du même auteurekladata.com/rf936wj5n_7mt0p4xsc3l-qfwro.pdf · 4. achetez un calendrier et rayez un...
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Dumêmeauteur:
Girlonline–Tome12015
ZoeSugg,aliasZoella,estuneyoutubeusedeBrighton,auRoyaume-Uni.Sesvidéosconsacréesàlamode,àlabeautéetàlavieengénéralluiontvaludesmillionsdefansetattirentencoreplusdevisiteurschaquemois.
En2011,ellearemportéleCosmopolitanBlogAwarddu«MeilleurBlogBeauté»et,en2012,celuide«MeilleureBlogueuseBeauté».
En2013eten2014elleaégalementremportéleBBCRadio1’sTeenAwardsdanslacatégorie«MeilleureVlogueuseduRoyaume-Uni»,eten2014eten2015,elleaétéélueparleNickelodeonKids’Choice«VlogueusepréféréeduRoyaume-Uni».
Le Teen Choice Award lui a aussi été décerné en 2014, la consacrant cette fois«WebStarModeetBeauté».
Jedédiecelivreàtousceuxquil’ontrendupossibleetàtoutescellesetceuxquim’encouragent,oùqu’ilssetrouvent.
Avecmoninfiniereconnaissance.
Tabledesmatières
Dumêmeauteur
Copyright
Dédicace
ChapitreUn-Cinqjoursplustard…
ChapitreDeux
ChapitreTrois
ChapitreQuatre
ChapitreCinq
ChapitreSix
ChapitreSept
ChapitreHuit
ChapitreNeuf
ChapitreDix
ChapitreOnze
ChapitreDouze
ChapitreTreize
ChapitreQuatorze
ChapitreQuinze
ChapitreSeize
ChapitreDix-Sept
ChapitreDix-Huit
ChapitreDix-Neuf
ChapitreVingt
ChapitreVingtetun
ChapitreVingt-Deux
ChapitreVingt-Trois
ChapitreVingt-Quatre
ChapitreVingt-Cinq
ChapitreVingt-Six
ChapitreVingt-Sept
ChapitreVingt-Huit
ChapitreVingt-Neuf
ChapitreTrente
ChapitreTrenteetun
ChapitreTrente-Deux
ChapitreTrente-Trois
ChapitreTrente-Quatre
ChapitreTrente-Cinq
ChapitreTrente-Six
ChapitreTrente-Sept
ChapitreTrente-Huit
ChapitreTrente-Neuf
ChapitreQuarante
ChapitreQuaranteetun
ChapitreQuarante-Deux
ChapitreQuarante-Trois
ChapitreQuarante-Quatre
ChapitreQuarante-Cinq
ChapitreQuarante-Six
ChapitreQuarante-Sept
ChapitreQuarante-Huit
ChapitreQuarante-Neuf
ChapitreCinquante
ChapitreCinquanteetun
ChapitreCinquante-Deux
ChapitreCinquante-Trois
ChapitreCinquante-Quatre
ChapitreCinquante-Cinq
ChapitreCinquante-Six
ChapitreCinquante-Sept
ChapitreCinquante-Huit
ChapitreCinquante-Neuf
Remerciements
20juin
Commentsurvivreàunerelationàdistancequandvotrepetitcopainestundieudurock(supercanon)
1.TéléchargezSkype,WhatsApp,Snapchatet,d’unemanièregénérale,touteslesapplications dumême genre disponibles. Restez connecté(e) jusqu’au bout de lanuit (dans votre vieux pyjama préféré) et chattez avec lui jusqu’au moment où,incapabledegarderlesyeuxouverts,vousêtesabsolumentobligé(e)dedormir.2.Chaquefoisquevousn’arrivezpasàlejoindre,écoutezAutumnGirlenboucle.3.Installezuneapplicationspécialesurvotretéléphonepourconnaîtrel’heurequ’ilestlàoùilest.Celavouséviteradeleréveillerparerreuràtroisheuresdumatin.(Cequim’estarrivéunebonnedizainedefois!)4.Achetezuncalendrieret rayezunàun les joursquivousséparentdeceluioùvousallezlerevoir(ilnem’enreste,aupassage,PLUSQUECINQ).5.Débrouillez-vouspourgagnerauLoto,histoiredepouvoirabandonner le lycée,prendrel’avionetneplusjamaisêtreséparé(e)aussilongtempsdelui.6. Dans tous les cas, n’allez JAMAIS sur le Net chercher des vidéos del’éblouissantepopstarLeahBrown,àmoinsquevousneteniezabsolumentà lavoirentraindesetortillerautourdevotrepetitcopaindevantdesmillionsdefanshystériques.7. Et ne tapez JAMAIS son nom sur aucun moteur de recherche, car vousn’obtiendrezquelalistedetoutcequ’ilfaitdegénialpendantquevousrévisezvosexamens.Mescherslecteurs,mêmesiunjourjemedisquejepourraisrouvrirceblog,jeneleferaijamais.Parceque– je lesais– jen’aipas ledroitdem’épancher,dem’inquiéter,demesentirmoins quemignonne et plus qu’un-tout-petit-peu jalouse quand l’élu demoncœurestlegarçonleplusadorabledumondeetqu’ilnem’adonnéaucuneraisondem’enfaire,pasvrai?Dites-moi que j’ai raison, et que ça va aller. Je ne sais pas comment je vaissurvivre…
GIRLOFFLINE…etplusjamaisonlinexxx
ChapitreUn
Cinqjoursplustard…
Les salles d’examens avec vue sur la mer devraient être déclarées illégales etdéfinitivementinterdites.
Cen’estpasjusted’êtrecoincéeàl’intérieur,lamainparalyséeàforcedecrisperles doigts sur son stylo, quand dehors le soleil joue sur les vagues et qu’il fait si beau.Commentsuis-jecenséemerappelerlenomdel’épousenuméroquatreduroiHenryVIII,alorsquelesoiseauxchantentetquejejureraisentendrelejoyeuxtintementduvendeurdeglacesambulant?
D’unmouvementde tête, je chasse l’imaged’undélicieuxcornet deglace surmontéd’unbâtondechocolatpouressayerdemebrancherdirectementsurlecerveaudemonmeilleurami,Elliot. Il n’auraitaucunmalàse rappeler lesévénements, lesdateset lesnomsdetouslespersonnagesconcernésparmonsujetd’histoire.Jel’aisurnomméWiki,parcequesoncrânesembleabriterautantdeconnaissancesqueWikipédia.Alorsquemesfichesderévisions’effacentdemamémoireplusvitequ’unSnapchat.
J’essaiedemeconcentrersurmafeuille,maislesmotsdansentdevantmesyeux.Jen’arrivemêmepasà reliremon gribouillage. J’espère que le correcteur chargé demacopieauraplusdechance.
Choisir l’histoirepourvalidermonpassageenseconden’apasétéunebonne idée.Aumoment de décider, jeme suis contentée de suivre lemouvement général. La seulematière que j’étais absolument certaine de devoir prendre, c’était la photo. La vérité,c’estquejen’aipaslamoindreidéedecequejeveuxfaireplustard.
—Bon,c’estfini,annoncesoudainl’examinateur.Posezvosstylos.Mabouchesedessècheinstantanément.Jenesaispasdepuiscombiendetempsje
rêvasse, et je n’ai pas répondu à toutes les questions. Ces examens décident demonorientation,et j’aidéjà toutgâché.J’ai lesmainsmoiteset jen’entendsplusdu tout lesoiseauxchanter,seulementlericanementdesmouettes.Àmesoreilles,çadonne:«Raté,raté,raté.»Monestomacseretourne,commesij’allaisêtremalade.
—Penny?Kira,macopinedeclasseetmonamie,estdeboutdevantmatable.L’examinateur
adéjàramassémacopiesansquejem’ensoisrenducompte.—Tuviens?—Oui,j’arrive.Detoutefaçon,lesdéssontjetés,alorsj’attrapemonsac.Ettoutàcoup,enmêmetempsquejemelève,unevaguedesoulagementbalaiema
nausée.Quellequesoitmanote,unechoseestsûre:c’étaitledernierexamen.L’annéescolaireestfinie!
JetapedanslamaindeKiraavecunsourireidiot.C’estlapremièrefois,depuisquej’aimis lespiedsdanscecollège, que jemesensaussi prochedemescamaradesdeclasse – en particulier des jumelles, Kira et Amara. Ils m’ont tous entourée après lescandale du mois de janvier, dressant une digue d’amitié contre le raz de maréedévastateurquidéferlaitsurmoi.Lesmédiassontdevenusfousquand ilsontsuque jesortaisavec la nouvelle star du rock, « le jeuneet séduisantNoahFlynn ».Puis ils ontdécouvertmonblogetmavieprivéeaété jetéeenpâtureaumondeentier.EtcommeNoahétaitcensésortiravecLeahBrown,lamégastardelapop,ilsm’ontcataloguée«briseusedecouple»officielle.J’aitraverséalorslespiresmomentsdemonexistence,maismesamism’ontaidéeàaffronterlatempête.Et,quandças’estcalmé,lescandalenousavaitrapprochés.
—Tuviensfêterlafindel’annéechezGBK?medemandeKiradanslecouloir.Onseretrouvetouslà-basavantleconcert.TudoisavoirtrophâtederevoirNoah!
Unepalpitationque jeconnaisbienmetraverse.Si j’aihâtederevoirNoah?Biensûrquej’aihâte!Etjesuistotalementstressée.Jenel’aipasrevudepuislesvacancesdePâques,quandilestvenupourmonanniversaire,etmaintenant,nousallonspasser…deuxsemainesensemble.Jenerêvequedeça– jesuismême incapabledepenseràautrechose–,maisjenepeuxpasm’empêcherdemedemandersiçavaêtrepareil.
— D’accord, je lui réponds. Je vous rejoindrai au restaurant. Je dois d’abordrécupérerquelquesaffairesdanslebureaudeMlleMillsetpasserchezmoimechanger.
— Oh, c’est vrai ! s’exclame Kira en me serrant le bras. Moi aussi je dois mechanger!
Je laregardedisparaîtreensouriant,mais l’allégressed’avoirfini lesexamensestdéjàentraindefondre,chasséeparunenouvelleangoisse.Dustyle:«Et-si-mon-petit-copain-n’était-plus-aussi-content-de-me-voir?»Jesaisquejenedevraispasdouterdeluiàcepoint.Leproblème,c’estqueNoahestmonpremierpetitcopain.Etcomme,enplus, c’est l’un des plus fabuleux nouveauxmusiciens dumonde, c’est plus facile à direqu’àfaire.
Danslescouloirspresquedéserts,leseulbruitquim’accompagneestlecouinementdemesConversesurlelino.Jen’arrivepasàmedirequec’estmondernierrendez-vousavecmaprofdephoto.MlleMillsm’abeaucoupsoutenue,cetteannée ;endehorsdemesparents,elleestsansdoutelapersonneàlaquellejemesuisleplusconfiéesurcequim’est arrivé à Noël et au réveillon du Nouvel An.Mêmeà Elliot je ne raconte pastoujourstout.
Ilfautreconnaîtrequemacrisedepaniquedansleminusculeplacardquitientlieudechambre noire a aidé. Les révélations « fracassantes » à propos de Noah et moi
faisaient le buzz depuis deux semaines. D’habitude, je trouvais la chambre noireapaisante,maisquecesoitàcausedesémanationsdeproduitschimiques,del’exiguïtédeslieux,ouparcequelaphotoquej’étaisentraindedévelopperreprésentaitjustementle beau visage de Noah, je me suis presque évanouie dans le bac de révélateur.Heureusement, le coursétait terminéet personnen’aeu le plaisir de revoir «Penny laPanique»enaction.MlleMillsm’apréparéunetassedethéetnourriedebiscuitsjusqu’àcequejecommenceàparler.Etlà,jen’aipaspum’arrêter.
Depuis, elle a toujours été là pour moi, mais je savais ce qui m’aurait le plusréconfortée :monblog.Blogueravait toujoursété tellement libérateur.Et j’avaisbeau,aprèsmondernierpost–«Ducontedeféesà l’histoired’horreur»–,avoir transféréGirl Online sur un compte privé, je ne pouvais pas ignorer le titillement familier qui medémangeaitchaquefoisquej’ypensais:j’aitellementbesoindepartagermespenséesaveclemonde.GirlOnlineavaitétémonexutoireémotionneletcréatifpendantunan,etçamemanquait – autant que la communauté demes lecteurs que j’en étais venueàconsidérercommedesamis.J’étaissûrequ’ilsm’auraientsoutenuesijeleuravaistendulamain – ilsm’avaient toujours soutenue lors demes crises d’angoisse.Mais quand jesongeais à la réouverture demon blog, je ne voyais que les autres, ces gens haineuxvissésàleurclavier,attendantl’occasiondemevoirréapparaîtrepourmedéchirerenmorceaux. Je ne m’étais jamais sentie aussi paralysée, aussi incapable d’écrire.D’habitude,lesmotscoulaient,fluidesetjoyeuxcommeunruisseausousmesdoigts,maislà, toutceque j’arrivaisàécriremesemblait lourdetfaux.Jemesuisrabattuesurunjournal,maiscen’étaitpaslamêmechose.
J’aiessayédedécrirecequejeressentaisàMlleMills.Quelesgensenligneétaientdevenus des clowns atrocement grimés avec des dents aussi tranchantes que desrasoirs. Qu’au lieu de rôder dans l’ombre, ces monstres étaient là, sous mon nez. Unmilliondecauchemarsprêtsàm’assaillirqui,aujourd’huiencore,medonnentenviedemeréfugier dans une tribu de la forêt amazonienne chez qui les avions sont considéréscommedesespritsmalfaisantsenvoyésparlesdieux.Elliotm’aparléd’eux.Jesuissûrequ’ilsn’ontjamaisentenduparlerdeGirlOnlineoudeNoahFlynn.IlsneconnaissentpasFacebook.Ni Twitter. Ni les vidéos virales, visiblement plus résistantes et destructricesquelapiredesbactéries.
Sijenevivaisqu’àBrighton,çairait.Aucollège,toutlemondeaoubliémonscandale,commeonaoubliélenomduderniervainqueurdeXFactor.Monpèreditquelejournaldumatinsertd’emballageaufishandchipsdusoir.Ilaraison:l’hystérieprovoquéeparlarévélationdemarelationavecNoahestretombéecommeunsoufflératé.Maisjenevispas seulementàBrighton. Je suis citoyenne de la planète Internet, une planète où l’onn’oublierien.
Enfin,ilestquandmêmesortiunebonnechosedelaToile:aprèssesmessagesdesoutien,MissPégaseetmoiavonséchangénosadressesmailet,aprèsavoirétélaplusfidèlelectricedeGirlOnline,elleestdevenuel’unedemesmeilleuresamies–mêmesionnes’estencorejamaisrencontréesdanslavraievie.C’estellequi,danslafouléedemonmillionièmegémissementderegretconcernantl’interruptiondeGirlOnline,m’aconseillédechanger les paramètres de mon blog pour n’en autoriser l’accès qu’à des personneschoisies.Depuis, Elliot,MlleMills et elle sont les seulsà liremes divagations.C’est peu,maisc’estmieuxquerien.
MlleMillsm’attenddanssasalledeclasse,penchéesursonbureau,levisagecachéparlerideaudesescheveuxchâtainclair.Quandjefrappe,ellelèvesesyeuxsouriantsversmoi.
—Tiens,Penny!Alors,l’écoleestfinie?—Jesorsjustedel’examend’histoire.—Formidable!Entre.Elleattendquejesoisassisesurunedeschaisesdeplastiquedur.Autourdemoi,les
projetsphotographiquesdemescamaradessontaccrochéssurdestableauxdemoussenoire,prêtspourl’expositiondecetété.ContrairementauvœudeMlleMills,j’aidemandéquemontravailn’enfassepaspartie.J’aifaitetrendutoutcequ’ilfallait,maisl’idéedemontrermesphotosàtoutlemondeestau-dessusdemesforces.Quequelqu’unpuissetomberdessusets’enservirpourmeridiculisermeterrifie.
Ellesortmonbooketmeledonne.—C’estuntravailsplendide,Penny,commetoujours.Jecroisqu’onnevapassevoir
avantuncertaintemps,alorsjevoulaisteparlerdetondernierpost…Ondiraitqueçavamieux,n’est-cepas?
Jehausselesépaules.Encemoment,jemesenstoutjustecapabledevivreaujourlejour.
—Jecroisque tupeuxfairedavantagequeseulementsurvivreàchaquenouvellejournée, enchaîneMlleMills comme si elle lisait dansmes pensées. Tu peux t’épanouir,Penny.Tuastraversédesépreuvesdifficiles,cetteannée.Jesuisheureusequetuaiesdécidédecontinuerlaphotographiel’anprochain,maistunedoispaslaissertesdoutesettesinterrogationssurtonavenirteminerlemoral.Tuasledroitdenepassavoircequetuveuxfaire.
Jevoudrais lacroire,mais j’aidumal.Autourdemoi, chacunsaitparfaitementcequ’il veut devenir. Elliot veut faire des études de stylisme et rêve de lancer un jour sapropremarque.Kiraveutdevenirvétérinaire(elleviseuneprépademathetbiopoursedonner toutes les chances, le moment venu, d’intégrer une bonne université). Quant àAmara,quiestunesortedegéniedelaphysique,elles’esttoujoursvueenscientifiqueetsavoieesttoutetracée.Moi,j’aimefairedesphotosetécriredespostsquejenepeuxpluspartagerqu’avecmesplusprochesamis.Jenesuispassûrequ’onfassecarrièreavecça.
Je sais qu’un océan de possibilités s’ouvre à moi, mais je me sens scotchée aurivage,incapabledemelancer.Dansquelledirectionaller?
—Vousaveztoujoursvouluêtreprofesseur?MlleMillséclatederire.— Non, pas vraiment ! Disons que j’y suis venue… par hasard. Je voulais devenir
archéologue!Jusqu’aujouroùj’aicomprisqueçan’avaitpasgrand-choseàvoiraveclesaventuresd’IndianaJones.Jemesuislongtempssentieperdue,enréalité.
—C’estexactementcequej’éprouve.Jemesensperduedansmapropreexistence.Sansboussole.SiseulementilexistaitunGPSpournousguiderdanslavie…
Elleéclateencorederire.—Écoute, Penny, lesautresadultes peuvent te raconter ce qu’ils veulent…Moi, je
vaisteconfierunsecret:tun’espasobligéedesavoirmaintenantcequetuveuxfaireplustard.Tun’asqueseizeans.Avanceetamuse-toi!Vistavie.Oublietaboussole,ou
biensecoue-ladanstouslessenspourqu’ellenesacheplusdistinguerlehautdubas,lesud du nord.Comme je te l’ai dit, je suisarrivée dans l’enseignement par hasard,maisaujourd’hui,jenevoudraisd’aucunautremétier.
Elles’approcheetmesourit.—Alors,tuashâted’êtreauconcertdecesoir?Lesélèvesneparlentquedeça.
NoahfaitlapremièrepartiedesSketch,c’estça?Je luisouris,heureusequ’ellechangedesujet.Rienqu’à l’idéederevoirNoah,mon
cœur s’emballe. Vient un moment où Skype et les textos ne font plus le poids, et cemomentestarrivé.C’estaussilapremièrefoisquejevaislevoirsurscène,devantdesmilliersdefillesdéchaînées.
—Oui,iljoueavanteux.C’esténormepourlui.— Jem’en doute. Bon, prends soin de toi, cet été, et n’oublie pas de travailler ta
photopourl’anprochain.Ellemontremonbook.—Tuessûredenepasvouloirparticiperà l’expodu lycée?Tuasfaitun travail
formidable,etilmérited’êtrereconnu.Jesecouelatête.—Commetuvoudras,Penny.Toutcequejepeuxtedire,c’estdecontinuertonblog.
Tusaiscommuniqueraveclesgens.C’estuntalentetc’estundon,ceseraitdommagedeleperdre.Disonsquec’estledevoirdevacancesquejeteconfiepourcetété–enplusdelaphoto,biensûr.Jeveuxuncompte-renducompletdetesvoyages.
Jesourisenglissantmonbookdansmonsac. Jepenseau travail photographiquequ’elle nous a demandé de réaliser cet été. Elle veut que nous nous intéressions aux« perspectives alternatives », que nous cherchions à voir le monde sous un angledifférent.Jen’aiaucune idéedeceque jevaispouvoir trouver,mais jesuissûred’unechose : partir en tournéeavecNoah (parce que je pars en tournéeavec lui !) vamedonnerunmilliardd’occasionsdevoirlemondeautrement.
—Mercipourvotreaide,mademoiselleMills.—Derien,Penny.Je quitte la salle de classe pour retrouver le couloir désert. J’avance d’abord
lentement,puis,tandisquejesensmoncœurbattrelachamade,deplusenplusvite.Jefranchis les portes de l’école en courant et, sur le perron, bras écartés, je tournoiecomme une toupie. C’est complètement débile, je le sais, mais je n’arrête pas pourautant ! Je n’ai jamais étéaussi heureusequ’uneannée se termine.La liberté nem’ajamaisparuaussibelle.
25juin
Çayest:lesexamenssontterminés!(Etcommentysurvivrelaprochainefois)
Attention…Roulementsde tambour…Çayest, jesuisenvacances !L’écoleestTERMINÉE!Basta!Finito!Ce n’était pas si horrible. Je répète : ce n’était pas si horrible. Mais je doisreconnaître que j’ai eu de l’aide (millemilliards demercisàmonmeilleur-meilleurami, Wiki !) et que quelques règles simples m’ont permis de tenir le coup quandj’avaisl’impressiondenefairequeréviser…réviser…etencoreréviser!Si je ne les note pas tout de suite, je les aurai oubliées pour le prochain round,c’est-à-dire dans un an. (Je ne sais pas pourquoi, mais quel que soit le nombred’examensquej’aidéjàpassés,jelestrouvetoujoursaussiterrifiants.)Donc:Cinq règles de base pour survivreaux examens (par quelqu’un qui DÉTESTE lesexamens):1.Réviser.Vousmedirezquec’est leB.A-BA–etvousaurezraison.MAIScetteannée, j’aifaitun tableau (avecunecasepourchaquematièreconcernée)et,chaquefoisque je bouclais une heure de révision, je me suis attribué une belle petite étoiledorée (un sticker) dans la case correspondante. J’ai eu un peu l’impression deretournerenmaternelle,maisvoirconcrètementl’avancéedemesprogrès(souslaforme d’une jolie constellation grandissant dans chaque case) a ratatiné mesangoissesd’autant.2.Soudoyer.Pasundevosprofesseurs,nil’examinateur,maisvous!Personnellement,jemesuisfaitmiroiter,àlafindechaquesemainederévision(voirétape1),undétourchezGusto Gelato pour une bonne récompense. Rien de tel que la promesse d’unedouceurpoursemotiver!3.Commencerparleplusdifficile.Wikiesttropgénial!C’estluiquim’aconseillédem’attaquerd’abordauxmatièresquirapportentleplusdepoints,pouréviterdemeretrouvercoincéeledernierjouretréduiteàracontern’importequoidansladissertlaplusimportante.4.Café.
Personnellement, je déteste, mais d’après mon frère, ça aide. Alors j’ai essayé.
Personnellement, je déteste, mais d’après mon frère, ça aide. Alors j’ai essayé.Saufquechaque foisque j’enaiavalé, nonseulement j’ai fait lagrimace (c’estimbuvable), mais j’ai fini la nuit debout, victime de tachycardie et à moitiéasphyxiéeparl’angoisse.Çanedoitpasêtreunesibonneidéequeça…5.Penseràl’été.Autrementdit:sesouvenirquelaviecontinueaprèslesexamens!C’estsurtoutçaquim’apermisdetenir.Savoirquej’allaistrèsviterevoirBrooklynBoy…
GIRLOFFLINE…plusjamaisOnlinexxx
ChapitreDeux
Quandj’arriveàlamaison,jemesenstellementheureusequejedébouledanslacuisinecomme une ballerine sur la scène de l’Opéra : en faisant un saut de biche. Ce qui nemanquepasd’à-proposcarmaman,dansunerobedesoiréedignedeDanseavec lesstars,estentraindedanserunesalsaendiabléeavecElliot.Pourcompléterletableau,Alex, lepetit copaind’Elliot,assis surun tabouretprèsdubar, distribue lespointsà lamanièreflamboyantedeBrunoTonioli,animateurvedettedeladiteémission.
Unaprès-midibanalchezlesPorter.—Pennychérie !s’exclamemamanentredeuxdéhanchements.Tunem’avaispas
ditqu’Elliotétaitsibondanseur.—C’estungarçonpleindetalent!Ils terminent sur un savant penché arrière – d’Elliot, soutenu parmaman –, tandis
qu’Alexetmoiapplaudissonsavecenthousiasme.Lecalmerevenu,jeregardeElliotetAlex.—Onmonte?Ilsopinentavecunesynchronisationquasiparfaite.Lepetitpincementaucœurque j’éprouvechaquefoisque je lesvoisensemblene
manque pas de se faire sentir. Elliot et Alex sont l’image même du couple idéal – aucontrairedeNoahetmoi,ilsneconnaissentpaslesaffresd’unerelationàdistance.Ilspeuventseretrouveraussisouventqu’ilsveulentsanssesoucierdesfuseauxhorairesoudelaqualitéduréseaupourpouvoirskypertranquillement.Ilssontcomplètementàl’aisel’unavecl’autre.
En fait, ils passent tellement de temps ensemble qu’on leur a même donné, mesparentsetmoi,unsurnom:Alexiot.
—Est-cequ’Alexiotrestentpour ledîner?demanded’ailleursmamèrealorsqu’ondisparaîtdansl’escalier.
— Non ! je crie derrière moi. On va manger un hamburger chez GBK avant leconcert!
—Ahbon?s’étonneElliot.C’estvrai…iln’estpasaucourant.—Kiranousainvités.Çavousbranche?
Alexiotéchangentunregardet,apparemment,approuvent.—Pasdeproblème,PennyChou,diteneffetElliotenprenantlamaind’Alex.Jesouris.Jemerappellesibienlejourdeleurrencontre.C’étaitjusteavantlaSaint-Valentin.
Elliotm’avaittraînéedansuneboutiquedefripesvintage,aufinfondd’uneobscureruelledesLanes,alorsqu’onétaitdéjàvenuslaveilleetqu’onsavaittrèsbienqu’iln’yauraitriendenouveau.Jerâlaisencorequandj’airepérélegarçonavachiderrièrelecomptoir.Ilm’afalluquelquessecondes,maisjel’aireconnu.
—Ohlà,là,Penny,qu’est-cequ’ilestmignon!Elliot, qui m’avait tirée derrière un portant chargé à craquer, s’était enroulé un
énormeboadeplumesautourdelatête.—C’estAlexShepherd,j’airépondu.Ilestenpremièredansmonlycée.Jene leconnaissaisquedevue,et seulementparcequeKiracraquait sur lui. J’ai
baisséletonpourdemanderàElliot:—Tuessûrqu’ilestgay?Ilalevélesyeuxauciel.—Tucroisquejet’amèneraisjusqu’icisijen’enétaispassûr?Onseregardedepuis
qu’ilacommencéàtravaillerdanscetteboutique,ilyadeuxsemaines.—Çaneveutriendire,tufaisdel’œilàtoutlemonde,j’airépliquéenluidonnantun
coupdecoudedanslescôtes.—Peut-être,maispascommeça.Sonclind’œilsuperexagérém’afaitglousser.—Pourquoitun’asencoreriententé,situessisûrdetoi?—Jevaislefaire.Laisse-moiseulement…unpeudetemps.Kiraseraiteffondréed’apprendrequ’Alexétaitunecauseperduepourelle,maiselle
s’enremettrait.IlétaitunpetitpeuplusBCBGquelesbéguinshabituelsd’Elliot,maisunelueurespièglequiauraitfaitfondren’importequibrillaitdanssonregard.Quandj’aiglisséla têtesur lecôtéduportantpourmieux levoir, il nous regardait.Alors je luiai faitunpetitsignedelamain.
—Penny,qu’est-cequiteprend?s’estaffoléElliotd’unevoixétranglée.— Je gagne du temps, El. Et puis, c’est lamoindre des politesses, il regardait vers
nous.OK,ilvient–keepcool.—Hein,ilfaitquoi?Elliotavaitl’airpaniqué,maisçanel’apasempêchédesepasserlamaindansles
cheveuxpourlesarranger.—Àquoi je ressemble?Oh là là, j’enétaissûr !Jen’aurais jamaisdûprendrece
chapeauaujourd’hui!Untrilby!J’ail’aird’unpingouin.J’auraisdûmettreuntrucpluscool.—Elliot,tudivagues.C’étaitlapremièrefoisquejelevoyaisaussinerveux.J’aidérouléleboa,pourqu’il
n’ait pas l’air d’avoir une autruche plantée sur le haut du crâne, et j’ai tenté de leraisonner.
—Tonlookest…Maisavantquejepuisseterminermaphrase,Alexétaitdevantnous.—Est-cequejepeuxvousaider?
Sa question s’adressait peut-être à nous deux, mais son regard et son sourire
Sa question s’adressait peut-être à nous deux, mais son regard et son sourireétaientexclusivementréservésàElliot.
—M’épouser?alâchéElliotdansunsouffle.—Pardon?aditAlexenplissantlefront.—Non,rien…Ouplutôt,si,tun’auraispasunfoulardpouralleravecmontrilby?Lamétamorphosed’Elliotm’astupéfiée:enmoinsd’uneseconde,toutstressoublié,
ilétaitredevenului-même,relaxetsûrdelui.—Bien sûr, a réponduAlex. J’ai exactement ce qu’il faut pour ton lookGatsby le
magnifique.C’estparlà.Alexs’estéloignéversl’autreboutdelaboutique.— Tu savais que la femme de F. Scott Fitzgerald refusait de l’épouser tant qu’il
n’avaitpassignédecontratd’édition?luiademandéElliotenluiemboîtantlepas.—Non,maisjesaisqu’ilétaitnulenorthographe,arépliquéAlexdutacautac.Je les ai regardés partir, discutant tranquillement des petits détails de la vie d’un
auteurquejen’avaistoujourspaslu(jen’avaismêmepasvulefilmtirédesonlivre).Onauraitcruqu’ilsseconnaissaientdepuistoujours,etj’aicomprisquejedevaism’éclipser.Jenevoulaispasgâcherlarencontre.Alorsj’aireculé.
Maisbiensûr,douéecommejelesuis,j’aiheurtéunportant.Unportantchargéàblocde manteaux de fourrure, qui s’est évidemment écroulé, entraînant avec lui une piled’étoles.Jemesuisprécipitéepourlesramasser,plusrougequ’unepivoine,maisc’étaitunvraifouillisetlesmanteauxétaientsuperlourds.Tuparlesd’unediscrétion.
AlexetElliotsontarrivésàtouteallure.—Jevaism’enoccuper,m’arassuréeAlex,net’inquiètepas.—Jevaist’aider,aaussitôtrenchériElliot.Ilsontplongé lesmainsenmême tempsdans lafourrure.Attrapantsans lesavoir
chacununboutdelamêmeétole,ilsontcommencéàtirerjusqu’àcequeleursmainssetouchent.J’aiquasimentressentiladéchargeélectrique.C’étaitcommelespaghettidansLaBelleet leClochard–unfilmquej’aivu,pour lecoup,descentainesdefois(quandj’étais petite). J’ai bredouillé des excuses et j’ai réussi à quitter la boutique sans lesdéranger. Depuis ce jour-là, ils ne se sont pas quittés. Et j’aime penser que mamaladresse,pourunefois,n’apasétécomplètementinutile.
Maintenant, Alexiot doivent m’aider à résoudre LA question : qu’est-ce qu’on metquandons’apprêteàrevoirsonpetitcopain,envrai,aprèsdeuxmoisdeséparation?Nous grimpons l’escalier jusqu’àmachambreà touteallure.Alex, grâceà ses longuesjambes,avalelesmarchesdeuxpardeux.Ilestbeaucoupplusgrandqu’Elliotoumoi.
—Heu,Penny… tun’espascenséepartirentournéedemain?medemande-t-ilens’arrêtantsurlepalier,devantmaporteouverte.
—Si,pourquoi?J’ai beau faire l’innocente, je sais très bien ce qu’il veut dire. On pourrait croire
qu’une tornade a dévasté ma chambre. Tous mes vêtements, absolument TOUS mesvêtements – de la moindre écharpe à la plus petite ceinture, en passant par meschapeaux – sont entassés sur mon lit. De l’autre côté, mon bureau disparaît sous unamoncellementdefichesderévision,etdesmorceauxdecarton,vestigesdemondernierrenduphoto,sontéparpillésunpeupartoutsurlesol.
Leseulendroitépargnéparlatempêteestceluidemonfauteuilprèsdelafenêtre,
Leseulendroitépargnéparlatempêteestceluidemonfauteuilprèsdelafenêtre,là où j’ai accroché une photo deNoah etmoi découpée dans unmagazine.Noahmeserrecontreluietlalégendeprécise:«NoahFlynnetsapetiteamie.»C’estlapremièrefoisquej’apparaisdansunjournal;j’ysuiscoifféen’importecomment,maisjelagardepourmerappelerquec’estvrai,parcequ’ilm’arriveencoreparfoisd’avoirdesdoutes.Ily a aussi un calendrier, presque entièrement couvert d’étoiles dorées, où la dated’aujourd’huiestentouréeenrouge.
Elliotavancesurlapointedespiedsaumilieudubazar.—Splendide.OcéanelaBattantenesaitpasfairesavalise.OcéanelaBattanteestlenomqu’onatrouvé,Elliotetmoi,pourdésignermonalter
ego,celledanslapeaudelaquellejemeglissechaquefoisquejesensl’angoissemonter.Je l’appelle à la rescousse comme Beyoncé se servait de « Sasha Fierce » à sesdébuts,quandelleétaitparalyséeàl’idéedemontersurscène.Beyoncén’aplusbesoindeSashaFierceet j’espèrequ’un jour jepourrai,moiaussi,mepasserd’Océane.Maispourl’instant, jem’accrocheàelle.Danslatempêtedemesangoisses,c’estmabouéedesauvetage.
Jedésignemonlit.—Bon,heu,asseyez-vous,commeondit.De mon côté, je me perche sur le tas de pulls qui encombre le tabouret de ma
coiffeuse.—Tu es sûre que je ne vais pas tomber sur le cadavre refroidi deMegan enfoui
quelquepartlà-dessous?medemandeElliotenfaisantlagrimace.Jeluitirelalangue.—C’estmalin.Audébutdel’annéescolaire,Meganétaitencoremameilleureamie.Maiselles’est
transforméeenunepimbêcheinsupportable,obsédéeparsonrefletdanslemiroiretlesyeuxdesgarçons,etjenelareconnaisplus.UnpeuavantNoël,elleestdevenuejalousedemasoi-disantrelationavecOllie–legarçonsurlequeljecraquaisavantdeconnaîtreNoah.Ilnes’estrienpasséentreOllieetmoi,mais l’idéequ’ilpuissesepasserquelquechose a suffi à la rendre complètement folle de jalousie. C’est Ollie qui a découvertl’existencedemonblog–encoreanonymeàcemoment-là–,etc’est luiquiareconnuNoahFlynnsurlaphotoquej’avaisprisedeluietscotchéesurlemiroirdemacoiffeuse.IlenaparléàMegan,etc’estellequiafait lerapprochemententre lesdeuxetquialivrémonnometmavieprivéeenpâtureendévoilanttoutauxmédias.
J’aieumavengeancepersonnellequandonlesacoincés,Elliotetmoi,chezChoc-Ouhlà!.Laconfrontations’estterminéeparnosmilkshakesdégoulinantssurleurstêtes.Depuis cet épisode, je n’ai pas vraiment eu affaire à Megan. À l’école, l’histoire dumilkshakegate – qui reste mon meilleur et unique instant de gloire à ce jour – s’estrépanduecommeunetraînéedepoudre.
Mais les filles comme Megan ne restent jamais désarmées très longtemps. Leurassuranceparaîtindestructibleet,tandisqued’autresgardentlesstigmatesdel’infamieàvie,lahonteal’airdeglissersurellescommel’eausurlesplumesd’uncanard.Meganamême fait des blagues de l’épisode : le milkshake ne serait-il pas, voyez-vous ça, lesecret de son teint crémeux?Etaujourd’hui, voilà qu’elle estadmise dans lameilleure
école d’art dramatique de Londres. Elle est à nouveau au sommet de sa gloire,intouchable.
Ollieaussiserapartil’anprochain.Sesparentsontdécidédedéménagerpouraidersonfrèredanssacarrièredejoueurdetennis.ÇamefaitdelapeinepourOllie.Malgrécequ’ilm’afait,jecontinuedecroirequ’iln’estpasméchant.Etaujourd’hui,levoilàobligédevivredansl’ombredesonfrère.
MesdeuxNémésisdisparus,leseulennemiquimereste,c’estmoi.Elliotfrappedanssesmains.Unsignequinetrompepas:ilvientdepasserenmode
commando,typeMonicalaTerreurdansFriends.—Bon,oùesttavalise?—Heu,jecroisqu’Alexestdessus.Alexsautesursespiedsetpousselapiledevêtementssurlaquelleilétaitassis.Les
bordsdemavalisefuchsiafinissentparapparaîtresous l’amasdetissusquirecouvremonlit.
—Rappelle-moipourcombiendetempstupars?medemandeAlexencontemplantlatailledubagage.
—Quatorze jours, troisheuresetvingtetuneminutesexactement,répondElliot.Jevaiscompterchaquesecondedesonabsence!
—Jecroisquemesparentsaussi,j’ajouteavecunsourirepenaud.—Illeurafallulongtempspoursefaireàl’idée?demandeencoreAlex.—Oh,non,seulement lesdeuxmoisaprès lapropositiondeNoahàPâques !Pour
êtresincère,jen’étaispastrèssûre,moinonplus.Partir en tournée avec Noah me semblait énorme. C’était la première fois que
j’allais vraiment partir toute seule, disons… « comme une grande ». Aujourd’hui encore,bienquelesmoindresdétailsaientétéprévus,cedépartcontinuedem’angoisser.
—Tuvastrèsbient’ensortir,melanceElliot.Çavaêtreuneexpérienceincroyable,et je suis ultra jaloux. Bon, maintenant, ouvre ta valise et montre-nous ce que tuemportes.
Jeluiobéisetlapremièrechosequejevoism’arracheunegrimace.Elliotmepousseetsortlaplusinformedetouteslesvestesdumonde.Sesmanchessontlargesetassezlonguespourfairedeuxfoisletourdemataille.C’estlecardigandemamèrequ’ellen’aportéquelorsqu’elleétaitenceinte,jamaisavantetjamaisdepuis.
Elliot le contemple à bout de bras, puis le plaque contre lui. Il lui arrive sous lesgenoux.
—Tusaisquec’est l’été,Penny,etque tunevaspasaupôleNord?Quelbesoind’emportercetroupeaudemoutonsaugrandcomplet?
Jeluiarrachelevêtementdesmains.—C’estmondoudou.Jeplongemonvisagededanset jerespiresonodeur–unpeucelledemamèreet
beaucoupcelledelamaison.— Il m’aide à surmonter mes angoisses. Mlle Mills m’a dit que si j’avais peur de
paniquer,oud’avoirlemaldupays,jen’avaisqu’àemporterunechosequimerassureetmerappellechezmoi.Commejenepeuxpasprendremacouette, jemesuisrabattuesurcegilet.
Ilmel’arrachedesmainspourlepliercorrectementetleremettredansmavalise.
—OK,tupeuxl’emporter.Maiscertainementpascelui-là!Il brandit un autre gilet, rose bonbon, à col boutonné et avec des petites fleurs
cousuessurlespoches.—Tuparsentournée,Penny.Pasprendrelethéchezmamie!—D’accord,laissetombercelui-là.Jeris.—Jesuisnullepourcestrucs-là!Elliotsefrottelestempesavecunaccablementthéâtral.— Parfois, tu me désespères, Penny ! Bon, on verra ça plus tard. Revenons à
l’urgence:qu’est-cequetumetscesoir?C’estàmontourdedramatiser.— J’ai essayé tout ce que j’avais dans mes placards et je n’ai strictement rien
trouvé!Tucroisquejepeuxm’entireravecunpetithautnoirsurmonjean?J’aidroitàunregardsévère.—Pasquestion.Cen’estpasassezhabillédutout.—Etça?Alex nous montre une robe patineuse noire dont j’avais complètement oublié
l’existence.Unepetitemargueriteblancheet jauneest impriméedessus.Je l’aiachetéesurASOSun jourque j’étaiscenséeréviseravecKiraetAmara,mais jene l’ai jamaismise.
—C’estparfait!s’exclameElliot.L’éludemoncœur,mesdamesetmessieurs,estunstylistehorspair!
Alexhausselesépaules.— Eh, c’est vrai, insiste Elliot, tu travailles depuis assez longtemps dans cette
boutiquepouravoirapprisquelquestrucs.Jeprendslarobedesmainsd’Alexetjem’éclipsedanslasalledebains.Matenue
enfilée,jemeregardedanslemiroir.Je n’arrive pas à croire que je vais enfin voir Noah – en concert, en plus. J’ai
l’impression d’attendre et de redouter cemoment depuis le jour où ilm’aannoncé qu’ilpartaitentournéeeuropéenneenpremièrepartiedesSketch.Jedéfaismonchignonetmeslongscheveuxrouxtombentencascadesurmesépaules.Mamanm’amontréuntrucpourposerl’eye-liner:dépasserlecoinexternedel’œilpourremonteruntoutpetitpeuau-dessus de la ligne de la paupière. Je l’essaie et mes yeux ont tout de suite plusd’allure.Jereculeunpeupourjugerdel’ensemble.
J’aidevantmoi«lapetiteamiedeNoahFlynn».C’estmanouvelleétiquette.Peut-êtrequejevaisyarriver.Je crois que je deviens folle quand j’entends les premièresmesures de l’album de
Noahjouerdansmatête,maisquandjesorsdelasalledebains,jecomprendsqu’ElliotetAlexécoutentElements,undeshuittitresd’AutumnGirl,l’albumdeNoah.Chacunedeschansons qu’il écrit est meilleure que la précédente. Mais celle qui donne son nom àl’album,AutumnGirl,aétéécritepourmoi;etc’estmapréférée,évidemment.
Alexiotsetiennentpar lamain,etElliota latêteposéesur l’épauled’Alex. Ilssonttrop mignons, et je ne veux pas les déranger, mais Elliot a dû m’entendre, parce qu’iltournelatêteversmoi.Samâchoiresedécroche.
—Waouh,tudéchires,OcéanelaBattante!
—Merci,dis-jeavecunepetiterévérence.—Bon,c’estpas toutça, lesgars, reprend-ild’unevoixdrôlement traînante toutà
coup.Ilfautqu’onsebouge,là.Alexetmoileregardons,unpeusurpris.— Quoi, vous n’aimez pas mon accent américain ? Je savais bien que je devais
m’entraîneravantderevoirNoah.Bon,lesaccessoires…Ilglisseunedizainedebraceletsàmonpoignetetmepasseunlongsautoirautourdu
cou.Puisilmeregardeensouriant.—NemanqueplusquetesConverse,princesse,ettuserasprête.Jemetourneverslegrandmiroirdemachambre.—Tuesmagnifique,Pen!Cetterobeestparfaite,déclareElliotconvaincu.Etilenchaîne:—LeahBrown,tuespeut-êtrelapluscanondesstarsdelapopmondiale,maisma
copineiciprésenten’arienàt’envier.Jem’autoriseà sourireetàmedire que j’ai l’air bien.Et çamarche : jemesens
confiante.Jeprendsquandmêmeunevesteàenfilerpar-dessusmarobe.Elliotfait lagrimace.
—Quoi?jeréplique.Ilfaitpeut-êtrefroidchezGBK!—Enparlantdeça,ondevraitsedépêcher,dit-ilenjetantunregardàsamontre.Dansl’escalier,j’appellemonfrère:—Tom!Tunousdéposesenvoiture?Ungrommellementmeparvientd’enbas,quej’interprètecommeun«oui».Noussommesprêtsàpartir,maisquandonarrivedevantlavoiture,Alexnemonte
pas.Aulieudeça,ilenfoncelesmainsdanssespoches.—Désolé,jedoispasserfaireuntrucchezmoi.Jevousretrouveauconcert,OK?Labonnehumeurd’Elliots’envoletoutàcoup,etsesépauless’affaissent.—Tuessûr?jedemandeàAlex.Jesaisqueçapeutêtrelourddetraîneravecdes
secondes,maislaplupartsontsympas.—Cen’estpasça,répondAlex,j’aijusteuntrucàfaire.—Oh,d’accord.Ilsepenchedans lavoitureetdonneunbaiserrapideàElliot,mais lecœurd’Elliot
n’yestpas.Cen’estqu’Alexdisparu,etaprèsavoirhaussélesépaules,qu’ilretrouvesabonnehumeur.
—C’estparti!
Quelques minutes plus tard, grâce à Tom, notre chauffeur personnel, on arrive
devantGBK.Elliotbondithorsdelavoiture.Jesuissurlepointdelesuivrelorsquemonfrèremeretientparlebras.
—Situasunsouci,oubesoindequoiquecesoit,tum’appelles,Pen-Pen.D’accord?Enréponse,jeleserrefort.Ilpeutseraidir,jesaisqu’ilm’aime.Le vendredi soir, entre les banlieusards qui reviennent de leur journée de travail à
Londresetceuxquisortentfairelafête,lesruesdeBrightonsontpleinesdemonde.Ungarçonquial’airplusjeunequemoijouedelaguitaresurletrottoir.Ilnechantepastrèsfort, mais sa voix est incroyable. Personne ne fait attention à lui – pas même Elliot,
tellementplongédanssespenséesqu’ilpourraitpasserdevantl’OrchestresymphoniquedeLondressansmêmes’enrendrecompte.Moi,jem’arrête,scotchéeparlabeautédesamusique.
—Est-cequejepeuxteprendreenphoto?jeluidemandeaprèssondernieraccord.—Situveux.Jefaisplusieursclichésetjesorsunepiècedemonsacpourlaposerdansl’étuide
sa guitare. Il me fait un sourire et je file vers le restaurant en courant : il vient de semettreàtomberdescordes.Typiquedel’étéanglais,ça.
Àl’intérieur,toutlemondeestdéjàlà–lesélèvesdemaclasse,maispasseulement.Elliotseprécipiteversmoietm’obligeàm’arrêter.
—Surtout,neflippepas,medit-il.—Qu’est-cequetuveuxdire?J’ailessourcilsfroncésquandils’écartelégèrementsurlecôté.Meganestjustederrièrelui.Etelleporteexactementlamêmerobequemoi.
ChapitreTrois
Je serre les pans de ma veste pour mieux cacher ma robe. Megan, elle, sourittranquillement.Ellea l’airétonnammentdétendue, sansdouteparcequemes jouesontdéjàviréaucramoisitellementjemesensgênée.JesuissurlepointdefuirquandElliotm’attrapelebras.
—Çaalors,Penny!s’exclameMeganenrepoussantseslongscheveuxchâtaind’unmouvementdetêteétudié.Onalamêmerobe!Tul’astrouvéesurASOS?J’espèrequeNoahnevapasmevoirenpremier,sinonilrisquedenousconfondreetdemedonnerlelaissez-passerVIP!
Sonclind’œilappuyémedonne lanausée. Jenepeuxpasm’empêcherdesongerquelarobeluivamillefoismieuxqu’àmoi.
—Grandisunpeu,Megan,rétorqueElliotd’untonsec.Cen’estqu’unerobe,pasunegreffedecerveauquiferaitdetoiquelqu’undemieux.
Kira, assise derrière Megan, m’adresse un petit sourire désolé avec un brefhaussementd’épaules.Jecommenceparmedemander,avecunhorriblepincementaucœur,siellen’apasparléàMegandelarobequej’aicommandée…Ilfautquej’arrêted’êtreaussiparano.
—Ah,tevoilàenfin!medit-elle.Est-cequeNoahnousrejoint?Jesenstouslesregardsbraquéssurmoi.— Non, je ne crois pas, je lâche dans un rire nerveux. Il est bien trop pris par le
concert.Jelevoisaprès.Dèsqu’ilpeutlefairesansdonnerl’impressiondesnoberlesautres,Elliotmepousse
danslefonddelasalle,jusqu’àunboxunpeuisolé.J’ail’impressionquetoutmonlycéeetlamoitiédusiensontvenusassisterauconcert. IlsattendentsurtoutSketch, legroupeinratableencemoment.C’estunebandedequatregarçons,américainseuxaussi,quiafait un tabac sur scène, l’an dernier, avec There’s Only One. Ils ont déjà joué àManchester etBirmingham,mais c’est lapremière fois queNoah seproduitaveceux.Ensuite,illessuitenEurope,etmoijel’accompagne.
J’enaidespalpitations,commesij’abritaisunmillionetdemideminusculespapillonstoutstressésàl’idéedes’envoler.
Jemeglissesurlabanquette,etElliots’assoitenfacedemoi.
— Beurk ! Nous retrouver coincés dans la même pièce que Méga-Naze, ça medégoûte.Rappelle-moipourquoituasacceptédevenirici?
— C’est une idée de Kira. Quand elle m’en a parlé, je n’ai pas osé refuser. Ilsvenaient tous voir le concert, c’était logique de se retrouveravant. De toute façon, lasalleduBrightonCentren’estpassigrande;onn’auraitpaspuleuréchapper.
—TusaisqueleBrightonCentrepeutaccueillirquatremillecinqcentspersonnes?Etquec’esticiqueBingCrosbyadonnésondernierconcertavantdemourir?
— Bing Crosby, c’est le chanteur de White Christmas, non ? Dis-moi, Wiki, je luidemandedansunéclatderire,commentsais-tutoutça?
—Nefaispasl’innocente,MissPennyP,jesaistout.Ettulesaisparfaitementbien.Aumoins,reprend-ilenregardantsonbilletavecungrandsourire,noussommesdesVIP.Attention,gratindeBrighton,nousvoilà!
Etilsemetàsetrémoussersurlabanquette.—Waouh,sinous,onestdanscetétat,jemedemandecequeNoahdoitressentir.—Oh,Noahn’estjamaisstressé!Endisantcela,pourtant,jem’aperçoisquejenesaispassic’estvrai.Jen’aijamais
vraimentvujouerNoah–encoremoinsdevantunpublicaussinombreux.— En tout cas, je sais qu’il est super excité. C’est quand même l’occasion de
conquérirl’Europe.—C’estsûrqu’enpremièrepartiedesSketch, ilnerisquepasdepasser inaperçu.
Aprèsça,toutlemondesauraquiilest,mêmedesermitescommetoi!Jesouris,maissaremarquemefaitundrôled’effet.C’estbizarredemedirequ’ily
aencoresixmois,j’ignoraisquiétaitNoahFlynnetqu’aujourd’hui,toutlemondeestsurlepointdeleconnaître.Latempêtemédiatiqueafaillim’engloutir,ladernièrefois.Vais-jeréussiràmecramponneràNoahdansletourbillonquis’annonce?
—Tuneconnaistoujourspassongroupe,hein?medemandeElliot.—Non,pasencore.Jesaisseulementquecertainsdesmembressontsesmeilleurs
amis.—J’aimeraistellementveniravectoi,poursuitElliotenbaissantlesyeux.—Oh,moiaussi, j’aimeraisquetuviennes!Mais jeterappellequetuvast’éclater
chezCHIC.Ilattendsonstagedepuisqu’ilasuqu’ilétaitpris,audébutdel’année.—Tusaisquecejournalaétéfondéen1895?Je tends le bras pour poser ma main sur la sienne. Je sais reconnaître quand il
débitesesconnaissancespours’amuserouquandellesluiserventdediversion.—Tuvasêtreàlahauteur,Elliot,toutlemondevat’adorer.Laserveusearrivepourprendrenotrecommande.Onn’amêmepaseuletempsde
choisir!Detoutefaçon,jemesenstellementnerveusequejesuisincapabledemangerquoiquecesoit.Jemeplongequandmêmedanslemenu,tandisqu’Elliotluidemandederevenirplustard.Maisàpeinea-t-elletournéledosquejeregrettesondépart:derrièreelle,setrouvelapersonnequejeredouteleplus.
—Salut,Penny.Jebaisselentementlacarte.—Heu,salut,Megan.Elliotlafusilleduregard,maisellel’ignorepourseconcentrersurmoi.
— Je suis désolée de porter la même robe que toi, Penny. Tu veux que je mechange?J’aiencoreletempsdepasserchezmoi…
Ça,c’estleboncôtédeMegan–celuiauqueljenem’attendspas–,soncôtéamicaletprévenant.Durantunebrèveseconde,jerevoislafillequejeconnaissaisavant.Maisj’ai dumal à la séparer de celle qui a essayé de détruirema vie. C’est comme deuxphotossuperposées,unedoubleexpositionvivante.SaufquejenesaistoujourspasquiestlavraieMegan.
—Non,çaira.C’estmarrant,enfait.—Bon.Ellemesouritetsemblesincère.Jusqu’aumomentoùellereprend:—Jemedemandais…Jevoissonsourires’aiguiseretcomprendssoudainqu’enfait,ellen’estpasdutout
venuepourlarobe.—…situpouvaisnousfairepasser,avecKiraetAmara,danslescoulissesaprès
leconcert.JerêvederencontrerlesSketch.Ceseraittellementgénial!Elliot,sidéré,manquedes’étrangler.—Oh…Jenesaispas,jeluiréponds.IlfaudraitquejeposelaquestionàNoah.—Ehbien,vas-y.—Hein?—Envoie-luiuntexto!Tuasbienlenumérodetonpetitcopain,non?—Pennyn’aaucunserviceàterendre,déclareElliot.—Cen’estpasà toi que jepose laquestion,Elliot, réplique-t-elled’un tonsec. Je
m’adresseàmonamie.Ellesetourneversmoi,et,souslapressiondesonregard,jem’entendsrépondre:—Heu…d’accord.Jem’apprêteàsortirmontéléphonedemapoche,maisElliotmedécocheunregard
noir.JefinisparleverlesyeuxsurMegan.—JedemanderaiàNoahplustard,maisjenepeuxrientepromettre,luidis-je.Megan hésite, puis, comprenant que je ne changerai pas d’avis, elle hausse les
épaulesens’efforçantdemasquersadéception.—Bon,d’accord.Àplustardalors,Penny.Elledisparaît,toutsourire.ÀlafaçondontelleaenvoyéElliotbouler,cependant, je
comprendsqu’ellen’apasdutoutchangé.Maintenantqu’elle n’estplus là, je sorsmon téléphoneet je lismesderniers textos
avecNoah.
Noah:Trophâtedevoircesoir.N.
Penny:Moiaussi!C’étaitbeaucouptroplongxxx
CommesiNoahsavaitque j’étaisen trainde liremesmessages, ilm’enenvoieunnouveau.
Noah:Commentviens-tuauconcert?
Jemedépêchedeluirépondre.
Penny:Àpied,avecElliotetdesamisdulycéexxx
Noah:Pasquestion.N.
Jefroncelessourcils.—Qu’est-cequisepasse?medemandeElliotenvoyantmamine.Jeluimontremontéléphone.—Qu’est-cequ’ilveutdirepar«pasquestion»?Ils’imaginequ’onvavenircomment,
autrement?Elliothausse lesépaules,maisau lieudemerépondre,sesyeuxseposentquelque
partderrièremoietsabouches’arronditdesurprise.—Qu’est-cequi…Jen’aipas le tempsd’allerauboutdemaquestion :elleestnoyéepar le flotde
hurlements et de cris perçants qui déferle frénétiquement sur nous. Au milieu de cetteexplosion,jedistinguelavoixdeKiraquis’époumone:«NOAHFLYNN!»
Jemeraidisetjepivotesurlabanquette.L’éludemoncœurestlà.NoahFlynn.Rock-starexceptionnelle.Vêtudesontee-shirt
noirhabituel,d’unjeantroué,etarborantunsouriremagnifique.Sonapparitioneffacelereste du monde. Tout – la salle de restaurant, mes camarades, et même Elliot –s’enfoncedanslebrouillard.Nerestequesasilhouette,parfaitementnette,devantmesyeux.
Dèsqu’ilmevoitsonsourires’élargitencore. Ignorant lescrisd’hystérieet lesfillesqui le regardent, bouche bée, passer devant elles, il navigue entre les tables d’un pasnonchalantet,arrivédevantmoi,ilmeprendparlesdeuxmainsetm’obligeàmelever.
—PennyPorter,m’autorises-tuàt’enlever?—Oui!Je ne veux rien d’autre que disparaître avec lui, mais jeme souviens tout à coup
d’Elliotetjemeretourneverslui:—Jepeuxtelaisser?Iléclatederire.—Évidemment,PennyChou!Filevite!Detoutefaçon,jen’aipasfranchementenvie
d’unhamburger–jesongeàdevenirvégétarien.Ilbaisselavoixetcontinue:—JevaisretrouverAlex.Çafaitunedemi-heurequ’onestséparésetjesuisdéjàen
traindemourir.Àpeineest-ildeboutqueNoahleserredanssesbras.—Elliot,monvieux!Çamefaitplaisirdeterevoir.—Moiaussi,Noah!Tuvasdéchirer,cesoir.
PuisElliotsetourneversmoi.—Nem’oubliepasquandtuserasunestar,d’accord,Penny?—Évidemment!Maisjeterappellequ’onserevoitauconcert.Jeluisourispuis j’attrapelamaintenduedeNoahet,souslesregardsmédusésde
mesamis,noussortonsdurestaurantpourmonterdanslavoiturequinousattend.C’estbientôtl’heureduconcert.
ChapitreQuatre
Deboutàcôtédelaportearrièredelavoiturenoire,arméd’unimmenseparapluiedelamêmecouleur, se tientungrandcostaudaucrânechauvesibrillantque jepourraisretouchermonmaquillageenmeregardantdedans.
—JeteprésenteLarry,meditNoah.Mongardeducorps.Ilal’airintimidantcommeça,maisc’estunfandeWhitneyHouston.Ilconnaîttoutesseschansonsparcœuretlesfredonneà ses heures perdues.C’est aussi un grandamateur de bainsmoussants, unplaisirdontilprofitetroprarementàsongoût.
Illuidonneunepetitebourradecompliceetajoute:—N’est-cepas,Larry?—Jen’auraispasmieuxdit.EtvousdevezêtrePenny?Sonclind’œilamicalmemet toutdesuiteà l’aise.JecomprendspourquoiNoaha
voulumerassureràsonsujet:ilressembleauxgorillesplantésdevantl’entréedesboîtesde nuit, le vendredi soir. Pourtant, d’après ce que dit Noah, il serait plus à sonaise àl’intérieur de la boîte – à danser près du karaoké, un cocktail rose à la main – quedehors,àjouerlesgrosbras.
Jel’imagineentraindechanterIWillAlwaysLoveYou,quandjeluiréponds:—Bonjour!Oui,jesuisPenny.Raviedevousrencontrer,Whitney!Commejeluitendslamain, jem’aperçoisduprénomquejeviensdeluidonneret je
vireàl’écarlate.Ce n’est pas du tout le genre de gaffe que j’avais prévue pour m’introduire dans
l’entouragedeNoah!Oùsontpasséeslesformulesélaborées,intelligentes,ouneserait-cequenormales?Jem’empressedebredouillerdesexcuses,dansl’espoirdesauverlasituation,maisNoahmecoupe,hilare.
—Tun’escertainementpaslaseule,nilapremière,àl’appelerWhitney,Pen!Larrymefaitunnouveauclind’œilaccompagnéd’unsourireamusé.— Disons que vous venez de gagner le droit de m’appeler Whitney, Penny. Mais
n’espérezpasderécital,àmoinsquevousnevouliezjoindrevotrevoixàlamienne!Larrys’installeauvolantpendantquejeris–nerveusement–aveclui.LeBrightonCentren’estpastrès loinet levoyageestcourt,mais jesuis tellement
heureused’êtreenfinavecNoah. Il glissesur labanquettepours’asseoir toutprèsde
moietpassesonbrassurmesépaules.—C’esttellementbiendet’avoir là!medit-ilenmeserrantcontre lui.Commentse
sontpasséstesexamens?Jefrissonne.—Nem’enparlepas!Maisc’estfini,maintenant.Jen’arrivepasàycroire!Jemenichecontreluietsenssoncœurquibat.Jenepeuxpasm’empêcherdeme
direquec’estmillefoismieuxqueSkype.Je lève lesyeuxsursonmentonbiendessiné,ses cheveux noirs en bataille, ses yeux marron foncé. Depuis quand j’ai autant dechance?D’habitude,jesuisPennylaDéveine.Lafillequin’ajamaisdeparapluiequandilsemetàpleuvoir,celledontlenuméronesortjamaisàlatomboladel’école,oucellequiperdtout letempsauMonopoly.Lavieapeut-êtremisdecôtétouscesmenusprofitspourmeréservercelui-là:l’immensebonheurd’êtreavecNoah.
—Tuesimpatiente,pourcesoir?Ilmeserreunpeu lamainet jem’aperçoisqu’au lieude l’écouter, je ledévoredes
yeux,commeuneparfaitedébile.— Oh… Oui ! Je n’arrive pas à y croire. Tu fais la première partie d’un groupe
tellementconnuquemêmemoij’enaientenduparler!Sonvisagesecrispeunpeu,et jeme rendscomptequemesparolesnesontpas
faitespourlerassurer.—Tuvasêtreformidable,jelesais.Tuesstressé?—Jementiraisendisant lecontraire,mais je suis surtoutgonfléàbloc.C’estmon
rêvedepuismesdouzeans, ilestentraindedevenirréalitéetenplus,avec lafilledemesrêves.
Ilportemamainàseslèvresetm’embrasseaucreuxdelapaume.Jerougiscommeunepivoine.
—Monseulregret,c’estquemesparentsnesoientpaslàpourlevoir.Il tourne la tête vers la fenêtre dégoulinante depluieaumoment où nouspassons
devantlamer,noireetgrisesouslesnuages.Moncœurseserredetristesse.Sesparentssontmortsdansuntragiqueaccidentdeski,ilyaquelquesannées,etje
saisqueladouleurdeNoahesttoujoursvive.LuietsapetitesœurBellasontallésvivrechez leur grand-mère, lamerveilleuse Sadie Lee, mais je sais qu’il y aura toujours ungrandvidedanssoncœur,unvideassezprofondpourengloutirl’océan.Unvidequeseulesamusiquepeutl’aideràcombler.
—Ilssontsuperfiersdetoi,Noah,j’ensuissûre.C’estàmontourdeluiserrerlamain.Quandilsetourneversmoi, ilaretrouvéson
sourire.—CommentvontSadieLeeetBella?jeluidemande.—Trèsbien.BellaentreenCPaumoisdeseptembre,etMam’travaillecommeune
folle.Ellem’adonnéuneboîtedecookiesauxpépitesdechocolatpourtoi.Ilsontsurvécuauvoyage,maistuferaismieuxdelesmangerenvitesse!Ilssontdansmaloge.
—Elleestadorable!LaseuleévocationdesmerveilleuxcookiesdeSadieLee–lesmeilleurscookiesque
j’aiejamaismangés–mefaitsaliver.Jepasseenvitesselamainsurmeslèvres,aucasoù jesaliveraispourdebon. Il nemanqueraitplusqueNoahvoieça :sapetitecopinedégoulinantedebave.Supersexy.Mais il éclatede rire,puis il s’arrêteetmeprend le
menton,pour levermonvisagevers lesien.Etnousnousembrassons.Pour lapremièrefois depuis troismois.Oh là là. Ilm’a tellementmanqué que je frise la syncope. Voirel’arrêtcardiaque.
—Tum’asvraimentmanqué,meditNoah,commes’il lisaitdansmespensées.Monadorable,superbeetmaladroitefilled’automne.
—Jesuissûrequetum’asmanquéencoreplus.Jesuismêmeprêteàparier.—Tunemedonnespasl’impressiond’aimerlesparis,Penny.Sij’aibiencompris,les
trois heures dont tu m’as parlé devant les machines à deux pence sont ton grandmaximum…
Ildresseunsourciletmefaitunclind’œil,puisils’adosseetmecontempledelatêteauxpieds.
—J’adorecetterobesurtoi.—Etmoi,j’adorecesfossettessurtoi…—Tantmieux,parcequetuvaslesvoirsouventpendantlatournée.Jesuistellement
heureuxquetuaiesacceptédevivrecetteaventureavecmoi.Çavaêtreincroyable.—J’adorelesaventures…Sauflapartie«avion»!Je ris,mais j’ai dumalà cacher l’angoisse quem’inspirent tous ces vols que nous
allonsenchaîner.Noahs’enaperçoitimmédiatement.—Jeteprometsdeveillersurtoi.Toutvatrèsbiensepasser,etonvas’éclater.Ses mots rassurants m’obligent à sourire. Dire que j’avais tellement peur qu’entre
nouscenesoitpascommeavant.Nonseulement,c’estpareil,maisj’ail’impressionqueçavadevenirencoremieux.
