Roch-Olivier Maistre,Président du Conseil d’administrationLaurent Bayle,Directeur général
Vendredi 31 janvier 2014Bernarda Fink | Anthony Spiri
Dans le cadre du cycle Forêts du 31 janvier au 6 février
Vous avez la possibilité de consulter les notes de programme en ligne, 2 jours avant chaque concert, à l’adresse
suivante : www.citedelamusique.fr Bern
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C’est la jungle imaginaire de Kipling qui a inspiré à Charles Koechlin ses plus belles pages. Quant à la forêt des romantiques allemands (der Wald), elle fait entendre ses murmures dans les lieder de Schumann ou de Mahler.
Avant le XIXe siècle, les musiciens considèrent la forêt comme un décor pittoresque, une sorte de toile peinte où peuvent se dérouler des chasses ou des scènes mythologiques. C’est avec le romantisme, dans l’alliance étroite de la musique avec la poésie, que naissent les vrais décors naturels, écrins des métamorphoses du sentiment – dans la culture germanique portée vers le fantastique, comme dans la culture scandinave habitée d’étranges légendes (Grieg, Sibelius). De nombreux lieder et poèmes symphoniques (Liszt, Koechlin, Roussel) ont pour cadre la forêt. L’opéra peut aussi y mettre en scène l’enchantement féerique ou la terreur nocturne (Les Troyens de Berlioz, Siegfried de Wagner, Hänsel und Gretel de Humperdinck ou Erwartung de Schönberg). Sans oublier certains tableaux sylvestres des grands ballets de Tchaïkovski.
« Dans la nature, dans les rêves de la solitude des forêts, de même que dans le labyrinthe du cœur de l’homme, sommeille, depuis les origines, un chant merveilleux et éternel », écrivait Eichendorff. C’est une étroite affinité qui lie Schumann au poète romantique, comme en témoigne le Liederkreis op. 39. De l’évocation chromatique du crépuscule (Zwielicht) aux mirages entrevus dans les bois (Im Walde), on y entend sans cesse le bruissement d’un lointain (In der Fremde) qui rayonne d’une inquiétante étrangeté. La forêt des Waldszenen op. 82, un recueil de petites pièces pour piano dans l’esprit des Scènes d’enfants, est plutôt celle du Paysage souriant ou des Fleurs solitaires, même si, au détour de ces clairières, c’est parfois un Lieu maudit qui surgit, peint avec des dissonances douloureuses. Les vers de Verlaine, mis en musique par Debussy en 1891, lui font écho : « Le son du cor s’afflige vers les bois… ».
Les aventures de Mowgli et autres fables animalières de Rudyard Kipling, publiées en deux volumes en 1894 et 1895, ont très tôt inspiré Charles Koechlin. Ses Trois poèmes du Livre de la jungle, écrits en 1899, furent suivis par une série de poèmes symphoniques puisant à cette même source, comme Les Bandar-log (un « scherzo des singes » composé en 1939). La forêt qu’évoque Koechlin dans ces pages si modernes et inventives est aussi celle qui dicta à Albert Roussel le « poème de la forêt » qu’est sa Première Symphonie (1906). Un programme sylvestre, donc, que complète le Concerto pour la main gauche de Ravel, interprété par Nicholas Angelich.
Cycle Forêts
DU VENDREDI 31 JANVIER AU JEUDI 6 FÉVRIER
VENDREDI 31 JANVIER – 20H
Robert SchumannWaldszenen op. 82Liederkreis op. 39 (sur des textes d’Eichendorff )Claude DebussyTrois mélodies (sur des textes de V erlaine) Manuel de FallaTrois mélodies (sur des textes de Théophile Gautier)Gustav MahlerLieder
Bernarda Fink, mezzo-sopranoAnthony Spiri, piano
SAMEDI 1er FÉVRIER – 11HCLASSIC LAB
Forêts en musiques
Avec les élèves du Conservatoire de Paris, Benoît Faucher et Lucie Kayas
SAMEDI 1er FÉVRIER – 15HFORUM
Les forêts et l’enchantement sonore
15h Table ronde
Animée par Rémy Stricker, musicologue. Avec la participation d’Hélène Pierrakos, musicologue, et de Jean-Pierre Lefebvre, germaniste.
17h30 Concert
Œuvres de Franz Liszt, Emmanuel Chabrier, Albert Roussel, Claude Debussy, Béla Bartók, Richard Strauss, Edvard Grieg, Eduard Schütt
Laurent Cabasso, piano
SAMEDI 1er FÉVRIER 2014 – 20H
Charles KoechlinLes Bandar-Log op. 176Maurice RavelConcerto pour la main gaucheAlbert RousselSymphonie n° 1 « Le Poème de la forêt »
Orchestre du Conservatoire de ParisPatrick Davin, directionNicholas Angelich, piano
Concert précédé d’un Flash Concert à 19h.
MERCREDI 5 FÉVRIER – 9H30, 10H45, 15H30 ET 16H30JEUDI 6 FÉVRIER - 9H30, 10H45, 14H30 ET 15H30SPECTACLE JEUNE PUBLIC
Le Son de la sèveInstallation-concert dans les arbres
Association 16 rue de Plaisance, Benoît Sicat et Nicolas Camus, interprétation
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VENDREDI 31 JANVIER 2014 – 20HAmphithéâtre
Robert SchumannWaldszenen op. 82Liederkreis op. 39
entracte
Claude DebussyTrois mélodies d’après Paul Verlaine
Manuel de FallaTrois mélodies d’après Théophile Gautier
Gustav MahlerLieder
Bernarda Fink, mezzo-sopranoAnthony Spiri, piano
Fin du concert vers 21h50.
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Robert Schumann (1810-1856)Waldszenen [Scènes de la forêt] op. 82
Eintritt [Entrée]
Jäger auf der Lauer [Chasseur à l’affût]
Einsame Blumen [Fleurs solitaires]
Verrufene Stelle [Lieu maudit]
Freundliche Landschaft [Paysage souriant]
Herberge [Auberge]
Vogel als Prophet [Oiseau prophète]
Jagdlied [Chanson de chasse]
Abschied [Adieu]
Composition : 1848-1849.
Dédiés à Annette Preusser.
Publication : décembre 1850, Senf, Leipzig.
Durée : environ 20 minutes.
