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Page 1: Département DOSSIERS · par Gaston P. Harriots L'ampleur du problème 5 Le coût: 18% des dépenses du MAS 5 L'augmentation des cas de maladies chroniques ... 5 . Définir la santé,

« H Département de santé communautaire

Centre hospitalier de Verdun

»

LES DOSSIERS

DU DSC

LA SANTÉ MENTALE

UNE DIMENSION

DE LA SANTÉ GLOBALE

MAI 1984 Vo lume 2. numéro 1

WM i ne B455 1584

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<,uiisci±iiere eu pruyrammation

Collaborat eurs et collaboratrices: Mme Elizabeth Cadieux

Mme Sylvie Cadieux Mme Louise Dupuy-Walker Mme Josette Garon-Léonard Mme Sylvie Gravel Dr Gaston P. Harnois M. André Hubert Or Viviane Kovess M. Luc Lachance Mme Marie-Claire Lanctôt-

Bélanger Mme Irène Ouellette Mme Lise Petitclerc Mme Isabel Sendra

Présentation:

Traitement de textes:

Impression:

Édition, distribution:

Biaise Lefebvre conseiller en communication

Département de santé communautaire Centre hospitalier de Verdun 4000, boul. LaSalle VERDUN, H4G 2A3 761-3551, poste 377

Secrétariat 2001 Inc.

Imprimerie Lemoyne Inc.

Dépôt légal: Bibliothèque nationale du Québec Deuxième trimestre 1984

DOCUSfiENTAWJïT

DU DSC

Institut national de santé publique du Québec 4835. avenue. Christophe-Colomb, bureau 200

Montréal (Québec) H2J3G8

Tél.: (514)597-0606

LA SANTÉ MENTALE

UNE DIMENSION

DELA SANTÉ GLOBALE

MAI 1984 Volume 2, numéro 1

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TABLE DES MATIÈRES

Avant-propos

Une personne sur cinq: mais le tabou persiste .... 1 L'intervention: à humaniser .. 1 Être attentif à la personne 1

Introduction 3 Maladie mentale, santé mentale, vie mentale

par Gaston P. Harriots

L'ampleur du problème 5 Le coût: 18% des dépenses du MAS 5 L'augmentation des cas de maladies chroniques .... 5 Définir la santé, c'est définir l'intervention ... 5 La vie mentale: ui concept élargi 6 Les orientations du CH Douglas 6

La santé mentale: priorité majeure selon les intervenants

par André Hubert

Les besoins mal satisfaits 7 Les cas graves 7 Les suicidaires 8 Les dépressions 8 Les enfants et les adolescents 8 L'éducation sexuelle 8 Le manque de ressource 8 Les préjugés 8

S'auto-détruire ou le suicide . . . pourquoi? par Elizabeth Cadieux

Le contexte socio-économique 9 La recherche de solutions faciles 9 Des causes multiples 10

Les difficiles étapes de la vie 10 Les crises de maturation 10 Des chiffres alarmants 10 Le manque d'information 11 La nécessité d'intervention 11

Le chômage, ça rend malade par Sylvie Gravel

Le chômage: situation de stress 13 La perte d'estime de soi 13 L'isolement 13 L'intervention locale 14

L'enfance battue: une dure réalité par Sylvie Cadieux

L'enfant: m e priorité 15 Les cas connus: faible image de la réalité 15 Les parents abusifs 15 Les enfants battus 16 Enfants abusés: futurs parents abusifs 16 Situations de crise: situations de risque 17 L'isolement 17 Des personnalités plus susceptibles d'abus 17 Les conséquences chez l'enfant 18 Un apprentissage cercle vicieux 18 Une agressivité diffuse 19 L'intervention: la collaboration nécessaire 19 Ce ne sont pas les enfants qui ont besoin d'être changés

par Isabel Sendra

Le milieu de vie: premier cadre de référence .... 21 Le contexte socio-économique .................... 21 Élargir l'approche d'intervention 22

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Négligences et abus 22 Difficultés d'apprentissage 22 Intervenir auprès de la famille 22 Agir sur le milieu 22

G a r d e r i e : r e c h e r c h e s u r l e s j e u x e t l e s i n t e r a c t i o n s s o c i a l e s

par Lise Petitclerc

La garderie: lieu de socialisation? 25 Une recherche exploratoire 25

La méthodologie 26 Les attitudes aux jeux 26 Les interactions sociales 26 La maturation sociale 27

Le besoi o d'étudss ••»••••«••«•••«»•••••••«••»«•• 27 Le placement en garderie, m e question difficile 27 Pour des types variés de garderies 28 Le rôle des intervenants en santé 28

L a v i e i l l e s s e : u n e é t a p e d e l a v i e par Luc Lachance

La vieillesse: uie étape de la vie 29 Les changements interactifs particuliers .... 29 Les changements personnels 30 Les changements généraux 30

Vivre et vieillir: in équilibre à trouver 30 L'ajustement social 31 L'attitude des autres 31

Le retrait: rejet 31 La vieillesse: ui défi, comme toute la vie 31

V o t r e c o d e p o s t a l , s . v . p . ? par Irène OueUette

Concentration dans la clientèle 33 Localisation du client et du service 33 Les critères d'admission 33 Les listes d'attente 33

Les zones grises Les attentes de changements

34 34

D e l ' e n f a n t e n q u e s t i o n I m p a c t de g r o u p e s

d'orientation psychoanalvt ique sur la g r o s s e s s e ,

l ' accouchement et la première relation mère-enfant par Josette Caron-Léonard et Marie-Claire Lanctôt-Bélanger

Présentation de la recherche 35 Le besoin d'en parler 35 Le temps qui manque 35 Ce qu'on dit de l'enfant 35

Objectifs et hypothèse de la recherche 36 Méthode et modalités des rencontres 36 Effets des groupes et résultats 36

Sécurité et liberté 37 La nécessité de groupes de "paroles" 37

Pour les mères célibataires 37 Pour les pères 37

La prévention, c'est aussi dans le dire 38

U n p r o j e t a u d a c i e u x :

L 'entraînement à la relation d 'a ide d'un personnel

multidisciplinaire au D S C de Verdun par Louise Dupuy-Walker

Le besoin d'aide 39 Un programme de formation 39 Oéroulement de l'expérience 40

Les groupes 40 Les rencontres 40

Commentaires sur l'expérience 40 La composition des groupes 41 Le jeu de rôle 41

Les retombées de l'expérience 41 Ce que nous a appris le projet 42

La sollicitation du personnel 42 Le contexte des soins à domicile 42 L'importance du premier intervenant 42 Une question de prévention 43

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Évaluation de la santé globale par une enquête de population

par Viviane Kovess

Pour ine définition plus actuelle de la santé ... 45 Santé physique et santé mentale 45 Présentation de l'étude 46 Une meilleure connaissance pour planifier 47

Conclusion 49 Le rôle du DSC en santé mentale communautaire

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AVANT-PROPOS

Il ne peut y avoir de santé sociale sans santé mentale et pas de santé mentale possible sans équilibre psy-chique.

La santé mentale pourrait donc être l'art de gérer son équilibre c'est-à-dire accepter 1'angoisse qui accom-pagne notre fait d'être humain et 1'évidence d'une équilibration toujours à refaire.

Une personne sur cinq: mais le tabou persiste

Au cours de sa vie, une personne sur cinq souffrira d'une maladie mentale. Et pourtant, la notion de santé mentale reste tabou. On évite d'en parler. On évite de consulter. On refuse de donner à la santé mentale la respectabilité que 1'on reconnaît sans difficulté à 11 intégrité physique. On nie 11 évidence de 1'interrelation, de 1 ' interdépendance si manifeste pourtant entre les deux entités physique et psychique.

L'intervention: à humaniser

La psychologie nous apprend que les gens qui n'ont pas 1'expérience de relations interpersonnelles heureuses ne sont pas ou sont très réticentes à répondre aux offres d'aide ou de services communautaires. Cette assertion peut décourager ou du moins limiter les actions de prévention en santé mentale puisque seule une relation personnalisée permettra une réception libre et palliative à l'offre de services.

La guénson d'une maladie quelle qu'elle soit commence par la décision de se faire soigner. Mais encore faut-il que 1'individu reconnaisse qu1i1 est malade. D'où l'importance de réaliser des programmes d'infor-mation et de format ion dans le domaine de la santé mentale destinés aux principaux intervenants, privilé-

giant ceux de première ligne, afin de les rendre cons-cients de 1'influence qu1ils peuvent exercer dans 1 'accomplissement de leurs tâches quotîdiennes auprès de la population. Leur façon d'être, leur rapport affectif, leur disponibilité et la chaleur de leur accueil sont en soi des rapports susceptîbles de sus-citer la confiance, de développer 1 'estime de soi et par voie de conséquence de rehausser le niveau de mieux-être psychologique des bénéficiai res de leurs services professionnels ou de leur entraide.

A

Etre attentif à la personne En prenant le temps de recevoir et en permettant l'ex-pression de la souffrance psychologique ou la verbali-sation de la difficulté d'assumer sa vie, en sachant reconnaître les signes précurseurs de 1 'établissement d'un malaise grave pouvant conduire à 1 'apparition d'une symptomato logle relevant des maladies mentales, les intervenants exercent un rôle prépondérant de dépistage et d'intervention précoce.

Mais également, les professionnels de la santé, des services sociaux et des services communautaires devront se rendre capables de prat iquer la convivia-lité et de savoir que mieux vaut parfois fonctîonner avec un mécanisme de défense bien structuré qui main-tient la personne dans un état de rendement relatif pour lui offrir alors une présence respectueuse, acceptante, tolérante, chaleureuse et compréhensive.

Paraphrasant Simone Weil: "Les hommes n'ont pas besoin d'autre chose en ce monde que d'autres hommes capables de faire attention à eux, chose rare, très difficile, c'est presque un miracle."

Voilà l'esprit qui m'anime en tant que conseiller en programmation en santé mentale communautaire au DSC -CH Verdun et mon souhait le plus cher est de voir y adhérer le plus grand nombre possible de profession-nels et d'intervenants de milieux.

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INTRODUCTION

Par la publication de ce DOSSIER portant sur le thème de la SANTÉ MENTALE, UNE DIMENSION DE LA SANTÉ GLOBALE, le Département de santé communautaire du Cen-tre hospitalier de Verdun désire porter à la connais-sance des administrateurs, des professionnels de la santé et des services sociaux ainsi qu'aux interve-nants naturels, politiques, éducatifs et culturels de son territoire quelques opinions, enquêtes, études qui soulignent 1'importance de la reconnaissance de la dimension santé mentale dans leurs préoccupations de la santé globale des membres de notre collectivité.

lorsqu'on veut étayer des arguments en faveur de l'établissement de certaines priorités en matière de santé, on se réfère souvent à la littérature. C'est ce qui nous a incité à faire écho, dans le cadre pri-vilégié de ce DOSSIER spécial, à 1 'intérêt pour le vécu affectif de notre population qu'ont manifesté des professionnel(le)s oeuvrant sur notre territoire ou y ayant déjà oeuvré.

En diffusant les études pertinentes à l'illustration de notre thème en plus d'un objectif de promotion de la santé mentale communautaire, nous souhaitons égale-ment susciter l'intérêt des lecteurs en les sensibili-sant aux quelques problématiques qu'elles mettent en évidence. Puissent-elles aussi rapprocher les inter-venants en amenant des collaborations cliniques et/ou communautaires.

Les recherches dont ce dossier livre ici l'essentiel, permettent de définir certains besoins de la population concernant le développement et le maintien d'une bonne santé mentale et d'orienter ainsi des priorités de programmation.

Parce que la vie psychologique des gens ne se classe pas en fiches; parce que la vie psychologique des gens est dynamique; parce que la vie psychologique des gens est tissée dans le quotîdien de tendresse et de joie, de tristesse et de découragement, nous avons délibéré-ment opté pour une présentât ion journalistîque de notre DOSSIER.

Les lecteurs qui ont des préoccupations de nature plus rigoureusement scientifique sont invités à consulter nos distingué(e)s collaborateurs-tnces.

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MALADIE MENTALE, SANTÉ MENTALE, VIE MENTALE par Gaston P. Harnois*

L'ampleur du problème Selon les dernières données publiées par 1'Organisa-tion mondiale de la santé (O.M.S.) environ 10% de la population souffre de maladie mentale grave (schizo-phrénie, lésion cérébrale, démence) ; un autre 'ÏO'K est atteint d'affection mentale et neurologique de moindre importance (névrose grave, arriération mentale); si l'on ajoute à ces chiffres les problèmes reliés à l'alcool, à la pharmacodépendance, ainsi que ceux qui accompagnent très souvent les maladies physiques ( 20% des malades atteints de troubles gastro-intestinaux chroniques souffrent aussi de dépression) on est sidéré de l'ampleur du problème.

Le coût: 18% des dépenses du MAS Au Québec, selon les données fournies par le Conseil des affaires sociales l'automne dernier, 17,9% du bud-get du ministère des Affaires sociales pour l'année 1982 ont été dépensés pour ce que l'on appelle "trou-bles mentaux": il s'agit là de la première cause en importance des dépenses de l'Etat en matière de santé, les troubles mentaux devançant les troubles cardio-vasculaires et les troubles de l'appareil gastro-intestinal.

M. Gaston P. Harnois est psychiâtre et directeur général du Centre hospitalier Douglas, Centre de collaborât ion de 1'Organisation mondiale de la santé (O.M.S.). Le Dr Harnois est également pré-sident du Comité de la santé mentale du ministère des Affaires sociales du Québec.

L'augmentation des cas de maladies chroniques

Si 1'on porte un regard attentif sur 1'évolution socio-sanitaire depuis le début du siècle ainsi que sur ses découvertes récentes de la médecine et de la biologie, on se rend compte que l'on a fait des pro-grès remarquables en ce qui a trait aux mesures de santé publique telles que la vaccination, 1 'assainis-sement des eaux, la nutrition ; les découvertes de la médecine ont aussi prolongé la vie de millions d'indi-vidus qui jusque là faisait face à une mort "prématu-rée".

L'espérance de vie de la population en général et aussi celle d'individus souffrant de maladies chroni-ques a augmenté de façon spectaculaire. Par ailleurs, nous assistons à une augmentât ion de ce que 1 '0 .M.S. appelle "la pandémie de morbidité et d'incapacités chroniques" qui s'explique largement par le fait que les progrès dans la prévention des maladies chroniques sont beaucoup plus lents que la prévention des mala-dies mortelles.

