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A près avoir débattu, étudié et identifié les grands axes de création d’entreprises durant les précédents forums du ma- nager, organisés depuis le début 2008, le forum s’est tout naturellement penché ce mois-ci sur un thème dont l’objectif était de renforcer l’idée selon laquelle la forma- tion, le financement et l’accompagnement sont des facteurs clés de succès. C’est ainsi que l’essaimage apparaît comme une suite logique, voire une alternative, à la création d’entreprise. Et ce, pour deux raisons prin- cipales. La première concerne le salarié lui- même. En effet, l’essaimage est une réelle opportunité pour les salariés ayant fait le choix, ou pas, de se détacher de leur struc- ture habituelle pour créer à leur tour une entreprise qui va apporter une réelle valeur ajoutée sur le marché. En plus, l’essaimé bé- néficie de l’expertise, de l’accompagnement et des possibilités de partenariat offerts par son entreprise d’origine. Pour les entreprises sources, l’idée est de créer des opportunités d’affaires autour de leur secteur d’activité. Pour l’entreprise, les avantages sont multi- ples : un effectif qui s’ajuste, un savoir-faire qui se spécialise, une culture d’entreprise qui s’instaure, un label qui se crée… Sans oublier l’image positive et la réputa- tion dont jouira l’entreprise qui sera perçue comme une entreprise «citoyenne». unacteseméd’embûches Le plus souvent, l’essaimage, initiative in- dividuelle, est salué par l’entreprise source. Cette dernière veillera à l’accomplissement du projet et offrira un accompagnement adéquat. Cependant, le porteur de projet ne doit pas se reposer sur ses lauriers. Il est important (la pérennité de son entreprise en dépend) de déclencher des opportunités d’affaires à travers la création de partena- riats multisources pour ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Car pour l’essaimé, le revers de la médaille serait de tomber dans une sorte de dépendance ré- duisant son champ de vision du marché et asphyxiant ses ambitions futures. C’est ainsi que l’essaimé doit pouvoir diversifier son portefeuille client et ne pas tomber dans le piège du confort du client unique, souvent son entreprise source. Car là, nous sommes bien dans une relation «business to busi- ness». C’est aussi une façon pour l’essaimé de s’affranchir et de pouvoir voler de ses propres ailes, objectif ultime de l’essaimage. Le témoignage de sDriss Souini, ancien fonctionnaire de l’ONCF, illustre parfai- tement cette situation inconfortable dont souffrent beaucoup d’entreprises essai- mées. Suite à une entente de gré à gré, cet ex-ONCF a eu l’idée de monter une entre- prise de nettoyage de rails, un métier très spécifique aux chemins de fer et dont Driss Souini détenait l’expertise, à un moment où l’Office devait se détacher de certains de ses membres. Profitant d’un contrat d’exclusi- vité d’une durée de trois ans avec son an- cien employeur, il n’a pas su capitaliser sur le futur, puisque, passé ce délai, l’Office, de par son statut d’entreprise publique, avait pour obligation d’octroyer ce marché sur appel d’offres. Plusieurs entreprises y ayant répondu, celle de Souini a perdu ses avan- tages compétitifs. Sa fragilité s’est vite fait Un tremplin pour l’émancipation L’essaimage est une occasion d’émancipation des salariés. Mais voler de ses propres ailes demeure tout de même un sacré challenge pour le salarié habitué à un train de vie sécurisé. Souhaitant cerner cette démarche et en débattre, le Forum du Manager a convié un panel d’essaimés, d’entreprises sources, d’accompagnateurs, de coaches... Cahier du manager L’essaimage forumdu manager 52 définition L’essaimage c’est quoi? Le mot essaimage, dans son sens premier, fait référence à la culture des abeilles. Pour agrandir leur empire, les abeilles se détachent instinctivement de leur ruche avec l’appui de leur mentor, la reine! Essai- mer a pour synonyme: étendre, répandre, s’éparpiller… C’est en observant le travail déconcertant de ces petits insectes que le mot essaima- ge a été repris dans le monde des affaires avec pour principal objectif de démythifier l’acte d’entreprendre en encourageant les salariés à aller au bout de leurs aspirations professionnelles. La nature n’a pas fini de nous inspirer!

