7 à 11,7 à 50 °C. IC est l’intervalle de confiance à 95 % associé à la vitesse initiale.
Référence VSi
(g.m-2.j-1) IC (Vsi)
(%) VB
(g.m-2.j-1) IC (VB)
(%) VLi
(g.m-2.j-1) IC (VLi)
(%) 5-7 0,03 5,89
50-7 0,04 4,53
5-10,5 0,50 6,12 0,49 5,81 0,58 23,87
5-11 0,57 4,95 0,56 6,34 0,61 34,10
5-11,7 0,41 9,87 0,38 4,56 0,42 103,91
50-11,7 0,20 3,26
D’après la Figure III-12, les évolutions des vitesses d’hydrolyse en fonction de la
concentration en calcium de la solution sont tout à fait différentes suivant le pH de la solution.
A pH neutre, la vitesse d’hydrolyse augmente brutalement d’un facteur 3 à l’ajout de
5 mg.L-1 de calcium et d’un facteur 4 avec 50 mg.L-1 de calcium. Au-delà, la vitesse n’évolue guère
par ajout de calcium. Il semble donc qu’il existe un seuil à partir duquel le calcium n’a plus
d’influence sur la vitesse d’hydrolyse.
Ce résultat est en cohérence avec ceux de la littérature. Dans le cas du quartz, la vitesse
d’hydrolyse augmente fortement entre 0 et 0,01 mol.L-1 de cations alcalino-terreux (Figure III-13). A
des concentrations plus élevées que 0,01 mol.L-1 [10] et 0,05 mol.L-1 [9], l’augmentation de la vitesse
devient faible. Dans l’étude d’Icenhower et Dove [12], la valeur seuil pour la silice amorphe en
présence de NaCl est autour de 0,02 mol.L-1.
Le mécanisme supposé être à l’origine de l’augmentation de la vitesse initiale est un
mécanisme de surface. L’évolution des vitesses à pH 7 conforte cette hypothèse. A de faibles
concentrations en cation, le nombre de sites de surface complexé augmente fortement avec la
concentration en cation. Au-delà du seuil de concentration, tous les sites de surface sont occupés, la
fréquence de rupture des liaisons Si-O est alors maximale.
-2,0
-1,5
-1,0
-0,5
0,0
0 50 100 150Concentration Ca (mg.L -1)
Log(
VS
i) (g
.m-2
.j-1)
pH 7pH 10,5
pH 11pH 11,7
Figure III-12. Vitesses d’hydrolyse à différentes concentrations en calcium à pH 7 ; 10,5 ; 11 et 11,7 à 50 °C.
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
126
A pH 11,7, la vitesse d’hydrolyse diminue fortement puis plus progressivement avec la
concentration en calcium mais n’atteint pas de valeur seuil, tout du moins jusqu’à 150 mg.L-1 de
calcium (Figure III-12). Cette évolution confirme qu’il s’agit bien d’un mécanisme différent de celui
à pH neutre qui est à l’origine de cette diminution de la vitesse d’hydrolyse : ce mécanisme n’est
probablement pas surfacique mais volumique.
En effet, les caractérisations en XPS montrent une incorporation du calcium au sein du verre altéré.
Il semble donc que la quantité de calcium incorporée augmente avec la concentration de celui-ci,
diminuant ainsi la vitesse d’hydrolyse.
D’après le Tableau III-5, les vitesses en bore, en lithium et en silicium à pH basique ne sont pas
significativement différentes, la dissolution est donc bien congruente : le calcium contribue
réellement à passiver l’altération du verre.
Au deux pH 10,5 et 11, correspondant à la zone de transition de l’effet du calcium (Figure
III-1), des vitesses sont obtenues pour des concentrations à 5 mg.L-1 et 150 mg.L-1 de calcium. Il est
intéressant de constater qu’à pH 10,5, la vitesse d’hydrolyse augmente légèrement avec la
concentration en calcium alors qu’à pH 11, la vitesse diminue et suit la tendance des cinétiques à
pH 11,7.
L’ensemble de ces évolutions confirment que :
- le calcium est à l’origine de ces cinétiques d’altération,
- le calcium agit sur la vitesse d’hydrolyse par deux mécanismes différents qui sont
fonction du pH, l’un surfacique à pH inférieur à 10 et l’autre volumique à pH supérieur à 11,
- le pH de transition se situe entre 10,5 et 11 à 50 °C.
III.3. Bilan du rôle antagoniste du calcium en régime de vitesse initiale
L’étude de l’influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial rend
compte de l’effet prépondérant du calcium qui est à l’origine d’une diminution d’un ordre de
grandeur de la vitesse initiale par rapport à un essai au même pH.
Figure III-13. Evolution de la vitesse de dissolution du quartz en présence de barium, de calcium et de
magnésium à différentes concentrations à 200°C et proche de la neutralité, d’après Dove et Nix [10].
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
127
Afin d’étudier plus spécifiquement l’effet du calcium, des essais ont été menés sur une
gamme de pH étendue et à différentes concentrations en calcium. Il apparaît que la présence de
calcium conduit à une augmentation de la vitesse d’hydrolyse du réseau silicaté pour des pH
inférieurs à 10,5 alors qu’au-delà de pH 11, il conduit à une diminution de la vitesse d’hydrolyse.
Cette rupture dans l’évolution des cinétiques en présence de calcium met en évidence l’existence
de deux mécanismes différents qui sont fonction du pH.
Grâce à la littérature, les mécanismes à l’origine de ces cinétiques ont été discutés.
Il apparaît qu’à pH neutre, le calcium interagit avec le verre par un mécanisme surfacique : les ions
calcium forment des complexes métalliques avec les sites de surface du verre, ce qui favorise
l’hydrolyse de la liaison Si-O. Le calcium crée un nombre de sites métalliques plus important que
d’autres cations, ce qui affaiblit les liaisons silicatées et par conséquent, augmente la fréquence
d’hydrolyse de la liaison Si-O.
A pH basique supérieur à 11, la littérature est moins fournie concernant ce phénomène.
Néanmoins, la complémentarité de la littérature du verre et du ciment peut être interprétée pour
proposer un mécanisme d’altération. Au pH étudié, correspondant au domaine d’existence des
C-S-H, le calcium en solution présente une affinité pour le silicium de la pellicule d’altération. La
synergie Si-Ca au sein de cette couche conduit probablement à une restructuration de la pellicule
d’altération et donc à une modification de ses propriétés de transport. Cette couche de verre altéré
deviendrait alors une barrière diffusionnelle pour l’eau et les ions solvatés, conduisant à une
diminution de la fréquence de rupture des liaisons Si-O et donc à une diminution de la vitesse
d’altération.
L’étude des cinétiques d’altération à différentes concentrations en calcium confortent le fait que le
mécanisme à pH inférieur à 10 est surfacique alors qu’il devient volumique pour des pH
supérieurs à 11. Entre ces deux pH, début du domaine d’existence des C-S-H, ces deux mécanismes
doivent coexister et leur prédominance s’inverser.
L’une des perspectives de ce chapitre est d’approfondir l’étude de cette couche passivante
enrichie en calcium par XPS. L’obtention de la variation des rapports C/S et l’évolution des
énergies de liaisons par rapport à des références permettrait, par analogie, de converger sur
l’hypothèse formulée de l’hydrate métastable à l’origine de la période d’induction durant
l’hydratation du C3S.
CHAPITRE IV - Influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime initial : rôle spécifique du calcium
128
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131
CHAPITRE V. INFLUENCE DU CALCIUM SUR
L’ALTERATION DU VERRE EN REGIME DE CHUTE DE
VITESSE
I. Le magnésium, alcalino-terreux constitutif des matériaux d’environnement du stockage et
son influence sur l’altération du verre ...................................................................................................134
I.1. Influence du magnésium sur l’altération du verre.................................................................134
I.2. Influence du magnésium de l’eau de Bure sur l’altération du verre ...................................136
I.3. Conclusion concernant l’effet du magnésium sur l’altération du verre..............................138
II. Etude de l’influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime de chute de
vitesse............................................................................................................................................................139
II.1. Conditions expérimentales ........................................................................................................139
II.2. Comparaison des cinétiques en eaux cimentaires et en eau désionisée ..............................139
II.3. Altération du verre en régime de chute de vitesse en solution S1 .......................................141
II.4. Altération du verre en régime de chute de vitesse en solution S2 .......................................143
II.5. Bilan sur l’influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime de chute de
vitesse......................................................................................................................................................147
III. Etude de l’influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse......148
III.1. Conditions expérimentales ........................................................................................................148
III.2. Cinétiques d’altération ...............................................................................................................149
III.2.1. Caractéristiques des cinétiques d’altération à partir des éléments mobiles.......................150
III.2.2. Comparaison des essais en présence de Portlandite et des essais témoins.........................151
III.3. Caractérisation des solides.........................................................................................................152
III.3.1. Essai témoin SS2b-50........................................................................................................152
III.3.2. Essais en solutions cimentaires en présence de Portlandite..............................................154
III.4. Bilan de l’influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse .162
III.4.1. Influence de la concentration en Portlandite et de la présence de KOH sur la formation de
la couche de C-S-H.........................................................................................................................162
III.4.2. Figures de dissolution .......................................................................................................166
IV. Détermination de vitesses initiales par le biais d’un protocole d’altération original ............168
IV.1. Validité des mesures de vitesses initiales à partir de ce protocole d’altération .................168
IV.2. Comparaison des vitesses initiales à partir de deux protocoles différents .........................168
IV.3. Origine des différences de vitesses en solution cimentaire avec et sans Portlandite ........171
V. Discussion et conclusion sur l’influence du calcium en régime de chute de vitesse..............172
V.1. Similitudes entre deux alcalino-terreux : le calcium et le magnésium ................................172
V.2. Analogie avec l’hydratation du ciment....................................................................................172
V.3. Conclusions : mécanismes et paramètres pilotant l’altération du verre .............................174
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
132
V.3.1. Paramètres influents .........................................................................................................174
V.3.2. Schémas d’évolution des différents essais .........................................................................176
Références bibliographiques....................................................................................................................179
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
133
Au cours du précédent chapitre, nous avons étudié l’influence des eaux cimentaires et plus
particulièrement du calcium, en régime de vitesse initiale. Nous avons mis en évidence son double
rôle qui est fonction du pH dans ce régime d’altération. En eaux cimentaires, l’incorporation du
calcium au sein de la pellicule d’altération engendre une rétention des éléments et une diminution
d’un ordre de grandeur de la vitesse initiale par rapport à son homologue en KOH.
L’objectif de ce chapitre est d’étudier l’influence des eaux cimentaires sur l’altération du
verre en régime de chute de vitesse. Nous allons voir que dans ce régime d’altération, l’élément qui
joue le rôle prépondérant est également le calcium.
La première partie, bibliographique, s’attache à exposer l’influence du magnésium sur l’altération
du verre. Cet élément, présent dans certains verres mais également dans l’argilite du site de
stockage, présente de fortes similitudes avec le calcium concernant les mécanismes mis en jeu lors
de l’altération du verre.
Une première série d’essais en eaux cimentaires permet d’appréhender le rôle du calcium et les
mécanismes sous-jacents de l’altération. Sur la base de ces résultats, la mise en œuvre d’une
seconde série d’essais en solutions cimentaires en présence de Portlandite précise l’effet du calcium
à long terme sur l’altération du verre.
La dernière partie montre qu’à partir d’un protocole d’altération paramétré pour déterminer des
cinétiques de chute de vitesse, il est possible de mesurer des vitesses initiales. Ces résultats
confirment l’effet du calcium en régime de vitesse initiale observé dans les précédents chapitres.
Enfin, ce chapitre aboutit à une discussion générale sur l’influence du calcium sur l’altération du
verre. Nous mettons en évidence les paramètres clés qui permettent d’expliquer les différentes
cinétiques observées en fonction des conditions d’altération.
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
134
I. Le magnésium, alcalino-terreux constitutif des matériaux
d’environnement du stockage et son influence sur l’altération
du verre
Dans le concept de stockage de l’Andra, le verre au sein duquel sont confinés les
radionucléides sera au contact de l’eau de site après quelques centaines voir milliers d’années.
Cette eau aura été au contact des différents matériaux constituant les barrières successives de
confinement, sa composition chimique sera donc complexe et variable. L’étude de l’effet des
matériaux d’environnement sur l’altération du verre s’avère nécessaire puisqu’ils peuvent
contribuer à modifier les mécanismes d’altération ainsi que les cinétiques associées.
De nombreux travaux ont été réalisés dans ce cadre précis sur les verres nucléaires HA en
présence de fer et de matériaux argileux. Des études plus paramétriques permettent de rendre
compte de l’effet spécifique d’éléments constitutifs d’un matériau d’environnement (ou de
solutions à l’équilibre avec ce matériau sans tenir compte des propriétés de transport). L’approche
expérimentale sur des systèmes simples permet de rendre compte des phénomènes majeurs et des
mécanismes dans des conditions d’altération spécifiques et maîtrisées.
Rappelons que l’altération d’autres matériaux du site de stockage que le verre est étudiée,
l’argilite par exemple. Ce matériau constitue une des dernières barrières de confinement avant la
biosphère et présente une importante capacité de rétention des radioéléments. Cependant, ces
propriétés peuvent être dégradées en présence d’autres matériaux d’environnement, notamment
les matériaux cimentaires [1-3].
Nous tachons ici de présenter l’influence du magnésium, élément constitutif de certains
verres mais également de l’argilite du Callovo-Oxfordien, sur l’altération du verre. Comme nous le
verrons par la suite, cet alcalino-terreux présente de fortes similitudes avec le calcium concernant
les mécanismes d’altération du verre.
I.1. Influence du magnésium sur l’altération du verre
Le magnésium est à la fois un élément présent dans les eaux souterraines des sites
potentiels de stockage mais il fait également parti de la composition de certains verres nucléaires.
Son rôle a été étudié et mis en avant dans différentes conditions d’altération, qu’il soit présent dans
la composition du verre ou bien dans la solution d’altération.
Les travaux de Thien [4] portent sur l’étude de 25 verres AVM (Atelier de Vitrification de
Marcoule), altérés en eau désionisée à 50 °C durant 10 ans. Les verres AVM présentent la
particularité de contenir du magnésium (en % massique : 2,5 % < MgO < 7,5 %). Malgré de faibles
variations de composition, ces 25 verres présentent des comportements différents, tant au niveau
de la quantité de verre altéré que de la vitesse résiduelle. Le point commun à la quasi-totalité de ces
verres est la présence d’une phase secondaire contenant du magnésium, une smectite
trioctaèdrique. L’étude spécifique de deux des 25 verres (AVM6 et AVM10), présentant des degrés
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
135
d’altération extrêmes dans le domaine d’étude, ont permis de mettre en évidence un double rôle
du magnésium. L’ajout de magnésium au sein de la solution altérante provoque la formation
massive de smectites trioctaèdriques pour les deux verres [5]. Cependant, la répercussion sur les
cinétiques d’altération ainsi que sur les quantités de verre altéré sont remarquablement différentes.
Dans le cas de l’AVM10, les cinétiques d’altération et les quantités de verre altéré augmentent,
alors que dans le cas de l’AVM6, ces paramètres diminuent malgré la précipitation des phases
secondaires. Le phénomène suspecté d’être à l’origine de ce ralentissement de l’altération est
l’incorporation du magnésium au sein du gel, qui renforcerait son caractère passivant. Des
expériences sur des verres ne contenant pas de magnésium, altérés dans des solutions riches en cet
élément, ont permis de valider cette hypothèse. Les verres AVM étant dépourvus de calcium, seuls
le sodium et le magnésium peuvent compenser les charges négatives induites par la présence
d’aluminium tétraédrique au sein du gel. Lorsque le sodium est compensateur de charges, il
semble que le coefficient de diffusion dans le gel soit plus élevé que dans le cas du magnésium. Le
rôle du magnésium est donc intimement lié à la composition du verre et celle de la solution
d’altération. Le pH joue également un rôle clé, puisqu’entre 9 et 9,5, la formation de phases
secondaires silico-magnésiennes est favorisée alors qu’entre pH 8,2 et 8,5, le magnésium aurait
tendance à s’incorporer dans le gel.
Les verres Magnox (MW), équivalent anglais des verres AVM, contiennent également du
magnésium. Lixivié en eau désionisée à 90 °C durant 12 ans, le verre MW s’altère environ 10 fois
plus rapidement que le verre SON68 en régime de vitesse résiduelle [6]. Les caractérisations des
solides ont révélé la présence d’argiles riches en magnésium dont la composition est intermédiaire
entre la montmorillonite, la saponite et l’hectorite.
L’influence du magnésium comme élément constitutif de la solution altérante a également
été étudiée : sur des verres simples [7], sur des verres nucléaires comme nous venons de le voir [4]
ainsi que dans des systèmes intégraux [8].
En présence d’hydromagnésite, l’altération d’un verre simplifié à six oxydes augmente par rapport
à l’eau désionisée, à cause de la formation de silicates magnésiens [7]. Le magnésium provenant de
la dissolution de l’hydromagnésite réagit avec le silicium du verre pour former ces phases
secondaires.
Le dépouillement d’une expérience intégrale de 25 ans d’altération d’un bloc de verre SON68 en
milieu granitique a permis également de montrer la formation de telles phases, silico-
magnésiennes [8]. Le magnésium provient dans ce cas de la mise à l’équilibre avec le milieu
granitique (1% massique de MgO) avant injection de solution dans le réacteur contenant le bloc de
verre. L’analyse de la solution de lixiviation révèle qu’elle est dépourvue de magnésium. La
formation de phyllosilicates magnésiens serait donc à l’origine de l’entretien d’une vitesse
constante à long terme supérieure à la vitesse résiduelle en solution granitique maintenue à une
faible teneur en magnésium (6 - 8 mg.L-1). Ainsi, le magnésium de la solution altérante renouvelée
fréquemment joue un rôle majeur dans l’augmentation de la dissolution du verre.
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
136
Qu’il soit présent au sein du verre ou en solution, le rôle du magnésium est double :
- le magnésium induit la formation de phases secondaires silico-magnésiennes consommatrices
de silicium qui activent l’altération du verre. Cependant, cette précipitation est auto-régulée
puisque la précipitation de ces phases, en diminuant le pH, ralentit leur formation,
- le magnésium peut s’incorporer dans le gel comme compensateur de charge à la place du
sodium et augmenter ainsi le caractère passivant de cette couche.
Ce double rôle est fonction de la formation de phases secondaires, du pH, de la composition du
verre et de celle de la solution d’altération.
I.2. Influence du magnésium de l’eau de Bure sur l’altération du verre
L’eau de Bure est en équilibre avec l’argilite du site de stockage, elle est appelée également
eau du COx pour Callovo-Oxfordien. Son pH est de 7,2 à 25 °C (6,01 à 90 °C), elle contient du
magnésium, calcium, silicium et des anions [9]. L’influence de l’eau de Bure a été étudiée sur
différentes compositions de verre et à différents régimes d’altération. La majorité des expériences
ont été réalisées sur le verre SON68.
En régime de chute de vitesse et de vitesse résiduelle, l’eau de Bure a une influence
défavorable sur l’altération du verre SON68 car elle conduit à une augmentation à la fois de la
vitesse et de la quantité de verre altéré par rapport à un milieu en eau désionisée [9].
Jollivet et al. [9] ont montré que l’élément jouant le rôle prépondérant était le magnésium. Deux
phénomènes expliquent ce comportement. D’une part, le magnésium précipite sous forme de
phases silico-magnésiennes à l’interface gel / solution, ce qui a pour conséquence de dissoudre une
partie du gel. D’autre part, la précipitation de cette phase engendre une diminution de pH, ce qui
conduit à augmenter la diffusivité de la pellicule d’altération. En Figure I-1 est illustrée l’évolution
anti-corrélée de la consommation du magnésium et de l’augmentation des pertes de masse
normalisées des traceurs en solution à deux rapports S/V différents.
(a) (b)
Figure I-1. Evolution anti-corrélée des traceurs de l’altération (NL(B), NL(Na), NL(Li)) et de la
consommation du magnésium (concentration en Mg) au cours du temps à des rapports S/V de (a) 3 cm-1 et (b)
10 cm-1, d’après [9].
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
137
On constate que plus la surface de verre disponible est importante, plus la vitesse de
consommation de magnésium augmente, le régime de chute de vitesse est donc d’autant plus
rapide. Après consommation du magnésium en solution, la vitesse d’altération du verre est
équivalente à celle en eau désionisée. Jollivet et al montrent également que la cinétique de
précipitation du magnésium évolue linéairement en fonction du flux de silicium provenant de la
dissolution du verre.
En régime de chute de vitesse et vitesse résiduelle, l’augmentation des cinétiques d’altération du
verre SON68 ainsi que des quantités de verre altéré en eau de Bure par rapport à l’eau
désionisée est due à la présence de magnésium qui favorise la précipitation de phases silico-
magnésiennes avec le silicium provenant de la dissolution du gel. Le maintien de telles vitesses
dépend de la surface de verre exposée (et donc du flux de silicium provenant du verre), de la
concentration en magnésium en solution et de son éventuel renouvellement en condition de
stockage.
L’influence de l’eau de Bure a également été observée sur les verres AVM [4].
Contrairement à l’altération du verre SON68, l’eau de Bure a un effet favorable ou neutre sur
l’altération de ces verres. Les deux paramètres de l’eau de Bure qui permettent de conserver ou
bien de diminuer l’altération par rapport à celle en eau désionisée sont à la fois la teneur en
calcium et le pH relativement faible de la solution. Rappelons que les verres de l’ensemble du
domaine de composition ne contiennent pas de calcium mais du magnésium, contrairement au
verre SON68. Le calcium présent en solution va remplacer le magnésium comme compensateur de
charges au sein du gel. Thien [4] a montré que le gel présente une affinité qui est fonction de la
nature du cation : Ca2+ > Mg+ > Na+. La composition du gel (et du verre) est donc un élément clé du
comportement du verre en eau désionisée et en eau de Bure. En effet, dans le cas d’un verre dont
les charges induites par la présence d’aluminium sont compensées par du magnésium, son
comportement sera inchangé en présence de calcium puisque celui-ci s’insèrera à la place du
magnésium dans le gel pour maintenir son caractère passivant. Dans le cas d’un verre dont les
charges au sein du gel sont compensées majoritairement par du sodium, le calcium le remplaçant,
la vitesse d’altération va être diminuée par rapport à une altération en eau désionisée. Le pH joue
également un rôle important, car du fait de sa valeur plus faible en eau de Bure, il limite la
précipitation de phases secondaires silico-magnésiennes.
Le calcium contenu dans l’eau de Bure agit comme compensateur de charges de l’aluminium
dans la pellicule d’altération des verres AVM et augmente son caractère passivant. La
composition du verre et donc celle de la pellicule d’altération détiennent un rôle clé sur
l’influence qu’a l’eau de Bure sur l’altération du verre.
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
138
I.3. Conclusion concernant l’effet du magnésium sur l’altération du verre
Le magnésium, provenant du verre ou fourni par l’environnement en conditions de
stockage profond, peut avoir :
- une influence défavorable sur le verre dans le cas de la précipitation de phases secondaires
qui déstabilise, voire dissout, une partie du gel et modifie ses propriétés structurales, chimiques et
morphologiques,
- une influence favorable lorsque l’élément s’insère dans le gel comme compensateur de
charges.
Ainsi, l’influence de la nature de la solution lixiviante sur l’altération du verre, caractérisée par sa
composition chimique et son pH, dépend de la composition du verre, des conditions d’altération
(S/V, température), de l’évolution du pH au cours de l’altération. Le poids de chacun de ces
paramètres conditionne les quantités de verre altéré ainsi que la cinétique d’altération du verre. La
composition, la structure et la morphologie de la pellicule d’altération sont fondamentales
puisqu’elles induisent ses propriétés de transport et de stabilité vis-à-vis de la solution altérante.
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
139
II. Etude de l’influence des eaux cimentaires sur l’altération du
verre en régime de chute de vitesse
II.1. Conditions expérimentales
Cinq expériences sont menées à 200 cm-1 et à 50 °C (Tableau II-1) :
- en solution S1, avec le verre CSD-B (CS1) et le verre VS (SS1),
- en solution S2, avec le verre CSD-B (CS2) et le verre VS (SS2)
- en eau désionisée, avec le verre CSD-B (CEP) (expérience de référence).
Pour l’ensemble des expériences, la fraction granulométrique utilisée est de 20 - 40 µm, la surface
spécifique associée mesurée par BET est de 1780 et de 1585 cm2.g-1, respectivement pour le verre
CSD-B et le verre VS (l’incertitude associée est de 10 %). 7,9 g de poudre de verre sont immergés
dans 70 mL de solution lixiviante dans un réacteur en Téflon. Les expériences sont menées en étuve
en boîte à gants pour éviter tout phénomène de carbonatation. Le pH est laissé libre. Les pH des
solutions tampons utilisées sont de 9,81 et 12,00 à 25 °C. Les prélèvements de solution sont
effectués à différentes échéances. Le lixiviat est directement filtré avec un filtre-seringue GHP 0,45
µm en boîte à gants, avant d’être sorti pour être acidifié à l’acide nitrique 0,5 N, puis conservé au
réfrigérateur en attente de l’analyse ICP-AES. Certains éléments sont systématiquement dosés : Si,
B, Na, Li, Al, Ca, tandis que d’autres dépendent de la composition du verre (Mo pour le verre CSD-
B) et de la solution d’altération (K en solution S1).
Des prélèvements de solide sont effectués à certaines échéances. La poudre de verre altéré est
observée au MEB en observation directe et en section polie si nécessaire.
Tableau II-1. Récapitulatif des tests statiques à fort rapport S/V menés en solution S1, S2 et en eau
désionisée à 50°C.
Référence Verre Solution Granulométrie
(µm)
S/V
(cm-1)
m verre
(g)
V solution
(mL)
CS1 CSD-B S1 20 - 40 200 7,86 70
SS1 VS S1 20 - 40 200 7,86 70
CS2 CSD-B S2 20 - 40 200 7,86 70
SS2 VS S2 20 - 40 200 7,86 70
CEP CSD-B eau désionisée 20 - 40 200 7,86 70
II.2. Comparaison des cinétiques en eaux cimentaires et en eau désionisée
La Figure II-1 représente les pertes de masse normalisées en lithium, élément traceur de
l’altération dans ces expériences, en fonction du temps pour les quatre expériences en eaux
cimentaires et celle en eau désionisée. Les cinétiques des expériences réalisées en solution S1 sont
représentées jusqu’à 269 jours d’altération car au-delà de cette échéance, un régime de reprise
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
140
d’altération débute comme nous le verrons au chapitre suivant. Pour les essais en solution S1, les
pertes de masse normalisées sont sensiblement différentes entre le verre CSD-B et le verre VS.
Dans le cas des essais menés en solution S2, les pertes de masse normalisées en lithium ne sont pas
significativement différentes. Il semble donc que pour cette solution d’altération, les éléments
mineurs de la composition du verre n’aient pas d’influence significative.
0,00
0,05
0,10
0,15
0,20
0,25
0,30
0 100 200 300 400 500 600 700
Temps (j)
NL(
Li)
(g.m
-2)
CS1
CS2
CEP
SS1SS2
Figure II-1. Comparaison des pertes de masse normalisées en lithium pour les tests CS1, SS1, CS2, SS2 et
CEP à 50°C. Des problèmes d’analyses ont eu lieu pour les points à 43 et 70 jours d’altération dans les
essais CS1 et SS1.
Comparativement au test de référence mené en eau désionisée, le degré d’altération du
verre CSD-B à la dernière échéance est plus important, d’un facteur 2,1 et 1,6 en solution S1 et S2
respectivement (Tableau II-2). Les cinétiques d’altération en solution S1 ne sont pas comparées aux
essais en solution S2 et en eau désionisée à de plus courtes échéances à cause de la fluctuation des
points suite à un problème d’analyse. Cependant, il convient de remarquer que les vitesses des
essais CS2 et CEP ne sont pas significativement différentes.
Tableau II-2. Caractéristiques des cinétiques d’altération des expériences CS1, SS1, CS2, SS2 et CEP : vitesse
d’altération V(Li), pourcentage de verre altéré (VA(Li)), facteur de rétention du bore par rapport au lithium
(FR(B)), épaisseur équivalente en lithium (EE(Li)). La vitesse d’altération est calculée entre les échéances
indiquées. Les trois derniers paramètres sont donnés à l’échéance finale.
Référence Echéance
(j)
V(Li)
(g.m-2.j-1)
VA(Li)
(%) FR(B)
EE(Li)
(nm)
CS1 123 - 269 2,5.10-4 ± 71,4 % 3,8 0,13 84,7
SS1 123 - 269 5,4.10-4 ± 53,3 % 2,3 0,25 59,0
CS2 177 - 647 3,1.10-5 ± 56,3 % 2,9 0,16 64,6
SS2 177 - 647 V(Na)
2,2.10-5 ± 50,0 % 2,3 0,16 58,3
CEP 142 - 613 5,8.10-5 ± 31,9 % 1,9 0,08 44,8
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
141
Le pH des essais CS1 et SS1 fluctue dans l’intervalle de confiance à 12,5 ± 0,2 et ne montre
pas de tendance spécifique. En revanche, en solution S2, le pH diminue d’environ une unité durant
les 30 premiers jours d’altération, puis il reste constant à 10,7 ± 0,2. Le pH de l’expérience CEP se
maintient autour de 9,8 ± 0,2.
Il convient de noter que le bore, habituellement traceur de l’altération en eau
désionisée [10], est ici plus retenu que le lithium dans les essais en eaux cimentaires. Cette
différence s’explique (i) soit par une rétention sélective du bore au sein du verre altéré, (ii) soit par
une réactivité du bore avec le calcium en solution pour former des phases secondaires.
En raison d’un relâchement plus important sur les échéances courtes, le degré d’altération du
verre CSD-B altéré en solution S2 est supérieur à celui en eau désionisée. Cependant, la vitesse
d’altération sur les échéances longues n’est pas significativement différente de celle en eau
désionisée au vu des incertitudes.
II.3. Altération du verre en régime de chute de vitesse en solution S1
Il convient à présent d’analyser les évolutions des pertes de masses normalisées des
éléments lixiviés du verre pour les essais CS1 (Figure II-2) et SS1 (Figure II-3).
0,00
0,05
0,10
0,15
0,20
0,25
0,30
0 50 100 150 200 250 300
Temps (j)
NL
i (g.
m-2
)
0
10
20
30
40
Si B Al
Li Na Ca
CS1
[Ca]
(m
g.L
-1)
Figure II-2. Evolution des pertes de masse normalisées en Li, B, Si, Al, Na et de la concentration en Ca de la
solution en fonction du temps lors de l’essai CS1. Les traits en pointillés sont un guide pour les yeux.
Les relâchements en sodium, en lithium et en bore sont assez congruents. Le silicium et
l’aluminium sont fortement retenus. Ces évolutions sont similaires à celle d’une chute de vitesse en
eau désionisée. Cependant, la concentration en calcium en solution, reportée sur l’axe droit des
ordonnées, chute brutalement, et ce, dès le premier jour d’altération. Ce résultat est valable pour
les deux essais CS1 et SS1. Sa concentration après un jour d’altération fluctue par la suite entre 0,2
et 2 mg.L-1.
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
142
0,00
0,05
0,10
0,15
0,20
0 50 100 150 200 250 300
Temps (j)
NL
i (g.
m-2
)
0
10
20
30
40Si B AlLi Na Ca
SS1
[Ca]
(m
g.L
-1)
Figure II-3. Evolution des pertes de masse normalisées en Li, B, Si, Al, Na et de la concentration en Ca de la
solution en fonction du temps lors de l’essai SS1. Les traits en pointillés sont un guide pour les yeux.
Un prélèvement réalisé à 123 jours d’altération révèle l’existence de deux types de phases
secondaires en surface des grains de verre altéré. Les premières phases correspondent aux
phyllosilicates dont la précipitation naissante est clairement visible (Figure II-4 (a)). Les amorces de
phyllosilicates sont très peu denses mais réparties de façon homogène à la surface des grains de
verre. La seconde phase, elle aussi peu dense, se présente sous forme d’amas filamenteux de
l’ordre de quelques microns (Figure II-4 (b)). Ces phases sont très enrichies en calcium par rapport
au verre et d’après leur morphologie, il est possible que ce soit des phases de type C-(A)-S-H.
La consommation brutale de calcium dès le premier jour indique que ces phases nucléent
rapidement en surface du verre.
(a) (b)
Figure II-4. Images MEB de la surface de grains de verre prélevés de l’essai CS1 à 123 jours d’altération.
Présence de phases filamenteuses et peu denses sous forme d’amas.
Dès le premier jour, l’altération du verre en solution S1 conduit à une consommation du calcium
pour former des phases secondaires probablement de type C-(A)-S-H. Cette phase contrôle par
la suite la concentration en calcium de la solution.
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
143
II.4. Altération du verre en régime de chute de vitesse en solution S2
Les cinétiques d’altération des deux verres en solution S2 sont représentées en Figure II-5 et
Figure II-6. De même que dans les deux essais précédents (CS1 et SS1), les départs du lithium et du
sodium sont congruents compte-tenu des incertitudes sur les pertes de masse normalisées. Les
départs du sodium et du bore le sont également. Cependant, le lithium est lixivié
préférentiellement par rapport au bore puisque leurs incertitudes sur les pertes de masse
normalisées sont significativement différentes, ce qui est en accord avec le facteur de rétention du
bore (Tableau II-2).
La solubilité du silicium et de l’aluminium augmente avec le pH, d’où un seuil de concentration
(ou pertes de masse normalisées) supérieur en solution cimentaire S1 que S2.
0,00
0,04
0,08
0,12
0,16
0,20
0 200 400 600
Temps (j)
NL
i (g.
m-2
)
0
100
200
300
400
500
600Si B Na
Al Li Ca
CS2
[Ca]
(m
g.L
-1)
Figure II-5. Evolution des pertes de masse normalisées en Li, B, Si, Al, Na et de la concentration en Ca de la
solution en fonction du temps lors de l’essai CS2. Les traits en pointillés sont un guide pour les yeux.
0,00
0,04
0,08
0,12
0,16
0,20
0 200 400 600
Temps (j)
NL
i (g.
m-2
)
0
100
200
300
400
500
600Si B Na
Al Li Ca
[Ca]
(m
g.L
-1)
SS2
Figure II-6. Evolution des pertes de masse normalisées en Li, B, Si, Al, Na et de la concentration en Ca de la
solution en fonction du temps lors de l’essai SS2. Les traits en pointillés sont un guide pour les yeux.
De la même façon que dans les essais en solution S1, le calcium, initialement présent en
solution à une teneur de 512 mg.L-1, est consommé très rapidement pour atteindre des
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
144
concentrations variant entre 15 et 25 mg.L-1. Cette consommation brutale est anti-corrélée au
relâchement du silicium, aussi bien dans l’essai CS2 (Figure II-7 (a)) que dans l’essai SS2 (Figure
II-7 (b)). Ce comportement est similaire à celui observé dans les essais sur le verre SON68 en eau de
Bure avec le magnésium [9].
(a)
0
4
8
12
16
20
0 5 10 15Temps (j)
[Si]
(mg.
L-1
)
0
200
400
600Si
Ca
[Ca]
(m
g.L
-1)
CS2
(b)
0
10
20
30
40
50
0 5 10 15Temps (j)
[Si]
(mg.
L-1
)
0
200
400
600Si
Ca
[Ca]
(m
g.L
-1)
SS2
Figure II-7. Evolution des concentrations en silicium et calcium durant les 15 premiers jours d’altération
dans les essais (a) CS2 et (b) SS2.
Un prélèvement de solide réalisé à 219 jours d’altération permet de constater la prise en
masse des grains de verre altéré au fond du réacteur. Des observations au MEB mettent en
évidence la formation de phases secondaires en surface des grains de verre (Figure II-8), similaires
à celles observées dans les essais en solution S1.
(a) (b)
(c)
Figure II-8. Observations MEB des grains de verre prélevés à 219 jours d’altération de l’essai (a) et (b) SS2
et (c)CS2. Présences d’amas filamenteux de C-(A)-S-H en surface des grains et de corrosion par piqûres.
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
145
Une section polie de ces grains agglomérés rend compte de la présence de ces phases secondaires
entre les grains de verre (Figure II-9 (a)). D’après la cartographie de la Figure II-10, cette phase est
très riche en calcium et en silicium.
(a) (b)
Figure II-9. Section polie de grains de verre prélevés de l’essai SS2 à 219 jours d’altération. (a) Présence de
phase cimentaire entre les grains de verre. (b) Piqûres visibles sur la tranche d’un grain de verre.
Figure II-10. Cartographie EDS d’un grain de verre de la Figure II-9 (a) (verre VS altéré 219 jours en solution
S2 à 50°C).
L’ensemble de ces informations suggère qu’il s’agit d’une phase de type C-(A)-S-H :
- par la teneur importante en calcium et silicium de ces phases au vu de la caractérisation
des solides,
- par la prise en masse des grains de verre, phénomène cohérent avec celui observé lors de
la précipitation de C-S-H au cours de l’hydratation d’un ciment [11, 12],
- par l’évolution anti-corrélée des concentrations en calcium et en silicium.
A partir des pertes de masse normalisées en traceur (Li) et en silicium, une quantité de silicium
consommée peut être déterminée. En supposant (i) que la totalité du calcium consommé contribue
à la formation de ces phases et (ii) que le silicium ne se recondense pas pour former la pellicule
Ca Si
Al Na Si - Ca
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
146
d’altération, les rapports C/S des phases précipitées sont calculés et représentés en Figure II-11. Les
valeurs de ces rapports sont cohérentes avec celles connues des phases C-S-H (0,6 < C/S < 1,5), qui
sont fonction de la concentration en calcium dans la solution d’équilibre [13]. Le rapport C/S
calculé à la première échéance est probablement le plus réaliste compte-tenu des hypothèses.
0,4
0,6
0,8
1,0
1,2
0 2 4 6 8Temps (j)
Rap
port
C/S
CS2
SS2
Figure II-11. Evolution des rapports C/S estimatifs des phases de type C-(A)-S-H précipitées en surface des
grains de verre dans les essais CS2 et SS2.
La concentration en calcium, environ dix fois supérieure à celle en solution S1, ainsi que sa
consommation quasi-totale est cohérente avec une densité de phase en surface des grains plus
importante et donc une prise en masse des grains de verre.
Rappelons qu’aux premières échéances de l’expérience, le pH diminue d’environ une unité. Cette
variation est également en accord avec la précipitation de ces phases qui s’accompagne d’une
baisse de pH.
Les éléments constitutifs de la phase, la prise en masse des grains de verre, l’évolution anti-
corrélée des concentrations en silicium et en calcium ainsi que la chute de pH confortent donc
notre hypothèse quant à la nature de la phase qui précipite, de type C-(A)-S-H.
Remarquons que la surface du verre présente des figures d’altération particulières, sous
forme de piqûres (Figure II-8). Leur forme est irrégulière et leur taille moyenne varie suivant la
composition du verre : le diamètre moyen des piqûres est de l’ordre de 30 nm pour le verre CSD-B
alors qu’il est de l’ordre de 300 nm pour le verre VS. Grâce à l’observation au MEB d’un grain de
verre altéré sur la tranche, le profil des piqûres est clairement visible (Figure II-9 (b)). Les trous
présents en surface des grains de verre sont d’une profondeur similaire. L’épaisseur d’altération du
verre est évaluée à environ 200 nm. A 219 jours d’altération, l’épaisseur équivalente de verre altéré
en lithium est de 57 nm. Malgré le manque d’observations MEB et donc de représentativité du
système, ces valeurs semblent cohérentes pour formuler l’hypothèse que le volume de verre altéré
correspondrait au volume des piqûres avant leur dissolution.
Concernant ce mode de dissolution jusque-là peu observé et encore inexpliqué [14, 15], des
questions subsistent :
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
147
- cette corrosion spécifique est-elle liée à l’altération en milieu basique ?
- la présence de calcium joue-t-elle un rôle ?
A cause de la forte réactivité du calcium avec le silicium lixivié, le calcium est consommé après
quelques dizaines de jours par la formation de phases de type C-(A)-S-H. Cette phase se forme
en surface des grains de verre et conduit à une prise en masse de l’ensemble de la poudre. Le pH
et / ou la présence de calcium en concentration importante semblent être à l’origine d’une
altération spécifique du verre, dite de « corrosion par piqûres ». Le verre s’altère par piqûres
dont le front de progression semble parallèle à la surface des grains de verre.
II.5. Bilan sur l’influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en
régime de chute de vitesse
Ces expériences en solutions cimentaires présentent toutes la même particularité : le
calcium initialement présent en solution réagit avec le silicium lixivié provenant du verre pour
former des phases secondaires de type C-(A)-S-H.
La formation de ces phases contrôlent l’activité en calcium [16]. Dès les premières échéances, la
concentration en calcium atteint la limite de solubilité de la phase, ce qui conduit à maintenir un
relâchement important en silicium. En théorie, le rapport C/S des phases C-(A)-S-H est donc amené
à diminuer.
La brusque chute de la concentration en calcium indique que la cinétique de
nucléation / précipitation de la phase de type C-(A)-S-H est rapide. La précipitation de cette phase
durant une courte période engendre un degré d’altération à plus long terme supérieur en solutions
S1 et S2 par rapport à l’eau désionisée. Lorsque le calcium est consommé en quasi-totalité, la
vitesse d’altération du verre est équivalente à celle en eau désionisée. Le calcium présent en
solution a donc un effet similaire à celui du magnésium, présent sous forme d’hydromagnésite [7]
ou encore dans l’eau de Bure [9].
Ces expériences permettent de rendre compte de la réactivité du calcium et du silicium mais la
consommation du calcium et l’altération postérieure similaire à celle en eau désionisée ne
permettent pas de déterminer à long terme l’influence du calcium sur l’altération du verre.
La question qui se pose est de savoir si le maintien de la concentration en calcium et du pH à long
terme conduisent à une réaction préférentielle du silicium à précipiter sous forme de phases
secondaires plutôt qu’à recondenser pour former une pellicule d’altération passivante.
Des expériences similaires ont donc été réalisées pour rendre compte de l’influence du calcium à
long terme sur l’altération du verre en maintenant des concentrations en calcium constantes.
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
148
III. Etude de l’influence du calcium sur l’altération du verre en
régime de chute de vitesse
III.1. Conditions expérimentales
Afin d’étudier l’effet du calcium sur l’altération du verre à moyen terme, sa concentration
doit être maintenue constante en solution au cours de l’essai. Pour cela, de la chaux est ajoutée en
excès aux expériences en eaux cimentaires. De cette façon, le pH et la concentration en calcium sont
maintenus constants par redissolution de la Portlandite en excès. Le terme de Portlandite sera
utilisé par la suite car la chaux (CaO) s’hydrate instantanément dans l’eau pour former de la
Portlandite (Ca(OH)2).
Quatre expériences en présence de Portlandite et deux expériences témoins en eau à pH
ajusté sont réalisées. Les essais sont menés à un rapport S/V de 10 cm-1 avec le verre VS à 30 °C et
50 °C. Le rapport S/V a été choisi de façon à diminuer la surface réactive de verre (et donc le flux de
silicium) et ainsi permettre de compenser la quantité de calcium consommée par une dissolution
suffisamment rapide de la Portlandite. Le rapport massique de chaux sur verre est de 1. Les
expériences témoins réalisées à 50 °C permettent de distinguer l’effet du pH de l’effet du calcium
sur l’altération du verre puisqu’il s’agit d’altérations dans une solution d’eau à pH ajusté (KOH)
aux mêmes pH que les eaux cimentaires. Dans ces essais témoins, le pH est réajusté au cours du
temps. Le protocole d’altération est le même que celui décrit au paragraphe II.1. Le Tableau III-1
présente les caractéristiques des six essais réalisés.
Tableau III-1. Récapitulatif des tests menés en solution S1, S2 en présence de Portlandite et en eau à pH
ajusté à 50°C.
Référence Verre Solution Granulométrie
(µm)
S/V
(cm-1)
m verre
(g)
V solution
(mL)
T
(°C)
SS1P-50 VS S1 + CaO 40 - 80 10 1,5 150 50
SS1P-30 VS S1 + CaO 40 - 80 10 1,5 150 30
SS1b-50 VS eau à pH
ajusté (KOH) 40 - 80 10 1,5 150 50
SS2P-50 VS S2 + CaO 40 - 80 10 1,5 150 50
SS2P-30 VS S2 + CaO 40 - 80 10 1,5 150 30
SS2b-50 VS eau à pH
ajusté (KOH) 40 - 80 10 1,5 150 50
L’essai témoin SS1b-50 s’arrête à 154 jours d’altération suite à un problème d’évaporation.
Les autres expériences ont été arrêtées après environ un an d’altération. Les essais en présence de
Portlandite se présentent de la même façon avec :
- au fond du réacteur, un matériau solide formé de l’ensemble des grains de verre et de
phases cimentaires,
- en suspension, une phase solide sous forme de petits amas. Cette phase a été filtrée à
l’isopropanol pour évacuer les molécules d’eau, séchée puis caractérisée en DRX.
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
149
III.2. Cinétiques d’altération
Dans tous les essais, la plupart des pertes de masse normalisées en sodium et en lithium ne
sont pas significativement différentes, néanmoins, celles en sodium sont souvent supérieures.
Les pertes de masse normalisées des éléments lixiviés du verre sont présentées dans les Figure
III-1, Figure III-2 et Figure III-3.
0
1
2
3
4
5
6
0 100 200 300
Temps (j)
NL
i (g.
m-2
)
Si B AlLi Na
SS1P-50
0
1
2
3
4
5
6
7
0 100 200 300
Temps (j)N
Li (
g.m
-2)
Si B AlLi Na
SS1P-30
Figure III-1. Evolution des pertes de masse normalisées en Li, B, Si, Al, Na, Ca dans les essais SS1P-50 et
SS1P-30.
0
1
2
3
4
5
6
0 100 200 300
Temps (j)
NL
i (g.
m-2
)
Si B AlLi Na
SS2P-50
0
1
2
3
4
0 100 200 300
Temps (j)
NL
i (g.
m-2
)
Si B Al
Li Na
SS2P-30
Figure III-2. Evolution des pertes de masse normalisées en Li, B, Si, Al, Na, Ca dans les essais SS2P-50 et
SS2P-30.
0
1
2
3
4
5
0 50 100 150
Temps (j)
NL
i (g.
m-2
)
Si B NaCa Al Li
SS1b-50
0,0
0,4
0,8
1,2
1,6
0 100 200 300
Temps (j)
NL
i (g.
m-2
)
Si B AlLi Na Ca
SS2b-50
Figure III-3. Evolution des pertes de masse normalisées en Li, B, Si, Al, Na, Ca dans les essais SS1b-50 et
SS2b-50.
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
150
Les pH des essais SS1P-50 et SS1b-50 sont tous deux de 12,6 ± 0,2. Ceux des expériences
SS2P-50 et SS2b-50 sont respectivement de 11,7 ± 0,2 et 11,8 ± 0,2, ils ne sont donc pas
significativement différents. Les tests témoins sont bien maintenus au même pH que leur test
associé en Portlandite. Pour les expériences menées à 30 °C, les pH sont de 13,0 ± 0,2 et 12,3 ± 0,2
respectivement en solution S1 et S2. Le pH des solutions tamponnées par la Portlandite sont bien
maintenus à une valeur moyenne, il en est de même pour les tests témoins.
Les différences majeures sur l’évolution des pertes de masse normalisées entre les essais
réalisés en présence de Portlandite et les essais témoins sont :
- les seuils de solubilité du silicium et de l’aluminium. Dans les essais en eaux cimentaires,
la concentration de l’aluminium est entre 4 et 7 fois inférieure à celle en eau à pH ajusté. De même,
la concentration en silicium est entre 50 et 75 fois inférieure en présence de Portlandite,
- le bore est plus retenu dans les essais en solution S2 qu’en solution S1,
- les pertes de masse normalisées en calcium des expériences témoins sont très faibles,
- le régime de vitesse résiduelle est rapidement atteint dans les tests témoins alors que
l’augmentation des pertes de masse normalisées des traceurs en solutions cimentaires reste
importante.
III.2.1. Caractéristiques des cinétiques d’altération à partir des éléments mobiles
Le Tableau III-2 présente les vitesses d’altération ainsi que les caractéristiques d’altération
des 6 essais. Les vitesses sont déterminées par régression linéaire pondérée des pertes de masses
normalisées en lithium et en sodium.
Les valeurs de vitesses en solution S1 sont à considérer avec prudence au vu de l’évolution bruitée
des pertes de masse normalisées et des incertitudes associées. La fluctuation des NL(Na) et NL(Li)
peut être due à une réaction de sorption sur des phases secondaires.
La vitesse en lithium dans l’essai SS1b-50 est prise en 3 points non alignés, ce qui explique
l’incertitude associée. Il convient donc de considérer la vitesse à partir du sodium.
Tableau III-2. Caractéristiques des cinétiques d’altération des essais en Portlandite et en eau à pH ajusté à
partir du sodium et du lithium : vitesse d’altération, pourcentage de verre altéré, épaisseur équivalente. Les
deux derniers paramètres sont donnés à l’échéance finale. Les valeurs soulignées sont données à titre
indicatif mais ne doivent pas être considérées à cause des incertitudes associées à la vitesse.
Référence Echéance
(j)
V(Na)
(g.m-2.j-1)
V(Li)
(g.m-2.j-1)
VA(Na)
(%)
VA(Li)
(%)
EE(Na)
(µm)
EE(Li)
(µm)
SS1P-50 166-344 -2,0.10-4 ± 4735% 3,9.10-3 ± 121% 40,0 29,7 1,9 1,3
SS1P-30 153-332 1,3.10-2 ± 53% 6,5.10-3 ± 74% 48,0 39,2 2,3 1,8
SS1b-50 35-154 1,9.10-3 ± 0,2% -5,8.10-4 ± 1168% 34,9 27,3 1,6 1,2
SS2P-50 166-344 8,8.10-3 ± 45% 8,8.10-3 ± 39% 42,4 38,6 2,0 1,8
SS2P-30 153-332 6,0.10-3 ± 10% 5,6.10-3 ± 10% 30,8 28,0 1,4 1,2
SS2b-50 153-332 6,6.10-4 ± 70% 3,5.10-4 ± 57% 9,5 8,9 0,4 0,4
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
151
Pour chacun des essais, les vitesses d’altération en lithium et en sodium ne sont pas
significativement différentes. Ces deux éléments semblent donc être les éléments les plus lixiviés
bien que nous n’ayons pu démontrer leur non réactivité vis-à-vis des phases secondaires.
A 50 °C, le degré d’altération du verre est identique en solution S1 et S2 avec Portlandite
alors qu’à 30 °C, il est plus faible d’un facteur 1,5 en solution S2.
Les expériences sont menées à un rapport S/V vingt fois plus faible que celui des
expériences en eaux cimentaires sans ajout de Portlandite. L’échéance finale correspondrait donc à
environ 17 jours d’altération à un rapport S/V de 200 cm-1. En considérant cependant l’état
d’altération à l’échéance finale (269 et 647 jours respectivement en solution S1 et S2), le verre VS
présente un degré d’altération au moins 30 fois supérieur en présence de Portlandite. C’est donc le
maintien de la concentration en calcium qui conduit à des degrés d’altération aussi importants.
III.2.2. Comparaison des essais en présence de Portlandite et des essais témoins
La Figure III-4 rend compte de l’influence de la Portlandite sur l’altération du verre à 50 °C dans les
solutions S1 et S2. L’arrêt du test SS1b-50 à 154 jours d’altération ne permet pas de comparer les
vitesses d’altération à long terme.
(a)
0
1
2
3
4
5
6
0 50 100 150
Temps (j)
NL
i (g.
m-2
)
Li NaLi Na
SS1P-50SS1b-50
(b)
0
1
2
3
4
5
6
0 100 200 300
Temps (j)
NL
i (g.
m-2
)
Li NaLi Na
SS2P-50
SS2b-50
Figure III-4. Comparaison des pertes de masse normalisées en Li et Na dans les essais (a) SS1P-50 et
SS1b-50 et (b) SS2P-50 et SS2b-50.
A pH 12,6, la présence de calcium semble provoquer une chute de vitesse plus rapidement et à des
concentrations deux fois plus faibles en traceurs (Figure III-4 (a)). Cependant, la chute de vitesse est
beaucoup moins marquée en solution cimentaire puisqu’elle est environ seize fois plus faible.
A pH 11,7, le pourcentage de verre altéré en présence de Portlandite est quatre fois plus élevé que
dans le test témoin. La chute de vitesse intervient plus tardivement et est plus faible d’un facteur
150 environ (Figure III-4 (b)).
Le Tableau III-3 indique les valeurs de chute de vitesse pour les six essais. Les vitesses initiales
utilisées pour déterminer les chutes de vitesse sont celles obtenues par régression linéaire dans les
premiers jours d’altération de ces expériences. Nous verrons au paragraphe IV que ces vitesses
peuvent être considérées comme des vitesses initiales. Il convient de remarquer que la chute de
pH 11,7
pH 12,6
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
152
vitesse de l’essai témoin SS1b-50 est déterminée à partir de la vitesse à moyen terme (154 jours
d’altération), elle est probablement encore plus faible à plus long terme.
Tableau III-3. Chute de vitesse calculée pour les six essais. Pour les essais avec Portlandite, la vitesse
initiale est celle obtenue durant les premiers jours d’altération. Pour les essais témoins, la vitesse initiale est
celle obtenue à partir de l’équation Vi(T,pH). Les vitesses à long terme sont celles du Tableau III-2.
Référence Vi/V(traceur) Référence Vi/V(traceur)
SS1P-50 63 SS2P-50 9
SS1P-30 4 SS2P-30 4
SS1b-50 1021 SS2b-50 1464
Les faibles chutes de vitesse observées dans les essais en présence de Portlandite sont dues à la fois
à :
- la présence de calcium et le maintien de sa concentration qui conduisent à des vitesses
d’altération à long terme élevées,
- des vitesses initiales plus faibles qu’en eau à pH ajusté.
En présence de Portlandite, les cinétiques d’altération permettent de rendre compte (i) du
maintien d’une vitesse élevée à long terme et (ii) d’une chute de vitesse plus faible d’un à deux
ordres de grandeur. Le degré d’altération du verre est également plus important en présence de
Portlandite. Le maintien d’une vitesse élevée à long terme serait dû à la formation de phases
secondaires consommatrices d’éléments formateurs (Si, Al, Zr…) d’une pellicule d’altération
passivante.