Définir la santé, c'est définir l'intervention

Au Québec comme ailleurs on confond volontiers maladie mentale et santé mentale. Selon la définition adop-tée, on se retrouve avec des stratégies d'intervention très diversifîées. En reprenant un thème développé récemment par le docteur Normand Sartorlus, directeur de la Division de la santé mentale à l'O.H.S. on pour-rait envisager la santé mentale sous trois angles :

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sa l'on vise surtout l'absence de maladie mentale, on fera appel aux spécialistes de la médecine, plus particulièrement les psychiatres et ommpra-ticiens, ainsi qu'aux autres professionnels de la santé mentale. si par santé mentale on entend un ensemble de méthodes qui permettent è l'individu de faire face à un stress particulier avec des réserves psychi-ques et physiques accrues, on fera appel à des stratégies différentes qui nécessiteront 1'apport d'éducateurs, de conseillers et de spécialistes de la réadaptation. si enfin on entend plutôt par santé mentale un équilibre judicieux entre l'individu et son envi-ronnement , les stratégies d'intervention devront faire appel à l'architecte, à l'urbaniste, au phi-losophe, aux spécialistes de la planification, etc...

La vie mentale: un concept élargi Afin d'éviter l'ambiguïté possible dans le concept de santé mentale, 1*0.M.S. dans ses derniers discours semble lui préférer celui de "VIE MENTALE" : on fait appel ici à un concept qui découle directement de la nature de la vie humaine: "l'homme est un être pen-sant, l'expérience intén eure liée à l'expérience de groupe interpersonnelle- en d'autres termes, LA VIE MENTALE- est ce qui donne sa valeur à la vie des individus".

Ce sont lk des idées qui ont une importance de tout premier plan au moment où le Québec entend se doter d'une politique en santé mentale.

Les orientations du CH Douglas Quant à nous, au Centre Hospitalier Douglas, nous som-mes intéressés par les trois composantes du concept de santé mentale mentionnées plus haut, même si notre

act ion se situe surtout au niveau des deux premiers volets. On pourrait caractériser notre action de la façon suivante:

ouverture sur le milieu: nous croyons en effet que nous avons plus que jamais besoin de nous ouvrir sur la société et de faire en sorte que notre action soit complémentaire de celle des autres groupes d'intervenants, des familles et des usa-gers eux-mêmes; nous sommes à la recherche de solutions nouvelles, surtout dans le secteur de la réadaptation, auquel nous attachons une importance toute particulière; la maladie chronique demeure pour nous un des principaux défis à relever, qu'il s'agisse ici de psychose grave de l'adulte ou de vieillissement précoce chez la personne âgée, etc.; les recherches faites dans notre centre de recher-che sont en général multi-axiales et multidisci-plinaires; dans toute la mesure du possible nous essayons pour chaque problématique d'aborder tant le volet fondamental que le volet recherche appli-quée (schizophrénie, démence sémle, dépression etc. ; à titre de Centre de collaboration montréalais de l'O.M.S. pour la recherche et la formation en san-té mentale, bon nombre de nos activités de recher-che, d'enseignement et de clinique ont un volet international en ce sens qu'elles s'inscrivent dans des projets d'études ou d'évaluation dévelop-pés à l'échelle internationale, sous l'égide de l'Organisation mondiale de la santé.

En terminant ce court message, j'aimerais reprendre une autre citation de l'O.M.S.:

"Le propre d'un être humain est de penser, d'éprou-ver des émotions, d'avoir des aspirations, de fai-re des efforts, de tendre vers un but et d'être social. En conséquence, la promotion de la santé ne doit pas seulement s'attacher à prévenir l'élé-ment biologique de l'organisme humain: elle doit aussi mettre en valeur la vie mentale".

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LA SANTÉ MENTALE: PRIORITÉ MAJEURE SELON LES INTERVENANTS

par André Hubert*

D'après un échantillon d'intervenants à l'oeuvre au-près de la population desservie par le Département de santé communautaire (DSC) de Verdun, les besoins de services relatifs à la santé mentale constituent l'une des priorités majeures parmi l'ensemble des besoins mal satisfaits dans le domaine de la santé en géné-ral. Cette constatation représente un des faits sail-lants d'une enquête menée pour le compte du DSC à 1'automne 1983 auprès d'une soixantaine d'interve-nants, choisis pour leur expérience des problèmes de santé de la population du territoire. Ce groupe d'in-formateurs-clés comprenait une quarantaine de profes-sionnels de la santé et des services sociaux (infir-mières, médecins omnipraticiens, psychiatres, travail-leurs sociaux, etc.) et une vingtaine de représentants d'organismes communautaires de la région (tels que les centres de jeunes, les associat ions féminines, les clubs de l'Age d'or, les groupements intéressés par les questions de santé, etc.)

Les besoins mal satisfaits

Au moyen des opinions des intervenants, 1'enquête en question cherchait à déterminer parmi les problèmes de santé de tous ordres, qu'il s ' agisse de la santé phy-

M. André Hubert est sociologue de formation. Après avoir réalisé cette recherche, il est entré à 1 'emploi du ministère des Affaires indiennes et du Nord du Canada à titre de professionnel à la Direction de l'évaluation des programmes.

sique, psychologique ou sociale, ceux qui sont les moins bien satisfaits par les services de santé actuels. Etant donné l'ampleur et la complexité du sujet d'une part et la dimension modeste de 1 'enquête d'autre part, l'objectif de 1'étude était de nature exploratrice: on ne visait pas à mesurer avec préci-sion chacun des problèmes identifiés, on essayait seu-lement de cerner les besoins insatisfaits prioritaires d'après les intervenants interrogés.

Dans le domaine de la santé psychologique, les parti-cipants à cette enquête ont identifié principalement cinq catégories de besoins mal sat is faits. Ces be-soins concernent la santé mentale au sens large et ils correspondent à des problèmes de gravité diverse selon les cas.

Les cas graves D'abord, les intervenants constatent qu ' à 1 'égard des problèmes les plus graves en santé mentale, comme les psychoses ou comme les formes de la déficience menta-le, il subsiste encore souvent des difficultés à obte-nir un traitement adéquat pour les individus atteints, c'est-à-dire une prise en charge individuelle accompa-gnée d'un suivi satisfaisant.

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Les suicidaires

Les intervenants manifestent aussi une préoccupation marquée devant l'augmentation des suicides et des ten-tatives suicidaires, en particulier chez les adoles-cents et les jeunes adultes. A ce sujet, on déplore le fait qu'une prise en charge globale de la personne, à la suite d'une tentative suicidaire, prise en charge pouvant inclure l'initiation d'une psychothérapie, et l'évaluation de la situation sociale de l'individu, ne semble pas toujours assurée. De plus, on insiste sur la recherche des modes de soutien psychologique et social qui pourraient contribuer à la prévention des suicides.

Les dépressions Les intervenants interrogés soulignent également la fréquence considérable du problème de la dépression dans la population. Et on attire prioritairement l'attention sur deux groupes affectés en particulier: les familles isolées à la maison et les gens âgés.

Les enfants et les adolescents Les besoins associés au développement psychologique, chez les enfants et les adolescents, tant sur le plan de l'équilibre affectif que sur celui de l'apprentis-sage intellectuel, mériteraient aussi plus d'attention selon les informateurs consultés.

L'éducation sexuelle Enfin, devant l'ignorance qui persiste encore, les intervenants soulignent l'importance de promouvoir l'éducation sexuelle à l'école.

Le manque de ressource De façon générale, la plupart des intervenants inter-rogés considèrent que le domaine de la santé mentale souffre d'un grave manque de ressources par rapport à l'ampleur des besoins. A cause de cette situation, on doit trop souvent se limiter à l'intervention de crise et négliger la prévention.

Les préjugés Par ailleurs, les préjugés sociaux à 1'égard de la maladie mentale continuent, malgré une évolution positive lente, d'être un obstacle additionnel à la solution de certains problèmes, en particulier vis-à-vis l'intégration sociale des personnes ayant un handicap mental ou ayant séjourné dans une institution psychiatrique.

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S'AUTO-DÉTRUIRE OU LE SUICIDE . . . POURQUOI? par Elizabeth Cadieux*

Pourquoi le pourcentage de suicides est-il en effet si élevé de nos jours? Les statistiques les plus récen-tes sont effarantes et de nombreuses hypothèses sont émises. Situations conflictuelles de 1'existence? Intolérance aux pressions de la vie? Perturbât ion de la conscience? Pourquoi, oui pourquoi ce besoin accru d'auto-destruction?

Le contexte socio-économique On peut, de prime abord, penser que le climat social actuel est un facteur de première importance. L'évo-lution de la société se déroule à un rythme très accé-léré; les individus sont de plus en plus isolés, can-tonnés qu1 ils sont dans des sphères de surspé-cialisation.

Les bouleversements socio-économiques ont entraîné des modifications profondes de nos structures sociales, de nos valeurs, de nos habitudes de vie créant ainsi une insécurité constante. Pensons à l'urbanisation, à la

Mlle Elizabeth Cadieux a déposé dernièrement son mémoi re de maîtrise en démographie à 1 ' Université de Montréal intitulé : "Évaluation de la morbidité suicidaire à partir de dossiers médicaux: le cas d'un département de santé communautaire". Cette recherche a été faite au DSC de Verdun. Mlle Cadieux est aujourd'hui à l'emploi du DSC du Cen-tre hospitalier régional de Lanaudière à titre de conseillère en recherche et planificat ion socio-économique.

dépersonnalisation, à la modification des valeurs re-ligieuses et morales. Et que dire de l'éclatement de la famille, de 1'accroissement des divorces, des nombreux déchirements tant des parents entre eux que des enfants vis-à-vis leurs parents. Nous sommes plongés dans une société de consommation et de compé-tition; trop de stress, de problèmes financiers, de chômage, d'exigences de toutes sortes, trop de bois-sons et trop de drogues aussi!

La recherche de solutions faciles Il faut ajouter aussi que le concept de facilité et de confort vers lequel 1'être humain des années 80 tend de plus en plus, rend l'homme réfractaire à toute con-trainte. A la douleur physique, il faut un analgési-que; à l'anxiété, un tranquillisant; à l'insomnie, un hypnotique. Il semble pourtant qu'en essayant d'apla-nir toutes les difficul tés, en voulant rendre la vie plus facile, on la rend définitivement plus fragile. Le fil qui conduit de la vie à la mort est plus ténu, plus susceptible de se rompre à la moindre secousse.

Ces diverses perturbations provoquent des malaises variés, augmentent la tension et mènent souvent tout droit à la nécessité de soins médicaux. Ces situa-tions génèrent un trop plein d'émotions et parfois la violence des réactions atteint un tel paroxysme que le contrôle total échappe à l'individu. Obnubilé par ses problèmes et incapable de réagir positivement, il se laisse sombrer dans un état dépressif sans issue où comme seule issue... le suicide!

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Des causes multiples Mais il ne faut pas se leurrer. Souvent, la cause déclenchante du processus suicidaire paraît être un facteur anodin, banal mais qui masque des difficultés comportementales profondes. Il est la résultante d'une accumulation de tensions engendrées par des refoulements conscients ou non, de conflits, de pro-blèmes a résoudre, d'échecs, de frustrations. Ce peut être un ensemble d'événements très hétérogènes, éche-lonnés dans le temps ou simultanés. A titre d'exem-ples, pensons au décès d'un être cher, à un échec sco-laire, à une déception sentimentale, a une dispute f amiliaie, à une grossesse non-désirée, à la maladie physique grave, à la perte d'emploi ou de pouvoir, à la ruine financière et combien d'autres situations stressantes. Il faut, de plus, insister sur l'importance des mécanismes qui régissent les échanges entre l'individu et le milieu. Car il est possible de faire correspondre des causes à des étapes de maturation dans le processus de croissance normale. Les difficiles étapes de la vie

On peut en effet distinguer quatre périodes fondamen-tales qui jalonnent la vie d'un individu soit l'en-fance, l'adolescence, la maturité et la vieillesse. Le passage d'un stade de développement à 1'autre demande une remise en cause de 1 ' individu et un réa-justement dans son comportement psycho-social. Les bouleversements apportés par les périodes de transi-tion risquent fort souvent de rompre 1 'équilibre d'un monde d'organisation personnelle et relationnelle pour un autre mode d'existence considéré progressif pour le jeune mais régressif pour une personne âgée.

Les crises de maturation L'enfant rejette la dépendance et court à son autono-mie. L'adolescent, lui, abandonne ses identifications

infantiles au profit d'une identification stable. L'adulte assume ses responsabilités en remplissant ses rôles sexuels et sociaux. Tant qu'à la personne âgée, son problème est de reconnaître et d'accepter son déclin en s'efforçant, par ailleurs, de conserver le maximum de ses connaissances. (Védrinne, 1982).

Ces crises de maturat ion potent ionalisent la vulnéra-bilité des personnes qui les franchissent mais elles ne peuvent être détachées du cadre dans lequel évolue l'individu. Car, à la crise de l'individu correspond la crise de l'environnement dans une réaction circu-laire qui nous laisse pantois quant au moment précis de leur interact ion. Ces crises, spécifions-le, ne sont pas suicidogènes en elles-mêmes mais elles revê-tent une importance spéciale à nos yeux car elles fra-gilisent la personnalité de l'individu qui les traver-sent .

Soyons honnêtes nous-mêmes. Qui n'a pas été, un jour ou 1 ' autre, effleuré par 1'idée du suicide dans un moment difficile? N'avez-vous jamais pensé à un moment donné que la vie ne valait pas la peine d'être vécue? Qu'on serait mieux six pieds sous-terre? Heu-reusement, nous nous sommes repris en main.

Des chiffres alarmants Hélas, certains se laissent envahir par la sombre perspective et franchissent le chemin qui conduit de la pensée à l'acte. Et ils sont très nombreux. Voyons un peu ce que les chiffres éloquents nous révè-lent. Près de 900 à 1000 personnes s'enlèvent la vie chaque année au Québec faisant ainsi autant de victi-mes que le diabète sucré ou les tumeurs malignes du sein. Quinze personnes sur 100 000 meurent de cette cause violente qu'est le suicide, soit trois fois plus d'individus qu'il y a trente ans. N'est-ce pas apeu-rant et alarmant!

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Si on connaît relativement bien la mortalité par sui-cide ainsi que ses caractéristiques d'un point de vue quantitatif, on ne peut en dire autant en ce qui con-cerne les tentatives de suicide. Les recherches abor-dant cette question sont peu nombreuses et pourtant cette composante s'avère loin d'être négligeable dans le processus suicidaire. En effet, pour un suicide réussi, il y a au moins huit tentatives de suicide. (Hankoff, 1979).

