Observatoire du Management AlternatifAlternative Management Observatory
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Fiche de lecture
Tous les hommes sont frèresGandhi
Mars 2009
Maëlle Gasc – Avril 2010Majeure Alternative Management – HEC Paris – 2009-2010
: «Tous les hommes sont frères» – Mars 2010 1
Tous les hommes sont frères -Vie et pensées du Mahatma Gandhi d’après ses oeuvres
Cette fiche de lecture a été réalisée dans le cadre du cours « Histoire de la critique » donné par Eve Chiapello et Ludovic François au sein de la Majeure Alternative Management, spécialité de troisième année du programme Grande Ecole d’HEC Paris.
Folio Essais, Saint-Armand (Cher), 2009.Date de première publication : 1969.
Résumé : Si le nom de Gandhi est bien connu en occident, peu sont les initiés qui comprennent les fondements de sa pensée et ses applications, pourtant nombreuses. Publié à l’initiative de l’UNESCO, ce recueil de textes et de discours de Gandhi, organisé par thèmes, permet à chacun de découvrir le personnage, sa vie, ses convictions et ses doutes, afin de bénéficier de son éclairage intemporel sur des questions politiques et sociétales plus que jamais d’actualité.
Mots-clés : Gandhi, Inde, Non-violence, Religion, Paix, Indépendance.
All Men Are Brothers -Life and Thoughts of Mahatma Gandhi As Told in His Own
Words
This review was presented in the “Histoire de la critique” course of Eve Chiapello and Ludovic François. This course is part of the “Alternative Management” specialization of the third-year HEC Paris business school program.
Folio Essais, Saint-Armand, 2009.Date of first publication : 1969
Abstract: Westerners may certainly have heard about Gandhi’s name. Whether they understand the origin of his believes and their numerous concrete applications is not as obvious. This book, published by the UNESCO, is a compilation of Gandhi’s writings and speeches, organized in themes. The reader can learn more about the man he was, his life, his believes and fears, so as to profit from his timeless and enlightening viewpoint about burning political and social issues.
Key words: Gandhi, India, Non-violence, Religion, Peace, Independence.
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Table des matières
1. L’auteur, son oeuvre .............................................................................................................. 4
1.1 Brève biographie .............................................................................................................. 4
1.2 Place de l’ouvrage dans la vie de l’auteur ........................................................................ 5
2. Résumé de l’ouvrage ............................................................................................................. 8
2.1 Plan de l’ouvrage ............................................................................................................ 8
2.2 Principales étapes du raisonnement et principales conclusions ...................................... 8
3. Commentaires critiques ..................................................................................................... 12
3.1 Avis d’autres auteurs sur l’ouvrage et son auteur ........................................................... 12
3.2 Avis de l’auteur de la fiche ............................................................................................. 12
4. Bibliographie de l’auteur .................................................................................................. 14
5. Références ........................................................................................................................... 16
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1. L’auteur, son œuvre
1.1 Brève biographie
Une éducation internationale
Né d’une famille aisée de religion hindoue appartenant à la caste des vaishyas (marchands)
dans l’état occidental du Gujarat en 1869, Mohandas Karamchand Gandhi, élève studieux et
timide, est marié à l’âge de treize ans à Kasturba Makhanji (également appelée « Ba »), avec
laquelle il aura quatre fils. Ces personnages ont un impact considérable sur Gandhi et sont
évoqués à maintes reprises au cours de l’ouvrage étudié. En 1888, Gandhi quitte l’Inde pour
étudier à l’University College de Londres où il devient avocat. Il exerce d’abord à Bombay,
puis s’embarque pour l’Afrique du Sud en 1893, attiré par les perspectives d’une expérience
nouvelle. Il y est témoin et victime de préjugés et actes racistes qui l’incitent à devenir le
défenseur des Indiens contre la politique d’apartheid. En 1899, lors de la deuxième guerre des
Boers, il s’engage en tant qu’ambulancier avec des centaines d’Indiens aux côtés des
Britanniques, afin de porter secours aux combattants noirs Sud-africains. Au cours des dix
premières années du vingtième siècle, Gandhi s’emploie à montrer son attachement à la vérité
et proteste contre la situation des Indiens en Afrique du Sud en développant une méthode de
désobéissance civile utilisant la non-violence. Maintes fois emprisonné et violenté, son sort
ainsi que celui de ses compagnons émeut l’opinion publique et conduit le gouvernement à
accepter un compromis (légalisation des mariages non chrétiens et abolition de la taxe
imposée aux coolies).