Bien que la chute de vitesse dans les essais en présence de Portlandite soit faible, ce
changement de régime existe. Notons que dans le cas de la solution S1, la chute de vitesse se
produit plus rapidement qu’en milieu KOH (bien que la vitesse à long terme reste plus
importante). Quelle est l’origine de cette chute de vitesse ? Est-ce l’incorporation de calcium au sein
du gel ou bien la formation de phases secondaires en surface des grains de verre ? Les
caractérisations effectuées sur le solide vont permettre d’apporter des éléments de réponse.
III.3. Caractérisation des solides
III.3.1. Essai témoin SS2b-50
L’observation directe au MEB des grains de verre altéré en eau à pH ajusté à 11,8 ± 0,2
révèle un état de surface homogène à l’échelle de la dizaine de microns, mais inhomogène à celle
du micron. Aucune phase secondaire n’a été mise en évidence.
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
153
(a) (b)
(c)
Figure III-5. Observations MEB de grain de verre de l’essai SS2b-50 altérés 332 jours. (a) et (b) Surface
piquetée et (c) présence de piqûres.
La surface présente d’importantes variations de contraste dues à la présence de nombreuses
piqûres de l’ordre de la centaine de nanomètres de diamètre (Figure III-5 (a)). La fracture d’un
grain de verre en Figure III-5 (b) et (c) permet de mettre clairement en évidence que la surface du
grain de verre est totalement piquée sur une profondeur de 600 nm environ. Certaines piqûres
semblent vides et d’autres remplies de gel très poreux. La surface des grains est recouverte d’une
couche de gel qui masque les piqûres lorsque les grains sont observés directement (Figure III-5 (a)).
La chute de vitesse de trois ordres de grandeur indique qu’il existe un équilibre entre les
mécanismes de diffusion des éléments à travers le gel vers la solution et la recondensation des
éléments au sein du gel. Bien que l’altération se fasse par piqûres, celles-ci semblent passives à long
terme. Il est donc fort probable que ce soit la chimie de la solution initiale qui ait engendrée ce type
de dissolution.
L’épaisseur équivalente calculée à partir des analyses de solution est d’environ 400 nm.
L’hypothèse formulée au paragraphe II.4 selon laquelle le volume de verre altéré correspond au
volume des piqûres avant leur dissolution semble cohérente une fois encore. Les piqûres observées
de profil sont similaires dans ces deux essais. La seule différence réside dans l’absence de calcium
en solution dans cet essai, contrairement à CS2. L’altération du verre par piqûres serait donc due à
un effet du pH.
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
154
L’altération du verre en eau à pH ajusté révèle une surface (i) piquée de façon homogène sur
une profondeur de 600 nm et (ii) recouverte d’une couche de gel dont la texture semble poreuse.
Cette dissolution par piqûres est due au premier ordre à un effet du pH qui favorise ce type de
dissolution au cours des premières étapes de l’altération.
III.3.2. Essais en solutions cimentaires en présence de Portlandite
L’observation au MEB des solides reste relativement difficile car une multitude de phases
de différentes tailles et morphologies coexistent, la section polie en Figure III-6 permet d’en rendre
compte. Nous tacherons à travers cette partie de montrer les phénomènes représentatifs des faciès
d’altération des grains de verre et des types de phases secondaires.
Figure III-6. Vue d’ensemble d’une section polie du matériau solide pris en masse au fond du réacteur de
l’essai SS2P-30.
III.3.2.1 Morphologie des figures de dissolution
La Figure III-7 illustre les faciès d’altération de grains de verre altérés de l’essai SS2P-50. Le
semi-profil rend visible la surface du grain de verre qui semble être pourvue d’une multitude de
piqûres hémisphériques de l’ordre du micron.
Une section polie de grains de verre agglomérés lors de l’essai SS2P-30 a mis en évidence
l’existence de piqûres de tailles importantes sur plusieurs grains de verre (Figure III-8). Elles
mesurent plusieurs microns de profondeur, voire plus d’une dizaine de micron. Leur forme est
variable, elles sont soit arrondies, soit allongées. Contrairement à l’essai témoin, ces piqûres
semblent remplies de phases secondaires et non de gel recondensé.
La Figure III-9 rend compte de la coexistence de ces deux types de piqûres.
Les formes et tailles des piqûres sont tout à fait différentes de celles observées dans le test témoin
SS2b-50.
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
155
L’altération en présence de calcium semble modifier la géométrie des piqûres de dissolution et
engendrer une augmentation de leur taille.
III.3.2.2 Observations et caractérisations qualitatives de C-S-H en MEB et par analyse EDS
Pour l’ensemble des essais en présence de Portlandite, des phases secondaires recouvrent
les grains de verre et forment une sorte de gangue autour d’eux (Figure III-10). La fracture de
grains de verre altéré permet de visualiser cette couche en surface (Figure III-11) dont l’épaisseur
Figure III-7. Observations MEB d’une section polie de grains de verre de l’essai SS2P-50. Présence de
nombreuses piqûres de l’ordre du micron en surface du verre.
Figure III-8. Observations MEB d’une section polie de grains de verre agglomérés de l’essai SS2P-30.
Présence de piqûres de plusieurs microns.
Figure III-9. Observations directes au MEB de grains de verre de l’essai SS2P-30. Présence de nombreux
cratères recouvrant la surface des grains de verre et de piqûres de plusieurs microns.
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
156
est égale ou supérieure à celle calculée à partir de l’analyse de solution (voir Tableau III-2). Cette
différence d’épaisseur peut s’expliquer (i) soit par le fait que les éléments les plus mobiles ne sont
pas réellement traceurs de l’altération du verre, (ii) soit par la formation d’une phase secondaire en
surface présentant une épaisseur supérieure à celle qu’occuperait le gel.
Deux pointés EDS de la couche en surface du grain de verre de la Figure III-11 (c) ont été
réalisés, l’un proche de l’interface avec le verre sain (zone 1, en vert) et l’autre proche de l’interface
avec la solution (zone 2, en rouge). La phase de la zone 1 présente une teneur en silicium beaucoup
plus importante que celle de la zone 2, alors que l’effet est inverse pour le calcium (Figure III-12). A
partir de ces caractérisations, nous pouvons supposer l’existence, non pas de zones enrichies en
silicium et en calcium mais de gradients anti-corrélés de ces mêmes éléments. Cette hypothèse est
probable puisque le flux de silicium provient du verre alors que celui de calcium provient de la
solution. La phase qui précipite à l’interface verre / solution pourrait donc être représentative des
gradients de concentrations des éléments dans l’un ou l’autre des milieux.
La présence de sodium et d’aluminium peut être due (i) soit à l’analyse d’une fraction de verre (si
le verre est présent sous la surface), (ii) soit à leur présence réelle dans la couche, auquel cas, ce
gradient reflète la diffusion des éléments lixiviés.
La Figure III-13 permet de rendre compte d’un phénomène intéressant. Sur cette
cartographie sont présents des grains de verre (distinguables à partir du sodium et de l’aluminium)
et un amas de cristaux de Portlandite. L’image MEB de référence montre la présence de phases
autour des grains de verre et de l’amas de Portlandite. L’analyse EDS permet de mettre en
Figure III-10. Observations directes au MEB de grains de verre recouverts de phases secondaires de l’essai (a)
et (b) SS2P-50 et (c) SS2P-30.
Figure III-11. Observations directes au MEB de la présence d’une couche dense en surface des grains de verre
de l’essai (a) SS1P-30, (b) SS1P-50 et (c) SS2P-50.
a b c
a b c
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
157
évidence que cette phase contient les mêmes éléments : du silicium et du calcium. Il semble donc
que le silicium du verre réagissent avec le calcium provenant de la Portlandite et inversement, ce
qui confirme les observations précédentes.
Figure III-12. Analyse EDS en deux zones de la couche en surface du verre de l’image (c) de la Figure III-11.
Figure III-13. Cartographie EDS de grains de verre et phases secondaires de l’essai SS2P-30.
Le plus remarquable est la mise en évidence de la précipitation de C-S-H sur les cristaux de
Portlandite. En effet, lors de l’hydratation d’un ciment Portland, la solubilité des C-S-H étant
inférieure à celle de la Portlandite, les nucléi de C-S-H précipitent sur la surface des grains de C3S,
avant la formation de cristaux de Portlandite. Dans notre système, la nucléation des C-S-H est
hétérogène, et peut se produire à partir de deux surfaces : celle du verre et celle de la Portlandite.
Verre
Portlandite
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
158
Les images MEB de la Figure III-14 mettent en évidence la formation de phases C-S-H
autour des grains de verre. Une zone plus dense de phase semble définir le contour du grain de
verre d’une taille supérieure. Ce liseré pourrait donc être assimilé à la zone de nucléation des
C-S-H, qui correspondrait à la surface initiale des grains de verre (Figure III-15 (a)), de sorte qu’aux
premiers instants de l’altération, les nucléi de C-S-H se formeraient en surface de grains de verre et
croitraient au détriment du verre. Un schéma illustrant ce phénomène a été réalisé à partir de ces
observations (Figure III-15).
Précédemment, nous avons précisé qu’il existait des différences d’épaisseur de ces couches en
surface des grains de verre et celles obtenues par l’analyse de la solution. Ici, l’épaisseur de 5 µm
est supérieure à celle calculée, de 2,3 µm. L’hypothèse d’éléments mobiles non traceurs de
l’altération est donc probable. Il est en effet possible qu’une partie des alcalins se soit sorbée sur les
C-S-H [17]. Cependant, le sodium, qui lui est détectable contrairement au lithium en EDS,
n’apparaît pas être retenu dans des phases secondaires.
a
Figure III-15. (a) Grossissement de la Figure III-14 (b) avec les centres de nucléation des C-S-H matérialisés
par les traits jaunes. Schéma illustrant la (b) nucléation / (c) croissance des C-S-H à partir de la surface des
grains de verre.
III.3.2.3 Observations et caractérisations d’autres phases secondaires
La section polie réalisée à partir de grains de verre agglomérés de l’essai SS2P-50 rend
compte de la présence de phases secondaires entre les grains de verre (Figure III-16), plus
Figure III-14. Observations directe au MEB de la présence d’une couche dense en surface des grains de verre
de l’essai (a) et (b) SS1P-30 et (c) SS2P-30.
a b c
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
159
particulièrement de l’enrichissement de ces phases en silicium et aluminium. Dans le bas de
l’image MEB, un fin liseré est très enrichi en aluminium et en calcium. De même, l’ensemble des
phases présentent entre les grains sont enrichies en calcium, aluminium, silicium, et légèrement en
zirconium. Ces caractérisations qualitatives confirment donc la formation de phases secondaires à
partir des éléments structurants de la pellicule d’altération [18, 19]. Ces observations sont
caractéristiques de l’ensemble des essais en présence de Portlandite.
Figure III-16. Cartographie EDS de grains de verre agglomérés de l’essai SS2P-50.
L’observation directe des grains de verre et des phases secondaires en MEB a permis de
mettre en évidence l’existence de plusieurs cristaux massifs au cours de l’altération. Dans l’essai
SS1P-30, des cristaux sous forme de plaquette hexagonale sont riches en aluminium et en calcium
(Figure III-17 (a)). De même, dans l’essai SS2P-30, des cristaux constitués des mêmes éléments se
présentent cette fois sous forme de bâtonnets à section hexagonale (Figure III-17 (b)). L’analyse en
EDS ne permet pas d’identifier les éléments légers (bore, lithium, carbone…) et donc de confirmer
s’il s’agit de phases de type C-A-H.
Des caractérisations sur les poudres à l’arrêt des essais montrent que ce type de phases est toujours
présent.
Les caractérisations au MEB confirment l’existence de phases secondaires riches en calcium,
aluminium et silicium, voire en zirconium. Des phases riches en aluminium et en calcium ont
pu être identifiées par analyse EDS.
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
160
(a) (b)
Figure III-17. Observations directes au MEB de phases secondaires de type aluminates de calcium
hydratés (a) sous forme de plaquettes hexagonales de l’essai SS1P-30 à 95 jours d’altération et (b) sous
forme de bâtonnets à section hexagonale de l’essai SS2P-30 à 95 jours d’altération.
La phase solide surnageante a été caractérisée par DRX après filtration, arrêt d’hydratation
et séchage en boîte à gants. La superposition des quatre diffractogrammes est donnée ici en Figure
III-18. L’ensemble des diffractogrammes avec l’identification des pics est présenté en annexe G.
Afin de visualiser la présence de nombreux pics, le diffractogramme a volontairement été coupé en
intensité.
Il apparaît clairement les pics caractéristiques de la Portlandite dans chacun des essais, ce qui
confirme sa présence en excès à l’arrêt des tests.
Diverses phases ont pu être identifiées, elles sont reportées dans le Tableau III-4. Des phases
carbonatées, de type calcite ou carboaluminates, sont présentes dans les essais. Il semble donc que
malgré les précautions employées (décarbonatation de la chaux et de l’eau de synthèse,
manipulations en boîte à gants), des carbonates aient été présents et ont réagi avec les éléments de
la solution. L’hémicarboaluminate et le monocarboaluminate consomment l’aluminium de la
solution.
Des phases de types borate de calcium (et d’aluminium) hydraté sont présentes également dans
tous les essais. La présence de ces phases indique la réactivité à la fois de l’aluminium et du bore
avec le calcium de la solution. La consommation du bore par ces phases est en cohérence avec la
rétention du bore par rapport au lithium et/ou au sodium observée précédemment (paragraphe
III.2).
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
161
Figure III-18. Superposition des quatre diffractogrammes des phases surnageantes des essais en présence de
Portlandite. La lettre « P » indique les pics caractéristiques de la Portlandite.
La précipitation de ces phases impose une concentration en aluminium en solution. Nous avons vu
également la très faible concentration du silicium, cependant, aucune phase de type C-S-H n’a pu
être mise en évidence par DRX. Leur caractère faiblement cristallin limite grandement leur
identification.
Tableau III-4. Récapitulatif des phases identifiées par DRX dans les essais en présence de Portlandite.
Phase Formule chimique Référence
JCPDS1
SS
1P-5
0
SS
1P-3
0
SS
2P-5
0
SS
2P-3
0 Portlandite Ca(OH)2 01-072-0156 X X X X
Borate de calcium
hydraté Ca(B(OH)4)2(H2O)2 01-070-2480 X X X
Borate de calcium et
d’aluminium hydraté
Ca6Al2[B(OH)4]3,8(OH)14,2.
20H2O 00-047-0419 X X
Calcite CaCO3 00-005-0586 X X X X
Monocarboaluminate C3A.CaCO3.11H2O 00-041-0219 X X
Hémicarboaluminate C3A.0,5CaCO3.0,5Ca(OH)2.
11,5H2O 00-041-0221 X
Les caractérisations de la phase surnageante par DRX rendent compte (i) de la présence en excès
de Portlandite et (ii) de l’existence de phases de type borate de calcium (et d’aluminium)
hydraté. Ce dernier point confirme la consommation d’aluminium observée au MEB.
1 Fiches de référence constituants la base de données en DRX (JCPDS : « Joint Committee on powder diffraction standards »)
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
162
III.4. Bilan de l’influence du calcium sur l’altération du verre en régime de
chute de vitesse
Les expériences réalisées en présence de Portlandite répondent à l’objectif initial de
maintenir constant à la fois la concentration en calcium et le pH de la solution d’altération. Les
analyses de solution rendent compte de l’influence du calcium sur l’altération du verre en termes
de degré d’altération du verre et de maintien de vitesses élevées à long terme. Les caractérisations
du solide, en accord avec les analyses de solution, mettent en évidence la formation de phases
secondaires autour des grains de verre. Ces phases sont riches en éléments structurants de la
pellicule d’altération : silicium, aluminium, zirconium. L’identification de phases riches en bore,
habituellement traceur de l’altération, montrent que le calcium en solution contribue à consommer
les éléments lixiviés du verre pour former des phases secondaires.
Il est également possible que le sodium et/ou le lithium soient en partie consommés, par formation
de phases secondaires ou par sorption sur celles-ci. Dans ce cas, ces deux éléments ne seraient plus
réellement traceurs de l’altération, mais seulement les éléments dosables les plus lixiviés.
Cependant, les caractérisations n’ont pas permis de mettre en évidence de tels phénomènes.
Dans les essais témoins, les concentrations en aluminium et en silicium sont élevées alors
que celle en calcium est très faible. La couche de gel passivante est stable car la solution est saturée
par rapport aux éléments la constituant. En présence de Portlandite, la précipitation des phases
cimentaires diminuent les activités en silicium et en aluminium conduisant à l’altération du verre
pour maintenir ces activités en solution. Le maintien de la concentration en calcium conduit donc à
la non recondensation des éléments mobilisés dans les phases secondaires (au détriment d’un gel
passivant) et à l’altération continue du verre pour maintenir les activités de ces éléments en
solution [20].
La chute de vitesse observée est due à la formation progressive d’une couche de C-S-H
dense en surface des grains de verre, qui crée une barrière diffusive : les ions calcium réagissent
avec la silice dissoute pour former des produits de réaction qui limitent la diffusion des ions
lixiviés. Nous avons proposé l’existence d’un gradient anti-corrélé du calcium et du silicium au
sein de cette couche ainsi que la nucléation probable des C-S-H à partir de la surface initiale des
grains de verre. Les C-S-H peuvent cependant croître aussi bien à partir de la surface du verre que
de celle de la Portlandite. Sur ce dernier point, il conviendrait de réaliser des observations et des
analyses spécifiques pour déterminer à partir de quelle surface les germes présentent une affinité
plus importante.
III.4.1. Influence de la concentration en Portlandite et de la présence de KOH sur la
formation de la couche de C-S-H
III.4.1.1 Littérature
La cinétique d’hydratation du ciment Portland et les hydrates formés ont fait l’objet de
nombreuses études [21, 22]. Garrault [23] a étudié l’influence de paramètres tels que la
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
163
concentration de la Portlandite et le rapport liquide sur solide (l/s) sur les cinétiques de
nucléation / croissance des C-S-H.
Lors de l’hydratation de ciment Portland, les C-S-H nucléent sur les grains de C3S.
L’hydrate est peu soluble en comparaison du composé anhydre C3S. Au cours de l’hydratation du
ciment, la dissolution des grains de C3S conduit à des solutions riches en ions silicates, calcium et
hydroxyles. Lorsque les concentrations atteignent un seuil de sursaturation par rapport aux C-S-H,
ceux-ci précipitent. Leur croissance se poursuit à la surface des grains de silicate anhydres jusqu’à
ce que le recouvrement complet de leur surface limite la diffusion des réactifs à travers la couche
d’hydrate.
Différents paramètres peuvent modifier les cinétiques d’hydratation de C3S et C2S,
notamment la concentration en Ca(OH)2, le rapport l/s ou encore la présence d’électrolytes.
Plus la concentration en hydroxyde de calcium est importante, plus la réaction démarre
lentement et plus le taux d’avancement atteint au moment du recouvrement complet des grains
par les C-S-H est élevé [22]. En effet, la concentration en hydroxyde de calcium modifie le mode de
croissance des hydrates : à des fortes concentrations en Ca(OH)2, la croissance se fait
perpendiculairement au grain, ce qui permet d’atteindre des taux d’avancement plus important au
moment du recouvrement complet du grain (Figure III-19).
Figure III-19. Schéma illustrant les différents modes de croissance des C-S-H en fonction de la concentration
en Portlandite, d’après Garrault-Gauffinet [23].
En ce qui concerne la mise en suspension du ciment, il faut un rapport l/s suffisamment
élevé pour que les concentrations en solution atteignent la solubilité des C-S-H. Lors de
l’hydratation du ciment, ce rapport détermine la concentration en Ca(OH)2 de la phase liquide et a
donc une influence sur le type de C-S-H formé et la cinétique d’hydratation. A faible rapport l/s, on
se trouve tout de suite dans les conditions de formation de C-S-H γ (rapport C/S élevé), dont la
croissance se fait préférentiellement perpendiculairement au grain de silicate anhydre.
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
164
Le rapport l/s modifie le nombre de germes de C-S-H précipités initialement par unité de surface
des grains de silicate anhydres. Plus le rapport est faible, plus la période initiale (ou temps
d’induction) est longue.
L’hydratation de C3S dans des solutions électrolytiques a été étudiée car elle est plus
représentative de celle du ciment. L’hydroxyde de potassium est connu pour son effet accélérateur
d’hydratation [24, 25]. En présence de KOH, la solubilité des C-S-H est diminuée (Figure III-20) et
l’hydratation démarre plus vite car le nombre de germes initiaux de C-S-H est plus important. En
revanche, pour une même concentration en Ca(OH)2 et dans des solutions sous-saturées de
Ca(OH)2, ce sel n’a cependant pas d’effet sur le rapport C/S.
La présence d’électrolyte ne modifie pas les mécanismes à l’origine des cinétiques d’hydratation,
elle est toujours contrôlée par la nucléation / croissance des C-S-H. Les variations des cinétiques
s’interprètent à partir des modifications du nombre de germes initiaux et de leur mode de
croissance.
Figure III-20. Composition de la phase liquide à l’équilibre avec les C-S-H pour différentes concentrations
en KOH, d’après Nachbaur [25].
III.4.1.2 Essais SS1P-50 et SS2P-50
Pour mémoire, les compositions des deux solutions cimentaires S1 et S2 sont différentes :
- la solution S1 est riche en KOH (286 mmol.L-1) et présente une concentration faible en
calcium (0,9 mmol.L-1) à 50 °C,
- la solution S2 est une solution à l’équilibre avec Ca(OH)2, soit à 15 mmol.L-1 à 50 °C.
D’après la littérature, les compositions des solutions doivent modifier à la fois, la solubilité des
C-S-H, le nombre de germes et leur mode de croissance. Ainsi, en solution S1, par rapport à la
solution S2 :
- le nombre de cristaux initialement formés doit être plus élevé,
- la réaction doit commencer plus rapidement,
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
165
- la croissance des nucléi doit se faire préférentiellement parallèlement à la surface des
grains.
L’ensemble de ces paramètres implique que le taux d’avancement de la réaction au moment du
recouvrement complet des grains, équivalent au changement de pente, doit être plus faible en
solution S1. D’après la Figure III-21, l‘évolution des cinétiques est bien cohérente avec l’ensemble
des hypothèses avancées.
0,0
0,8
1,6
2,4
3,2
4,0
4,8
0 10 20 30 40 50
Temps (j)
NL(
Li)
(g.m
-2)
SS1P-50SS2P-50
Figure III-21. Comparaison de l’évolution des pertes de masse normalisées en lithium dans les essais
SS1P-50 et SS2P-50. Les traits en pointillés sont des guides pour les yeux.
Dans les essais témoins, la chute de vitesse se produit plus rapidement à pH plus faible car
la limite de solubilité de la silice amorphe est également plus faible. Par rapport à ces essais de
référence, l’évolution des cinétiques dans les essais en présence de Portlandite est également
cohérente. A forte concentration en Ca(OH)2 (S2), la chute de vitesse se produit plus tardivement et
à un pourcentage de verre altéré plus important. En solution S1, un nombre de cristaux plus élevé
et un mode de croissance parallèle aux grains de verre conduit à un recouvrement des grains de
verre plus rapidement et donc une chute de vitesse plus précoce.
Les mécanismes de nucléation / croissance des C-S-H en solution S1 et S2 sont représentés en
Figure III-22 par un schéma illustratif. Ces évolutions tiennent compte de la solubilité des C-S-H,
du nombre de cristaux et de leur mode de croissance.
Ainsi, d’après les travaux de Nachbaur [25] et de Garrault [23], l’évolution des cinétiques en
présence de Portlandite et dans les essais témoins en KOH sont cohérentes.
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
166
Figure III-22. Schéma illustrant les différents modes de croissance des C-S-H en fonction de la concentration
en Portlandite et en KOH, i.e. de la composition des solutions S1 et S2. Les courbes représentent les
cinétiques de la Figure III-4, observées dans les essais témoins (gris) et en présence de Portlandite (orange).
III.4.2. Figures de dissolution
Au cours des altérations en régime de chute de vitesse, des figures de dissolution sous
forme de piqûres ont été observées. Suivant la composition de la solution d’altération, la
morphologie et la taille des piqûres sont tout à fait différentes.
Nous avons mis en évidence dans l’essai témoin SS2b-50 la présence d’une multitude de piqûres
dont la profondeur est constante et la répartition homogène. Ces piqûres sont recouvertes d’une
couche de gel, visible en coupe et en observation directe de la surface des grains de verre.
Quelques piqûres semblent même remplies par ce gel. Ces piqûres se sont donc probablement
formées avant la chute de vitesse, qui est de trois ordres de grandeur.
Nous pouvons proposer un mécanisme de formation de ces piqûres permettant d’expliquer le
faciès d’altération du verre :
- aux premiers instants de l’altération, l’état de sous-saturation conduit à la dissolution du
verre sous forme de piqûres,
- la dissolution de ces zones d’attaque dans le verre conduit à augmenter les concentrations
en solution et à atteindre la solubilité de la silice amorphe,
- les mécanismes de recondensation/précipitation deviennent importants par rapport à
celui d’hydrolyse,
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
167
- une couche de gel passivant se forme en surface du verre et dans les piqûres, limitant
ainsi le transport des espèces.
Dans le cas d’altération du verre au même rapport S/V mais dans des solutions riches en
calcium, deux types de figures de dissolution coexistent :
- une multitude de cupules hémisphériques sur la totalité de la surface des grains de verre,
- quelques piqûres de grande taille, pouvant aller jusqu’à plusieurs microns de profondeur.
La surface des grains de verre est recouverte d’une couche de C-S-H, différente de celle d’un gel
passivant puisqu’elle ne contient pas d’aluminium, de zirconium et probablement beaucoup de
silicium. Aucun gel passivant ne se forme en surface des grains de verre piqués, seule cette phase
consommatrice de silicium précipite à sa surface. Les images MEB rendent compte de la présence
de ces phases au cœur des grandes piqûres. La formation de cette couche, bien qu’elle constitue
une barrière diffusionnelle à plus long terme, contribue à former ces piqûres de grande taille.
La nature des éléments en solution, ici du potassium et du calcium, modifie la morphologie
des piqûres. Leur taille est fonction de l’écart à la solubilité des phases plus ou moins passivantes
qui se forment au sein du système. La Figure III-23 représente les différents types de figures de
dissolution en fonction des conditions d’altération.
Figure III-23. Schéma illustratif des piqûres caractéristiques dues à un effet du pH et à deux effets cumulés,
le pH et la présence de calcium.
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
168
IV. Détermination de vitesses initiales par le biais d’un
protocole d’altération original
Le chapitre IV s’est attaché à déterminer des vitesses initiales en eaux cimentaires à partir
d’altération en test statique à très faible rapport S/V. Nous avons montré la difficulté à déterminer
des vitesses initiales avec ce protocole d’altération notamment à cause des concentrations trop
importantes en calcium. En réalité, la fenêtre temporelle pendant laquelle le verre s’altère en
régime de vitesse initiale est soit très courte, soit inexistante à cause de la forte réactivité du
silicium lixivié vis-à-vis du calcium à ces pH basiques.
Les expériences de chute de vitesse réalisées en présence de Portlandite présentent un premier
régime d’altération durant lequel les cinétiques sont constantes dans un intervalle de temps
pouvant aller jusqu’à 35 jours suivant l’expérience. Nous allons montrer qu’elles peuvent être
considérées comme des vitesses initiales et par la suite, nous en discuterons l’origine.
IV.1. Validité des mesures de vitesses initiales à partir de ce protocole
d’altération
Au cours du chapitre III (§ I.) ont été définis les termes de vitesse liée aux mécanismes
d’altération (interdiffusion ou hydrolyse).
La durée du régime pendant laquelle les deux mécanismes d’altération (interdiffusion et
hydrolyse) peuvent coexister et la prépondérance de l’un sur l’autre dépend essentiellement du pH
pour un même verre. Advocat et al. [26] montrent que pour le verre SON68, la dissolution est
sélective vis-à-vis du sodium et du bore à pH inférieur à 7 à 90 °C alors qu’elle est congruente à
partir de pH 8. Aux pH basiques, notamment à ceux auxquels les essais sont menés, la dissolution
du verre est congruente. La vitesse initiale peut donc être déterminée à partir du dosage des
alcalins, du bore ou encore du silicium, dans la mesure où tous ces éléments sont considérés
comme traceurs de l’altération.
Dans les expériences en présence de Portlandite, le relâchement du silicium n’est pas
congruent à celui des alcalins, il ne peut être utilisé comme traceur dans ce cas-là. C’est donc à
partir du lithium, du sodium et du bore que nous allons déterminer ces vitesses d’altération.
IV.2. Comparaison des vitesses initiales à partir de deux protocoles
différents
La Figure IV-1 permet de comparer les pertes de masse normalisées en silicium des essais
en tests statiques à très faible rapport S/V (inférieur à 0,5 cm-1) obtenues pour le verre VS avec celles
en lithium, bore et sodium pour les essais en présence de Portlandite à rapport S/V de 10 cm-1. Le
sodium n’est pas représenté dans le cas d’altération en solution S1 : la solution étant fortement
chargée en cet élément, les vitesses d’altération présentent des incertitudes trop importantes
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
169
(supérieures à 200 %). Le bore et le lithium semblent congruents et les points de mesure sont
alignés et passent par l’origine, ce qui est caractéristique d’un régime de vitesse initiale.
0,0
0,4
0,8
1,2
1,6
0 10 20 30
Temps (j)
NL
i (g.
m-2
)
SS1P-30_Li
SS1P-30_B
SS1-30_Si
S1 - 30°C
0,0
0,1
0,2
0,3
0,4
0 5 10 15
Temps (j)
NL
i (g.
m-2
)
SS2P-30_Li
SS2P-30_B
SS2P-30_Na
SS2-30_Si
S2 - 30°C
Figure IV-1. Comparaison des cinétiques d’altération aux premiers instants du verre VS altéré en régime
de chute de vitesse à 10 cm-1 et en régime initial en eaux cimentaires S1 et S2 à 30 et 50 °C. L’encart est un
agrandissement des données en régime initial du silicium dans les solutions S1 et S2 à 50°C
Le Tableau IV-1 donne les valeurs de vitesses déterminées à partir des expériences en
présence de Portlandite, appelées VCT pour « vitesse à court terme ». Ces vitesses sont comparées à
celles obtenues en régime de vitesse initiale. Le nombre de points de mesure utilisés pour réaliser
la régression linéaire pondérée correspond aux points de mesure représentés sur la Figure IV-1.
Tableau IV-1. Comparaison des vitesses initiales (Vi(Si)) et des vitesses déterminées dans les premiers jours
d’altération dans les essais en présence de Portlandite (VCT(X)). Les rapports des vitesses sont calculés à
partir des vitesses les plus élevées.
Milieu d’altération VCT(Li) VCT(B) VCT(Na) Vi(Si) VCT(X) / Vi(Si)
S1-50 0,244 ± 8,3% 0,160 ± 2,3% - 0,08 3,1
S1-30 0,038 ± 6,1% 0,030 ± 13,4% - 0,027 1,4
S2-50 0,082 ± 7,9% 0,077 ± 6,4% 0,102 ± 3,4% 0,02 5,1
S2-30 0,021 ± 5,9% 0,024 ± 16,2% 0,027 ± 14% 0,017 1,6
Les incertitudes sur les vitesses à court terme sont faibles, ce qui indique que les points de
mesures sont bien alignés.
0,00
0,01
0,02
0,03
0,04
0,0 0,1 0,2 0,3Temps (j)
NL(
Si)
(g.m
-2)
0,0
0,4
0,8
1,2
0 1 2 3 4 5 6
Temps (j)
NL
i (g.
m-2
)
SS1P-50_LiSS1P-50_BSS1-50_Si
S1 - 50°C
0,0
0,3
0,6
0,9
1,2
0 2 4 6 8
Temps (j)
NL
i (g.
m-2
)
SS2P-50_Li
SS2P-50_B
SS2P-50_Na
SS2-50_Si
S2 - 50°C
0,00
0,01
0,02
0,03
0,04
0,05
0,0 0,5 1,0 1,5
Temps (j)N
L(S
i) (g
.m-2
)
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
170
En solution S1, les vitesses à court terme en bore et en lithium sont significativement différentes. Il
semble que le bore soit légèrement retenu par rapport au lithium, il est possible que le calcium de
la solution interagisse avec le bore. En solution S2, les vitesses ne sont pas significativement
différentes entre ces deux éléments, par contre, c’est le sodium qui est lixivié préférentiellement.
Les rapports de vitesses montrent que les vitesses à court terme sont supérieures à celles
obtenues en régime de vitesse initiale. A 30 °C, ce rapport est de 1,4 et 1,6, respectivement en
solution S1 et S2. A 50 °C, cette différence est beaucoup plus marquée puisque le rapport est de 3,1
en solution S1 et de 5,1 en solution S2. Plus la température est importante, plus l’atteinte de la
solubilité vis-à-vis d’une phase secondaire silicatée est rapide et la rétroaction d’autant plus
efficace. La Portlandite étant rétrosoluble, le calcium en solution réagira plus facilement. Ainsi, les
vitesses initiales avec le protocole attendu sont plus sous-estimées à 50 °C qu’à 30 °C.
A titre de comparaison, le même calcul a été effectué sur les tests témoins. Les valeurs de vitesses
dans les premiers jours d’altération sont entre 4 et 10 fois plus faibles que les vitesses initiales en
eau à pH ajusté. A cette échéance, la rétroaction est effective, le verre ne s’altère pas en régime de
vitesse initiale.
Ainsi, la vitesse à court terme déterminée à partir de l’expérience à rapport S/V de 10 cm-1
correspond, par définition, à la vitesse initiale d’altération du verre en solution cimentaire.
Les valeurs des vitesses initiales en milieu cimentaire ayant été déterminées, comparons-les
à celles de référence en milieu KOH afin de rendre compte de l’effet du calcium par rapport à
l’effet du pH (Tableau IV-2).
Tableau IV-2. Comparaison des vitesses de référence Viref(Si) et des vitesses initiales déterminées dans les
premiers jours d’altération dans les essais en présence de Portlandite (VCT(X)).
Milieu d’altération VCT(X) Viref(Si) Viref(Si) / VCT(X)
pH 12,6 - 50 °C 0,244 2,148 8,8
pH 13,2 - 30 °C 0,038 0,374 9,8
pH 11,7 - 50 °C 0,102 1,073 10,5
pH 12,4 - 30 °C 0,027 0,202 7,4
Les vitesses de référence sont celles déterminées à partir de l’équation Vi(T,pH), obtenue à
partir de mesures réalisées sur le verre CSD-B. Son utilisation est valable car nous avons montré
qu’en milieu de référence (KOH), les verres CSD-B et VS sont de bons analogues (chapitre IV).
Quels que soient le pH et les températures considérés, les vitesses initiales sont au minimum d’un
facteur sept, voire d’un ordre de grandeur, inférieures à celles obtenues dans le milieu de référence.
Les résultats ainsi obtenus au cours de ce chapitre, dont les incertitudes de mesure sont faibles,
confirment le rôle favorable du calcium à ces pH, mis en évidence au chapitre IV.
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
171
IV.3. Origine des différences de vitesses en solution cimentaire avec et sans
Portlandite
Les rapports de vitesses VCT et Vi varient entre 1,4 et 5,1 suivant la solution cimentaire et la
température. Le protocole d’altération utilisé habituellement en régime initial s’avère donc
inadapté pour mesurer une vitesse initiale en eau cimentaire, en particulier pour les températures
élevées. C’est à plus fort rapport S/V et en présence de Portlandite qu’une détermination de la
vitesse initiale est possible. Ce résultat n’est paradoxal qu’en apparence :
- En effet, si à fort rapport S/V, le flux d’éléments sortant du verre est suffisamment
important pour que des phases cimentaires se forment avec le calcium en solution, la précipitation
d’une faible quantité de phases n’a pas d’effet inhibiteur sur la dissolution du verre. Au contraire,
la consommation du silicium et de l’aluminium par ces phases est compensée par la dissolution du
verre.
- En revanche, à très faible rapport S/V et à très court terme, la surface de verre en contact
avec la solution est trop faible pour produire un flux de silicium permettant d’atteindre un état de
sursaturation nécessaire et suffisant à la précipitation de C-S-H. Dans ce cas, le calcium, non
seulement pénètre au sein de la pellicule d’altération mais crée avec le silicium lixivié
probablement une interaction plus forte que dans le cas de la vitesse initiale. Cette forte synergie
Si-Ca engendre alors une diminution plus importante de la vitesse par rapport aux essais à fort
rapport S/V.
Il semble donc que le paramètre clé qui contrôle ces mécanismes soit le rapport S/V puisque
le flux sortant de silicium et le degré de sursaturation en dépendent.
La mesure de vitesse initiale avec ce protocole est donc possible car la surface de verre et le
rapport S/V sont suffisamment importants pour entraîner la précipitation de phases secondaires et
conduire à une dissolution continue du verre. Cependant, la diminution de la vitesse initiale par
rapport à la vitesse initiale en eau à pH ajusté suppose la concurrence de deux mécanismes qui
sont (i) l’incorporation du calcium au sein de la pellicule de verre altéré et (ii) la précipitation de
phases secondaires. Ainsi, les valeurs de vitesses initiales rendent compte de ce double rôle du
calcium.
La détermination de vitesses initiales a été possible par l’utilisation d’un protocole non conçu, à
la base, pour ce régime d’altération. L’augmentation du rapport S/V et la présence de Portlandite
en solution conduisent à un maintien du régime de vitesse initiale pendant plusieurs jours,
voire plusieurs dizaines de jours. La diminution de la vitesse initiale par rapport au milieu de
référence au même pH s’explique par le double rôle joué par calcium qui (i) s’incorpore au sein
du gel et (ii) précipite avec les éléments lixiviés du verre pour former des phases secondaires.
Ces résultats confirment ainsi le rôle favorable du calcium en vitesse initiale par rapport au
milieu de référence au même pH.
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
172
V. Discussion et conclusion sur l’influence du calcium en
régime de chute de vitesse
V.1. Similitudes entre deux alcalino-terreux : le calcium et le magnésium
Dans l’approche bibliographique de ce chapitre, l’influence du magnésium sur l’altération
du verre a été développée à cause des fortes similitudes qu’il présente avec le calcium.
Le magnésium, présent au sein de l’argilite du Callovo-Oxfordien mais également dans certains
verres nucléaires, joue un double rôle qui est fonction du pH. Il présente la capacité de s’incorporer
dans la pellicule d’altération comme compensateur de charge et ainsi d’augmenter le caractère
passivant de cette couche. A l’inverse, il peut précipiter sous forme de phases silico-magnésiennes
consommatrices de silicium.
Tout comme le magnésium, le calcium peut pénétrer au sein de la pellicule d’altération ou
bien réagir avec les éléments lixiviés, entre autre le silicium, pour former des phases silico-calcique.
Le passage d’un mécanisme à l’autre est fonction du pH mais également du rapport S/V qui
contrôle le flux d’éléments sortant du verre et l’état de saturation de la solution.
Dans les essais en présence de Portlandite, aucune pellicule d’altération à caractère
passivant similaire à celle obtenue dans les essais témoins ne se forme. Cependant, la précipitation
de C-S-H en surface du verre constitue une couche dense assimilable à un gel de par sa structure.
Ce gel-ci est différent de celui classiquement observé lors d’altération en eau désionisée, puisque ce
dernier conduit à des chutes de vitesse de plusieurs ordres de grandeur. Le gel silico-calcique est,
au contraire, à l’origine de la dissolution du verre et du maintien d’une vitesse résiduelle élevée.
Ainsi :
- le magnésium précipite à l’interface gel / solution sous forme de phases silico-
magnésiennes et déstabilise le gel néoformé par dissolution,
- le calcium, par sa réaction avec le silicium lixivié, précipite instantanément à l’interface
verre / solution sous forme de C-S-H, et dissout le verre sain.
En résumé, le calcium qui est un élément présent dans l’environnement du stockage, tout
comme le magnésium, peut jouer à long terme un rôle défavorable sur la durabilité du verre. Ces
études sont donc nécessaires pour comprendre les mécanismes à l’origine des cinétiques observées
et de connaître les paramètres clés qui influencent le système.
V.2. Analogie avec l’hydratation du ciment
Au cours de ce chapitre, nous avons mis en avant le rôle prépondérant du calcium sur les
cinétiques d’altération et proposé des mécanismes à l’origine de ces cinétiques. Les caractéristiques
de l’évolution des expériences, tant au niveau de la chimie de la solution que des phases en
présence, contribuent à faire une analogie avec l’hydratation des grains de C3S.
Lors des essais en solutions cimentaires, la consommation quasi-totale du calcium en
solution est due à la précipitation de C-S-H en surface des grains de verre. Ces phases précipitent
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
173
sous forme d’amas. Lors de l’hydratation du ciment, les C-S-H nucléent en surface des grains de
C3S [23]. En solution S2, plus riche en calcium, la précipitation plus massive de cette phase
engendre une prise en masse des grains de verre entre eux. Les C-S-H sont en effet responsables de
la coagulation de la pâte cimentaire et de sa rigidification par leur formation préférentiellement au
point de contact de grains de C3S (Figure V-1) [12].
Le maintien de la concentration en calcium par ajout de Portlandite en excès révèle la formation
d’une couche uniforme de C-S-H en surface des grains de verre, similaire à ce qui est observé à la
surface des grains d’alite (Figure V-2).
Au cours de la période d’induction de l’hydratation du ciment, les grains de C3S se dissolvent par
piqûres. Or, dans nos expériences à pH basique, et également en présence de calcium, on observe
également l’apparition de nombreuses piqûres à la surface des grains de verre (Figure V-3).
Figure V-1. Au premier stade d’hydratation du ciment, les C-S-H se forment préférentiellement aux points de
contact des grains de C3S (gauche). A un stade plus avancé, les grains de C3S se sont dissous et une quantité
correspondante de C-S-H s’est formée. Les points de contact entre les grains de C3S, via les C-S-H, sont plus
nombreux et sont responsables de la cohésion du matériau. D’après Jönsson et al. [12].
Figure V-2. Comparaison d’images MEB illustrant la précipitation de C-S-H en surface (a) de grains de C3S,
d’après Scrivener [27], et de grains de verre (b) VS de l’essai SS1P-30 et (c) CSD-B de l’essai CS2.
b c a
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
174
La précipitation de C-S-H, dont la solubilité est plus faible que celle du silicate anhydre, entraîne
une dissolution de celui-ci. Dans le cas de l’altération du verre, le mécanisme est similaire puisque
c’est la stabilité des C-S-H vis-à-vis du verre qui engendre sa dissolution.
Par la suite, l’appel aux mécanismes de nucléation/croissance des C-S-H et de leurs cinétiques de
croissance a permis d’expliquer les cinétiques d’altération du verre observées dans nos différentes
conditions d’altération. Les paramètres clés à l’origine des cinétiques de nucléation / croissance des
C-S-H et donc de celle d’hydratation du ciment, permettent de rendre compte du maintien de
vitesse initiale, de la chute de vitesse puis d’une vitesse résiduelle élevée, et ce, suivant les
compositions des solutions S1 et S2.
Ces nombreuses similitudes permettent de conforter l’analogie entre l’hydratation du
ciment et l’altération du verre en milieu cimentaire. D’une façon simplifiée, les grains de verre, à
l’image des grains d’alite, représentent à la fois la source de silicium (principal oxyde du verre)
mais également une surface nécessaire à la nucléation des C-S-H.
V.3. Conclusions : mécanismes et paramètres pilotant l’altération du verre
L’ensemble des résultats obtenus met en lumière les mécanismes et paramètres clés à
l’origine des différents régimes et cinétiques d’altération observés.
La durabilité du verre est dépendante de la force motrice que représente la précipitation de phases
secondaires. Les conditions d’altération sont primordiales mais certains paramètres influencent
davantage les mécanismes d’altération.
V.3.1. Paramètres influents
V.3.1.1 Le rapport S/V
L’influence des eaux cimentaires, et plus particulièrement du calcium, sur l’altération du verre a
été étudiée dans deux régimes de vitesse. Le paramètre principal qui varie et permet d’atteindre
ces différents régimes est le rapport S/V. Ainsi, dans des mêmes conditions d’altération
(composition du verre, solution d’altération, température), ce rapport S/V est à l’origine de
(a) (b)
Figure V-3. (a) Fracture d’un grain d’alite révélant la présence de piqûres à sa surface, d’après Scrivener [27].
(b) Grain de verre VS de l’essai SS2 dont la surface est totalement piquées.
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
175
cinétiques tout à fait différentes. En réalité, ce paramètre modifie à la fois le flux d’éléments lixiviés
du verre et le degré de saturation de la solution. Ce phénomène est représenté en Figure V-4.
Si le flux de silicium sortant est suffisant pour atteindre un état de sursaturation qui permette la
nucléation de phases secondaires, alors la précipitation de ces phases pilotera la dissolution du
verre, via l’activité des éléments en solution.
V.3.1.2 La concentration en calcium de la solution
Dans nos essais, un autre paramètre est crucial, celui de la teneur de calcium initialement et
au cours de l’altération. En eau cimentaire, la consommation très rapide de calcium stoppe le
mécanisme de nucléation / croissance des C-S-H au profit de la formation d’un gel passivant. La
chute de vitesse est alors similaire à celle observée en eau désionisée. Lorsque de la chaux est
ajoutée en excès, ce mécanisme de nucléation / croissance pilote le système et conduit à une
dissolution du verre. A de forts rapports S/V, la concentration en calcium ainsi que son évolution
au sein du système peut engendrer des mécanismes tout à fait différents.
Lorsque les essais sont réalisés à très faible rapport S/V, la concentration initiale en calcium a un
poids moins important puisque la faible consommation de celui-ci, relativement à la surface de
verre, ne modifie pas l’équilibre du système. Nous avons cependant mis en avant que plus la
concentration en calcium augmentait, plus la vitesse initiale diminuait, pour des concentrations
comprises entre 5 et 150 mg.L-1 de calcium. L’influence de sa concentration n’est donc pas
négligeable à de très faibles rapports S/V.
V.3.1.3 La présence d’hydroxyde de potassium
Au cours de ce chapitre, nous avons fait appel aux études réalisées sur l’hydratation du
ciment et plus particulièrement sur les cinétiques de croissance des C-S-H. L’ajout d’électrolyte à la
solution initiale modifie le système. L’hydroxyde de potassium diminue la solubilité des C-S-H
sans changer le rapport C/S de l’hydrate et augmente le nombre de germes initiaux, conduisant à
une hydratation plus rapide du ciment. Ainsi, la composition de la solution S1 par rapport à la
Figure V-4. Schéma représentant l’influence du rapport S/V sur l’état de saturation de la solution à un
instant t de l’altération du verre.
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
176
solution S2, pour des conditions d’altération identiques, engendre des cinétiques différentes,
comme nous l’avons vu dans les tests en présence de Portlandite.
V.3.1.4 Et d’autres paramètres…
D’autres paramètres jouent également un rôle sur l’altération du verre, c’est le cas
notamment de la composition du verre. Les essais en présence de Portlandite ont été réalisés
uniquement à partir du verre VS. Cependant, à partir des essais en solution cimentaire, les
éléments minoritaires de la composition du verre CSD-B ne semblent pas jouer un rôle crucial sur
les cinétiques d’altération. Il conviendrait cependant d’étudier d’autres verres et de voir les
conséquences des variations de composition sur les cinétiques d’altération, mais ceci relève d’une
autre étude.
Enfin, un dernier paramètre dont nous n’avons parlé jusqu’ici est le pH. Dans nos conditions, ce
paramètre reste fixe au cours des essais, ou diminue d’une unité, sans être à l’origine de la
modification des processus d’altération. Notons cependant que ce paramètre joue au premier ordre
sur les mécanismes d’altération du verre en présence de calcium, et ce, suivant les régimes
d’altération. Ce point sera abordé dans le chapitre de discussion (chapitre VIII).
V.3.2. Schémas d’évolution des différents essais
Afin de rendre compte des mécanismes sous-jacents aux cinétiques observées, des schémas
d’évolution sont présentés pour différents essais (Figure V-5). Grâce à la mise en évidence des
paramètres influents, une description des phénomènes peut être donnée. Il convient de garder à
l’esprit qu’un certain nombre de caractérisations complémentaires et qu’une approche par
modélisation thermodynamique seraient nécessaires pour confirmer ces mécanismes.
V.3.2.1 Essai à très faible rapport S/V en solution S2 (chapitre IV) : SS2-50
Le flux de silicium sortant est trop faible pour permettre la nucléation de germes de C-S-H
stables. Il est également possible que la surface de verre soit tellement faible que la surface totale
développée par les germes est trop faible pour modifier les cinétiques d’altération sur ce régime
d’altération. En parallèle, le calcium pénètre en quantité dans la pellicule de verre altéré et conduit
à une rétention des éléments au sein du verre. L’altération se poursuit principalement par
interdiffusion à travers la couche de verre altéré enrichie en calcium.
V.3.2.2 Essai témoin à faible rapport S/V (10 cm-1) en solution KOH : SS2b-50
Dans cet essai, il n’y aucune présence de calcium en solution initialement, la quantité de
silicium nécessaire à une éventuelle nucléation est donc très importante. A ce pH basique, la
dissolution dans les premiers instants se fait par piqûres. La limite de solubilité d’un gel passivant
est atteinte rapidement, ce qui conduit à la recondensation / précipitation des espèces les moins
solubles (Al, Zr, Ca) et du silicium. Les piqûres sont passives et l’altération se poursuit lentement
par diffusion à travers le gel passivant.
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
177
V.3.2.3 Essai à fort rapport S/V (200 cm-1) en solution S2 : CS2
A ce fort rapport S/V, le flux de silicium est beaucoup plus important et le degré de
sursaturation des C-S-H est atteint très rapidement. La brusque consommation du calcium montre
que le temps d’induction doit donc être négligeable. Parallèlement à la croissance des C-S-H, la
concentration en calcium en solution diminue et il est possible qu’une partie du silicium lixivié
commence à recondenser pour constituer un gel en surface des grains de verre : la limite de
solubilité des C-S-H augmente. Le rapport C/S des C-S-H doit donc diminuer au cours du temps.
Une fois le calcium consommé, les C-S-H ne recouvrent pas la totalité de la surface des grains de
verre, ceux-ci se dissolvent alors jusqu'à atteindre des concentrations en solution qui favorisent la
formation d’une pellicule d’altération passivante. L’égalité des vitesses à long terme en solution S2
et en eau désionisée témoigne d’un mécanisme commun de diffusion à travers cette couche
passivante.
V.3.2.4 Essai à faible rapport S/V (10 cm-1) en solution S2 en présence de Portlandite : SS2P-30
ou SS2P-50
La vitesse dans les premiers jours correspond à la vitesse initiale d’altération, ce qui signifie
que le silicium lixivié est consommé instantanément. La précipitation de nucléi est effective mais
elle n’induit pas de rétroaction inhibitrice sur le verre durant cette période.
Les vitesses initiales étant inférieures d’un ordre de grandeur environ aux vitesses initiales en eau à
pH ajusté, ce seul mécanisme de nucléation / croissance ne permet pas d’expliquer cette différence
significative. Parallèlement à la nucléation des C-S-H, le calcium pénètre probablement dans les
premières couches de verre altéré, et limite ainsi l’hydrolyse du réseau silicaté.
La dissolution du verre pour compenser le silicium consommé par les C-S-H est progressive et
continue. Lorsque les C-S-H recouvrent la totalité de la surface des grains de verre, la couche forme
une barrière diffusionnelle limitant ainsi le transport des espèces. Ce mécanisme conduit à la chute
de vitesse observée. Cette couche d’hydrate présente des propriétés beaucoup moins passivantes
que celle d’un gel de verre altéré puisque les chutes de vitesse sont un à deux ordres de grandeur
plus faibles. La vitesse d’altération du second régime d’altération est fonction de la présence de
Portlandite en excès en solution et des propriétés de transport à travers la couche de C-S-H formée
en surface du verre. Il est probable que tant que la solution reste sursaturée vis-à-vis des phases
secondaires consommatrices d’éléments structurants (Si, Al, Zr...), cette vitesse se maintienne (ou
diminue progressivement en racine carrée du temps).
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
178
Essai à très faible rapport S/V en solution S2 : SS2-50 Légende
Essai témoin à faible rapport S/V (10 cm-1) en solution KOH: SS2b-50
Essai à fort rapport S/V (200 cm-1) en solution S2 : CS2
Essai à faible rapport S/V (10 cm-1) en solution S2 en présence de Portlandite : SS2P-30 ou SS2P-50
Les pointillés bleus entre les
3ème et 4ème vignettes
matérialisent la chute de
vitesse.
Figure V-5. Schémas d’évolution des mécanismes de quatre essais représentants différentes conditions d’altération. Les paramètres de la légende sont fixés
arbitrairement.
