echanges - archivesautonomies.org
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·-·~ - ··-- ..... 7
--ECHANGES No 112 - Printemps 2005 - 3 euros
' '
bulletin du réseau « Échanges et mouvement »
ALLEMAGNE. Grève sauvage chez Ope!, p. 3
+Au travail !, p. 8 +BoLIVIE. Guerre du gaz ou guerre sociale?, p. 9 +Dans
les publications : Amérique latine, p. 15
La situation des classes laborieuses au JAPON, chronologie : juillet 1853-
août 1914, p. 18 +ETATS-UNIS. L'Armée américaine et ses déserteurs, p. 28
+ Dans les publications, p. 30
France. Problématique de la lutte de classe en France et dans l'Union
européenne, p. 33 +Dans les publications :luttes en Francè, p. 39
SYNDICATS. Les négationnistes de la lutte de classe, p. 40 + Le sens
de la LOI FILLON sur les conventions collectives, p. 47
Dans les publications, p. 53
Correspondance, p. 58
NOTES DE LECTURE. Lutte de classe et littérature ( « Un peu de 1 'âme des
mineurs du Yorkshire>>, de John et Jenny Dennis;« Daewoo »,de François
Bon ; «Les Vivants et les morts», de Gérard Mordilla!), p. 62 +<~Marin us
VAN DER LUBBE et l'incendie du Reichstag», de Nico Jassies, p. 65
Liste des publications disponibles, p. 69
.. ECHANGES Vient de paraître__;_ J
1 Bulletin du réseau j « Echanges et ~. mouvement » LA CLASSE OUVRIERE
pour abonnement, informations SOUS LE 111 1 REICH, 1933·1939 et .correspondance : BP 241,75866 Paris Trois articles de Tim Mason ( 1940-1990), universitaire Cedex 18, France
anglais qui consacra toutes ses recherches à la classe ou-Sur Internet: http:// www .mondialisme.org vrière allemande sous le nazisme. Sa thèse de doctorat, Na -
tional Socialism Politics Towards the German Working
Abonnement : 15 euros Class 1925 to 1939, soutenue en 1971, ne fut jamais pu-
pour quatre numéros bliée en anglais. Son intérêt reposait sur une exploration comprenant les des archives nazies, qui montrent avant tout que les dirigeants brochures publiées dans
nazis étaient bien conscients du rôle central des tra-l'année.
vailleurs dans le système de production et plus particu-
Les publications lièrement dans la survie de leur propre régime. d'Echanges et mouvement sont régulièrement déposées Au sommaire
dans les librairies La classe ouvrière sous le III' Reich, 1933-1939 suivantes : L' opposition des travailleurs dans 1 'Allemagne nazie
à Paris Questions ouvertes sur Je nazisme
La Brèche, 27 rue Taine, 12' Annexes Parallèles , 47 rue Saint-
Repères historiques Honoré, 1" La Passerelle, 3 rue Principaux personnages cités
Saint-Hubert, 11' Sigles et abréviations Le Point du jour, 58 rue
Bibliographie Gay Lussac , 5' Publiee, 145 rue Amelot, 11' Quilombo,23 rue Les contraintes de pagination nous ont fait re-Voltaire, 11'
pousser au prochain numéro la publication de la ' A Lyon
suite de Travailler pour la paie, de Seymour Faber La Gryffe, 5 rue Sébasti~n-Gryphe, 7• et Martin Glaberman.
2
BROCHURES DISPONIBLES Militantisme et responsabilité
suivi de Le Crime des bagnes nazis: le peuple allemand est-il coresponsable '? Henry Chazé (Echanges et mouvement, mars 2004, 3 euros)
Derrière l'Intifada du XXI' siècle, Aufhchen (Echanges ct mouvement, octobre 2003,2,50 euros)
Présentation du réseau« Echanges et mouvement >> (Echanges et mouvement, septembre 2003, 1,50 euro)
Les Grèves en France en mai-juin 1968, Bruno Astarian (Echanges et mouvement, mai 2003,3,50 euros)
Humanisme et socialisme/Humanism and socialism, Paul Mattick (Echanges et mouvement, mai 2003, 2 euros)
L'Argentine de la paupérisation à la révolte. Une avancée vers l'autonomie (Echanges et mouvement, juin 2002,2.50 euros)
Correspondance 1953-1954, Pierre Chaulieu (Cornélius Castoriadis)-Anton Pannekoek, présentation et commentaires d'Henri Simon
(Echanges et mouvement, septembre 2001,2 euros)
Pour une histoire de la résistance ouvrière au travail. Paris et Barcelone, 1936-1938, Michael Seidman (Echanges et mouvement, mai 2001, 1,50 euro)
Fragile prospérité, fragile paix sociale. Notes sur les Etats-Unis, Curtis Priee (Echanges et mouvement, février 2001, l ,80 euro)
La Sphère de circulation du capital, G. Bad (Echanges ct mouvement, octobre 2000, l ,50 euro)
Les droits de l'homme bombardent la Serbie,. G. Bad (Echanges et mouvement, octobre 1999, 1,50 euro)
Entretien avec Paul Mattick Jr., réalisé par Han nu Rei me en novembre 1991. Ed. bilingue (Echanges et mouvement. septembre 1999, 1,50 euro)
Pourquoi les mouvements révolutionnaires du passé ont fait faillite.- Grèves. - Parti et classe. Trois textes d'Anton Pannekoek,
précédés de : Le Groupe des communistes internationalistes de Hollande, par Cajo Brendel (Echanges et mouvement, avril 1999, 1,50 euro)
Enquête sur le capitalisme dit triomphant, Claude Bi tot (Echanges et mouvement, janvier 1999, 1,50 euro)
La Lutte de classe en France, novembre-décembre 1995. Témoignages et discussions (Echanges et mouvement, mars 1996, 1,50 euro)
Les Internationalistes du« troisième camp »en France pendant la seconde guerre mondiale, Pierre Lanneret (éd. Acratie)
Mais alors, et comment'? Réflexions sur une société socialiste (Echanges et mouvement, 1,50 euro)
Bilan d'une adhésion au PCF. Un témoignage ouvrier en mai 68 (!CO, 1,50 euro)
74- ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005
ALLEMAGNE
GRÈVE SAUVAGE CHEZ OPEL En octobre 2004, après l'annonce par le groupe General Motors de la suppression de 1.0 00 emplois en Allemagne; l'usine Ope/ de Bochum est en grève, contre l'avis du syndicat /G Metal/
A LA MI-OCTOBRE, Je plan de restructuration de General Motors est rendu public: économie de 500 mil
lions d'euros : 12 000 emplois (sur 63 000) vont être supprimés en Europe, dont 10 000 en Allemagne (4 000 à Bochum, dont 3 500 dès la fin 2004, ct 4 000 à Rüsselsheim). La direction s'empresse de laisser planer un doute quant à d'éventuelles fermetures d'usines. dont celle de Bochum (9 600 travailleurs).
Quelques semaines auparavant, elle avait déclaré balancer, pour un repli futur Je ses activitrs <<milieu Je gamme» (Opel Vectra et Signum. Saab 9.3), entre les sites de Rüssclsheim (Allemagne) et Je Trollhiitan (Suède). Ces incertitudes vont lourdement peser sur le déroulement de la grève et inciter les syndicats à tout mettre en œuvre pour éviter son extension (on rappellera pour mémoire que, en Allemagne, dans 1 'industrie automobile, 80% des tra\ailleurs sont syndiqués). Et cela d'autant que Rüsselsheim, berceau historique d'Ope), est le site le plus important en Al
lemagne (20 000 personnes y travaillent): c'est l:t que siège le conseil général d'entreprise (Gesamtbetriebsrat) ( 1) qui doit négocier avec la direction.
( 1) Le con<erl d'entreprise 1 Betrichsrat) est la structure de ogesiJon. qu1 englobe le patronat et !e syndical de branche (rn ](j Metal]).
Contre le management. Contre les syndicats
Dans la Ruhr. à Bochum, la nouvelle se répand le 14 octobre, lors des pauses du début J'après-midi. Puis les équipes du midi quittent les chaînes de montage ct se rassemblent aux portes des trois usines. malgré les exhortations des contremaîtres qui agitent le spectre de la concurrence. d'une aggravation de la situation d'Ope! en cas de débrayage. Vers 16 h :W. la production est complètement arrêtée.
Les portes sont aussitôt bloquées pour empêcher les livraisons de pièces aux autres usines. En 2000, lors d'une première grève spontanée. les travailleurs avaient réussi en deux jours à faire cesser la pro-
ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005- 3
duction dans les autres sites. Pour ce qui concerne les essieux, les boîtes de vitesse et les carrosseries, les sites d'Ellesmere Port (Grande-Bretagne), d'Anvers (Belgique) et de Rüsselsheim dépendent en effet directement de Bochum. La direction ct les ouvriers le savent pertinemment: malgré plusieurs tentatives, les contremaîtres et les agents de sécurité du site ne parviendront pas à évacuer les dépôts.
Inquiets, le syndicat et le conseil d'entreprise demandent aux ouvriers de re
porter leur action et d'attendre patiemment la journée de mobilisation européenne prévue pour le 19 octobre. En soirée, 1 500 ouvriers environ organisent l'occupation. Des assemblées ont lieu dès lors toutes les heures, et chaque équipe décide de la reconduite de la grève. Les premiers slogans contre le management et contre les syndicats se font entendre. Dans 1 'ensemble, les revendications resteront défensives tout au long de la grève (contre la fermeture des usines, contre les licenciements), offrant prise à la propagande
du syndicat IG Metall (qui ne dit pas autre chose).
" Journées d'information Il
Officiellement, il ne sera jamais question de grève; pour parer à d'éventuelles
sanctions, les ouvriers affirment (ironiquement aussi, car personne n'est dupe) user de leur<< droit à l'information>>. Si IG Metall ne dit pas autre chose, c'est par crainte de devoir verser un << dédommagement>> à l'entreprise. Mais que personne, au sein de la direction d'Opel, n'ait songé à faire débourser le syndicat montre qu'il s'agit bien là d'une grève sauvage. La direction en prend acte et dresse des listes not res.
Localisme Le mouvement reçoit immédiatement
le soutien de la population de Bochum, renouant, en quelque sorte, avec le localisme. Des classes scolaires sc rendent sur les lieux ; des habitants approvisionnent les grévistes. Plusieurs listes de souscriptions
l+ Sur Internet, vous pouvez
\
1
cueillir une nouvelle revue
des luttes en anglais sur le
1 site www.prol-position.net.
1
Le no 1 (format PDF)
contient des articles sur la
grève chez Opel (Bochum)
et la politique de General
grants en France, sur les
luttes dans le secteur aérien
en Grande-Bretagne et en
Belgique et dans le bâtiment
en Grande-Bretagne.
usines du groupe, non seu
lement en Allemagne même
mais aussi en Belgique et en
Angleterre. Cet article donne
une chronologie des événe
ments, les raisons de cette
grève, l'action du syndicat
IG Metal/ pour la combattre
aux côtés des patrons et les résultats pour les tra
vailleurs.
Motors à propos de la firme
suédoise Saab, sur le nou
veau modèle des salaires
chez Volkswagen en Alle
magne. les protestations
contre les réformes socia
listes. sur la lutte des mi-
+Le no 72 (janvier 2005) de
la revue allemande Wildcat analyse lui aussi la grève
sauvage qui a paralysé
l'usine Opel de Bochum en
Allemagne (bassin de la
Ruhr) entre le 14 et le 20 oc
tobre 2004, et qui a eu des
répercussions dans d'autres
4 -ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005
A Bochum, un groupe Ge
genwehr ohne Grenzen
(GoG, Défense sans fron
tières) mène depuis les an-
Black and White. 1985, (A)
UK Spokesman (The) no 1,
mars 1970, (A) UK
State Socialism (A critique
of) (Bakounine) (A) UK
Street Voice. n"' 72 et 73 (2003) (A) Etats-Unis
Striking against apartheid, brochure du Socialist
Worker Party (1982) (A) UK
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Cienfuegos Press, 1981 (A)
Etats-Unis Sud Education no 5 (2004)
(F) France Sud PTT (2004) (F) France
Sudversif n"' 2 et 3 (2004)
SPGB, Why Soc1alists oppose the Labour Party
(A) UK Syndicalist Bulletin (Peace
Movement). mai 1973 et 1994 (A) UK
T'okup : n"' 41 (2003), 42, 44, 45 (2004) ; brochure :
mobilisation contre la 5' Conférence de I'OMC (F)
Suisse Tam-Tam no 2 (2001) (F)
France Trait d'union (Le) n" 10
(2004) (F) France
Travailleur parisien CGT (Le) n" 1113 (2003) (F)
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of Urban Explorations) no 2/3, 1996 (A) UK
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numéros 1992 (A) UK UK Workers World, 1999 (A et
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( 1972) (F) France numéros dépareillés de
Universaliste (L') n"' 67, 68 1993 et 1994 (A) Etats-
et 69 (2003), 71 (2004) (F) Unis
France Workers'Democracy n" 33,
Uranium, Future in the 1989 (A), Etats-Unis
balance (A) UK Workers'Solidariry n" 4,
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travail belge (F) Belgique brochure " Unions and
UE News. trois numéros de Wildcats , (A) UK
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numéros 1994 (1) Italie
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n"' 95 et 96, 1993 (A) Zanzara Athée n"'72 14 et
Etats-Unis 15 (2003) (F) France
Update Central America Zer Egin, numéros and Middle East, quatre dépareillés de 1989 et
numéros de 1994 (A) 1990 (basque et espagnol)
Etats-Unis Espagne.