Le manque d'information Mais comment prévenir ces conduites suicidaires puis-qu'on ne possède pas une connaissance approfondie des facteurs liés à de tels comportements. On ignore encore le nombre de relations existant entre ces con-duites et un certain nombre de facteurs socio-démographiques, économiques et même individuels. Cette absence de connaissance limite forcément les efforts de prévent ion en vue d'implanter des méca-nismes d'identification des populations à risque.

Néanmoins, il est important d'élaborer des actions permettant de promouvoir la santé individuelle et col-lective. Il faut tenter d'assurer 1'intégrité physi-que et mentale de l'homme, voir è développer ses capa-cités vitales tels la créativité, le désir, le plai-sir, l'accord avec son environnement.

La nécessité d'intervention La santé mentale des individus et plus encore la santé dans son sens le plus large demeure le devoir de tous et chacun. Bien qu'il faille que chaque individu se prenne lui-même en charge pour garder sa santé saine et florissante, il incombe aux organismes médicaux, para-médicaux et sociaux de lui fournir les instru-ments dont il a besoin pour ce faire.

Il est urgent de remédier à cette vague suicidaire qui atteint les gens de plus en plus jeunes. Il faut leur redonner le goût de la vie, qui les fasse tendre au plein épanouissement de leur personnalité, au contrôle de soi et à l'environnement, à la maîtrise du stress. Car la Vie au fond ne mérite-t-elle pas d'être vécue?

VEDRINNE, Jacques, QUENARD, Olivier, WEBER, Didier. Suicide et conduites suicidaires, Tome II : Aspects cliniques et institutionnels, No 122, Collection de Médecine Légale et de Toxicologie Médicale, Masson et Cie, Pans, 1982, 264 p.

HANKOFF, L.D.. Suicide: theory and clîmcal aspects, Littleton: PSG Publ îshmg Company Inc., Massachusett, 1979, 464 p.

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LE CHÔMAGE, ÇA REND MALADE par Sylvie Gravel*

Depuis le début des années 80, nombre de cliniciens et cliniciennes, ont noté une recrudescence des consulta-tions chez les jeunes de 18-30 ans pour des problèmes de fatigue générale, des maux de dos, d'estomacs etc. Une symptomatologie liée au stress. Devant une telle symptomatologie, habitue11ement, le clinicien, clini-cienne, prescrit le repos, la détente, l'exercice et une bonne alimentation. Hais est-il conséquent de prescrire le repos pour un ou une jeune qui est consi-déré(e) mactif(ve) depuis 6 mois, 1 an, parce qu'il ou elle est exclu(e) socialement par le chômage?

Le chômage: situation de stress Socialement, le travail a deux fonctions: matérielle et personnelle. La fonction matérielle du travail est très valorisée en terme d'autonomie financière, alors que la fonction personnelle est considérée par rapport à la réalisation de l'individu.

Pour les jeunes qui sont à leur phase d'entrée sur le marché du travail, le chômage réduit cette autonomie financière et freine leur processus de maturation sociale (Van Damne 1978: Voir Demers, 1982).

* Mlle Sylvie Gravel, bachelière en anthropologie est à compléter sa maîtrise en santé communautaire au département de médecine sociale et préventive de l'Université de Montréal. Elle est conseillère en programmation, santé des jeunes, au DSC de Verdun. Son texte est tiré de son étude: "Problè-mes de santé des jeunes non-travailleurs du terri-toire du DSC de Verdun, 1983-84".

Le sentiment de dépendance qu'il soit associé à l'Etat ou à la fami1 le supportant le ou la jeune chô-meur (euse) , constitue une expérience honteuse (Kosky, 1980: voir Demers, 1982).

Ce sentiment accentue la perte de 1'estime de soi, qu'elle soit directement associée à la perte de travail ou à l'incapacité de trouver du travail (Cohn, 1977; Harris, 1980; Hill, 1977; voir Demers, 1982).

La perte d'estime de soi L'estîme de soi est considérée comme une des raisons les plus importantes dans la problématique du chômage-santé (Demers, 1982). Beaucoup d'autres aspects de la psychologie humaine s'y greffent: la confiance en soi, 1'identité sociaie et personnel le, le sentiment d'accomplissement et de satisfaction générale (Fortin, 1983). La perte de l'estime de soi est à l'origine de divers états dépressifs des non-travai1leurs(euses), et de tangentes qu'ils(elles), peuvent prendre: con-sommation d'alcool et/ou de drogue (Demers, 1982).

L'isolement

Le peu de revenu et le ret rai t social face au t ravail limitent la participation des jeunes aux activités collectives et les privent du contact avec leurs con-frères et amis. Cet isolement s1explîque par leur incapacité d'assumer économiquement les activités et/ ou ils(elles), se sentent peu intéressants(es), pour les autres. (Brautn, 1979; Ropopart, 1975: voir Demers, 1982).

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Le chômage et l'inactivité brisent l'organisation tem-porelle et celle des déplacements quotidiens. Cette désorgamsation a pour effet de limiter les éléments stimulants et réconfortants pour 1'individu. Le chômeur se confine aux espaces domestiques et se coupe du rythme de vie de la société. (Schnapper, 1981).

L'intervention locale La dynamique psycho-sociale et psycho-individuelle sont très importantes chez les jeunes chômeurs, chô-meuses. Les intervenants du territoire du DSC de Verdun mettent actuellement, en commun leur expertise pour développer des moyens alternatifs pour prévenir chez les jeunes chômeurs, chômeuses, la détérioration de ces dynamiques psychologiques et briser 1'isolement.

Il est évident, que tous les intervenants ne sont pas outillés pour intervenir face à cette problématique de chômage-santé mentale. Par contre, sur le territoire du DSC de Verdun, il existe une série de services qui tentent de palli er aux problèmes psychologiques, d'isolement, de stress, etc. que vivent les chômeurs, chômeuses. Malgré leur différence de statut, ces différents organismes ont un but commun, aider les chômeurs, chômeuses.

Avec leur autorisation, nous vous transmettons les coordonnées des organismes qui se feront un devoir de recevoir les jeunes chômeurs, chômeuses que vous pour-riez leur référer.

Café la Bougeotte 3882 rue Wellington, Verdun 767-9971

Projet action chômage (P.A.C.) 666 rue Woodland, Verdun 768-1862

Centre des jeunes le "Spot" Youth Center 336 rue Lafleur, Lasalle 364-4661

YMCA de Pte-St-Charles 255 rue Ash, Pte-St-Charles, Montréal 935-4711

Services communautaires catholiques 1857 ouest, de Maisonneuve, Montréal 937-5351

Demers, Marie, (1982). Les jeunes et le chômage: conséquences psychologiques et sociales. Dép. de Méd. soc. et prév., Université Laval. Presses de l'Université Laval, Québec.

Fortin, Daniel (1983). Impact du chômage sur le bien-être psychologique et la santé mentale: revue de littérature. Département de psychologie de l'Uni-versité Laval. Presses de 1'Université Laval, Québec.

Schnapper, D. (1981). L'épreuve du chômage. France idées/Gallimard.

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L'ENFANCE BATTUE: UNE DURE RÉALITÉ par Sylvie Cadieux*

L'enfance battue est loin d'être un phénomène propre au vingtième siècle. De tout temps, les enfants ont été victîmes d'une variété de sévices. Pendant plu-sieurs siècles, l'abus physique des enfants se justi-fiait par la croyance qu'il était nécessaire de les punir physiquement afin de maintenir une certaine dis-cipline, leur transmettre de bonnes idées éducatives et extirper la présence des mauvais esprits en eux. Les sévices corporels étaient également utilisés pour se débarasser des enfants illégitimes et des jeunes déficients mentaux ou physiques.

L'enfant: une priorité La violence physique envers les enfants n'était pas sanctionnée. Un vieux mythe persistait à l'effet que l'on considérait les enfants comme la propriété de leurs parents et qu'il était permis à ces derniers de traiter leurs enfants comme bon leur semblait. Jamais on aurait osé remettre en doute la façon dont les parents s'acquittaient de cette tâche.

Mlle Sylvie Cadieux après avoir terminé sa maîtri-se en service social à l'Université de Montréal est à compléter une maîtrise en santé communau-taire au département de médecine sociale et pré-ventive de cette même université. Son texte est tiré de "L'enfance battue, une dure réalité, revue de 1ittérature" étude présentée pour 1'obtention de la maîtrise au service social, Université de Montréal, mars 1983.

Suite à de nombreuses prises de conscience et à des changements de mentalité, on assista tranquillement à une reconnaissance médicale, sociale et légale du phé-nomène. L'enfance battue est devenue une préoccupa-t ion très présente. Depuis plus d'une vingtaine d'années, cette problématique suscite un intérêt gran-dissant auprès d'une variété de disciplines. En effet, l'enfance battue est un phénomène sociétal mul-tidimensionnel.

Les cas connus: faible image de la réalité Des chiffres saisissants, malgré qu'ils soient quel-ques fois contradictoires d'une étude à une autre, nous révèlent tous cependant que le problème va en augment ant. Les stat1stîques américa ines soulignent qu'en 1980, entre 1.4 h 1.9 millions d'enfants ont été battus par leurs parents soit trois (3) enfants sur 100 annuellement. Au Québec depuis 1979, environ 5 000 cas d'enfants maltraités ont été signalés chaque année au Comité de la protêt ion de la jeunesse du Québec. Il est toutefois impossible d'obtenir une estimation précise du nombre d'enfants battus, la majorité des cas n'étant pas rapportée. On compare généralement l'abus à un iceberg dont la partie cachée est plus grande que la partie découverte.

Les parents abusifs Il nous semble pertinent, h la lueur des études entre-prises sur ce sujet, de tracer brièvement un profil des parents abusifs et des enfants battus. Le profil

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des parents abusifs décrit par les Américains et les Québécois tend à se ressembler. On rapporte, qu'il existe des parents abusifs dans toutes les classes socio-économiques, qu'ils sont de toutes les races, de toutes les religions et des deux sexes. On dénote cependant une plus forte concentration de parents abusifs jeunes et à faibles revenus comparâtîvement à leur répart it ion dans la population. En effet, les familles abusives vivent majoritairement sous le seuil de la pauvreté. Quant au sexe du parent abusif, il semble y a voir une légère dominance chez les mères comparativement aux pères. Ceci peut facilement s'ex-pliquer par le fait que malgré une grande évolution des rôles et des mentalités, l'homme et la femme ne tlennent pas encore une position équitable face à l'enfant. On reconnaît encore à la femme, la première responsabilité de l'éducation des enfants.

Les femmes sont plus souvent en contact avec leurs jeunes et ce sont elles qui sont tenues responsables si 1 'enfant se comporte mal ou si ce dernier ne fait pas ce qui est attendu de lui pour son âge. Ceci peut donc faire naître en elles, un plus haut taux de frus-tration et entraîner le déclenchement de comportements violents envers 1'enfant. Il nous apparaît toutefois primordial de mentionner que lorsque le père est en situation de chômage et que les contacts avec les enf ants sont plus fréquents, la répartit ion des actes abusifs entre le père et la mère est quasi-équitable.

Les enfants battus Concernant le profil des enfants battus québécois, ils sont retrouvés dans une proportion à peu près égale entre le sexe féminin et masculin. Quant à leur âge, ils font l'objet de controverses. Certaines études rapportent des enfahts battus très jeunes {0-3 ans) alors que le rapport du Comité de la Protection de la Jeunesse indique que les enfants battus le seraient davantage chez les jeunes d'âge scolaire et chez les adolescents.

Enfants abusés: futurs parents abusifs Il nous apparaît maintenant intéressant de mieux comprendre le comportement des parents abusifs. Ce court article ne se veut pas une analyse détaillée de la dynamique des parents abusifs, mais bien d'apporter certaines facettes pouvant expliquer le déclenchement des actes abusifs et leurs répercussions sur l'enfant.

On mentionne très souvent que les parents abusifs ont été eux-mêmes abusés durant leur enfance et ont dû très tôt faire face à des carences de maternage. Ils n'ont pas toujours reçu 1 'amour, la chaleur, le sup-port et la tolérance de leurs propres parents durant leur enfance. Il est alors difficile pour eux, de dé-velopper des habiletés parentales adéquates et trans-mettre à leurs enfants ce qu'eux-mêmes n'ont pas connu dans leur jeunesse. Tout au contraire, les parents abusifs voient souvent leurs enfants comme des "adul-tes en miniature", devant répondre à leurs besoins d ' amour et de réconfort insatisfaits durant leur enfance. Les parents abusifs attendent du jeune des habiletés d'adultes.

Ce renversement de rôle affecte l'enfant, qui de part son développement psychologique inachevé, ne peut répondre aux attentes parentales. Si le jeune ne répond pas aux attentes "irréalistes" de ses parents, la frustration engendrée chez ces derniers pourra déclencher l'acte abusif. On assiste donc à des dis-torsions dans la relation parents-enfant. Le parent abusif est si souvent préoccupé par ses propres besoins, qu'il est quelquefois inconscient des besoins de ses enfants. De plus, les parents qui ont été eux-mêmes victimes de sévices corporels auront ten-dance à recréer avec leurs enfants la même relation qu'ils ont connue.

Les individus qui apprennent des modèles de violence de leurs propres parents sont plus susceptibles d'abu-ser leurs enfants que tout autre personne. Un enfant

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élevé par des parents qui utilisent la force physique pour l'éduquer est confronté à un modèle de violence qu'il utilisera probablement pour élever ses propres enfants. On peut juger de la force de cet apprentis-sage qui parvient à se maintenir de l'enfance jusqu'à l'âge adulte et ce souvent de génération en génération (Green 1980). On constate également que les enfants exposés à des modèles agressifs dans leur environne-ment familial (soit par les parents, soit par la t.v. etc.) apprennent des comportements de violence et les reproduisent dans d ' autres milieux, soit à l'école, dans leurs jeux et avec les autres enfants.

Situations de crise: situations de risque Les crises situationnelles et le stress qui en décou-lent peuvent avoir un rôle important à jouer dans le phénomène de l'abus. Un père de famille qui a perdu son emploi, une dispute conjugale, un enfant handica-pé, une famille nombreuse dans un logement trop petit, un adolescent difficile, une grossesse non désirée, un parent incapable de consoler son bébé, des enfants à éduquer sans beaucoup de support de la société (ex : pas de garderies gratuites etc.) ne sont que quelques exemples de situations génératrices de stress et pou-vant être la goutte faisant déborder le vase.

Quand un enfant est battu, il y a toujours un point de crise ou un facteur déclenchant. Perdre un emploi, une dispute maritale, etc. peuvent-être des situations suffisantes pour avoir le nerfs à fleur de peau et rendre insupportables les pleurs incessants d,un bébé qui perce ses premières dents. Il y a donc un trans-fert de frustration, de colère, de désespoir déchargé sur l'enfant.

