ec-deleuze

Upload: don-quichotte-al-arab

Post on 06-Apr-2018

216 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

  • 8/3/2019 EC-Deleuze

    1/13

    1

    Bergson et Deleuz e autour de Lvolution cratriceSu-Young Hwang

    Acadmie des Sciences de Hallym

    Universit de Hallym, Core du sud

    [email protected]

    Rsum

    Deleuze accorde le schme de l'actualisation du virtuel avec le modle de l'embryologie sur lequelBergson eclaircit le phnomne de l'volution dans L'volution cratrice. Dans Diffrence etrptition, ce modle sert expliquer d'abord l'individuation grce Simondon, ensuite l'volutionqui prolonge l'individuation. Aussi Deleuze introduit-il, pour approfondir ce modle, la notion del'intensit. L se rvle l'originalit, en mme temps que la limite, semble-t-il, de linterprtationdeleuzienne de Bergson.

    Abstract

    Deleuze accords the scheme of actualization of the virtual with the embryology model after

    which Bergson sheds light on the evolutional phenomenon in Creative Evolution. In Differenceand Repetition, this model is used for explaining firstly individuation, secondly evolution whichsucceeds to individuation. Also introduces Deleuze the notion of intensity in order to go intodetail this model. Here appears the originality, at the same time as the limit of the deleuzianinterpreta tion of Bergson.

  • 8/3/2019 EC-Deleuze

    2/13

    2

    Introduction

    Que signifie aujourdhui relireLvolution cratrice? Le tit re de ce livre nous rappelle t-il

    encore lopposition archaique de lvolution e t de la cration? Ou encore nous donne-t -illimpression de romantiser lvolution ? En nous librant non seulement du prjug du point devue religieux, mais aussi du mcanisme radical des sciences physiques, nous sommes prts, semble-t-il, admet tre lunivers en tant que jaillissement du nouveaut et que systme auto-organisantgrce aux sciences nouvelles, no tamment les thories de complexit. Sous cet aspect, le messagedu livre de Bergson de 1907 nous apparat plus pertinent. Il est temps que la relecture cratrice deLvolution cratrice soit ncessaire.

    On peut dire que cette dmarche de relecture est prpare par Deleuze. Quil invente des notionsnouvelles et fasse une exprience des ides originales dans des domaines divers, cela sappuie, il estvrai, en grande partie sur sa rflxion sur la pense bergsonienne. Deleuze se nourrit, en effet,quitablement dun bout lautre des tex tes de bergson. Ainsi on peut dire que limportance quilaccorde Lvolution cratrice correspond exactement celle que ce dernier livre occupe dans laphilosophie bergsonienne toute entire. Cest donc ce livre-l qui a pour Deleuze le plusdimportance de tous les oeuvres de Bergson, en ce sens gnral que Bergson y largit sa pensedans une porte considrable. Il est vrai que Deleuze donne une signification particulire Matireet mmoire, en y prenant le schme de lactualisation du virtuel qui sapplique aussi soninterprtation de Lvolution cratrice. Cependant, lorsquil sagit de lchelle sur laquelle ontraite des problmes, et non plus le schme, cest surLvolution cratrice que lon doit fixerattention.

    Linterprtat ion bergsonienne de Deleuze se rappor te sur deux points. En premier lieu, il alimin le rsidu spiritualiste qui restait chez Bergson. Les mtaphores qui se rapporte la dualitsont nombreuses, il est vrai, chez Deleuze, comme, par exemple, rpti tion spirituelle etrptition matrielle. Par consquent, le succs de son on tologie dpend de la manire dont il

    explique comment ces mtaphores fonctionnent. En second lieu, Deleuze pousse plus loinlatti tude radicale de Bergson vis--vis du scientisme. Le philsophe de la vie na fait, en effet,aucun geste rconciliatoire envers le mcanisme et le rductionnisme auquels le scientisme aboutitncessairement , ce qui est prcisment la cause de bien de malentendu sur son intentionphilosophique. Deleuze cite et analyse des faits de la science tout comme Bergson. La chance deDeleuze rside dans ce fait que les sciences contemporaines procdent dune manire favorable son prdcesseur au moins sur quelques points capitaux. Cest le cas des thories de la complxit.Bien entendu, cest le gnie de Deleuze de lavoir reconnu.

    La lecture deleuzienne de Lvolution cratrice se divise en deux priodes. La premire est cellede larticle sur la diffrence(1959),Le bergsonisme(1966) etDiffrence et rptition (1968).

    1La

    deuxime et la dernire est celle deMille plateaux . A la premire priode, il est relativementfidle aux ides de Bergson, alors qu la seconde, il tente avec Guattari de construire leur propre

    philosophie linspiration bergsonienne. Bien quil y ait un changement capital entre les deuxpriodes notamment au point de vue de lthique, la structure fondamentale de sa pensemtaphysique sest tablie ds labord. Nous examinerons donc lin terpr tation deleuzienne deLvolution cratrice autour de trois p remires tudes concernant Bergson.