NoahsepencheenavantpourparleràLarry.—Onarrivebientôt?Il tente de voir à travers le pare-brise, mais la vitesse des essuie-glaces et les
grossesgouttesdepluieempêchentdevoirdehors.—Jetourneàdroite,etonyest,répondLarry.—Onpeutpasserdevantl’entrée?Jevoudraisvoirlepublic.—OK,boss.Noahsetourneversmoiavecungrandsourireetunéclatmalicieuxdanslesyeux.Je
connais ce regard : c’est celui de notre première rencontre à New York, quand il m’aemmenéevisitersesendroitspréférés.Jenesaispascequ’ilmijote,cesoir,maisjesuisintriguée.
DevantleBrightonCentre,larueestnoiredemondeetLarrydoitrouleràlavitessed’un escargot. Il pleut à verse ; dans la foule, certains portent des impers colorés,d’autresseserrentsousleurparapluiepouréviterd’êtretrempés.Toutàcoup,jesenslapaniquem’envahir.MonpetitcopainestNoahFlynn.Touscesgensvont levoirchantersur scène et tous ceux qui ne savent pas déjà qui il est le sauront après le concert.Certainsbrandissentdespancartesquidisent:ÉPOUSE-MOI,NOAH;ONT’AIME,NOAH;LAISSE-MOIÊTRETONAMOURD’ÉTÉ.
Etpuis,jemedétends.Jemefichequ’unefilleluidemanded’êtreson«amourd’été»(je sais que je suis son amour des quatre saisons maintenant). Alors, au lieu dem’inquiéter,jemeréjouisqu’ilaitautantdefanspourlesoutenirenouvertured’ungroupeultracélèbre.Laplupartdecesfillesl’ontseulementvusurYouTube,etchacuned’ellesjoueunrôledanslesuccèsqu’ilrencontreaujourd’hui.Jesaistrèsbienquebeaucoupde
genssontsurtoutvenuspourécouterlesSketch,n’empêchequejeressensuneimmensefiertépourNoahetpourlevoyagedélirantqu’ilestsurlepointd’accomplir;et,àl’idéequejevaisêtreàsescôtés,jemetortilledebonheur.
Un«clic»medétournedemespensées;Noahvientdedétachersaceinture.Jeledévisageavecinquiétude.
—Qu’est-cequetufais?—Jedescendsdirebonjour!—Mais…ilpleutdescordes!Commes’ilnelesavaitpas.—Etalors?Detoutefaçon,jedoisprendreunedouche.Et,tusaisquoi?Ildétachemaceintureetmetendlamain.—Tuviensavecmoi!—Hein?—Jeveuxque tout lemondesachequenoussommesensemble,et jeveuxque tu
découvresçaavecmoi.Arrête-toi,Larry.Onrevientdansuneseconde.Lavoitures’immobilise.Noahsautedehorsetmetireaveclui.Au moment de descendre, j’hésite, mais je vois son sourire tellement radieux que
j’attrapemonsac,ensorsmonappareilphotoetsauteàmontourdelavoiture.Mes tympans vibrent aux cris perçants des fans qui hurlent son nom en agitant
frénétiquementlesbrastandisqu’ilavanceverseux.IlyaquelquechosedevraimentmagiqueàvoirNoahéchangerquelquesmotsavec
sesfans.Sonvisageestlumineux,etilsefichepasmaldesefairetremperparlapluie.Ilestdanssonélément.
J’entendsquelqu’uncriermonnom.«Penny!Regardez,c’estPenny.C’estGirlOnline!Penny!»Jemetournepourvoirdeuxfillesmefairedesgrandssignes.Jeleurrépondsensouriant.Çamefaitsuperbizarre,aupointquejesongeàmeréfugierdanslavoiture.Malgrétout,jeprendsuneprofondeinspirationetjecommenceàphotographierNoahqui,àprésent, serredesgensdanssesbrasou tapedans lesmains tenduesvers lui.Monappareilphotomefaitl’effetd’unbouclier.Jemerépèteensilence:Tupeuxyarriver,Penny.Jereculeetjemeretrouvetoutprèsdesfillesquim’ontfaitsignetoutàl’heure.
—TudoisêtresurexcitéedevoirNoahjouerdevantautantdemonde?medemandel’uned’elles.
J’opinevigoureusement.—Carrément!C’esttellementdingue!—Aufait,onadoraittonblog!Tudevraislerouvrir,ajoutel’autre.—Oh,jenesaispas.Maisilmemanque,àmoiaussi.Jeleurfaisungrandsourire.—Qu’est-cequeçafaitdesortiravecNoahFlynn?reprendlapremière.—C’estcommeunrêve,jerépondssincèrement.Àcemoment-là,ilcroisemonregardetmemontrelavoiture.—Jedoisfiler,dis-jeauxdeuxfilles.J’aijusteletempsd’ajouter:—C’étaitsympadevousrencontrer!Noahm’aprislamainetm’entraînedéjàverslavoiture.
Ons’yengouffre,etjefaisundernierpetitsalutauxdeuxfansavantdemetourner
Ons’yengouffre,etjefaisundernierpetitsalutauxdeuxfansavantdemetournerverslui.Sonsourireaquelquechosedefélin.Àcestade,jenepeuxqu’imaginercequ’ilestentrainderessentir.
—Çava?medemande-t-il,brusquementsoucieux.—Oh,oui.C’était…incroyable!Jeleserredansmesbrasetm’écrasecontremonappareilphotocoincéentrenous.
Nouséclatonsderire.—Attends,jeveuximmortalisercemoment.Jemecaleàcôtédeluietjeprendsmontéléphonepourfaireunselfiedenousdeux
enlacés.Quand je regarde le résultat, je vois deux visages ridiculement hilares, mais si
éblouissants de bonheur que la vague de chaleur qui me traverse pourrait me faireexploser.Leplusbeau,c’estquecettesensationvadurertoutl’été.
ChapitreCinq
Quandnousdescendonsenfindevoiture,Dean,lemanagerdeNoah,nousattendsurletrottoir,tapantdupiedetregardantostensiblementsamontre.Sescheveuxsontbrillantsdegel,àcroirequ’ils’estversétout lepotsur latête,et,s’ilporteuncostume, ilaprissoindenepasfermerlestroisderniersboutonsdesachemisepouravoirl’airpluscool(Noahappelleçaseseffortspourfaire«djeun»).Ilmefaitpenseràmonancienprofdethéâtre,qu’onavaitsurnommé«Appelez-moi-Jeff»,parcequ’il jouait leprofsupercool,copainavectoussesélèves.
—Salut,Dean!jeluilance.Jesuiscontentedevoirunvisagefamilier.J’airencontréDeanpendantlesvacances
dePâques,lapremièrefoisqueNoahasuggérélapossibilitéquejel’accompagnesurlatournée.
—Penny!Ravidetevoir.Ilm’embrassesurlesdeuxjouesetjesuisaussitôtassaillieparl’odeurdesonafter-
shave.—Bon,maintenant,onsedépêche, lesamoureux.Aller traînerdevant l’entrée,non
maisfranchement!Vousvousrendezcomptedelapaniquequevousavezcrééepourlasécurité?
Noahhausselesépaules.—Tun’aspasvuqu’il tombedescordes?demande-t-ilàDean.Et touscesgens,
obligésd’attendresouslapluie?Jevoulaisleurdirebonjour.Aprèscetteescapade,j’ail’impressiondeflottersurunnuage.JesuissûrequeNoah
aussi, et ça m’est bien égal d’avoir les cheveux trempés. Noah, évidemment, a l’airencoreplusbeau.
Deanlèvelesyeuxauciel,maisiln’estpasencolère–ilsaitquecegenredechosesfaitpartieducharmedeNoah.C’estDeanquiadécouvertNoahsurYouTubeetl’afaitsignerchezSony.Depuis, ilestpresquedevenuunpèredesubstitution ; ilaideNoahàgérer tout ce qui arrive quand on devient une star du Net du jour au lendemain. C’estDeanquiaarrangésatournéeaveclesSketch, jurantàtout lemondequeNoahétaitfinprêt–mêmesiNoahn’enétaitpastoutàfaitsûrlui-même.
C’est aussi lui qui a convaincu mes parents de me laisser partir avec Noah. Il a
C’est aussi lui qui a convaincu mes parents de me laisser partir avec Noah. Il apassétoutunaprès-midicheznous,àlesrassurersurlefaitqu’unetournéedesSketchn’avait rien à voir avec les virées « alcool et drogues » décrites dans les films et lessériestélé.
— Aujourd’hui, leur a-t-il dit, entre les paparazzis, les réseaux sociaux et lessmartphones,onnepeutpasprendrelemoindrerisqueaveclaréputationdenostalents.
Çam’afaitdrôled’entendreNoahqualifiéde«talent».— Le moindre faux pas est immédiatement filmé et balancé sur le Net, c’est
inévitable. Et c’est viral. Mon job consiste précisément à m’assurer que ce genre dedérapagesn’arrivejamais.
Cetaprès-midimeparaîtsiloin.Cesoir,cedontonparlaitestentraind’arriver.JeparsavecNoahentournéeetj’aidumalàycroire.
Deanmeramèneàlaréalité.—Noah,tumontessurscènedansuneheure,onn’apasletempsdetraînasser!—J’aipassél’après-midiàrépéter,Dean,j’aiquandmêmedroitàunepetitepause.—Peut-être,mais j’auraispréféréquetumepréviennes,au lieudefilercommeun
voleurenmelaissantcourirpartoutcommeunepouleaffolée!Noahmefaitunclind’œilet je retiensmonrire.C’est tout lui, ça,disparaîtresans
riendireàpersonne.Les coulisses et les loges sont beaucoup moins glamour que ce que je croyais.
J’avais imaginédescanapésdecuir,degrandsmiroirsavecdesampoulestoutautour,ou un décor industriel, avec des poutres métalliques, des conduits de chauffageapparents et des enceintes partout. Au lieu de quoi, on nous pousse, par une série decouloirsétroits,versuneporteavec«NOAHFLYNN»écritsurunboutdepapierscotché.Derrière, jedécouvreunepetitepiècepeinteenbeigeavecdeuxcanapésgris installésdepartetd’autred’unetablebasse.L’ambianceauraitétéfranchementdéprimantes’iln’yavaitpasunjoyeuxbazaréparpillépartout:desinstrumentsdemusique,desvalisesouvertes avec leur contenu étalé par terre et plusieurs blousons de cuir jetés sur ledossier du canapé.Sur lesmurs, il yaaussi les photos d’artistes célèbres passésauBrightonCentre,deBingCrosby(dontjesaistout,grâceàElliot)auxplusrécentscommeTheVamps,TheWantedetmêmeOneDirection.JemedemandesiNoahauraunjour,luiaussi,saphoto.
—Est-cequelesSketchontunelogecommecelle-là?—Non,merépondNoahensouriant,laleurestnettementpluschic.—Oui,évidemment.Est-cequejevaislesrencontrer?Cettefois,iléclatederire.—Jenelesaimêmepascroisésmoi-même!Jenefaisqueleurpremièrepartie,tu
tesouviens?LeurmanagerestencoreplussévèrequeDeanavecmoi.Jeseraissurprisquetupuissesneserait-cequelesapercevoirpendantlatournée,àmoinsquetun’aiesvraimentbeaucoupdechance.
Ilmeregarded’unairsoupçonneux.— Tu n’essaierais pas de passer dans la catégorie « boy-friend célèbre »
supérieure,parhasard?Jelerepousseenluitirantlalangue.Iléclatederire,etj’oublietoutemadéception
denepas rencontrer lesSketchendécouvrant lamontagnedebonbonsétalée sur la
tablebasse.IlyaunÉNORMEplatremplidebiscuitschocolat-beurredecacahuètes,unautrepleindeJollyRancher,plusieursbouteillesdeLucozade jaunefluoet…desmini-œufsauchocolatCadbury.
—Noah!Oùlesas-tutrouvés?—Quoi?—Cesœufs!C’estl’été,onnelestrouvequ’àPâquesd’habitude!—Situledis,c’esttoil’experteenchocolat.—Jepariequec’esttoncapricedediva!—Pasdutout!Ilenattrapeunqu’ilengouffreavantdesepenchersouslatable.Ilensortuneboîte,
et,dèsqu’ill’ouvre,serépanddanslapièceunedélicieuseodeurdecookiesauchocolat.—ÉtantdonnéqueSadieLeem’afait jurerdedonnercesgâteauxàsonAnglaise
préférée,etdenepaslesdévorermoi-même,j’aidûmerabattresurlesœufs.Numérodeuxsurtalistedesmeilleureschosesaumonde!
—C’estvrai.RiennebatlescookiesdeSadieLee!dis-jeenprenantlaboîtepourmeservir.
Ilssontencoremoelleuxàl’intérieur.Jepourraismangerlaboîteentière,maisjelatendsàNoahpuisàDean,quinousarejointsdanslaloge.
—Saluttoutlemonde,quelqu’unveutunebière?Jelèvelesyeuxdemescookies.Ungarçonde l’âgedeNoahestappuyécontre lechambranlede laporteetserre
entresesdoigtsdeuxbouteillesdebière.Unelonguefrangedésordonnéeluidescendsurlefront.Ilporteuntee-shirtnoir,commeNoah,ettouteunesériedetatouagesremontelelongdesesbras.Jenesaispaspourquoi,mais,toutàcoup,unfrissondésagréablemetraverse.
—Paspourmoi,vieux,répondNoah.Blake,jeteprésentemacopine,Penny.Penny,voilàBlake,undemesmeilleursamisetbatteurdugroupe.
Blakemeregardeàpeine–ou,s’il lefait, jenem’enaperçoispas,parcequesafrangecachelamoitiédesesyeux.Jecroisentendreungrognementd’assentimentsortirdesabouche.
—Salut,Blake.Mavoix,évidemment,déraille.EtjevoislevisagedeBlakechangerinstantanément:
il fait lamoueavec un ricanement sarcastique.Moi qui voulais faire bonne impressiondevantlesamisdeNoah,c’estraté.Jenemesenspasseulementmaladroite,maislimitepathétique;j’ail’impressiondenepasêtreàmaplace.
DeuxautresgarçonsapparaissentderrièreBlake.Euxaussiapportentdelabière,mais ils sont beaucoup plus chaleureux et souriants. Noah me les présente dans leurordre d’arrivée : le bassiste, Mark, et le clavier, Ryan. Ils s’assoient en face de nous,tandisqueBlakeselaissetombersurlecanapéjusteàcôtédeNoah,sibienquejemeretrouvecoincéeentreluietl’accoudoir.IltendunedesbouteillesdebièreàNoahquilaposeaussitôtsurlatable.
—Eh,mec, onest enAngleterre !Tuas le droit deboirede l’alcool ici, s’esclaffeBlakeaprèsenavoiravaléunebonnerasade.
Noahhausselesépaules.—Jet’aiditquejen’avaispassoif.
Lebatteura l’air de vouloir insister,maisDean frappedans sesmains, et tout lemondeleregarde.
—OK,lesgars,c’estvotrepremièregrossetournéeensemble.Larépétitionétaitaupoil, alors contentez-vous de refaire ce que vous avez fait jusque-là, et vous allezcasserlabaraque.Jen’aipasbesoindevousrappeleràquelpointc’estimportantpourNoah,etpourvoustous.C’estmaintenantoujamais.Onn’ariensansrien. Ilvousrestedixminutes,alorsallezvouspréparer.Lagloirevousattend.
—Ilesttoujourscommeça?jemurmureàl’oreilledeNoah.—Comment?Àdébiterdesclichésavantqu’onmontesurscène?J’opine.—Oui,çarésumeassezbienlaméthodeDean.Ilsetourneverssonmanager.—Jepeuxavoiruneminuteseul?—Uneminute, répliqueDean en rétrécissant son regard pour lui faire comprendre
qu’iln’enaurapasunedeplus.Trèsbien,toutlemondedehors.—ToutlemondesaufPenny.Deanopine.Lesautresselèvent,maisBlakeregimbe.Chacundesesgestessemble
exécutéàcontrecœur,maisilfinitparsuivrelemanager.Quandnoussommesseuls,Noahsetourneversmoi.Jelesensfrémiretjemerends
comptequecen’estpasdutoutdel’impatience.Ilal’airvraimentinquiet.—Penny,commence-t-ild’unevoixsourde, jenesuispassûrdepouvoirmontersur
scène.
ChapitreSix
Cesontbienlesderniersmotsquej’attendaisdanslabouchedeNoah.Sonsourireetsesfossettesontdisparu,samâchoireestserrée.Levisagesubitementpâle,ilserongemêmelesongles.Jenel’aijamaisvudanscetétat.Ilselèveetsemetàfairelescentpas,ensepassantlesmainsdanslescheveux.
Jemeprécipiteverslui.Pourl’obligeràs’arrêter,jeprendssesdeuxmainsdanslesmiennes.Ilnebougeplus,maisjesenssestremblements.Frontcontrefront,nousrestonsimmobilesunmoment,puisjeposelamainsursajoue.
—Tuesgénial,Noah.Biensûrque tuvasyarriver !TuesNoahFlynn.Rienne terésiste.
Ilsepencheetm’embrasse.Cebaisern’arienàvoiravecceluide lavoiture.Seslèvresécrasentlesmiennes,commes’ilyallaitdesasurvie,commes’ilespérait,parcetuniquebaiser,noustransporterailleurs,dansunendroitoùne l’attendraientpasquatremillecinqcentsfanshystériques.
Quandonsesépare,ilditencore:—Penny,jenesaisvraiment,vraimentpassij’ensuiscapable.Ilparled’unevoixsibassequejel’entendsàpeine.Descoupsfrappentàlaporte.—Taminuteestpassée,Noah!crieDeandel’autrecôté.Savoixmesemble légèrementpaniquée–maispasautantquecelledeNoahqui
s’effondresurlecanapéetenfouitsonvisagedanssesmains.Levoircommeçameserre lecœur. J’aienviedem’approcheretde l’envelopper
dansquelquechosedechaud,dedoux–levieuxcardigandemamèreparexemple.Maisil ne peut pas monter sur scène emmitouflé dans une couverture (quoique, quand j’ypense, il serait capable de lancer unemode).C’està cemoment que j’ai un éclair degénie.Jesaiscequ’illuifaut:undoudou.Enfin,l’équivalent…
Jescannelalogeàlarecherchedel’objetadéquatquandmesyeuxtombentsursavieilleguitare.Voilà leprécieux talisman, le trucqui luidonnera l’impressiond’êtrechezlui:savieilleguitare.Cellequ’ilaapportéedeBrooklynaveclui.Celleaudosdelaquelleestgravélepetitmotdesesparents:
Restefidèleàtoi-même.M&D
Jevaislachercheretjelaluitends.—Tiens.Prendsça.—Maguitare?Jenevoispasenquoiçavam’aider.—Prends-la,j’insiste.Ils’enempareetpasse lasangleautourdesoncou.Dèsque l’instrumentestcalé
contrelui,ilplaqueunaccord,puisunautre.Lamusiqueremplitlalogeettoutàcoup,j’ail’impressionquenoussommesdanslesous-soldelamaisondeSadieLee,àNewYork.Rienqueluietmoi,plongésdansnotreunivers.
—Tudevraislaprendresurscène,jesuggère.Ilbaisselesyeuxsursaguitare.—Qu’est-cequetuveuxdire?—C’estavecellequetuascomposétespremièreschansons,non?Prends-laavec
toietcommenceleconcertavec.Tupourrastoujoursenchangerensuite.Il reste silencieux si longtemps que j’en viens à penser que ma suggestion est
complètementidiote.Puisjevoissonvisages’illuminer.—Penny,tuesgéniale!Ilbonditsursespiedsetm’embrasse.—Attention,laguitare!jem’exclameenriant.—Viens.Allons-yavantqueDeanfasseuneattaque.Ilglissesaguitarederrièrelui,meprendparlamainetouvrelaporte.Dean,adosséaumurducouloir,écartelesmainsqu’ilaposéessursonvisage.—Enfin!s’exclame-t-ilennousvoyant.Tuesprêt?—Ouaip,Dean!Onyva.—Bon.Tum’asfichulatrouille.Ilfoncedanslescoulissesetnousluiemboîtonslepasenévitantdetrébuchersurles
câblesfixésausolavecdugrosScotchnoir,oudenouscognerdanslestechniciensquicourentdanstous lessens.Jemetords lecoupourregardervers lescintres; ledécordes Sketch est suspendu au-dessus de nos têtes. Il y a aussi des écrans géants quidescendront sur scène pendant le spectacle. Noah m’a dit qu’ils avaient engagé desillustrateurs.Leursdessins,réalisésendirect,serontprojetéspendantleconcert.
Jemeprendslespiedsdansuncâbleetmanquedem’étaler,maisilmeretientd’unemainferme.
Deansetourneversnous.—Qu’est-cequec’estquecetteguitare?demande-t-ilàNoah.—C’estmaguitare.Jevaiscommenceravecelle,etaprès lebreak,pendantque
Blakeenchaînesurlesolodebatterie,jeprendrail’autre.Deans’immobilisecomplètementet nousobligeànousarrêter. Il observeNoah, la
têtepenchéesurlecôté,puisilopine.—Bonne idée.Cen’estpascequ’ona répété,mais…OK–ce seraungenrede
retour aux sources, au son YouTube des débuts. Je préviens le reste du groupe et lestechniciens.Encoreunefois,tunemefacilitespaslavie,Noah.
—Oui,maisçateplaît,rétorqueNoahensouriant.
L’instantsuivant,noussommesjustederrièrelascène.Jesenslesvibrationsdupublic
L’instantsuivant,noussommesjustederrièrelascène.Jesenslesvibrationsdupublicimpatient.
Noahsetourneversmoi, lesyeuxbrillants.Sonstressacomplètementdisparu;nerestentquel’adrénalineetl’excitationdemontersurscène.
—Merci,Penny.Jenesaispascommentj’auraisfaitsanstoi.Jeluirendssonsourire.—Àtoutàl’heure,jemurmure.Soudain,lascèneestplongéedanslenoir.Lebrouhahas’interrompt,lepublicretient
son souffle. L’impatience est palpable – on entendrait une mouche voler – ; je medemandecommentNoahpeutsupporterunetelletension.
Il prend une profonde inspiration et marche vers la scène. Dans l’obscurité quasicomplète,jenevoisquesasilhouette.Ilajustelemicro,bougelespiedspourtrouversabonneposition,puis ilpose lesdoigtssur lescordesdesaguitareet lance lespremiersaccords.
Les spots s’allument, il chante les premières paroles d’Elements, et, dans unrugissement, s’élèvent les acclamations enthousiastes de quatre mille cinq centspersonnes.
Jem’aperçois,aumêmeinstant,quejepleure.
ChapitreSept
—Penny,tudevraisrejoindretaplacedanslesgradins.—Hein?….Quoi?
C’est la voix de Dean qui m’arrache au sortilège dans lequel je suis plongée.RegarderNoah sur scène est fascinant et je détourne les yeuxà contrecœur pour luirépondrecorrectement.
—Oui,sansdoute.Heu…Paroùjepassepouryaller?Jesuiscenséeassisterauconcertdepuis leslogesVIP,oùdoiventm’attendreElliot
etAlex.— Tu vois ce couloir ? Tout au bout, tu vas tomber sur un escalier. Tu descends
jusqu’aux places d’orchestre. À partir de là, tu devrais trouver ton chemin jusqu’auxgradinsVIP,justeau-dessus.
Deandoitêtredistraitparcequ’onluiracontedanssonécouteurparcequ’ilpâlitets’immobilise,tenducommeunjouetmécaniqueremontéàbloc.Cen’estpaslemomentdeluidemanderderépéter.
—OK,merci,j’aicompris.Je suis nettement moins convaincue que je n’en ai l’air, mais je m’élance avant
d’oublier ses instructions. Je sais que le passage deNoah n’est pas très long et je neveuxpasenperdreunemiette.
Le dédale des coulisses franchi sans encombre, j’arrive au pied de l’escalier. Jepousselaporte,etlà,sansaucunetransition,jesuispropulséeaumilieuduchaos.
L’ambiance est beaucoup plus agitée et plus bruyante que dans les coulisses.Devant d’énormes amplis, les filles hurlent en se pressant contre les barrières qui lesséparent de la scène et de Noah. Elles tendent les bras vers lui, désespérées de letoucher,voiredeluiarrachersesvêtements.Jen’aipasl’impressiondevoirdesindividus–plutôtuneentitécompacteetdébordanted’excitationsauvage.Avantlespectacle,leshaut-parleurs ont précisé qu’il était interdit de jeter des objets sur la scène, maiscertainesfillessontdéjàentraindelancerdesoursenpeluche,desfleurs–etmêmeunsoutien-gorge–auxpiedsdeNoah.
Lafièvreestcontagieuse,etjesensdesvaguesd’adrénalinemetraverser.Pourtant,jesensaussi l’angoissequimonte.Lesagentsdesécuritémepoussent– jen’aipas le
droitderesterprèsdelaportedescoulisses–,etjem’enfonceunpeuplusdanslafoule.Jelèvelesyeuxverslebalconetj’aperçoisElliotetAlexserréscontrelarambarde.IlsécoutentElements,lesyeuxdanslesyeux,ensetenantparlesépaules.Ilssonttellementtouchants,etc’estsiraredelesvoirenlacésenpublic,quejemesensfondre.
Quand ils s’embrassent, je sorsmon téléphone portable (en regrettantamèrementd’avoiroubliémonappareil photodans la loge)et je lesprends.Leclichéest sombre,mais plein de poésie, et j’ai hâte de le montrer à Elliot. Ça fait des siècles qu’il meréclameunebellephotod’eux.Chaquefoisque j’essaied’enprendreune,Alexfaitdeschichisetsedérobe. Iln’apasencorefaitsoncomingout ;safamilleet laplupartdesesamisnesaventpasqu’ilsortavecElliot,alorsilévitelestémoignagesd’affectionenpublic.Elliotlecomprendetfaitpreuvedebeaucoupdepatience(ilestbienplacépoursavoirqu’ildoitlaisserletempsàAlex),maislesecretluipèse.C’estcommeuneombreàleurtableau.Laseule,maiselleleurcausequandmêmedessoucis.
Quelqu’unmebousculeetfaittombermontéléphoneparterre.—Eh!jecrie,maislafillequim’aheurtéenem’amêmepasvue:elleestbientrop
occupéeàchanteravecNoah,toutensautantdanstouslessens.Jebaisselesyeux.Montéléphoneestlà,justesoussespieds.Jeplongepourl’attraper,maislafilleshootededansetl’envoieunpeuplusloin.—Oh,pardon!mecrie-t-elleenfinissantparmevoir.—Pasdeproblème.J’aibeauavoir l’airdésinvolte, j’ai lagorgeet l’estomacnoués.Jedoisabsolument
récupérermon téléphone. Je replongeet j’essaiedesuivresa trace,maischaquefoisquejecroislesaisir,ilm’échappe,pousséparquelqu’und’autre.
On me marche sur les doigts. Je crie en serrant les dents et je ferme les yeux.Malheureusement,cette toutepetiteseconded’inattentionsuffitpourque jeperdemontéléphonedevue.Heureusement,jeparviensàlerepérerdansuneminusculeclairièreaumilieudecetteforêtde jambesagitées.Je replonge,maisunefoisdeplus,uncoupdepiedl’envoievalserailleurs.Jel’aisouslesyeuxlorsqu’unemainleramasse.
—Eh,c’estàmoi!Personne,biensûr,nem’entendcrier.Auborddudésespoir,etaurisquedemefairepiétiner,jemefaufileàquatrepattes
aumilieudelafouledéchaînée.—Eh,qu’est-cequetufiches?—Nonmais,çanevapaslatête!J’ignorelesprotestationspourfranchirunenouvellelignedemollets.Inutilement.Mon
téléphones’estbeletbienenvolé.Je me redresse avant d’être écrasée et scrute frénétiquement la foule à la
recherchedemonvoleur.Tous lesvisagesseressemblent,ettous lesyeux,écarquillés,sontbraquéssur lascène.SurNoah–monamoureux–que je suis la seuleànepasregarder.
Onmebouscule. Je tombesurune fillequimehurledessus.Lescriset lamusiquem’empêchentd’entendrecequ’elledit; jecomprendsseulementquecenesontpasdesgentillesses. Je veux m’excuser, mais je me sens si oppressée que je n’arrive pas àprononcerunmot.Jenepeuxpasfairelemoindregeste,encoremoinsrespirer.
Soudain, j’aperçois un panneau EXIT en lettres lumineuses rouges au-dessus d’une
Soudain, j’aperçois un panneau EXIT en lettres lumineuses rouges au-dessus d’unetête et j’essaie dem’enapprocher. J’ai l’impression de nagerà contre-courant, d’êtreprisedansuntourbillonquinecherchequ’àm’engloutir.J’entendsNoahparleraupublicentredeuxchansons,maisilmesembleàdesmillionsdekilomètres.
Puis,toutàcoup,onmetapesurl’épaule.—Eh,tun’espaslafilledublog?LapetitecopinedeNoah?medemandeunefille
auxcheveuxblondsramassésenunetressenouéesurlecôté.—Heu…—Mais si, c’est toi ! Ça alors ! Eh, les filles, regardez, c’est la petite copine de
Noah!—Qui?Lafilledublog?—Oùça?—TupeuxdonnerçaàNoahdemapart?Enmoinsd’uneseconde, jesuiscernéeparlafilleàlanatteettoutessescopines.
Elles ne sont pas les seules à m’avoir repérée : d’autres jouent des coudes dans madirection,àmoinsqu’ellesneprofitentdumouvementpours’approcherunpeuplusdelascène.
—S’ilvousplaît,jedoispartir.Mavoixn’estplusqu’unmurmure:jesuisentraindevivrelepiredemescauchemars.
J’ail’impressionqu’unmilliondemainsm’agrippentetmetirentdanstouslessens.J’aideplusenplusdemalàrespirer.Jenevoisaucuneissue,aucunmoyendemedégager–oùque jemetourne, jebutesur lamêmefoulecompacte, lesmêmesregardsbraquéssurmoi.Matêtevaexploser, levacarmeestsiassourdissantque jen’arrivemêmeplusàentendrelavoixdeNoah.
—Penny,c’esttoi?hurlealorsunevoix.Unefillemeprendlamainetmetire.—Suis-moi.Parlà.Jemesens ridicule dem’abandonneràcette inconnue– tout ceque je vois d’elle,
c’estunecascadedelongscheveuxbrunfoncé–maisellearriveàfendrelafoule,etjen’éprouveplusquedelareconnaissance.
ChapitreHuit
Quandnousdébouchonsenfindansl’alléeprincipale,prèsdelasortie,masauveusemelâcheenfinlamain.Jeprendsuneénormegouléed’airenm’appuyantsurlesgenouxetjelèvelatête,lesidéesunpeuplusclaires.
Megan!C’estMegan!Sonregard,sincèrementinquiet,scrutelemien.—Eh,çava?Tuavaisl’airplutôtdépassée,là-bas.Elleposelamainsurmondos.Jem’efforcedesourire.—C’est la foule. Je ne supporte pas. Et là, c’était le délire. J’ai fait tombermon
téléphone, je voulais le récupérer et tout à coup, je me suis retrouvée cernée, tout lemondem’esttombédessus…
—Tuaspleuré?Tonmascaradégouline.J’aicomplètementoubliél’émotionquim’apriseenécoutantNoah,toutàl’heure.Je
m’essuierapidementlesjoues.Aprèslacrised’angoissequejeviensdevivre,cemomentdanslescoulissesmeparaîtàdesannées-lumière.Chaquefois,c’est lamêmechose:dèsque jecommenceàflipper, toutdisparaît.Leseulmotquimevientà l’esprit,c’estpanique,panique,panique.Plusrienn’existe.J’aibeausavoirque jenevaispasmourir,mon corps refuse d’écouter.Comme si j’étais scindée en deux,ma tête d’un côté,mesémotionsdel’autre,etaumilieu,unemontagned’angoisseinfranchissable.
—Cen’estpasàcausedelafoule.Jepleuraisdebonheur.Megansourit.—Tuveuxquejet’accompagnejusqu’àtaplace?—Jeveuxbien.C’estenhaut,mais…jenesaispasoùexactement.Je m’aperçois, tout à coup, que je n’ai même pas mon billet avec moi. J’ai dû le
laisserdanslaloge,avecmonappareilphoto,maveste,monsacetmonlaissez-passerpourlescoulisses.Tandisquej’expliquelasituationàMegan,jemesensdeplusenplusagacée.Jen’arrivepasàcroirequej’aietoutoublié.Quelleimbécile!
—Net’inquiètepas,medit-elle.Onvaarrangerça.Ellefileverslepremiervigileet,enrepoussantsavammentseslongscheveuxbruns
derrièresondos,elleluiexplique:
—VoiciPennyPorter,lapetiteamiedeNoahFlynn.Elleabesoinderetournerdanslescoulisses,parcequ’elleaoubliésonbilletettoutessesaffairesdanssaloge.
Levigilenoustoised’unregardblasé.—C’estça,etmoi,jesuisleprinceHarry.—Monsieur,s’ilvousplaît,dis-jeenarrivantàmontour, jeviens justedesortirdes
coulissesparlaporteàcôtédelascène,et…— Écoutez, les filles, retournez à vos places et faites comme tout le monde :
profitezduconcert.Vospetitsjeuxn’amusentpersonne.—Cen’estpasunjeu,protesteMegan.Elleréussitàgardersoncalme,maismoi,jemesenscraquer.—Allezprévenirquelqu’undel’entouragedeNoah,poursuit-elle.IlreconnaîtraPenny,
lui.L’hommecroise les bras sur son torse.Campé sur ses deux jambes, il n’aaucune
intentiondebouger.—Sivousneretournezpasàvosplacestoutdesuite,jevousfaisjeterdehors.—C’estscandaleux!s’exclameMegan,outrée.AttendezqueNoahFlynnl’apprenne,
vousserezviré!Jemedépêchedel’entraînerloinduvigile;jenesaispascequ’ellerisque,maisjene
veuxpas lavoiravecdesmenottesouvictimeden’importequellesreprésaillesquecetype patibulaire pourrait exercer. Tandis qu’on s’éloigne, je sens son regard peser surnous.
— Merci de vouloir m’aider, Megan, j’apprécie, vraiment. Mais… je crois que jepréfèrerentrerchezmoi.
—Tuessûre?EtNoah?Ellepasseunbrasréconfortantautourdemesépaules.—Ilsaitquec’estlàqu’ilmeretrouvera.—Bon,commetuveux.Elle n’a pas besoin d’insister. On n’est peut-être plus amies, mais elle me connaît
encoretrèsbien.—Jeteraccompagne,pourêtresûrequeturentressansproblème.—Tun’espasobligée,Megan.Jepeuxtrèsbien…J’allaisdire«appelerTom»,maisjenepeuxpas,puisquejen’aiplusmontéléphone
etquejeneconnaispassonnouveaunuméroparcœur.—J’habitepasloin,Megan.EttuvasraterlesSketch,tuavaistellementenviedeles
voir.Elleglissesonbrassouslemien.—JecroisquetuasplusbesoindemoiquemoidevoirlesSketch.Etpuisj’aienvie
deprendrel’air.Onétouffe,là-dedans.Jesuisétonnéeetunpeumalàl’aisedevoirMeganaussigentilleavecmoi,maisje
neperçoisaucunemauvaiseintentiondesapart,nidanssonregardnidanssavoix.Alorsnouscontinuonsd’avancer.
Dehors,lapluiebattanteafaitplaceàunebruinelégère.Labrisedulargequimecaresselescheveuxdissipeunpeucequimerested’angoisse.Jenerespirepasencoreparfaitement, et j’ai toujours lesmainsmoites,maisMegan retientmonbras commesielleavaitpeurdemevoirm’effondrer.Jenepourraispasluiêtreplusreconnaissante.
—Tuveuxacheterunebarbeàpapasurlajetée?propose-t-elle.Lesucreteferadubien.
—Bonneidée.Nous franchissons l’entrée super éclairée du centre d’attractions et, entre les
planches du ponton, j’aperçois les vagues s’écraser sur les galets. Nous choisissons leplusbeaustanddebarbesàpapaetoptonspourunseulnuagedesucreblancetrosepourdeux.J’enprendsungrosmorceauquejelaissefondreetpétillerlentementsurmalangue.
—Humm,j’adore.Puisjebaisselesyeuxetjecontinue:—Merci, Megan. Tu m’as sauvée, tout à l’heure. Je ne sais pas ce que je serais
devenue.Labrisesoulèvesescheveuxquivolentautourdesonvisage.Ellemesouritet les
rassembleenungroschignonqu’ellecoincenégligemmentausommetdesoncrâne.Ellefaitcelasansypenser,etlerésultatestsupercool.
—Pasdeproblème,Pen.Tuveuxmontéléphonepourappelertonopérateuretdirequ’ont’avoléletien?
—Merci,c’estgentil.Heureusementquej’aiunmotdepasseetqu’ilnemerestequecinqminutesdecrédit.J’espèrequandmêmequeceluiquil’aramassévalerapporteràl’accueil.J’adorecetéléphone.
Ettoutcequ’ilcontient.DesphotosdeNoahetmoi.Nostextos.Mêmelacoqueestspéciale:unsoir,Noahs’estamuséàlacouvrirdepetitesétoilesaufeutrenoir.
Moncoupdefilpassé,jerendssonappareilàMegan.—Voilà,ilestbloqué.—Super.Ellemedévisageetsoupire.—Écoute,Penny…Jevoulaisteparlerdepuislongtemps,maisjen’aijamaistrouvéle
bonmoment.—Qu’est-cequetuvoulaismedire?—Jevoulaism’excuser.Vraiment.Pourtoutcequis’estpasséaudébutdel’année.
C’était…Jenesaispascequim’apris.Jesuisdésoléed’avoirditàtout lemondequiétaitGirlOnline.Jemesensd’autantplusstupidequej’adoraistesposts.J’étaisjalousede tonsuccès, jalousede tevoirsortiravecunestar.J’avais l’impressionque tuavaistout,Ollie,levoyageincroyableàNewYork,oùjerêved’habiter,puisNoah.Jeneparlemêmepasdetontalentdephotographeetd’écrivain.Toutlemonderépètetoutletempsquetuestellementbrillanteets’extasiesurlacarrièregénialequit’attend…Toutcequej’avais,moi,c’étaitunepubminablepourdelacolleetlerêvededevenirstardecinéma.Quoiqu’ilensoit,jen’avaisaucuneraisondemevengersurtoicommejel’aifait.
Megan,jalousedemoi?…Si jen’avaispaslabouchepleinedebarbeàpapa,mamâchoireseseraitdécrochée.
—Est-cequetupeuxmepardonner?reprend-ellefaceàmonsilence.Jen’enrevienspas.—Je… J’ai toujourseu l’impressionquec’était toiquiavais toutceque tuvoulais,
Megan. Tu es tellement belle et tu es une actrice géniale. Mais j’ai vraiment souffertaprèscequis’estpassé…
—Jesais.Ellebaisselesyeux.— J’ai mal agi et j’ai eu tort. Qu’est-ce qui nous est arrivé, Penny ? On était les
meilleuresamiesdumonde.—Ons’estéloignées,c’esttout.—J’aimerais,sic’estpossible,qu’onsoittoujoursamies,vraiment…Nousnousdévisageons.Ellefinitparsourire,etsonsourireesttellementchaleureux
quejecède.—Moiaussi,Megan.J’esquisseunsourireetbaisselesyeuxsurnosrobes.—Ondoitnousprendrepourdesjumellesdanscetaccoutrement.—Qu’est-ce que tu veux, le bon goût, ça ne s’invente pas ! s’exclame-t-elle.Allez,
viens.Ellemereprendlebras.—Toutlemondedoitsedemanderoùtuespassée.Ilesttempsdeteramenerchez
toi.
ChapitreNeuf
Quandnousarrivonschezmoi,lesrideauxsonttirésetl’intérieurestplongédanslenoir.Jeme demande, un peu déconcertée, simes parents sont sortis, lorsque j’entends desvoixausalon–ilsregardentunfilm.JefaissigneàMegandemesuivre.J’ouvrelaporteetjepasselatêteparl’entrebâillement.
—Maman?Jenem’attendspasàlavoirbondirsursespiedsencriant:—Oh,monDieu,Penny!Tum’asfaitunedecespeurs!Tonpèreaencoremisunde
cesfilmsd’horreurquejedéteste.Elleluilanceunregardnoir,trèsbienrodé,qu’ilbalaieenriant.Ilsaitaussibienque
moiquemamanadoreregarderunbonthriller–toutça,c’estducinéma!D’ailleurs, sa petite saynète terminée, elle m’observe très sérieusement. Sa mine
inquiète,pourlecoup,n’ariend’artificiel.— Mais… qu’est-ce que tu fais là, chérie ? Nous ne t’attendions pas avant des
heures.Jelavoisretenirlaquestionquiluibrûleleslèvres:EtquediablefaitMeganici,enta
compagnie,aprèscequis’estpassé?Jecommenceàraconter,maisàpeineai-jeévoquémacrisedeclaustrophobieet
l’attaquedepaniquequim’apriseaumilieudelafoulequemavoixsemetàtrembler.Ma gorge se noue et, dans un hoquet, je fonds en sanglots. Megan prend le relais etracontelasuite.Quandelleaterminé,monpère,quiaralluméleslumières,vapréparerunetassedethé.
Jeme sensmieuxmaintenant, et c’est un autre sentiment qui prend le dessus : laculpabilité.Noahvaêtrefoud’inquiétudeens’apercevantdemadisparition.Jen’aiplusmontéléphoneportableetaucunmoyendeluitransmettreunmessage,jen’auraisjamaisdûpartircommeça.
Jemelèveprécipitamment.—Jemontedansmachambre.IlfautquejeprévienneNoahquejesuisrentréeàla
maison!MamansecouelatêteetsetourneversMeganensouriant.—Commentvonttesparents,chérie?Quelplaisirdeterevoir…
Jeleslaissesemettreàjouretjefiledansl’escalier.Dès que j’ai laissé un message à Noah, certaine qu’il ira sur Twitter avant de
regarder ses mails, j’ouvre mon blog. Le changement de comportement de Megan metrottedanslatête,etjesaisàquijeveuxenparler.
25juin
Peut-onpardonneretoublier?
Je sais que c’est mon deuxième post de la journée, mais avec tout ce qui s’estpassé,j’ail’impressiond’avoirvéculepluslongjourdemavie!Vous vous souvenez que j’ai évoqué, il y a longtemps, l’éloignement d’avec uneamie?Etquel’«amie»enquestions’estrévéléeêtrecellequim’atrahiedanslesmédias?(Jesais,avecdesamispareils,onn’apasbesoind’ennemi.)Ehbienvoilà:ellevientdes’excuser.Hallucinant,non?Jen’auraisjamaiscruqueçaarriveraitunjour.Elleestvenueàmonsecoursquandj’avaisl’impressiondemenoyer,etelleaétévraimentgentilleavecmoi.J’aiguetté l’instantoùellemerévéleraitsamotivationcachée,maisiln’estpasvenu.Elleétaitjustesympa.Jeretrouvaismabonnevieilleamied’avant.J’étais contentequ’elle soit làet depouvoir lui parler.C’est bizarre, non?Est-ilseulementpossibledepardonneruntrucaussiénorme?Pourrai-je jamaisoubliercequ’ellem’afait?Elle m’a même dit qu’elle était, à cette époque, jalouse de moi. Incroyable !J’imaginequ’onnesaitjamaiscequepensentvraimentlesautres,etqu’ilsnesontpastoujoursaussisûrsd’euxqu’ilsenontl’air.Wiki,jesaisquetuvasdétesterlasuite.Maisjecroisquejeveuxluipardonner.Jenepeuxpasrayersifacilementdemavieautantd’annéesd’amitié…Quoiqu’ilensoit,jevoustiendraiaucourant.
GIRLOFFLINE…etplusjamaisonlinexxx
J’enlève ma robe pour enfiler mon pyjama le plus confortable et je retourne ausalon. Comme mes parents remettent leur film, Megan et moi nous asseyons sur lecanapépourregarderlafinaveceux.
Ilnesepassepaslongtempsavantquedescoupsfrénétiquesrésonnentàlaporte.Papavaouvrir,etNoahdébouledanslapièce.
—Penny!Ouf!s’exclame-t-il,blanccommeunlinge.Levoirdanscetétatmeserrelecœur.Ilseprécipiteversmoietmeprenddansses
bras.—Qu’est-ce qui s’est passé ? Je suis allé te rejoindre en sortant de scène, et là,
Elliotm’aditqu’ilnet’avaitpasvue.Quandj’aitrouvétoutestesaffairesdansmaloge,j’étaismortd’inquiétude.Jet’aiappeléeunmilliarddefois…
—Jesuisdésolée,Noah.Jenet’aimêmepasvujouer.J’étaistellementpresséederejoindremaplaceentequittantquejen’aimêmepaspenséàvérifierquej’avaismonbilletsurmoi.Puisonm’abousculéedanslafoule,j’aiperdumontéléphone,etlà,çam’adépassée.HeureusementqueMeganétaitlàpourm’aider.
—J’auraispréféréquecesoitmoi.Sij’avaissucequisepassait…—Tuauraisquittélascène?jeluidemandeenriant.Tunepouvaisrienfaire,Noah,
ettoutvabienmaintenant.Il a rapporté mes affaires et je les récupère avec soulagement. Sauf mon
téléphone,biensûr.—Eh,Noah?JelèvelesyeuxetjesuissurprisededécouvrirBlakeàlaporte.—Maintenantquetul’asretrouvée,jerentreàl’hôtel.—OK,vieux.Mercide tonaide.PréviensDeanque toutvabien.Etdemande-luide
voiravec lesvigilessiquelqu’unarapporté letéléphonedePenny. Ilaunecoquerose,couvertedegribouillisaufeutrenoir.
—Penny,intervientMeganenselevant,jecroisquejevaisyaller,moiaussi.Ellemefaitunpetitsignede lamain,mais toutesonattention–alorsquec’est la
première fois qu’elle voit Noah – est concentrée sur Blake. Dans l’encadrement de laporte, négligemment adossé au chambranle, il dégage une aura plus sombre, plusnerveuse que celle de Noah. Il possède cette assurance des rock-stars, à la foispuissante et désinvolte, que procure le passage sur scène devant un public déchaîné.L’airderien,Megandétachesonchignonet,d’unmouvementdetêteaérien,faitvolersescheveuxsursesépaules.Ducoindel’œil,jeconstatequeBlakeladévoredesyeux.
—Mercipourlethé,Dahlia.—Derien,répondmamère.Mercid’avoirétélàpourPenny.Jesuiscontentedevous
revoirensemble.—Pasdeproblème,enchaîneMegan.Àbientôt,Penny.Ellemefaitunimmensesourire,toutenrepoussantsescheveuxetsesépaulespour
mieuxmontrersarobe–quin’apasdutoutlamêmealluresurmoi.Jesuisrassuréesurunpoint:cetteMegan-làestbiencellequejeconnais.
—Oui,aurevoir,Megan.Et…merci.Beaucoup.Ellesecouelatêteetdisparaîtdanslecouloir,Blakesursestalons.— Qu’est-ce que tu fais là ? s’écrie au même moment une voix stridente dans
l’entrée.Elliot,quivientdecroiserMegansurleperrondelamaison,faitlagrimace.Tuparles
d’unecoïncidence.—J’aidaismonamie,rétorque-t-elle.Onnepeutpasendireautantdetoi.Jelaisseéchapperundrôledebruit,entrelemiaulementd’unchatqu’onétrangleet
le couinement d’une belette détraquée, puis je saute surmes pieds pourme précipiter
dans le couloir. Je n’ai pas du tout envie, là, tout de suite, d’une scène entre Elliot etMegan.
—Elliot!Jecomptesurmonregardpourluitransmettrelemessagesuivant:«Toutvabien.
Cen’estqueMegan.Quia l’airdes’êtrerachetée.Mais jen’ensuispastrèssûre.»Jedoutequ’unseulregardpuissecontenirautantdechoses,mais(commeseulslesmeilleursamissaventlefaire)ilal’airdecomprendre.
—Àlaprochaine,Megan,lâche-t-ilentresesdentsserrées.—Salut,réplique-t-elleavantdepartir,entraînantBlakedanssonsillage.—Et n’oublie pas de défaire tes lacets enarrivant chez toi, t’as les chevilles qui
enflent!crie-t-ilàlaporterefermée.Puisilsetourneversmoiet,d’unregard,comprendl’ampleurdudésastre.J’aienfilé
monvieuxpyjamapréféré,mescheveuxsontenbatailleetmesyeuxencoregonflésdelarmes.
Nousnousretrouvonstousausalon.—PrincessePenny,medemandealorsElliot,qu’est-cequit’estarrivé?J’optepourlaversioncourtedel’histoire–j’aurailetempsplustard(etenprivé)de
luiraconterlesdétails.Cen’estpasseulementmonamour-proprequejeveuxpréserver–c’estsurtoutmamère,dontlefrontseplissed’inquiétudedèsquej’évoquemacrisedepanique. Je n’ai pas l’habitude de la voir aussi inquiète ; d’habitude, elle surmonte lesproblèmessanssourciller.
Cesoir,jesensmondépartavecNoahmeglisserentrelesdoigts.Simamanpensequejenesuispascapabled’assurer…
Paparemplitmatassedethé–unmugàl’effigiedePiglet,monpersonnageDisneypréféré.Jeleserrecontremoiet,unpeuréconfortéeparsachaleur,jemenichedanslesbrasdeNoah.
Elliots’assoitparterreetmesparentss’installentdanslesfauteuilsenfacedenous.J’ai l’impression qu’on est bons pour un interrogatoire en règle. Mon père et mamèreéchangentunlongregard,avantdesetournerversnous.
—Je crois qu’il vient de sepasser exactement ce que nous craignions, commencemonpèred’unevoixgrave.
—Tonpèrea raison,Penny. Il esthorsdequestionquenous te laissionspartirenEuropedanscesconditions.
ChapitreDix
—Quoi,maman?Non!Jerefused’ycroire,maismamèresetourneversNoahet,lavoixchargéed’unecolèreinattendue,elleenchaîne:
—Pas dans ces conditions, Noah. Penny ne pourra pas rentrer chez elle en pleinconcertàBerlinouàParis!Tunousaspromisqu’elleseraitentourée,qu’onveilleraitsurelle.SiçasepassedecettefaçonàBrighton,commentva-t-elles’ensortirenEurope?
—C’étaitlapremièrefois,maman.Laprochainefois,jeseraipréparéeet…Leregardqu’ellemelancem’obligeàmetaire.Aprèscequis’estpassécesoir, je
vais avoir dumal à les convaincre que je suis prête à partir ; je viensmême de leurprouverlecontraire.
Noahenlèvelebrasqu’ilapasséautourdemoipoursepencherversmesparents.— Je vous promets que cela ne se reproduira pas. Penny n’aura aucune raison
d’allerdanslessallesdeconcert.Cesoir,elleallaitrejoindresesamis.Jem’engageaussiàcequechaquevigilepuisselareconnaître.ElleadéjàrencontréLarry,mongardeducorps,etvouspouvezcomptersurmoipourqu’ilnelaquittepasdesyeux.
—Larryestsupergentil,jeprécise.— Et vous voyez ça ? continue Noah en me prenant la main pour la serrer
fermementdanslasienne.Jenerisquepasdelalâcher.—Saufpourallerauxtoilettes,quandmême!j’ajouteavecunlégersourire.Noahéclatederire.—Oui, saufpourça !Quoiqu’ilensoit, reprend-ilavecsérieuxen revenantàmes
parents,c’estmacopineetjeveilleraisurelle.—Jenesaispas,ditmamèreensemordillantlalèvre.Jenesuistoujourspassûre
quecesoitunebonneidée.Tuasencorelechoix,chérie.Es-tucertainedevouloirfairecevoyage?
—Absolument.Jeveuxyaller.J’aipaniqué,cesoir,parcequej’aifaituneerreur.Jenerecommenceraipas.
—ÇanepeutpasêtrepirequetonvoyagescolaireàAmsterdam, intervientElliot.Quand toute ta classea cruà unbombardementaérien et s’est éparpillée en hurlantdansleVondelpark!
Ilaraison–M.Beaconsfieldnousavaitcriédenouscachersouslesbancs,cequenousavonsfait, jusqu’àcequ’uncoupledeHollandaischarmantsnousexpliqueque là-bas,lessirènessedéclenchentchaquepremierlundidumois,àmidipile.
Je serai mieux accompagnée et entourée pendant la tournée de Noah. De toutefaçon,ilfaudrabienqu’unjour,j’arriveàdominermespeurs.
—Maman,papa,s’ilvousplaît!Toutvabiensepasser.Jeleuradresseunsourirerassurantmalgrémesyeuxencoregonflés.— J’achèterai une nouvelle carteSIMavant de prendre l’avion, et je pourrai vous
appelertouslesjoursaveclevieuxtéléphonedeTom.Mesparentsseregardentdansunsilencetendu.—Bon,ditenfinmamère.D’accord,tupeuxpartir.Jesautesurmespiedsetjevaislaserrerdansmesbras.—Merci!Merci!Vouspouvezmefaireconfiance,jenevousdécevraipas.— Tu ne nous as jamais déçus, Penny, intervient mon père. Nous nous faisons
seulementdusoucipourtoi.—Et tesvalises !s’exclamemamère.Ellessontprêtes?Necroispasque jen’ai
pasvul’étatdetachambre.—Jem’enoccupe!Elliotsourit.—Maintenant que cette affaire est réglée, je rentre chezmoi. J’ai besoin dema
dosedesommeil.Figurez-vousqu’Alexm’obligeàutiliserl’abonnementpourlasaisonderugbyquemonpèrem’aoffertàNoël.Autrementdit,jesuisdematchdemain.Qu’est-cequ’on ne ferait pas par amour, je vous jure ! Heureusement que les rugbymen sontregardables.SiAlexacceptait de rencontrermonpère, je suis sûr qu’ils s’entendraienttrèsbien…
Ils’interromptsubitement,commes’ilvenaitdecomprendrecequ’ilétaitentrainderaconter.Jedresseunsourcil intrigué,mais ilmerenvoieunregard laissetomberetsetourneversNoah.
—Tonconcert était génial, lui dit-il.Si tu veuxmonavis, c’était toi la vedette.LesSketchpeuventallerserhabiller,ilsnet’arriventpasàlacheville!
Noahleserrefortdanssesbras.—Jeregrettequetunepuissespasveniravecnous,Elliot!—Etfairedel’ombreàPrincessePenny?Pasquestion!—Laprochainefois,alors.—Çamarche!Elliotsetourneversmoi.—Jen’arrivepasàmedirequetuparsdemainmatinauxaurores!Jenevaispas
tevoirpendantdessiècles!Tuvasmemanquer,PennyChou.C’estàmontourdel’écraserdansmesbras.—Toiaussituvasmemanquer.—Promets-moidem’écriretouslesjours.—Etdet’envoyerdestextos!—Etdemetéléphoner!— Bon, ça suffit, tous les deux, nous interrompt ma mère. Penny ne part tout de
mêmepaspourMars.Ellerevientdansdeuxsemaines.
—Énormémentdechosespeuvent sepasserendeux semaines, rétorqueElliot. Jecomptesurtoipourtoutmeraconter,Penny.Absolumenttout.SurtoutParis.JeveuxtoutsavoirsurParis.
—Pasdeproblème!Etjecomptesurtoipourmefairelerécitdétaillédetonstage!Nous nous lâchons enfin et j’accompagne Elliot jusqu’à l’entrée. Il file chez lui, la
maisonvoisine,etm’envoieunbaiseravantdedisparaître.—Jeferaisbiend’yaller,moiaussi,ditNoahdansmondos.—Tuviensjusted’arriver,dis-jeenmeserrantcontrelui.—Jesais,maisonseretrouvedansquelquesheurespourdeuxsemainescomplètes
ensemble.Enattendant, jedoisrentreràl’hôtelm’assurerquetoutestprêtpourBerlin.Etmoiaussi,jesuisclaqué.Jeserairevenuavantquetunet’aperçoivesdemondépart–àcinqheures,demainmatin.
Ilrepousseunemèchedecheveuxdemonvisagepourlaplacerderrièremonoreille.—Tues sûrequeçava? Je teprometsqu’il ne t’arriveraplus jamais unechose
pareille.—Jesais.Jemedressesurlapointedespiedsetjel’embrassesurleslèvres.—J’aihâted’êtreàdemain.Çavaêtregénial.— On s’offrira une Journée Magique et Merveilleuse à chaque étape ! Objectif :
dénicherlameilleurepâtisserielocale.EnAllemagne!EnItalie!— En France ! J’adore les macarons. C’est mon gâteau préféré. Tu me promets
qu’onauratoutescesJournéesMagiquesetMerveilleuses?—Promisjuré.Sonregardsombreetchaleureuxestplongédanslemien.—Jet’aime,Penny.Nemefaisplusjamaisunepeurpareille.—C’estpromis.Jesuissincère.Demain,nouspartonsentournée,et jene laisserairiennipersonne
gâchernotremerveilleuxvoyage.
ChapitreOnze
Dansmachambre,jefinisderemplirmavaliseetlafermed’uncoupsec.Tantquej’aimonappareilphoto,monordinateur,levieuxgiletdemamèreetuneculottederechange,leresteestsuperflu.
Il s’est remis à pleuvoir, et les gouttes d’eau martèlent les vitres. Je prends monordinateuretm’installeprèsdelafenêtre.J’imaginequechaquegoutteestunpetitboutdemonangoissequiglissesurlavitre,puisdanslarue,pourfiniremportéeverslamer.Jen’aiaucuneraisond’avoirpeur.
Jemedépêched’ouvrirlecommentairedeMissPégaseàmondernierpost.
SalutPenny!
Superd’avoirdetesnouvelles!C’étaitcomment,leconcert?À propos de ton amie, je sais EXACTEMENT ce que tu ressens. Je vis lamêmechose.Uneamiem’afaitunvraisalecoup,etjenesaispassijeseraicapabledelui pardonner un jour. Mais je crois que tout le monde a droit à une deuxièmechance.Vousneredeviendrezpeut-êtrepaslesmeilleuresamiesdumonde,parcequetuesplusvieille,plussage,etquetuneferaspasdeuxfois lamêmeerreur,maismieuxvautavoiruneamiequ’uneennemie.Etpuis tun’aspasbesoindecegenre de trucs négatifs ! Accepte ses excuses,mais accepteaussi que vous neserezplusaussiprochesquevousl’avezété.
MISSPÉGASEXX
Jeluirépondstoutdesuite.
Mercidetessagesetprécieuxconseils;)Commentdécrireleconcert?C’était…undésastre.J’aieuunecrisedepaniqueenpleinmilieudelasalle(bondéedemonde)etj’aidûpartiravantlafindupassagedeBrooklynBoy.Leboncôtédeschoses,c’estquemonamieaeu l’occasiondes’excuser.Jenesuis pas sûre de pouvoir lui refaire confiance un jour, mais ne plus passer montempsàmedemanderquelmauvaiscoupellemeréservemesoulage.Il faut que j’aille dormir, maintenant, parce que demain… je prends l’avion pourBerlin!Jesuisaussiflippéequ’excitée.JemeserstoujoursdesvieuxtrucsdeWikipour combattre l’anxiété : Océane la Battante sera avec moi dans l’avion !J’emporteaussilevieuxcardigandemamèrepourm’emmitouflerdedans.Jetetiensaucourantdelasuite!
GOxx
Je vais me déconnecter quand un bip me signale l’arrivée d’un mail que j’ouvreaussitôt.
De:LaVéritéVraieÀ:PennyPorterObjet:Profites-entantqueçadure…Piècejointe:image_1051.jpg
Il n’ya pas de texte, seulement laminiature de l’image en pièce jointe. Je double-cliquesurlefichier,etunephotodeNoahetmoiapparaîtsurl’écran.
D’oùvient-elle?D’unpaparazzi?D’unfandeNoah?Quandjem’aperçoisquec’estleselfiequej’aiprisdanslavoitureavantleconcert,
j’ail’impressionderecevoiruncoupdepoingdansl’estomac.Laphotovientdemontéléphone.
ChapitreDouze
J’ai lesoreillesquibourdonnent,mais jeprendsunegrande inspirationpourdominer lapanique qui me saisit. Je ne vais pas me laisser intimider par un vulgaire voleur detéléphone.Jesaisexactementversquimetournerdanscegenredesituation.Jeprendsmonordinateursouslebrasetjedévalel’escalierquidescenddemajoliechambresouslescomblesàcelledeTom.
Jetambourineàsaporte.—Ouais?Àcausedumartèlementélectroquis’échappedesachambre(iladoreledubstep),
jesuissurprisequ’ilm’entende.Mais ilesttrèssensibleàtoutcequipeutperturbersonintimité.
—C’estmoi,Tom!dis-jeenentrant.Monfrèreestassisdevantsonordinateur.Ilypassetellementdetempsquejesuis
étonnéequesonfauteuilnesoitpastroué.—Toutvabien,Pen-Pen?medemande-t-ilenôtantsesécouteurs.Jeluimontrelaphotosurl’écrandemonordi.—Elle vient demon téléphone, celui qu’onm’a voléau concert.Regarde l’objet du
mail.C’estunemenace,non?Ilpasseaussitôtdumode«relax»aumode«alerte»,commes’ilsepréparaitpour
unebataille.—Jevois.D’abord,as-tuappelétonopérateur?Ilspeuventbloquertontéléphoneà
distance.—Jem’ensuisoccupéedixminutesaprèsl’avoirperdu.Maisjenesuispasalléeplus
loin…j’espéraisencorequequelqu’unallaitmelerendre.Ilprendsontéléphoneetcomposeunnuméro.— OK, c’est déjà quelque chose. Est-ce qu’il contient des trucs vraiment
compromettants?Parcequesi tonvoleura récupérécettephoto, il peut trèsbienenavoirchargéd’autres,ouavoircopiétescontacts.Tun’avaispasdemotdepasse?
—Si, j’enavaisun…LadateanniversairedeNoah,dis-jeavecunegrimace.C’eststupide,jesais.Etj’avaisconservédestextos,etlaplupartdemeséchangesavecNoahsontsurWhatsApp.
— Bon, on va changer tous tes mots de passe à distance et faire en sorte debloquertoustesaccèsàInternet.TuferaisbiendeprévenirNoahquequelqu’unasansdoutesonnuméro.
Cettepossibilitéravivemonangoisse.Heureusement,Tommerappellequecen’estqu’unnumérodetéléphone,paslesdétailsd’unpasseportoud’undossiermédical.
—C’étaitunaccident,Pen-Pen.Noahnet’envoudrapas.Auboutd’uneheure,ilaréussiàbloquercomplètementmontéléphoneetàchanger
tous mes codes d’accès à toutes mes applis. Celui ou celle qui se cache derrière«LaVéritéVraie » nepeutplus s’enprendreàmoi et jemesensbeaucoupmieux. J’aitellementpeurd’êtreànouveau laproiedeceuxqui secroientautorisésàviolermessentimentsetmavieprivée.
JemelèveetjeserreTomdansmesbras.—Merci,frangin.Jet’aime.Ilmetapotelebras.—Pasdequoi,Penny,etbravo.Tuasgardétoncalme,jesuisfierdetoi.Ilfaitpivotersonsiège.—Soisprudente,enEurope.Ets’ilt’arrivequoiquecesoit,jeprendslepremiervol.—Jesais.En quittant sa chambre, je respire profondément. Cette fois, je comprends que je
vaisvraimentpartir.Etjesuisimpatiente.
QuandNoahvientmechercher, le lendemainmatin, je suis encore sous le chocdu
messagedelaveille.Jeluiracontefébrilement–laphotopiratée,l’intitulédumessage–,maismême lepseudode l’envoyeur,LaVéritéVraie, le laissedemarbre. Ilmeprend lamain.
—N’oubliepascequejet’aidit,Penny, jesuis làpourtoi.Tuasfaitcequ’ilfallaitavec Tom, mais si ce taré recommence, il aura affaire à nous deux. Unis contrel’adversité,OK?
—OK.Cettefois,jemesensbeaucouppluslégère.Quellesquesoientlesintentionsdecelui
quichercheà…mefairechanter?m’intimider?joueravecmespeurs?jenesuispasseulepourl’affronter.Contretouteattente,cettehistoires’avèremêmeêtreunexcellentdérivatifàmaphobiedel’avion.Nousendiscutonspendanttouteladuréeduvoletnousatterrissonssansquejem’enrendecompte!
Après que nous avons débarqué, Noah me conduit à travers l’aéroport jusqu’auparkingoùnousattendlebusdelatournée.
Ilestexactement telque je l’ai imaginé :gigantesque,noiretbrillantcommeunsouneuf,avecd’immensesvitresteintées.Laclasse.Noahsetourneversmoi,radieux,etmeserrelamainsifortquejesensmesoscraquer.
—Lerêvedevientréalité,Penny!Regardecommeilestbeau!Il court se placer devant pour faire un selfie – et ne parvient évidemment qu’à
prendresonvisageengrosplanavecuntoutpetitpeudenoirderrière.—Laisse-moifaire!