L' i so lement

Ces actes sont rarement rationnels et suite à son geste, le parent est souvent plongé dans une profonde tristesse et peut-être envahi d'un sentiment de culpa-bilité. Il peut se sent ir un mauvais parent. 11 appert important de mentionner que les familles abusi-ves sont généralement isolées socialement. Durant les périodes générant beaucoup de stress et de tension, la famille ne peut se tourner vers aucune personne res-source, amis, parents pour se sentir écoutée, suppor-tée, et voir plus clairement dans la situation. Très souvent dans les moments de crise, les parents abusifs luttent seuls face à leur problème car pour eux, le recours a une aide serait perçu comme un échec. On note que lorsque le parent abusif approuve la force physique comme pratique éducative et qu ' il est con-fronté à de nouveaux stresseurs (chômage, naissance d'un enfant etc. ), on voit augmenter considérablement la possibilité d'abus chez les jeunes surtout si les parents n'ont aucune ressource vers qui se tourner pour verbaliser la situation.

Des personnalités plus susceptibles d'abus Certains traits psychologiques de l'individu peuvent également intervenir avec les facteurs énumérés précé-demment et contribuer au déclenchement de 1 ' acte abusif.

Les parents abusifs sont souvent des individus présen-tant une certaine immaturité. Ce trait de personna-lité se manifeste par les sentiment d'incompétence personnelle. Ils ont un grand besoin d'être rassurés, valorisés et supportés dans leur possibi11té de réus-site. Leur estime de soi est très faible. Suite à leur vécu difficile, ces parent s se sentent souvent envahis par les besoins de leurs enfants et débordés

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par leur prise en charge, d'autant plus si ces derniers sont peu collaborateurs face aux attentes parentales.

On remarque également que les parents abusifs ont un manque de confiance en soi et dans les autres. Ceci est souvent la conséquence d'un maternage inadéquat.

Ils éprouvent énormément de di fficultés a trouver plaisir et satisfaction dans leurs relat ions avec les autres. De plus, ces parents sont en général très impuis i fs. Ils ont une très faible tolérance à la frustration ce qui explique bien souvent le déclenche-ment d'acte abusif. Il existe chez le parent abusif certaines lacunes au niveau de -sa personnalité. Il est incapable de freiner ses impulsions agressives lors d'une situation stressante ou d'une frustration et décharge sa tension en battant violemment le jeune. Les parents qui ont connu une enfance diffi-cile ponctuée de violence, qui se sentent incompé-tents, qui ont peu de connaissances sur le développe-ment global de l'enfant, qui éprouvent des difficultés dans la prise en charge de ce dernier, qui sont isolés socialement, qui affrontent difficilement les situa-tions stressantes, sont des parents très à risques de développer des comportements abusifs envers 1'enfant. Ceci s'avère d'autant plus vrai si les parents approu-vent la force physique comme pratique éducative.

Les conséquences chez l'enfant Quant aux enfants battus, l'abus ne laisse pas que des traces physiquement mais il a de sérieuses répercus-sions au plan psychologique. Les enfants battus sont généralement très vulnérables. Effectivement, le milieu familial dans lequel évolue l'enfant battu, n'est pas toujours un environnement très propice à l'épanouissement d' une santé mentale harmonieuse.

Tout dépendant de 1 ' âge au moment de 1 ' abus, de la gravité et de la fréquence des sévices, les conséquen-

ces physiques et psychologiques n'auront pas la même intensité chez tous les jeunes. Certains enfants battus ne présentent aucune perturbation psychologique suite aux mauvais traitements. Cependant pour la majorité d'entre eux, la réalité s'avère différente.

Les enfants battus présentent très souvent des retards dans leur développement moteur, social, cognitif et dans leur langage. Ceci peut contribuer à créer chez le jeune des problèmes d'apprentissage scolaire importants.

Au plan psychologique, on remarque souvent que les enfants battus ont énormément de difficulté b exprimer leurs sentiments, leurs craintes, leurs émotions, leur anxiété et leur plaisir. Ils sont très repliés sur eux-mêmes. Ce cont généralement des enfants très carencés affectivement.

Un apprentissage cercle vicieux Les parents très préoccupés à répondre à leurs propres besoins insatisfaits dans leur enfance, ont tendance à négliger certains besoins fondamentaux de l'enfant (besoin d'amour, de compréhension, d'encouragement etc.). L'enfant se sent alors très insécure émotion-nellement. Le jeune développe donc une image négative de lui-même. La non-satisfaction des besoins de l'en-fant, ne lui permet pas de développer un sentiment de confiance en soi et dans les autres. De ce fait, il s énormément de difficulté à établir des relations avec autrui et éprouver du plaisir à s'amuser avec les autres. "L'incapacité d'établir des relations de con-fiance avec autrui, si elle se perpétue à l'âge adulte conduira également à de mauvaises relat ions parents-enfants qui à l'âge adulte conduira également à de mauvaises relations parents-enfants qui, à leur tour, pourront se traduire par un comportement abusif des parents." (Milling, 1980).

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Une agressivité diffuse Il semble également que les jeunes, victimes de sévi-ces corporels, développent un style de vie plus agres-sif. Non seulement le fait d'être battu peut augmen-ter 1'agressivité du jeune, mais celui-ci apprend des modèles de violence qu'il utilise par la suite dans toutes les sphères de sa vie. Il est à noter que très souvent, le fait d'être battu par une personne en autorité, en 11 occurence, le parent, intensifle la tendance du jeune à être en rébellion contre toute figure d'autorité dans la société. Effectivement, de nombreuses études ont tenté d'établir un lien entre le fait d'avoir été battu dans sa jeunesse et l'engage-ment du jeune vers des actes de délinquance.

L'intervention: la collaboration nécessaire Il nous apparaît primordial par ce court article, de sensibiliser la population à cette problématique de l'enfance battue et des répercussions importantes qu'elle peut entraîner chez les parents abusifs et chez les jeunes victimes de sévices corporels. Il nous importe également de rappeler 1'importance et le devoir de tout citoyen, de signaler k la Direction de la protect ion de la jeunesse tous les cas d'enfants que l'on juge en besoin de protection, et ce dans le meilleur intérêt des parents et des enfants.

De plus en plus, des efforts devront être consacrés à la mise sur place de programmes d ' intervent ion et de prévention afin d'améliorer les relations parents-enfants.

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CE NE SONT PAS LES ENFANTS QUI ONT BESOIN D'ÊTRE CHANGÉS

par Isabel Sendra*

Nous avons été invitées à part iciper à l'élaboration de ce dossier sur la santé mentale à cause de notre implication pendant plusieurs années au niveau de l'équipe de recherche du DSC de Verdun. Entre 1978 et 1983, plusieurs recherches portant sur les diverses problématiques qui touchent directement ou indirecte-ment la santé mentale des individus et des collecti-vités ont été menées à terme. Citons entre autres, "la santé mentale chez les 0-4 ans et leurs parents" (1 ), et "11 intégration des enfants en difficulté en milieu scolaire" (2). Le cadre de référence que nous avons utilisé lors de ces études est tributaire de notre parti pris sur l'influence de l'environnement social sur le développement harmonieux des individus. Le choix des enfants comme étant la population-cible pour ces études est dû d'une part à la possibilité d'identification des situations conflictuelles qui pourraient provoquer des troubles potentiels, et d'au-tre part è l'évidence de la nécessité d'une interven-tion précoce.

Le milieu de vie: premier cadre de référence

Pour situer le lecteur sur notre ligne de pensée disons que nous considérons la santé mentale comme un processus d'évolution et d'équilibre pouvant être favorisés et harmonisés dans certaines conditions. Si

Mme Isabel Sendra a une maîtrise en sociologie de l'Université de Montréal, et a fait partie de l'équipe de recherche du DSC de Verdun pendant près de cinq ans. Elle est aujourd'hui conseillère en recherche en santé au travail au DSC du Centre hospitalier Ste-Justme.

nous adoptons la définition élargie de la santé propo-sée par l'O.M.S. qui inclut le bien-être non seulement physique mais également mental et social de 1 'indi-vidu, il faudrait envisager la santé globale comme "un ensemble de conditions permettant, aux divers membres de la collectivité, le fonctionnement le plus épa-nouissant" (3). Il ne faut pas oublier que ces condi-tions sont données par le milieu dans lequel l'indi-vidu vit. La relation entre le milieu et l'individu étant dynamique et variant d'un moment à 1'autre, il est donc essentiel pour définir la santé des individus de tenir compte du milieu duquel ils proviennent et de celui dans lequel ils évoluent.

Le contexte socio-économique D'après nous, c'est l'environnement social qui est à la base de toute pol i tique pré vent i ve en santé. Il est urgent de dépasser la définition professionnaliste de besoin que consiste à localiser la déficience chez 1'individu, et admettre que presque tout problème individuel prend racine dans le contexte socio-économique. C'est dans cette optique que nous avons abordé les "nouveaux problèmes de santé des enfants" (4) lors des études ci-haut cités (cf. 1 et 2): les difficultés d'adaptation et d'apprentissage scolaire, la mésadaptation socio-affective, la négligence et l'abus, les difficultés qui découlent de la chronicité et des handicaps, etc. Tous ces problèmes ont en commun leur durée dans le temps, leur impact sur la famille, leur origine multifactorielle et une corréla-tion avec les conditions socio-économiques. Ceci implique qu'ils ne peuvent pas être abordés de la même façon que les problèmes physiques en raison de leur

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cornplexi té et des effets très différents selon la structure psychologique de chaque enfant.

Elargir l'approche d'intervention Les interventions ne peuvent pas être dirigées contre un agent spécifique, il faut donc envisager la préven-tion de ces problèmes avec une approche plus globale, axée davantage sur 1'aspect social et environnemen-tal . Cette nouvelle approche semble vouloir prendre place en certains milieux. Les facteurs individuels de vulnérabilité sont toujours pris en considération, mais une approche plus élargie tenant compte du con-texte dans lequel se situe chaque enfant est encoura-gée chez les intervenants.

Négligences et abus Voyons, de façon pratique comment ces "nouveaux pro-blèmes des enfants" sont intimement liés aux facteurs sociaux et environnementaux. Si nous parlons de la condition faite aux enfants (négligence, abus, etc.), de récentes études (5) ont révélé que les comporte-ments des parents envers les enfants, et des parents entre eux, ne sont pas basés autant sur des croyances ou des principes, que sur des problèmes, tels que, la tension au travail, les travaux ménagers, la disposni-bilité des autres adultes pour aider aux travaux ména-gers, ë la garde et aux soins de l'enfant, à l'archi-tecture de la maison et du quartier, à la structrure sociale et aux classes de la communauté.

Difficultés d'apprentissage Un autre exemple peut être celui des enfants qui pré-sentent des difficultés d'adaptation et d'apprentis-sage. Cette notion a souvent été reliée à une dimen-sion médicale et les conséquences qui en découlent ont

été très négatives pour l'enfant (6). Il ne sert à rien de prendre pour acquis que les difficultés qu'un enfant présente proviennent d'un dysfonctionnement ou d'un déficit cognitif, donc, qu'il est incapable d'ap-prendre, sans tenir compte de l'enseignement qui lui est donné ou de l'intéraction entre lui, l'école et la famille. Étant donné que des lacunes au niveau des facteurs affectifs peuvent jouer un rôle primordial dans les difficultés d'apprentissage ou d'adaptation, il est important d'analyser les aspects de 1'ambiance scolaire, de 1'environnement social et fami liai ainsi que l'attitude des intervenants et des parents qui favorisent chez 1'enfant soit une percept ion positive de soi-même, soit un sentiment d'impuissance.

Intervenir auprès de la famille

Il découle donc de la discussion qui précède que le but de nos interventions doit se diriger vers les fac-teurs sociaux, environnementaux ou autres, qui influent sur l'individu et sur lesquels il a peu de prise. D'autre part, ces act ions devront s'étendre à la communauté dont font part îe ces individus et dans le cas des enfants , è leurs parents en tant que prin-cipaux intervenants durables. Le rôle de l'interve-nant ne sera plus de "dépister, diagnostiquer, traiter ou prévenir une pathologie spécifique pour un enfant isolé, mais de renforcer et supporter le rôle de la famille favorisant le développement de l'enfant." (7)

Agir sur le milieu Nous avons trop tendance è considérer celui qui ne s'adapte pas aux règles comme quelqu'un qui présente des dysfonctions. Ainsi, nous détournons 1'attention des lacunes du système d'éducation, du milieu socio-économique et familial, en les dirigeants plutôt vers l'individu en général et dans le cas qui nous préoc-cupe vers l'enfant. En agissant de cette façon, nous

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négligeons des facteurs qui tout en étant étrangers aux individus sont à la base des problèmes graves des enfants. Oe là le titre que nous avons donnée à cet article: "Ce ne sont pas les enfants qui ont besoin d'être changés mais l'environnement dans lequel ils grandissent et se développent." (8)

(1) SENDRA, Isabel; La santé mentale chez les 0-4 ans et leurs parents, D.S.C. de Verdun, septembre 1981.

(2) SENDRA, I., CADIEUX, E., SIMARD, 3. ; Intégration des enfants en difficulté en milieu scolaire, D.S.C. de Verdun, mars 1983.

(3) C.L.S.C. Santé, volume 3, - 4, février 1980 page 2.

(4) SÉGUIN, Louise; Nouveaux problèmes de santé des enfants; Rôle des Centres et départements de santé communautaire, L'Union Médicale du Canada Tome 112, février 1983, pages 168-172.

(5) SKOLNICK, Arlène; Le mythe de l'enfant vulnérable, Psychology Today, février 1978.

(6) ILLICH, Ivan; Némésis médicale, Edition du Seuil, 1976.

(7) SCHAFFER, E.S., Professional Paradigms in Child and Family Health Programs, Amer. J. Public Health, 1979:69: (9) 849-850.

(8) SENDRA, I., CADIEUX, E., SIMARD, G.; op. cit. page 93.

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GARDERIE: RECHERCHE SUR LES JEUX ET LES INTERACTIONS SOCIALES

par Lise Petitclerc*

Depuis quelques temps, on assiste à une prise de conscience plus aiguë de 11 importance des premières années de vie de l'enfant en regard de son développe-ment affectif et social. Ne dit-on pas que tout se joue avant six ans?

La garderie: Heu de socialisation?

