TYMPAN DE SAINTE FOY DE
CONQUESCONQUES
XI-XII°
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LE CHRIST EN MAJESTE
Central, le Sauveur est assis
majestueusement sur un trône car il
est roi de gloire. Ce rayonnement de
gloire l'environne par cette nuée d'où
surgit un ovale caractéristique,
identifiant l'état de ressuscité : la
mandorle. Des étoiles l'entourent
selon un rythme facilement
identifiable alors que deux anges
portant un cierge - cérophéraires -
l'encadrent en-bas, avec deux autres
figures angéliques au-dessus.
Vêtu d'une longue tunique plissée à
l'orientale, le Christ porte autour du
cou le pallium : cette écharpe de laine
blanche brodée de croix noires, blanche brodée de croix noires,
réservée au pape et à certains
dignitaires ecclésiastiques.
Son bras droit, à la pliure vigoureuse,
désigne les hauteurs, la main
surmontée de la seule étoile à huit
branches. Son bras gauche, souple,
présente de face, une main largement
ouverte. Le côté ouvert permet aussi
d'évoquer l'apôtre Thomas désireux
de vérifier que le Ressuscité est bien le
Crucifié.
"Toi que nous contemplons dans la foi,
fait nous partager la joie éternelle à
l'heure du jugement" (Intercession du
temps de l'Avent).
.
LA CROIX DU CHRIST
L'art organise toute la révélation autour d'un centre marqué dans l'espace et dans le temps par la croix de Jésus Christ", écrit le père
de Lubac.
Une partie du motif de la condamnation se lit encore tout en haut de la croix SREXIDEORUM : Jésus de Nazareth, roi des Juifs.
La lance (LANCEA) et le clou (CLAVI) sont tenus par deux anges en apesanteur, aux ailes arc-en-ciel.
Le soleil (SOL) et la lune (LUNA) sont personnifiés car une éclipse eut lieu le vendredi saint à l'heure de la mort de Jésus. Ces astres
rythment aussi le temps qui est racheté par l'acceptation de la croix, d'où la réflexion de saint Cyrille : "la gloire du Christ c'est sa
croix". Ce signe de la croix sera dans le ciel, peut on lire encore : OC SIGNVM CRVCIS ERIT IN CELO CVM... quand il viendra dans la
gloire.
"Aussitôt après la détresse de ces jours-là, le soleil s'obscurcira, la lune ne brillera plus, les étoiles tomberont du ciel (...). Alors le
signe du fils de l'homme apparaîtra dans le ciel. Tous les peuples de la terre verront le fils de l'homme venir sur les nuées du ciel avec
beaucoup de puissance et de gloire"
.
L'ANGE SONNEUR
"Le fils de l'homme venant sur les nuées du ciel avec beaucoup de puissance et de gloire enverra ses anges. Avec la grande trompe
ils rassembleront ses élus..."
La nuée, omniprésente au registre supérieur du tympan, marque l'inconnaissable du divin. De Moïse au mont Thabor recevant les
tables de la loi, à l'avènement final du Messie, la nuée signifie la gloire de Dieu. Elle guidera la marche du peuple élu à travers le
désert vers la terre promise. Elle annonce le retour de "Jésus Christ le témoin fidèle, le premier-né d'entre les morts, le prince des
rois de la terre qui vient avec les nuées"
Sur le galon du vêtement de cet ange à l'olifant, peut être le shoffar du jour du grand pardon (Yom Kippour), on a pu lire "la félicité"
ou "la gloire" écrit en caractères coufiques (arabe ancien). Trace de ces artistes mozarabes qui ont oeuvré tout au long du chemin du
pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle. Ainsi des arabesques qui signent leur travail aux portes monumentale de la cathédrale
du Puy ici, à Conques.
LES PORTEURS DE MESSAGES
Ailes déployées, ce quatuor angélique surplombe frontalement le cortège des élus.
Ils sont surmontés du premier ver léonin : "Le groupe des sanctifiés se tient debout, joyeux, auprès du Christ Juge". Notez les deux
lettres encore grecques XP du CHRIST au lieu des lettres latines de CHristo.