Les Waldszenen op. 82 sont les petites sœurs, à une décennie d’intervalle, des Kinderszenen op. 15 ; pages d’album aussi concises qu’émouvantes, elles explorent cette fois le monde forestier où s’épanouit l’âme allemande et où résonne le cor des légendes, depuis Arnim et Brentano jusqu’à Mahler et au-delà. Voyage aussi symbolique que géographique, ces Scènes de la forêt devaient, comme les Nachtstücke, se voir adjoindre des pans de littérature, ici sous forme d’extraits de poèmes ; seul Verrufene Stelle en gardera la trace. Le « cycle de paysage », pour reprendre une expression de Charles Rosen, se voit solidement lié par le biais, outre des rappels mélodiques, des tonalités : si bémol majeur pour les n° 1, 3, 5 et 9, sa sous-dominante mi bémol majeur (n° 6, n° 8) et sa tierce ré (majeur pour le n° 2, mineur pour les n° 4 et 7).
L’on entre (Eintritt) dans la forêt et le recueil en douceur, avec une mélodie souvent chantée par la main gauche mais qui se reflète de façon bien schumannienne à la main droite ; l’on poursuit en fanfares entrecoupées de sinueux triolets, avant d’enchaîner sur les douces broderies en croches de ces Fleurs solitaires où, çà et là, une dissonance rude met comme un coup d’aiguille. « Les leurs, si haut croissent-elles, / Sont pâles ici comme la mort ; /Une seule d’entre elles, au centre, / Se dresse dans sa parure rouge sombre. / Elle ne l’a point reçue du soleil : / Jamais elle n’en rencontra la chaleur ; / Elle la tient de la terre, / Car elle a bu du sang humain », nous dit en empruntant ses mots à Hebbel la partition de Lieu maudit. Rythmes doublement pointés, désolation d’harmonies blanches, tritons, méandres mélodiques : l’hallucination est poignante. La joie revient dans les deux pièces suivantes, achevées dans la douceur, avant le second joyau de cette collection, un Oiseau prophète léger, délicat, tout tissé de groupes-fusées détendus, délicieusement acide de dissonances, plein d’une magique fantaisie. Une virile Chanson de chasse, où l’on entend le Schumann exubérant, débouche enfin sur le doux Adieu, qui retrouve l’atmosphère du premier morceau et se berce du balancement du trois (les triolets de l’accompagnement) contre deux (les croches de la mélodie).
Angèle Leroy
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Liederkreis op. 39, cycle de douze lieder sur des poèmes de Joseph von Eichendorff
1. In der Fremde (Loin du pays natal)
2. Intermezzo
3. Waldesgespräch (Conservation sylvestre)
4. Die Stille (Le silence)
5. Mondnacht (Nuit de lune)
6. Schöne Fremde (Beauté des espaces lointains)
7. Auf einer Burg (Dans un château)
8. In der Fremde (Loin du pays natal)
9. Wehmut (Mélancolie)
10. Zwielicht (Pénombre)
11. Im Walde (Dans la forêt)
12. Frühlingsnacht (Nuit de printemps)
Composition : 1840.
Durée : environ 25 minutes.
De la poésie de Joseph Eichendorff (1788-1857), l’un des poètes favoris des musiciens romantiques allemands, Erika Tunner écrit : « Contrairement à Gœthe, à Hölderlin, à Heine aussi, Eichendorff ne propose pas une nouvelle vision du monde. […] Son univers est strictement limité : Il n’est jamais amer. […] C’est un monde de simplicité, de naturel, de sentiments vrais, où passent des personnages attentifs au chant des oiseaux, au ciel bleu, aux forêts frémissantes de cascades et de musique, tandis que meurt au loin l’appel du cor, un peu comme le célèbre tableau d’Altdorfer Le Chevalier dans la forêt. » C’est durant le mois de mai 1840 que Robert Schumann compose le Liederkreis op 39. Loin des déchirures associées à Heinrich Heine, le style proprement « merveilleux » d’Eichendorff procure le support d’une inspiration frémissante et quasi enchantée, fortement ancrée dans la relation au monde extérieur. Une forme d’immédiateté, d’intensité vibrante (insufflée par l’art de nouvelliste d’Eichendorff ?) contribue à faire de ces douze pièces brèves un ensemble de purs joyaux sonores.
Intermédiaires entre l’intériorité schubertienne et la perfection concentrée des mélodies d’Alban Berg, ces douze tableaux s’articulent en deux volets isométriques dont les relations tissées entre les diverses pièces répondent à de subtils renvois internes (littéraires et musicaux). La première partie du cycle offre une progression thématique menant de la calme sonorité voilée de In der Fremde (Loin du pays natal) à l’ivresse exaltée de Schöne Fremde (Beauté des espaces lointains), apogée du cycle. La seconde partie résonne comme un écho étrange, quasi fantastique, aux sonorités joyeuses des six pièces initiales. Les tournures archaïsantes y abondent, évoquant tour à tour le choral (Auf einer Burg), le contrepoint et l’écriture luthée baroque (Zwielicht) et les formules de cadence plagale aux saveurs anciennes… Autant d’éléments qui inclinent le cercle à se refermer dans un climat de mélancolie profonde et désolée. Cependant, l’ultime pièce – selon le processus essentiellement schumannien de la circularité poético-musicale – « clôt » le cycle sur
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une sorte d’aube nouvelle : Frühlingsnacht (Nuit de printemps). Les accords pressants (de rythme binaire, en triolets de doubles croches) répondent en miroir à l’ineffable rêverie harmonique de Mondnacht (Nuit de lune).
Constance Himelfarb
Claude Debussy (1862-1918)Trois mélodies d’après Paul Verlaine
La Mer est plus belle
Le Son du cor s’afflige
L’échelonnement des haies
Composition : 1891.
Publication : 1901, Hamelle, Paris.
Durée : environ 8 minutes.