Je saisis son téléphone et prends une belle photo de lui, bras écartés devant le
Je saisis son téléphone et prends une belle photo de lui, bras écartés devant levéhicule.
LatêtedeLarryémergeparlaportière,etilnousfaitsignedemonter.—Envoiture!Nous grimpons et je découvre… un vrai paradis pour garçons, avec
miniréfrigérateurs, consoles de jeu et écrans télé partout. Le reste du groupe montederrièrenouset,curieusement,jenemesenspasclaustrophobe.L’intérieurestspacieux:il y a deux coins salon avec des canapés, une petite cuisine, une cabine de doucheéquipéedetoilettes,et,àl’arrière,derrièreunrideau,quelquescouchettes.
Jesensunemainglissersurmondosetunevoixrauquemurmureàmonoreille:—Tuveuxjouer?BlakememontrelaXbox.—Oh,jenesuispasfranchementdouée!Enréalité,c’estdelapuremodestie:jesuisimbattableàSonicetMarioKart.C’est
l’avantaged’avoirungrandfrère.D’ailleurs,lesmeilleurssouvenirsdemonenfanceavecTomsontceuxdesjoursentiersquenousavonspassésàjouerensemble,puisantdansdes bols de céréales pour nous nourrir et ne quittant la chambre que pour aller auxtoilettes.
Je me demande ce qu’il est en train de faire, en ce moment. La réponse estévidente : il est probablement devant son ordinateur, en train de jouer à Halo 5. Et jepariequemamanfaitleménageenchaussonsdanslacuisineenchantantdestubesdesannées’80.Quantàmonpère,ildoitêtreauxprisesavecunepartiedesolitairesursonordinateur, ou faire semblant de résoudre une grille de mots-croisés. Il ne les remplitjamais correctement ; au lieu de chercher les mots justes, il se creuse la tête pourtrouver lesplusabsurdesavantd’abandonnerpourallersurprendremamèreenpleinefêteduménage.Ilspartentalorsdansunfourireincontrôlableetfinissentgénéralementpars’écroulersurlecanapé,oùilssebécotentcommedesados.
LeriredeNoahmesortdemarêverie.—C’estfaux,Penny !Tum’asbattuàplatecoutureàMarioKart, ladernièrefois
quejesuisvenu.—Ahah!Jelesavais,s’exclameBlake.Pasd’excuse!Ilmefourreunemanettedanslesmainsetselaissetomberdanslecanapédevant
unécran.Aprèsavoirposéunebouteilledebièresurlatableetlâchéunrotducoindelabouche,illanceunepartiedeForzaMotorsport.
—Tul’aurasvoulu,luidis-jeenm’asseyantàcôtédeluiavecunairsupérieur.—Prépare-toiàperdre,réplique-t-ildutacautacavecundrôledesourire.Ilavaleunegorgéedebièreetcontinuedemefixer,jusqu’aumomentoù,malàl’aise,
jedétournelesyeuxversl’écranpourchoisirmavoiture.Blakes’enfoncedanslecanapé,unejambeétenduesurlatablebasse,etlapartie
commence. Il jure contre sa voiture. Si ça continue comme ça, je vais vite le battre !Derrièrenous,j’entendslesautresrigoleretNoahimproviserunechansonentièresurlescornichons.
—Disdonc,c’estquelqu’un,tacopineMegan,lâcheBlakesansdétournerlesyeuxdel’écran.
—Hein?
Je suis tellement surprise que je manque de lâcher ma manette, et ma voitures’écrasecontreledécor.
Blakeenprofitepourmedépasseretlèvelespoingsenl’airaprèsavoirfranchilaligned’arrivée.
—Ohyeah!Jesavaisquecettegaminenepouvaitpasmebattre.Tuauraspeut-êtreplusdechancelaprochainefois.
Jemefiched’avoirperdu;pasdecequejeviensd’apprendre.—Meganettoiavezparlé,alors?Blakemefaitunclind’œil.—Pourquoi,tuesjalouse?—Lâche-la,vieux,intervientNoah.Blakeestdenouveauconcentrésurl’écran.C’estvraimentundrôledepersonnage;
jen’aiaucunamiquiluiressemble,personneàquilecomparer.IlestsidifférentdeNoahquej’aidumalcroirequ’ilssoientamisdepuissilongtemps.Noahestattentionné,douxetdrôle,tandisqueluisemblecomplètementindifférentauxautresetinsensible.Jen’arrivepasàcomprendre cequec’est,mais quelquechosememetmalà l’aise chez lui.Cedontjesuissûre,enrevanche,c’estqueNoahneboirait jamaisdebièreàdeuxheuresdel’après-midieninjuriantunevoituredejeuvidéo.
Je voudrais en apprendre un peu plus sur Blake et Megan, mais je ne sais pascommentm’yprendre.EtpuislebusdémarreetBlakelèvelesbrasenhurlant:
—Çayest!OnPART!L’excitationquienvahitlevéhiculechasseaussitôtMegandemespensées.
ChapitreTreize
Larrysortdelacabineavant,drapédansunimmensedrapeauallemand.—Écoutez-moi,bandede fêtards !Ondevraitarriverenvilled’ici unequarantainedeminutes.Àpartirdemaintenant,considérezcebuscommevotrebase.L’équipeyauraaccèsaussi,mais jeveuxquevousvoussentiezlibresd’yrevenirpourvousreposeroujouercontremoiàlaXbox.Toicomprise,Penny!
Ilm’adresseunclind’œilavantd’enchaîner:—Leprogrammeestsimple:onpasselanuitàl’hôteletlevoyagecontinue,soiten
bussoitenavion,jusqu’àlavilleoulepayssuivant.—Dis-moiLarry,ontepaiecombienpournousservirdeguide?crieNoah.Toutlemondeéclatederire.—Riendutout,radin!rétorqueLarryenluilançantledrapeau.Noahl’attrapeetlepasseautourdesesépaules.Jesuis heureusede le voir danssonélément, rireet chahuteravecsesamis.Son
bonheurlerendencoreplusattirantetj’aienviedemejetersurluipourl’embrasser.LavoixdeBlakemeramènesurterre.—Quaranteminutesdepluspourt’écraseràlacourse,alors,meglisse-t-ilàl’oreille.—Situledis,jerépondsenretenantunsoupir.Jeprendslevieuxtéléphonequem’adonnéTomavantdepartiretj’envoieuntexto
àElliot.
Penny:OnaatterriàBerlinetjejoueàForzaMotorsportavecBlake, lebatteurdeNoahquisentunmélangedetranspiration,d’after-shave et de tabac froid. Je t’ai dit qu’il en était à satroisièmebière,alorsqu’iln’estquequatorzeheures?!Oh,s’ilteplaît,rappelle-moipourquoijesuispartie…xx
Ilmeréponddanslaseconde.
Elliot:Trèsimpressionnéquetuaiessurvécuàl’avion,maispasparl’aveuglementcoupablequitepousseàjoueràdesâneries,les yeux vissés sur unécran,alorsque tu te trouvesdansuneville magnifique. S’il te plaît, ne reviens pas avec des scoresahurissants à la Xbox et un manque total de connaissancesculturelles. Cela briserait mon cœur ET mon encyclopédiqueconscience. Pense à toutes les photos que tu peux prendre,penseàl’aventure,àl’Histoire.Et,siçanesuffitpas,penseàlagastronomie. LA GASTRONOMIE, PENNY ! Tes JournéesMagiquesetMerveilleusesvontêtreabsolumentdémentielles.Tupeux aller voir lemur de Berlin (ce qu’il en reste), la porte deBrandebourg,leReichstag.As-tudéjàvulaFernsehturm?x
Penny : Tu oublies que jeme trouve dans un bus et que, pourl’instant,jen’airienvud’autrequesesvitresteintéesetleprofilde Blake. Je ne sais pas non plus ce qu’est la Fernsehturm,parcequejenesuispasuneencyclopédiesurpattes.Lesseuleschoses dont j’ai vraiment hâte, ce sont les JMM.Ça vaêtre siromantiquedevisitertoutescesvillesavecNoah,deflânermaindanslamain,degoûterauxplusdélectablesdes…pâtisseriesxx
Elliot:Beeindruckend,impressionnant,impresionante,fantastico!x
Penny:Elliot,enanglais,stpxx
Elliot :Génial, touscesmotsveulentdiregénial,Pen.Turisquesd’avoir besoin de ces traductions lors de tes escales. P-S : laFernsehturmest une tour émettrice (signaux télé) de368m dehaut,leplushautédificed’Allemagne.
Elliot : Si je n’étais pas actuellement chez Browns, attablédevantundéjeunersomptueux(gracieusementoffertparAlex),je me taperais la tête contre les murs. Tu n’as fait aucunerecherche,avantdepartir,surlesvillesquetuallaisvoir?!?Jet’aime, Penny, vraiment, mais tu dois élargir tes horizons. Monstage commence demain. SOUHAITE-MOI BONNE CHANCE.Bisous,tongaypréféréx
Jem’apprêteàrépondreensouriantquandBlakem’arracheletéléphonedesmainspourleposersurlatable.
—Commentveux-tuque je tebattesi tuneprendsmêmepas lapeinede jouer?Laissetomberça.
—Non,mais!jeproteste.Tuteprendspourqui?Jereprendsmontéléphoneetleglissedansmapoche.—Pourrien.C’esttoiquidécidesdetesentirvexée.Il me tend unemanette en souriant. Aumêmemoment, Noah se lève et s’étire en
bâillant.—Aprèsleconcertd’hieretleréveilàl’aube,jesuisclaqué.Jevaisfaireunepetite
siesteàl’arrière.Çanetegênepas,Penny?—Non,pasdutout.Maisenmêmetemps,jelèvelatêteetl’imploreensilence:«Oh,non,parpitié!Ne
melaissepasseuleavecl’énergumènequitesertd’ami.»Hélas!Noahn’estpasaussibonqu’Elliotenlangagedesyeux:ilmesouritetdisparaîtàl’arrièredubus.
Jemerésigneet,dans l’espoirdemettreàprofit lademi-heurequisuit, j’interrogeBlakesurlatournée,Noah,legroupe,labatterie…Lesgrognementsetmarmonnementsqu’il m’adresse en réponse ne sont guère passionnants ni amusants, mais le voyagepasseunpeuplusvite,et,commeiln’estpascomplètementconcentrésurlejeu,j’arriveàlebattreplusieursfois.
— Alors, ça fait combien de temps que tu sors avec Noah ? me demande-t-ilsubitement.
—Oh…unpeuplusdesixmois.Çapassetellementvite.
—Autantdireuneéternité !Cettetournéeestsuper importantepourNoah,tusais.
—Autantdireuneéternité !Cettetournéeestsuper importantepourNoah,tusais.C’estsonrêvequiseréalise.
Jenesuispassûredusensdesoncommentairesur«l’éternité»,maisj’airéussiàadoucir Blake le Grincheux et avoir avec lui un véritable échange. Il n’est pas aussidésagréablequ’ilenal’air;ilaseulementbesoindesedégeler.
Jeluirépondsdansunsoupir:— Je sais. Je regrette presque de ne pas l’avoir connu avant qu’il ait autant de
succès.Jepariequ’iln’ajamaisimaginéqueçadécolleraitcommeça.Maissamusiqueest géniale, c’est un super auteur-compositeur. Enfin, je n’y connais pas grand-chose,mais…
—C’estçaleproblème,mecoupeBlake.Tuneconnaisrienàlamusique.Sonintonationachangéet,toutàcoup,jesensmagorgesenoueretmonvisageme
brûler.Blakecontinueàjouercommesiderienn’était.—Jesuissûrquetuessupercool,Penny,reprend-il.Entoutcas,c’estl’avisdeNoah.
Seulement, jenesuispassûrqu’ilaitbien réfléchi.S’encombrerd’unepetitecopineaumomentoùsacarrièredémarrepeutavoirdesconséquences.
Ilposesamanetteetsortunpaquetdetabac.Puis,unfiltrecoincéentreleslèvres,ilserouleunecigarette.Jeleregardefaire,tandisquel’horreurdesesparolesdéferlesurmoicommeunrazdemarée.J’attends,muette,qu’ildisequelquechose–n’importequoiquirachèteraitsespropos.
—Maislatournéevaêtresympa,enchaîne-t-il.Chaquenuitdansunevilledifférente,latournéedesbars,lesboîtes…Pleindefillesenperspective.
Ilparlesanslâcherlefiltrecolléàseslèvresetcontinuederoulertranquillementsacigarette.
—Jenesuispassûredecomprendrecequetuveuxmedire,Blake.Jeleregardeducoindel’œil,enessayantderesterdétendue.—C’estmarrantlafaçondontlesAnglaisesdisentmonprénom…Il glisse sa cigarette derrière son oreille et se lève pour aller chercher une autre
bièredans le réfrigérateur.Puis il se rassoit siprèsdemoiqueses jambesfrôlent lesmiennes.
— Ce que je veux dire, reprend-il tranquillement, c’est qu’au milieu du rêve qu’estcettetournée,ilyaunechosequ’aucundenousn’ajamaisvouluvoirdanscebus.
Je suis estomaquée. Je voudrais lui clouer le bec, trouver une réplique bien sentie,maismabouchenerépondpas.Mark,lebassiste,enprofitepourramasserlamanettequim’esttombéedesmains.
—Çategênesijeprendslerelais?—Fais-toiplaisir,dis-jed’unevoixblanche.Jemelèveetrejoinsl’arrièredubus.Justeavantd’entrerdanslacabine,jejetteun
regardversBlake,denouveauabsorbéparl’écran.Cen’estqu’enposantlamainsurl’encadrementdelaportepourmestabiliserqueje
m’aperçois à quel point je tremble. Mais je me ressaisis et, imaginant le remède toutproche,jeparviensàsourire.
ChapitreQuatorze
Je tire le rideau de séparation et Noah, clignant des yeux à cause de la lumière, setourneversmoi.
—Salut,toi!—Oh,jeteréveille?Jem’assoissurleborddelacouchette.—Non,jen’arrivepasàdormir.Jesuistropexcité.Ils’assoitetposelamainsurlamienne.—Çava?Tuestoutepâle.Jesecouelatêteenmemordillantleslèvres.—Oui,çava…JevoudraisluiparlerdeBlake,maisjenesaispascommentm’yprendre.Ilrisquede
croire que je n’arrive pas à m’intégrer à sa bande. Je sais aussi que Blake est sonmeilleurami,etjeneveuxsurtoutpasqueNoahsesenteobligé,d’unemanièreoud’uneautre,dechoisirentreluietmoi.
—Depuisquandconnais-tuBlake?— Depuis qu’on est gosses. On a quasiment grandi ensemble. Mes parents m’ont
offertmapremièreguitare l’annéeoù lessiens luiontachetésapremièrebatterie.Onfaisaitdesbœufsdanssonsous-sol.Notrepremiergroupes’appelait…
Commeilhésite,jelepousseducoudeenriant.—Allez,dis-moi!—Bon, si tu y tiens…On s’appelait LesApprentisSorciers.On était fans d’Harry
Potteràcetteépoque.Ilfaitlagrimace,etj’éclatederire.—Excellent!—Ouais.Blake disaitmêmeque ses baguettes de batterie étaient des baguettes
magiquesetnoschansonsdessortilèges!—Sérieux?J’aibeaucoupdemalàfaire le lienentre legarçondésagréablequi se trouvede
l’autre côté du rideau et le doux rêveur qui jouait de la batterie dans son sous-sol eninventantdesformulesmagiques.
—Tun’assansdoutepasentendulachansonUnpeud’amourpourlamaisonelfique,maiselleétaitcenséefaireuntabac!
Ilrit,puissonvisageserembrunitunpeu.—Quandleschosesontcommencéàvraimentdémarrerpourmoi–quandDeanm’a
découvertsurYouTube,qu’ilm’afait signeravec lamaisondedisqueset toutça–ons’estunpeuembrouillés,Blakeetmoi.Ils’estmisàtraîneravecdesgensquejen’aimaispastrop,etonaeudesacréesdisputes.C’estunedesraisonspourlesquellesjemesuiscomplètementretiré,l’andernier.Coupédumonde.J’étaisprêtàjeterl’épongeetàtoutlaissertomber.Silesuccès,toutça–ildésignelebusautourdenous–,devaitmecouperde mes meilleurs amis, cela ne valait pas le coup. Et puis je t’ai rencontrée. Monévénementperturbateur.
Ilm’embrasselamainavantdecontinuer:—Tum’asmontréquejepouvaistoutconcilier,lesuccès,l’amouretl’amitié.Tum’as
donné le courage d’aller voir Blake et de lui parler. On a renoué. L’emmener sur latournée, c’est ce qui pouvait m’arriver de mieux – après toi, bien sûr ! Il est un peucynique,bouffon,maisdepuisledébut,ilatoujoursétélàpourmoi.Jesuissûrque,quandtuleconnaîtrasmieux,vousallezparfaitementvousentendre.
Jemesensrougir–àcauseducompliment,biensûr,maispasseulement:j’étaissurle point de lui dire dumal de sonmeilleur ami. Heureusement que j’ai pris le temps deréfléchir !Jen’avaisaucune idéedecequeBlakereprésentepourNoah,nidetoutcequ’ilsontvécuensemble.Blakenecherchepeut-êtrequ’àmetitiller,finalement.Etsi jeveuxêtreacceptéeparlegroupe,j’aiintérêtàêtremoinssusceptible.
— Au fait, reprend Noah, j’ai quelque chose pour toi. J’avais l’intention d’attendrenotrearrivéeàl’hôtel,maisjenepeuxpas!
Ilsepenchepourattrapersonsacdevoyagesouslacouchetteetensortunpetitpaquetenveloppédansdupapierdoré.
—C’estpourtoi.Vas-y,ouvre!Jedéfais lepapier, ouvre laboîteet… jepousseuncri.C’estunsmartphone tout
neuf!Undeceuxquejen’auraisjamaispum’offrirtouteseule.—Waouh,Noah…—Commeont’avoléletienàmonconcert,c’estbienlamoindredeschoses.Ettant
qu’à faire, vu la vieillerie que t’a donnée Tom, autant choisir le top. Celui-ci fait desphotosdefolie.
Il a raison : le téléphone de Tom est une antiquité. Mais je préférais mon vieuxtéléphone couvert des gribouillis de Noah. Ce petit bijou est magnifique, mais il neremplacerajamaisl’autre.Cequinem’empêchepasdem’exclamer:
—Tuesfou,Noah!C’est…beaucouptrop.—Pasdutout,Penny,jet’assure.Quelintérêtd’êtreunerock-starsijenepeuxpas
jeterl’argentparlesfenêtrespourtoi?—Peut-êtreparcequejesuisincapabled’enfaireautant?—Neracontepasdebêtises.Ilm’embrassesurlajoue.—Depuishier,tuesmoncoach«étatd’urgence»officiel,tuterappelles?Çavaut
desmilliards!Allez,viens,onvarejoindrelesautres.Ilsautedelacouchetteetmetendlamain.J’yposelamienneensouriant.
Ilm’aredonnéconfianceenmoi.Blakenedoitpasêtreaussiméchant,puisqueNoahl’aimetellement.Àmoideluidonnersachance.
Nousavonsàpeinesoulevélerideauqu’unconcertd’acclamationsetdesifflementsnousaccueille.Noahlèvelesmainsetsecouelatêteenriant.
—OK,lesgars,onsecalme.Jemesensrougircommeunepivoine–pourquoilesgarçonsont-ilsl’espritaussimal
tourné?J’aimeraisnepasêtrelaseulefille.Jemesensunpeuseuleaumilieudeceflotdetestostérone.
Blakeestdenouveaudevantleréfrigérateur.—Tuveuxunebière,mec?IltendunebouteilleàNoahquimeregardeavantderépondre:—Ilesttroptôt,vieux.Tuenasdéjàbucombien?Tuempestescommes’ilétaittrois
heuresdumatinetquetusortaisdeboîte.—Oh,çava,Noah,lâche-toiunpeu.Onestlàpours’éclater,non?J’ail’impression
d’entendreDean.Noahprendfinalementlabouteilleetladécapsulesurlecoindelatable.—Ànous!BlaketrinqueavecNoahetmesourit.—TuveuxunCoca,Penny?medemandeNoahensortantunecannette.—Avecplaisir.Je tourne les yeux vers la fenêtre et j’aperçois une arche gigantesque surmontée
d’unattelagedequatrechevaux.Immenseetmajestueuse,ellecorrespondexactementàl’imagequejemefaisdeBerlin.
—Waouh!Regardezça!Vouscroyezquec’estlaportedeBrandebourg?Alors que tout lemonde sepresse contre la fenêtrepouradmirer lemonument, je
baisselavoixpourqueseulNoahm’entende.—J’aitellementhâtedenotreJournéeMagiqueetMerveilleuse!—Moiaussi,répond-ilenmeserrantlamain.—Elliotm’aenvoyéuntextoavecunelistedesendroitsànepasrater.Ilparaîtqu’il
yaunetourdetroiscentcinquantemètresdehautet…Blakem’interromptenricanant.—Unejournéequoi?C’estquoicetteblague?Ilnousdévisaged’unairnarquois,maisNoahprendnotredéfense:—Laissetomber,vieux…Tuneconnaisrienauromantisme.Mêmes’iltemordaitle
cul,tunet’enrendraispascompte!Aussitôt, dans le pluspur style cow-boy (et soi-disant viril),Blakemenacede nous
montrersesfesses.Latensiontombe,maispasledanger.Il va passer à l’acte quand – heureusement – la voix de Larry, depuis la cabine
avant, nous crie qu’on arrive.Ouf ! Dean frappe dans sesmains et tout lemonde setourneverslui.
—Lesgars,j’aiunenouvellegéniale!Sesyeuxbrillentcommes’ilvenaitdegagnerauloto.—VousnedevinerezjamaisquivientrejoindrelesSketchsurscène,cesoir.Ilsetaitpourménagersoneffetavantdelâcher:—LeahBrown!
Autourdemoi,c’estl’explosion.Toutlemondehurleetbonditensetapantdanslesmains.
— Pour l’instant, c’est un secret absolu, reprend Dean, mais le public va êtredéchaîné!C’estpasgénial?
Si,c’esténorme!PourNoahetlatournée,lesretombéesmédiatiquesvontcreverleplafond.Maisquandjeregrettaislacompagnied’unefilletoutàl’heure,jenepensaispasfranchement à l’ex-vraie-fausse-petite-amie de Noah. Mes soucis avec Blake meparaissent ridicules,maintenant. Je suispresquesûreque l’arrivéedeLeahBrownmeréservebienpire.
ChapitreQuinze
Lasalledespectacleprévuepour leconcertdeBerlinestdeuxfoisplusgrandequecelleduBrightonCentre.Noahsepréparepour labalanceetnospasrésonnentsur lascène.Commenoussommesvenusdirectementde l’aéroport,avecunebrèveescaleàl’hôtel,jen’aipasl’impressiond’avoirvulaville.Onpourraitêtren’importeoù.Lesseulespreuves que nous sommes bien en Allemagne sont les signaux lumineux qui indiquent lasortieenlettresrouges:AUSGANGàlaplaced’EXIT.
J’avancejusqu’auborddelascèneetobserveavecunfrissonlessiègesinoccupésoùvontbientôtdéferlerlesfansdéchaînés.
Cette fois, je neme laisseraipasengloutirpar la foule. J’aimonsésamepour lescoulissesautourducouetjenecessed’yporterlamainpourvérifierqu’ilesttoujourslà.Noahsemoquedemoi;ilditquejedevraisdormiravec.
Je lèvemonappareiletprendsunephoto.Encombinant,oumêmeensuperposant,unephotodessiègesvidesaveccelledelasallecomble,jepourraispeut-êtreexprimerquelque chose, une sorte de réflexion sur la nature des liens entre les artistes et leurpublic…Peut-onparlerde représentations’il n’yapersonnepour regarder? Jeme ledemande. En tout cas, c’est une piste pour le projet « perspectives alternatives » deMlleMills.Elledevraitapprécier.
Alorsque jequitte ledevantde lascènepourretournerdans l’ombre,Noahestaumilieu de la scène, debout dans un îlot de lumière. Vêtu d’un sweat-shirt à capuchebordeauxetd’unjeannoir,ilchantelespremièresparolesd’Elements.Jeleprendsaussien photo : l’artiste avant la représentation, pour évoquer les heures et les heures derépétitionetdetravailauxquelles lesfansn’assistent jamais.Enfait, latournéeestunsujetidéalpourmonprojet!
Jesuisabsorbéeparl’imagedeNoahdansmonviseurlorsqueBlake,justederrièremoi,pulvériselescymbalesdesabatterie.Jefaisunbondenarrièreettrébuchesuruntasdecâbles.J’aitellementpeurdelâchermonappareilphotoqu’aulieud’écarterlesbraspouréviterdetomber,jem’yagrippeetm’écroulesurunepiled’enceintes.Lapluspetite,ausommet,vacilledangereusement.
Jem’adresseauxdieuxdelamaladresse–Pitié,ohparpitié,faitesqu’ellenetombepas.
Hélas!ilsnem’écoutentpasetl’enceintes’écraseparterredansunfracasquimedonneaussitôtlanausée.
—Penny!s’écrieNoahenseprécipitantversmoi.Çava?Jemerelèveenvitesse.J’essaiedesouriremaisladouleuràmonépaulem’arrache
plutôtunegrimace.—Oui,Noah.Jet’assure.S’ilteplaît,retournerépéter…Mesyeuxtombentsurl’enceinte,oucequ’ilenreste.—Jepourrairembourser…—Arrête,cen’estpasleproblème!IlsetourneversBlake.—Qu’est-cequit’apris,vieux?Blakemeregardeethausselesépaules.—Eh,c’estpasdemafautesitacopineestunegodiche.—Ilaraison,Noah.J’aurais…dû…faireattention.JebredouilleetNoahfroncelessourcils.—Oui,ehbien,tuesmagodiche,Penny,etjeneveuxpasquetutefassesmal.Ces
enceintessontsuperlourdes,tuauraisputeblesser.Pour cacher la honte qui me monte aux joues, je me baisse et ramasse des
morceauxdel’enceinteéparpillésenmepromettantdeneplusjamaismontersurscène.—Stevevas’occuperduménage,ditNoahenmontrantuntechnicienquiarrivedéjà
arméd’unepelleetd’unbalai.Jeme rappelle vaguement l’avoir vu enarrivant,mais j’avais complètement oublié
son nom. Noah, lui, appelle déjà tout le monde par son prénom, même ceux qu’il n’acroisésqu’unefois;cetteattentionauxautresn’estqu’unedesqualitésquilerendentsiparticulier.
—Onpeutavoiruneautreenceinte,n’est-cepas?—Pasdesouci,répliqueSteve.— Tu vois ? me rassure Noah. C’est réglé. Ne fais pas attention à Blake. Je te
retrouveaprèslarépétition.—Çamarche.Jesuissoulagée,mais toujourscontrariée.Pourquoi suis-jeune tellecatastrophe?
J’espèrequelescoulissessontplussûres.JesorsmontéléphoneetenvoieuntextoàElliot.
Penny:MêmepasunejournéecomplèteàBerlin,etjesuisdéjàundésastre.
Ilmerépondpresqueaussitôt.
Elliot:Qu’est-cequis’estpassé?
Penny:Disonsquejenesuispasfaitepourlascène.
Elliot:Nemedispasquetuasréitérél’épisodedelaculotteàlicornesmulticolores?
Penny:PIRE:j’aicassésansdouteplusieurscentainesdelivresdematériel…
Elliot : Bah, je suis sûr que les Sketch n’ont pas de problèmesd’argent.Tuasvud’autrescélébrités?
Jesuissurlepointdeluirépondre«non»,quandtoutàcoupcen’estplusvrai:LeahBrowndébarquedanslescoulisses!
Sescheveuxsont remontésenqueue-de-chevaletelleneporteaucunmaquillage.La seule chose qui la distingue des autres et montre qu’elle est bien la star, c’est ladouzaine d’assistants qui trottent dans son sillage pour rester à la hauteur de seslonguesjambes.Ellebaisselesyeuxsurlatablettequeluitendundesessbires.
—Berk!Jedéteste.Iln’yapasdemeilleuresphotosquecelle-là?DisàFrankiePdeprévoirunnouveaushoot,s’iln’apasmieuxàmemontrer.
Jevoudraisdisparaître.Sijen’avaispaslesyeuxbraquéssurelle,j’auraispeut-êtreunechancedepasser inaperçue.Mais jesuis incapabledenepas ladévisager.Mêmecoifféeàlahâteetsansmaquillage,elleestd’unebeautémagnétique.Ensaprésence,l’atmosphèresemblesechargerd’électricité.C’estsansdouteàcelaqu’onreconnaîtlesvéritablesstars.
Elliotparleraitd’uncertainje-ne-sais-quoi.Meganseraitjalouse.Olliebaveraitd’envie.Etmoi,j’aidesfrissons.JenecomprendspascommentNoahapuavoirunevraiefausseliaisonaveccette
fille.Commentungarçon (qui n’estpasgay)peut-il l’approcher sans tomberamoureuxd’elle?
Leahetsacourpassentdevantmoisanss’arrêter–ouf!–,àl’exceptiondelafillechargéedecontacter«FrankieP»quej’entendsmurmureràuneautre:
— Elleme demande de dire à François-Pierre Nouveau de refaire son shooting ?Commentveut-ellequejem’yprenne?
Sonvisageestd’unepâleurinquiétante;elleal’aircomplètementpaniquée.Comme tout le monde, j’ai entendu parler de François-Pierre Nouveau, un
photographederenomméemondiale.J’aipeineàcroirequ’onpuisserejetersontravailetl’appelerFrankieP.
— Tu vas devoir te débrouiller, lui répond l’autre fille. On parle de la photo duprochainalbumdeLeah.Siellen’estpascontente…
—…jesuismorte,c’estsûr.Cette fois, elles m’aperçoivent et me lancent des regards noirs. Je bredouille
quelquesexcusesetbatsenretraite,quandj’entendsmonprénom.—Penny?Jemeretourneàcontrecœur.Leahaussiafaitdemi-tour.Et elleme fait face, unemain sur la hanche.Derrière elle, le reste du groupeme
regardecommesij’avaisdeuxtêtes.—Salut…Quand elleavance, j’ai davantage l’impression de voir fondre un prédateur sur sa
proiequ’unefillequivientensalueruneautre.—Alorsc’esttoi,PennyPorter?Jenesaispasquoirépondre.— C’est toi qui m’as posé tant de problèmes l’an dernier ? continue-t-elle de son
accenttraînantdeLosAngeles.Ellemescrutedelatêteauxpiedsetjesenslesautresjugermatenue.Onnepeut
pasdirequej’aifaitdesefforts.Pourlevoyage,j’aichoisimonvieuxjeanpréféréetunsweat-shirtzippé.Jecroiselesbrassurmapoitrineetveilleàresterdroite.
— Bien, lâche-t-elle. J’imagine que je dois te remercier de m’avoir inspiré cettechanson.
Aumoment de sa prétendue ruptureavecNoah, Leaha profité du déchaînementmédiatique qui déferlait sur elle pour sortir son nouveau single, Bad Boy. Elle écrit laplupart de ses chansons elle-même et celle-ci était prête à sortir au moment de saruptureavecNoah.Jesuissûrequ’elleenavaitprévudebienplusromantiques,aucasoùleur«liaison»auraittranquillementsuivisoncours.
—Sympatonappareilphoto,melance-t-elleens’éloignant.Àplustard.Jesuissisoulagéedelavoirpartirquejepourraism’écroulerparterre.J’aibesoin
deparleràElliot.Toutdesuite.
ChapitreSeize
De:ElliotWentworthÀ:PennyPorterObjet:RAPPORTELLIOT
MaPennyChouchérie,aliasOcéanelaBattante,
Tu n’es partie que depuis 24 heures et j’ai déjà l’impression d’être à la dérive.COMMENTvais-je survivreauxdeuxprochaines semaines sans toi ?Leschosesvontdemalenpisdansnotrepetitecitébalnéaire.Jenet’aipasenvoyédetextopourte ledire,maismonpèreestrevenu. Il insistepourm’emmenerdîner.Untrucquesonpsyluiaconseillédefairepour«accepter»ma«sexualité».Ilhabiteàlamaison,avec la permission demamère, et ils se hurlent dessusà lamoindreoccasion.Lamaisonaconnuplusd’émotionsenunseul jour (hier)quecesseizeannéesdernières.Bref, ma mère a décidé qu’elle ne voulait plus le voir et elle préfère faire desheuressupauboulot (commesiellen’enfaisaitpasdéjàassez).Parfois, jemedemande même si elle veut me voir, moi. J’ai ma dose de drames familiaux. Jepréféraisquandmesparents secontentaient dem’ignoreretme laissaient vivremavie.Enparlantdevie,monstagechezCHICacommencéPLUSTÔT!Ilsmevoulaienttout de suite, bien qu’on soit vendredi – ARGH.Mais c’était tellement génial ! Lastylisteavec laquelle j’aitravaillém’afélicitépourmonblazer–tusais,celuisurlequelj’aicousucesboutonsdémentiels?OK,monjobconsistesurtoutàlivrerdescafésetàdémêlerdesmillionsdecolliersenchevêtrésenunseulfichunœud,maisc’estunVRAItravailDANSLAMODE.Assezparlédemoietdemasoporifiqueexistence.Commentçasepasse,pourtoi?Àquoiressembletonhôtel?As-tuvulemurdeBerlin?As-tumangédelasaucisseaucurry?
Etsurtout,leplusimportant…AS-TUCROISÉLEAHBROWN?Tumemanquestrop,PennyP.
Elliotxx
De:PennyPorterÀ:ElliotWentworthObjet:RE:RAPPORTELLIOT
MonchersichercherElliot,
Oui!J’aicroiséLeah!En train de refuser les photos de François-Pierre Nouveau. TU TE RENDSCOMPTE ? C’est comme dire d’un Van Gogh : « Ouais, c’est pas mal commepeinture,maispasassezbeaupourmonsalon.»Elleestencoreplusintimidantedeprès.Commentsuis-jecenséerivaliseravecelle?Bizarrement,elleaétéplutôtsympaavecmoi.Maisjesuissûrequec’estunecomédiequ’elleajouéedevantNoah.Etnon,jen’aiencorerienvudeBerlin.MaisnotreJournéeMagiqueetMerveilleuseestdemain.JeteraconteraiabsolumentTOUTcequej’auraivu.Çacraint,pourtonpère.Grave.Maisc’estgénialpour lestage.Jesavaisquetuassurerais !Évidemmentqu’ilsontadorétonstyle–tuesElliot ! legarçon leplusbranchédeBrighton!Tuessûrdenepasvouloirfaireunaller-retouràBerlinpourmerejoindre?
P.xxx
De:ElliotWentworthÀ:PennyPorterObjet:RE:Re:RAPPORTELLIOT
ChèrePennyChou,J’aimerais.ElliotxPS:Enfait,VincentVanGogha longtempsétéméprisé. Iln’avenduqu’uneseuletoiledesonvivantetn’aconnulagloirequ’aprèssamort.
De:PennyPorterÀ:ElliotWentworthObjet:RE:Re:Re:RAPPORTELLIOT
CherWiki,OK,monsieurJe-sais-tout.
Pennyx
ChapitreDix-Sept
Cela ne fait aucun doute : mon petit copain déchire – et il a autant de fans enAllemagnequ’enAngleterre.Lepublic,ici,l’acclameaveclamêmevigueurqu’àBrighton.Jenesaispaspourquoi jesuistellementsurprise,mais j’ai l’impression,enmêmetempsquejeconstatelacélébritétoujourscroissantedeNoah,derestersurlatouche.Jesuistrèsimpressionnéeparsontalent.Iln’aquedeuxansdeplusquemoietiladéjàréussitantdechoses.
JedoismesouvenirqueNoahn’estpascommetoutlemonde,etquej’aiencoreletempsdechoisirmonavenir.Être«lapetiteamiedeNoahFlynn»n’estqu’unepartiedecetavenir.
Après lesderniersréglagesson,etavant leconcert,c’est l’heuredes interviewsetdesphotos.Unelonguefiledejournalistess’étiredevantlalogedeNoah,oùilsentrentetsortent les unsaprès lesautres.Demon côté,assise discrètement dans un coin de lapièce, je prends quelques photos. Mais la plupart du temps, je me contente d’écouter.Noahrépondcommeunpro–j’imaginequ’onledevientvite,àforcederépondretoujoursaux mêmes questions. Je suis surprise qu’aucun journaliste ne lui demande rien devraiment intéressant. C’est peut-être dû à la présence imposante de Dean, deboutderrière lui, les bras croisés sur la poitrine, prêt à intervenir au cas où une questionaborderaitunsujetdélicat.
Quelques journalistesme reconnaissent, mais Noah veille à ne pas trop parler denous.
Lemomentleplusintéressant,encequimeconcerne,arrivequandunepetitebrune,auteurd’unblogdemusiqueultrapopulaireenAllemagne,l’interrogesurLeahBrown.
—Alors,Noah,luidemande-t-elle,qu’est-cequecelafaitderetrouverLeahBrownaprèsla…polémiquedel’andernier?
Noahluiadressesonpluscharmantsourire.—Leahetmoisommesexcellentsamis,etjerespectesontalentmusical.Jepense
qu’elleaeusarevancheavecBadBoy.Mettanttoutsoncharmeauservicedelasituation,illuiadresseunpetitclind’œil.— Penny ne voit pas en elle une rivale ? continue la blogueuse sans se laisser
démonter.
Dean esquisse un geste, mais Noah l’arrête d’un léger mouvement de tête. Puis ilhausselesépaulesetrépond:
—Biensûrquenon.Pennyn’aaucuneraisondes’inquiéter.Uneondedechaleurme traversede la têteauxpieds. J’espèreque lablogueuse
transcrirafidèlementsesparoles.Maiscequicompte,c’estqueNoahlesaitprononcéesetquejelesaieentendues.DommagequeBlaken’aitpasétélà,çal’auraitcalmé.
Deanfrappedanssesmains.—Bon,merciRuby,l’interviewestterminée.C’estl’heureduconcert!Àcetteannonce,laloge,déjàaniméecommeuneruche,entreenébullition.Noah,serein,meprendlamain.Ilm’assurequetoutvabiensepasser,etjelecrois.—Tuastonnouveautéléphone?medemande-t-il.Jelesorsdemapochepourleluimontrer.Ilme leprendetcomposerapidementunnuméro.Aprèsquelquessonneries, l’écran
s’allumesurdeuxdesvisagesquej’aimeleplusaumonde:ceuxdeSadieLeeetBella.—PENNY!s’exclameBellaensautantsurplace.Jesuisstupéfaitedevoircommeelleagrandi!Elleressembleplusàunepetitejeune
fillequ’àlafilletteturbulentedequatreansquej’airencontréeàNoël.—Bella!Commetuesbelle!Coucou,SadieLee!Celle-ciobligegentimentsapetite-filleàreculeretapparaîtàl’écran.—Tuvois,trésor,luidit-elleavecsonaccentduSudunpeutraînant,NoahetPenny
nousvoientbeaucoupmieuxquandonestassisestranquillement.Elletournealorsversnoussonregardpétillant,sicaractéristiquedesFlynn.—Alors,commentçasepasseàBerlin,mesdeuxétoiles?—Jem’apprêteàmontersurscène,Mam’!—Magnifique,Noah!Elleritetmefixeavecunelégèreinquiétude.—Noahm’aracontécequis’étaitpasséàBrighton,Penny.Es-tusousbonnegarde,
maintenant?Jerougisensecouantvigoureusementlatête.Noahm’attireetmeserrefortcontre
lui.—Pennyvas’installerderrièrelerideau,auborddelascène.Ellevoustransmettra
leconcertendirect.Commeça,mestroisnanaspréféréesserontauxpremièresloges.SadieLeeéclatederire.—Ilyaaumoinstrenteansqu’onnem’apastraitéedenana,Noah!Ilsemordlalèvre,penaud.—Tuvoiscequejeveuxdire,Mam’.Puis il se détourne, parce que Dean l’appelle, et me passe le téléphone. Il envoie
plusieurs baisers à sa grand-mère et à sa sœur, m’embrasse sur la joue et file encourantrejoindresongroupe.
—Est-cequetuasemportéPrincessed’Automneavectoi?medemandeBella.—Non,Bella,elleadûresteràlamaison.Jenevoulaispaslaprendreetrisquerde
laperdre!—Tuas bien fait, reconnaîtBellaavec sagesse. Elle n’aurait pasaimépartir en
tournée.C’estbeaucouptropagitépouruneprincesse.—Jevoistrèsbiencequetuveuxdire,luidis-jeavecunsoupirpluslourdqueprévu.
Bellasouritetdisparaîtpourallerchercherunjouetqu’elleveutmemontrer.SadieLeemeregardeavecdesyeuxtellementinsistantsquejemesensobligéed’expliquer:
—J’aiseulementpeurd’êtreunbouletpourNoah,Deanettouslesautres…Ellehochelentementlatête.—Écoute-moibien,trésor.Jesaisquelquechosedetrèsimportantdonttun’aspeut-
êtrepasconscience:Noahabesoindetoisurcettetournée,autantquetuasbesoindelui.Fais-moiconfiance.Etjesuisheureusequetusoislàpourveillersurlui–pasl’inverse.
—MaisDean…—Net’inquiètepaspourlui,chérie.Deantravaillepourvousdeux,ets’ilfaitmalson
job,ilauradescomptesàmerendre.—Merci,SadieLee.J’entends le public rugir et saute surmespieds. Je suis survoltée, toutàcoup. J’ai
tellementhâtedevoirNoahsurscèneetd’oubliermaprécédente–etcatastrophique–expérience.
—Mesdames,dis-jeàl’écran,c’estparti!Jecoursvers lecôtéde lascène,oùNoahattenddefairesonentréeensautant
d’unpiedsurl’autre,commeunsportifavantunecompétition.Dèsqu’ilmevoit,sonvisages’illumine.JedirigeletéléphonesurluipourqueSadieLeeetBellan’enperdentpasunemiette.
—J’aidemandéàJaked’empilercesflycases,pourquetupuissest’asseoirdessus.Ilmesoulèveetm’installe sur lesboîtes justeaumomentoù les lumièresdéclinent,
annonçantsonentréeimminentesurscène.—Bonnechance,jeluiglisseàl’oreille.IlfaitunpetitsigneàSadieLeeetBella,puisilprenduneprofondeinspirationetse
dirigeverssonpublic.
ChapitreDix-Huit
Heureusementquej’ailaresponsabilitédetransmettreleconcertàSadieLeeetBella.Celam’empêchedem’écroulerparterre,victimedel’émotion(énorme)quimetransporteet de la faiblesse demon systèmenerveux. Je connais toutes les chansonspar cœur,maisentendrelepublicchanteravecNoahestquelquechosed’incroyable.
—Maintenant,dit-ilàlafouleaprèsquarante-cinqminutesdespectacleénergique,voicimadernièrechanson.
Ilestobligédes’interrompre,tellementlepubliccrie,maisilritdanslemicro.—Certainsd’entrevouslesaventdéjà,c’estmachansonfétiche.Ellefaitdemoile
plusveinardetleplusheureuxdesgarsdumonde.Etlafillequimel’ainspiréeestassisejusteici.
Ilsetourneversmoietmeregarde.Ilestennage,sescheveuxsontenbataille,maisilesttoujoursincroyablementbeauet,quandilmeregardecommeça,sesyeuxplongésdanslesmiens,riend’autren’existe.C’estalorsquej’entendslafoulescanderenhurlant:« Autumn Girl ! Autumn Girl ! » Je m’aperçois qu’ils m’appellent et ça fait drôlementbizarre.
Noahsecouelatête.—Elleestunpeutimide,alorsellevaresterdans lescoulisses.Pennychérie,cette
chansonestpourtoi.Il entonne les premiers accords d’Autumn Girl sur sa guitare, et je suis aussitôt
transportéeàl’instantoùjel’aiécoutéepourlapremièrefois.C’étaitunenregistrementqu’ilavaitfaitpourmoi,etj’étaissurmonlit,àBrighton.JeveuxdireàSadieLeeàquelpointl’ambianceestmagiqueetmerendscompteque,dansl’émotion,j’aicomplètementoubliéletéléphone.SadieetBellanevoientplusquelaboîtesurlaquellejesuisperchée.Tuparlesd’unspectacle!Jemeredresseenvitesseetjepointel’objectifversNoahenbredouillantmesexcuses.
Noahterminesachansondansuntonnerred’applaudissements,puisilcourtversmoipour se jeter dans mes bras. Nous retournons dans la loge serrés l’un contre l’autre,accompagnés par le tumulte de la salle qui nous porte comme une vague d’amour etd’encouragement.
—Tuétaisgénial,Noah!Jesuistellementfièredetoi.
—C’étaitdingue!s’exclame-t-il.Iln’arrivepasàcontenir l’immensesourirequi lui fend levisage,etmonexpression
reflètelasienne.Noussommessurunnuage.Si seulement l’abruti qui se cache derrière LaVéritéVraie pouvait nous voir, il
comprendraitàquelpointsesmenacessontridicules.Peut-êtrequelaviederock-staradubon,aprèstout.
—Mam’,Bella,qu’est-cequevousenpensez?Surl’écran,SadieLeeessuieleslarmesquiroulentsursesjoues.—Jen’aipasdemot,Noah.Tuasétésublime.—Merci,Mam’.Jet’adore.—Allez-vous amuser,maintenant, les enfants. Il vame falloir aumoins une heure
pourcalmercelle-ci.Bellacourtpartoutdanslapièce,enchantantlestextesdeNoahàtue-tête.—Bonnenuit ! nousexclamons-nousdeconcerten faisantau revoir de lamainà
l’imageémueetsouriantedeSadieLee.Quand j’éteins le téléphone, la batterie est dans le rouge. Je fouille la loge à la
rechercheducâblequandlerestedugroupedéboulecommeunetornadedanslapièce.MêmeBlake,radieuxcommeunimbécileheureux,estauxanges.Ilmesouritetjeluirendssonsourire.Jel’aipeut-êtremaljugé.
— C’était génial, me dit-il en passant devant moi. Tu reviens à l’hôtel avec nous,Penny?
—Non,vieux,répondNoahàmaplace.J’aiprévuquelquechosepournousdeux.Il tendsaguitareàuntechnicien,enfilesonblousondecuir,etcommenceàfouiller
danssonsacdemarin.—Comme tu voudras, lâcheBlakeavant de sauter, en deux bonds, sur le dos de
Ryan.Ildresseunpoingenl’airetsemetàhurlercommeuncow-boy.J’éclatederireetmetourneversNoah.—Onvaoù?Ilmetendunpetitbonnetrougeetenenfileungris.—J’aipenséquelerougeiraitbienavectescheveux.—Situledis,jerépondsenmettantlebonnet.—Maintenant,ça.Ilmedonneunepairede lunettes sans verreset enchausseuneautre, unpeude
travers.Jetendslamainpourlesredresser.—Sic’estundéguisement, jenesuispassûrequeçamarche.Tuestoujoursaussi
beau.Difficileàcacher.— On n’a pas besoin d’un vrai déguisement, seulement ce qu’il faut pour ne pas
attirerl’attention.Etpuis,làoùonva,personnenes’attendàmevoir.Ilmeprendlamainetm’entraîneaveclui.—Maisoùva-t-on,Noah?—Àtonavis?Voirlegroupeleplussensationneldumonde,évidemment!Jepâlisetjem’arrêtenet.Ilseretournequandmamainlâchelasienne.—Quesepasse-t-il,Penny?
Je déglutis en fermant les yeux, je n’arrive pas à croire qu’il me propose un trucpareil.
— Tu veux dire qu’on va dans la salle, au milieu de la foule ? je lui demande enespérantmetromper.
—Benoui.Tun’aspaspulesvoir,ladernièrefois,etilssontvraimentsuper.Jeseraiavectoi.Toutletemps.
Jedoisavoirl’airvraimentsceptique,parcequetoutd’uncoup,ils’agenouilledevantmoietmedéclare:
—Jejure,PennyPorter,denepastequitteruneseuleseconde!—Tuesfou!Relève-toitoutdesuite!J’aiquasimenthurlé,paniquéeàl’idéequequelqu’unprenneunephotoetlapublie,en
prétendantqu’ilmedemandeenmariage–pourlecoup,ceseraitunebombe.Maisilnebougepaslepetitdoigt.Jesuisobligéedecéder.
—C’estbon,jeviens.Noahsouritetserelève.—Bien.Etsi tutesensmal,ousiçaneteplaîtpas,dis-le-moi,ons’en iratoutde
suite.—D’accord.Oh…etmonappareilphoto?—Prend-le,tupourrasfairedebellesimagesdepuislasalle.
ChapitreDix-Neuf
L’obscurité nous engloutit et je sens mon cœur palpiter dans ma gorge. Le noir estpresqueabsolu,etl’impatiencedupublicquiguettel’apparitiondesSketchestpalpable.L’ambiance, en dépit des milliers de personnes qui nous entourent, est incroyablementsereine. Cela ne m’empêche pas de m’agripper à la main de Noah. Il avait raison :personnenes’attendà le voir ici,alorspersonnene faitattentionànous–saufpourrâlerlorsquenousnousenfonçonsdanslafoule.
Nousavançons jusqu’auxpremiersrangs.Sentir lesgenssepressercontrenousetnousmarchersurlespiedsmerappelleleconcertàBrighton,maiscettefoisj’ailebrasrassurantdeNoahautourdemesépaules.
Puis les lumières s’allument et les Sketch bondissent sur la scène, provoquant undéferlementdecrishystériques.L’excitationestcontagieuse,etjehurleaveclesautres.MêmeNoahestdelapartie.
LesSketchdégagentuneénergie incroyable ; ilsenchaînent tubesur tube.Cesontd’incroyables musiciens ; ils ne ratent pas une note et leurs riffs de guitare sonthypnotiques.
Quand Leah Brown fait son apparition, les hurlements redoublent d’intensité. Sonarrivéeestspectaculaire :suspendueàunharnais,elledescenddescintresen joignantsavoixàcellesdesSketch.Elleporteunerobeàpaillettesargentéesultracourte,etsescheveuxsontcommesoulevésderrièreelleparuncourantd’air.N’importequi,danscetaccoutrement, aurait l’air ridicule ; pasLeahBrown.Malgréma fascination, j’arriveàprendrequelquesphotos.
Dèsqu’ellepose lepiedsurscène, lerythmeduconcertchangecomplètement.Leslumièress’éteignent,nousplongeantdanslenoir,ettoutlemonderetientsonsouffle.Puis,lentement, de tout petits points lumineux apparaissent au-dessus de nous, pour créerl’illusion d’une voûte étoilée. C’estmagnifique ! Noahme serre dans ses bras et jemelaisseallercontrelui.
DeuxfaisceauxlumineuxtrouentlascènepouréclairerLeahetHayden,lechanteurdesSketch,assissurdeuxtabouretshauts.Leahporteàprésentunerobenoire,avecquelques sequins pourattraper la lumière, et ses cheveuxmaintenant lisses encadrentsonvisagecommeunrideaudevelours.
—SalutBerlin!lanceHayden.Unhurlementtrépidantluirépond.—Nousavons quelque chose d’un peu différent pour vous, ce soir, reprend-il. Une
chansonquepersonnen’aencoreentendue.Nousespéronsqu’ellevousplaira.Ilcommenceàchanteracappellaetsavoixs’élève,claireetforte,au-dessusdu
public. Leah prend le relais, et, tous les deux, dans un duo envoûtant, chantent lacomplaintemagnifiqued’amoureuxséparésparlavie.
Les larmesmemontentauxyeuxet jenesuispas laseuleàpleurer.L’émotiondupublic est palpable, intense, comme si la musique nous unissait. Je comprends ce quimotiveNoahàécrireseschansons.C’estcelaqu’ilveutcréer:unechaînedemotsetdenotescapabled’unirdesmilliersdepersonnesdansuninstantmagique.
—Jet’aime,Penny,murmure-t-ilàmonoreille.Jeserrelesmainssursesbrasquim’entourent.Quandlachansons’achève,unrugissements’élèvedanslasalle.LeahetlesSketch
enchaînentsurunautretube.Lepublic,complètementsouslecharme,pourraitlessuivreauboutdumonde.Les lumières reviennent,aveuglantesaprès l’obscurité,et leconcertcontinue.
Nousdansonscommedesfousaveclesautressansnoussoucieruneseuleseconded’avoirl’airridicules.
À la fin du dernier rappel, quand le public se résigne à partir, je me sens plusheureusequejenel’aijamaisété.
ChapitreVingt
Nous arrivons à l’hôtel sur un petit nuage et remontons le couloir qui conduit à machambreenchantantlestubesdesSketch.Devantmaporte,Noahs’arrête.
—C’esticiquejetelaisse,Penny,commeunvraigentleman,medit-ilavecgrâce.Ilouvreet,d’ungestedubrasparfaitementstylé,ilm’inviteàentrerens’inclinant.Puis,aprèsavoirenlevésonbonnetpourlejeterdanslachambre,ilmeregarde.Ses
yeuxbrillentetunsouriredanseaucoindeseslèvres,révélantsesfossettes.Jefonds.Complètement. Je ne crois pas avoir été plus amoureuse de Noah Flynn qu’en cetteseconde.
—Tuneveuxpasresterunpeu?Lasoiréeétaitgéniale,maisonn’apaseuuneseulesecondepournousdeux.
Jetenteunsourireaguicheur.LegloussementamusédeNoahm’indiquequ’ilaaumoinssaisimonintention,maisil
répond:—Désolé,Penny,jedoisretourneràlasalledespectacleetvérifierquetoutestbon
pourdemain.Deanadorelesdébriefings.Mêmetardifs.Jedoisêtremeilleureenminedéconfitequ’enœilladeaffriolante,carilseprécipite
versmoiavecunadorablesourire.—OnaurauneJournéeMagiqueetMerveilleusedemain,Penny.Un jourentier, rien
quetoietmoi.Jeteprometsqu’onvas’éclateretfaireletourdetouteslespâtisseriesdelaville.
Ilm’embrassesurlaboucheavantquejenepuisserépondre.—Tuasintérêtàtenirtespromesses,dis-jequandjeretrouvemonsouffle.Commentfait-ilpourêtreaussicharmantetaussidésirable?Jen’enaiaucuneidée.
Cequiestsûr,c’estquejevaisfinirterrassée.Jelesuisdéjà,d’ailleurs:mamâchoiresedécrochedansunbâillementirrépressible
et tellement gigantesque que je pourrais l’avaler d’un coup. Je suis super gênée, maisNoahmeserrecontreluienéclatantderire.
—Tuasl’airaussiclaquéequejeluisuis!dit-ilavantdereprendre,plussérieux:Tusais combien je rêvede rester iciavec toi,Penny,mais tu dois te reposer…Tuaurasbesoindetoutestesforces,demain.
Puisilfaitdemi-tourpours’éloignerdanslecouloir.—Bonnenuit,beauté!crie-t-iljusteavantdedisparaître.Je ferme la porte dema chambre et je me jette sur mon lit en riant comme une
gamine.Jedébordedebonheur.J’enlâcheunpeudansungrossoupiretroulesurledospourenlevermesConverse.Ensuite,j’attrapemonordipourécrireàElliot.
De:PennyPorterÀ:ElliotWentworthObjet:RE:Re:Re:Re:RAPPORTELLIOT
Wiki,Wiki,Wa-Wa,Je suis au septième ciel et j’espère bien ne jamais redescendre ! Je viens depasser lameilleuresoiréedemavieavecNoah.D’abord, je l’airegardé joueretchanterenconcert.Ilétaitgénial,commed’habitude.Ensuite,ilm’aentraînéedansla salle, au milieu d’une foule hystérique, pour voir les Sketch se produire avecLeahBrown.Elleestvraimentincroyable!Onadanséenchantantaussifortqu’onpouvaitjusqu’audernierrappel,etJEN’AIPASEUDECRISED’ANGOISSE!C’estdingue,non?Jesuisobligéedemepincertellementj’ail’impressionderêver:Noahestparfait!J’ai tellement de chance d’être ici avec lui, de pouvoir l’encourager, de voir sonsuccès grandir sous mes yeux, et d’être celle qu’il a choisie pour partager cesmoments avec lui. Tu trouves peut-être ça dégoulinant de sentiments (merci degarder tes grimaces pour toi), mais je suis SI heureuse en cemoment. Tu serasaussi ravi d’apprendre que demain, nous partons explorer Berlin pour une JMMmémorable.Jeteraconteraitoutdèsquejeserairevenue.Tumemanquesbeaucoup,maisjemerégaleaussi!
Penxxx
26juin
Commentsurvivreàunetournéerockd’enfer
Bon, jesaisquevousmourezd’enviedeconnaître tous lesdétails,maisd’abord,incroyable,j’aisurvécuàmonpremierjourdetournée!Etcen’estpastout.Enfait,j’ai…adoré !Aprèssonpassagesurscène,BrooklynBoym’aemmenéedans lasallepourvoirlasuiteduconcert,nousavonsdansécommedesmalades.C’étaitgénial!Ce n’est que le premier jour, mais j’ai l’impression d’avoir déjà appris un tas dechoses.Voilàmapremièrelistedestrucsàsavoirquandonpartentournée:1.Sandwichsetgrignotagesontvosmeilleursalliés.Commentprendreunvrairepasquandonsautedubusàl’hôtel,puisdel’hôtelàlasalledespectacle,etretoursurlesrotulesaumilieudelanuit?Jevaismeremplirlespochesdebarresdecéréalescontrelespetitscreux.2.LescoulissesGROUILLENTdemonde.J’ignoraisqu’unspectaclemobilisaitunetellearmada.Ilya,enplusdumanagerdeBrooklyn Boy et de son groupe : son garde du corps, l’attaché de presse, lesphotographes, les maquilleurs, les coiffeurs, le régisseur, l’assistant régisseur,l’assistantdel’assistantrégisseur,plusunmilliondetechniciens,quionttousl’airdesavoirexactementcequ’ilsdoiventfaire.3.Dormiroùonpeutetdèsqu’onlepeut.C’estceque tout lemondesemblefaire.Pasplus tardque toutà l’heure, j’aivuquelqu’uns’endormirsurunedesenceintesenpleinconcert!Ledéchaînementdesbassesn’avaitpasl’airdeledéranger.Jesensquec’estunavant-goûtdumanquedesommeilquim’attend…4.N’espérezpasfairebeaucoupdetourisme.Demain, Brooklyn Boy m’emmène visiter Berlin, mais son emploi du temps esttellementchargéquejemedemandeencorecommentilapuréserversajournée!C’estdémentiel(etcomplètementeffarant!),maisjevaistoutfairepourtenirceblogàjour.
GIRLOFFLINE…etplusjamaisonlinexxx
ChapitreVingtetun
Le lendemainmatin,mon réveil sonneàhuitheureset jesautedu lit sansperdreuneseconde.Noahm’aenvoyéuntextohiersoir,justeaprèssondépart.Nousavonsrendez-vousàneufheures,danslasalledupetit-déjeuner,pourdémarrernotreJournéeMagiqueetMerveilleuse.Jememetsenquêted’unetenueadaptée:confortable,maisaussicoolet chic. J’opte pour un ample tee-shirt blanc glissé dans une jupe noire plissée, et jen’oubliepasmonbijoupréféré:unedélicatechaîneenoraveclesmotsFILLED’AUTOMNEenlettrescursives,lecadeauqu’ilm’afaitpourlaSaint-Valentin.J’attrapeensuitemonappareilphotoetprendsl’ascenseurjusqu’àlaréception.
Elliot classerait l’hôtel dans la catégorie ultramoderne : mobilier du hall tout ensurfacesnoires,lissesetbrillantes,tandisquelesmurssontentièrementblancs.Laseuletouche de couleur est apportée par un immense graffiti bariolé accroché derrièrel’accueil.Ilyabeaucoupdemonde.Enpassantdevant lafiledestouristesquiviennentd’arriver, je me demande à quelles aventures ils se préparent. Voyagent-ils seuls ?Prévoient-ilsuneescapaderomantiqueenEurope?
Je m’installe, côté salon, dans un confortable canapé de velours, et mon regardtombesurdemagnifiquesorchidées.Jeprendsmonappareilphotoetjecommenceàlesmitrailler.C’estplusfortquemoi:j’adorelesorchidées,surtoutlesblanches.Elliotm’enaoffertdemagnifiquespourundemesanniversaires ; ellesn’ontmalheureusementpasdurécar je lesaitroparrosées.L’annéesuivante,Elliots’estrabattusuruncactus– ilétaittoutmignon–etm’aprévenue:si jen’étaispascapabledelegarderenvie, ilnem’offrirait jamais une autre plante ! Mais le cactus a tenu bon et il est toujours là,suspendudansuncoindemachambre,résistantvaillammentàmonmanquedesoin.
Auboutd’unmoment, jeconsultemontéléphone. Ilestneufheuresvingt.Je lève lesyeuxetjescrutelehallàlarecherchedeNoah.Envain.Jemedisqu’iln’apasfinidesepréparer.Ouqu’ilapeut-êtreprévuunesurprisequidemandeunpeud’organisation.
Jemecaleplusconfortablementdanslesofamoelleuxet,melaissantdistraireparlesalléesetvenuesmatinales,j’attendsdixminutesdeplus.
—Penny?Jesursaute,surprisedansmarêverie,etdécouvreDeanquim’observepar-dessus
lamonturedoréedesesRayBan,l’airunpeudéfaitetl’œilinjectédesang.
—Qu’est-cequetufais là?J’espèrequetuasdéjàpristonpetit-déjeuner,parcequ’ils arrêtent de servir à dix heures. Si tu veux un croissant, tu ferais mieux de tedépêcher.Ilsdisparaissentplutôtvitedansleshôtels!
Sonrire,déjàrauque,setransformeentouxsévère.Ilavraimentl’airmalenpoint.—J’attendsNoah,luidis-je.Onprendnotrepetit-déjeunerensembleavantd’allerse
baladerenville.Deanéclated’unriretonitruantetlâche,encorehilare:—Tune risquespasde levoiravantmidi !Lesgarçonssontsortis jusqu’àquatre
heuresdumatin.Peut-êtreplus.Moi,j’airenoncéàtroisheuresetdemie.Ilselaissetomberàcôtédemoi.—Jedoisdirequeçacommençaitàprendredesproportionsquineserontbientôt
plusdemonâge!D’oùceslunettesdesoleil.J’aisérieusementbesoind’uncafé!Etjenediraispasnonàquelquesbonnessaucissesbiengrasses.
Jefaisdemonmieuxpourgarderl’airdégagé.—Oh,maisbiensûr!Quelleidiote,j’avaiscomplètementoublié!Noahm’aditqu’on
severraitplustard…Jebredouille,àlarecherched’unprétextequimedonneraitl’airmoinsstupide,mais
jen’entrouvepas.—Tuviensmangerunmorceauavecmoi?meproposeDean.Jen’aipaslecharme
deNoah,maisjejoueunpeudeguitare!Ilselèveettentedem’entraînerverslasalleàmanger.—Non. Je vais remonterdansmachambre. Je vaisenprofiterpourappelermes
parents.Tusaiscommentsontlesparents,Dean…Ilsoublientquetun’asplusdixans.Etlesmiens,s’ilsn’ontpasdemesnouvelles,risquentd’envoyerlapolice,lacavalerie…oujustemonfrère,Tom.Maisjet’enprie,vasoignertagueuledebois.Àplustard!
Jesautesurmespiedsetfileàtouteallureversl’ascenseur.Dèsquelesportessereferment,jem’écroulecontrelaparoi,lefrontsurlemiroirglacé.Jenesaispascequiest le plus dur à encaisser : le fait queNoah nem’ait pas dit qu’il avait l’intention desortir,celuiqu’ilnem’aitpasproposédel’accompagner,ouceluiqu’ilsoitsortietqu’ilnem’aitpasrejointeàl’heureprévue.Jeconsultemontéléphonepourvoirs’ilaessayédem’appelerousij’aireçuuntexto,maisjesaisdéjàquejenetrouverairien.
En quittant l’ascenseur, au lieu d’aller directement dansma chambre, je me dirigeverscelledeNoah.Pourtant,aumomentdefrapper, jemeraviseet jefaisdemi-tour.D’abord,Noahnem’ajamaisdonnélamoindreraisondem’inquiéter.Ensuite,jeneveuxpas qu’il me prenne pour un de ces pots de colle hystériques qui piquent une crise àchaquefoisqueleurpetitcopainoses’amusersanselles.Noahn’estpasobligédemeracontertoutcequ’ilfait.Siçasetrouve,ilestencoreentraindesepréparer.Ilnem’apeut-êtrepasinvitée,hiersoir,maisjesuisprêteàparierqueBlakeestmêléàtoutçaetqueNoahn’apaseulechoix.
Quandilseraprêt,ilviendramechercher.RiennevagâchernotreJournéeMagiqueetMerveilleuse.