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Un long combat pour l’Indépendance de l’Inde
À son retour en Inde en 1915, Gandhi bénéficie déjà d’une réputation de héros qui lui vaut
le surnom de Mahatma (grande âme), qu’il refusera toute sa vie. Découvrant qu’il connaît peu
son pays, il décide de sillonner l’Inde de village en village. Il mène alors une vigoureuse
campagne de défense des Indiens opprimés et devient Président du Parti du Congrès en 1921.
Face aux massacres dont il est témoin, il devient un fervent défenseur de l’indépendance de
son pays, menant une vigoureuse campagne contre l’Angleterre en prêchant le boycott des
produits importés. Ce mouvement de désobéissance civile prend fin en 1922 avec l’arrestation
de Gandhi, qui marque également la fin de la coopération entre Hindous et Musulmans,
pourtant forte durant la campagne de non-violence. Durant les années 1920, Gandhi s’emploie
à lutter contre la discrimination des Intouchables, l’alcoolisme, l’ignorance et la pauvreté. En
1930, il revient sur le devant de la scène politique en organisant la célèbre marche du sel entre
Ahmedabad et Dandi : longue de quatre cent kilomètres, elle rassemble des milliers d’Indiens
réclamant le statut de protectorat et engendre une forte répression britannique mais également
l’ébauche de négociations avec le « fakir à moitié nu » (surnom donné par Churchill à
Gandhi), qui échouent. Gandhi continue alors à réclamer l’Indépendance de l’Inde. En 1942,
au cours de la guerre, il rédige avec le Congrès une ébauche de résolution, Quit India, dont les
objectifs seront remplis à la fin de la guerre. Emprisonné de 1942 à 1944, Gandhi participe en
1947 aux négociations pour l’indépendance de l’Inde, donnant son accord pour la partition de
l’Inde afin d’éviter une guerre civile. Inquiet des tensions entre l’Inde et le nouveau Pakistan,
il entame son dernier jeûne en 1948, l’année de son assassinat par un hindou nationaliste,
Nathuram Godse.
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1.2 Place de l’ouvrage dans la vie de l’auteur
Un recueil historique
Tous les hommes sont frères est un recueil de textes extraits de dix œuvres publiées entre
1942 et 1956 (œuvres de Gandhi ou recueils de discours), dont la liste est présentée ci-
dessous :
- Gandhi, M. K. (1948). An autobiography or the story of my experiments with Truth.
Ahmedabad, Navajivan Publishing House.
- Pyarelal (1956). Mahatma Gandhi, the last phase. Ahmedabad, Navajivan Publishing
House.
- Tendulkar, D. G. (Volumes I à VIII publiés entre 1951 et 1954). Mahatma, life of
Mohandas Karaamchand Gandhi. Bombay, Vithalbai K. Jhaveri & D. G. Tendulkar.
- Gandhi, M. K. (1949). Bapu’s letters to Mira. Ahmedabad, Navajivan Publishing
House.
- Gandhi, M. K. (1958). The collected works of Mahatma Gandhi. New Delhi, The
Publications Division, Ministry of Information and Broadcasting, Government of
India.
- Dessai, M. H. (1953). The diary of Mahadev Desai. Ahmedabad, Navajivan
Publishing House.
- Gandhi, M. K. (1938). Hind Swaraj or Indian Home Rule. Ahmedabad, Navajivan
Publishing House.
- Gandhi, M. K. (1942). Women and social injustice. Ahmedabad, Navajivan Publishing
House.
- Prabhu, R. K. and U. R. Rao (1945). The mind of Mahatma Gandhi. London, Oxfords
University Press.
- Bose N. K. (1948). Selections from Gandhi. Ahmedabad, Navajivan Publishing
House.
Cet ouvrage naît en 1956 lors de la neuvième session de l’Organisation des Nations Unies
pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) qui se tient à New Delhi, sur une
proposition de la délégation uruguayenne. L’objectif est de rendre hommage à Gandhi et à son
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œuvre en publiant un recueil de textes accessibles à un large public reflétant les différents
aspects de sa pensée1.