CHAPITRE V - Influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse
179
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181
CHAPITRE VI. ALTERATION DU VERRE EN
SOLUTION S1 : PRECIPITATION DE ZEOLITHES ET
MECANISMES ASSOCIES
I. Etude bibliographique........................................................................................................................184
I.1. Les zéolithes .................................................................................................................................184
I.1.1. Structure et propriétés ......................................................................................................184
I.1.2. Synthèses de zéolithes par voie hydrothermale .................................................................185
I.1.3. Mécanismes de formation des zéolithes.............................................................................186
I.2. Formation et stabilité des zéolithes...........................................................................................193
I.2.1. Les zéolithes issues de l’altération de verre naturel ..........................................................194
I.2.2. Les zéolithes issues de l’altération d’argiles en milieu alcalin ..........................................195
I.2.3. La merlinoite et la phillipsite, deux zéolithes potassiques et sodiques ..............................195
I.2.4. Stabilité et métastabilité des zéolithes ...............................................................................197
I.2.5. Les limites de la littérature sur la synthèse des zéolithes par voie hydrothermale ............200
I.3. Paramètres influant le phénomène de reprise d’altération...................................................201
I.3.1. Rôle de la composition du verre ........................................................................................201
I.3.2. Rôle de la composition de la solution d’altération.............................................................203
I.3.3. Rôle de la température.......................................................................................................204
I.3.4. Rôle du pH ........................................................................................................................204
I.3.5. Rôle du S/V sur reprise d’altération..................................................................................205
II. Etude expérimentale des mécanismes et des cinétiques d’altération du verre en présence de
zéolithes........................................................................................................................................................207
II.1. Conditions expérimentales ........................................................................................................207
II.2. Problématique..............................................................................................................................207
II.3. Cinétiques d’altération et caractérisation des solides ............................................................209
II.3.1. Expérience RA80...............................................................................................................209
II.3.2. Expérience RA200.............................................................................................................213
II.3.3. Expérience RA200S ..........................................................................................................216
II.3.4. Expérience RA1000...........................................................................................................221
II.3.5. Expérience RA2000...........................................................................................................226
III. Modélisation thermodynamique des expériences.........................................................................232
III.1. Expériences RA80 et RA200.......................................................................................................236
III.2. Expériences RA1000 et RA2000.................................................................................................237
III.3. Bilan des expériences par la modélisation thermodynamique.............................................238
IV. Discussion .............................................................................................................................................239
IV.1. Description des processus et mise en évidence des paramètres clés ...................................239
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
182
IV.2. Caractéristiques des zéolithes....................................................................................................241
IV.2.1. Nucléation et croissance des zéolithes...............................................................................241
IV.2.2. Métastabilité des zéolithes.................................................................................................241
IV.2.3. Liens entre les zéolithes et la chimie de la solution ...........................................................242
IV.3. Relation entre les caractéristiques des zéolithes et les cinétiques d’altération du verre...243
IV.3.1. Influence du pH sur la cinétique de précipitation des zéolithes........................................243
IV.3.2. Cinétiques de dissolution du verre....................................................................................244
IV.3.3. Figures de dissolution du verre.........................................................................................247
V. Conclusion.............................................................................................................................................248
Références bibliographiques....................................................................................................................250
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
183
Jusqu’à présent, nous avons étudié l’influence des solutions cimentaires S1 et S2 sur
l’altération du verre en régime de vitesse initiale et en régime de chute de vitesse. Nous avons
montré que le couple calcium-pH jouait un rôle prépondérant sur l’altération du verre dans ces
deux régimes. A fort rapport S/V notamment, la présence de calcium engendre la précipitation de
C-S-H. Dans certaines conditions, à fort rapport S/V et en solution S1 à 50 °C, d’autres phases
secondaires sont susceptibles de précipiter : des zéolithes. Bien souvent la précipitation de ces
phases est associée au régime de reprise d’altération.
Dans notre étude, nous allons montrer que la formation de zéolithes n’engendre pas
nécessairement de régime de reprise d’altération mais peut contribuer à maintenir une vitesse
résiduelle élevée. Nous déterminerons quels sont les paramètres et les mécanismes à l’origine de
ces différences d’évolution.
La première partie de ce chapitre est une étude bibliographique étendue qui s’attache à
présenter les conditions et les mécanismes de formation des zéolithes puis les paramètres
influençant le phénomène de reprise d’altération. L’étude expérimentale portant sur les cinétiques
et les mécanismes d’altération du verre en présence de zéolithes fait l’objet de la deuxième partie.
La modélisation thermodynamique des expériences en troisième partie permettra de comprendre
les phénomènes limitants, à la base des cinétiques observées. Enfin, dans la dernière partie, des
mécanismes mettant en cohérence l’ensemble des résultats expérimentaux et de modélisation
thermodynamique seront proposés. Cela conduira à identifier plusieurs perspectives d’études
nécessaires à l’approfondissement de notre connaissance sur les conséquences de la précipitation
de zéolithes sur la durabilité du verre.
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
184
I. Etude bibliographique Les zéolithes sont des matériaux aluminosilicatés dont la caractéristique principale est leur
structure sous forme de canaux. Cette structure leur confère des propriétés d’échanges d’ions, de
rétention ou encore de tamis moléculaire, autant d’applications qui éveillent l’intérêt des
industriels. Les géologues et minéralogistes s’intéressent à la synthèse hydrothermale de ces
matériaux afin de simuler les conditions de formation géologique en laboratoire. Aussi de
nombreuses études sont-elles dédiées à la synthèse de zéolithes de structures, et donc de
propriétés, spécifiques.
De notre point de vue, la zéolithe est une phase secondaire néoformée à partir des éléments
constitutifs du verre et de ceux présents initialement en solution. En ce sens, sa formation engendre
nécessairement une consommation des éléments et un déplacement des équilibres entre les
différentes phases en présence. La précipitation de cette phase au sein de nos systèmes soulève
alors plusieurs questions :
- Quelles sont les caractéristiques de ces phases cristallisées ?
- Dans quelles conditions ces phases se forment-t-elles ?
- A long terme, quelles sont les conséquences sur la pérennité du gel et la durabilité
chimique du verre ?
En premier lieu, une description de la structure, des propriétés ainsi que de la synthèse des
zéolithes sera exposée. En prenant soin de rappeler les mécanismes de formation des cristaux en
solution, nous tacherons de développer les différents mécanismes de formation des zéolithes. Dans
un deuxième temps, nous détaillerons les caractéristiques des milieux naturels où se forment des
zéolithes et la stabilité thermodynamique de ces dernières. Enfin, la dernière partie de cette étude
bibliographique se focalisera sur l’ensemble des paramètres influçant le phénomène de reprise
d’altération lors de la lixiviation du verre.
I.1. Les zéolithes
I.1.1. Structure et propriétés
Les zéolithes sont des aluminosilicates appartenant à la famille des tectosilicates. Leur
structure cristalline résulte de l’agencement de tétraèdres SiO4 et AlO4, les deux tétraèdres étant
reliés l’un à l’autre par un oxygène. D’après la règle de Lowenstein (Si ≥ Al), deux tétraèdres AlO4-
ne peuvent pas être consécutifs à l'intérieur de la structure. Lorsque tous les oxygènes sont
partagés entre les tétraèdres de silicium et d’aluminium, la structure est tridimensionnelle et
constituée de canaux ouverts (Figure I-1).
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
185
(a)
(b)
Figure I-1. Structures tridimensionnelles (a) de la merlinoite (tétragonale) et (b) de la phillipsite
(orthorhombique), d’après IZA1.
Ainsi, le rapport Si/Al qui est une des caractéristiques de la structure des zéolithes peut
varier de 1 jusqu’à l’infini. La substitution d’un silicium par un aluminium (trivalent) engendre la
création d’une charge négative, compensée par un cation situé dans les cavités de la structure. Pour
les zéolithes naturelles, les cations compensateurs peuvent être des alcalins (Na+, K+…) ou des
alcalino-terreux (Ca2+, Ba2+…). Dans le cas de zéolithes synthétiques, il peut s’agir de molécules
organiques (cation ammonium…).
Il existe actuellement 201 types structuraux répertoriés par l’IZA (International Zeolite
Association). Elles sont identifiées par un code composé de trois lettres capitales.
I.1.2. Synthèses de zéolithes par voie hydrothermale
Plusieurs méthodes de synthèse sont utilisées, la plus connue et la plus ancienne étant la
synthèse par voie hydrothermale qui permet de créer de nouvelles structures jusqu’alors non
observées dans la nature. Ce mode de synthèse a été utilisé pour la première fois par Barrer [1]
dans les années 1940 afin de reproduire des zéolithes naturelles à haute pression (100 bars) et
température (200 °C). La synthèse par voie hydrothermale requiert une température inférieure à
250 °C. La durée du processus peut varier de quelques heures à plusieurs jours. Le mélange
réactionnel est constitué par :
- des réactifs (Si, Al) formant la charpente zéolithique,
- un agent structurant pouvant être un cation (alcalin ou alcalino-terreux) ou une molécule
organique,
- un agent minéralisant (OH- ou F-),
- et un solvant (couramment l’eau).
L’agent minéralisant, ici les ions hydroxyles, permet aux réactifs de solubiliser les espèces
alumino-siliciques. Le rapport Si/Al constituant les zéolithes est fortement dépendant de la teneur
en agent minéralisant [2-4]. En effet, plus la basicité du milieu augmente, plus la solubilité de la
silice augmente et donc leur capacité à se recondenser diminue alors que celle des aluminates reste
1 International Zeolite Association sur http://www.iza-structure.org/databases/.
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
186
constante, plus le rapport Si/Al des zéolithes sera faible. A pH plus faible, la formation de zéolithes
siliciques est donc favorisée. Cette constatation a été faite par Muller et al. [5] lors de la
caractérisation de zéolithes formées durant l’altération de verre nucléaire.
L’agent structurant quant à lui favorise la structuration de la matière au niveau atomique et
moléculaire. En effet, la présence d’un cation en solution modifie localement la structure primitive
de l’eau par rupture des liaisons hydrogènes [6]. Une classification des cations tenant compte de
leur caractère chaotrope ou cosmotrope existe. Le sodium et le lithium sont des cations favorisant
la réorganisation de nombreuses couches de solvant autour d’eux, ils sont appelés « ions
structurants ». A l’inverse, le potassium ne parvient pas à immobiliser autour de lui de nombreuses
molécules de solvant, dans ce cas la perte de la structure primitive de l’eau n’est pas compensée
par une restructuration des molécules d’eau autour de l’ion, celui-ci est dit « déstructurant ».
Les cations s’entourent des réactifs et de leurs sphères d’hydratation pour les polycondenser,
prédéfinissant ainsi les caractéristiques des pores (taille et forme). Par la suite, les cations alcalins et
alcalino-terreux restent dans les cavités de la structure comme compensateur de charges de la
charpente minérale.
I.1.3. Mécanismes de formation des zéolithes
I.1.3.1 Mécanismes de cristallisation en solution
I.1.3.1.1 Sursaturation
La nucléation puis la croissance des nucléi est due initialement à une sursaturation de la
solution. La force motrice de ces deux phénomènes est la différence des potentiels chimiques
qu’ont les molécules respectivement dans la solution mère sursaturée µ et dans la solution saturée
µs à l’équilibre. L’expression de cette différence est la suivante, par molécule :
βµµµ lnTkBs =−=∆
avec kB la constante de Boltzmann, T la température et β le degré de sursaturation :
*C
C=β
avec C la concentration de la solution avant cristallisation et C* sa concentration à saturation (ou
encore sa solubilité).
Si β > 1, les cristaux vont croître, si β < 1, les cristaux vont se dissoudre et si β = 1, les
cristaux sont à l’équilibre. Rappelons que les cinétiques sont toujours plus rapides dans les milieux
plus concentrés à un même degré de sursaturation β [7][7][7][7].
I.1.3.1.2 Nucléation
La nucléation est l’étape durant laquelle les premiers nucléi stables vont être formés. Deux
types de nucléation existent. La nucléation primaire correspond à l’apparition des cristaux d’une
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
187
phase considérée dans une solution qui en est dépourvue. Par opposition, dans la nucléation
secondaire, les nouveaux germes proviennent de cristaux de la même phase existante en solution.
La nucléation primaire se divise en deux types, elle peut être homogène si les germes se forment
dans la solution ou bien hétérogène dans le cas où les germes se forment sur un substrat (paroi du
réacteur, particules étrangères…). Les nucléations primaires homogène et hétérogène sont des
processus activés, nécessitant le franchissement d’une barrière énergétique.
I.1.3.1.2.1 Nucléation primaire homogène
Les molécules, diffusant aléatoirement par mouvement Brownien dans la solution, se
rencontrent puis coalescent pour former des petits agrégats. La probabilité de rencontre augmente
avec les concentrations et la sursaturation. La formation d’un germe stable prêt à croître nécessite
une énergie de Gibbs, faisant intervenir deux énergies de volume et de surface antagonistes :
γβ STkV
G B +Ω
−=∆ ln
où V est le volume d’un germe constitué de molécules de volume Ω, S est la surface d’un germe et γ
est l’énergie interfaciale cristal-solution. ∆G passe par une valeur critique (∆G*) lorsque le germe a
une taille critique (r*) à l’équilibre instable δ∆G/δr = 0. Les expressions de ces deux paramètres sont
les suivantes (Figure I-2) :
βγ
ln
2*
Tkr
B
Ω= et 2
32
)ln(3
16*
βγπ
TkG
B
Ω=∆
Globalement, la taille du germe critique est d’autant plus petite que la sursaturation et la
température sont importantes et que l’énergie interfaciale cristal-solution est plus petite.
Figure I-2. Schéma illustrant l’évolution de l’énergie libre d’activation de nucléation en fonction du
rayon du germe.
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
188
I.1.3.1.2.2 Nucléation primaire hétérogène
Dans le cas de la nucléation hétérogène, le germe se développe sur un support. Sa
géométrie change et dépend de l’affinité avec le support. Le germe forme un angle de contact α
avec le support, d’autant plus faible que l’affinité entre le germe et le support augmente (Figure
I-3). Le rôle du support est de catalyser la nucléation en abaissant la barrière énergétique mise en
jeu. L’enthalpie libre de formation du germe est alors :
)(.hom αFGGhet ∆=∆ avec 2)cos1()cos2(25,0)( ααα −⋅+⋅=F
Figure I-3. Schéma illustrant la formation d’un germe sur un substrat au cours de la nucléation primaire
hétérogène.
I.1.3.1.2.3 Cinétique de nucléation
La cinétique de nucléation J, appelée « fréquence de nucléation », correspond au nombre de
cristaux se formant dans la solution saturée par unité de volume et par unité de temps. En
simplifiant le système, on peut écrire :
)exp(*
0 Tk
GKJ
B
∆−=
où le coefficient cinétique K0 est :
000 υNK =
avec N0 le nombre de molécules de soluté par unité de volume, ν0 est la fréquence à laquelle les
germes de taille critique r* deviennent surcritiques et se développent en cristal. Il existe une
sursaturation critique en dessous de laquelle la fréquence de nucléation est presque nulle et au-
delà de laquelle elle augmente très rapidement (Figure I-4).
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
189
Figure I-4. Schéma illustrant la courbe de fréquence de nucléation J en fonction de la sursaturation.
La cinétique de nucléation dépend non seulement de l’état de sursaturation mais aussi de la
manière et de la vitesse à laquelle il est atteint [7].
I.1.3.1.1 Croissance
Le développement d’un germe et sa transformation en cristal a lieu tant que le milieu est
sursaturé. Des mécanismes de croissance et vitesses de croissance interviennent sur les différentes
faces du cristal. Le processus global de croissance se décompose en deux étapes qui sont
premièrement, le transfert de matière de soluté de la solution à la surface du cristal puis
deuxièmement, l’incorporation des unités de croissance dans les faces. Le cristal ne comporte que
les faces à faible vitesse de croissance.
I.1.3.1.2 Transitions de phase et murissement d’Ostwald
Lors de la diminution de la sursaturation dans un système fermé, deux phénomènes se
produisent :
- une disparition de la plupart des cristaux, surtout des petits, au profit des gros par le
murissement d’Ostwald. Le nombre de cristaux diminue alors que la taille moyenne augmente.
- une transition de phase peut être observée mettant en jeu les aspects thermodynamiques
et cinétiques des différentes phases. En solution, lorsque différentes phases coexistent, la seule
phase stable est celle dont la solubilité est la plus faible. Cependant, selon la règle d’Ostwald, la
phase la plus stable est rarement celle qui nuclée en premier. En général, lorsque deux phases sont
susceptibles de se former en solution sursaturée, la phase métastable précipite la première car les
facteurs cinétiques qui imposent la nucléation l’emportent sur les facteurs thermodynamiques qui
imposent l’équilibre final. Par la suite, la phase métastable va se dissoudre au profit de la
croissance de la phase stable.
I.1.3.2 Mécanismes de formation des zéolithes
La compréhension des mécanismes du processus de cristallisation des zéolithes a débuté
lors des synthèses réalisées par Barrer [1] dans les années 50. La complexité du système est due à
un nombre important de variables et à leur interdépendance au sein du système au cours du temps
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
190
(pH, composition chimique du système initial, température, pression, temps) modifiant la
cinétique de croissance.
I.1.3.2.1 Période d’induction
Lors du suivi cinétique de la cristallisation des zéolithes, il existe une période d’induction,
définie comme étant le temps de synthèse qui précède la détection des premiers cristaux de
zéolithes. Durant cette période se forment les nucléi. On comprend que ce temps est fonction de la
performance de la technique d’analyse utilisée. La théorie classique de la nucléation divise cette
période τ en trois sous-périodes [8] :
gnr ttt ++=τ
où tr correspond au temps de relaxation (temps nécessaire pour atteindre un état quasi-stationnaire
d’amas de molécules), tn est le temps de formation de nucléi de zéolithes stables et tg le temps
nécessaire pour que les nucléi croissent jusqu’à une taille détectable.
Le pH a une influence notable sur la durée de la période d’induction. La Figure I-5 met en évidence
qu’une augmentation de pH permet de réduire significativement le temps d’induction.
Figure I-5. Influence du pH sur la cinétique de cristallisation de la mordénite à 300°C, d’après Mullin et
Cobex [9].
I.1.3.2.2 Nucléation
Lors de la synthèse des zéolithes se forme un gel inhomogène qui n’est pas à l’équilibre
avec la solution. Au cours du temps, l’équilibre s’établit entre le gel et la solution via des réactions
de dissolution / condensation induisant une restructuration du gel. Les cations structurants
s’entourent d’anions (polymères silicatés et aluminosilicatés formés de tétraèdres) formant des
géométries particulières [10]. Localement, une phase pré-cristalline forme un nucleus, stable
lorsqu’il atteint le rayon critique (Figure I-6).
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
191
Figure I-6. Augmentation de l’ordre au cours du processus de nucléation / croissance des zéolithes,
d’après Cundy et Cox [11].
La nucléation des zéolithes reste un mécanisme loin d’être encore bien compris, plusieurs
théories existent notamment sur le lieu de formation des premiers nucléi. Dans la littérature, trois
modèles alternatifs de nucléation et croissance des zéolithes sont décrits [11, 12]. La première
approche est celle de la nucléation en solution. Cette théorie suppose que les nucléi se forment
dans la phase liquide et qu’une fois atteint leur rayon critique, la croissance des nucléi se fait grâce
à l’apport d’entités solubles via la solution. Dans ce cas, la présence d’un gel ou phase amorphe
servirait de réservoir de nutriments pour la croissance des cristaux par la
dissolution / recondensation des éléments le constituant. La seconde approche est la nucléation à
partir du gel, ce qui suppose la préexistence d’une phase solide amorphe. Au cours du temps, sa
réorganisation induirait la formation de nucléi qui croîssent dans le gel (transformation solide-
solide) ou dans la solution (mécanisme de formation autocatalytique). Une troisième théorie,
actuellement la plus reconnue, est basée sur une nucléation hétérogène se produisant à la surface
ou dans les particules de gel et une croissance qui aurait lieu en solution par l’incorporation
d’espèces solubles autour des nucléi [13].
Une étude récente a montré, lors de la synthèse d’hydrogel aluminosilicaté, que la
distribution des nucléi au sein du gel variait au cours du temps [14]. Lors de la précipitation de
l’hydrogel, une première population de nucléi, répartis de façon non homogène, se forme au sein
de celui-ci. Dans ce cas, il s’agit d’une nucléation autocatalytique. Au cours du temps, une seconde
population apparaît en surface et sub-surface du gel existant.
Le rôle du gel dans le processus de nucléation a été mis en évidence par Itani [15]. L’étude
des étapes précédant la nucléation de zéolithes à partir d’un gel aluminosilicaté riche en
hydroxyde de sodium a permis de faire un lien entre les propriétés physico-chimiques du gel et la
nucléation de la zéolithe. Un système riche en cations alcalins favorise la formation d’un gel à
structure ouverte (mésopores) permettant un échange accru entre la solution et les particules de gel
et donc conduisant à une augmentation du nombre (et de la taille) des mésopores. Cette porosité
favorisant les échanges de nutriments par l’augmentation de l’interface solide-liquide, il en résulte
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
192
une vitesse de nucléation et de formation des zéolithes plus importante que dans un système plus
pauvre en cations alcalins. Itani [16] montre également que le nombre de nucléi est limité par la
diffusion des nutriments lorsque le gel est dense et présente une surface spécifique très faible. A
l’inverse, un fort gradient de concentration à l’interface solide-liquide favorise l’échange entre ces
deux phases conduisant à une augmentation de la vitesse de nucléation.
I.1.3.2.3 Croissance
La maille élémentaire de la zéolithe est constituée par l’agencement d’unités secondaires
formées de tétraèdres. La croissance d’un germe ayant atteint le rayon critique nécessite la
diffusion de ces unités constructives (Figure I-7) à sa surface puis leur intégration suivant les
directions cristallographiques. La croissance cristalline est donc limitée par ces deux paramètres.
Cependant, des études ont montré que l’énergie d’activation pour la cristallisation
(~ 66 - 72 kJ.mol-1) correspond aux énergies de rupture et de formation des liaisons T-O-T. Cette
valeur étant trop élevée pour être attribuée à la diffusion des nutriments (~ 16 - 17 kJ.mol-1) [17, 18],
l’étape limitant la croissance des zéolithes serait celle de l’intégration des blocs élémentaires à la
surface des nucléi.
Figure I-7. Principales unités de construction secondaires (Secondary Building Units) obtenues par
assemblage de tétraèdres (Primary Building Units).
Les zéolithes sont des matériaux métastables et par conséquent, la cinétique joue un rôle important
lors de la cristallisation. La formation des zéolithes suit la loi d’Ostwald, ainsi lorsque le temps de
cristallisation augmente, la formation d’une phase stable est plus favorable [19].
Différents paramètres influencent la croissance des cristaux de zéolithes. Barrer montre que la
vitesse de croissance augmente avec le pH [17], en accord avec la Figure I-5 [9]. Une plus forte
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
193
concentration en précurseurs dissous dans la solution permet un transport plus rapide à la surface
des cristaux en croissance, de même qu’une réaction de surface plus rapide pour intégrer les
précurseurs au réseau cristallin. L’état de sursaturation de la solution modifie le mode de
croissance des zéolithes [20], de même que l’état de sous-saturation a un effet sur le mode de
dissolution des cristaux [21, 22]. Il est communément admis que la croissance de gros cristaux n’est
obtenue qu’en ralentissant la vitesse de croissance et en limitant le nombre de germes.
La représentation de la quantité totale de cristaux formés en fonction du temps suit une allure de
sigmoïde. Cette évolution se décrit par une période d’induction, une période d’accélération de la
croissance des cristaux puis une période de ralentissement due à l’épuisement de réactifs
nécessaires à la croissance des cristaux.
De nombreuses questions subsistent à cause des nombreux paramètres influençant l’évolution
du système. Les études menées sur l’étape de nucléation mettent en avant le rôle complexe des
propriétés physico-chimiques de l’hydrogel, dont la vitesse de nucléation dépend fortement. La
concentration en cations alcalins, le choix des réactifs induisent des vitesses de polymérisation
et une morphologie (porosité et surface spécifique) du gel différentes. En résultent une surface
d’échange et des gradients de concentrations favorisant plus ou moins la vitesse de diffusion
des nutriments dans le gel et par conséquent le temps d’induction et la vitesse de nucléation.
Ainsi, une augmentation du pH diminue le temps d’induction et augmente la vitesse de
nucléation et de croissance des zéolithes. Par ailleurs, en fonction du vieillissement du gel, le
lieu de nucléation change.
I.2. Formation et stabilité des zéolithes
Les zéolithes sont des produits d’altération de matériaux minéraux en contact de solutions
plutôt alcalines durant une période de temps variable. Elles peuvent être par exemple issues de
l’altération de roches volcaniques contenant du verre par des eaux à caractère basique, ou de
l’altération d’argiles dans des solutions alcalines, représentatives de solutions d’altération d’un
béton sain. La variabilité des caractéristiques physico-chimiques du milieu géologique favorise la
formation d’une grande diversité de zéolithes. Les études en laboratoire reproduisent des
conditions de formation similaires pour tenter de comprendre les mécanismes de formation de ces
phases et d’en prévoir les conséquences sur le matériau d’origine. L’étude thermodynamique des
zéolithes en fonction de leur milieu de formation permet de définir des domaines de stabilité de ces
phases. Cette approche permet de valider les hypothèses sur le processus de diagénèse dans le cas
d’étude de zéolithes en formation géologique. Une section de ce paragraphe sera consacrée aux
zéolithes rencontrées lors de nos expériences.
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
194
I.2.1. Les zéolithes issues de l’altération de verre naturel
Les zéolithes naturelles sont principalement issues de l’altération hydrothermale de roches
volcaniques constituées de verre naturel dans des environnements à pH neutre à alcalins à faible
température [23] (Figure I-8).
Figure I-8. Relations entre pH, température et formation de minéraux par voie hydrothermale [24].
Leur formation dépend au premier ordre de la composition du fluide (activité en silice,
concentration des cations et pH) puisque des assemblages zéolithiques très différents sont observés
dans des conditions similaires de température et de composition de roche mère (protolithe). La
température est également un facteur important assurant la stabilité de la zéolithe ; la pression
quant à elle joue un rôle secondaire.
Les zéolithes siliciques telles que la clinoptilolite ou mordenite proviennent de l’altération
de verres siliceux (contenant entre 45 % et 75 % en masse de silice) alors que les zéolithes plus
alumineuses comme la phillipsite ou l’analcime sont issues de l’altération de verres basaltiques. Il
est intéressant de noter que dans les zéolithes naturelles communément rencontrées, il existe
principalement des zéolithes sodiques et calciques mais pas de zéolithes à dominante potassique.
Le potassium est généralement présent dans les zéolithes capables de voir varier de façon
significative leurs proportions en différents cations (e.g. chabazite, phillipsite, clinoptilolite). La
formation de phillipsite est favorisée dans des environnements tels que les sédiments de mer peu
profonde pour de faibles activités en silice. La présence de chabazite, merlinoite et phillipsite rend
compte d’un milieu riche en potassium.
La stabilité à long terme de zéolithes naturelles peut être interprétée qualitativement en
faisant appel à la règle d’Ostwald pour laquelle un assemblage minéral voit progressivement
augmenter son degré de stabilité thermodynamique.
La présence de zéolithes au sein des couches d’altération de verre basaltique a été observée
pour des échantillons vieux de plus d’un million d’années [25]. L’étude de verres islandais âgés de
3 à 4 millions d’années a révélé que l’espace, initialement vide, entre les grains de verre était
systématiquement comblé par des zéolithes (chabazite, analcime ou phillipsite) et de la palagonite
(pellicule d’altération de verre basaltique) [26]. Ce « ciment zéolithique » est associé à une couche
épaisse de gel d’altération constituant un écran physico-chimique qui permettrait de ralentir
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
195
l’altération du verre. La présence de zéolithes constituerait sur ces échantillons une barrière de
diffusion. Ces résultats apparaissent être en contradiction avec le comportement observé pour les
verres nucléaires pour lequel la formation de zéolithes entraîne une reprise d’altération (voir I.3).
Les mécanismes par lesquels s’altèrent les verres naturels en présence d’eau sont complexes
et ceux initiant la formation des zéolithes à partir d’un verre naturel encore mal compris. Les
zéolithes peuvent être également formées par réaction d’autres types d’aluminosilicates en milieu
alcalin, comme par exemple à partir d’argile.
I.2.2. Les zéolithes issues de l’altération d’argiles en milieu alcalin
Au sein des stockages géologiques des déchets radioactifs, le béton est utilisé comme
matériau de construction et se trouve donc en contact avec le matériau d’environnement du site.
Dans plusieurs concepts (français, suisse et belge), l’argile est le matériau d’environnement choisi
pour ses propriétés de rétention notamment. L’interaction entre l’argile et le ciment est étudié en
laboratoire par le biais d’expériences d’altération d’argiles en milieu alcalin [27-32]. Les phases
principales issues de l’altération hydrothermale des argiles sont des zéolithes.
Contrairement au domaine de l’altération de verre naturel, celui de l’altération d’argiles en
milieu alcalin favorise la formation de quelques types de zéolithes (merlinoite, phillipsite,
chabasite, analcime). L’altération de bentonite en solution cimentaire, équivalente à la solution S1,
riche en KOH et NaOH, entre 35 et 90 °C conduit à la formation de phillipsite-(Na,K) [29]. Cette
argile contient du verre volcanique qui, de surcroît par rapport à la montmorillonite, favorise la
nucléation hétérogène de zéolithes au sein de l’argile altérée [30]. Une autre étude montre que
l’altération de bentonite à 60 °C conduit à la formation de chabazite et merlinoite, tandis qu’à 90 °C,
la merlinoite est la zéolithe majoritaire en solution fortement alcaline (K,Na)OH [32]. L’altération
de l’argilite du Callovo-Oxfordien, roche hôte du stockage géologique français, par des solutions
alcalines entraîne la formation d’analcime, de chabazite et de phillipsite en milieu NaOH et de
chabazite en milieu KOH [31].
I.2.3. La merlinoite et la phillipsite, deux zéolithes potassiques et sodiques
La merlinoite et la phillipsite sont deux types de zéolithes contenant du potassium comme
cation structurant. La merlinoite est moins courante dans le milieu naturel que la phillipsite.
Contrairement à la phillipsite, la merlinoite peut contenir exclusivement du potassium [33].
L’étude thermodynamique de Donahoe porte sur l’autogenèse des zéolithes et feldspaths observés
dans la région de Searles Lake en Californie [34]. La construction d’un diagramme de phases en
Figure I-9 permet de mettre en avant le rôle joué par la chimie de la solution dans la formation de
ces phases. Ce diagramme confirme les tendances observées dans la littérature : la phillipsite
présente un rapport Na/K plus important que la merlinoite, alors que leur rapport Si/Al sont
approximativement les mêmes [35-37]. A teneur égale en K et Na en solution, la merlinoite aura
donc tendance à incorporer sélectivement K par rapport à Na [35].
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
196
Le pH de la solution influence, entre autre, le rapport Si/Al caractéristique des zéolithes. Le
type de cation alcalin influence quant à lui une séquence de cristallisation [29]. Le sodium étant
plus cosmotrope que le potassium, il va favoriser l’agencement des molécules d’eau autour de lui
et la formation d’une structure de zéolithe. La composition de la solution joue donc un rôle
important sur la durée respective des périodes d’induction, de nucléation et de croissance.
Vigil de la villa et al. [29] montrent que les rapports Si/Al et Na/(Na+K) de la phillipsite sont
indépendants de ceux du substrat (argile ou verre volcanique). Ils en concluent que la force motrice
de la formation des zéolithes est la composition de la solution altérante.
Dans une étude à partir de solutions claires dans lesquelles le pH, la concentration en silice et le
rapport Na/(Na+K) sont fixes, Donahoe montre cependant que le rapport Si/Al des zéolithes est
indépendant de celui en solution. La phillipsite a alors pour rapport Si/Al 2,19 et la merlinoite, 1,86
[2]. Les études divergent quant au poids du rôle de la composition du substrat et de celui de la
solution.
Lors de la découverte de la merlinoite en 1977, Passaglia et al. [38] remarquent que la
merlinoite et la phillipsite ont une morphologie similaire. Dans les deux cas, les cristaux sont de
longs prismes tétragonaux (Figure I-10). La merlinoite est orthorhombique alors que la phillipsite
est monoclinique. Cependant, une morphologie de zéolithes n’est pas le reflet d’une composition
chimique. Graham et al. [39] montrent que malgré une morphologie toujours similaire de la
phillipsite, leurs compositions varient grandement.
Figure I-9. Domaine de stabilité de zéolithes et feldspath à 25°C et pH 9,5, adaptée de Donahoe et al. [34].
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
197
Figure I-10. Exemple de morphologie des cristaux de (a) merlinoite et de (b) phillipsite formés par
réaction hydrothermale à 200°C pendant 30 jours dans, respectivement, 0,1 N NaOH et dans 0,01 N KOH,
d’après Kawano et Tomita [36].
Donahoe constate que pour une structure d’une zéolithe donnée, l’intensité des pics ainsi que la
distance interréticulaire varient en fonction de la composition chimique [35]. La relation entre la
structure, la composition chimique et la morphologie des cristaux est plus complexe qu’il n’y paraît
à première vue.
I.2.4. Stabilité et métastabilité des zéolithes
Les zéolithes naturelles ou de synthèse constituent des solutions solides par rapport aux
cations interchangeables, au rapport Si/Al, à la teneur en eau. De faibles variations de composition
induisent des variations significatives des propriétés thermodynamiques.
Les données thermodynamiques des zéolithes peuvent être obtenues expérimentalement ou
bien être estimées par calculs. L’utilisation de compositions obtenues par caractérisation a des
limites compte tenu de la représentativité des analyses mais également de la variabilité de
composition sur un même site géologique. Une approche thermodynamique est donc souhaitable.
Trois modèles existent, basées sur des hypothèses différentes. Chermak et Rimstidt [40] utilisent un
modèle de détermination de l’enthalpie de formation basé sur le modèle des contributions des
unités polyédriques. Le modèle développé par Navrotsky et Tian [41] est fondé sur la nature de la
structure, la composition et les données thermodynamiques de verres aluminosilicatés. Enfin, le
dernier modèle développé par Vieillard et Mathieu [42-45] se base sur des calculs de données
cristallographiques et composition chimique en utilisant le volume molaire des phases anhydres et
hydratées ainsi que le nombre de molécules d’eau dans la phase.
Chipera [23] met en évidence des différences importantes dans les domaines de stabilité obtenus
suivant la composition chimique implémentée au calcul (Figure I-11).
a b
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
198
Figure I-11. Modélisation des domaines de stabilité de zéolithes dans divers environnements
géochimiques en utilisant une activité en silice à l’équilibre avec la cristobalite à 35 °C [23].
Compositions chimiques représentatives (a) de l’altération de tuf volcanique (Yucca Mountain, Nevada),
(b) de zéolithes formées à partir d’assemblages de roches volcaniques mafiques2, (c) zéolithes formées
dans des lacs salins / alcalins et (d) mélange de compositions issues de la diagénèse3 (clinoptilolite et
chabazite) et des lacs salins / alcalins (analcime, erionite, phillipsite).
De nombreuses études portant sur les propriétés thermodynamiques des phases
rencontrées lors de l’altération de verres naturels ou d’argiles mentionnent la limite de leurs
résultats, notamment à cause du manque de données sur les compositions chimiques des zéolithes,
mais également des C-S-H [3, 46, 47].
L’approche par modélisation est limitée par plusieurs points essentiels :
- les cinétiques de dissolution et croissance des phases sont peu connues et incertaines,
- la variation de la surface de verre réactive à considérer, d’une part parce que la
dissolution se fait par piqûres, et d’autre part parce que les cristaux recouvrent une partie
importante de la surface dans certains cas,
- peu de données thermodynamiques existent sur les zéolithes, en température et sur les
gammes de composition possibles,
- les données thermodynamiques portant sur la spéciation des éléments clés tels que le
silicium mais aussi l’aluminium à fort pH sont incertaines.
Les zéolithes sont des phases cristallisées métastables. En géologie, il est courant d’observer
des zones de compositions différentes sur un cristal de zéolithe entre la base (ou le centre) du
cristal et sa périphérie [39]. Ces différentes zones indiquent la variation des conditions
2 Adjectif décrivant un minéral de silicate ou une roche qui est riche en magnésium et en fer (olivines, le pyroxène,
l'amphibole, et la biotite). Les roches mafiques les plus courantes sont le basalte et de gabbro.
3 La diagénèse correspond à l'ensemble des processus physico-chimiques et biochimiques par lesquels les sédiments sont
transformés en roches sédimentaires.
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
199
environnementales (composition de la solution, pH, température) lors de la formation des
zéolithes. La métastabilité des zéolithes est illustrée par la Figure I-12 où la croissance d’un type de
zéolithe se fait sur le substrat d’une autre zéolithe, à ses dépends.
Figure I-12. Exemple de métastabilité de zéolithes. (a) Instabilité de zéolithe de type KI par rapport a la
phillipsite : la zéolithe KI hexagonale forme le substrat sur lequel la phillipsite prismatique nucléé et croît
[28]. (b) Croissance de cristaux de merlinoite au dépend de ceux de chabazite [32].
La métastabilité des zéolithes observées au sein d’un
système peut s’interpréter grâce à la loi d’Ostwald,
dont nous avons évoqué le principe précédemment
(I.1.3.2.3), et qui est illustrée en Figure I-13.
Dans un premier temps, c’est la phase la plus soluble
et la moins stable qui précipite. Ensuite, elle est
remplacée progressivement par une série de phases de
plus en plus stables. En réalité, le système va
préférentiellement former des phases dont la
précipitation est cinétiquement favorisée : la
nucléation de la phase la plus stable est favorisée
cinétiquement par rapport à une phase analogue
moins soluble, ceci parce que la phase la plus soluble
présente une énergie interfaciale minéral / solution
plus faible. Lorsque la composition de la solution
évolue, les cinétiques relatives de précipitation et
dissolution changent : il en résultera la formation
progressive d’un assemblage de phases secondaires
plus stables.
Dans cette approche métastable de l’équilibre, chaque
étape a une énergie d’activation relativement petite qui diminue l’énergie libre totale d’une petite
quantité alors que dans le cas d’une étape unique, une grande énergie d’activation est nécessaire à
la formation de la phase la plus stable, ce qui induit une importante diminution de l’énergie libre
du système.
Figure I-13. Comparaison de l’évolution des
phases observées expérimentalement avec
une illustration de la loi d’Ostwald par une
succession d’étapes, tiré de Bauer [28].
a b
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
200
I.2.5. Les limites de la littérature sur la synthèse des zéolithes par voie hydrothermale
Le phénomène de formation des zéolithes est relativement complexe et encore mal compris
malgré la mise en place de protocoles de synthèse simples.
Lors de la synthèse de zéolithes par voie hydrothermale, les réactifs (gel de silice,
hydroxyde d’aluminium) sont dissous dans de la soude puis mélangés et agités durant une
période suffisamment longue pour observer la nucléation / croissance des zéolithes. Dans notre
système, la disponibilité des réactifs et agents structurants et minéralisants est totalement
différente puisque l’apport de silicium et d’aluminium provient de la dissolution du verre dans un
premier temps puis dépend par la suite d’équilibres entre les différentes phases en présence (verre,
gel, phyllosilicates, zéolithes…). Des variations de la dissolution-recondensation du gel, de la
dissolution du verre et de la composition de la solution, non seulement due à la précipitation des
zéolithes mais également des phyllosilicates, modifient les équilibres en solution.
Dans des systèmes classiques, le pH est tamponné par une forte teneur en hydroxyde alcalins
(NaOH, KOH) ou alcalino-terreux (Ca(OH)2) alors que dans notre système, le pH évolue au cours
de l’expérience.
Ces différences rendent les interprétations plus délicates dans notre système, du fait de la
dissolution du verre et des phénomènes de dissolution / recondensation du gel. Ainsi des
équilibres thermodynamiques et cinétiques plus complexes se mettent en place.
Lors de la synthèse hydrothermale, il a été montré que de nombreux paramètres
modifiaient l’enchaînement des réactions au sein du système [17] : le caractère plus ou moins
structurant du cation, l‘agitation ou non de la solution, la nature chimique des réactifs, l’ordre dans
lequel ceux-ci ont été mélangés.
L’approche par des systèmes simples montre également que de nombreuses questions
subsistent, notamment concernant les mécanismes de nucléation des zéolithes, entre autres la
localisation spatio-temporelle des premiers nucléi ainsi que la nature des espèces impliquées dans
leur formation.
Le type de zéolithe qui précipitera à partir d’un gel aluminosilicaté est fortement dépendant
du cation présent dans le gel parent. Par analogie, les flux de cations provenant du verre, du gel,
des phases secondaires et de la solution modifient l’équilibre du système et ont donc un effet sur le
type de zéolithe formé au cours de la réaction. Qui plus est, la stabilité des zéolithes est
relativement difficile à modéliser à cause de la variabilité de leur composition chimique.
L’ensemble de la littérature portant sur la synthèse de zéolithes par voie hydrothermale est une
source riche d’informations. Néanmoins les conditions de synthèse, entre autres, limitent
l’analogie pouvant être faite avec notre système. A cela s’ajoute le fait que, malgré l’apparente
simplicité des protocoles expérimentaux, de nombreuses questions subsistent notamment sur
les mécanismes de nucléation des zéolithes. Des différences notables entre la voie classique de
synthèse des zéolithes et notre système rendent l’interprétation des résultats et la validation de
mécanismes relativement complexes.
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
201
L’observation de zéolithes au sein d’expériences réalisées en présence de verre apporte des
éléments de compréhension complémentaires, notamment sur l’influence de paramètres au cours
de l’altération.
I.3. Paramètres influant le phénomène de reprise d’altération
Etant une phase amorphe, le verre est thermodynamiquement métastable par rapport à des
phases cristallisées. De la transformation du verre en phases cristallisées via la solution résulte la
formation de produits de complexité croissante : des oxydes hydratés simples à des phases
cristallisées beaucoup plus complexes, comme par exemple les argiles ou encore les zéolithes. Les
conséquences de la formation de ces phases sur l’altération du verre ne sont pas totalement
élucidées, néanmoins une classe de minéraux, les zéolithes, ont dans certains cas un effet
accélérateur sur la dissolution du verre. Nous verrons à travers différentes études que cet effet a été
mis en évidence expérimentalement mais également grâce aux outils de simulation.
L’occurrence du phénomène de reprise d’altération est le résultat de la précipitation de
zéolithes [5, 48]. Cependant, la précipitation de telles phases n’engendre pas systématiquement de
reprise d’altération [49]. L’objectif ici est de mettre en évidence les paramètres importants qui
favorisent ou inhibent la formation de ces phases du point de vue de l’altération du verre.
I.3.1. Rôle de la composition du verre
L’aluminium a un rôle important sur la durabilité du verre [48, 50-53]. Les tétraèdres de
silicium et d’aluminium qui se retrouvent au sein de la pellicule d’altération sont interconnectés.
La structure et la morphologie de cette couche lui apportent un caractère passivant. Cependant,
l’aluminium a un rôle crucial dans la formation de zéolithes et donc sur une éventuelle reprise
d’altération. Van Iseghem et Grambow [54] ont étudié deux verres nucléaires belges, SM58 et
SAN60, dont les différences de composition portent principalement sur la teneur en aluminium
(Si/Al = 40 et 2 respectivement) et en alcalins. A faible rapport S/V, la vitesse initiale en eau
désionisée est relativement plus faible pour le verre SAN60 à cause de sa forte teneur en
aluminium. A l’inverse, à fort rapport S/V, l’altération du verre SAN60 se poursuit au-delà de la
saturation vis-à-vis de la silice amorphe et l’analcime précipite (zéolithe sodique couramment
observée dans le cas de reprises d’altération). Le comportement du verre SAN60 dans ces
conditions est lié à la forte teneur en aluminium dans le verre entraînant une perturbation de la
saturation en silice. La simulation révèle que la précipitation d’analcime est susceptible
d’engendrer une reprise d’altération pouvant atteindre des cinétiques du même ordre de grandeur
que la vitesse initiale selon le rapport Si/Al du verre.
A la suite de l’étude réalisée par Van Iseghem et Grambow, Strachan et Croak [49]
poursuivent la simulation de l’altération de verres simples pour mettre en avant l’effet de
composition sur le comportement à long terme du verre en eau désionisée. Cet effet est étudié par
rapport à la précipitation de l’analcime. A l’aide du code géochimique EQ3/6 [55], Strachan et
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
202
Croak calculent le domaine de stabilité de la silice amorphe vis-à-vis de l’analcime pour différentes
compositions de verre.
Figure I-14. Domaine de stabilité de la silice amorphe vis-à-vis de l’analcime à différentes teneurs en
aluminium dans un verre simple à 6 oxydes, d’après Strachan et Croak [49]. Lorsque
« Glass Reacted » = 0, la silice amorphe est stable vis-à-vis de la précipitation d’analcime.
Lorsque la précipitation de l’analcime est favorisée par rapport à la silice amorphe
(« Glass reacted < 0 » sur la Figure I-14), autrement dit au gel, celle-ci entraîne une dissolution du
verre plus ou moins importante et peut donc provoquer une reprise d’altération.
Un résultat important de cette étude est la dépendance de la précipitation d’analcime à la teneur en
aluminium. Une faible variation de la teneur en aluminium entraîne une précipitation d’analcime
déstabilisant alors le gel contrairement au sodium par exemple, pour lequel la même variation de
composition présente un effet beaucoup moins marqué. L’effet de l’aluminium est mis en évidence
par la Figure I-14 où sont représentés les domaines de stabilité de la silice amorphe vis-à-vis de
l’analcime.
L’état de sursaturation nécessaire à la précipitation d’analcime, et donc la déstabilisation du gel,
dépend au premier ordre du rapport Si/Al et au second ordre des autres composants du verre.
Pour des rapports Si/(Si+Al) < 0,7, la quantité de verre nécessaire à la précipitation d’analcime et
l’observation d’une reprise d’altération est cent à mille fois plus importante que pour des verres à
des rapports supérieurs.
Une substitution importante des alcalins (Li, Na) ou alcalino-terreux (Ca) par du bore diminue le
pH pour un même progrès de réaction. Néanmoins, les taux de substitution atteints dans la
simulation sont très élevés par rapport aux taux observés dans les verres nucléaires. Un pH élevé
favorisant le phénomène de reprise, une augmentation de la teneur en alcalins ou alcalino-terreux
par rapport au bore est également un paramètre à prendre en compte [48].
Une vaste étude, réalisée par Ribet et al. [48], sur plus de quatre-vingt dix compositions de
verre a eu pour but de modéliser les données de lixiviation en fonction de la composition des
verres par une analyse statistique des données. La Figure I-15 montre le rôle important des alcalins
sur l’augmentation du pH alors que le silicium, le fer et le bore ont tendance à le diminuer. Notons
que l’aluminium a ici un effet négligeable sur le pH.
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
203
Figure I-15. Influence des composants du verre sur l’équilibre du pH en solution par une approche
statistique, d’après Ribet et al. [48].
Les analyses de la composition de la solution lixiviante [48] et les caractérisations des phases issues
de l’altération [5] mettent en avant les effets importants de la composition du verre. La
caractérisation des phases secondaires est réalisée conjointement en DRX et MEB. Trois groupes de
verres caractéristiques ressortent de cette analyse :
- le premier groupe est défini par le fait qu’aucune reprise d’altération n’est observée et que
le pH à 20°C est inférieur à 10,7, valeur en dessous de laquelle aucune reprise d’altération ne s’est
produite. Seuls des phyllosilicates ont été détectés au MEB, en DRX aucun pic n’indique de phase
cristalline.
- le deuxième groupe se caractérise par un pH d’équilibre proche de 11 sans qu’aucune
reprise d’altération ne se soit produite. Cependant, des cristaux ayant précipité ont été observés en
plus des phyllosilicates. L’analyse EDS de leur composition montre qu’il s‘agit de zéolithes de type
phillipsite. En DRX, aucun pic ne sort pour cette phase probablement du fait de sa trop faible
quantité.
- le troisième groupe réunit l’ensemble des verres pour lesquels une reprise d’altération a
eu lieu. Dans ce cas, les analyses DRX et EDS identifient des phyllosilicates en abondance ainsi
qu’une structure de type zéolithe.
La nucléation de ces cristaux est susceptible d’induire une reprise d’altération. Il peut y avoir des
limitations de croissance de cette phase résultant d’un faible taux résiduel. Comme le suggère Gin
et Mestre [56], l’aspect thermodynamique ne suffit pas, l’aspect cinétique doit être pris en compte
pour expliquer que l’état de sursaturation n’implique pas la croissance des cristaux de zéolithes et
donc une reprise d’altération.
I.3.2. Rôle de la composition de la solution d’altération
De nombreuses reprises d’altération sont observées en eau initialement désionisée selon la
composition du verre, le temps d’altération ou encore la température, paramètres jouant un rôle
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
204
majeur dans l’observation d’une reprise d’altération. Cependant, la précipitation de zéolithes est
favorisée en présence de cations alcalins et fort pH. Ribet et Gin [57] étudient l’altération du verre
SON68 en milieu KOH et NaOH à des pH de 11,4 à 90 °C. Ils montrent que la nature du cation
alcalin affecte la période de transition avant la reprise d’altération ainsi que la nature des zéolithes
précipitées. La reprise d’altération survient plus rapidement en présence d’hydroxyde de sodium
que de potassium. Ce résultat est en accord avec le caractère cosmotrope du sodium qui favorise la
structuration du cristal. Les zéolithes caractérisées par DRX et MEB en milieu sodique sont des
cristaux d’analcime (Na(AlSi2O6).H2O) alors qu’en milieu potassique, il s’agit de merlinoite
(K5Ca2(Al9Si23O64).24H2O). La composition de la solution d’altération modifie la nature de la
zéolithe formée et le temps de latence avant la reprise d’altération.
I.3.3. Rôle de la température
L’augmentation de la température favorise les phénomènes de dissolution-précipitation.
L’altération d’un verre nucléaire chinois dans une eau souterraine montre une reprise d’altération à
150 °C alors qu’à 90 °C, aucune reprise n’est observée durant le temps de l’expérience [58]. Pour
une gamme de température comprise entre 20 °C et 200 °C, le phénomène de reprise d’altération se
produira d’autant plus rapidement que la température est élevée [59]. Néanmoins, la variation de
la température induit un changement de l’équilibre du système. Des phases stables à 25 °C ne le
sont pas forcément à 50 °C ou 90 °C. La température a un rôle majeur sur les cinétiques de
précipitation et donc également sur la nature des phases formées d’après la loi d’Ostwald.
I.3.4. Rôle du pH
Ces phénomènes de reprise d’altération ont été mis en évidence au cours d’études menées
dans des laboratoires américains, en particulier au Vitreous State Laboratory (Washington D.C.), et
concernant majoritairement la vitrification des déchets nucléaires de West-Valley. Des expériences
de lixiviation ont été menées sur de longues échéances (jusqu’à 14 ans) sur près d’une centaine de
verres et sur des domaines de composition assez proches du domaine des verres CSD-B, avec
toutefois des quantités d’aluminium et de silicium généralement inférieures [48]. Une tendance
significative a été observée concernant la relation entre le pH d’équilibre et l’occurrence d’une
reprise d’altération. En particulier, aucune reprise d’altération ne s’est produite pour des pH
inférieurs à 10,7 alors que pour des pH supérieurs à 11, presque tous les verres sont sujets à des
reprises d’altération (Figure I-16).
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
205
-4.0 -3.5 -3.0 -2.5 -2.0 -1.5 -1.0 -0.59.0
9.5
10.0
10.5
11.0
11.5
12.0
pH (20°C)
Log (Rate_3000d)
no Res. + Res.
Figure I-16. pH de la solution d’altération en fonction de la vitesse d’altération à 3000 jours des
différents verres étudiés par Ribet et al. Les points remplis correspondent aux verres sur lesquels aucune
reprise d’altération n’a été observée tandis que les points clairs représentent les verres avec reprise
d’altération. Adapté de Ribet et al.[48].
Le rôle clé du pH dans l’occurrence du phénomène de reprise d’altération est également mis en
évidence par Barkatt et al. [60]. Ils montrent que pour des verres présentant une reprise d’altération
en eau désionisée (pH90°C > 10), l’altération dans les mêmes conditions en milieu tamponné à pH
neutre (pH90°C 7,05) ne présente aucune reprise dans l’intervalle de temps étudié (300 jours). Dans
le cas d’une reprise d’altération, la diminution brutale du pH en présence de zéolithes induit leur
dissolution et un arrêt de la reprise d’altération [57].
I.3.5. Rôle du S/V sur reprise d’altération
Une augmentation du paramètre S/V permet d’atteindre de plus fort progrès de réaction
et donc l’état de saturation plus rapidement. Pour un même verre altéré dans les mêmes
conditions, l’augmentation du rapport S/V entraîne le début d’une reprise d’altération à des temps
plus courts [60, 61] (Figure I-17).
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
206
Figure I-17. Evolution de la concentration en bore en fonction du temps dans le cas de l’altération d’un
verre en solution alcaline (NaOH à 0.001 M) à 90°C à 20 cm-1 et 30 cm-1, d’après Barkatt et al. [60].
L’existence, l’ampleur et la durée du phénomène de reprise d’altération sont extrêmement
sensibles aux faibles variations de compositions du verre (notamment en aluminium et
également en alcalins), de la solution d’altération ainsi que des conditions d’altération (pH, S/V,
température). Le pH de la solution est un paramètre clé puisqu’au-delà d’environ 10,5 à 20 °C,
les verres sont fortement sujets aux reprises d’altération. La teneur en alcalins du verre
augmente le pH de la solution, à l’inverse du bore et du silicium. Par ailleurs, la teneur en
aluminium est un autre paramètre fondamental. La simulation a montré que lorsque le rapport
Si/(Si+Al) est inférieur à 0,7, la probabilité d’observer un phénomène de reprise s’accroît
fortement. Une faible variation de concentration en aluminium peut être un élément
déclencheur. Le temps d’induction sera d’autant plus court que la température, le rapport S/V et
le pH seront élevés.
Jusqu’à présent dans la littérature, aucun auteur n’a rapporté l’observation de succession de
phénomènes de reprise d’altération lors de la précipitation de zéolithes. Barkatt et al. [60] le
soulignent précisément. Une reprise d’altération peut-elle perdurer ou bien s’amenuise-t-elle au
cours du temps ? Quels en sont les mécanismes clés ?
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
207
II. Etude expérimentale des mécanismes et des cinétiques
d’altération du verre en présence de zéolithes
Jusqu’à présent, la précipitation de zéolithes a été observée uniquement, mais de façon
systématique, lors d’altérations du verre en solution S1 à 50°C.
II.1. Conditions expérimentales
Afin d’atteindre rapidement d’importants progrès de réaction et ainsi des conditions de
saturation, les tests relatifs aux reprises d’altération sont menés à fort et très fort rapport S/V. Le
Tableau II-1 récapitule l’ensemble des tests réalisés. Pour les quatre expériences RA80, RA200,
RA200S et RA1000, la poudre de verre est altérée en solution, l’ensemble des prélèvements étant
réalisé dans le réacteur tout au long du test. Dans le cas du test RA2000, un réacteur correspond à
une échéance. Le volume initial de solution (0,5 mL) est trop faible pour pouvoir effectuer une
mesure du pH à l’arrêt de l’expérience. Pour les autres tests, la mesure du pH, les prélèvements et
leur acidification s’effectuent de la même façon que celle développée dans le cas de la chute de
vitesse à 200 cm-1 (Chapitre V, § II.). Les tests RA80 et RA1000 ont été arrêtés et une analyse
approfondie du solide a pu être réalisée.
Tableau II-1 . Récapitulatif des paramètres des tests statiques à fort rapport S/V menés en solution S1 à
50°C.
Référence Verre Granulométrie
(µm) S/V
(cm-1) m verre
(g) V solution
(mL) RA80 CSD-B 40 - 80 80 12,31 120 RA200 CSD-B 20 - 40 200 7,86 70 RA200S VS 20 - 40 200 7,86 70 RA1000 CSD-B 5 -15 1000 8,42 50 RA2000 CSD-B 40 - 80 2000 1,00 0,5
II.2. Problématique
Pour l’ensemble des expériences présentées ici, des zéolithes ont été observées de façon
systématique. Cependant, leurs caractéristiques physico-chimiques (nature, morphologie…) ainsi
que leur formation (temps d’induction, nucléation / croissance, nombre de cristaux…) diffèrent
selon les expériences.