    1. Llan vital e t le courant de vie lvolutionnisme de Bergson

    Commenons par les notions propres qui constituent le caracre de lvolutionnisme deBergson. Ce sont dabord le courant de vie, llan, lexplosion, la divergence et la bifurcation qui

  • 8/3/2019 EC-Deleuze

    3/13

    3

    sont expliquer. Ces notions se dveloppent dans une image commune qui se rappor te lembryognie. Au dbut deLvolution cratrice, Bergson prsente le fait ontogntique pour

    justifier le t ransformisme de lpoque, ce qui rappelle dailleurs lhypo thse connue de Haekel.

    Lobservation nous montre que, jusqu une certaine priode de son dveloppement, lembryonde lOiseau se distingue peine de celui du Reptile, et que lindividu dveloppe travers la vieembryonnaire en gnral une srie de transformations comparables celles par lesquelles onpasserait, daprs lvolutionnisme, dune espce une autre espce. Une seule cellule, obtenuepar la combinaison des deux cellules mle et femelle, accomplit ce travail en se divisant. (23-24)

    Considrons seulement ce que dit Bergson sans se soucier de la vrit de lhypothse de Haekel.Cela veut dire que lontogense, en montrant ordinairement que le simple provient du complexe,prsente aussi la possibilit de lvolution.

    De quelle manire le phnomne gntique se produit-il ? A prsent, Bergson utilise ce fait pourexpliquer lvolution la lett re, et non plus pour nous persuader la possibilit de lvolution. Ilcompare lorganisation avec la fabrication pour critiquer lexplication mcaniste propos delvolution, comparaison capitale pour comprendre son ide propre de lvolution. Dabord, lafabrication signifie un p rocessus artificiel par lequel on assemble les pices et produit un ar ticle, cequi rend possible notre industrie et qui sexplique parfaitemen t par les quatre causes dAristote. Enrevanche, lorganisation est un procd par lequel le vivant sorganise lui-mme, ce qui seprsente justement dans le phnomne embryognique.

    Lac te dorganisation a quelque chose dexplosif : il lui faut, au dpart, le moins de placepossible, un minimum de matire, comme si les forces organisatrices nentraient dans lespace

    qu regret. Le spermatozoide, qui met en mouvement le processus volutif de la vieembryonnaire, est une des plus petites cellules de lorganisme ; encore nest-ce quune faibleportion du spermatozoide qui prend rellement part lopration .(93)

    Le mcanisme ne comprend le processus vital que de la manire de la fabrication, quil soitontogense ou mtabolisme, ou encore, volution. Le phnomne de la vie sexplique parlassociation des lments, sidentifie ainsi au processus mcanique. Cest ainsi que lesvolutionnistes voient dans laccummulation des variations la cause de lvolution. Il est vrai quele mcanisme na pas dexemple idal ou de but. Pourtant il ne peut pas sempcher de concentrerces lments associs sur un centre, quand il explique les formes actuelles de la vie. Il va donc de la

    priphrie au centre. En revanche, lorganisation se produit par explosion et se propage auxalentours. Le travail dorganisation va du centre la priphrie .(93) Ainsi la vie ne procdepas par association et addition dlments, mais par dissociation et ddoublement .(90)

    La vie procde la manire dune explosion, ce qui fait lhypo thse de travail queLvolutioncratrice nous propose. Lvolutionnisme de Bergson commence par ce tte hypothse et sepropose de la soutenir et la vrifier. Viennent alors quelques autres hypothses. Dabord, quest cequi cause lexplosion, la dissociation e t le ddoublement ? Lexplosion saccompagneinvitablement dune certaine force. De plus, cette force ne doit pas une, mais double. Elle secompose de la force explosive de la part de la vie et de la rsistance de la part de la matire. Ellessont opposes comme le sont la force de la poudre de lobus et la rsistance du mtal. En rsum,lexplosion quest l lan vital se produit lorsque la libert de la vie rencontre la ncessit de lamatire. Quest-ce donc que la vie ?

  • 8/3/2019 EC-Deleuze

    4/13

    4

    Si, dans son contact avec la matire, la vie est comparable une impulsion ou un lan,envisage en elle-mme elle est une immensit de virtualit, un empitement mutuel de mille etmille tendances qui ne seront pourtant mille et mille quune fois extriorises les unes par

    rapport aux autres, cest--dire spatialises. Le con tact avec la matire dcide de cettedissociation .(259)

    Llan vital compar lexplosion du poudre de lobus diverge les tendances poten tiellesnormes que la vie portait en elle. Les espces et les individus qui se sont divergs sur diffrenteslignes de lvolution sont lexpression de ces tendances. La manire dexpliquer lvolution parlactualisation des tendances potentielles montre que Bergson trouve le modle de lvolutiondans lembryologie.

    Que sont donc ces tendances potentielles ? Peut-on les expliquer dune manire concrte ?Pensons dabord aux gnes. Bien que la no tion de gne ne se soit pas tablit lpoque de

    Lvolution cratrice , Bergson nous fait remarquer que la rptiti on du type propre un espce quise produit dans lontogense ne peut pas tre explique par la rptition matrielle, la gnralitdes lois physiques.