« Verlainiennes jusqu’au bout des croches » : c’est ainsi que l’écrivain Pierre Louÿs parle des trois mises en musique de Verlaine composées par son ami Debussy en 1891. Rien de bien surprenant lorsqu’on sait la place prépondérante accordée au poète par le musicien durant plus de deux décennies, des premières esquisses en 1882 jusqu’au second recueil des Fêtes galantes, composé en 1904. Verlaine lui offre un mélange inimitable de mélancolie et de simplicité ainsi qu’une langue profondément musicale, tous traits qui le poussent à dépasser le modèle un peu suranné de la mélodie du XIXe siècle pour proposer une déclamation plus souple et une répartition des rôles entre voix et piano moins schématique. Bien qu’un peu convenus, les arpèges de piano qui ouvrent la première pièce du recueil, La Mer est plus belle, donnent du corps à cet évocateur tableau aquatique, rehaussé de quelques enchaînements mélodiques savoureux et nuancé par une ligne mélodique ductile. Plus intime, Le Son du cor s’afflige est aussi plus moderne, comme l’affirme dès les premières mesures l’introduction, avec son utilisation des notes répétées et son brouillage des repères rythmiques. Simplicité apparente et émotion forment les piliers de ce « soir monotone » tout irrigué de mélancolie. Plus incisif avec ses quintolets de main droite et sa petite mélodie de main gauche dans le registre médium du piano, L’échelonnement des haies a des airs de chanson, aussi séduisante que le paysage dépeint par Verlaine.
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Manuel de Falla (1876-1946)Trois mélodies d’après Théophile Gautier
Les Colombes
Chinoiserie
Séguidille
Composition : 1909-1910.
Publication : 1910.
Durée : environ 8 minutes.
Composées lors du (long) séjour parisien de Falla, les Trois mélodies de 1909-1910 témoignent de l’immersion dans la culture française du compositeur, qui abandonne ici son espagnol natal pour les vers de Théophile Gautier, l’un des poètes favoris des mélodistes du XIXe siècle (Berlioz, Duparc, Bizet, Massenet, d’Indy, Fauré, Chausson… y sacrifièrent tous). Elles présentent un mélange entre l’influence stylistique des compositeurs français, et tout particulièrement de Debussy – un compositeur que Falla estimait beaucoup, et dont il sollicita l’avis à propos de ce recueil –, et des traits espagnols dans la déclamation ou l’harmonie. Le métissage est visible dès la première mélodie, Les Colombes, qui « sortent du nid debussyste sous l’aube d’une tristesse mélancolique » (Pascale Saint-André). Il s’infléchit du côté espagnol pour la Séguidille, au charme de laquelle Debussy s’était lui aussi laissé prendre dans sa jeunesse : aux poncifs du texte, dressant le portrait d’une Espagnole haute en couleur (« Voilà / la véritable Manola », une manola étant une fille aux mœurs légères des quartiers populaires de Madrid), répondent les espagnolades que Falla maîtrise parfaitement : exclamations parlées, broderies au piano et à la voix, etc. Quant à la Chinoiserie, introduite par une énumération a cappella de toutes celles que le poète n’aime pas, elle illustre le rêve d’Orient des Européens (pensons, une fois encore, à Debussy, mais aussi à Ravel) : gamme par tons, sonorités de boîte à musique convoyées par une séduisante partie de piano, mélodie vocale aisée et aux contours définis, friande de quartes.
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Gustav Mahler (1860-1911)Frühlingsmorgen – extrait de Lieder und Gesänge aus der Jugendzeit
Composition : 1880-1883.
Im LenzWinterlied
Composition : 1880.
Ablösung im Sommer – extrait de Lieder und Gesänge aus der Jugendzeit
Composition : 1887-1890.
Blicke mir nicht in die Lieder - extraits de Rückert-LiederIch bin der Welt abhanden gekommen - extraits de Rückert-Lieder
Composition : 1901.
En parallèle d’esquisses d’œuvres de musique de chambre ou d’opéras, genres qui se verront par la suite abandonnés, le jeune Mahler donne dès la seconde moitié des années 1870 ses premiers lieder ; mais il faut attendre le début de la décennie suivante pour que certains soient jugés dignes de publication. Écrits en 1880, Im Lenz et Winterlied devaient faire partie d’un recueil dédié à Joséphine Poisl, la fille du maître des postes d’Iglau, en Bohême. Mais Mahler semble avoir renoncé à achever l’œuvre et les trois premiers lieder composés, sur des textes du compositeur lui-même, n’ont donc jamais été publiés. Ceux-ci partagent avec la cantate Das klagende Lied, conçue en grande partie à la même époque, une inspiration et même des matériaux communs. Premiers lieder qui nous soient parvenus, ils manifestent déjà, mêlés à des échos schumanniens, la singularité du ton mahlérien.
À peine plus tardif, Frühlingsmorgen, qui chante la nature sans prétention, emprunte son texte à Richard von Volkmann, un chirurgien poète à ses heures (sous le pseudonyme de Richard Leander). Il fut publié en 1892 dans un recueil composite, intitulé Lieder und Gesänge aus der Jugendzeit, réunissant des textes divers et des poèmes extraits du Knaben Wunderhorn. C’est à cette ample collection de poèmes populaires parue au début du XIXe siècle, qui renouvela la poésie germanique et représenta une source d’inspiration inépuisable pour de nombreux musiciens (parmi lesquels Mahler tient la première place), qu’appartient Ablösung im Sommer. Animalière, comme Des Antonius von Padua Fischpredigt, cette saynète à la cruauté voilée nourrira – dans une dynamique de perméabilité entre lieder et symphonie caractéristique de Mahler – le scherzo de la Troisième Symphonie, composée quelques années plus tard.
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Blicke mir nicht in die Lieder et Ich bin der Welt abhanden gekommen inaugurent quant à eux les « années Rückert » de Mahler, qui consacra au poète romantique (1788-1866), auquel Schubert et surtout Schumann avaient déjà eu recours, les recueils des Rückert-Lieder de 1901 et les Kindertotenlieder de 1904. Ils sont cette fois pensés directement pour l’orchestre, mais le compositeur, fidèle à son habitude, ne manqua pas d’en donner également une version pianistique. D’un lyrisme intime, les poèmes de Rückert inspirent au compositeur des pièces en demi-teinte. Ich bin der Welt abhanden gekommen, dont le compositeur disait : « c’est moi-même », est un poignant chant de solitude, tandis que Blicke mir nicht in die Lieder dessine une « étude du furtif et de l’insaississable » (Stéphane Goldet) à l’image des abeilles évoquées par le poème.
Angèle Leroy
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Robert Schumann
Liederkreis, op. 39
1. ln der Fremde
Aus der Heimat hinter den Blitzen rot
Da kommen die Wolken her,
Aber Vater und Mutter sind lange tot,
Es kennt mich dort keiner mehr.
Wie bald, ach wie bald kommt die stille Zeit,
Da ruhe ich auch, und über mir
Rauscht die schöne Waldeinsamkeit,
Und keiner kennt mich mehr hier.