La différence entre les fractions de verre altéré déterminées à partir des concentrations en
bore et molybdène dans le Tableau II-2 montre que ce dernier est l’élément le plus lixivié. Nous
considérerons cet élément comme traceur de l’altération.
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
208
Tableau II-2. Comparaison des fractions de verre altéré déterminées à partir des concentrations en bore et
molybdène.
FVA(B) FVA(Mo) Échéance (jrs) RA80 0,59 0,60 836 RA200 0,48 0,54 452 RA1000 0,80 1,00 578 RA2000 0,05 0,05 273
Les cinétiques d’altération du verre CSD-B ont été représentées en Figure II-1 afin de
visualiser l’évolution des pertes de masse normalisées en molybdène suivant l’expérience
considérée. Cette comparaison met en évidence l’effet du rapport S/V et la taille de la
granulométrie puisque la composition du verre, la solution et la température sont identiques
initialement. Deux comportements distincts sont observables :
- les expériences RA80 et RA200 montrent qu’à la suite d’un temps de latence
correspondant à une chute de vitesse, se produit une brusque augmentation de l’altération du
verre,
- les expériences RA1000 et RA2000 ne présentent pas de régime de chute de vitesse
marqué, l’altération est continue tout au long des expériences.
0
2
4
6
8
10
12
14
16
0 200 400 600 800 1000
Temps (j)
NL(
Mo)
(g.
m-2
)
0,0
0,4
0,8
1,2
1,6
2,0RA80
RA200
RA1000
RA2000
NL(
Mo)
(g.
m-2
)
Figure II-1. Evolution des pertes de masse normalisées en molybdène pour les expériences RA80, RA200,
RA1000 et RA2000 avec le verre CSD-B altéré en solution S1 à 50 °C. Les traits en pointillés sont un guide
pour le lecteur.
Jusqu’à présent, dans le domaine de l’altération de verres nucléaires, les études rapportent
que la reprise d’altération survient suite à un régime de vitesse résiduelle ou de chute de vitesse.
Cette reprise est due à la nucléation / croissance de zéolithes à la surface des grains de verre ou en
solution. La croissance de ces phases entraîne une consommation d’éléments, principalement de
l’aluminium, présents dans la pellicule d’altération par dissolution / précipitation. La pellicule
d’altération est alors déstabilisée et son caractère passivant amoindri, entrainant ainsi une
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
209
augmentation des pertes de masse normalisées en éléments traceurs de l’altération (notamment B,
Na, Li) [56].
Le cas des expériences RA1000 et RA2000 est différent puisque l’altération du verre est continue,
aucun régime de reprise d’altération n’est observé. Les différences surprenantes de régime
d’altération du verre sont intimement liées à la formation de zéolithes au cours de l’altération.
Plusieurs questions surviennent :
- quels sont les paramètres déterminants qui conduisent à ces différents régimes d’altération
du verre ?
- quels sont les mécanismes mis en jeu ?
- ces évolutions résultent-elles de mécanismes différents ou bien de phénomènes limitants
différents ?
Afin de répondre à ces questions, les résultats des expériences sont exposés puis discutés.
II.3. Cinétiques d’altération et caractérisation des solides
II.3.1. Expérience RA80
Lors de l’altération du verre CSD-B menée à un rapport S/V de 80 cm-1 en solution S1 à
50 °C, une reprise d’altération a été observée. Le suivi cinétique de l’expérience a révélé une
brusque augmentation des pertes de masse normalisées en bore et silicium et une chute de pH
d’environ une unité autour de 700 jours (Figure II-2). L’analyse de la solution a également montré
une chute brutale de la concentration en aluminium (Figure II-3). L’arrêt du test a eu lieu à
836 jours d’altération et n’a donc pas permis de continuer à suivre la cinétique d’altération du
verre.
0
2
4
6
8
10
12
14
0 200 400 600 800
Temps (j)
NL(
Mo)
(g.
m-2
)
11,0
11,5
12,0
12,5
13,0
pH (
50°C
)
0
10
20
30
40
50
60
0 200 400 600 800
Temps (j)
[Al]
(mg.
L-1
)
Figure II-2. Evolution du pH et des pertes de
masse normalisées en molybdène jusqu’à 836 jours
d’altération dans le test RA80.
Figure II-3. Evolution de la concentration en
aluminium dans le test RA80.
La vitesse avant reprise est déterminée à partir des pertes de masse normalisées du
molybdène, elle est de 1,5.10-4 g.m-2.j-1. Malgré le peu de points de mesure, la vitesse de reprise
d’altération peut être estimée à 7,6.10-2 g.m-2.j-1, soit environ 500 fois supérieure à celle avant la
reprise. Cette vitesse de reprise est trois fois plus faible que la vitesse initiale déterminée dans les
mêmes conditions soit 2,4.10-1 g.m-2.j-1 (essai SS1P-50, Chapitre V, § IV.2.).
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
210
Lors de l’arrêt du test, nous avons constaté qu’au fond du réacteur, la poudre de verre
s’était agglomérée en formant une sorte de galette (Figure II-4), alors que la poudre de verre reste
généralement sous forme dispersée. Des précipités blancs étaient présents sur la surface de la
galette ainsi qu’en suspension dans la solution. L’ensemble a été filtré afin de récupérer les
précipités en suspension ainsi que le lixiviat.
Figure II-4. Photo de la « galette » formée par agglomération de grains de verre après arrêt du test RA80.
Des observations directes ainsi que des sections polies des grains de verre ont été réalisées
et observées au MEB. La Figure II-5 montre clairement des cupules sur le verre altéré, le gel
craquelé et des phyllosilicates en surface de celui-ci puis des cristaux parallélépipédiques en forme
de bouquet en surface du gel. Ils mesurent environ 5 µm de long par 1 µm² de section. Cette
croissance sous forme de bouquet à partir d’une zone à la surface du gel montre un mécanisme de
croissance à partir d’un site de nucléation dans un matériau amorphe. L’agglomération des grains
de verre sous forme de galette à l’échelle macroscopique résulte de la précipitation de phases
secondaires visibles à l’échelle microscopique comme le montre la section polie (Figure II-6).
Etant donnée la morphologie sous forme de cupules de la pellicule d’altération, il est
difficile d’établir une épaisseur moyenne précise de cette couche, il faudrait un nombre de mesures
important. Néanmoins, elle semble être comprise entre 2,5 et 4 µm, ce qui est en accord avec la
valeur obtenue par l’analyse de solution qui conduit à une épaisseur équivalente en molybdène de
4 µm.
(a) (b)
Figure II-5. (a) Image MEB d’un grain de verre altéré en solution S1 à 50 °C, (b)
Surface d’un grain de verre avec les phyllosilicates et de nombreux cristaux de
zéolithes.
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
211
(a) (b)
Figure II-6. (a) Image MEB d’une section polie de grains de verre altérés en solution
S1 à 50 °C, (b) grossissement fois cinq de la figure (a).
Les caractérisations en EDS sur les cristaux montrent que différentes compositions
chimiques de zéolithes coexistent à une même échéance. La plupart des zéolithes sont potassique et
sodique, certaines sont aussi calciques. L’analyse semi-quantitative des cristaux de zéolithes a été
réalisée sur une section polie à partir du prélèvement final. Les zéolithes ont un rapport Si/Al de
2,42 ± 0,32 et Na/K de 0,69 ± 0,10. La formule chimique n’est pas directement connue par l’analyse
en EDS puisque la teneur en hydrogène ne peut être obtenue. Néanmoins, une composition
approchée peut-être donnée : Na3.7K5.4Si21.3Al8.9O60.6Hx. Notons que cette formule chimique n’est pas
équilibrée.
Une analyse DRX de ces phases cristallines montre qu’il s’agit de zéolithes de type
merlinoite (Figure II-7). Les analyses en DRX permettent de mettre en évidence un type structural
de zéolithe (réseau de Bravais) mais pas une composition chimique. Il convient de préciser
également qu’une phase présente à un trop faible pourcentage volumique (< 5 %) n’est pas
détectable en DRX. La phase majoritaire est donc, ici, de structure similaire à la merlinoite. Des
zéolithes de ce type ont été observées dans le cas d’altération de verre SON68 en solution
potassique [57].
Lin
(Cou
nts)
0
10000
20000
2-Theta - Scale
4 10 20 30 40 50 60 70
Figure II-7. Diffractogramme de rayons X de la poudre surnageante suite à l’arrêt de l’expérience RA80.
Cristaux de merlinoite.
Merlinoite
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
212
VERRE SAIN
GEL
ZEOLITHES
VERRE SAIN
GEL
ZEOLITHES
Figure II-8. Cartographie d’une section polie où apparaissent le verre sain, le gel et les cristaux de zéolithes.
La cartographie obtenue par EDS permet de montrer nettement les zones de verre sain, de
gel et de cristaux de zéolithes (Figure II-8). Les cristaux sont très riches en aluminium, silicium,
potassium et sodium. Le gel est très appauvri en sodium alors qu’il est enrichi en calcium par
rapport au verre. On remarque notamment que le gel est totalement dépourvu d’aluminium. Cette
dernière observation est en accord avec le mécanisme de formation des zéolithes proposé par Gin
et Mestre [56] à partir de la dissolution du verre SON68 à pH 11,5 à 90 °C. Ce mécanisme se
décompose en cinq étapes :
- le verre se dissout en apportant une quantité importante d’aluminium en solution et dans le
gel passivant formé,
- l’aluminium est consommé pour former les germes de zéolithes. Cette étape correspond à la
nucléation,
- l’ensemble de l’aluminium de la solution est consommé par le processus de
nucléation / croissance des zéolithes. L’aluminium contenu dans le gel est alors consommé
progressivement pour permettre la croissance des cristaux,
- le gel se trouve déstabilisé et perd son caractère passivant, la reprise d’altération est
effective,
- la croissance des zéolithes peut être limitée par un pH trop faible et par le manque
d’aluminium.
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
213
II.3.2. Expérience RA200
L’expérience RA200 a été réalisée à un rapport S/V de 200 cm-1. La Figure II-9 illustre
l’évolution des pertes de masse normalisées en molybdène ainsi que le pH. Remarquons que ces
évolutions sont similaires à celles du test RA80, où une brusque reprise d’altération du verre avait
été observée. Les pertes de masse normalisées en molybdène avant reprise sont également du
même ordre de grandeur que celles mesurées dans le test RA80. Les vitesses avant reprise sont
égales à 1,5.10-4 g.m-2.j-1 et 3,0.10-4 g.m-2.j-1 respectivement pour les expériences RA80 et RA200.
La vitesse de reprise d’altération à partir du molybdène est de 4,2.10-2 g.m-2.j-1, soit 140 fois plus
grande que la vitesse avant reprise et 5,5 fois inférieure à la vitesse initiale.
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
0 200 400 600 800
Temps (j)
NL(
Mo)
(g.
m-2
)
10,4
10,8
11,2
11,6
12,0
12,4
12,8
13,2
pH (
50°C
)
0
10
20
30
40
50
60
70
0 100 200 300 400 500 600 700
Temps (j)
[Al]
(mg.
L-1
)
Figure II-9. Evolution du pH et des pertes de masse
normalisées en molybdène pour le test RA200.
Figure II-10. Evolution de la concentration en
aluminium dans le test RA200.
L’évolution de la concentration en aluminium dans la solution se décompose en plusieurs
étapes (Figure II-10). Après une augmentation très rapide en solution durant les premiers jours,
cette concentration diminue progressivement durant la phase supposée d’induction des zéolithes
pour chuter brutalement vers 270 jours d’altération. La teneur finale est autour du mg.L-1
d’aluminium en solution. Cette évolution nous fournit deux indications essentielles à la
compréhension des mécanismes sous-jacents.
Premièrement, durant le régime de chute de vitesse pour le verre (ou temps d’induction
pour les zéolithes), la diminution progressive de la teneur en aluminium en solution nous indique
que celui-ci est consommé soit par la formation de phyllosilicates, soit par sa recondensation pour
former le gel ou encore par nucléation / croissance progressive de nucléi de zéolithes. Ce dernier
point semble probable puisque la croissance massive de zéolithes intervient par la suite. En
supposant une vitesse de croissance des cristaux proportionnelle à la surface des cristaux, la vitesse
de croissance est donc très faible au début, voire non mesurable durant la période d’induction,
avant d’augmenter de plus en plus rapidement.
Deuxièmement, il est intéressant de noter que la chute brutale de l’aluminium est antérieure
à l’augmentation des pertes de masse normalisées en éléments du verre (molybdène, silicium, bore,
sodium, lithium…). Cette différence de plusieurs dizaines de jours indique que la redissolution
accrue du verre est postérieure au phénomène de consommation de l’aluminium en solution. Ceci
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
214
conforte le mécanisme proposé précédemment : dans un premier temps, l’aluminium en solution
est consommé et dans un deuxième temps, c’est l’aluminium présent au sein du gel qui va servir
de réservoir à la croissance des cristaux, conduisant ainsi à une redissolution du verre.
(a) (b)
Figure II-11. Images MEB de grains de verre CSD-B altéré en solution S1 à 200 cm-1 à 50°C durant 527 jours,
(a) formation d’une pellicule d’altération sous forme de cupules, (b) couche dense de zéolithes recouvrant la
pellicule d’altération.
Tout comme dans l’expérience RA80, une masse solide s’est formée au fond du réacteur à
cause de la formation de nombreux cristaux de zéolithes. Les profils d’altération et la morphologie
de la pellicule d’altération sous forme de cupules se retrouvent également dans cette expérience
(Figure II-11). D’après les analyses de solution, l’épaisseur équivalente en molybdène attendue à
527 jours est de 2,2 µm. Trop peu de mesures ont été effectuées pour établir une épaisseur
moyenne précise car l’épaisseur de verre altéré varie sensiblement d’un grain de verre à un autre. Il
semble néanmoins que l’épaisseur de verre altéré soit un peu plus importante que celle obtenue
par analyse de solution. Il est possible que le molybdène s’incorpore à d’autres phases ou qu’il soit
partiellement retenu dans la pellicule d’altération.
Une cartographie d’une section polie de monolithe de verre altéré durant 648 jours a été
réalisée en ToF-SIMS (Figure II-12). De gauche à droite sont visualisés le verre sain, une zone de
décollement, une couche de gel et enfin une zone de phases secondaires. Les variations d’intensité
à l’interface entre le verre sain et la zone de décollement sont dues à des variations du rendement
d’ionisation conduisant à des effets de bord. Les zéolithes sont bien enrichies en silicium,
aluminium, sodium et potassium. Cette cartographie met en évidence que le lithium est en partie
retenu dans les zéolithes, ce qui confirme que le lithium n’est pas traceur de l’altération lorsqu’il y
a précipitation de zéolithes au sein du système. Il apparaît que le bore n’est pas retenu au sein des
produits d’altération (échelle logarithmique pour cet élément). Néanmoins, cette cartographie n’a
pas permis de mettre en évidence la présence significative de molybdène au sein des produits
d’altération.
Gel Verre sain Cristal de zéolithe
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
215
Figure II-12. Cartographie d’une section polie d’un monolithe de verre retiré de l’expérience RA200 à
648 jours d’altération, obtenue par ToF-SIMS.
L’observation au MEB permet de rendre compte de la diversité de morphologie des cristaux
de zéolithes obtenus (Figure II-13). Différents types de zéolithes coexistent à une même échéance.
En effet, à 540 jours d’altération, la chute du pH de la solution de plus d’une unité déstabilise les
zéolithes formées et favorise la formation de zéolithes à plus fort rapport Si/Al. De même, les
concentrations en sodium et potassium ont évolué, ce qui peut déstabiliser les zéolithes existantes.
(a) (b)
Figure II-13. (a) et (b) Images MEB de grains de verre CSD-B altérés durant 540 jours en
solution S1 à 200 cm-1 à 50 °C, grains recouverts de zéolithes de différentes morphologies.
L’analyse EDS des cristaux a permis d’estimer les rapports stœchiométriques
caractéristiques des zéolithes à partir d’une section polie d’un monolithe altéré 648 jours. Les
rapports Si/Al et Na/K sont respectivement égaux à 2,71 ± 0,14 et 0,73 ± 0,06. Ces rapports sont
proches de ceux obtenus lors de l’expérience RA80. De même que dans l’expérience précédente, la
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
216
composition moyennée (non équilibrée) des cristaux de zéolithe a été estimée :
Na4.0K5.5Si21.8Al8.1O60.7Hx.
L’essai RA200 se poursuivant, de très faibles quantités de solide sont prélevées. La poudre est mise
en suspension dans l’éthanol et déposée sur un support à bruit de fond. Malgré ce protocole
d’analyse, l’intensité des pics de diffraction reste du même ordre de grandeur que celui du bruit de
fond. Le diffractogramme n’a pas permis d’identifier les zéolithes présentes.
Les expériences RA80 et RA200 présentent de fortes similitudes, tant du point de vue des
cinétiques (évolution du pH, NL(Mo) et concentration en Al) que de celui des phases solides
(caractéristiques des couches d’altération, tailles des cristaux de zéolithes, agglomération des
grains de verre…).
Les reprises d’altération RA80 et RA200 se caractérisent cinétiquement par une brusque
augmentation des traceurs de l’altération en solution (molybdène, bore, lithium…)
concomitante à une baisse sensible du pH et de la concentration en aluminium. De nombreux
cristaux de zéolithes sont présents en surface des grains de verre altérés sur la pellicule
d’altération, ce qui explique la prise en masse des grains. Le gel est quasiment dépourvu
d’aluminium, celui-ci étant consommé par la formation des zéolithes. La nucléation / croissance
de ces phases entraîne donc, via leur consommation d’aluminium, un amoindrissement du
caractère passivant du gel et donc une reprise d’altération.
La vitesse de reprise d’altération est inférieure d’un facteur trois minimum à la vitesse initiale,
elles sont donc du même ordre de grandeur. Dans cette gamme de rapport S/V, seule l’échéance
à laquelle se produit la reprise est modifiée.
II.3.3. Expérience RA200S
Les expériences RA200 et RA200S sont menées dans les mêmes conditions, seule la
composition du verre change. Ces deux expériences permettent donc de mettre en avant l’effet des
éléments mineurs sur le phénomène de reprise d’altération. Le traceur utilisé ici pour comparer ces
deux expériences est le bore puisque le verre VS ne contient pas de molybdène. En effet, les
différences de fractions de verre altéré déterminées à partir du bore et du molybdène sont faibles
pour le verre CSD-B, de 0,50 et 0,54 respectivement.
L’ensemble des graphiques de la Figure II-14 rend compte de l’évolution des différents
paramètres cinétiques et chimiques entre les expériences RA200 et RA200S. Leur évolution est
cohérente pour les deux verres. Le verre CSD-B connaît une reprise d’altération antérieure à celle
du verre VS, ce qui est visible par les pertes de masse normalisées en bore (Figure II-14 (a)), la
concentration en aluminium de la solution (Figure II-14 (b)) et le pH (Figure II-14 (c)). La
composition du verre a donc une influence sur le temps d’induction préalable à la phase de
nucléation / croissance, sur la vitesse de reprise d’altération ainsi que sur l’état d’altération final
(Tableau II-3).
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
217
La Figure II-14 (d) rend compte de la rétention du bore par rapport au lithium. Suivant le
régime d’altération, le traceur n’est pas le même : durant le régime de chute de vitesse, le lithium
est l’élément le plus lixivié alors qu’au cours de la reprise d’altération, il s’agit du bore. La rétention
d’un élément par rapport à l’autre suivant le régime d’altération peut s’expliquer, soit par une
rétention spécifique de l’élément au sein de la pellicule d’altération, soit par la précipitation de cet
élément dans des phases secondaires. Dans l’essai RA200, l’analyse ToF-SIMS a montré que le
lithium était retenu dans les zéolithes (Figure II-12), ce qui est cohérent avec l’inversion des
traceurs en fonction du régime d’altération.
(a)
0
1
2
3
4
5
6
7
0 100 200 300 400 500 600 700
Temps (j)
NL
B (
g.m
-2)
RA200S
RA200
(b)
0
10
20
30
40
50
60
70
80
0 100 200 300 400 500 600 700
Temps (j)
[Al]
(mg.
L-1
)
RA200S
RA200
(c)
10,8
11,2
11,6
12,0
12,4
12,8
0 100 200 300 400 500 600 700
Temps (j)
pH (
50°C
)
RA200S
RA200
(d)
-0,6
-0,4
-0,2
0,0
0,2
0,4
0 100 200 300 400 500 600 700
Temps (j)
FR
(B)
RA200S
RA200
Figure II-14. Comparaison de l’évolution (a) des pertes de masse normalisées en bore, (b) de la concentration
en aluminium, (c) du pH et (d) du facteur de rétention en bore par rapport au lithium dans les tests RA200 et
RA200S. Les traits en pointillés sont un guide pour le lecteur.
La reprise d’altération a lieu à des temps plus longs avec le verre VS. L’étude de l’étape
antérieure à la reprise d’altération a été réalisée sur les deux verres. Des prélèvements de poudres à
126 jours d’altération ont été caractérisés au MEB. Pour une même échéance, l’état de surface des
grains de verre est différent suivant la composition du verre :
- Les grains de verre CSD-B présentent un état d’altération avancé par rapport au verre VS
(Figure II-15 a). De nombreuses figures de dissolution sont présentes en surface du verre ainsi
qu’un tapis peu dense de phyllosilicates. Les fines de broyage sont également visibles, ce qui
montre que ce sont les grains de verre qui se dissolvent préférentiellement par rapport aux fines.
- En surface des grains de verre VS, aucun phyllosilicate n’est observé (Figure II-15 b). Le
verre ne contient pas de fer, nickel, cobalt ou d’autres métaux intervenant comme compensateurs
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
218
de charges au sein des feuillets d’argile. Cette même observation a été faite sur l’étude de verres
simples [62]. Le verre présente également des figures de dissolution mais en plus faible quantité
que le verre CSD-B.
(a) (b)
Figure II-15. Etat de surface des grains avant reprise d’altération à 126 jours d’altération pour les verres (a)
CSD-B et (b) VS.
Ces observations antérieures au phénomène de reprise d’altération permettent de conforter
l’évolution des cinétiques entre les deux verres étudiés. La surface de verre CSD-B présente des
phyllosilicates, non présents sur le verre VS, mais également des phases dont la morphologie est
similaire à celle des C-S-H. L’état de surface des grains de verre CSD-B semble donc plus dégradé
que celui du verre VS pour une même échéance. Ces résultats sont les conséquences des différences
de composition des verres et non liés à un problème de reproductibilité des essais.
Tableau II-3. Comparaison des vitesses d’altération en bore avant et pendant le phénomène de reprise
d’altération pour les expériences RA200 (verre CSD-B) et RA200S (verre VS).
RA200 RA200S V(B) avant RA (g.m-2.j-1) 6,3.10-5 3,8.10-5
V(B) RA (g.m-2.j-1) 3,9.10-2 1,7.10-2 V(B) RA / V(B) avant RA 615 429
FVA(B) à 648 jrs 0,62 0,48
La vitesse d’altération avant et pendant la reprise ainsi que la fraction de verre altéré sont
données dans le Tableau II-3. Bien que la vitesse de reprise d’altération soit environ deux fois plus
importante pour le verre CSD-B que le verre VS, les vitesses sont du même ordre de grandeur. Les
rapports des vitesses avant reprise et pendant reprise sont équivalents pour les deux verres. En
revanche, après 648 jours de lixiviation, la fraction de verre altéré est 1,3 fois plus importante pour
le verre CSD-B que pour le verre VS, ce qui est une différence notable.
Au vue des observations MEB, la morphologie des figures de dissolution est différente.
Dans le cas du verre VS, elles sont beaucoup plus grandes en diamètre, moins profondes et
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
219
également moins nombreuses (Figure II-11 et Figure II-16). Ces différences observées seront
discutées dans le paragraphe IV.
Figure II-16. Images MEB de grains de verre VS altérés durant 527 jours en solution S1 à 200 cm-1 à 50°C.
Présence de nombreux petits cristaux en surface des grains et figures de dissolution sous forme de grosses
cupules.
Les différences de composition entre le gel et les zéolithes sont mises en évidence dans la Figure
II-17. De même que dans l’expérience RA200, les zéolithes sont plus riches en aluminium, silicium,
sodium et potassium que le gel. A l’inverse, elles sont dépourvues de calcium.
Figure II-17. Spectre EDS du gel (rouge) et des zéolithes (bleu) à partir de la section polie de verre VS altéré
durant 648 jours en solution S1 à 200 cm-1 à 50°C.
De même que pour l’essai RA200, l’expérience RA200S se poursuit et le diffractogramme
obtenu ne permet pas d’identifier les zéolithes présentes dans l’essai.
Les zéolithes formées en présence de verre VS ont des rapports stœchiométriques qui diffèrent de
ceux obtenus avec le verre CSD-B. Le Tableau II-4 récapitule les valeurs mesurées par analyse EDS,
toutes les mesures ont été effectuées sur les monolithes altérés durant 648 jours.
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
220
Tableau II-4. Comparaison de la teneur en éléments et des rapports stœchiométriques caractéristiques des
cristaux de zéolithes dans les expériences RA200 et RA200S (en mole d’éléments). Détermination par EDS.
Na K Si Al O Si/Al Na/K RA200 4,01 ± 0,25 5,51 ± 0,26 21,84 ± 0,25 8,08 ± 0,33 60,58 ± 0,14 2,71 ± 0,14 0,73 ± 0,06 RA200S 5,63 ± 1,73 5,24 ± 0,18 20,35 ± 1,80 9,07 ± 1,21 59,72 ± 1,01 2,29 ± 0,48 1,08 ± 0,36
A plusieurs reprises nous prétendons que les zéolithes ne sont pas en équilibre avec leur
environnement. Ceci signifie qu’à un même instant t, si le pH de la solution est le même, les
zéolithes ne devraient pas être caractérisées par le même rapport Si/Al, puisque d’après la
littérature, le rapport Si/Al est fonction au premier ordre de l’alcalinité de la solution [2-5]. Cette
idée est représentée sous forme d’un schéma de principe en Figure II-18.
Figure II-18. Schéma de principe illustrant le temps de déphasage existant entre la composition d’une
zéolithe et la chimie de la solution. L’étoile symbolise l’instant des prélèvements de solide et de
solution.
Prenons l’exemple des essais RA200 et RA200S : à 648 jours d’altération, le pH à 50 °C des solutions
dans ces deux expériences est respectivement de 10,98 ± 0,2 et 11,07 ± 0,2, compte-tenu des
incertitudes de la mesure, ces pH ne sont pas significativement différents. Cependant, ce rapport
Si/Al est plus faible dans le cas du verre VS, de même pour le rapport Na/K (Tableau II-4). Bien que
le pH au moment du prélèvement soit le même dans les deux expériences, le rapport Si/Al est
différent. Cette observation conforte le fait que les zéolithes ne sont pas à l’équilibre avec leur
environnement. A un instant t, les caractéristiques des zéolithes reflètent les conditions d’altération
d’un instant antérieur t-1.
Cette observation se vérifie ici : dans l’expérience RA200S, à une échéance antérieure à 648 jours, le
pH est supérieur à celui du test RA200. Or, le rapport Si/Al, anti-corrélé au pH, est inférieur dans
l’expérience RA200S.
La variation de la chimie de la solution n’a donc pas d’effet immédiat sur les zéolithes ; les
zéolithes évoluent hors-équilibre.
RA200S
RA200
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
221
La composition du verre, notamment les éléments mineurs, modifie le temps d’induction
préalable à la nucléation / croissance, l’état d’altération final du verre ainsi que la vitesse de
reprise d’altération. Le verre CSD-B connaît un phénomène de reprise à la fois plus précoce,
plus rapide et plus intense que le verre VS. La caractérisation antérieure au phénomène de
reprise d’altération révèle un état de surface plus dégradé dans le cas du verre CSD-B. Les
rapports stœchiométriques des phases observées à une même échéance permettent de montrer
que les zéolithes sont métastables dans notre système.
II.3.4. Expérience RA1000
L’expérience RA1000 a été réalisée à un fort rapport S/V de 1000 cm-1. De même que dans
les deux tests précédents, un suivi cinétique régulier est effectué. Cependant, l’évolution des pertes
de masse normalisées des éléments traceurs de l’altération est totalement différente. Dans ce cas,
les pertes de masse normalisées sont linéaires au cours du temps, aucune chute de vitesse ne se
produit. A priori, à ce fort rapport S/V, on se serait attendu à observer une chute de vitesse et
l’atteinte d’un plateau plus rapidement et donc une reprise d’altération intervenant également plus
tôt dans le temps.
Au vu des données cinétiques, deux comportements sont clairement visibles :
- les traceurs de l’altération (Mo, B, Li, Na) augmentent de façon monotone durant
l’expérience, de même que le pH et la teneur en potassium au sein de la solution diminuent
constamment et linéairement (Figure II-19 et Figure II-20 (b)),
- le silicium et l’aluminium ont quant à eux des évolutions totalement différentes. Il semble
exister une symétrie entre les teneurs respectives de ceux-ci en solution (Figure II-20 (a)) : le
silicium augmente jusqu’à un maximum puis diminue tandis que l’aluminium voit sa
concentration diminuer jusqu’à une valeur seuil puis augmenter et enfin rechuter.
0,0
0,4
0,8
1,2
1,6
2,0
0 100 200 300 400 500 600
Temps (j)
NL
i (g.
m-2
)
0
1
2
3
4
5
6Si B NaLi Al MoK
[K] (
g.L
-1)
Figure II-19. Evolution des pertes de masse normalisées des éléments du verre et de la concentration en
potassium de la solution pour le test RA1000. Le trait en pointillés est un guide pour le lecteur.
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
222
Le suivi de la concentration en potassium de la solution indique une consommation continue de
celui-ci, il peut soit s’incorporer dans le gel, soit être un élément constitutif des phases secondaires
(Figure II-19). L’évolution continue du pH est en accord avec celles des éléments lixiviés et de la
concentration en potassium. Le pH chute progressivement de 12,4 à 10,7 à 50 °C en 440 jours
d’altération (Figure II-20 (b)).
Le relâchement continu des éléments du verre indique que, s’il se forme un gel par
recondensation du silicium, celui-ci n’a pas un caractère passivant puisqu’il n’induit pas de chute
de vitesse significative, contrairement aux expériences RA80 et RA200.
(a)
0
500
1000
1500
2000
2500
3000
0 100 200 300 400 500 600
Temps (j)
[Si]
(mg.
L-1
)
0
2
4
6
8
10
12
[Al]
(mg.
L-1
)
(b)
10,0
10,5
11,0
11,5
12,0
12,5
0 100 200 300 400 500 600 700
Temps (j)
pH (
50°C
)
Figure II-20. (a) Evolution des pertes de masse normalisées en silicium et de la concentration en aluminium
dans le test RA1000, (b) évolution du pH à 50°C dans le test RA1000.
Les observations au MEB réalisées sur des sections polies de grains de verre altérés après 219 jours
montrent clairement l’existence d’une pellicule de verre altéré (Figure II-21 (c) et (d)). La
cartographie en Figure II-22 rend compte de l’appauvrissement en aluminium de cette pellicule et
de l’enrichissement en potassium et calcium. La pellicule de verre altéré ne présente pas de
caractère passivant probablement à cause d’une morphologie et d’une composition chimique ne
permettant pas un frein au transport des espèces lixiviées du verre.
Les premiers prélèvements solides ont été effectués à partir de 120 jours d’altération. A ce
stade, de nombreux cristaux de zéolithes sont présents (Figure II-21 (a) et (b)). Bien qu’aucun
prélèvement antérieur n’ait été réalisé, la nucléation / croissance des zéolithes semble avoir lieu dès
les premiers instants de l’altération. Au vue des cinétiques, l’aluminium en solution est consommé
très rapidement ainsi que le silicium (par différence avec le départ des traceurs). La stabilité et la
croissance des cristaux de zéolithes formés induisent la dissolution progressive du verre par sa
consommation d’éléments au sein de la solution.
Après 200 jours d’altération, un changement se produit : le pH, la vitesse de consommation
du potassium et celle du relâchement des traceurs diminuent, la concentration en silicium tend à
diminuer alors que celle de l’aluminium tend au contraire à augmenter. Avec la diminution du pH,
le rapport Si/Al des zéolithes augmente [2-5]. La diminution du pH induit donc une déstabilisation
des zéolithes néoformées qui se traduit par un relâchement de l’aluminium en solution. Les
équilibres en solution et la stabilité relative des différentes phases en présence sont modifiés. La
diminution de la vitesse d’altération du verre peut s’expliquer par deux hypothèses :
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
223
- l’aluminium issu de la déstabilisation des zéolithes est disponible pour pénétrer dans la
pellicule d’altération. La présence d’aluminium en plus grande quantité en solution peut se
recondenser pour favoriser le caractère passivant de la pellicule d’altération [51, 52],
- la vitesse de croissance des zéolithes augmente avec le pH de la solution [9, 17]. La
diminution du pH de la solution à la fois déstabilise les zéolithes et diminue leur vitesse de
croissance. L’effet de pompe dû à la croissance des zéolithes est alors réduit.
Il est possible que ces deux phénomènes soient simultanés.
Il est intéressant de constater également que la chute continue du pH de plus d’une unité
n’induit pas de variation significative de la vitesse d’altération du verre pendant au moins les 200
premiers jours d’altération. Cette observation confirme une fois de plus le caractère métastable des
zéolithes dans ce milieu. Il convient cependant de remarquer que deux paramètres peuvent se
compenser et permettre de maintenir la vitesse de consommation constante des éléments en
solution : la diminution de la vitesse de croissance des zéolithes et l’augmentation de la surface de
celles-ci.
A partir de 120 jours d’altération, des prélèvements de solide ont été effectués
régulièrement. La Figure II-21 (a) montre que de nombreux parallélépipèdes sont enchevêtrés avec
les grains de verre. Contrairement au test RA80, les cristaux ne croissent pas en surface de grains.
Ceci est probablement dû au fait que la granulométrie employée est beaucoup plus faible, entre 5 et
15 µm contre 40 et 80 µm pour le test RA80. Les grains sont de même taille que les cristaux dans
leur grande dimension, soit entre 5 et 10 µm de longueur. Les grains de verre sont recouverts d’un
tapis dense de phyllosilicates.
(a) (b)
(c) (d)
Figure II-21. (a) et (b) Observation directe de grains de verre altérés, recouverts de phyllosilicates,
enchevêtrés avec des cristaux de zéolithes à 120 jours d’altération. (c) et (d) Images MEB d’une section
polie de grains altérés après 219 jours. Présence de zéolithes entre les grains de verre altérés.
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
224
Les sections polies permettent de rendre compte de la pellicule d’altération tant au niveau
de sa morphologie que de sa composition chimique. La cartographie en Figure II-22 montre les
différentes phases solides : le verre sain, le gel et les zéolithes. Le gel est dépourvu de sodium et
d’aluminium alors qu’il est enrichi en calcium par rapport au verre. Les zéolithes quant à elles sont
constituées de silicium, aluminium, potassium et en plus faible proportion de sodium.
De fortes similitudes sont donc observées entre les expériences RA80, RA200 (à la suite de la
reprise d’altération) et RA1000 : le gel est appauvri en aluminium et présente un caractère
passivant très amoindri.
Figure II-22. Cartographie d’une section polie avec des grains de verre, du gel et des zéolithes.
Le gel observé au MEB rend compte de l’hétérogénéité de l’épaisseur de cette phase qui en
réalité ne constitue pas une couche uniforme. Il semble que le gel soit le résultat de la croissance de
figures de dissolution sous forme de sphérules qui se rejoignent. L’ensemble forme alors une
couche dont l’interface avec le verre sain n’est pas parallèle au bord du grain. Il serait nécessaire
d’effectuer un nombre important de mesures pour déterminer une épaisseur moyenne d’altération.
A la suite de l’arrêt de l’expérience, la poudre a été caractérisée en DRX. Les
diffractogrammes de rayons X des zéolithes dans les expériences RA80 et RA1000 sont à première
vue très similaires. Néanmoins, la comparaison de ces diffractogrammes met en évidence des
différences dans l’absence ou la présence de certains pics (Figure II-23). Dans le test RA1000
apparaît un pic à d = 6,35 Å (2θ = 13,94 °), non présent dans le test RA80. A l’inverse, dans
l’expérience RA80, un pic, entre autre, apparaît à d = 9,5 Å (2θ = 9,30 °). Ces deux pics permettent
de différencier la phase majoritaire présente lors du prélèvement, à savoir la merlinoite dans le test
RA80 et la phillipsite dans le test RA1000. Ces différences ont été observées par Passaglia et al. [38]
et Donahoe et al. [35]. Différents types de phillipsite existent, la proportion Si/Al varie mais
également les cations K, Na, Ca. La phillipsite a été observée à plusieurs reprises dans le cas
d’altération du verre [56, 57, 63].
Ca Si
Al Na K
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
225
Lin
(Cou
nts)
0
10000
20000
30000
40000
50000
2-Theta - Scale
4 10 20 30 40 50 60 70
Figure II-23. Comparaison des diffractogrammes de rayons X entre les expériences RA80 et RA1000. En
rouge sont identifiées les différences majeures.
Lin
(Cou
nts)
0
10000
20000
30000
40000
2-Theta - Scale
4 10 20 30 40 50 60 70
Figure II-24. Diffractogramme de rayons X obtenu sur la poudre surnageante suite à l’arrêt de l’expérience
RA1000. Cristaux de phillipsite.
De même que pour les expériences précédentes, une analyse EDS des cristaux a permis
d’estimer les rapports stœchiométriques caractéristiques des zéolithes à partir d’une section polie
d’un monolithe altéré 620 jours (échéance finale). Les rapports Si/Al et Na/K sont respectivement
égaux à 2,89 ± 0,08 et 1,16 ± 0,16. Ces rapports sont tous deux plus élevés que dans le cas des
expériences précédentes. La composition moyennée des cristaux de zéolithe est la suivante :
Phillipsite
RA1000
RA80
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
226
Na6.1K4.9Si21.6Al7.5O59.9Hx. Le rapport Si/Al de cette phase est beaucoup plus important que celui de la
phillipsite à l’équilibre4, proche de 1,7.
D’après la littérature, la formation de merlinoite nécessite un pH et / ou une concentration en
potassium plus importante par rapport à la phillipsite [35]. Une autre étude de Donahoe et Liou [2]
rapporte que la structure de la phillipsite siliceuse est remplacée par la structure de la merlinoite
moins siliceuse lorsque le pH augmente. Dans l’expérience RA80, le pH et la concentration en
potassium (RA200) sont constants durant le régime de chute de vitesse (ou encore durant le temps
de latence avant la reprise d’altération). Ainsi, lors de la cristallisation soudaine des zéolithes, ces
paramètres sont élevés. Dans ce cas, la formation de la merlinoite est favorisée. Au contraire, lors
de l’expérience RA1000, le pH et la concentration en potassium diminue progressivement au cours
du temps, ce qui favorise la formation de phillipsite.
L’augmentation du rapport S/V à 1000 cm-1 a engendré une évolution tout à fait différente des
cinétiques comparativement aux expériences RA80 et RA200. L’ensemble des variables associées
à l’altération du verre (pH, concentration en K, NL(Mo), NL(B), NL(Na), NL(Li)) évoluent
linéairement dans le temps. Le maintien de la vitesse d’altération malgré la chute continue du
pH durant les 22 premiers jours confirme le caractère métastable des zéolithes. Après 200 jours
d’altération, la diminution de la vitesse d’altération est due à la déstabilisation des zéolithes par
la diminution du pH. Cette rétroaction peut conduire (i) à une diminution de la vitesse de
croissance des cristaux et (ii) à une incorporation de l’aluminium à la pellicule d’altération.
La caractérisation du solide a permis de mettre en évidence (i) l’existence d’une couche
d’altération appauvrie en aluminium, similaire à RA80 et RA200, et (ii) l’existence de cristaux de
zéolithes qui supporte l’hypothèse de la précipitation dans les premiers instants.
II.3.5. Expérience RA2000
Le test RA2000 se distingue des trois précédents par les objectifs qu’il vise :
- au cours des autres expériences, seul le suivi cinétique était régulier, le prélèvement de
solide pour sa caractérisation était plus sporadique. Dans ce type de test se pose le problème de
représentativité des prélèvements solides. Peu de matière et de solution doivent être prélevées afin
de ne pas perturber le système, ni modifier le rapport S/V. Ce test a donc été paramétré
spécifiquement de manière à limiter les problèmes de représentativité lors des prélèvements de
solide ainsi que les phénomènes de surconcentration locale liée à un plus fort rapport S/V local au
sein de la poudre de verre. Pour cela, autant d’expériences ont été lancées que de prélèvements ont
été effectués, soit en tout 24 réacteurs. Ainsi, à chaque prélèvement, une expérience est arrêtée et le
verre est conservé dans son intégralité.
- le second objectif est de caractériser le phénomène complexe de nucléation / croissance des
zéolithes car nous ne disposons que de peu d’informations concernant la précipitation des cristaux
4 Source : webmineral.com
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
227
de zéolithes au cours du temps. Des prélèvements réguliers permettent ainsi de suivre ce
phénomène.
Le rapport S/V visé est supérieur à celui du test RA1000, il est de 2000 cm-1. Chaque réacteur
contient 1 g de verre de granulométrie 40-80 µm. 0,5 mL de solution S1 affleure le verre de manière
à ne pas avoir de solution surnageante. Lors du prélèvement, la poudre et le lixiviat sont récupérés
et centrifugés pour les séparer. La quantité de lixiviat obtenue est de 0,3 mL environ, le pH ne peut
donc pas être mesuré. La solution acidifiée est ensuite analysée par ICP-AES. La poudre de verre
est séchée en étuve à 30 °C.
A l’image du test RA1000, l’évolution des pertes de masse normalisées sont linéaires au
cours du temps. Notons que cette évolution est continue malgré l’indépendance des réacteurs entre
eux, ce qui prouve la reproductibilité du protocole d’altération.
Les expériences RA1000 et RA2000 ont des caractéristiques cinétiques tout à fait similaires :
- le potassium, alcalin majoritaire dans la solution S1, est progressivement consommé,
- le molybdène est l’élément traceur de l’altération,
- le sodium et le lithium sont relâchés à la même vitesse,
- l’aluminium est maintenu à de très faibles concentrations.
0,0
0,2
0,4
0,6
0,8
0 100 200 300 400 500
Temps (j)
NL
i (g.
m-2
)
0
1
2
3
4
5
6
7Si BNa Al
Li K
[K] (
g.L
-1)
Figure II-25. Evolution des pertes de masse normalisées des éléments du verre et de la concentration en
potassium de la solution dans le test RA2000.
Dans cette expérience, aucune donnée sur le pH n’est disponible à cause des très faibles
quantités de solution récupérées. Néanmoins, compte-tenu des nombreuses similitudes entre les
cinétiques des expériences RA1000 et RA2000, il est fort probable que le pH diminue linéairement
au cours de l’expérience. Nous verrons dans le paragraphe concernant l’approche par modélisation
thermodynamique (III.2) que cette hypothèse est confirmée.
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
228
0
500
1000
1500
2000
2500
0 100 200 300 400 500
Temps (j)
[Si]
(mg.
L-1
)
0
2
4
6
8
10
[Al]
(mg.
L-1
)
Figure II-26. Evolution de la concentration en silicium et en aluminium dans le test RA2000.
La symétrie de l’évolution du silicium et de l’aluminium se retrouve dans cette expérience. La
concentration en aluminium chute pour atteindre une valeur minimale avant d’augmenter et de
diminuer à nouveau. A l’inverse, la concentration en silicium augmente dans un premier temps
puis diminue. Remarquons qu’entre 30 et 50 jours d’altération, la vitesse d’altération du verre
semble diminuer légèrement, tout comme dans l’expérience RA1000.
Ces cinétiques confortent les hypothèses formulées dans le cas de l’expérience précédente : la
stabilité et la croissance des cristaux de zéolithes formés induisent la dissolution progressive du
verre par sa consommation d’éléments au sein de la solution.
Comme cela a été précisé auparavant, cette expérience permet de suivre de façon
représentative l’évolution des cristaux à chaque échéance. Les observations au MEB révèlent une
évolution morphologique des cristaux de zéolithes comme l’illustre la Figure II-27. Au début les
cristaux ont tous une morphologie très similaire, les cristaux sont sous forme de prismes
tétragonaux très bien définis, les angles sont saillants. L’extrémité du cristal présente un motif en
croix. A des temps plus longs (ici à 273 jours), les cristaux s’arrondissent et perdent leur rapport de
taille, leur section devient plus grande alors que la longueur des cristaux diminue. A 420 jours, les
cristaux sont mal définis, moins bien organisés et ils perdent d’avantage ce rapport
longueur / section.
(a) (b) (c)
Figure II-27. Evolution de la morphologie des cristaux de zéolithes à (a) 105 jours, (b) 273 jours et
(c) 420 jours
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
229
Ces observations MEB qui rendent compte de l’évolution morphologique des cristaux confirment
l’hypothèse faite pour l’expérience RA1000 : la baisse du pH et la variation de la chimie de la
solution conduisent à une déstabilisation des zéolithes. L’augmentation de la concentration en
aluminium en solution après 170 jours d’altération est un argument supplémentaire qui appuie
l’hypothèse de la déstabilisation des zéolithes et la augmentation de leur rapport Si/Al.
La caractérisation par DRX montre que l’intensité des pics de diffraction des cristaux de zéolithes
augmente entre les échéances à 270 jours et 370 jours. Cette évolution permet de mettre en évidence
une augmentation de la cristallinité. Cette variation ne permet pas de savoir s’il s’agit de la
nucléation et croissance de nouveaux cristaux ou bien la poursuite de la croissance des cristaux
préexistants. Néanmoins, cette information permet d’affirmer que la croissance et / ou nucléation
des cristaux de zéolithes se poursuit malgré la diminution du pH et la variation de la chimie de la
solution.
L’évolution morphologique des cristaux (Figure II-27) traduit la réorganisation de leur structure en
fonction de leur environnement bien que les phases restent métastables. Il convient également de
préciser que la croissance de ces cristaux est (thermodynamiquement ou cinétiquement) favorisée
par rapport à la formation d’un gel passivant puisque la vitesse d’altération du verre reste
importante.
Des observations MEB aux premières échéances mettent en évidence le début de la
formation des phyllosilicates en surface du verre (Figure II-28). Le tapis se forme progressivement,
cependant sa densité reste faible comparée à celle du test RA1000. Les particules
submicrométriques sont des fines, antérieures à l’expérience. Les premiers cristaux de zéolithe ont
été observés après 105 jours d’altération. Il est difficile de dire précisément à partir de quelle
échéance ils sont visibles. Les cristaux sont très peu nombreux et il est nécessaire de parcourir un
grand nombre de grains de verre pour identifier un cristal. L’analyse par DRX ne permet pas
d’apporter des précisions sur ce point car il n’y a pas assez de cristaux pour que cette phase soit
détectée.
(a) (b) (c)
Figure II-28. Densification des phyllosilicates en surface du verre après (a) 1 semaine, (b) 2 semaines et (c)
13 semaines d’altération.
Durant les 100 premiers jours, les cristaux ont une morphologie similaire à ceux des autres
expériences, ils sont sous forme de bâtonnets. Remarquons que les zéolithes obtenues dans les tests
RA1000 et RA2000 ont des morphologies très semblables, en comparant les Figure II-21 (a) et
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
230
Figure II-29. Cependant leur recouvrement ou enchevêtrement est différent de celui observé dans
les expériences RA80 et RA200. Ici, les cristaux croissent sur un cristal existant (Figure II-29). Il
semble donc que deux types de nucléation coexistent, une nucléation primaire hétérogène (les
premiers cristaux croissent à l’interface verre / solution) et une nucléation secondaire (croissance
des cristaux sur un cristal préexistant). Une fois les premiers cristaux formés, l’affinité entre le
nucléi et le cristal préexistant est supérieure à celle entre le nucléi et la surface des grains de verre.
Figure II-29. Observation directe de grains de verre altérés avec des cristaux de zéolithes à (a) 105
jours, (b) et (c) 126 jours d’altération.
Remarquons également que le nombre de cristaux est beaucoup plus faible que dans les
expériences précédentes. Leur taille est cependant plus grande. Aucune quantification du nombre
de cristaux n’est réalisable dans ces expériences. Cependant, cette différence notable en termes de
nombre de cristaux par rapport aux autres expériences peut s’expliquer par deux hypothèses :
- l’affinité chimique entre le support et les nucléi est réduite. Il devient
thermodynamiquement et/ou cinétiquement plus favorable de faire croître les cristaux existants
plutôt que d’en faire nucléer d’autres à l’interface verre / solution,
- il existe une notion de nombre de sites de nucléation par unité de surface. Sachant que dans
cette expérience la surface du verre est au moins dix fois inférieure à celle des autres tests (Tableau
II-5), il est cohérent d’observer beaucoup moins de cristaux.
Tableau II-5. Tableau récapitulatif des paramètres initiaux des tests réalisés sur le verre CSD-B en solution
S1 à 50 °C.
RA80 RA 200 RA1000 RA2000 S/V (cm-1) 80 200 1000 2000
Granulométrie (µm) 40-80 20-40 5-15 40-80 Surface initiale estimée (m²) 0,94 1,10 4,91 0,10
Les prélèvements réguliers de verre sur l’expérience RA2000 permettent de mettre en
évidence les étapes de formation de la pellicule d’altération caractéristique, obtenues dans les
expériences précédentes (Figure II-6, Figure II-11 et Figure II-21 (c)). L’interface entre la pellicule
d’altération et le verre n’est pas parallèle au bord initial du grain de verre mais présente des
surfaces concaves sous forme de cupules. Aux premières échéances, les observations MEB de la
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
231
surface des grains de verre révèlent la présence de trous circulaires dans le verre qui, au cours de
l’altération, se multiplient et grossissent jusqu’à se rejoindre pour former une pellicule d’altération
(Figure II-30).
(a) (b) (c)
Figure II-30. Observation des figures de dissolution du verre à (a) 90 jours, (b) 126 jours et (c) 420 jours
d’altération.
Ces observations réalisées au cours du temps permettent de mettre en évidence l’évolution de
l’altération du verre et la formation de verre altéré. Ces figures d’altération semblent indiquer une
attaque préférentielle de sites en surface du verre.
Les rapports stœchiométriques des cristaux obtenus par analyse EDS ont été mesurés à
partir d’une section polie de grains de verre altérés 370 jours. Les rapports Si/Al et Na/K sont
respectivement égaux à 2,88 ± 0,09 et 0,93 ± 0,15. Le rapport Si/Al est identique à celui obtenu dans
l’expérience RA1000. Le rapport Na/K est légèrement plus faible mais reste plus élevé que pour les
zéolithes des expériences RA80 et RA200. La composition moyennée des cristaux de zéolithe est la
suivante : Na6.7K4.1Si22.9Al8.0O61.5Hx. Le type de zéolithe n’a pas pu être déterminé ici puisque la
quantité de cristaux est trop faible pour obtenir un signal exploitable et fiable en DRX.
L’objectif de cette expérience est atteint, les caractérisations du solide aux différentes échéances
ont permis de suivre l’évolution de la morphologie des cristaux et celle des figures de
dissolution.
Les cinétiques d’altération du verre sont similaires à celles de l’expérience RA1000, continues et
linéaires. Malgré la déstabilisation des zéolithes, liée à la variation du pH de la solution
(évolutions morphologiques en MEB), le processus de nucléation / croissance se poursuit
(augmentation de la cristallinité en DRX).
La relative stabilité des cristaux de zéolithes formés par rapport au gel et leur croissance
conduisent à la dissolution progressive du verre par la consommation d’éléments au sein de la
solution.
Le test RA2000 a permis de mettre en évidence que deux types de nucléation coexistaient : la
nucléation primaire hétérogène et la nucléation secondaire.
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
232
III. Modélisation thermodynamique des expériences L’approche par modélisation thermodynamique des données expérimentales permet
d’interpréter les expériences mais aussi de pouvoir conforter des hypothèses.
L’objectif est ici de déterminer les évolutions des indices de saturation des phases susceptibles de
précipiter dans nos systèmes. L’indice de saturation est défini par la relation suivante :
=K
QIS log
avec Q le produit des activités ioniques et K la constante de solubilité de la phase.
Rappelons que lorsque IS < 0, la solution est sous-saturée par rapport au minéral, il y a alors
dissolution du minéral ; à l’inverse, si IS > 0, la solution est sursaturée par rapport au minéral,
celui-ci est susceptible de précipiter.
Les bases de données thermodynamiques existantes ne contiennent pas les zéolithes
observées expérimentalement, la phillipsite et la merlinoite. Seules des zéolithes sodiques comme
l’analcime et la natrolite sont référencées sur une large gamme de température. Il a donc été
nécessaire d’évaluer les log K des phases observées grâce à un programme de calcul de propriétés
thermodynamiques des zéolithes développé par Vieillard et Mathieu [43-45]. Les énergies libres de
Gibbs ont été calculées à partir des compositions expérimentales corrigées et des structures
cristallines identifiées par DRX. Des hypothèses ont été faites sur le volume molaire anhydre et
hydraté des zéolithes et leur nombre de molécules d’eau à saturation. L’arrêt des expériences RA80
et RA1000 a permis de caractériser en DRX les phases et d’en déterminer une structure cristalline,
ce qui n’a pas été le cas pour les deux autres expériences, RA200 et RA2000.
Les compositions chimiques déterminées par EDS ne sont pas équilibrées. Or, pour évaluer
les paramètres thermodynamiques de ces phases, il convient de les équilibrer parfaitement. La
stœchiométrie de la phase repose sur le nombre d’oxygène par maille :
- la somme des atomes tétraédriques doit être égale à la moitié du nombre d’atomes
d’oxygène,
- le nombre d’atomes d’aluminium qui se substituent aux atomes de silicium doit être égal à
la somme des atomes de sodium et potassium.
Le nombre d’oxygène des formules empiriques varient en fonction du type de zéolithe5. Notons
que les indices de saturation des phases sont fonction de la stœchiométrie de la phase. Dans la suite
de l’étude, nous avons donc choisi de déterminer les indices de saturation à partir des formules
chimiques calculées pour un oxygène.
Les formules chimiques recalculées (MER pour merlinoite et PHI pour phillipsite) à partir de 64
oxygènes sont données dans le Tableau III-1 avec les compositions déterminées
5 Source : webmineral.com
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
233
expérimentalement. Les compositions calculées sont proches de celles déterminées par analyse
EDS.