    Lide de genre correspond surtout une ralit objective dans le domaine de la vie, o elletraduit un fait incontestable, lhrdit. (228)

    Lhrdit est un fait biologique que le mme caractre se transmet de lespce aux individus, delanctre aux dscendants. Quand on parle aujourdhui du gne, on veut dire un vhicule des

    caracres plus ou moins dtermins. Pourtant lhrdit dont Bergson parle ici est la con tinuit ducourant de la vie, plutt que la transmission du mme caractre dtermin. Ce nest quaprs lecontact avec la matire que le courant de vie se dtermine en tels ou tels caractres. Lestendances virtuelles elles-mmes de la vie sexpriment par une force en tant que possibilit dechangement, plutt que des formes ou caractres dtermins. La tendance changernest pasaccidentelle. (86) L est la possibilit de lvolution cratrice.

    Si lon voit dans le gne des formes dtermines et dans le processus vital la transmission desgnes travers les gnrations, il ny a plus de cration, ni dvolution. Cest la raison pourlaquelle les anciens nont pas connu lvolution. Cest pourquoi les neodarwiniens daujourdhuimet tent laccent sur la recombinaison diverse des gnes et le rle du hasard pour expliquer lechangement des espces. Toujours est-il que les gnes eux-mmes restent invariables. Cest sur ce

    point de vue que Dawkins appelle les vivants machine survie , vhicule des gnes goistes. Endautres termes, le gne, ou plus exactement, lADN y joue un rle de la substance. La cause delvolution rside dans la variation des gnes ainsi entendus.

    Que lhypothse de la continuit du plasma germinatif de Weismann qui a inspir lesneodarwiniens daujourdhui en mme temps que Bergson ait suppos les entits hrditaires ounon, cela nest pas certain. En revanche, elle insiste clairement sur le fait quil y ait la continuitdes lments sexuels entre les gnrations. Bergson dduit de cette ide le courant de vie qui secontinue avec ses tendances virtuelles diverses.

  • 8/3/2019 EC-Deleuze

    5/13

    5

    A un certain moment , en certain point de lespace, un courant bien visible a pris naissance : cecourant de vie, traversant les corps quil a organis tour tour, passant de gnration engnration, sest divis entre les espces et parpill entre les individus sans rien perdre de saforce, sintensifiant plut t mesure quil avanait. (26)

    Il y a plus. Ce courant de vie procde de la mme manire chez un individu.

    Ce qui est vrai de la production dune nouvelle espce lest aussi de celle dun nouvel individu,et plus gnralement de nimporte quel moment de nimporte quelle forme vivante. Car sil fautque la variation ai t at teint une certaine importance et une certaine gnralit pour quelle donnenaissance une espce nouvelle, elle se produit tout moment, continue, insensible, dans chaquetre vivant.(28)

    Si lon voit donc de plus prs lide de Bergson, cest grce ce dynamisme qui rgne lintrieurmme de lindividu quon peut lopposer radicalement celle des neodarwiniens comme Dawkins.Il est vrai que Bergson naccepte pas lhrdit du caractre acquis, suivant lide de Weismann quine permet aucune communication entre les cellules gnitales et le soma. On sait que la thse deWeismann se ramne plus tard au prtendu dogme central que lon discute aujourdhui. Quant Bergson, on ne peut pas lui dire la mme chose. Il existe une certaine incompatibilit entre sathorie mtaphysique de la dure et son at titude vis- vis de Weismann. Car il reconnat laproduction du nouveaut tous les niveaux de la vie, mme dans lunivers matriel. De not reconscience, notre corp nimporte quel moment de nimporte quelle forme vivante ou mme tous les instants de lunivers, il existe une con tinuit de laction rciproque, uneinterpntra tion. Il serait donc pertinent de penser que Bergson naccepte la thse de Weismannque de la manire limite.

    Commenant par lhypo thse de llan vi tal qui suppose lexplosion dune force double, nousavons vu les notions principales de Bergson : le contact de la force vi tale avec la ncessitmatrielle, la dissociation ou la divergence des tendances potentielles et le courant de vie. Si lonveut les introduire par lordre ontologique, et non plus par celui de lexplication, le courant de vievient dabord, le contact de la vie avec la matire, ensuite, lexplosion, en troisime lieu, et enfinla dissociation ou la divergence des tendances virtuelles. On voit clairement le dualisme bergsonienvie-matire jusquici. Pourtant le courant de vie se dfinit plus tard par le mouvement qui se fait lopposition de celui qui se dfait, ce qui nous donne lieu de linterprter par le monisme de ladure. Cest ce monisme que Deleuze tentera bien ambitieusement dtablir.