Unity Rockers: n"' 17, 18,
ÉCHANGES 112 · PRINTEMPS 2005- 73
Occupational Therapy,
1995, (A), UK
Optimum n' 605 (2001)(A)
UK
Organise, plusieurs
numéros des années 1990
(A) UK
Organiser (The), n" 7 et 8,
1995 (A) UK
Oxfoerd Strumpet n" 41 et
42 (A) UK
Partido en la guerra no 0,
1991 (E) Espagne
Partisan n' 187-188
(2004) (F) France
Pascal (F) France
Peace News 1976 (A)
Etats-Unis
Peccato (il) ( 1992) (1) Italie
Pêche (La) du Midi (2004)
(F) France
People (The) de 1990 à 2004 (A) Etats-Unis
People's Newsletter (The)
(A) Etats-Unis
Permanence juridique G8
(2003) (F) Suisse
Peuples en marche no 196
(2004) (F) France
Pignero Jean, La France
n'est pas en démocratie
(F) France
Point of No Return no 4,
1997 (A) Etats-Unis
Poison Pen, 1991, (A) UK
Preparing for Democracy,
1992(A)UK
Processed World,
nombreux numéros des
années 1980 (A) Etats
Unis
Proletarian Revolution,
n" 69,70 et 71 (2004) (A)
Etats-Unis
Prolétariat universel (Le)
plusieurs numéros (2001 à 2004) (F) France
Que fait la police ?, divers
numéros (2004)
(F) France
Radical Shift, n' 2 (A) UK
Rebellion News n' 3
(1967) (A) UK
Récalcitrons no 16 (2004)
(F) France
Red Action, no 65, 1983,
(A) UK
Red Menace, 1977 (A) UK
Red Pepper, 1994 (A) UK
Réflexions et documents
Armement (1998) (F)
France
Réseau lnfo santé, n" 6, 7,
9 (1986) (F) France
Resinostrest, no 3,
catalogue 2004 (A) Etats
Unis
Resiste, 1991 (E) Espagne
Revival of the Civil Rights
Movement (A) Etats-Unis
Revolutionary Anarchism,
n' 5 (A) UK
Revolutionary
Perspectives no' 2, 3, 4,
1996 (A) Etats-Unis
Rosso Operaio n" 4 et 5
( 1998) (1) Italie
72- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005
Satiricon n' 33 (2004) (F)
France
Scrooge and Stooge, 1972
(A) UK
Sexual Struggles, n' 1 (A)
Etats-Unis
Shrew, no 3, 1972, (A) UK
Socialism (ln quotation
marks) Discussion on
Nicaragua (A) UK
Socialist lndustrial
Unionism, SLP (A) Etats
Unis
Socialist Opportunist
(Autonomy, Oxford) 1984
(A) UK
Socialist Reconstruction
n' 1, 1971 (A) Etats-Unis
Socialist Worker, numéros
divers de 1999 à 2005 (A)
UK
Solidaire, numéros divers
de 1997 à 2004 (F)
Belgique
Solidaires n' 14 (2003) (F)
France
Solidarité n" 15, 16,17 et
18 (2004) (F) France
Solidarité (Les échos)
n" 107 (2004), 110 (2005)
(F) France
Solidarity Bulletin
(Norwich) n" 5 et 6, 1995
(A) UK
Solidarity Newsletter.
Philadeph1a Solidarity,
n' 1, 1972 (A) Etats-Unis
Somerset Clarion, 1994,
(A) UK
South Africa (The
organisation of power in
sont lancées. Au cours du week-end (16 et
17 octobre), la grève tend à s'ouvrir vers
l'e.xtérieur, à d'autres mouvements. De
vant J'usine N" 2, les grévistes organisent
une<< journée des familles», accueillant
leurs proches ainsi que des délégations des
autres boîtes de la région, auxquelles se
joignent des manifestants du lundi.
L'ombre de Michael Moore Les syndicalistes et le comité d'entre
prise affirment dans un premier temps que
les difficultés d 'Opel proviennent essen
tiellement d'erreurs du management. Puis,
après le début de la grève, ils changent leur
fusil d'épaule. Face à la<< dictature des
marchés», la résistance locale est inutile,
martèle le conseil d'entreprise à Rüs
selsheim. << il faut négocier tous en
semble>>. Les références à Flint (usine de
moteurs du Michigan où, en 1998, une
grande grève de deux mois avait paralysé
toute la production du groupe et avait coûté
au total au groupe américain près de
3,2 milliards de dollars), présentée comme
<<une lutte sans issue>>, se multiplient, tan
dis que les dirigeants syndicaux rivalisent
de nationalisme et d'an ti -américanisme. A
les écouter, il s'agirait ni plus ni moins
que d'une machination impérialiste sur
fond de clash des civilisations. Les ac
tionnaires, les fonds de pension américains,
ne seraient pas capables de comprendre
<< nos traditions >> ( << cogestion ,, ). Et la re
structuration brutale serait due à la po si
ti on de 1 'Allemagne lors de la guerre en
Irak: GM finance le parti républicain qui,
venant de remporter les élections, pren
drait ainsi sa revanche. L'ombre de Mi
chael Moore plane alors sur Rüsselsheim.
Ripostes syndicales Lors de !ajournée d'action européenne
organisée par les syndicats le 19 octobre, à
Bochum les fonctionnaires IG Metall et les
co-managers, soutenus par le SPD, les élus
locaux et même par quelques curés, appel
lent en chœur à la reprise du travail; aucune
délégation de grévistes ne peut s'exp ri mer
publiquement- et, alors que des travailleurs
nées 1970 une liste anti-syn
dicaliste, opposée à l'idéo
logie de parti comme aux po
sitions modératrices des
syndicats. En 1973, ce
groupe, en accord avec le
comité d'entreprise et les
" hommes de confiance,
(délégués), avait obtenu la
mise en place d'un affichage
d'information pour les ou
vriers dans tous les ateliers
En 2004, la lutte de classes
a bouleversé cette institution
L'auteur de cet article tire les
conclusions personnelles
suivantes de cette grève
l'usine.( ... ) En dépit de l'or
ganisation autonome et du
suivi de la grève, les reven
dications sont demeurées
défensives. ( .. ) La grève
sauvage à Bochum a de
nouveau montré que la lutte
de classes n'est pas un phé
nomène institutionnel et dé
mocratique mais un conflit
vivant qui nécessite un
noyau militant décidé vers
lequel les travailleurs plus
modérés puissent se diri
ger ... (p.17-19)
sauvage à Bochum
" L'usine reste le lieu où la
contradiction capitaliste
s'exprime de la maniêre la
plus concentrée, non seule
ment lieu de production de
plus-value mais aussi celui
de la lutte de classes -l'as
piration à une nouvelle so
ciété s'exprime dans la
grève à travers la commu
nauté d'action autonome et la
collectivité au sein de
ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005- 5
des autres firmes automobiles sont présents
(Porsche, Ford, VW), les plus concernés
pour ainsi dire, ceux de Rüsselsheim, sont ab
sents. Ils sont conviés à écouter à Rüs
selsheim un discours du chef du conseil
d'entreprise général. Klaus Franz, qui s'en
prend violemment aux grévistes.
Au cours de la journée, la pression sur
les travailleurs de Bochum redouble. Pour
1 'anecdote, il y a même eu au Bundestag une
séance extraordinaire consacrée à la grève.
Les effets démoralisateurs de la manifesta
tion se font sentir dès le soir, bien que les
médias aient annoncé à grands bruits 1 'arrêt
de la production en Belgique et à Rüs
selsheim. Sans compter que l'échec de la
grève des métallos est-allemands de 2003
est présent dans tous les esprits depuis le
début du mouvement. Sentant son heure ar
river, JG Metall insiste plus que jamais sur les
négociations: entre-temps, sous le choc de
la grève, la direction d'Ope! a semblé ef
fectivement assouplir ses positions.
S'ils n'obtiennent pas la fin immédiate
du mouvement, les syndicalistes parviennent
cependant à imposer la convocation, le len
demain, d'une assemblée générale- le clas
sique<< laissons-la-base-décider»-. En guise
de« démocratie par la base», le 20 octobre,
les ouvriers sont d'abord fouillés à l'entrée du
bâtiment par les agents de sécurité, qui
contrôlent aussi les identités. Les micros,
d'ordinaire répartis dans la salle, ont été
préalablement enlevés. Sur le podium, en
tourés par les nervis de la boite, seuls trois
<<hauts fonctionnaires» du conseil d'entre
prise et d'JG Metall auront un droit de pa
role. Les discours sont rapides, une vingtaine
de minutes en tout. Puis vient Je vote à bul
letin secret:<< Devons-nous continuer les né-
6 -ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005
gociations et reprendre le travail? Oui ou
non. >> 1 769 ouvriers sur 8 000 environ sont
contre ; la majorité (4 673) se prononce pour
l'arrêt du mouvement.
Solidarité bien ordonnée ... Rarement, on aura entendu autant d'ap
pels solennels à la <<solidarité des tra
vailleurs>>. Pour contenir un mouvement de
classe spontané. Si le syndicat IG Metall a
semblé dans un premier temps débordé par
la base (et la presse aux abois n'a eu de cesse
de le rappeler à sa mission de paix sociale),
à aucun moment il n'a dévié de son objectif
principal : circonscrire à la Ruhr la grève
sauvage, profiter du choc et négocier un trai
tement de faveur pour Rüsselsheim. Il lui
fallait donc suivre la voie tracée par les ma
nagers d'Ope! et monter les travailleurs de
Bochum et de Rüsselsheim les uns contre
les autres. Le syndicat a adapté son discours
et son attitude à chacun des deux sites. Deux
discours antagonistes fondés sur le même
principe de<< solidarité ouvrière>> ; deux
discours aux relents ouvriéristes, qui, à
chaque fois, dénigraient les sentiments de
solidarité et l'esprit de résistance des ou
vriers de l'autre site; deux discours<< chau
vins>> qui confortaient les doutes que pou
vaient nourrir les ouvriers sur la fiabilité et
les intentions de leurs camarades.
Ainsi, à Bochum, n'ayant pas d'autre
choix que d'appuyer sagement le mouve
ment en attendant la fin de l'orage, IG Me
tall avait tendance- à l'instar des gré
vistes- à pester contre la résignation et le
manque de solidarité des travailleurs de
Rüsselsheim, qui continuaient la produc
tion. A Rüsselsheim en revanche, syndicat
et conseil d'entreprise présentaient les gré
vistes de Bochum comme des irrespon
sables, manipulés par quelques <<me
neurs». qui allaient faire échouer les
,------------------------------------------------------------------,
Termites in Faridahbad (A)
Etats-Unis
Guerre des boutons (La).
1982 (F) France
Hel! on Wheels, no 33,
2003 (A) UK
Here and Now, année
1990, (A) UK
Hi ka, n" 0,1 ,2 et 3 (1997
et 2000) (en castillan et en
basque) Espagne
Historectomy (A) UK
ldea Action :no 15 de 1990
( E) Argentine
Index on Censorship, 1994
(A) UK
lndustrial Worker no 7
(2001) (A) Etats-Unis
lndustrial Worker,
plusieurs années
dépareillées (A) Etats-Unis
Informations
Correspondance
Ouvrières (ICO). numéros
disparates des années
1970 (F) France
Informes Criticos, 1997 (E)
Espagne
lnside out no 1 (A) UK
International Creativity,
manifeste de 1970 (A) UK
International Labour
Report no 17, 1986 (A) UK
International Socialism
plusieurs numéros de
1977 (A) UK
International Socialism -
Tony Cliff, éléments pour
une discussion (F) France
International Socialist
Review (1974) (A) UK
lnternationalist Papers,
janvier 2003 (A) UK
lntersyndicaliste, n" 64 et
65 (2004) (F) France
Islam (A critique of) (A) UK
Israël deux brochures :
Nouvelle vision socialiste
et L'Histadrout, son
histoire (F) France
Jakilea -Défense des
Droits de l'Homme en Pays
Basque n" 69 (2003) à 72
(2004) (F) France
Kate Sharpley Library
(Bulletin) numéros
dépareillés depuis 2000
(A) UK
Keep it feisty (A) UK
Kladivo, un numéro (en
serbo-croate) (Serbie)
Labor Notes, numéros
dépareillés (A) Etats-Unis
Laughter is bourgeois,
syndicalist bulletin (A) UK
Libertaire (Le) no 14
(2004) (F) France
Libertarian Communism,
no 8, (A) UK
·~_ .. ·,.._·.
~ ·~ ~·
Lobster no 27, 1994 (A) UK
LPON Newsletter, n°02,
1994 (A) UK
Marxism 2003, brochure
(A) IK
Melancholic Troglodytis,
no 1, 1996 (A) UK
Mmnesota Teamster
Voice, 1993, (A) Etats
Unis
Mobilisation (pour la
construction du parti
révolutionnaire), no 6,
1994 (F) France
Monde (Le) supplément
radical (2004) (F) France
Monde Libertaire (Le)
n" 1326 (2003), 1330
(2003}, 1344 et 1345
(2004) (F) France
Mumia Abou Jamal
(Comité de soutien
à),décembre 1999 (F)
France
New lnternationalist (The),
(2003) (A) Etats-Unis
New Liberation, sept 1969,
n°9(A}UK
New Unionist n" 206,207
et 210 (1994-1995), 294
(2002) et 300 (2003). (A)
UK
News from everywhere,
diverses brochures et
revues, année 1990 (A)
UK
Niglo en colère no 6 (2004)
(F) France
ÉCHANGES 112 · PRINTEMPS 2005-71
no 10, 1996 (A) Etats-Unis
Cinquième zone, plus1eurs
numéros de 2002, 2003 et
2004 (F) France
Clio, no 3 (1996) (F} France
CNT-Info, d1vers 2004 (F)
France
Collegamenti, brochure mai
1981 (1), Italie
Combat syndicaliste (Le}
numéros divers sous ce
titre de deux origines
distinctes de 1999 à 2004
(F) France
Combat communiste
(marxiste-léniniste) 1977
(F) France
Combat socialiste no• 27 et
28 (2004) (F) France
Combustia, Minor
Conflicts, Major
Confrontation (A) UK
Comidad, année1990 (1)
Italie
Communicating Vessels
no 12 (A) UK
Communisme no 55 (2004)
(F} France
Community Action -
Haringey Solidarity Group
(A} UK
Communily (North
Kensington Newsletter) (A)
UK
Confrontations (OSL,
suisse) 1988 à 1997 ( F)
Suisse
Coordination anti-OMC,
2003 (F) SUISSe
Copeaux d'abord (Les}
(CNT BOIS) 2002 (F)
France •
Coquelicot (Le) no• 40,41 et
42(2004) (F) France
Coton Tige no 2, 2003 (A)
UK
Counter lnformation,divers
numéros avant 2000, no• 52
et 57 (2001) (A) UK
Courant Alternatif no 141
(2004) (F) France
Critique communiste (LCR)
1996 (F) France
Critique de la théorie de
l'impérialisme, dossier, juin
2004 (F) France
Dans le monde une classe
en lutte, pratiquement tous
les numéros parus depuis
1994 (photocopies) (F)
France
Autsi (espagnol et basque)
Espagne
Echanges, reprise en
brochures distinctes
d'articles de la revue et
d'ailleurs par un groupe de
Caen (F) France
Ecole de Paris (Les amis
de l')- Héritiers et
managers (2004) (F)
France
Ecologiste (L') revue,
septembre 2004 (F)
France
Ecologistes (La lettre des)
no 66 (2004) (F) France
Egalité des droits et des
chances, brochure (2004)
(F) France
70- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005
Ehrlich Carol - Socialism
anarchism and feminism,
1970 (A) Canada
Epoca Update (t, 90) (A}
Etats-Unis
European Counter
Network, 1992 (A) UK
Exagéré (L'}, no' 1 et 3 (F}
France
Facman n" 2 (1999) à 5
(2000) (F) France
Fight Fascism (sur la
guerre en Bosnie) (A) UK
Firestarter, diverses
brochures en anglais
reproduisant des textes
antérieurs de diverses
publications (A) Etats-Unis
Flash Republicano no 0
(2000)(E) Espagne
Flux,6 numéros (A) UK
Forge (La) numéros divers
de 2003 et 2004 (F)
France
Freedom, numéros divers,
1969 à 1995 (A) UK
Gazette d'Angers (La),
année 1970 (F) France
Gazette de la société et
des techniques (la}, no' 17
(2002}, 19, 21' 22 (2003),
24 à 28 (2004) (F) France
Gegen die Stromung,
n" divers de 1999 à 2004
(en allemand) et bulletin
d'information en françaijs Allemagne
Goldner- Revolutionary
-------
importantes négociations- sans se soucier
du sort de leurs collègues des autres sites:
la grève sauvage pouvait braquer la direc
tion d'Ope! et compromettre 1 'avenir déjà in
certain de Rüsselsheim au profit du site sué
dois de Trollhattan.