2. Intermezzo
Dein Bildnis wunderselig
Hab ich im Herzensgrund,
Das sieht so frisch und fröhlich
Mich an zu jeder Stund’.
Mein Herz still in sich singet
Ein altes schönes Lied,
Das in die Luft sich schwinget
Und zu dir eilig zieht.
1. Loin du pays natal
Sillonnés d’éclairs rougeoyants
Les nuages viennent du pays natal,
Père et mère, hélas, depuis longtemps sont morts,
Plus personne ne me connaît là-bas.
Qu’il viendra vite, hélas si vite, le temps
Où je reposerai moi aussi, et au-dessus de moi
La forêt solitaire bruira dans sa splendeur,
Et plus personne ne me connaîtra ici.
2. Intermezzo
Ton image merveilleuse
Demeure au plus profond de mon cœur,
En tout instant elle me regarde,
Avec tant de candeur et de gaîté.
Mon cœur chantonne doucement
Une vieille chanson
Qui s’élance dans les airs,
Se hâtant à ta rencontre.
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3. Conversation sylvestre
L’heure est avancée et il fait déjà froid,
Que chevauches-tu, solitaire, à travers les bois ?
La forêt est vaste et tu es seule,
Belle demoiselle ! Laisse-moi te reconduire !
« Combien sont grands le mensonge et la ruse des hommes,
Mon cœur est brisé d’une douleur intense;
Les appels du cor retentissent ici, puis là,
Fuis ces lieux! Tu ignores qui je suis. »
À voir monture et femme aussi richement parées,
Et la si grande beauté de la jeune créature,
Je te reconnais - Dieu me vienne en aide !
Lorelei, la sorcière, tel est ton nom.
« Oh oui, tu me connais - du haut de ton rocher
Mon château se reflète en silence dans les eaux profondes du
Rhin.
L’heure est avancée et il fait déjà froid,
De cette forêt plus jamais tu ne sortiras ! »
4. Le silence
Nul ne sait ni ne peut deviner
À quel point je suis heureux !
Si seulement un seul être le savait, oui un seul,
Et à part lui aucun autre !
Le silence de la campagne enneigée,
Celui des étoiles muettes et secrètes,
Là-haut, au firmament,
Sont loin de la quiétude de mes pensées.
Je voudrais qu’il soit déjà demain;
Là-bas s’envolent deux alouettes,
Planant l’une au-dessus de l’autre,
Et mon cœur suit leur course.
Je voudrais être un oiselet
Pour survoler les mers,
Et voler bien au-delà des océans,
Et parvenir jusqu’au ciel !
3. Waldesgespräch
Es ist schon spät, es ist schon kalt,
Was reitest du einsam durch den Wald?
Der Wald ist lang, du bist allein,
Du schöne Braut ! Ich führ dich heim!
« Groß ist der Männer Trug und List,
Vor Schmerz mein Herz gebrochen ist,
Wohl irrt das Waldhorn her und hin,
o flieh ! Du weißt nicht, wer ich bin. »
So reich geschmückt ist Roß und Weib,
So wunderschön der junge Leib,
Jetzt kenn ich dich - Gott steht mir bei !
Du bist die Hexe Lorelei. –
« Du kennst mich wohl - vom hohen Stein
Schaut still mein Schloß tief in den Rhein.
Es ist schon spät, es ist schon kalt,
Kommst nimmermehr aus diesem Wald. »
4. Die Stille
Es weiß und rät es doch keiner,
Wie mir so wohl ist, so wohl!
Ach, wüßt es nur einer, nur einer,
Kein Mensch es sonst wissen soll !
So still ist’s nicht draußen im Schnee,
So stumm und verschwiegen sind
Die Sterne nicht in der Höh,
Als meine Gedanken sind.
Ich wünscht’, es wäre schon Morgen,
Da fliegen zwei Lerchen auf,
Die überfliegen einander,
Mein Herz folgt ihrem Lauf.
Ich wünscht’, ich wäre ein Vöglein
Und zöge über das Meer,
Wohl über das Meer und weiter,
Bis daß ich im Himmel wär!
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5. Nuit de lune
On eût dit que le ciel
Avait donné à la terre un doux baiser,
Et que dans la lumière évanescente des fleurs
Elle ne rêvait plus que de lui.
La brise caressait les champs
Et berçait doucement les épis,
Les forêts bruissaient faiblement,
Dans la pureté de la nuit étoilée.
Et mon âme, déployant
Tout grand ses ailes,
Survolait la campagne silencieuse,
Comme si elle revenait au pays.
6. Beauté des espaces lointains
Les cimes des arbres bruissent et frissonnent
Comme si, à cette heure avancée,
Autour de ces murs à demi écroulés
Les dieux antiques faisaient leur ronde.
Ici, derrière les buissons de myrte,
Dans la splendeur mystérieuse du crépuscule,
Quel langage troublant me tiens-tu,
Tel un rêve, ô nuit fantastique ?
Les étoiles scintillent au-dessus de moi,
Me jetant des regards langoureux,
Les lointains parlent avec ivresse
D’un immense bonheur à venir.
5. Mondnacht
Es war, als hätt’ der Himmel,
Die Erde still geküßt,
Daß sie im Blütenschimmer
Von ihm nur träumen müßt.
Die Luft ging durch die Felder,
Die Ähren wogten sacht,
Es rauschten leis die Wälder,
So sternklar war die Nacht.
Und meine Seele spannte
Weit ihre Flügel aus,
Flog durch die stillen Lande,
Als flöge sie nach Haus.
6. Schöne Fremde
Es rauschen die Wipfel und schauern,
Als machten zu dieser Stund
Um die halbversunkenen Mauern
Die alten Götter die Rund.
Hier hinter den Myrtenbäurnen
ln heimlich dämmernder Pracht,
Was sprichst du wirr wie in Träumen
Zu mir, phantastische Nacht?
Es funkeln auf mich alle Sterne
Mit glühendem Liebesblick,
Es redet trunken die Ferne
Wie vom künftigem, großem Glück.
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7. Dans un château
Le vieux chevalier s’est endormi
Là-haut, en faisant le guet.
Une pluie torrentielle se déverse des cieux
Et la forêt bruit à travers les grilles.
Sa barbe et ses cheveux ne font plus qu’un,
Sa poitrine et sa collerette se sont pétrifiées.