Auréolés, coiffés à l'identique, les anges déploient leur phylactère en oblique : pliure qui répond aux toitures du registre inférieur.
VMILITAS : l'Humilité est nommée au-dessus de la Vierge Marie "petite servante du Seigneur". La règle monastique de saint Benoît
décrit les douze degrés de cette vertu chrétienne.
Effacée, la Constance vient en seconde place. C'est l'endurance dans les épreuves et les tentations, la persévérance dans la suite du
Christ.
CARITAS : l'Amour dont Dieu nous aime et dont nous pouvons aimer le prochain, précède Foi ou Espérance sur le quatrième
phylactère
LE CORTEGE DES ELUS
Plus on s'approche en Christ, plus on grandit spirituellement : ceci est visible dans le dynamique cortège des élus, les saints.
En tête, Marie, les mains jointent, vêtue de bleu. Puis l'apôtre Pierre, en chasuble rehaussé du pallium; avec le bâton pastoral et
les clés du royaume. Tout deux ont l'auréole de la sainteté.
En troisième position : Dadon, fondateur du premier oratoire de Conques, avec la canne en T caractéristique de l'ermite.
Il est suivi d'un abbé (peut être Odolric qui commença la construction de l'abbatiale, ou Bégon qui l'acheva), crosse en main,
étole sur son vêtement liturgique, qui entraîne, par la main, Charlemagne au sceptre fleuri suivi de sa soeur Berthe.
Deux acolytes présentent châsse et diptyque "pièces à conviction des bienfaits de l'empereur à l'endroit de l'abbaye" .
Quatre personnages plus petits, auréolés, ferment la marche. Saint Vincent, diacre de saint Caprais, précède-t-il celui-ci ? Ou
bien saint Jérôme suivi de saint Jacques et d'une martyre avec la palme et la main ouverte, acceptant la volonté divine. Peut-être
sainte Alberte, la soeur de sainte Foy ?
Enfin, la dernière : ses pieds l'entraîne à l'inverse des autres élus, mais son visage, son buste se retournent vers le Christ ouvrant
la main droite en signe d'acceptation de la grâce : image de toute conversion dont le prototype est Marie Madeleine
MARIE ET PIERRE
En même temps que le saint Sauveur, Notre Dame et saint
Pierre sont les patrons primitifs du monastère et de son
abbatiale. Les voilà donc réunis, orientés vers le Christ en
majesté.
Marie, figure humaine la plus proche de son fils, vient en
tête de tous les sanctifiés. "Mains jointes, le visage grave,
concentrée, elle conduit et intercède". Le même
recueillement se retrouve avec le groupe sculpté de
l'Annonciation dans l'abbatiale, au transept nord. Pierre
vient ensuite. Lui, le renégat, il est pourtant le premier des
apôtres avec qui le Messie construit l'assemblée des saints
: l'Eglise. D'où les vêtements épiscopaux : aube, étole,
tunicelle, chasuble et pallium. Avec la crosse dont la partie
haute est brisée. Il est aussi "porteur des clés du royaume
céleste" selon l'expression du cartulaire ancien de
l'abbaye.l'abbaye.
Les deux auréoles, environnées de la nuée, ne sont-elles
pas comme le reflet de la mandorle du Christ, entourée de
la nuée lumineuse ?
SAINTE FOY
Cette jeune fille martyrisée en 303 à Agen sous la persécution de Dioclétien, est représentée à divers endroit de l'abbatiale. Ses
reliques ont été apportées à Conques au IXème siècle et leur vénération a provoqué la construction de l'abbaye Saint-Foy-de-
Conques.
Arc en plein cintre sur des colonnes aux chapiteaux ouvragés, c'est "l'édifice conquois sculpté sur son propre tympan" . L'autel
cubique avec le calice indique le sacrifice eucharistique célébré quotidiennement. En ex-voto pendent les fers des prisonniers car ils
ont été délivrés par l'intercession de sainte Foy.