Au niveau d'Ope!, l'isolement de la
grève était donc pratiquement acquis
d'avance. La manifestation syndicale a fini
par ébranler les grévistes, malgré les arrêts
de production dans les autres sites. La ma
nœuvre finale pour forcer la reprise du tra
vail, aussi cauteleuse et bureaucratique
qu'elle fût, est donc moins une" trahison"
- comme on a pu le dire à chaud - que
1 'aboutissement logique de la tactique syn
dicale elle-même.
ÉPILOGUE
Règlement au cas par cas : les " départs volontaires "
Le 8 décembre, le conseil général d'en
treprise approuve la suppression de
9 500 emplois (5 000 à Rüsselsheim, 4 100
à Bochum et 400 à Kaiserlautern) et, comme
prévu, les coûts fixes annuels d'Ope! se
ront réduits de 500 millions. Environ
3 000 tra v ai Il eurs partiront en préretraite
ou seront employés à temps partiel. L'ac
cord prévoit le départ« volontaire>>, avant
la fin janvier, de 6 000 travailleurs, dont la
moitié à Bochum. contre une compensation
calculée sur l'ancienneté (entre 10 000 et
théoriquement 200 000 euros ). Un << vo
lontaire>>, âgé de quarante ans, travaillant
depuis quinze ans sur les chaînes de montage.
touchera environ 60 000 euros. IG Metal!
s'est aussitôt mis à annoncer des primes de
départ mirobolantes pour faire passer l'ac
cord. Mais la firme, pas folle, refuse de se
séparer des ouvriers âgés et qualifiés dont
le départ lui reviendrait trop cher. La di-
rection et le conseil d'entreprise font alors
pression sur les plus jeunes en leur rappe
lant gentiment qu'ils seront les premiers
sur la sellette en cas de licenciements secs.
A la fin janvier, afin d'éviter un redémarrage
de la lutte el devant le peu d'enthousiasme
pour ces mesures, Ope! accorde un nouveau
délai (25 février). A Rüsselsheim et à Kai
serlautern, on atteint finalement le quota
de départs" volontaires" que l'accord avait
fi.~é, respectivement 2 700 et 300. A Bo
chum, en revanche, seuls 1 500 ouvriers
avaient accepté la prime à la fin février.
Tout comme la manœuvre syndicale qui,
pour casser le mouvement de lutte, avait
transformé le collectif de grévistes en plu
sieurs milliers d'électeurs anonymes, les
contrats de départ tendent à individualiser
les travailleurs.
Les sociétés de transfert Les << volontaires au départ>> intègrent
des sociétés dites de réorientation ou de
transfert. Conçus par IG Metall à la fin des
années 1970 pour amortir les effets des re
structurations, ces bureaux de placement ont
connu un véritable essor lors de la« réuni
fication>>. Ce sont soit des organismes pri
vés, soit des créations ad hoc; les conditions
du<< transfert>> forment l'un des volets des
négociations. L'organisme de chômage
[équivalent de l'ANPE] verse au transfuge
60 % (67 %pour ceux qui ont des enfants) de
son dernier salaire net, à quoi s'ajoute un
complément versé par 1 'entreprise qu'il vient
de quitter (dans le cas d'Ope!, il reçoit en
tout 85 %de son dernier salaire). Si au bout
d'un an, il n'a pas été placé, il n'a plus qu'à
s'inscrire au chômage.
Les sociétés de transfert permettent à
l'employeur de contourner le droit du tra
vail (en matière de licenciement) ct d'enga
ger aussitôt la réorganisation des conditions
ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005- 7
d'exploitation. sans avoir à redouter une
forte opposition des travailleurs, un mou
vement de 1 u tte con séq uen t.
indexés sur les tarifs de branche) et la ré
duction de la prime de Noe!. En outre, il in
troduit une plus grande flexibilité des condi
tions de travail : le temps de travail variera
entre 30 et 40 heures (35 heures en
moyenne) ; chaque ouvrier devra, sans com
pensation, travailler. En échange, Ri.is
selsheim s'impose face à Trollhatan (ferme
ture probable à plus ou moins brève
échéance) et récupère les activités<< milieu de
gamme» ; la version cinq-portes de l' Astra
sera désormais produite à Bochum.
Un " accord orienté vers l'avenir"
Le 3 mars, les négociations entre la di
rection et le conseil d'entreprise aboutissent
à un accord sur le maintien en activité des trois sites ouest-allemands d'Ope! jusqu'en
201 O. L'accord, dont les modalités d' appli
cation sont différentes selon les sites, sti
pule le gel des salaires (qui ne seront donc plus
Au travail! +En Allemagne, comme par
tout, une réorganisation du
capital impose une emprise
toujours plus importante du
travail dans la vie quoti
dienne. Le n' 72 (janvier
2005) de Wildcat revient
dans un article" On n'a rien
sans lutte " sur la loi Hartz IV qui veut fluidifier l'emploi et
remettre tous les inactifs au
travail. Le projet du ministre
Hartz est de réinsérer les
chômeurs dans le marché de
l'emploi pour un salaire ho
raire supérieur de 1 euro aux
allocations chômage, au nom
du précepte : " Nous neto
lérerons plus ceux qui refu
sent de travailler " Les pres
tations sociales avaient été
mises en place par l'Etat au
début du XX' siècle afin de
rédUire les conflits entre tra
vail et capital, ou tout au
moins de les intégrer à l'ordre
étatique. L'attaque contre
elles amène aujourd'hui ceux
qui étaient autrefois contre
l'Etat à défendre l'Etat social.
L'auteur voit dans les nou
velles manifestations du lundi
(voir Echanges n" 110, p. 6
et111, p. 26) le " retour du
prolétariat "· Un autre article, " A bas le
premier, le deuxième, le troi
sième marchés du travail ",
retrace un bref historique des
diverses tentatives d'impo
ser un travail obligatoire aux
bénéficiaires des services so
ciaux depuis les années
1970. Wildcat revient sur J'expérience en demi-teinte d'op
posants au travail obligatoire
à Cologne et Witten en 1984
et 1985, avec des extraits
d'articles parus dans ses
n" 38 et 39 (1986). A Cologne, les tentatives de
mener une lutte collective
contre le travail obligatoire
n'avaient trouvé d'écho que
chez les squatters ou les
8 -ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005
G. C.
groupes politiques d'extrême
gauche, car il fut impossible
de mener des actions sur les
lieux de travail à cause de
l'hétérogénéité des gens im
pliqués. A Witten, par contre,
Erwin raconte que les assis
tés sociaux, contraints de tra
vailler sept heures par jour,
ont réussi à déclencher une
lutte collective qui a fait re
culer un contremaître voulant
les faire travailler huit heures
et leur accorder un jour de
compensation à son gré. Il
faut noter que des six assis
tés sociaux, seul Erwin était arrivé à l'heure le premier
jour ; Wildcat ne nous dit pas
si la mauvaise volonté des
cinq autres ne serait pas un
élément pouvant conduire à une explication de leur com
bativité.
+ Et aussi : " Allemagne :
l'Est débarque sur le marché
du travail ", dans A Contre
Courant no 163, avril 2005.
1 PUBLICATIONS DISPONIBLES
Liste des documents, Alive and Kicking n' 1 (A) numéros 1998 à 2000 (E) journaux, brochures UK Espagne
et livres disponibles Alternat1ve Libertaire : Barykada -n' 8, 1996 à Echanges. n" 125 à 128 (2003) et 130 (Polonais) Pologne
Ces matériaux sont envoyés à 135 (2004)- Débattre, Black Atony, (A) Etats-contre remboursement des revue théorique du groupe, Unis frais postaux. Il suffit de n" 16 (2003) et 17 (2004) Black Mask -1993 (A) joindre à la demande des (F) France Etats-Unis
timbres si possible: 0,64 euro Alternative Press Index : Black Star- 1982 (A)
pour un exemplaire, 0, 77 n" 35 (2003) et 36 (2004) Etats-Unis euro pour deux, 1.45 euro (A) Etats-Unis Bias! (The), numéros jusqu'à cinq. Au-delà, Alternative Socialism - divers 1994-1995, (A) demander au préalable Je document 1 (A) UK Etats-Unis montant des frais postaux. Altrastoria (2000) (italien) 1 Blisset Luther, Anarch1sm Etant donné Je nombre limité American Owl 1979 - lntegralism (A) UK de certains documents, les plusieurs numéros (A) Boletin anarcosindicalista demandes seront honorées Etats-Unis no 19 (2003) (E) Espagne dans leur ordre d'arrivée et Anarchist Review, n" 3 et Bolletino bibliografico les t1mbres inutilisés seront 4, 1985 (A) UK no 16 (hiver 2000/2001 )(1)
restitués. Mention est faite Anarcho-syndicalism Bollettino della lotte,
entre parenthèses par une review, no 27, 1999 (A) UK plusieurs numéros de initiale de la langue utilisée Anarchy n' 33 (A) UK 1997 à 1999, (1) 1
dans la publication et ensuite As docas do outra lado Builey Dave -Shrewsbury du pays d'origine de la do espelho, documents on repression and class
publication. en portugais sur la lutte struggle (IMG) (A) UK des travailleurs portuaires Bulletin ABS Dijon,
(1980-1985) (en plusieurs numéros de
A trop courber l'échine, portugais) P 2001 à 2002 (F) France
no 13, (2004) (F) France Asymétrie, juin 2004 (F)
ABC du LMD (Université France
de Tours) (F) France Authority no 2, 1979 (A) UK Cali il sleep (A} UK
Abolit1on du salariat (Pour Autogestions (1986) (1) Casablanca n' 1, 1992, (A)
l') (Cl Berger) 1995 (F) Italie UK France Autre futur (2000) (F) Centra di documentazione
ACF - Anarchism as we France di Lucca. n' 11, juin 1992 see 11 (A) UK (1) Italie
Alarme, plusieurs numéros Cette Semaine, no 87
dépareillés (F) France Bad Trip, de David Jacobs (2004} (F} France
Albatroz n" 29, 31 à 35 (A) UK Challenge (2003) (A} UK
(2003} (F) France Barrikada- plusieurs Chicago Workers'Voice,
-------------
ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005-69
Marin us van der Lubbe resurgit, principa
lement dans les colonnes de la revue alle
mande Der Spiegel, à travers une série d'ar
ticles rédigés par Fritz Tobias (8). Celui-ci
devait alors subir d'incroyables pressions,
incroyables pour un sujet apparemment si en
dehors de l'actualité immédiate. Pour ne
donner qu'un exemple, Walther Hofer, pro
fesseur à l'université de Berne, membre du
Conseil suisse et du Conseil de l'Europe à 1 'époque selon l'en-tête de ses lettres, adres
sait des courriers dans les années 1970 au mi
nistre de 1 'intérieur de Basse-Saxe, dont
Fritz Tobias était alors un fonctionnaire, et
à plusieurs fonctionnaires à Berlin, pour
exiger son licenciement (9). Il faut dire que
cet éminent professeur était le mentor
d'Edouard Calic, le journaliste français qui,
hormis les staliniens, a propagé le plus de
contre-vérités sur Van der Lubbe ( 1 0).
LE COMITÉ DE DEFENSE néerlandais de
Van der Lubbe avait publié dans le
Li1Te rouge un journal que ce dernier
avait tenu lors d'un voyage en Europe en
septembre et octobre !931. Ces notes prises
quasiment aujour le jour nous renseignent
sur son caractère. Il semble avoir été traduit
par le comité de défense français en 1934
sous le titre Le Carnet de Route d'un SansPatrie (Il) . .Je n'ai pas pu avoir accès à cette traduction, et ne sais donc pas si Ca mets de route de 1 'incendiaire du Reichstag, ouvrage
paru récemment aux éditions Verticales
(voir Echanges no 107, p. 51), est<< une ver-
(8) Voir aussi Fritz Tobias, Der Reichstagsbrand. Le· J;Cnde und Wirklichkeir [L'Incendie du Reichstag. Légende et réalité!. Grote V cr\ ag, 1962. ( 9) V"" Uwe Backes- Karl- Heinz Jan~en- Eck hard lesseHenning Kühler-Hans Mommsen-Fritz Tobias. Reich< -tag,·hrand. Aujkliirung einer liistorisclien Legende 1 L' 1 n
ccndie du Reichstag. Eclaircissements sur une légende historiquej, Piper. 1986. Les courriers de Walther Hofer se trouvent p. 312-318, la réponse du ministre de J'Intérieur de Bas~-Saxc. p. 318-319 et la réponse de Walther
68- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 200S
sion plus précise et correcte,, ainsi que
l'écrit Charles Reeve (12). Nico .Jassies. qui
a aidé Charles Reeve et Yl'es Pagès dans
l'édition de ces Carnets, leur a fait part de
son mécontentement au vu du résultat. Il re
lève ainsi plusieurs erreurs, une interpréta
tion pour le moins douteuse de<< complo
tisme »avancée dans la Postface par les
éditeurs, une tendance à faire de Van der
Lubbe, en dépit des faits, un antifasciste,
etc. Charles Reeve (voir aussi ici même son
courrier à Echanges, p. 58) y répond en es
quivant les questions. Prétendant justifier
1 'excellence de leur travail par trois années passées à peaufiner leur projet ( 13), il n'hé
site pas une page plus loin à en appeler à leur fatigue et leur manque de temps pour
se disculper d'avoir utilisé des notes, em
pruntées à une biographie de Marinus Van der Lubbe par Martin Schouten (14), sans
en signaler l'origine. Comprend qui peut.