Cela fait des siècles et des siècles
Qu’iI est assis là-haut dans son repaire tranquille.
Silence et paix règnent aux alentours,
Tous se sont réfugiés dans la vallée.
Seuls quelques oiseaux de la forêt
Chantent dans les arcades vides des fenêtres.
Une noce passe en contrebas
Sur le Rhin ensoleillé,
Des musiciens jouent avec entrain,
Et la jolie mariée verse des larmes.
8. Loin du pays natal
J’entends le bruissement des ruisseaux,
Parcourir toute la forêt.
Dans cette forêt, dans ces bruissements,
Je ne sais plus où je suis.
Les rossignols chantent
Ici, dans cette solitude,
Comme s’ils voulaient évoquer
Les beaux jours d’antan.
Les reflets de la lune fuient,
Et je crois voir à mes pieds
Le château au fond de la vallée,
Alors qu’il est si loin d’ici !
Dans le jardin, il me semble voir
Parmi les roses blanches et rouges,
Ma bien-aimée qui m’attend
Alors que depuis si longtemps elle a quitté ce monde.
7. Auf einer Burg
Eingeschlafen auf der Lauer
Oben ist der alte Ritter ;
Drüber gehen Regenschauer,
Und der Wald rauscht durch das Gitter.
Eingewachsen Bart und Haare
Und versteinert Brust und Krause,
Sitzt er viele hundert Jahre
Oben in der stillen Klause.
Draußen ist es still’ und friedlich,
Alle sind ins Tal gezogen,
Waldesvögel einsam singen
ln den leeren Fensterbogen.
Eine Hochzeit tährt da unten
Auf dem Rhein im Sonnenscheine,
Musikanten spielen munter,
Und die schöne Braut, die weinet.
8. ln der Fremde
Ich hör’ die Bächlein rauschen
lm Walde her und hin.
lm Walde, in dem Rauschen,
Ich weiß nicht, wo ich bin.
Die Nachtigallen schlagen
Hier in der Einsamkeit,
Als wollten sie was sagen
Von der alten, schönen Zeit.
Die Mondesschimmer fliegen,
Als säh ich unter mir
Das Schloß im Tale liegen,
Und ist doch so weit von hier!
Als müßte in dem Garten,
Voli Rosen weiß und rot,
Meine Liebste auf mich warten,
Und ist doch so lange tot.
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9. Mélancolie
Il m’arrive de chanter,
Comme si j’étais gai,
Mais en secret des larmes m’assaillent,
Et soulagent mon cœur oppressé.
C’est ainsi que les rossignols,
Dès que souffle la brise printanière,
Font entendre leur chant nostalgique
Du fond de leur sinistre cachot.
Tous les cœurs sont alors à l’affût,
Tout baigne dans la joie,
Car nul ne perçoit la douleur,
La profonde détresse de ce chant.
10. Pénombre
Le crépuscule s’apprête à étendre ses ailes,
Les arbres frissonnent d’effroi,
Des nuages passent tels de mauvais rêves -
Que signifie cette angoisse ?
Si un chevreuil t’est plus cher entre tous,
Ne le laisse pas aller paître seul,
Des chasseurs errent dans la forêt avec leurs cors,
Et leurs voix retentissent de loin en loin.
Si tu as un ami ici-bas,
Ne lui fais pas confiance à cette heure,
Aussi amicaux que soient son regard et son sourire
Il songe au combat dans cette paix trompeuse.
Ce qui s’achève ce soir dans la lassitude
Renaîtra demain à une vie nouvelle.
Aux égarements la nuit est propice -
Prends garde, soit vigilant et vif !
9. Wehmut
Ich kann wohl manchmal singen,
Als ob ich fröhlich sei,
Doch heimlich Tränen dringen,
Da wird das Herz mir frei.
Es lassen Nachtigallen,
Spielt draußen Frühlingsluft,
Der Sehnsucht Lied erschallen
Aus ihres Kerkers Gruft.
Da lauschen alle Herzen,
Und alles ist erfreut,
Doch keiner fühlt die Schmerzen,
lm Lied das tiefe Leid.
10. Zwielicht
Därnmrunq will die Flügel spreiten,
Schaurig rühren sich die Bäume,
Wolken ziehn wie schwer Träurne -
Was will dieses Grau’n bedeuten?
Hast ein Reh du lieb vor andern,
Laß es nicht alleine grasen,
Jäger ziehn im Wald und blasen,
Stimmen hin und wieder wandern.
Hast du einen Freund hienieden,
Trau ihm nicht zu dieser Stunde,
Freundlich wohl mit Aug’und Munde,
Sinnt er Krieg im tück’schen Frieden.
Was heut gehet müde unter,
Hebt sich morgen neu geboren.
Manches geht in Nacht verloren -
Hüte dich, sei wach und munter!
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11. Dans la forêt
Une noce s’étirait sur le versant de la montagne,
J’entendais le chant des oiseaux;
Des cavaliers surgissent nombreux, le cor retentit,
Quelle joyeuse chevauchée !
À peine l’ai-je réalisé que tout s’est évanoui,
Les ténèbres sont tombées sur la sphère terrestre
Et un frisson d’effroi traverse
Le fin fond de mon âme.
12. Nuit de printemps
Au-dessus du jardin, traversant les airs,
J’entendis passer les oiseaux migrateurs,
Annonciateurs des senteurs printanières,
Dans la vallée les premières fleurs éclosent.
J’ai envie de crier ma joie, j’ai envie de pleurer,
J’ai pourtant du mal à y croire !
Les miracles d’antan renaissent,
Dans la splendeur du clair de lune.
La lune et les étoiles le disent,
Le bosquet le murmure dans son rêve,
Et les rossignols le chantent à plein gosier :
Elle est tienne, elle est tienne !
Traduction © Sony 1995
11. lm Walde
Es zog eine Hochzeit den Berg entlang,
Ich hörte die Vögel schlagen,
Da blitzten viel Reiter, das Waldhorn klang,
Das war ein lustiges Jagen!
Und eh’ ich’s gedacht, war alles verhallt,
Die Nacht bedecket die Runde,
Nur von den Bergen noch rauschet der Wald
Und mich schauert’s im Herzensgrunde.
12. Frühlingsnacht
Über’n Garten durch die Lüfte
Hört’ ich Wandervögel ziehn,
Das bedeutet Frühlingsdüfte,
Unten fängt’s schon an zu blüh’n.