Elle ici devant sa stalle, prosternée comme le vassal devant la main de son suzerain : main divine avec une auréole crucifère qui sort
de la nuée de l'inconnaissance et du mystère insondable.
"Ami de la piété" est-il inscrit obliquement sous cette scène empreinte de recueillement.
Manteau bleu et mains jointes rapprochent notre petite sainte de Marie, ainsi que cela se voit sur les ciselures et émaux des deux
autels portatifs, visible au Trésor. Et, comme notre Dame, sainte Foy intercède pour nous "maintenant et a l'heure de notre mort".
Deux inscriptions complètent la scène. AD CELI GAVDIA : au ciel la joie, est-il écrit au-dessus. Et, en dessous, obliquement, deux
béatitudes illustrées par sainte Foy : les doux, les amis de la piété
JERUSALEM CELESTE
Au XIIe siècle, Jérusalem est localisée comme le centre du monde. Bien au-dessus de cette ville, la représentation apocalyptique
du paradis sera appelée la Jérusalem céleste (Apocalypse 21, 1-4) et c'est elle qui est représentée ici.
Sous des arcatures surmontées de croix et de tours crénelées ainsi que d'un toit en bâtière, Abraham est au centre avec "tous ceux
qui viendront du levant et du couchant et s'assiéront avec lui...".
A sa gauche deux prophètes auréolés tenant un rouleau de la Loi. Puis deux prophétesses complètent l'évocation de l'ancien
testament.
De l'autre coté du patriarche, le nouveau testament avec deux hommes auréolés portant un seul calice. Remarquons l'inscription
sous-jacente qui induit la transmutation eucharistique !
Viennent ensuite deux fois deux femmes. Les premières tiennent les onguents (mort et résurrection !), les autres portent un livre
ouvert et la lampe allumée de la parabole évangélique.
Sur le bandeau du toit, la description des habitants célestes de cette cité sainte : les chastes, les pacifiques, les doux, les amis de la
piété; c'est ainsi qu'ils se tiennent, joyeux, en sécurité, sans rien craindre.
ABRAHAM
Abraham : signifie le père d'une multitude de nations.
S'étant mis en route à l'appel de Dieu il est le modèle
du croyant. Reconnu tel par les juifs, les chrétiens et
les musulmans, tous de la lignée abrahamique, ils
forment cette descendance "aussi nombreuse que le
sable de la mer".
Au tympan, Abraham est au centre de la Jérusalem
céleste. Il entoure de ses bras deux élus portant le
sceptre fleuri. Ces deux enfants évoquent aussi
Ismaël, fils d'Agar sa servante et Isaac, fils de sa
femme Sara, que saint Paul reprend en allégorie.
Il est donc l'opposé de Lucifer qui trône, de l'autre
coté, au milieu du désordre et du chaos.
Sur un chapiteau du déambulatoire sud, Abraham
s'apprête à offrir son fils Isaac en sacrifice.
Préfiguration classique de l'offrande de sa vie par
Jésus Christ, commémorée à chaque eucharistieJésus Christ, commémorée à chaque eucharistie
LA RESURRECTION DES MORTS
Bande dessinée que ces quatre cercueils. Le premier est fermé. Du second, entrouvert par un ange, émergent une tête et une
main : "en chair et en os", et non pas comme les squelettes des danses macabres ultérieures. Puis le corps émerge, se redresse,
et l'être humain se réveille !
Au XIIe siècle, la foi en la résurrection des morts est bien résurrection de la chair, de la réalité de l'être humain selon le Credo.
Deux inscriptions peuvent être lues, légendes qui illustrent autant ce qui est au-dessus de ce qui est au-dessous.
VICTIS GLORIA PAX REQUIES PERPET... Aux vainqueurs : la gloire, la paix, le repos perpétuel.
SIC STANT GAVDENTES SECURI NIL ME... C'est ainsi qu'ils se tiennent joyeux, en sécurité, (craignant) rien.