Le lecteur trouvera, enfin, dans l'ou
vrage de Jassies, des documents inédits,
dont un échange entre André Prudhommeaux et plusieurs correspondants datant
de 1959, qui montre bien que les propa
gandes nazie et stalinienne n'ont pas seu
lement réussi à occulter la portée de 1 'acte
de Mari nus Van der Lubbe parmi leurs par
tisans mais aussi chez leurs adversaires. Tous ceux qui, par mimétisme avec les puis
sants du jour ou par peur devant tout acte
individuel, se satisfont des apparences.
.1.-P. V.
Hofer à celui-ci, p. 320. ( 10) Voir par exemple Edouard Catie, Le Reichstag brûle 1, éd. Stock, t 969 (Il) Voir la bibliographie dans Mari nus l'an der Lubbe, Came/5 de route de l'incendiaire du Reichstag. éd. Verticales, 2003, seul endroit où cet ouvrage est cité. ( t2) Voir Ni co Jassies, p. 135. ( \3) lhid. p. 134. ( 14) Voir Martin Schouten, Rinus Van der Luhhc. 1909-1934, De Bezige Bij, 1986.
BOLIVIE
GUERRE DU GAZ OU GUERRE SOCIALE ?
Depuis la fin 2003, la Bolivie connaÎt une incessante agitation sociale. L'article qui suit, paru dans le no 38 (juin 2004) de la revue barcelonaise " Etcétera ", dresse un tableau de la conjonction de différents acteurs dans cette agitation : anciens mineurs, cultivateurs de coca, Indiens, syndicats, partis politiques, etc.
L'insurrection populaire qui a renversé
en octobre 2003 le président de la république bolivienne, Gonzalo San
chez de Lozada- et qui, au moment où
j'écris [mai 2004], trouve une extension
dans l'appel à une grève générale illimitée
à partir du mois de mai -vaut à mon avis
que J'on s'y intéresse pour plusieurs rai
sons. En premier lieu, bien sûr, du fait
même que les Boliviens aient osé renver
ser un gouvernement par une insurrection
venue de la base. un événement impossible
à notre niveau de modernité selon les as
surances des experts ès fin de 1 'Histoire ;
rien que pour avoir démenti ce préjugé in
téressé, nous devons déjà dire merci. Cette
action d'éclat est d'autant plus remarquable
qu'il ne s'agissait pas de renverser une junte
quelconque de gorilles en voie d'extinc
tion, mais un gouvernement élu avec toutes
les bénédictions légales de la démocratie
parlementaire (sans que cela fasse une
grande différence dans la manière de ré
pondre aux demandes des gouvernés) ; de
sorte qu'il n'est pas très exagéré de dire que la révolution bolivienne a pris, dès le
début. directement pour cible de ses at
taques le mensonge démocratique, cœur de
l'idéologie aujourd'hui dominante.
Plus que contre tel ou tel gouvernement,
les ouvriers ct paysans de Bolivie se sont sou-
levés contre l'ensemble de l'ordre poli
tique, social et économique actuellement
en place, outrepassant les consignes des
diverses organisations. A 1 'origine, laques
tion désignée par la presse internationale comme motif de 1 'agitation- 1 'exportation
de gaz naturel pour le compte et au bénéfice
d'entreprises étrangères, 1 'espagnole Rep
sol étant une des premières d'entre elles
a simplement fourni l'occasion à divers
mouvements d'opposition de se regrouper.
Du reste, le scandale qui mit le feu aux poudres n'était pas anodin: la loi sur les
hydrocarbures, promulguée par le gouver
nement de Sanchez de Lozada sous la pres
sion du FMI, livre les ressources de com
bustible fossile du pays quasiment
gratuitement aux entreprises multinationales qui les ont<< découvertes,, l'Etal bo
livien ne se réservant qu'une taxe de I 8 %
applicable sur le brut à sa sortie du
puits qui, après avoir été raffiné et élaboré
dans des entreprises au Chili, en Argentine
ou au Brésil, sera revendu à la Bolivie au prix
du marché mondial.
Les conditions dans lesquelles les
clauses de la vente furent signées- manque
de transparence, corruption sans frein et
violation manifeste des lois du pays-,
mises en lumière par des députés d'oppo
sition, suscitèrent l'indignation générale,
ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005- 9
jusqu'au dernier des démocrates bien-pen
sant. La particularité de faire transiter l'ex
portation du gaz par les ports du littoral
pacifique que 1 'Etat chilien avait arraché
à la Bolivie lors de la guerre de conquête de
1879 a ajouté à cette indignation le poison
du ressentiment patriotique.
Mais tout cela n'aurait évidemment rien
soulevé de plus que les protestations ver
bales polies de politiciens et de journalistes
si, pour d'autres raisons, on n'avait pas été
dans une situation propice à une insurrection.
Je ne me réfère pas ici à ce que les médias,
mal nommés« de communication », ne ces
sent d'invoquer pour expliquer les événe
ments, à savoir les conditions de vie extrê
mement misérables de la majorité des
Boliviens. A vrai dire, la réputation de
«pays le plus pauvre du continent>> dont
jouit cette république andine doit beaucoup
aux vertus miraculeuses des statistiques,
grâce auxquelles l'habitant le plus pauvre des
bidonvilles de Mexico ou de Sao Paolo jouit
d'un revenu par tête en dollars plusieurs
fois supérieur à celui des paysans boliviens
qui, eux, produisent la majeure partie de ce
qu'ils consomment (biens qui ne figurent
pas dans les statistiques puisqu' i 1 s n'ont
pas le statut de marchandises), par une par
ticipation purement théorique à un produit
national brut beaucoup plus élevé.
En fin de compte, la pauvreté qui affecte
la Bolivie n'est pas pire, même si on en
parle plus, que celle du reste de l'Amérique
latine. Et si l'aggravation des conditions de
vie au cours de la dernière décennie s'est
heurtée dans cc pays à une résistance po
pulaire plus déterminée et plus efficace que
dans d'autres endroits, ce n'est pas tant à
cause de l'extrémité de la misère que grâce
à la persistance de traditions d'auto-orga
nisation communautaires qui rendent pos
sible une ~ésistance ferme et digne à chaque
10- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005
nouvel assaut du pouvoir, justement parce
que les communautés ont toujours résisté,
même sans en avoir clairement conscience,
à cet assaut essentiel et incessant qu'est la
mainmise de l'Etat et du marché sur l'en
semble des relations sociales.
L'insurrection d'octobre n'a pas été une
révolte de masses amorphes d'affamés mais
un mouvement très bien organisé à partir
des assemblées, des communautés pay
sannes, des associations de voisinage et
des comités de grèves, qui ont su coor
donner les luttes de manière autonome dans
tout le pays, et entraîner finalement les ap
pareils syndicaux ct politiques.« Aucun
chef ni aucun parti politique n'a dirigé ce
soulèvement populaire.( ... ) Ce sont lestra
vailleurs boliviens de la base qui ont viré à
coups de pieds au cul le gouvernement as
sassin de Goni (Gonzalo Sanchez de Lo
zada). Personne, ni individu ni parti, ne
peut revendiquer avoir été à la tête du
connit »,a reconnu le secrétaire exécutif de
la Central Obrera Boliviana (COB, Cen
trale ouvrière bolivienne), Jaime Solares,
à la fin octobre. Il disait la simple vérité,
même si on ne peut pas faire confiance en
matière d'autonomie ouvrière à un diri
geant syndical de ce niveau.
Mort et résurrection du mouvement des mineurs ; une amère victoire du capital
Le mouvement syndical des mineurs,
organisé depuis les années 1940, a consti
tué le noyau des milices populaires qui se
sont battu pour l'obtention du suffrage uni
versel, de la réforme agraire et de la na
tionalisation des mines et autres ressources
pendant la révolution démocratique natio
nal-progressiste de 1952. Pendant plus de
trente ans, les mineurs regroupés dans la
Centrale ouvrière bolivienne surent se faire
rejoindre les Groepen van internationale
communisten (Groupes des communistes
internationaliste), et en 19321a Linksche
Arbeiders Oppositie (Opposition ouvrière de
gauche), deux groupes de communistes de
conseils. Ses conceptions théoriques ne re
posaient pas sur une doctrine intellectuelle
abstraite, mais émanaient de sa façon de
vivre; il semble qu'il avait d'ailleurs choisi
d'être maçon pour la relative indépendance
que lui permettait cette profession, et que c'est
cette idée d'indépendance individuelle qui
lui faisait concevoir l'action du prolétariat
comme action autonome.
Les bolcheviks, qui ont toujours cher
ché à salir leurs adversaires plutôt que de
combattre leurs idées, se sont gaussé des ré
voltes de Mari nus van der Lubbe: quelques
mois passés en prison pour divers actes de ré
bcllion ou avoir brisé les vitres d'un centre
social deviennent chez eux« un lourd passé
criminel» ; son indignation face au discours
d'un orateur dans un asile de l'armée du
Salut où il s'était arrêté le 31 janvier 1932,
« un penchant très prononcé à la protesta
tion» (4), trahissant par là les couleuvres
qu'ils sont eux-mêmes prêts à avaler.
Face aux énormes machines de propa
gande nazies et staliniennes, seuls quelques
pettts groupes et individus osèrent défendre
(4) Voir Gilbert Badia, Feu au Reichstag. L'Acte de nais -sance du ré )Ji me na:i, Editions sociales, 1983. (5) Voir La Rei'Ue anarchiste no XIX. mars 1934 ;je n'ai pas réussi à l1re cette revue. André Prudhommeaux ( 1902-19681 avait publié, en 1949, avec sa femme Dori, cc qui est resté longtemps le seul ouvrage d'importance sur le mou
vement des conseils allemands en français. Spartacus er la Commune de Berlin. 1918-1919, aux éditions Spartacus. René Lefeuvre ( 1902- 1988) était 1 'animateur de ces éditions el de la revue Masses, dans la l" série de laquelle ( 19 numéros de janvier 1933 à JUillet 1934) il av ai 1 aussi apporté son aide dans la défense de Yan der Lubbe. René, lorsqu'il n'esttout simplement pas ignoré (lui qu1. dès les an nés 1930. a publié des textes de Rosa Luxemburg, n ·est. par exemple, jamais cité par Gilbert Badia et ses
Marinus en 1933-1934: ses camarades com
munistes de conseils et des intimes aux
Pays-Bas regroupés dans le Comité inter
national Van der Lubbe, Paul Mattick aux
Etats-Unis. André Prudhommeaux et ses
amis (5) et des bordiguistes regroupés au
tour de la revue Bilan (6) en France, entre
autres.
Le communiste de conseils néerlandais
Anton Pannekoek (1873-1960) a quant à lui
condamné l'acte de Van der Lubbe parce
qu'individuel, séparant, à mon avis de façon
dogmatique, l'acte individuel de l'acte col
lectif. Dans deux textes (publiés par
Echanges no 90, été 1999, p. 61-65), Pan
nekoek critique le refus individuel sous le
prétexte qu'il n'aurait aucun effet contre la
société bourgeoise, alors que lui-même a
accepté beaucoup de cette même société
bourgeoi sc en assumant di vers postes uni
versitaires (7).
Il ajoute que l'acte de Van der Lubbe
risque de conforter dans la classe ouvrière
1 'illusion de s'en remettre à des chefs pour
faire ce qu'elle-même devrait faire. Mais
1 'action collective est souvent la conjonc
tion d'actes individuels. Tout comme on
peut voir des opinions collectives détour
nées par des individus à leur seul profit.
En 1959-1960, la polémique sur l'acte de
adeptes quand ils laissent croire qu'ils font les premières traductions en français de Rosa Luxemburg). est maintenant calomnié comme ayant été un social-démocrate par certains aigris. Je rappellerai pour mémoire que !es militants de sa génératJOn sont tous passés par le moule social-démocrate ou anarchiste; il suffisait d'en sortir pour ne pas renier la classe ouvrière. C'est ce que René Lefeuvre avait fait.
(6) Bila11 (46 numéros de novembre 1933 à janvier 1938) fut une des re v~ es de la gauche italienne (bordiguistes) en exil. Un article en défense de Marin us van der Lubbe parut dans te no 3 de Bilan, repris dans Le Crmunumstt! n<l 22. juin 1985. (7) Voir Serge Bncianer, PaJ11zekod: ft les Conseil'! ou l'Tiers, éd. EDI, 1969, p. 7.
ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005-67
Reichstag pour défendre la culture germa
nique après J'occupation de la Ruhr par les
Français (1923-1925) et Karl Radek fait
1 'éloge du nationaliste Albert Leo Schla
geter fusillé le 26 mai 1923 dans la Ruhr
occupée. L'Allemagne nazie ne fit que
poursuivre la politique de la république de
Weimar; elle ne conclut, avant 1934, aucun
accord d'importance sinon avec 1' Union so
viétique (prorogation du traité de Berlin le
4 mai 1933) et le Vatican (concordat du
20 juillet 1933), ct finit par signer le pacte
germano-soviétique en 1939.
Le bolchevisme avait été l'adversaire
le plus efficace des soviets en Russie même,
mais aussi du mouvement des conseils en
Allemagne ( 1919-1921) ( 2). Néanmoins, la
classe ouvrière allemande n'était pas en
core vaincue quand survint la crise écono-
(2) D'un point de vue théorique, voir V.l. Lénine. La Afaladie injwztilc Ju communisme (Le ((communisme de
gauche,), 1" édition 1920. Et pour une critique des po
sitions de Lénine, voir Rosa Luxemburg, La Révolution russe et Cenrrali<~me et démocraTie, éd. Spartacus, plusieurs rééditions; Herman Gorter, Rtipon)e à Lénine, éd. Spartacus, n" B 109. 1979: Anton Pannckoek, Lénine phi -/osophe, éd. Spartacus. no B34, 1970 :Otto Ru hie, Fas -,·fsme hrun, Fast'f.une rnuge. éd. Spartacus, no B63, 1975, ct" La lutte contre Je fascisme commence par la lutte
contre Je bolchevisme"· Ill Korsch/Matttick/Pannekock/Rùhle/Wagner. La Contre-Ré\'alution hureaucra -t1que, éd. 10/18, 1973. D'un point de vue pratique, les
bolcheviks Ùsèrent de tous les moyens pour détruire le
66- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005
Photos anthropo métriques de Marinus van der Lubbe après son arrestation.
mique des années 1920-1924 ; seule une
union sacrée de la bourgeoisie, des partis
de gauche et de droite, et des syndicats par
vint avec succès à détourner sa combativité
vers des voies chauvines. Incapable de
s'émanciper des partis et des syndicats. la
classe ouvrière allemande était alors lami
née et réduite à la défensive à l'arrivée de
Hitler au pouvoir. Toutefois. si ce dernier
n'avait plus rien à craindre des partis ou
vriers en 1933, la classe ouvrière, elle, res
tait menaçante (3).