Tableau III-1. Compositions expérimentales et calculées des phases observées dans les expériences RA80 et
RA1000 à partir de O = 64.
Na K Si Al O
RA80 3,74 ± 0,87 5,38 ± 0,77 21,33 ± 1,14 8,93 ± 0,85 60,62 ± 0,81
MER 3,95 5,68 22,37 9,63 64
RA1000 6,10 ± 0,63 4,87 ± 0,41 21,61 ± 0,38 7,49 ± 0,23 59,93 ± 0,47
PHI 6,5 5,2 20,29 11,71 64
Afin de valider les log K obtenus pour la merlinoite et la phillipsite, les log K de l’analcime
et de la natrolite ont été calculés par le modèle de Vieillard puis comparés aux log K de la base de
données CHESS : les log K varient de ± 0,1 environ. Les paramètres calculés à partir de ce modèle
pour la phillipsite et la merlinoite sont donc fiables.
Pour valider notre démarche, nous comparerons dans un premier temps les évolutions des indices
de la merlinoite et de la phillipsite avec celles de l’analcime et la natrolite. Les valeurs des log K des
quatre phases considérées ont été calculées à partir de l’énergie libre de Gibbs de formation et
implémentées dans la base de données CHESS avec le formalisme suivant :
Analcime-O=1 composition = -0.640 H[+], 0.160 Al[3+], 0.160 Na[+], 0.340 SiO2(aq), 0.487 H2O logK = -1.0491(25), -0.9679(50) vol.weight = 2265.27 kg/m3 Natrolite-O=1 composition = -0.800 H[+], 0.200 Al[3+], 0.200 Na[+], 0.300 SiO2(aq), 0.600 H2O logK = -1.8886(25), -1.7426(50) vol.weight = 2265.27 kg/m3 Phillipsite-O=1 composition = -0.732 H[+], 0.183 Al[3+], 0.102 Na[+], 0.081 K[+], 0.317 SiO2(aq), 0.741 H2O logK = -1.5364(25), -1.4176(50) vol.weight = 2265.27 kg/m3 Merlinoite-O=1 composition = -0.602 H[+], 0.1505 Al[3+], 0.0615 Na[+], 0.089 K[+], 0.350 SiO2(aq), 0.660 H2O logK = -2.2739(25), -2.0981(50) vol.weight = 2265.27 kg/m3
La composition des deux phases considérées a été déterminée expérimentalement à une
échéance donnée. L’idéal serait de modéliser la variation du log K avec celle de la composition
chimique de la solution. Pour cela, il conviendrait de réaliser un prélèvement solide à chaque
prélèvement de solution en tenant compte du problème de représentativité de celui-ci, et de
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
234
réaliser des sections polies et analyses quantitatives en EDS sur un certain nombre de cristaux.
Cette démarche n’a pas été réalisée dans le cadre cette thèse. Soulignons à nouveau que la
modélisation mise en place vise uniquement à comparer les évolutions des indices de saturation de
la merlinoite et de la phillipsite dans les différentes expériences pour mieux mettre en évidence les
phénomènes limitants dans chacune des expériences.
Les données d’entrée du logiciel CHESS sont les concentrations des éléments en solution, le
pH de la solution et la température. En bloquant la précipitation des phases, on obtient les indices
de saturation d’un cortège de phases susceptibles de précipiter. Deux approches sont possibles
pour obtenir les indices de saturation, faire une balance électrique avec les ions OH-, le pH est alors
libre, ou bien imposer la valeur du pH mesurée expérimentalement. Dans le premier cas, il
convient de vérifier l’adéquation des pH libres et mesurés mais la balance électrique est nulle. Dans
le second cas, la balance électrique n’est pas nulle. La Figure III-1 permet de rendre compte des
différences entre le pH mesuré (imposé) et le pH libre prédit par CHESS.
RA80
11,0
11,5
12,0
12,5
13,0
0 200 400 600 800 1000
Temps (j)
pH (
50°C
)
pH mesurépH libre
RA200
10,0
10,5
11,0
11,5
12,0
12,5
13,0
0 100 200 300 400 500 600 700
Temps (j)
pH (
50°C
)
pH mesurépH libre
RA1000
10,0
10,5
11,0
11,5
12,0
12,5
13,0
0 100 200 300 400 500 600 700
Temps (j)
pH (
50°C
)
pH mesurépH libre
RA2000
10,0
10,5
11,0
11,5
12,0
12,5
13,0
0 50 100 150 200
Temps (j)
pH (
50°C
) pH libre
Figure III-1. Comparaison des pH mesurés expérimentalement et laissés libres dans la modélisation dans les
expériences RA80, RA200 et RA1000. Evolution du pH libre dans l’essai RA2000.
Seul le pH libre est représenté pour l’expérience RA2000 puisque le pH n’a pas pu être mesuré
expérimentalement. Cependant, l’évolution du pH libre est cohérente avec les cinétiques obtenues
ainsi qu’avec l’évolution de celui de l’essai RA1000. Les pH libres ne sont pas significativement
différents pour ces trois expériences hormis pour les trois et quatre derniers points des expériences
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
235
RA80 et RA200 qui correspondent à une forte reprise d’altération. Pour la suite, nous effectuerons
la balance électrique sur l’espèce OH-.
Dans un premier temps, l’objectif de notre modélisation thermodynamique est de suivre les
évolutions des indices de saturation de la merlinoite et phillipsite et non de s’appuyer sur les
valeurs de ces indices de saturation, ceux-ci étant dépendants de la stœchiométrie de la phase.
La Figure III-2 représente l’évolution des indices de saturation de la merlinoite et de la
phillipsite pour les différentes expériences. Les évolutions sont tout à fait similaires pour les deux
phases considérées.
-2,0
-1,8
-1,6
-1,4
-1,2
-1,0
-0,8
-0,6
0 200 400 600 800
Temps (j)
IS m
erlin
oite
RA80RA200RA1000RA2000
MERLINOITE
-0,6
-0,4
-0,2
0,0
0,2
0,4
0,6
0 200 400 600 800Temps (j)
IS p
hilli
psite
RA80RA200RA1000RA2000
PHILLIPSITE
Figure III-2. Evolution des indices de saturation de la merlinoite et de la phillipsite pour les expériences
RA80, RA200, RA1000 et RA2000.
La Figure III-3 permet de comparer les évolutions des indices de saturation de la merlinoite et de la
phillipsite à celles des indices de saturation de l’analcime et de la natrolite. Ces deux figures
rendent compte de l’évolution similaire des indices de saturation des différents types de zéolithes,
ce qui valide ainsi la démarche de comparer les évolutions des indices de saturation d’une phase
pour les différentes expériences. Par la suite, nous étudierons l’évolution de l’indice de saturation
de la phillipsite, celle de la merlinoite étant tout à fait similaire.
-0,4
-0,2
0,0
0,2
0,4
0,6
0 200 400 600Temps (j)
IS
-1,5
-1,4
-1,3
-1,2
-1,1
-1
-0,9
-0,8natroliteanalcimephillipsitemerlinoite
RA200
IS m
erlin
oite
-0,1
0
0,1
0,2
0,3
0 100 200 300 400 500 600
Temps (j)
IS
-1,4
-1,3
-1,2
-1,1
-1natroliteanalcimephillipsitemerlinoite
RA1000
IS m
erlin
oite
Figure III-3. Evolution des indices de saturation de la natrolite, de l’analcime, de la phillipsite et de la
merlinoite dans les expériences RA200 et RA1000.
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
236
III.1. Expériences RA80 et RA200
Dans le cas de l’expérience RA80, les concentrations en potassium n’ont pas été mesurées
au cours du temps. Il a donc été nécessaire de donner une valeur arbitraire et de vérifier
l’adéquation avec le pH mesuré.
Les Figure III-4 et Figure III-5 représentent l’évolution des indices de saturation de la
phillipsite au cours du temps ainsi que les pertes de masse normalisées des traceurs.
Dans ces deux expériences, l’indice de saturation augmente très rapidement (3 points) et atteint
une valeur seuil. Le trait en pointillés bleu correspondant à ce seuil a été placé à titre indicatif.
Après un certain temps, 600 jours en RA80 et 300 jours en RA200, les indices de saturation
augmentent brutalement.
-0,5
-0,4
-0,3
-0,2
-0,1
0,0
0,1
0 200 400 600 800Temps (j)
IS p
hilli
psite
0,0
0,2
0,4
0,6
0,8
1,0
IS phillipsiteNL(Li)NL(Mo)
NL
i (g.
m-2
)
RA80
Figure III-4. Comparaison des évolutions des indices de saturation de la phillipsite et des pertes de masse
normalisées des éléments mobiles du verre pour l’expérience RA80.
-0,2
-0,1
0,0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0 200 400 600
Temps (j)
IS p
hilli
psite
-0,1
0,3
0,7
1,1
1,5
IS phillipsiteNL(Li)NL(Mo)
NL
i (g
.m-2
)
RA200
Figure III-5. Comparaison des évolutions des indices de saturation de la phillipsite et des pertes de masse
normalisées des éléments mobiles du verre pour l’expérience RA200.
Les évolutions des indices de saturation sont semblables à celles des éléments mobiles du verre
(molybdène ou lithium). Le régime de chute de vitesse correspond au palier des indices de
saturation. L’augmentation brutale des pertes de masse normalisées en molybdène et en lithium
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
237
caractérisant le phénomène de reprise d’altération est concomitante à une augmentation des
indices de saturation. Les caractérisations ont montré que la précipitation était effective durant
cette période, une augmentation des indices de saturation traduit donc l’existence d’un phénomène
limitant la consommation des éléments de la solution.
La similitude de ces évolutions signifie que (i) la valeur seuil correspond à une valeur de
sursaturation de la phillipsite dans la solution et que (ii) la cinétique de croissance de la phillipsite
est limitante lors de la reprise d’altération, ce qui a pour conséquence d’augmenter les indices de
saturation.
L’atteinte de la sursaturation vis-à-vis de la phillipsite (valeur seuil) n’engendre pas, du
moins pendant un certain temps, de précipitation visible, cette étape correspond au temps
d’induction (I.1.3.2.1). Il semble donc que la dissolution du verre soit l’étape limitante. A l’inverse,
lorsque débute la reprise d’altération, l’augmentation des indices de saturation au-delà de la valeur
seuil indique que la croissance des zéolithes est limitante.
III.2. Expériences RA1000 et RA2000
De même que pour les expériences précédentes, les Figure III-6 et Figure III-7 représentent
les évolutions des indices de saturation de la phillipsite dans la solution au cours du temps ainsi
que les pertes de masse normalisées des traceurs. L’évolution est ici différente de la précédente. On
constate que l’indice de saturation des premiers points de mesure est déjà élevé. Cette constatation
est logique puisque ces expériences sont menées à plus fort rapport S/V, l’état de sursaturation est
atteint plus rapidement. Les points de mesure suivants fluctuent dans un intervalle d’indice de
saturation.
-0,10
-0,05
0,00
0,05
0,10
0,15
0,20
0 200 400 600Temps (j)
IS p
hilli
psite
0,0
0,4
0,8
1,2
1,6
2,0IS phillipsiteNL(B)NL(Mo)
RA1000
NL
i (g.
m-2
)
Figure III-6. Comparaison des évolutions des indices de saturation de la phillipsite et des pertes de masse
normalisées des éléments mobiles du verre pour l’expérience RA1000.
Dans l’expérience RA1000, les points à partir de 256 jours d’altération ont des valeurs plus élevées
que la borne supérieure de l’intervalle d’indices de saturation. Cette augmentation est liée à
l’évolution des pertes de masses normalisées des éléments mobiles du verre (Figure III-6). La
vitesse de dissolution du verre diminue à partir de cette échéance. Le pH de la solution a fortement
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
238
diminué de 1,5 unité puis continue à diminuer. D’après les pH obtenus par calcul pour l’expérience
RA2000, les valeurs sont supérieures à celles du test RA1000. De plus, le pourcentage de verre
altéré est proche de 100 % alors qu’il atteint seulement 5 % en RA2000. Le bore relâché ayant un
effet tampon en solution, la dissolution du verre diminue.
Les évolutions des indices de saturation et des pertes de masse normalisées sont similaires
pour les deux expériences RA1000 et RA2000. La dissolution continue du verre au cours du temps
est en accord avec la précipitation des zéolithes observées en MEB et avec la stabilité des indices de
saturation. Le maintien des indices de saturation dans un intervalle restreint de valeurs (i) marque
la limite de sursaturation de la phase dans le système et (ii) la précipitation des zéolithes n’est pas
limitante. Dans ces expériences, le phénomène de dissolution du verre est le phénomène limitant.
III.3. Bilan des expériences par la modélisation thermodynamique
L’approche par modélisation thermodynamique a été possible grâce à la détermination des
log K à partir de la composition chimique et de la structure cristalline des phases observées
expérimentalement. Malgré la métastabilité des zéolithes dans notre système et le calcul des indices
de saturation à partir d’une seule valeur de log K, les évolutions des indices permettent de mettre
en évidence les phénomènes limitants pour chaque type d’évolution de cinétiques :
- Dans les expériences à faible rapport S/V (RA80 et RA200), l’étape de chute de vitesse est
limitée par la dissolution du verre puisque cette valeur correspond à la valeur seuil de
sursaturation nécessaire à la précipitation. Lors de la reprise d’altération, l’augmentation des
indices de saturation au-delà de cette valeur permet d’affirmer que la cinétique de croissance des
zéolithes est limitante.
- Dans les expériences à fort rapport S/V (RA1000 et RA2000), le maintien des indices de
saturation autour d’une valeur médiane indique que la précipitation est effective mais que c’est la
dissolution continue du verre qui est limitante.
-0,2
0,0
0,2
0,4
0,6
0 100 200 300 400 500Temps (j)
IS p
hilli
psite
0,0
0,2
0,4
0,6
IS phillipsiteNL(Mo)NL(B)
RA2000
NL
i (g.
m-2
)
Figure III-7. Comparaison des évolutions des indices de saturation de la phillipsite et des pertes de masse
normalisées des éléments mobiles du verre pour l’expérience RA2000.
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
239
IV. Discussion Dans l’ensemble des expériences réalisées en solution S1 à 50 °C, la précipitation de
zéolithes a engendré le maintien d’une vitesse résiduelle élevée ou l’occurrence d’une reprise
d’altération suivant le rapport S/V. La première partie de la discussion est focalisée sur la
description des processus qui engendrent ces cinétiques. Par la suite, nous tacherons de faire une
synthèse des caractéristiques de la formation des zéolithes comme la nucléation/croissance, leur
métastabilité et enfin nous ferons le lien entre ces caractéristiques et les cinétiques de dissolution
du verre.
IV.1. Description des processus et mise en évidence des paramètres clés
Selon la théorie classique de la nucléation [7], le temps d’induction (tind) nécessaire à la
formation de nucléi stables dépend de la sursaturation (β) et de l’énergie interfaciale
cristal / solution (γ):
023
32
lnln)(
ln KkT
ftind −Ω=
βγ
où f est un facteur de forme, Ω le volume molaire, k la constante de Boltzmann, T la température et
K0 une constante cinétique.
A très fort rapport S/V (RA1000 et RA2000), aucune période d’induction n’est observée alors qu’à
plus faible rapport S/V (RA80 et RA200), un temps d’induction plus ou moins long précède le
régime de reprise d’altération. Le raisonnement est construit sur l’hypothèse que le rapport S/V
joue un rôle clé dans les premiers instants de l’altération qui sera déterminant pour la formation
des zéolithes et donc la suite de l’évolution des cinétiques.
L’état de sursaturation est atteint plus rapidement à fort rapport S/V. La formation d’un
nucléus est donc favorisée puisque les particules se rencontrent plus facilement par mouvement
brownien. D’après la théorie de la nucléation / croissance et en supposant à ce stade que l’énergie
interfaciale cristal / solution est identique dans les quatre expériences, la taille critique du nucléus
r* est d’autant plus petite que la sursaturation est importante et que l’énergie interfaciale
cristal / solution est plus faible [7]. A un même instant t, la formation de nucléi stables sera effective
à de forts rapports S/V alors qu’à de plus faibles rapports S/V, le rayon critique sera encore trop
important pour que des nucléi stables se forment. Cette étape est cruciale pour la suite de
l’évolution des cinétiques d’altération.
A de très forts rapports S/V (RA1000 et RA2000), les nucléi ayant atteint leur rayon critique,
la croissance des cristaux de zéolithes est à la fois cinétiquement et thermodynamiquement
favorisée par rapport à la formation d’un gel passivant. La stabilité et la croissance des cristaux est
la force motrice de la dissolution du verre. C’est donc la dissolution du verre qui limite la
croissance des zéolithes, ce qui a été confirmé par modélisation thermodynamique. Le
ralentissement de la cinétique d’altération est dû à la déstabilisation des cristaux néoformés par la
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
240
chute du pH. Cependant, l’augmentation de la cristallinité à ces échéances prouve que les zéolithes
restent plus stables que la formation d’un gel passivant.
A de plus faibles rapport S/V (RA80 et RA200), le temps d’atteinte du régime de
sursaturation vis-à-vis des nucléi est plus long. Le rayon critique à atteindre étant plus élevé, la
recondensation des espèces lixiviées devient cinétiquement plus favorable que la formation des
zéolithes, thermodynamiquement favorisée. Un processus classique de
dissolution / recondensation se met en place. Rapidement, la pellicule de verre altéré acquiert un
caractère passivant. On observe alors un régime de chute de vitesse pendant la période
d’induction. Le phénomène de diffusion au sein de la pellicule d’altération est un frein au transport
et limite donc l’apport des nutriments nécessaires à la formation des nucléi. Après un certain
temps, la nucléation et la croissance des nucléi est effective et engendre une dissolution du gel par
consommation de l’aluminium. La modélisation thermodynamique met en évidence que la
croissance des zéolithes est l’étape limitante lors de la reprise d’altération puisque les indices de
saturation augmentent fortement au-delà de la valeur seuil de sursaturation nécessaire à la
précipitation des zéolithes.
Figure IV-1. Mécanismes et cinétiques d’altération au cours du temps en fonction du rapport S/V. Les lignes
orange indiquent le phénomène limitant à chaque étape.
Les cinétiques d’altération du verre ont des allures de sigmoïde (Figure II-2 et Figure II-9),
caractéristique du phénomène de zéolithisation [17]. A ce stade, les mécanismes sont similaires
dans l’ensemble des expériences : la chute de pH déstabilise les cristaux néoformés, ce qui a pour
conséquence de ralentir la cinétique d’altération du verre.
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
241
Le schéma de la Figure IV-1 illustrent les deux cinétiques et leurs mécanismes et phénomènes
limitants associés.
Le rapport S/V est le paramètre clé puisqu’il engendre un état de sursaturation dans les premiers
instants qui va favoriser soit la formation d’un gel passivant, soit la formation de nucléi de
zéolithes. Les zéolithes sont thermodynamiquement plus stables que le verre et le gel, ainsi, une
fois les nucléi formés, leur croissance devient une force motrice de dissolution du verre. Les
cinétiques d’altération du verre sont le reflet des phénomènes limitants dans le système.
IV.2. Caractéristiques des zéolithes
IV.2.1. Nucléation et croissance des zéolithes
Le processus de nucléation peut avoir lieu en solution, au sein du gel par restructuration de
celui-ci ou à l’interface gel / solution lors de synthèses hydrothermales [11, 12]. Lors d’une
nucléation primaire hétérogène, l’affinité du nucléus avec le support peut catalyser la nucléation.
Dans les expériences RA1000 et RA2000, la nucléation a lieu à l’interface entre la surface des grains
de verre et la solution, à ce stade, il est peu probable que les nucléi se développent dans la pellicule
d’altération. Dans l’expérience RA2000, après un certain temps d’altération, les observations MEB
ont montré que la nucléation secondaire était plus favorable que la nucléation primaire hétérogène.
Ceci signifie qu’une fois les cristaux néoformés, il est énergétiquement plus favorable pour les
nucléi de se former sur les cristaux existants qu’à la surface du verre ou qu’au sein du gel des
cupules (appauvri en aluminium).
Pour les expériences RA80 et RA200 dans lesquelles la reprise d’altération a lieu après une chute de
vitesse, la formation des nucléi peut se produire au sein de la pellicule d’altération car la période
d’induction est relativement longue, ce qui laisse le temps au gel de se restructurer. La nucléation
peut également avoir lieu en surface du gel. Par la suite, les cristaux croissent à partir du gel, le
verre altéré constitue alors une source d’éléments formateurs des cristaux de zéolithes.
IV.2.2. Métastabilité des zéolithes
La métastabilité des zéolithes a été mise en évidence à plusieurs reprises :
- La comparaison des expériences RA200 et RA200S a permis de montrer que la variation de
la chimie de la solution, entre autre la chute de pH, n’a pas d’effet immédiat sur le rapport Si/Al
des zéolithes.
- La caractérisation de la morphologie des cristaux dans l’expérience RA2000 nous indique
qu’à partir d’un certain temps d’altération, la morphologie des cristaux évolue, signe d’une
déstabilisation due à une chute de pH significative. Ribet et Gin [57] montrent qu’une chute brutale
du pH par ajout d’HCl induit une chute de vitesse immédiate mais une dissolution progressive des
cristaux qui est totale après 91 jours. Dans l’expérience RA2000, malgré la déstabilisation des
zéolithes, le processus de nucléation / croissance se poursuit puisque la cristallinité augmente au
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
242
cours du temps. Les zéolithes, bien que métastables dans leur environnement, restent
thermodynamiquement plus stables que le gel et le verre.
- D’après la loi de transition de phases d’Ostwald, la précipitation de phases métastables est
cinétiquement favorisée à un degré de sursaturation élevé. Dans les expériences à faible rapport
S/V où la croissance des zéolithes est très brève, il est fort probable que les zéolithes formées soient
plus métastables que celles des expériences à fort rapport S/V. Les observations MEB de
prélèvements solides dans le test RA200 mettent d’ailleurs en évidence la coexistence de zéolithes
de morphologies différentes.
Bien que les zéolithes soient métastables, elles coexistent et continuent de croître en
présence de phyllosilicates, qui sont également des phases aluminosilicatées. Ces deux phases ne
sont donc pas en compétition, probablement parce que la croissance de ces minéraux n’est pas
limitée par le même élément. L’élément limitant la croissance des zéolithes est l’aluminium. Les
phyllosilicates ne sont pas observés lors de l’altération du verre simple VS, ce qui confirme la
nécessité d’autres éléments tels que du fer ou du zinc à la formation de ces minéraux.
IV.2.3. Liens entre les zéolithes et la chimie de la solution
Les zéolithes se caractérisent par leurs rapports Si/Al et Na/K. Ces rapports
stœchiométriques ont été déterminés par analyse EDS des cristaux en section polie (Tableau IV-1).
Des précautions doivent être prises sur le raisonnement à appliquer à partir de ces mesures. Tout
d’abord, les rapports obtenus correspondent à une échéance précise et un nombre limité de pointés
ont été réalisés (entre 4 et 10). Ensuite, il est nécessaire de garder à l’esprit que ces phases ne sont
pas à l’équilibre avec leur environnement et qu’à cela s’ajoute, la variation plus ou moins rapide de
leur environnement.
Ces précisions ayant été apportées, il est intéressant de constater que le rapport Si/Al des zéolithes
est plus faible pour un pH plus élevé (Figure IV-3), ce qui est en accord avec la littérature [2-5].
10,0
10,5
11,0
11,5
12,0
12,5
13,0
0 200 400 600 800 1000
Temps (j)
pH (
50°C
)
RA80
RA200RA1000
2,3
2,4
2,5
2,6
2,7
2,8
2,9
3,0
10,4 10,6 10,8 11,0 11,2 11,4 11,6
pH (50°C)
Si /
Al
RA80
RA200
RA1000
Figure IV-2. Evolution du pH dans les expériences
RA80, RA200 et RA1000.
Figure IV-3. Relation entre le pH et le rapport Si/Al
caractéristique des zéolithes.
Au regard de la Figure IV-2, si l’on tient compte de la métastabilité des phases par rapport à leur
environnement chimique à l’instant du prélèvement (temps de déphasage inférieur à 200 jours), on
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
243
constate que cette tendance n’est pas modifiée : l’ensemble des points serait translaté à des pH plus
élevés et leur ordre serait conservé.
Il existe également une cohérence entre le type de zéolithe observée et la chimie de la
solution. La structure des zéolithes obtenues dans les expériences RA80 et RA1000 a été identifiée
par analyse DRX. La merlinoite est la phase principale dans le test RA80 alors qu’il s’agit de la
phillipsite dans le cas du test RA1000. Le Tableau IV-1 récapitule les valeurs des rapports
stœchiométriques mesurés. Ceux-ci sont plus importants dans les expériences RA1000 et RA2000.
Dans la littérature, l’étude de la stabilité des zéolithes montre que la phillipsite présente un rapport
Na/K plus important que la merlinoite [35-37], ce qui est le cas d’après les valeurs obtenues. La
formation de la merlinoite est favorisée par un environnement riche en potassium et/ou un pH
plus élevé. Cependant, Donahoe rapporte que la formation de merlinoite est plutôt conditionnée
par le rapport Na/K de la solution que par le pH [35].
Tableau IV-1. Rapports Si/Al et Na/K des cristaux de zéolithes mesurés par analyse EDS dans les différentes
expériences réalisées sur le verre CSD-B en solution S1 à 50 °C.
Si/Al Na/K Echéance (j) RA80 2,42 ± 0,32 0,69 ± 0,10 836 (finale) RA200 2,71 ± 0,14 0,73 ± 0,06 648 RA1000 2,89 ± 0,08 1,16 ± 0,16 620 (finale) RA2000 2,88 ± 0,09 0,93 ± 0,15 370
Bien que les zéolithes formées soient métastables et qu’il faille un certain temps pour que la chimie
de la solution ait un impact sur les caractéristiques des zéolithes, l’observation de phillipsite dans
l’expérience RA1000 semble cohérente puisqu’à la fois :
- le pH de la solution diminue progressivement,
- l’altération du verre conduit à une augmentation de la concentration en sodium,
- la croissance des cristaux de zéolithes consomment le potassium présent en solution.
IV.3. Relation entre les caractéristiques des zéolithes et les cinétiques
d’altération du verre
IV.3.1. Influence du pH sur la cinétique de précipitation des zéolithes
Les variations du pH et des concentrations molaires [Na + K – B] en solution sont
représentées en Figure IV-4.
La corrélation entre ces deux paramètres montre (i) que le pH est principalement fonction de ces
trois éléments et (ii) que la chute de pH est due au relâchement du bore qui a un effet tampon.
Cette corrélation a déjà été mise en évidence pour le verre SON68 par Ribet et Gin [57].
A plus long terme, la chute de pH entraîne une diminution de la vitesse de croissance des cristaux
de zéolithes, ce qui engendre une diminution des vitesses d’altération du verre dans l’ensemble des
expériences. La précipitation des zéolithes est la force motrice du relâchement du bore qui lui, par
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
244
son effet tampon, constitue un frein à la croissance des cristaux. La précipitation des zéolithes est
donc auto-régulée dans nos conditions.
10,40
10,80
11,20
11,60
12,00
12,40
12,80
-200 -100 0 100 200
[Na+K-B] (mmol.L -1)
pH (
50°C
)
RA1000
RA200
Figure IV-4. Corrélation entre l’évolution du pH de la solution et la concentration (Na+K-B).
Dans le cas où la teneur en bore diminuerait et celle en sodium augmenterait dans la composition
du verre, il serait possible que la reprise d’altération s’entretienne jusqu’à dissolution complète du
verre, de même à plus fort rapport S/V avec le maintien d’une vitesse continue. Cette remarque est
cohérente avec les résultats de simulation sur des verres simples de Strachan et Croak [49], puisque
la précipitation de l’analcime est favorisée en augmentant le rapport Na/(Na+B).
IV.3.2. Cinétiques de dissolution du verre
Le Tableau IV-2 récapitule les vitesses avant et pendant la reprise d’altération pour les tests
RA80 et RA200 ainsi que les vitesses résiduelles d’altération pour les tests RA1000 et RA2000.
Tableau IV-2. Récapitulatif des vitesses d’altération du verre au cours des différents régimes dans les
expériences RA80, RA200, RA1000 et RA2000.
RA80 RA 200 RA1000 RA2000 S/V (cm-1) 80 200 1000 2000
V avant RA (g.m-2.j-1) 1,5.10-4 3,0.10-4 V RA (g.m-2.j-1) 7,6.10-2 4,2.10-2
3,8.10-3 1,5.10-3
Dans les expériences RA80 et RA200, la vitesse avant et pendant la reprise augmente de
plus de deux ordres de grandeur. Les vitesses d’altération des tests RA1000 et RA2000 sont
intermédiaires aux vitesses avant et pendant la reprise d’altération des expériences RA80 et RA200.
Les vitesses de reprise d’altération, obtenues par régression linéaire des pertes de masse
normalisées du molybdène en fonction du temps, sont représentées en fonction du rapport S/V en
Figure IV-5.
Pour les expériences RA80 et RA200, ces vitesses correspondent à la pente la plus
importante observée pendant ce régime.
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
245
0,001
0,01
0,1
0 500 1000 1500 2000
S/V (cm -1)
log
V R
A (
g.m
-2.j-1
)
Figure IV-5. Evolution des vitesses de reprise d’altération (en molybdène) en fonction du rapport S/V pour
les expériences de la Figure II-1.
On constate que la vitesse de reprise d’altération diminue rapidement avec l’augmentation du
rapport S/V. Dans les expériences à fort rapport S/V, la dissolution du verre limite la précipitation
des zéolithes, ce qui peut expliquer la différence d’un ordre de grandeur avec les expériences à
faible S/V.
IV.3.2.1 Comparaison des expériences RA80 et RA200
Pour les expériences RA80 et RA200, la période d’induction diminue également avec
l’augmentation du rapport S/V. Ces deux expériences sont comparables en termes de cinétiques et
mécanismes. Pour expliquer ces différences, diverses hypothèses peuvent être proposées :
- Le pH est un paramètre clé dans la formation des zéolithes. Un fort pH diminue la période
d’induction, augmente la vitesse de formation des nucléi et celle de croissance des cristaux [9].
Néanmoins, entre ces deux expériences, le pH avant reprise est similaire, 12,38 ± 0,1 et 12,47 ± 0,1
pour les expériences RA80 et RA200 respectivement. Le pH ne permet donc pas d’expliquer cette
différence de vitesse de reprise d’altération du verre.
- L’hypothèse selon laquelle il existe une densité critique de nucléi par unité de surface du
verre (en supposant que la vitesse de croissance est constante) est invalidée au vue des résultats
obtenus : la surface de verre dans l’expérience RA80 est inférieure à celle dans l’expérience RA200
alors que les vitesses diminuent avec le rapport S/V.
- Il est cependant envisageable que le nombre de cristaux dépende d’autres paramètres,
notamment de l’état de sursaturation du système ou encore de la morphologie du gel. Une
cinétique de nucléation plus importante à plus faible rapport S/V peut expliquer une vitesse de
croissance des cristaux plus grande et donc une reprise d’altération plus brutale. La fréquence de
nucléation augmente avec l’état de sursaturation et l’affinité entre le nucleus et son support. Cette
fréquence de nucléation est également dépendante de la fréquence à laquelle les germes de taille
critique deviennent surcritiques (§ I.1.3.1.2.3).
- Les nucléi se forment durant la période d’induction à l’interface gel / solution. Les
mécanismes de formation des nucléi à partir d’un gel sont mal connus, plusieurs théories existent
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
246
(§ I.1.3.2.2). La morphologie du gel ainsi que sa composition ont un rôle clé dans la formation des
nucléi. Il a été montré qu’un système riche en cations alcalins favorise la formation d’un gel
mésoporeux. Une porosité importante augmente l’interface d’échange gel / solution et la diffusion
des éléments, il en résulte une vitesse de nucléation et formation des zéolithes plus importante [15].
La morphologie et la composition du gel est donc une source d’explication à la vitesse de reprise
d’altération du verre. Pour conforter cette hypothèse, il s’avère nécessaire de réaliser des
caractérisations du gel avant la reprise d’altération dans les deux expériences.
Deux hypothèses permettent d’expliquer les différences de vitesses de reprises d’altération aux
rapports S/V de 80 cm-1 et 200 cm-1 : une différence de fréquence de nucléation et/ou une
morphologie et composition différente du gel avant reprise.
IV.3.2.2 Comparaison des expériences RA1000 et RA2000
La différence de vitesses d’altération entre les expériences à plus fort rapport S/V, RA1000
et RA2000, peut s’expliquer par le nombre de cristaux. En faisant l’hypothèse qu’il existe une
distribution statistique et homogène de sites de nucléation à la surface des grains de verre, le
nombre de nucléi formés est directement proportionnel à la surface de verre initiale. Dans
l’expérience à 2000 cm-1, le nombre de cristaux est beaucoup plus faible qu’à 1000 cm-1 sachant que
la surface de verre est environ 50 fois plus faible. En considérant une vitesse identique de
croissance des cristaux, plus il y a de cristaux, plus la vitesse de consommation des éléments
augmente et la vitesse de dissolution du verre également.
Dans l’expérience RA2000, une fois les cristaux néoformés, il est énergétiquement plus favorable
pour les nucléi de se former sur les cristaux existants qu’au sein du gel des cupules ou qu’à la
surface du verre. La réactivité de la source (ici verre ou gel) joue un rôle clé dans les mécanismes de
nucléation. L’existence de nucléation secondaire met en évidence la compétition de phénomènes
contribuant à diminuer l’énergie libre de Gibbs de formation des nucléi. Le mûrissement
d’Ostwald est un mécanisme pouvant également entrer en compétition et favoriser la dissolution
des petits cristaux au profit des gros. Remarquons que la continuité de l’évolution du pH et de la
chimie de la solution au cours du temps contribue à la transition de phases successives d’Ostwald
et donc également au mûrissement d’Ostwald.
Cette hypothèse est tout à fait cohérente avec celle de la distribution statistique de sites de
nucléation à la surface des grains de verre.
La différence de vitesses d’altération entre les essais RA1000 et RA2000 est liée au nombre de
cristaux de zéolithes. Deux facteurs peuvent modifier ce nombre de cristaux :
- au premier ordre, un paramètre géométrique qui est la densité de sites de nucléation fonction
d’une distribution statistique de sites de surface,
- et au second ordre, l’évolution thermodynamique du système qui peut favoriser la nucléation
secondaire ou encore le mûrissement d’Ostwald.
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
247
IV.3.3. Figures de dissolution du verre
Contrairement à l’altération en eau désionisée, l’altération en solution S1 conduit à la
formation d’une pellicule d’altération dont l’interface verre / gel n’est pas parallèle au bord du
grain. L’expérience RA200, mais surtout la RA2000, permettent de mettre en évidence l’évolution
de la dissolution du verre qui conduit à cette pellicule d’altération non uniforme. Parallèlement à
la précipitation des zéolithes, des zones circulaires de dissolution préférentielle apparaissent en
surface du verre (Figure IV-6 (a), (b) et (c)).
L’avancée de la réaction conduit (i) à multiplier ces zones de dissolution et (ii) à augmenter leur
taille. Progressivement, ces cupules se rejoignent pour former une pellicule plus ou moins continue
(Figure IV-6 (d)). L’apport de matière se fait donc par dissolution au sein de ces cupules, ce qui
engendre leur croissance. Cette évolution est représentée schématiquement en Figure IV-7. Notons
qu’il existe un contraste chimique important au sein de la cupule : à l’interface avec le verre, le gel
formé est soit plus poreux, soit moins riche en éléments lourds que le cœur et la surface extérieure
de la cupule.
Les différences de morphologie et de nombre des piqûres entre le verre CSD-B et le verre VS sont
probablement dues à leur différence de composition qui modifie les équilibres chimiques au sein
de la solution.
(a) (b)
(c) (d)
Figure IV-6. (a) Figures de dissolution ou « cupules » visibles sur les grains de verre VS à 527 jours
d’altération (essai RA200S). (b) et (c) Grossissement sur l’effondrement de la zone de verre altéré de la
figure (a). (d) Multiplication des cupules et coalescence sur le verre CSD-B altéré pendant 360 jours
(essai RA200). Le contraste a été accentué pour visualiser les figures de dissolution.
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
248
Figure IV-7. Vue schématique en coupe de la formation de la pellicule d’altération à partir de la formation,
croissance, multiplication et coalescence de cupules hémisphériques.
Au cours de ces travaux, nous n’avons pas pu déterminer l’origine précise de ces figures de
dissolution. Plusieurs hypothèses peuvent être proposées. Leur formation peut être aléatoire (cas
des piqûres dans les métaux), cependant, il est fort probable que la dissolution préférentielle d’un
site et / ou la formation de nucléi sur un site spécifique soient liées à une structure et / ou chimie
spécifique activée par les conditions d’altération. Rappelons que pour les essais RA80 et RA200, la
nucléation se fait probablement à partir du gel (en son sein ou à l’interface avec la solution), auquel
cas l’affinité est différente de celle que le nucléus peut avoir avec le verre. La composition et la
structure du support de nucléation sont donc importantes.
Cependant, est-ce la nucléation de cristaux de zéolithes sur ces sites qui engendre, par leur
formation, une zone locale de verre altéré ? La caractérisation des grains n’a pas permis de
confirmer cette hypothèse, à l’échelle du MEB, aucun cristal n’a pu être identifié au centre de ces
cupules. Si cette hypothèse est vérifiée alors le fait de ne pas observer de cristaux peut s’expliquer
soit par leur redissolution due au mûrissement d’Ostwald ou bien par décrochement de ceux-ci.
Néanmoins, les images MEB rendent compte d’un point au centre de la cupule, probablement
l’origine de la dissolution (Figure IV-6 (c)).
Il semble qu’il y ait une symétrie entre le phénomène de nucléation / croissance des zéolithes dû
à un état de sursaturation et un phénomène de nucléation / croissance des cupules dû à
l’instabilité du verre par rapport aux zéolithes.
V. Conclusion Le rapport S/V joue un rôle important puisque son augmentation entraîne une diminution
du temps d’induction [60, 61]. Cependant, nous avons montré que ce paramètre était à l’origine des
cinétiques d’altération observées. Suivant la valeur de ce rapport, la stabilité relative de la
formation d’un gel passivant ou des nucléi de zéolithes est différente à cause de l’état de
sursaturation et des paramètres associés (taille du rayon critique…). Grâce à la modélisation
thermodynamique, il a été possible de confirmer quels étaient les mécanismes limitants suivant les
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
249
expériences et donc le rapport S/V. Cependant, les mécanismes sous-jacents restent similaires, ce
sont leurs intensités qui sont modifiées.
La composition du verre joue un rôle majeur comme le souligne bon nombre d’auteurs [48, 49, 54].
Par simulation, Strachan et Croak [49] montrent qu’une faible variation de la teneur en aluminium
modifie grandement les domaines de stabilité de la silice amorphe et de l’analcime. Certains
éléments comme le bore diminue le pH alors que d’autres comme les alcalins vont l’augmenter
[48]. Nous avons vu que le pH est un paramètre clé dans le phénomène de reprise d’altération. A
partir de pH 10,7 à 20 °C, l’occurrence d’une reprise d’altération est fort probable [48]. Le pH est
corrélé à la variation de la somme des concentrations molaires [Na+K-B], ce qui prouve que ces
trois éléments imposent le pH de la solution. Durant la reprise d’altération, la chute de pH
systématique est donc due au relâchement du bore qui agit comme tampon [57] et à la
consommation relative de sodium et potassium lors de la croissance des zéolithes. Ainsi la
composition du verre et plus particulièrement les teneurs en bore et sodium, jouent un rôle central
car ils permettent l’autorégulation du système. A partir d’une certaine teneur en bore et sodium, il
est probable qu’aucune chute de pH ne soit effective et que le phénomène de reprise d’altération
soit entretenu.
En guise de perspectives, il serait nécessaire d’approfondir les caractérisations du gel
puisque, comme nous l’avons vu, il constitue le siège de la nucléation des cristaux de zéolithes et
suivant ses propriétés structurales, morphologiques et chimiques, il peut modifier le nombre de
cristaux et leur fréquence de nucléation.
Afin d’asseoir les mécanismes proposés et d’évaluer la métastabilité des zéolithes, il
conviendrait de réaliser un bilan de matière pour connaître l’évolution des rapports Si/Al et Na/K
des zéolithes et du gel au cours de l’altération. Ces paramètres permettraient de calculer des logK à
chaque échéance et de déterminer un état de sursaturation correspondant à l’échéance considérée.
La vitesse d’altération du verre durant la précipitation des zéolithes est fonction du rapport
S/V à long terme. Elle peut atteindre l’ordre de grandeur de la vitesse initiale (à un facteur 3 près) à
faible rapport S/V. Il convient donc d’étudier l’influence de la composition du verre sur le
phénomène de reprise d’altération afin d’écarter tout risque d’augmentation irréversible du pH
conduisant à une probable reprise jusqu’à altération totale du verre.
Pour les expériences RA80 et RA200, la nucléation spontanée a entraîné la formation d’une
multitude de cristaux en surface du gel, à l’échelle macroscopique, la prise en masse de l’ensemble,
grains de verre et zéolithes. Une question sous-jacente se pose : est-ce que cette consolidation
résultant de la précipitation des phases cristallines est un frein potentiel au relâchement des
éléments ? Dans le cas de l’altération de verres islandais âgés de 3 à 4 millions d’années, Le Gal [26]
a observé la formation d’un « ciment zéolithique » qui comblait systématiquement les interstices
entre les grains de verre et en conclut qu’il fait office de barrière de diffusion. A long terme, la
formation massive de ces phases peut-elle colmater les fissures d’un colis et diminuer
artificiellement la surface réactive du colis ?
CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
250
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CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
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CHAPITRE VI – Altération du verre en solution S1 : précipitation de zéolithes et mécanismes associés
254
255
CHAPITRE VII. LE CIMENT BAS PH, UNE
ALTERNATIVE ?
I. Introduction ..........................................................................................................................................257
II. Caractéristiques chimiques d’un ciment bas pH ...........................................................................257
II.1. Rôle des ajouts .............................................................................................................................258
II.2. Association d’additifs au sein des ciments..............................................................................259
II.3. Solutions à l’équilibre avec un béton bas pH ..........................................................................260
III. Etude du régime de chute de vitesse en solution bas pH.............................................................262
III.1. Comparaison de l’altération du verre en solution bas pH et en eau désionisée ................262
III.1.1. Conditions expérimentales ................................................................................................262
III.1.2. Cinétiques d’altération en solution bas pH et en eau désionisée.......................................262
III.2. Caractérisation de la pellicule d’altération..............................................................................267
III.2.1. Conditions expérimentales ................................................................................................267
III.2.2. Caractérisation..................................................................................................................267
III.2.3. Discussion.........................................................................................................................274
III.3. Effet des différentes solutions cimentaires sur l’altération du verre ...................................276
IV. Conclusion.............................................................................................................................................278
Références bibliographiques ...................................................................................................................279
CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?
256
Ce chapitre présente le ciment bas pH comme matériau cimentaire alternatif au ciment
Portland pour le concept de stockage des colis vitrifiés MA-VL.
Après avoir décrit les spécificités physico-chimiques du ciment bas pH, nous détaillerons
les compositions des solutions d’équilibre qui ont été utilisées pour mener les expériences
d’altération. Le régime de chute de vitesse est étudié compte tenu de son importance dans le
comportement à long terme du verre.
Les cinétiques d’altération et les caractérisations sont en accord pour rendre compte de
l’effet bénéfique de l’altération du verre en solution bas pH. Les fortes similitudes observées avec
les essais en solution S2 à très faible et fort rapports S/V permettent de conforter les mécanismes
intuités dans les chapitres IV et V. Ces premiers résultats encourageants rendent compte de l’effet
bénéfique du ciment bas pH, du point des vue de ses propriétés chimiques, sur la durabilité du
verre.
CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?
257
I. Introduction
L’altération du verre en présence de solutions représentatives d’un matériau cimentaire
CEM I sain engendre la formation de phases secondaires de types zéolithes en solution S1 ou
encore de C-S-H en solution S2. La précipitation de telles phases conduit au maintien d’une vitesse
résiduelle élevée, voire à une reprise d’altération, par la consommation des éléments réticulants du
gel. La chimie spécifique des solutions cimentaires, caractérisées par un pH fortement basique ainsi
que par l’abondance d’hydroxydes alcalins et de calcium est à l’origine de la formation de ces
phases. Le ciment Portland ne semble donc pas constituer un milieu favorable vis-à-vis de la
durabilité chimique du verre.
Afin de développer des concepts d’alvéole dédiée, une réflexion est menée quant à
l’utilisation d’un béton bas pH comme matériau de colis de stockage. La dénomination du béton
« bas pH » provient de la valeur du pH de la solution interstitielle voisine de 11, sensiblement
inférieure à celle des bétons usuels, voisine de 13,5 à l’état sain. L’altération du verre en contact
d’une solution interstitielle d’un béton bas pH présente à première vue un atout majeur : un pH
faible de plus de 2 unités par rapport au CEM I. Une diminution de cet ordre peut avoir un effet
très favorable car la dissolution de la silice augmente rapidement pour des pH fortement
basiques [1]. Il faut néanmoins prendre en compte la composition de la solution. Dans les essais en
eaux cimentaires S1 et S2, il a été montré que le calcium en solution était capable de jouer un rôle
antagoniste en fonction du régime d’altération mais aussi du pH de la solution. Par son
incorporation à la pellicule d’altération, il permet de diminuer d’un ordre de grandeur la vitesse
initiale par rapport à un milieu de référence au même pH.
Au vu des caractéristiques du béton bas pH, une partie de ce travail a porté sur l’étude de
l’altération du verre en contact avec une eau représentative d’une solution interstitielle d’un béton
bas pH. La question sous-jacente est de savoir si la chimie particulière des ciments bas pH peut
jouer un rôle plus favorable que le ciment CEM I. Notons qu’au cours de ce chapitre, nous
utiliserons le terme de « ciment bas pH » puisque dans la mesure où les granulats sont
correctement choisis pour être non réactifs, l’évolution chimique du béton est gouvernée par celle
de la pâte.
II. Caractéristiques chimiques d’un ciment bas pH
Contrairement au ciment Portland classique pour lequel on dispose d’un important retour
d’expériences notamment grâce au génie civil, le ciment bas pH est étudié au sein de la
communauté internationale depuis 2003 dans le cadre du concept de stockage profond des déchets
radioactifs [2, 3]. La forte alcalinité du ciment Portland peut se révéler préjudiciable au maintien
des caractéristiques physico-chimiques de l’argile du site [4-6]. L’utilisation d’un ciment composé,
CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?
258
générant des solutions interstitielles moins alcalines, est donc une alternative envisagée et
actuellement à l’étude1 [2, 7, 8].
II.1. Rôle des ajouts
Les ciments composés sont constitués d’une base de ciment Portland à laquelle sont
additionnés de façon importante des ajouts choisis pour leur propriétés hydrauliques ou
pouzzolaniques. Les composés pouzzolaniques2 regroupent essentiellement les pouzzolanes
naturelles, les cendres volantes et la fumée de silice. Parmi les ajouts aux propriétés hydrauliques,
on trouve principalement les laitiers de hauts fourneaux (Figure II-1).
L’ajout de pouzzolanes modifie la composition chimique de la solution interstitielle d’un
matériau cimentaire et conduit en particulier à :
- une forte diminution de la concentration en alcalins ce qui se traduit par une chute du pH
de la solution interstitielle. La sorption du sodium et du potassium sur les phases hydratées
favorise également la diminution de la teneur en alcalins,
- la disparition ou la diminution de la teneur en Portlandite dans les matériaux,
- et l’enrichissement en silice des C-S-H avec des rapports C/S compris entre 1,1 à 1,5, ce qui a
pour conséquence de diminuer le pH d’équilibre.
1 Notre étude s’intéresse aux propriétés chimiques de la solution interstitielle d’un liant bas pH. Par conséquent, les
effets de ces ajouts sur la chaleur d’hydratation, la porosité ou encore les propriétés mécaniques des pâtes et bétons bas
pH ne seront pas été abordées ici. Cependant, le lecteur intéressé pourra se référer aux travaux de Codina [8] et Bach
[9].
2 Les pouzzolanes sont des composés qui réagissent avec la Portlandite pour former des C-S-H.
Figure II-1. Localisation des composés minéraux (% massique) ajoutés au ciment Portland dans le
diagramme ternaire CaO-SiO2-Al2O3, d’après Bach [8].
CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?
259
Durant l’hydratation des bétons et pâtes de liant bas pH, la Portlandite formée au cours des
réactions d’hydratation est consommée en quelques mois au profit de C-S-H « secondaires », ou de
C-A-S-H secondaires, issus de réactions pouzzolaniques. A terme, ces réactions ont deux
conséquences principales : d’une part la concentration en alcalins mesurée dans la solution
interstitielle diminue fortement, et d’autre part la Portlandite disparaît de l’assemblage
minéralogique du matériau final. En conséquence, le pH de la solution porale est contrôlé
majoritairement par l’équilibre de dissolution des C-(A)-S-H.
Le pH des solutions interstitielles des liants étudiés dans les travaux de Codina [7]
atteignent des valeurs (11,7 à 12,2 après un an d’hydratation) inférieures au moins d’une unité par
rapport au pH d’un ciment Portland. Des hydratations accélérées montrent que ces pH peuvent, en
théorie, encore évoluer pour atteindre des valeurs proches de 11. Il convient de remarquer que les
valeurs de pH obtenues sur pâtes sont supérieures à celles mesurées sur bétons (pH entre 11,7 et
11,6 sur des bétons bas pH âgés entre 7 et 20 mois). Cet écart peut provenir d’une meilleure
dispersion de la fumée de silice dans les bétons grâce aux cisaillements lors du malaxage en raison
de la présence de granulats.
L’ajout de pouzzolanes à un ciment Portland diminue le pH de la solution interstitielle par (i) la
diminution de la concentration en alcalins, (ii) la consommation de la Portlandite et (iii) la
formation de C-S-H plus riches en silice. Expérimentalement, les valeurs de pH des solutions
interstitielles de liants bas pH sont inférieures au moins d’une unité par rapport au pH d’un
ciment Portland.
II.2. Association d’additifs au sein des ciments
Le remplacement d’une fraction de ciment Portland par ces additifs présente des avantages
et des inconvénients concernant les propriétés mécaniques, de transport ou encore de prise des
ciments. Différentes compositions de ciment binaires, ternaires et quaternaires ont été étudiées.
L’ajout de fumée de silice conduit à une diminution importante de pH de la solution interstitielle:
le pH devient inférieur à 11 lorsque le pourcentage de silice excède 55 % dans le liant (Figure II-2).
Cette corrélation met en évidence le rôle de la silice dans la diminution du pH de la solution
interstitielle.
Il convient de retenir que l’utilisation d’ajouts en remplacement d’une fraction du ciment
Portland est nécessaire pour diminuer la concentration des alcalins dans la solution interstitielle,
consommer la Portlandite par réaction pouzzolanique.
CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?
260
Figure II-2. Corrélation entre le pH d’équilibre et la teneur en silice dans le liant, d’après Cau-dit-Coumes
[2]. FS : fumée de silice ; CV : cendres volantes ; MK métakaolin ; L : Laitier.
II.3. Solutions à l’équilibre avec un béton bas pH
Pour obtenir la composition chimique et le pH des solutions interstitielles, il est nécessaire
d’extraire cette solution du matériau cimentaire. Dans les travaux de Codina [7], les extractions de
solution interstitielle ont été effectuées sur des pâtes (E/L3 = 0,5) de différents âges et conservées en
sac étanche à température ambiante. L’extraction de solutions interstitielles se fait sur des
éprouvettes cylindriques de 10 cm de haut et 6,7 cm de diamètre, par enfoncement d’un piston
d’extrémité conique. Après extraction sous vide, la solution porale est transportée dans une boîte à
gants sous atmosphère d’azote pour mesurer son pH à l’abri du CO2 atmosphérique.
La solution à l’équilibre avec un béton bas pH, appelée S5 (pour faire référence à la
nomenclature de l’ANDRA [9]), se distingue des deux solutions S1 et S2 puisqu’elle représente une
eau cimentaire en équilibre avec un béton bas pH, et non un état de dégradation d’un ciment
Portland.
La composition de cette solution a été obtenue à deux températures, 25 et 50 °C. L’influence
de la température sur la chimie de la solution a été étudiée à partir de pâtes de ciment CEM I et bas
pH portées à trois températures : 20, 50 et 80 °C durant leur période d’hydratation [8]. Aussi bien
pour le ciment CEM I que pour les matériaux bas pH, le pH des solutions interstitielles diminue
avec la température. Pour le ciment CEM I, les valeurs de pH mesurées correspondent à celle de la
Portlandite à la même température, ce qui confirme que la Portlandite contrôle le pH dans ce cas.
Cependant, au sein des matériaux bas pH, cette évolution est due à la diminution du rapport C/S
des hydrates avec la température.
La composition à 25 °C est basée sur des analyses effectuées sur des matériaux à base de
CEM I (37,5 %) additionnés de fumée de silice (32,5 %) et de cendres volantes (30 %) [7, 8]. La
3 E/L est le rapport de la masse d’eau sur la masse de liant.
CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?
261
composition à 50 °C résulte, elle, de la comparaison entre des données expérimentales obtenues à
20 et 80 °C sur ces matériaux et de la simulation de la composition à partir de celle à 25 °C. Les
compositions des deux solutions S5 à 25 et 50 °C figurent dans le Tableau II-1.
Le magnésium et l’aluminium n’ont pas été ajoutés à la solution lors de sa synthèse car leur
teneur respective, 0,1 mg.L-1 et 0,047 mg.L-1, n’est pas détectable en ICP-AES compte tenu des
limites de quantification (respectivement pour Al et Mg : 0,2 mg.L-1 et 0,1 mg.L-1) et de la dilution à
appliquer. D’autre part, cette étude se concentre sur le rôle des éléments majeurs constitutifs de la
solution, compte tenu de leur très faible concentration, l’aluminium et le magnésium sont donc
considérés comme négligeables sur les principaux phénomènes d’altération.
Tableau II-1. Compositions théoriques de la solution d’eau cimentaire « bas pH » S5 à 25°C et 50°C issues de
calculs géochimiques [9].