Jauchzen möcht ich, möchte weinen,
Ist mir’s doch, als könnt’s nicht sein!
Alte Wunder wieder scheinen
Mit dem Mondesglanz herein.
Und der Mond, die Sterne sagen’s,
Und im Traume rauscht’s der Hain,
Und die Nachtigallen schlagen’s:
Sie ist deine ! Sie ist deine!
Joseph von Eichendorff
17
Claude Debussy
Trois mélodies d’après Verlaine
La Mer est plus belle
La mer est plus belle
Que les cathédrales,
Nourrice fidèle,
Berceuse de râles,
La mer qui prie
La Vierge Marie !
Elle a tous les dons
Terribles et doux.
J’entends ses pardons
Gronder ses courroux.
Cette immensité
N’a rien d’entêté.
O! si patiente,
Même quand méchante !
Un souffle ami hante
La vague, et nous chante :
« Vous sans espérance,
Mourez sans souffrance ! »
Et puis sous les cieux
Qui s’y rient plus clairs,
Elle a des airs bleus.
Roses, gris et verts...
Plus belle que tous,
Meilleure que nous !
Le Son du cor s’afflige
Le son du cor s’afflige vers les bois,
D’une douleur on veut croire orpheline
Qui vient mourir au bas de la colline,
Parmi la bise errant en courts abois.
L’âme du loup pleure dans cette voix,
Qui monte avec le soleil, qui décline
D’une agonie on veut croire câline,
Et qui ravit et qui navre à la fois.
Pour faire mieux cette plainte assoupie,
La neige tombe à longs traits de charpie
A travers le couchant sanguinolent,
Et l’air a l’air d’être un soupir d’automne,
Tant il fait doux par ce soir monotone,
Où se dorlote un paysage lent.
L’échelonnement des haies
L’échelonnement des haies
Moutonne à l’infini, mer
Claire dans le brouillard clair,
Qui sent bon les jeunes baies.
Des arbres et des moulins
Sont légers sur le vert tendre,
Où vient s’ébattre et s’étendre
L’agilité des poulains.
Dans ce vague d’un Dimanche,
Voici se jouer aussi
De grandes brebis,
Aussi douces que leur laine blanche.
Tout à l’heure déferlait
L’onde roulée en volutes,
De cloches comme des flûtes
Dans le ciel comme du lait.
18
Manuel de Falla
Trois mélodies d’après Théophile Gautier
Les Colombes
Sur le coteau, là-bas où sont les tombes,
Un beau palmier, comme un panache vert
Dresse sa tête, où le soir les colombes
Viennent nicher et se mettre à couvert.
Mais le matin elles quittent les branches ;
Comme un collier qui s’égrène, on les voit
S’éparpiller dans l’air bleu, toutes blanches,
Et se poser plus loin sur quelque toit.
Mon âme est l’arbre où tous les soirs comme elles,
De blancs essaims de folles visions
Tombent des cieux, en palpitant des ailes,
Pour s’envoler dès les premiers rayons.
Chinoiserie
Ce n’est pas vous, non, madame, que j’aime,
Ni vous non plus, Juliette, ni vous,
Ophélia, ni Béatrix, ni même
Laure la blonde, avec ses grands yeux doux.
Celle que j’aime à présent, est en Chine ;
Elle demeure, avec ses vieux parents,
Dans une tour de porcelaine fine,
Au fleuve Jaune, où sont les cormorans ;
Elle a des yeux retroussés vers les tempes,
Un pied petit, à tenir dans la main,
Le teint plus clair que le cuivre des lampes,
Les ongles longs et rougis de carmin ;
Par son treillis elle passe sa tête,
Que l’hirondelle, en volant, vient toucher,
Et, chaque soir, aussi bien qu’un poète,
Chante le saule et la fleur du pêcher.
Séguidille
Un jupon serré sur les hanches,
Un peigne énorme à son chignon,
Jambe nerveuse et pied mignon,
Œil de feu, teint pâle et dents blanches :
Alza ! olà !
Voilà
La véritable manola.
Gestes hardis, libre parole,
Sel et piment à pleine main,
Oubli parfait du lendemain,
Amour fantasque et grâce folle :
Alza ! olà !
Voilà
La véritable manola.
Chanter, danser aux castagnettes,
Et, dans les courses de taureaux,
Juger les coups des toreros,
Tout en fumant des cigarettes :
Alza ! olà !
Voilà
La véritable manola.
19
Gustav Mahler
Lieder
Frühlingsmorgen
Es klopft an das Fenster der Lindenbaum.
Mit Zweigen blütenbehangen:
Steh’ auf! Steh’ auf!
Was liegst du im Traum?
Die Sonn’ ist aufgegangen!
Steh’ auf! Steh’ auf!
Die Lerche ist wach, die Büsche weh’n!
Die Bienen summen und Käfer!
Steh’ auf! Steh’ auf!
Und dein munteres Lieb’ hab ich auch schon geseh’n.
Steh’ auf, Langschläfer!
Langschläfer, steh’ auf!
Steh’ auf! Steh’ auf!
Im Lenz
Sag’ an, du Träumer am lichten Tag.
Was willst du heut’ mit dem Bangen?
Du wandelst so stumm durch Lenz und Hag,
Als wärst du von Blindheit befangen.
« Ich bin nicht blind und sehe doch nicht,
Mir ist nicht dunkel und ist nicht licht.
Könnt’ lachen und könnte weinen.
Doch sagen könnt’ ich es keinem. »
O sieht dich die Sonne so freundlich an,
Was sollen dir Schmerz und Reue?
Wirf ab deine Last, du traurige Mann,
Und freu’ dich an Sonne und Bläue.
« Mich freut keine Sonne, mich freut kein Blau
Und hab’ doch den Frühling so gerne.
Ach, die ich allein nur am liebsten erschau,
Die weilt schon lang in der Ferne. »
Matin de printemps
À la fenêtre le tilleul frappe
Avec ses branches couvertes de fleurs :
Debout ! Debout !
Pourquoi être couché à rêver ?
Le soleil est levé !
Debout ! Debout !
L’alouette est réveillée, les buissons s’agitent au vent,
Les abeilles et les scarabées bourdonnent !
Debout ! Debout !
Et ton amoureuse plein d’entrain, je l’ai vue aussi.
Debout, lève-tard,
Lève-tard, debout !
Debout ! Debout !