Alors que la cellule familiale était encore dernière-ment, l'endroit unique où l'enfant d'âge pré-scolaire vivait ses apprentissages et ses conflits, la garderie vient remettre en question certaines traditions et croyances. Issue de bouleversements sociaux et écono-miques (famille mono-parentale, retour des femmes sur le marché du travail, mouvement de libération néces-sité économique), la garderie s'est graduellement ins-tallée dans notre société québécoise comme un choix éducatif accessible aux familles.

sation; près de la moitié des parents associent la fréquentât ion de la garderie et l'établîssement plus harmonieux de contacts sociaux entre les enfants.

Les recherches concernant l'impact de la fréquentation de la garderie sur le développement social des enfants demeurent toutefois peu précises en regard des proces-sus interact ifs qui pourraient être influencés par un contact continu avec des enfants du même groupe d'fi-ge. La raison majeure en est attribuable au fait que les enfants vivent également dans leur environnement familial et qu'ils en subissent les influences. Com-ment donc dissocier les comportements inhérents à l'influence de la garderie et ceux consécutifs au milieu familial? La solution à ce dilemme pourrait trouver une partie de sa réponse dans des recherches descriptives du comportement des enfants, laissant de côté, dans un premier temps, une analyse de "cause à effet".

En 1979, Cloutier et Tessier dirigeaient une étude sur la garderie québécoise. Ces chercheurs précisaient que 77% des parents qui travaillent à temps complet, choisissent de placer leur enfant en garderie à cause de leurs obligations de travail alors que 56% des parents travailiant à temps partiel optent pour ce choix dans le but de favoriser l'épanouissement de leur enfant. Dans ces deux cas, les bénéfices espérés par les parents concernent principalement la sociali-

Mme Lise Petitclerc détient un baccalauréat en ergothérapie et une maîtrise en sciences cliniques de l'Université de Montréal. Aujourd'hui, elle est Présidente de la Corporation des ergothérapeutes du Québec.

Une recherche exploratoire

L'étude exploratoire que j'ai réalisée, visait ainsi à décrire les jeux- et les interactions sociales d'en-fants de quatre ans fréquentant la garderie, comparé à un échantillon d'enfants ayant toujours été élevés uniquement dans leur milieu fami liai. Ces deux mesu-res, le jeu et les interactions sociales sont les élé-ments descriptifs que j'ai privilégiés dans l'étude du développement social des enfants. Il est important de préciser que la description des similitudes et des différences observées dans ces deux groupes et relatée dans cet article, ne peut être généralisée. Notre objectif était plutôt d'identifier certaines tendances

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au sujet de l'impact du vécu en garderie et ce, en vue de recherches ultérieures.

La méthodologie

Notre population se composait de 20 enfants, âgés de 44 à 54 moLs, dont dix vivaient à cette époque, une expérience en garderie. Ces enfants habitaient, en mai 1980, une zone ouvrière de la région métropoli-taine de Montréal. De cet échantillon de 20 enfants, quatre sous-groupes furent constitués, deux étant com-posés d'enfants élevés dans leur milieu familial, les deux autres réunissant des enfants de garderies diffé-rentes . Il est important de préciser que les enfants des différents sous-groupes ne se connaissaient pas et ce, afin de former des sous-groupes de pairs étran-gers. Le contexte expérimental a été de faire parti-ciper respectîvement les quatre sous-groupes (garde-rie, maison) à une séance de jeu libre d'une durée de 40 minutes. La rencontre des différents sous-groupes a été enregistrée sur bandes vidéo-cassettes. Nous avons donc pu observer nos deux mesures soit le jeu et les interactions sociales lors de l'analyse de ces documents audio-visuels. Nous espérons que ces deux mesures pourront nous donner une image de la sociali-sation de ces enfants lorsqu'ils se confrontent à une situation étrangère.

Les attitudes aux jeux

Dans l'observation des situations de jeux, nous avons utilisé l'échelle suivante: 1- Enfant inoccupé. 2-Enfant observateur. 3- Jeu solitaire. 4- Jeu paral-lèle. 5- Jeu associatif. 6- Jeu coopératif.

L'analyse de ces résultats ne nous a pas permis de soulever des différences significatives dans l'utili-sation de l'activité ludique chez les enfants de gar-derie comparé à ceux du groupe maison. Tout au plus, avons-nous noté une certaine tendance des enfants de garderie à utiliser de façon plus régulière le jeu

solitaire, parallèle, associatif et coopératif, alors que les enfants du groupe maison se retrouvaient plus souvent en situât ion d'observateur ou d'enfants inoccupés.

Ces résultats apparaissent décevants; en effet, les situations de jeux étant la base de l'organisation des garderies, l'activité ludique ne semble pas être influencée de façon très marquée, par l'expérience en garderie et ce, lorsqu'elle est observée dans un autre environnement. L'on pourrait toutefois penser que notre classification des situations de jeux manquait de précision ou encore que les réactions émotives sus-citées par cette première rencontre ont eu comme effet de diminuer, chez les enfants, leur performance ludique.

Les interactions sociales

Dans cette partie de notre recherche, nous avons utilisé une grille éthologique qui classifiait les comportements observés chez les enfants selon quatre sphères soit 1- Affiliation (contacts amicaux entre les enfants), 2- Agression. 3- Compétition (lutte pour un objet, pour l'espace de jeu), 4- Langage.

Les résultats obtenus dans 1'étude des interactions sociales précisent que les enfants de garderie seraient plus actifs dans Rétablissements des liens sociaux.

Le détail de l'analyse des interactions sociales sou-lève des différences significatives chez les enfants de garderie par rapport à deux catégories, soit l'uti-lisation du langage ainsi que le déploiement des ges-tes compétitifs. Les enfants de garderie démontrant de façon significative un caractère plus verbal dans leurs échanges, le langage répondrait donc à un fac-teur d'apprentissage social. Dans ce sens, les nom-breux contacts vécus entre pairs favoriseraient l'é-mergence de la communication verbale chez des enfants

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de quatre ans ; la connaissance de son partenaire par le biais du langage pourrait également favoriser chez les enfants de garderie, une plus grande maturité sociale.

La maturation sociale

Nous obtenons également comme différence significative pour le groupe garderie, une utilisation privilégiée des gestes compétitifs. Il est intéressant de cons-tater le choix caractéristique des gestes non-sociaux de chaque groupe, le groupe maison optant pour des schèmes comportementaux agressifs (attaque, menace) et ceux de la garderie pour la compétition. Il semble donc que les enfants de garderie seraient plus aptes à reconnaître les structures de pouvoir d'un groupe, alors que les enfants du groupe maison s'agressent plus régulièrement, faisant preuve d'une moins bonne capacité d'identification des mécanismes relationnels dans un groupe. Cette prise de conscience plus rapide pourrait refléter une plus grande maturité sociale des enfants en garderie.

Une autre de nos mesures, soit l'affiliation (contacts amicaux entre les enfants) ne ressort pas comme une variable significative dépendant de l'expérience anté-rieure des enfants en garderie. Il n'y a donc pas eu de différences entre les enfants du groupe maison et ceux de garderie en regard de l'utilisation de gestes positifs entre eux. Tel que soulevé par l'analyse de l'activité ludique, il nous apparaît que lors d' une première rencontre, les enfants sont davantage inté-ressés h se reconnaître et à s'identifier comme membre d'un groupe, les attitudes affiliatives ne semblant pas caractériser cette première confrontât ion entre pairs étrangers.

Le besoin d 'é tudes

Les résultats de cette recherche nous ont décrit quel-ques aspects qui pourraient être influencés par le

vécu des enfants en garderie {langage, gestes compétitifs). Une interprétation plus large de ces résultats demandera des recherches qui devront s'étaler sur une plus longue période d'évaluation. La notion de développement en demeure une à long terme, et elle ne peut être réduite à une évaluation ponctuelle.

Une continuité dans les recherches sur les garderies demeure essentielle si l'on veut s'assurer d'une véri-table compréhension de 1'impact de la garderie sur le développement affectif, cognitif et social de l'en-fant. Plusieurs autres questions méritent l'attention des chercheurs. Quel est le rat 10 optîmum enfant-éducateur? Quelle formation devrait avoir les éduca-teurs? Y-a-t-il un âge d'entrée en garderie préjudiciable au bon équilibre affectif des enfants? Comment les rôles familiaux sont-ils vécus par les parents lorsqu'ils délèguent leurs responsabilités ? C'est en répondant à ces quest ions que nos gouvernements pourront établir des politiques sociales cohérentes, compatibles au développement de l'enfant d'âge pré-scolaire.

La réalisation de cette recherche m'a également mis en contact avec de nombreux milieux de garderie. Ces échanges m'ont permis d'élaborer certaines réflexions, principalement sur les situations vécues lors de l'in-tégration d'un enfant en garderie.

Le placement en garderie, une quest ion difficile La décision de placer ou non un enfant en garderie revêt une importance primordiale pour l'équilibre émo-tif de la famille. On assiste souvent à des attitudes ambivalentes des parents qui créent un climat d'insé-curité supplémentaire à l'enfant. Les parents doivent être conscients que leur décision quant à la fréquen-tation de la garderie, demeure une décision unique et personnelle. Elle est personnel le car cette solut ion doit correspondre à leurs attentes en terme de milieu

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de vie souhaité pour leur enfant. Elle est unique car leur enfant est unique; ils doivent donc composer avec les goûts et la personnalité de leur enfant.

Pour des types variés de garderies

C'est dans ce sens que je crois que notre société doit offrir une gamme variée de modes de garderie (garderie populaire, garde en milieu familiai, halte-garderie. .. ) et ce, de façon à ce que chaque parent trouve la solution qui lui convienne. Un choix incer-tain peut créer de l'anxiété, de l'insatisfaction, de la culpabilité. Ceci ne peut qu'engendrer un climat familial diffieîle dans lequel un enfant pourrait vivre des problèmes émotifs plus ou moins graves.

Il est également important de reconnaître l'anxiété véhiculée lors des moments de séparation. Les éduca-teurs de même que les parents doivent mettre en oeuvre des stratégies permettant à l'enfant de vivre ces iné-vitables tensions de façon moins destructive.

Le choix de la garderie de même qu'une compréhension soutenue des réactions de 11 enfant m'apparaissent des éléments préventifs essentiels au maintien d'une bonne santé mentale chez les enfants.

Le rôle des intervenants en santé

Traditionnellement appelés à répondre aux demandes d'ordre physiques ou médicales de la population d'âge pré-scolaire, les intervenants en santé ne peuvent rester muets et absents face aux préoccupations affec-tives et sociales qui peuvent être engendrées par la fréquentation de la garderie. Nous avons un rôle essentiel à assumer au plan de la prévention, rôle qui devrait comprendre deux volets: premièrement: divul-guer les informations concernant les recherches effec-tuées en garderie afin de "dédramatiser certaines

appréhensions". Deuxièmement: apporter un support et un encadrement aux éducateurs et aux parents dans la compréhension des affects et des comportements des enfants ainsi que dans la recherche de solutions appropriées.

Ce n'est qu'en s'assurant de ces deux volets que nous pourrons remplir adéquatement notre rôle de consultant dans les milieux de garderie.

Le développement d ' un enfant doit s'appuyer sur de bonnes bases s'il veut acquérir la solidité nécessaire pour affronter sa vie d'adulte. La santé mentale demeure un pilier de l'équilibre "dévelopmental"; la garderie, un élément pouvant influencer cet équilibre.

CLOUT 1ER, R., TESSIER, R. (1981). La garderie québé-coise: analyse fonctionnelle des facteurs d'adap-tation. Québec: Les éditions Laliberté.

PETITCLERC, Lise. (1983) Jeux & interaction sociale chez les enfants de quatre ans fréquentant la gar-derie. Thèse pour l'obtention du grade de maî-trise en Science clinique, Université de Montréal.

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LA VIEILLESSE: UNE ÉTAPE DE LA VIE par Luc Lachance*

Depuis toujours, la vieillesse constitue une étape importante de la vie. Ce n'est pourtant que depuis quelques temps que la société et les individus qui la composent manifestent un intérêt envers le vécu de la personne âgée. Il en découle une méconnaissance de ce qu'il est possible d'appeler la dernière étape de la vie.

Le présent article vise à cerner les facteurs entrant en jeu lors de cette étape de vie nommée la vieil-lesse. Les différentes informations mentionnées tout au long de 1 ' article sont tirées de deux textes : "Lachance Luc, (1983), Dynamisme personnel du vieil-lissement. Mémoire de maîtrise inédit, Université de Montréal" et "Lachance Luc, Erpicum Dominique (1982). Dynamisme personnel du vieillissement. L'orientation Professionnelle, 19, 38-56".

L â v i e i l l e s s e : u n e é t a p e d e la v i e

La vie est constamment divisée en étapes: 1'enfance, l'adolescence, jeune adulte, etc. De plus en plus, la vieillesse est considérée comme faisant partie de ces étapes de vie avec ses particularités, ses difficultés et ses défis. Afin d'en faciliter la compréhension, les différents éléments la composant seront regroupés en trois parties: les changements interactifs particu-liers , les changements personnels et les changements généraux. Il est à noter que ces distinctions sont

M. Luc Lachance détient une maîtrise en psycholo-gie de l'Université de Montréal. Il pratique dans l'une des importantes polycliniques du territoire du DSC de Verdun.

arbitraires et ne sont lè uniquement pour faciliter la compréhension des caractéristiques de la vieillesse.

Les changements interactifs particuliers

A travers ses différents champs d'activité, la per-sonne âgée fait face à de nouvelles conditions. Elle doit donc s'ajuster aux différentes situations qui se présenteront à elle. Et dépendant du nouvel équilibre atteint, son quotidien lui apparaîtra plus ou moins satisfaisant.

Sa vie familiale subit plusieurs transformations. La mort d'une partie des parents, que ce soit des frères, des soeurs ou le conjoint, amène une diminution des interactions, autant en nombre qu'en intensité. De plus, la relat ion avec les enfants demande certains ajustements car les parents veulent s'impliquer davan-tage dans la vie de leurs enfants tandis que ceux-là s'y opposent de plus en plus.

La vie professionnelle possède aussi sa part de trans-formation. La perte d'un emploi ainsi que la mise à la retraite bouleversent la façon de vivre d'une per-sonne. D'un autre côté, l'individu âgé qui a un emploi, est acculé à un dilemme conflictuel affectant son équilibre émotif : il a un plus grand désir de stabilité qu'avant, et pourtant il ressent toujours un besoin d'expansion et de nouveauté. L'orientation de sa carrière s'en ressent et devient plus problémat1-que. Et tout cela n'est pas facilité par une forme de lutte des générations qui amène une forte compétition au travail.

Finalement, la vie sociale se distingue elle aussi. Il semblerait que les rapports sociaux des gens âgés

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se font moins par obligation et plus sous le signe du partage et de la similarité. Le choix des interac-tions se baserait plus sur le plaisir que le devoir.