ChapitreVingt-Deux
À midi, je suis obligée de me rendre à l’évidence : Noah n’est pas en train de seprépareretiln’arienprévudespécialpournotrejournée.Jemesuisdéjàvernilesongles– des mains et des pieds, avec un rose corail que je gardais spécialement pour levoyage–;jesuisalléesurInstagrametWhatsAppunmilliondefois;j’aimisàjourmoncompte Snapchat avec des clips et des photos de ma chambre d’hôtel, et j’ai, d’unemanièregénérale,épuisétoutcequejepouvaisimaginerpourmedistrairesanssortirdemachambre,aucasoùNoaharriverait.
Jeluienvoieunnouveautextopourluidemanderoùilest,maisilnerépondpas.Alorsjel’appelle…L’heuretourne,etilserabientôttempsd’alleràlasalledeconcertspourlabalanceetlesdernièresrépétitions.Autrementdit,meschancesdepasseruneJournéeMagiqueetMerveilleuses’amenuisent.Mais ilnerépondpas…Cen’estpas legenredeNoah,pourtant,denégligersontéléphone–nid’êtrenégligenttoutcourt.
J’essaie de ne pas trop m’inquiéter, mais chaque fois que je crois être zen, unenouvellequestionm’assaille.Ets’illuiétaitarrivéquelquechose?S’ilétaitblessé?Ous’ilavait un problème ? Je me raisonne en me disant qu’on me préviendrait, mais plus letemps passe, plus ces questionsm’angoissent. Elles vont finir parme rendre folle si jereste cloîtrée dans cette chambre sans aucune distraction. Je ne peux même pasenvoyer de texto à Elliot. Il a rendez-vous avec Alex et je ne veux pas gâcher leurjournéeavecmesjérémiadesflippées.Jedoisréussiràmerassurertouteseule.
Je serre les dents et je m’applique à faire exploser, comme autant de bulles desavon,toutesmespenséesnégatives.Cenettoyagesalutaireterminé,jeprendsmonsac,monappareilphotoetdécide,aulieuderesterenferméeiciàmemorfondre,d’alleràlasalledespectacle.Ilyauradestechniciens,quelquesmembresdel’équipe,etjepourrai,avantl’arrivéedeNoah,prendreaumoinslespréparatifsduconcertenphotopourmonprojet.J’essaiedejoindreNoahunedernièrefoisavantdepartir,maisjetombeencoresursamessagerie.
Àlasalledeconcerts,Deanm’accueilleàbrasouverts.Ilal’airenbienmeilleurétatquecematin–apparemment,sonpetit-déjeunerl’aréconciliéaveclavie.
—Penny !Qu’est-cequi t’amènesi tôt ici?J’imaginequetonamoureuxestencoredanslesbrasdeMorphée,hein?
—Ouais.Jemesuisditqu’aulieud’attendrebêtementdansmachambre,jepourraisprendrequelquesphotosetcommenceràlesclasser.J’aiunprojetphotographiquepourlarentrée,maprofneserapascontentesijen’airienàluimontrer.
—Oh,maisc’estunetrèsbonneidée,ça,Penny!Situasbesoindequoiquecesoit,jesuislà.Larrynevapastarderàamenerlesgarçonspourleurrépète.
—Super.Dans la loge, je transfère mes images sur mon ordi. Les premières, prises à
l’aéroport,nousreprésentent,Noahetmoi.Ellessontunpeuridicules,maisellesmefontsourire.Suivent celles deNoahdevant le bus de la tournée, puis celles, beaucoupplusnombreuses,que j’ai faitespendant leconcert.Une imagedeLeahaumomentdesonarrivéesurscènem’arrête.Jedoisdirequel’effetestsaisissant–elleavraiment l’airde flotter dans les airs. Je l’ouvre dans Photoshop et commence à retravaillerl’expositionetlescouleurs.
J’adore faire des photos depuis le jour oùmes parentsm’ont offertmon premierappareil–unmodèlejetablequej’aiépuiséendixminutesdanslacourderécré.J’aimesaisirlesgensaunatureletj’aitoujoursunappareilàportéedemain.Jen’aidécouvertPhotoshopquel’andernier,maisjecommenceàmaîtriserlatechniqueetlespossibilitésderetouchesquasiinfinies.Jepeuxresterdesheuresdevantmonordinateuràjouersurdesdétailsinfimes.Pourlaplupartdesgens,Photoshopsertàgommerundéfautsurunvisage;pourmoi,c’estbienplusqueça:lelogicielpermetd’ajouterdesfiltres,d’ajusterles couleurs, d’améliorer une exposition et de rendre ainsi une photo plus expressive.MlleMillsm’aappris qu’enmatière de retouches,moins on en fait,mieux c’est. Je suisd’accord,quoiquej’adorem’amuser.
—Waouh!Elleesttop,cettephoto!Leah, dans l’encadrement de la porte, a les yeux fixés sur mon écran. Je tends
instantanémentlamainversmonordinateurpourlefermer.—Non,attends,mecoupe-t-elle.Sincèrement,elleesttrèsbelle.Jepeuxlarevoir?Sa question est de pure forme : sans attendre ma réponse, elle entre et vient
s’asseoiràcôtédemoi.—Tuaimeslaphoto,hein?—Je,heu…Oui,j’adore.J’aiassistéauconcert,hiersoir.C’étaitvraimentgénial.Ta
chansonacappellaavecHaydenétaitincroyable.C’estbizarredefaireuncomplimentàLeahBrown.Jemesensaussitrèsintimidée.
Surscène,elleestfabuleuse–jeveuxdireréellementfabuleuse.Ondiraitunecréatureparfaitevenued’uneautreplanète, unesortededéesseà labeautésurnaturelle.Elleesttoujoursimpressionnante,assiseàcôtédemoi,maisjel’entendsrespireretcedétailme rappelle qu’elle est comme moi. Et que je ne sais rien d’elle (à part, évidemment,qu’elleestchanteuse).
—Oh,merci,medit-elle.C’estgentil.Haydenestadorable.Tul’asdéjàrencontré?Jefaisnondelatête.—Oui,évidemment!s’exclame-t-elle.LesSketchsontsousbonnegarde,tupeuxme
croire.Leurmanagerestlemeilleurdetoutlemétier.Tunelesverrasjamaissesoûlerunjourdespectacle.
Ellemefaitunclind’œiletjesensmonestomacseserrerensongeantàlafollenuitdeNoah.
Leahpoursuitsansvoirmagêne:— Tu sais que tu as beaucoup de talent ? J’ai travaillé avec pas mal de
photographesconnusquinefontpasdephotospareilles.Tupermets?Ellefaitdéfilermesphotosjusqu’àcellesdel’aéroport.—Oh,vousêtestropmignonstouslesdeux!Elleéclatederireetreprend,plussérieuse:— Je suis contente que tout soit arrangé et que ça marche entre vous, Penny.
Vraiment.Elleposechaleureusementlamainsurlamienneetjesensaussitôtsasympathieme
gagner.LaLeahBrownque jecroyaisconnaîtreserait-elleen traindesedésintégrersousmesyeux?
—Merci,jeréponds.Onal’airunpeudébilessurcesphotos,maisc’estvrai,jesuiscontentequeçamarche!
—J’imaginequejedevraisêtrejalouse!Ellemesourit.Pasunpetitsourireméprisantetsarcastique;unvrai,grandsourire.—C’est tellementdurde trouverquelqu’undebiendanscemétier.Etcrois-moi,ce
n’étaitpasdrôledefairesemblantdesortiravecunmecauquel,enréalité,jeneplaisaispas!
Jem’aperçois,toutàcoup,quejen’aijamaisregardéleschosesdesonpointdevue.Elle a raison : cette mascarade n’a pas dû être facile à vivre. Quand le tourbillonmédiatiques’estdéchaîné,Noahs’estcoupédumonde.Réfugiéchezsagrand-mèreàBrooklyn,ilalaisséLeahsedébrouillerseuleaveclesrumeursetlesmédias…Aufond,elles’estmontréeprofessionnelle,quandlui,incapabledefairefaceàlapression,afuicommeunamateur.
—Quandmême, lui dis-je, je n’imaginais pas que tu devais faire semblant.Tu doisavoirdestonnesdesoupirants!
Elleéclatederire.—Peut-être,maiscenesontpastoujoursceuxdontjerêve!Quoiqu’ilensoit,jene
ferai plus jamais semblant. Tu sais que j’ai viré mon manager après cette histoire ?J’espèrequeNoahsaitlachancequ’iladet’avoirrencontrée.C’esttellementfaciledeselaisserinfluencer,danscemilieu,etd’oublierlaréalité.
—C’estsurtoutmoiquiaide lachancequ’ilaitvouluque je l’accompagne!Disonsqu’onsesoutientmutuellement.Enfin,tuvoiscequejeveuxdire!
—Oui,trèsbien!Vousêtestellementmignonstouslesdeuxqu’ilestdifficiledevousenvouloir.Oh,flûte,jemesuiscasséunongle!
Ellesautesursespiedsetappellesonassistante:— CLAIRE, JE ME SUIS CASSÉ UN ONGLE ! TU PEUX M’ENVOYER QUELQU’UN
TOUTDESUITE,S’ILTEPLAÎT?Ellesetourneversmoi.—Jedois filer,Penny.Mais revoyons-nousavant la finde la tournée.C’estsympa
d’avoir un peu de compagnie féminine. Toute cette énergie virile est parfois un peufatigante!
Jesuisparfaitementd’accordavecelle.LaprésencedeLeahBrownestpeut-êtreunebonnenouvelle,aprèstout.
—Biensûr,Leah,quandtuveux.
—Cool.Ellem’envoieunbaiserdelamainetdisparaît.J’écoutelebruitdesestalonss’éloignerdanslecouloir,quandj’entendsquelqu’unla
saluerenpassant.Jereconnaîtraiscettevoixentretoutes:c’estcelledeNoah.Ilarrive,essouffléetl’airpenaud.—Pardon,Penny.Jesuishyperdésolé.Ils’assoitàcôtédemoietmeprendlamain.—Blakeavaitentenduparlerdecebaretilm’aquasimentforcéàl’accompagner.
L’heureatourné, jen’aipasfaitattention,etnoussommesrentrésàquatreheuresdumatin. J’aimis unealarmepourme réveillerà huit heures ; j’ai dû l’éteindre dansmonsommeil!J’aicomplètementgâchécettejournéequiauraitdûêtreparfaite.
Àcemoment-là,Blakearrive,lacapuchedesonsweatsurlatête,lesyeuxcernéset le pas traînant. Dans son sillage, je sens les effluves d’un mélange de bière et detabacfroid.
—Sérieux,Penny,lâche-t-il,c’étaitunenuitd’enfer!Jemesuisfaitbrancherparunenana,aprèsleconcerthier,unvraicanon!Onestsortisavecelleetsescopines.Deandansaitsur les tables ;Noahétaitcomplètementbourré. Jene l’ai jamaisvudanscetétat.Onadûleporterjusqu’àl’hôtel!
Alorsqu’ilcontinuesonrécit,Noahm’imploreduregard.Jenesaispass’ilveutquelesol s’ouvre sous sespiedspour l’engloutir… oupourengloutirBlake.Puis ilmeserre lamain.
—Onpasseraunesuperjournéedanslaprochaineville,jetelepromets,Penny.Onvisiteratouteslespâtisseriesettouslesendroitsquetuvoudras.
Ilabaissé lavoixpourque jesoisseuleà l’entendre,maiscertainsmotsn’ontpaséchappéàsoncopain.
—DESPÂTISSERIES?DESVISITES?Nonmais,turigoles,Noah?Tuesentournée,mec,pasenvoyagescolaire!Tucrains!
—Blake,ferme-launpeus’ilteplaît,d’accord?Noahal’airfatigué.—Pourquoi?T’aslagueuledebois?Blakeéclatederireetquitte la loge.Noah leregardepartiren levant lesyeuxau
ciel,puisilsetourneversmoi.Noussommesseuls,maintenant.—Penny,s’il teplaît,disquelquechose!Jesuisdésolé,vraiment.Jemesuis laissé
entraîner,jenerecommenceraipas.Durant toute la scène, je penseauxparolesdeLeahsur la facilitéavec laquelle,
danscemilieu,onselaisseinfluencer.JenepeuxpasarrêterNoah;detoutemanière,jen’enaipasenvie.Jeneveuxpasêtrecegenredepetitecopine,prisedetêteetrabat-joie.Iladix-huitans,ilréalisesonrêveetils’amuse.Jedoisêtreheureusepourlui,oujeleperdrai.
—Nedispasdebêtises,Noah.J’aidequoim’occuperetjepassequandmêmeunejournéeformidable.Jesuiscontentequetutesoisamusé.
Je lui souris et l’embrasse légèrement sur les lèvres avant de lui ébouriffer lescheveux.
—Maisjenevaispastementir…tupues!Sonvisagesedécompose.
— Je n’ai pas eu le temps de me doucher. Larry m’a tiré du lit et je suis venudirectement.
Jeluijetteuneserviette.Ill’attrapeetm’embrasseavantd’allerversladoucheenenlevantsontee-shirt.Jenepeuxm’empêcherd’admirer sondosmusclépar lesbondsqu’il enchaînesur
scèneetparlesheuresdesport.Ilfaitvolte-faceet,avecunsourireespiègle,m’envoiesontee-shirtdanslafigure.Jerâle,parcequ’ilmebouchelavue,maisjesouris,parcequ’ilportesonodeur.
ChapitreVingt-Trois
Nous rentrons tard à l’hôtel après le concert. Noah, cependant, est encore survolté.Nouscommandonsdeshamburgersauroomserviceetsommesàpeineassissurmonlitlorsqu’onfrappeàlaporte.
—Ilssontrapidesici,dis-jeàNoahquivaouvrir.Maiscen’estpaslegarçond’étage.C’estDean.—Ah,vousêteslà!Salut,Penny.J’aiquelquechosepourtoi,Noah.Jecroisqu’ilya
tout.Il laisse tomber au sol le gros sac-poubelle qu’il porte sur l’épaule et je dévisage
Noah,unpeuinterloquée.PourquelleraisonbizarreDeanluiapporte-t-ildesordures?—Oh,waouh!Merci,Dean!JecomprendsquandNoahouvrelesac,remplidelettresetdecadeauxdesesfans.—C’estfou!s’exclame-t-ilenriant.C’estarrivécesoir?—Tuparles,çan’arrêtepasdepuiscematin!Jemesuisditquetuaimeraisyjeter
unœil avant d’en avoir trop. Tum’as assez répété que tu voulais suivre ce genre detrucs.Jecroismêmeavoirvuquelquesenveloppesavectonnom,Penny.
—Desmessagespourmoi?J’observe le sac énorme avec méfiance, comme s’il était radioactif. Qui diable
voudraitm’écrire?Noahvidelesacsurmonlit.Lacouettedisparaîtsousunamoncellementdefeuilles,
d’enveloppesetdepaquets-cadeaux.JesaisisunportraitdeNoahréaliséaustylo-billebleufoncé.Ilestsiincroyablementdétailléettellementressemblantquejesuisscotchée.Etunpeudéstabilisée.
—Waouh,tesfanssontultradoués!—Eh,regarde,ditNoah,ilyaquelquechosepourtoi!Ilglisseversmoiunegrandeenveloppejaunepâle.Je l’attrapeet jepasseundoigthésitantsous lerabat,déjàfébrileà l’idéedece
quejevaisdécouvrir.Quelfanpeutm’envoyeruncourrier?Jesecouel’enveloppeau-dessusdulitetquelquesfeuilletsglissentsurlacouette.Ce
sontdespagesextraitesdemonblogGirlOnline,avecdesannotationsdanslesmarges,etunelettremanuscrite.
ChèrePenny,
Jevoulais juste tedireàquelpoint tum’asaidéequand tuécrivais tonblog.J’aiparticulièrement adoré quand tu as commencé à sortir avec Brooklyn Boy. J’aicommencéàcroireauvéritableamouretàmedirequeçapouvaitm’arriver,àmoiaussi ! Je t’ai trouvéesupercourageuseaudébutde l’année… Jesuisaussisupersupertristequetuaiesdûfermertonblog.Grâce à toi, j’ai commencé à écrire le mien. Ce n’est pas aussi bien que GIRL
ONLINE,maissituveuxtefaireuneidée,jetelaisselelienci-dessous.
Avectoutemonamitié,
Annabelle
Jeserrelalettrecontremoncœur.Jen’arrivepasàcroirequ’onm’aitécrit!Jevaischérircettelettrejusqu’àmamort.
—Bon, lesenfants, jevaismecoucher,déclareDean.Etn’oubliezpas:onselèvetôt,demain.Pasquestionderaterlebus.
Jenem’étaismêmepasrenducomptequ’ilétaitencorelà.—Çamarche,DeanAmo!répondNoah.Lemanagerrépondàsonsurnomparunegrimace,puisilnousfaitunpetitsalutde
lamainetdisparaît.Quand je me tourne vers Noah, il est silencieux, le front plissé, perdu dans ses
pensées.Jesaisqu’ilsesentunpeudépassépartoutescesattentions.Jemedemandemême s’il s’y habituera jamais. D’une certaine façon, j’espère que non. Autantd’admirationnepeutpasdevenirbanal!
Jeregardelapiledelettresentasséessurmonlit.J’ypasselamainetsuissurprised’y découvrir une autre enveloppe à mon nom. Celle-ci a l’air un peu spongieuse. Jel’attrapeenmedemandantcequ’ellecontientetl’ouvreavecimpatience.
C’estunelettre.Maismahâte,alorsqueje la lis,setransformeviteenhorreur.Jejettelafeuilledepapier,commesielleétaitvénéneuse,aussiloinquepossible.
—Qu’est-cequec’était?s’exclameaussitôtNoahenmefixantavecinquiétude.Jesecouelatêteenluimontrantlalettredudoigt.Il va la ramasseretcommenceà la lire.C’est la reproductiond’unepartiedenos
échanges par textos. Plusieurs mots ont été entourés en rouge et, mis ensemble, celadonne:dégage,Penny,outuvasleregretter.
Etenbas,c’estsigné:LaVéritéVraie.Jecommenceàtrembler.C’estexactementlegenredemessagesquejeredoutais.
Jecroyaisquelepremierseraitleseul,maisdetouteévidence,jemesuistrompée.Est-cequeçaveutdireque«LaVéritéVraie»estàBerlin?
Unebouleseformedansmagorgemais,contretouteattente,Noahnesemblepasmêmecontrarié.Aucontraire:ilal’airsoulagé.Ilrevientversmoietm’attireàlui.
D’abord,jesuisréticente–pourquoin’est-ilpasplusperturbéqueça?–,puisjemelaissealler.Riennem’aideraplusquesentirsesbrasautourdemoi.
Ilm’embrasselefront.—Cettenouvellelettrenefaitqueprouvercequejepensais,dit-il.Onaaffaireàun
taré,riendeplus. Ilnepeutpast’atteindre,Penny,fais-moiconfiance.JevaisprévenirLarryquivaouvrirl’œil.Çafaitpartiedesonjob.
Jeme serre un peuplus contre lui.C’est ça, la réalité ; nous sommes réels.Cettelettreestlefruitd’uneimaginationdétraquée.
—Tucroisvraimentqu’undetesfansveutquejem’enaille?Ilmeregarded’undrôled’airettoutd’uncoup,jecomprendsmabêtise:évidemment
qu’iladesfansquipréféreraientnepasmevoirdanslesparages!J’étaisbienplacée,à Brighton, pour voir l’adoration que suscite Noah, surtout auprès des filles. Uneadorationquifriseparfoisl’hystérie.Combiend’entreellesrêventd’êtreàmaplace?Et,parmielles,combiens’imaginentpouvoirvraimentyêtre?
—S’ilteplaît,resteavecmoi,cettenuit.Jenesuispassûredepouvoirdormirsijerestetouteseule.
JesaisqueNoahneveutpastrahir lecontratqu’ilapasséavecmesparents(àsavoir :nerienfairequipuisse«heurter»mes«sentiments»– laformuleavaitbeauêtre édulcorée, j’étais hyper mal à l’aise quand ils ont abordé le sujet). Mais je suiscertainequ’ilneprofiterapasdelasituationpourobtenircequejeneseraispasprêteàluidonner.Jeluifaisconfiance.
Àmonplusgrandsoulagement,ilaccepte.—Jevaisrangertoutcebazar,dit-ilenmontrantleslettres.J’auraitoutletempsde
lesliredanslebus.Ensuite,ondormiraunpeu.Jefiledanslasalledebainsmedébarbouiller.Çamefaitdubiendemesavonnerle
visage.LaréapparitiondeLaVéritéVraie,mêmes’ilnes’agitquedesélucubrationsd’untaré,medonnel’impressiond’êtresale.Jemebrosselesdentset,tandisquej’enfilemonpyjama,jesongeàtouteslesfillesquirêventd’êtreàmaplace.Pourtant,aulieudemeréjouir, jemesensunpeutriste.Seraient-ellesaussipresséesdemeremplacersiellessavaientcombienc’estdifficile?
—Tusaisquetueslaplusbellefilledumonde?meditNoahquandjereviensdanslachambre.C’estgrâceàtoisi,aumilieudecettefolie, j’arriveàgarder lespiedssurterre.
Ildésignelegrostasdelettrespoussédansuncoin.Jem’allongeàcôtédelui.— Je suis désolé que ça t’arrive, poursuit-il. Je te promets qu’après ces deux
semaines de tournée délirante, on passera du temps tous les deux. Plus de lettresflippantes, de chambres d’hôtel anonymes et de voyage non-stop. Tu pourras enfindécouvrirNewYorkenété!Tuverras,c’estaussimagiquequ’àNoël,sinonplus!
—J’adorerais.Jecommenceàm’endormir,bercéeparlacaressedesamaindansmescheveux.—N’oubliepas,Penny,quoiqu’ilarrive,c’esttoietmoienversetcontretout.
ChapitreVingt-Quatre
Quandjemeréveille,lelendemainmatin,ilestencoretôt.MesbrasetmesjambessontemmêlésàceuxdeNoahcommelespiècesd’uncasse-têtegéant.Jesoulèvedoucementsonbrasétaléentraversdemataille,et,enmedégageantlentement,jeglisseauborddulit.
J’attrape mon téléphone et je fais défiler toutes les notifications de la nuit. SurInstagram,jedécouvreunephotodeKirasurlaplagedeBrighton, lespiedsdansl’eau.J’imagine lesvagues, lesouffleduventdansmescheveux, lecridesmouettes…J’aidumalàcroirequecerivagedegaletsmemanqueautant.
SurWhatsApp,jereprendslefildesconversations.Megannousfaitpartager,minutepar minute, le compte-rendu de son dernier rendez-vous amoureux avec un ancienterminale prénommé Andrew, qui l’a amenée à l’aquarium de Brighton. Une série deselfieslesmontretouslesdeuxdevantunpoissonmulticolore;leursvisageséclairésparune lumière bleutée sont presque irréels. J’éprouve une sensation bizarre en songeantqueMeganadoreraitêtreàmaplace,entournéeavecunerock-star,alorsquemoi,jeregretteparfoisqueNoahetmoinepuissionsavoirderendez-vousnormaux,dansdesendroitsquelconques,commeuncoupleordinaire.
Jereçoisunmessaged’Elliot.
Elliot:Tuesréveillée?
Jeluirépondsaussitôt.
Penny:Oui!Àl’instant.Tuesmatinal,disdonc!
Elliot :Oncommence tôtau journal.Commentvas-tuparcettebellematinée?
Penny:Jen’aipastrèsbiendormi.J’aireçuunautremessagedeLaVéritéVraie, dans le courrier des fans. Noah est convaincuquec’estjusteundétraqué,alorsj’espèrequeçavas’arrêter.
Elliot :La jalousieest larançonde lagloire,mabelle !Çafaitpartiedujeu.Faisquandmêmeattention.J’imaginequecen’estpaslemomentdetecitertouslescasdeharcèlementscélèbresquejeconnais?
Penny : NON ! Je suis assez flippée comme ça ! Je dois telaisser…Noahvientjustedeseréveiller.
Elliot:Quoi?Ilestlà?Vousavez…
Penny:Non!!!
Elliot :Relax,c’étaitpourrire!Vousêtestropmignons,touslesdeux.EmbrasseNpourmoi.
— Tout va bien ? me demande Noah en se redressant pour m’embrasser surl’épaule.
—Oui,c’estjusteElliotquimeposedesquestionsindiscrètes!dis-jedansunrire.Etquimeterroriseaveclesmonomaniaquespersécuteursdecélébrités…
Noahhochelatête.—Nelaissepascetaréteprendrelatête,Penny.Noussommestouslesdeux.Toiet
moienversetcontretout,tutesouviens?Jeluirendssonsourire.—Oui,jemesouviens.—Bon.Maintenant,onferaitmieuxdesepréparer,oulebusvapartirsansnous!
Sur le trajetentreBerlinetMunich,nouspassonsdevantune tonned’occasionsde
faire des photos géniales, mais nous n’avons pas le temps de nous arrêter. Je mecontentederegarderdéfilerlessites,monumentsoupaysages,del’autrecôtédelavitre,dansunfonduenchaînéduqueljeneretienspasgrand-chose,sinonqueleschampssont
pleins de fleurs et que chaque ville que nous traversons regorge d’adorables vieuxbâtiments–mêmelespetitscafésduborddelarouteontl’airpittoresques.
Lerestedugroupedortsurlescouchettesàl’arrière;NoahetmoisommesinstallésdevantunmarathondefilmsDisneypourpasserletemps.Aubeaumilieud’Aladin,jemerendscomptequejesuislaseuleàregarderl’écran:Noahs’estendormi,latêteposéesur mon épaule. C’est tellement agréable d’être avec lui, d’écouter sa respirationtranquilletandisquenoustraversonsl’Allemagne.Sescheveuxsententbonet jeperçoisdetempsàautrel’odeurdesonafter-shave.Jesorsmonappareiletjeprendsquelquesphotosdenous.
—Penny?JelèvelesyeuxsurDeanquis’assoitàcôtédemoi.—Noahm’aparléde la lettredans lecourrierd’hier.Jesuisdésolé.Onessaiede
faire le tri au maximum, mais ce n’est pas toujours facile en tournée. Je peux fairequelquechosepourterassurer?
—Non,merci,Dean.Jedoissansdoutemefaireàl’idéeetprendredurecul.—Bon.N’oubliepasquejesuislàautantpourtoiquepourNoah.IlregardeNoah,profondémentendormi,avantdereprendreàvoixbasse:—Jepeuxorganisertonretouràlamaison,sic’esttropdurpourtoi…Sasuggestion,au lieudem’agacer,mesoulage.Jesuisrassuréedesavoirque j’ai
uneissuedesecours–mêmesi,pourl’instant,jen’enaipasbesoin.—Merci,Dean.C’esttrèsgentil,maisçaira.Jemesensdéjànettementmieux.—Pasdequoi,Penny. Je sais que c’est duràencaisser, tout ça.Et je saisaussi,
mêmesijemedoutequetun’aspasenviedel’entendreencoreunefois,quetuestrèsjeune…J’aiparléàtesparents,n’oubliepas,etjemesensresponsable!
J’éclatederire.— Ça ira, Dean, je t’assure ! Mais toi, comment supportes-tu ce rythme ? Tu ne
trouvespasquec’estdingue?—Tuplaisantes?C’esttoutemavie!EtNoahestmonétoilemontante.Ilestdéjà
incontournable.J’aicomprissonpotentielàl’instantoùjel’aivusurYouTube.C’était…Ilya presque deux ans ? Jeme souviens exactement de ce que j’étais en train de fairelorsquejel’aientendupourlapremièrefois.JefaisaisdesrecherchessurunechansondeFleetwoodMacetNoahenavaitfaitunereprise…
—Oh,oui,Landslide?Ilm’amontrésavidéo.Deanclaquedesdoigts.— Exactement ! Je suis tombé sur lui par hasard, mais c’était magique. J’étais
tellementfascinéquejen’arrivaispasàdétacherlesyeuxdel’écran.Jen’arrêtaispasdemerépéter :cegosseavraimentquelquechosedespécial.Oui, jesais,destasdemanagersetdestasdedénicheursdetalentssedisentlamêmechose,maismoi,j’aieude la chance. C’était vrai. De manager de groupes pour soirées de mariage, je suispassédanslagrandecour.
—Noahadelachancedet’avoir.Ilglousse.—Entoutcas,jesuisprêtàtoutpourassurersonsuccèsetsonbonheur.Cegarçon
représentetoutpourmoi.
— Je me sens ridicule de m’en faire pour deux ou trois messages stupides quand
— Je me sens ridicule de m’en faire pour deux ou trois messages stupides quandNoahjouesacarrière.Etpuis,cen’estpascommesij’étaislaseuleàdevoirfairedesconcessions.
—Qu’est-cequetuveuxdire?—Toutlemondeadesproblèmesàsurmonter.Monmeilleurami,parexemple,Elliot.
Il a un petit copain absolument génial, sauf que celui-ci n’a pas encore fait soncoming out, alors ils doivent ruser, se cacher, faire semblant. Elliot en souffre,évidemment.Etça,nepaspouvoirvivresonamouraugrandjour,c’estunproblème.Unvrai.Lesmienssontridiculesencomparaison.
Deanhausselesépaules.—Ilssont jeunes, jesuissûrqu’ilsvonts’ensortir.Mais j’ai l’impressionqu’Elliotpeut
sacrément te faire confiance, luiaussi.Tu serais surprise de découvrirà quel point laloyautéestrare,parfois.
—J’espèrequemonamitiél’aide.Jevoudraistellementqu’ilsoitheureux.Elliotestlapersonnequicomptelepluspourmoi.AprèsNoah,biensûr!
Deanéclatederire.—Ehbien,secoueunpeutonparesseuxdecopain,parcequ’onarrivebientôt,etila
dutravail.
ChapitreVingt-Cinq
—C’est bon, c’est bon, je suis réveillé, marmonne Noah en se redressant. Waouh !Munichal’airgéniale.
Jemetournepoursuivresonregardverslafenêtre.L’ambianceestpluspittoresquequecellequirègneàBerlin,pluscooletmoderne.J’ail’impressiond’êtredanslaversionréelle,grandeurnature,des imitationsdesvillesallemandesquipoussentdans lecentredeBrightonaumomentdesmarchésdeNoël.Mesparentsnousytraînent,Tometmoi,chaqueannée,pourboireduGlühwein(enfin,duchocolatchaudpourmoi!),mangerdesBratwürsteàlamoutardeetplongernosmainsdansdestasdeneigeartificielle.Cettevéritablevilleallemandeferaitundécorparfaitpouruncontedefées,etjemedemandeàquoielleressembleenhiver,sousuneépaissecouchedeneige.
Quandonarriveà lasalledeconcerts, les technicienssontdéjàautravailpour lespectacledecesoir.Noahm’entraînedanslescoulissesets’arrêtedevantlaloge.
—Aufait,onaunegrosseréunionsuruntructechnique.Tupeuxvenir,biensûr,maistu risques de t’ennuyer. Si tu préfères, tu peux rejoindre les familles desSketch. Ils seretrouventdansunepièceàcôté.J’enaipouruneheure.
—OK.Pasdeproblème.Jenedoispasavoirl’airconvaincuecarLarrypasseunbrasrobusteautourdemes
épaules.—Viens,Penny,jet’accompagne!—Oh,merci,Larry!J’embrasse Noah et le laisse à sa réunion pour suivre Larry dans un grand open
spacejustederrièrelascène.Il y a plein de monde. Des gens se détendent, assis sur des gros poufs colorés ;
d’autresboiventdescafésdansdespetitsgobeletsdecarton.JerepèredeuxmembresdesSketchqui seprélassent tranquillement.L’enviemedémangede lesphotographierpourmesamisrestésàBrighton.Maisjemeretiens.Ceseraitdéplacé,etjeneveuxpaspasserpourunebolosse!
Larrymepousseverslatableoùsetrouventlesboissonsetdequoigrignoter.—Vateserviretpuisprésente-toi,medit-il.—Oh,jesuisnullepourlesmondanités…
—Biensûrquenon.Proposeunetassedethéàquelqu’un.Ilsvonttellementadorertonaccentqu’ilsnetelâcherontplus!
Ilmedonne unepetite tape sur l’épaule et s’éloignepour se laisser tomber sur unpouf.
Le gros siège l’avale presque entièrement, et je glousse en le voyant se débattrepourreveniràlasurface.Iln’apasl’airtrèsdigne,pourungardeducorps.C’estencoreplusdrôlequand,unefoiscalé,ilsortunlivredesapoche–unlivreàlacouvertureroseaveclaphotod’uncouplequis’embrasse!QuiauraitcruqueLarryétaitunamateurderomansentimental?
Prenant exemple sur son air détaché, je suis son conseil et approche du buffet.Celui-ciregorgedenourritureetdeboissons,donttouslesthéspossiblesetimaginables,du classique Breakfast anglais aux infusions de camomille et de menthe. Il y a aussid’immenses Thermos de café que j’évite soigneusement, connaissant l’effet de cebreuvagesurmesnerfs.Lescupcakes,enrevanche,sontdrôlementbiendécorésettrèsappétissants.
—Ceux-làsontvraimentdélicieux!s’exclameunevoixàcôtédemoi.Unetrèsbellefilleauxcheveuxtrèslongs,trèsraidesetbruns,metendlamain.—Salut!Jem’appelleKendra.Jesuislapetiteamied’Hayden.TuesPenny,n’est-ce
pas?Jeluiserrelamainensouriant.—Salut!Oui,jesuisPenny.Jenesavaispasqu’Haydenavaitunecopine.Alorsquejeprononcecesmots,l’absurditédemoncommentairemesauteauxyeux.
Jeportemesdeuxmainssurmastupideboucheavecunaireffaré.Heureusement,Kendraneprendpas lamouche.Elleéclatemêmederire,sesyeux
bleustoutpétillantdegaieté.—Oui,jesais,medit-elle.Aucontrairedetoi,jesuisuneGUCcertifiée.—UneGUC?—Oui,uneGirlfriendUnderCover,me répond-elleavecunclind’œil.Officiellement,
lesSketchsontcélibataires.C’estmieuxpourleurimage.Mais,tupeuxmecroire,Haydennetiendraitpasunjoursansmoipourlemaintenirsurlesrails!Celadit,çanemegênepasderesterdansl’ombre.Jetravaillesurlatournéecommemaquilleuse.Çamedonneunebonneexcusepourtraînerdanslesparages.Etmangerdescupcakes!
Elleenprendun.—Tupeuxveniravecnous,situveux.Ellememontreunetableautourdelaquellesontassisesd’autresfillesaussiclasse
etaussijoliesqu’elle.—Oh,merci.Je la suis, un cupcakeà lamain, soudain tropconsciente de neporter qu’un vieux
jeaninformeetuntee-shirttoutsimple,alorsqueKendraestsicooldanssonskinnynoirstylé – savamment déchiré aux genoux – et son haut blanc vaporeux à l’encolureajourée. Nous sortons directement du bus et je n’ai pas franchement eu le temps deréfléchiràmatenue.
—J’adoretonhaut,dis-jeàKendraquandons’assoit.—Merci, c’est unChanel,me répond-elle en souriant.Lacartedecrédit d’Hayden
travailledurpourquejesoistoujoursautop!
—Noah ne t’a pas encore habillée ?me demande une des filles, queKendrameprésentesouslenomdeSelene.
Son eye-liner doré souligne magnifiquement ses yeux et la couleur sombre de sapeau.
—Je,heu…Jesuissur lepointde luidireque j’achètemoi-mêmetousmesvêtementsdans les
friperiesdeBrighton,maistoutàcoup,celanemesembleplusaussicool.—Quoi?sedéfendSelenesousleregardd’avertissementqueluilanceKendra.Ill’a
balancéesurcettetournée;ilpourraitaumoinsl’habiller.Ellescontinuentdeparlerdemoicommesijen’étaispaslà.—Toutlemondesaitqu’elleexiste.Moi,entoutcas,jen’aimeraispasvoirmaphoto
dans les magazines sans un minimum de préparation. Mais j’imagine qu’on a de lachance.
SeleneetKendrajettentunrapidecoupd’œilàPete,undesmembresdesSketch.—Qu’est-cequetuveuxdire?jedemande,unpeuperdue.—Nousaumoins, on est là,m’expliqueSelene.Mais prendsAnna… Elle sortavec
Pete depuis deuxans,mais ils ne se voient quasiment jamais.Ladernière fois qu’il l’aserréedanssesbrasremonteàtroismois,etilsvontdevoirattendretroismoisdeplusavantdeserevoir.
Kendrasoupireetregardesesongles.—Laroute,toujourslaroute.Ellesenchaînentsurladeuxièmepartiedelatournée,quidoitlesconduireàDubai,à
SingapouretenAustralie.Demoncôté,jeseraidepuislongtempsrentréechezmoi,etjetraîneraiavecmesamis.
JepenseàlacartedumondequeKiraaépingléesurlemurdesachambre.Chaquefoisqu’ellerevientdevoyage,ellemetunepetitepastillesurlespaysqu’elleavisités.Ellerêve de faire le tour du monde, et on s’est souvent amusées à évoquer les endroitsfantastiquesoùonaimeraitaller,sionlepouvait.Mesdoutessurmacapacitédepasseràl’acte(àcausedemaphobiedel’avion)gâchaientunpeuleplaisir,maisc’étaitquandmême super de rêver avec elle. Dire qu’une partie de ce rêve se réalise pour moiaujourd’hui,etdelafaçonlaplusincroyablequisoit…J’aidumalàycroire.
LavoixdeSelenemetiredemarêverie.—Alors,Penny,çateplaît,lavieentournée?C’estlaquestionquitue,etjenesaisfranchementpasoùmemettre.—Oh,tusais…Ilfautsavoirs’adapter!—Tu l’asdit !s’exclameKendra.Nous,onn’arrêtepasdebougerdepuisunan.Tu
finiraspart’habituer,tuverras.Jeluirendssonsourirechaleureuxavecreconnaissance.—Tutenaisunblog,non?reprendSelene.—Oui,maisjel’aiferméàlafindel’annéedernière.—Tantmieux.Parcequesitul’avaisencore,tuneseraispasiciàbavarderavec
nous.Manqueraitplusquetoutcequ’onseraconteseretrouvesurleNet!LesmanagersdesSketchetdeNoahteferaientunedecesguerres!
—Jesais,maisjenesuisplusGirlOnline.JesuisjustePenny.
Toutàcoup,jesensunpicotementdanslanuque.L’annonced’unecrised’angoisse.
Toutàcoup,jesensunpicotementdanslanuque.L’annonced’unecrised’angoisse.Jedoism’enallertrèsvite,sijeneveuxpasqueleschosesempirent.
—Heu, excusez-moi, je doisaller… aux toilettes, je bafouille enme levant.C’étaitsympadevousrencontrer.
—Toiaussi,Penny!Reviensquandtuveux.TuferasofficiellementpartiedesWAGsdelatournée!
Jesecouelatêteensouriantetfileendirectiondestoilettes.Lalourdeporteferméesurmoi, jem’appuiecontreunmur.Jesaispourquoi jesuis
angoissée:plusjepassedetempsaveclesgensdecemilieu,plusjesensqu’iln’estpasfaitpourmoi.Ouquejenesuispasfaitepourlui:jen’aiaucunecompétencequijustifiemaprésencedansl’entourageprofessionneldeNoah,etjen’aimepasassezlamodeoula musique pour me sentir à l’aise avec ces filles. J’aime ma maison, mon lit, et êtreentouréedemafamille.
Maisj’aimeaussiNoah.Jemeregardedans lemiroir.Lesouvenirdes instantsquiviennentdes’écoulerme
remplitd’unsentimentdedécalageabsolu.Jenemesenspasàmaplaceaumilieudecesfilles.Meslongscheveuxrouxbouclésneressemblentàrien.J’enécarteunemècheetposelesdoigtssurmestachesderousseur.Ellessontbienplusvisiblesenété…Mesyeuxmerenvoientunregarddésemparé.Jeleurtirelalangueenfaisantlagrimace.
Si seulement je savaismieuxmemaquiller, aumoins les yeux, commeSelene. Lesmienssontprobablementcequej’aidemieux,surtout leurcouleur.Cegenredevertmepermettraitsansdoutedepostulerpourunrôledevampiredanslessériestélé.Enplus,ilchangedeteinteselonlalumière.Monpèreditquej’aidesyeux«verredemer»,commecespetitsmorceauxdebouteillepolisparlesvaguesqu’ontrouvesurlaplage.D’ailleurs,pourmesseizeans,mesparentsm’ontoffertuncollierenverredemerparfaitementassortiàmesiris.
Je repenseà la nuit dernière. J’étais à l’aise dansmon vieux pyjamaavecNoah.Alorspourquoimesoucierdecequelesautrespeuventpenser?Noahm’aimecommejesuis,bienmaquilléeoupas.Jeregardemamontreetjesuissurprisedevoirquel’heureestpresqueécoulée.LaréuniondeNoahestpeut-êtrefinie?
Je retourne vers la loge. La porte s’ouvre toute seule quand je frappe, et jedécouvreunspectacleparticulièrementdéplaisant:lesfessesdeBlake,toutesnues.
ChapitreVingt-Six
Blakesepromènedans la loge,complètementnu,avec laguitaredeNoahautourducou.Lesautressontmortsderireetmoi,jenesaispasoùposerlesyeux.
Jemeraclelagorgeetcrie:—HÉ,JESUISLÀ!Maisçanechangerien.JerepèreNoahet, lesyeuxbaissés, jefilemeserreràcôté luisur lecanapé. Ila
pratiquementleslarmesauxyeuxtellementilrit.—Oh,salut,Penny!Ilm’attirecontreluietm’embrasseleboutdunez.— Oh, Noah, pitié ! s’exclame Blake d’un ton railleur. Épargne-nous les étalages
publics.—Tupeuxparler!jerétorquedutacautac.Noahredoubled’hilaritétandisqueBlakemedévisaged’unairstupéfait.Jemesens
rougir,maisjesuissurtouttrèsfièredeluiavoirclouélebec.QuandNoahsecalme,ildit:—Bon,toutlemondedehors,lesgars.JeveuxpasserunpeudetempsavecPenny
avantleconcert.—Turigoles,mec?protesteBlake.Laisse-moiaumoinsmettreuncaleçon.—Pasquestion,répondNoah.Tul’ascherché,maintenantassume!Allez,tiens…Ilpêche,enfronçantlenez,lecaleçondeBlakeauboutd’unebaguettedebatterie
et le lui lanceàtraverslapièce.Blakelerattrapeauvolets’envaverslaported’unpastraînant,lerestedesesvêtementsrouléenboulecontrelui.
—Qu’est-cequec’était?jedemandeàNoahquandilssonttouspartis.—DuBlaketoutcraché.Ilprétendaitqu’ilallaitjouercomplètementnu,cesoir.Ilritdoucement.—Jenesaispaspourleconcert,maislà,ilnefaisaitpassemblant.—Pardon,Penny.Ilmesoulèvelementonetmesourit.—Pardonpourquoi?
—Denepaspasserplusdetempsavectoi.Jecroyaisquejeseraisplusdisponible.
—Denepaspasserplusdetempsavectoi.Jecroyaisquejeseraisplusdisponible.Maiscettetournéeestbeaucoupplusintenseetplusprenantequejenel’avaisprévu.
Ilmelâchelementonpourglisserlamaindanssescheveux.—Lapresses’intéressedeplusenplusàmoi, lesdemandesd’interviewn’arrêtent
pas de pleuvoir, et je veux que cette tournée soit mémorable pour tout lemonde, moicompris.Lescritiquessonttrèsbonnes,tusais,maisellesdoiventlerester,etpourça,jesuis prêt à répéter vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Résultat, quand je ne répètepas,ouquejenefaispaslapromo,jedors.Jemesensdéjàcrevéalorsqu’onn’apasfaitlamoitiédesdates.
—Jesais…Jeveuxluidirequejecomprendscequ’ilressent,maisilcontinuedeparler,commesi
unedigues’étaitrompue.—Enplus de ça, c’est une période tellement bizarre pourmoi. Je suis en train de
réaliser le trucdont jerêvedepuisque jesuispetit,et je lefaissansquemesparentspuissentmevoir.ContrairementàBlakeouauxautres,jenereçoisaucuntextodemonpèreoudemamèrepourm’encourager. Je n’ai pasdeparentsàqui skyper tous lesjours, des parents qui se soucient de moi, comme les tiens. Sadie Lee se consacrepresqueexclusivementàBella.C’estnormal,j’aidix-huitans.J’aimoinsbesoind’ellequemapetitesœur.Jesuisseul.Jenepeuxcompterquesurmoi-même.
Ils’enfoncedanslecanapéeteffleurelanotedemusiquetatouéesursonpoignet.—Maiscesoir…Cesoir,Penny,jeteprometsdet’emmeneraurestaurantaprèsle
concert.Jeteledois.—Tunemedoisriendutout,Noah.Jet’aime!Ettun’espastoutseul,jesuislà!Dis-
moiceque jepeuxfaire.Jeveuxterendre leschosesplusfaciles.Jeveuxquetusoisheureux.
—Jesuisheureux,Penny.Bienplusquejenel’aiétédepuislongtemps.Seulement,enmêmetemps,jesuistriste.Tucomprends?
Jeleprendsdansmesbrasetjeleserrecontremoi.Biensûrquejecomprends.Maiscommentai-jepuignorerqu’iln’allaitpastrèsbien?Ettoutecettepressionàlaquelleilestconfronté?
—Laisse-moit’aider.Qu’est-cequejepeuxfairepourtoi?Jemelèveetjeregardeautourdemoi.—Tun’asrienàfaire,Penny.Taprésencemesuffit.—Non,jesuissûrequejepeuxtrouveruntruc.Laisse-moichercher…Mêmeunpetit
truc…J’aperçois le miniréfrigérateur et me précipite dessus. J’en sors un smoothie aux
fruitsetcourschercherunverre.Jeleremplisetplanteuneframboisesurlerebord–unbonpetitsmoothiebienfrais,décoréd’unebellepetiteframboise,n’est-cepascequ’onsertdanslesbarsdeshôtelschics?
—Etvoilà!dis-jeenluimontrantmonœuvre.Maisjetrébucheet,toutàcoup,lesoldelaloges’approcheàtoutevitessedemon
visage. Tandis que jem’étale par terre, le smoothie vole dans lesairs en direction deNoah.J’ai letempsdevoirsesyeuxs’écarquillerd’horreurdevant le liquiderosequiserépandsursontorse.
—NON!Oh,non,Noah,JESUISDÉSOLÉE!
Je me relève d’un bond et j’essaie, avec les mains, de ramasser la pulpedégoulinantesursontee-shirt.
Ilal’airtrèscontrariéjusqu’aumomentoù…iléclatederire.—Mais,oui!Tuveuxuncâlin,excellenteidée!Attends,jemelèvetoutdesuite!Ilécartegrandslesbrasetselève,letorsebombé,etpleindesmoothie,versmoi.Jereculeenpoussantuncrid’horreur,etjefuisàl’autreboutdelapièce.Commencealors une course-poursuiteà travers la loge, qui s’achève quand ilme
coinceentre lecanapéetunepiled’étuisàguitarevides.Cettefois, jenepeuxpas luiéchapper. Ilmeprenddanssesbrasetm’écrasecontre luienriant.Jesens,avecunepetitegrimace,leliquides’étalerentrenous.
Noahm’embrasselescheveux.—Heureusement que j’ai toute une collection de tee-shirts, hein ?Celui-là est bon
pourunlavage.Ilmefaitunclind’œilenlepassantau-dessusdesatêteetvaenprendreunautre
danssonsac.Jen’arrivepasà lecroire : j’aibeauêtre laplusstupideet laplusmaladroitede
touteslesempotéesdelaterre,Noahm’aimequandmême.C’estfou.Dans son nouveau tee-shirt tout propre – à croire que l’accident ne s’est jamais
produit – Noah revient vers moi, m’embrasse rapidement, et file pour son entrée enscène.
Quelques secondes plus tard, j’entends le rugissement du public, transporté debonheur.Noahestdanssonélément,etpourmoi,c’esttoutcequicompte.
ChapitreVingt-Sept
Unefoisprésentable,jevaisassisteraudébutduconcertencompagniedeKendraetSelene,depuisunbalconsurlecôtédelascène.MaisjemedébrouillepourrevenirdanslalogeavantleretourdeNoah.J’espèrequenouspourronspartirdînertoutdesuite.
Moncœur fait unbonden le voyantarriver. Il estennageet ila les joues rouges,maissonsourireestgigantesque.Deanarrivesursestalons,encompagnied’unefemmeetd’unhommeque je n’ai jamais vus. Ils nesontpashabilléspourunconcertde rock.Leurs costumes gris assortis et leurs chemises blanches bien repassées sont plusadaptés à une réunion de conseil d’administration qu’aux coulisses d’une salle despectacle.
—C’esticiquejemedétendsavantetaprèsleconcert,leurexpliqueNoah.Bizarrement, ilal’airnerveux.D’habitude, ildéborded’assuranceaprèsunconcert.
Jemedemandebienquisontcesgens.—Sensas,c’estsensas!répètel’hommecommeuncoucou.La femme essaie de ne pasmontrer qu’elle fronce le nez. Son air pincéme fait
glousseretlebruitattiresonattentionsurmoi.—Quiest-ce?demande-t-elleenmeregardant.Ilestclairque,pourelle,jedétonnedanslepaysage.—Auriez-vousgagnéunconcourspourêtreici,jeunefille?—Heu,non.C’estPenny,ma…—Uneamie,intervientDean.D’ungesteadroit, lemanagerrassemblesonpetitmondeautourde luienuncercle
duqueljesuisexclue.Lestroisautresmetournentledos,maisjevoislevisagedeNoahquiévitesoigneusementmonregard.
Jenecomprendspascequisepasse,maisçan’augureriendebon.—Donc,Noah,reprendDean,AliciaetPatricknousproposent,siçateconvient,de
dîneraveceuxpourfairelepointsurquelquesclausescontractuellesavecSony.Ila lavoixdoucecommedumielet jecomprendsmieux,maintenant : ces inconnus
sontdeshuilesdelamaisondedisques.Noahfinitparmeregarder–brièvement,lesyeuxpleinsdeculpabilité–,puisrevient
àDean,AliciaetPatrick.
S’ilteplaît,refuse.Mais jepeuxpriertantque jeveux, jesaisquec’estunecauseperdue.
—Oui,biensûr,c’estparfait!répliqueNoah.Ilparvientmêmeàsourire.—Jesuisflattéquevoussoyezvenus jusqu’ici justepourmevoir.Vousdevezêtre
débordés!Moncœurseserre.C’estmoi,maintenant,quiévitesonregard.Pourquoin’a-t-ilpas
repris Dean et précisé que je suis sa copine ? Non seulement j’ai l’impression d’êtreinvisible,mais jen’ai jamaisétéaussimalà l’aisedemavie.Jene lèvemêmepas lesyeuxquandilsquittentlapièce.
Je frissonneetme frotte lesbras, quand je sens le canapés’enfonceràcôtédemoi.Àmagrandesurprise,c’estNoah.Ilestrestéenarrière.
Ilmeprendlamain.—Jesuisdésolé,Pen…Jenelelaissepasfinirsaphrase.—Çava,Noah.Vraiment.Faiscequetuasàfaire.C’estsuperqu’ilssoientvenuste
voir.J’espèrequemonsouriren’apasl’airtropforcé.Il me dévisage, à la recherche d’une fissure dans ma façade, mais je tiens bon.
Jusqu’au moment où il s’en va. Alors, je sens les larmes me piquer les yeux. Je lesrepousseetjeramassemonappareilphotoetmonportablepourrentreràl’hôtel.
ChapitreVingt-Huit
De retour dansma chambre d’hôtel, je skypeà Elliot immédiatement. À l’instant où ilrépond,unevaguedesoulagementm’envahit.
—Tuasdelachance,Penny,j’étaissurlepointdemelancerdansmonritueldusoir,àcommencerparlelimagedecesaffreusesgriffes!
Son image légèrement pixélisée apparaît sur mon écran, les deux mains tournéesversmoi.
—Elliot,c’estuneurgence!—Tuasfaitdutourisme,finalement?—Non…Jesoupireetjelaissetombermonmentondansmesmains.—Waouh,LadyPenelope.Qu’est-cequit’arrive?Jememordsleslèvres.Paroùcommencer?—Jet’aiditqu’onn’aencorerienfaitensemble,Noahetmoi?Qu’ilestsoitendormi,
soitenrépète,soitsurscène,soitenvadrouilleavecsongroupe?Onétaitcensésdîneraurestauranttouslesdeux,cesoir,saufquedeuxpontesdesamaisondedisquesontdébarquédeLosAngelesetqu’ilestpartidîneraveceux.
—S’ilsontfaitledéplacement,c’estungrostruc…—Cen’estpasça,Elliot.Jecomprendsqu’ildoivevoircesgens.C’estsonlabel,etils
ont fait le voyage spécialement pour lui. Seulement c’était… tellement bizarre. J’étaisdans la même pièce qu’eux, et Noah n’a même pas dit que j’étais sa petite amie.J’imaginequejesuisuneGUCcertifiée,maintenant.
—UneGUC?demandeElliot.—UneGirlfriendUnderCover.C’était commes’il était gênéouqu’ilavait hontede
moi.Elliotfroncelessourcils.—Cen’estpassongenre,Penny.Etcen’estpascooldutout.Àtaplace,jeserais
alléaurestaurantetj’auraisprisunechaise,rienquepourenfoncerleclou.Je ne peuxm’empêcher de glousser. Elliot l’aurait vraiment fait, àma place. Il ne
connaîtaucunehonte.
Hélas !mêmerireavec luimerend triste.Çamerappellecombien ilest loin,alors
Hélas !mêmerireavec luimerend triste.Çamerappellecombien ilest loin,alorsquejerêved’êtreàBrightonavecluietdeparlerdetoutetderiendansmachambre,commed’habitude.
Jeremontelesgenouxsousmonmentonetjelesserrecontremoi.—Peut-êtrequ’ilétaitseulementépuisé.Oupeut-êtrequ’ilétaitchoquéde lesvoir
débarquercommeça.Detoutefaçonilnepouvaitpasrefuserdedîneraveceux,hein?Jedoisarrêterdemeprendrelatêteavecça.
Jeregardemonamiquipousseunlongsoupir.—Çafaitbeaucoupdepeut-être,Penny.Tun’as rien faitdemal.C’est lui qui t’a
invitée à venir sur la tournée, tu te rappelles ? Il t’a promis une Journée Magique etMerveilleusedanschaqueville. Il t’aassuréqueceneseraitpasstressant,parcequec’estsapremièretournéeetqu’ilauneéquipeformidable.C’estluiquivoulaitquetusoislà,pasl’inverse.C’estnormalquetusoisdéçue.
—C’estvrai,maisilnepouvaitpassavoirquelapresses’emballeraitetqu’ilauraittantd’interviews…Etcen’estpassafautesicesgensontdébarquépourdîner.Çanedoitpasêtrefacilepourlui,toutça.
Jesecouelatête.—J’ail’impressiondelegêner.Jemedisquejepourraisaussibiennepasêtrelà…—Jen’ensuispassûr,Penny,etsituveuxmonavis,tuexagères.Quoiqu’ilensoit,
n’oubliepasque je t’aime,moi.D’ailleurs,aucunhommene t’aimera jamaisautantquemoi!
Ilm’envoieunbaiseretéclatederire.—Jet’aimeaussi,Elliot,maiscen’estpasexactementréconfortant.—C’estbienmaveine!Allez,Penny,dunerf,mavieille!Tunevasquandmêmepas
telaisserabattre!Fonceetfaiscequetuvoulaisfaire.SORS,BOUGE!Etprendstonappareilphotoavectoi.
Ila raison.Noahestoccupéet jenepeux rienyfaire.Au lieudeme lamentersurSkype,oudememorfondredansmachambred’hôtel,jedevraissortiretexplorercettevillemerveilleuse.
—Biendit,Elliot.JevaismefaireuneJournéeMagiqueetMerveilleusetouteseule!—Bravo!s’exclameElliot.Pourtant,iln’apasl’airsienthousiastequeça.Jeleregarde,unpeudésemparée,jusqu’aumomentoùjecomprends.Jeportesivite
lamainsurmajouequejemegiflepresque(jenel’auraispasvolé):jesuis,unefoisdeplus,sinombrilistequejeneluiaimêmepasdemandécommentilallait.
Aprèsm’êtreconfondueenexcusesetdûmentrachetée,Elliotrayonne.—Tout vaàmerveille.Mon stage est génial,même si je dois faire l’aller-retourà
Londres tous les jours ! J’ai hâte d’habiter là-bas. Je suis fait pour les lumières de lagrandeville,c’estsûr!
Ilesttellementheureuxqu’ilsetortillesursachaise–mais imaginerqu’ilvaquitterBrightonunjourmeserrelecœur.Unsignedeplusquelavie,quelquesoitmondésirquetoutresteenplace,nevapastarderàchanger.
Jefaisdemonmieuxpourmasquermatristesse.—C’estsuper,Wiki!
—EttoutsepasseaussimerveilleusementavecAlex.Jesuisallévoircematchde
—EttoutsepasseaussimerveilleusementavecAlex.Jesuisallévoircematchderugbyavecluietj’ai…adoré!
—Incroyable!Jesuissiheureusepourtoi,Elliot.Tuvasdevenirunvraisportif,siçacontinue!
Ilfaitlagrimace.—Çam’étonnerait.Aufait,onavuleconcertdeNoahàBerlin,surYouTube.C’était
tellement mignon quand il t’a dédicacé Autumn Girl avant de la chanter ! J’aimeraistellementfaireunedéclarationpubliqueàmonamoureux.C’esttellementromantique.
—Elliot…—Jesais,jesais.Jenemeplainspas!Jeneluidemandepasdemeprésenteràla
terre entière, ni de faire son coming outmaintenant. Je veux qu’il attende de se sentirvraiment à l’aise. Seulement, je regrette de ne pas lui apporter la confiance dont il abesoin.C’estbête,jesais.
Jevoudraisleserrerdansmesbrasetluidirequetoutfinirapars’arranger.Ilssonttellement parfaits tous les deux ! Il est évident qu’ils sont faits l’un pour l’autre.Mais ilreprendavantmoi:
—Alors, c’est quoi ta prochaine destination, globe-trotter ?D’autres interminablesheuresderoutedanslebusd’enfer?
—Rome!Etpasdebus:onprendl’avion,cettefois.—Quelleveinarde,signorina!Onseregardeensilence.Lacouleurviolettedeseslunettesmetsesyeuxvertsen
valeur–sesyeuxquicommencentàs’embuer.—Tumemanques,medit-il,lagorgenouée.Lesmêmeslarmesmemontentauxyeux.—Tumemanquesaussi.Ons’accrocheànosécranset,aprèsavoircomptéensemblejusqu’àtrois,oncoupe
laconnexionenmêmetemps.
ChapitreVingt-Neuf
LevoldeMunichàRome,enfind’après-midi,estétonnammentagréable.Blakeetlesautressontassisplusieursrangéesderrièrenous,cequinous laisse,àNoahetmoi,unpeu d’intimité. Enveloppée dans le vieux cardigan demamère et serrée contre Noah,j’arriveàmaîtrisermaphobiedel’avion–jem’accrochequandmêmeàsamain,toutletemps du décollage. Pendant le vol, nous discutons de l’industrie musicale et nous nouschamaillonssur lemeilleurgroupederockdetouslestemps.JenecroispasqueNoahcomprennetrèsbienpourquoi,àmonavis,c’estJourney,maisc’estcommeça: j’adoreDon’tStopBelievin ! IlpréfèrePinkFloydetn’enrevientpasquand je luidisque jen’aijamais entendu parler d’eux. IlmetWishYouWereHere sur son iPod etme passe lesécouteurs.À lafindumorceau,onsemetd’accordsur lefaitque jedoissérieusementapprofondirmesconnaissancesmusicales.
Ensortantdel’aéroport,jesuisaccueillieparunebrisedélicieuse.JesuisenItalie!Enfin ! On m’a tellement répété que Rome était une ville magique que j’ai hâte de ladécouvrir.Iln’yapasdeconcert,cesoir,etnousavonstoutelajournéededemainpournouspromener.Surletrajetjusqu’àl’hôtel,jefourmilled’impatience.Mêmeàtraverslesvitresteintéesdunouveaubusdetournée(absolumentidentiqueauprécédent),Romeavraimentl’airspectaculaire.
Arrivésàl’hôtel,nousmontonsdirectementdansmachambre.Noahselaissetombersurlelitenriant.
—J’aiadorécettejournée,Noah.Justetoietmoi,àparlerdetoutetderien,c’étaitparfait.
—C’est vrai, approuve-t-il. C’était commeàNewYork, quand personne ne savaitriendeNoahetPenny.
On se regarde, allongés côté à côte, puis il prendmon visage entre sesmains etm’embrasse.C’estlegenredebaiserquimefaitcomplètementfondre.JedoisdirequeNoah embrasse divinement bien. Je n’ai pas tant d’expérience que ça pour faire descomparaisons,mais Noah est plus âgé ; il me semble beaucoup plusmûr et tellementdifférent des autres garçons que j’ai connus. Avec lui, ce n’est pas bizarre, ni gênant.C’estjusteparfait.
Commeilesttropfatiguépoursortir,onpassecommandeauroomserviceetonse
Commeilesttropfatiguépoursortir,onpassecommandeauroomserviceetonseprélassedevantunfilm.Noahnetardepasàs’endormir,latêteposéesurmesgenoux.
À la fin du générique, je ne veux pas le réveiller, mais j’ai un bras coincé quicommenceàmepicoter.Aumomentoùjechangelégèrementdeposition,ilbouge.
—Quelleheureest-il?demande-t-ilenouvrantlesyeux.Lefilmestterminé?Ils’assoit.Sescheveux,colléssursajoue,mefontglousser.Ilmelanceuncoussin,puisbâilleets’étire.— Ilest tempsque j’ailledansmon lit,dit-ilense levant.Àdemainmatin,Princesse
Penny.Ilm’embrasserapidementetsedirigeverslaporte.Jesaisqu’aprèssondépart je
vaism’ennuyer.Toutesceschambresd’hôtelseressemblentetleplaisirdelanouveautén’estplussiattrayant.
— S’il te plaît, je lui demande juste avant qu’il n’ouvre. Tu ne veux pas rester ?CommeàBerlin.
Ilseretourneetmerépond:— Tu connais les règles, Penny. « Des chambres séparées, sinon Penny ne vient
pas. » À Berlin, c’était une exception. Tes parents n’apprécieraient pas que jerecommence,etsijelefais,Deanvametuer.
—Mesparentssontvieuxjeu,dis-jeenboudant.—Ilssesoucientseulementdeleurpetitefillechérie.—PETITE?Jeterappellequej’aiseizeans,Noah!Etque…—Tuserastoujoursleurpetitefille,Penny,ettulesaisparfaitement!Rendez-vous
àneufheuresdanslehalldemainmatin.Jet’aime.Ilm’envoieunbaiseretdisparaît.Pour me distraire, je me fais couler un bain et je finis la soirée en regardant sur
Instagram les images de mes photographes préférés et en cherchant sur Twitter leshashtags#Romeaveclesmeilleurstuyauxtouristiques.Jemedemandesi jenedevraispasouvriruncompteInstagramGirlOnline–c’estpeut-êtremoinsrisquéqu’unblog?–,maismonsystèmed’alarmesedéclencheaussitôt.
Méfie-toid’Internet,Penny…Alorsj’éteinslalumièreetjemeglissesouslescouvertures.Latêtepleinedesphotos
deRome,jenetardepasàplongerdanslesommeil.
Le lendemain matin, je ramasse mon appareil photo, mon sac, et descends à la
réception. Noah n’est pas encore là. Je repousse unmauvais pressentiment en priantpourquelescénariodeBerlinneserépètepas.
—Penny.C’est lui !Maisplus ilapproche,moins jemesensrassurée:sonexpressionest loin
d’êtreaussienthousiastequelamienne.Ilal’air…àlafoiscontrariéetdanssespetitssouliers.
—Jen’aipasmajournée,finalement.Deanaprévuunmarathondepresse.C’estleseulmomentoùonpeutlefaire,etjedoisyaller.
J’essaie de résister, mais je sens la moutarde me monter au nez et mon visage
J’essaie de résister, mais je sens la moutarde me monter au nez et mon visages’enflammer.
—OK,jeparviensàlâcher,lesdentsserrées.—Jesuisdésolé.Tuescontrariée?Ilveutmeprendrelamain,maisjelaluiarrache.—Contrariée?Pasdutout!Çavatrèsbien.Jetripotelabandoulièredemonsacencherchantdésespérément lemoyendeme
sortirdelàavantd’exploserderage.—Oh,tantmieux.Jesuiscontentquetuleprennesbien.Ilmeregardeensouriantetlà,c’esttrop:j’éclate.—OH,NON,NOAH.JENELEPRENDSPASBIENDUTOUT!—Mais,tuviensdedirequetu…— LES FILLES DISENT TOUJOURS QU’ELLES VONT BIEN ! TU DEVRAIS LE
SAVOIR!ETSURTOUTTUDEVRAISCOMPRENDREQUANDMOIJEVAISMAL!C’ESTÇAQUEFONTLESPETITSCOPAINSNORMAUX!Ettusaiscequ’ilsfontd’autre?Ilsnepassent pas leur temps à laisser tomber leur petite copine DÈS QU’ILS EN ONTL’OCCASION.
