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World Union of Jewish Studies / האיגוד העולמי למדעי היהדות

/ התפתחותה של יהדות מרוקו בימי משטר החסות הצרפתית EVOLUTION DU JUDAISME MAROCAIN SOUS LE PROTECTORAT FRANCAISAuthor(s): D. DONATH and ד' דונתSource: Proceedings of the World Congress of Jewish Studies / דברי הקונגרס העולמי למדעיכרך ב / VOLUME II ,היהדות, כרך דpp. 91-94 תשכ"ה / 1965Published by: World Union of Jewish Studies / האיגוד העולמי למדעי היהדותStable URL: http://www.jstor.org/stable/23528213 .

Accessed: 14/06/2014 07:24

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EVOLUTION DU JUDAÏSME MAROCAIN SOUS LE PROTECTORAT FRANÇAIS

D. DONATH

PARIS

I En une dizaine d'années, le judaïsme d'Afrique du

Nord, enraciné depuis de longs siècles, s'est dispersé

en Israël, en France, au Canada et en Amérique du Sud.

Il paraît non seulement intéressant d'examiner les

conditions de vie de cette communauté juive avant son

éclatement, mais encore d'analyser, du point de vue

sociologique, le processus de modernisation qu'elle a

parcouru depuis à peine un demi-siècle.

Avant l'établissement du Protectorat français, le

judaïsme marocain présentait toutes les caractéristiques

d'une société traditionnelle. Sous l'influence de la

puissance colonisatrice, cette société a commencé son

processus de modernisation. Généralement, toute

évolution s'accompagne d'une série de crises (break

down). Les lignes qui suivent sont un essai d'étudier le

cas de la société juive traditionnelle du Maroc dans

son processus de modernisation.

Le Maroc était sous Protectorat français de 1912

à 1956. Dans l'ensemble, les Juifs ont accueilli la France

avec enthousiasme. Dès 1862, date de la fondation de

la première école de l'Alliance Israélite Universelle à

Tetouan, certains d'entre eux avaient pris contact avec

l'occident et ses valeurs, avec la langue et la civilisation

françaises. Les écoles de l'Alliance, dès avant l'établis

sement de la France au Maroc, ont planté les premiers

jalons d'une évolution.

En 1912, l'Alliance Israélite Universelle dirigeait 14 écoles pour garçons et filles que fréquentaient

environ 5.500 élèves dans les villes les plus importantes

du Maroc.

A la fin du XIXe siècle et au début du XXe, des

témoins assez nombreux, juifs et européens, voyageurs,

commerçants, diplomates, instituteurs de l'Alliance,

s'accordent pour décrire l'extrême misère des masses

juives en même temps que l'aisance, sinon la richesse de

quelques familles — de grands commerçants — en

rapport avec les grands centres du commerce inter

national, et avec les représentants du pouvoir local.

La société juive de l'Empire chérifien semble refléter

Pimage de celui-ci: une oligarchie qui concentre entre

ses mains la richesse et le pouvoir face à une masse de

pauvres.

Dans la cité musulmane, le Juif était le dhimmi: il était considéré comme une minorité tolérée, mais

méprisée. Toutefois, la plupart des auteurs s'accordent

pour affirmer que le sort du Juif dans la cité musulmane

était en définitive moins pénible que celui du Juif dans la cité chrétienne avant l'émancipation. Sur le plan

économique, notamment, le Juif avait un rôle tradi

tionnel à jouer dans la cité musulmane. L'un des aspects

de ce rôle au Maroc fut qu'il était le précurseur et

l'intermédiaire dans les relations avec l'Occident.

Dans les premières années du Protectorat, les Juifs

continuaient à jouer ce rôle. Ils avaient placé leurs

espoirs dans le Protectorat français: ils espéraient que

pour eux aussi viendraient les temps où se réaliserait

l'idéal de liberté, d'égalité et de fraternité annoncé par

la Révolution Française.

II

Sans aucun doute, la présence française au Maroc a

permis au judaïsme marocain d'évoluer. Cette évolution

est particulièrement sensible dans les domaines suivants:

a) Scolarisation, b) Evolution des structures professionnelles,

c) Evolution des modes de vie (habitat, vie fami

liale).

a) Scolarisation

Grâce aux subventions substantielles1 du Protec

torat, l'Alliance Israélite Universelle a créé un impor

tant réseau d'écoles primaires: en 1956, l'année de

l'Indépendance du Maroc, 31.563 élèves fréquentaient

ses 82 écoles implantées non seulement dans les grandes

villes, mais encore dans les villages les plus reculés de

l'Atlas ou des confins du Sahara.