Ains i, la personne âgée serait plus portée à aller vers les gens avec qui elle se sent bien , avec qui elle veut être.

Les changements personnels

Il n'y a pas que les interactions avec les autres qui caractérisent la vieillesse. L'individu se retrouve, comme à toutes les étapes de la vie, devant des conflits personnels qui demandent de nouveaux efforts d'adaptation.

Principalement, cette étape de la vie se compose d'une nouvel le et dernière évaluation de son propre vécu. L'individu doit réussir à intégrer, dans un tout cohé-rent, autant ses triomphes et ses déceptions qui ont marqué sa vie. Il devrait arriver à une image posi-tive de ce qu'a été son existence, compte tenu des ses espoirs et de ses aspirations mais aussi des imperfec-tions de la vie, de ses frustrations et de son envi-ronnement. En d'autres termes, il doit apprendre à ajuster ses actes, désirs et attentes aux circons-tances déterminées par le milieu social et par ses limites personnelles.

Parallèlement, s'effectue à cet âge une nouvelle con-sidération de l'avenir. Bien qu'il reste toujours une certaine crainte face à la mort, cette dernière est acceptée comme l'aboutissement de la vie. L'unicité du cycle de vie est reconnue. L'individu ajuste donc ses perspectives d'avenir en fonction du temps qui lui reste.

La résolution de cette problématique de la vieillesse demeure fondamentale. L'état d'esprit dans lequel vivra la personne âgée dépend en grande partie de son

aboutissement. Une résolution positive amènera un sentiment d'intégrité personnelle tandis que sa non réussite provoquera le désespoir. Il va s'en dire qu'il est important de bien vivre cette période pour avoir vraiment une appréciation positive de sa vie.

Les changements généraux

En plus des changements déjà soulignés plus haut, la personne âgée devra s'adapter à quelques autres qui sont aussi liés à son âge. L'élément le plus connu est bien souvent la santé. Généralement l'individu vieillissant voit ses forces physiques et sa résis-tance s'amenuiser. Sa santé diminuant avec l'âge, il devra donc y porter plus attention, être moins exi-geant pour son corps. Il aura peut être à apporter des changements à son style de vie et à ses activités.

D'autres éléments peuvent aussi se modifier. Par contre, contrairement à la santé qui se trouve sur son déclin, il leur est possible à ceux-là d'augmen-ter, de rester stable ou de diminuer. Pour n'en nom-mer que quelques uns, soulignons les capacités de 1'individu, ses connaissances, ses habiletés cogniti-ves, son ajustement psychologique. Chez un même indi-vidu, différentes habiletés peuvent prendr des direc-tions opposées. Il va s'en dire que ses transforma-tions varient d'une personne à l'autre.

Vivre et vieillir: un équilibre à t rouver

La personne âgée devra s'adapter et apprendre à fonc-tionner avec ce qui la caractérise maintenant, tant au niveau physique que psychologique. Si elle devient trop exigeante pour ses nouvelles capacités, elle ris-que d'être malheureuse. C'est la même chose si ses exigences sont trop faibles. Elle trouvera le temps long, la vie monotone et sera aussi malheureuse. Un juste équilibre entre capacités et exigences apportera de la satisfaction face à la vie. Pour ce faire, elle

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devra être attentive à son organisme car, comme les transformations ne sont pas les mêmes pour chacun, elle ne devra pas nécessairement avoir les mêmes attentes envers elle que son voisin envers lui-même pour atteindre son propre équilibre.

L'ajustement social

Dans ce nouvel équilibre à trouver, l'individu n'est pas le seul à influencer la réussite. La société a une grande part à jouer dans ce processus de réorgani-sation. Normalement, toute société devrait mettre en place des structures qui permettraient à la personne âgée de répondre à ses propres besoins. Une autre sorte d'ajustement doit donc se faire entre ce que la société exige de l'individu âgé et ce qu'elle lui offre, et ce que ce dernier peut et veut lui apporter en tant que membre.

Malheureusement, de ce côté, la société actuelle offre peu de choix à la personne âgée. Sans évaluation per-sonnalisée des capacités de l'individu, elle le presse de se retirer des secteurs professionnels et sociaux qu'il avait occupés jusqu'à maintenant. Elle le dépossède de ce qui lui permettait d'être quelqu'un (travail, occupations, amis) sans se préoccuper de ses besoins d'accomplissement et de reconnaissance profes-sionnelle et sociale qui, à moins d'être très minimes, ne sont plus satisfaits et demandent de l'être.

L'attitude des autres

^ cela s'ajoute une attitude assez négative de la population en général envers les personnes âgées. Elle va de la simple neutralité à la répugnance en passant par une absence de considération et de tolé-rance. Il en découle que les individus vieillissants sont maintenus dans un contexte déficient, hors du champ d'activités sociales, rendant difficile une forme d'actualisation.

Le retrait: rejet

Pour résumer, la société actuelle présente à la personne âgée un seul modèle de vie, que constitue le retrait, qui se situe à l'opposé de ce qui est 1 ' apanage de la vie. Elle présuppose qu'en vieillissant, on ne peut plus rien faire et ainsi ne tient nullement compte des caractéristiques et du potentiel existant chez chaque individu.

La société actuelle constitue donc une embûche à 1'épanouissement de la personne âgée. Ses exigences envers les individus vieillissants sont en déséquili-bre profond avec les activités qui leur apporteraient satisfaction. La formation d'association à la défense des droits des personnes âgées, qui tentent de renver-ser la vapeur, en est le plus bel exemple.

La vieillesse: un défi, comme toute la vie

La tâche de la personne qui arrive à l'âge de la vieillesse consiste à traverser les différents défis que nous avons nommés et d'en ressortir positivement. Cela ne veut pas dire qu'elle ne vivra pas d'émotions négatives. Au contraire, il est évident qu'il y en aura. Mais ce qui fait le bonheur et ce qui amène une sensation de bien-être n 'est pas en soi 1 ' absence de sentiments négatifs. C'est plutôt une balance posi-tive entre 1'ensemble des sentîments vécus au cours d'une période.

Cette balance positive ne sera pas atteinte si la per-sonne se refuse de vivre les sentiments négatifs. Elle ne fera que nier ses difficultés et du même coup, anéantira la possibilité de vivre pleinement ses joies. Il ne faut donc pas craindre de se confronter aux aspects difficiles de la vieillesse, de s'ouvrir aux angoisses qu'ils font vivre. C'est à partir d'eux que la vie et le plaisir qui l'accompagne jaillira.

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L'orientation de la société dans son aide à la per-sonne âgée devrait aussi se dinger vers l'ouverture à son vécu. On reconnaît, tant à l'enfance qu'à l'ado-lescence et aux autres périodes de la vie, ses plai-sirs et ses difficultés. Il commence à être grand temps qu'on fasse de même pour la vieillesse. Ainsi et seulement ainsi, on affirmera le droit de vivre de la personne âgée.

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VOTRE CODE POSTAL, S.V par Irène Ouellette*

En mars 1983, l'utilisation par des jeunes de moins de 18 ans des services thérapeutiques spécialisés en santé mentale offerts par les praticiens du Bureau de services sociaux du Sud-Ouest, a fait l'objet d'un sondage. L'objectif consistait à connaître les diffi-cultés de recherche, d'obtention et d'utilisation de ces ressources et à identifier les changements souhaités.

Concentration dans la cl ientèle

Une concentration dans le groupe des 12-15 ans de la fréquence de problèmes de santé mentale: traits dépressifs, agressivité, automutilation, phobies, troubles émotifs liés à l'inceste et à l'abus sexuel, cleptomanie, troubles d'apprentissage, etc.

Localisation du client et du service

Des négociations constantes aux frontières de la sec-torisation, moult recherches et ruses pour obtenir une ressource de prise en charge, selon que l'enfant soit dans sa famille naturelle, en centre d'accueil ou en famille d'accueil, selon la nature du lien de l'enfant avec sa famille naturelle, selon le côté de rue de la résidence... C'est un travail d'aiguillage d'autant Plus complexe et consommateur d'énergie que 90% des jeunes en famille d'accueil sont placés à l'extérieur du DSC Verdun et que les centres d'accueil ne sont pas

* Madame Irène Ouellette détient une maîtrise en service social et est conseillère à la programmation au Bureau des services sociaux Sud-Ouest.

tous équipés pour offrir des services psychiatriques à l'interne.

Qui, du secteur de la famille naturelle, de la famille d'accueil, du centre d'accueil peut et doit donner les services requis? Mystère...

Les critères d 'admission

Des difficultés d'obtention des services en raison des critères et procédures d'admission qui ont pour effet de saper une motivation, souvent fragile, et d'agir comme facteurs d'exclusion: duplication des évalua-tions déjà faites, nécessité d'avoir une motivation à toute épreuve, obligation de suivre un traitement familial, etc.

Ces exigences augmentent les probabilités de succès du thérapeute, mais limitent 1'accès à la santé mentale chez les jeunes et leur f am il le pour qui, la simple fréquentation d'une clinique psychiatrique devient un facteur de résistance; les intervenants doivent tran-siger avec la réalité du stigmate social dans le pro-cessus de mot ivat ion au traitement et, en plus, confronter leur clientèle aux rites d'admission conçus plus en fonction des besoins des professionnels que des jeunes. Doit-on parler de critères et procédures d'admission ou d'élimination?

Les listes d 'a t tente

La lenteur dans l'obtention des ressource spécialisées est déplorée, tant pour fin évaluative que thérapeuti-que en raison des longues listes d'attente.

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Les zones grises

L'étude met en évidence deux zones grises:

les jeunes de 17-18 ans pour qui l'obtention d'une ressource s'avère difficile;

les jeunes placés en milieu semi-rural pour qui le problème du transport handicape l'accès aux services.

Les a t tentes de changements

Les praticiens du B.S.S. Sud-Ouest formulent des sou-haits de changement:

un assouplissement des critères d'admissibilité en traitement spécialisé, surtout pour accepter des bénéfici aires avec une motîvation qui diverge du profil idéal;

une flexibilité au niveau des règles de sectorisa-tion, particulièrement dans le cas des enfants placés ;

l'exploitation des possibilités de travailler avec une plus grande collaborât ion entre praticiens sociaux et praticiens de la santé dans des dos-siers partagés;

le développement d'outils de travail facilitant la référence aux ressources spécialisées en santé mentale.

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DE L'ENFANT EN QUESTION IMPACT DE GROUPES D'ORIENTATION PSYCHO ANALYTIQUE SUR LA GROSSESSE, L'ACCOUCHEMENT ET LA PREMIÈRE RELATION MÈRE-ENFANT

par Josette Caron-Léonard et Marie-Claire Lanctôt-Bélanger*

Présentation de la r eche rche

Impact de groupes d'orientations psychanalytique sur la grossesse, l'accouchement et la première relation mère-enfant et une recherche qui a été effectuée par une équipe de chercheurs du Centre de psychiatrie com-munautaire de l'Hôpital Douglas de Verdun, en collabo-ration aec les gens de périnatalité du DSC de Verdun.

Le besoin d'en parler

L'idée est d'abord venue de souvenirs de grossesse et d'accouchement: bouleversement à la fois intérieur et corporel de même qu'impérieux besoin d'en parler... d'en parler avec d'autres vivant une expérience semblable.

Des commentaires aussi de femmes: très nombreuses étaient celles qui affirmaient avoir beaucoup à dire durant cette période importante de leur vie, avouant, souvent après-coup, combien elles auraient aimé pou-voir en parler de cet événement au moment où elles le vivaient; peut-être, disaient-elles, auraient-elles ainsi mieux vécu leur grossesse et les difficultés à s'y retrouver, après, avec l'enfant.

Madame Josette Caron-Léonard est psychanaliste, madame Marie-Claire Lanctôt-Bélanger est à termi-ner sa formation en psychanalyse.

Le temps qui manque

Or, du côté des professionnels de la santé qui ont charge de la période pré et post-natale, on nous sou-lignait qu'entre les informations, la surveillance médicale et la gymnastique, il restait peu de place aux femmes pour tout simplement parler de leur gros-sesse, de leur accouchement... même si un besoin évi-dent se faisait sentir de ce côté.

La littérature sur le sujet et la tendance de plus en plus généralisée chez les femmes, allaient également dans le sens d'une prise de parole et d'une prise en charge de leur propre vécu ainsi que de leur corps et ce, de façon encore plus manifeste autour de la mise au monde d'un enfant.

Ce qu'on dit de l'enfant En tant que psychanalystes, nous nous étions, par ailleurs, déjà longuement penchées et avec beaucoup d'intérêts, sur la question du tout premier rapport mère-enfant, convaincues que "tout" se jouait pour l'enfant à une période extrêmement précoce, avant meme sa naissance. La façon dont un enfant est parlé par son entourage, sa mère en particulier, avant meme sa conception et tout le temps de sa gestation, a une influence déterminante sur le devenir de ce meme enfant.

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Objectifs et hypothèse de la recherche

La recherche avait donc un grand objectif autour duquel viendront se greffer les autres: créer un lieu de parole pour les femmes enceintes. De là, deux niveaux d'objectifs: 1) inventorier de la façon la plus féconde possible, le vécu imaginaire des femmes enceintes et des jeunes mères; 2) évaluer à partir de ce lieu de parole, l'impact de "groupes de parole" sur l'évolution clinique de la périnatalité à trois temps bien précis: lors de la grossesse (3e au 9 e mois), lors de l'accouchement et du post-partum immédiat (autant que possible à 1'hôpital même), enfin, six mois après 1'accouchement (autour de la période de sevrage).

"Parler" la grossesse et l'accouchement selon la méthode envisagée devrait aider la femme enceinte à mieux vivre sa grossesse, son post-partum et favoriser une meilleure relation mère-enf ant, telle était l'hypothèse de départ.

Notre demande à leur endroit était donc qu'elles nous racontent leur grossesse. Leur demande en venant à nos rencontres, était que les groupes leur soient pro-fitables pendant toute la durée de leur grossesse, à l'accouchement et après.

Méthode et modalités des rencontres

Il s'agissait d'abord de former les groupes, ce que nous avons nhnisi de faire selon la division suivante: a) multipares, b) primipares et c) les très jeunes mères vivant seules leur grossesse. Cette division s'est avérée justifiée et conforme au besoin des fem-mes, tant il est vrai que l'on ne vit pas une première grossesse de la même manière et en mettant en scène les mêmes éléments qu'au moment de grossesses subsé-quentes. Malheureusement, le groupe c) n'a pu être constitué, cela étant impossible par les canaux de

recrutement que nous avions choisis. Pour chacune des deux autres divisions, nous avons constitué parallèle-ment des groupes expérimentaux et des groupes témoins. Le recrutement s ' est fait sur une base volontaire à partir de présentât ions du projet dans les cours prénatals.