Au printemps
Dis-moi, toi le rêveur en plein jour,
Que veux-tu dire aujourd’hui avec ces peurs ?
Tu traverses si silencieusement printemps et bosquet,
Comme si tu étais frappé de cécité.
« Je ne suis pas aveugle et pourtant je ne vois pas,
Il ne fait pas sombre, mais il ne fait pas jour,
Je pourrais rire et je mourrais pleurer.
Mais je ne pourrais en parler à personne. »
Oh le soleil te sourit si doucement,
Que te veulent souffrance et regret ?
Pose ton fardeau, homme triste,
Et réjouis-toi du soleil et du ciel bleu.
« Je n’ai de plaisir ni du soleil, ni du ciel bleu
Et pourtant j’aime tant le printemps.
Hélas, celle que j’aime voir plus que tout
Est partie au loin depuis longtemps. »
20
Chant d’hiver
Au-dessus de la montagne et de la vallée
Avec un son pur
Une petite chanson résonne.
À travers neige et glace
Elle sonne si chaude
Jusqu’à la petite maison.
Là où le feu ronfle,
Là où le rouet bourdonne
Dans la confortable petite pièce.
Autour de la table
Ils sont assis en silence.
M’entends-tu, ma chérie ?
Dans la neige froide,
Regarde ! comme je me tiens
En train de chanter pour toi, ma mie !
Est-ce ma chanson
Qui te fait rougir
Ou est-ce le rouet ?
Ô doux moment,
Comme tu es loin !
Ô heures heureuses !
Hélas, seulement un éclair
Fut notre bonheur,
Pour toujours disparu !
Relève en été
Le coucou est mort en tombant
Du saule vert !
Le coucou est mort ! Le coucou est mort !
Alors qui nous aidera
À chasser le temps et l’ennui ?
Hé ! Ce sera Monsieur Rossignol,
Qui est assis dans les feuilles vertes,
Le petit, le fin Rossignol,
L’adorable, le doux Rossignol !
Il chante, il bondit, il est toujours joyeux,
Quand les autres oiseaux se taisent.
Winterlied
Über Berg und Tal
Mit lautem Schall
Tönet ein Liedchen.
Durch Schnee und Eis
Dringt es so heiß
Bis zu dem Hüttchen.
Wo das Feuer brummt,
Wo das Rädchen summt
Im traulichen Stübchen.
Um den Tisch herum
Sitzen sie stumm.
Hörst du mich, Liebchen?
Im kalten Schnee,
Sieh! wie ich steh’,
Sing’ zu Dir, Mädchen!
Hat denn mein Lied
So dich erglüht
Oder das Rädchen?
O liebliche Zeit
Wie bist du so weit!
O selige Stunden!
Ach nur ein Blick
War unser Glück.
Ewig verschwunden!
Ablösung im Sommer
Kuckuck hat sich zu Tode gefallen
An einer grünen Weiden,
Kuckuck ist tot! Kuckuck ist tot!
Wer soll uns jetzt den Sommer lang
Die Zeit und Weil vertreiben?
Ei, das soll tun Frau Nachtigall,
Die sitzt auf grünem Zweige;
Die kleine, feine Nachtigall,
Die liebe, süße Nachtigall!
Sie singt und springt, ist allzeit froh,
Wenn andre Vögel schweigen.
21
Nous attendons Monsieur Rossignol,
Qui vit dans un bosquet vert,
Et quand le coucou arrive à sa fin,
Alors il commence à jouer !
Ne regarde pas mes chants !
Ne regarde pas mes chants !
Mes yeux, je les baisse
Comme si j’avais commis une mauvaise action.
Je n’ose pas moi-même
Les regarder grandir.
Ta curiosité est une trahison !
Les abeilles, quand elles construisent leurs alvéoles,
Ne laissent personne les regarder,
Elles-mêmes ne les regardent pas.
Quand elles auront porté les riches rayons de miel
À la lumière du jour,
Alors tu les verras avant tous !
Je me suis retiré du monde
Je me suis retiré du monde
dans lequel je n’ai que trop perdu mon temps;
il n’a depuis longtemps plus rien entendu de moi,
il peut bien croire que je suis mort !
Et peu m’importe, à vrai dire,
s’il me pense mort,
Et je n’ai rien à y redire,
car il est vrai que je suis mort au monde.
Je suis mort au monde et à son tumulte
et je repose dans un coin tranquille.
Je vis solitaire dans mon ciel,
dans mon amour, dans mon chant.
Wir warten auf Frau Nachtigall,
Die wohnt im grünen Hage,
Und wenn der Kukuk zu Ende ist,
Dann fängt sie an zu schlagen!
Blicke mir nicht in die Lieder!
Blicke mir nicht in die Lieder!
Meine Augen schlag’ ich nieder,
Wie ertappt auf böser That;
Selber darf ich nicht getrauen,
Ihrem Wachsen zuzuschauen:
Deine Neugier ist Verrath.
Bienen, wenn sie Zellen bauen,
Lassen auch nicht zu sich schauen,
Schauen selber auch nicht zu.
Wann die reichen Honigwaben
Sie zu Tag gefördert haben,
Dann vor allen nasche du!
Ich bin der Welt abhanden gekommen
Ich bin der Welt abhanden gekommen,
Mit der ich sonst viele Zeit verdorben,
Sie hat so lange von mir nichts vernommen,
Sie mag wohl glauben, ich sei gestorben.
Es ist mir auch gar nichts daran gelegen,
Ob sie mich für gestorben hält,
Ich kann auch gar nichts sagen dagegen,
Denn wirklich bin ich gestorben der Welt.
Ich bin gestorben dem Weltgewimmel,
Und ruh’ in einem stillen Gebiet.
Ich leb’ allein in mir und meinem Himmel,
In meinem Lieben, in meinem Lied.