Cependant la scolarisation des masses était lente:

selon les premiers résultats du recensement marocain

de 1960,43,2 % de la population juive reste analphabète, si l'on ne tient pas compte de la lecture de l'hébreu,

1. En 1928, l'A.I.U. avait signé une convention avec les

autorités du Protectorat qui, progressivement avait

pris en charge 80/^ du budget des écoles (cf. A. Chouraqui:

L'Alliance Israélite Universelle et la renaissance juive

contemporaine, P.U.F., 1965 p. 335).

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mais 81,9 / des enfants âgés de 10 à 14 ans sont

alphabétisés, ainsi que 62,6 / des adultes âgés de 20

à 29 ans.2 Si l'on compare ces chiffres à ceux de la

population musulmane, on constate la nette avance

en scolarisation de la population juive. En effet, 86,5 "/,

de l'ensemble de la population musulmane est anal

phabète, seulement 29,8 / des enfants âgés de 10 à 14

ans sont alphabétisés et 11,3 0/ des adultes âgés de

20 à 29 ans.3 Le meilleur taux d'alphabétisation de la

population musulmane est proche du plus faible taux

de scolarisation delà population juive: en effet, parmi

les Juifs âgés de plus de 60 ans, 23,7 / étaient alpha

bétisés en une langue autre que l'hébreu. Au Maroc, la

population juive jouit donc d'une avance de scolarisation

sur la population musulmane d'une, voire de deux

générations.

La dispersion de la population juive à travers tout

le pays rendait la scolarisation plus difficile. Par ailleurs,

il s'agissait avant tout d'une scolarisation primaire

(6 ans) et éventuellement complémentaire (3 ans).

L'enseignement secondaire qui permettait l'accès à

l'Université, n'était pas dispensé par l'Alliance. Seul

un nombre limité d'élèves pouvaient s'inscrire dans les

lycées de la Mission culturelle française.

b) Evolution des structures professionnelles

Sous l'influence de la colonisation française, les

structures professionnelles du vieux Maroc commencent

à changer. Les Juifs participent largement à l'essor

économique: une classe moyenne aisée naît, élargissant

celle des notables traditionnels. Par ailleurs, les élèves

de l'Alliance, munis de leur certificat d'études primaires,

trouvent des emplois comme employés de bureau.

Les directeurs des écoles de l'Alliance envoyèrent

leurs meilleurs élèves continuer leurs études à l'école

normale à Paris: la communauté juive n'a pas été prise

au dépourvu lors de l'Indépendance du Maroc : environ

70y0 de ses maîtres étaient des Marocains,4 alors que

l'enseignement musulman devait continuer à faire appel,

dans une très large mesure, aux enseignants français

et à d'autres étrangers.

Progressivement, le judaïsme marocain accède à

l'Université. Toutefois, sous le Protectorat, l'évolution

reste lente.

Dès les années 1920, l'Alliance Israélite Universelle

fit quelques efforts pour donner aux jeunes une formation

professionnelle. Cependant, ces essais n'aboutissent

guère. Ils ne suffisent pas pour donner à la masse des

métiers au sens occidental du mot.

Ce n'est qu'après la deuxième guerre mondiale que,

grâce à un accord conclu avec l'ORT, l'enseignement

professionnel prend un essor sérieux.

c) Evolution des modes de vie (habitat, vie familiale,

etc...) La scolarisation et l'essor économique ont des

répercussions dans tous les domaines de la vie: les

familles les plus aisées quittent le mellah pour s'installer

à proximité du quartier européen ou dans le quartier

européen même.

Facilement, le Juif 'évolué' quitte, non seulement

le costume traditionnel, mais encore, cherche à imiter

dans toute sa façon de vivre celle des Européens

auxquels il cherche à s'assimiler. C'est dans la société

européenne qu'il veut, dorénavant, s'intégrer.

Avec une rapidité qui a déconcerté bien des obser

vateurs, le Juif marocain essaie d'enjamber en quelques

décennies l'écart des siècles.

De ce trop rapide tableau de l'évolution du judaïsme

marocain sous le Protectorat français, on peut dégager

les lumières et les ombres.

1) L'évolution est loin d'être régulière et uniforme.

Elle varie en fonction de la profondeur de pénétration

de la puissance colonisatrice et de l'attachement aux

valeurs traditionnelles.

L'évolution est plus sensible, plus généralisée dans

les villes de la côte. Dans les communautés tradition

nelles de l'intérieur, telles que Sefrou, Fès, Meknes,

Marrakech, les contacts ont été plus lents. Quant aux

villages du Sud Marocain et des montagnes de l'Atlas,

il ont été à peine atteints.

Cette classification est cependant quelque peu

schématique. En effet, l'évolution s'accompagne d'im

portants mouvements de migration intérieure au profit

notamment de Casablanca. Cependant, d'autres mellahs

aussi, comme celui de Marrakech ou de Fès, par exemple,

reçoivent d'importants contingents de populations

venues des mellahs de la montagne ou du Sud.