    2. Le mouvement de la diffrence, la diffrenciation e t lactualisation de lavirtualit Interprtation deleuzienne deLvolution cratrice

    Le mouvement de la diffrence, la diffrenciation, lactualisation de la virtualit sont les mots-clfs par lesquels Deleuze interprte l volutionnisme de Bergson. Ces notions se fondent sur lalogique propre de sa mtaphysique qui se dveloppe dans trois livres que nous avons remarqusplus haut. Linterprt ation deleuzienne deLvolution cratrice se rapporte la rponse cettequestion : Lvolution se limite-t -il aux phnomnes de la vie ou fait-elle partie de la dureuniverselle plus profonde ? Cette question se ramne plus exactement celle-ci :Lvolutioncratrice nous prsente- t-il une philosophie de la vie(le dualisme) ou lontologie de la dure(le

  • 8/3/2019 EC-Deleuze

    6/13

    6

    monisme)? Deleuze commence par cette dernire position. Il est vrai que chez Bergson sontnombreuses les expressions qui soutienent cet te position. DansLvolution cratrice , Bergsoncrit successivement pour la conscience, la vie et lunivers :

    Pour un tre conscient, exister consiste changer, changer se mrir, se mrir se crerindfiniment soi-mme(7) ; Devant lvolution de la vie,... les portes de lavenir restent grandeouvertes. Cest une cration qui se poursuit sans fin en vertu dun mouvement initial(106) ;Lunivers dure. Plus nous approfondirons la nature du temps, plus nous comprendrons que duresignifie invention, cration de formes, laboration continue de labsolument nouveau(11).

    Cest dans son ar ticle sur la diffrence, que Deleuze labore des notions concernant soninterprtation de Bergson. Dabord il crit : la dure est ce qui diffre avec soi-mme(CD, 88).Cette phrase connue montre ce quest le mouvement de la diffrence interne. La diffrenceinterne na aucun rapport avec la diffrence spcifique soumise la gnralit, mais signifie la

    diffrence qui cont ient le caractre propre de lindividu, ou dans un individu mme le processuspar lequel il change, se mrit et cre, cest --dire, en somme, la diffrence qui rend possiblelindividuation. Or, Deleuze largit cette notion de la diffrence interne au domaine de la vie en larapportant la diffrenciation qui cre les tendances(directions) diverses de lvolution. Celarevient dire que chez Deleuze, le mouvemen t de la diffrence interne, qui produit lindividuationet la diffrenciation qui produit les lignes divergentes dvolution ne font quun. Ainsi il est fidle lattitude de Bergson qui met la continuit entre le changement intrieur au vivant et lechangement des espces, savoir lvolution.

    La notions de la diffrence apparat dans tout loeuvre de Bergson. Nous avons pourtant les deuxsources concrtes : les souvenir purs et les diffrences inhrentes au germen . Celles-ci ont uneinportance particulire par rapport la difrenciation qui cre des tendances diverses de

    lvolution. Bergson saccorde aux nodarwiniens qui voient la cause des variations dans lesdiffrences inhrentes au germen dont lindividu est porteur (86). Celles-ci sont, daprs eux, lesproduits du hasard et causent leur t our de nombreuses variations individuelles dont la slectionnaturelle limine les inadaptes. La naissance des nouvelles espces tien t laccumulation desvariations individuelles ou aux variations brusques, ou encore, la transformation et larecombinaison des gnes, ce qui se ramne toujours expliquer lvolution par le seul mcanismede ladaptation extrieure sans considrer srieusement la cause de la variation. Daprs Bergson,la variation a une cause plus profonde : les diffrences ne sont pas de purs accidents, mais ledveloppemen t dune impulsion qui passe de germe en germe travers les individus .(86) Onpeut donc comprendre le propos suivant de Deleuze.

    Dure, m moire, lan vital forment trois aspects du concept qui se distinguent avec prcision.La dure est la diffrence avec soi ; la mmoire est la coexistence des degrs de la diffrence ;llan vital est la diffrenciation de la diffrence. (CD, 99)

    Ainsi Deleuze runifie les trois concepts capitaux de Bergson dans son monisme de la diffrence.En effet, la dure, la mmoire et llan sont autant daspects que la dure prsente en sedveloppant. Loriginalit de Deleuze est de mettre ces trois concepts dans une catgorie unique,quest la diffrence. Or chez Deleuze, la diffrence est aussi un mouvement . Cest pourquoi ladure est ds labord le mouvement de la diffrence comme nous lavons vu plus haut : Ce quidiffre avec soi-mme , cest--dire le mouvement de sauto-diffrencier. Or comment cemouvement, en se dployant cre-t-il des directions divergentes?

  • 8/3/2019 EC-Deleuze

    7/13

    7

    Il faut dabord passer en revue le processus de la mmoire. La dure en tant que mouvement de ladiffrence nest pas la succession des moments, mais subit chaque instant un changementqualitatif en conservant lta t antrieur. Deleuze invente ici la notion de la coexistence desdegrs de la diffrence , en se rfrant Matireet mmoire. La mmoire conserve leschangements qui se produisent tous les instants . Comme le montre le schme bergsonien du cne

    renvers, il existe dans notre conscience des couches virtuels normes de celui de laction celuidu rve. A chaque couche se mettent les souvenirs dans sa to talit, mais avec une densitdiffrente des autres. Selon que nous nous plaons une certaine couche, la totalit de la mmoirevirtuelle correspondant sactualise dans la perception de cet instant. Les diffrents couches de lammoire coexistent de cet te manire et consti tuent la ralit virtuelle de la dure. Cest lavirtualit ainsi dfinie que Deleuze largit lvolution de la vie. Bien entendu, Bergson donne lieu cette interprtation en disant que la vie est une immensit de virtualit, un empitementmutuel de mille et mille tendances, comme nous lavons vu.