Les textes, classées par thème, sont précédés d’une introduction du philosophe Sarvepalli
Radhakrishnan, alors vice-président de l’Inde, qui allait en devenir Président, mais également
ancien représentant de la République à l’UNESCO (1946-1949), puis Président du conseil
exécutif de l’UNESCO (1949). Fidèle aux traditions philosophiques et religieuses de
l’Hindouisme, il soutient néanmoins les valeurs occidentales d’innovations qu’il souhaite voir
adoptées par son pays. La sélection des textes est réalisée par Krishna Kripalani, Secretary of
Sahitya Akademi, institution oeuvrant pour le développement et le rayonnement de la culture
indienne dans le domaine des Lettres2.
Lors de la décision prise par l’UNESCO de publier ce recueil de textes, il est également
convenu d’éditer des traductions française et espagnole. Il faut attendre 1969, soit l’année du
centenaire de la naissance de Gandhi, pour que soit publiée l’édition française. Elle est
préfacée par Olivier Lacombe, alors Directeur de l’Institut de Civilisation indienne à
l’Université de Paris, qui souligne la volonté française de contribuer à la célébration du
centenaire de Gandhi via l’édition de cet ouvrage.
Un recueil à vocation pédagogique
Les trois cent treize pages de cet ouvrage (dans l’édition de poche utilisée pour cette fiche)
sont composées de douze chapitres classés par thème. Le premier, intitulé « En guise
d’autobiographie », est le plus long. Il rassemble les écrits et discours de Gandhi relatant sa
jeunesse, extraits pour la plupart de son autobiographie3. Les onze autres chapitres reflètent la
diversité des domaines sur lesquels Gandhi s’est penché tout au long de sa vie. L’ouvrage
aborde dans un premier temps des thèmes touchant à la religion, à des considérations
philosophiques et métaphysiques, comme « Religion et Vérité » ou « La fin et les moyens »,
puis présente progressivement les divers champs d’application pragmatique de la pensée de
Gandhi, comme « L’éducation » et « La mission de la femme ».
Les extraits présentés varient en longueur : quelques lignes pour certains, plusieurs pages
pour d’autres. Après chaque extrait, la source est indiquée par une abréviation entre
parenthèses, ce qui permet au lecteur de le situer dans son contexte d’origine ou de se référer
1 Source : première édition (1958), publiée à l’initiative de l’Unesco. Extrait sur le site : http://wikilivres.info/wiki/All_Men_Are_Brothers2 Voir le site de l’Académie Nationale des Lettres en Inde : http://sahitya-akademi.gov.in/sahitya-akademi/aboutus/about.jsp3 Gandhi M. K. (1948). An autobiography or the story of my experiments with Truth, Ahmedabad, Navajivan Publishing House.
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au texte complet s’il le désire. L’auteur de ce recueil de texte n’a indiqué aucune modification
dans les extraits présentés : pas de coupure de texte ou de reformulation. Il s’agit de discours
et écrits de Gandhi dans leur version originale.
Ainsi organisé, ce recueil de textes permet au lecteur le moins initié de mieux connaître
Gandhi, en présentant à la fois sa vie, ses convictions religieuses et leur immense champ de
résonance philosophique et politique. Par son aspect parfois répétitif – les extraits choisis sur
les mêmes thèmes sont parfois autant de reformulation de la même idée, cet ouvrage permet
néanmoins au lecteur de s’imprégner en profondeur de la pensée de Gandhi et d’en
comprendre beaucoup de subtilité, pour peu qu’il s’y attarde un instant.
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2. Résumé de l’ouvrage
2.1 Plan de l’ouvrage
Préface (8 pages)
Introduction (6 pages)
Sources (2 pages)
I. En guise d’autobiographie (74 pages)II. Religion et Vérité (36 pages)III. La fin et les moyens (8 pages)IV. Ahimsa ou la voie de la non-violence (36 pages)V. La maîtrise de soi (14 pages)VI. La paix internationale (10 pages)VII. L’homme et la machine (8 pages)VIII. La pauvreté au cœur de l’abondance (14 pages)IX. Le peuple et la démocratie (20 pages)X. L’éducation (14 pages)XI. La mission de la femme (12 pages)XII. Sur des sujets divers (20 pages)
Glossaire (4 pages)
Notes bibliographiques (8 pages)
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2.2 Principales étapes du raisonnement et principales
conclusions
Une vision rétrospective et analytique de ses expériences par Gandhi
Tout au long de cet ouvrage, mais particulièrement au cours du premier chapitre, Gandhi
présente ses expériences, qui sont la plupart du temps personnelles et non liées à son action
publique. Qu’il s’agisse des relations avec sa femme, de choix effectués lors de sa jeunesse ou
de scènes dont il a été témoin, ces épisodes sont relatés avec minutie et recul, afin de
permettre au lecteur de comprendre l’évolution de sa pensée. D’un jeune homme timide et
tiraillé par des passions violentes, il explique les changements qui l’ont amené à se libérer de
ses craintes et de ses pulsions, jusqu’à prononcer le vœu de brahmacharya (vie d’ascèse et de
continence consacrée à la poursuite des buts les plus élevés4), ainsi que celui de pauvreté.