22
Bernarda Fink
Née en Argentine de parents
slovènes, Bernarda Fink reçoit sa
formation lyrique à l’Instituto Superior
de Arte del Teatro Colón. Elle est
aujourd’hui soliste invitée des plus
prestigieuses formations mondiales :
le London Philharmonic, les Wiener et
les Berliner Philharmoniker, le Royal
Concertgebouw Orchestra, l’Orchestre
Symphonique de la Radio Bavaroise,
l’Orchestre de Cleveland, et se produit
sous la baguette des plus grands
chefs tels que Riccardo Chailly, Sir
John Eliot Gardiner, Valery Gergiev,
Nikolaus Harnoncourt ou Riccardo
Muti. Bernarda Fink se produit
régulièrement en récital au
Musikverein et au Konzerthaus de
Vienne, au Concertgebouw
d’Amsterdam et au Wigmore Hall de
London. On lui doit une cinquantaine
d’enregistrements récompensés par
divers Diapason d’Or et Grammy
Awards. On a pu l’entendre cette
saison dans divers grands projets,
notamment dans une tournée
européenne de la Passion selon saint
Matthieu dirigée par René Jacobs,
dans la Missa Solemnis dirigée par
Herbert Blomstedt, dans Das Paradies
und die Peri sous la direction de Sir
Simon Rattle ou encore dans les
Kindertotenlieder dirigés par Andrés
Orozco-Estrada. En 2006, Bernarda
Fink a reçu la Médaille d’honneur
autrichienne des Arts et des Sciences
et, en février 2013, son frère Marcos et
elle ont été distingués par le Prix le
plus prestigieux de Slovénie, sous le
mécénat de la Prešeren-foundation.
Anthony Spiri
Né aux États-Unis, Anthony Spiri
reçoit sa formation de pianiste
à Cleveland et à Boston puis au
Mozarteum de Vienne.
De 1988 à 1993, il est l’assistant
d’enseignement de Nikolaus
Harnoncourt. Anthony Spiri se produit
comme soliste, comme chambriste
et comme accompagnateur : son
répertoire s’étend du XVIIe siècle à la
musique contemporaine. Il a participé
à la création mondiale d’œuvres de
Sofia Gubaidulina, Rainer Bishof, York
Höller et Wolfgang Rihm. Il accompagne
en récital les plus grands artistes
lyriques, notamment Bernarda et
Marcos Fink, Edith Mathis, Peter
Schreier, Marjana Lipovšek et
Angelika Kirchschlager. En musique
de chambre, il se produit avec
l’Ensemble Wien-Berlin, l’Ensemble
Gidon Kremer, ou encore le Quatuor
Hagen. On a pu l’entendre comme
soliste sur les scènes internationales
avec l’Orchestre de Chambre
d’Europe, l’Orchestre du Mozarteum,
la Camerata Academica de Salzbourg
ou encore avec l’Orchestre de
Chambre de Bâle. Parmi ses
nombreux enregistrements (chez
Harmonia Mundi, cpo, Orfeo, Oehms
Classics, BMG ou Camerata Tokyo)
citons ceux consacrés à la musique de
la famille Bach ainsi que le Concerto
pour piano « Scarlattina » d’Alfredo
Casella et les œuvres pour piano
d’Eduard Marxsen, de Gabriel Fauré,
Robert Schumann, Franz Schubert,
Richard Strauss et Joseph Marx.
Anthony Spiri enseigne depuis 2001
à la Musikhochschule de Cologne.
Musiques classique et baroque, musique de chambre, opéra, musiques du monde, jazz, pop-rock, electro...
Vivez les concerts filmés à la Cité de la musique et à la Salle Pleyel en direct et en différé sur Internet
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> WEEK-END TURBULENCES
Matthias PintscherNouvelle(s) direction(s)
VENDREDI 7 FÉVRIER, 20H
Franz SchubertWinterreiseMark AndréAZ Interstices pour Winterreise de Franz Schubert (commande de l’Ensemble intercontemporain, création mondiale)
Ensemble intercontemporainGeorg Nigl, barytonAndreas Staier, pianoJulien Leroy, directionJohan Simons, mise en scèneMichaël Borremans, décorsJan Vandenhouwe, dramaturgie
Coproduction Cité de la musique, Ensemble
intercontemporain, Muziektheater Transparant
et KlaraFestival
SAMEDI 8 FÉVRIER, 20H
Le grand soir
Première partie
Anton WebernQuatre lieder op. 13Robert SchumannKinderszenen (extraits)Anton WebernCinq lieder spirituels op. 15Robert SchumannKinderszenen (extraits)Giacinto ScelsiAnahitMatthias PintscherStudy III for Treatise on the VeilRobert SchumannKinderszenen (extraits)
> MOZART ENFANT
MERCREDI 26, VENDREDI 28 FÉVRIER, MARDI 4 MARS, 19H30
Wolfgang Amadeus MozartMitridate
Orchestre du Conservatoire de Parisélèves du Département des disciplines vocales du Conservatoire de ParisDavid Reiland, direction
Coproduction Cité de la musique, Conservatoire de Paris.
> MÉDIATHÈQUE
En écho à ce concert, nous vous proposons…
> SUR LE SITE INTERNET HTTP://MEDIATHEQUE.CITE-MUSIQUE.FR
… d’écouter un extrait audio dans les « Concerts » :Waldszenen op. 82 de Robert Schumann par l’Orchestre national de Montpellier Languedoc-Roussillon, Aldo Ciccolini (piano), enregistré à la Cité de la musique en avril 2008.
...de regarder un extrait vidéo dans les « Concerts »Didon et énée de Henry Purcell avec Bernarda Fink (mezzo-soprano), enregistré à la Cité de la musique en novembre 2001
(Les concerts sont accessibles dans leur intégralité à la
Médiathèque de la Cité de la musique.)
… de regarder dans les « Dossiers pédagogiques « :Le romantisme et le postromantisme dans les « Repères musicologiques »>À LA MÉDIATHÈQUE
… de lire :Claude Debussy, la mer est plus belle que les cathédrales de Jean-Michel Nectoux
Deuxième partie
Mauricio KagelDie Stücke der Windrose (Western)Igor StravinskiFanfare for a New TheaterMaurice RavelTrois Poèmes de Stéphane MallarméBernd Aloïs Zimmermann SonateKarol SzymanowskiSlopiewnieMauricio KagelDie Stücke der Windrose (Osten)
Troisième partie
Marco StroppaGla-dya Giovanni GabrieliSonata pian’e forte (extraits)John CageSeven HaïkuMarc Garcia VitoriaŒuvre nouvelle (commande de l’Etat, création mondiale)Charles IvesThe Unanswered Question
Ensemble intercontemporainMatthias Pintscher, directionMarisol Montalvo, sopranoDiana Axentii, mezzo-sopranoHidéki Nagano, pianoHae-Sun Kang, violonDiégo Tosi, violonOdile Auboin, alto
Coproduction Cité dela musique, Ensemble
intercontemporain.