Mavoixestperçanteetjenepeuxplusm’arrêter.—OK,jeveuxbiencroirequec’estsuperimportantetsuperstressantpourtoi.Mais
c’estaussisuperimportantetsuperstressantpourmoi!J’airenoncéàunebonnepartiedemesvacancespourêtreavectoi,Noah.Parcequetum’asditqu’onauraitletempsdefaireuntasdechosesgéniales.Tumel’aspromis,Noah.Jemedonneunmaldechienpourtoi,pourassurer,poursuivre,pourtecomprendre,etc’estcrevant.J’ail’impressiond’êtretrimballéed’unesalledeconcertsàl’autrecommeunvulgairedécor!
Noahmedévisagebouchebéeettoutlemondes’esttournépournousregarder.J’essaiedebaisserlavoix,maislacolèreesttropforte.—Jenesuispasunélémentdedécor,Noah.Jesuislà!J’existe!Jeveuxpartager
cetteexpérienceavec toiet jeveuxpouvoirpasseraumoins un jour en ta compagniepourvivreaumoinslajournéequetum’aspromise.
Jemetaisetattends,frémissante,saréponse.Mais il tourne les talonsetsortdel’hôtel.
Jeleregarde,médusée,monterdansletaxiquil’attendaitdevantlaporte.Et,tandisqu’ildisparaît,jesensunegrosselarmeroulersurmajoue.
De tous les coins du hall et de la réception, des regards curieux m’observent. Jeredresselatêteet,sansencroiseraucun,jemarchefièrementversl’ascenseur.Quandlesportess’ouvrent, j’entreavecdignité,et j’attends,avec lemêmeaplomb,qu’ellesseferment…Puis,jem’effondreetjesanglotecommeunbébé,lecorpssecouédehoquetsincontrôlablesetlenezdégoulinantlamentablement.
30juin
Cequidevaitarriverarriva:notrepremièrevraiedispute
Jehaislesdisputes.Non,c’estfaux.Si,jelesdéteste–vraiment!D’une manière générale, je fais tout ce que je peux pour éviter les conflits.L’épisodedumilkshakegateétaitmonpremieractederébellionouvertedepuisdessiècles.Surlemoment,c’étaittrèsagréable.Maislesconflitsnesontpasdevenusmesamispourautant.Quandjesuisencolère,jem’effondre–c’est-à-dire:jepleure.MedisputeravecBrooklynBoy?
Inimaginable!Commentmedisputeravecquelqu’unquej’aimeautant?Depuisqu’onseconnaît,cen’estquedubonheuretdelalégèreté.C’estpeut-êtrepourçaqueçanepouvaitpasdureréternellement. Il fallaitbienqu’unjouroul’autre,notrefleuvetranquillecroisedesremous.Ehbiencejourestarrivé.Etpasplustardqu’aujourd’hui.Imaginez le hall de réception d’un hôtel fabuleux de Rome : un dôme centralgigantesque, orné d’une fresque splendide, soutenu par d’imposants piliers demarbre.Imaginezlacaissederésonanced’untelthéâtre.Placez-ymaintenantlespersonnages:unefilledeseizeans,rousse,unmètresoixante-six,trèsencolère,etsonpetitcopain,dieudurockabsolu,charmant,cool,etsuperdécontractédanssonjeanetsontee-shirtnoirhabituels.Imaginez maintenant ma voix criarde s’élever dans cette auguste entrée etrésonnersurtouscesnoblesmurs.Personnellement,jen’aipasbesoindel’imaginer:jem’ensouvienstrèsbien.Surlecoup,jenemesuispassouciéeduspectaclequej’étaisentraindedonner.J’aieutort.Parceque jemesuis,depuis,renducomptequ’ilfaudrabienque jeretourne,aumoins une fois, là-bas. Comment, en effet, quitter l’hôtel sans passer par laréception?Mégamalaise.Mesparentssedisputentrarement.J’entendsparfoismonfrèreseprendrelatêteavecsacopine,maisc’estgénéralementpourdestrucsdébiles,dugenre:«Non,jet’aiditquejeterappelleraiAPRÈSlematchdefoot,pasAVANT.»Desbroutilles,
envérité.Cequin’estpaslecasdecequivientdesepasserentreBrooklynBoyetmoi.J’aihurlé.D’ailleurs – première question –, est-ce qu’on peut vraiment parler de disputequandiln’yenaqu’undesdeuxquicrie?JecroisquelacontributiondeBrooklynBoys’estlimitéeàdesclignementsd’yeuxrépétés,ethébétés,surmoi.D’oùmadeuxièmequestion:étais-jecomplètementridicule?Toutcequejesais,c’estquelesdisputessontparfoisnécessairespourarrangerleschosesetqu’ellesnevalentquegrâceauxréconciliationsquis’ensuivent.Donc,en tant qu’adulte mature et responsable, je vais faire en sorte que les chosess’arrangent.Trouvez-moi uncouplequi n’a jamaiseudedispute. Je n’enconnaispas.(Tuesvisé,Wiki.)Donc, histoire de m’en souvenir, voici la liste des choses que j’ai appris (à mesdépens)ànePASfairelorsd’unedispute:1.NeJAMAISchoisirlaréceptiond’unhôtel.Prévoyezlemomentetlelieu.Lesgensn’ontpasbesoind’êtreinformésdesmotifsdevotrecolère.2.Souvenez-vousquevotrevoixpeutêtretrèsforte.3.Toutlemonden’étantpastélépathe,neminimisezjamaisvotrecontrariétéetneprétendezpasquetoutvabien.4.Malgrélafureurquivoussaisit,essayezderestercalme,détendu(e)etserein(e).J’insistesurleverbeessayez,parcequ’àcestade,vousêtespeut-êtresurlepointd’exploser.5.Quand,votreéclatterminé,votrepetitcopaintournelestalonssansdireunmot,nerestezpascloué(e)surplacetroplongtemps.Vousvoussentirez(etvousaurezl’air)idiot(e).6. Quand vous cédez à une bonne, et bien dégoulinante, crise de larmes dansl’ascenseur, n’oubliez jamais que ledit ascenseur peut s’arrêter à n’importe quelétagepourprendreenchargequelqu’und’autre.C’estpourçaquelesascenseurssontfaits.7.Si vous l’avezoublié et qu’un inconnu vous rejoint, ne prétendezpas que vousavezunsérieuxrhumedesfoins.Vouspasserezpourun(e)imbécile.S’ilestévidentque vous pleurez, acceptez simplement le mouchoir que vous tend gentimentl’aimableItalienquivousasurpris(e)danscetétatpitoyable.8.Avantdefaireunesortiedescènemajestueuse,assurez-vousd’avoirlaclefdevotrechambresurvous.Parcequevousaurezl’airridiculesivousdevezretourneràlaréceptionpourlademander.9.Unefoisseul(e)dansvotrechambre,évitezdegamberger.10.N’essayezpasdemangerdelaglacedanslebainbrûlantquevousvousêtesfaitcouler;cen’estpaspratiqueetenplus,çafondàtouteallure.Lesbretzelssontunetrèsbonnealternative.J’arrêtelà–pourl’instant.C’estbientrophumiliantet,maintenantquemonétalagepublicestécritnoirsurblanc, jecomprendsquec’estàmoidem’excuser,parcequetouterelationconnaîtdeshautsetdesbasetque,lorsqu’onestencouple,lescrises se traversent à deux. Il suffit d’être assez fort pour comprendre qu’unedispute(mêmegigantesque)nesignifiepasforcémentlarupture.
GIRLOFFLINE…etplusjamaisonlinexxx
ChapitreTrente
Aprèsavoirpubliémonpost, jefermemonordinateur.Jemesensnettementmieuxetbeaucouppluslégère.Jesaispourquoij’aimetantécrire,remplirmonpetitcoin(secret)d’Internetavecmesréflexionsetmesconseilssurlavie:c’estthérapeutique.Maintenantque j’yvoisplusclair, jesaisque,quand jereverraiNoah, jevaism’excuser ;et jesuiscertainequ’ils’excuseraluiaussi.Nousallonsnousenremettre.
Jeregardeparlapetitefenêtreàcôtédemonlit:larueestpleinedemondeetdesoleil.
JesuisàRome.Rome.Unevillequej’aitoujoursrêvédevisiter.LapatriedeMichel-Ange,deRaphaëletde
SophiaLoren!Jepeuxresterenferméedansmachambre,ruminernotredisputetoutela journée,ou jepeuxsortir,découvrir lavilleetmechanger les idées–mêmesi jesuisseule.J’entendslavoixd’Elliotmepousseràbouger,àprofiterdemonséjour.Cettefois,jedécidedel’écouter.
Jequittemonlitetjevaismeplanterdevantlemiroir.Lespectacleestpitoyable:jesuisdansuntristeétat.Jepasseunemainsurmesyeuxrougesetgonflés,ettoutàcoup,je sensOcéane laBattante, pleine de vitalité et d’assurance,mebousculer.Allez, unebonnepairedelunettesdesoleil,etonn’yverraquedufeu!Jerelèvemescheveuxdansunchignonrapide,j’attrapemonsacàmainetsorsavantdechangerd’avis.
Danslecouloir,jecroiseLarry.—Penny?Oùvas-tu?medemande-t-ilunpeuinquiet.—Jevaisprendrel’air.Parcequesijeresteàcontemplerlesmursdemachambre,
jevaisdevenirfolle.— Et si tu te perds ? Je parie que tu n’as même pas de plan de Rome. Je
t’accompagne.Unplan?Jen’yavaispaspensé.Océane laBattantevacilleunpeu,maisellese
ressaisit.—Cen’estpaslapeine,Larry,toutirabien.J’aibesoind’êtreunpeuseuleetdeme
changerlesidées.Etsijemeperds,j’aimontéléphone.Jepourrait’appeler,ouprendreuntaxi.Jesuisunegrandefille,Larry.
Jeluisourisetcontinuemonchemin.—Alorsprendsça,aumoins,dit-ilenmerattrapant.IlsortunguidedeRome,toutécorné,delapochedesaveste.Quand je lève des yeux étonnés, il me répond, d’un ton bourru, en haussant les
épaules:—J’aimemedocumenter,c’esttout.Amuse-toibien,etn’oubliepasquenoussommes
auparadisdesglacesetdelapizza.Manges-enautantquetupourras.Riendetelpourretrouverlesourire!
SouslegigantesquedômeduPanthéon,jeremercieLarrydem’avoirprêtésonguide.
Sans lui, jen’aurais jamais trouvéaucundessitesde laville.Romeestd’unebeautéàcouper le souffle. Le moindre coin de rue dégage une ambiance magique. C’est biensimple : depuis que j’ai quitté l’hôtel, je pourrais passer mon temps l’œil vissé à monappareilphoto.Audébut,j’aicommencéàmarcherenmedisantquej’allaistrouvermonchemintouteseulemais,aprèsêtretombéetroisfoisdesuitesurlamêmefontaine,j’aidécidéderemballermafiertéetdeconsulterleguide.
Ilyaénormémentdetouristes,auPanthéon.Cequinem’empêchepas,enentrantdansl’immensebâtiment–uneoasisdepaixetdetranquillitéparrapportàl’agitationdelarue–,d’éprouverunsentimentdegrandeursacrée.
Après lePanthéon, jefaiscommetout lemonde : jesuis leparcourstouristiquequimène jusqu’auColisée.Dans leparcqui luifaitface, jem’assoissurunbancetmangel’énorme part de pizza que je me suis achetée en chemin. C’est complètementsurréaliste:j’ail’impressiond’êtredanslespagesd’unlivred’histoire,ouundocumentairetélé.J’essaied’imaginercequepouvaientressentirleshabitantsdel’Antiquitéenarrivantici, en regardant les gladiateurs pénétrer dans l’arène, ou en assistant, depuis leursgradins,àlareconstitutionspectaculaired’unebataillenavalegrandeurnature.
Lemirageestsubitementrompuparl’arrivéed’ungrouped’Italiennes,pluséléganteslesunesquelesautres.Leursgesticulationsetleursbavardagesenflammésmepoussentà chercher la cause de leur agitation. Et je la trouve : c’est une mariée qui se faitprendreenphotodevantleColisée.Ça,c’estunephotodemariagemémorable!
Lejeunemariévientseplaceràcôtéd’elle.Ilsontl’airtellementheureuxquejesorsmonappareilpourlesprendreàmontour.C’estunclichéindiscret,maisjeleréserveàmamère.Lesmariagesmefont invariablementpenseràelle,et jesuiscertainequ’ellevaadorervoircecoupled’amoureuxdansuncadreaussiexceptionnel.Surgitalorsuneribambelle de demoiselles d’honneur. Elles courent sur la pelouse, en longues robes desatinrose,verslesmariés.Leurtenueestbienpluséclatantequecellesdesdemoisellesd’honneurque j’ai l’habitudede voir enAngleterre.Làencore, je saisquemamère vaapprécier.
Je souris en pensant à l’album de mariage de mes parents. Maman venait justed’abandonner sa carrière d’actrice pour devenir organisatrice de mariages, alors – évidemment – leur fête était absolument somptueuse ! Ils avaient choisi le thème«royal»qui,àlafindesannées’80,correspondaitenAngleterreaustyledelaprincesseDiana– rienà voiravec le look chic et sobre deKateMiddleton. LaprincesseDianan’aurait jamais été éclipsée par le derrière de sa sœur ! Chaque fois que je vois les
photos demamère dans sa robe demariée, je ne peuxm’empêcher de rire. Elle estenveloppée dans des kilomètres et des kilomètres de frous-frous satin crème, eux-mêmes incrustés de centaines de grappes de toutes petites perles, et son visage estencadré par les plus grandes épaulettes que j’aie jamais vues de ma vie. Quand ellemarchait,touscesfalbalasdevaientrebondirautourd’ellecommeuneénormebarbeàpapa!
Leursinvitésétaienttoushabillésdefaçonextravagante.Lesfemmesportaientdesrobesoudestailleursaussirembourrésauxépaules,avecdeschapeauxdélirants,etlesdix (oui, les dix !) demoiselles d’honneur avaient des manches bouffantes, des gantsblancs, et des permanentes de folie. À cette époque, je n’existais même pas en rêvedanslatêtedemesparents,etjesuisdégoûtéed’avoirloupéleurmariage!
Ilmeresteheureusementleursanniversaires,etceluideleursnocesdeperle(trenteansdemariage)approche.Chez lesPorter, tous lesprétextessontbonspourfaire lafête.
Quandlesmariéss’envont,unnouveaucouplelesremplace,etpuisunautreaprèseux.Àcroirequ’ilsdéfilentsuruntapisroulant!Jelesregardesesuccéderetprendrelaposedevantlemonument,enmedemandantàquoipourraitressemblermonmariage…Unechoseestsûre:mamèresedémènerapourenfairelacérémonielaplusfabuleusedesacarrière.
Ilyauramesfleurspréférées,desorchidées,absolumentpartout.Elliotseramontémoin.Papaetmamanm’accompagneronttouslesdeux,undechaquecôté,jusqu’àl’autel.Maisquim’attendraauboutdel’allée?Noah?Unesemaineplustôt,j’auraisditouisanshésiter;aujourd’hui,jen’ensuisplussisûre.Enrepensantànotredispute, latristessem’envahit.Jemesenspartagéeentre la
culpabilitéetlacolère,etjenesaisquepenser.Lesyeuxcommencentàmepiquer,magorgeseserre.Jesuiscomplètementdéboussolée.
C’estjustementpourévitercefiascoquejesuissortie.Alorsjemelève,biendécidéeà ne pas replonger. Du coup, je fais peur à une volée de pigeons qui picoraienttranquillement à mes pieds. L’un d’eux s’envole et fonce dangereusement vers unemariée,lâchantunefienteendirectiondesabellerobeblanche.
—Attention!J’aicrié,maisjenesuispascertainequelajeuneItaliennecomprennel’anglais.Son
promis,heureusement,avu ledangeretse jettegalammententreelleet letrajetde lafiente.
La queue pour visiter le Colisée s’étire sur des mètres et des mètres, alors jerenonce à aller voir de près l’arène des gladiateurs. J’éprouve quand même de lasympathiepoureux.L’andernier, j’aibieneu l’impressiond’être jetéedansune versionmodernedesjeuxducirqueetdevoirmonsortsuspenduauxpoucesdressésverslehaut,oupointésverslebas,detouslesinternautes.Étais-jeassezbienpourNoah?
Encemoment,touslespoucesseraientbaissés.Onmejetteraitauxlions,c’estsûr.Jedécide,avantderentreràl’hôtel,d’allervoirunautreendroitcélèbredeRome:
lafameusefontainedeTrevi. Jenesaispascomment jemesuisdébrouillée,mais j’airéussiàlaloupersurmontrajetsinueuxjusqu’auPanthéon.Jecherchemonchemindans
leguideetfaisunrapideselfiedevantleColiséepourElliot–commeça,ilverraquejefaisdutourismeculturel.
Quand j’arrive à la fontaine, j’ai la mâchoire qui se décroche. Des centaines devisiteurs, agglutinés comme des sardines autour du bassin, se pressent pour laphotographier.Lameilleurechoseàfaire,c’estderesteràl’écart.Saufquejevoudraisquandmêmefaireunephotoavantdepartir.Alorsjemeglissedanslafouleetparviensà approcher du bassin. Je sors mon appareil photo, quand, tout à coup, le soleilm’aveugle et la masse de gens qui m’entourent devient trop réelle, beaucoup tropoppressante,et jecommenceà transpirer. J’essaiedeme ressaisiretdemedégagerlentement,maisjen’yarrivepas.Jemesenspiégéeentrelapierreblanchedurebordetlamurailleinfranchissabledevisages.
Magorgecommenceàsenouer,etjen’arriveplusàrespirernormalement.Pousséeparlapanique,jebaisselatêteetfoncetoutdroit,poussantlesgensavecmonappareilphotoqui,souslapressiondemondoigtsedéclencheenrafales.J’arriveàm’extrairedela foule et trouve,miraculeusement, un banc inoccupé. Jem’y allonge, haletante et ennage.Leciel,au-dessusdemoi,estpresqueentièrementbleu,maisjemeconcentrepourrepérerjusqu’auplusévanescentpetitnuageetretrouvermonsouffle.J’inspireetj’expireprofondément.Àcestade,jenemedemandepassionmeregarde;j’aijustebesoindemecalmer.
Ma respiration redevenue normale, je m’assois et je regarde les photos que j’aiprisesdansmafuite.Jelessupprimeuneàune,pourlibérermacartemémoire,quandunvisagem’arrête :celuid’unefilleavecunfoulard rougevifautourducou.Sescheveuxnoirs, lisses et brillants, sont coupés en un carré parfait qui s’arrête au menton. Sonexpression, bizarrement,meparaît familière. Jezoome,mais l’écrandemonappareilesttroppetitetlaphototropflouepourmedonnerunmeilleurrésultat.
Je lève lesyeux, jescrute lafouleet je l’aperçoisquis’éloigneàgrandspasde lafontaine.Sonfoulardflottedanslabrisecommeundrapeauderrièreelle.Cetteallure…Çanepeutpasêtre…Si?
Jequittemonbancpourluicouriraprès.Arrivéeàsahauteur,jetendslebraspourluitoucherl’épauleetl’arrêter.
—Leah?C’esttoi?
ChapitreTrenteetun
Je lisunmomentdepaniquesursonvisagequandelleseretourneet,derrièreelle,unhommes’écrie:
—Eh,vous!Arrêtez!C’estbienLeah.Àl’instantoùellemereconnaît,sapaniquefaitplaceàunsourire
chaleureux.— Penny, c’est toi ! C’est bon, Callum, tu peux te détendre. C’est Penny Porter, la
petiteamiedeNoahFlynn.Ellem’attireversunbanc,etnousnousasseyonssous l’œiltoujoursméfiantdeson
gardeducorps.Ellesetourneverslui.—Ça ira,Callum.Tupeuxaller t’acheterun trucàboireouceque tuveux.Jene
crainsrienavecPenny.—J’aifaillinepastereconnaître,dis-jeàLeahquandsoncerbèreestparti.—C’esttoutl’intérêtdeporterundéguisement!merépond-elleenriant.Tudoisêtre
sacrémentphysionomiste!Elles’adosse,offrantsonvisageauxrayonsdusoleil,etj’enprofitepourl’observer.
Saperruque,quidissimuleparfaitementsablondeurhollywoodienne,lamétamorphoseenunebrunettepétillanteàlacoupestricte.Elleporteaussiunrougeàlèvresrosevifquiexagère le tracédesaboucheetmodifiesamouehabituelle.Enfin,avecsapairedelunettes de soleil bon marché, elle n’a presque rien à voir avec la pop star que jeconnais.Presque,maispastoutàfait.
—Romen’est-ellepasfascinante?s’exclame-t-elledansunsoupircomblé.Tuasgoûté les glaces?MêmePinkberry,àLosAngeles, n’en fait pasd’aussi bonnes. Je nem’accorde pas souvent de sucreries, mais je craque complètement pour les glacesitaliennes!
—Non,jenelesaipasencoregoûtées.Enfait,jenesaispastropoùjevais.Jemepromèneaupetitbonheur.Quandjenesuispasbêtementleflotdestouristes,j’essaiedemerepérersurceplan!
Nous rions toutes les deux d’une façon qui me semble étonnamment naturelle etagréable.
—OK,danscecas,suis-moi!décideLeah.Jeconnaislemeilleurglacierdelaville,
—OK,danscecas,suis-moi!décideLeah.Jeconnaislemeilleurglacierdelaville,uneadressequetunerisquespasdetrouverdanslesguides.
J’imaginelatêtedeTomquandjeluidiraiquej’aiétésecourueparLeahBrownetqu’ellem’aemmenéemangeruneglaceavecelle.Ilpeutêtreàfonddansledubstepetl’électro,jel’aiplusd’unefoissurprisentrainderêversurdesphotosd’elle.
—Sionsedépêche,continue-t-elle,onvamêmeréussiràsemerCallum!Ellemefaitunclind’œil,m’attrapelamainetm’entraîneàtraverslesruelles.C’est tellementétrangedemarcheravecelle ; bien sûr, personnene la reconnaît,
maismoi,jesaisquielleest.Nousfinissonspardébouchersuruneimmenseplaceoùjepousseuncridebonheur.
Ilyadespeintresetdeschevaletspartout;certainsartistesvendentleurstoilestandisqued’autresdessinentlesportraitsdespassants.Ilyaaussitroisfontainesmagnifiques,unobélisquequis’étireversleciel,etuneéglise.C’estRome,danstoutelasplendeurdesonarchitectureetdesagrâce.
— C’est la place Navone, m’apprend la chanteuse en gloussant devant mon airébahi.Viens,leglacierestjustelà.
Ellem’attireàl’intérieurd’unepetiteboutiquetrèsdifférentedetouteslesgelateriasque j’aidéjàvues.Lesbacsàglace, ici,sontpluspetits, ronds,métalliques,etpresqueentièrementvides–signeévidentdeleursuccès.
—Lapistacheestàtomber,meditLeah.Entoutcas,c’estmapréférée.Ellecommandeunebouledansunecoupelledecarton.Quandleserveurbourruluitendsaglace,elleplongesacuillèredeplastiquededans
etenprendungrandmorceauqu’ellemetdanssaboucheavecunsoupirdedélice.— Hmm. Le truc, reprend-elle avec un hochement de tête connaisseur, c’est de
trouveruneglaceàlapistachequinesoitpastropverte.Çaveutdirequelesingrédientssontnaturels–paschimiques.Qu’est-cequetuprends?
—Heu,gelatoallafragola,jerépondsdansunitalienapproximatif.Ma glaceà la fraise enmain, nous retournons sur la place nous asseoir au bord
d’unefontainepourregarder lesartistesà l’œuvre.Jesuisstupéfaitequepersonnenereconnaisse Leah. Puis je m’aperçois qu’elle a quelque chose de changé : elle estparfaitementdétendue.
—Jepeuxteprendreenphoto?jeluidemandesubitement.Ellemeregarde,surpriseethésitante.— Je ne la diffuserai pas, je m’empresse d’ajouter. Mais tu as l’air tellement
détendue,etsijolie,etlalumièredusoleil,contrelesfaçadesderrièretoi,estparfaite.Àmonplusgrandsoulagement,ellesourit.—Biensûr.Jeposemaglaceetreculedequelquespas.Jechoisisunplanassezlargepourvoir
unepartiedelaplaceetlesgensquiflânent.Lalumièreestidéale,etLeahl’accrochesiparfaitement qu’elle semble être entourée d’un halo doré et chaleureux, comme d’uneaura.
Jecomprendspourquoimonfrèreettantd’autrescraquentsurelle;elleestsibelle.En contre-plan se dresse la statue centrale de la fontaine, entourée d’autrespersonnages aussi richement sculptés qui semblent émerger du bassin. En parlant de« perspective alternative », me dis-je en songeant à mon projet photo, en voilà une !
Leah,d’ordinaireaussisophistiquée,admirableet isoléeque lastatuederrièreelle,estmaintenantassiseparmidesmortels,commen’importequid’autre.
Jeregarde laphotoque jeviensdeprendre.Je la trouveréussie,mais j’enprendsquelques autres, de plus en plus frappée par le rayonnement naturel de Leah et sonaptitudesispontanéepourlapose.Jeluimontrelesclichéssurl’écranetellelessaluepardepetitsbruitsapprobateurs.
—Tun’asjamaisfaitd’expo,ousongéàvendretesphotos?medemande-t-elleenmontrantlesartistessurlaplace.
Jerangemonappareil.—Oh,non.Ellesnesontpasaussibonnesqueça!— Ne dis pas de bêtises, tu as beaucoup de talent, Penny. Tu veux devenir
photographe,plustard?Jehausselesépaules.—Jenesaispastrop.Ilfautd’abordquejeterminel’école,etquejechoisisseune
fac.Ensuite…Jenesuispassûrequecesoitvraimentunmétier.Quandj’étaispetite,jepensaisquejesauraisquoifaireàmonâge.Malheureusement,cen’estpaslecas.
—Commentçasepasse,enAngleterre,pouralleràlafac?—Oh,çadépenddesnotes.—Lesnotesnesontquedesnotes,Penny,répond-elleàmonsoupir.Cequicompte,
c’est letalent!Ettuenas.Etbiensûrquec’estunmétier,photographe.Tuenconnaiscertainementquelques-unsquiontréussietquetuadmires,non?Pourpeuquetucroiesentoi,toutestpossible.Jesaisqueçaparaîtunpeuniais,sereprend-elle.Jepourraispresqueenfaireunedemeschansons.
Elleritd’elle-même.—Mais jen’auraispas tort !Ondoit toujoursviserplushautquecequ’onsecroit
capabled’atteindre,Penny.Elle termine sa glace et nous restons silencieuses pendant que je réfléchis à ce
qu’ellevientdedire.Ellearaison : jen’arriverai jamaisnullepartsi jen’essaiepasaumoinsd’avancer.Etsijeveuxréussirquelquechose,jedoiscommencerparm’investir.
—Jepeuxteposerunequestion,Leah?Jefinismaglaceetm’essuielesmainsaveclapetiteserviettedepapier.—Commentvis-tutonimmensecélébrité?C’estunequestionultradirecteetj’essaiedemasquermagênedansunpetitrire.—Commejepeux!Elle rit avec moi, mais je sens, quand elle reprend la parole, une émotion plus
profonde.—Cen’estpasévident,etilfautfairedesacréseffortspours’habituer.C’estpour
ça – s’il te plaît, ne le prends pas mal – que je me fais du souci pour toi et Noah.L’industriedelamusiqueestsanspitié,elletemettraenpiècessitun’espaspréparée.Surtoutsitun’asrienàquoiteraccrocher.
Ellemedévisage, l’air franchementpréoccupée,puisavecune touchede tristesseajoute:
—J’imaginequec’estàcausedeçaquetutepromènestouteseule,aujourd’hui?J’acquiesce.—Onaeucettemégadispute…
—Danslehalldel’hôtel?Oui,j’aientendu.—Ahbon?J’aimeraisdisparaîtresousterre.— Enfin, j’en ai entendu parler. Les nouvelles vont vite. Écoute, je ne veux pas te
mettremalà l’aise,Penny.Seulement, jenevoudraispasquecetourbillont’engloutisse.Tuesunefillesympa,originale,ettuastonpropretalent.Maisc’esttellementfaciledeselaisserprendrepartoutçaetd’oublierquionest.Avantquetunet’enrendescompte,tusuivraslerêvedequelqu’und’autre,pasletien.
Je repense à la tournée, aux jours qui viennent de s’écouler, et à la façon dont,après chaque étape, je me sens de moins en moins inspirée, de moins en moins moi-même. Comment ai-je pu me contenter d’être la « petite amie de Noah Flynn » ?Aujourd’hui, jenesuispassûrequeçamesuffise.Siseulementjesavaiscequejeveuxêtre…
— Je comprends ce que tu veux dire, dis-je à Leah. Mais je crois que Noah estdifférent.Ou,plusexactement,qu’ilseradifférent.Aujourd’hui,c’esttoutnouveau,etc’esttrèsexcitantpourlui,maisjecroissincèrementqu’ilestetqu’ilresteralegarçonquej’aiconnuàNewYork.
—Tuasraison.Noahestquelqu’undebien,Penny.Franchement.Maisaucunmecneméritequetuchangestavie,ouquetutelimitespourlui.Jesortaisavecuntype,avant.Ilmedisaitquejen’étaispasfaitepourlachanson,quejen’yarriveraisjamais,etjel’aicru.IltravaillaitdanslafinanceàManhattanetgagnaittrèsbiensavie.Noushabitionsensemble, jeluipréparaisàdînertouslessoirs.Jusqu’aujouroùj’aicomprisquej’étaisentraindevivresonrêve,paslemien.J’étaismalheureuse–pasnécessairementavecluiouàcausedelui,maisparcequejenefaisaispascequejevoulais.J’aidécidéderentreràLosAngelesetdemeconsacreràlamusique.Ilm’aquittée,j’aibossécommeunefolleetjesuisdevenuelachanteusecélèbreauxdeuxdisquesdeplatinequetoutlemondeconnaît. Ilfautsavoirpenseràsoi,parfois.Situtedémènesvraiment, ilensorttoujoursquelquechose.
Pour lecoup, jesuisbéated’admiration.Jen’avaispaspenséqueLeahBrownaitpu avoir des coups durs dans sa vie, des épreuves ou des obstacles à surmonter.J’imagine qu’on se laisse éblouir par les paillettes, mais chacun, au fond, a sa partd’ombre.
Onrepartendirectiondel’hôteldanslesoleilcouchant,tandisqueLeahmeracontesesdébuts.Callumnousretrouveaudétourd’unerue,ennage,commes’ilavaitcouru.IllanceunregardfurieuxàLeah,maisnepeutpass’empêcherderirequandelleluidit:
—Laprochainefoisquetuperdsmatrace,nepaniquepas,Callumchéri:ilsuffitdesuivrelesmarchandsdeglaces!
Deretourdansmachambre, jedécided’écrireunpostsurcequem’inspirentNoah
etmaconversationavecLeah.Deuxsujetssurlesquelsj’aibesoind’avoirdesavis.
30juin
LaVie…etautressujetsexistentiels
Finalement, après mon post de ce matin, j’ai passé une journée absolumentmerveilleuse–maiscen’estpasdeçaquejeveuxparlermaintenant.Pourl’heure,lesujet,c’estlagrande,l’incontournablequestion.Celle que se posent toutes les filles demonâge (j’en suis quasi certaine), et quin’arrêtepasdemetrotterdanslatête.Suis-jeobligéedesavoirmaintenantcequejeveuxdevenirplustard?J’auraidix-septansl’anprochain, jecommencele lycéedansquelquessemaines,etjemesens…perdue.Quand j’étaispetite, jevoulaisdevenirconductricedecamiondeglacesambulantpour apporter du bonheur à tout le monde. J’avais bien vu, chaque fois que lecamion arrivait, les rires et les cris de joie qu’il soulevait sur son passage.Maintenant, je veux toujours apporter du bonheur, mais plus en conduisant uncamion. Parce que, regardons les choses en face, ce n’est pas le camion quiapporte du bonheur, mais les glaces (surtout les glaces italiennes, mais c’est unautresujet…).Un jour, quelqu’un m’a dit que si on fait un travail qu’on aime, on n’a jamaisl’impressiondetravailler.Çapeutprendredutempsdetrouvercetravail,maisàlafinondoitaimercequ’onfait.Jecroisquec’estpourçaquejetrouvetouttellementécrasant.Jesaiscequej’aime–monappareilphoto–et jecroisquemesphotosrendentlesgensheureux.Maiscommentest-cequejefaisdeçaunmétier?Là,toutedesuite,j’ail’impressiond’êtreprisedansuncourantcontraire.Tousmesamisfontquelquechosequivadanslesensdeleurpassion.Tandisquemoi,mêmesi je me trouve exactement là où je veux être – à côté de Brooklyn Boy – j’ail’impressiondem’éloignerdemapassionetdemoi-même.J’aidiscuté longuementavec quelqu’un de très éclairé, cet après-midi. Et j’ai compris une choseessentielle : l’importancedesuivresaproprevoiedans lavie.Desgens,biensûr,peuventvousaccompagnersurcechemin,mais ilnefautpasoublierquec’est levôtre, et que c’est à vous – et rien qu’à vous – de choisir la direction que vousvoulezprendre.
GIRLOFFLINE…etplusjamaisonlinexxx
ChapitreTrente-Deux
Mon post envoyé, je m’allonge sur mon lit. Depuis notre dispute de ce matin, je n’aiaucunenouvelledeNoah.Jen’aidoncpaseu lamoindrechancedem’excuser,etsi jevérifiemestextosunefoisdeplus(cequej’aidéjàfaitundemi-milliarddefois), jevaisfinirparavoirdesampoulesauboutdesdoigts.Jesuisen traind’imaginercequefaitElliot, quand mon téléphone bipe. Je l’attrape comme si c’était le ticket d’or de WillyWonka – un ticket qui me donnerait droit à la complète absolution de Noah, et nouspermettraitderedevenirfollementamoureux.
Maiscen’estpasNoah.C’estLeah.
Leah:Salut,Penny,jevoulaisteremercierpourcetaprès-midi.C’étaitsuperdeflânerunpeu,etc’étaitcooldelefaireavectoi.S’ilteplaît,neparledemondéguisementàpersonne.Jeneveuxpasqu’onsachequejemebaladeincognito.J’enparleraiquandjeseraiprête.Encoreunefois, jeneveuxpasquetutesentesgênéepartoutcequ’ons’estraconté.D’unesœuràuneautre,BISOUS,L.
Jesourisàmontéléphone.LemessagedeLeahmeréconforte.Jemesensmoinsseuleaumilieudecet universde fous, et c’est trèsagréablede savoir que jepeux luifaireconfiance.
Enrentrant, j’aiaussitransférémesphotossurmonordinateur, ilyenaunequejetrouve particulièrement magique. Malgré son déguisement – qui est incapable dedissimulersonmagnétismeetsabeauté–,Leahyalagrâced’unestatueromaine.Jelaluienvoieavecmaréponse.
Penny:Mercipourcettejournéex
Quelqu’unfrappeàmaporte.Jelaissetombermontéléphonesurmonlitetjecrie:—Jen’airiencommandé!Vousvoustrompezdechambre.—Jenecroispas,répondunevoixquejeconnaisbien.Cetaccentaméricain,unpeurauqueetséducteur…—Noah?J’ouvrelaporteavecunpeud’appréhensionetjedécouvreeneffetNoah,lamain
appuyéeauchambranle. Ila levisagebaissé,mais jevoissonairtriste,commeéteint.Quand il lève la tête, pourtant, un faible sourire se dessine sur ses traits et ses yeuxs’illuminent. Ilporteunshortavecun longpullfinetsesvieillesConverseauxpieds.Sescheveux disparaissent à moitié sous un petit bonnet de coton et un collier lui descendjusqu’aunombril.Ultracraquant.
—Jepeuxentrer?medemande-t-ilencoinçantunemècherebellesoussonbonnet.Jem’écarteenhaussantlesépaules.—Situveux.Il entre et se laisse tomber sur le lit. Puis, sans prendre la peine d’enlever ses
baskets,ilcroiselesjambessurmacouetteetdit:—Penny,je…Jemedépêchedelerejoindreetdel’interrompre.—Noah,s’ilteplaît,laisse-moiparlerd’abord.Jesuisdésolée.Vraimentdésolée.Je
regrettecequejet’aiditcematin.Jemesuiscomportéecommeuneidiote,unegaminepuérileetcapricieuse.Jesaistrèsbienquetuasautrechoseàfairequet’occuperdemoicommesij’étaistapetitesœur.J’étaisdéçue,c’esttout.Jen’auraisjamaisdûréagircommeça,maisj’aiexploséetjesuisdésoléedel’avoirfaitenpublic.Jeregretteque…
—Arrête.Ilposesondoigtsurmeslèvres.—Tuparlesbeaucouptrop.Ilestàmoitiéallongésurlelitetjesuisdeboutdevantlui.Ilseredresse.—Penny, commence-t-il enmeprenant lesmains, je t’aime. Je t’aime quand tu es
heureuse; jet’aimequandtum’aspergesdesmoothie; jet’aimequandtuestriste; jet’aimequandtufaisdubruitenbuvanttonmilkshake;jet’aimequandtut’empiffresdepizza;jet’aimequandtuflippes;jet’aimequandtut’emballescommeunegossepourleschosesquit’enthousiasment;etjet’aimeaussiquandtuesencolère.
Jesensunelarmegrossiraucoindemapaupière.—Jeneveuxpasmedisputeravectoi,Penny.Jeveuxqu’onsoitbientouslesdeux.—Moiaussi,Noah.Jesuistellementdésoléepour…—Arrêtedet’excuser !mecoupe-t-ilenriant.Toutvabien.Oublionscettehistoire,
OK?Écoute,j’aimeraisresteravectoi,cesoir,maisDeanetmoisommesinvitésàdînerparuntrèsgrosjournalitalien.Jevoulaisjustetevoiravantdepartiretm’assurerqu’onn’étaitpasfâchés.
Je le laissemeprendredanssesbras.Çanedurepas très longtemps–quelquesmillièmesdeseconde–etdéjà,ils’écarte.
—Jet’aiaussiapportéça.
Ilselèveetvadanslecouloirramasserungrandpanierd’osier.— Je sais que ça ne va pas me remplacer, mais j’espère que ça te rendra les
chosesunpeuplusfaciles–jesaisqueriendetoutçan’estévidentpourtoi.Jeprendslepanieretleposesurlelit.—Considèrequec’estmonsubstitut,medit-ilavecunsourirehésitant.Bon,jeferais
mieuxdefiler.Jedoismerendreprésentablepourledîner.Ilsepencheetm’embrasserapidementsurleslèvresavantdesedirigerd’unpasvif
verslaporte.Décidément,sondosquis’éloignen’estpasl’imagedeluiquejepréfère…Laportefermée, jemetournevers lepanieretensorsunsweat-shirtàcapuche
que jeconnaisbien :c’est lepréférédeNoah.Je l’enfileaussitôtpar-dessusmontee-shirtetjesoulèvel’encolurepourhumersonodeur.
Aprèsavoir remonté lesmanches–beaucoup trop longuespourmoi–, jecontinuemonexploration.JesorsunDVDmarquéd’uneétiquette«REGARDE-MOI»,puisuneboîtedepetitesbriochesfourréesàlacrèmechantillyquiontl’airabsolumentdivines.
JemetsleDVDdanslelecteurdelatéléetvaism’asseoirsurlelitaveclesgâteaux.Noahapparaîtaussitôtàl’écran.Commeilportelesvêtementsqu’ilavaitàl’instant,
j’endéduisqu’ilafaitcefilmdanslajournée.—ChèrePenny,commencesonimageàl’écran,jesaisquejet’aimiseencolèreet
que jet’aifaitde lapeine.Jenesaispascommentmefairepardonner,mais j’espèrequetucomprendscombienjesuisdésolé.
«Si tum’écoutes etme regardes, c’est que tuasaussi trouvémon sweat-shirt –danslequeljet’imagineenveloppée–etlesbrioches.Tuespeut-êtremêmesurlepointd’enmangerune!J’aidemandéàlaréceptionet,apparemment,cesontlespâtisserieslesplusromantiquesd’Italie.Cesontdesmaritozzi.
«Jesaiscequetuesentraindepenser:cettevidéon’estqu’unminablepis-allerquinechangerienàmonabsence.Ettuasparfaitementraison.J’aimeraisnepasteparlermaintenant à travers une caméra. Je préférerais être avec toi, t’emmener dans unebaladeromantiqueàRome…Saufque jesuisentournée,et jem’aperçoisque j’ignoretoutdecequecelasignifie,implique,exige.Commej’ignoretoutdelacarrièreàlaquelle,visiblement,jemedestine.Pourrésumer,jenesuisqu’unabrutiquin’arrêtepasdefairedespromessesqu’ilestincapabledetenir.
«Toutefois,malgrémonignorance,ilyaquandmêmedeuxchosesquejesais,Penny.Jesaisquej’aimelamusique,etjesaisquejet’aime.Avectoietaveclamusique,jepeuxtoutsurmonter.
«Aucasoùtudouteraisdemessentiments, j’aipréparécepetitmontagepourtoi.Tuesmonévénementperturbateur,Penny.Etjeveuxquetusoislepersonnageprincipaldetouteslesscènesdemavie.J’espèrequecefilmvatelemontrer.»
Les images qui suivent font couler les larmes qui me sont montées aux yeux enl’écoutant parler. C’est unmontage demesmoments préférés avec lui : la pleine luneorangéequ’ilm’amontréeàNewYork;lematindeNoël,quandonaouvertlescadeauxdanslesalondeSadieLeeavecBella;lafêtedemesseizeans,àPâques,quandilestvenu avec nous à Cornwall ; des extraits de nos conversations sur Skype qu’il aenregistrées ; je découvremême des séquencesau cours desquelles je ne savais pasquej’étaisfilmée,commelorsquejel’aivujouersurscène,lapremièrefois.
Lamusiqueest d’abord celle d’AutumnGirl, puis elle change pour évoluer vers uneversionquejen’aijamaisentendue.C’estenvoûtantetmagnifique–iln’yaquelavoixdeNoah et sa guitare, l’arrangement que je préfère à tous les autres. Les paroles sontcommedesgrainesquerecueillemoncœur.Jesaisqu’ellescontinuerontdepousseraussilongtempsquejevivrai.
Forevergirl,YouchangedmyworldYouaretheoneIknowforsureThatwewillbetogetherForever,girl
ChapitreTrente-Trois
Une lumière clignotante m’arrache à la conversation imaginaire que je suis en traind’avoiravecNoah.C’estmontéléphone,abandonnéenmodesilencieuxsurmatabledenuit.Jel’attrapepourdécouvrirquej’aineufmessagesd’Elliot.Neuf!Magorgeseserreinstantanément. Elliot n’envoie jamais autant de textos. Ça doit être grave. Vraimentgrave.Jelesouvreaussivitequejepeux.
Elliot:PENNY?
Elliot:PENNY,APPELLE-MOIs’ilteplaît.
Elliot:OÙES-TU?
Elliot:J’AIBESOINDETOI.
Elliot:PENNY,APPELLE,JET’ENSUPPLIE!
Elliot:PENNY,URGENCEMAXIMALE.
Elliot:JESUISSURSKYPE.
Elliot:J’ATTENDS…
Elliot:Pitié,Penny.J’espèrequetureviensvite…
Jeluirépondsimmédiatement.
Penny:JESUISLÀ!TuesencoresurSkype?
Aulieudeperdredutempsàattendresaréponse,j’ouvremonordietmeconnecte.Çasonnependantdessiècles,etmonangoissedécuple.Jecommenceàpaniquerquandsonvisageenfinapparaît.
—Penny,ENFIN!Jen’arrivepasàdéchiffrersonregardàtravers lamonturevertedeses lunettes
carrées.Cen’estpasuneexpressionquejeluivoissouvent.—Elliot,situmebombardesdetextosdésespérésseulementpourmereprochermon
manqued’intérêtculturelsurlatournée,cen’estpasdrôle.Tum’asfaitflipper.Jescrutesonvisageàlarecherched’unsigned’humour,j’attendsqu’iléclatederire,
maisilnebronchepas.Àlaplace,ilmedemande:—Penny,commentsefaitappelerletypequiteharcèle?Moncœurs’arrêtenet.—TuparlesdeLaVéritéVraie?Jepriepourqu’ildémente,maissonvisagesedécompose.—Quoi?Pourquoitumeposescettequestion?—En toutcas,cen’estpasunfandebase,dit-ild’unevoixblême.Oualors, ilest
vraimenttrèsinformé.Jeposelesmainssurmestempes,mepréparantaupire.—Ques’est-ilpassé?Elliotsoupire.—J’aireçuunmail,toutàl’heure.Jetel’aitransféré.Ilseprendlatêtedanslesmains;jenevoisplusquesescheveux.Jemedépêched’ouvrirmaboîtemaildansuneautrefenêtreet trouve lefameux
message.IlvientdeLaVéritéVraie.
De:LaVéritéVraieÀ:ElliotWentworthObjet:Avertissement
PennydoitrompreavecNoah,oualorsçadevientviral.
Piècejointe:image1052.jpg
Jecliquesurlaphotoetjemefige.C’est celle d’Alex et Elliot qui s’embrassent au concert de Noah à Brighton. C’est
vraimentunebellephoto;ilssontsiadorablesettellementamoureux.Nimbésparleseuléclairagedelascène,onlescroiraitseulsaumonde.
Mais diffuser une photo pareille, alors qu’Alex n’a pas fait son coming out… Ceseraitunecatastrophe.
—C’esttoiquiaspriscettephoto,non?medemandeElliot.AuconcertdeBrighton.—Oui,mais…—Mais tu n’aspas jugé utile dem’avertir qu’elle était dans le téléphonequ’on t’a
volé.Parcequetunet’espassouciéeuneseulesecondedemoietd’Alex.Etmaintenant,quelqu’unmenacedelapublier!Alexvaêtrefurieuxd’êtreprisenotage.
Jenel’aijamaisvudanscetétat.Ilestàlafoisinquiet,encolèreetmalheureux.Jesuisencolère,moiaussi.
—Jesuisdésolée,OK?J’étaissecouéequandças’estpassé.Etencoreplusquandj’aireçulepremiermessage.Jenesavaiscequevoulaitcetype.Maismaintenant,c’estclair : quelqu’un veut que je rompe avec Noah, et il est prêt à tout pour que ça seproduise.Jusqu’às’enprendreàmesamis.Jenesaispasquoidire,Elliot,sinonquejemesenshorriblementcoupablequeçateretombedessus.
—Etmoijenesaispasquoifaire,Penny!Jesuisobligéd’enparleràAlex.Sicettephotoestpubliée…
Ilal’aircomplètementabattu.—Tusaiscommentilestàproposdenous,Penny.MêmequandonsortdeBrighton
dansdesendroitsoùpersonnenerisquedenousreconnaître,ilestrarequ’ilmetiennelamain.Ceconcertétaitundenosmeilleursmoments.Enplus,iln’yaquecheztoiqu’ilsedétendevéritablement,alorss’ilnesesentmêmeplusensécuritélà-bas…Ilvapéteruncâble.
Jen’oseimaginerlaréactiond’Alex.L’horreurabsolue.D’unautrecôté,jesaisqu’Elliotrêveraitdepouvoirmettrecettephotosursonprofil
Facebook.C’estlapremièrefoisqu’ilestaussiheureuxavecquelqu’un.Etlaseulechosequilerendetriste,c’estdenepouvoirexprimersessentimentscommeilvoudrait.Ilrêvede vivre sonamourau grand jour, de promenadesmain dans lamain, de pique-niquesromantiquessurlespelousesduparc–seulementAlexn’enestpasencorelà.
—Je ne sais pasquoi dire, Elliot. Je regrette tellement d’avoir pris cette photo etqu’onmel’aitvolée.Quandj’aiperdumontéléphone,jel’aitoutdesuitebloqué,etj’aitrèsvitechangétousmesmotsdepasse.Apparemment,levoleuraeuletempsdepiraterlesdernières photos que j’ai prises. Comment pouvait-il savoir que celle-ci était aussiconfidentielle?
Laréponsemesembletoutàcoupévidente.Elliotaparfaitementraison:quelquesoit celui ou celle qui se cache derrière le pseudo, LaVéritéVraie n’est pas un fanquelconque.Maiscommentmontéléphonea-t-ilputomberentre lesmainsdequelqu’unquinonseulementmeconnaîttrèsbien,maisqui,enplus,m’enveut?C’étaitunaccident.
Jemecreuselatêtepouressayerdesavoirquiçapeutêtre.Megan?Qu’ellem’aittrouvée,perdueaubeaumilieudelafoule,justeaumomentoùjevenaisdeperdremontéléphonen’estpeut-êtrepasqu’uneheureusecoïncidence…Elleauraitétésurprisedevoir la photo d’Elliot et Alex – puisque personne ne sait qu’ils sortent ensemble. Se
pourrait-ilqu’ellem’enveuilleencoreetqu’ellesoittoujoursjalousedemoietNoah?Non,çanetientpasdebout,surtoutaprèsladiscussionquenousavonseueavantderentrerchezmoi.C’esttropbizarre.
—Tunecomprendspas,Penny.D’abord,Alexn’aurait jamaisvouluque tuprennescettephoto.
Ilal’airmalàl’aise.—Jesais,Elliot.Jesuisdésolée.Tusaiscommentjesuis,jepassemontempsàtout
photographier.Personnenedevaitvoircelle-ci.Etjenel’auraisjamaispostéenullepartsanst’enparlerd’abord.
Jefaisdemonmieuxpourluiremonterlemoral,maisilresteabattuetlointain.—Jepeuxrentrersituveux,essayerdetoutarranger…—Non, non, ça ira,Pen. Je vaism’en charger.De ton côté, ne laisse personne se
mettreentretoietNoah,cetypen’estqu’unemerde.Bon,jeferaismieuxd’appelerAlexpourlemettreaucourant…
Ilagiteunemaintristedevantlacaméradesonordietcoupeladiscussion.Jeregarde l’écran,figéepar l’indécision ;puis jemedisqu’Elliotaraison :cetype
n’estqu’unsalopard,etjenevaispasmelaisserfaire.Jedoisréagir,etmêmeprendrelesdevants.
J’ouvre ma boîte mail et envoie un message à mes plus proches amis et à mafamille pour les prévenir qu’un corbeau m’est tombé dessus et que je rassemble despreuves pour aller voir la police. De cette façon, si c’est Megan, ou quelqu’un qui meconnaîtaussibien,ilsauraquejepasseàl’attaque.
JesuisOcéane laBattanteet jenevaispas laisserun lâches’enprendreàmesamisoum’interdiredevivremonrêve.
ChapitreTrente-Quatre
Je m’apprête à boucler ma valise pour quitter Rome, quand une vague de tristessem’envahit. Malgré ma longue promenade de la veille, j’ai l’impression de n’avoirqu’effleuré la surface de cette ville magnifique. Je vais jusqu’à la fenêtre et, en mepromettantderevenirunjour,jelasaluedelamain.
Des coups contre ma porte me font sursauter. Je crois un instant que j’ai oubliél’heure,etquejesuisenretard,maisnon,ilrestedutempsavantledépart.
—Penny?Tueslà?Jemedépêched’ouvriràNoah.—Oui.Entre!Il a son sac à dos sur l’épaule et j’aperçois, accrochée sur le côté, une petite
étiquette avec des explications griffonnées de la main de Dean. Noah est si souventtrimballéqu’ilnesaitjamaisdansquelhôtelilvadormirouàquelleheurepartsonavion.Deansechargedetouscesdétailslogistiquespourlui.
—J’ailutonmail.Cetaréavraimentrecommencé?—Oui,etils’enprendàElliot,cettefois.—C’esthallucinant !Etc’estuneexcellente idéederassemblertoutes lespreuves.
OnvapouvoirlesdonneràDean,ilsechargeradecontacterlapolice.—Super!Jesuissoulagée.Lessoucissontmoinslourdsquandilssontpartagés.—Etmaintenant,prêteàpartir,machérie?Sonfrançaismefaitsourire.—Tuveuxdire…àParis?Jefaisunemimiquequej’espèretrèsétudiée(ettrèsparisienne),etjecontinue:—Maisoui!J’aihâte.
EnatterrissantàParis,jesuistellementsurexcitéequejenetienspasenplace.Je
mefais l’effetd’unegaminedesixansàquionapromisun touràDisneyland !Sur lechemindel’hôtel,j’ailesyeuxcommedessoucoupestellementtoutestmagnifique.
MamèreatoujoursadoréParis–surtoutdepuisqu’elleavuAméliePoulain:chaquefoisqu’ellevient,elleal’impressiond’êtredanslefilm!C’estl’endroitqu’ellepréfèreau
monde. À dix-huit ans, quand elle était actrice en herbe, elle est venue s’installer auQuartierlatin,vivrequelquesmoislaviedebohème.Aujourd’hui,elleetmonpères’offrentrégulièrement des petits séjours dans la capitale française. Et moi, je peux enfincomprendrepourquoiilssontsiamoureuxdecetteville.
Jesuisdanslavilledel’amour,aveclegarçonquej’aime.Peut-onrêvermieux?J’endoute!
— Ici,Penny,c’estdusérieux,meditNoahendescendantdutaxidevant l’hôtel.Cesoir,tout legratindelapressemusicalevaassisterauconcert.Onaintérêtàêtreautopetàjouermieuxquejamais.
L’hôtelestplusbeau,pluschic,quetousceuxdanslesquelsnoussommesdescendusjusque-là.Desporteurs prennent nos bagages et les transportent le long d’un immenseescalier.C’estexactementl’hôtelquejerêvaisd’avoiràParis,etjesuiscertainequeleséjourvaêtreultraromantique.JemetourneversNoahetrépondsàsonvisageradieuxpar un sourire gigantesque – le genre de sourire qu’on fait quand vos grands-parentsvousdemandentdeposerpourunephotodefamille(etqu’onamoinsdedixans).Jenesuispassûrequecesoitsuperséduisant,maisjem’enfiche:jesuisTROPcontente.
—Etaprèsça,hurleBlakederrièrenous,LAFÊEEEETE!Ses gesticulations sont complètement déplacées dans ce décor majestueux et
paisible.Cequin’empêchepasNoahdesetournerverssoncopainetdeluitaperdanslamain.
Ilparledelasoiréed’aprèsconcert,cellequetoutlemondeattend:laplusgrossedetouteslessoiréesdelatournée.Ellealieudansuneboîtehyperbranchée–unendroitoù, normalement, on neme laisserait jamais entrer, et pas seulementàcausedemonâge.Jenesuisjamaisalléeàaucunafterdemavie–àmoinsdecompterlesheuresquiontsuivilebaldésastreuxdefind’année,passéesàengloutirdestonnesdepizzasavecmesmeilleursamis…
Noahm’accompagnejusqu’àmachambre,puisfileàlasalledespectaclepréparerleconcert.Machambreestincroyable:immense,avecunlitgigantesque,lui-mêmeornéd’unetêtedelitouvragéeenboisdoréetd’uncouvre-litenvelourspourpre.Lesgrandesfenêtress’ouvrentsurunpetitbalcon,duquelj’aperçoislesommetdelatourEiffel.C’estparfait.
J’ai letempsavantdepartirauconcert,alors j’enprofitepourvidermavalisesurmonlit.Cesoirestdifférentdesautres;cesoir,jevaisêtrevueauxcôtésdeNoahparbeaucoupdemonde.
Leproblème,c’estquejen’aipaslamoindreidéedelafaçondontons’habillepourunafter. Et celui-là n’est pas un after comme les autres, tout le monde y sera : lesSketchaugrandcomplet,avecleurspetitescopines(masquéesoupas),leursmanagerset leursagents,LeahBrownetsasuite,Noahetsongroupe,tous lestechniciensde latournée.Plus,certainement,destasdepaparazzisagglutinéssurletrottoir–sansparlerdesfans.
Jemeregardedanslegrandmiroirdemachambre,ou,plusexactement,lapsyché.Soncadredeboissculptéetdoréestparfaitementassortiàlatêtedelit.C’esttoutàfaitlegenredemiroirdanslequelj’imagineMarie-Antoinettes’admirer–contrairementàelle,cependant,j’espèrequejenesuispasàlaveilledemonexécution.Enleggingetdans
legrandpulldemamère, jemesenstoutsaufparisiennechic.Pourêtresincère,aucundemesvêtementsneconvient.
JesaisqueNoahm’aimecommejesuis,maiscesoirjeneveuxpasavoirl’airdelagamine de seize ans qui n’a rien à faire dans les bars cool avec son petit copaincélèbre.Jeveuxmesentirchicetsexy.Lemaquillageestpeut-êtrelasolution,saufquejesuisloind’êtreaussidouéequeMeganoucertainesdemescopines.
J’attrape quand mêmema trousse et je m’assois devant le miroir. J’étale un peud’eye-linernoirautourdemesyeux,puis je tentedemettredesfauxcils.Aprèsm’êtrebattue une bonne vingtaine de minutes, sans réussir à les faire tenir plus de deuxsecondesd’affilée, jerenoncepourmerabattresurunenouvellecouched’eye-liner.Jenesuispassûredurésultat.Tantpis.
Jem’attaqueensuiteàmonteintpâle.Àlafin,jemetrouvel’airplusgothiquequejen’espérais. Qu’est-ce que Kendra, maître en maquillage, dirait ? Me conseillerait-elled’ajouterunpeudefonddeteint?Demettredurougeàlèvresrouge?Ouaucontraire,d’éviter lerougeavecautantd’eye-liner?C’estdansdesmomentscommecelui-làquej’apprécieraislaprésencedeMegan–unsouhaitquejen’auraisjamaisimaginéformulerunjour.
Soudain,jepenseàquelqu’und’autreetattrapemontéléphone.— Allô, Leah ? C’est Penny… Je, heu, je suis en train de me maquiller, et je me
demande…Tucroisqu’un rougeà lèvresorangéçavaavecdesyeuxsmoky,ouqu’unroseserait…
Ellenemelaissepascontinuer.—LAISSETOMBERLEROUGEÀLÈVRES,MAGRANDE.Donne-moiplutôtlenuméro
detachambre.J’arrive.
ChapitreTrente-Cinq
TraverserParisencompagniedeLeahBrown,etdansunevoitureavecchauffeur,est–deloin–lemeilleurmomentquej’aipassésurlatournéejusque-là.Aprèsavoireffacémes tentatives de maquillage pathétiques (adieu faux cils, épaisseurs d’eye-liner,couches de poudre et paquets de fond de teint), Leah a décrété qu’elle m’emmenaitavecelle.
DansuneboutiqueSephora,nousparcouronstouslesrayonsetelleremplit,produitaprèsproduit,lepetitpanierquejeporteàlamain.
—Leah,dis-jeauboutd’unmoment,jenesaispasàquoisertlamoitiédecestrucs.Ça,parexemple…
Jeretourneuneboîtedetatouageséphémèresetmerendscompteàquelpoint jesuisignare.
—Depuisquandlesfauxtatouagessontàlamode?Etoùest-cequ’onlesmet?Leahmeprendlaboîtedesmainsetlaremetdanslepanier.— Penny, tu ne vas pas le faire toi-même. Ma maquilleuse et ma coiffeuse vont
s’occuper de toi. Et on se sert de ces tatouages depuis longtemps. Tu ne lis pasGlamour?
Nous reprenonsnotre inventaireméticuleuxdes rayonset j’essaiedenepas faireattentionàtouslesclientsqui,eux,nousregardent–ouqui,plusexactement,regardentLeah.On dirait qu’unattroupement est en train de se former devant la porte. En toutcas, plusieurs vendeuses se sont mises en faction devant l’entrée pour empêcherd’autresgensd’entrer.
—Biensûrquesi,j’adoreGlamour,c’estmêmemonmagazinepréféré.Jesourisavecunairdégagéenespérantdonnerlechange.—Oh,tum’asfaitpeur!J’aifaillitecroire.Ellemedonneunpetitcoupdecoudeamicalet,enriant,ajouteunflaconétiqueté
«huilesèchebronzante»aurestedenosachats.Enfin, notrepanier débordantdeproduits debeautédont je ne soupçonnaismême
pasl’existence,ellem’entraîneverslacaisseoùunejeunefemmecommenceàscannertouslespots,tubes,boîtes,flaconsquenousavonsglanés.Letotalfriselesmilleeuros!
—Leah,jeteremerciebeaucoupdem’aider,maisjen’aipaslesmoyensdem’offrir
—Leah,jeteremerciebeaucoupdem’aider,maisjen’aipaslesmoyensdem’offrirça…
Je m’apprête à reposer un grand nombre d’articles dans les rayons, mais ellem’arrête.
—Ah,lesAnglais,vousêtestoujourssicorrectsquec’enseraitagaçant,sicen’étaitpassiadorable!
Elletendsacartedecréditàlacaissièrequilaglissedanslelecteur.—Merci beaucoup, mademoiselle, dit Leah en ramassant nos achats rassemblés
dansdeuximmensessacs,fermésavecdesrubansnoiretblanc.—Bonnejournée,luirépondlajeunefemme.Etsijepeuxmepermettre,j’adorevos
chansons.Etmoi,j’adoresonaccentfrançais.Siseulementjepouvaisparlerdemanièreaussi
sexy…Jedevraispeut-êtretravaillermonaccent,pourépaterNoah?Jerisqueunaurevoirdans la languedeMolière,mais lavendeusemeregarded’unairbizarre. Il vautmieuxquej’arrêtelàmesexplorationslinguistiques…
NousretournonsàlavoitureetLeahdonnerapidementsesinstructionsauchauffeurpourladestinationsuivante.Audétourd’uncarrefour,nousdébouchonsdansunegrandeavenueoùsesuccèdentdesboutiquesauxnomsdemarquestrèsconnues,maisque jen’aivuesquedanslesmagazinesdemodedemamère.Chaquevitrinesemblerivaliserd’éléganceetdecréativitéaveclaprécédente.Lesmannequinssecontorsionnentdanstoutes les poses possibles, et tout n’est qu’explosion de couleurs vives au milieud’immenses bouquets aux fleurs magnifiques. J’aperçois même une robe entièrementcomposéedevraisgâteaux!Maisenvoyantlegabaritdesfemmesquientrentetsortentdes boutiques, je me dis que ce n’est sans doute que sous cette forme qu’elless’autorisentlamoindrepâtisserie.
Quandons’arrêtedevantl’unedecesdevantures,jecomprendsqueLeahs’apprêteàdépenserencoreplusd’argentpourmoi,etjemesenstrèsgênée.
—Leah,c’estbeaucouptropgentil.Jenesuispassûredepouvoirterembourser.Elleposelamainsurlamienne.—S’il te plaît, Penny, laisse-moi faire.D’abord, çam’amuse– je n’ai pas souvent
l’occasion,ni le temps,defairedushoppingavecmesamies–,etensuite, j’aienviedefairedesfolies.Quoidemieuxquemedéfouleravectoietpourtoi?J’aitoutcequejeveux,etpleind’argent,alorstais-toietprofite!
Elleouvrelaportière,meprendlamainetm’entraîneavecelle.Nous nous engouffrons dans la première boutique. J’ai juste le temps d’apercevoir
unemeutedepaparazziscourirànostrousses.Àpeinesommes-nousentréesque lesflashsbrillentdel’autrecôtédelavitrine.
—Waouh,Leah,jecomprendspourquoitutedéguisespoursortir!—Nem’enparlepas,réplique-t-elleenlevantlesyeuxauciel.Ellefoncedroitsurunprésentoiretcommenceàchoisirdesrobes,qu’elleentasse
dans mes bras. Quand je n’arrive plus à les porter, elle me pousse vers le salond’essayage. Certaines de celles que j’enfile valent plus cher que les mariages entiersorganisésparmamère.
Jesorsde lacabined’essayage,vêtued’unerobedecocktail rosevifetperchéesurdestalonsaiguillesbeaucouptrophautspourmoi.Sileventsemetàsouffler,jene
suispassûredepouvoirresterdebout.—Jenesaispas.Jemesensunpeu…ridicule,dis-jeenbaissant lesyeuxsurmes
hanchesetmeschevillesanguleuses.— Tu as un corps de rêve, Penny, répond Leah à ma grimace. Et des courbes
parfaites,exactementlàoùilfaut.AlorsAIME-LES!—Cen’estpasmoncorps,leproblème,maisceschaussures.Jesuisunrisquepour
toutlemonde!— Mademoiselle ? Peut-être voudriez-vous essayer quelque chose d’un peu plus
élégant?Le petit homme, qui a l’air de diriger lemagasin, est vêtu comme s’il allait rendre
visiteàlareine.—Quelquechosedeplus…sophistiqué?Ilmeprésenteunerobedesatinnoirsansmanches,ornéed’ungrosnœudàlataille,
etaudosentièrementcomposédedentelle.Ilmelatendcommesic’étaitunnouveau-né.Jenesaispascommentlaprendre,la
tenir, la considérer, ni – bien évidemment – comment elle vam’aller, mais je l’emportedanslacabineettirelerideausurmoi.Aprèsm’êtredébattueunmomentaveclapartie«soutien-gorgeincorporé»–unematièrecollanteettoutsaufmaniable–jesors.Ilyauninstantdesilence,puisundéluged’applaudissements.MêmeCallum,legardeducorpsdeLeah,batvigoureusementdesmains.