Loin de se présenter comme un être supérieur détaché de toute faim terrestre, Gandhi évoque
à de nombreuses reprises les difficultés rencontrées et les tiraillements auxquels il est soumis,
mais décrit également l’état de bien-être que ses choix de vie lui procurent. Ainsi, son
discours transparent et humble, dénué de tout jugement, devient pourtant force d’exemple et
de persuasion, permettant à Gandhi d’atteindre son objectif : convaincre les hommes de suivre
son exemple pour se rallier à la cause de la non-violence.
Non-violence (ahimsa) et vérité
La non-violence et la désobéissance civile sont les méthodes d’action et de résistance
immédiatement associées à Gandhi. L’ouvrage ici étudié présente les fondements religieux de
ce mouvement. À l’origine de toute l’action de Gandhi se trouve la recherche constante de la
Vérité absolue et l’amour inconditionnel de la vérité, qui est foncièrement bienveillante. Pour
Gandhi, cette Vérité est Dieu, et seule la foi peut permettre d’y accéder – toujours
partiellement – puisqu’elle transcende la réalité sensible. Ainsi, Gandhi considère toutes les
religions comme autant de branches d’un seul arbre, dont le tronc serait la Vérité. Il admet les
différences entre religions et les respecte, tout en insistant sur leur essence commune. Il se fait
ainsi l’apôtre d’un message de tolérance universelle :
4 Les définitions des termes hindous en italique sont tirées du glossaire de l’ouvrage (pages 301 à 304)
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Gandhi : « A quoi bon vouloir distinguer supérieurs et inférieurs lorsqu’une unité
fondamentale est sous-jacente à la diversité des êtres et les embrasse tous ? (…) Le but
ultime de toute religion est de nous faire réaliser cette unité essentielle. »
La non-violence s’est imposée à lui au cours de sa quête pour la vérité, comme le moyen
d’atteindre cette fin. Impossible pour Gandhi d’accepter l’emploi de la violence, aussi efficace
soit-elle et aussi juste et noble soit le but visé. Une fin pure ne peut être atteinte que par des
moyens purs, ce qui n’est pas aisément admis par le reste du monde, que Gandhi apostrophe à
plusieurs reprises, englobant tous ses lecteurs d’un « vous » accusateur. Afin de parvenir à
employer des moyens purs, Gandhi démontre la nécessité de la purification de soi-même, dont
il se fait l’exemple vivant. Un chapitre du recueil étudié est consacré aux écrits de Gandhi sur
le thème de la maîtrise de soi. Il y explique la méthode qu’il emploie lui-même et ses bienfaits
(jeûne et brahmacharya).
Cette purification passe en outre nécessairement par l’abandon de toute peur. Pour être
non-violent, il faut être prêt à mourir. Alors, en acceptant la violence de l’autre sans chercher à
fuir ou à riposter, le non-violent vaincra son adversaire par amour, c’est-à-dire en faisant
appel à sa compassion.
Gandhi : « Pour obtenir un résultat décisif, il ne suffit pas de convaincre la raison ; il
faut également toucher le cœur, et par conséquent faire appel au pouvoir de la
souffrance »
Une phrase extraite du livre Selections from Gandhi par N. K. Bose permet au lecteur de
comprendre immédiatement la puissance de la non-violence selon Gandhi :
« Le cœur le plus dur et l’ignorance la plus grossière ne peuvent rien contre la
souffrance désintéressée et volontairement acceptée. »
La mort ne doit pas être crainte. Ce n’est pas une défaite, bien au contraire, puisqu’elle
peut engendrer une prise de conscience collective de la cause défendue. Quant à la fuite,
considérée comme une option non-violente par certains, elle est fortement rejetée par Gandhi,
qui lui préfère même la violence. Si la fuite n’est que peur, la violence montre au moins un
premier pas vers le dépassement de sa peur, et ainsi vers la non-violence.