Les migrations intérieures sont surtout motivées

par des difficultés d'ordre économique. C'est l'essor

de Casablanca qui attire le plus grand nombre de

migrants.

Ville-champignon née il y a à peine 60 ans, elle compte

aujourd'hui presque un million d'habitants. Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, la base américaine

de Nouaceur, située à proximité, a encore développé

l'essor économique de Casablanca, point d'attraction

des populations rurales du Sud et des villes de l'intérieur.

2. Royaume du Maroc, Service Central des statistiques, Résultats préliminaires du recensement de 1960 —

Sondage au 1/50, Avril 1963, p. 32.

3. dn p. 31

4. cf. A. Chouraqui, op. cit. p. 499.

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Selon le recensement marocain de juin I960, 450/0 de la

population juive étaient concentrés à Casablanca.5

Alors que toutes les autres communautés juives du

Maroc sont riches d'une longue histoire dont elles ont

gardé l'empreinte, la communauté de Casablanca est

le résultat de migrations intérieures récentes: ces

migrations ont été à la fois occasion de rupture avec le

milieu traditionnel et de rencontre avec la grande

ville en plein essor.

Ce mouvement de migrations internes est un facteur

important dans l'évolution du judaïsme marocain. Les

migrations internes ne sont d'ailleurs pas caractéristiques

des Juifs qui ne suivent qu'un mouvement général de

toute la population du Maroc. Toutefois, les migrations

internes, ainsi que l'immigration vers Israël ont forte

ment affecté la population rurale juive: elle présentait

en 1951, l0o/o de l'ensemble de la population juive: en

1960, 50/; actuellement les villages sont pratiquement

vidés. Dans ses contacts avec la puissance colonisatrice, le

judaïsme marocain se crée une certaine image de

l'Occident à laquelle il tend à s'assimiler. Cette image de l'Occident est idéalisée. Elle se présente comme

l'idéal de technique, de progrès, de confort, de richesse

et de bien-être. Déjà, dans le contexte même du Magh

reb, cette image ne correspondait pas à la réalité: il y

avait aussi parmi les Français des petits gagne-pains,

bien que tout travail physique difficile échouait générale

ment à l'autochtone. Elle correspondait encore moins

à la réalité telle qu'elle est vécue dans la métropole

française. Il s'agit, cependant, d'un processus assez

général qu'on peut constater, non seulement en milieu

juif nord-africain, mais aussi en milieu arabe lorsqu'il

tend à s'occidentaliser: ce qui frappe le plus, c'est ce

qu'il y a de plus visible dans la civilisation occidentale. La marche vers l'Occident commence par l'adoption de

certaines modes, de certaines façons de vivre, mais on ne comprend pas toujours les valeurs profondes de

civilisation qu'ils expriment. C'est ainsi que se crée un

certain déséquilibre psychologique et social, source

d'écartèlement : par rapport à son milieu d'origine, le

Juif nord-africain se déracine sans être accepté comme

égal par les milieux européens. Certes, dans bien des

cas, les Juifs n'étaient pas que des pions dans l'échiquier

de la colonisation, mais des disciples, voire des inter

locuteurs: cependant, pour le colonisateur, ils con

tinuaient de faire partie du groupe des autochtones

colonialisés.6

Cette tendance à s'assimiler à l'Occident provoque une certaine rupture non seulement avec le milieu

traditionnel juif, mais encore avec le monde musulman:

la symbiose judéo-arabe passe par une crise.

D'autre part, si la présence française au Maroc a

éveillé des aspirations nouvelles dans les milieux juifs,

a créé des besoins nouveaux, les réalisations sont

restées inachevées: la présence française au Maroc n'a

duré que 44 ans.

Enfin, certains problèmes se posaient sur le plan

politique, dans les rapports entre le judaïsme marocain

et le Protectorat dont les plus importants sont :

1 )La réforme des structures de la Communauté.

L'évolution du Judaïsme aurait justifié l'attribution

de pouvoirs plus étendus aux comités des communautés.

Tout d'abord, l'élection des membres aux Comités des

communautés aurait dû être organisée d'une façon plus

démocratique.

Toutefois, la réforme des structures de la communauté

se heurte non seulement aux lenteurs administratives

du Protectorat, mais encore à certaines insuffisances du

leadership traditionnel sur lesquelles nous reviendrons.