LA PESEE DES AMES
L'archange saint Michel déploie son aile dans
l'espace du ciel. "A l'ombre de tes ailes je
m'abrite" disent les psaumes 57, 61 et 91. De sa
main gauche il tient le fléau de la balance. A ses
pieds, le contre-poids de l'âme marqué de deux
croix.
En face, le fantasmagorique démon essaie de
tricher, appuyant l'index de la main gauche sur le
visage qui est gravé au-dessus du plateau de la
balance, tout en attirant l'attention de son vis-à-
vis par son regard et par l'index de sa main droite.
Cet ange déchu essai de nous enfoncer ! Peine
perdue, car l'âme ainsi symbolisée est soulevée
par la croix, par le don de la vie du Christ.
Vieux thème autrement présenté en Egypte : en
présence d'Osiris, souverain du royaume de la présence d'Osiris, souverain du royaume de la
mort, entouré de quarante-deux divinités, le coeur
du mort est posé sur un plateau de la balance. La
plume de Maât, déesse de la vérité, est posée e
sur l'autre. Si le coeur est plus lourd, Maât la
dévoreuse le croque aussitôt, sinon le défunt est
admis dans l'éternité.
L'ENTRE DEUX
Deux portes : l'une gracieuse, ornée, cintrée, avec double clé pour la serrure. L'autre angulaire, aux lourdes ferrures, sans clés
possibles !
A la porte céleste, les anges conduisent et accueillent par la main les élus.
Devant la porte infernale, des diables frappent et enfournent les damnés dans la gueule ouverte du Léviathan "c'est pourquoi le
shéol dilate sa gorge et bée d'une gueule démesurée" . "Ils y descendent ses nobles, ses foules et ses criards" écrit Isaïe. Ici ce sont
les voleurs, les mensongers...
Au nez du monstre à la massue, un être humain semble sortir de la barre centrale, rattrapé de justesse par l'ange de miséricorde :
"Ton amour est grand envers moi, seigneur mon Dieu; tu as tiré mon âme du tréfonds de la tombe, du shéol"
LES ANGES
Quatre : chiffre parfait.
Comme le carré ou les quatre points cardinaux.
Cet autre quatuor angélique aux ailes croisées est
porteur de sens. L'un d'eux montre le livre de la vie :
SIGNATUR, il est achevé, terminé. Allusion à
l'Apocalypse (3, 5; 20, 12, 15). En dessous, l'encensoir
prolonge la dimension liturgique des anges
céroféraires -porteurs de cierges- aux pieds du Christ
en majesté. Tourné vers les hommes pervers, le
gonfalon de la victoire de la vie sur la mort, est
renforcé par l'épée de feu et le bouclier où on peut y
lire : "les anges sortiront et sépareront les mauvais des
justes"
LUCIFER ET LA PARESSE SPIRITUELLE
L'anti-Abraham : celui qui croit sans craindre
de déplaire à Dieu c'est le prince des ténèbres,
le père du mensonge qui règne au milieu du
désordre et du chaos, assis grossièrement sur
un simil-trône.
Le rictus de la bouche et les yeux exorbités,
avec des cheveux courts, tressés en guise de
couronne, Satan, impudique, désigne de son
doigt accusateur les suppliciés. Derrière cette
main, le voleur ou l'avare est pendu par où il a
péché, enlacé du serpent tentateur.
Ecoutant complaisamment un démon
rapporteur, les jambes enlacées de serpents,
ce démon hideux maintient de ses pieds griffus
un homme allongé dans les flammes.
Apathique, ce dernier est reconnu comme la
paresse spirituelle, avec le crapaud des
sortilèges à ses pieds. sortilèges à ses pieds.
LES MOINES REPROUVES
Commandité par les bénédictins, le tympan n'est pas servile. Il ose mettre des moines, pervers eux aussi, en attente de jugement.
Regardons attentivement. La prosternation de l'abbé du monastère est inversée et forcée : le Christ Sauveur est derrière lui, au-
delà du bouclier de l'ange. Appuyé sur sa crosse allongé à terre, ce supérieur monastique est contraint de se prosterner devant un
grotesque ridicule, difforme et bestial. Deux ou trois autres moines et un abbé de monastère sont pris dans les filets du diable,
image parlante contre la fausse dévotion et l'hypocrisie des clercs.