—Oh,Penny, tuesabsolument sublime ! s’exclameLeah.Lapetite robenoireestdéfinitivementlameilleureamiedelafemme!
J’enfileunenouvellepairedetalonsaiguilles,moinshauts(dixcentimètresaulieudequinze), et je me regarde dans le miroir. Pour une fois, je ne suis pas complètementeffarée. D’habitude, je ne suis pas du genre glamour. Quand je vais à unmariage, oumême au fameux bal de fin d’année, je préfère un style vintage décalé au look chicdésinvolte.Maisdanscetteboutiqueparisienne,faceàmonreflet,jemesensadultepourlapremièrefoisdemavie.Aveccetterobe,jeseraiparfaiteaubrasdeNoah.
— Oh, mon Dieu ! s’exclame tout à coup Leah dans un français étonnammentparfait.
Ellefixesamontreavechorreur.—Tuasvu l’heure?Jedoisfilerà lasalledeconcerts.Monmanagervametuer.
Jacques, pouvez-vous faire l’ourlet de cette robe et la livrer à l’hôtel pour ce soir ?Penny,combiendefoisas-tudéjàvuleconcert?
—Quatre,jecrois.—Bien,situesprêteàlelouperunefois,c’estlemoment.Rentreàl’hôtel.Jevais
t’envoyermesdoigtsdeféequivontsechargerdetemaquilleretdetecoiffer.Ensuite,enfile ta robe. Je passerai te prendre après le concert pour qu’on aille à la soiréeensemble.Tuvasdéchirer!
C’estplusfortquemoi:jemejettesurelleetjelaserredansmesbras.—Merci,Leah.Mercimillefois!—Iln’ypasdequoi,mabelle!Aurisquedemerépéter:toutleplaisirestpourmoi.
Bon,faisattentionàcetterobe.Jeneveuxpasqu’il luiarrivequoiquecesoit,niàtoi,avantcesoir.Etcen’estpasuneprière,c’estunordre!
ChapitreTrente-Six
Leahm’adonnédesinstructionstrèsstrictespourmonretouràl’hôtel:prendreunbain,mefaireungommage,m’épiler,etattendrel’arrivéedesonéquipedechoc.Nepasavoirà me demander qui je vais croiser dans les coulisses et avec qui je vais regarder leconcertm’enlèveunpoids.Etc’estunpurplaisirdemeservirde l’immensebaignoireàl’ancienne de la magnifique salle de bains de ma merveilleuse chambre. J’ouvre lesrobinetsdoréset jettedans l’eauunebouledebaineffervescente,découvertedans letrésorrapportédeSephora.Jeregardel’huilederosesediffuserensouriant.
Pendant que mon bain coule, et que la pièce se remplit de vapeur parfumée, jepasseuntextoàNoah.
Penny : Coucou, tout va bien, mais comme j’ai besoin de medétendreunpeu, jecroisque je vais resterà l’hôtelau lieu devenirauconcert.Onseretrouveàlasoirée,OK?xx
Jereçoisuneréponse,alarmée,presqueaussitôt.
Noah:Tuessûre?Toutvabien?Tuveuxque jedemandeàLarrydet’apporterdubouillon,delatisane,oucequetuveux?Tusaiscombienjepréféreraisêtreavectoi!
Penny:Oui, jesais !Ettoutvabien: jenesuispasmourante!Seulementunpeufatiguée,etenviedetraîner.Jeteretrouveàlasoiréexx
Noah:Tuasintérêt–horsdequestionquej’yailletoutseul!
Penny:Jet’aimexx
Noah:Jet’aimeaussi.
Jemeglissedansmonbainavecdélectation.C’estexactementcequ’ilmefautpourmeviderlatête.Jem’allongeetjemelaissechatouillerparlesbullesquejefaisglisserdu bout des doigts surmapeau.C’est un bonheur, et j’en profite,maismamaisonmemanque.Jenesuispasfaitepourcerythmeeffrénéetininterrompu–passerd’unpaysàl’autre,sansprendreletempsderespireroudeprofiterdelabeautédesvillesquejetraverse(etdeleurgastronomie).Jesaisquejen’auraisqu’unmotàdirepourqueNoahm’entraînedéfinitivementaveclui.Jevivrais,àsescôtés,cetteviedeluxe.Lesfoliesqueje viens de faire avecLeah deviendraientma norme, pas unmoment exceptionnel quin’arrive qu’une seule fois dans la vie. J’aurais ma carte de crédit, débit illimité. JesortiraisavecKendraetSelene;jen’auraisqu’àmesoucierdemonmaquillage,demesrobes,despaillettes.
Meganferaittoutpourêtreàmaplace.MêmeElliot,puisqueaprèstout, ilpourraits’offrirtouslesvêtementsetchapeauxdesesrêves.Maismoi,est-cequec’estvraimentmonrêved’êtreici?
Je reste dans l’eau jusqu’au moment où je m’aperçois que j’ai le bout des doigtsratatiné.JenecroispasqueLeahapprécierait,alorsjesorsetjem’enveloppedansleplusmoelleux, leplusdouxde tous lespeignoirsdumonde. J’enrouleaussimescheveuxdans une serviette. Quand je sors de la salle de bains, je découvre, stupéfaite, unesplendidegerbederosesrougessurlatablebasse.
Unecarteestposéeàcôtéduvase.Je la ramasseet je la lis.TU ES TOUJOURS ETPOURTOUJOURSDANSMONCŒUR,N.
Je souris jusqu’aux oreilles.Dire que j’ai été capable deme demander si onavaitraison de sortir ensemble. À croire que je suis complètement débile. Bien sûr qu’on araison ! Ce n’est pas quelques difficultés et un peu de vague à l’âme qui vont nousséparer.Quelsquesoientlesobstaclesquel’avenirnousréserve,nouslessurmonterons,Noahetmoi,ensemble.
Jesaisquenouslepouvons.Onfrappeàlaporte.Jem’attendsàunenouvellesurprisedelapartdeNoah,mais
quand j’ouvre, je découvre cinq femmes qui partagent le même air décidé, la mêmecoiffure(unequeue-de-chevalbienserrée)etsontarméesdemallettesnoiresdetaillevariée.L’uned’ellestientunsèche-cheveuxcoincésoussonbras.Jecomprendsquec’estl’équipedeLeah.
Ellesmefontasseoiretcommencentàfouillerdans lessacsSephora,sortant lesproduitsdebeautéunàun,puislesflacons,tubesetpotsdeleursemballages,avantdem’appliquerleurcontenusurlevisage.Monignorances’envoleàmesurequeleursmainss’agitent. J’apprendsainsi qu’on utilise la crèmehydratanteavant celle de jour, et quel’anticernes peut s’appliquer aussi bien avant qu’après le fond de teint. J’essaie de
gardertout letempsunœilouvertafindesuivreleursopérationsetespérerrecréer lamagietouteseule.
Ellessont siaffairéesqu’àunmomentdonné, je nesaisplus tropoùdonnerde latête:tandisquel’uned’elless’occupededisciplinermescheveuxàl’aided’unferàfriser,unedeuxièmeappliquedufardvioletsurmespaupièresetunetroisièmeseconcentresurle tatouage qu’elle fixe sur mon poignet. Entre leurs mains, j’ai davantage l’impressiond’êtreuntableauqu’unêtrehumain.Cesontdesartistes.
Puiselless’écartent,etl’uned’entreellesmedemande,sansaucunménagement,deme déshabiller. Je m’accroche àmon peignoir, mais elle revient avec la robe que j’aiessayée tout à l’heure. De toute façon, ces filles doivent passer leur tempsà en voird’autresenpetiteculotte.Jenesuiscertainementpaslapremière!
Celle qui s’occupemaintenant demoi s’avère une couturière hors pair. Je croyaisque la robe m’allait à merveille, mais après l’intervention de cette magicienne arméed’épingles, de fil et d’aiguilles, ellemevamieuxqu’ungant. Jeme retiensà sonépaulepour enfiler mes talons aiguilles. Une fois chaussée, elle me fait tourner etm’accompagnedevantlapsyché.Jelèvelesyeuxetjecontemplelafillequimeregarded’unaircomplètementhébété…Lerestedesapersonneest,j’avoue…sublime!
Jepivoteet,nepouvantpaslesserrertoutesdansmesbras,jechoisisd’abordcellequivientdem’aideràm’habiller.
Jen’aipasdemotspourlesremercier;tousceuxquejepourraisdires’embrouillentdans ma tête ou s’envolent avec le tourbillon de mes émotions. Le sentiment que j’aiéprouvé dans le magasin, la première fois que j’ai mis cette robe, n’est rien encomparaisondelajoiequim’étreint.Mesjambes,grâceàl’huilebronzante,ontunrefletdoréquejeneleuraijamaisvu.Mescheveux,ouplutôtmatignassedefrisottisrebelles,sontmagnifiquement lumineuxetbouclés.Lesmokyeyevioletquiombremespaupièresestidéalaveclevertdemesiris,etmesnouveauxfauxcils,parfaitementposés,sontsilongs et si courbés que je ne peux pasm’empêcher de cligner cent cinquante fois desyeux.Quantàmeslèvres,ellessontd’unebelleteinterosefoncé,etuneplumeroseetor,magnifiquementdessinée,ornemonpoignet.
Une des stylistes apporte un petit chapeau melon de feutre noir, le coince avecadressesurmescheveuxet,toutàcoup,matenueestcomplète.Jenemesuis jamaissentie aussi cool de toute ma vie. Même quand Elliot m’habille, et il s’y connaît ! Onm’asperge enfin d’une touche de parfumChanel et toutes les femmes quim’entourentsourient.
Je retrouve l’usagede laparole,mais le seulmot que je sois capable de répéterest:
—Merci,merci,merci!Heureusement, jesuis interrompueparuncoupfrappéà laporte.C’estLeah.Elle
entre,unpeudécoiffée,maistoujoursaussibelle.Enmevoyant,elleécarquillelesyeux.—MonDieu!s’exclame-t-elleenriant.PennyPorter,tuesabsolumentsublime.Noah
estleplusveinarddelaterre.Tuvaslefairetomberraide!—Jemesenstransformée,Leah.Merci.Jelaserredansmesbras,sansdouteunpeutropfort,maistantpis.—Vraiment,Penny, iln’yapasdequoi !Maintenant,mesdames,poursuit-elleense
tournantverssesstylistes,àmontour!Jesuisuneloque,alorsàvospinceaux,potsde
crèmeetautresbaguettesmagiques.Moiaussijeveuxcasserlabaraque,cesoir!Aumilieudemonbonheur,etdesinnombrablessentimentsquim’agitent,iln’yaqu’une
petiteombreautableau:oùtrouverl’escouadequis’occuperaaussibiendemoichaquematin?Jedécidedel’ignorer.CetteversiondePennyPorterpeutnedurerqu’unseulsoir,j’aibienl’intentiond’enprofiter!
ChapitreTrente-Sept
J’avance d’un pas aussi chancelant qu’anxieux vers l’entrée de la boîte de nuit,accrochéeaubrasdeLeahcommeàunebouéedesauvetage.Elledoitcommenceràmetrouverunpeutropreconnaissanteetellevoudraitsansdoutequejelacolleunpeumoins,maissijelalâche,ousijem’écarte,mêmelégèrement,jesuissûredem’écrouler.Les rues de Paris sont très jolies avec leurs pavés, mais guère adaptées aux talonsaiguilles!Etjeneveuxpascommencerlasoiréeparunvolplanésurletrottoir.
Cesoir,jesuisl’éléganceetleglamourincarnés.PennylaCatastropheestenferméeàdoubletourdanssachambred’hôteletcondamnéeàpasser lanuitsous lacouette.PennylaParisienneestdesortie.Elleneserapeut-êtrepaslareinedelasoirée(letitreappartientsanscontesteàLeah,plusbelleetplusrayonnantequejamais),maiselleadebonneschancesdesesentiràsaplace,etsonamoureuxdevraitlepenser,luiaussi.
Noussommesescortéesjusqu’àl’entréeduclubparCallumquisesertdesavestepourdissimulerLeahauxobjectifsetauxflashs inquisiteursdespaparazzis.Pourunefois,jen’aipasmonappareilphoto.Jen’aipasdesacàmainnimêmedepochette.Laclefdemachambreestcachéedansuneminusculepochesecrèteà l’intérieurdemarobe.
Unefoisfranchilecouloirobscurdel’entrée,jesuisunpeudéçueparl’intérieurdelaboîte:ilfaitsisombreetçaal’airtellementdécrépiquejecommenceàmedirequej’aieutortdemedonnerautantdemalpourmepréparer.
Leahrepèred’abordNoah,assisdansunealcôveVIP.C’estheureusementunpeuplus éclairé dans ce coin – j’imagine que c’est pour mieux voir les célébrités quifréquententleslieux.Ellemepousseverslui.
—Allez,vas-y,c’estàtoi,maintenant.Moi,jedoistrouvermonmanager.Jeluiserreunedernièrefoislebras.—Merciencore,Leah.—Oublie,etvalevoir,maintenant.Valuimontrercequ’illoupeentenégligeant.Ellemefaitunclind’œilet,tandisqu’elledisparaît,jeprendsuneprofondeinspiration.Noahestassisaumilieudelabanquette,entourédesmembresdesongroupeetde
quelques inconnus.Jemeforceàdesserrer lespoings.J’avancevers lui,nerveusement,quandunserveur–quinem’apasvue–déboulesousmonnez.Jem’immobilise,luiaussi.
Sonplateaude flûtesàchampagne vacille dangereusement…On retient nos souffles.Ouf!
J’ai quand même dû pousser un cri, car au moment où je relève les yeux, jem’aperçois qu’on nous regarde. Et le moment que j’espérais arrive. J’ai l’impression,exactementcommedansunfilm,quelascènesedérouleauralenti.Noahlèvelesyeuxdesonverre,etsonregard,avecunnaturel,uneévidence,quin’arrivequedanslesrêves,croiselemien.Jevoissamâchoiresedécrocher,puiscellesdesescopainsfairepareil.Ilssonttousfigés,complètementmuets,labouchegrandeouverteetlesyeuxécarquillésdestupeur.
—Penny ?Oh, la vache ! s’exclameNoah avant de bondir àma rencontre. Je…Comment…Enfin,tu…
Ilmeprendlesmainspourmeregarderdelatêteauxpieds.—Tuessublime,dit-ilenfin.Etilm’embrassepassionnément,commesionnes’étaitpasvusdepuisdesmois.J’ai
l’impressionderecevoirdesmillionsdedéchargesélectriqueset j’enaidespicotementspartout.
—Enfin,tues là !reprend-il.Jemesuis inquiétéquandtum’asditquetunevenaispasauconcert.
— J’ai été obligée… de mentir un petit peu. J’allais très bien, sauf quand j’ai vudébarquerl’équipedemaquilleusesdeLeah.Là,j’avoueavoireuuninstantdepanique!
—Leaht’aaidéeàtepréparer?Tularemercierasdemapart!Ilpasseunbrasautourdemonépauleetm’entraîneversleuralcôve.Jem’assoisà
côtédelui,etilmeprésenteàtouscommesa«petiteamiePenny».MêmeauxpontesdeSonyqui,visiblement,ontfaitlevoyagejusqu’àParis.
Jem’appliqueàsaluerpoliment,serrercorrectementlesmainsqu’onmetend,maisjen’arrivepasàcontenir l’immensesourirequejesenssurmonvisage.J’ai l’impressionqueçavaêtrelaplusbellesoiréedemavie.
—Ehbien,Penny, laisse-noustedirequenoussommestrès,trèsimpressionnéspartonpetitcopain,déclarel’undesgrosbonnetsdeSony–lafemme–avecunpetitsourirequejenetrouvepassuperagréable.
Mêmesafaçondeprononcer«petitcopain»auncôtécondescendant,commesielles’adressaitàunbébé.Jeserre lesdentset je lui rendssonsourire.LafaçondontNoah me tient par la taille, comme s’il craignait que je m’en aille, n’a vraiment riend’innocent.
—Jeletrouvepasmalnonplus,jerépondsavecautantdedésinvolturequejepeux.—TudevraisannoncerlabonnenouvelleàPenny,poursuitlafemmeenposantson
regardsurNoah.Ils’agitepuisenlacesesdoigtsauxmiensetmeregardedroitdanslesyeux.— Oh, oui, exact. Tout le monde est très content de la façon dont la tournée se
déroule…L’affichequ’onformeavec lesSketch, ladynamiqueduconcert, toutça.Çamarchetrèsfortpourtoutlemonde.Alorsilsm’ontdemandédecontinueraveceuxsurlatournéemondiale.Dubai,leJapon,l’Australie…Pourtroismoisdeplus.
Auxétincellesquibrillentdanssesyeux, jecomprendscombiencetteperspective letransporte.Etilyadequoi!Jemejetteàsoncou.
—C’estgénial,Noah!
Jesuissuperheureusepour lui.Nonseulementson rêvecontinue,mais ilprenddesproportionsgigantesques.
—Ilyaautrechose,ajoute-t-il, lesyeuxpleinsd’espoir.Jevoudraisquetuviennesavecmoi.
ChapitreTrente-Huit
Ilveutque jevienneavec lui?Que je l’accompagne?Pendant troismois?Auboutdumonde?Immédiatement,unefouledequestionsm’assaille,toutesplusinsaisissableslesunes que les autres. Et la rentrée ? Et mes études ? Mes parents ? Ma vie ? Je lesrepousse : il n’est pas question de moi, mais de Noah, et je ne veux pas gâcher sonbonheur.
Heureusement, la soirée qui débute m’évite de répondre. On vient de lancer lamusique et tout le monde se lève, pressé d’aller danser. Je suis entraînée comme lesautresavecNoah.Àlafaçondontils’élancesurlapiste,jecomprendsqu’iln’attendpasquejeluirépondetoutdesuite,alorsjeprofitedelamusiqueetdel’instantprésent.
Quelquesheuresplustard,jecommenceàmedemandersimespiedsn’ontpastripléde volume – les talons aiguilles étaient le plus grand défi de la soirée – quand,heureusement, l’heuredudépartarrive.Onrentretousensembleà l’hôtelentaxi,et endescendant,Noahmeproposedemeportersursondosjusqu’àlaréceptionetjesautesursondosenriant.
En levant la tête, j’aperçois le sommet de la tour Eiffel illuminée qui scintillejoyeusementdanslanuit.ÇamerappellelaguirlandelumineusequeNoahavaitinstalléepourmoidanslesous-soldeSadieLee,àNewYork.
—Regarde,jemurmureàsonoreille.Illèvelesyeuxet,dèsqu’ilvoitlespectacle,ilmelaissetomberparterre.—Eh,mespieds!Mespauvrespieds!jeproteste.—Oublietespieds!J’aiuneidée,réplique-t-ilenmeprenantlamain.Onn’apaseu
de JournéeMagique etMerveilleuse,mais pourquoi ne pas s’offrir uneNuitMagique etMerveilleuse?AllonsvoirlatourEiffelmaintenant.Ensuite,onpourraalleraurestaurantouvertvingt-quatreheuressurvingt-quatredontLarrym’aparléetaprès,voirlesoleilseleversurleLouvre…
Ilyaencoreuneminute,jenerêvaisqued’uneseulechose:monlit.Maismaintenant,jesuisparfaitementréveillée.Tellementexcitéequejefaisdesbondssurplace.
—Oh,oui,c’estgénial!—Vite,filonsavantqu’onnousremarque.—Heu…
Jebaisselesyeuxsurmespieds.—Jenesuispassûred’allertrèsloin,chausséecommeça.Iléclatederire.—OK,laisse-moiuneminute.Donne-moilaclefdetachambreetnebougepasd’ici.—Tupeuxprendremonsacavec?Ilyamonappareilphotodedans.—Pasdeproblème!Lesautressedispersentdéjàverslebaroulesascenseurs.Noahm’assoitdansun
fauteuildusalonetpartencourant.—Jerevienstoutdesuite!J’ai l’impressionqu’ilvientdepartir, lorsqu’ilréapparaît,mesConversechériesàla
mainetmonsacsurl’épaule.J’enfilemesbasketsavecunsoupirdesoulagement.—PennyPorter,tuesencoreplusmignonne,déclareNoahenmelevantdufauteuil
pouradmirermonnouveaulook.Ilmetendmonsacetnousnousélançonsdanslarue,aimantésparlatourEiffel.—Noah?Eh,Noah,attends!C’estlavoixdeDean,surleseuildel’hôtel.J’ail’impressionderecevoiruneflècheen
pleincœur.Jeneveuxpasqu’ons’arrête, je veuxcontinuerdecourirdans la rue.Pourtant, je
sensl’hésitationdanslamaindeNoah.Ilralentitetils’arrêtepourseretourner.—Oui?demande-t-ilàcontrecœur.Deantrottedéjàversnous.—Jet’aiditque j’avaisbesoindetoipourchoisir lesphotoset legraphismede la
pubpourlatournéemondiale.Ondoitlefairemaintenant,sinonçanepartirapasdanslapresse.
—Sérieux?Çanepeutpasattendredemainmatin?Deansecontentedeledévisager,etNoahhochelatête.Jeluitirelamainetinterviens:— Tu ne peux pas t’en charger, Dean ? Noah n’a pas besoin de tout vérifier lui-
même.—Noahvérifiepersonnellementtoutcequesesfansvontvoir,grogneDean.N’est-
cepas,Noah?—Deanaraison,admetNoahd’untonmorose.Jedoisrentreretvérifierlesphotos.
Onlesverrapartout,ellesdoiventêtreaupoint.Jeneveuxlaissertomberpersonne.Jemanqued’éclaterderire.—Enfin…jesaisquejetelaissetomber,Penny.Mais…Jelecoupetoutdesuite.—Jecomprends,Noah.Etenmêmetemps,jemedis:j’essaiedecomprendre,Noah,vraiment,jefaisdemon
mieuxpourcomprendre…Et tout à coup, j’ai encore envie de rire : même en plein milieu de la nuit, on est
incapablesd’avoirunpeudetempspournous.Est-cevraimentpourçaquej’aisigné?Nousretournonsversl’hôteld’unpasnettementpluslent.Aprèsl’excèsd’adrénaline,
jemesensvidée,commesij’étaispasséesousuntrain.—Allonsparlerlà-bas,ditDeanensedirigeantverslebar.—Jecroisquejevaismonterdansmachambre.
Noahs’arrêteetmeregarde.—Onessaiedeserattraperdemain?medemande-t-ild’unevoixdouce.Jesecouevaguementlatête.Puissamains’échappeetjemeretrouveseule,devantl’ascenseur,àregarder,une
foisdeplus,Noahquis’éloigne.
ChapitreTrente-Neuf
Adossée au mur, j’attends que l’ascenseur arrive en essayant de digérer madéception. Je ne veux pas rester debout toute la nuit à ressasser ce qui vient de sepasser.JenevaismêmepasenvoyerdemailàElliot.Jevaisfairecommesi lasoirées’étaitterminéeaumomentoùonestdescendusdutaxi.Jusque-là,c’étaitparfait.
—Ehben,t’entiresunetronche!Qu’est-cequit’arrive?La voix de Blake me fait sursauter. Il pue l’alcool et vacille sur ses jambes en
essayantdecentrersonregardsurmoi.—Oh,rien.Cetascenseurprendtoutsontemps,c’esttout.Jereculeunpeuetjeluidemande:—Lasoiréet’aplu?—Carrément!Il veutmimer unenchaînement debatterieavecdesbaguettes imaginaires,mais il
trébuche.Cequinel’empêchepasdecrier:—Ba-doom-tish!Lesportesde l’ascenseurs’ouvrentaumêmemoment. Ilseredresseetpasseson
brassouslemien.—Allez,joliePenny,onmonte!Jemelaisseentraîner,unpeusurprisedelevoiraussiaimableavecmoi.L’intérieur de l’ascenseur, dans un genre moderne kitsch, se veut une imitation de
l’espace intersidéral : il y a des planètes phosphorescentes sur les murs, desconstellationsd’étoilesauplafondetunemusiqued’ambianceapaisante.
— Au fait, reprend Blake la voix pâteuse, je te l’ai pas dit, mais t’es sacrémentcanon,c’soir.
Il essaiedemeprendre lamainetsoudain, jecomprendsqueçacraint. Je recule,maisilrevientàlacharge.
—Blake,tuescomplètementsaoul.Jevaisteraccompagnerjusqu’àtachambreettuvasallertecoucher,OK?
Unventdepaniquese lèvedansma tête. Jeneveuxsurtoutpaspenseràcequis’agitedanscelledeBlakemaintenant.
—Tuesàquelétage?
—Huit,marmonne-t-il.SiNoahapprendqueBlakeaessayédemeprendrelamain,ilvaêtrefoufurieux.
Blakeestsonplusancienetsonmeilleurcopain, il leconsidèrecommesonfrère; jenel’appréciepeut-êtrepas,maisc’estcommeça,etjenedirairiendecettescèneàNoah.Blakeestivremortetcomplètementdébile,maiscen’estpasuneraisonpourbriseruneamitié.
Aprèsdessecondesquimeparaissentdurerdesheures,l’ascenseurarriveenfinauhuitièmeétage.Blakememontreuneporte,àl’autreextrémitéducouloir,engrommelantde façon indistincte. Je lui emboîte lepas,àunedistance respectable, pourm’assurerquec’estbiencelledesachambre.Arrivédevantelle,ilsetourneversmoietmesouritgentiment.
— Merci, Penny. Désolé d’être si con. J’te trouve vraiment sympa. T’es une fillesuper…
Jecroisqu’ilvapoursuivre,mais ilmeregarde,ettoutàcoup, lesilencemeparaîtsuperdésagréable.
—MerciBlake,çacomptepourmoi…Je n’ai pas le temps de terminer ma phrase : il me tire d’un coup sec, et je me
retrouvecoincéecontrelui,levisageàquelquescentimètresdusien.J’éviteseslèvresdejustesseentournantlatêteetlerepoussedetoutesmesforcesencriant:
—Non,maisqu’est-cequiteprend?Çavapas?Lâche-moi!Aulieudem’écouter,ilmeretientetrecommence.Cettefois,j’arriveàm’esquiveren
mebaissantsurlesgenoux.Jel’entendssecognerlatêtecontrelemur,maisjeprofitedemonavantagepourmedégagertoutàfait.Jesuiscomplètementsecouée.Essayerdemeprendrelamainestunechose,j’étaisprêteànepasenfairetouteunehistoire,maisça…C’estimpardonnable.Commenta-t-ilosémefaireça…oulefaireàNoah?
Ilsefrottelefront.—Allez…jesaisquej’teplais.Ilmetendlamain,commes’ilespéraitmeconvaincrederevenirverslui!—Pasdutout.Tunemeplaispasdutout,Blake.—Oh,arrête!Noahn’apasl’tempsdes’occuperd’toi,tuf’raismieuxd’sortiravec
quelqu’und’plusdisponible.Alors,portéeparunedétermination inconnue, jerassemble laforcedont j’aibesoin
pourl’écarterdemonpassageetjefoncedanslecouloir.Jel’entendscrierderrièremoi:—Penny,attends!Jesuisdésolé!Jecontinuesansralentirnil’écouteretmeprécipitedansl’escalier.Jen’aiplusmon
sac,nimonappareilphoto,quisonttombéspendantquejemedébattais.Tantpis.Heureusementquej’aiglissémaclefdanslapochedemarobeplutôtquedansmon
sac.J’ouvremachambreetm’yenfermeàdoubletour.Puisjemelaissetombercontrelaporte,enlarmes.
Masoiréederêveestdéfinitivementgâchée.
ChapitreQuarante
Lechocpassé,c’est lacolèrequiprend ledessus.Jenevaispas laisserBlakes’ensortir comme ça ! J’essuie le maquillage qui a coulé de mes yeux et, soutenue parOcéanelaBattante,jesorsdemachambrepourallerdroitaubardel’hôtel,retrouverNoahet lui racontercequis’estpassé.Maisquand j’arrive, il n’estplus là ; leserveurm’expliquequ’ilestremontéavecDeanquelquesminutesplustôt.
En approchant de la chambre de Noah, je vois que sa porte est entrouverte. Jen’aperçois que son dos, mais la seule vue de ses cheveux désordonnés suffit à meréconforter.Jesuissurlepointd’entrerquandj’entendsDean,etcequ’ilditmefigesurplace.
—Qu’est-cequejet’avaisdit,Noah?Tuauraisdûmedemandermonavis.Déjàquec’estmauvaispourtonimage.Etmaintenant,ça…Elleestbeaucouptropjeune.
Ilparledemoi.Je lesais.J’attendsqueNoahprennemadéfense,maisunsilenceassourdissant s’installe. Je me sens devenir glacée. Comme si je voyais mes piresangoissesseréaliser.
NoahFlynnseraitbeaucoupmieuxsansmoi.Jemesuis souvent fait cette réflexion,mais l’entendreexpriméeà voix hautepar
quelqu’und’autreestatroce.Denouvelleslarmesroulentsurmesjoues,jusqu’aumomentoùuneautrevoixs’élève.Etmonsangsemetàbouillirdansmesveines.C’estBlake.
—Jesuisdésolé,mec.Jenesavaispasquoi faire…Elles’estpointéedevantmaporte.
JepousseuncrietNoahfait volte-face. Jen’aimêmepas la forcede luiparler.Océane laBattantegît, inanimée,àmespieds. Je fais demi-touret je reparsdans lecouloir.
—PENNY!Depuisquandes-tulà?medemandeNoahencourantaprèsmoi.—Depuisassezlongtempspoursavoirdequoivousparlez!J’essuie mes larmes avant qu’il ne puisse les voir, mais c’est trop tard. De toute
façon,ellesn’arrêtentpasdecouler.—Penny,s’ilteplaît,onpeutparler?Arrête-toiuneseconde.Ilessaiedem’attraperlebras,maisjemedégagepourcontinueraupasdecharge
danslecouloir.Jerefusedemedonnerunenouvellefoisenspectacle.Jemontel’escalier
en courant, Noah sur mes talons. Quand j’arrive dans ma chambre, j’essaiedésespérémentdecalmermacolère.Jeveuxêtreenmesurederéfléchiretdeparlercorrectement.
Quandjemeretourne,Noahestdevantmoi.— Penny, Dean se comporte seulement enmanager. Tu sais comment çamarche
dans ce milieu de cinglés. Ils sont tous convaincus de tout savoir mieux que tout lemonde…
Il commence à faire les cent pas en se passant nerveusement la main dans lescheveux.Ilesttendu,maispourunefois,cen’estpasmoiquipeuxleréconforter,parcequec’estmoiquiaibesoinderéconfort.
—ParcequetucroisquejesuisencolèrecontreDean?J’aperçoismonvisagefurieuxdans lemiroiret,toutàcoup,monallureglamourme
sembleuneimposture.J’aitellementpleuréquemesfauxcilspendouillent.Jelesarracheet je les jette dans la poubelle. Je rate mon coup, évidemment, et ils tombent sur lamoquettecommedeuxaraignéesécrabouillées.J’enfilemonsweat-shirtRollingStonesetattachemescheveuxdansunénormechignon,qu’onabaptisé,Elliotetmoi,«Ananas».
—Jet’assurequ’ilnepensaitpascequ’iladit,m’imploreNoah.Pourlapremièrefoisdemavie,jeleregardesansavoirenviedemejeteràsoncou.—Netefatiguepas,Noah,j’aicompris.Cen’estpascoold’avoirunepetitecopine
danscemilieu,surtoutquandtudébutesetqu’unmilliarddefillesonttaphotoenécrande veille ou sur leurmur Facebook.Mais tu ne comprends pas que c’est dur pourmoiaussi?Tunecroispasquej’airemarquécommentsecomportentlesgensdeSonyavecmoi?Leurfroideur,leurmépris?Ettunem’asmêmepasdéfenduedevantDean.Jesuisunpoidspourtoi.Jelesais.
Jecommenceàfrissonner.J’aimême lesmainsquitremblent.Jecroisquec’est ladiscussionlaplussérieusequej’aiejamaiseueavecNoah.Etilmeregarded’unairahuri,exactementcommelorsquejemesuisemportéedanslehalldel’hôtel,àRome.Saufquecettefois,jenecriepas.
Jenecriepas,maisjesuisfurieusedel’avoirlaissémedétournerdelavraieraisondemarage:Blake.Jetrembledeplusbelle.Quellehistoirea-t-ilétéraconteràNoahetDean?
—Penny,tutrembles!Est-cequetufaisunecrised’angoisse?Savoixmeramèneàcequim’arrive.Jesuisentraindefaireunecrised’angoisse.Jen’arrivepasàrespirer,moncœurbattellementfortquej’ai l’impressionqu’ilva
exploser, et j’ai chaud, atrocement chaud. Tellement chaud que je commence àsuffoquer.J’ailesmainsmoitesetunmilliond’aiguillesmepiquentpartout.
Noahmeparle,jevoisseslèvresquibougentsansarriveràl’entendre.Jenepensequ’àlaboufféed’airvifetfroiddontj’aidésespérémentbesoin.Jemeprécipiteverslafenêtre,maislapoignéerefusedebouger.
Jetenteuncoupd’épaulepourm’apercevoirqu’enfait,jevaisvomir.Jemeretourneetjecoursverslasalledebains,maisilestclairquejenevaispasyarriveràtemps.J’aviseheureusementlacorbeille,justeàcôtédel’armoire.
Je ne comprends rien jusqu’au moment où les bras de Noah se ferment sur mesépaulesetmeconduisentverslelit.Jesensuncourantd’airfraisquandjem’allonge,etjecommenceàmedétendre.Noahadûouvrir lafenêtrequandj’étaisau-dessusdela
corbeille.Jedevraismesentirmortifiée,mais jen’éprouverien.Rienqu’une immenseetprofondelassitude.
Noah s’écarte et revient avec une serviette humide qu’il passe surmon front, manuque. Je tremble encore, et j’ai d’horribles crampes à l’estomac, mais mon poulscommenceàralentir,commemarespiration.Noahs’assoitàcôtédemoietmeprenddanssesbrasjusqu’àcequejemesentevraimentmieux.
—Tuasbesoindequelquechose?medemande-t-ild’unevoixdouce.—Peut-êtreunpeud’eau…Ilvaremplirunverreetmelerapporte.Jeboisquelquesgorgées,enessayantdeme
calmertoutàfait,maisjesaisquelapaniquenedisparaîtrapascomplètementtantquejen’auraipastoutracontéàNoah.Jeprendsuneprofondeinspirationetjecommence:
—Ilnes’agitpasseulementdeDean,Noah.Jeboisunpeud’eau,tandisqu’ilmefrotteledos,etjecontinue:— Blake a essayé de m’embrasser. On s’est croisés devant l’ascenseur. Il était
complètementsaoul.J’aivoulu leraccompagner jusqu’àsachambrepourêtrecertainequ’ilyarrive,etils’estjetésurmoi.J’airéussiàluiéchapper,maisc’étaithorrible,Noah.
Jecherche,danssonregard, lamoindre tracedestupeuroudecolère,mais jenevoisrien.
Ils’écarteunpeuetmelâchepourcroiserlesmainssursesgenoux.—Blakem’aprévenuquetudiraisça.Jemanquedem’étrangler.—Hein?— Il m’a raconté ce qui s’est passé. Que tu t’es pointée dans sa chambre en lui
disant que je ne voulais plus de toi, que tu as essayé de l’embrasser. Il a voulu terepoussergentiment,maistut’esenfuie.
—Quoi?Non!C’estfaux,Noah…C’estarchifaux!—Arrête,Penny.Jecomprendsquec’estpénible,maisBlakeestmonami.Tun’as
pas pensé qu’il viendrait me voir tout de suite ? Qu’est-ce que tu pensais faire ? Medonner un genre d’avertissement ? Dean pensait bien qu’un truc comme ça devaitarriver… mais j’ai toujours pris ta défense. Jamais tu ne ferais un truc pareil.Apparemment,j’avaistort.
Jesuissidérée.Tellementchoquéeque j’enrestesansvoix.LemensongedeBlakeestsiénormequejesuisterrassée.JenesaismêmepasquoidirepourconvaincreNoahdesonerreur.
—Turigoles,Noah?Évidemmentquejeneferais jamaisunechosepareille!C’estBlake.C’estluiquis’estjetésurmoi!
LaréactiondeNoahestimmédiate,etilfaitcequ’iln’ajamaisfaitavecmoi:ilcrie.—Arrête, Penny ! Blakem’a tout raconté et je le crois. Pourquoi ne dis-tu pas la
vérité,quetuasfaitçapourattirermonattention?Jesaisque jet’ai laisséetomber,mais jecroyaisqu’onétaitaumoinscapablesd’êtresincères l’unavecl’autre.J’auraispu comprendre si tu m’avais dit que c’était une erreur, mais que tu insistes, que tucontinuesdementir,enaccusantenplusmonmeilleurami,ça,non!Jenepeuxpastelepardonner!Quelâgeas-tu?
C’est à mon tour de le dévisager, et je le fais avec un mélange d’horreur, desouffrance et de dégoût. Je n’ai pas l’impression de regarder Noah, le jeunemusicien
impressionnantdetalentetdenoblessequetoutlemondeadmire.Jenevoisqu’untypededix-huitans,untypequelconqueetparfaitementimbudelui-même.
Ce spectacleme laisse sans voix. Pourquoi devrais-jeme prendre la tête, perdremon tempsetmasaliveàme justifier,alorsque jen’ai rienfait?Jesaiscequi s’estpassé, mais mon copain – celui qui est justement censé me soutenir et me faireconfiance–refusedemecroire.
—Va-t’en,Noah.Sic’esttoutlebienquetupensesdemoi, jenevoisvraimentpasl’intérêtdecontinuer.Je t’ai racontécequis’estpassé.Si tunemecroispas… jen’airienàajouter.
Ilselèvebrutalement.—Deanm’avaitditdememéfier,quelesgenschangentsurunetournée.Seulement
jenepensaispasqu’ilparlaitaussidetoi.Savoixestaussidurequesonregardetsaboucheesttorduedecolère.J’aipresqueenviederiretellementcesmots,venantdelui,sontridicules.—Non,Noah,tutetrompes.Tutetrompescomplètement.Mais à quoi bon poursuivre ? Je sais qu’il ne cherchemême pas àm’écouter. Je
pousseunsoupiraussicruelquemadésillusion.—Jenepeuxpascontinuercommeça,Noah.Jenepeuxpasresteravecquelqu’un
qui me considère de cette façon, avec des gens qui me manipulent constamment etrefusent de me croire sur un sujet aussi grave. Je pensais te connaître, Noah ;visiblement,jemetrompais.Jenevoispascommentonpourraitcontinuer.
Je suis sidérée d’entendre ces mots sortir de ma bouche. Noah lui-même semblestupéfait.Entoutcas,ilfaitdemi-touretquittemachambreenclaquantlaporte.
ChapitreQuaranteetun
Immédiatementaprès ledépartdeNoah, j’attrapemontéléphoneet j’appelleElliot.Jenemesoucienidemoncréditnidel’heurequ’ilest.Aprèsplusieurssonneries,ildécroche.
—Allô?Je comprends tout de suite que quelque chose ne va pas. Sa voix est éteinte,
lointaine, puis jem’aperçois qu’il est deux heures dumatin. Je viens certainement de leréveiller.
—Oh,pardond’appelersitard,El.J’essaie de parler aussi normalement que possible, mais je viens de passer des
heuresàcrieretpleurer.—T’inquiète,merépond-il,jenedormaispas.Sonintonationrestelamême,froideetdistante.—Tunedormaispas?—Qu’est-cequisepasse?—Lesmicrobes?jetentedansuneébauche–lamentable–d’humour.C’est legenrederepartiesqui,d’habitude, lefaitglousser,mais là, ilneréagitpas.
J’imaginequ’aucundenousn’estd’humeuràrigoler.—Elliot,jecroisquejeviensderompreavecNoah.Jem’assoiset,dansunsilencesinistre, je tortilleunemèchedecheveuxentremes
doigts. Je sais que la connexion est bonne, parce que j’entends de lamusique en fondsonore.C’estlaplaylistsentimentaled’Elliot.Jereconnaismêmelachanson:Always,deBon Jovi. Jeme sens encore plus pitoyable et je n’arrive plus à pleurer en silence. Jem’étrangleetjesanglotecommeunbébé.
J’entendsElliotreprendresonsouffle.—Non,lâche-t-il.—Si.Cettefois,ilal’airdecapter.—Mais…pourquoi?Qu’est-cequis’estpassé?Qu’est-cequ’ilafait?Ilnesaitencorerien,maisilprendtoutdesuitemadéfense.Là,jeleretrouve.—Sondégueulassedemeilleuramiaessayédem’embrasser,etquandjesuisallée
ledireàNoah,laportedesachambreétaitouverte.Deanétaitentraindeluidirequ’il
nedevraitpasavoirdepetitecopine,quec’estnulpoursonimage,etalorslàBlakeamenti,iladitquec’étaitmoiquim’étaisjetéesurlui.Etdevinequiilacru?BLAKE.Ilditquej’aifaitçapourattirersonattention,queBlakeneferaitjamaisunechosepareille.Jesuisdégoûtée,El.Jemesenstellementmal.
J’aperçoismonrefletdanslemiroir– lemiroirdanslequel jemesuisregardéehiersoirenmedisant : «Waouh,Penny, tudéchires ! »Cette nuit, la seule réflexionquimevientàl’esprit,c’est:«Waouh,Penny,qu’est-cequetucrains!»J’aidescouléesd’eye-liner et de mascara sur les joues, ma super petite robe noire dépasse de mon vieuxsweat-shirtdélavéetmonchignonn’estplustrèsglorieux.
—Jen’arrivepasàycroire…Tuveuxquej’envoiedesgrosbrascasserlagueuledeBlake?
Jeglousseaumilieudemesreniflements.—Vousferiezpeut-êtrelepoids,toietAlex.Jem’attendsàuneblague,maisc’estunlongsilencequimerépond.Unsilencequine
meditvraimentriendebon.—Lemomentestmalchoisi,reprendElliot.Jevoulaisattendretonretourpourt’en
parler,mais…Alexetmoi,c’estfiniaussi.Jecomprendsmaintenantpourquoiilestsiéteintetécoutecetteplaylist.—Oh,non,Elliot…Qu’est-cequis’estpassé?C’esthorrible.Jesuisstupéfaiteetcomplètementatterrée.Ladistancequinousséparemesemble
siénorme,toutàcoup.Jevoudraistellementleprendredansmesbras,leserrertrèsfortet…Etbrusquement,çafaitclic.
—Oh,non,Elliot,c’estàcausedelaphoto?— La photo n’était que le prétexte, c’est plus compliqué que ça. Je préfère te
raconterquandonseverra.J’aimeraistellementêtreavectoi.Il soupire, enmême temps queWhitney Houston entame unemélodie quelque part
derrièrelui.—Moiaussi,Elliot.Jen’aijamaisautantregrettédenepastesavoirdel’autrecôté
demachambre.Jen’auraisqu’àfrappercontrelemurettuseraislà.Oncontinueàsedirecombienonsemanqueetàseracontertoutcequ’onferaitsi
onétaitensemble.Elliotdéclaremêmequ’il irait jusqu’àm’acheterdesnuggetsdechezMcDonald’s;jesaisqu’ilcomprendquel’heureestgrave,parcequ’ildétesteMcDonald’s.
Je soupire en regardant par la fenêtre. La tour Eiffel, quime semblait si belle etromantique tout à l’heure, n’est plus que le témoignage cruel de la distance qui noussépare.Jevoudraistellementêtrechezmoi,entendrelamusiquedeTomvibrerdanslamaison,écoutermamanchanterlesairsquipassentàlaradioenadaptantlesparolesàsasauce,etrireauxblaguespourriesquemonpèreinventeàtoutboutdechamp.
—Oh,Elliot,qu’est-cequejedoisfaire?Jemesenstellementperdue.Jesuissur lepointderecommenceràpleurerquand,àmaplusgrandesurprise, je
l’entendspousseruncridejoie.Jesuismêmepresquecertainequ’ilapplaudit.Ensuite,jel’entendsnettementtapersursonclavierd’ordinateur.
—Qu’est-cequetufais,Elliot?—J’aiuneidée,Penny!C’estunpeudingue,maisfais-moiconfiance.Faistavalise
etsoisàlagareduNord,demainmatin,àneufheurestrente.Jem’occupedeteramener
àlamaison.Magorgesenoue.—Wiki,j’aieupasmaldedéceptions,cestemps-ci.Alorssitun’espassérieux,laisse
tomber.— T’ai-je laissée tomber une seule fois, Lady Penelope ? Fais-moi confiance,
d’accord?Il a raison : Elliot ne m’a jamais, jamais laissée tomber. Je me sens tellement
soulagéeà l’idéede rentrerchezmoique je suismêmeprêteàprendre le train touteseule.Demainsoir,jedormiraidansmonlit.
—Jet’aime,Elliot.—Jet’aimeaussi,Penny.Etn’oubliepas:demain,neufheurestrente,gareduNord.
Écris-le. Il yacinqgrandesgaresàParis, je ne veuxpasque tu te retrouvesdans lamauvaise!
—C’estnoté,Wiki,j’yserai.J’essaiedeparaîtreenjouée–undéfi–,maisElliotatoutdemêmeréussiunexploit:
jemesensun toutpetit peumoinsdésespérée.Aumoinsai-je unobjectif,maintenant :rentreràlamaison.
ChapitreQuarante-Deux
Il est quatre heures dumatin quand jeme résigneàme glisser dansmon lit, etaprèsquatremalheureusespetitesheuresdesommeil,jemeréveillelesyeuxaussigonflésquelaveille.
Mahâte departir nem’empêchepasde vérifier surmon téléphone si j’ai reçu untexto de Noah. J’espère encore qu’il a reconnu son erreur, qu’il va me dire qu’il aconfiance en moi et qu’il refuse de rompre. Mais mon téléphone reste muet etcomplètementinerteentremesmains.
Jelejettesurlelitetramassemesaffairespourlesfourrerdansmavalise.Quandje cherche mon appareil photo, j’ai un haut-le-cœur en me rappelant que je l’aiabandonné dans le couloir de la chambre de Blake – tant pis, je demanderai à laréceptionsiquelqu’unne le leurapasrapporté.D’aprèsmontéléphone, ilsuffitdedixminutespouralleràlagareduNordentaxi.J’ailargementletemps.
Jeprendslepapieràlettresdansletiroirdubureaudemachambreetjem’assoissurmonlit.Jen’aijamaisécritdelettred’adieuetjen’auraisjamaiscruquelapremièreserait destinéeàNoah. Je ne sais ni comment ni par quoi commencer.Mes tentativesfinissenttoutesrouléesenbouledanslacorbeille(quej’aiprislesoindenettoyeravantdemecoucherpournepasmourirasphyxiée).
Auboutducompte,jenesuispasmécontentedurésultat.
Noah,
Jenesaispasvraimentparoùcommencer.J’aibeaucoupdechosesàdire,maislaplusimportante,c’estquejerentrechezmoi.
Jeregrettequ’onensoitarrivéslà,maisjevoisbienquejesuisunegênepourtoi.Maintenant,tuvaspouvoirprofiterdetoutcequelagloirepeutt’offrir;tunem’aurasplusdanslespattespourt’embêterouteralentir.
Jenevaispasfairesemblant:jesuisblesséeetencolère.Jet’aidonnétoutcequej’avais,ettumel’asrenvoyéàlafigure.J’espèrequ’unjourtucomprendras
quejenet’aijamaismentietquejenevoulaisquetonbonheur.Tu seras toujours mon événement perturbateur, mais peut-être que les
événementsperturbateursonteuxaussiunefin?
Penny
P.-S. : Ne cherche pasàme joindre. J’ai besoin de tempspourmeremettre.
Jeposela lettreàcôtédemontéléphone,que jevérifieunedernièrefois,envain.Monpost-scriptumestsuperflu:Noahn’aaucuneintentiondemecontacter.
Jefaisunedernièrefoisletourdelachambre,puisjesorsmavalisedanslecouloir.Cen’estpasuneminceaffairede la tirerderrièremoi. Jusqu’ici, ons’enétait toujourschargéàmaplace,etenplus, j’ai touteunecollectiondesouvenirs,dontaumoinsunevingtaine de minibouteilles de shampoing, de savon liquide et de lotion corporelleramasséesdanslesdifférentshôtelsoùnoussommesallés.
J’arriveenfinàlaréception.—Penny?Durantunefractiondeseconde,moncœurs’arrête.J’espèrequec’estNoah. Ilva
peut-êtres’excuser?Jepivotepourdécouvriruncrânechauvetoutbrillantetunsourirechaleureux.
—Larry!Jeluirendssonsourire,soulagéedeportermeslunettesdesoleilpourdissimulermes
yeuxbouffis.—Ilyaunmomentquejetecherche.Jepensaisquetuvoudraisrécupérerceci.Il me tend mon sac, avec mon appareil photo à l’intérieur. Je ne peux pas m’en
empêcher:jeluisauteaucou.Surlatournée,etdepuislepremierjour,Larryestleseulàs’êtrevraimentsouciédemoi.Ilmeserredanssesbras.
—Merci,Larry.Quandjesuissûredenepasfondreenlarmes,jem’écarte.—Heureusementque je t’ai vue !Mais où vas-tu commeça?Tu veuxuncoupde
main?Ilprendmavaliseetm’accompagnedehors.—Jevaisàlagare.Enfait…jerentrechezmoi.Jeregardedanslarue,àlarecherchedutaxiquivameconduireàdestination.—Mais…—S’ilteplaît,Larry,neposepasdequestions,d’accord?Je sens mon menton qui commence à trembler, mais je refuse de pleurer ; je l’ai
assezfaitcommeça.Àlaplace, jepriepourvoirapparaîtreuntaxi.Jesuisexaucée,maisau lieu de s’arrêter devantmoi le chauffeur continue jusqu’à une femmechic quiporteuncanichedanslesbras.Jebaisseunregardsurmachemiseetmonleggingnoir.Jenesavaispasqu’ilfallaitêtresursontrenteetunpourprendreuntaxiàParis.
—Noahestaucourant?medemandeLarrygentiment.—Biensûr.Cen’estpasexactementunmensonge:Noahsauraquejesuispartiedèsqu’il lira
malettre.— Il n’aimerait pas que tu ailles à la gare toute seule. Laisse-moi au moins te
conduire.Noah se fiche bien de ce qui pourrait m’arriver. Mais en voyant Larry tendre
gentimentlebrasverslalimousinenoirestationnéeàquelquesmètresdenous,jemedisquecetteréflexionestmesquine.Aprèstout,pourquoipas?
—D’accord,Larry.Merci.JesuisassezlaminéeparmaruptureavecNoahpournepas,enplus,risquerdeme
perdreenpleinParisavecunevalisedetroistonnes.Ilpousselagentillessejusqu’àsechargerdemedistraireenmeracontantsavisite
deNotre-Dame.Quandnousarrivonsàlagare,ilm’aideàsortirmavaliseducoffre.Ilmesouhaitebonvoyageetbonnechance,etdemoncôté,jeleremerciedetoutcequ’ilafaitpourmoi.
—C’étaitunplaisir,Penny.Etnet’inquiètepas,Noahnevapastarderàretrouversesesprits.
Ilm’adresseunpetitclind’œilamical,auqueljerépondsparunsourire,puisjepivotepour me retrouver face à face avec l’imposante façade de la gare. Je prends unebonneinspirationet,entirantmavalisederrièremoi,j’avanced’unpasrésolu.
À l’intérieur, pourtant, je tombe le masque. D’autant que je ne sais pas trop quoifaire. J’auraisdûdemanderplusdedétailsàElliot.Àpresquequatreheuresdumatin,après l’unedespiressoiréesdemavie, jen’avaispastrop latêteàposer lesbonnesquestions…Jescruteletableaudesdéparts.Aucuntrainn’estprévupourLondresavantuneheure.Peut-êtrequ’ilavaitpeurque j’arriveenretard?Jechercheautourdemoiunepancartequiporteraitmonnom.Jen’envoispas.
Respire,Penny.Qu’est-cequ’Elliotauraitfaitàtaplace?J’essaiederaisonnerdefaçoncohérente–cequin’estpasévident,comptetenude
lasoupeémotionnelledanslaquellebaignemoncerveau.Puisjedécided’allerauguichet.—Excusez-moi?Lapetiteemployéeassiseàsoncomptoirderrièrelavitremesouritpoliment.Ellea
unvisageagréableetunregardavenantderrièreseslunettesrondes.Sonrougeàlèvresestéblouissant.
— Parlez-vous anglais ? je lui demande en espérant ne pas trop massacrer salangue.
Quandelleopine,jelâcheunsoupirdesoulagement.— Je dois retourner en Angleterre. Je m’appelle Penny Porter. J’imagine que vous
n’avezpasderéservationàmonnom?Ellemeregarded’unairunpeudésorienté.—Pardon?Jeneparlepastrèsbienanglais.Vousavezuneréservation?—Oui!Peut-être.Je lui tendsmonpasseport.Ellemesouritetse tourneverssonécran.Je regarde
sesdoigtscourirsurleclavier,maisellefroncevitelesyeux.—Jenetrouverienàvotrenom.
—Non,pardon.Jecroisquemonamim’aréservéuneplace.ElliotWentworth?Jem’aperçoisdemesgesticulationset jerougisviolemment.Cettefemmenerisque
pasdesavoirquiestElliot,etencoremoinsdelecomprendreavecdesgestes.—Oh!Vousavezbesoind’unnouveaubillet,mademoiselle?Elle me montre son ordinateur, puis un train, en souriant comme si elle venait de
gagnerlegroslot.Jeluirendssonsourireaveclamêmegentillesseetsecouelatête.—Aucuneimportance.Çaira.Merci.Mercibeaucoup,madame.Jereparsavecmavalise rosefuchsiasous le tableaudesdéparts.Qu’est-cequi
m’a pris de penser que je pouvais rentrer chez moi toute seule ? Même avec l’aided’Elliot,çanechangerien:jesuisuneincapable,unecatastropheambulante.Jem’assoissurma valise et appelle Elliot pour savoir ce que je suis censée faire,mais je tombedirectementsursamessagerie.
—Oh,non,jesoupire,tutefichesdemoiElliot…—Penny-de-mon-cœur!Tueslà!JemanquededégringolerdemavaliseetmerattrapepourdécouvrirElliot,chaussé
de ses mocassins rouges assortis à son pantalon. Ses cheveux sont coiffés à laperfection et sa chemise blanche immaculée comme son petit nœud papillon noir sontparfaits avec ses lunettes en écaille. Je lui saute dessus comme dans les films, enaccrochantmesbrasàsoncouetmesjambesautourdesataille.
—Eh,ducalme !Onn’estpasdansDirtyDancing ! Jen’aipas legabaritpourcegenrededémonstrations.
Ilmedécrochelesbrasetmereposeparterre.—Pardon,Elliot,jesuistellementheureusedetevoir!Tueslà!Jen’enrevienspas.
C’étaitça,tonplan?—Oui. J’ai d’abord pensé te ramener directà lamaison, puis jeme suis dit qu’on
allait se retrouver comme deux malheureux cœurs brisés et minables. Est-ce que jevoulaisêtreminabledansmachambreàBrightonouminableàParis?NewYorkt’abientiréedumarasme,pourquoiParisn’auraitpas lemêmeeffetsurmoi?Comme j’avaisdes joursdecongé, jemesuisservide lacartedecréditquem’adonnéemonpèreencasd’urgencepouracheterlesbilletsdetrain.J’aijusteeuletempsd’arriveràLondrespour attraper le premier Eurostar de la journée. Je n’ai PAS dormi. Et j’ai besoin deprendreunebonnedouche,jemesensdégoûtant…Maisjesuislà!
—Elliot,tueslemeilleur!C’estquoilasuite?—J’airéservéunechambredansunhôtelduquinzièmearrondissement.Jel’adore!—C’estquoi,lequinzièmearrondissement?—UnedescirconscriptionsadministrativesdeParis.TuignoresqueParisencompte
vingtautotal?Ilmeprendparlebras,etnousnousdirigeonsverslasortiechercheruntaxi.Malgrélechagrinquim’écrase,jemesensuntoutpetitpeupluslégère.Commesile
ciel s’était dégagéetqu’unbelarc-en-ciel semettaitàbriller.Cen’estpasdu tout lamêmechosed’avoirElliotavecmoi.
—Non, je ne savais pas !Malgré ta nuit blanche, tu es resplendissant, Elliot. Si tuvoyaismesyeux…
Ilsoulèvemeslunettesdesoleiletmedévisageavecattention.—Queldesigner?medemande-t-il.—Quoi,leslunettes?Oh,cen’estpasunemarque.Jelesaitrouvéesaumarchél’an
dernier.Iléclatederireenlesreposantsurmonnez.—Maisnon,trésor,tescernes!Etilpartdansunénormefourireenm’entraînantverslafiledestaxis.Nous quittons la gare quand j’aperçois une chevelure noire ébouriffée au-dessus
d’unesilhouettefamilière.Jen’arrivepasàsavoirsic’estlastupeurouleplaisirquimefaitbattresifortlecœur.Noahestvenumechercher!
—Arrêtez!jecrieauchauffeur.
ChapitreQuarante-Trois
Saufquecen’estpasNoah.Jem’enaperçoisquand il se retourne.Cegarçonne luiressemblepasdutout.Jeprendsjustemesrêvespourlaréalité.
Lechauffeurdetaxireprendsarouteenbougonnant.Jem’adosseàlabanquettealorsqu’Elliotmetapotegentimentlamain.
Le trajet, heureusement, n’est pas très long, mais quand on s’arrête devant notrehôtel,jenepeuxm’empêcherd’avoirdesdoutes.Ilesttrèsloindeceuxdanslesquelsjesuisdescenduependantlatournée.Lafaçadeestdécrépieetcouvertedegraffitis.
Elliothausselesépaules.— À la dernière minute, c’est tout ce que j’ai trouvé. Mais il est bien noté sur
TripAdvisor!Jeluiserrelamainetnousentrons.AvoirElliotàmescôtésn’apasdeprixet,tant
qu’onesttouslesdeux,jemefichededormirdansuntrouàrat.Le réceptionniste, malgré l’heure matinale, accepte de nous donner la clef de la
chambreet,comme iln’yapasd’ascenseur,nousportonsmavalise jusqu’autroisièmeétage.Elleestsilourdeetl’escaliersiétroitquenoussommesprisd’unnouveaufourire.Mafaiblessemusculaire(jen’auraisjamaisdûlouperautantdecoursd’EPS)combinéeànotrehilaritérendl’ascensionencoreplusdifficile.
L’hôtel ne se distingue pas seulement par sa façade : les chambres sont aussibeaucoupplusexiguës.Lesdeuxlitssimplesdelanôtresontcollésl’unàl’autre,etc’estàpeinesionpeutcirculerautour.Ilyaunetoutepetitefenêtre,maisonnerisquepasdevoirlatourEiffel.Àlaplace,onaunevuesplendidesurlemurdebriquesdelacourdeservice,où jedécouvreunautregraffiti :L’AMOURESTMORT.Elliotn’apasbesoindemefairelatraduction.
La salle de bains tient les promesses de la chambre : elle n’est pas plus grandequ’uncagibietladoucheestsuspendueau-dessusdestoilettes.Jedoisjouerdescoudespourréussiràentrer.
— Eh bien, déclare Elliot en passant la tête dans l’entrebâillement de la porte, letableauestcomplet!
Onselaissetombersurnoslits,aussiabattusl’unquel’autre.EncoresouslechocdemaruptureavecNoah,jen’aipasvraimenteuletempsdepenseràcequ’Elliottraverse
desoncôté.Tandisqu’on resteallongésensilencecôteàcôte, cependant, j’ai tout leloisird’encaisserlecoup:Alexiotn’existentplus,etcettepenséemebriselecœur.
Jeprendslamaind’Elliot.—Est-cequetuasvuleschosesveniravecAlex?Vousvousdisputiezsouvent?Jeroulesurlecôtéetjeleregarde.Elliotpousseungrossoupiretcroiselesmainssursonventre.—Tusaisqu’il n’a toujourspas fait soncomingout.Audébut, évidemment, jem’en
fichais.Jenevoulaispaslebrusquer.Enfinbref,jelecomprenaisetjemedisaisque,letemps aidant, on finirait par sauter le pas tous les deux. Je pensais être celui quil’aiderait à changer, que je réussirais à lui donner le courage et la confiance qui luimanquaient…Aujourd’hui,çaressembleàunemauvaisecomédie.Jesaisqu’onnepeutchanger personne.Seulement tu vois, Penny, je suis fatigué de rester dans l’ombre.Laphotodenousauconcertn’afaitqu’amplifierleproblème.Alexacomplètementflippé,ilm’apresqueaccusédel’avoirfaitexprès.Iladit…
Savoixsebrise,etj’ailecœurquiseserre.— Il a dit qu’il aurait préféré ne jamaism’embrasser, etmême nem’avoir jamais
rencontré.C’étaithorrible,jemesuissentitellementhumilié.Ilfermelesyeuxpouréviterdepleurer,maisquandillesouvreetqu’ilrecommenceà
parler,savoixestd’uneduretéquejeneluiconnaispas–ondiraitcelledesonpère.—C’esttristedemettreautantd’espoirenquelqu’unetdes’apercevoirqu’onaeu
tort.Alorsvoilà,çanepouvaitpascontinuer.Malgrésondétachement,jenecroispasl’avoirvuaussibouleversé.Jesais,lorsqu’il
souffre,qu’ilpréfèreétouffertouteémotionplutôtquemontreràquelpointilestmal.—Oh,Wiki, c’est horrible. Mais tu n’y es pour rien. C’est un problème qu’Alex doit
surmonter lui-même. Tu n’as rien fait de mal en voulant que tes sentiments soientrespectés.Ilnepeutpaséternellementcachertonexistence.
Jeleregardeettenteunsourirepourvoirsi,parhasard,j’airéussiàluiremonterunpeulemoral.
—Jesais,Penny.C’estjusteque…jel’aimebien.Jeveuxdirevraimentbien.—Tuveuxdirevraiment,vraimentbien?—Oui,vraiment,vraimentbien.Onsedévisageetnotrecompliciténousarracheunrire.Elliotsautedulit.— Regarde-nous, Penny. On est là, à ruminer nos malheurs comme si plus rien
n’existait.C’estnul.NoussommesàParis,nomd’unchien !Au lieudenous lamentersurnos mecs, sortons nous éclater. Noah t’a peut-être privée de Journée Magique etMerveilleuse,pasmoi!
—Biendit,Wiki!Tiens,jeconnaismêmeuneruequetuvasadorer!DirequemonescapadeavecLeahremonteà…hier.J’ail’impressionquec’étaitily
adessiècles.—Elleestpleinedeboutiquesdecréateurset…Ilplisselefront.—Depuisquandest-cequetuconnaislesruesàlamode,toi?—C’est Leah qui m’y a emmenée. Elle m’a habillée de la tête aux pieds pour la
soiréed’hier.
Jen’aipasfranchementenviedevoirlesphotosdemoietNoahsiheureux,maisjesorsquandmêmemontéléphonepour luimontrercellequeLeahaprisedemoiavantquenousquittionsl’hôtel.Elliotécarquillelesyeux.
—Attends,tuesentraindemedirequeNoaht’aplaquéeaprèst’avoirvuecommeça?Pardond’êtreaussifranc,Penny,maiscetypeestuncrétin.
Je sens les larmes revenir et je me dépêche de glisser mon téléphone dans mapoche.
—Sijeressemblaisàçaplussouvent,jeseraispeut-êtreassezbienpourlui.—Oh,non!s’exclameElliot.Cen’estpaslaPennyquejeconnais,ça.S’iln’estpas
capabledet’aimertellequetues–ilmontremonleggin,machemiseetmescheveuxenbataille–,alorsilneteméritepas.Tun’espasuneprincesse,Penny,tuesunereine.Etlesreinesméritentduchocolatchaudetdescroissantspourleurpetit-déjeuner.Alorsenroute!
ChapitreQuarante-Quatre
Des croissants croustillants trempés dans un délicieux chocolat chaud et veloutédevraient être prescrits à tous les amoureux en peine. Je suis presque sûre que laserveusen’apasappréciéqu’onluicommandelessixderniersdesafournée,maiscelanenousapasarrêtés.Elliotl’aamadouéeavecsonbabillageenfrançais,etilsontfinipars’échangerdestuyauxsurlesmeilleursmacaronsdeParis.
Elliotparletellementbienquejemepâmechaquefoisqu’ilouvrelabouche;unticqu’ilcommenceàtrouveragaçant.
Notre petit-déjeuner terminé, nous marchons jusqu’à la rue que Leah m’a faitdécouvrir.Le souvenir de tous leseffortsque j’ai déployéshierpourNoah, etpourenarriverlàcematin,m’envahitdetristesse.Chaquefoisquemonregards’assombrit,Elliotouvrelesaccontenantlerestedenoscroissantsetm’endonneunmorceau.