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A près avoir débattu, étudié et identifié les grands axes de création d’entreprises durant les précédents forums du ma-

nager, organisés depuis le début 2008, le forum s’est tout naturellement penché ce mois-ci sur un thème dont l’objectif était de renforcer l’idée selon laquelle la forma-tion, le financement et l’accompagnement sont des facteurs clés de succès. C’est ainsi que l’essaimage apparaît comme une suite logique, voire une alternative, à la création d’entreprise. Et ce, pour deux raisons prin-cipales. La première concerne le salarié lui-même. En effet, l’essaimage est une réelle opportunité pour les salariés ayant fait le choix, ou pas, de se détacher de leur struc-ture habituelle pour créer à leur tour une entreprise qui va apporter une réelle valeur ajoutée sur le marché. En plus, l’essaimé bé-néficie de l’expertise, de l’accompagnement et des possibilités de partenariat offerts par

son entreprise d’origine. Pour les entreprises sources, l’idée est de créer des opportunités d’affaires autour de leur secteur d’activité. Pour l’entreprise, les avantages sont multi-ples : un effectif qui s’ajuste, un savoir-faire qui se spécialise, une culture d’entreprise qui s’instaure, un label qui se crée… Sans oublier l’image positive et la réputa-tion dont jouira l’entreprise qui sera perçue comme une entreprise «citoyenne».

unacteseméd’embûchesLe plus souvent, l’essaimage, initiative in-dividuelle, est salué par l’entreprise source. Cette dernière veillera à l’accomplissement du projet et offrira un accompagnement adéquat. Cependant, le porteur de projet ne doit pas se reposer sur ses lauriers. Il est important (la pérennité de son entreprise en dépend) de déclencher des opportunités d’affaires à travers la création de partena-riats multisources pour ne pas mettre tous

ses œufs dans le même panier. Car pour l’essaimé, le revers de la médaille serait de tomber dans une sorte de dépendance ré-duisant son champ de vision du marché et asphyxiant ses ambitions futures. C’est ainsi que l’essaimé doit pouvoir diversifier son portefeuille client et ne pas tomber dans le piège du confort du client unique, souvent son entreprise source. Car là, nous sommes bien dans une relation «business to busi-ness». C’est aussi une façon pour l’essaimé de s’affranchir et de pouvoir voler de ses propres ailes, objectif ultime de l’essaimage. Le témoignage de sDriss Souini, ancien fonctionnaire de l’ONCF, illustre parfai-tement cette situation inconfortable dont souffrent beaucoup d’entreprises essai-mées. Suite à une entente de gré à gré, cet ex-ONCF a eu l’idée de monter une entre-prise de nettoyage de rails, un métier très spécifique aux chemins de fer et dont Driss Souini détenait l’expertise, à un moment où l’Office devait se détacher de certains de ses membres. Profitant d’un contrat d’exclusi-vité d’une durée de trois ans avec son an-cien employeur, il n’a pas su capitaliser sur le futur, puisque, passé ce délai, l’Office, de par son statut d’entreprise publique, avait pour obligation d’octroyer ce marché sur appel d’offres. Plusieurs entreprises y ayant répondu, celle de Souini a perdu ses avan-tages compétitifs. Sa fragilité s’est vite fait

Un tremplin pourl’émancipation

L’essaimage est une occasion d’émancipation des salariés. Mais voler de ses propres ailes demeure tout de même un sacré challenge pour le salarié habitué à un train de vie sécurisé. Souhaitant cerner cette démarche et en débattre, le Forum du Manager a convié un panel d’essaimés, d’entreprises sources, d’accompagnateurs, de coaches...