Marin us van der Lubbe était maçon de
profession et vivait d'une petite pension
d'invalidité après qu'il eut reçu de la chaux
vive dans les yeux et failli perdre la vue. Il
avait été membre du Communistische Par
tij Holland (Parti communiste hollandais) dès 1925, mais 1 'avait abandonné en 19.)0 pour
pouvoir des soviets en Russie en 1917-1918, furent les adversaires les plus acharnés des conseils en Bavière en
1918-1919 (voir Erich Mühsam. La République des L·onseils en Bavière, coéd. Spar!acus/La Digit:llc, 1999) et lancèrent une tentative de prise du pouvo~r en mars l921 en Allemagne qui sc termina par! 'écrasement de ceux qui eurent le malheur d'y prendre p.trt.
(3) Sur la classe ouvrière sous le nazisme, voir Ti m Mason, La Classe nll\'rière snus le Ill• Rl'tdJ (brochure d'Echanges, mai 2005); ct du même auteur," Pnmat de la politique ct rapport de la politique,·,! '<;cononuc dans l'Allemagne national socialistC' "·dans David Schoenbaum, La Rél'olution bru11e. La Sont: ft; a/lonundr \OU\ le
Ill' Reil"i1, Robert Laffonl. 1979
respecter des différents gouvernements,
qu'ils aient été militaires ou civils, de
droite ou de gauche. Désabusés par le nationalisme<< révolutionnaire» dont les am
bitions progressistes se rétrécissaient tous
les jours davantage. ils se rapprochèrent
de la gauche marxiste. des trotskystes en particulier.
A la ftn des années 1980, le Movimiento
Nacional i sta RC\ olueionario (MNR, Mou
vement nationaliste révolutionnaire)- ce
même parti qui avait été ii la tête de la révo
lution de I'J.'i2. ct avait entre-temps abandonné toute velkttl' révolutionnaire ou même
nation;tlisl<' rnenait au pouvDir pDur dé
manteler <T qui a1 a tt l'té acquis, privatisant les
entrcpn '"'qu'il a1 a tt autrefnis nationalisées.
Ce fut le prcnttcr tnandat présidentiel de Gon
zalo S;inclil'l de l.o1ada. Le projet de pri1 a-
'
L
' '--ti sation se fracassa,
dans le cas des mines,
contre la résistance
massive des ouvriers.
Le gouvernement
coupa alors dans le vif
en décrétant la ferme
ture des entreprises mi
nières étatiques sous
prétexte qu'elles
n'étaient plus rentables
à cause de la chute des
prix de 1 'étain sur les
marchés mondiaux.
C'est alors que plu
sieurs mines sont tom
bées entre des mains
privées. les plus ren
tables dans celles du
président lui-même.
Plus de cinquante
mille travailleurs ont
alors perdu leur poste
de travail. Beaucoup d'entre eux s'organisèrent en coopérative
pour arracher les quelques restes de métal
au déblayement des mines; d'autres démé
nagèrent et changèrent de métier, passant à
J'agriculture ou à d'autres occupations. Ce
fut la fin du mouvement ouvrier le plus vigoureux et le pl us corn ba tif d'Amérique la
tine. Mais cette victoire du pouvoir amorça
sa défaite. Les mineurs, en se dispersant aux
quatre vents, emportaient avec eux les se
mences de la révolte et propagèrent çà et là
1 'usage des annes qui leur avaient déjà servi,
1 ·organisation syndicale et la dynamite.
Les " coca/eros " I.e mouvement des cultivateurs de coca
de la région tropicale du Chapare, mena
ct's par la <:ampagne d'éradication des
plants de <:o<:a que 1 'ambassade des Etats-
ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005-11
Unis, gouvernement de fait du pays, im
pose sous le prétexte extravagant de
«guerre à la drogue>>, est l'un des avatars
les plus importants du syndicalisme des
mineurs.
Rappelons pour mémoire que la ma
jeure partie de la production de coca boli
vienne ravitaille le marché intérieur pour sa
tisfaire la coutume ancestrale de
consommation des feuilles sous forme de
pijchu (chique) ou d'infusion, privée et ab
solument hygiénique. Seule une petite par
tie sert à l'élaboration de la cocaïne, ce dé
rivé chimique dont l'industrie est dominée
par les mafias militaires et d'extrême droite
que les paysans n'ont aucun intérêt à, ni
envie de défendre. La culture de la coca
n'est pas une profession très lucrative,
quoique certainement un peu moins désa
vantageuse que les cultures« alternatives>>
prévues par les plans d'éradication dont le
but est clairement d'éradiquer non pas pré
cisément le trafic de drogue mais plutôt un
secteur agricole traditionnel qui, à l'intérieur
d'une économie spoliée sans vergogne par
des intérêts étrangers, reste un facteur d'in
dépendance économique non négligeable
et assure la subsistance de plus de
35 000 familles.
Le Movimiento al socialismo (MAS,
Mouvement pour le socialisme) est l'or
ganisation politique qui regroupe la majo
rité des militants coca/eros, héritier plus
ou moins indirect de l'ancien Parti com
muniste. Il est à la tête de la plupart des
municipalités du Chapare, où il organise
la résistance paysanne et a aussi réalisé
d'importants ouvrages d'infrastructure
(écoles et routes). Aux dernières élections
présidentielles [juin 2002], son candidat,
le leader cocalero Evo Morales, est arrivé
à la seconde place après Sanchez de Lo
zada, faiS!lnt ainsi du MAS la seconde force
12- ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005
politique du pays qui attire toujours plus
les classes moyennes et adopte des posi
tions politiques de plus en plus modérées.
Les communautés paysannes Mais il faut chercher les antécédents
directs des événements d'octobre à 1 'autre
extrémité du pays, parmi les paysans ay -maras de la région du lac Titicaca qui, en
2000 et 2001, s'étaient battu courageusement
contre l'armée. Ils ont une organisation
syndicale propre, la Confederaci6n Sindi
cai!Ûnica de Trabajadores Campesinos de
Bolivia (CSUTCB, Confédération syndi
cale unique des travailleurs de la campagne
de Bolivie), dont les ayllus (communautés
agraires traditionnelles) constitutent lavé
ritable base.
La réforme agraire de 1953, en rendant
la terre aux paysans, l'a dûment parcelli
sée en lots individuels de propriété privée
afin d'incorporer la population rurale à
1 'économie de marché. Néanmoins, la tra
dition communautaire a survécu dans la
culture des terres communales, les aynis (services d'entraide), le travail en collec
tivité pour la réalisation des ouvrages pu
blics (écoles, routes, puits, canaux d'irri
gation, assistance aux malades et aux
invalides) et, surtout, la prise de décisions
en assemblées générales qui élisent chaque
année leurs<< autorités>> les mallkus (chefs)
et maires, révocables à tout moment et sou
mis rigoureusement aux mandats et à la vi
gilance permanente de 1 'assemblée, chargés
de diriger les récoltes collectives, repré
senter la municipalité à l'extérieur et ad
ministrer la justice selon le droit coutumier
des paysans indigènes.
Ainsi, les communautés sont autosuf
fisantes tant dans leur politique que leur
économie, et n'ont de leçon en commmu
nisme à recevoir d'aucun parti, pas plus
aux impératifs du travail. Le livre, heu
reusement pour le lecteur, s'arrête avant
que cet inévitable problème soit posé.
On peut alors rêver. Et, pour revenir à
nos observations du début de cet article,
c'est le livre qui se rapproche le plus de
ces romans populistes d'avant la première
guerre mondiale.
Marinus van der Lubbe et l'incendie du Reichstag Nico Jassies
H. S.
Editions Antisociales, novembre 2004
D ANS LA NUIT du 27 au 28 février 1933,
le Néerlandais Marinus van der
Lubbe (1909-1934) mettait le feu au
Reichstag à Berlin. Avec pour contrecoup
1 'arrestation en pleine nuit de tous ceux dont
les Nazis voulaient se débarrasser physi
quement et qui ne s'étaient pas exilés par
prudence. Depuis, les mensonges, les ca
lomnies et les opinions erronées sur Van der
Lubbe ne manquent pas.
La plus énorme de ces calomnies reste,
aujourd'hui encore, de dater de cette nuit
là l'avènement du nazisme, alors que Hitler
est arrivé au pouvoir le 30 janvier 1933 non
par un coup d'Etat mais par la voie légale.
Si l'incendie du Reichstag servit effecti
vement de prétexte aux Nazis pour arrêter
toute une palette d'opposants, réels ou ima
ginaires, allant des anarchistes aux com
munistes, on oublie simplement de dire que
les nouveaux dirigeants de 1 'Allemagne
n'ont pas élaboré en quelques heures la liste
des personnes à incarcérer, que cette liste était
prête, et qu'ils n'ont eu, tout simplement, qu'à
se renseigner auprès de la police de la ré
publique de Weimar.
La traduction d'un article de Nico Jas
sies paru originellement en néerlandais en
2000, complété par une postface, rappelle suc
cintement les faits dans Marinus van der Lubbe et l'incendie du Reichstag, publié
par les éditions Antisociales à la fin 2004.
Les appareils nazis et communistes fu
rent les premiers à calomnier Van der
Lubbe, les uns l'accusant d'être un com
muniste, les autres d'être un nazi. Poussés
par des intérêts communs qu'ils se parta
geaient ou se disputaient au gré des cir
constances, aucun mensonge n'était alors
trop gros ( 1) pour traîner dans la boue celui
qui dénonçait ces connivences en s'atta
quant au symbole des compromissions par
lementaires. Il était impossible que le parti
nazi et la III' Internationale conviennent
qu'il pût encore y avoir un prolétaire
capable d'agir de manière autonome.
Les liens entre les partis bolcheviques
russe et allemand et les partis nationalistes
étaient en 1933 déjà anciens en Allemagne.
L'Etat russe avait signé les traités de Ra
pallo (avril 1922) et de Berlin ( 1926) avec
la république de Weimar, fourni secrète
ment des armes et offert le territoire sovié
tique comme champ de manœuvres à
l'armée allemande dont le traité de Ver
sailles empêchait la reconstruction. Les par
tisans de Lénine s'étaient fourvoyés avec
les nationalistes allemands ; pour donner
quelques exemples, Clara Zetkin avait pro
posé une alliance aux Populistes au
(!)Voir par exemple le premier Livre !mm (il y en eut deux) paru en plusieurs langues quelques semaines seulement après l'incendie du Reichstag aux éditions du Carrefour. les éditions de Willi Münzenbcrg financées par Moscou: les nombreux mensonges du Livre brun sont dévoilés dans le Roodhnek. Van der Luhhe en de Rijks dagbrand(<< Livre rouge. Van der Lubbc ct lïnccndie du Reichstag »)publié par le Comité international Yan der Lubbc en !933 (il n'existe pas de traduction françatse de cet ouvrage. à ma connaissance: une traduction allemande en a été publiée en 1983 au.x éditions Nautilus (Hambourg) sous le titre: Marin us Van der Luhhe und der Reichstagsbrand).
ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005-65
de la communauté tissée autour de 1 'in
dustrie de l'acier, s'est construite dans les
fameuses industries de remplacement- en
1 'occurrence les usines Daewoo: «Les trois
usines Daewoo sont presque en ligne droite,
sur la route à quatre voies qui relie Metz et
Thionville au Luxembourg via Longwy, à tra
vers la vallée de la Fensch, autrefois ponc
tuée des grandes aciéries et maintenant juste
une survivante ( ... ) >> -une nouvelle corn
munauté, uniquement de femmes. La fer
meture des usines est ressentie dans la perte
de ce lien social au moins tout autant que
dans 1 'insécurité et les difficultés maté
rielles de la galère du chômage et autres
emplois précaires. Tous les témoignages
concourent à donner le sentiment bien réel
(bien que non exprimé comme tel) que le
travail crée une socialisation- artificielle,
imposée et encadrée- mais néanmoins
vécue comme créant une solidarité forgée
dans les rapports quotidiens. Cette solida
rité trouvée dans la lutte au jour le jour plus que dans les« grandes>> luttes pourrait être
1 a pré figuration d'autres rapports sociaux,
par-delà les individualismes.
Une fois l'usine fermée, c'est la re
tombée dans cet isolement individualiste
(même la poursuite de relations person
nelles directes suivies ne remplace pas lasocialisation dans le travail) qui est le plus
difficile à supporter et aggrave les problèmes matériels, au point de les rendre in
supportables : 1 'une des ouvrières, la plus
dynamique de l'équipe au travail, se sui
cidera. Le livre vaut précisément par cette
forte impression que dégagent les témoignages. Ils soulignent les ravages- avec des retours en quelques documentaires sur
ce que fut la multinationale Daewoo et sur
les complicités politiques qui permirent
son installation subventionnée en Lorraine
(à Fameèk, à Villers-la-Montagne et à
64- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005
Mont-Saint-Martin) et la fermeture de ses
usines- que le capital exerce, pas tant sur
le plan matériel que sur le« matériel »
humain.
S 1 L'OUVRAGE de François Bon est ap
pelé imprudemment roman (sauf à
comprendre chaque destinée hu
maine comme un roman), le livre de Gérard
Mordillai est véritablement un roman.
Pour ma part je l'ai lu d'une seule traite.
Peut-être parce qu'il démarque étroitement
la lutte des travailleurs de Cellatex (été
2000, voir Echanges n" 94 et suivants) pas
sionnément suivie; peut-être parce qu'il
tente, par-delà les témoignages individuels
et forcément séparés des laissés pour
compte de Daewoo, de les incl ure da11s la
trame d'une histoire. Romanesque, certes,
mais qui se tisse dans une petite ville où
chacun se connaît et connaît (presque) tout
des voisins.
L'auteur montre très bien, dans le
simple et limpide déroulement des faits,
qu'autour de la socialisation de l'usine il y a la socialisation de la vie favorisée par 1 'unicité de lieu et de temps comme dans
une tragédie classique. C'est ce qui appa
raît dans le témoignage de Jenny, la femme
du mineur du Yorkshire, sur la vie com
munautaire et sa destruction ; c'est ce qui
reste absent du récit des Daewoo, non à cause de l'auteur mais parce que l'histoire
ne connaît pas cette unicité de lieu et parce
que là, la destruction des lieux de travail
détruisait toute socialisation. Dans le livre
de Mordillai, une fois l'usine détruite, cette
socialisation survit parce que la ville garde une dimension humaine.
Mais pour combien de temps ') Parce
qu'il faut vivre et trouver d'autres lieux
d'exploitation et un mode de socialisation
qui, à l'image des ex-ouvrières de Daewoo,
ne reposera plus que sur cette soumission
que de leçons en démocratie de la soi-di
sant civilisation occidentale qui les colonise.