Notre réserve épuisée, vers midi, nous nous consolons avec deux croque-monsieurcouvertsdefromagegrilléetuneénormepartdetarteauxpommes.Quioseprétendreque manger ne résout pas tous les problèmes ? La nourriture et les meilleurs amisconstituentlacombinaisonparfaite,leremèdeidéal.
Aprèsledéjeuner,nouspartonspourlepontdesArts,lefameuxpont«auxcadenasd’amour».Elliotestbiendécidéàentrouverun,àécrirenosdeuxprénomsdessusetàl’accrocher en hommage à notre amitié éternelle. Hélas ! tous les cadenas ont étéenlevés et une immense pancarte interdit d’en accrocher de nouveaux. Leur poidsmenaçaitlastructuredel’édifice.
Elliotestdéçu,maispasmoi.Jenesuispascertainequ’uncadenassoit lemeilleurobjet pour symboliser l’amour. Je préfère l’image du pont sur lequel nous sommes :l’amour comme une passerelle entre deux cœurs qui autrement seraient à jamaisséparés.Lescadenasmerappellenttouslesproblèmesquej’airencontrésavecNoah:aucunn’étaittrèsgrave,maismisboutàbout,ilsontfiniparnousbriser.
—OK,tantpispourlescadenas,décrèteElliot.Quedis-tud’unebaladeromantiquelelongdelaSeine?
Sansattendremaréponse,ilmeprendlamainetm’entraîneaveclui.—Tusaisqu’ilyaplusdetrentepontssurlaSeineàParis?reprend-ilauboutd’un
moment.
—C’estfou.J’ail’impressiond’enavoirdéjàcroiséunebonnedemi-douzaine.Jeposematêtesur
sonépaule,etnouscontinuonsdemarcher le longdufleuveenregardant lesBateaux-Mouchesglissertranquillementsurl’eau.
—Oh,regarde!IlmemontrelatourEiffel.Bien qu’elle me fasse tout de suite penser à Noah, et à notre Nuit Magique et
Merveilleuse ratée, je ne peux m’empêcher d’admirer sa grandeur et sa majesté. Sasilhouettedemétals’élèvegracieusementdans lebleupurducielet jesensmoncœurs’arrêteruneseconde.
Elliotm’attrapelamainetnouspiquonsunsprintversl’esplanade.Lescentainesdetouristesnousobligentàralentirpuisànousarrêter.Elliotémetun
sifflement impressionné.Moncœurs’arrêteànouveau:ungroupedetouristes japonaisvientdes’écarter,révélantunepalissadecouverted’affichespourlatournéedeNoah.UnephotodesSketchoccupequasimenttoutelaplacemaisjenevoisquelui.
Ilasonair«dieu-du-rock-ultra-canon».Saufquecen’estplusmondieu-du-rock-ultra-canon.Je suis sur le point de m’effondrer, quand j’entends IWill Survive surgir d’un haut-
parleuràcôté.Unhommed’unequarantained’annéeschanteetdanseàcôtéd’unampli.D’abord,
j’ai presque honte pour lui – vous connaissez beaucoup de monde, vous, capable dedansersurunvieuxtubediscodelafindesannées’70enpleinmilieudeParis?Puislesparolesmefrappent,résonnentet,toutàcoup,lasituationmeparaîttellementabsurdequej’aienviederireetdepleureràlafois.Tantd’émotionsmetraversentquejenesaispaslaquelleexprimer.
Jeme tourneversElliot, unpeudésemparée.Lui sembleavoir tranché,parcequ’ilsouritjusqu’auxoreilles,clairementheureux,etmetendlamain.Jemelaisseentraînereton se retrouve à danser comme des imbéciles sous la tour Eiffel en hurlant « I willsurvive».D’autrescouplesnetardentpasànousimiter.Commesionvenaitdecréerunflashmobparisiengéant!
J’ail’impressiond’êtredevenuefolle,maisjemesenslibre.Etsurtout,cequinem’estpasarrivédepuisbienlongtemps,jemesensmoi-même.
3juillet
Compilspécialechagrind’amour
Vousconnaissezcejourdontonestsûrqu’iln’arriverajamais?Celuiquineviendrapas,dût-onvivreplusd’unmilliond’années?Ehbien,onyest.BrooklynBoyetmoi,c’estterminé.Jen’aipas la forced’enécriredavantagepour lemoment.Toutceque jepeuxdire c’est qu’un chagrin d’amour n’est pas facile, mais il paraît que la musiqueguérit l’âme. Alors, avecWiki, on a fait une compil desmeilleures chansons pourtraverserlatourmente.Lavoici:1.SomeoneLikeYou–Adele2.Irreplaceable–Beyoncé3.WeAreNeverEverGettingBackTogether–TaylorSwift4.EndOftheRoad–BoyzIIMen5.IWillSurvive–GloriaGaynor(merciaumusiciendesruesdeParisavec lequelnousavonsdansésouslatourEiffel,hier)6.SinceUBeenGone–KellyClarkson7.ForgetYou–CeeLoGreen8.WithoutYou–HarryNilsson9.IWillAlwaysLoveYou–WhitneyHouston10.YouCouldBeHappy–SnowPatrol11.TheScientist–Coldplay12.WithorWithoutYou–U213.Survivor–Destiny’sChild14.SingleLadies(PutaRingonIt)–Beyoncé15.LosingGrip–AvrilLavigneCetteplaylistpeutvousremonterlemoral,vousfairepleurer,oulesdeux–auquelcas,vousetvotremeilleur(e)ami(e)pouvezfinirendansantsurSingleLadiesdeBeyoncé,sautantàquimieuxmieuxsurvosdeux lits jumeauxdansuneminusculechambred’hôtelàParis.
GIRLOFFLINE…etplusjamaisonlinexxx
ChapitreQuarante-Cinq
Dans l’Eurostarquiquitte lagareduNordpourmeramenerenAngleterre, jepose latêtesurl’épauled’ElliotetregardeParisdisparaître,deplusenplusvite,parlafenêtre.C’estbizarredelaisserNoahderrièremoi,demedirequ’ilcontinuetoutseulunvoyagequ’on a commencé à deux et qui s’achève sur notre… séparation. LaVéritéVraie afinalementatteintsonbut:NoahetPennynesontplusensemble.
Tantdepromesses,debonheuretd’espérancepourenarriverlà–untrainlancéàtouteallurequejenepeuxpasarrêter.
Maintenantque jesuisvraimentsur lechemindu retour, jenepeuxm’empêcherdefairececonstatdouloureux :onn’aura jamaiseu,Noahetmoi,dedernièrediscussion,d’étreintefinale,nidebaiserd’adieu.Jen’airienreçu–pasunmot,pasunsigne.CommesiNoahs’étaitréveillésansserappelerquij’étaisoumêmequej’existais.
—Àquoitupenses?medemandeElliot.Je reste silencieuse, mais c’est Elliot, mon meilleur ami, et, bien sûr, il connaît la
réponse.—Neteprendspastroplatête,medit-ilgentiment.TuasdemandéàNoahdene
paschercheràtejoindre.Aumoinsrespecte-t-iltonvœu.J’émets un grognement évasif en me serrant un peu plus dans le cardigan dema
mère. J’ai hâted’êtredanssesbras. J’enai vraimentbesoin– toutcomme j’aibesoind’oublierquecetrainnevapastarderàentrerdansuninterminableetprofondboyausouslamer.
Leproblèmen’estpasquej’aidemandéàNoahdenepasm’appeler;leproblème,c’estquejepourraisêtren’importeoù,avecn’importequi,ils’enfichecomplètement.Jepourrais aussi bien moisir dans un fossé. Je suis sûre que Larry lui a dit qu’il m’avaitdéposéeàlagare.Noahauraitaumoinspuaffrontermondépart,ounotrerupture–aulieudecevidesidéral.
Jenepeuxm’empêcherderevoirenbouclelemomentmagiquequ’onavécusurlaterrasseduWaldorf-Astoria,àNewYork,pendant lesvacancesdeNoël.C’est làqu’ilm’aembrassée lapremièrefois,et jemesouviensavoirpenséqueriennipersonneneseraitjamaisaussiparfait.Unautresouvenirmerevientàl’esprit:celuidupremierjourque nousavonspasséensemble.Noah, comprenant tout de suite l’esprit des Journées
MagiquesetMerveilleuses,m’aemmenéedansunpetitrestaurantitalienoùnousavonsridesmêmeschosesenengloutissant des spaghettis.Cequi sepassait entre nousétaitimpossibleàignorer.Luietmoi,c’était…évident.
Ça n’a jamais été banal entre nous. Je faisais demonmieux pourme comporternormalement, mais chaque fois que je le regardais, mon cœur battait comme un fou.J’étaissonévénementperturbateur,c’étaitnotrehistoire,etelleachangénosviespourtoujours.
Quandjel’aivulatoutepremièrefois,danslagrandesallederéceptiondel’hôtel,ilétaitseulàlaguitaresurlascène; jecroyaisqu’ilétaitlechanteurdumariage.Jel’aitrouvétellementfragileetmystérieux!
Quand est-ce que tout s’est mis à dérailler ? Comment a-t-on laissé les chosesarriver jusque-là?Qu’estdevenu leNoahque jeconnaissais?C’estcommesichaqueétapedelatournéeluiavaitarrachéquelquechosequej’aimais,jusqu’àcequ’ilnemerestequ’uninconnu.
Tandisqu’Elliot,bercéparlessecoussesdutrain,finitpars’endormir, jemedisquetoutestmafaute.J’auraisdûmedouterqueçaseproduirait. Jemesuis lancéedansl’aventureenmedisantqueçaallaitêtrecommedanslesfilms.Lejeunerockeurdevientcélèbre,tombeamoureuxd’unefille,etilsviventheureuxjusqu’àlafindeleursjours.Maisonn’estpasdansunfilm.C’estlavraievie.Etlavraievie,parfois,çacraint.
Montéléphonequivibrem’arracheàmespensées.C’estuntextodemaman.
Maman:Pennychérie,papaetmoit’attendonsàlagaredeSaint-Pancras.Onesttellementheureuxdeterevoir!Papaapréparésatartepaysannepourdîner–tapréférée. On va aussi regarder Elfe, même si on est aumois de juillet. On peutaussienfilernospyjamasdeNoëlsituveux?§xxx
Sonmessageme fait sourire. Je n’ai pas raconté tous les détailsàmesparents,mais ilsmeconnaissentassezpourdevinerque jenesuispasaumieuxdemaforme.QuandjeleuraiparlésurSkype,monmentons’estmisàtrembleretmavoixàdérailler.Ils ont compris que ce n’était pas le moment de m’interroger et que leurs questionsattendraientmonretour.
Mesparentssonttellementattentionnés–unpetitpeutrop,parfois.Jesaiscequ’ilsvontfaire:desfournéesdecookies,matin,midietsoir,m’emmenerdansmesboutiquespréféréesetsedonnerunmaldechienpourmerendrelesourire.Heureusementqu’Elliotest venu à Paris me remonter le moral. Si j’avais dû rentrer directement chez moi,j’aurais été écrabouillée par la sollicitude demes parents. Il n’y a rien demal à êtreaimée–mesparentsneveulentquemonbonheur–,maisc’estparfoisétouffant.
Pourl’heure,leseulétouffementquejedésireestceluidemacouette.Jerêvedemevautrerdanslesprofondeursdemonapitoiement,demangermonpoidsenglacesetdedisparaîtredelasurfacedelaterre.
Jesoupireet,avantd’entrerdans le tunnel (auquel jeREFUSEdepenser), je tapeviteuneréponseàmamère.
Penny:Merci,maman.Contentedevousvoirmoiaussi.MaispasdetrucsdeNoël,
Penny:Merci,maman.Contentedevousvoirmoiaussi.MaispasdetrucsdeNoël,s’ilteplaît.Parcontre,miam-miam,latarte!xxxx
À l’heure qu’il est, Noah doit être en train de se préparer à quitter Paris pour laNorvège.Ensuite,ils’envolerapoursatournéemondiale.
Etmoi,quevais-jefairedemavie,maintenant?
ChapitreQuarante-Six
Lesnouvelles vont vitequand il s’agit deNoahFlynn.Àpeine sommes-nousentrésengare,etenfinreconnectésauréseau,quejesuisbombardéedemessagesetd’alertes.
—Waouh,Penny,tuasvuça?meditElliotenmetendantsontéléphone.Launed’uncélèbremagazinepeoples’étaleengrosseslettressursonécran:
NOAHFLYNNCÉLIBATAIREÀVOSMARQUES,LESFILLES!
VOTREBROOKLYNBOYPRÉFÉRÉESTENFINDISPONIBLE
Lesattachésdepressen’ontpasperdudetemps.Mais…disponible?Etpourquoipas«àsaisir»?Commes’ilétaitlegroslotd’unefêteforaineoulederniersmartphoneensolde!Jecroyaism’êtrehabituéeauxmédias,àleurfaçonbrutaled’attirerl’attentionet à leurs gros titres racoleurs. Cette fois pourtant, ils ont raison. Noah Flynn est, eneffet,célibataire.Seulement,jenepensaispasqu’ilvoudraitlefairesavoiraussivite.
J’ai l’impression que tousmes contacts se sont donné lemot pourm’envoyer leurscondoléances.Jefaisdéfilerlesmessagesenhésitantentrelerireetleslarmes.
Kira:Oh,Penny,jeviensjusted’apprendrelanouvelle.ÇaCRAINT.Fais-moisignedèsquetuveuxrevoirdumonde,jeviendraiavecdestasdebonbonsetmesfilmsd’horreurpréférés !Riendemieuxqu’Insidious+ParanormalActivitypoursoignerleschagrinsd’amour…xxAmara :Jecroyaisquevousdeux,c’étaitpour lavie.Kiraditqu’elleapporte lesfilms…Jeviendraiaveclaglaceetlepop-corn!xoMegan:DIS-MOIQUEC’ESTFAUX!!xx
J’aimêmereçuunmaildeMissPégase.
De:MissPégaseÀ:GirlOnline
Objet:Tapageetconfusion
Salut,Penny,Ce petit message pour te dire que je pense très fort à toi. Je suis désoléed’apprendrepour toi etNoah.Tusaisque je suis là, si jamais tu veuxparler.Tudois avoir l’impression que le monde entier te tombe dessus, mais rassure-toi :j’adore absolument ce que tu fais, je te trouve ultra talentueuse et supercourageuse.Personnellement,jen’auraisjamaisosémelancerdanscettetournée,etjepariequetut’estoi-mêmesurprise.Bref,jesuissûrequeNoahvaretrouversesespritsetvenirsejeteràtespieds(out’enlever).Lesmecsfonttoujoursçaàlafin,non?
PGxx
Personnellement,jenecroispasqueNoahvavenirsejeteràmespiedsdesitôt.Etjenesuispassûred’enavoirenvie.
Je suis vissée à mon téléphone depuis un moment quand Elliot me l’arrache desmains.
— Penny Chou, ton visage passe par tellement de couleurs que ça ne peutCERTAINEMENTPASêtrebonpourtoi.
—Bienvu,Wiki.Ilaraison,onnevapastarderàarriver,etjeveuxfairebonnefiguredevantmes
parents.—Jenevaispasmelaisserminerparcettehistoire.Saufquemesparentsm’attendent justede l’autrecôtéde la sortiede l’Eurostar,
que je me jette dans les bras de ma mère, et que toutes mes bonnes résolutionss’envolent: jefondsenlarmes.Deretourchezmoi, jesuisobligéed’admettrelavérité:Noahetmoi,c’estterminé.
Pourdebonetpourtoujours.
ChapitreQuarante-Sept
Lasemainesuivante,jem’enfoncechaquejourdavantage.Jepassedesheuresassisedanslefauteuilprèsdemafenêtre,latêtecontrelavitre,emmitoufléedansmacouette.Sionmeprenaitenphoto,onpourraitl’intituler:Portraitd’unetristesseremarquable.
Commepromis,lesjumellesorganisentpourmoiunfestivaldefilmsd’horreur,maisjesuistellementapathiquequejetressailleàpeinedevantParanormalActivity.Cequi,dema part, est complètement anormal. D’habitude, je m’agrippe comme une folle àl’accoudoir du canapé et pousse des hurlements de panique à l’apparition dumoindrefantôme.Mêmeleventquandilsifflecontrelesfenêtresmeterrorise.Maislà,rien.
Je n’ai aucune nouvelle de Noah. J’ai beau me l’interdire, je passe mon temps àvérifier s’il est sur Skype. Je le file aussi sur Twitter, Instagram et tous les réseauxsociaux,traquantsespostscommeunedesesfanshystériques.ElliotvientmevoirtouslesjoursenrevenantdeLondres.JepassetellementdetempsàscruterlesapparitionsdeNoahsurleNetqu’ilm’obligeàtenirlecomptedemesheuresdeconnexion.
Lejouroùj’arriveàdixestuntrèsmauvaisjour.Parfois, j’aimeraisressemblerunpeuplusàElliot.Safaçond’encaissersarupture
avecAlexconsisteàlerayerpurementdelacarte–supprimersonnumérodetéléphonedesescontacts,lebloquersurtoussescomptes,éviterlaboutiquedefripes–etfairecommes’iln’existaitpas.Jesuis incapabled’enfaireautant.Chaquefoisque jequittemachambre,c’estpourentendreAutumnGirlquelquepart,quecesoitàlaradiodanslavoiture, en passant devant un café ou dans les rayons du supermarché. À croire quecettechansonmepoursuit.C’estd’ailleursunedesraisonspourlaquellejenequitteplusmonfauteuilprèsdelafenêtre.
Jesaisqu’àvivrecommeunzombie,jegâchemesdernièressemainesdevacancesetdeliberté.Jesaisaussiquejenepeuxpas,enattendantd’allermieux,coupertoutesles radios de la planète. Et je sais bien que je devrais cesser de rafraîchir sa pageTwittertouteslesdeuxsecondes.Mais,sansElliotpourmedistrairependantlajournée,iln’yaquelescrisdesmouettesouceuxdemonpèredevantunmatchdefootpourmetirerdemonétatvégétatif.
La faute à qui, Penny ? C’est toi qui as choisi d’être à la remorque de ton petitcopainaulieudesuivretespassions.
Parfois,jehaislapetitevoixdemaconscience.
12juillet
Commentréussiràsesevrerdequelqu’un
Pris dans les tourments d’une rupture, rien de plus facile que se transformer enSherlockHolmesdes tempsmodernes. Instagram,Twitter,Snapchat… il suffitdequelquesclicspoursavoirinstantanémentcequefontlesgens.Jenesuispassûrequecesoitunesibonnechose.Pousséparunesortederageobsessionnelle,onseretrouveàépluchertouslesréseauxsociauxjusqu’àdénicherlapreuve,forcémentaccablante,quevotreexabien tourné lapageetnepenseplusdu toutàvous.Maispeut-onvraimentjugerl’étatd’espritdequelqu’un,ousonhumeur,àpartird’untextedecentquarantecaractères?Jedoisreconnaîtrequec’estdifficile.Onveutsavoiretenmêmetemps,onneveutpas.Cedilemmepeutvous réduireenmiettes.Faireunefixettesurquelqu’unestmalsain, tout le monde le sait. Faire une fixette sur quelqu’un de connu, enl’occurrence LA star du rock montante, est un grand huit émotionnel permanent,parceque jesuis loind’être laseuleadmiratricedeBrooklynBoy:descentainesd’autres,surTumblr,Facebook,oun’importequelsitedefans,fontlamêmechosequemoi.Sijevoulais,jepourraissavoirsesmoindresfaitsetgestes…J’aieuquelques journéesnoires,où jemesuis laisséprendreaupiège.J’aimêmeété jusqu’à suivre le fil des followers de followers de Brooklyn Boy sur Twitter,autrementdit,àsuivreunflotcontinudevidéos insignifiantesetdemessagessoi-disantstimulants–comme«s’éclateraumaxetmourirjeune»–presquetoujoursécritsenlettrescapitales.Unrecorddedéprimepourmoi.Puis j’aidécouvert lemeilleurmoyendesesevrerdequelqu’un:coupertoutes lesradiosenvue, refuserdemonterdansunevoituredont leconducteurnemettraitpasunCDjoyeuxetéviterlepluspossibleInternet.En réalité, je n’aipasdeconseilàdonner,parcequ’il n’yapasde recettepourréussir à se détacher de quelqu’un. C’est le genre de situation où chacun faitcommeilpeut.Toutcequejepeuxdire,c’estqu’ilfauts’accrocher,êtrefortetsebattrepourrepousserlebesoinurgentdetoutrafraîchir,touslesjours.
GIRLOFFLINE…etplusjamaisonlinexxx
ChapitreQuarante-Huit
J’enfouismonordinateuraufonddemonpanierdelingesaleet,pourmieuxl’oublier,jedécidededéfaireenfinmavalise,quitraînetoujoursdansuncoindemachambre.J’aitrèspeurdessouvenirsqu’ellecontient.
Je prends une profonde inspiration et je l’ouvre – un parfum que je connais bienm’assailleaussitôt:celuideNoah.Toutmelerappelle.Peut-êtrequ’unetransplantationdecerveaumeferaitdubien?
Je soupire et je regarde par la fenêtre. Au moins ai-je une belle vue depuis monfauteuil : lasuccessiondesmaisonsauxcouleurspastelet,au loin, lescrêtesblanchesdesvagues.Maisjen’aipaslecœuràprendreunephoto.
—Salut,Pen,çava?L’apparition de Tom dans l’encadrement de ma porte me fait sursauter. Je suis
tellement absorbée dans ma séance d’autoapitoiement que je n’ai pas entendu lecraquement de l’avant-dernière marche de l’escalier, qui d’habitude m’alerte desintrusionssurmonterritoire.
Tomentreet,ennaviguantentrelestasdelingesaledispersésunpeupartout,vients’asseoirauborddemonlit.
—Salut,Tom.Jequittelafenêtrepourm’asseoiràcôtédelui.— Pasmal ton expo de fringues, mais un petit peu… envahissante, non ? dit-il en
ramassantunjeanrouléenbouleàsespieds.—Oui,c’estlebazar, jesais.Seulement…Pff, jen’aipaslecouragedefairequoi
que ce soit. Je me suis brossé les cheveux pour la première fois de la semaineaujourd’hui.Jenemesouviensmêmepasàquandremontemonderniershampoing.
Ilmeregarde,enfronçantlenez,passerlamaindansmatignasse.—Tun’aspeut-êtrepasenviedel’entendre,Penny,maisjeteledisquandmême:tu
doistesecouer,mavieille.Personneneméritequ’onsemettedansunétatpareil,et jedétestetevoircommeça.J’ail’impressionquequelqu’und’autreestrevenudelatournéeàtaplace.Tudoisteressaisir.Jepariequetunesaismêmepasoùesttonappareilphoto.
—Biensûrquesi!Ilest…
J’aibeauscrutermachambre,jenelevoispas.—Ne tefatiguepas, je te l’aipiquépourvoirsi tu t’apercevraisdesadisparition.
Apparemment,cen’estpaslecas.Illesortdederrièresondosetleposeentrenous.Jeleregarde,posésurmonlit,et
c’estcommes’ilmenarguait.Tutesouviensquetuteservaisdemoi,avant?(Voixplaintive)Tu te souviens de toutes les photos de Noah que tu as prises avec moi ? (Voix
narquoise)J’aipresqueenviedevomir.—Tupeuxlegarder.Jen’enveuxpas.—Hein?C’estquoi,cettehistoire?C’estàcausedeNoah?Jelèvelesyeuxauciel.—Quelleperspicacité.Ilposel’appareilsurmesgenouxetmeforceàmettrelesmainsdessus.—TuesunePorter,Penny,etpermets-moidetedirequelesPorternebaissentpas
lesbras. Ils luttent jusqu’aumomentoù ilss’ensortent.Enfin,sionexcepte l’épisodeoùpapaavoulusemettreàlaplongée…Onnepeutpasdirequ’ilaréussi,maispouravoirlutté,ilalutté!
Illâcheunpetitrire.— Écoute, Penny, reprend-il comme je ne réagis pas, je me fiche pas mal que tu
gâchescequirestedetonété,maisgâche-leenfaisantaumoinsquelquechosequetuaimes.
Jemesenssecouée.Tomvientd’ébranler lemurquejesuisconsciencieusemententrain de construire autour de moi pour oublier Noah. Mon frère est plein de bonnesintentions.Ilestaussitrèspragmatiqueet,parfois,j’aimeraisluiressemblerdavantage.Ilnevoitpasdutout lemondecommemoi,etfinalementçamefaitdubiendel’entendreparlercommeça.
—Alors?Qu’est-cequetudécides?Jereposel’appareilphotosurmonlitetregardemachambre.Tomaraison:nonseulementjeperdsmontempsàruminerlepassé,maisenplusje
meperdstoutcourt.Jemelaissecomplètementdévaloriserparcettehistoire,alorsquej’ai des passions, moi aussi. Je me lève et je vais détacher du mur la couverture demagazinemeproclamant«petiteamiedeNoahFlynn».Je la regardeun instant,puisj’enfaisuneboulequeje laissetomberdansmacorbeilleetretournem’asseoiràcôtédeTomensilence.
— Ah, je te reconnais, Penny ! s’exclame-t-il en me serrant dans ses bras.Maintenant,àtoidejouer!
—Merci,Tom,tueslemeilleur.Ilquittemachambrequandmontéléphonevibresurmatabledenuit.J’espèreque
c’estElliot,deretourdeLondresavecpleind’anecdotessursajournée.Maisc’estLeah.
Leah:CoucouPenny,j’aiappriscequis’estpassé.Jesuisvraimentdésoléeetj’espèrevraimentqueçava… J’ai peut-êtredequoi te remonter lemoral : unepropositionqui
pourraitt’intéresser.Regardetesmails.Leahxx
Je lâchemon téléphonepourmeprécipiter surmonpanier de linge sale et libérer
monordidesonexilforcé.J’ouvremaboîtemailetj’ai,eneffet,unmessagedeLeah.
De:LeahBrownÀ:PennyPorterObjet:MÉGANOUVELLE
ChèrePenny,J’espéraisvraimentt’enparlerdevivevoix,mais,commecen’estpluspossible,tudevras te contenter de ce message ! Ceci est, bien évidemment, ABSOLUMENTconfidentiel,alors,s’ilteplaîtn’enparleàpersonneàl’exceptiondetesparents.Jen’aipaseul’occasiondeteparlerdemonprochainalbum,maisj’aidécidédel’intitulerLife inDisguise. J’ai écrit pasmal de chansons sur la façon dont, pourfairefaceàlacélébrité,j’aidûtravestiroucachermaviesentimentale,mesamisetparfoismêmemonidentité.François-PierreNouveauétaitchargédelaphotodecouverture,maisaucunedesespropositionsnemeplaît.Ellesonttoutesl’airpompeuses,artificielles.Bref,jeveuxquelquechosedenaturel.Delumineux.Desincère.J’aidoncdemandéàl’agencedefairedesessaisdecouvertureavectaphoto,tusais,cellequetuasfaitedemoiàRome,quandj’étaisdéguiséejustement.Tut’ensouviens?J’adorecettephoto,elleesttellementparfaite.Etellel’estencoreplussurlapochettedemonalbum.Pourquoinejettes-tupasunœil?(regardeenpiècejointe)Est-cequetucroisquejepeuxl’utiliser?Jete joinsaussiuncontrat–avectousles détails techniques, juridiques, ta rémunération, les droits d’auteur, dereproduction,etc.Jepeuxtemettreencontactavecunavocatsituasbesoind’unconseilavisé.Ensuite,sicelateconvient,tun’aurasqu’àm’envoyer l’imagehauterésolution!J’espère vraiment que cette pochette te plaira autant qu’à moi. Tu es unephotographestupéfiante,Penny!Tumemanquesdéjàsur la tournée.Etdèsque je reviensenAngleterre, tupeuxêtresûrequemapremièrevisiteserapourtoi–etpasquestiondemedirenon!Tonamie,
Leahxx
Mamaintremblequandjecliquesurlefichierattaché.Etelleestlà!MaphotodeLeahencouverturedesonalbum.ENCOUVERTUREDE
SONALBUM ! Le haut a été coupé, on ne voit donc pas que la photo a été prise à
Rome, etmême si Leah n’est pas lamême, avec sa coupe au carré et son rouge àlèvresvif,onreconnaîtcetteauraquin’appartientqu’àelle.Letitre,LifeinDisguise,estécritenbas,accompagnéde lasignaturecaractéristiquedeLeah : unpetit cœurau-dessusdelalettre«a».
C’estréel.Lesmotsdemonfrèrerésonnentdansmatête:«faisquelquechosequetuaimes».
J’aimelaphoto.Passionnément.C’estunrêvequejepeuxpoursuivre.J’attrapemon téléphoneet j’envoieàLeahune ribambelled’émoticônes tout juste
capablesd’exprimerlemélanged’excitation,defiertéetdestupéfactionquim’envahit.Montéléphonebipeaussitôt.Maiscen’estpasLeah,niElliot.C’estAlex.
Alex:Penny,onpeutsevoir?
ChapitreQuarante-Neuf
J’acceptederencontrerAlexlelendemainmatin.Ilm’adonnérendez-vousauFlourPotBakery,danslequartierdesLanes.Intimeetchaleureux,cecaféestl’endroitidéalpouruneconversationtranquille.Enrevanche, jenevoispastropcequ’Alexpeutvouloirmedire.J’enaidespicotementsauboutdesdoigts.J’aiaussidesscrupulesàlerencontrerdans ledosd’Elliot,desscrupulesquihurlentTRAHISON!,mais je les ignore.ParcequeAlex m’a fait une autre requête en me demandant de venir : garder notre entrevuesecrètejusqu’àcejel’aieentendu.
J’aurais pu l’envoyer promener, après tout le mal qu’il a fait à Elliot, mais je suisintriguée. Alex est aussi devenu un ami au cours de l’année dernière, un bon ami, et ilméritequejel’écoute.
Ilestassisaufonddelasalle,àunepetitetable,devantuncappuccino.Masquermastupeurestunexploit,maisj’yparviens.Alex,quej’aitoujoursconnutrès
élégant,estméconnaissable.Ilal’airmiteux,etsonregardestcomplètementéteint.Nonseulementilporteunsweat-shirtàcapucheéliméauxpoignets,maissescheveuxnesontpas lavés depuis des jours, et il a les joues creuses. J’éprouve aussitôt un élan desympathie.J’étaisaussipitoyablequeluicettesemaineet,siElliotrestelepremierdansmoncœur,çanem’empêchepasdecompatiràladouleurd’Alex.
—Mercid’êtrevenue,Penny,medit-ilenpoussantsonsacàdospourmelibérerlachaise.
—Derien.Jem’assois,etunsilencegênants’installe.C’estmoiquilebrise.—Commentçava?J’imaginequec’est…difficile.—Difficileestuneuphémisme,lâche-t-ildansunsoupiravantdeboireunegorgéede
soncappuccino.Jedécided’allerdroitaubut.—Alors,dequoiveux-tumeparler?Jeleregardeetjetenteunsourireencourageant.—J’aitoutfoutuenl’air,Penny.Tulesaisaussibienquemoi.Elliotesttoutemavie,
etjel’aijetéparcequej’avaistroppeurdemessentimentsetduregarddesautres.Ce
n’étaitpasfacilepourmoi,tusais…Elliotestleseulgarçonavecquijesuissorti.Jeleregarderemuerlamoussedesoncaféavecsacuillère.—Aprèsnotrerupture,j’aifinipardireàmesamisetmafamillequej’étaisgay.Jemanquedem’étrangler.—Tuleurasdit?C’esténorme,Alex!Commentont-ilsréagi?Unfaiblesouriresedessinesurseslèvres,etilhausselesépaules.—Honnêtement,jenesaispaspourquoiçamefaisaittellementpeurd’enparler.Ils
sont toussupercoolet trèsheureuxpourmoi.Enfait, j’étais leseulàquiçaposaitunproblème.
—Arrête,Alex,çan’avait riend’évident,onnesait jamaiscommentpeuvent réagirlesgens.Etfranchement,tum’impressionnes.C’estgénial!
—Oui,maismaintenant, le seul à qui je veux parler refuse dem’écouter. Elliot nerépondniàmesappels,niàmestextos,niàmesmails…
Illaissetombersonmentondanssesmainsetmeregarded’unairàlafoisaccabléetpleind’espoir.
Je n’ai aucun mal à me mettre à sa place. Elliot est du genre tout ou rien. Il estcapablede tout sacrifierparamour,maisquand il coupe lesponts, il peut semontrerd’uneduretéimpitoyable.Surtoutquandilsouffre.
—Disonsqu’Elliotest…commeElsa,dansLaReinedesneiges,ilabesoindetempspourseréchauffer.
—Tucroisquejenelesaispas?—Jesaisqu’ilt’apprécie,Alex.Jenel’aijamaisvuaussiheureuxqu’avectoi.Ils’adosseàsachaise.—Qu’est-cequejepeuxfairepourqu’ilm’écoute?S’ilnerépondpasàmestextos
niàmesappels,qu’est-cequimereste?Jenepeuxpasdébarquerchezlui,iln’ouvriramêmepas.Jedoistrouverlemoyendecaptersonattention.
—Quelquechosed’énorme.Ungrandgeste.—Untrucinattenduetmémorable.Ilsepencheetmeprendlamain.—C’estpourçaquejet’aidemandédevenir,Penny.Pourquetum’aides.Tuesma
dernièrechance.Sans toi, c’estmort.Tuessameilleureamie, tu leconnaismieuxquepersonne.
Il est clair qu’Alex regrette ce qu’il a fait, et je sais qu’Elliot ne vit pasmieux leurrupture.
— Je peux l’inviter quelque part, lui faire croire qu’on va faire quelque choseensemble,alorsqu’enfaittuluiauraspréparéunesurprise.Qu’est-cequetuenpenses?
Ilseredresseetécarquillelesyeux.Jevoissafébrilitéetsonespoirrenaître,maisavantd’allerplusloin,j’aibesoinqueleschosessoientclaires.Alorsj’ajoute:
—Attention,Alex,quoiquetufasses,Elliotdoitêtrecertainquec’estdusérieux,quetuesprêtàvivrevotrerelationaugrandjour.
—Évidemment,Penny!Jeveuxêtreaveclui.Jeveuxquelemondeentiersachequejesuisamoureuxd’ElliotWentworth!
Ilcriesifortquelesclientsseretournentpournousregarder.J’éclatederire.
—Ducalme,Alex,ouceneseraplusunesurprise!Oh,c’esttropromantique.Sauf
—Ducalme,Alex,ouceneseraplusunesurprise!Oh,c’esttropromantique.Saufquemaintenant,ilfautsecreuserlesméninges.
—J’aidéjàquelquespistes…On passe la demi-heure suivante à explorer toutes sortes de possibilités.
L’enthousiasmeet lapassiond’AlexpourreconquérirElliotmeremplissentde joie.Nousfinissonsavecunelistedeschosesqu’Elliotadorepar-dessustout:
•Lescouchersdesoleil;•Laplage;•Lamode;•Laculturegénérale;•Lespaillettes.
—Jesuissûrqu’onpeutréunirça,conclutAlex.Etplusviteonyarrivera,mieuxce
sera,parcequejen’enpeuxplusd’attendre.Ilposelesmainssurlesmiennes.—Mêmesi…mêmes’ilnerevientpas,jeveuxqu’ilsachetoutcequ’ilafaitpourmoi.
Ilm’adonnélecouraged’êtresincèreavecmoi-mêmeetaveclesautres.C’estça, levéritableamour :admettrequ’onaeutort,ettoutfairepourarranger
leschoses.MêmesiElliotnerevientpasversAlex,Alexauraaumoinsessayé.Etsionarriveàmettre sur pied ne serait-ce que lamoitié de ce qu’ona imaginé, ça vaêtremieuxquedansunfilm.
Jenepeuxpasm’empêcherdepenseràNoah.Pourquoineveut-ilpasarrangerleschoses?
ChapitreCinquante
Aprèsmon rendez-vousavecAlex, une visiteà la boutique demariage demamère,Pourlemeilleur,elleaussidanslequartierdesLanes,s’impose.
Àcestadedenotreconspiration,j’aibesoindeconseils,etmamèreestlapersonneidéale:nonseulementelleesttrèsforteenorganisationdegrossesréceptions,maiselleestaussitrèsdouéepourlespetitesfêtes.
Avecmonpère,ilssontd’unromantismeaffligeant.Quandcen’estpasluiquirevientàlamaisonavecunénormebouquetdefleurs,ouquiluilaissedespetitsmotsd’amour,avecparfoisuneblagueàlaquelleniTomnimoinecomprenonsrien,c’estellequiveilleàluirapportersondessertpréféréetquiluifaitcoulerdesbainsparfumés,unplaisirqu’iln’avouerajamais,maisqu’iladore.
Leur manège a parfois tendance à m’agacer, mais aujourd’hui, il me fait fondre.J’espère,quelquesoitl’éludemoncœur,quenousauronslesmêmesattentionsquemesparentsl’unenversl’autre.Leurcoupleestmonmodèle.
J’arriveàlaboutiqueavecunpetitpincementaucœur.Jen’yaipasremislespiedsdepuismondépartpourBerlin.
Mamèretermineunrendez-vousavecunefuturemariée. Ilyadeséchantillonsdetulleetdeperlespartout,etlajeunefemmesouritjusqu’auxoreilles.
— J’adore toutes vos propositions, Dahlia. C’est tellement féerique que je n’arrivepasàcroirequelejourapproche!
—Letempspassevite,répondmamèreavantdem’apercevoir.Oh,Penny!Quellesurprise!TuneconnaispasMlleYoung,jecrois?
—Enchantée,dis-jeentendantlamain.Maislajeunefemmel’ignoreetm’embrassesurlesdeuxjoues.—Quelplaisirceladoitêtredetravailleraumilieudetoutcebonheur!J’ai l’habitude de ces effusions : les futures mariées ont tendance à se montrer
sentimentales et euphoriques. Et pressées : je n’ai pas le temps de lui dire au revoirqu’elleestdéjàpartie.
—Penny,quellejoiedetevoirici!s’exclamemamèreenmeserrantdanssesbras.Jedoisadmettrequej’aiévitélaboutiquedernièrement.Letempledumariagen’est
paslerefugeauquelonpensequandonalecœurbrisé.Touscessymbolesd’amouret
defélicitééternelle…Onnepeutpasdirequej’enaivraimentbesoin.Jesuispourtantsurprisedenepasmesentirécœurée.C’estpeut-êtreàcausede
manouvellemission:SauverAlexiotdunéant.—Alors,chérie,poursuitmamère,commentças’estpasséavecAlex?Jemedoute
qu’ilnevapasfort.Ilestpassédevantlaboutique,cettesemaine;ilavaitvraimentl’airdéfait,lepauvre.
Elleramassedesbrasséesdetulle.—Tupeuxmettrelapancartesurlaporte,s’ilteplaît?Siunenouvelleclientearrive,
onn’aurapasletempsdedéjeuner!Bon,oùl’ai-jedoncmise…Elleouvreunplacard,puisunautre.—Ah,lavoilà!J’accrochel’étiquette«Pausedéjeuner–Retourà14h»surlaporteetjem’assois
dansunfauteuil.—Alexvabien.Enfin…non,ilvamal.Ilneseremetpasd’avoirrompu.Maisilafait
untrucénorme:ilaannoncéàsesparentsqu’ilestgay.—Oh,c’estformidable,chérie!— Carrément. Sauf qu’Elliot, à qui il aimerait le dire, ne répond à aucun de ses
appels.Alors,commeilveutaussilerécupérer,iladécidédetenterletoutpourletout,etdefaireuntrucénorme,dustylegrandgeste.Alors jemesuisditquetupourraispeut-êtrenousaider.Mais…qu’est-cequetufais?
Elle vient de plonger, tête la première, dans un grand panier rempli de sacs et dechaussures.
—Jeneretrouvepasmapetitepochettedoréeàlamaison–tusais,cellequetonfrèrem’aoffertepourmesquarante-cinqans.Elleestpeut-être là-dedans… Jecroisquej’ailaisséunbilletdedixlivresàl’intérieur,ladernièrefoisquejem’ensuisservie.
Lessacsetleschaussuresvolentautourd’elle.Jelaregardes’enfoncerdeplusenplusdangereusementdanslepanier.—Jesuislareinedesgrandsgestes,Penny,tuasbienfaitdevenir.Quelleestl’idée
exactement?AH,LAVOILÀ!Elle émerge en brandissant sa pochette. Elle la pose sur son bureau et vient
s’asseoiràcôtédemoi.—Alors,chérie,c’estquoi,l’idée?—Jenesaispastrop.Alexveutquecesoitromantique.Ilaimeraitqueçasepasse
quelquepartsur la jetée,maisElliotn’estpasunsuperfande l’endroit,àcausede lafêteforaine,desattractions, toutça– il trouvequec’estplouc.Enplus, jenesuispassûrequ’ilapprécielebruitdesmachinesàsouscommebande-sondeleursretrouvailles.D’unautrecôté,c’estlàqu’onaleplusbeaucoucherdesoleilsurlamer,etcommeAlexn’apasunbudgeténorme…
—Jesaiscequ’ilvousfaut!mecoupemamèreenbattantdesmains.Lekiosqueàmusique.L’endroitrêvé!J’aiorganisédestasdemariagesetdeséancesphoto,là-bas,etj’aitouslescontacts.Jepeuxvousarrangerça.Vousaurezlecoucherdesoleilsurlamer,l’intimitéquevousvoulezetAlexpourramêmemettrelamusiquequ’ilveut!Elliotvaadorer.
Jesavaisquemamèreauraitlasolution.Dèsqu’ilestquestiondefête,elleconnaîttoutettoutlemonde.
—C’estgénial,maman!Onpourradécorerexactementcommeonveut!Merci!Jemejetteàsoncouetjel’embrasseenriant.—Tucroisqu’onpeuttoutpréparerpour…jeudiprochain?—C’estcourt…Jevaisvoircequejepeuxfaire.Maisc’estuneénormefaveurque
tumedemandeslà,Penny.Jepeuxtedemanderunserviceenretour?—Biensûr!Toutcequetuveux!— M’aider ici, demain ? Jenny n’est pas complètement guérie, et le samedi est
toujoursmaplusgrossejournée…—Pasdeproblème,maman.Tupeuxcomptersurmoi.Ellemesourit.—Jesuisheureusedetevoircommeça.Ons’estfaittellementdesoucipourtoi,ton
pèreetmoi,depuistonretourdeParis.Tusaisqu’onaimaitbeaucoupNoah,maistusaisaussiqu’onestlà,etquetupeuxnousparlerquandtuveux,n’est-cepas?
Ellemeprendparlementonetm’embrasseleboutdunez.—Oui,jesais,maman.Jevaisbienmaintenant.Cen’étaitpaslecasjusque-là,mais
j’ai compris. On ne peut pas forcer le destin. Quand ça ne va pas, ça ne sert à riend’insister.C’étaitsuperdur,etquandc’estaussidur…
—C’estqueçanevapas.—Oui.J’avaisbesoind’unpeude tempspoursavoirceque jeveuxvraimentfaire
maintenant,tucomprends?Jeposelatêtesursonépauleetellemeprenddanssesbras.—Tuesunejeunefemmetrèscourageuse,Penny.Unequalitéquetutienssansdoute
demoi…Nousrionsensembleetjeremerciemabonneétoiled’avoirdesparentsaussicoolet
réconfortantsquelesmiens.J’envoieuntextoàAlex.
Penny:Quedis-tudukiosqueàmusiquesurlaplage?
Alex:Génial!
Penny:Cool.ToujoursOKpourjeudiprochain?
Alex:Etcomment!Tueslameilleure,Penny!
Ilnerestequ’undétailàrégler:trouverleprétextepouramenerElliotaubonendroitaubonmoment.Etlà,c’estàmoidejouer.
Alexaprisdesrisques;c’estmontouràprésent.— Maman, tu peux t’occuper du déjeuner pendant que j’envoie un mail ? C’est
important.— Bien sûr ! Je file chercher des sandwichs. Œufs brouillés, saucisse, baguette,
commed’habitude?
J’acquiesceetouvremamessageriesurmontéléphone.
De:PennyPorterÀ:MlleMillsObjet:Expophoto
ChèremademoiselleMills,
Mercidevotrepetitmot.Désoléedenepasvousavoirréponduplus tôt–disonsquej’aivécuenermitedernièrement.Maisçavamieux.Commentsepassel’expophotoducollège?Enfait,jemedemandaissicen’étaitpastroptardpourquejeparticipe?J’aidécidédeprendredesrisques,etjemedisaisquec’étaitunebonnefaçondecommencer…
Bienàvous,
Penny
Monmailenvoyé,j’ouvre,sansréfléchir,moncompteTwitter.Jetombesuruntitredemagazine retweeté par quelqu’un que je suis. Il est question de Noah, mais je suiscontentedevoirqueçanemefaitpasaussimalqu’hier.
NOAHFLYNNA-T-ILTROUVÉSONAMOURD’ÉTÉ?
Çanemefaitpasaussimal,maisj’ailesmainsquitremblentquandjecliquesurlelien.Jedécouvrel’articled’unsitepeopleultraringard,intitulé–c’estpourdire–Midinette.Surunephoto,aussisombrequegranuleuse,onvoitNoahetBlakesortird’uneboîtedenuit, quelquepartenEurope.Blakeestsurprisdanssaposturehabituelle,bras tenduscommes’ilvenaitderemporterunevictoire,etNoahestjustederrièrelui.Sonvisageestàmoitiédansl’ombre,maissabouchefaitlagrimaceetilal’airrenfrogné.Ilssontavecdeuxfilles,blondplatine.Ondiraitquel’uned’ellestientNoahparlamain,maisçapeutaussibienn’êtrequ’uneffetdel’angledevue.
C’estbizarredenepasvoirNoahaussi légerniaussi heureuxque je l’auraiscru.Quant aux filles, leur vue ne m’inspire ni de la colère ni même la tristesseincommensurableàlaquellej’auraispum’attendre,seulementunsentiment…devide.
L’articlepoursuit:
La nouvelle star du rock Noah Flynn va-t-il cueillir une autre fleur anglaise enrevenantauRoyaume-Uni?Car,c’estdésormaiscertain:ilrevient!Gageonsquesa présence au PARK PARTY FESTIVAL de Londres ce week-end, va décoiffer lacapitale.Onesttoutefoisendroitdesedemandersileschanceusesaperçuesen
sacompagnieàStockholmserontduvoyage.Midinette,toujoursàl’affût,vousdiratout…
Dans un sursaut, je ferme la page. Je préfère, plutôt que prolonger le supplice,explorerPinterestàlarecherched’idéesdécopourlasurprised’Elliot.Jefaisdéfilerdestonnesdephotosdemariagesplussomptueuxlesunsquelesautres,maislecœurn’yestpas.Toutest trèsbeau,maisaussi trèsbanal.Si onveut réussiràémouvoir vraimentElliot,ilfautquecesoitpersonnel.
Montéléphonemesignalel’arrivéed’unmail.C’estMlleMills.
De:MlleMillsÀ:PennyPorterObjet:Re:Expophoto
Enfin!Jecroyaisquetunetedécideraisjamais!
Bien sûr que tu peux participer. C’est même un honneur. Dépose tes photos aucollègequandtupourras.
Etj’étaissincèreenteledisant,Penny:jesuistrèsfièredetoi.
MlleMills
Jerelissonmessageplusieursfois.Cettefois,çayest:jevaisexposermesphotos,lesmontrerenpublic.Jesaisquejel’aidécidé,quec’estmoiquil’aidemandéàMlleMills.Pourtant,jenesaispaspourquoi,jen’arrivepastoutàfaitàycroire.
ChapitreCinquanteetun
J’aidupapierpeint(motifléopard)jusqu’auxgenoux.Fidèleàmapromesse,jesuisderetourdanslaboutiqueoùjem’appliqueàeffectuermatâchepréférée:ladécorationdelavitrine.Elleconsisteendeuximmensesbaiesvitréesquis’étirentdechaquecôtédelaporteetdontlethèmechangeaugrédelafantaisiedemamèrepourattirerlesclients.Lasemainedernière,parexemple,c’était«océan»avecunerobesirènebleue,descoquillages,dusable,etundiadèmeornédemagnifiquespierresprécieusesvertesetbleues.
Cette semaine, c’est « safari » (ma mère n’a décidément peur de rien). La robeautourde laquelle la vitrine s’articuleest faited’un tissuzébré recouvert d’un voile dedentelle.C’estjoli,maispasmatassedethé.
Jedécrocheunénormecoquillagepourleremplacerparunléopardenpeluchequemamèreadénichédansunvide-grenier,quandAlexdébarque.
—Salut,Penny…Aaah!C’estquoicetruc?Jemesuis tournéepour l’accueillir,et l’énorme léopardcoincésousmonbras luia
faitpeur.—Oh,ça?C’estpourlethèmedelasemaine.Mamèreachoisi«safari»etbien
sûr,ellealefauvegrandeurnaturepouralleravec!Iléclatederireetm’aideàdescendredelavitrine.— Je passais juste prendre des nouvelles de la surprise d’Elliot. On peut avoir le
kiosque?—Oui!Mamanvientdemeleconfirmer.—Tu es certaine qu’il ne se doute de rien, hein ? Et tu es sûre de ton coup pour
l’occuperavant?Lesoleilsecouchetard,ilnefautpasqu’ilrentrechezluitrop…— Arrête de flipper, Alex ! Il ne se doute de rien. Il croit qu’il m’accompagne au
vernissagedel’expophotoducollègepourmesoutenir; ilnerisquepasdemelâcher!Çavaêtrelaplusbellesurprisedesavie,tupeuxmecroire.Onseraaukiosqueàneufheures.Situsavaiscommej’aihâte!Jesuissûrequ’onvaramenerAlexiotàlavieetquetoutvas’arranger.
—J’espèrevraiment.Maiscen’estpasdit. Ilpeut trouverçanuletneplus jamaisvouloirmeparler.
Jeluiprendslamain.—Net’inquiètepas,Alex,onvatoutfairepourqueçaneseproduisepas.—Jesais,Penny.D’ailleurs…je,heu,jevoulaistedemanderautrechose.Maisjet’ai
déjàtellementsollicitéequejenesaispassijepeuxencore…—Vas-y,Alex.Sijepeuxt’aider,jesuisprêteàlefaire,saufsitumedemandesde
cambriolerunebanquepouroffrirundiamantà…—Non,cen’estpasça!Ilsetortilledanstouslessensetjecommenceàm’inquiéter.Qu’est-cequ’ilpeutbien
avoiràmedemanderpoursemettredansunétatpareil?Leseultrucvraimentbizarrequimeviententête,ceseraitunephotod’eux,genrenuartistique.Àpartça, jenevoispas…
—Tusais que notre chanson,àElliot etmoi, estElements. Tu veux bien que je lapassejeudisoir?Jesaisquecen’estpasfacile,àcausedeNoah,alorssiçateposeunproblème…
—Non,aucun!Jesuissupersoulagée.J’arrivemêmeàsourire,surtoutenvoyantAlexsedétendre
aussi brusquement que moi ! Je sais ce que cette chanson représente pour eux, enparticulierpourElliot–c’estellequeNoahchantaitquandjelesaiprisenphoto.
Ilsnesontpaslesseulsàl’adorer.J’aivuNoahlachantersurscèneetj’aivul’effetqu’elleproduitsurlepublic.C’estLAchansondesamoureux.
Alexpousseunprofondsoupir,etmaintenant,c’estluiquiessaiedemeconsoler.—Ettoi,Penny?Iln’yaaucunespoiravecNoah?Jehausselesépaules.—Jenesaispas.Çam’étonnerait.Onnes’estpasparlédutoutdepuislarupture.—Tu devrais peut-être essayer de le faire, Penny. Aumoins, tu seras fixée. Et si
c’estterminé,tupourrastournerlapage.Ila raison, évidemment. Il faudrabienque je finissepardiscuteravecNoah.Pour
l’instant,jen’aifaitquerepousserleproblème,maisvoirAlexsedonnertantdemalpourElliotm’obligeàypenser.Onneseremettrapeut-êtrepasensemble,maisonpeutpeut-êtreresteramis?
Saufqueriennemeditqu’ilaccepterademeparler.Siçasetrouve,ilm’enveutàmort d’être partie de cette façon… Croit-il toujours que je me suis jetée sur Blake ?Quand jepenseà lui,c’estunmilliarddequestionsquimetombentdessus,et jenesuismême pas sûre de vouloir entendre les réponses. D’un autre côté, c’est lemoment oujamaisd’êtrecourageuse.Parcequesij’aiunechancederevoirNoah,c’estmaintenant,avantqu’ilpartepoursatournéemondiale.Après…ceseratroptard.Ettroptardpourtoujours.
—Jesais,Alex.D’ailleurs,jeviensjusted’apprendrequ’ilestdepassageàLondres,ceweek-end.C’estl’occasiondel’appeler,onpourrapeut-êtresevoirets’expliquer.Onn’estpasobligésdepasserdirectementdel’amouràlahaine,hein?
Ilsepencheetm’embrassegentimentsurlajoue.—Vas-y,Penny.Jesaisquetupeuxyarriver.
Dans ma chambre, mes doigts flottent au-dessus de l’écran de mon téléphone.
Dans ma chambre, mes doigts flottent au-dessus de l’écran de mon téléphone.Pourquoisuis-jeincapabledetrouvermesmots?Eh,salut,Noah,tutesouviensdemoi?Lafillequi t’aplaquéàParis,pendanttatournée.Cellepour laquelletuasécritcettechanson…
Jeme laisse tombersurmon litpourétouffermoncri de ragedans lesplumesdemon oreiller. POURQUOI EST-CETELLEMENTDIFFICILE ? Parce que je suis terrifiée.Terrifiée à l’idée que ce texto ne fasse que rouvrir les plaies qui cicatrisent à peine.ParcequeNoahpeuttrèsbienréagircommeElliotetnepasmerépondredutout.Maisjenepeuxpasrestercommeça.Sijen’essaiepasdelerevoir,jeneconnaîtraijamaislafinde l’histoire.Noahabeaucoupcompté–non,Noahcomptebeaucouppourmoi, etnous devons avoir cette explication. J’en ai besoin, et je ne peux pas la repousseréternellement.
Penny :Noah,deuxsemainesontpassémaintenant,c’étaitdurdenepast’appeler. IlparaîtquetuesdepassageàLondres.On pourrait peut-être se voir et parler. Je ne sais pas si tuvoudras,maisjedevaisteposerlaquestion.Onpeutpeut-êtreresteramis?Pennyx
Jeposemontéléphonesurmatabledenuitsansespérerderéponse,mais ilbipeimmédiatement.C’estNoah.
Noah:Jeveuxaussiteparler.Situpeux,viensmerejoindreaufestivaldemain.Jevais laisserunbilletpourtoietundeuxièmepourquetunesoispasobligéedevenirseule.Tumemanques.N.
Moncœurs’arrêteenlisantsadernièrephrase.Jeluimanque.Attendait-ilvraimentque je lecontacte?Leflotdemessentimentspour luise libèreetm’envahit,charriantunefouledesouvenirs…
JenousrevoisdansercommedesfousàBerlinpendantquelesSketchchantaientsur scène ; je me souviens de ses baisers sur le bout de mon nez, des textos qu’ilm’envoyaitpourmedirecombienilpréféreraitêtreavecmoiqu’àl’autreboutducouloirde l’hôtel ; jeme rappelleaussi ses regards versmoi, dans les coulisses, pendant qu’ilchantaitAutumnGirldevantunesallebourréedemonde.Lesmerveilleuxsouvenirsquejetentaisjusque-làdecontenirbalaienttousceux,pleinsdecolèreouagacés,auxquelsjem’accrochaispourtenir.
J’essaie pourtant de les contenir, parce que si je cède, si la digue lâche, je vais
J’essaie pourtant de les contenir, parce que si je cède, si la digue lâche, je vaisretomberamoureuse folle deNoah.Que se passera-t-il, alors, s’il veut seulement quenoussoyonsamis?
Penny:OK,jevaisvenir.P.x
J’appuiesurlatouche«envoi».J’aitraversépasmaldesituationsstressantesdansmavie.Pourtant,laperspective
derevoirNoahmeplongedansdesaffresquejen’aijamaisconnues.
ChapitreCinquante-Deux
Quandj’aiouvertlesyeux,cematin,lejourselevaitàpeine.Jen’aimêmepasessayédemerendormir:j’avaispassélanuitàmeretournerdansmonlit.
Jesuisredevenueunebouledenerfs, incapabledefaire levide.Jen’arrivepasàmedireque je vais revoirNoahaujourd’hui. Il ne s’estpasséquedeux semaines,maisellesmefontl’effetd’uneéternité.Jeneparlemêmepasdecequ’onvasedire:jesuisincapabledel’imaginer.
Àhuitheuresdumatin,j’arpentaismachambredepuissilongtempsquemonpèreestvenuvérifiersi,parhasard,jen’étaispasdevenuefolle.
Jeme suis aussi rongé les ongles jusqu’au dernier,mais pour uneautre raison : lefestival.Noahnes’estpastrompéensupposantquejen’iraispasseule.J’enseraisbienincapable. J’ai d’abord pensé à emmener Elliot, mais il est pris. Ses parents lui ontproposéunevisitehistoriquedeBathpourluiremonterlemoraletilaaccepté.Aufond,tant mieux, parce que si je lui avais demandé de m’accompagner, il serait venu. Etj’imaginetropbienlascène: luimecuisinantpoursavoirpourquoi j’aidécidéd’allervoirNoahmaintenant,moiobligéedeluiparlerd’Alexetlà,àcausedelasurprise,embrouille.Autantnepas luienparlerdutout.J’ai l’impressionde letrahir,avectouscessecrets,maisc’estpourlabonnecause.
Alors,j’aiproposéàKiraquiallaitdéjàaufestivalavecAmara.Savoirqu’ellesseraientlàm’adonnélecouraged’inviterMegan.Depuismarupture
avecNoah,toussesmessagessontadorableset j’aimeraisquandmêmesavoirquisecachederrière l’ignobleVéritéVraie. Jen’aiplus reçudemenacesdepuismon retouràBrighton; j’airenoncéàprévenir lapolice,mais jecontinuedemeposerdesquestions.UnejournéeavecMeganmepermettrapeut-êtredelalaverdetoutsoupçon.
J’espèrevraimentqu’ellen’yestpourrien,parcequej’aideplusenplusl’impressionde retrouver la Megan que je connais. Elle commence son école d’art dramatique enseptembre, et, finalement, elle va me manquer. Je ne regretterai pas sa manie determinermesphrasesàmaplace,nisonbesoind’êtrelecentredetouteslesattentions,maisnosdéjeunersàlacantineetsonsensdel’humourdécapant,oui.
Voilà pourquoi elle se trouve dans ma chambre, perchée sur la chaise de monbureau,unairsoucieuxsurlevisage.
—Tupeuxprétendreque toutvabien,Penny, jecommenceàavoirdesdoutes.Jecomptetesallers-retoursdepuisunmomentetj’ensuisàcinquante-six.Jenesaispascequetuespèresengigotantdecettefaçon,maisçan’apasl’airdetedétendre.
Ellebaisselesyeuxsursesonglesvernisetcontemplelapetitemargueritepeintesursonpouce.
—Tuessûrequec’estbien,Megan?Jeveuxdirevraimentbien.Jemeregardedanslemiroir,dresséesurlapointedespieds.— Ce n’est pas ce que j’aurais choisi, mais tant que tu te comportes comme
quelqu’undenormal,c’esttop.J’aioptépourunerobepatineusenoireimpriméedepetitscoquelicotsrougevif,des
bottinesnoires–onvaquandmêmeàunfestivalrock!–,etmescheveuxdétachéssontretenusparunepairedelunettesdesoleilaviateur.
—Oùas-tudénichécemaquillage?Ilestgénial!Elletripote,parmitoutuntasdeboîtes,detubes,decrayonsetdepinceaux,unfond
de teint demarqueet unepalette d’ombreàpaupièrebronzeet or.Lesproduits queLeahm’aoffertsàParis…
—Oh…uneamiem’aaidéeàleschoisir.Franchement,jenesaispasàquoisertlamoitiédecebazar.
—Situveuxfaireunedonation…—Jesaisoùtetrouver,dis-jeàsaplace.Aumomentdepartir,noussautonsdansuntaxipourrejoindreKiraetAmaraquinous
attendentàlagare.Ons’achètedessmoothiesetonmontedansletrainpourLondres.Coupdechance,onréussitàdénicherquatreplacesensemble.Jem’assoisensouriant;c’esttellementbiendeseretrouvercommeaubonvieuxtempsetdediscuterdetoutetderienavecdesamies–lesgarçons,lecollège,nosprojets…
— Tu crois que Blake sera là ? me demande tout à coup Megan en s’agitantcurieusementsursonsiège.
—Heu,tuparlesdu…batteurdeNoah?Je n’arrive pas à prononcer son nom ; l’entendre suffit à me donner la chair de
poule.—Évidemment!Quid’autre?Ilestvraimentcanon.J’aipeut-êtreunechanceavec
lui…Surtoutsitumeprésentesunedeuxièmefois.Ellemefaitunpetitclind’œiletglousse.— Je peux te le représenter,Megan, bien sûr,mais… à ta place, jememéfierais.
C’estplutôtlegenrebadboy.—PENNY!Parfois,jemedemandesitumeconnaisvraiment!Cettefois,elleéclatefranchementderire.— Tu sais que j’adore les bad boys. Ils sont nettement plus intéressants que les
autres!Jepeuxcomptersurtoi,hein?Sonintonationchangelégèrementàlafindesaquestion,etjenepeuxm’empêcher
desentirpointerl’autreMegan.Cellequiexigequ’onluidiseoui.—Non,Megan. Je suis désolée,mais… je ne crois pas.Blakem’est tombé dessus
quand on était à Paris. Il a essayé de m’embrasser. J’ai réussi à lui échapper, maisc’étaitmoinsune.
Jelavoissedécomposerethésiter.
Parcequ’ellenonplusnecroitpasqueBlakepuisses’enprendreàtoi,mesoufflelapetitevoixperfidedemonmanquedeconfianceenmoi.
MaisKiras’exclame:—Sérieux?C’esthorrible,Penny!—C’est pour ça que vousavez rompu,avecNoah ?me demandeMegan, un brin
soupçonneuse.—Sionveut…—Attends, reprend-elle, tu es en train deme dire qu’il a préféré rompreavec toi
plutôtqu’envoyerboulercetabruti?Jerêve!Elle secoue la tête, incrédule. Apparemment, elle a décidé de diriger ses foudres
contreBlake,etjeluiensuisreconnaissante.—Noahferaitmieuxdes’excuser,poursuit-elle.Tuesbeaucouptropbienpourlui.— Je suis bien d’accord, renchérit Amara. C’est quoi ce mec qui n’est même pas
capabledeprendretadéfense?Jemesenssibienentouréequepourunpeu,jelesprendraistoutesdansmesbras.
Quelbonheurd’avoird’aussibonnescopines!Danslehaut-parleur,unevoixannoncenotrearrivéeengaredeVictoria.—J’aitellementhâted’yêtre!s’exclameKira.Lefestivalvaêtregénial.Aufait,on
seretrouveàquelleheurepourleretour?—Jenesaispas,répondAmara.LesHaloPixiesnepassentpasavantcinqheures.—Jenesuispassûrederesteraussi longtemps, lesfilles.Jesuisseulementvenue
parleràNoah.Je regarde la ville défilerpar la fenêtre. Je saisquecette rencontre vamevider
complètement.—Enplus,cen’estpasfranchementmontruc, lafoule.Onpeutsedonnerrendez-
vousàtroisheures,sivousvoulez.Poursedireaurevoir.J’auraicertainementterminé.Jevérifiel’heuresurmontéléphone.J’aitoutletempsdevoirNoahavantqu’ilmonte
surscène.—Çamarche!ditKiraensouriantjusqu’auxoreilles.Onpourrapeut-êtres’acheter
desgaufres?Ellesétaientàtomber,ladernièrefoisquejesuisvenue.—Moi,j’aientendudirequ’ilyaunbaràbrushing,lanceMegantoujoursaufaitdes
dernièresnouveautés.Onpourraitpeut-êtreyaller,avantdevoirlesgarçons?Onnepeutpasdireque jemesoisbeaucoupsouciéedemescheveuxdepuismon
retourdeParis.Ilsn’ontévidemmentplusriendel’éclatquel’équipedeLeahavaitréussià leur donner. Mais je n’ai pas l’intention de perdre mon temps en futilités – je veuxseulementvoirNoah,réglercettehistoireetrentrer.
Montéléphonebipe.
Noah :Lesbilletst’attendentà l’entréeest,àtonnom.Viens jusqu’aucoinVIP,àgauchedelagrandescène.Larryseralàpourguettertonarrivée.Àtrèsvite.N.
Brusquement,lesmilliersdepapillonsquisommeillentenmoidepuisledébutdutrajetseréveillenttousenmêmetemps.Letrains’immobiliseetjemeprépareàrevoirNoah.