Enfin, le dernier principe-clé nécessaire à la compréhension de ses actions est la haine du
péché et du mal, mais jamais des pécheurs. C’est ce dépassement qui lui permet d’accéder à la
non-violence, qui est une opposition non pas à l’adversaire en lui-même, mais à son âme et à
ses méfaits.
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Applications politiques de la non-violence
Les chapitres VI à XII abordent des thèmes qui sont aujourd’hui toujours d’actualité, sur
lesquels Gandhi n’hésite pas à s’exprimer. Il apporte un éclairage nouveau, parfois
visionnaire, voire idéaliste (appliquer le principe de non-violence à l’échelle des Etats, et donc
de l’humanité dans son ensemble) ; parfois très traditionnel et presque rétrograde. Ainsi, les
innovations technologiques regroupées sous l’appellation de « machine » sont-elles vivement
critiquées puisqu’elles sont la cause de l’augmentation phénoménale du nombre de chômeurs
et engendrent une grande injustice sociale. Gandhi prône le retour au village comme entité
indépendante et autosuffisante, pour plus d’égalité.
Concernant la démocratie, le point de vue de Gandhi est double : laisser la majorité décider
pour les décisions de second ordre, mais ne pas se plier à son poids pour les sujets les plus
importants. La voix du plus grand nombre ne suffit pas, seule la doctrine du plus grand bien
de tous est acceptable. Pour y accéder, chacun se doit d’écouter sa propre « petite voix
sereine », c’est-à-dire sa conscience, et l’opposition doit prendre la forme d’une
désobéissance civile non-violente.
Le chapitre abordant l’éducation prône l’abandon de la langue anglaise et de la littérature
dans le système éducatif, ainsi que l’apprentissage d’un métier manuel dès le plus jeune âge,
afin que chaque enfant contribue à financer sa propre éducation. Gandhi met également
l’accent sur la nécessité pour l’Inde de chercher avant tout à connaître et à développer sa
propre culture avant de regarder les autres.
Le livre se clôt par des écrits sur le rôle de la femme, qui est d’emblée mise sur un pied
d’égalité avec l’homme par Gandhi, bien que leur mission diffère totalement. Incarnations du
sacrifice et de l’abnégation nécessaires à la non-violence, les femmes ont pour Gandhi un très
grand pouvoir. Il est enfin pertinent de noter les allusions répétées à Tolstoï, qui fait figure
d’apôtre de la non-violence selon Gandhi.
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3. Commentaires critiques
3.1 Avis d’autres auteurs sur l’ouvrage et son auteur
A la fois symbole et emblème international de la non-violence, reconnu en son temps non
seulement par ses compatriotes, mais également par les Britanniques, Gandhi apparaît au
premier abord peu critiquable. Néanmoins, certaines de ses actions sont sujettes à controverse.
Il s’agit particulièrement de son accord pour la partition de l’Inde et du Pakistan, mais aussi
des tournures parfois tragiques prises par certaines manifestations, au départ non-violentes,
dont il était à l’origine. Ainsi, malgré de multiples nominations, Gandhi n’a jamais obtenu le
Prix Nobel de la Paix.
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3.2 Avis de l’auteur de la fiche
Ayant pour projet de me rendre en Inde durant plusieurs mois, il me paraissait intéressant
de me pencher sur un courant de pensée alternatif né et développé dans ce pays par l’une des
plus grandes figures du vingtième siècle – Gandhi. C’est avec un œil curieux et ignorant
presque tout de ce personnage que je commence ainsi la lecture de Tous les hommes sont
frères, dont le titre semble assez représentatif de l’idée que je me fais du pieux Mahatma. Dès
les premières lignes, j’apprends pourtant qu’il rejette ce surnom5. Adulé, moteur de foules,
Gandhi refuse toute admiration ; il ne croit qu’aux actes. Curieux personnage, dont la vie
passionnante exposée au long du premier chapitre est ponctuée de prises de conscience et de
renoncements - aux plaisirs du goût, de la chair, puis à toute forme de possession. Reste
seulement le corps, ultime bien dont la dépossession viendra signer l’apogée de la purification
de son âme. Cet homme est donc extraordinairement différent de tous les autres.
Au-delà de l’exemple de privation et de contrôle de soi qu’il offre, Gandhi représente le
symbole de la non-violence, méthode de résistance passive souvent méconnue, dont cet
ouvrage présente une description complète. Ainsi, il devient possible pour le lecteur de
dépasser les clichés souvent associés au personnage et de réellement comprendre la force et le
courage nécessaires à l’application des méthodes de Gandhi.