    Maintenan t, la diffrenciation des diffrences est aussi lactualisation de la virtualit. Danslvolutionnisme de Bergson, lactualisation veut dire que les tendances virtuelles de la vie sedivergent loccasion du contact avec la matire. Pourtant , la virtualit ne consiste pas dans des

    formes invariables la diffrence de la possibilit qui se ralise par la ressemblance avec lesformes. Cest pourquoi Deleuze souligne quil ny a pas de ressemblance entre la virtualit et lestres actualiss(B, 100), ce qui rend possible prcisment la cration. Il est vrai que chez Deleuze,le principe de lactualisation nest pas dans la matire ou lespace extrieurs la vie. Deleuzecrit :

    La virtualit na pu se diffrencier qu partir des degrs qui coexistaient en elle. Ladiffrenciation est seulement la sparation de ce qui coexistait dans la dure. La diffrenciation dellan vi tal sont plus profondment les degrs de la diffrence elle-mme. (CD, 100)

    Il sagit pourtant de savoir pourquoi ces degrs se sparent. Deleuze prsente ici lideparticulire de la division de la dure. Que la dure soit indivisible, cest un fait que Bergsonnarrte pas de rpter. Daprs lui, la dure ne se divise pas sans changer de nature. Cest ainsique si nous avons la reprsentat ion claire et distincte dun tat de conscience, cet te reprsentationrevt aussitt une forme int ellectuelle travers la reprsentation spatiale sans se rfrer ltatde conscience tel quil est. Cependant, Deleuze transforme cet te ide.

    Ce serait une grande erreur de croire que la dure soit simplement lindivisible, bien que Bergsonsexprime souvent ainsi par commodit. En vrit, la dure se divise, et ne cesse de se diviser :cest pourquoi elle est une multiplicit. Mais elle ne se divise pas sans changer de nature, elle

    change de nature en se divisant(B, 35-36).

    Il faut voir de plus prs ce que signifie cette remarque. Dans lEssai sur les donnes immdiatesde la conscience, lespace apparat comme une reprsentation claire de la dure, bien quil soitune fiction qui dnature celle-ci. DansMatire et mmoire, le souvenir pur sactualise dans laperception travers le corps. Pareillement, dansLvolution cratrice, la vie cre les directions delvolution t ravers le contact avec la matire. Ce sont lespace, le corps et la matire qui jouentun rle du mobile de la division ou de lactualisation. Car la dure, lesprit sont indivisibles en eux-mmes et la vie, envisage en elle-mme, nest quune virtualit norme des tendances. Enrevanche, la diffrence na pas besoin dautre principe pour se diffrencier. Dans ce monisme dela diffrence, les degrs de la diffrence se con tinuent du niveau le plus bas jusquau niveau le plus

  • 8/3/2019 EC-Deleuze

    8/13

    8

    haut. Lactualisation du virtuel y procde naturellement par la division ou la diffrenciation desdegrs de la diffrence.

    Quel est la diffrence entre la division et la diffrenciation? Deleuze dans son ar ticle sur ladiffrence distingue les deux processus :

    Si la dure diffre avec soi, ce dont elle diffre est encore de la dure, dune certaine faon. Il nesagit pas de diviser la dure comme on divisait le mixte : elle est simple, indivisible, pure. Ilsagit dautre chose : le simple ne se divise pas, il se diffrencie. Se diffrencier, cest lessencemme du simple ou le mouvement de la diffrence. (CD, 91)

    Cependant, Le bergsonisme qui est crit plus tard annule cet te distinction et identifie les deuxprocessus sans se donner une raison suffisante. Dailleurs, cette at titude se continue dansDiffrence et rptition. A prsent, se diviser en changeant de nature est donc synonyme de la

    diffrenciation. Il faut pourtan t remarquer que le premier processus ne saccorde pas avec ce queBergson dit. Chez celui-ci, la dure nest pas ce qui se divise en changeant de na ture, mais ce quichange de nature, si elle se divise. Par ailleurs, cette division saccompli t par le principe extrieur la dure tel que lespace. Au cont raire, dans le monisme de Deleuze, la division ainsi que ladiffrenciation sachve delle-mme. P ourquoi la dure subit-elle cet te division ? Encore une fois,il faudrait trouver la rponse dans cette affirma tion : la dure est ce qui diffre avec soi-mme. Est-ce suffisante? Deleuze risque ici dtre hylozoiste , au sens plein du mot . En somme, sil existedans le monisme de la diffrence un mcanisme de la diffrenciation, on ne peut pas trouver sonmobile ou occasion. Bergson, mme lorsquil voit une mme dure dans la matire tout commedans la vie, prsente le mobile de la diffrenciation et de lactualisation en supposant les deuxdirections du mouvement. Deleuze, quant lui, tent e de rsoudre ce problme dansDiffrence etrptition.