Cahier du manager

L’essaimage

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ition

L’essaimage c’est quoi? Le mot essaimage, dans son sens premier, fait référence à la culture des abeilles. Pour agrandir leur empire, les abeilles se détachent instinctivement de leur ruche avec l’appui de leur mentor, la reine! Essai-mer a pour synonyme: étendre, répandre, s’éparpiller…

C’est en observant le travail déconcertant de ces petits insectes que le mot essaima-ge a été repris dans le monde des affaires avec pour principal objectif de démythifier l’acte d’entreprendre en encourageant les salariés à aller au bout de leurs aspirations professionnelles. La nature n’a pas fini de nous inspirer!

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ressentir car, depuis, l’entreprise est mise en veilleuse et la plupart de ses salariés mis au chômage technique. Pour cette entreprise, l’essaimage était une excellente opportuni-té, mais son dirigeant souffrait d’un manque flagrant de vision, car mal préparé à l’entre-prenariat. Même si pour lui, «aucune initia-tive de l’entreprise source n’a été formulée pour m’encourager à accroître mon capital humain, à moderniser mes installations techniques, ou encore à m’assurer un accompagnement vala-ble pour cette transition fonctionnaire du pu-blic à entrepreneur du privé.» Comment dans ce cas réussir à dépasser le cas fatidique des 5 premières années? Une question posée par Reda Idrissi, de Capital Consulting, qui a fait réagir les coaches et accompagnateurs présents au forum. Tous s’accordent à dire que les compétences techniques ne suffisent pas. En complément des connaissances techniques, la connais-sance des rouages managériaux (finance,

RH, marketing, fiscalité) se doit d’être pro-grammée ponctuellement afin d’assurer la performance de l’entreprise. Mais ce n’est pas tout, lance Reda Idrissi. L’adéquation «Homme-projet» est primor-diale, parce qu’élément fondamental pen-dant la présentation du projet.

unpartenariatgagnant-gagnant En créant une cellule d’essaimage (souvent rattachée à la DRH), les responsables du

top management ayant un certain nom-bre d’années d’expérience seront les mieux placés pour nourrir les idées des salariés et faire émerger leurs ambitions refoulées de créer des entreprises indépendantes. De ce fait, ces nouveaux entrepreneurs pourront gagner en assurance à travers l’appui de l’entreprise jusqu’à ce que le projet donne ses premiers fruits. À ce stade, le cordon ombilical n’est pas totalement coupé, mais la confiance règne entre les deux parties, créant un partenariat gagnant-gagnant. Pour avoir une visibilité du marché, mul-tiplier les partenariats commerciaux est un des points sensibles auquel l’essaimé devra faire attention. Il ne s’agit pas de rompre avec son entreprise-marraine, mais mul-tiplier les collaborations est une meilleure manière de réduire ou d’écarter le risque de tomber dans le problème vécu par la «Sir-ned», la société de Souini. Entreprendre, c’est aussi apprendre à voler de ses propres

Compte tenu du développement économique et social qu’elle peut générer, la pratique de l’essaimage

a toutes les chances de s’étendre à travers le MarocNawal Houti Dg de Success Publications

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Les + pour le salarié n Accompagnement technique méthodique, de l’idée jusqu’à la concrétisation du projet, n Possibilité de profiter du savoir-faire et de l’expertise de son entreprise source .

Les + pour l’entreprise n Un outil flexible pour recruter des managers non pas exécutants, mais entrepreneurs dans l’âme afin de dynamiser les équipes, n Externalisation de certaines filières et réajustement des effectifs, n Diffusion d’une culture d’entreprise à travers la création de labels,n Création d’un partenariat gagnant-gagnant.

Une cellule d’essaimage, drivée par les responsables du top management, permettra de faire émerger les ambitions.

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ailes et c’est en cela que l’essaimage pourrait être une très bonne alternative à la création d’entreprise «qu’il soit à chaud -dans le cas d’un plan social- ou à froid -dans le cas d’un départ négocié ou de pré-retraite», comme l’a si bien dit Rachid El Amrani, Dg d’Origi-nal Invest.