Malgré tous les apprentissages que j’ai tirés de ma lecture, quelques regrets émergent. Si le
premier chapitre est organisé de telle sorte que les extraits s’enchaînent pour former un récit
passionnant de la vie de Gandhi, les autres chapitres manquent parfois d’organisation et
contiennent une juxtaposition souvent répétitive de discours et de textes. Percutants s’ils sont
pris individuellement, ils deviennent ennuyeux et fastidieux à lire lorsqu’ils s’enchaînent sur
une vingtaine de pages sur un seul thème. Je ne suis néanmoins pas découragée et m’apprête à
lire son autobiographie.
5 Mahatma signifie « grande âme »
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4. Bibliographie de l’auteur
Principales oeuvres6
1921 – A guide to health, Madras, S. Ganesan.
1958 – All men are brothers, Unesco.
1951 – Basic education, Ahmedabad, Navajivan Publishing House.
1949 – Bapu’s letters to Mira (1924-1948), Ahmedabad, Navajivan Publishing House.
1941 –Christian missions, Ahmedabad, Navajivan Press.
1949 –Communal unity, Ahmedabad, Navajivan Publishing House.
1948 – Delhi diary, Ahmedabad, Navajivan Publishing House.
1949 – Diet and diet reform, Ahmedabad, Navajivan Publishing House.
1941 – Economics of Khadi, Ahmedabad, Navajivan Press.
1922 – Ethical religion, Madras, S. Ganesan.
1949 – For pacifists, Ahmedabad, Navajivan Publishing House.
1937 – From Yeravda Mandir, Ahmedabad, Navajivan Press.
1933-1940, 1942, 1946-1948 – Harijan, Ahmedabad, Navajivan Press.
1938 – Hind Swaraj, Ahmedabad, Navajivan Press.
1922 – Jail experiences, Madras, Tagore & Co.
1932 – My early life, Bombay, Oxford University Press.
1932 – My soul’s agony, Ahmedabad, Navajivan Press.
1945, 1949 – Non-violence in peace and war, Ahmedabad, Navajivan Publishing House.
1952 – Rebuiding our villages, Ahmedabad, Navajivan Publishing House.
1951 – Sarvodaya, Ahmedabad, Navajivan Publishing House. Trad. Une meilleure vie
pour tous.
1951 – Satyagraha, Ahmedabad, Navajivan Publishing House.
1928 – Satyagraha in South Africa, Madras, S. Ganesan.
1947 – Self-restraint v. Seilf-indulgence, Ahmedabad, Navajivan Publishing House.
1934 – Songs from prison (adapted by John S. Hoyland), Londond, Allen & Unwin.
1933 – Speeches and writings, Madras, G. A. Natesan & Co.
1939 – Swadeshi, true and false, Poona.
6 Cette bibliographie est tirée de l’ouvrage étudié, Tous les hommes sont frères. Elle provient de la Sahitya Akademi.
: «Tous les hommes sont frères» – Mars 2010 15
1940 – The story of my experiments with truth, Ahmedabad, Navajivan Publishing
House.
1953 – Towards new education, Ahmedabad, Navajivan Publishing House.
1951 – Towars non-violent socialism, Ahmedabad, Navajivan Publishing House.
1951 – To a Gandhian capitalist, Bombay, Hind Kitabs.
1949 – To the students, Ahmedabad, Navajivan Publishing House.
1951 – Unto this lats, Ahmedabad, Navajivan Publishing House.
1942 – Women and social injustice, Ahmedabad, Navajivan Publishing House.
1919-1932 – Young India, Ahmedabad, Navajivan Publishing House.
1919-1922, 1924-1926, 1927-1928 – Young India, Madras, S. Ganesan, Vol. 1, 2, 3.
: «Tous les hommes sont frères» – Mars 2010 16
5. Références
Extrait de l’édition originale du livre : http://wikilivres.info/wiki/All_Men_Are_Brothers
Site de l’Académie Nationale des Lettres en Inde : http://sahitya-akademi.gov.in/sahitya-
akademi/aboutus/about.jsp
Site Internet du prix Nobel de la paix :
http://nobelprize.org/nobel_prizes/peace/articles/gandhi/
Site Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Mohandas_Karamchand_Gandhi
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