Na K Mg Ca Si SO4 Al OH pH
Concentration
totale (mol.L-1)
à 25°C
4,7. 10-3 1,5. 10-3 2. 10-6 4,7. 10-3 6. 10-4 6,7. 10-3 4. 10-6 10-3 10,8 ± 0,2
Concentration
totale (mol.L-1)
à 50°C
4,7. 10-3 1,5. 10-3 1,95. 10-6 4,87. 10-3 7,8. 10-4 6,7. 10-3 3,89. 10-6 10-3 10,3
Les analyses des solutions synthétisées fluctuent autour de la valeur théorique dans les
pourcentages d’erreurs suivants (Tableau II-2) :
Tableau II-2. Pourcentage d’erreur entre la composition théorique et la composition analysée pour les
solutions S5 à 30°C et 50°C.
Na K Ca Si SO4
Erreur entre la composition
théorique et analysée (%) < 10 < 10 < 3 < 10 < 3
Le pH en température des solutions synthétisées est de 11,23 ± 0,2 et de 10,49 ± 0,2
respectivement à 30 °C et 50 °C.
La solution à 25 °C a été utilisée en boîte à gants à la température de celle-ci, c’est-à-dire 30 °C en
supposant que la variation de l’équilibre de la solution était négligeable sur sa composition.
Les deux verres CSD-B et VS ont été altérés en condition de régime de chute vitesse à un
rapport S/V de 200 cm-1. Les caractérisations du solide nous apportent des précisions sur les
mécanismes mis en jeu au cours de l’altération du verre dans ce type d’eaux cimentaires.
CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?
262
III. Etude du régime de chute de vitesse en solution bas pH
III.1. Comparaison de l’altération du verre en solution bas pH et en eau
désionisée
III.1.1. Conditions expérimentales
En régime de chute de vitesse, trois expériences ont été réalisées. Les deux premières en
solution S5 avec le verre CSD-B et le verre VS. La troisième correspond à une altération du verre
CSD-B en eau désionisée, elle constitue l’expérience de référence. Ces essais ont été menés dans les
mêmes conditions expérimentales que celles décrites dans le chapitre V (§ II.1.) pour les chutes de
vitesses en solutions S1 et S2. Le Tableau III-1 récapitule les paramètres de ces trois tests.
Tableau III-1. Récapitulatif des tests statiques à fort rapport S/V menés en solution S5 et en eau désionisée à
50°C.
Référence Verre Solution Granulométrie
(µm)
S/V
(cm-1)
m verre
(g)
V solution
(mL)
CS5 CSD-B S5 20 - 40 200 7,86 70
SS5 VS S5 20 - 40 200 7,86 70
CEP CSD-B eau désionisée 20 - 40 200 7,86 70
III.1.2. Cinétiques d’altération en solution bas pH et en eau désionisée
La Figure III-1 représente les pertes de masse normalisées en lithium pour les expériences
CS5, SS5 et CEP. Le lithium est l’élément le plus lixivié lors de ces altérations, c’est donc cet
élément qui nous sert de traceur de l’altération du verre. Il apparaît que les deux expériences
réalisées en solution S5 présentent des quantités de verre altéré ainsi que des cinétiques
d’altération plus faibles qu’en eau désionisée.
0,00
0,02
0,04
0,06
0,08
0,10
0,12
0,14
0 100 200 300 400 500 600 700
Temps (j)
NL(
Li)
(g.m
-2)
SS5
CS5
CEP
Figure III-1. Comparaison des pertes de masse normalisées en lithium pour les tests CS5, SS5 et CEP à 50°C.
CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?
263
Le pourcentage de verre altéré à 613 jours est de 1,17 % et 0,87 % respectivement pour les
expériences CS5 et SS5 et de 1,82 % pour l’expérience CEP. A 613 jours, le verre CSD-B est 1,6 fois
plus altéré en eau désionisée qu’en solution S5. De même les vitesses d’altération entre 142 et 613
jours sont de 3,2.10-5 g.m-2.j-1 et 2,7.10-5 g.m-2.j-1 pour les expériences CS5 et SS5 alors qu’elle est de
5,8.10-5 g.m-2.j-1 pour l’expérience CEP (Tableau III-2). Dans ces conditions expérimentales, le verre
CSD-B s’altère donc 1,8 fois plus rapidement en eau désionisée qu’en solution bas pH.
Les expériences réalisées en solution S5 présentent des pH à 50 °C supérieurs de 0,3 à 0,6
unités par rapport à ceux obtenus en eau désionisée (Figure III-2). Ainsi, bien que les pH des tests
menés en solution S5 soient légèrement plus élevés qu’en eau désionisée, le degré d’altération du
verre et sa cinétique d’altération sont plus faibles qu’en eau désionisée. Ce résultat met en évidence
le rôle des éléments constitutifs de la solution S5. La composition chimique de la solution bas pH
permet, non seulement de compenser l’effet d’un pH plus élevé du fait de sa composition mais
également d’agir favorablement sur la diminution du degré d’altération du verre.
0,0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
0 200 400 600 800
Temps (j)
Del
ta p
H
CS5/CEP
SS5/CEP
Figure III-2. Evolution de la différence de pH à 50 °C entre les expériences CS5/CEP et SS5/CEP.
Regardons de plus près l’évolution des pertes de masse normalisées des éléments lixiviés
du verre en fonction du temps pour les expériences CS5 (Figure III-3) et SS5 (Figure III-4). Les
cinétiques pour les deux verres sont très semblables :
- le lithium est l’élément le plus lixivié, il est donc considéré comme traceur de l’altération
bien que nous n’ayons pu démontrer sa non-réactivité vis-à-vis des phases (éventuel phénomène
de sorption),
- le sodium est le second élément le plus lixivié, rappelons cependant qu’il est présent à une
teneur de 4,7 mmol.L-1 dans la solution mère,
- le bore, habituellement traceur de l’altération, semble partiellement retenu,
- les pertes de masse normalisées en aluminium et silicium sont très faibles,
- la concentration en calcium diminue rapidement de 26 mg.L-1 et 31 mg.L-1 (à partir d’une
concentration initiale de 195 mg.L-1) respectivement dans les tests CS5 et SS5, puis reste constante
durant la suite de l’altération.
CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?
264
0,00
0,01
0,02
0,03
0,04
0,05
0,06
0,07
0 100 200 300 400 500 600 700
Temps (j)
NL
i (g.
m-2
)
0
50
100
150
200
250
Si B Li
Al Na Ca
[Ca]
(mg.
L-1
)
CS5
Figure III-3. Evolution des pertes de masse normalisées en Li, B, Si, Al, Na et de la concentration en Ca de la
solution en fonction du temps lors de l’altération du verre CSD-B en solution S5 à 200 cm-1 et à 50°C. Les
traits en pointillés sont un guide pour les yeux.
0,00
0,01
0,02
0,03
0,04
0,05
0,06
0 100 200 300 400 500 600 700
Temps (j)
NL
i (g.
m-2
)
0
50
100
150
200
250
Si B LiNa Al Ca
[Ca]
(mg.
L-1
)
SS5
Figure III-4. Evolution des pertes de masse normalisées en Li, B, Si, Al, Na et de la concentration en Ca de la
solution en fonction du temps lors de l’altération du verre VS en solution S5 à 200 cm-1 et à 50°C. Les traits
en pointillés sont un guide pour les yeux.
Les résultats expérimentaux pour le verre CSD-B et le verre VS sont similaires, ce qui indique dans
ce cas (i) que les éléments mineurs de la composition du verre CSD-B n’ont pas d’influence
significative sur l’altération du verre dans ce milieu et (ii) que le verre VS est un bon analogue du
verre CSD-B.
Un point intéressant dans ces expériences en solution bas pH est la consommation partielle
et relativement faible du calcium en solution. Cette évolution indique que la concentration en
calcium est imposée par la solubilité d’une phase secondaire ou du gel.
Les observations MEB sur les grains de verre CSD-B altérés 164 jours en solution S5 révèlent la
présence de phases C-S-H sous forme d’amas (Figure III-5 (a)). La surface du verre est également
parsemée de piqûres de l’ordre de quelques dizaines de nanomètres de diamètre (Figure III-5 (b)).
Ces observations sont très similaires à celles réalisées en solution S1 et S2 dans les mêmes
conditions d’altération (Chapitre V, § II.). Cependant, le calcium était très rapidement consommé
CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?
265
en totalité pour former des C-S-H, ensuite, les cinétiques se poursuivaient comme s’il s’agissait
d’une altération en eau désionisée. Le maintien de la concentration en calcium après la formation
des C-S-H semble donc bénéfique pour la durabilité du verre.
(a) (b)
Figure III-5. Observations MEB de la surface des grains de verre CSD-B altérés en solution S5 à
50 °C durant 164 jours. (a) Présence d’amas de C-S-H et (b) de piqûres en surface des grains de verre.
Afin de comparer ces évolutions à celles obtenues dans le test CEP en eau désionisée, les
pertes de masse normalisées des éléments lixiviés ont été représentées en Figure III-6.
0,00
0,02
0,04
0,06
0,08
0,10
0,12
0,14
0 100 200 300 400 500 600 700
Temps (j)
NL
i (g.
m-2
)
Si B Al
Li Na
CEP
Figure III-6. Evolution des pertes de masse normalisées en Li, B, Na, Si, Al en fonction du temps lors de
l’altération du verre CSD-B en eau désionisée à 200 cm-1 et à 50°C.
La dissolution des éléments mobiles du verre est ici congruente. L’altération en eau désionisée ne
conduit donc pas à la rétention spécifique des éléments mobiles du verre. Quant au calcium,
provenant uniquement de la lixiviation du verre, il se situe toujours sous la limite de détection. Cet
élément recondense probablement au sein de la pellicule d’altération comme compensateur de
charges des unités [AlO4]- et [ZrO6]2- [10].
Le Tableau III-2 présente différents paramètres quantifiant l’altération du verre dans les
trois expériences CS5, SS5 et CEP.
CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?
266
Tableau III-2. Caractéristiques des cinétiques d’altération des expériences CS5, SS5 et CEP : vitesse
d’altération V(Li), pourcentage de verre altéré (VA(Li)), facteur de rétention du bore par rapport au lithium
(FR(B)), épaisseur équivalente en lithium (EE(Li)). Les valeurs sont celles obtenues à 613 jours d’altération,
hormis pour la vitesse d’altération calculée entre 142 et 613 jours.
Référence V(Li)
(g.m-2.j-1)
VA(Li)
(%) FR(B)
EE(Li)
(nm)
CS5 3,2.10-5 ± 12,5 % 1,17 0,72 25,6
SS5 2,7.10-5 ± 23,2 % 0,87 0,66 21,8
CEP 5,8.10-5 ± 31,9 % 1,82 0,08 44,8
D’après les incertitudes, les vitesses en lithium des essais CS5 et CEP sont significativement
différentes. Elles sont du même ordre de grandeur bien que celle en solution S5 soit 1,8 fois
inférieure.
Les épaisseurs équivalentes en solution S5 sont très faibles, respectivement de 25,6 nm pour le
verre CSD-B et de 21,8 nm pour le verre VS à la dernière échéance. En eau désionisée, elle est de
44,8 nm, soit 1,7 à 2 fois plus importante qu’en solution bas pH. On retrouve ce résultat exprimé en
pourcentage de verre altéré en lithium.
Au-delà de la diminution remarquable du degré d’altération du verre en solution bas pH par
rapport à l’eau désionisée, un paramètre important est le facteur de rétention, calculé à partir du
lithium qui est traceur de l’altération. La rétention du bore est beaucoup plus élevée en solution
bas pH, de 0,72 et 0,66 respectivement dans les expériences CS5 et SS5 comparée à celle observée en
eau désionisée, de 0,08. L’incongruence bore / lithium en présence de calcium a été mise en
évidence en régime de chute de vitesse (chapitre V, § II.2.). Cependant, le facteur de rétention du
bore était seulement de 0,16 dans l’essai CS2 après 647 jours d’altération. Lors des essais en
présence de Portlandite, nous avions mis en évidence la formation de phases secondaires de type
borate de calcium notamment. L’incongruence bore / lithium était donc due à la consommation du
bore par le calcium en solution pour former des phases cimentaires. En solution S5, nous pouvons
nous demander si cette incongruence ne peut pas être due à une rétention du bore au sein de la
pellicule d’altération plutôt qu’à sa consommation par des phases secondaires compte tenu du
maintien de la concentration en calcium de la solution. Nous allons pouvoir répondre à ces
interrogations grâce à la caractérisation de la pellicule d’altération en ToF-SIMS.
Malgré un pH légèrement supérieur en solution bas pH, le verre CSD-B s’altère 1,6 fois moins
en solution S5 qu’en eau désionisée mais également 1,8 fois moins rapidement. Cette
diminution du degré d’altération et de la cinétique d’altération est due à la composition
chimique de la solution bas pH. Tout comme les essais solution S1 et S2, le calcium en solution
réagit avec le silicium lixivié pour former des C-S-H. Cependant, le calcium n’est que
partiellement consommé contrairement aux essais en solution S1 et S2.
CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?
267
III.2. Caractérisation de la pellicule d’altération
III.2.1. Conditions expérimentales
Deux expériences spécifiques ont été réalisées dans le but de comprendre l’effet de la
composition chimique de la solution bas pH sur l’altération du verre, elles sont présentées dans le
Tableau III-3. L’expérience CS5a est exactement la même expérience que l’expérience CS5, vue au
paragraphe précédent. La seconde constitue un blanc de l’expérience CS5a puisqu’il s’agit de
l’altération du verre CSD-B en milieu NaOH/KOH, de même rapport molaire que dans la solution
bas pH (rapport massique Na/K = 1,8), au même pH. Cette expérience permet ainsi de mettre en
avant l’effet des éléments de la solution bas pH sur l’altération du verre.
Des monolithes de verre ont été placés dans un panier percé en Téflon immergé dans la solution
altérante en vue d’être caractérisés en ToF-SIMS. Ils ont été retirés de la solution après 37 jours
d’altération. Cette échéance était suffisante car (i) l’évolution des profils des éléments se maintient
après un mois, le calcium a été consommé en partie et (ii) la pellicule d’altération présente une
épaisseur analysable en ToF-SIMS.
Tableau III-3. Tests statiques à fort rapport S/V menés en solution S5 et en milieu NaOH/KOH à 50°C.
Référence Verre Solution Granulométrie
(µm)
S/V
(cm-1)
m verre
(g)
V solution
(mL)
CS5a CSD-B S5 20 - 40 200 7,86 70
CNaK CSD-B NaOH/KOH 20 - 40 200 7,86 70
III.2.2. Caractérisation
L’analyse de la solution à 37 jours d’altération a permis de calculer les épaisseurs
équivalentes pour les différents éléments lixiviés du verre dans les deux expériences (Figure III-7).
Dans le cas de l’expérience CS5a, l’épaisseur équivalente en calcium traduit une consommation du
calcium en solution ramenée à une fraction de verre altéré et donc une épaisseur équivalente.
On constate ici que l’élément le plus lixivié n’est pas le même suivant l’expérience, il s’agit du
lithium dans le test CS5a, comme précédemment alors que dans le test de référence CNaK, il s’agit
du bore. Les épaisseurs de verre altéré sont de 10,0 nm et 17,4 nm respectivement pour les
expériences CS5a et CNaK.
Pour le test CS5a, on retrouve les mêmes résultats que précédemment (§ III.1.2.) :
- le bore est soit retenu au sein de la pellicule d’altération, soit il réagit avec le calcium en
solution au vu des épaisseurs équivalentes,
- le calcium est consommé, de même, soit par des phases secondaires, soit par son
incorporation au sein de la pellicule d’altération.
Dans le test CNaK, le calcium est analysable car sa concentration en solution est supérieure à la
limite de quantification. Cependant, l’épaisseur équivalente est très faible ce qui indique une
CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?
268
rétention au sein de la pellicule d’altération (compensateur de charges des unités [AlO4]- et [ZrO6]2-)
ou bien une formation de phases secondaires.
-25
-20
-15
-10
-5
0
5
10
15
20
1 2 3 4 5 6
EE
i (nm
)
CS5a
CNaK
Si B Na Ca Li Mo
Figure III-7. Evolution des épaisseurs équivalentes en Si, B, Na, Ca, Li, Mo dans les expériences CS5a et
CNaK après 37 jours d’altération à 50 °C.
La caractérisation en ToF-SIMS des profils élémentaires en profondeur présente un
avantage par rapport à d’autres techniques : le seuil de détection, fonction de l’élément, est très
faible, de l’ordre de la femtomole. L’artefact principal sur de si faibles épaisseurs d’altération est le
risque d’obtenir des profils diffus aux interfaces. Malgré ce biais possible, nous allons voir ici que
les profils élémentaires sont tout à fait différents pour ces deux expériences.
Les Figure III-8, Figure III-9 et Figure III-10, Figure III-11 représentent les profils
élémentaires au sein de la pellicule d’altération respectivement dans les expériences CNaK et CS5a.
Afin de permettre de comparer qualitativement les évolutions des différents profils élémentaires,
ceux-ci ont été normalisés au signal du verre. L’axe des abscisses correspond à la profondeur
d’abrasion déduite de la vitesse d’abrasion et de la profondeur du cratère (profilométrie 3D).
L’épaisseur d’altération en ToF-SIMS est d’environ 30 nm et 18 nm respectivement pour les
expériences CNaK et CS5a. Ces épaisseurs sont cohérentes avec celles obtenues par analyse de
solution.
Dans l’expérience CNaK, la pellicule d’altération est très appauvrie en lithium et en bore, ce
qui est bon accord avec les analyses de solution (Figure III-7). Le calcium est retenu au sein de la
pellicule, de même que l’aluminium et le zirconium dont les profils semblent même indiquer un
léger enrichissement. Ces éléments ont pu se recondenser après une dissolution totale du gel dans
les tout premiers instants. La plus forte rétention du calcium par rapport au sodium peut
s’expliquer par l’affinité des unités [AlO4]- et [ZrO6]2- à être compensées par le calcium plutôt que
par le sodium [10]. La pellicule d’altération semble aussi être enrichie en silicium par rapport au
signal du verre. Cet élément a probablement recondensé sous forme d’espèces plus polymérisées.
CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?
269
0,0
0,5
1,0
1,5
2,0
2,5
0 10 20 30 40
Profondeur (nm)
Inte
nsité
(u.
a.)
Li BNa CaZr AlSi
Figure III-8. Profils des éléments au sein de la pellicule d’altération dans l’expérience CNaK à 37 jours
d’altération, intensité normalisée au signal du verre.
0
5
10
15
20
25
30
35
0 10 20 30 40
Profondeur (nm)
Inte
nsité
(u.
a.) K
H
Figure III-9. Profils du potassium et de l’hydrogène au sein de la pellicule d’altération dans l’expérience
CNaK à 37 jours d’altération, intensité normalisée au signal du verre.
Dans l’expérience réalisée en solution bas pH, CS5a, les profils élémentaires sont différents de ceux
obtenus dans l’essai CNaK. Trois zones sont clairement distinctes :
- les deux premiers nanomètres correspondent à une couche de verre altéré très fortement
enrichi en calcium. Cette couche est dépourvue de sodium et de lithium alors que le silicium
semble s’y recondenser,
- entre 2 et 7 nm de profondeur, il s’agit d’une couche de verre altéré où le calcium exogène
présente plus de difficulté à pénétrer. Le sodium est partiellement retenu ainsi que tous les autres
éléments hormis le lithium qui présente un profil linéaire encore très appauvri,
CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?
270
- entre 7 nm et l’interface avec le verre sain à 18 nm, les profils des éléments du verre ne
reviennent que progressivement à leur teneur dans le verre sain. Ce léger déficit est compensé par
le calcium qui pénètre alors jusqu’à l’interface avec le verre sain (Figure III-11 (b)).
0,0
0,5
1,0
1,5
2,0
2,5
0 5 10 15 20
Profondeur (nm)
Inte
nsité
(u.
a.)
Li BNa CaZr AlSi
Figure III-10. Profils des éléments au sein de la pellicule d’altération dans l’expérience CS5a à 37 jours
d’altération, intensité normalisée à la composition du verre.
(a)
0
4
8
12
16
0 5 10 15 20
Profondeur (nm)
Inte
nsité
(u.
a.) K
H
(b)
0,5
0,7
0,9
1,1
1,3
1,5
0 5 10 15 20
Profondeur (nm)
Inte
nsité
(u.
a.)
Li B
Ca Al
Si
Figure III-11. (a) Profils du potassium et de l’hydrogène au sein de la pellicule d’altération dans l’expérience
CS5a à 37 jours d’altération, intensité normalisée à la composition du verre. (b) Représentation de la Figure
III-10 avec la teneur nominale du verre égale à 1.
L’élément le plus lixivié au sein de la couche d’altération est le lithium, ce qui confirme
l’analyse de solution et notre choix pour ce traceur. Le profil du bore est en effet différent de celui
du lithium indiquant une rétention importante du bore au sein de la couche d’altération. Cette
observation nous permet donc d’affirmer que la différence d’épaisseurs équivalentes entre le
lithium et le bore est, en partie, due à une rétention du bore au sein du gel. Il est néanmoins
possible qu’une fraction du bore lixivié ait réagit avec le calcium pour former, par exemple, des
borates de calcium.
CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?
271
Le profil du zirconium montre une décroissance linéaire au sein du gel alors que cet
élément reste dans la pellicule d’altération, voire se recondense, dans le cas de l’expérience CNaK.
D’après la littérature, ce comportement est lié à la fois au pH basique et à la teneur en calcium en
solution [12, 13]. En effet, la solubilité de l’hydroxyde de zirconium augmente avec la basicité du
milieu [11, 12]. En présence de calcium à des pH compris entre 10 et 12 à 25 °C, il se forme un
complexe ternaire Ca-ZrIV-OH qui augmente la solubilité de Zr(OH)4 suivant la réaction
suivante [13] :
[ ] ++− ↔++ 463
24 )(32)()( OHZrCaCaOHsOHZr
L’étude de la solubilité de Zr(OH)4 en fonction du milieu permet de mettre en évidence que la
présence de NaOH-NaCl jusqu’à pH 12 n’a aucune effet sur le solubilité de Zr(OH)4 alors que dans
une solution de CaCl2, suivant la concentration, la solubilité de Zr(OH)4 augmente brutalement de
plusieurs ordre de grandeur (Figure III-12). La différence de profil du zirconium au sein de la
pellicule d’altération est donc fonction du pH de la solution mais surtout de la présence et de la
teneur en calcium dans la solution lixiviante. En présence de calcium à pH supérieur à 10, le
zirconium forme un complexe avec le calcium.
Figure III-12. Solubilité de ZrO2.xH2O(s) dans NaClO4, NaCl, et CaCl2 à 20-25 °C, d’après Brendebach [12].
L’aluminium est retenu au sein du gel, son intensité normalisée est proche de 1. Cependant,
contrairement à l’altération en NaOH / KOH, ici l’aluminium ne se recondense pas. L’aluminium
peut être un élément mobilisé dans des phases cimentaires. Il est possible que la pénétration d’une
teneur importante en calcium empêche la recondensation de l’aluminium, contrairement à
l’expérience CNaK.
La rétention de l’aluminium au sein de la pellicule d’altération provient de l’incorporation du
calcium qui agit comme compensateur de charge, préférentiellement au sodium qui lui est lixivié.
C’est la pénétration du calcium au sein de la pellicule d’altération à ce pH qui apparaît induire ces
profils élémentaires spécifiques (Al, Si, Zr…).
CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?
272
Le profil du silicium au sein du gel est à peu près constant et sa teneur est proche de celle
dans le verre. Une légère augmentation est observable autour des deux premiers nanomètres,
correspondant à la zone d’enrichissement en calcium.
Le profil du calcium montre que celui-ci pénètre de façon importante dans la pellicule
d’altération. Le calcium est donc consommé via deux mécanismes distincts puisqu’il forme
également des phases C-S-H en surface des grains de verre.
A titre indicatif, nous pouvons estimer la densité d’atomes de calcium par nm3 en supposant que
tout le calcium consommé en solution pénètre dans la pellicule d’altération et comparer cette
valeur à d’autres études.
Pour référence, dans un verre simplifié à six oxydes (en %mol : 60SiO2-12B2O3-16Na2O-4Al2O3-6CaO-
2ZrO2), la densité d’atomes de calcium par nm3 est de 0,5 pour une densité d’atomes de 25 par nm3.
Chave et al. [13] étudient la réactivité de l’interface verre / solution dans une solution riche en
calcium à pH 8,7 à 90 °C. Le verre dépourvu de calcium (en %mol : 64SiO2-13B2O3-17Na2O-4Al2O3-
2ZrO2) est pré-altéré en eau désionisée pendant 70 jours à 80 cm-1 et à 90 °C, il se forme alors une
pellicule d’altération peu passivante. A cette échéance est ajouté du calcium qui va être
partiellement consommé, entraînant une forte chute de vitesse. Une caractérisation en ToF-SIMS
montre l’incorporation du calcium au sein de la pellicule de verre pré-altéré et une teneur qui
augmente avec la profondeur de la pellicule d’altération. A partir de leurs données, la densité
moyenne d’atomes de calcium par nm3 au sein de la pellicule de gel est de 1,31. Cette valeur est 2,6
fois plus élevée que celle du verre à six oxydes. Dans cette étude, la densité en calcium est
beaucoup plus importante à cause de l’appauvrissement du gel en éléments du verre qui permet la
pénétration du calcium de la solution en quantité significative.
Dans l’expérience CS5a après 37 jours d’altération et en supposant que tout le calcium consommé
ait pénétré dans la pellicule d’altération, la densité d’atomes de calcium par nm3 dans le gel serait
de 1,75. Cette valeur calculée est plus élevée que la valeur précédente de 1,3. Compte tenu d’une
consommation partielle du calcium par la précipitation de C-S-H, la densité de calcium est donc
cohérente avec les données de Chave et al. [13], le gel est bien fortement enrichi en calcium.
Il est à présent intéressant de suivre l’évolution de la densité de calcium au sein de la
pellicule de verre altéré en faisant toujours l’hypothèse que tout le calcium consommé a pénétré
dans le gel. La Figure III-13 met en évidence la corrélation entre la densité d’atomes de calcium
dans le gel et l’épaisseur de celui-ci : la densité d’atomes de calcium dans le gel diminue
linéairement avec l’augmentation de l’épaisseur du gel.
CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?
273
y = -0,1268x + 3,1786R2 = 0,9819
0,0
0,5
1,0
1,5
2,0
2,5
3,0
0 5 10 15 20 25 30
EE(Li) (nm)
Den
sité
ato
mes
de
calc
ium
/ nm
3
CS5CS5a
Figure III-13. Corrélation de la densité moyenne de calcium au sein de la pellicule de verre altéré et de
l’épaisseur de verre altéré en lithium pour les expériences CS5 et CS5a.
La Figure III-14 représente la consommation de calcium en solution et sa densité dans le gel
au cours du temps. Il apparaît que la concentration de calcium reste constante entre 25 et 143 jours
environ, sa concentration est probablement à l’équilibre vis-à-vis du gel ou bien d’une autre phase.
Cependant la densité du calcium, elle, diminue au sein du gel et l’épaisseur de verre altéré
augmente. Cela signifie que malgré la poursuite de lixiviation du verre, le calcium ne pénètre plus
dans le gel ou plus difficilement. Cette remarque est en accord avec les gradients de calcium
obtenus en ToF-SIMS. Une hypothèse peut être formulée à ce stade : une zone externe riche en
calcium limite le transport des espèces réactives jusqu’au verre sain.
La pénétration du calcium en quantité importante au début de l’altération conduit à une
chute de vitesse. Par la suite, le calcium ne pénètre plus dans la pellicule d’altération, le seul
mécanisme d’altération effectif semble alors être l’interdiffusion au vu des profils ToF-SIMS.
L’altération se poursuit à de très faibles valeurs de vitesse, la pénétration du calcium n’est plus
détectable, ce qui est en cohérence avec les Figure III-13 et Figure III-14.
-30
-25
-20
-15
-10
-5
0
0 100 200 300 400
Temps (j)
Con
som
mat
ion
du C
a (m
g.L
-1)
0,0
0,5
1,0
1,5
2,0
2,5
3,0Consommation Ca - CS5
Consommation Ca - CS5a
CS5_Densité Ca par nm3
CS5a_Densité Ca par nm3
Den
sité
ato
mes
de
Ca
/ nm
3
Figure III-14. Evolution de la variation de concentration en calcium en solution et de la densité moyenne de
calcium au sein de la pellicule d’altération.
CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?
274
Remarquons que les points correspondants à l’expérience CS5a sont dans l’alignement de ceux de
l’expérience CS5 ce qui valide le caractère reproductible de l’expérience.
III.2.3. Discussion
A pH identique, le verre CSD-B présente des épaisseurs d’altération 1,6 fois plus faibles en
solution bas pH qu’en solution NaOH / KOH. La composition de la solution, notamment le
calcium, est à l’origine de cette diminution. Les caractérisations en MEB et en ToF-SIMS mettent en
évidence que la consommation partielle du calcium de la solution est due (i) à la précipitation de
C-S-H et (ii) à son incorporation au sein de la pellicule d’altération.
Malgré la précipitation d’une partie du calcium sous forme de C-S-H, sa pénétration dans les
premiers nanomètres du gel :
- engendre une rétention spécifique des éléments du verre, notamment du bore,
- empêche la recondensation d’espèces peu solubles (Zr, Al),
- conduit à la diminution de son incorporation (maintien de la concentration en calcium de la
solution avec l’augmentation de l’épaisseur de verre altéré).
Ces phénomènes suggèrent que cette couche enrichie en calcium inhibe les mécanismes
d’hydrolyse et d’interdiffusion.
Les profils spécifiques du lithium et du calcium dans les deux expériences CS5a et CNaK
sont schématisés en Figure III-15. Le décrochement du lithium correspond au front
d’interdiffusion. En solution NaOH / KOH, le calcium du verre est partiellement retenu et le
décrochement du lithium correspond à l’interface avec le verre sain. En revanche, dans l’expérience
CS5, le profil du lithium décroche bien avant l’interface avec le verre sain, ce qui signifie que le
calcium modifie probablement la morphologie de la pellicule d’altération (possible diminution de
la taille des pores ou de la tortuosité), ce qui limite l’échange interdiffusionnel.
Les profils ToF-SIMS en solution S5 en régime de chute de vitesse indiquent une
incorporation du calcium en surface du gel et un léger enrichissement en silicium. Ces observations
sont cohérentes avec les éléments de la littérature pour comprendre l’origine du mécanisme de
passivation en régime de vitesse initiale en solution riche en calcium (Chapitre IV, § III.). Ces fortes
(a) (b)
Figure III-15. Comparaison des profils élémentaires en lithium et calcium dans les expériences (a) CNaK et
(b) CS5.
CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?
275
similarités suggèrent que le mécanisme de passivation est de même nature dans ces deux
expériences. La passivation née de l’incorporation significative du calcium dans les premiers
nanomètres de la pellicule d’altération semble possible dans ces deux essais, en tenant compte du
pH et des rapports S/V :
En régime de vitesse initiale en solution S2, le pH fortement basique (11,7 à 50 °C) favorise
une dissolution importante du verre. Cependant, étant donné le très faible rapport S/V, le flux de
silicium est peu important. L’état de sursaturation de la solution n’est alors pas favorable à la
nucléation de C-S-H dans les premiers instants : le mécanisme d’incorporation du calcium est donc
prépondérant. La couche constitue alors un frein diffusionnel limitant le flux de silicium et donc la
probabilité de formation de C-S-H.
A l’inverse, en régime de chute de vitesse en solution S5, le pH de la solution est plus faible
qu’en solution S2 (10,3 à 50 °C). La solubilité du verre est donc sensiblement diminuée et le flux de
silicium également, bien qu’il s’agisse du régime de chute de vitesse. La formation de C-S-H
indique cependant que l’état de sursaturation nécessaire à la nucléation / croissance de cette phase
a été atteint. Parallèlement à la précipitation de C-S-H, le calcium pénètre dans le gel. Lorsque la
solubilité diminue par consommation d’une fraction de calcium et de silicium, le degré de
saturation de la solution vis-à-vis des C-S-H diminue. Le mécanisme d’incorporation et de frein
diffusionnel est alors prépondérant.
Ces observations sont représentées en Figure III-16 sous forme de schémas d’évolution des
mécanismes en fonction de l’avancée de l’altération pour les essais SS2-50 et CS5.
Essai à très faible rapport S/V en solution S2 : SS2-50 Légende
Essai à fort rapport S/V (200 cm-1) en solution S5 : CS5
Figure III-16. Schémas d’évolution des mécanismes des essais SS2-50 en régime initial et CS5 en régime de
chute de vitesse. Les paramètres de la légende sont fixés arbitrairement.
CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?
276
La composition de la solution bas pH présente un effet favorable sur l’altération du verre par
l’incorporation du calcium au sein de la pellicule d’altération qui constitue un frein
diffusionnel. Ces essais confirment le mécanisme décrit au chapitre IV.
Il convient à présent de comparer les cinétiques et les degrés d’altération du verre dans les
différentes solutions cimentaires pour comparer la solution S5 aux solutions S1 et S2 issues de la
dégradation du ciment Portland.
III.3. Effet des différentes solutions cimentaires sur l’altération du verre
La Figure III-17 (a) représente les pertes de masse normalisées en lithium pour les quatre
expériences CS1, CS2, CS5 et CEP. Les conditions expérimentales sont identiques, seules les
solutions d’altération changent (composition chimique et pH) ainsi que les échéances de
prélèvement, précisées dans le Tableau III-4. Le cas de l’expérience CS1 est particulier puisqu’après
177 jours d’altération, un régime de reprise d’altération débute. Ici, nous considérerons donc l’essai
CS1 jusqu’à cette échéance uniquement.
Les incertitudes sur les pertes de masse normalisées dans les différentes expériences sont
significativement différentes au cours du temps (Figure III-17 (a)). Aux échéances considérées, le
verre CSD-B s’altère 3,3 fois et 2,9 fois plus respectivement en solution S1 et S2 par rapport à une
altération en solution S5. Le pH de la solution S5 est moins élevé que celui des solutions
cimentaires représentant les deux premiers stades de dégradation d’un ciment CEM I (Figure III-17
(b)). Ce paramètre contribue à la diminution de degré d’altération du verre pour une même
échéance.
(a)
0,00
0,05
0,10
0,15
0,20
0,25
0,30
0 100 200 300 400 500 600 700
Temps (j)
NL(
Li)
(g.m
-2)
S1
S2
S5
Eau pure
(b)
9
10
11
12
13
0 100 200 300 400 500 600 700Temps (j)
pH (
50°C
)
S1
S2
S5
Eau pure
Figure III-17. (a) Evolution de l’altération du verre CSD-B dans les différentes eaux cimentaires S1, S2, S5 et
en eau désionisée à 50°C, (b) évolution des pH de ces mêmes solutions durant l’altération à 50°C.
Cependant, au cours de cette étude, nous avons mis en évidence le rôle prépondérant du
calcium sur l’altération du verre. Dans les chutes de vitesse réalisées en solution S1 et S2 à un
rapport S/V de 200 cm-1, le calcium est très rapidement consommé pour former des phases
cimentaires, la chute de vitesse est alors équivalente à celle observée en l’absence de calcium. Il
Eau désionisée
Eau désionisée
CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?
277
convient donc de comparer les chutes de vitesse des expériences en présence de Portlandite (SS1P-
50 et SS2P-50) pour rendre compte de l’effet du calcium à plus long terme.
Le pourcentage de verre altéré (déduit du lithium dissous) dans l’expérience CS5 est 25 et 35 fois
plus faible que dans les essais SS1P-50 et SS2P-50 respectivement (Tableau III-4). De même, les
épaisseurs d’altération dans les expériences SS1P-50 et SS2P-50 sont supérieures au micron alors
qu’en solution bas pH, à une échéance supérieure, elles sont de l’ordre de 26 nm, soit deux ordres
de grandeurs inférieures. D’un point de vue des cinétiques, les vitesses d’altération en solutions
cimentaires S1 et S2 sont également supérieures à celle en solution S5 de deux ordres de grandeur.
Ainsi, la composition chimique et le pH de la solution S5 permet de fortement réduire le degré
d’altération du verre ainsi que sa vitesse d’altération à moyen terme par rapport aux solutions
cimentaires S1 et S2.
Tableau III-4. Caractéristiques des cinétiques d’altération des expériences CS1, SS1P-50, CS2, SS2P-50, CS5,
et CEP : vitesse d’altération V(Li), pourcentage de verre altéré VA(Li), épaisseur équivalente EE(Li). Les
intervalles de temps utilisés pour estimer les vitesses ainsi que les échéances auxquelles sont données VA(Li)
et EE(Li) sont indiqués. La vitesse d’altération dans le test SS1P-50 est celle en bore.
Référence Intervalle
de temps (j)
V(Li)
(g.m-2.j-1)
Echéance
(j)
VA(Li)
(%)
EE(Li)
(nm)
CS1 123 - 269 2,5.10-4 ± 71,3 % 269 3,84 84,7
SS1P-50 226 - 344 V(B)
4,0.10-3 ± 38,7 % 344 29,70 1315
CS2 177 - 647 3,7.10-5 ± 56,3 % 647 3,40 75,0
SS2P-50 226 - 344 4,1.10-3 ± 18,6 % 344 41,87 1963
CS5 142 - 613 3,2.10-5 ± 12,5 % 613 1,17 25,6
CEP 142 - 613 5,8.10-5 ± 31,9 % 613 1,82 44,8
Ces différences d’altération sont dues (i) au pH et (ii) aux conditions chimiques induites par
l’utilisation d’un rapport S/V élevé. Dans la gamme de pH des solutions S1 et S2, la dissolution de
la silice augmente fortement. Le fort rapport S/V de 200 cm-1 engendre alors un flux de silicium (et
d’autres éléments du verre) suffisamment important pour atteindre un état de sursaturation qui
permette la nucléation / croissance de phases cimentaires consommatrices d’éléments formateurs
de la pellicule d’altération. En effet, le temps d’induction avant précipitation de C-S-H diminue
exponentiellement avec l’augmentation du degré de sursaturation de la solution (Figure III-18). A
ce stade, bien qu’une proportion du calcium se soit insérée dans les premiers nanomètres de la
pellicule d’altération, son effet est négligeable par rapport à celui de précipitation de phases
secondaires.
En solution S5, le pH étant relativement plus faible (d’au moins deux unités), il limite (i) la
dissolution de la silice et (ii) la formation de C-S-H. Dans ces conditions, ce sont des C-S-H de faible
rapport C/S qui sont susceptibles de précipiter.
CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?
278
Figure III-18. Variation du temps d'induction tind avant précipitation des germes de C-S-H en fonction du
degré de sursaturation ββββ de la solution dans le cas de la nucléation homogène de C-S-H, d’après
Garrault-Gauffinet [14].
IV. Conclusion
L’étude de l’altération du verre en solution bas pH rend compte de l’effet favorable de cette
solution comparativement aux solutions cimentaires S1 et S2 vis-à-vis de l’altération des verres.
Les caractérisations en ToF-SIMS ainsi que les évolutions de densité d’atomes de calcium au sein
du gel mettent en évidence que l’incorporation du calcium dans les premiers nanomètres du gel
constitue une barrière diffusionnelle. Ces caractérisations apportent des éléments de validation du
mécanisme d’incorporation du calcium intuité au chapitre V.
Deux paramètres clés sont à l’origine de ce mécanisme : le pH et le rapport S/V.
Comparativement aux solutions S1 et S2, le pH de la solution interstitielle d’un ciment bas pH est
entre 1,5 et 2 unités inférieur. Ainsi, à un même rapport S/V, le flux de silicium est beaucoup plus
faible en solution bas pH qu’en eaux cimentaires. Dans ces dernières, l’atteinte de la saturation vis-
à-vis des C-S-H conduit à une dissolution importante et continue du verre alors qu’en solution bas
pH, une fraction du calcium s’incorpore pour constituer une couche passivante à l’interface
verre / solution.
Ainsi, en solution bas pH, le calcium présente la capacité de s’incorporer au sein de la
pellicule d’altération, engendrant ainsi une forte chute de vitesse et un très faible degré d’altération
du verre. D’un point de vue de la réactivité chimique avec le verre, le ciment bas pH semble être un
matériau qui garantisse une plus longue durabilité du verre que le ciment Portland.
CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?
279
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d'hydratation des silicates tricalcique et dicalcique. Thèse de l'Université de Bourgogne.
CHAPITRE VII - Le ciment bas pH, une alternative ?
280
281
CHAPITRE VIII. DISCUSSION
I. Paramètres clés et mécanismes d’altération du verre en présence de calcium.........................283
I.1. Influence du calcium à très faible rapport S/V........................................................................283
I.1.1. Influence du calcium à pH basique ...................................................................................283
I.1.2. Influence du calcium à pH neutre et inférieur à 10,5 .......................................................284
I.2. Influence du calcium à fort rapport S/V...................................................................................285
I.2.1. Littérature sur l’influence du calcium à pH neutre et légèrement basique.......................285
I.2.2. Essais en solution cimentaire avec ou sans Portlandite....................................................285
I.3. Compétition des mécanismes....................................................................................................286
II. Phénoménologie liée à la précipitation de phases secondaires : similitudes et différences
entre les zéolithes et les C-S-H.................................................................................................................288
II.1. Structures et caractéristiques de ces phases ............................................................................288
II.2. Formation de zéolithes et de C-S-H : mécanisme de nucléation / croissance.....................288
II.3. Influence de la précipitation de C-S-H et de zéolithes sur l’altération du verre................289
II.4. Phénomènes limitants au cours d’altération en présence de C-S-H et de zéolithes ..........291
II.5. Paramètres clés pilotant les mécanismes d’altération............................................................293
III. Figures de dissolution du verre, une analogie avec la dissolution des cristaux ? ...................295
III.1. Théorie de la dissolution des cristaux ......................................................................................295
III.2. Observations de figures de dissolution....................................................................................297
IV. Perspectives de l’étude........................................................................................................................300
Références bibliographiques....................................................................................................................302
CHAPITRE VIII – Discussion
282
Les précédents chapitres exposent le comportement du verre lixivié dans deux eaux
cimentaires représentatives du ciment Portland ainsi que dans une solution à l’équilibre avec un
ciment bas pH. Les différents régimes étudiés révèlent des mécanismes clés à l’origine des
cinétiques d’altération, où la chimie et la composition des eaux cimentaires jouent un rôle
fondamental.
La première partie de cette discussion s’attache à mettre en lien les chapitres IV et V portant
sur l’influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en régime de vitesse initiale et de
chute de vitesse. Dans ces deux régimes, la présence de calcium joue un rôle prépondérant suivant
le rapport S/V ainsi que le pH de la solution.
La deuxième partie traite des similitudes et des différences entre les deux phases
principales secondaires formées, les zéolithes et les C-S-H, sur les mécanismes et les cinétiques
d’altération du verre. Nous verrons alors qu’elles présentent de nombreux points communs et qu’il
est possible de déterminer des paramètres clés qui vont piloter les mécanismes à l’origine des
cinétiques.
Enfin, la dernière partie aborde une thématique particulière à laquelle nous avons fait
référence dans les différents chapitres : les figures de dissolution. Nous en avons observé de façon
systématique dans notre système, quelles qu’étaient les conditions d’altération. Nous nous
appuierons sur la théorie de la dissolution des cristaux pour apporter des éléments de réflexion.
CHAPITRE VIII – Discussion
283
Au travers des différents chapitres, nous avons vu que la phénoménologie de l’altération du
verre en milieu cimentaire était complexe. Suivant le régime d’altération considéré et la nature des
eaux cimentaires, la composition de la solution conduit à des cinétiques d’altération très variées.
Nous avons proposé pour chacune d’elles des mécanismes pouvant être à l’origine de ces
évolutions. Ces mécanismes reposent sur un certains nombre d’hypothèses et s’appuient sur les
données de la littérature, issue aussi bien du domaine du verre que du ciment. Dans ce chapitre de
discussion, nous allons tâcher de mettre en lumière les points communs et les paramètres clés de
ces systèmes, si différents et pourtant pilotés par des mécanismes similaires. La modélisation
thermodynamique ainsi qu’un certain nombre de caractérisations seraient nécessaires à la
validation de ces mécanismes, nous aborderons ce point au cours de la discussion. L’ensemble sera
ensuite repris dans la conclusion et les perspectives.
I. Paramètres clés et mécanismes d’altération du verre en
présence de calcium
Les chapitres IV et V traitent de l’influence des eaux cimentaires sur l’altération du verre en
régime de vitesse initiale et de chute de vitesse. Les résultats expérimentaux mettent clairement en
évidence le rôle prépondérant du calcium sur les mécanismes et les cinétiques d’altération. Dans
nos conditions expérimentales, la présence de calcium engendre des effets favorables en régime de
vitesse initiale alors qu’en régime de chute de vitesse, le maintien de sa teneur en solution
représente un effet néfaste pour la durabilité du verre à long terme.
Cette partie vise à mettre en parallèle l’influence du calcium en fonction du régime
d’altération, que l'on appréhende expérimentalement en jouant sur le rapport S/V, mais également
sur le pH de la solution altérante. Nous allons tenter de montrer qu’à partir de ces paramètres, les
mécanismes proposés permettent de rendre compte des cinétiques observées.
I.1. Influence du calcium à très faible rapport S/V
I.1.1. Influence du calcium à pH basique
Le résultat majeur obtenu en régime initial est la diminution d’un ordre de grandeur de la
vitesse initiale par rapport à celle mesurée au même pH en milieu KOH. La détermination de
vitesses initiales via le protocole d’altération en mode statique à très faible rapport S/V reste
difficile dans nos conditions expérimentales, ce qui rend les mesures entachées d'erreurs
importantes. Cependant, lors de l’altération du verre en présence de Portlandite et à plus fort
rapport S/V (10 cm-1), le régime de vitesse initiale se maintient pendant plusieurs jours, voire
plusieurs dizaines de jours. Bien que les vitesses déterminées par ce protocole soient plus élevées
que celles déterminées à très faible rapport S/V, elles restent bien inférieures à celles obtenues dans
le milieu de référence (KOH), d’un facteur 7 minimum.
Le calcium présent en solution est à l’origine de cette diminution de vitesse. Au
chapitre IV (§ III.1.3.), le mécanisme retenu pour expliquer ce résultat se base sur la littérature issue
CHAPITRE VIII – Discussion
284
aussi bien du verre que du ciment. Le mécanisme se résume ainsi : à pH basique (domaine
d’existence des C-S-H), le calcium qui pénètre au sein de la couche de gel interagit avec le silicium
et modifie les propriétés structurales et / ou morphologiques du gel et donc ses propriétés de
transport.
Différentes expériences ont permis de conforter l’existence ainsi que la nature de ce mécanisme :
Au chapitre V (§ IV.3.), nous expliquons pourquoi, à un rapport S/V de 10 cm-1 en présence
de Portlandite, un régime de vitesse se maintient pendant plusieurs jours, voire dizaines de jours.
A ce rapport S/V, le flux d’éléments sortant du verre semble suffisamment important pour que des
phases cimentaires se forment en faible quantité avec le calcium en solution, sans pour autant
présenter d’effet inhibiteur sur la dissolution du verre. Ce premier mécanisme permet de
comprendre que, si le rapport S/V est suffisamment élevé, les phases secondaires précipitent et
conduisent à une dissolution continue du verre. Cependant, cette vitesse initiale reste inférieure
d’un facteur 7 à la vitesse initiale en eau à pH ajusté. Cette expérience met en évidence l’existence
d’un autre mécanisme à l’origine de cette diminution : l’incorporation du calcium au sein du gel
conduisant à une interaction forte avec le silicium et une diminution de la vitesse initiale.
Le chapitre VII concernant l’influence d’une eau à l’équilibre avec un ciment bas pH sur
l’altération du verre en régime de chute de vitesse apporte des éléments qui corroborent ce
mécanisme. Nous montrons que la consommation partielle du calcium de la solution est due (i) à la
précipitation de C-S-H et (ii) à son incorporation au sein de la pellicule d’altération. Le profil
ToF-SIMS ainsi que les analyses de solution montrent que la couche de gel enrichie en calcium en
surface (i) entraîne une rétention des éléments du verre, (ii) limite les échanges entre le verre et la
solution et (iii) inhibe les mécanismes d’hydrolyse des liaisons pontantes Si-O mais également
d’interdiffusion, au vu des profils du lithium, en modifiant probablement la morphologie de la
pellicule d’altération.
D’après le chapitre IV qui relève d’une étude plus paramétrique sur une large gamme de
pH, il a été mis en avant que le mécanisme par lequel agissait le calcium était un mécanisme
volumique et non surfacique, ce qui a été confirmé lors de l’étude de l’influence des variations de
concentrations en calcium. Les caractérisations XPS montrent que la couche en surface du gel est
fortement enrichie en calcium.
D’après l’ensemble des résultats des essais réalisés dans différentes conditions d’altération,
le calcium joue bien un rôle fondamental sur les mécanismes et les cinétiques d’altération du verre.
I.1.2. Influence du calcium à pH neutre et inférieur à 10,5
A un pH inférieur à 10,5, le calcium augmente l’altération du verre par rapport à des essais
de référence au même pH. Grâce à des travaux de la littérature portant sur des minéraux silicatés
en régime initial, il a été possible de rendre compte de l’augmentation de la vitesse initiale en
présence de calcium. Le pH et la composition de la solution engendrent une spéciation
particulière de la surface du verre mettant en jeu des réactions de complexation du calcium avec
les sites de surface du verre. Le calcium engendre un nombre de sites métalliques de surface plus
CHAPITRE VIII – Discussion
285
important que le potassium au même pH [1, 2] qui affaiblissent la liaison Si-O. C’est la raison pour
laquelle le calcium augmente la fréquence d’hydrolyse de la liaison Si-O et par là même,
l’altération du verre par rapport au milieu KOH au même pH.
I.2. Influence du calcium à fort rapport S/V
I.2.1. Littérature sur l’influence du calcium à pH neutre et légèrement basique
Divers auteurs ont étudié l’effet de la composition du verre sur les cinétiques d’altération
[3-5]. Ces études réalisées sur des verres simples mettent en évidence le rôle du calcium sur
l’altération du verre en régime de vitesse résiduelle.
A pH neutre et en régime de chute de vitesse ou de vitesse résiduelle, le calcium est connu
pour être un élément structurant du gel [6, 7]. Il joue un rôle majeur dans le processus de
restructuration du gel par la synergie qu’il développe avec l’aluminium et le zirconium. L’ajout
d’aluminium ou de zirconium à un verre quaternaire (en %mol : 62,0SiO2-19,1B2O3-13,4Na2O-
5,5CaO) conduit à de fortes chutes de vitesse et une diminution significative de la vitesse résiduelle
[5]. Sans ces éléments, l’altération du verre quaternaire en eau désionisée à 90 °C (pH 9,2) conduit à
la précipitation de C-S-H et donc à un régime de reprise d’altération [5].
Des caractérisations en RMN du 43Ca montrent qu’à pH neutre, l’environnement local du
calcium provenant de la solution et s’insérant dans le gel est le même que dans le verre [8]. Des
expériences de lixiviation sur des verres simples sans calcium dans des solutions de différentes
concentrations en calcium rendent compte que cet élément présente le même effet lorsqu’il
provient du verre ou de la solution à pH neutre [9] : une diminution de la vitesse d’altération.
Chave et al. [9] montrent que l’ajout de calcium en solution sur un verre pré-altéré exempt
de calcium conduit à une diminution des cinétiques et que celle-ci est d’autant plus importante que
la concentration en calcium augmente. La consommation de calcium est donc dépendante de la
quantité de verre altéré.
Des expériences d’altération réalisées sur deux verres simples, à quatre oxydes
(en %mol : 62,0SiO2-19,1B2O3-13,4Na2O-5,5CaO) et cinq oxydes (en %mol : 59,8SiO2-18,5B2O3-
12,9Na2O-5,3CaO-3,5ZrO2), à pH imposé entre 7 et 10 à 90 °C, rendent compte de la variation de
l’interaction du calcium avec les éléments du verre en fonction du pH [4]. A pH inférieur à 8, le
calcium interagit principalement avec les autres éléments structurants du gel (zirconium,
aluminium). Au-delà de pH 9, le calcium commence à interagir avec le silicium. A pH 9, il semble
qu’il y ait une interaction Si-Ca au sein du gel alors qu’à pH 10, des C-S-H précipitent et
engendrent une reprise d’altération.
I.2.2. Essais en solution cimentaire avec ou sans Portlandite
L’ensemble des résultats dont nous allons discuter est issu du chapitre V concernant
l’influence du calcium sur l’altération du verre en régime de chute de vitesse.
CHAPITRE VIII – Discussion
286
Quelle que soit l’expérience, en eaux cimentaires avec ou sans Portlandite en solution, le
calcium réagit avec le silicium lixivié pour former des C-S-H. La consommation très rapide du
calcium dans les essais sans Portlandite nous a conduits à réaliser des essais en maintenant
constante la concentration en calcium afin de mettre en évidence l’influence de cet élément sur
l’altération du verre à long terme. Ces essais sont riches d’enseignement puisqu’ils mettent en
évidence la consommation des éléments lixiviés du verre (Si, Al, Zr, B…) par la formation de
phases cimentaires, caractérisées au MEB et à la DRX. Le maintien de la concentration en calcium
conduit donc à la non recondensation des éléments mobilisés dans les phases cimentaires et à
l’altération continue du verre pour maintenir les activités de ces éléments en solution.
Rappelons néanmoins que le recouvrement par les C-S-H de la surface des grains de verre
engendre un changement de cinétique. Ces phases, consommatrices des éléments du verre, créent
elles-mêmes un frein au transport des espèces réactives, similaire à celui observé lors de
l’hydratation de C3S. Ce frein est cependant très progressif car les vitesses à long terme restent
élevées.
I.3. Compétition des mécanismes
Après avoir rappelé les mécanismes à l’origine des cinétiques d’altération à faible et à fort
rapport S/V en fonction du pH, nous allons montrer comment les paramètres clés mettent en
compétition ces mécanismes d’altération du verre.
En simplifiant notre système, nous pouvons présenter quatre cas d’altération différents suivant les
paramètres (S/V,pH) en présence de calcium :
A pH neutre et à très faible rapport S/V : le flux de silicium est trop faible pour recondenser
efficacement à la surface du verre. Le calcium en solution se sorbe alors sur les sites de surface du
verre et crée des complexes métalliques qui favorisent l’hydrolyse de la liaison Si-O à une
fréquence supérieure à celle d’un milieu de référence en KOH.
A pH basique et à très faible rapport S/V : le flux de silicium est trop faible dans ce cas pour
permettre la nucléation de germes de C-S-H. Le calcium pénètre alors dans la couche de gel et
conduit à une rétention des éléments au sein du gel par une synergie Si-Ca. L’altération se poursuit
principalement par un mécanisme d’interdiffusion à travers la couche de gel enrichie en calcium.