Le Movimiento Indigena Pachacuti (MIP,
Mouvement indigène pachacuti), dirigé par le secrétaire général de la CSTUCB, Fe
lipe Quispe, surnommé<< El Mallku >>propose un<< communisme communautaire>>
fondé sur la confédération des ayllus (com
munautés agraires). Notons que la reven
dication de traditions précapitalistes n'im
plique aucune hostilité de principe envers
les technologies modernes; une des re
vendications la plus marquante du mouve
ment paysan est, par exemple, de répartir les
tracteurs entre communautés.
Les communautés paysannes, leurs as
semblées et autorités élues, ne jouissent en Bolivie d'aucune reconnaissance officielle ni d'aucun statut juridique; elles vivent en
outre dans la majeure partie des munici
palités arma ras en perpétuel conflit avec les
maires et autres autorités officielles nom
més d'en haut par le gouvernement. Il en
découle, par conséquent, une situation de
double pouvoir de fait qui, si elle n'a pas été
le détonateur le plus immédiat du soulè
vement d'octobre, en a été tout au moins
l'explosif qui l'a rendu possible.
La rébellion des communautés de Sorata et Warisata
Les protestations ont commencé quand
les organes de la justice d'Etat ordonnèrent
l'incarcération de dirigeants communautaires de la province d'Omasuyos (dépar
tement de La Paz) accusés, sans réel fon
dement, de la mort violente de deux
individus qui avaient été jugés comme vo
leurs de bétail selon le droit traditionnel
aymara. Je dis << sans réel fondement >>
parce ni la peine de mort ni la vengeance
par le sang ne font partie des procédés ha
bituels de la justice indigène. li s'agissait donc
d'une attaque dirigée clairement contre
l'autogestion interne des communautés; ce
qu'elles comprirent tout de suite. Les pro
testations, les manifestations et grèves de la faim des autorités communales s'éten
dirent à tout le Nord de 1 'Altiplano, et trois
mille paysans marchèrent sur La Paz, siège
du gouvernement, pour exiger la libération
des détenus.
C'est précisément à ce moment-là que
le scandale de 1 'exportation du gaz naturel fut révélé. Les veuves et filles des vétérans
de la guerre du Chaco de 1932-1935, fu
rieuses devant une telle dilapidation du pa
trimoine national, durement conquis par
leurs défunts, furent les premières à manifester
leur opposition. Elles furent suivies par les
étudiants et les partis de l'opposition qui paralysèrent plusieurs fois la ville de La Paz
avec des manifestations. Puis, finalement
par le mouvement paysan qui s'emparait de
la revendication du gaz et appelait au barrage
des routes de 1' Altiplano, mis en place à par
tir de la mi-septembre 2003.
ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005-3.3
Le 20 septembre, le gouvernement en
voie des forces de l'armée ct de la police
au secours d'un groupe de touristes isolés
par le blocus dans la localité andine de
Sorata, à l'Est du lac Titicaca. Tout le long
de la route, les habitants reçoivent les sol
dats à coups de pierres et cc n'est qu'en
faisant largement usage de leurs armes à
feu, d'avions ct d'hélicoptères qu'ils par
viendront à se frayer un chemin jusqu'à
Sorata. Les paysans, armés de fusils et de
dynamite, n'abandonnent pas pour autant la
résistance; dans la localité de Warisata,
un soldat ct cinq habitants meurent au cours
d'une fusillade entre insurgés ct forces spé
ciales de l'armée.
L'insurrection d'El Alto et la grève générale d'octobre
Les barrages sur les routes s'ampli
fient; le 28 septembre, la COB, qui entre
temps était parvenue à se sortir d'une
longue crise interne, appelle à la grève gé
nérale illimitée ct au barrage des routes au
niveau national, exigeant la nationalisa
tion du gaz et la démission du président.
Le leader du MAS, Evo Morales, s'oppose
à la grève et aux barrages, invoquant le
danger d'un putsch d'extrême droite; il
ne changera d'opinion que lorsque Je mou
vement s'étendra. Cc qui, de toutes façons,
n'empêchera pas le gouvernement de lui
accorder l'honneur immérité de le dési
gner comme meneur de la révolte.
Dans Je même temps, les dirigeants
paysans poursuivent leur grève de la faim
dans la ville d'El Alto, banlieue pauvre si
tuée au-dessus de La Paz, à la limite de
I'Aitiplano, là même où les insurgés aymaras de Juliân Apasa firent le siège de la
ville en 1781. Faubourg interminable
constitué de petites maisons grisâtres en
pisé ensc1"ré par de vastes chemins de terre
14- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005
qui se perdent à l'horizon du plateau, El
Alto, ville aymara, s'instaure capitale de
la révolte.
Le 8 octobre, les associations de voi
sins déclarent une grève civique générale
illimitée; les affrontements armés avec la
police ct l'armée, qui interviennent avec
des tanks et des hélicoptères, éclatent dès
le lcndemai n. Des milliers d'habitants des
cendent dans la rue pour dresser des bar
ricades aux côtés des mineurs ct des pay
sans qui arrivent de toutes parts, et
parviennent à faire reculer les forces de
l'Etat avec des pierres, des cocktails Mo
lotov et des bâtons de dynamite. A la tom
bée de 1 a nuit du 10 octobre El Alto est aux
mains du peuple en armes.
La situation stratégique du lieu ne pou
vait être plus favorable aux insurgés: de
puis El Alto, on domine l'aéroport, le
centre de distribution des hydrocarbures
et la majeure partie des routes reliant La
Paz au reste du pays. Les paysans des en
virons viennent compléter l'encerclement
en coupant les autres routes d'accès à la
ville gouvernementale. Un groupe de mi
neurs tente de s'emparer de la centrale hy
droélectrique de Mill uni, au pied de la Cor
di IIère.
Les militaires, craignant que le com
bustible pour leurs véhicules et leurs
avions leur vienne à manquer, tentent de
recouvrer leur pouvoir sur la zone insur
gée avec une violence désespérée et une
brutalité accrue. Les habitants d'El Alto
résistent héroiquement, empêchant la sor
tie d'un convoi de camions-citernes d'es
sence escortés par la police et l'armée. Les
militaires battent en retraite et se replient
dans leur caserne, tandis que les affronte
ments entre la police ct les manifestants
sc prolongent toute la nuit. Le lendemain,
dimanche 12 octobre, les forces de l'Etat
peut penser que ces couches spécifiques
sont attirées par ces œuvres parce qu'elles
reflètent cc qu'elles vivent ou cc qu'elles
craignent, dans une descente vers l'insé
curité et la prolétarisation.
N ~v~n~ déjà
évoqué le pe
tit livre sur
les mineurs
du Yorkshire
(Echanges 11° Ill, p. 24).
A vrai dire
ses différen
tes parties of
frent un en
semble assez
hétéroclite et
très inégal. Il
contient bien peu de chose sur les condi
tions de travail des mineurs du Yorkshire
là quelque vingtaine de pages autobio
graphiques de John Dennis, qui est un peu
le héros de 1 'ouvrage, se limite à son ado
lescence, alors que, apprenti mineur, il n'est
pas encore descendu dans la mine. Si on ap
prend sur sa vie d'adolescent, on ne peut
que regretter que sa mort prématurée nous
ait privé d'une tout autre biographie. Fina
lement, c'est le récit de sa compagne, Jenny
Dennis, de sa vie de femme de mineur et,
surtout, de son combat lors de la grève de
1984-1985, qui forme la partie la plus pas
sionnante du livre. Passionnante dans ce
qu'elle décrit de sa vie dans le communauté
des mineurs, de leur sens aigu de leur ap
partenance de classe, de leur combat et de
son propre engagement dans cette grande
1 u ttc.
On ne peut que regretter que cette dé
couverte du monde que devient la cam-
pagne de solidarité qu'elle mène envoya
geant à Londres, aux Pays-Bas ... n'évoque
pas les transformations profondes de sa vie
de femme (d' oü sa séparation d'avec John,
à peine évoquée dans la préface) ct son pas
sage dans la vie universitaire. Risquons
une remarque de style à ce propos : la lec
ture de son témoignage suscite une certaine
perplexité et des doutes quant aux passages
du langage quotidien à un autre langage
marqué par la sociologie. Le reste du livre,
(la moitié environ) sort en fait du sujet
(l'âme des mineurs) et consiste plus en
commentaires sur la grève elle-même, en
considérations économiques et sur la dis
location, non seulement des communautés
minières (amorcée dès la fin de la seconde
guerre mondiale et dont la grève de 1984-
1985 fut le dernier acte) mais aussi des
lieux mêmes où elles avaient vécu et lutté.
Toutes ces données peuvent apparaître
partielles et partiales ct elles ont fait 1' objet
de nombreux ouvrages et discussions ( 1 ).
Nous aurions aussi bien des observations
à faire sur ce point mais ce n'est pas là le pro
pos de cet article.
D AEWOO, bien qu'intitulé<< roman>>, ap
paraît plutôt comme un ass:~blage
de documents (entretiens, recits, ob
servations parfois quelque peu lyriques).
Pour faire en quelque sorte la jonction avec
la remarque qui précède sur la destruction
des communautés ouvrières dans la re
structuration a v eugl e du ca pi tai, 1 'intérêt
de l'ouvrage, malgré les défauts de son ca
ractère hétéroclite, est dans cc fil conduc
teur sous-jacent. Il montre que sur les ruines
( 1) Parmi ces ouvrages. indiquons seulement ceux qui émanent d'Echanges Ta The Biller End, la grève des milzeurs en Grande Bretagne. !v/ars 198../-mars /985 (éd. Acratic) et Cwmbach :mineurs el femmes de mineurs parlent (témoignages de m1ncurs du Pays de
Galles), ouvrages toujours dispontbles.
ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005-63
NOTES DE LECTURE
LUTTE DE CLASSE ET LITTÉRATURE
Un peu de l'âme des mineurs du Yorkshire, John et Jenny Dennis, L'Insomniaque Daewoo, François Bon, Fayard Les Vivants et les Morts, Gérard Mordit/at, Ca/mann-Lévy
C 'EST UN PEU le hasard qui nous
amène à parler de ces trois livres qui
ont en commun de parler de la vie
de travailleurs, de leur quotidien et de leurs
luttes, mais sous des fonnes sensiblement dif
férentes. Ils pourraient faire partie de ce
qu'on appelait avant la dernière guerre« lit
térature ouvrière>> qui étaient le plus sou
vent des témoignages, parfois sous des
formes romancées de la vie de leur auteur.
La littérature, populiste ou non, d'avant la
première guerre mondiale abondait tant en
romanciers plus ou moins heureux des souf
frances prolétariennes qu'en autobiogra
phies, témoignages directs ou arrangés de ces mêmes vies difficiles. Dans 1 'entre-deux
guerres, mis à part quelques auteurs comme Poul aille, 1 'ensemble des textes de ce genre
fut profondément marqué par la révolution
bolchevique et ses suites dans les vicissi
tudes des militants du parti communiste.
Ils portaient plus souvent témoignage des pro
blèmes de 1 'engagement politique ou syndical que de la condition prolétarienne.
Passée la dernière guerre, ces mêmes
témoignages marqués également par les en
gagements, les répressions et les luttes pour
la survie. n'ont guère laissé de champ à des
récits sur ce que fut alors la condition ou
vrière ei son quotidien. Cc n'est que ré-
62- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005
cemment que les << problèmes de classe >>
sont devenus 1 'objet, non pl us d'études de
sociologie ou de reportages médiatiques,
mais d'expressions littéraires ou cinéma
tographiquse.
On a pu voir ainsi au cinéma non seu
lement des documentaires (de rares témoi
gnages sur mai 1968, comme le célèbre Re -prise), mais surtout des fictions qui
prenaient pour thèmes, à travers une ro
mance, des situations actuelles plus ou
moins dramatiques touchant les travailleurs
(à croire d'ailleurs que les<< trente glo
rieuses >>de 1945 à 1975 n'avaient pas ap
porté aux travailleurs leur lot de drames
dans leur exploitation par le système). Ce
qui apparaît ainsi sur les écrans trouve sa correspondance dans la littérature. On peut
penser qu'ils reflètent la<< montée des dan
gers», particulièrement dans la« condi
tion ouvrière >>.Même si les auteurs ct édi
teurs y cherchent (et y trouvent) un intérêt,
le fait qu'ils s'engagent dans cette voie té
moigne du développement d'une telle situation. Même si l'on se pose la question
-elle n'est pas superflue-: qui lit de telles
œuvres ')et que l'on conclut que cc ne se
ront pas, dans leur immense majorité, les
travailleurs qui les liront mai' une frange des prolétaires ct des classes rnuycnnc<;, un
parviennent à se frayer un chemin, en ti
rant sur la foule avec fusils et mitraillettes
à partir d'hélicoptères ; vingt-cinq insur
gés, acculés sur le pont du Rfo Seco meu
rent sous une pluie de balles. On dénombrera
plus de quarante morts lorsque le convoi
d'essence, soutenu par les raffales des mi
traillettes de l'armée, parviendra finale
ment à emprunter 1 'autoroute de La Paz.
La victoire militaire des forces gou
vernementales se convertit aussitôt en dé
route politique et morale; les tueries sans
discrimination indignent presque tout le
monde et avivent d'autant plus l'énergie
des insurgés. Le lundi 13 octobre, la po
pulation de La Paz se joint finalement au sou
lèvement; les comités de quartiers appel
lent à une marche de solidarité avec El Alto
et de protestation contre les tueries, tan
dis que les habitants d'El Alto descendent
dans la ville au cri de« Maintenant, guerre
civile 1 ».
Ce même lundi.les affrontements avec
la police gagnent toute la ville tandis que
protestations, manifestations, grèves et
barrages des routes s'étendent à tout le
pays, Cochabamba, Santa Cruz, Potosî,
Sucre, etc. Les Etats-Unis, l'Organisation
des Etats américains (OEA), l'armée et les
organisations patronales apportent leur
soutien au président constitutionnel Sânchez
de Lozada, qui à son tour dénonce la<< vio
lence >> des opposants et le complot sub
versif ourdit par les terroristes et lestra
fiquants de drogue visant à détruire la
démocratie bolivienne. Mais de moins en
moins de gens prennent au sérieux les dis
cours toujours plus délirants de 1 'élu,
même parmi les classes moyennes ; jour
nalistes, intellectuels et artistes, tous en
chœur, demandent sa démission. Le vice
président lui-même, l'historien Carlos
Mesa, critique la répression militaire et
prend publiquement ses distances avec
Sânchez de Lozada, sans toutefois renon
cer à sa charge, s'offrant ainsi implicitement
en solution de rechange pour un compromis
qui ne saurait attendre.