    3 . Le mobile de lactualisation la diffrence dintensit et le double mouvement dimplicationet dexplication

    DansDiffrence et rptition, Deleuze explique lvolution par lintermdiaire de lindividuation parti r du schma du cne prsent dansMatire et mmoire. Lintr t de Deleuze se concentredailleurs sur celle-ci plutt que celle-l qui proccupait Bergson dansLvolution cratrice . Maisce dplacement de lintr t ne nie pas lidentit du point de vue fondamental des deux penseurs.Deleuze est toujours fidle Bergson, en ce quil considre lvolution sur le modle de

    lembryologie, et quil voit une continuit en tre lvolution e t le processus intrieur de lindividu.En se rfrant la biologie de son poque et la thorie simondonienne de lindividuation, ilpousse lext rme lide bergsonienne de la cration infinie du monde.

    Il sagit dabord de concrt iser la dure entendue comme le mouvement de la diffrence avec soi.Pour cela, Deleuze donne le contenu specifique au concept de lac tualisation du virtuel et essaie detrouver ainsi la cause dynamique qui dclenche le mouvement de la diffrence. Loriginalit deDeleuze rside premiremen t in troduire la pense diffrentielle.

    Le schma bergsonien qui unit Lvolution cratrice Matire et mmoire commence parlexposition dune gigantesque mmoire, multiplicit forme par la coexistence vir tuelle de toutes

  • 8/3/2019 EC-Deleuze

    9/13

    9

    les sections du cne, chaque section tant comme la rptition de toutes les autres, et sendistinguant seulement par lordre des rapports et la distribution des points singuliers. Puislactualisation de ce virtuel mnmonique apparat comme la cration de lignes divergentes dontchacune correspond une section virtuelle et reprsente une manire de rqoudre un problme,mais en incarnant dans des espces et des parties diffrencies lordre de rappor ts e t la distribution

    de singularits propres la section considre. (DR, 274)

    Deleuze rinterprte et dfinit avec prcision le schma bergsonien du cne renvers par lesconcepts mathmatiques des rapports diffrentiels et des points singuliers. Il est in tressant devoir comment il dfinit lIde et la structure. Le virtuel est la manire dtre de ce que noussupposons lorsque nous voyons le monde par lintelligence, telles, Ide et la structure. Deleuzeten te de mon trer comment elles se construisent. Les Ides apparaissent dans un champproblmatique comme les Ides de Kant . Tels sont aussi le corpuscule dans la physique, le gnedans la biologie et les ides de Marx. La structure, quant elle, est ce que les structuralistes ontsuppos en nous offrant un cadre schmatique et fixe. Ainsi que dans la pense diffrentielle, lesdiffrences se dfinissent par leurs rapports mutuels(dy/dx), les diffrences en elles-mmes quiexistent dans le domaine virtuel se mettent en relation diffrentielle et indtermine. Leurdtermination est toujours provisoire, car elle dpend de la dtermination rciproque des rapportsdiffrentiels et des points singuliers. Cest ainsi que les Ides et les structures ne sont pas lesprincipes absolus qui se sont installs dans lternit : elles sont variables et relatives. Labsolunest que dans le mouvement dynamique des diffrences en elles-mmes.

    Dun autre ct, ce que Deleuze prsente comme exemple privilgi de lactualisation du virtuel,cest le processus embryognique qui est lobjet de nombreuses discussions dans la biologie elle-mme. Deleuze souligne surtout le dynamisme spatio- temporel dans le mouvementmorphogntique.

    Les types de loeuf se distinguent donc par des orientations, des axes de dveloppement, desvitesses et des rythmes diffrentiels comme premier facteurs de lactualisation dune structure,crant un espace et un temps propres ce qui sactualise. (DR, 277)

    Ceci montre que lontogense ne se dtermine pas strictement par lactivit des gnes. En effet,les ADNs ne se reproduisent pas par lordre linaire par lequel les codes gntiques se sont rangs,mais se ralisent dans la troisime dimension travers le pliage intrieur des proteines(MP, 75) .

    On peut en dire autant sur lvolution.

    Le monde entier est un oeuf. La double diffrenciation des espces et des parties supposetoujours des dynamisme spatio- temporels.(DR, 279)

    Ainsi Deleuze remarque que le milieu extrieur(cologique) de lorganisme est non moinsimportant que le milieu intrieur, tel quil apparat dans le processus gographiques disolation quidtermine dune certaine manire la naissance ou le changement des espces. Si ce dynamisme duct de lespace cause une diffrenciation des types , le dynamisme t emporel qui consiste prcipiter ou ralentir, ou mme, arrter le processus vital dtermine la t ransformation des typesou leur maturation, cest--dire la notnie. Tels sont les phnomnes de rptition acclre

  • 8/3/2019 EC-Deleuze

    10/13

  • 8/3/2019 EC-Deleuze

    11/13

    11

    Selon lui, la critique bergsonienne sur la quanti t in tensive est pertinent, lorsquelle part de laqualit e t de ltendue toutes faites. Mais alors le temps court au repos et il ne signifie rien que ceque nous dit la loi de lentropie. Cest pourquoi Deleuze redfinit par la diffrence et l intensittout ce que Bergson prsenta comme proprits de la dure, en abandonnan t ainsi les termes deson prdcesseur, cest--dire qualit et dure.