Pour fins de comparaison, des questionnaires-entrevues ont été passés à toutes les femmes, tant à celles des groupes témoins qu'à celles qui participaient par ailleurs aux groupes de rencontres, aux trois "temps" mentionnés.

Les groupes de rencontres ont été au nombre de quatre, deux primipares et deux multipares. Chacun comprenait au maximum six personnes en plus de 1 'analyste et fonctionnait de manière totalement non directive, selon la méthode de la libre association: aucun thème pré-établi, aucune censure, aucune orientation impo-sée. Les rencontres avaient lieu une fois la semaine et duraient en moyenne deux heures et demie (ce qui est plus long que ce qui avait d'abord été prévu). Un service de garde des aînés était organisé dans le cas des groupes multipares. Dans le plan initial, les rencontres devaient s'échelonner sur environ six mois, à partir du troisième mois de la grossesse jusqu'à 1'accouchement.

Effets des groupes et résul tats

L'effet de tels groupes a largement dépassé nos espé-rances. L'assiduité y a été remarquable, la plupart des femmes ne manquant qu'une ou deux rencontres, au moment de leur accouchement. De plus, il s'est avéré impossible d'arrêter les rencontres après l'accouche-ment, les femmes revenant elles-mêmes au groupe, avec leur bébé, très tôt après l'accouchement. Elles ont demandé que les rencontres se poursuivent, nous avons accédé à cette demande et les rencontres se sont révé-lées au moins aussi nécesaires, sinon plus, après _

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l'accouchement qu ' avant » Les groupes se sont donc poursuivis six mois environ après la naissance des bébés... parfois même agrandis d'une amie, soeur, belle-soeur ayant elle aussi un nouveau-né et un immense besoin de parler. Nous n'avons donc pu mettre fin aux rencontres qu'en les espaçant graduellement.

Que venaient-elles donc chercher dans ces groupes de parole? Support, soutien, partage, ressemblance, con-naissance, ... elles venaient également répondre à un besoin de se "montrer", d'élaborer leur désir, de se définir dans cette expérience de grossesse. De plus, même si cela n'est pas toujours apparu clairement au début des rencontres, les femmes participant aux grou-pes représentaient souvent ce qu'on appelle des "gros-sesses à risques", médicalement parlant et peut-être surtout psychologiquement parlant.

Sécurité et liberté

Les groupes ont eu sur les femmes un effet sécurisant; des liens très serrés s'y sont créés, qui durent au-delà de la fin des rencontres... C'est d'ailleurs sans doute en partie ce qui nous a permis de nous retirer graduellement. Si les groupes prenaient par-fois une allure de "normalisation", très vite s'y est manifesté une grande tolérance favorisant une plus grande liberté face au discours environnant, beaucoup moins évidente chez les femmes des groupes témoins, et une prise en main d'elles-mêmes. De plus les femmes des groupes de parole parlaient, nettement plus que les femmes de groupes témoins, à leur bébé, et ce, dès la naissance.

Un effet important des groupes de parole se manifeste dans la qualité même des accouchements. Non seulement les grossesses des femmes participant aux rencontres se sont-elles avérées "belles" et sans ennuis médica-lement repérables, mais les accouchements l'ont été tout autant, par exemple, temps du travail d'accouche-ment relativement court comparé à celui des femmes des groupes témoins, pas de césariennes, etc.

Mais la preuve de la nécessité de groupes plus ou moins de ce type, où les femmes puissent parler en toute liberté vient surtout du discours des femmes elles-mêmes, de leur assiduité, de leur insistance à prolonger les groupes, de leur demande répétée depuis que nous avons cessé ces rencontres, d'y participer à nouveau au moment d ' une nouvelle grossesse et du regret de bon nombre de femmes des groupes témoins de n'en avoir point fait partie, surtout après la nais-sance du bébé.

La nécessi té de groupes de "paroles"

Il nous apparaît crucial que les femmes enceintes puissent disposer d'une place, d'un lieu, d'un temps pour tout simplement "parler" entre elles... quitte à faire cette place à 1'intérieur même d'un programme périnatal. Tous nos modes d'évaluation, depuis les questionnaires jusqu'aux rencontres hebdomadaires, soulignent l'importance d'une présence au moment du post-partum immédiat et dans les mois qui suivent. L'organisation et l'animation de ces lieux de parole serait faite, à notre avis, de la manière la plus pro-fitable par des gens du secteur, disponibles aux femmes et dans une continuité périnatale, la place d'un psychanalyste pouvant se résumer à celle de con-sultant dans un tel projet.

Pour les mères célibataires

Il serait également souhaitable que des efforts soient entrepris pour rejoindre les très jeunes mères céliba-taires, tant il nous semble évident que, réunies entre elles, celles-ci, peut-être plus que quiconque, profi-teraient d'un lieu de parole.

Pour les pères

Enfin, il est une demande à laquelle nous n'avons malheureusement pas pu répondre, mais à laquelle U

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serait sans doute intéressant de donner suite: celle de nombreux pères désirant des "petits groupes de pères".

La prévention, c'est aussi dans le dire

Il se fait actuellement un énorme travail et des efforts d'une importance vitale pour favoriser une meilleure santé de la population, en particulier du côté de la périnatal lté, mais cela ne peut se faire sans un effort tout aussi soutenu du côté de la santé mentale; et dans ce domaine, la parole peut avoir un effet préventif qu'il ne faudrait certainement pas sous-estimer et des incidences sur la santé physique elle-même. Nous laissons d'ailleurs là-dessus la parole à une des femmes de nos groupes.

Une d'elles un jour raconta, non sans malaise et cul-pabilité, qu'elle avait eu envie de lancer son bébé sur le mur alors qu'il pleurait; une autre lui dit: "Maintenant que tu nous l'as dit, tu ne le feras pas"!

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UN PROJET AUDACIEUX: L'ENTRAÎNEMENT À LA RELATION D'AIDE D'UN PERSONNEL MULTI DISCIPLINAIRE AU DSC DE VERDUN

par Louise Dupuy-Walker*

Durant la dernière décennie, les recherches en santé mentale et communautaire ont démontré l'importance de la qualité de la relation interpersonnelle établie entre le "client-patient" et la personne "soignante".

Plus près de nous, Lucien Auger, dans son ouvrage intitulé Communication et épanouissement personnel, la relation d'aide, souligne les difficultés qu'éprouvent les agents d'aide à entretenir des relations aidantes dans le cours de leur travail. Il dira:

Le besoin d 'a ide

Si la souffrance physique doit être un objet d'atten-tion médicale, el le peut aussi être considérée comme un aspect symptomatique d'une souffrance psychologi-que: une expression par le corps d'un vécu émotionnel qui a peine à s'exprimer autrement. Les demandes de soins dans les cliniques et différents services hospi-taliers recouvrent fort souvent des problèmes d'une autre nature que celle présentée par le bénéficiaire; la signification réelle de la demande est en fait à décoder par le(la) professionnel(le) en question.

Certains programmes de formation des infirmières ont reconnu 11 importance d'un entraînement à la relation d'aide à l'intérieur de leur curriculum. Aux États-Unis, on a publié maints documents sur le sujet: qu'il suffise de rappeler à cet effet les travaux de Kalisch (1971, 1973) et ceux de La Monica et Karshmer (1978) sur le développement de 1'empathie chez les infirmières.

Madame Louise Dupuy-Walker détient un Ph.D. en orthopédagogie. Présentement professeure à l'Université du Québec à Montréal au département des Sciences de l'éducation, elle a été auparavant psychologue è l'Hôpital Notre-Dame.

"Le temps réduit dont ils disposent pour aider un grand nombre d'aidés porte souvent les agents d'aide sociale à abuser du conseil immé-diat et à offrir à leurs aidés des solutions instantannées à leurs problèmes, sans se préoc-cuper de prendre le temps suffisant pour com-prendre la situation réelle dans laquelle ils se trouvent." (Auger, p. 111).

Un programme de formation

Conscientes de cette situation, deux cadres et un con-seiller du Département de santé communautaire de Verdun ont conçu un projet visant la formation è la relat ion d'aide de tout le personnel en contact avec la clientèle.

Projet audacieux, il va sans dire; il allait demander de la part de ses initiatrices: Noëlle Drouin-Doss, Gaby Brodeur et Denise Béliveau, un énorme investisse-ment organisationnel ; il allait provoquer des ré-flexions profondes sur le type de relations et de ser-vices offerts à la population; il allait mettre en relation interpersonnelle les différents agents de soins et les faire collaborer à l'étude des plans d'intervention de leurs clients mutuels.

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Déroulement de l 'expérience

Le projet d'entraînement à la relation d'aide pour le personnel du DSC de Verdun avait pour objecif entre autres, d'amener ce dernier à être plus conscient de son rôle, comme agent de changement, de l'aider à reconnaître la signifieat ion des messages de ses clients, de l'entraîner b l'écoute active, de lui mon-trer des techniques d'intervention possibles en regard des cas présentés.

Les groupes

À cet effet, six groupes ont été formés. A l'excep-tion du premier qui était constitué exclusivement de cadres et de conseillers, les autres étaient tout à fait muItidisciplmaires: infirmières en santé sco-laire, en santé maternelle et infantile, ou affectées aux soins à domicile, hygiénistes dentaires ou récep-tionnistes, etc. Il arrivait que les participants(es) aient à travailler ensemble mais la plupart du temps, ils(elles) ne se connaissent que de noms ou de visages.

Trente heures de rencontres totalisant dix ateliers étaient al louées à chacun des groupes selon différen-tes répartitions de temps. Le groupe six par exemple, était donné en intensif : cinq jours, à raison d'une journée par semaine. La majorité des autres groupes fonctionnait selon une formule variable: les premiers cours ayant lieu 11 avant-midi à raison d'une fois la semaine suivis des sessions 3 et 4 ou 4 et 5 données intensivement. Les 9 e et 10e sessions étaient aussi généralement groupées.

Les rencontres

Les trois premières rencontres portaient principale-ment sur les bases théoriques sur lesquelles reposent la relation d'aide: la nature de l'empathie, l'enco-dage des messages, les techniques d'écoute, le reflet,

la reformulation, les obstacles à la communication, etc. Les rencontres 4, 5 et 6 étaient consacrées à un entraînement systématique à l'utilisation de ces tech-niques en tant que telles tandis que les dernières rencontres s'appuyaient sur les cas qui constituaient le travail quotidien de chacun. Les situât ions étaient alors illustrées par des jeux de rôles; les interventions proposées étaient ensuite évaluées quant à leur valeur "aidante" ou leur signification clini-que. Quelquefois, ces ateliers étaient enregistrés sur des bandes magnétoscopiques, ce qui permettait des prises de conscience plus approfondies sur les attitu-des et les genres d'interventions habituellement déployées en face de clients réels.

Commenta i res sur l 'expérience

Fournir du perfectionnement à plus de 60 personnes sur les heures régulières de travail durant une période de 6 mois constitue un défi de taille. La principale difficulté réside dans le remplacement du personnel surtout celui affecté aux soins à domicile. Pour ce dernier, 1'horaire intensif est plus facile à aména-ger. Pour d'autres, le départ unique de 11 avant-midi permet de quand même faire face aux problèmes quoti-diens. Toutefois, plusieurs des participants(es) ont dit éprouver de la difficulté à reprendre leur tâche régulière avec motivation dans l'après-midi.

Pour les animatrices (L. Dupuy-Walker et Johanne Riou) de ces sessions, les formules mixtes (2 jours inten-sifs, 6 avant-midis) semblent donner les meilleurs fruits. Les membres de l'équipe ont le temps de se connaître, de discuter de leurs cas, de leurs modèles d'intervention et d'opérer un certain suivi sur les effets de leurs changements d'intervention. Les uns(es) par rapport aux autres deviennent de vérita-bles "conseillers en relation d'aide".

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La composition des groupes

L'hétérogénéité des formations de base des membres semble, elle aussi, être plus profitable qu'un groupe-ment homogène. La diversité des niveaux de connais-sances de base apportent certains problèmes quand il s'agit de faire des exposés théoriques sur la matière. Ces inconvénients sont largement compensés par la richesse des discussions sur les actions à entreprendre vis-à-vis de tels cas particuliers. Cer-tains(es) seront plus à l'aise avec leur vécu émotion-nel, plus spontanés(es) dans leurs interventions; d'autres pourront plus facilement éclairer la dynami-que clinique des cas présentés.

Les groupes constitués de 8 à 10 personnes, qui se permettent mutuellement d'occuper un certain espace psychologique, sont plus fonctionnels que ceux qui comptent moins de membres. C'est alors que le degré de motivation à participer activement et personnelle-ment à l'entraînement devient crucial. Le niveau d'affinité interpersonnelle prend alors une importance démesurée.

Le jeu de rôle

Les techniques de jeu de rôle comme méthode d'appren-tissage se sont révélées des plus intéressantes lors-que les membres des équipes ont décidé de mettre de côté leur gêne et leur appréhension d'être jugés par leurs collègues. Elles ont permis des discussions sur les avantages et inconvénients de leurs procédés de même que de trouver des solutions à des problèmes jus-qu'alors perçus comme quasi-insolubles. Ces échanges ont mis en évidence le poids de la solitude avec lequel beaucoup de ces agents d'aide opèrent. Dans le courant des activités quotidiennes, il y a peu de place réservées aux discussions de cas. La consulta-tion de ses collègues pourrait facilement laisser croire à de l'incompétence. Tel n'était pas le cas, dans ces ateliers où l'on pouvait constater la simili-

tude des problématiques et créer des col laborat ions qui eurent d'ailleurs des effets bénéfiques en dehors des limites du cours.

Les retombées de l 'expérience

Après avoir investi tant de temps, d'efforts et de ressources humaines et matérielles, il est de bon aloi de se demander en toute franchise "si le jeu en a valu la chandelle?" Nous n'avions pas prévu dans le design expérimental du projet d'effectuer des mesures préci-ses de 11 impact de notre act ion. Toutefois, nous avons administré un questionnaire, après plus ou moins un mois du dernier atelier, afin de recueillir des données sur les succès et échecs encourus lors de leurs essais de relat ion d'aide ; nous avons aussi des notes sur les principales difficultés rencontrées de même que sur ce qui a été appris ou reste à appren-dre. Il est impossible de fourni r, dans le cadre de cet article, le rapport détaillé et éloquent des fruits de l'expérience. 3e tâcherai donc de citer les extraits les plus représentatifs des opinions émises. Voici des exemples de réponses "J'ai réussi":

à laisser parler la personne en face de moi cinq minutes de plus qu'auparavant; à ne pas faire entrer mes sent i ment s dans ce qu'une personne me dit (transférer mon vécu dans son expérience).