2) La juridiction Le problème complexe de la condition juridique du

Juif marocain a fait l'objet d'une étude bien documentée 7

et d'innombrables discussions et de pétitions de la part

des intéressés.8

En résumé, il existait sous le Protectorat, trois systèmes

de justice distincts: chérifien, rabbinique, français. Le Juif marocain avait recours au tribunal rabbinique pour

tout ce qui concernait son statut personnel (divorce,

succession, etc...). Mais pour tout ce qui concernait

le droit commun, il continuait de relever de la justice

chérifienne, c'est-à-dire qu'il était jugé selon la loi

musulmane: ce système judiciaire non seulement

désavantageait les Juifs, mais encore ceux-ci se rendirent

compte du fait que la justice française était mieux

organisée: ils désiraient lui être soumis.

Ici encore, les espoirs suscités par le Protectorat ont

dépassé les réalisations.

5. Royaume du Maroc, Service Central des Statistiques —

Nouveaux éléments sur la démographie marocaine — Note

no 2 — 'La population marocaine israélite' — Démographie—

Aspects quantitatifs, Rabat, 1961, 11.

6. Les écrits d'A. Memmi et notamment La statue de sel

témoignent de cette situation (Coréa. Paris 1953)

7. A. Chouraqui: La condition juridique de l'Israélite

marocain. Presses du livre français, Paris 1950.

8. On trouve des échos de ces discussions dans F Avenir

Illustré, organe du Judaïsme marocain, 1926 à

1937 — sf AU — II 7 — 9 1928 — p. 3e — 1 — 10 — 1936

p. 4 16-11-1928 — H 4.5 — 5-6-1930 — p. 2 — 26.6.1930 —

p. 2.

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3) La naturalisation française

Enfin, dès les années 1920-1925, les Juifs marocains

les plus évolués engagent une campagne en vue de leur

naturalisation. Or, en 1880, la France était parmi les

signataires de la Convention de Madrid, confirmée en

1906 par le traité d'Algésiras et en 1912 par le traité de

Protectorat. La convention de Madrid stipulait qu'aucun

sujet marocain ne pouvait changer de nationalité tant

qu'il demeurait sur le sol marocain.

S'il avait acquis une nouvelle nationalité à l'étranger

et s'il revenait au Maroc, il redevenait automatiquement

marocain. Le principe 'd'allégeance perpétuelle' a rendu

très rare les naturalisations françaises parmi les Juifs

marocains: les Juifs de nationalité française l'étaient

parce que, généralement originaires d'Algérie.

Sous ce problème légal de la naturalisation, se cache

un problème psychologique plus grave : aux yeux de la

partie la plus évoluée, la plus 'occidentalisée' du

judaïsme marocain, l'acquisition de la nationalité

française aurait été non seulement la garantie légale des

droits accordés à tout citoyen libre, mais encore, en

quelque sorte, la marque extérieure qui scellait l'intégra

tion dans une société occidentale.

Ainsi les espoirs ont été éveillés, mais les réformes

entrevues n'ont pas été achevées. Par ailleurs, la

rencontre avec l'Occident a provoqué une certaine

rupture avec le passé, avec le milieu traditionnel juif

et musulman.

Cette rupture a entraîné une crise du leadership

traditionnel : celui-ci, formé de rabbins et de notables,

a été dépassé par les événements. Par ailleurs, à quelques

exceptions près, les jeunes 'évolués5 poursuivaient

plutôt leur réussite personnelle; ils ne se souciaient

guère de faire progresser la masse.

Cette crise du leadership est intimement liée à une

crise des valeurs: le monde traditionnel s'écroule, sans

que les valeurs que représente l'Occident soient suffisam

ment assimilées.

Cette crise avait pour conséquence un certain déra

cinement social et psychologique de la communauté

juive au Maroc même. Pendant de longs siècles le Juif

maghrébien était bien lui-même: Juif en pays musulman.

Cette condition, il l'avait acceptée, sans s'interroger sur

son identité. Au contact de la civilisation colonisatrice,

l'équilibre séculaire a été rompu. Dans sa course vers

l'Occident, le Juif maghrébien, s'il était loyal envers

lui-même, ne pouvait éviter de se poser les questions:

'Qui suis-je?' 'Où suis-je?'. Au cas ou le Juif marocain ne se posait pas de questions sur son identité, la société

environnante se chargeait bien de les lui faire poser.

Sous la pression des forces tendant vers la modernisa

tion, les structures traditionnelles des communautés

juives du Maroc ont éclaté. Toutefois, pendant la brève

durée du Protectorat français, les réalisations sont

restées bien en deçà des espoirs conçus, des besoins

éveillés. En 1956, lors de l'Indépendance du Maroc, le

judaïsme marocain présente tous les caractères spéci

tiques d'une société en transition. Dans la décennie qui

suit, les crises de la transplantation et de la ré-intégration

s'ajouteront aux crises de la modernisation que nous

venons d'analyser.

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