Doit-on y voir Bégon l'évêque de Clermont et l'abbé séculier de Conques, et trois de ses neveux connus pour leurs exactions ? où
la caricature d'une abbaye rivale comme celle de Figeac ?
Mais comme l'écrit J-Cl Bonne "le tympan ne s'intéresse pas à la narration : au bon gouvernement monastique il oppose le
mauvais"
L'HERETIQUE
Renversé sur le sol, la bouche
écrasée, tenant à la main un livre
fermé, l'hérétique ne peut
proclamer ou prêcher, ni lire ou
écrire. En dessous, un démon le
poignarde et lui dévore le crâne.
Allégorie de ces doctrines, ces
idéologies, qui ruinent la foi et la
poignarde dans le dos.
Le personnage debout est difficile
à définir malgré le livre qu'il porte
comme le font tous les fondateurs
d'ordre et évangélistes. Ce peut
être une évocation d'hérésies ou
de sectes : des vaudois aux
errements de Moon et de bien errements de Moon et de bien
d'autres.
Au registre inférieur, arbalète et
masse d'arme, prolongent la
violence et s'opposent aux élus
désarmés et solidaires !
LE FAUX-MONNAYEUR
Lors du moulage du tympan pour les monuments français au Palais de
Chaillot, qu'elle ne fut pas la surprise de découvrir, gravé à l'intérieur du
cylindre que tient le faux-monnayeur : CUNEUS. Ce coin désigne le poinçon
qui sert à authentifier le métal précieux mais qui a été utilisé en contrefaçon
par le faussaire.
Le feu prépare le métal fondu que le démon, penché sur lui, lui relevant la
tête en le tenant par la barbe, s'apprête à lui ingurgiter.
LES DEUX POUVOIRS
Comme repoussé par la main de l'ange au gonfalon, le roi est nu. La couronne qui l'identifie va lui être arrachée par la gueule d'un
démon qui singe la révérence.
Plein d'envie, ce roi déchu désigne l'empereur Charlemagne de son index et d'un regard torve.
Serait-ce une tiare qui est arrachée du personnage central ?
Un seigneur est évoqué par le troisième condamné. Le livre des Miracles de sainte Foy signale le seigneur Hugues qui s'était démis le
genou en voulant enfoncer le cellier de l'abbé : d'où la torsion de la jambe de son tortionnaire !
Les attributs guerriers qui surplombent l'empereur, le pape et le seigneur entretiennent un climat de violence. Dans les mémoires de
l'époque est présente cette remarque de Jésus à Pierre voulant se servir d'une épée pour le défendre : "Tous ceux qui prennent l'épée
périront par l'épée" .
LE GLOUTON
"Les hommes pervers sont plongés dans le Tartare,"
en vue du jugement. A l'extrémité du tartare
infernal se retrouvent les diables grimaçants. Leurs
muscles, comme leurs côtes, ont deux saillies
parallèles "véritables câbles tordus, comme inspirés
par l'observation anatomique des écorchés".
Deux d'entre eux soulèvent, en s'aidant d'une
poulie, un damné à qui ils semblent vouloir faire
dégurgiter ses excès de gourmandise. Celle-ci fait
partie des sept péchés capitaux. Mais il est
intéressant de remarquer que le mensonge, la
rapacité ou la cupidité dénoncée par le tympan,
débordent cette liste
LES MUSICIENS
Tout peut être détourné de sa fin. Accordée ou discordante, harmonieuse ou grinçante, la musique sous forme vocale ou
instrumentale apaise, réjuit et peut élever l'âme. Le chant grégorien, puis les motets polyphoniques, en sont des exemples.
Inversement, des chansons à boire, qui dégénèrent en accompagnement de beuveries, évoquent la danse et la musique qui
ensorcellent Hérode au point d'obéir à la demande de Salomé : elle exigerera la tête de Jean baptiste.