"J'ai essayé": de me mettre dans la peau de mes clients pour com-prendre leur point de vue; de formuler des messages plus clairs; de verbaliser mes craintes plutôt que de les pro-jeter sur les autres.

"J'apprends": à écouter davantage et ne pas faire autre chose en même temps;

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à moins craindre les silences; à dire non quand c'est non; à garder mon contrôle quand on m'engueule.

Des questions qui restent en suspens:

comment faire comprendre aux bénéficiaires le bien-fondé de nos recommandations alors que leurs valeurs sont tout à fait différentes; comment aborder quelqu'un qui a un problème et qui refuse toute aide; comment concilier les exigences de production de rapports, dossiers et répondre au téléphone à des bénéficiaires qui ont besoin d'échanger pendant 45 minutes.

Ce que nous a appris le projet

La formation offerte par le DSC de Verdun était facul-tative et semble avoir principalement profité à ceux et celles qui avaient senti le besoin et le goût de se perfectîonner dans ce domaine ou de changer leurs modes de relation. Ce n'était évidemment pas la moti-vation de tous et toutes. Toutefois, les échanges entre professionnels(les) sur des cas semblent avoir fait l'objet d'un consensus positif et d'une demande de suite en ce sens.

On peut estimer qu'environ 67% des effectifs ont suivi le cours de façon régulière.

La sollicitation du personnel

Les situations présentées en jeu de rôle ont montré jusqu'à quel point ce personnel était sollicité pour fournir de l'écoute et de l'aide psychologique. Ainsi, la réceptionniste est souvent la première per-sonne qui reçoit la détresse ou l'agressivité de la clientèle. La qualité de sa réponse manifeste l'atti-tude du service envers le problème présenté. L'infir-

mière scolaire a souvent à décoder sous "les maux de tête et de ventre", les malaises réels et importants qui font souffrir ces enfants et adolescents. Cet adulte neutre dans la structure scolaire est quelque-fois la seule personne qui puisse exercer une action thérapeutique.

Le contexte des soins à domicile

Les infirmières affectées aux soins à domicile ont à travailler dans des contextes particulièrement diffi-ciles: le(la) patient(e) est entouré(e) par une famille qui est souvent pathologique et qui profite de l'insertion de cet aide pour faire part de toutes ses difficultés. L'infirmière se voit donc encerclée dans un réseau de relations plus ou moins pathologiques dont el le doit tenir compte si el le veut la guéri son de son(sa) patient(e); tout ceci doit quand même s'ef-fectuer à 1'intérieur d'une grille-horaire des plus serrée oîi cette dimension de l'acte médical est assez peu reconnu. En fait, on a souvent laissé aux psy-chiatres, psychologues, travailleurs sociaux, la res-ponsabilité exclusive de la relation thérapeutique d'ordre "psychologique".

L'importance du premier intervenant

Pourtant, on sait bien que ces services sont surchar-gés. On sait aussi que les bénéficiaires qui deman-dent de 11 aide aux infirmières, aux réceptionnistes, etc., n'iraient pas d'eux-mêmes faire appel à ces spé-cialistes. Ces personnes ont besoin d'éprouver d1 abord une relat ion de confiance dans leur milieu naturel. Ils(elles) ont besoin d'être écouté et pris en charge au moment précis où ils(elles) se décident enfin à confier à quelqu'un le vrai problème que sous-tend leur demande.

Il ne s'agit pas ici de diminuer la qualité des soins psychologiques en faisant de tous et chacun des "thérapeutes à 1'eau de rose"; il s'agit de fournir

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des connaissances et des habiletés d'écoute aux per-sonnes qui naturellement sont reconnues par la popula-tion comme des agents d'aide; il s'agit de donner suf-fisamment d'entraînement clinique à ces personnels pour qu'îls(elles) connaissent autant les possibilités que les limites de leurs interventions.

Une question de prévention

Même si l'instauration dans les services de santé d'un "régime d'écoute active" envers les clients pourrait sembler coûteuse à cette époque de coupures budgétai-res, il me semble qu'elle pourrait à long terme deve-nir des plus profitables pour la santé mentale en général par son rôle préventif. Il ne faut pas croire que de jouer b l'autruche en coupan les services les plus proches de la population va entraîner une diminu-tion de sproblèmes. La souffrance de quelque nature qu'elle soit si elle n'est pas assumée par un autre humain ne peut que s'accroître et se manifester sous toutes sortes de formes; c'est alors qu'elle devra être prise en charge par un système médical ou juridi-que beaucoup plus coûteux.

KALISH, B.3., An experiment in the Development of Empathy in Nursing Students. Nursing Research, 1971, 20(3): 202-211.

LA MONICA, EL, KARSHMER, J.F., Empathy: Educating Nurses in Professional Practice. Journal of Nursing Education, 1978, 17(2): 3-11.

LORE, Ann, Effective Therapeutic Communications. Prentice-Hall, Publishing and Co., Bowie, 1981.

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EVALUATION DE LA SANTÉ GLOBALE PAR UNE ENQUÊTE DE POPULATION

par Viviane Kovess*

L'étude que nous allons décrire ici est une étude "pilote" à proprement parler puisqu'elle constitue la phase préliminaire d'une enquête qui devrait être élargie et apporter des renseignements concernant la province.

Pour une définition plus actuelle de la san té

Cette étude, initiée par la Direction générale des programmes de santé et les services d'épidémiologie du ministère des Affaires sociales et à laquelle la direction des DSC a participé, a permis la mise au point d'un instrument et la réalisation d'une enquête à 1 'échelon de deux DSC; celui de Verdun et celui de Rimouski, particulièrement concernés et intéressés par le processus. L'instrument utilisé par Santé Canada (1978-1979) a été considéré comme une base h partir de laquelle un instrument Santé Québec devait être créé. Cependant, c'est l'évaluation de la santé mentale qui semblait nécessiter le plus de développement. De fait, le MAS privilégiait une approche fonctionnaliste à savoir 1'étude des conséquences de la maladie sur les différents rôles (professionnels, familiaux, sociaux) de l'individu. Ceci dans l'optique d'une déf m i t ion plus actuelle de la santé qui n'est plus une absence de maladie mais un état de bien-être phy-sique et psychologique.

Madame Viviane Kovess est médecin et détient une maîtrise en sciences. Professeure aux départe-ments d'épidémiologie et de psychiat rîe de l'Université McGi11, el Le est aussi membre de l'uni té de recherche psychosociale du Centre hospitalier Douglas.

Les interactions entre retentissements fonctionnels et santé mentale ont été largement étudiés. Encore très récemment, Graig et Van Natta soulignaient 1 ' impor-tance dans les études de communautés de tenir compte de la santé ment aie partîculîèrement de la dépression dans toute étude qui s'intéresse aux dys fonctions étant donné les associat ions qui existaient entre ces deux facteurs.

Santé physique et santé mentale Les arguments qui ont amené à mesurer en même temps santé physîque et santé ment aie, groupés dans le con-cept de santé globale, sont en fait nombreux:

1. les association entre maladie physique et maladie mentale sont très fréquentes. Sans vouloir éta-blir la direct ion du lien causa 1, il est bien établi que l'état de santé physique exercice une influence sur l'état de santé mentale et la rela-tion inverse s'exerce aussi;

2. les enquêtes de santé mentale qui n'étudient que cet aspect, néglîgent des informat ions considéra-bles sur l'état du sujet; présence d'une maladie à risque mortel par exemple; de plus, elles s'expo-sent à une acceptab11 lté moins grande. En effet, il est plus facile de parler de santé en général que de santé mentale même si I'aspect négatif de la maladie psychi atrique est de plus en plus nuancé dans le public;

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3. enfin, la distinction exacte entre ce qui est men-tal et ce qui est physique n'est pas toujours évi-dente. Ceci est particulièrement vrai dans le cas des patients dits "fonctionnels" qui sont de gros consommateurs de services desquels on peut rappro-cher les cas de dépression masqués où les symptô-mes de dépression sont essentiellement présentés comme des symptômes physiques.

Tous ces arguments jutifient certainement une approche globale de 1 ' évalua t ion de la santé et de ses reten-tissements sur les rôles des individus affectés par des problèmes de santé.

Présenta t ion de l 'étude

L'étude à laquelle nous nous référons ici a commencé en janvier 1983 et doit se terminer en mars prochain; elle aura permis:

de réaliser une enquête sur 900 ménages tirés au sort et représentatifs des territoires de CLSC, dans les DSC de Verdun et de Rimouski, soit en tout 1800 ménages représentant environ 4 000 personnes; de valider l'instrument ainsi utilisé sur une population québécoise.

Les instruments utilisés comprenaient:

1. une fiche de ménage destinée à établir la struc-ture familiale et les formes d'habitation;

2. un questionnaire rempli par l'interviewer; 3. un auto-questionnaire qui doit être laissé à toute

personne de plus de 15 ans.

Ces questionnaires nous ont permis de recueillir des renseignements sur les thèmes suivants:

1. les problèmes de santé physique et psychique, aigus et chroniques;

2. les recours aux services de santé psychiatrique et non psychiatrique;

3. le retentissement de ces problèmes sur différents rôles de leur vie: professionel, marital et social;

4. le pattern d'ut i11sat ion des médicaments psycho-tropes et non psychotropes;

5. les habitudes de vie; 6. la satisfaction dans les différents secteurs de

leur vie (Roen, 1969) et leur état psychologique tel que mesuré par différentes échelles (P.S.I. Illfeld, 1976; G.W.B.S. Dupuy, 1970);

7. les stress dont ils auraient pu être victimes l'année précédente (Holmes et Rahe).

À ces données s'ajoutent des données de type sociolo-gique: années de scolarité, profession, revenu, langage, religion. Oe plus, des données géographi-ques: distance au point de service (hôpital, CLSC, point de services) ont été recueillies.

De plus, étant donné l'intérêt d'évaluer la santé mentale de spopulations marginales et institutionnali-sées, difficilement atteintes lors des enquêtes dans les populations: chambreurs (itinérants) et popula-tions institutionnalisées. On sait en effet que les patients présentant les troubles psychiatriques majeurs (psychoses) sont rarement présents dans les populations générales, mais que leur taux est élevé parmi les populations marginales (itinérantes) et une version spéciale a été créée pour ce faire. Signalons également qu'une version spécifiquement destinée à mesurer la santé mentale de la population infantile sera intégrée à l'instrument actuel (Dr J.-P. Valla, Hôpital Rivière-des-Prairies, Montréal).

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Une meil leure conna i s sance pour planifier

Les analyses devraient permettre en outre, d'établir des indices :

de dysfonctionnement dans chacun des rôles et un indice global de dysfonctionnement; les raisons (mentales, physiques ou une associa-tion des deux) de ces troubles?

. les morbidités physiques et mentales; et les modes d'utilisation des soins: consulta-tions spéciales ou usage des médicaments et hospi-talisation suivant les dysfonctions et les morbidités.

Enfin, in indicateur de morbidité globale sera calculé.

Dans un deuxième temps, des analyses plus raffinées pourraient permettre d'établir les interactions entre maladie physique et maladie mentale. Grâce à la par-ticipation active des DSC concernés, nous espérons que l'enquête sera à même d'influencer le processus de planification et de clarifier les priorités.

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CONCLUSION

Le rôle du DSC en santé mentale communautaire

La mass ion du OSC doit se traduire en termes opéra-tionnels par les fonctions de planification, de coor-dination, de recherche et d'évaluation, d'enseignement et de formation; nous croyons qu'elle sera accomplie dans et par l'implication des multiples éléments qui composent la communauté que nous devons desservir.

Les nombreux intervenants médico-psycho-social-commu-nautaire-politique de notre territoire doivent se sentir concernés dans la recherche des mesures préven-tives pour pallier cette ÉPIDÉMIE MODERNE que sont les affections psychosociales.

Compte tenu que la SANTÉ MENTALE EST UNE DIMENSION DE LA SANTÉ GLOBALE, si chacune des personnes, profes-s i o n n e l les) de la santé et des services sociaux ou aidants naturels travaillant auprès d'un groupe spéci-fique se reconnaissait une responsabilité en regard de cet aspect de la santé, les obstacles ë l'amélioration de l'état de santé psychique de notre population en seraient grandement atténués.

Au cours des trois prochaines années, nous voulons dans l'exercice de notre mandat, renforcer le rôle des agents de santé, en les considérant comme nos ARTISANS du changement des mentalités et des attitudes en regard de la santé mentale. Nous voulons avec eux, trouver les chemins de collaboration avec les citoyens pour construire la manière de se comporter avec les problèmes émotionnels de l'existence, spécialement parce que les gens préfèrent ignorer ces problèmes, parce qu'ils les considèrent pas importants par rap-port à d'autres problèmes et parce qu'ils pensent qu'ils ne peuvent rien faire pour les solutionner.

Afin de répondre aux besoins de services relatifs à la santé mentale, qui constituent 1'une des priorités majeures parmi 1'ensemble des besoins mal satisfaits de notre population selon l'étude d'André Hubert, la collaboration des divers organismes concernés est souhaitée.

Ensembe, il nous faudra trouver la meilleure façon d'apporter du support à des personnes infortunées, sans soutien affectif de leur famille immédiate et qui doivent surmonter le stress ou 1'angoisse d'un drame imprévu, un suicide d'un proche par exemple.

Il faut mentionner également l'importance des dimen-sions sociales de la santé mentale. Ainsi, nous avons la conviction profonde que toutes les mesures sociales d'aide qui brisent 1'isolement, qui maintiennent la dignité de l'être et qui lui assurent la capacité de combler ses besoins primaires de gîte, de nourriture et de vêtement sont des mesures de prévention primaire en santé mentale. Une qualité de vie sociale procure un mieux-être psychologique et augmente les chances du maintien d'un équilibre émotif.

Pour les tenants du non-interventionnisme en matière de santé mentale et qui considèrent la vie affective comme une chose intime et secrète, nous fermons notre DOSSIER en citant le grand maître à penser René Dubos:

"LA MÉDECINE GUÉRIT QUELQUEFOIS, SOULAGE SOUVENT MAIS ELLE DOIT TOUJOURS CONSOLER"

Page 58: Département DOSSIERS · par Gaston P. Harriots L'ampleur du problème 5 Le coût: 18% des dépenses du MAS 5 L'augmentation des cas de maladies chroniques ... 5 . Définir la santé,

G 894 Ex.2 Béliveau, Denise et a l .

Les dossiers du DSC : la santé mentale une dimension de la santé globale

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