ChapitreCinquante-Trois
Arrivées à l’entrée est de Hyde Park, on prend notre tour dans la file d’attente quis’étirejusqu’auguichet.Lesbilletssontbienlà;levendeurnouslesremetsanssourciller.
Unefoisdansleparc,jesuissaisieparl’animationquiyrègne.KiraetAmara,quimetiennentbienserréeentreellesdeux,meprotègentheureusementdelafoule.
J’entendsleséchosdelamusique,maisnoussommesencoreloindelagrandescène.Le chemin qui nous y mène est bordé de bars à frites, de camions de sandwichs, devendeurs de tee-shirts à l’effigie de groupes de rock en tout genre, et de banderolespublicitaires. Ilpeut fairebeau,et lesgensavoir l’airdebeaucoups’amuser,pourmoi,c’estuncauchemar.J’auraispréféréretrouverNoahendehorsdufestival.Pourquoines’est-onpasdonnérendez-vousàsonhôtel?Ouàl’aéroport?N’importeoùpourvuquecesoitailleurs?
Enapprochantdelascèneprincipale,cen’estpasMeganquifiledroitverslebaràbrushing,maisKiraetAmara.Megan,elle,resteaccrochéeàmoi.
—Tusaisoùtudoisaller?medemande-t-ellesoucieuse.—Noahm’aparléducoinVIP,àgauchedelascène.Larryestcensénousattendre.Elle passe la main sur ses cheveux pour s’assurer que sa magnifique tresse
cascadeestenplaceetmedemande:—QuiestLarry?Unnouveaumembredugroupe?Ellesortuntubedeglossets’appliqueunecentièmecouchesurleslèvres.J’éclatederire.—Non!C’est…tiens,levoilà.Jeluimontrelasilhouettequiavanceversnous.Lafoules’écartesursonpassage,
commesisoncrâneétincelantétaitlafiguredeproued’unimmensenavire.Sonsourire,tandisqu’ilapproche,estaussigrandquelemien.
Meganmanquedetomberàlarenverse;moi,jem’élanceversLarrypourmejeterdanssesbras.
—Penny!Quelplaisirdeterevoir.—Pourmoiaussi,Larry.Jeteprésentemonamie,Megan.Ellenousrejoint,maiselleal’aird’avoirperdusalangue.—Megan,voiciLarry,legardeducorpsdeNoah.
— Je suis content de vous avoir trouvées. Suivez-moi, j’ai reçu l’ordre de vousameneràbonport,etjeneveuxpasvousperdre.
Avec lui, jeme sens beaucoup plus rassurée. Il nous conduit vers une palissade etouvreuneportegardéeparunhommeavachidansunfauteuil.C’estlepassageverslescoulisses.JecomprendspourquoiLarryestvenuànotrerencontre:jenel’auraisjamaisrepérétouteseule.
Àl’intérieur,Larrynousdonnedeuxlaissez-passer.LevisagedeMegan,envoyantlesien,s’illumine.
—Çanetedérangepas,Megan,sijetelaisseseule?Questionidiote:elleadisparuavantmêmequej’aiefinidelaposer.—Noahseralàdanscinqminutes,meprévientLarry.Jeprendsuneprofondeinspiration.—Çavaaller,Penny?Ilmeregarde,lefrontsoucieux.—Oui,çaira.MerciLarry.J’espèreavoirl’airbraveetrassurée,maisj’endoute.—Jesuiscontentdepouvoirparlerunpeuavectoi.Est-cequececit’appartient?Ilsortdesapocheunobjetquejereconnaisaussitôt:montéléphone.Ilatoujourssa
coquerose,aveclespetitesétoilesqueNoahadessinéesaumarqueur.—Çaalors!Oùl’as-tudéniché?Jeletourneetleretournedansmesmains,sansréussiràycroire.—DanslebureaudeDean.—DanslebureaudeDean?Qu’est-cequ’ilyferait?Larryhochesimplementlatête.Jenel’ai jamaisvuaussigrave; ilavraiment l’air
d’un garde du corps. Ce n’est pas du tout le Larry jovial et détendu auquel je suishabituée.
—Tucroisquequelqu’unl’amisdanssonbureauexprès?Jenesaispas…unfandétraqué,parexemple?Lesphotosqu’onm’avolées–cellesdontquelqu’uns’estservipourmemenacer–ontétévoléessurcetéléphone.
—Jesais,Penny.JecroisqueDeanl’adepuisledébut.—Oh.Jen’aiplusqu’unfiletdevoix.Sic’estvrai,celasignifie…—Penny!LecrideNoahm’empêchedeformulermapensée.J’aienviedeluiparlerdeDean
etdemontéléphonetoutdesuite,maisladernièrefoisqu’ons’estvus,jen’avaisquedesreprochesetdesaccusationsàluifaire,etjedoisl’entendred’abord.Jerangedoncmontéléphonedansmonsac,ilattendrasontour.
J’ailecœurquibatàmilleàl’heure.Onyest:parmilesmilliardsdescénariosquej’aiéchafaudés,unseulvaseréaliser.Etjen’aiaucuneidéeduquel.Jedoisresterzen.
Ilavanceversnousetj’aienviedemeprécipiterdanssesbras.Maisjeresteclouéeausol.
Noahs’arrêteàquelquespasdemoi.— Bon, je vous laisse, les enfants, dit Larry. Mais préviens-moi, Penny, avant de
partir.Jeteraccompagneraijusqu’àlasortie.—Merci,Larry.Jet’adore.
Noahtenteunsourirehésitant.—Salut,Penny.Tuveuxrester là,outupréfèresunendroitplustranquille? Iln’ya
personnedanslebusdelatournée.Onpeutyaller,situveux.Noahmeparaîtl’ombredelui-même.Ilsourit,maissonregard,d’habitudesiclairet
pétillant,estéteint.Nousmarchonsvers lebusdansunsilence inconfortable.Jen’aimepasça.Jen’aimepasquenoussoyonsincapablesdedireunmot.Nousn’avonsjamaisété étrangers l’unà l’autre. J’espère que l’atmosphère va se détendre quand on seratouslesdeux.
Onmonte lesmarcheset ilmeproposedem’asseoirdans lecanapé–à laplaceque j’occupais,à côté deBlake, la première fois que j’aimis les pieds dans cebus. Ils’assoitàcôtédemoietposelesmainsàplatsurlatablebasse.Puisilregardeparlafenêtreoùl’onpeutvoir,àtraversunefentedanslapalissade,lafouledufestival.Ilseretourneversmoietsourit.
—Alors…,commence-t-il.Jeluirendssonsourire.—Alors…commentvas-tu?Aulieudemerépondre,ilsecouelatête.—Non,Penny,jenepeuxpasfairesemblant,tournerautourdupotcommesiderien
n’était.Pourquoituespartiecommeça?Sansvenirmedireaumoinsaurevoir?Le tour si brusque qu’il donne à la conversation me noue la gorge. Je maudis sa
franchiseaméricaine,mais,aprèstout, jesuisvenuepourça.Alors jeréponds,avec lamêmefranchise:
—C’était tropdurdetedireaurevoir.Quand jesuisavectoi,c’estdifficiledemesentir triste ou de t’en vouloir. Pour moi, c’était fini entre nous. M’accuser de mentir àproposdeBlakeétaittellementénormeetsiinjuste,Noah.Rienquelefaitquetupuissesm’imaginercapabledefaireunechosepareille,j’étais…anéantie.
Jeleregarde,maisj’évitedecroisersonregard.Tienslecoup,Penny.Tienslecoup.—Tuasraison,Penny:j’aieutort.J’auraisdûteparlercorrectementetj’auraisdû
t’écouter.C’estunedesraisonspour lesquelles je t’aidemandédevenirquand tum’ascontacté.Etj’aidemandéàquelqu’und’autredenousrejoindre…
Il regarde derrière moi et fait un signe de tête. Je me tourne et manque dem’étranglerendécouvrantBlakesurladernièremarchedel’escalier.
—Salut,Penny,dit-ilenentrant.Sonintonation,d’habitudenarquoise,n’aplusriendesasuperbe.—Oh,heu…Salut,Blake.Jecroiselesbrasautourdemoi.—QuandNoahm’aditque tuvenaisaujourd’hui, je luiaidemandési jepouvais te
voir,parceque jeveuxm’excuser,Penny.Jeregrettecequis’estpassécettenuit-là,àParis.J’aieutort,jelesais.J’étaisbourréetàcôtédemespompes.
—Blake…—Attends, jen’aipasfini.Après, j’aipaniqué.Jesavaisque jem’enfonçaisencore
plus,mais jenevoulaispasqueNoahmevirede la tournée.Jenevoulaispasperdremonjobetmonami,alorsjeluiairacontéquec’étaittoiquim’avaischerché.Jepensaisquevousvousensortiriez.Seulement…jemesuistrompé.
Jesuistellementsidéréequejen’arrivepasàparler.—Attends,Blake…Tupensaisqu’ons’ensortirait?Tuessérieux?—Jesais,c’estcomplètementdébile.Je n’ai jamais fait confiance à Blake, mais je crois que cette fois il dit la vérité.
N’empêche,jesuisincapabledeluipardonner.Noahsetourneversmoietcherchemonregard.—Ilm’atoutracontéàStockholm,unsoiroùilavaitencoretropbu.J’étaisfoude
rage,Penny,mais quand il a dessaoulé, onaparlé. Longtemps. Et beaucoup.Blakeareconnuqu’ilaunproblèmeavecl’alcool.Ilrentrechezluipourlerégler.
—C’estvrai,confirmeBlake.JenecontinuepaslatournéeavecNoah.Cegenredevienemeréussitpas.
Il me dévisage d’un air désolé et implorant. Je sais qu’il espère un signe decompassion dema part, un geste qui lui dirait que j’accepte ses excuses,mais je suisincapabledelefaire.Jemeredresseetdéglutisavantderépondre:
—J’espèrequetuvast’ensortir,Blake.Ilhochelatête.—Jesaisquej’aiducheminàfaireavantquevousmepardonniez,maispeut-être
qu’unjour…Ilveutycroire,jelesens,maiscen’estpassuffisant.Lablessureesttropprofonde.—Franchement,Blake, je ne sais pas.Ce que tuas faitm’a vraiment blessée et
choquée.Maisj’apprécietesexcuses.— Bon, maintenant que tu t’es expliqué, coupe Noah d’un ton aussi froid que
tranchant,tupeuxpartir.Quandiladisparu,jemetourneversNoah.—Waouh…Jedoisdirequejenem’attendaispasàça…J’ai lecœurserrépour lui. Jesaisquesonmeilleuramiva luimanqueret j’espère
sincèrementqueBlakevatrouverl’aidequ’illuifautetréparerseserreurs.— C’est à mon tour, maintenant, reprend Noah. Quand Blake m’a tout avoué, j’ai
voulut’appeler…—Pourquoinel’as-tupasfait?Jeleregardedanslesyeux,etjesensmoncœurs’arrêter.—Parcequetum’asdemandédetelaissertranquille,Penny…et jesavaisqu’ilne
s’agissaitpasseulementdeBlake.Ilécartelescheveuxdesonfrontetplongesonvisagedanssesmains.— Je ne voulais pas te mettre encore plus en colère, ou empirer les choses. À
l’instantoùj’aireçutontexto,jet’airépondu.C’étaithorribledenepaspouvoirtejoindre,maisjevoulaisrespectertonsouhait.J’aidétestéquetunesoispassurlatournée.
Sesmots chantent àmes oreilles. Toutes les questions quim’obsédaient – Est-cequejeluimanque?Est-cequ’ilmecroit?Medéteste-t-ilaupointdenepasm’appeler?–ontenfinleursréponses.Unevaguederéconfortetdesoulagementm’envahit.
—Mercid’avoirrespectémondésir.N’empêche,çam’afaitmalden’avoiraucunenouvelle.J’espéraisquetutemanifesteraisquandmême.Mêmesi,aufond,jen’étaispasprêteàtevoiravantaujourd’hui.
—Tucrois…qu’onpeuttrouverlemoyenpourqueçamarche,entrenous?
Il me regarde et j’ai envie de me jeter dans ses bras. Pourtant, je garde la tête
Il me regarde et j’ai envie de me jeter dans ses bras. Pourtant, je garde la têtefroide.
— Je ne sais pas, Noah. Ce qui s’est passé avec Blake était la goutte de trop.Malheureusement,iln’yapasqueça.Jenecroispasêtrefaitepourpassermontempssurlesroutes.J’aibesoindesavoircequejeveuxfairedemavie.Etjenepensepasledécouvrirenmecontentantdetesuivre.
C’estl’unedeschoseslesplusdifficilesquej’aiejamaiseuesàdire,maisjemesensterriblementsoulagée.
Ilsoupire.—Tuescequim’estarrivédemieux,Penny.Maislamusiqueestmapassion.Jene
veuxpasêtreobligédechoisirentrevousdeux.Jeposelamainsurlasienne.—Tun’espasobligédechoisir,Noah.Pasdutout.Jet’aivusurscène,tuesdanston
élément.Tunedoispasabandonner.Etjenetedemandepasderenonceràlamusique!Seulementdemedonnerletemps.Letempsdesavoir…quijesuis.
Lesilencequis’étiredureuneéternité,maisilnelâchepasmamain.—Tuvasmemanquer,Penny.Chaquesecondedechaquejour.—Toiaussi.Ilportemamainàses lèvresetm’embrasse leboutdesdoigts.Je luttede toutes
mesforcespournepasmejeteràsoncouetluidirequejemefichebiendurestetantqu’onesttouslesdeux.Maisjesaisquejeseraiaussimalheureusesurlatournée,qu’ilabesoindetoutsontempsettoutesonénergiepourconsolidersonsuccès,etquemoij’aibesoindesmienspourréussiràdéterminercequejeveuxfairedemavie.
—Qu’est-cequit’afaitchangerd’avis?medemande-t-il.—Àproposdequoi?— Ton silence. Pourquoi me voir maintenant ? Parce que je suis de passage à
Londres?Jeferaisletourdumondepourtevoir,Penny.—Non,cen’estpasàcausedeça.C’estAlex.Elliotetluiontrompu.—Tuplaisantes?Ilssontfaitsl’unpourl’autre.—C’estceque jecroyaisaussi.MaisAlexn’apassupporté lederniermessagede
LaVéritéVraie et, plutôt que voir son amour étalé au grand jour, il a préféré rompre.Saufqueducoup, ilaannoncéàtoutesafamillequ’ilestgay,etc’esttellementgénialpourluiquemaintenant,ilveutpartagerlanouvelleavecElliotetlereconquérir.Alorsonamonté toute une surprise, jeudi soir, au kiosqueàmusique deBrighton.On vamêmepasserunedeteschansons,Elements,qu’ilsadorenttouslesdeux.
Ilmeserrelamain,puisilselèveets’éloigneducanapé.—Jedoisyaller,Penny.C’estbientôtmontourdemonterenscène.Tupeuxrester
autantquetuveux…J’aimeraisbeaucoupterevoiraprèsmonpassage.—Merci,maisjevaispartir.J’airendez-vousavecmesamies.—Alorsonseditaurevoir…maintenant?—Je…oui…Ons’approcheet,commeonauraitdûlefaireàParis,tandisquejepasselesbras
autourdesataille,ilm’enveloppedanslessiens.J’enfouislevisageaucreuxdesoncouetleserrefortcontremoi.
Notreétreintedureplus longtempsqueprévu,parcequeni l’unni l’autreneveutse
Notreétreintedureplus longtempsqueprévu,parcequeni l’unni l’autreneveutseséparer, puis Noah s’écarte doucement. Pendant quelques secondes, nos lèvres sonttellement proches qu’il suffirait d’un geste infime pour qu’on s’embrasse et que notreséparationtombedanslesoubliettes.
Au lieu de quoi, on s’écarte encore plus, et je regarde Noah descendre du bus etdisparaître.
ChapitreCinquante-Quatre
Jen’aipaslaforcedem’enallertoutdesuite.Alors,jemerassoisuninstant.J’essaiedemémorisertoutcequim’entourecarjen’auraisansdouteplusl’occasionderevenir ici : l’odeurd’after-shavevirileetmusquéequiflottedans l’air ; lacollectiondepetitesétiquettesdepommes–vestigedesfringalesdel’équipe–colléeslesunesàcôtédes autres sur le bord d’une vitre ; les jeux de la Xbox étalés sur la table basse ;l’empilement de bouteilles de bière vides et le début d’une mosaïque que quelqu’un acommencéeaveclescapsules;et,surunportemanteau,levieuxsweat-shirtàcapuchedeNoah.
Il pend, abandonné, et ses cordons effilochés ont perdu leur blancheur. C’est lesweat-shirtdanslequeljemesuisemmitoufléependantnotrepique-niquesurlaterrasseduWaldorf-Astoria,àNoël.Celuiqu’ilaglissédans lepanierqu’ilm’a laissé,unsoir,àRome,pourmetenircompagniedansmachambred’hôtel.
Jeme rappelle toutà coup la sensation que j’éprouvaisàm’y glisser, à sentir sadouceurautour demoi. Ellem’apportait un sentiment de protection, de sécurité, que jen’avaispasconnudepuis longtemps–depuis l’accidentdevoiturequiadéclenchémespremièrescrisesd’angoisse.
Jemelèvepourledécrocheretyenfouirmonvisage.Jenesaispassicelamerendtristeouheureuse.Toutcequejesais,c’estàquel
point je voudrais que Noah me le glisse encore une fois sur les épaules, puis qu’il meprennelamainetmedisequetoutvabienaller,quelatournéeestannuléeetqu’ilvientpasserlerestedesavieàBrightonavecmoi,quenouspromèneronsnotrechiensurlaplagelevendredisoiretquenousferonsduyogachaquematindanslejardin.
Maiscen’estqu’unrêve.Unrêveauquelmêmemoijenepeuxpascroire.Pourtant,s’ilvoulait…Tandis quemes émotions s’affrontent, jem’aperçois tout à coup de quoi j’ai l’air,
plantée au beau milieu de ce bus, en train de sniffer son sweat-shirt. Si quelqu’undébarque,onmeprendrapourunefolle.Alors jeremets lesweat-shirtenplaceetmedirigeverslaporte.Jem’arrêteenentendantdesvoixdehors.L’uned’ellesesttrèsforte,directive.Jen’aiaucunmalàlareconnaître.
Dean, tranquillementadosséau bus, parleà deux hommes en tenue décontractéedansleurchinoetleurvestecolorée.Tousportentautourducoucequiressembleàunecarte.UnevoixaussifortequecelledeDeanmecriequej’aitortderesterlà,quecetteconversationnemeregardepas,maisj’entendsDeanprononcermonnometjenepeuxm’empêcherdedresserl’oreille.
—Non,jevousl’aidit,NoahetPenny,c’estterminé.Fini.Écoutez,toutcequejedis,c’est qu’Ella Parish serait fantastique pour la carrière de Noah. Elle est en pleineascensionetelleestcanon.Leurcoupleferaituntabacdanslesmédias.
Toutàcoup,jemesensbouillir.Siquelqu’unmeprenaitenphoto,ilauraitlaversionvivantedecespersonnagesdedessinsanimés tellement gonflésdecolèrequ’ils ont levisageécarlateetdesboufféesdevapeurquileursortentdesoreilles.
—Ehbien,sic’estcequeveutNoah,ditundeshommes,onpeut travaillerElladenotrecôté.OnenparlerapidementàLorraine,Collin?
Les deux hommes en chino hochent la tête d’un air entendu, et celui qui vient deparlertournesonsouriresurDean.Ilmefauttoutelavolontédontjesuiscapablepourresterzenetnepasmejetersureux.
—Bon,alorsc’estréglé.Deantendlamainetlesautreslaluiserrent.—Onpeutaussimettredeuxoutroispaparazzissurlecoup,ajouteDean.Pourles
surprendreenAustralie.Peut-êtresurlaplage,maindanslamain?Je ne supporte pas d’en entendre davantage. Une autre histoire d’amour bidon ?
CommentDeanpeut-ilpenserquec’estuneidéegéniale?Noahnevoudraitjamaisqu’ilfasseuntrucpareil,surtoutdepuiscequis’estpasséavecLeah.
Puis jeme souviens demon téléphone,maintenant rangé dansmon sac.Mon sangrecommence à bouillir quand, brusquement, tout s’éclaire. Et si c’était Dean leresponsabledetout?C’estluiquiaracontéàNoahquec’étaitlesmanagersdeLeahqui avaient insisté pour monter leur fausse histoire d’amour. Mais qu’avait-elle à ygagner,elle?C’estNoahquiavaitbesoindepublicité.C’estsacarrièrequiavaitbesoind’êtreboostée.PascelledeLeahBrown.Etc’estDeanquiprend toutes lesdécisionsconcernantlacarrièredeNoah…
Jeréfléchisàtouteallurequandj’entendsquelqu’ungrimperdanslebus.Jechercheunendroitoùmecacher,maistroptard.Deanentre,ungrandsourireauxlèvres.
Un grand sourire qui, à la seconde où il me voit, se transforme en grimaceaccompagnéed’unjuron.
—Penny,qu’est-cequetufichesici?Tum’asfaitunedecesfrousses!Je sens ma colère monter, comme une poussée de magma des profondeurs d’un
volcan.Cependant,c’estlavoixcalmed’OcéanelaBattantequisortdemabouche.—Tuastoujoursétéaussistupide,Dean?Ilnesedémontepas,bienaucontraire.—Ah, tum’asentendu.Tunevaspasgâcher lacarrièredeNoah,Penny,n’est-ce
pas?—Moi,gâchersacarrière?J’ai l’impressionquetut’enchargesparfaitementbien
pour lui ! Qu’est-ce que tu crois faire, exactement, Dean ? Tu veux voir réussir Noahparcequ’ilestincroyablementtalentueux,ouparcequetuaurasruinétoutlerestedesavieenmontantdesfausseshistoiresd’amourpourmieuxdétruirelesvraies?
Jemesens toutàcoupsurhumaine. Jemesens forteet sûredemoi.Mavoixestferme,posée,etmondiscourscohérent.Et jevois l’assurancedeDeansefissurersurson visage. Il marmonne quelque chose que je ne comprends pas, alors je dresse unsourcilinterrogateur,etilrépète:
— Je ne vois pas de quoi tu parles, tu es complètement folle. Tu feraismieux derentrerchezpapaetmaman.
Ilhausselesépaulesetveutpasserdevantmoipourallerprendrecequ’ilestvenuchercher.Maisjemedressedevantluietjel’enempêche.Ilmeregardeet,toutàcoup,sonvisagechange. Iln’aplusl’airminableeteffrayédutout. Ilal’airfurieux.Jenemelaissepasimpressionner.Jesoutienssonregardmalgrématerreur.
—Pousse-toidemonchemin,Penny.—Pasavantquetun’aiesréponduàmesquestions.Jeplongelamaindansmonsacetjesorsmonancientéléphone.—C’esttoiquil’asdepuisledébut,n’est-cepas?Larryvientdemeledonner,ill’a
trouvédanstonbureau.—Etalors?—Alors…Mavoixtremble,maintenant.—Est-cequec’esttoi,LaVéritéVraie,Dean?Je m’attends à le voir se récrier. Au lieu de quoi, il éclate de rire et applaudit
lentement.—Bravo,Penny,tuastoutcompris!Quandtuasperdutontéléphone,quelqu’unl’a
ramasséetl’aconfiéàlasécurité.Saufquelevigilenel’apasdéposéàl’entrée.Ilestvenu, va savoir pourquoi, me l’apporter. C’était inespéré. Je pensais qu’un ou deuxmessagessuffiraientàtefairedécamper,maisjedoisadmettrequetum’assurpris.Tuasplusdecranquejen’auraiscru.
Toutsemélangedansmatête,jen’arrivepasàcomprendre…—Mais…pourquoi?Situnevoulaispasdemoisurlatournée,pourquoivenirchez
moi convaincre mes parents de me laisser partir ? Pourquoi ne pas simplement…refuser?
—EtrendreNoahencoreplusdinguedetoi?Allons,Penny,réfléchis!Devantmonsilence,illèvelesyeuxauciel.—C’estpourtantsimple.Entelaissantvenir,jepouvaisluiprouveràquelpointilse
trompait,àquelpointtun’espasfaitepourcettevie.Etjepouvaislefairesansprendrederisque.Sonespècededépressionm’afaitsuffisammentpeuràNoël. Ilétaitdevenutellementfaroucheetsolitairequej’aibiencruqu’onallaitdevoirannulerlatournée.Toutce travail fichu en l’air à cause de son cafard ! Et il t’a rencontrée, toi, la gentille,l’adorable et si normale Penny Porter. Au début, c’était parfait pour l’image de Noah.Touteslesfillespouvaients’identifieràtoi,rêverqu’ellesaussipouvaientsortiraveclui.Maisçanepouvaitpasdurer.Tuasfaittontemps,Penny.
Il me passe devant pour s’asseoir tranquillement sur le canapé, d’où il ouvre leminiréfrigérateur. Ilensortunecannettedebièrequ’ildécapsuled’unairtoutàfaitsûrdelui.Jemetourneverslui,maisjereculelégèrementverslaporte.
— Alors tu t’es dit que la meilleure façon de te débarrasser de moi, c’était lesmenacesetlechantage?
J’aidumalàcontenirmacolèreetledégoûtqu’ilm’inspire.—Quelâgeas-tu,Dean?Douzeans?TutefichescomplètementdeNoah!Cequi
t’intéresse,c’estl’argent.Etquelbesoindet’enprendreàmesamis?Ilavale unegorgéede sabièreet se lèche les lèvres,avant de sourire comme le
JokerdeBatman.— J’ai quand même fini par t’avoir, non ? Quand j’ai compris que les messages
anonymesnesuffiraientpas,j’aicommencéàm’occuperdeNoah.C’étaitsifaciledelesurcharger de travail, d’enchaîner les interviews, pour gâcher vos stupides journéesmystérieuses.Maislàencore,malgrélepeudecasqu’ilfaisaitdetoi,tuascontinuédet’accrocher.Etpuisnousavonseucettediscussiondanslebus,tum’asparlédetonamiElliot. J’ai toutdesuite fait le rapprochementavec lesphotosque j’avaisvuessur tontéléphone.J’avaisenfinlemoyendemedébarrasserdetoi.PauvrepetitePennyobligéederentrerchezellepoursauversesamisdelapanade.C’étaitparfait.
—C’estsurtout…—Écoute,Penny,tuesunegentillefille,j’ensuissûr,maisfranchementqu’est-ceque
tu as d’autre à offrir ? Rien. Tu n’es qu’une gosse. Retourne chez toi jouer avec tespoupées. Et laisse Noah faire ce qu’il fait de mieux : jouer de la musique, gagner del’argentetatteindrelacélébritéàlaquelle ilestdestiné.Iln’apasbesoindetoipourledistraire. Tu n’es pas bonne pour son image. Au fond, je ne fais que mon boulot demanager.Et,pourêtre toutàfaitclair, laseulechosequ’ila tiréedevotre rencontre,c’estsontubeAutumnGirl.Malheureusementpourtoi,j’aibienpeurquelecontedeféess’arrêtelà.
ChapitreCinquante-Cinq
Jeleregardeboiretranquillementsabièreetj’ail’impressiondeneplussavoircommentrespirer.Jesenslacolèremonterenmoicommeunetornade.Maisavantquejetrouvelemoyenderépliquer,j’entendsunbruitderrièremoietjevoisDeanbondirsursespieds.
—Alors,c’estçaêtreunbonmanager,Dean?JepivotepourdécouvrirNoah,lesyeuxplisséssurDean.Ilavance,m’effleureledosaupassage,etjecomprendsqu’ilestdemoncôté.— Noah, commence Dean en levant les mains devant lui comme s’il voulait se
protéger,jenesaispascequetuasentendu,mais…Noahcontinued’avancer.Jesuisincapabledefaireungeste.—J’aitoutentendu,Dean.Toutevotreconversation.C’estquoitonproblème,hein?
Jetefaisaisconfiance!Ildétournelesyeux,l’airécœuré.—Jenepeuxmêmeplus te regarderenface tellement tumedégoûtes.Ceque tu
viensdedireàPennymerendmalade.Ilmeregarde,puisseretourneversDean.Jevoislesmusclesdesesbrasetdeson
coufrémir,ilrespirefort.Jenel’aijamaisvudanscetétat;etcen’estpasseulementlacolère : il est blessé, trahi. Tout ce qu’il a surmonté – de la mort de ses parents àl’éloignement deSadieLee etBella –, il l’a fait en croyant qu’il pouvait s’appuyer surDean,encroyantqueDeanl’aidait.
—Noah,s’ilteplaît,laisse-moit’expliquer.Deanveutluiprendrelebras,maisNoahsedégageviolemment.—Tire-toi!Tuesviré!Deanouvrelabouche,maisaulieudeparler, il laferme.Puis,bousculantNoahsur
sonpassage,etmefusillantduregard,ilpartenclaquantlaporte.On le regardeensilence traverser lazoneVIP. Il n’aplus l’air si important, toutà
coup.J’aimêmel’impression,en levoyantdisparaîtredanslafoule,quec’estunpantinridicule.
Noah reste immobile, lesyeux fixéssur la fenêtre. Je luiprends lamainet il serretrèsfortlesdoigtsautourdesmiens.Auboutd’unmoment,ilmelâcheetselaissetombersurlecanapéavecunénormesoupir.
—Qu’est-ceque je vais faire,maintenant?Deanest le seulmanagerque j’ai eu.C’est une belle crapule, clairement, mais c’est lui qui s’occupait de tout. Le bus, latournée…tout.
Jem’assoisàcôtédeluietposelamainsursongenou.—Cen’estpasàDeanquetudoisd’êtrelà,Noah,maisàtontalent.Tuasbesoin
d’unnouveaumanager,quelqu’unquiauravraimenttesintérêtsàcœur,etquivat’aideràgrandiraussibienentantqu’artistequ’entantquepersonne.
Ilsetourneversmoietsourit,faisantapparaîtresesfossettescommeparmagie.— Comment se fait-il que tu saches toujours quoi dire, Penny ? Tu es drôlement
sensée,tusais.Nosregardssecroisentetjesensmoncœurpalpiter.C’estfou,cetteattractionque
jeressensavec lui.J’ai l’impressiond’êtreunmorceaudeferet luiunaimant.Toute latensionquimerestaitdepuisnotreadieusembles’êtreenvoléeavecDean.J’aiaussiuneenviefolled’embrasserNoah,maisjemeretiens.Jedoisréfléchiraumeilleurmoyendel’aider.
—Attends, j’aiune idée !Leahm’adonné lenumérodequelqu’undanssonéquipe.Ellem’aditdepasserparelle,si j’avaisbesoindela joindreencasd’urgence.Jecroisqu’elles’appelleFenella.Jenesaispasexactementcequ’ellefait,mais tupeuxpeut-êtrelacontacter?Ellesaurapeut-êtreteconseiller?
Jesorsmontéléphonepourluienvoyerlecontactpartexto.—Merci,Penny.Jenesaisvraimentpascommentjeferaissanstoi…Nicommentje
vaisfaire.Ilsautesursespieds.—Leconcert!Onm’attend!J’étaisseulementvenuprendrelesaffichesdédicacées
pour les gagnants du concours. Je dois filer. Écoute, tu ne veux peut-être toujours pasrester,jecomprends,mais…jepeuxt’appeler?
—Biensûr.Je le regardeseprécipiterdehors, et cette fois je suis heureuse.Cequiauraitpu
finirencatastrophea l’airdes’arrangeraumieuxfinalement.Jeme lèveet jeprendsmonsac. Il est tempsd’aller retrouverMegan.Qui sait cequ’elleapu inventerenmonabsence?
ChapitreCinquante-Six
Lagalerieimproviséechoisiepouraccueillirl’expophotoducollègeal’airgéniale.C’estl’une des adorables petites boutiques nichées au cœur des Lanes. Celle-ci, avec sescarreauxbleus, sa façadeblanche éclairéepar le soleil,me donne l’impression d’êtretransportéesuruneîlegrecque.Derrièrelesgrandesfenêtres,jevoisnostravauxsurlesmurs.Accrochéssurdesplanchesdeboisbrut,ilsontdesalluresd’œuvresd’art.
Je suisaussi étonnéedevoirautantdemondeà l’intérieur. Jedécouvremême,enentrant, quelqu’un chargé de distribuer boissons et amuse-gueules. Concentrée surl’organisationdelasurprised’Elliot,j’aipresqueoubliéquecesoirétaitaussiceluioùmesphotosseraientexposées. J’ai toujours refusédemontrermon travail enpublic,parcequ’iln’yavait,pourmoi,pasdemeilleurdétonateuràmescrisesd’angoisse.Marencontreavec Leah a tout changé. En suggérant que mes photos pouvaient devenir plus qu’unpasse-temps–unvraimétier,parexemple–,ellenem’apasseulementaidéeàycroire,ellem’aouvertlesyeux:sijeveuxdevenirphotographe,ilfaudrabienquej’apprenneàmontrercequejefais.
—Tupeuxêtrefièredetoi,PennyCourage.C’estmagnifique.Elliot et moi sommes côté à côte. Sans quitter mes photos des yeux, et tout en
sirotant son jus d’orange pétillant, il me prend par l’épaule. Je me sens rougir. Elliot atoujoursétémonplusgrandfan,etc’estaussipourçaquejel’adore.
—Merci,Wiki.Jeleprendsparlatailleetnousfaisonsletourdemesphotosdisperséeslelongdes
mursparmicellesdemescamarades.—J’avouequej’aimeparticulièrementcelle-ci,medit-ilavecunclind’œil.Évidemmentqu’il l’aime,elle le représentedevant lePavillonroyaldeBrighton !Sa
silhouette élégante et excentrique se marie à merveille avec celle des dômes et desminarets illuminés dans le soleil couchant. Elle fait partie d’une série que j’ai intitulée«couleurslocales»etquireprésentelesendroitsdeBrightonquej’aimepar-dessustout.
—Alors,commentçasepasseavecNoah?Tuluiasparlédepuisceweek-end?Ilbaisselavoixetm’entraîneàl’écart.—Jesuisdésoléden’avoirpasput’accompagneraufestival.Jedevaisalleravec
mesparents.Ettusaisquoi?Çam’afaitbeaucoupdebiendepasserunpeudetemps
aveceux.Ilécarquillelesyeux.—Tuterendscomptedecequejeviensdedire?Incroyable!Jerisavecluietjesecouelatête.— Non, je n’ai pas parlé avec Noah, mais on s’est envoyé des textos. Il est très
occupé,àcausedudépartdeDean.Jenesaispascequ’onvafaire.Onnes’enveutpas, et on a l’air heureux tous les deux. Seulement j’ai un peu peur, si on se remetvraimentensemble,queçasoitpirequ’avant,demetransformerenfollefurieusejalouseetparanochaquefoisqu’ilseraentournée.Çamestresse…
Jemerongelesonglesensoupirant.—Jecomprendscequetuveuxdire.Savievaêtreencoreplusdingue.Maistusais,
Penny, il a eu beaucoup de chance de t’avoir. Dire que son manager était tonpersécuteuranonyme!C’estfou.
—Àquiledis-tu.Jen’ensuistoujourspasremise.—C’estpeut-êtrecommepourlescrimes,reprendElliot.Ilfautd’abordchercherle
coupabledansl’entouragedesvictimes.—Entoutcas,Noahestentredebonnesmains,maintenant.LemanagerdeLeahaététropheureuxdel’aiderquandNoahl’aappelé.—Etjesuissoulagéequetouts’arrangebienpourlui.— Il n’yapasque lui,Penny.D’accord, ilestsupercanon, il jouede laguitareet il
chantecommeundieu,mais…Ilmefaitunclind’œil.—Tun’espasn’importequinonplus…àtafaçon!NousrionsencorequandMlleMillsapproche.Elleestsuperchicavecsapetiterobe
noireetsescheveuxrelevésenchignon.Jesuis toujoursétonnéedecroiserunprofendehorsde l’école.Ona tellement l’habitudede lesvoirenclassequ’onoubliequ’ilsontaussiunevieàl’extérieur.
—Ah,Penny,j’avaispeurquetuneviennespas!Alors,tesphotosnesont-ellespasformidablesexposéesdecettefaçon?Jesuistellementfièredemesélèves.Oh,tudoisêtreElliot,ajoute-t-elleensetournantverslui.Oudevrais-jedireWiki?
Elleluitendlamain.Illaprendet,ens’inclinantbienbas,luiditavecsonpetitsourirecharmeur:
—Enchantédefairevotreconnaissance,mademoiselleMills.Elle glousse tandisqu’il s’éloignepour regarder lesautresphotoset suivre lapiste
desminipizzasquidisparaissentàtouteallure.—Comments’estpassétonvoyage?reprendMlleMills.Pastropdestress?Laplupart des élèves ne supporteraient pas qu’uneprof les interroge sur leur vie
privée,maisavecMlleMills,jemesensparfaitementàl’aise.J’ail’impressiondeparleràuneamie.
— Oh, si, une horreur ! Je crois que j’ai traversé tous les états possibles, maisaujourd’hui,jemesensbeaucoupmieux.J’ail’impressiondem’êtredécouvertemoi-même.J’auraispréféréquecesoitmoinsdur,maisc’étaituneexpérience,etjeneregretterien.
Ellem’adresseundesessouriresàlafoischaleureuxetpleinsdecompréhension.—Ilparaîtquerienn’arriveparhasard.
—Ilparaît,oui,etpourlapremièrefoisdemavie,jecommenceàmedirequec’estpeut-être vrai ! Je sais que je suis angoissée. Avec le temps, j’arriverai peut-être àchanger ; pour l’instant, c’est commeçaet je ne veuxplus que çamebloque. Je veuxvivre!
—Voilàuneexcellentenouvelle,Penny!Jeveuxtevoirréussiretjeneveuxpasquetutesentesentravée.Tuasdutalent.Cequetuécriset tesphotographiespourraientserviràbeaucoupdemonde.
Tandisqu’ellemontremesphotosexposéesavecunsourireradieux,jem’entendsluidire:
—Jecroisquejevaisrouvrirmonblog…Jem’arrête,stupéfaite.Çadoitfaireceteffet-làd’êtredanslapeaud’Elliot–etde
toujoursparlersansréfléchird’abord.Pourlecoup,MlleMillss’emballe.Ellecommenceàfairedespetitsbondsdejoieen
frappantdanssesmains.J’essaiedel’arrêteravantquequelqu’unnousremarque,maisc’esttroptard.Elliotseprécipiteversnous.
—Qu’est-cequisepasse?Jeveuxsavoir!Ilnousregardeenessayantdedéchiffrernosvisages.—Maisdites-moi!—Pennyvarouvrirsonblog!annonceMlleMillsenrecommençantàapplaudir.—Oh,maisc’estgénial,Penny!Ilmeserredanssesbras.—LesfansdeGirlOnlinevontenfinsortirdeleurtombe!Jesourisen jetantunregardàmamontre. Ilresteencoreuneheureavantqu’Alex
soitprêt,etnousnepouvonspasrestericitrèslongtemps:lesgenscommencentdéjààs’enaller.
—Etsijepostaisunmessagesurmonblogmaintenant,Elliot?JeconnaisunendroitquiaduWi-Fietquiestencoreouvertàcetteheure.
—Sérieux?—Biensûr!J’aimonordiavecmoi.Viens,jet’offreunepartdegâteau.—Tusaistrèsbienquejen’aijamaissudirenonàungâteau!Allez,onyva!AprèsavoirditaurevoiràMlleMills,j’emmèneElliotdanscepetitcafédesLanesqui
sertdusiropdesureaupétillant (laboissonpréféréed’Elliotenété)etdugâteauà lacarottecouvertd’unecrèmesucréeàtomberraide.
Ilfaittellementbeau,cesoir,quenousnousasseyonsenterrasse,sousunevoûtedeguirlandeslumineusesetcolorées.Jesorsmonordietcommenceàécrirelepostquejeruminedepuisunmoment.
Elliot,occupésursontéléphone,poussetoutàcoupungrossoupir.Jelèvelesyeux,inquiète.
—Çava,El?—Bah.Jeregardedesphotosd’Alex.Tiens,celle-ciparexemple.Iln’estpassuper
beau?Iltournesonécranversmoi.Alex,dansleparcnationalNewForest,estassissurun
tronc d’arbre. Il sourit à l’objectif, évidemment tenu par Elliot, et je n’ai aucun mal àdéchiffrersonregard.C’estcelui,pleind’amour,queNoahposaitsurmoi.
—Jedevraispeut-êtrel’appeler,avanceElliotd’untonhésitant.Àvoircommentvous
—Jedevraispeut-êtrel’appeler,avanceElliotd’untonhésitant.Àvoircommentvousvousêtesdébrouillés,Noahettoi,pourresteraumoinsamis,jemedisquejepourraisenfaireautantavecAlex…Jel’aimeencore,Penny,tusais…
—Oh,heu…Tuneveuxpasattendrequejeterminemonpost?J’aipresquefini.Il me regarde, déconcerté, mais il opine. Je m’en veux de le rembarrer de cette
façon,mais j’aitroppeur,sionsemetàparlerd’Alexmaintenant,detrahir lasurprisequil’attend.Ceseraitd’autantplusbêtequel’aveud’Elliotluidonneuneautreampleur.
Jetapemonpointfinal.—Tumelelis?medemandeElliotenposantsontéléphonesurlatable.—Avecplaisir.Alorsvoilà…
23juillet
Nouveaudépart
Salut,toutlemonde!J’ai l’impression d’écrire à un ami perdu de vue depuis longtemps, un ami quej’auraislaissétomberetquimemanqueterriblement.Autantdirequejenesuispastrèsrassurée.Tantpis…jemelance.Enfait,depuisl’andernier,jen’aipascesséd’écrire.Seulementjel’aifaitsouslepseudoGIRLOFFLINE… et plus jamais online, un compte privé auquel personne (àl’exceptiond’untoutpetitnombre)n’avaitaccès.Maistoutça,c’estdupassé!J’aidécidéderevenir,àpartird’aujourd’hui,enligne.C’est une grande décision, une décision majeure, et beaucoup de choses ont dûchangerdansmaviepourmefairecomprendrequeceblogn’estpasseulementquelquechosequejeveux,maisquelquechosedontj’aibesoin.Mondernierpost,pourceuxquis’ensouviennent,parlaitduchoixqu’onfaitchaquefoisqu’onseconnecteetqu’onécritenligne:soitonapportedubonheurdanslemonde,soitonenretire.Lemalheurétantbienassezprésentautourdenous,jenevoyaispasl’intérêtd’enrajouter.Jen’aipaschangéd’avis.Alors jevoudrais,pourcenouveaudépart,parler justementde l’importanceànepaslaisserlepessimisme,ledécouragement,vousenvahir.On n’a qu’une vie et nous pouvons choisir de quelle manière la vivre. Les genspeuvent raconter ce qu’ils veulent, ce choix vousappartient et n’appartient qu’àVOUS.Sivoussentezqu’untyran,unebrute,unimbécile,untroll,unprof,unparent,unamioumêmevotreamoureuxvousécraseouvousbrime,nevous laissezpasfaire. On ne peut pas vivre dans l’ombre de quelqu’un, ou passer son temps àessayer de plaire à tout le monde, parce que, alors, quel résultat ? Au lieu dedevenir soi-même, de réaliser ses désirs, d’atteindre ses objectifs, on ne faitqu’accomplirceuxdesautresàleurplace.S’ilyaquelquechosequevousdésirezvraiment, faites-le. La vie est courte, alors n’attendez pas et lancez-vousmaintenant.Le héros du conte de fées n’est pas toujours le Prince charmant. Le héros ducontedefées,parfois,c’estvous.
GIRLONLINEXX
Souslesapplaudissementsd’Elliot,j’appuiesur«publier».C’esttellementbizarreettellementeuphorisantderamenermonblogàlavie.
Jerafraîchis lapageplusieursfoispourvoir lescommentairesarriver.LepremiervientdeMissPégase.
MissPégase:Youpi!Youpi!Youpi!
Cettefois,jesaisqueGirlOnlineestdéfinitivementderetour.
ChapitreCinquante-Sept
Il est temps d’amener Elliot au kiosque àmusique. À l’idée de ce qui l’attend, j’ai despalpitationspartout,et jen’imaginemêmepasdansquelétatsetrouveAlex.D’ailleurs,enprenantmontéléphone,jevoisqu’ilm’aenvoyéuntexto.
Alex :Quandtuveux,Penny.JesuisULTRASTRESSÉ. ImaginequeçatombeCOMPLÈTEMENTÀPLAT…A.
Jemedépêchedeluirépondre.
Penny:Tuluimanques,Alex.Çavaêtretop!P.
Montéléphonebipeaussitôt,preuvequ’Alexestaccrochéausienetcertainementàl’agonie.
Alex:Ohlàlà,QUELLEANGOISSE.Dépêche-toi,Penny
Jefaisdisparaîtremontéléphoneavantqu’Elliotnemedemandeàquijepassedestextosetjemelève.
—Viens,Elliot,j’aiunesurprisepourtoi.Jel’attrapeparlamain.—Unesurprise?Oh,non,Penny.Sic’estpourmefairerejouerlesécureuilsdansle
parc,cen’estpaslapeine!Ilreprendsamaintandisquej’éclatederire.Desonaireffaréoudusouvenirépique
d’Elliotaccroupiaupiedd’unchêne,mimantunécureuilentraindegrignoterunenoisette,jenesaispascequiestleplusdrôle.
—Mais,non,ilnes’agitpasdeça!Allez,viens,idiot.Je l’arrache à sa chaise et, malgré son insistance, je refuse de répondre à ses
questions.Nousdescendonsverslamer,brasdessus,brasdessous.Arrivéssurlapromenade,
presquedéserteàcetteheure,nousnouslaissonsbercerparlebruitdesvaguesetlecrides mouettes. Le temps est magnifique, ce soir. Le ciel se pare déjà de délicatestraînéesroseetor.Lecoucherdesoleilvaêtresplendide,jesuissiheureusequetoutsedérouleselonnosplans.
Elliotposelatêtesurmonépaule.—Onvenaitsouventsepromenerici,avecAlex,onécoutaitseulementlamer.C’était
les raresmoments où il ne s’inquiétait pas qu’on nous voie tous les deux.C’était notrebaladepréférée.Secrèteetsiromantique.
On s’arrête pour s’accouder à la balustrade. Elliot gratte un petit morceau depeintureblancheet lèveunregarddécouragésur lesvagues.Jene l’ai jamaisvuaussiaffecté.Unelarmeroulesursajoue.
—Tucroisquej’aitoutgâché,Penny?Tucroisquejeneleverraiplusjamais…quejenel’embrasseraiplus,quejenepourraiplusjamaisletoucher,niluiparler?
Jeluiserrelebras.—Non,Elliot,toutvas’arranger.—Commentlesais-tu?—Je lesens,Elliot.Allez, viens,etsèche tes larmes, sinon, tuneverras riende ta
surprise.Jeluidonneunmouchoiretleserredansmesbras.—Merci,Penny.Ils’essuielesyeuxetsemouchevigoureusement.—Alors,elleestoù,tasurprise?—Unpeuplusloin.—Quedemystères,PrincessePenny!Maisçameplaît…Oh,regarde,lekiosqueà
musique!Qu’est-cequisepasselà-bas?Tucroisquec’estunefête?Jelèvelesyeuxetmamâchoiresedécroche:lepetitpavillon,illuminédeguirlandes,
estmagnifique.Alexs’estvraimentsurpassé.—Jenesaispas,dis-jeenfeignantl’ignorance.Ilyapeut-êtreunmariage.—Waouh,jenel’aijamaisvuaussibeau.Tudevraisprendreunephoto,Penny!Je sors mon appareil et m’exécute. Le soleil se couche et pare la délicate
architectured’unebellelumièredorée.Laphotoesttrèsbelle,surtoutaveclesruinesdelajetéeouestenarrière-plan.
—Tusaisquelekiosqueaétéinauguréen1884?medemandeElliot.—Ilestsivieux?—Oui,maisilaétéentièrementrestauréilyaquelquesannées.C’estl’endroitleplus
romantiquepoursemarier,tunecroispas?—Etsionallaitvoirdeplusprès?—Oh,tucroisqu’onpeut?Ettasurprise?—Net’inquiètepas,ellenebougerapas.Enapprochant,jeconstatequ’Alexaaussidécorélapasserellequiconduitjusqu’au
kiosque lui-même. À l’autre bout, l’entrée est fermée par un épais rideau de velours,
derrièrelequelj’imagineAlex,fébrile.Ilyaunpetitpanneauaccroché:SOIRÉEPRIVÉE–INTERDITAUPUBLIC.—Oh,queldommage,soupireElliot.Jeluidonneunpetitcoupdecoudedanslescôtes.—Tuessûrdebienlire?Approcheunpeu.Iln’apasencorevu laphotoaccrochéesous lepanneau.C’estcelleque j’aiprise
d’euxauconcert,exposéeàtouslesregards.—Que…Qu’est-cequec’est?s’exclameElliotenreculant.Ilestpâlecommeunlinge.J’aimêmel’impressionqu’ilvafairedemi-tourets’enfuir.Lasurprise,toutàcoup,mesembleaffreusementcompromise.
ChapitreCinquante-Huit
—C’estuneblague?medemandeElliotd’unevoixétranglée.Jeluifaisnondelatêteetjeluisourisenluimontrantl’ardoiseoùsontinscritslesmots:C’ESTPARICI,ELLIOT.
Illaregarde,puisilmedévisage,l’airincertain.—Àmonavis,tudevraissuivrelaflèche,El.Ilhésiteet,commejenedisrien,ilsedécideàfaireunpas.Jeresteenarrière,pour
nepasledéranger,maisilmeprendlamainetm’entraîneaveclui.Despétalesderosetracent un chemin sinueux sur la passerelle. À chaque courbe de son parcours, nousdécouvrons,accrochésauxrambardes,dessouvenirsd’Alexiot:desphotosd’Elliotquejen’avais jamais vues, des tickets de places de cinémaou de concertsauxquels ils sontallésensemble,etmêmel’étiquettedupremierfoulardqu’ElliotaoffertàAlex.
Elliot,en faisantattentionànepasécraser lespétales, s’arrêtepour lirechaquemessage et rit en découvrant les photos qu’Alex a prises de lui à son insu. Sur l’uned’elles,onlevoitendormi,sansdoutedanslavoitured’Alex,labouchegrandeouverte.Ilyaaussiunselfied’Alex,avecElliotquifait l’imbécilederrière lui.Chaquetémoignage lefaitsourireouglousser,et jene tardepasàvoirdenouvelles larmesdanssesyeux–maiscelles-cisontheureusementdebonheur.
Nous finissons par arriver jusqu’au rideau de velours qui dissimule l’intérieur dukiosque.Elliots’arrête.Jemedressesur lapointedespiedset,après l’avoirembrassésurlajoue,jelepoussegentimentenavant.Ilmelâchelamainet,enprenantrésolumentsonsouffle,soulèvelepandetissu.
De l’autre côté, à l’opposé de l’entrée, sa silhouette se détachant sur le soleilcouchant,setrouveAlex.Ilestextrêmementélégantdanssoncostumefinetsoigné.Etledécorestplusqu’à lahauteur : tout le longde ladélicatedentelledemétalquiorne letour du toit, des dizaines de petites bougies sont suspendues dans leurs lanternes, leplafondlui-mêmescintilledesmilleetuneétoilesd’unemagnifiqueguirlandelumineuse,etd’autresguirlandes,enpapier,courentd’unpilieràl’autre.J’ail’impressiond’êtredansunfilm.Jen’aijamaisrienvud’aussibeauetromantique.Etjefaistoutcequejepeuxpournepasfondreenlarmesdebonheur.
Elliot avance. Quand il arrive devant Alex, celui-ci lui prend les mains et, les yeux
Elliot avance. Quand il arrive devant Alex, celui-ci lui prend les mains et, les yeuxgrandsouvertssurlessiens,illuidit:
—ElliotWentworth,jenepourraijamaiseffacerlapeinequejet’aicausée,maisjesuisprêtàtoutpournousdonnerunenouvellechance.
Elliotregardeleslèvresd’Alex,puissesyeux.Jesensl’étincellequicrépiteentreeux.Heureusementquelekiosqueestenmétal,etpasenbois,sinon,ilprendraitfeu.
—Jenesaispasquoidire,Alex…Personnenem’ajamaisrienfaitdesemblable.Ilestàlafoissiémuetsirayonnantqu’ilpourraitaussibienfondreenlarmesquese
désintégrerenconfettisdebonheur.—Veux-tudanseravecmoi?luidemandeAlexenluitendantlamain.Elliotyplacelasienneet,aumêmeinstant,lespremièresnotesd’Elementss’élèvent
dans les airs. Mais je suis troublée. Je n’ai pas vu Alex appuyer sur un bouton et jen’arrivepasàcomprendred’oùvientlamusique.Puisj’entendsdespas,surlapasserelle,derrièremoi.Quandjevoislerideaubouger,etNoaharriver,moncœurs’arrête.
Ils’estcoupélescheveux,maisilsrestentassezlongspourêtretoujoursbouclés.Ilaaussitroquésonjeantrouécontreunpantalonnoiret,commes’iln’étaitpasassezbeau,il porte une chemise blanche aux manches relevées sur les coudes, qui accentue laperfectiondesasilhouette.Enplusdeça,ilasabelleguitareenbandoulière,surlaquelleil joue–biensûr–Elements. Ilmefaitunpetitsourireenpassantprèsdemoi,etmoncœur–évidemment–repartàcentàl’heure.
Sa belle voix douce et profonde accompagne magnifiquement les accords de saguitare.JeregardeAlexetElliotdansertandisquelesoleilsecoucheàl’horizon.C’estvraimentféerique,etjenepeuxqu’imaginercequ’Elliotéprouveencetteseconde.
Encequimeconcerne…Noahestlà.Jen’arrivepasàlecroire.À la fin de la chanson, Alex, Elliot etmoi applaudissons vigoureusement. Puis Elliot
s’écarte d’Alex, suffisamment pour que je redoute le pire.Va-t-il lui dire qu’il refuse laréconciliation,qu’ilneluipardonnepas?Jenesuispassûredesupporterlascène.
—Alex, commence-t-il, c’estmagnifique,mais… je ne sais pas si je peux ressortiravectoi.Passic’estcommeavant.
—Rienneseracommeavant,Elliot.Jetelepromets.—Qu’est-ce…—Viens,lecoupeAlex.Lasurprisenes’arrêtepaslà.—Quoi?Ilyaautrechose?Arrête,Alex…c’estbeaucouptrop.—Non,Elliot.J’espèrequec’estjustecequ’ilfaut.IlentraîneElliotversleborddukiosquequisurplombelaplageet,d’unevoixforte,il
crie:—Attention…Maintenant!
ChapitreCinquante-Neuf
À son signal, les portes du café en contrebas du kiosque s’ouvrent brusquement etlibèrentunefoulequicourtsurlaplagepourserassemblerànospieds.Lesgenslèventtouslesyeuxversnous,Alex,Elliot,Noahetmoi,et,commeunseulhomme,ilssemettentàcrieretrireetapplaudirtousensemble.Jerepèretoutdesuitelesparentsd’Alexavecceuxd’Elliotetlesmiens.
Noah sort un micro, apparemment de nulle part, et se lance dans une de seschansons lesplus rythméeset lesplusgaies.Tandisquesur laplage tout lemondesemetàdanser,AlexsetourneversElliotetluidit:
—Jeveuxquelaplanèteentièresachequejesorsavectoi.Maiscommeçarisquedeprendreuncertain temps, jemesuisditqu’enattendant, jepouvaiscommencerparinformernosamisetnosparents.
Cettefois,Elliotsejetteaucoud’Alex,etilss’embrassentsouslesapplaudissementsdéchaînés.
QuandNoahs’arrêtedechanter,etqu’uneplaylistprendlerelais, jedécide,aulieud’accompagnerAlexiotquis’envont,maindanslamain,rejoindrelesautressurlaplage,deresterunpeuenarrière.
JeregardeNoahrangersaguitare.Iln’arrêtepasdemesourireet,chaquefois,j’ail’impressiondem’envoler.Jesuisincapablederésisteràsesfossettes.
—Aufait,Penny,dit-ilenfin,c’estmoiquiaienvoyéuntextoàAlexpourluidemandersijepouvaismejoindreàlasurprise.J’espèrequetunem’enveuxpas?
Je secoue la tête, parce que je ne suis pas sûre de pouvoir émettreautre chosequ’uncoassement.
— Tant mieux. Je voulais faire quelque chose pour eux. Ça me donnait aussil’occasiondeterevoir,etdeteparler.Tuveux?
J’opine.Ilposelamainsurmondosetmepousse,sansajouterunmot,verslapasserelle.Je
suistoutàcouptrèsconscientedeporterunhautvraimenttrèscourt–jesenssesdoigtsmecaresser lapeau.Heureusement, j’aperçois une silhouette familièreaccoudéeà labalustrade,del’autrecôtédelapasserelle.
—Larry!
Jem’élanceversluietleserredansmesbras.—Quelplaisirdetevoir,Penny.Oh,nefaispasattentionàça,dit-ilenessuyantla
larmequejeviensdesurprendreaucoindesapaupière.J’aitoujourseuunfaiblepourleshappyends.
IlmemontreElliotetAlex.—J’espèrequeçavaaussis’arrangerpourvousdeux,ajoute-t-ilavecunclind’œil.—Merci,Larry.JeluifaisunedernièrebiseetrejoinsNoahquim’attendpatiemment.Ondescendsur
la plage mais, au lieu de rejoindre la fête, on s’en écarte. Il me donne la main pourfranchirunpassageentrelesrochers.Laplage,ici,estcomplètementdéserte,etmêmesi la lunes’est levée,onsentencore lachaleurdusoleil. Jeme tourneversNoah.Sonregardest sombre, grave,mais tellementattirant–autantque labarbenaissantequiombresamâchoire.Jemeretournesurlafête.J’entendsleséchosdelamusiqueetjevoisElliotetAlexenlacés.Ilsontl’airsiheureux…
Après quelques pas, nous nous asseyons sur la plage au milieu des galets. Noahrepousseunemèchedemescheveuxsurmonvisageet laissesesdoigtss’attardersurmajoue.
—Jeveuxrestericiavectoi,Penny.Jeveuxqu’onsoitensemble.Illaissetombersamainsurungaletetjelarecouvredelamienne.Onneditrien,on
respireseulementl’airdelamerenregardantlesmouettesplonger,lesvaguesroulerànospieds.Çamerappelletellementledébutdel’année,quandilm’arejointeparsurprisesur laplageavecPrincessed’Automne, lapoupéequ’ilm’avait offerteàNewYorketquej’avaislaisséeàBella.Lavieadedrôlesderevirements,parfois.Enfin,quandjedisdrôles…
Moncœurseserreenrevenantauprésent.—Tunepeuxpasrester,Noah.Jenepeuxpaste laisserrenonceràtonrêve.Tu
faiscequetuastoujoursvoulufaire.C’esttapassionettavocation.Ilsoutientmonregardetsemordlalèvre.—Etjenepeuxpastedemanderderenonceràtaviepourmoi,dit-ilensoupirant.Je
neveuxpasteforceràmesuivre,ceneseraitpasplusjuste.Tuasaussitavie.Imaginetoutcequetuferaissitunem’avaisjamaisrencontré.
Une vague de tristesse déferle sur moi. Si je n’avais pas rencontré Noah, on neserait pas maintenant sur cette plage. Je n’aurais pas tous ces souvenirs merveilleuxavec lui, et mon angoisse serait pire qu’avant. Noah m’a aidée à me connaître, àm’accepter,ettoutcequej’aivécuavecluiacontribuéàfairedemoicellequejesuisaujourd’hui.
—Tuastellementdetalent,Penny,ettellementdecourage.Tuasbiensûrquelquesbizarreries,maisjelesaimeaussi.
Il rit et je l’imite. Il n’y a aucune tension entre nous, tout est simple, naturel –exactementcommelepremierjour,lapremièrefoisqu’ons’estparlé.
—Alors,qu’est-cequ’onfait?Ilyaencorepeu, j’auraisété incapablede luiposercettequestion,etattendresa
réponse m’aurait angoissée. Va-t-il me dire que c’est la dernière fois qu’on se voit ?Qu’onnepartageraplusjamaisrien?Maisàprésent,jesensquec’estlaseulequestionquicompte,laseulequimérited’êtreposée.
—Jenesaispas.Toutcequejesais,c’estquejeveuxresteravectoi.—Moiaussi.Ilmeprendlamainetm’embrasseleboutdesdoigts,puisillagardeentrelessiennes
etsetourneverslamer.—Tuserastoujoursmonévénementperturbateur,Noah.Ilmeserrelamainplusfort.—Çaressembleàlafindufilm,Penny,mais…onestloindugénérique.Jetel’aidéjà
dit,tuesl’amourdemavie.Jesuissincère.Ilaleslarmesauxyeux,etc’estensouriantqu’ilm’attiredanssesbrasetmeserre
contrelui.Jesenssoncœurbattrecontrelemien,sondoigtsuivreuneligneimaginairesurmondos,etjemeblottisunpeupluscontrelui.
Onrestelongtempsenlacés,lesyeuxfermés,àpeineconscientsdubruitdesvaguesetdeséchosdelafêteauloin.
Quandonsesépareenfin,onseregardeensouriant,puisonsetourneverslamer.Je me sens si bien, si apaisée. Deux larmes roulent sur mes joues. Je les essuie ensoupirant,tandisqueNoahselève.
Notreparenthèseestterminée.Ilme tend lamain. J’y glisse lamienne, et elles s’emboîtent plus parfaitement que
deuxpiècesd’unpuzzle.Lorsqu’ilmetire,jesensmoncœurs’envolerluiaussi,etjesais,lorsquenosregardssecroisentetquejefaisunpasverslui,quemadécisionestprise.
C’estpeut-êtrelafind’unchapitre,maisnotrehistoirenefaitquecommencer.
Remerciements
Aprèslesuccèsdemonpremierroman,m’attaquerautomedeuxétaitunvéritabledéfi–surtoutavecautantdelecteursimpatientsderetrouverPennyetNoah.Undéfiquejen’auraisjamaisrelevésansmonéditriceetdésormaisamie,AmyAlward.Nos«mercredisd’écriture»,entreleskilosetleskilosdegrignotage,lestonnesetlestonnesdenotes,lebruitconstantdesclaviersetnos innombrableséclatsderire,ontétébienremplis.Amy(n’hésitantpasàencouragermesidéeslesplusfollesetayanttoujourslemotqu’ilfautdanslesmomentsdifficiles)m’aaidéeàprogresseraussibienentantqu’auteurquesurleplanpersonnelethumain.Mesmercredisneserontplusjamaislesmêmes!
Merciaurestede laformidableéquipedePenguinquiapermisàGirlOnline devoirlejour:àShannonCullen,LauraSquire,KimberleyDavisetWendyShakespearepourleursoutienéditorial;àTaniaVian-Smith,GemmaRostill,ClareKellyetNatashaCollie pour leurs incroyables talentsmarketing et publicitaires ;àZosiaKnoppetàl’équipe juridiquepouravoirfait traduireGirlOnlinedans tantde languesdifférentesautourdumonde;merciaussiàtoutel’équipedesventespoursonengagementetsonenthousiasmeindéfectibles.
Mesagents,DomSmalesetMaddieChester,sontmesdeuxmeilleurespom-pomgirls(jevouslaisseimaginerDomenminijupeavecdespompons).Leursoutienetleursencouragementsconstantsm’ontpermisderesterconcentréesurletravailàl’œuvre.Merci,Maddie,d’êtretoujourssipositiveetunemerveilleuseamie.Jesuistrèsheureusedet’avoiràmescôtés,et j’adoretafaçontoutexcitéedemeserrer lamainquandceschosesincroyablesm’arrivent.
Merciàmafamilleformidable,mesplusferventspartisans,surtoutàmamanetpapa,quim’ont toujourspermisd’agirselonmoncœuretquisontàmescôtésaussibien dans le succès que les échecs. Savoir que vous êtes toujours fiers demoi mepermet de tout affronter sans peur. Merci, Joe, il n’y a que toi pour aussi bien mevaloriseretaussibienmesecouerquandjeseraistentéedelâcherprise.MerciàNick,Amanda,PoppyetSean–ma«familledeBrighton»–pourvotresoutiensansfaille,voséclatsderirepermanentsetvotreaccueiltoujourssigénéreux.
Merciàmesamis,inépuisablestrésorsd’inventivité,dem’inspirer,dem’encourageret de nourrir ma flamme. Il n’y a rien de plus réconfortant qu’une bande d’amis qui
soutienttoutcequevousfaites.Mercipourvosriresetvosembrassades.Mercienfinàmonpetitcopain,Alfie,quim’équilibre,m’apaiseetmetient latête
hors de l’eau. Je serais incapable de fonctionner aussi bien sans toi et je suis trèsheureusedepouvoirpartagercetourbillondelavieavectoi(mêmesitut’esendormiquandjet’ailulepremierchapitre).
ZoeSugg