    La critique de Deleuze naurait un sens que lorsquil prend lintensit comme une substance quisoustend la qualit et la quantit. Cependant, chez bergson, celles-ci ne sopposent pas lune lautre au mme niveau. Tandis que la quantit ne contient que la diffrence de degr parmi seslments, la qualit comprend htrognit et diversit qui impliquent en elles la diffrence denature. Pour parler plus radicalement, le quanti tatif dont la nature est lespace nest pas le rel,mais provient de la vue de lintelligence, ce que Deleuze montre bien dansLe bergsonisme. Malgrcela, il insiste sur le fait que dans la qualit se trouvent la stabilit, limmobilit, la ressenblance etla gnralit etc. Il est vrai quune qualit, par exemple, la couleur jaune, malgr ses nuancesinfinies, peut en trer dans la ressemblance et la gnralit que lon peroit comme une certainequalit. Daprs Bergson, cest parce que notre facult de percevoir sest st ructure dans le butpratique. Il nen est pas moins vrai quil emploie le mme terme de qualit pour dsigner le jeu des

    nuances et la qualit stable. Il essaie donc de complter ce point dansMatire et mmoire. Cetteten tative de surmonter la dichotomie de la qualit et de la quantit procde dune manire t rsradicale, et fonde le monisme de la dure qui se continue dansLvolution cratrice . On peut doncdire que la critique plus ou moins htive de Deleuze est base sur le texte mme de Bergson.

    A la fin deMatire et mmoire, Bergson parle de la qualit en tant que processus qui se fait, etnon pas de la qualit toute faite. Cest une ten tative de rconcilier la qualit sensible et la matire.Maintenan t, la qualit qui se prsente lextrieur renferme en elle quelque chose de plusprofonde. Si lon distingue deux couleurs dans une perception, cela tient ltroi te dure o secontracten t les trillions de vibrations quelles excutent en un de nos instants. (MM, 227-228)Bergson lappelle lobjectivit de la qualit.

    Son objectivit, cest--dire ce quelle a de plus quelle ne donne, consistera prcismentalors(... ) dans limmense multiplicit des mouvements quelle excute, en quelque sorte, lintrieur de sa chrysalide. Elle stale, immobile, en surface ; mais elle vit et vibre enprofondeur. (MM, 229)

    En plus, sil ny a pas de conscience comme la n tre, ces vibrations se scande en autant demoments que la science en distingue. (MM, 233) Mais absorbs au changements qui se produit ensurface, nous constituons(...) des corps la fois stables quant leurs qualits et mobiles quant leurs positions. (MM, 235) Cest justement, daprs Deleuze, le moment o Bergsonsinterroge sur la double gense de la qualit et de ltendue. (DR, 308) En somme, Bergson, bien

    quil rvle lbranlement ou la vibration sous ltendue qualifie, ne cesse pas de les faire entrerdans la qualit. Deleuze interprte ce fait comme suit : Bergson a dj mis dans la qualit tout cequi revient aux quantit in tensive. (Ibid.) Et il va plus loin en rptant ce quil a dj dit avant :Bergson dfinit la dure comme divisible ; la dure se divise en changeant de nature et change denature en se divisant. Cest dire que Deleuze distingue dans le concept bergsonien de qualit lemode stable et le processus de devenir en att ribuant ce dernier la quantit intensive. Il fautreconnatre que dans ce cas, sa critique envers Bergson ne devient que verbal.

    Le domaine de la quantit intensive est celui de la diffrence et du devenir qui dpasse la qualit etltendue. La diffrence dintensit est dprs Deleuze le principe transcendantal au senskantien(DR, 310). Que le principe t ranscendantal ne soit pas la virtualit quest la diffrence enelle-mme, mais la diffrence dintensit, cela tient ce que celle-ci dtermine la condition rellede lexprience comme chez Bergson, et non pas sa condition possible comme chez Kant. Mais

  • 8/3/2019 EC-Deleuze

    12/13

    12

    alors la diffrence dintensit est-elle un principe qui fonctionne dune autre manire que la loi delentropie ? La rponse est oui, selon Deleuze. Cette loi de lentropie produit ltendue et laqualit stables par lannulation de la diffrence dintensit. Pourtant, que le monde court ainsi aurepos, la tombe, cela est daprs Deleuze, une illusion transcendantale. Nous abordons ici lapartie la plus spculative de la philosophie de la diffrence.