àchaud,àfroid,étudié…L’essaimage à chaud, à froid… les raisons à l’origine de la réflexion sont multiples. Ce qui engendre plusieurs manières de mon-ter un programme d’essaimage en interne. Un essaimage «à froid» entre dans une lo-gique de développement, de création de pôle complémentaire pas nécessairement stratégique. Il concerne les entreprises qui, à la suite d’une restructuration, tentent de réduire leurs effectifs pour se consacrer ex-clusivement à leur cœur de métier. Dans ce cas, les essaimés pourront se consacrer à une partie de la chaîne de valeur. L’essaimage sera perçu dès lors comme une forme d’ex-ternalisation. Les avantages sont multiples et non négligeables : une bonne connais-sance du métier et des besoins de son pre-mier client qui n’est autre que son dernier employeur, absence d’installation nouvelle, facilités au niveau du financement… la liste est loin d’être exhaustive. L’essaimage «à chaud», qui se fait souvent dans l’urgence, vient souvent à la suite d’un

plan social lié à une conjoncture défavora-ble ou, parfois, suite à un changement d’ac-tionnaires. C’est le cas de «Brasseries du Maroc» qui avait subi, lors du rachat par le groupe fran-çais Castel, une refonte totale de son orga-nisation et avait décidé de se séparer de cer-tains métiers pour se recentrer sur son cœur de métier, la fabrication et l’embouteillage de boissons. «En fait, nous avons élaboré une opération d’essaimage sans le savoir!», lance Khalid Benhlima, responsable développe-ment RH des Brasseries du Maroc. Sauf que le nouvel actionnaire a fait le bon choix de concentrer ses efforts sur son métier de

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base tout en accompagnant les entreprises essaimées créées ou sur le point de l’être. C’est ainsi que plutôt que de subir un chô-mage technique, certaines entreprises ont même été le fruit de volontés individuelles. C’est le cas de la Fonda (un ancien employé) qui avait présenté son concept à ses patrons. Séduit par l’idée, l’entreprise source a décidé de l’accompagner durant tout son processus de développement. «Brasseries du Maroc» a également réussi, grâce à une opération d’essaimage, à créer une société spécialisée en logistique par un groupe de ses anciens employés. Qui en ont fait aujourd’hui une entreprise qui transporte les marchandises de plusieurs multinationales et est devenue, de fait, le partenaire n°1 de «Brasseries du Maroc». Toutefois, en tant que responsable RH, Khalid Benhlima ne cache pas sa crain-te de voir les meilleurs profils, dotés de qua-lités entrepreneuriales, quitter la structure, si les opérations d’essaimage prenaient plus d’ampleur. Rachid El Amrani, d’Original Invest tente de le rassurer en démontrant le contraire. «Les entreprises n’ont pas à s’inquié-ter. Bien au contraire, ces actions d’essaimage attireront les meilleurs parce que l’entreprise aura mis à leur disposition différents scénarios pour leur plan de carrière.» Non pas que les meilleurs quitteront l’entreprise, mais c’est cette dernière qui attirera les meilleurs car elle aura démontré son aptitude à créer des

Il ne s’agira plus de pousser à créer une entreprise, mais de savoir quel type

d’entreprise il faut créer

Meriem Aouad,Directeur Développement

Driss Souini,SIRNED

Khalid Bernchekroun,Cosumar

Khalid Benhlima,Brasseries du Maroc

Comment réussir à dépasser le cap fatidique des 5 premières années?n Dénicher des partenaires financiers solides, n S’assurer d’une adéquation entre l’Homme et le projet,n Créer une valeur ajoutée sur le marché en apportant un concept original, réaliste et résolvant un problème,n Visibilité du marché: multiplier les partenariats commerciaux en élargissant sa clientèle. Ne pas se consacrer entièrement aux attentes de l’entreprise essaimée, entreprendre, c’est aussi voler de ses propres ailes et découvrir d’autres cieux.