DANS LES PUBLICATIONS/AMÉRIQUE LATINE
+ Le Mexique et la Bolivie
sont secoués actuellement
par des mouvements popu
laires contre les multinatio
nales qui monopolisent l'ex
ploitation des ressources en
eau ou en hydrocarbures.
La revue allemande Wildcat
apporte quelques éléments
sur ces luttes dans son no 72
(janvier 2005). Un autre ar
ticle, " Le mouvement est
il en train de se transformer
en institution ? ", revient
sur la grève générale qui a
paralysé la capitale boil
vienne La Paz et une grande
partie du pays entre le 29
septembre et le 18 octobre
2003 (voir ci-dessus)
Prospects and Reactionary
Threats " (Bolivie pers
pectives révolutionnaires et
menaces réactionnaires)
dans Proletarian Revolution
no 74' printemps 2005 (en
anglais, copie à Echanges).
Argentine + Lutte de classe - Argen
tine " Renouveau des
lutles ouvrières "dans Cou-
Bolivie rant Alternatif no 147, mars
+" Bolivia Hevolutionary 2005.
ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005-15
La grève est presque totale dans la ville
de La Paz: les transports, de toutes façons
paralysés par le manque d'essence, sont
rejoints par les enseignants, les bouchers, les boulangers, les commerçants sur les
marchés, etc. Des renforts arrivent de
toutes parts soutenir les grévistes: paysans des provinces du Nord par milliers, coca/eros des Yungas, mineurs en armes d'Oruro et de Potosf.
Le gouvernement, se voyant acculé,
ordonne la confiscation de quelques jour
naux d'opposition et, tout aussi mal
adroitement, menace de poursuivre devant les tribunaux quiconque réclamera l'abdication du président (alors la majorité du pays), tout en proposant de soumettre la
loi sur les hydrocarbures à un référendum
et se déclarant prêt à négocier. Mais il est
trop tard; personne ne veut plus parler à 1 'assassin des habitants d'El Alto. Tout le
pays est dressé contre le gouvernement; les
manifestations s'étendentjusque dans les coins les plus reculés du territoire, des
plaines du Chaco à la frontière avec le Paraguay jusqu'aux forêts tropicales im
pénétrables du Beni en bordure de l' Amazonie.
L'encerclement de La Paz se resserre.
Plus aucun transport; les commerces sont fermés. Le ravitaillement commence à manquer. Réunions publiques, assemblées,
manifestations et affrontements spora
diques avec la police se succèdent dans les
rues désertées par le trafic habituel, dans un calme tendu jusqu'à l'insupportable. Finalement, la nouvelle se répand dans la nuit du dimanche 19 octobre que le prési
dent s'est enfui à Santa Cruz dans un hé
licoptère militaire, et de là en avion pour Miami. d'où il présentera formellement sa
démission le lendemain. Le vice-président
assume ah:Jrs le pouvoir et demande une
16- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005
trève de 90 jours afin de remettre en ordre
les affaires du pays. Les organisations d'opposition lui accordent cette faveur;
le calme revient, momentanément tout au moins.
Les 90 jours de Mesa : résumé d'une fraude annoncée
La trève s'est achevée avec le résultat qui était à prévoir, c'est-à-dire rien. Le nou
veau président s'est montré tout à fait le
digne successeur du fugitif Sanchez de Lo
zada, poursuivant la même politique avec
quelques retouches de façade (le gaz est ainsi exporté par l'Argentine au lieu de l'être par le Chili). Les mouvements sociaux se préparent à se remobiliser. Le
8 avril 2004, la COB et le mouvement paysan de l'Altiplano appellent à une grève
générale illimitée et au barrage des routes à partir du 2 mai, exigeant la nationalisation du gaz et du pétrole, l'abrogation de la loi
sur les hydrocarbures et de celle sur les reIrai tes et, pl us généralement, 1 'arrêt des
politiques néolibérales. Entre-temps, le MAS, ancien parti des
cultivateurs de coca dominé de plus en plus par ses députés issus de la classe moyenne,
se tourne vers une conception du << socialisme>> respectueux de la propriété privée et de l'ordre i nsti tu tionnel. Ses di ri geants s'opposent ouvertement aux grèves et aux
manifestations, les boycottent et tentent d'empêcher la base des syndicats et des
mouvements sociaux qu'ils contrôlent d'y participer, invoquant à nouveau le risque d'un coup d'Etat imminent et allant jusqu'à diffamer les dirigeants de la COB comme
<<paramilitaires>> et complices du fascisme. Morales est sans aucun doute en train de
parier sur sa victoire aux prochaines élec
tions présidentielles prévues en 2007. Sa nouvelle image de responsable et de mo-
République tchèque : impuissance politique, grève à Skoda
Lettre de la République tchèque (28 mars 12005 ).
J 'AI vu( ... ) que vous avez traduit un
article écrit par un camarade de Prague. Je pense qu'il n'y a rien d'es
sentiellement nouveau ici. Les luttes importantes manquent ici. A vrai dire, l'éco
nomie marche mieux maintenant. On parle
beaucoup d'une crise de gouvernement,
mais celle-là est seulement une expression
d'une lutte entre les partis politiques. Et, à la différence de la Slovaquie, le gouvernement social-démocrate ici ne va pas intro
duire les<< réformes>> des retraites, d'enseignement ou du système de santé
publique. Alors, tout ça va changer appa
remment après les élections ..... Dans le<< mouvement >>,il y a une crise
grave. Mes camarades [ ... ]et moi-même, nous sommes incapables d'une activité po
litique réelle. Nous parlons beaucoup de cette crise, mais rien ne change. Entre les anarchistes, c'est encore pire. Vu cette si
tuation ici, c'est vraiment formidable que
vous soyez en train de publier Echanges si régulièrement .....
Hier (30 mars) il y a eu une grève d'une heure au commencement de chacune des trois équipes dans les usines automobiles
Skoda dans tout le pays (trois ou quatre je crois). Les revendications concernent une
augmentation de salaire qui refléterait les plus hauts profits fait par la firme, contrairement aux autres constructeurs de voitures. Les travailleurs de 1 'automobile sont
dans une position favorable par rapport aux
autres travailleurs car la plupart des entreprises de la métallurgie licencient d'une
manière incroyable. Les ''dégraissages "
dans leur ensemble ont le soutien des syn-
dicats qui les négocient. Il y a aussi pour
tant des rassemblements de milliers de travailleurs.
" Il faut parler Histoire " D'une camarade de Toulouse (8 no
vembre 12004)
POUR ECHANGES, c'est bien qu'il n'y ait plus les débats d'antan qui tournaient au stérile sur la fin. J'étais
souvent de 1 'opinion d'Echanges ct j'avais
l'impression de perdre mon temps à lire ça.
Par contre, je reconnais qu'il faut parler
histoire avec les jeunes qui entrent dans le mouvement ct, rien que pour ça, le débat en valait la peine parce qu'il apprenait quelque chose aux autres lecteurs jeunes. Pour ma part, j'en avais déjà assez lu d'his
toire pour comprendre et être de 1 'opinion
d'Echanges. Peut-être faire de petits articles résumés pour les questions posées
par les jeunes serait mieux '?A voir. J'ai bien aimé aussi qu'enfin il y ait la
liste des contacts des revues chroniquées
dans Echanges ( ... ). Malheureusement, le prix n'est pas indiqué alors je n'ose même
par les contacter parce que je déteste de
mander combien ça coûte et si ça me paraît trop cher, chuis bien dans la merde. Quand à échanger, je ne sais même pas s'ils sont d'accord pour échanger ... j 'aurais 1 'impression de les voler en leur envoyant
ce que je fais (La Pêche du Midi) en échange de leurs articles/revues ...
•
ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005-61
quement, qui n'existe plus aujourd'hui, qui
tirait son nom de l'opposition à l'idée et à
la pratique du<< communisme de parti>>. Le deuxième invoque une idéologie, une
fétichisation d'une forme d'organisation,
valable partout ct toujours. Une chose est
de reconnaître que des individus ou des groupes s'accrochent à« une fossilisation
idéologique de l'expérience des soviets et des conseils ouvriers>> (1.-P. V.). Affirmer 1 'existence d'un courant historique se re
vendiquant de cette fossilisation et pré
senter des révolutionnaires, comme Canne Meijer, Pannekoek et autres, comme ses idéologues, c'est autrement discutable.
C'était une modeste contribution à la campagne contre le confusionnisme enva
hissant et le retour des concombres
masqués. C. R.
Libertaires à Cergy De Cergy-Pontoise (28 février 2005)
N ous SOMMES un collectif libertaire qui s'est constitué en 2004 afin de fédérer toutes les organisations anar
chistes et anarcho-syndicalistes de la région et pratiquons l'unité dans les luttes avec les autres communistes du mouvement
révolutionnaire, sans sectarisme sur la région et publions un bulletin, L'Insurgé, dont nous vous envoyons un exemplaire. Plusieurs de nos militants se livrent à des
recherches historiques(. .. ). Nous aime
rions les numéros de 2004, ainsi que des
60- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005
précisions sur la révolte des roms en Slo
vaquie en 2004 (pour la commission gens du voyage de la CNT car nous comptons
quelques manouches dans nos rangs) et participons au comité de soutien aux Roms.
Collectif libertaire, c/o UL CNT -Cergy, BP 118, 95316 Saint-Ouen-l'Aumône,
adresse où vous pouvez vous procurer le bulletin L'Insurgé dont le na 3 est paru
avec un ensemble de textes sur les luttes locales et d'ailleurs.
Voyage en Pologne D'un camarade de l'Allier.
J 'Al ÉTÉ TRES BIEN ACCUEILLI par toute la famille [de sa compagne} et la population en général est plutôt sympa
thique, encore plus lorsqu'elle sait que tu
es français. Je me suis baladé en ville. Bydgoszcz est une ancienne ville industrielle. A l'heure actuelle, beaucoup d'usines sont
fermées et pas mal de gens sont au chômage. J'ai discuté avec plusieurs ouvriers polonais, employés, etc. Les salaires sont
très bas (au mieux 500 euros par mois) mais j'ai vu relativement moins de misère, alcoolisme, etc. que lorsque j'étais allé en Silésie en 1991-1992. Par contre, j'ai vu pas
mal de pauvres diables faisant les poubelles. La majorité des gens travaillent et ont un
niveau de vie relativement modeste, seuls quelques requins se taillent la part du lion (comme partout). En Pologne, j'avais déjà
remarqué cela lors d'un premier séjour, il
y a beaucoup de démerde, débrouilles. sys
tème D. On est passé par l'ex-Allemagne de
l'Est à Francfort-sur-Oder, une région sinistrée (et sinistre) ;j'y ai vu beaucoup de jeunes qui ont basculé dans l'extrémisme (de
droite). beaucoup de haine et de désespoir.
bien plus qu'en Pologne en tout cas ..
déré lui permet d'engranger les applaudissements de la presse; il est cependant à craindre qu'il risque, par-là même, de
perdre le soutien des bases paysannes et
ouvrières dont il envisage de capitaliser les votes.
Maintenant, à la mi-mai [2004}, les barrages des routes, les grèves et les mani
festations d'enseignants, de routiers et du
personnel de santé, menacés par la privatisation des services publics, recommencent à se multiplier et s'ajoutent aux mo
bilisations des paysans et des mineurs. Les délégations arrivent de toutes parts à lalocalité de Patacamaya, d'où doit partir le 13 la marche sur La Paz « pour la récupération des hydrocarbures, la dignité et la souveraineté>> mots d'ordre que les paysans du département oriental de Santa Cruz, qui se préparent à occuper les puits pétro
liers, commencent à mettre en pratique. La nationalisation du gaz et du pétrole
est devenue« le mot d'ordre qui fait bou
ger et unit les pauvres de Bolivie>> selon les termes d'un journaliste bolivien. On peut sc demander après tout si ce mot d'ordre n'est pas à double tranchant, car tout en unissant les divers mouvements so
ciaux autour d'un but commun et accrois
sant leur pouvoir d'attraction il les rend perméables à l'influence des fractions les plus progressistes de la bourgeoisie natio
nale (qui aspirent à devenir les futurs gestionnaires des industries nationalisées) ct
même de la droite la plus fascisante, en dé
tournant l"attentwn de cc qut au départ faisait le tond de Lt lutte. it savoir la confrontation entrL·!es l"<llnmunautés paysannes ct l'Etat, entre ln assemh!L'cs libres ct souverainn dn 1111/111 ct le despotisme politico
militaire l"llll\ nt park système électoral
qu'il;; appellent delltllnatie, entre les coutumes ;utcntr;tlo de 1 IL" c"mmune ct l"éco-
nomie dominante de concurrence, de destruction et de gaspillage, entre deux ma
nières, en somme, radicalement incompa
tibles de concevoir la vie ct la convivialité entre êtres humains.
Il y a quelques semaines, de l'autre côté
de la frontière, les paysans aymaras de lalocalité péruvienne d'Ilave (Puno) sc sont
soulevés contre J'Etat et ont assassiné le
maire imposé par le gouvernement<< parce qu'il était mauvais et corrompu>>. Largement approuvé par les paysans des deux côtés
de la frontière néocoloniale qui les sépare,
cet acte arrive sans doute au moment opportun pour rappeler quelle fut l'origine de cette guerre et ses buts.
Les paysans et ouvriers de Bolivie ont donné l'exemple aux peuples du monde d'un soulèvement contre les conséquences d'un ordre économique, politique et social
qui nie la vie en permanence. Il suffit main
tenant que tous comprennent ce que les communautés insurgées de l' Altiplano ont compris, c'est-à-dire qu'ils ont entre leurs
mains le fil qui leur permettra de sortir du labyrinthe sanglant du désordre dominant, 1 'expérience des assemblées communales et des comités de quartier, leur usage ances
tral de 1 'entraide et de la culture commune respectueuse de la terre, et ce qui est derrière, le souvenir ancien mais toujours vivant d'un monde sans propriété ni argent, un bien-être à la portée de tous qu'au
jourdhui aucune politique de développe
ment ne se risque à promettre.
Kaypachapi, mai 2004 L. A. B./F. E. S.
(traduit de 1' espagnol par J .-P. V.)
ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005 -17
JAPON
LA SITUATION DES CLASSES LABORIEUSES.
CHRONOLOGIE : JUILLET 1853 - AOUT 1914
C ETTE CHRONIQUE des événements sur
venus entre 1853 (première arrivée
du commodore Perry dans la baie
d'Uraga) et l'entrée du Japon dans la pre
mière guerre mondiale résume d'un point
de vue purement chronologique les analyses
parues dans les n"' 107 à 110 d'Echanges. Bien que 1 'on puisse trouver dans plusieurs
ouvrages écrits par des spécialistes un dé
coupage traditionnel de 1 'histoire du Japon
selon les dates des règnes impériaux, j'ai
préféré utiliser ici le système de division du
temps propre à l'ère chrétienne, plus fami
lier au lecteur européen.