    La diffrence dintensit est la raison dtre du monde sensible en mme temps que le mobile delactualisation. Or si lactualisation va vers lannulation de la diffrence, il nest plus possibledexpliquer le devenir et la cration qui existent dans le monde. Comme on le voi t bien, la loi delentropie se prsente ds le dbut de loeuvre de Bergson comme objet capital de sa rflexion.DansLvolution cratrice, elle se caractrise comme la direction du mouvement qui se dfait,cest--dire celle de la matire. Au contraire, la vie reprsente le mouvement du devenir et de lacration infinis. Bergson qui ouvre la voie du monisme en surmontant la dichotomie qualit-quantit dansMatire et mmoire tablit le mobile de lvolution par lopposition du mouvementde la vie et de celui de la matire e t lexplosion qui en provient. Quen est-il chez Deleuze ? Ladiffrence dintensit nest pas la diffrence des directions. Le philosophe de la diffrenceexplique par la diffrence dintensit toute gense de ltendue qualifie au processus vital. Chez

    celui-ci, la diffrence de haut niveau est le mobile du changement. Lintensit obtien t ainsi lestatut transcendantal derrire les tres et rpond au projet moniste de Deleuze. Mais que ladiffrence dintensit soit le mobile de la cration, et non pas seulement du mouvement de ladgradation de lnergie, cela ne sclaire toujours pas suffisamment.

    Le principe que Deleuze propose est le double mouvement dimplication et dexplication. Celle-ci constitue le processus par lequel la diffrence se dploie et sannule ainsi en engendrantltendue et la qualit, alors que celle-l le processus par lequel la diffrence cre ce systme lui-mme o lintensit stend. Ainsi la qualit comme signe prend le double aspect : renvoyer unordre impliqu de diffrences constituantes, t endre annuler ces diffrences dans lordre tenduqui les explique. (DR, 294) Pour dmontrer cette sorte dimplication de la diffrence, Deleuzedonne ici quelques exemples physiques et dpend surtout de Lon Selme qui a prtendu contreCarnot que laugmentation de lentropie est illusoire. Mais si le principe dintensit est

    transcendantal et mtaphysique plutt quempirique, il ne serait pas ncessaire de faire appel laphysique. Deleuze crit fermement :

    La diffrence comme intensit reste implique en elle-mme, quand elle sannule ensexpliquant dans ltendue. (Ibid.)

    Le mtaphore dimplication exprime ltat o la diffrence dintensit est enveloppes,embryonnes . (DR, 305) Ceci, par exemple, en ce sens quune temprature nest pas composede tempratures, et que chaque temprature est dj diffrence(DR, 306). Comme ces choses ne

    sont pas de lordre homogne, elles changent de na ture en se divisant. La diffrence dintensitcourt lannulation en se dployan t, en mme temps quelle se fait sans cesse lintrieur delle-mme. Ce genre dexplication correspond exactement ce que fait Bergson dansLvolutioncratrice sur les mouvements tension-dtente et monte-dscente.

    Concluons. Si le dualisme se met en question chez Bergson, il faudrait remarquer que lemouvement dimplication e t dexplication prend aussi laspect du dualisme. Les deux penseurs nesempchent pas tous de supposer une certaine dualit pour expliquer lactualisation et ladiffrenciation cratrices du monde aprs avoir travers le monisme que suggre Matire etmmoire. Bergson parle de lopposition des directions du mouvement et Deleuze du doublemouvement de la diffrence. Or quelle est la relation ou la diffrence entre ces mouvementsdimplication et dexplication ? Est-ce la diffrence de nature ou celle de direction ?Limplication et lexplication ne sopposent-elles par leur direction ? Mme si lon dit oui,

  • 8/3/2019 EC-Deleuze

    13/13

    13

    toujours est-il quil manque ici le momen t dexplosion qui est un facteur important delactualisation chez Bergson. Cest pourquoi la relation de la quantit in tensive qui dploie ladiffrence et de celle qui cre la diffrence reste inexplique. Cest aussi pourquoi la relationdouble virtuel-actuel se prsente, semble-t-il, une nouvelle fois lintrieur mme delactualisation o le principe transcendantal rgne derrire le domaine empirique. Nous pouvons

    comprendre leffort de Deleuze pour vi ter le dualisme du dix-neuvime sicle, ce que la sciencecontemporaine de la complexit tend dmont rer. Cependant, dans la structure m taphysique deDiffrence et rptition, Deleuze ne va pas loin de Bergson. Bien que Deleuze dise quil commencesa philosophie propre partir de ce livre, celui-ci nest quun approfondissement de litinrairephilosophique de trois livres principaux de Bergson sous la problmatique deLvolution cratrice .

    1

    Dsormais, nous dsignons dans notre tex te cet ar ticle par "l'art icle sur la diffrence"

    et pour marquer les pages cites nous employons l'initiale CD. Nous citons galement les uvres

    de Bergson e t de Deleuze d'aprs les initiales suivantes :Essai sur les donnes immdiates de laconscience : E ;Matire et mmoire : MM ; Lvolution cratrice : EC ;La pense et le

    mouvant: PM ; L'nergie spirituelle : ES ;Le bergsonisme : B ; Diffrence et rptition : DR ;

    Mille plateaux : MP.