A pH neutre et légèrement basique et à fort rapport S/V : ces conditions sont optimales pour
former un gel passivant puisque les concentrations augmentent rapidement en solution. Le calcium
de la solution participe alors à la restructuration de ce gel en interaction avec les éléments
formateurs du réseau vitreux. L’altération se poursuit principalement par un mécanisme
d’interdiffusion à travers ce gel.
A pH basique et à fort rapport S/V : le flux de silicium sortant du verre est tel que le degré
de sursaturation de la solution vis-à-vis des C-S-H est atteint instantanément. La précipitation de
ces phases engendre alors, via une consommation des éléments en solution, une dissolution du
verre. Malgré le frein diffusionnel que constitue la couche de C-S-H en surface des grains, le verre
continue de s’altérer à une vitesse élevée.
CHAPITRE VIII – Discussion
287
La Figure I-1 représente de façon schématique l’influence de ces deux paramètres, le pH et
le rapport S/V, sur les mécanismes d’altération du verre et donc sur la durabilité du verre. Il
apparaît clairement qu’une modification d’un de ces deux paramètres peut engendrer une
compétition entre ces différents mécanismes. On notera, par ailleurs, que l’ensemble de ces
mécanismes peut se produire de manière simultanée pour chaque condition.
Figure I-1. Schéma représentant les mécanismes qui pilotent l’altération du verre dans des solutions
chargées en calcium en fonction du rapport S/V et du pH de la solution. La couleur verte symbolise l’effet
favorable du calcium, à l’inverse, le rouge symbolise l’effet défavorable du calcium sur l’altération du verre.
Au chapitre IV (§ III.1.2.), en régime de vitesse initiale, nous avons montré que l’évolution de la
vitesse initiale en présence de calcium change brutalement autour de pH 10,5 et 11 à 50 °C. Entre
ces deux pH, les mécanismes de sorption en surface du verre et d’incorporation du calcium au sein
du gel dans la pellicule d’altération coexistent et sont en compétition.
Dans notre système plus spécifiquement, i.e. à pH basique, nous pouvons résumer de façon
simplifiée la phénoménologie de l’altération du verre en présence de calcium : si le flux de silicium
sortant est suffisant pour atteindre et maintenir un état de sursaturation qui permette la nucléation
de phases secondaires (C-S-H), alors la précipitation de ces phases pilotera la dissolution du verre,
via l’activité des éléments en solution.
Il est intéressant de remarquer, comme nous l’avons déjà souligné dans le chapitre V, les
fortes similitudes de mécanismes engendrés par la présence de magnésium et de calcium. A fort
rapport S/V, ces deux alcalino-terreux ont la particularité de, soit pénétrer au sein de la pellicule
d’altération, soit réagir avec les éléments lixiviés, entre autre le silicium, pour former des phases
secondaires. Il se trouve que le passage d’un mécanisme à l’autre est également fonction du pH
dans le cas du magnésium mais il dépend aussi du rapport S/V qui contrôle le flux d’éléments
sortant du verre et l’état de saturation de la solution.
CHAPITRE VIII – Discussion
288
II. Phénoménologie liée à la précipitation de phases secondaires :
similitudes et différences entre les zéolithes et les C-S-H
L’objet de cette partie est de mettre en évidence les liens étroits qui existent entre les
zéolithes et les C-S-H, deux types de phases secondaires susceptibles de se former au sein de notre
système. Au cours des chapitres V et VI, en étudiant l’influence des eaux cimentaires en régime de
chute de vitesse, nous avons également étudié l’effet de la formation de ces phases secondaires sur
l’altération du verre à long terme. Toutes deux nécessitent des éléments du verre pour se
développer, au détriment de celui-ci. Ces phases très différentes d’un point de vue structural,
présentent en réalité de nombreux points communs qui peuvent être appréhendés par une vision
globale de notre système.
Tout au long de cette partie, nous ferons référence à des résultats obtenus dans les chapitres
précédents. Ainsi, dans le cas des zéolithes, il convient de se référer au chapitre VI et dans les cas
des C-S-H, au chapitre V.
II.1. Structures et caractéristiques de ces phases
Les zéolithes sont des phases cristallines aluminosilicatées dont la structure
tridimensionnelle résulte de l’arrangement de tétraèdres de SiO4 et AlO4. Les C-S-H présentent un
mode d’organisation intermédiaire entre celui d’un cristal tridimensionnel et d’un solide amorphe
puisqu’ils forment un gel organisé sur quelques centaines de nanomètres.
Ces deux matériaux se définissent par un rapport stœchiométrique dépendant de la chimie de leur
environnement : le rapport Si/Al dans le cas des zéolithes et le rapport Ca/Si (C/S) pour les C-S-H.
Le rapport Si/Al des zéolithes est égal au minimum à un et peut prendre des valeurs allant jusqu’à
70 pour des zéolithes siliciques. Le rapport C/S des C-S-H varie entre 0,66 et 2, cet intervalle définit
le domaine d’existence de cette phase.
Leur rapport respectif est fonction du pH de la solution. Avec une diminution du pH, le rapport
Si/Al des zéolithes augmente et le rapport C/S des C-S-H diminue. La solubilité de la silice varie
fortement dans cette gamme de pH basique, ainsi avec une diminution du pH, la propension de la
silice à se recondenser augmente significativement, ce qui contribue à l’évolution de ces rapports.
D’un point de vue du pH, les domaines d’existence de ces deux phases se recouvrent en partie.
Les zéolithes identifiées au sein de notre système sont riches en potassium et en sodium, elles sont
de type phillipsite et merlinoite. Leurs rapports stœchiométriques, déterminés à une échéance
donnée, est compris entre 2,4 et 2,9 pour le rapport Si/Al et entre 0,7 et 1,2 pour le rapport Na/K.
Dans le cas des C-S-H, aucune détermination précise n’a pu être réalisée.
II.2. Formation de zéolithes et de C-S-H : mécanisme de
nucléation / croissance
Ces deux phases, bien que structurellement et chimiquement très différentes, se forment via
le même processus physico-chimique : la nucléation / croissance de nucléi. Un rappel théorique de
CHAPITRE VIII – Discussion
289
ces mécanismes a été donné au chapitre VI (§ I.1.3.1.), ils ont été ensuite approfondis dans les
chapitres respectifs traitant de ces phases.
Une différence importante entre ces deux phases est le temps d’induction antérieur au
processus de nucléation / croissance.
En milieu cimentaire, Garrault-Gauffinet [10] rapporte que le temps d’induction avant la
nucléation / croissance de C-S-H est trop court pour être mesurable lors de l’hydratation de C3S.
Dans notre système, la chute brutale de calcium dès le premier jour d’altération (S/V = 200 cm-1)
confirme que la précipitation des C-S-H est quasiment instantanée.
Le cas des zéolithes se révèle plus complexe. Suivant le rapport S/V et donc l’état de sursaturation
de la solution S1 à 50 °C, les cinétiques d’évolution sont totalement différentes. A des rapports S/V
supérieurs à 1000 cm-1, les zéolithes nucléent et croissent également très rapidement dès les
premiers jours (bien qu’elles n’aient pas été mises en évidence aux premières échéances, les
évolutions des concentrations le confirment). Cependant, à des rapports S/V inférieurs à 200 cm-1,
le temps d’induction varie notamment en fonction du rapport S/V. Globalement, à 80 cm-1, la
reprise d’altération a lieu après 600 jours d’altération alors qu’à 200 cm-1, elle se produit aux
alentours d’un an.
Cette différence est cruciale puisque la formation de ces phases peut piloter la dissolution du verre.
Nous y reviendrons par la suite.
Un point commun à ces deux phases dans notre système est le type de nucléation par lequel
elle se forme : par nucléation hétérogène. En effet, toutes deux nucléent à la surface des grains de
verre. Il a été observé également que les C-S-H pouvaient se développer en surface d’amas de
Portlandite (essai SS2P-30, chapitre V, § III.3.2.2.). Suivant le mode de croissance des C-S-H, ceux-ci
peuvent rapidement recouvrir la surface des grains de verre, au même titre que les grains d’alite
lors de l’hydratation du ciment. Les zéolithes croissent sous forme de bâtonnets à partir de
l’interface verre / solution. Dans le cas de reprise d’altération, la nucléation spontanée engendre la
formation d’un grand nombre de cristaux qui forment alors une couche relativement dense en
surface des grains de verre.
Leur croissance par la suite dépend de divers paramètres, notamment l’approvisionnement
en leurs éléments constitutifs ou encore le pH de la solution.
II.3. Influence de la précipitation de C-S-H et de zéolithes sur l’altération
du verre
Comme nous l’avons déjà mise en évidence à plusieurs reprises, la formation de phases
secondaires constituées d’éléments lixiviés du verre conduit à une dissolution accrue de celui-ci
pour maintenir les activités des ions en solution. Ce mécanisme implique que les phases
secondaires sont thermodynamiquement plus stables que le verre et que le gel, même passivant.
Comme nous l’avons souligné précédemment, les zéolithes et les C-S-H sont définis par
leur rapport stœchiométrique. Ces derniers dépendent de deux éléments, dont un correspond à
l’élément limitant la croissance de ces phases :
CHAPITRE VIII – Discussion
290
- pour les C-S-H, il s’agit du silicium dans le cas où l’on suppose le milieu tamponné par la
Portlandite,
- pour les zéolithes, bien que le silicium entre dans la composition de base de cette phase, il
est présent à une teneur cinq fois plus importante au sein du verre que l’aluminium. Ce dernier est
donc l’élément limitant.
Lors de l’altération du verre en eau désionisée, l’aluminium et le calcium, participent et
favorisent la recondensation d’un gel passivant. Au cours d’altération du verre en milieu
cimentaire, ils sont consommés par la croissance des phases secondaires, ce qui engendre une
dissolution du gel ou directement du verre, dans le cas où aucun gel passivant ne s’est formé.
Néanmoins, leur consommation conduit à des cinétiques et des mécanismes sensiblement
différents. Nous allons montrer qu’il s’agit d’une dissemblance notable entre les zéolithes et les
C-S-H.
Dans le cas où le rapport S/V est suffisamment élevé pour atteindre un état de sursaturation
de la solution vis-à-vis des phases secondaires, la nucléation / croissance de ces phases conduit au
maintien d’une vitesse d'altération constante et élevée dans les premiers jours d’altération.
Cependant, dans le cas des C-S-H, cette vitesse correspond à la vitesse initiale, deux ordres de
grandeur supérieure à celle obtenue dans le cas des zéolithes. En effet, en présence de Portlandite,
la formation instantanée de C-S-H consomme la totalité du silicium lixivié qui constitue
habituellement l’élément majoritaire du gel. Le maintien de la vitesse initiale est donc
principalement dû à la consommation du silicium.
Dans le cas des zéolithes, leur précipitation débute rapidement et maintient un régime d’altération
à vitesse constante à très fort rapport S/V (1000 cm-1 et 2000 cm-1). L’élément limitant nécessaire à la
croissance des phases est principalement l’aluminium au vu des rapports stœchiométriques Si/Al
du verre et des phases. Pour une dissolution congruente du verre et en considérant les rapports
Si/Al mesurés, les zéolithes vont consommer la totalité de l’aluminium et seulement la moitié du
silicium. L’autre fraction du silicium lixivié est donc disponible pour recondenser et former un gel.
Les vitesses d’altération en présence de zéolithes dès les premiers jours sont donc beaucoup plus
faibles que la vitesse initiale car une quantité importante de silicium peut recondenser et ainsi
limiter la dissolution du verre.
Par conséquent, bien que la formation de ces phases soit « instantanée », l’élément limitant leur
croissance et le rapport stœchiométrique des phases par rapport au verre sont deux paramètres
fondamentaux qui conduisent au maintien d’une vitesse plus ou moins élevée.
A de plus longues échéances et dans le cas de précipitations de C-S-H et de zéolithes dès le
début de l’altération, on peut remarquer que les vitesses à long terme sont du même ordre de
grandeur :
- en solution S1 et en présence de Portlandite avec précipitation de C-S-H, la vitesse en
lithium de l’essai SS1P-50 est de : V SS1P-50 (Li) = 3,9.10-3 g.m-2 .j-1,
CHAPITRE VIII – Discussion
291
- en solution S1 avec précipitation de zéolithes, les vitesses en molybdène dans les essais
RA1000 et RA2000 sont respectivement de : VRA1000(Mo) = 3,8.10-3 g.m-2 .j-1 et
VRA2000(Mo) = 1,5.10-3 g.m-2 .j-1.
Il n’est pas aisé de comparer des essais si différents en termes de granulométrie, de rapport S/V,
d’échéances d’altération, de mécanismes d’altération… Au vu de la similitude des vitesses
d’altération à long terme, on peut néanmoins supposer que les propriétés de transports de la
couche à l’interface entre le verre et la solution sont semblables, bien que d’autres paramètres
influent également. Dans le cas des essais en Portlandite, ce sont les phases secondaires de type
C-S-H qui constituent cette couche. En revanche, dans le cas des essais avec précipitation de
zéolithes, la couche est en réalité un gel dépourvu d’aluminium issu de la recondensation du
silicium et d’autres éléments peu solubles.
Il convient de souligner une dernière différence concernant la précipitation de ces phases : il
s’agit de la nature des traceurs de l’altération, ou les éléments les plus lixiviés que nous utilisons
comme traceurs. Lors d’essais de reprise d’altération en présence de zéolithes, nous avons montré
le changement de traceurs : avant reprise, il s’agit du lithium tandis que durant la reprise, il s’agit
soit du molybdène (verre CSD-B) ou du bore (verre VS). En effet, les caractérisations montrent
qu’une fraction de lithium est retenue au sein des zéolithes. En présence de C-S-H, le bore n’est
jamais traceur puisqu’il forme des phases de type borate de calcium (notamment) : ce sont le
lithium et / ou le sodium qui sont alors les éléments utilisés comme traceurs de l’altération.
II.4. Phénomènes limitants au cours d’altération en présence de C-S-H et
de zéolithes
Nous allons à présent discuter les différentes cinétiques observées dans plusieurs essais et
des phénomènes limitants associés.
Dans un processus incluant la dissolution d’une phase et la précipitation d’une autre,
l’avancement de la réaction a bien souvent une allure de sigmoïde. La vitesse est maximale au
point d’inflexion, on observe donc une période accélérée puis décélérée respectivement avant et
après ce point d’inflexion.
Ce type d’évolution a été observé lors de précipitation de zéolithes à de faibles rapports S/V
(chapitre VI, § III.3.). Les caractérisations ainsi que la modélisation thermodynamique ont permis
de mettre en évidence les mécanismes limitants qui pilotent les cinétiques d’altération du verre.
L’étape de chute de vitesse est limitée par la dissolution du verre. Lorsque la nucléation des nucléi
est effective, la consommation de l’aluminium en solution conduit à la dissolution partielle du gel
puis du verre. Durant le régime de reprise d’altération, les indices de saturation augmentent
fortement au-delà de la valeur seuil de sursaturation nécessaire à la précipitation des zéolithes. La
croissance des zéolithes devient alors limitante. Après un certain temps, la vitesse de reprise
d’altération diminue progressivement. Ce phénomène est probablement dû à la chute du pH qui
engendre soit la déstabilisation des zéolithes par une diminution de leur vitesse de croissance, soit
la diminution de la vitesse de dissolution du verre.
CHAPITRE VIII – Discussion
292
Deux autres types de cinétiques ont été obtenus, elles résultent d’une précipitation qui a
lieu dès les premiers instants de l’altération.
Lors de la précipitation de zéolithes à très forts rapports S/V, la vitesse est constante
durant une longue période, avant de diminuer ensuite progressivement. La modélisation
thermodynamique nous indique que durant le premier régime d’altération, la précipitation des
zéolithes est effective mais que c’est la dissolution du verre qui est limitante. De la même façon
qu’à plus faible rapport S/V, la vitesse de dissolution du verre diminue progressivement après un
certain temps probablement à cause de la chute significative du pH. De même, les phénomènes
limitants à l’origine de cette évolution peuvent être soit la déstabilisation des zéolithes, soit à la
diminution de la vitesse de dissolution du verre.
Enfin, une dernière cinétique est celle observée lors de la précipitation de C-S-H dans les
essais en présence de Portlandite (Chapitre IV, § III.3.). Les cinétiques peuvent être scindées en
deux périodes durant lesquelles les vitesses sont constantes. La première période correspond au
régime de vitesse initiale où deux mécanismes coexistent et pilotent la dissolution du verre : la
précipitation de C-S-H et l’incorporation du calcium dans la pellicule d’altération. Etant en régime
de vitesse initiale, c’est la dissolution du verre qui est limitante. Par la suite, la précipitation de
C-S-H se poursuit et les phases finissent par former une couche à la surface des grains de verre, ce
qui correspond à la seconde période. Dans ce régime de chute de vitesse, la dissolution du verre est
contrôlée la diffusion des ions à travers cette couche d’hydrates.
Remarquons que dans le cas du C3S, l’hydratation est contrôlée par la vitesse de croissance
des C-S-H jusqu’à ce que ces phases recouvrent la surface des grains par une couche continue. A
partir de ce moment, l’hydratation est contrôlée par la diffusion des ions à travers cette couche
d’hydrates. Le phénomène limitant dans la première période de l’hydratation est donc différent de
celui observé dans notre système.
La Figure II-1 illustre ces cinétiques ainsi que les phénomènes limitants associés pour ces
trois systèmes.
CHAPITRE VIII – Discussion
293
Figure II-1. Représentation schématique des mécanismes et des cinétiques d’altération au cours du temps en
fonction des phases secondaires et du rapport S/V. Les phénomènes limitants sont indiqués en orange.
II.5. Paramètres clés pilotant les mécanismes d’altération
Nous avons discuté des phénomènes limitants ainsi que des mécanismes à l’origine des
cinétiques observées. Il convient à présent de préciser quels sont les paramètres clés qui pilotent
ces mécanismes durant l’altération. Dans la première partie de ce chapitre, nous avons évoqué
l’importance du pH et du rapport S/V lors de l’altération du verre en présence de calcium. Au
cours du chapitre VI (§ IV.1.) concernant la précipitation des zéolithes, nous avons discuté des
processus d’altération ainsi que des paramètres clés associés.
Le paramètre thermodynamique macroscopique qui va contrôler la cinétique des réactions
est le degré de saturation de la solution, i.e. l’écart à l’équilibre. De ce paramètre dépendent les
processus de recondensation / précipitation du gel et de nucléation / croissance des phases
secondaires. Cependant, ces processus sont également fonction d’un facteur cinétique. Comme
CHAPITRE VIII – Discussion
294
nous l’avons évoqué au chapitre V (§ I.1.3.1.2.), selon la règle d’Ostwald, la phase la plus stable est
rarement celle qui nuclée en premier : lorsque deux phases sont susceptibles de se former en
solution sursaturée, la phase métastable précipite la première car les facteurs cinétiques qui
imposent la nucléation l’emportent sur les facteurs thermodynamiques qui imposent l’état final. Ce
facteur, plus aléatoire, ne sera pas pris en compte par la suite.
Plusieurs paramètres de base influent sur le degré de saturation de la solution, mais avec
des poids différents. Quel que soit le système, il semble que le premier paramètre qui joue un rôle
déterminant soit le rapport S/V puisque ce dernier modifie le flux d’éléments lixiviés du verre et
donc le degré de saturation de la solution. En effet, lors de la précipitation de zéolithes, ce
paramètre est déterminant aux premiers instants d’altération : à très fort rapport S/V, l’état de
sursaturation est atteint plus rapidement qu’à plus faible rapport S/V, les nucléi de zéolithes vont
donc précipiter au détriment de la formation d’un gel passivant. De même, pour des conditions
d’altération fixées (concentration en calcium, pH de la solution…), la précipitation de C-S-H est
effective si le degré de sursaturation est atteint, ce qui correspond à un flux de silice et donc un
rapport S/V spécifiques.
Il est important de remarquer que le degré de saturation de la solution dépend également
de la chimie de la solution, par sa composition chimique et son pH.
La composition de la solution d’altération joue aussi un rôle prépondérant sur le degré de
saturation. Prenons l’exemple de la précipitation des C-S-H : leur formation dépend du silicium
lixivié du verre (lié au rapport S/V) mais également du calcium initialement présent en solution. Le
degré de saturation est donc, dans ce cas, dépendant à la fois du rapport S/V et de la composition
de la solution initiale et au cours du temps.
Le pH de la solution a également un rôle central et joue à différents niveaux dans notre système.
Sa valeur défini tout d’abord les domaines d’existence des phases secondaires. Ensuite, la variation
de pH en milieu basique modifie significativement le flux d’éléments lixiviés du verre. Enfin, il
modifie les compositions des phases précipitées : les rapports stœchiométriques des zéolithes et
des C-S-H dépendent directement du pH de la solution.
D’autres paramètres ont un rôle important : la composition du verre ou encore la
température. Cependant, dans le cadre de notre étude, ces derniers ont eu un second rôle. En ce
qui concerne la composition du verre, nous avons étudié l’influence de la composition de la
solution sur le verre de référence CSD-B. Au chapitre VI (§ I.3.1) est détaillé l’influence de la
composition du verre sur le régime de reprise d’altération, notamment l’importance des teneurs en
aluminium mais également en alcalins par rapport au bore. Les verres CSD-B et VS présentaient
des cinétiques ainsi que des degrés d’altération assez différents. Il convient également de
remarquer que la composition du verre influe sur le pH de la solution. Enfin, la température peut
accélérer les cinétiques de précipitation mais peut également engendrer la formation d’autres
phases non représentatives d’une température en condition de stockage par exemple.
CHAPITRE VIII – Discussion
295
III. Figures de dissolution du verre, une analogie avec la
dissolution des cristaux ?
Un point commun à l’ensemble des chapitres qui constituent ce manuscrit est l’observation
systématique de figures atypiques de dissolution du verre. Petites, grandes, profondes, ces figures
de dissolution ont des morphologies et des tailles différentes suivant les conditions et les échéances
d’altération. Classiquement, i.e. lors d’altération de verres en eau désionisée, la dissolution du
verre est homogène sur la surface des grains et le gel forme une couche dont l’interface verre / gel
est parallèle au bord du grain. Quelques études mentionnent la présence de figures d’altération du
verre singulières, notamment en milieu basique et donc dans des solutions fortement chargées en
ions [11-13]. Cependant, aucune hypothèse n’est avancée pour expliquer cette phénoménologie,
seule l’hétérogénéité du verre est proposée comme étant à l’origine de ces figures d’altération.
Dans le domaine de la géochimie des minéraux où des figures d’altération similaires sont
observables, des études récentes de Dove et al. [14, 15] montrent que des mécanismes analogues à
ceux observés dans la théorie classique de la nucléation / croissance des cristaux peuvent expliquer
le comportement de certains minéraux (quartz, feldspath, gibbsite, calcite…). Nous allons donc
présenter ce concept puis comparer nos observations à la littérature.
III.1. Théorie de la dissolution des cristaux
La théorie de la dissolution des cristaux suppose que la dissolution peut être décrite comme
l’inverse de la nucléation / croissance. Dove et al. [14] proposent alors de modifier les équations de
la théorie de la nucléation / croissance pour inclure la dissolution et ainsi prédire les différentes
étapes de dissolution du quartz et d’autres aluminosilicates (kaolinite, feldspath…).
Trois types de mécanismes de dissolution sont proposés, analogues à ceux existants dans la
théorie de la nucléation / croissance :
- la formation en nombre de petites piqûres par nucléation homogène sur une surface sans
défaut, appelées « vacancy islands »,
- la formation de piqûres initiées par un défaut (dislocation), appelées « etch pit »,
- la propagation de piqûres par marche à partir des dislocations, appelées « step retreat ».
L’énergie nécessaire (∆Gcrit) pour former ces piqûres provient du degré de sous-saturation de la
solution (β ou Ω). En fonction de ce paramètre, l’énergie d’activation nécessaire à la formation de
ces piqûres varie ainsi que le type de mécanisme de dissolution (Figure III-1). Plus le degré de
sous-saturation est élevé, plus la barrière énergétique pour former la piqûre est faible. Il convient
de noter que l’énergie interfaciale développée par un défaut peut considérablement être diminuée
par rapport à l’énergie libre de surface d’un cristal parfait.
Pour des degrés de sous-saturation importants, l’énergie interfaciale est telle qu’une
nucléation homogène peut avoir lieu. Avec l’avancée de la réaction, le degré de sous-saturation
diminue et il devient énergétiquement plus favorable de nucléer à partir de défauts de surface,
notamment aux dislocations.
CHAPITRE VIII – Discussion
296
Au degré de sous-saturation peuvent être associé des vitesses de dissolution : la Figure III-2
montre que la vitesse de dissolution augmente avec l’écart à l’équilibre. Il est intéressant de
remarquer que pour un même degré de sous-saturation, la présence d’électrolyte dans la solution
augmente la vitesse de dissolution du quartz (Figure III-2). Ces observations sont cohérentes avec
les résultats de notre étude en présence de calcium en régime initial (chapitre IV, § III.1.).
Figure III-1. Différents processus de dissolution du
quartz obtenus par AFM en fonction du degré de
sous-saturation et de la chimie de la solution
(échelle = 1 µm), adapté de Dove et al. [15].
Figure III-2. Vitesses de dissolution du quartz en
fonction du degré de sous-saturation ΩΩΩΩ et
dépendance à la présence ou l’absence d’électrolytes,
d’après Dove et al. [14].
Des études réalisées à partir des l’analyse topologique de la surface (AFM, interférométrie),
des cinétiques d’altération fonction de l’environnement mais également de simulations Monte
Carlo rendent compte de la validité de cette théorie et de ces principes [14-17].
Une caractérisation par interférométrie permet d’illustrer les différents mécanismes par lesquels la
dissolution se produit. Il s’agit de dolomite altérée pendant une heure à pH 3 à 25 °C [16]. L’image
montre clairement (i) la dissolution globale de la surface (la surface annotée 1 correspond à la
surface de référence qui a été protégée durant l’altération) et (ii) la surface réactive parsemée de
« etch pits ».
Lasaga et Luttge [16] proposent un modèle de dissolution permettant de rendre compte des
variations de vitesse de dissolution des cristaux. La Figure III-4 illustre ce modèle conceptuel dans
sa globalité, avec une dissolution globale (« step retreat ») puis des modes de dissolution conduisant
à la formation de piqûres (« etch pit »).
De récents travaux de Juilland et al. [18] s’appuient sur cette théorie pour expliquer l’origine de la
période d’induction. En effet, il a été constaté que les grains présentent de nombreuses piqûres à
leur surface lors de l’hydratation du C3S.
CHAPITRE VIII – Discussion
297
Figure III-3. Observation par interférométrie à
balayage vertical de dolomite altérée 1 h à pH 3 à
25°C montrant des « etch pit » individuels et la
dissolution globale du minéral (1 : surface initiale),
d’après Lasaga et Luttge [16].
Figure III-4. Modèle de dissolution intégrant deux
modes de dissolution, « etch pit » and « step
retreat », d’après Lasaga et Luttge [16].
Nous avons donné un aperçu des bases sur lesquelles repose la théorie de la dissolution des
cristaux et des outils qui permettent de la valider. De plus amples informations sont disponibles
dans les références citées.
III.2. Observations de figures de dissolution
Comme nous l’avons précisé précédemment, quel que soit le régime d’altération, nous
avons observé des figures de dissolution localisées à la surface du verre. L’objectif n’est pas
d’appliquer directement la théorie de la dissolution des cristaux à nos essais mais plutôt de mettre
en évidence les similitudes intéressantes qui suggèrent que cette théorie pourrait aussi s’appliquer
au verre.
Dans les chapitres V, VI et VII, correspondant à des altérations du verre à fort rapport S/V
dans différentes conditions d’altération, la surface du verre présente de façon systématique des
figures de dissolution que nous avons appelées piqûres ou cupules suivant leur morphologie. La
Figure III-5 donne un échantillonnage des différentes morphologies qui ont pu être observées au
cours de cette étude.
Au chapitre V, nous avons montré que ces piqûres n’étaient pas uniquement dues à la
présence de calcium, puisqu’en milieu KOH, on observe une surface piquée de façon homogène
sur une profondeur constante (Figure III-5 (c)). Les piqûres sont recouvertes d’une couche de gel
passivant, ce qui indique que la dissolution a lieu dans les premiers temps de l’altération, avant le
régime de chute de vitesse.
En présence de Portlandite, au même pH, deux types de piqûres coexistent : une multitude de
piqûres hémisphériques et quelques piqûres de taille importante (Figure III-5 (d)). Le calcium
semble donc modifier la géométrie des piqûres et contribuer à l’augmentation de leur taille.
CHAPITRE VIII – Discussion
298
Figure III-5. Figures de dissolution de différentes morphologies et tailles suivant les conditions et les
échéances d’altération : verres (a) VS (SS2)et (b) CSD-B (CS2) altérés en solution S2 à 50°C à 200 cm-1
pendant 219 jours ; verre VS altéré (c) en KOH (SS2b-50) et (d) en S2 (SS2P-30) à 10 cm-1 pendant 332 jours ;
(e) verre VS (RA200S) altéré en S1 à 50°C à 200 cm-1 pendant 527 jours ; (f) verre CSD-B (RA200) altéré en
S1 à 50°C à 200 cm-1 pendant 360 jours.
Des premières observations ont été réalisées en AFM sur un monolithe de verre altéré en
KOH à pH 11,7 en régime de vitesse initiale après huit heures d’altération. D’après la Figure III-6, il
apparaît clairement qu’il existe déjà des piqûres de dissolution à cette échéance, similaires à celles
observées sur la dolomite (Figure III-3). Ces piqûres, très petites en diamètre, peuvent atteindre un
micron de profondeur.
Au chapitre VI portant sur la précipitation des zéolithes, l’essai RA2000 a permis de suivre
l’évolution de la formation des cupules circulaires (Figure III-5 (e) et (f)). Eparses au début de
l’altération, elles grossissent et se multiplient jusqu’à coalescer et former alors une couche de gel
dont l’interface verre / gel n’est pas parallèle au bord initial du grain.
Les Figure III-5 (a) et (b) correspondent respectivement aux verres VS et CSD-B altérés en
solution S2. Un point remarquable est la différence de taille de ces piqûres, de l’ordre de 300 nm
pour le verre VS et de 30 nm pour le verre CSD-B. Seule la composition chimique du verre change
ainsi que l’équilibre en solution au cours de l’altération. On peut supposer que la complexification
de la composition engendre une augmentation des hétérogénéités de surface avec le désordre, à
l’origine de cette différence de taille de piqûres.
D’après la théorie de la dissolution des cristaux, l’initiation de la piqûre est favorisée par un défaut
du cristal, car l’énergie interfaciale est fortement diminuée. Nous avons vérifié l’homogénéité de
notre verre au MEB ainsi qu’au MET haute résolution, aucune hétérogénéité n’est visible aux
différentes échelles. Une hypothèse pouvant expliquer ces différences de densité de piqûres en
a b c
d e f
verre verre
C-S-H
C-S-H verre
verre
1 µm 600 nm 600 nm
20 µm 20 µm
CHAPITRE VIII – Discussion
299
fonction du la composition du verre est l’existence d’une distribution statistique de sites activés par
le milieu d’altération, qui constitueraient des sites plus énergétiques.
Figure III-6. Images AFM réalisées sur un monolithe de verre VS altéré en solution KOH à pH 11,7 à 50 °C
durant 7 heures (chapitre IV, § I.1.1.). Observations de piqûres à la surface du monolithe.
La formation de piqûres ne s’accompagne pas systématiquement de la précipitation de
phases secondaires (essai SS2b-50), cependant lorsque c’est le cas, la dissolution accrue et continue
du verre engendre des piqûres de taille importante, ce qui signifie que la poursuite de la
dissolution intervient préférentiellement à l’endroit des piqûres existantes.
D’après nos observations, nous pouvons retenir que :
- les piqûres s’amorcent dès les premiers instants de l’altération puis tant que le degré de
sous-saturation est suffisant, elles se multiplient et grossissent, tout comme un nucléi en cristal
dans le cas de la sursaturation,
- la présence de calcium conduit à une modification de la morphologie et la taille des piqûres,
- différents types de mécanismes peuvent coexister : dissolution homogène du verre et
dissolution par piqûres homogènes et hétérogènes,
Des caractérisations sont en cours pour voir si la présence de calcium au même pH modifie
ce phénomène ou non. Il conviendrait également de réaliser des essais en protégeant une partie de
la surface du verre et estimer après altération la proportion de verre dissous de façon homogène et
par piqûres par rapport à la surface initiale.
Il convient de noter qu’une spécificité liée à ce type de dissolution n’a pas été prise en compte dans
nos calculs : la variation de la surface réelle du verre en fonction de l'avancement réactionnel. Dans
le cas de dissolution par piqûres, la surface augmente en réalité, au moins durant un certain temps.
La surface considérée est donc sous-estimée, ce qui surestime les vitesses d’altération. Il est difficile
d’évaluer l’impact de cette spécificité. Une perspective serait de quantifier et mesurer ces figures de
dissolution au long d’une expérience au MEB pour rendre compte de la variation réelle de la
surface.
Ces premiers éléments constituent une base de réflexion au phénomène observé. Les fortes
similitudes entre la théorie de la dissolution des cristaux et nos observations suggèrent que cette
théorie puisse s’étendre à notre matériau amorphe, le verre.
CHAPITRE VIII – Discussion
300
IV. Perspectives de l’étude
A travers cette étude, nous avons apporté des éléments de compréhension aux cinétiques
observées et proposé des mécanismes à l’aide de la littérature sur la phénoménologie de l’altération
du verre en milieu cimentaire. Comme dans toute étude limitée dans le temps, de nombreuses
perspectives apparaissent nécessaires à la validation de certains points et essentielles à la poursuite
de ce travail.
Tout d’abord, l’ensemble des mécanismes proposés peut être consolidé par des
caractérisations complémentaires ainsi que par la modélisation thermodynamique.
La caractérisation du gel à l’interface verre / solution est notamment une perspective récurrente de
notre étude.
En régime de vitesse initiale, la synergie Si-Ca à l’interface verre / solution constitue une
barrière diffusionnelle. Cependant, le mécanisme à l’origine de ce résultat reste assez obscur. Est-ce
une modification structurale qui conduirait à rendre cette couche de l’ordre de la dizaine de
nanomètres passivante ? Les nombreuses études dans le domaine du ciment et la difficulté que
représente la caractérisation de couches si fines rendent compte de la complexité de la tâche. La
caractérisation en XPS semble être néanmoins une des perspectives les plus pertinentes pour
caractériser l’évolution structurale de cette couche grâce, notamment, à la variation des énergies de
liaison. Notons que la mise en œuvre de cette technique appliquée au verre s’avère délicate à cause
de la pollution de l’extrême surface des échantillons.
Dans le cas de la précipitation de zéolithes, et notamment lors des reprises d’altération, le
gel constitue le siège de la nucléation des cristaux de zéolithes. Suivant ses propriétés structurales,
morphologiques et chimiques, il peut modifier le nombre de cristaux et leur fréquence de
nucléation. En ce sens, des caractérisations spécifiques du gel apparaissent souhaitables pour
apporter des éléments de compréhension sur les mécanismes et les cinétiques d’altération en
présence de zéolithes.
Durant cette étude, nous n’avons pas mentionné la réaction alcali-silice [19] bien que la
solution S1 riche en alcalins constitue potentiellement un milieu favorable à cette réaction.
Précisons tout d’abord que ces réactions chimiques se produisent entre les alcalins du ciment et les
granulats de silice réactive dans les bétons. La réaction produit un gel expansif qui engendre des
contraintes et finalement la fissuration du matériau. Au chapitre V portant sur l’altération du verre
en eaux cimentaires en présence de Portlandite, un point non abordé concerne la possible
formation d’une couche de gel non pas par réaction pouzzolanique, mais par réaction alcali-silice.
De plus amples caractérisations de cette couche se révèlent nécessaires pour déterminer
précisément de quelle phase il s’agit. Notons néanmoins que la morphologie des phases observées
en sections polies ressemble fortement à celle des C-S-H. De plus, la cohérence entre les résultats
expérimentaux et l’interprétation qu’il en est fait à partir de la littérature sur les C-S-H confortent
notre analyse. L’une des perspectives de ce travail est l’étude plus approfondie de la couche qui se
forme en surface des grains de verre, notamment sa composition, sa structure et son évolution au
cours de la réaction.
CHAPITRE VIII – Discussion
301
Un autre outil avec lequel nous pourrions conforter nos résultats expérimentaux est la
modélisation thermodynamique. Grâce à cette approche, nous serions en mesure de déterminer le
degré de saturation des solutions vis-à-vis des C-S-H ou encore d’évaluer des rapports C/S dans
nos différents systèmes. Cependant, deux difficultés limitent grandement cette approche :
- le manque de phases représentatives de notre système,
- le manque de données fiables en température pour les phases cimentaires dans les
différentes bases de données.
A cela s’ajoute que les essais n’ont pas été réalisés avec l’objectif d’être exploité par modélisation.
Nous avons fait le choix de travailler à 50 °C pour atteindre de plus fort progrès de réaction.
Notons par exemple que les reprises d’altération ont été observables grâce à l’augmentation de la
température qui a permis d’accélérer les cinétiques de réaction. Il conviendrait donc de réaliser des
essais plus paramétriques à température ambiante, par exemple à partir d’un verre ternaire ou
quaternaire, pour ensuite modéliser les résultats.
Afin d’aller plus loin concernant l’influence du milieu cimentaire sur la durabilité du verre,
il serait intéressant d’évaluer l’influence des autres éléments mineurs constituants non plus des
solutions simplifiées mais des solutions à l’équilibre avec du ciment à différentes stades de
dégradation. Par la suite, il conviendrait de travailler avec des matériaux cimentaires et non plus
avec des eaux cimentaires puisque celles-ci ne permettent pas de maintenir les concentrations en
solution. L’ajout de Portlandite est un premier pas vers ce type de système.
CHAPITRE VIII – Discussion
302
Références bibliographiques
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cinétique de croissance et de la structure des hydrosilicates de calcium, produits
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induction period in alite hydration. Cement and Concrete Research 40, 831-844.
CHAPITRE VIII – Discussion
303
[19] Glasser L.S.D. and Kataoka N., 1981, The chemistry of alkali-aggregate reaction. Cement
and Concrete Research 11, 1-9.
CHAPITRE VIII – Discussion
304
305
CONCLUSION
Cette étude s’inscrit dans le cadre de la gestion des déchets nucléaires et concerne plus
spécifiquement le type de concept de stockage en couche géologique profonde envisagé pour les
déchets vitrifiés de moyenne activité à vie longue. Le concept actuellement à l’étude consistant à
placer les colis primaires au sein de surconteneurs en béton implique la présence d’une quantité
importante de béton à proximité des colis de déchets vitrifiés. La forte alcalinité et la composition
chimique de l’eau interstitielle sont deux facteurs susceptibles de modifier significativement les
mécanismes d’altération du verre. Or, la durabilité du verre en condition de stockage est un enjeu
important puisque ce matériau constitue la première barrière de confinement des radionucléides.
Etant donnée la complexité du système global, une approche de l’altération du verre par des eaux
cimentaires simplifiées se justifie par la nécessité d’identifier des mécanismes dominants en
fonction de la chimie de la solution.
Ainsi, l’objectif de ce travail de thèse était d’étudier pour la première fois de manière
détaillée la phénoménologie de l’altération du verre en eaux cimentaires et de mettre en évidence
les mécanismes clés à l’origine de ces évolutions.
Notre approche a consisté à étudier les cinétiques d’altération du verre en eaux cimentaires
dans les différents régimes d’altération. Trois compositions de solution porale cimentaires ont été
étudiées : les deux premières sont représentatives des deux premiers stades de dégradation d’un
ciment Portland et la dernière correspond à un équilibre avec un béton bas pH. A partir de
l’ensemble des essais réalisés, il ressort que le rapport S/V et la chimie de la solution (composition
chimique et pH) pilotent les mécanismes et donc les cinétiques d’altération du verre de la manière
suivante :
Le rapport S/V modifie le flux d’éléments lixiviés du verre et donc le degré de saturation de
la solution. Ainsi, si le flux d’éléments sortant est suffisant pour atteindre et maintenir un état de
sursaturation qui permette la nucléation de phases secondaires (C-S-H et / ou zéolithes), alors la
précipitation de ces phases pilotera la dissolution du verre, via l’activité des éléments en solution.
L’élément chimique constitutif de la solution qui joue un rôle fondamental sur les
cinétiques d’altération du verre est le calcium. Son influence est principalement fonction du pH de
la solution et du rapport S/V. Dans nos conditions d’altération, i.e. à pH basique, le calcium
présente un effet favorable sur l’altération du verre à très faible rapport S/V, à cause de son
incorporation au sein de la pellicule d’altération et de la synergie Si-Ca qui conduisent à une
augmentation des propriétés de passivation de cette couche. En revanche, à fort rapport S/V, le
calcium a un effet de pompe qui contribue à dissoudre le verre jusqu’à ce que la formation des
C-S-H soit elle-même un frein à la dissolution du verre.
Quels qu’aient été les essais et les conditions d’altération associées, nous avons proposé des
mécanismes pour expliquer l’origine des différentes cinétiques observées. Les phénomènes
limitants ont été identifiés et certains ont été confirmés grâce à la modélisation thermodynamique,
CONCLUSION
306
notamment dans le cas de la précipitation des zéolithes. L’étude de l’altération du verre en
présence d’eau cimentaire en équilibre avec un ciment bas pH confirme les mécanismes proposés
qui permettent de comprendre le rôle bénéfique du ciment bas pH par rapport à un ciment
Portland vis-à-vis de l’altération du verre.
Diverses perspectives constituent une étape de validation de ces mécanismes.
Dans l’ensemble des essais, la caractérisation approfondie du gel apparaît essentielle puisque les
mécanismes reposent en parti sur les propriétés structurales, morphologiques et chimiques de cette
couche.
En enrichissant les bases de données des phases observées en température, l’approche par
modélisation thermodynamique permettrait de confirmer l’évolution des degrés de saturation des
solutions vis-à-vis des phases secondaires observées.
Il serait également intéressant d’étudier l’effet de la composition du verre d’une part, pour mettre
en évidence un lien éventuel entre la morphologie des figures de dissolution et les hétérogénéités
dues à la variation de composition des verres et d’autre part, par exemple, pour limiter la
formation des phases secondaires.
Enfin, pour aller plus loin concernant l’influence du milieu cimentaire sur la durabilité du verre, il
conviendrait de travailler avec des matériaux cimentaires et non plus avec des eaux cimentaires
puisque celles-ci ne permettent pas de maintenir les concentrations en solution.
Cette étude a permis de clairement identifier les paramètres et les mécanismes clés à
l’origine des cinétiques observées et ainsi d’évaluer l’impact d’un environnement cimentaire
Portland sur l’altération du verre et d’ouvrir des pistes sur les concepts de béton bas pH. Ces
travaux offrent donc les premières bases nécessaires à la réflexion quant au concept de stockage
envisagé pour les colis vitrifiés MA-VL.
ANNEXES
307
ANNEXES
ANNEXE A : Nomenclature Qn ................................................................................................................308
ANNEXE B : Calculs d’incertitudes (1/2)................................................................................................309
ANNEXE C : Calculs d’incertitudes (2/2)................................................................................................316
ANNEXE D : Spectroscopie des Photoélectrons X................................................................................325
ANNEXE E : Tableaux de résultats détaillés – Chapitre IV................................................................328
ANNEXE F : Spectroscopie des Photoélectrons X.................................................................................330
ANNEXE G : Diffractogrammes des rayons X – Chapitre V ..............................................................335
ANNEXE H : Expérience d’altération à échelle 1 - ALISE...................................................................337
ANNEXES
308
ANNEXE A : Nomenclature Qn
La nomenclature couramment utilisée pour décrire les matériaux silicatés concerne la
dénomination des tétraèdres de silicium sous forme de Qn, n représentant le nombre de tétraèdres
de silicium liés à celui étudié (ou encore le nombre d’oxygènes pontants).
Q0 Q1 Q2
Q3 Q4
ANNEXES
309
ANNEXE B : Calculs d’incertitudes (1/2)
Incertitude sur la perte de masse normalisée, étude détaillée d’un cas: vitesse
initiale déterminée en test statique en solution S1 avec le verre CDS-B à 30°C
Mesurande
Au cours d’une lixiviation, il apparaît que les paramètres intervenant dans la formule des
pertes de masse normalisées NLi (g.m-2) varient au cours de la réaction. Le calcul des pertes de
masse normalisées s’effectue donc de façon itérative ce qui permet de tenir compte des variations
de ces paramètres. La méthode de mesure correspondant à un essai en mode statique sur un
échantillon de poudre de verre, conduit à l’expression suivante des pertes de masse normalisées
NLi au pas de temps t1 et au pas de temps t pour l’élément i constitutif du verre :
i
tavtPE
ticorr
ti
xV
S
CNL
⋅
=
1
1
1
)()(
i
tavtPE
ticorrticorrtiititi
xV
S
CCNLNLNLNL
⋅
−+=∆+= −−−
111
)()()()()()(
Identification et quantification des sources d’incertitude
Les sources d’incertitudes ou encore les variables de base intervenant dans le calcul de la
perte de masse normalisée sont données ci-dessous (Tableau 1). Les informations disponibles sur
l’incertitude de chacune des variables figurent dans la colonne IC (95 %), signifiant intervalle de
confiance avec un niveau de confiance à 95 %. La valeur inscrite est donnée soit dans l’unité de la
variable, soit en pourcentage suivant l’information obtenue. Les composantes de l’incertitude sont
ensuite uniformisées dans la dernière colonne, nommée écart-type u(x), celui-ci étant dans la même
unité que la variable. Les valeurs des variables sont celles obtenues au pas de temps t2 pour un test
statique en solution S1 avec le verre CDS-B à 30°C.
ANNEXES
310
Tableau 1. Ensemble des sources et composantes de l’incertitude à considérer pour le calcul de
l’estimation de l’incertitude de la perte de masse normalisée en silicium. Les valeurs des variables sont
issues d’un test statique en solution S1 avec le verre CDS-B à 30°C au pas de temps t2. Les valeurs en gras
correspondent aux variables qui voient leur valeur varier à chaque pas de temps.
Variable x Signification des variables Valeur x Unité IC(95 %) Unité Ecart-
type u(x)
mSav Masse du savillex vide 164,49 g 0,0002 g 1,0E-04
mSav+poud Masse du savillex+poudre 164,65 g 0,0002 g 1,0E-04
mSav+poud+sol Masse du savillex+poudre+solution 324,38 g 0,03 g 1,5E-02
S BET Surface BET du verre 0,1025 m²/g 10 % 5,1E-03
RC SiO2 Rapport de conversion de l'élément Si dans
le verre (gx/g verre) 2,14 0 %
% m SiO2 Pourcentage massique de SiO2 dans le verre 49,76 % 2 % 5,0E-01
C0 SiO2 Concentration brute dans le blanc en SiO2
obtenue par ICP 0,144 mg/L 20 % 1,4E-02
C SiO2 Concentration brute au pas de temps t en
SiO2 obtenue par ICP 0,206 mg/L 20 % 2,1E-02
RC B2O3 Rapport de conversion de l'élément B dans
le verre (gx/g verre) 3,22 0 %
% m B2O3 Pourcentage massique de B2O3 dans le
verre 14,23 % 15 % 1,1E+00
C0 B2O3 Concentration brute dans le blanc en B2O3
obtenue par ICP 0,016 mg/L 20 % 1,6E-03
C B2O3 Concentration brute au pas de temps t en
B2O3 obtenue par ICP 0,016 mg/L 20 % 1,6E-03
mb0 Masse de la bouillotte vide pour le blanc 3,7276 g 0,001 g 5,8E-04
mb+s0 Masse de la bouillotte+solution pour le
blanc 8,1648 g 0,001 g 5,8E-04
mb+s+a0 Masse de la bouillotte+solution+acide pour
le blanc 8,3036 g 0,001 g 5,8E-04
a Densité de l'acide 1,404
mb Masse de la bouillotte vide pour le blanc 3,746 g 0,001 g 5,8E-04
mb+s Masse de la bouillotte+solution pour le
blanc 7,437 g 0,001 g 5,8E-04
mb+s+a Masse de la bouillotte+solution+acide pour
le blanc 7,573 g 0,001 g 5,8E-04
mSav
avt PE(t-1)
Masse du savillex avant la PE au pas de
temps (t-1) 324,19 g 0,03 g 1,7E-02
mSav
aps PE(t-1)
Masse du savillex après la PE au pas de
temps (t-1) 320,17 g 0,03 g 1,7E-02
mSav avt PE(t) Masse du savillex avant la PE au pas de
temps (t) 320,15 g 0,03 g 1,7E-02
Les effets du pH et de la température sont négligés car, dans cette étude, le pH est maintenu
à 13,2 ± 0,2 et la température à 30 ± 1°C.
ANNEXES
311
Calcul de l’incertitude-type composée
La méthode du tableur est appliquée à ce cas complexe. Un tableur est associé à un pas de
temps. A la suite de cette partie de l’annexe figure le tableur au pas de temps t2 correspondant aux
valeurs du Tableau 1.
Les résultats sont illustrés sous forme de diagramme de barres par la Figure 1 et sous forme d’un
tableau (Tableau 2) dans lequel est calculée la part de la variance de chacune des variables.
0% 20% 40% 60% 80% 100%
1
2
3
4
5
6
7
Ech
éanc
e
Part de variance totale de chaque variable (%)
S BET
C0 Si
C Si
Figure 1. Part de la variance des variables majeures en fonction des échéances
Tableau 2. Part de la variance de chacune des variables à chaque pas de temps par ordre décroissant.
Variable t1 t2 t3 t4 t5 t6 t7
C Si 59,8 66,2 74,3 74,2 75,5 77,2 79,1
C0 Si 39,8 32,3 22,1 22,2 20,4 17,9 14,9
S BET 0,5 1,4 3,5 3,5 3,9 4,7 5,7
% m SiO2 0,02 0,06 0,15 0,15 0,17 0,20 0,25
mSav 8,3E-05 2,5E-04 6,3E-04 6,3E-04 7,1E-04 8,5E-04 1,0E-03
mSav+poud 8,3E-05 2,5E-04 6,3E-04 6,3E-04 7,1E-04 8,5E-04 1,0E-03
mb+s 6,8E-05 8,4E-05 8,9E-05 9,0E-05 8,7E-05 9,4E-05 7,9E-05
mb+s+a 6,3E-05 7,8E-05 8,3E-05 8,4E-05 8,1E-05 8,8E-05 7,4E-05
mb+s0 3,5E-05 2,8E-05 1,9E-05 1,9E-05 1,8E-05 1,6E-05 1,3E-05
mb+s+a0 3,3E-05 2,7E-05 1,8E-05 1,8E-05 1,7E-05 1,5E-05 1,2E-05
mSav+poud+sol 1,8E-06 5,4E-06 1,4E-05 1,4E-05 1,7E-05 2,0E-05 2,6E-05
mSav avt PE(t) 0,0E+00 1,7E-06 2,9E-05 2,8E-05 5,1E-05 1,1E-04 2,7E-04
mSav avt PE(t-1) 0,0E+00 1,7E-06 2,9E-05 2,8E-05 5,1E-05 1,1E-04 2,7E-04
C B 2,5E-07 5,4E-07 2,1E-06 2,1E-06 2,6E-06 3,5E-06 5,2E-06
C0 B 1,3E-07 3,7E-07 9,2E-07 9,1E-07 1,0E-06 1,2E-06 1,4E-06
mb 7,9E-08 1,1E-07 1,1E-07 1,1E-07 1,1E-07 1,2E-07 8,4E-08
mb0 3,2E-08 2,6E-08 1,8E-08 1,8E-08 1,6E-08 1,4E-08 1,2E-08
% m B2O3 9,0E-09 7,5E-09 1,2E-07 1,2E-07 1,8E-07 2,9E-07 5,8E-07
RC SiO2 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00
RC B2O3 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00
ra 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00
mSav aps PE(t-1) 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00 0,0E+00
Cet exemple d’estimation de l’incertitude sur la perte de masse normalisée met en avant les effets
prépondérants de la concentration en silice initiale (C0Si) et à chaque échéance de prélèvement (CSi).
ANNEXES
312
Les composantes de l’incertitude sur la masse du Savillex (mSav) et celle du Savillex + poudre
(mSav+poud) augmentent au cours des échéances.
0,E+00
2,E-03
4,E-03
6,E-03
8,E-03
1,E-02
0,00 0,05 0,10 0,15 0,20 0,25 0,30
Temps (j)
(g/m
²)
uc(NL)NL
Figure 2. Evolution au cours du temps des pertes de masse normalisées et de l’incertitude-type composée sur
les NL(Si).
On peut remarquer que les incertitudes-types composées sont relativement constantes au
cours du temps comparées à l’évolution des NL(Si), l’hypothèse forte d’homocédasticité est donc
respectée dans ce cas.
ANNEXES
313
ANNEXES
314
Interface du logiciel LUMIERE pour le test statique avec le verre CSD-B altéré en solution S1 à 30°C
(a) avec une régression linéaire avec constante, (b) régression linéaire sans constante et (c)
régression linéaire sans constante pondérée par les incertitudes sur les pertes de masse normalisées
en chacun des points.
ANNEXES
315
ANNEXES
316
ANNEXE C : Calculs d’incertitudes (2/2)
Incertitude sur la perte de masse normalisée : comparaison de différents cas
d’étude
Régime de chute de vitesse
Part de variance pour chaque variable et élément dosé
Quel que soit le test considéré en régime de chute de vitesse, seules trois variables sur les
vingt-deux initiales ont un poids dont la somme est supérieure à 99,5 %. Il s’agit de la surface
spécifique BET, du pourcentage massique d’oxyde et de la concentration en l’élément considéré,
comme l’illustre la Figure 3. Pour chaque élément considéré, ici B, Si et Li, ces diagrammes en
barres mettent en évidence que la part de variance de ces trois variables est fonction de l’élément.
Les données numériques figurent dans le Tableau 3.
Remarquons que quel que soit le test et pour un élément considéré, ces pourcentages ne
varient quasiment pas. Il est intéressant de constater que la part de variance du pourcentage
massique d’oxydes est bien supérieure pour le bore que pour le silicium ou le lithium. En effet,
l’incertitude-type sur la composition du verre diffère suivant l’élément, elle est de 15 % pour le
bore contre 4 % pour Li et 2 % pour Si. Le poids de chacune des variables initiales dans la variance
est donc intimement lié aux incertitude-types de celles-ci.