D'ou la rote confisquée et la langue arrachée de ce malheureux musicien accompagnateur probable d'orgies ou de satires
calomnieuses.
LE BRACONNIER"En enfer le sinistre s'allie au grotesque". Cette remarque s'applique au mauvais chasseur ou au braconnier qui est rôti par les lapins qu'il pourchassait au mépris du droit féodal ou abbatial ! Le sculpteur réprouve les sacrilèges qui entouraient souvent ces tueries. Et le non-respect de la nature, de l'écologie se trouve aussi dénoncé par cette évocation. Ainsi que la perversion sexuelle évoquée par les lièvres, "compagnons des clairs de lune de l'imaginaire" (Dictionnaire des symboles. R.Laffont)
L'ORGUEILCe riche chevalier est bien connu des contemporains du livre des Miracles de sainte Foy. Rainon, seigneur du château d'Aubin en Rouergue, avait été excommunié par les religieux qu'il maltraitait. Une fois de plus il allait être violent envers eux : "lorsque, par un effet de la vengeance divine, son cheval se renverse subitement la tête dans la poussière. Le cavalier, précipité en avant, périt le cou tordu et le crâne fracassé". La richesse est marquée par la cotte de mailles. C'était le vison des guerriers car elle valait le prix quarante à soixante bête à corne. Dans cette scène il y a la possibilité d'une double interprétation. Celle d'une punition dont se réjouissent sarcastiquement tous ceux qui envient ou jugent cette richesse. Ou celle d'un envient ou jugent cette richesse. Ou celle d'un avertissement salutaire, comme pour Saul qui deviendra l'apôtre Paul. Ainsi se réalise la prédiction du Magnificat : "Mon esprit tressaille de joie en Dieu mon sauveur (...) Il est intervenu de toute la force de son bras, il a dispersé les hommes au coeur orgueilleux, il a jeté à bas les puissants de leurs trônes et il élève les humbles".
LES AMANTSTout est lié entre cet homme et cette femme. Côte à côte ils sont ligotés par le cou, et les mains de l'homme sont comme menottées. D'ailleurs la coiffure ne dit-elle pas qu'il s'agit d'un moine infidèle à ses voeux ? Le voila prisonnier dans cette coupable liaison : terme exact pour définir la passion qui ne met pas les amants en vis-à-vis, en coeur à coeur, mais qui les éloignent de la main tendue du Christ Sauveur et du véritable amour..
LA MAUVAISE LANGUE"Détourne-moi de la voie du mensonge" (Psaume 118, 29).Mensonge, calomnie ou médisance : peu importe; ce qui est dénoncé ici est la perversion du langage. La communication humaine, qui pourrait transmettre la vérité pour provoquer le dialogue et la compréhension, est trahie. Ainsi des médias de tous les temps.Saint Jacques, dans sa lettre, relèvera combien ce membre minuscule est un feu que personne ne peut dompter. Est-il ici illustré par les flammes où baigne le corps du médisant ? "L'homme religieux qui ne met pas un frein à sa langue, trompe son propre coeur".
Sur le linteau on peut lire la phrase suivante : « Pécheurs, si vous ne réformez pas vos mœurs, sachez que vous subirez un jugement redoutable ».
LE DOMINANT ET LE DOMINELa rivalité est de toujours : qui domine qui ?L'homme, ici, est chevauché par celle qui est au-dessus de lui. Mais ni l'un ni l'autre ne sont libres. Chacun est tenu par l'autre, et, de toutes parts, des démons phantasment et torturent.Bien des scènes quotidiennes sont ici brocardées : la mégère qui porte le pantalon et le rouleau à pâtisserie, le mari trop complaisant, ou trop soumis : bref, toute désentente notoire dans un couple qui n'a pas réussi à vivre en paix et harmonie.Mais cela s'entend aussi des rapports entre comtés et duchés au Moyen-Âge, ainsi qu'entre nations de nos jours..
Saint pierre de chauvigny
Jérome Bosch , le jugement dernier, fin XV°
Matthias Grunewald
Retable d’Isenheim, fin XV°