(a)
0% 20% 40% 60% 80% 100%
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Ech
éanc
e
Part de variance pour chaque variable (%)
S BET% m B2O3C B
(b)
0% 20% 40% 60% 80% 100%
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Ech
éanc
e
Part de variance totale de chaque variable (%)
S BET
% m SiO2
C Si
(c)
0% 20% 40% 60% 80% 100%
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Ech
éanc
e
Part de variance totale de chaque variable (%)
S BET
% m Li2O
C Li
Figure 3. Part de la variance des variables majeures en fonction des échéances (a) pour le bore, (b) le silicium
et (c) le lithium pour le test CS1-50 (verre CSD-B altéré en solution S1 à 50°C pendant 270 jours).
ANNEXES
317
Tableau 3. Part de la variance moyenne des trois variables majeures pour le bore, le silicium et le lithium
pour le test CS1-50.
Part de la variance (%)
Eléments Surface BET % massique d'oxyde Concentration
B 30,28 66,57 3,08
Si 87,35 3,78 8,67
Li 78,66 13,34 7,80
Un autre exemple, celui du test CS2-50 correspondant à l’altération du verre CSD-B en
solution S2 à 50°C pendant 270 jours, permet de mettre en évidence l’impact de la concentration en
élément sur la part de la variance. En ICP, à chaque gamme de concentration est affectée une
incertitude liée à l’étalonnage de l’appareil. Pour les trois éléments considérés, la variation de la
part de la variance due à la variation de l’incertitude sur les concentrations est clairement mise en
évidence sur la Figure 4 (entre les échéances 1 et 2 pour le bore et entre les échéances 4 et 5 pour le
silicium et le lithium). La surface BET et le pourcentage massique d’oxyde étant des variables
d’entrée fixées, au cours du temps seule la concentration impactera les parts de variance
respectives pour chacune des variables.
(a)
0% 20% 40% 60% 80% 100%
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Ech
éanc
e
Part de variance totale de chaque variable (%)
S BET
% m B2O3
C B
(b)
0% 20% 40% 60% 80% 100%
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Ech
éanc
e
Part de variance totale de chaque variable (%)
S BET
% m SiO2
C Si
(c)0% 20% 40% 60% 80% 100%
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Ech
éanc
e
Part de variance totale de chaque variable (%)
S BET
% m Li2O
C Li
Figure 4. Part de la variance des variables majeures en fonction des échéances (a) pour le bore, (b) le silicium
et (c) le lithium pour le test CS2-50 (verre CSD-B altéré en solution S2 à 50°C pendant 270 jours).
En régime de chute de vitesse, 3 variables principales sur 22 ont un poids important dans le
calcul d’estimation d’incertitude sur la perte de masse normalisée, à savoir, la surface spécifique
BET, le pourcentage massique d’oxyde et la concentration en l’élément considéré. La part de
variance pour chacune de ces trois variables est fonction de l’élément considéré.
ANNEXES
318
Incertitude sur les pertes de masse normalisées en régime de chute de vitesse
Après avoir vu en détail la part de variance de chaque variable sur différents éléments,
examinons l’incertitude-type composée des pertes de masse normalisées en régime de chute de
vitesse.
Le Tableau 4 présente les incertitudes relatives aux pertes de masse normalisées en bore,
silicium et lithium pour les différents tests avec un niveau de confiance à 95 %. Les essais
considérés sont des tests statiques où le verre est altéré en eau pure ou en solution cimentaire à
50°C. Les prélèvements sont analysés en ICP. Le type de solution lixiviante et la composition du
verre n’ont pas d’incidence directe sur l’incertitude-type composée des pertes de masse
normalisées pour un élément considéré (Tableau 4), sauf pour le cas spécifique du silicium dans le
test CS5 comme nous allons le voir. En effet, à chaque élément est affectée une incertitude-type due
à l’écart-type associé à la détermination de la teneur de cet élément dans la composition du verre.
Les valeurs entre parenthèses sont les incertitudes relatives obtenues aux premières échéances. La
diminution des incertitudes relatives est due à l’augmentation de la concentration et donc à la
diminution de l’incertitude-type lié à l’étalonnage en ICP (incertitude-type associée à la gamme
dominante de concentration au cours du test).
Tableau 4. Incertitudes relatives moyennes des pertes de masse normalisées du bore, silicium et lithium pour
différents tests en régime de chute de vitesse, données à un niveau de confiance à 95 %. C et S se réfèrent
respectivement aux verres CSD-B et VS. Les annotations S1, S2, S5 et ref (eau pure) se réfèrent quant à elles à
la solution lixiviante. Les valeurs indiquées entre parenthèses sont les incertitudes relatives obtenues aux
premières échéances.
Incertitude relative pour différents tests (%)
CS1 SS1 CS2 CS5 Cref
NL(B) 17,3 17,3 17,3 17,3 17,3 (26,2)
NL(Si) 10,2 10,2 10,5 28,9 10,2
NL(Li) 10,7 10,7 10,8 (11,5) 11,5 11,5
La valeur de l’incertitude relative sur NL(Si) obtenue pour le test CS5 de 29 % correspond à
la moyenne des incertitudes relatives sur les NL(Si) aux 9 échéances. Ce test CS5 se distingue des
précédents car la solution lixiviante contient du silicium dans sa composition à hauteur de 22 ppm.
Une autre variable de base intervient donc dans le diagramme en barre, celle de la concentration
initiale en silicium (Figure 5). Au cours de l’altération, la concentration en silicium augmente mais
ne dépasse pas 33 ppm à 185 jours ce qui explique à la fois la diminution de la part de variance de
la concentration initiale et sa forte proportion par rapport à celle de la concentration au cours du
temps (CSi). Le Tableau 5 indique l’évolution de l’incertitude relative sur la perte de masse
normalisée pour ce test. La diminution de l’incertitude relative provient du fait que l’incertitude-
type composée augmente très peu par rapport aux pertes de masse normalisées. Cette évolution est
ANNEXES
319
liée aux concentrations et probablement à l’écart de concentration entre (Ct – C0). En effet, celui-ci
est faible au début de l’altération et augmente progressivement avec le temps.
0% 20% 40% 60% 80% 100%
1
2
3
4
5
6
7
8
9
Ech
éanc
e
Part de variance totale de chaque variable (%)
S BET% m SiO2C0 SiC Si
Temps NL(Si)
(g.m2.j-1)
u(NL(Si))
(g.m2.j-1)
Incertitude
relative (%)
t1 1,6 4,0E-04 1,1E-04 56,9
t2 3,6 5,7E-04 1,2E-04 41,1
t3 7,6 7,0E-04 1,2E-04 34,3
t4 16,7 1,0E-03 1,3E-04 25,2
t5 25,4 9,9E-04 1,3E-04 25,9
t6 43,6 1,2E-03 1,4E-04 21,9
t7 70,6 1,4E-03 1,4E-04 19,9
t8 142,6 1,7E-03 1,5E-04 17,6
t9 184,7 1,8E-03 1,6E-04 17,1
Figure 5. Part de la variance des variables
principales en fonction des échéances pour le
silicium dans le test CS5 (verre CSD-B altéré en
solution S5 à 50°C pendant 185 jours).
Tableau 5. Evolution des pertes de masse normalisées
en silicium, des incertitudes-types composées et de
l’incertitude relative pour le test CS5 à 50°C.
En considérant une gamme de concentration pour chaque élément (et donc une incertitude
donnée), on peut conclure que quel que soit le test, l’incertitude relative sur les pertes de masse
normalisées est constante pour l’élément considéré.
Régime initial
Avant de débuter l’analyse des résultats d’estimation d’incertitude, des précisions doivent
être apportées quant aux expériences menées en régime initial. Il s’agit de tests statiques agités de
courte durée (pouvant variée de la journée à une dizaine de jours). Les concentrations des éléments
lixiviés sont donc très faibles, de l’ordre du mg.L-1, contrairement en régime de chute de vitesse.
L’élément systématiquement dosé est le silicium, dans certains cas, le bore est également analysé si
les conditions expérimentales le permettent. Les concentrations sont, à la différence des tests en
chute de vitesse, déterminées par spectrophotométrie UV-Visible. Dans ce cas, l’estimation de
l’incertitude-type sur la concentration a été estimée par calcul. Les détails de la démarche
d’estimation de l’incertitude liée aux concentrations déterminées par spectrophotométrie UV-
Visible est à la fin de cette annexe.
Part de variance pour chaque variable et élément dosé
En régime initial, tout comme en régime de chute de vitesse, trois variables ont un poids
important, à savoir : la surface spécifique BET, le pourcentage massique d’oxyde et de la
concentration de l’élément considéré. Cependant en fonction du test et des conditions d’altération,
une quatrième variable a un poids non négligeable, il s’agit de la concentration dans le blanc de
ANNEXES
320
l’élément considéré. Son poids sera d’autant plus important que le rapport des écarts-types de Ci et
C0i est important. Lorsque ce rapport est supérieur à 10, la part de la variance de la concentration
dans le blanc est totalement négligeable. Pour un rapport proche ou inférieur à 1, ce poids doit être
pris en compte.
Contrairement au régime de chute de vitesse où la concentration est déterminée par ICP, en
régime initial, elle a été obtenue par spectrophotométrie UV-Visible. Or, comme le paragraphe
précédent le montre, l’incertitude sur la concentration est calculée pour chaque échéance. Alors
qu’en ICP, une incertitude type est annoncée suivant une gamme de concentration, en
spectrophotométrie UV-Visible, une incertitude type est calculée pour chaque échéance. La part de
variance de la concentration évolue donc de façon continue et plus proche de la réalité. Dans ce
régime, les concentrations en silicium et bore étant beaucoup plus faibles que dans les tests
statiques à fort S/V, la part de la variance sur la concentration au cours du temps aura tendance à
beaucoup diminuer. La Figure 6 et la Figure 7 mettent en avant cette remarque pour différents
milieux.
Proportionnellement aux poids des autres variables, le poids du pourcentage massique
d’oxyde est toujours supérieur dans le cas du bore que dans celui du silicium car l’incertitude-type
sur la composition du verre est 7,5 fois plus importante pour le bore que pour le silicium.
(a)0% 20% 40% 60% 80% 100%
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Ech
éanc
e
Part de variance totale de chaque variable (%)
S BET
% m SiO2
C Si
(b)0% 20% 40% 60% 80% 100%
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Ech
éanc
e
Part de variance totale de chaque variable (%)
S BET
% m B2O3
C0 B
C B
Figure 6. Part de la variance des variables majeures en fonction des échéances (a) pour le silicium et (b) pour
le bore pour le test CS1-50 (verre CSD-B altéré en solution 1 à 50°C pendant 9 jours).
(c)
0% 20% 40% 60% 80% 100%
1
2
3
4
5
6
7
8
Ech
éanc
e
Part de variance totale de chaque variable (%)
S BET
% m SiO2
C0 Si
C Si
(d)
0% 20% 40% 60% 80% 100%
1
2
3
4
5
6
7
8
Ech
éanc
e
Part de variance totale de chaque variable (%)
S BET
% m B2O3
C0 B
C B
Figure 7. Part de la variance des variables majeures en fonction des échéances (a) pour le silicium et (b) pour
le bore pour le test C13-50 (verre CSD-B altéré en eau pure à pH ajusté à 12,6 à 50°C pendant 1 jour).
La part de la variance de la concentration dans le cas du bore est beaucoup plus importante
que dans celui du silicium. Une des raisons principales est que la concentration en silicium en
solution est environ 5 fois plus importante que celle du bore.
ANNEXES
321
En régime initial, la part de variance de chacun des paramètres varie au cours des
échéances alors qu’en régime de chute de vitesse, pour chaque test, il est possible de déterminer
des parts de variance fixes au cours du temps.
Il s’avère relativement complexe de faire des interprétations sur l’ensemble des résultats
obtenus dans ce régime car de façon assez systématique, il existe un contre-exemple. Néanmoins,
quelques conclusions peuvent être données :
- la part de variance de la concentration diminue au cours des échéances,
- la part de variance de la concentration initiale doit être prise en compte lorsque le rapport
des écarts-types de Ci et C0i est inférieur à 1,
- la part de variance de la concentration à la dernière échéance est très faible, voire
négligeable dans le cas du silicium.
En régime initial, 4 variables principales doivent être prises en compte dans le calcul
d’estimation d’incertitude sur la perte de masse normalisée, à savoir, la surface spécifique BET,
le pourcentage massique d’oxyde, la concentration en l’élément considéré mais également la
concentration dans le blanc de l’élément considéré. Cette dernière variable doit être considérée
car les concentrations analysées sont très faibles dans ce régime d’altération, son poids n’étant
alors plus négligeable.
Incertitude sur les pertes de masse normalisées en régime initial
Contrairement au régime de chute de vitesse, les coefficients de variation des pertes de
masse normalisées ne sont pas constants pour un élément considéré. Comme il avait été souligné
précédemment, la concentration est la variable clé dans les variations de l’incertitude relative pour
un élément donné. Dans le cas du régime initial, les incertitudes sur les concentrations sont
calculées pour chaque concentration, il ne s’agit pas de gamme de concentrations comme en ICP.
Les incertitudes relatives diminuent avec les échéances de temps (Figure 8 et Tableau 6 ; Figure 9 et
Tableau 7). Les cas présentés ci-dessous permettent de mettre en évidence une relation entre la
concentration et l’incertitude relative en fonction des échéances. En effet, l’incertitude relative sur
la perte de masse normalisée diminue jusqu’à, en général, une valeur minimale proche de celle
donnée dans le Tableau 4.
Dans le cas de la perte de masse normalisée sur le silicium, l’incertitude relative finale est
proche de 10,2 %. Dans le cas du bore, il est proche de 17 %.
ANNEXES
322
0% 20% 40% 60% 80% 100%
1
2
3
4
5
6
7
8
Ech
éanc
e
Part de variance totale de chaque variable (%)
S BET
% m SiO2
C Si
Temps NL(Si)
(g.m2.j-1)
u(NL(Si))
(g.m2.j-1)
Incertitude
relative (%)
t1 0,01 0,03766 0,0028 14,7
t2 0,02 0,04595 0,0031 13,3
t3 0,03 0,05482 0,0034 12,4
t4 0,04 0,06295 0,0037 11,8
t5 0,05 0,06870 0,0039 11,5
t6 0,06 0,07390 0,0042 11,3
t7 0,07 0,08125 0,0045 11,0
t8 0,09 0,08983 0,0048 10,8
Figure 8. Part de la variance des variables
majeures en fonction des échéances pour le test
S12-50.
Tableau 6. Evolution des pertes de masse normalisées
en silicium, des incertitudes-types composées et de
l’incertitude relative pour le test S12-50.
0% 20% 40% 60% 80% 100%
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Ech
éanc
e
Part de variance totale de chaque variable (%)
S BET
% m B2O3
C0 B
C B
Temps NL(B)
(g.m2.j-1)
u(NL(B))
(g.m2.j-1)
Incertitude
relative (%)
t1 0,2 0,0297 0,0103 69,5
t2 0,2 0,0383 0,0104 54,4
t3 0,3 0,0363 0,0104 57,3
t4 1,2 0,1099 0,0131 23,8
t5 2,0 0,2043 0,0158 15,5
t6 5,2 0,4620 0,0370 16,0
t7 6,3 0,5220 0,0423 16,2
t8 7,3 0,5641 0,0460 16,3
t9 8,2 0,6144 0,0505 16,4
t1
0 9,1 0,6493 0,0537
16,5
Figure 9. Part de la variance des variables
majeures en fonction des échéances pour le test
CS1-50.
Tableau 7. Evolution des pertes de masse normalisées en
bore, des incertitudes-types composées et de
l’incertitude relative pour le test CS1-50.
ANNEXES
323
Estimation de l’incertitude sur la concentration mesurée en
spectrophotomètre UV-Visible
Les quatre étapes successives du processus d’estimation de l’incertitude détaillées au
paragraphe 6.5 ont été suivies. Trois sources d’incertitudes majeures ont été identifiées, à savoir :
- l’incertitude sur l’étalon, liée la préparation des solutions étalons et les dilutions associées,
- l’incertitude sur l’étalonnage correspondant à l’incertitude sur les concentrations prédites
à un niveau donné,
- l’incertitude du kit de dosage.
Dans un premier temps, l’incertitude sur l’étalon a été exprimée. Afin de quantifier les
composantes de l’incertitude, il est nécessaire de réaliser un bloc-diagramme qui rend compte des
étapes successives réalisées au cours de l’expérience. La préparation des solutions étalons pour
réaliser l’étalonnage s’effectue par deux dilutions successives. Les dilutions sont réalisées par
pesée.
Le premier terme de l’équation (1) correspond à la tare de la bouillotte avant l’ajout de la
solution mère étalon ( 2 car 2 pesées sur la bouillotte). La solution mère est obtenue par dilution
d’une masse refm de solution mère étalon de concentration refC et dilué à la masse finale de
solution 1fm .
Les étalons, ou solutions filles, sont ensuite obtenus par dilution à partir de cette solution
mère (2). La procédure est la même, la solution fille est obtenue par dilution d’une masse im de
solution mère et diluée à la masse finale de solution 2fm .
L’incertitude-type de l’étalon )( étalonétalon Cu est donnée par l’équation (3). Pour chacun des
cinq étalons préparés, une incertitude-type est calculée. La valeur )( étalonétalon Cu la plus grande des
cinq a été choisie pour être incrémentée au calcul d’incertitude-type de la concentration et ainsi la
majorer.
2
1
1
22
01
01)()()(2)(
+
+
⋅=
f
f
ref
ref
m
m
m
mu
m
mu
m
mu
C
Cu (1)
2
2
2
22
02
02)()()(2)(
+
+
⋅=f
f
i
i
f
f
m
mu
m
mu
m
mu
C
Cu (2)
ANNEXES
324
(3)
Les solutions mères étalons en silicium comme en bore sont certifiées à ±refC 0,5 % avec un
niveau de confiance à 95 %.
L’incertitude-type composée sur la concentration est obtenue par l’équation suivante :
(4)
où l’incertitude sur la concentration liée à l’étalonnage )(Cuétalonnage est obtenue, à l’aide du
logiciel LUMIERE©, en utilisant la fonction « Prévisions/Etalonnage » avec un niveau de confiance
à 95 %. L’incertitude sur la concentration liée au kit de dosage est de ± 0,041 mg.L-1.
Une estimation de l’incertitude sur l’étalon a été calculée pour les cinq étalons. Le protocole
de préparation des étalons exposés ci-dessus étant systématiquement le même, la plus grande
valeur de l’incertitude sur la concentration (1 g.L-1) est une valeur majorante. C’est cette valeur qui
a été prise pour tous les calculs de uc(C). Les incertitudes sur l’étalon )(Cuétalon et sur le kit
)(CukitUV sont donc fixes. Pour chaque expérience réalisée, l’incertitude-type sur la concentration
uc(C) varie avec l’incertitude sur l’étalonnage )(Cuétalonnage . La valeur de l’incertitude-type sur la
concentration est ensuite implémentée dans le tableur pour estimer l’incertitude-type sur la perte
de masse normalisée.
222)()()()(
+
+
=
f
f
m
m
ref
ref
étalon
étalonétalon
C
Cu
C
Cu
C
Cu
C
Cu
222 )()()()( CuCuCuCu kitUVétalonnageétalonc ++=
ANNEXES
325
ANNEXE D : Spectroscopie des Photoélectrons X
Principe de la méthode
La spectroscopie XPS est basée sur la mesure de l’énergie cinétique des photoélectrons
éjectés de l’échantillon sous l’impact de rayons X d’énergie hν connue et de l’ordre du KeV.
Une fois l’échantillon placé dans le sas d’introduction et le vide réalisé (10-7 mbar),
l’échantillon est transféré en chambre d’analyse. Le matériau est irradié par une source de
rayons X, (raies d’émission Kα du magnésium ou de l'aluminium, respectivement à 1253,6 et
1486,6 eV). Les photons interagissent essentiellement avec les électrons du cortège électronique des
atomes subissant :
- une diffusion inélastique avec les électrons de valence,
- une absorption par effet photoélectrique.
Figure 10. Schéma de principe d'un ensemble de spectrométrie de photoélectrons X. (1) Tube à rayons X ; (2)
Echantillon ; (3) Système de focalisation électronique ; (4) Spectromètre ; (5) Détecteur à électrons
(channeltron) ; (6) Système d'acquisition et de traitement des données. (Institut Rayonnement Matière de
Saclay).
Cet effet correspond à l’interaction entre le photon et un électron de cœur : le photon
disparaît en cédant la totalité de son énergie à l’électron qui est éjecté de son orbitale. Un système
de lentille attire l’électron vers un analyseur hémisphérique constitué de deux électrodes.
L’électron en entrant dans l’analyseur est soumis à un champ électrique, créé par la différence de
potentiel entre les électrodes, qui disperse la trajectoire des électrons en fonction de leur énergie
cinétique (Figure 10). La mesure de l’énergie cinétique de l’électron permettra de connaître
l’énergie de liaison de l’électron dans l’atome.
D’après le principe de la conservation de l’énergie de l’effet photoélectrique, l’énergie hν
des photons incidents se répartit entre Ei, l’énergie d’ionisation correspondant à l’éjection d’un
électron d’une orbitale de cœur de l’atome, Ecin, l’énergie cinétique communiquée au photoélectron
émis et sortieφ, travail de sortie de l’électron de l’échantillon :
ANNEXES
326
sortiecini EEh φν ++=
L’énergie d’excitation hν et le travail de sortie étant connus, la mesure de l’énergie cinétique
Ecin des photoélectrons permet de déterminer Ei. L’énergie d’ionisation est aussi appelée énergie de
liaison EL, elle correspond l’énergie à fournir pour éjecter un électron d’une orbitale atomique.
Utilisation de l’XPS pour l’étude de l’altération de monolithes de verre :
Lors de l’analyse de matériaux isolants, comme c’est le cas du verre, l’émission des
photoélectrons laisse des charges résiduelles positives sur la surface. Cet effet de charge ralentit les
photoélectrons et déplace donc les énergies de liaisons mesurées vers des valeurs plus élevées.
Pour compenser cet effet de charge, la surface de l‘échantillon est en général neutralisée par flood
gun. Cette technique consiste à irradier la surface du matériau par un faisceau d’électrons de faible
énergie (inférieur à 10 eV)1. La mesure de la valeur de l'effet de charge s'effectue en utilisant un
étalon interne ou externe, ici on utilise la raie principale de l’or, Au 4f 7/2.
Un autre point important concernant l’analyse de monolithes de verre altéré est la prise en
compte du libre parcours moyen dans les coefficients de sensibilité. La distance parcourue par les
électrons avant d’atteindre la surface dépend de plusieurs paramètres dont les principaux sont :
l’énergie initiale de l’électron et la nature du milieu que cet électron traverse, notamment la
variation de densité. Puisque l’énergie cinétique des électrons caractérise l’état chimique de
l’atome, il devient intéressant de connaître la distance qu'un électron peut parcourir sans changer
d'énergie cinétique. On appelle libre parcours moyen la distance parcourue par un électron entre
deux chocs inélastiques. Lors du traitement des données quantitatives, à chaque élément et sa raie
associée, des facteurs de sensibilité sont attribués, il s’agit des facteurs de Wagner. Ces facteurs, à la
différence de ceux de Scofield, tiennent compte du libre-parcours moyen parcouru par un électron.
Traitement des données
Des analyses semi-quantitatives peuvent être extraites des spectres XPS normalisés en se
basant sur la hauteur des pics et sur la surface sous les pics. L'identification de l'état chimique d'un
élément peut être obtenue à partir de la mesure exacte de la position des pics et de leurs
séparations en énergie.
Le logiciel AVANTAGE v2.18 permet de traiter des spectres. La surface sous le pic est
calculée après retrait du fond continu suivant le modèle de Shirley. Les échantillons ont subi tout
d’abord un balayage global en énergie (survey) puis à des énergies bien définie pour chaque
élément, des accumulations de mesure sur les pics principaux sont effectués de manière à obtenir
des spectres à haute résolution énergétique.
1 Huchital D.A. and McKeon R.T., 1972, Use of an Electron Flood Gun to Reduce Surface Charging in X-Ray
Photoelectron Spectroscopy. Vol. 20: AIP. 158-159.
ANNEXES
327
Il est possible de réaliser une analyse semi-quantitative en utilisant l’équation suivante qui
donne l’expression de la concentration atomique :
∑=
ii
iii FS
FSCat
avec Cati la concentration atomique en élément i
Si la surface sous le pic attribué à l’élément i
Fi le facteur de sensibilité pour l’élément i et pour le niveau énergétique considéré pour la mesure
de Si. Dans cette étude, les facteurs de sensibilité utilisés sont ceux donnés par Wagner et al.2.
2 Wagner C.D., et al., 1979, Handbook of x-ray photoelectron spectroscopy, ed. E.G.E. Muilenberg. Minnesota.
ANNEXES
328
ANNEXE E : Tableaux de résultats détaillés – Chapitre IV
Vitesses initiales en eau à pH ajusté du verre CSD-B altéré sur une gamme de pH variant de 3 à 11,7 à 50 °C.
IC est l’intervalle de confiance à 95 % associé à la vitesse initiale en eau à pH ajusté.
pH Manip V(Si) u(v) k*u(v) IC (%) V(Si) min V(Si) max 3 0-3 0,0178 0,0044 8,79E-03 49,28 0,009 0,027 Si icp 0,2493 0,0215 4,30E-02 17,23 0,206 0,292 B icp 0,2307 0,0160 3,19E-02 13,84 0,199 0,263 Li icp 0,0240 0,0005 1,04E-03 4,33 0,023 0,025 Si uv 4 0-4 0,0096 0,0001 2,88E-04 3,00 0,009 0,010 Si uv 0,0111 0,0002 4,42E-04 3,97 0,011 0,012 Si icp 5 0-5 0,0059 0,0003 5,92E-04 10,11 0,005 0,006 Si uv 0,0069 0,0004 8,11E-04 11,81 0,006 0,008 Si icp 6 0-6 0,0060 0,0005 9,05E-04 15,03 0,005 0,007 Si uv 0,0068 0,0004 8,92E-04 13,21 0,006 0,008 Si icp 7 0-7 0,0072 0,0011 2,26E-03 31,40 0,005 0,009 Si icp 0,0667 0,0034 6,87E-03 10,29 0,060 0,074 B icp 0,0713 0,0054 1,08E-02 15,13 0,061 0,082 Li icp 0,0112 0,0007 1,33E-03 11,93 0,010 0,013 Si uv 8 0-8 0,0317 0,0012 2,43E-03 7,65 0,029 0,034 Si uv 0,0331 0,0010 2,01E-03 6,06 0,031 0,035 Si icp 9 0-9 0,0933 0,0051 1,02E-02 10,90 0,083 0,103 Si uv 0,1012 0,0045 9,08E-03 8,98 0,092 0,110 Si icp
10 0-10 0,2780 0,0037 7,38E-03 2,66 0,271 0,285 Si uv 0,3014 0,0017 3,32E-03 1,10 0,298 0,305 Si icp
11,7 0-11,7 0,5884 0,0450 9,00E-02 15,30 0,498 0,678 Si icp 0,5424 0,0229 4,58E-02 8,44 0,497 0,588 B icp 0,7807 0,0867 1,73E-01 22,22 0,607 0,954 Li icp 0,6152 0,0867 1,73E-01 28,20 0,442 0,789 Si uv
Vitesses initiales du verre CSD-B altéré dans différentes concentration de calcium sur une gamme de pH
variant de 7 à 11,7 à 50 °C. IC est l’intervalle de confiance à 95 % associé à la vitesse initiale.
pH Manip V(Si) u(v) k*u(v) IC (%) V(Si) min V(Si) max 3 5_3 0,0955 0,0036 7,26E-03 7,61 0,088 0,103 Si icp 50-3 0,0937 0,0048 9,54E-03 10,18 0,084 0,103 Si icp 7 5_7 0,0346 0,0010 2,03E-03 5,89 0,033 0,037 Si icp 50-7 0,0449 0,0010 2,03E-03 4,53 0,043 0,047 Si icp
10,5 5-10,5 0,5014 0,0153 3,07E-02 6,12 0,471 0,532 Si icp 0,4857 0,0141 2,82E-02 5,81 0,457 0,514 B icp 0,5806 0,0693 1,39E-01 23,87 0,442 0,719 Li icp
11 5_11 0,5666 0,0140 2,80E-02 4,95 0,539 0,595 Si icp 0,5568 0,0176 3,53E-02 6,34 0,521 0,592 B icp 0,6081 0,1037 2,07E-01 34,10 0,401 0,816 Li icp
11,7 5-11,7 0,4130 0,0204 4,08E-02 9,87 0,372 0,454 Si icp 0,3827 0,0087 1,74E-02 4,56 0,365 0,400 B icp 0,4212 0,2188 4,38E-01 103,91 -0,016 0,859 Li icp
11,7 50-11,7 0,2037 0,0033 6,64E-03 3,26 0,197 0,210 Si icp
ANNEXES
329
Vitesses initiales du verre CSD-B altéré dans 150 mg.L-1 de calcium sur une gamme de pH variant de 3 à 11,7
à 50 °C. IC est l’intervalle de confiance à 95 % associé à la vitesse initiale.
pH Manip V(Si) u(v) k*u(v) IC (%) V(Si) min V(Si) max 3 150-3 0,0469 0,0068 1,37E-02 29,20 0,033 0,061 Si icp 0,2997 0,0322 6,43E-02 21,47 0,235 0,364 B icp 0,2724 0,0386 7,71E-02 28,30 0,195 0,350 Li icp 0,0446 0,0020 4,01E-03 9,00 0,041 0,049 Si uv 4 150-4 0,0166 0,0011 2,29E-03 13,79 0,014 0,019 Si uv 0,0128 0,0002 4,60E-04 3,58 0,012 0,013 Si icp 5 150-5 0,0169 0,0011 2,18E-03 12,91 0,015 0,019 Si uv 0,0178 0,0007 1,39E-03 7,81 0,016 0,019 Si icp 6 150-6 0,0256 0,0015 2,92E-03 11,38 0,023 0,029 Si uv 0,0274 0,0013 2,66E-03 9,70 0,025 0,030 Si icp 7 150-7 0,0493 0,0177 3,55E-02 71,98 0,014 0,085 Si icp 0,0510 0,0035 6,99E-03 13,70 0,044 0,058 B icp 0,0631 0,0046 9,17E-03 14,53 0,054 0,072 Li icp 0,0537 0,0034 6,87E-03 12,79 0,047 0,061 Si uv 8 150-8 0,1519 0,0029 5,88E-03 3,87 0,146 0,158 Si uv 0,1646 0,0050 1,00E-02 6,10 0,155 0,175 Si icp 9 150-9 0,3059 0,0108 2,16E-02 7,05 0,284 0,327 Si uv 0,3273 0,0122 2,44E-02 7,44 0,303 0,352 Si icp
10 150-10 0,4973 0,0062 1,23E-02 2,48 0,485 0,510 Si icp 0,4798 0,0074 1,49E-02 3,10 0,465 0,495 B icp 0,6031 0,0592 1,18E-01 19,63 0,485 0,721 Li icp 0,5408 0,0153 3,07E-02 5,67 0,510 0,571 Si uv 10,5 150-10,5 0,5972 0,0271 5,42E-02 9,08 0,543 0,651 Si icp
0,5664 0,0179 3,57E-02 6,31 0,531 0,602 B icp 0,6224 0,0227 4,54E-02 7,30 0,577 0,668 Li icp 0,4351 0,0476 9,53E-02 21,90 0,340 0,530 Si uv
11 150-11 0,4003 0,0090 1,80E-02 4,50 0,382 0,418 Si icp 0,3780 0,0085 1,71E-02 4,52 0,361 0,395 B icp 0,4485 0,0057 1,14E-02 2,55 0,437 0,460 Li icp 0,2701 0,0137 2,74E-02 10,13 0,243 0,297 Si uv 11,7 150-11,7 0,0898 0,0102 2,03E-02 22,61 0,070 0,110 Si icp
0,1170 0,0211 4,21E-02 36,00 0,075 0,159 B icp 0,2021 0,1066 2,13E-01 105,52 -0,011 0,415 Li icp 0,0902 0,0027 5,34E-03 5,92 0,085 0,096 Si uv
ANNEXES
330
ANNEXE F : Spectroscopie des Photoélectrons X
Préparation de l’échantillon et acquisition des données
Dans le cas de la caractérisation de pellicule d’altération, le verre fracturé est introduit
directement dans la solution d’altération puis il est plongé dans de l’éthanol pour éviter tout
contact avec l’air ambiant, en attente d’être caractérisé.
Les spectres obtenus sont étalonnés par rapport à la raie principale de l’or, Au 4f 7/2 (84 eV).
L’effet de charge sur la surface de verre est d’environ + 4 eV pour le verre VS. Sur chaque
échantillon, un premier spectre complet est enregistré entre 0 et 1200 eV pour visualiser tous les
pics utiles. Afin d’obtenir une meilleure précision, les fenêtres en énergie ont été réduites pour
chaque élément sélectionné. Elles sont centrées sur la valeur moyenne du pic dans une gamme
pouvant varier de 4 à 12 eV suivant l’élément considéré. Les spectres sont enregistrés en mode
haute résolution (E = 0,4 eV). Pour le verre fracturé sain et altéré, l’ensemble des spectres sont en
présentés ci-dessous.
Les facteurs de sensibilité utilisés sont ceux de Wagner3. Pour le sodium, la raie principale
est la raie Na 1s (1072 eV). Cependant, en considérant cette raie, le pourcentage atomique de
sodium dans le verre est fortement sous-estimé. Les facteurs de sensibilité pour la raie Na 1s étant
de 2,3 (comparativement à la raie Na 2s qui est de 0,3), la quantité de sodium estimée correspond à
une épaisseur équivalente beaucoup plus faible. C’est la raie Na 2s qui est donc prise en compte.
3 Wagner C.D., et al., 1982, Auger and photoelectron line energy relationships in aluminum-oxygen and
silicon-oxygen compounds. Vol. 21: AVS. 933-944.
ANNEXES
331
Verre VS fracturé sain
ANNEXES
332
ANNEXES
333
Verre VS fracturé altéré
ANNEXES
334
ANNEXES
335
ANNEXE G : Diffractogrammes des rayons X – Chapitre V
SS2P-30
00-005-0586 (*) - Calcite, syn - CaCO3 - Y: 0.79 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Hexagonal (Rh) - a 4.98900 - b 4.98900 - c 17.06200 - alpha 90.000 - beta 90.000 - gamma 120.000 - Primitive - R-3c (167) - 6 - 367.780 - I/Ic PDF 2. - F30= 57(0.001-070-2480 (C) - Calcium Boron Hydroxide Hydrate - Ca(B(OH)4)2(H2O)2 - Y: 1.80 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Monoclinic - a 8.04000 - b 6.69000 - c 7.95000 - alpha 90.000 - beta 104.900 - gamma 90.000 - Primitive - P2/c (13) - 2 - 413.2300-041-0221 (*) - Calcium Aluminum Oxide Carbonate Hydroxide Hydrate - Ca4Al2O6(CO3)0.5(OH)·11.5H2O/3CaO·Al2O3·0.5Ca(OH)2·0.5CaCO3·11. - Y: 6.25 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Hexagonal (Rh) - a 5.76700 - b 5.76700 - c 49.209000-047-0419 (*) - Calcium Aluminum Borate Hydroxide Hydrate - Ca6Al2[B(OH)4]3.8(OH)14.2·20H2O - Y: 5.28 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Hexagonal - a 11.02200 - b 11.02200 - c 21.38000 - alpha 90.000 - beta 90.000 - gamma 120.000 - Pr00-004-0733 (I) - Portlandite, syn - Ca(OH)2 - Y: 12.50 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Hexagonal - a 3.59300 - b 3.59300 - c 4.90900 - alpha 90.000 - beta 90.000 - gamma 120.000 - Primitive - P-3m1 (164) - 1 - 54.8830 - I/Ic PDF 1.4 - F28= 14(Operations: X Offset -0.131 | Background 0.000,1.000 | ImportFile: X12-271 ASS2-30s.raw - Type: 2Th/Th locked - Start: 3.010 ° - End: 59.997 ° - Step: 0.017 ° - St ep time: 2. s - Temp.: 25 °C (Room) - Time Started: 0 s - 2-Theta: 3.010 ° - Theta: 1.505 ° - Phi: 0.0 0 ° - Aux1: 0.0 - Aux2: 0.0 - Aux3: 0.0 - Di
Lin
(Cou
nts)
0
10000
20000
30000
2-Theta - Scale
5 10 20 30 40 50 60
SS2P-50
01-086-0174 (C) - Calcite - synthetic - Ca(CO3) - Y: 6.25 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Hexagonal (Rh) - a 4.98800 - b 4.98800 - c 17.06800 - alpha 90.000 - beta 90.000 - gamma 120.000 - Primitive - R-3c (100-041-0219 (*) - Calcium Aluminum Oxide Carbonate Hydrate - Ca4Al2O6CO3·11H2O/3CaO·Al2O3·CaCO3·11H2O - Y: 2.65 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Triclinic - a 5.78300 - b 5.74400 - c 7.85600 - alph01-072-0156 (C) - Portlandite, syn - Ca(OH)2 - Y: 12.50 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Hexagonal - a 3.58530 - b 3.58530 - c 4.89500 - alpha 90.000 - beta 90.000 - gamma 120.000 - Primitive - P-3m1 (164) - 01-070-2480 (C) - Calcium Boron Hydroxide Hydrate - Ca(B(OH)4)2(H2O)2 - Y: 10.55 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Monoclinic - a 8.04000 - b 6.69000 - c 7.95000 - alpha 90.000 - beta 104.900 - gamma 90.Operations: Background 0.026,1.000 | ImportFile: X12-269 ASS2-50s.raw - Type: 2Th/Th locked - Start: 3.010 ° - End: 59.997 ° - Step: 0.017 ° - St ep time: 2. s - Temp.: 25 °C (Room) - Time Started: 0 s - 2-Theta: 3.010 ° - Theta: 1.505 ° - Phi: 0.0 0 ° - A
Lin
(Cou
nts)
0
10000
20000
30000
40000
50000
2-Theta - Scale
5 10 20 30 40 50 60
ANNEXES
336
SS1P-50
01-086-0174 (C) - Calcite - synthetic - Ca(CO3) - Y: 3.13 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Hexagonal (Rh) - a 4.98800 - b 4.98800 - c 17.06800 - alpha 90.000 - beta 90.000 - gamma 120.000 - Primitive - R-3c (101-070-2480 (C) - Calcium Boron Hydroxide Hydrate - Ca(B(OH)4)2(H2O)2 - Y: 6.25 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Monoclinic - a 8.04000 - b 6.69000 - c 7.95000 - alpha 90.000 - beta 104.900 - gamma 90.000-044-1481 (*) - Portlandite, syn - Ca(OH)2 - Y: 50.00 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Hexagonal - a 3.58990 - b 3.58990 - c 4.91600 - alpha 90.000 - beta 90.000 - gamma 120.000 - Primitive - P-3m1 (164) - Operations: Background 0.000,1.000 | ImportFile: X12-269 ASS2-50s.raw - Type: 2Th/Th locked - Start: 3.010 ° - End: 59.997 ° - Step: 0.017 ° - St ep time: 2. s - Temp.: 25 °C (Room) - Time Started: 0 s - 2-Theta: 3.010 ° - Theta: 1.505 ° - Phi: 0.0 0 ° - A
Lin
(Cou
nts)
0
10000
20000
30000
40000
50000
2-Theta - Scale
5 10 20 30 40 50 60
SS1P-30
00-005-0586 (*) - Calcite, syn - CaCO3 - Y: 3.13 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Hexagonal (Rh) - a 4.98900 - b 4.98900 - c 17.06200 - alpha 90.000 - beta 90.000 - gamma 120.000 - Primitive - R-3c (167) - 6 -00-041-0219 (*) - Calcium Aluminum Oxide Carbonate Hydrate - Ca4Al2O6CO3·11H2O/3CaO·Al2O3·CaCO3·11H2O - Y: 3.13 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Triclinic - a 5.78300 - b 5.74400 - c 7.85600 - alph01-072-0156 (C) - Portlandite, syn - Ca(OH)2 - Y: 12.50 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Hexagonal - a 3.58530 - b 3.58530 - c 4.89500 - alpha 90.000 - beta 90.000 - gamma 120.000 - Primitive - P-3m1 (164) - 00-047-0419 (*) - Calcium Aluminum Borate Hydroxide Hydrate - Ca6Al2[B(OH)4]3.8(OH)14.2·20H2O - Y: 6.25 % - d x by: 1. - WL: 1.5406 - Hexagonal - a 11.02200 - b 11.02200 - c 21.38000 - alpha 90.000Operations: X Offset -0.073 | X Offset -0.058 | Background 1.000,1.000 | ImportFile: X12-270 ASS1-30s.raw - Type: 2Th/Th locked - Start: 3.010 ° - End: 59.997 ° - Step: 0.017 ° - St ep time: 2. s - Temp.: 25 °C (Room) - Time Started: 0 s - 2-Theta: 3.010 ° - Theta: 1.505 ° - Phi: 0.0 0 ° - A
Lin
(Cou
nts)
0
10000
20000
30000
2-Theta - Scale
5 10 20 30 40 50 60
ANNEXES
337
ANNEXE H : Expérience d’altération à échelle 1 - ALISE
L’altération du verre en solution cimentaire S1 à 50 °C conduit à la précipitation de
zéolithes, ce qui engendre soit le maintien d’une vitesse résiduelle élevée, soit un régime de reprise
d’altération. Dans le chapitre VI, nous étudions à l’échelle du laboratoire les mécanismes
responsables de la formation des zéolithes et leurs conséquences sur la durabilité du verre. Nous
avons montré que le rapport S/V était responsable, via l’atteinte d’un état de sursaturation, de la
compétition entre la formation d’un gel passivant et la nucléation / croissance des zéolithes. Les
phénomènes limitants ne sont alors pas les mêmes au cours de l’altération.
L’objectif de cette annexe est de suivre l’altération d’un colis de verre à l’échelle 1en creuset
froid dans les mêmes conditions que celles utilisées au laboratoire (solution S1) et de voir si les
expériences à ces deux échelles sont cohérentes :
- Y a-t-il précipitation de zéolithes ?
- Quel type de cinétique observe-t-on ?
- Les mécanismes mis en évidence à l’échelle du laboratoire sont-ils observés à l’échelle 1 ?
Conditions expérimentales
Un appareillage à échelle 1, dénommé ALISE4, consiste à altérer en condition statique un
bloc de verre (coulé dans un panier perforé en acier inoxydable) dans un très faible volume de
solution à température fixe. La Figure 11 (a) présente un schéma de principe du montage d’ALISE.
(a) (b)
Figure 11. (a) Schéma de montage d’ALISE. (b) Introduction du gros bloc dans la cuve d’ALISE.
Le lancement de l’essai ALISE date du 22 avril 2010 (Figure 11 (b)), il se poursuit toujours
deux ans plus tard. Le bloc de verre utilisé avait été prélixivié en Soxhlet5 durant 4 jours. Il pèse 332
4 ALISE : Appareillage de LIxiviation Statique Electrique
5 L’appareillage de type « Soxhlet Gros Bloc » permet l’altération d’un bloc de verre à 100 °C en conditions de
renouvellement constant de la solution.
ANNEXES
338
kg et est lixivié en présence d’un volume initial de 39 L de solution S1 à 50°C. Le volume d’eau
n’est pas compensé par réajustement. Une pompe permet d’homogénéiser la solution avant
d’effectuer un prélèvement.
Le suivi consiste à vérifier le maintien de la température au niveau de trois thermocouples et à
réaliser des prélèvements de quelques millilitres régulièrement. Après filtration à 0,45 µm (filtre-
seringue GHP) et acidification, les solutions sont analysées par ICP-AES. Les éléments dosés sont
les suivants : Si, B, Na, Li, Mo, Al, Ca, K. Un prélèvement de solide a également été réalisé.
Cinétique d’altération d’un colis
Les Figure 12 et Figure 12 rendent compte de l’évolution des quantités de verre altéré
jusqu’à 100 jours et 693 jours d’altération respectivement.
0
10
20
30
40
50
60
0 20 40 60 80 100
Temps (j)
QV
Ai (
g)
0
10
20
30
40Si BLi MoAl
[Ca]
(m
g.L
-1)
Figure 12. Evolution des quantités de verre altéré jusqu’à 100 jours d’altération et de la concentration en
calcium de la solution à 50 °C.
L’évolution des quantités de verre altéré par élément rend compte d’une part que le
calcium, initialement présent en solution en quantité importante, a été très majoritairement
consommé et d’autre part, qu’une chute de vitesse a lieu après environ 40 jours d’altération (Figure
12). Notons que dans les premiers jours, le relâchement du silicium et du bore est congruent puis
après 40 jours, l’écart entre les quantités de verre altéré en silicium et en bore devient plus
important.
Entre 168 et 265 jours d’altération, une variation notable des quantités de verre altéré en
bore, en silicium et en aluminium est visible (Figure 13). Les quantités de verre altéré en bore, en
molybdène et en lithium augmentent alors que celle en aluminium diminue. Ces cinétiques
globales indiquent qu’une reprise d’altération se produit. Cette reprise est progressive et se
poursuit à 700 jours. Contrairement aux essais en laboratoire, le lithium n’est pas retenu dans les
phases secondaires, il reste traceur de l’altération au même titre que le molybdène ou encore le
bore. Il convient de noter également que le pH ne varie presque pas : il se maintient à environ
12,45 ± 0,2.
ANNEXES
339
0
40
80
120
160
200
240
280
320
0 100 200 300 400 500 600 700
Temps (j)
QV
Ai (
g)
Si BAl MoLi
Figure 13. Evolution des quantités de verre altéré jusqu’à 693 jours d’altération.
Le Tableau 8 donne les vitesses d’altération en gramme de verre par jour pour la période
antérieure à la chute de vitesse et pendant la reprise d’altération. Quel que soit l’élément considéré,
ces deux vitesses sont du même ordre de grandeur. Pour le molybdène qui est l’élément le plus
relâché, la vitesse avant 30 jours d’altération est supérieure d’un facteur 1,6.
Tableau 8. Vitesses d’altération du bloc de verre déterminées pour deux intervalles de temps, avant la chute
de vitesse et pendant la reprise d’altération.
Intervalle
de temps V(Si)
(g.j-1)
V(B)
(g.j-1)
V(Li)
(g.j-1) V(Mo)
(g.j-1)
< 30 j 0,56 0,68 0,89 0,89
> 403 j 0,18 0,48 0,47 0,54
Jusqu’à présent, la reprise d’altération se poursuit à vitesse constante. Il serait intéressant
dans les prochaines échéances de voir l’impact de la diminution de la teneur en aluminium sur
l’évolution des cinétiques globales.
Caractérisation du solide
Un prélèvement de solide a été réalisé à 475 jours d’altération pour caractériser la pellicule
d’altération et mettre en évidence la présence éventuelle de phases secondaires.
Les observations MEB montrent la présence de cristaux de zéolithes à l’interface verre / solution au
niveau de la surface supérieure du bloc (Figure 14 et Figure 15). Dans les fissures, quelques
cristaux disparates se trouvent dans la zone la plus large de la fissure.
Cette phase a été identifiée par DRX comme étant une zéolithe de type chabazite, essentiellement
constituée de silicium, d’aluminium, de potassium et dans une moindre mesure de sodium (Figure
15). Sa morphologie sous forme de sphérules est différente de celle des phases observées dans les
essais en laboratoire (Figure 15).
ANNEXES
340
(a) (b)
Figure 14. Morceau de verre prélevé : (a) face externe et (b) face interne au bloc de verre. L’existence d’une
couche brunâtre est clairement visible sur la face externe du morceau de verre.
Figure 15. Morphologie des cristaux de zéolithes tapissant la surface du bloc de verre en contact direct avec
la solution et analyse EDS au MEB des éléments majoritaires constitutifs de cette phase.
La caractérisation de la pellicule d’altération révèle que celle-ci est constituée de différentes
couches (Figure 16) :
- en surface de l’échantillon se trouve une couche uniforme formant un tapis de cristaux de
zéolithes,
- sous ce tapis de zéolithes se trouve une sous-couche d’environ 500 nm d’épaisseur, riche
en Si, K, Fe, Al, Ca, Mn et Ce (Figure 17),
- entre cette sous-couche et le verre sain se trouve une couche de gel d’épaisseur comprise
entre 10 et 15 µm, riche en Si, Al, K, Ca et Fe avec un peu de Na (Figure 17).
ANNEXES
341
Figure 16. Couche brunâtre observée au MEB (a) a l’endroit et (b) à l’envers. Différentes couches sont
distinguables.
Le gel semble constitué de deux couches (Figure 17) et apparaît très poreux. Il semble qu’au
sein de la couche de gel existent également des sortes de canaux visibles sur la Figure 16 (b).
Figure 17. Esquille de gel et de la sous-couche observée au MEB. Analyse EDS sur ces deux couches : (a) sous-
couche et (b) gel.
Un schéma représentant les différentes couches est proposé en Figure 18 à partir de
l’observation directe au MEB de trois échantillons.
b a
a b
a
b
ANNEXES
342
Figure 18. Schéma représentant les différentes couches d’altération en surface du verre sain.
La caractérisation au MEB de sections polies montre que les petites fissures sont colmatées
par une couche de produits d’altération. Deux couches riches en calcium, en fer, en silicium et en
potassium sont clairement visibles. Les cristaux de zéolithes sont présents uniquement à la surface
du verre en contact avec la solution.
Figure 19. (a) Observation d’une fissure en section polie au MEB. (b) Grossissement fois 5 de l’image (a).
Figure 20. Cartographie EDS de la Figure 19 (b).
Ca Si
Al K Fe
Na
b a
ANNEXES
343
La caractérisation en observation directe au MEB de l’intérieur des fissures révèle
l’existence de phases de type C-S-H (Figure 21 (a) et (b)). D’après les observations réalisées, il
semble qu’au fur et à mesure qu’on pénètre dans la fissure, les cristaux de zéolithes laissent la
place à une phase secondaire riche en calcium, de type C-S-H.
(a) (b) Figure 21. Observation directe au MEB de l’intérieur d’une fissure. (a) Présence de phases de type C-S-H en
amas. (b) Coexistence d’un cristal de zéolithe et de cette phase filamenteuse.
On peut supposer que le scénario d’altération puisse être interprété en fonction de
l’ouverture de la fissure.
Bilan de l’expérience à échelle 1 Les cinétiques correspondent à celles des essais RA80 et RA200 puisqu’une chute de vitesse
est observée avant la reprise d’altération. Cependant, ici, la reprise d’altération est continue et dure
depuis un an environ.
Ces premières caractérisations réalisées sur l’expérience à échelle 1 permettent de discuter des
similitudes et des différences avec les essais en laboratoire.
Les similitudes aux expériences en laboratoire sont les suivantes :
- phénomène de reprise d’altération avec précipitation de zéolithes,
- rapide consommation du calcium correspondant à la précipitation de C-S-H,
Les différences avec les expériences en laboratoire peuvent se résumer en quatre points
principaux :
- pas de variation notable du pH de la solution au cours de la reprise d’altération,
- nature et morphologie de la phase zéolithe,
- absence de figure d’altération sous forme de cupules,
- existence d’une sous-couche entre le gel et le tapis de zéolithes,
RESUME
Etude des mécanismes d’altération du verre par des eaux cimentaires
Dans le cadre du concept Français de stockage géologique profond des déchets radioactifs, il
est envisagé de stocker les colis vitrifiés de déchets de Moyenne Activité à Vie Longue au sein de
surconteneurs en béton. La chimie de l’eau interstitielle étant susceptible de modifier la durabilité
chimique des matrices vitreuses, cette étude a été menée afin d’appréhender la phénoménologie
d’altération du verre au contact d’eaux cimentaires. Trois solutions cimentaires ont été étudiées :
deux solutions représentatives des deux premiers stades de dégradation d’un ciment Portland et
une solution à l’équilibre avec un béton bas pH. Les conditions dans lesquelles le rapport S/V
(surface de verre sur volume de solution) et la chimie de la solution pilotent les mécanismes
d’altération du verre sont clairement établies.
Si le flux d’éléments relâchés par le verre est suffisant pour atteindre et maintenir un état de
sursaturation qui permette la nucléation de phases secondaires (C-S-H et zéolithes), alors la
précipitation de ces phases pilote la dissolution du verre. Les rôles antagonistes du calcium ont été
mis en évidence en fonction du régime d’altération du verre. A faible rapport S/V, l’incorporation
du calcium au sein de la pellicule d’altération augmente ses propriétés passivantes. A l’inverse, à
fort rapport S/V, le calcium précipite sous forme de phases cimentaires consommatrices d’éléments
réticulants de la pellicule d’altération, ce qui engendre le maintien d’une vitesse d’altération élevée.
Le rôle bénéfique d’un ciment bas pH vis-à-vis de l’altération du verre est expliqué à partir de ces
résultats. Ce travail constitue une première étape visant à la compréhension fine des mécanismes
d’altération du verre en milieu cimentaire.
Mots clés : Verre, ciment, durabilité chimique, C-S-H, zéolithes, calcium, pH
ABSTRACT
Study of glass alteration mechanisms in cement waters
In the French deep geological repository concept, intermediate-level vitrified waste
packages could be disposed of concrete medium. Chemical composition and pH of the interstitial
leaching water are expected to influence the chemical durability of glass. Investigations have thus
been carried out to study glass dissolution mechanisms and kinetics in contact with cement waters.
Three cement pore waters were studied: the first two correspond to two stages of the Portland
cement aging and the third corresponds to equilibrium with a low pH concrete. The S/V ratio
(glass-surface-area-to-solution-volume ratio) and the chemistry of cement waters are the two main
parameters that control glass alteration mechanisms.
If the leaching flow from the glass allows a degree of supersaturation to be reached and maintained
which leads to nucleation of secondary phases, then precipitation of these phases drives glass
dissolution. At a very low S/V ratio, the calcium uptake into the alteration layer increases its
passivating properties. Conversely, at a high S/V ratio, the calcium precipitates as cementitious
phases consuming elements which form the alteration layer. The glass dissolution is maintained at
a high rate.
This study contributes to highlighting the beneficial role of low pH cement in glass alteration, and
is a first step towards understanding the mechanisms between the glass and the cement medium.
Keywords: Glass, cement, chemical durability, C-S-H, zeolites, calcium, pH