1.853 +Juillet: arrivée du commodore Matthew
Galbraith Perry (1794-1858) à la tête d'une
petite flotille dans la baie d' Uraga, près de
Tôkyô. Il exige l'ouverture du Japon au nom
du président des Etats-Unis Mil lard Fillmore
(1800-1874 ).
1.854 +Février: Perry, de retour au Japon, obtient
du shôgun Tokugawa lesada (1824-1858) 1 'ou
verture des ports de Shimoda et Hakodate au
commerce américain par le traité provisoire
de Kanagawa.
+ 31 mars : le gouvernement des Tokugawa
signe un traité d'amitié avec les Etats-Unis.
1.858 + 29 juillet: le Japon signe un traité com
mercial a "t'cc les Etats-Uni s.
18 -ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005
1.859 + 28 juin : les ports du Japon sont ouverts à
toutes les puissances occidentales.
1.867 + Les clans de Satsuma, Chôshû, Tosa et
Hi zen se rangent ouvertement aux côtés de
l'empereur Kômei (1821-1867) et entrent en
guerre contre le shôgunat au nom de la lutte
contre les étrangers.
1.869 + Mars: les clans de Satsuma, Chôshû, Tosa
et Hizen adressent un mémorandum à l'em
pereur sur les devoirs de sa charge et le re
connaissent pour leur maître. Les principes
contenus dans ce mémorandum serviront à
la rédaction de la Constitution de 1889 et
gouverneront le régime japonais jusqu'en
1945.
+Edo devient la capitale du pouvoir impé
rial restauré au détriment de Kyôto, et prend
le nom de Tôkyô (qui signifie: la capitale
de l'Est), après qu'Ôkubo Toshimichi ( 1830-
1878) a suggéré un changement de capitale
pour marquer symboliquement la rupture
avec les temps anciens.
+Juillet: ouverture à Tôkyô, à Kudan, du
temple Shôkon sha, dédié aux morts pour la
patrie, qui prendra en 1879 le nom de Y asu
kuni jinja (temple où sont vénérés les sol
dats tombés en combattant pour l'empereur.
Les condamnés à mort au tribunal de Tôkyô
[3 mai 1946-12 novembre 1948], dont les
cendres furent dispersées pour éviter qu'elles
Meijer, s'explique par le fait que ses textes
<< Le mouvement des conseils en Alle
magne>> et <<Temps de travail social
moyen. Base d'une production ct d'une ré
partition communiste» (publiés par !CO
en 1971 ), constituèrent le point de départ de
la mini-croisade néo-bolchevique contre
le << conseillisme », courant dont il est
censé être le représentant.
Parmi les éminents théoriciens de la
<<Rupture», on trouve des noms comme
Dominique Blanc et Pierre Guillaume. Et
c'est tout de même assez significatif que
les éditeurs passent sous silence l'évolu
tion négationniste de ces deux<< théori
ciens» ! Pour faire court, celles et ceux
qui ne jouent pas dans la cour des avant
gardi stes et ne ressentent aucune dette en
vers l'œuvre du bolchevik Bordiga peuvent
passer leur chemin sans états d'âme.
Dans sa note, J .-P. V. considère, pour
tant, que la préface dudit livre situe clai
rement le sens de cette<< rupture » : << Af
firmer que la révolution n'est pas une
question de gestion des usines par lestra
vailleurs mais de destruction totale de l'ex
ploitation capitaliste. »Pour moi, cette for
mulation n'est pas claire du tout, je
prétends même qu'elle est plutôt obscure.
Connaît-on dans l'histoire du capitalisme
une situation révolutionnaire où les ex
ploités aient mis en place, de par leur action
indépendante et donc consciente, un nouveau
système d'auto-expiai tati on ? Accessoi
rement, excusez du peu, qu'est-ce exacte-
ment, pratiquement, cette<< destruction to
tale de l'exploitation capitaliste» 7 Si cela
ne passe pas par une prise en charge col
lective et directe de la production et re
production de la vie sociale (donc aussi de
la distribution), c'est comment alors?
Voici, en tout cas. posés les termes sur les
quels, dans les années 1970, l'idéologie
dite<< conseilliste »fut fabriquée par les
<<théoriciens anti-conseillistes »,ci-des
sus mentionnés.
Tout en se démarquant des enfants de
Bordiga, J.-P. V. réaffirme, lui aussi, que
oui ' il existe bien un<< conseillisme ».Et
il nous renvoie à un article, écrit par lui
(qui signait alors Paulo), paru dans la revue
Spartacus (juillet-août 1978). Il s'agissait,
en fait, d'une réponse à un texte précédent
de Serge Bricianer, << Connaissez-vous Pan
nekoek 7 ».A 1 'intention de ceux qui s'in
téressent à 1 'archéologie, et par respect
pour les lecteurs d'Echanges, je voulais
rappeler que ce débat s'est terminé avec
une contre-réponse de Serge Bricianer,
<< Quelques procédés de 1 'anti
conseillisme »(Spartacus, octobre 1978).
Où celui-ci critiqua l'argumentation de
Paulo et mit en évidence la méthode des
<< anti-conseillistes » : << forger soi-même
les conceptions qu'on tient à réduire à quia». Bien sûr, comme le veut la tradi
tion, on peut s'adresser à Echanges pour
se procurer des copies desdits articles de
la revue Spartacus. Des sectes de l'ultra-gauche avant-gar
distc font aujourd'hui leur retour sous une
forme post-moderniste. Pour que la ligne
de partage puisse être établie clairement,
il serait temps d'être plus rigoureux dans
l'usage de certains termes, à commencer
par celui de<< communisme de conseils»
et celui de<< conseillisme ». Le premier
renvoie à un courant qui a existé histori-
ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005-59
CORRESPONDANCE
Problèmes du logement en Seine-Saint-Denis, p. 58+ Contre le confusionnisme (à
propos du livre<< Rupture dans la théorie de la révolution»), p. 58+ Libertaires à
Cergy, p. 60 +Un voyage en Pologne, p. 60 +République tchèque:<< notre impuis
sance politique>>, p. 61 +<<Il faut parler Histoire», p. 61.
Le problème du logement D'une camarade de Bobigny (Seine
Sainl-Denis, « neuf-trois ») ( 3 décembre 2004)
LE PROBLEME du logement est de plus
en pl us criant. Mal gré le nombre exor
bitant de logements vides, les ouver
tures de squats sont devenues plus diffi
ciles, alors même qu'elles sont de plus en plus
nécessaires, à la fois comme lieux de vie et
comme réappropriation collective et
moyens de pression. Alors difficile ne dit
pas impossible.
Depuis des mois, le Samu social, qui
gère les hébergements d'urgence, est dé
bordé. Passé 8 heures ou 9 heures, le matin.
iI n'y a plus de place ! Et tant pis si des fa
milles avec des enfants en bas âge dorment
dehors. L'hiver dernier, un bébé est mort
dans le 93 parce que les services sociaux
n'avaient pas trouvé de lieu où dormir pour
sa mère 1
Dans les foyers de travailleurs immi
grés, la situation est critique. Depuis le dur
cissement de l'aide au séjour irrégulier, les
descentes de police se font plus nom
breuses. Les gérants mettent la pression
sur les résidents<< officiels »qui hébergent
amis ou parents, avec ou sans papiers. L'or
ganisation collective de certains espaces
(cuisines communes, salles de prière et de
réunion. petits vendeurs) est remise en
cause. Le chantage est souvent rénova
tion du foyer (certes nécessaire) contre ré-
58 -ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005
organisation en petites chambres indivi
duelles avec kitchenettes, où il devient dif
ficile d'accueillir qui que ce soit et où le
résident doit assumer seul tous les frais
Le 20 novembre, les résidents des
foyers du 13' arrondissement [de Paris] ont
organisé une manifestation avec le Copaf
(Collectif pour l'avenir des foyers) GUi a
mobilisé plusieurs foyers. Espérons que la
mobilisation continuera et s'amplifiera.
" Contre le confusionnisme " Lettre de Charles Reeve. de la revue
Oiseau-Tempête.
LE NUMÉRO 110 (hiver 2004)
d'Echanges publie, page 66, une note
de lecture (signée J.-P. V.) sur le livre
Rupture dans la théorie de la révolution
(éditions Senonevero), collection de textes
qui a marqué 1 'évolution politique d'un
petit cercle d'individus depuis mai 68.
Pour J.-P. V., il manque une explica
tion du choix de ces textes. Mais il sou
ligne- à mon avis justement- que la plu
part des textes reprennent à leur compte les
critiques des bordiguistes au mouvement
des conseils. Voilà qui est largement suffisant
pour ce qui est du choix des éditeurs. Il ne
faut jamais perdre de vue ce point, essen
tiel à la compréhension de cette littérature
(voir à ce propos« Ultra-gauche en sa
lade», Oiseau-tempête, no Il). La présence
inattendue. parmi les signataires, du com
muniste de conseils hollandais Henk Canne
devinssent ohjet de culte, y ont leur mémoire
honorée; et à chaque fois qu'un officiel im
portant s'y rend le 15 août [anniversaire de la
fin de la deuxième guerre mondiale) ou le
Il février [jour national). en un sursaut de
nationalisme, les pays voisins du Japon ne
manquent pas de protester).
+La liberté de choisir son lieu de résidence
et son métier. entravée par le shôgunat, est
rétablie.
1.870 +Ouverture de Tôkyô et Niigata aux étran
gers.
+ 27 février: adoption du drapeau du<< So
leil levant».
+L'ancien daimyii de Maebashi et la famille
Ono (une grande famille de commerçants de
l'époque des Tokugawa) introduisent la fi
lature mécanique de la soie à Tôkyô ; le gou
vernement soutient l'entreprise en créant sa
propre filature à Tomioka, dans le département
de Gunma, installée par une vingtaine de spé
cialistes européens (en 1875, les techniciens
japonais formés par ces spécialistes pou
vaient les remplacer; en 1878, le cinquième
de la soie japonaise était filé mécaniquement.
La mécanisation de la filature de coton fut
beaucoup plus lente, à cause du manque de ma
tière première nationale et de la concurrence
des filés anglais: vers 1880, trois usines seu
lement étaient mécanisées. dont une seule
appartenait à l'industrie privée).
+Création d'une monnaie impériale.le yen
ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005- 19
1.871 +Abolition du système des fiefs et division
du pays en départements.
+Emancipation des eta.
+ Extension du service postal aux pays étran
gers.
+Tous les Japonais reçoivent un nom de famille.
+Le gouvernement introduit lïndustrie mé
canique au Japon avec la création de l'usine
de machines d'Akabane, dans la banlieue de
Tôkyô.
1.872 +Inauguration de la ligne de chemin de fer
reliant Tôkyô à Yokohama.
+Adoption du calendrier grégorien: le 3 du
douzième mois lunaire devient le 1" janvier
1873.
+Le gouvernement confisque l'usine de co
tonnades de Sakai (qui avait été fondée en
1870 avec des machines importées d'Angle
terre par le fief de Satsuma) pour en faire une
usine pilote. sur le modèle de celle de To
mioka pour la soie.
+Instruction primaire obligatoire.
1.873 +Loi instaurant le service militaire obliga
toire.
+ Révocation des édits contre les chrétiens pris
par le shôgun Tokugawa Jeyasu (1542-1616)
en 1612 dans les territoires qu'il contrôlait, et
étendus à l'ensemble du pays en 1614.
+ Création des écoles primai res.
+ Débuts du Mouvement pour la liberté et
les droits du peuple (Jiyû minken undô), qui
connaîtra son apogée entre J 881 et J 885.
+ 1874: insurrection de Saga (ville située
dans le département du même nom, ancienne
ment fief de Hizen), menée par Etô Shinpei
( 1835-1874). un samurai qui avait participé à
la rcstaur3tion de Meiji sans mesurer les bou-
20- ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005
leversements à venir: déçu parce que les mo
dérés au sein du gouvernement ne voulaient
pas attaquer la Corée. qui se refusait à recon
naître le nouveau gouvernement japonais. il
se rebella contre le nouveau pouvoir ; la ré
bellion fut rapidement matée par Ôkubo To
shimichi et Etôestdécapité le 13 février 1874.
+Expédition à Formose (Taiwan).
1.875 +Le Japon cède ses droits sur l'île de Sa
khaline (Karafuto en japonais) à la Russie en
échange des îles Kouriles (Chishima en ja
ponais).
+Le gouvernement créé une cimenterie à
Fukagawa. un quartier de Tôkyô (elle sera
privatisée en 1883 et confiée à Asano Sôi
chirô !1848- l 930]).
+ Le gouvernement fonde un important éle
vage de moutons dans la province de Shimôsa
(préfecture de Chiba) et une usine de tissage
et de filature à Senju, dans la banlieue de
Tôkyô.
+Les revenus versés aux samurai par l'em
pereur ne le sont pl us en nature (riz) à un mo
ment où les prix augmentent rapidement, mais
en argent.
1.876 +Traité avec la Corée.
+ Les revenus des samurai sont remplacés
par des bons d'Etat portant 7 % d'intérêts
pendant quatorze ans maximum.
+Emeutes à Kumamoto (fief de Higo) et
Hagi (fief de Chôshû), causées par l'appau
vrissement croissant des anciens guerriers.
+Le gouvernement crée une verrerie à Shi
nagawa, un quartier de Tôkyô.
1.877 +Février-septembre: insurrection de Satsuma,
menée par Saigô Takamori ( 1827-1877). Il
avait participé activement à la restauration
l'ouvrage exhaustif de Ngo Van Viet-Nam, 1920-1945,
révolution et contre-révolu -lion sous la domination co ·
loniale (L'Insomniaque,
rééd. Nautilus [Paris]) dont
la suite vient de sortir • Le Joueur de flûte et l'Oncle Ho, Vietnam 1945-2005, (Paris-Méditerranée,
296 pages, 22 euros) ou
vrage dont nous reparlerons
plus en détail.
A propos du Vietnam mais
sous un tout autre aspect , sur le site httpJ/www.geoci·
ties.com/antagonism 1 /olive
drab, on peut lire (en an
glais) un texte" Subversion of the US Armed Forces in
the Vietnam War , (La subversion des forces armées
américaines dans la guere du Vietnam).
+ Memoirs sixty years und er the flag of socialist re ·
volution, par A. Stinas, l'ac
tivité d'un oppositionnel en
Grèce au cours de la se
conde guerre mondiale,
texte en anglais disponible sur le Web · httpJ/www.geo
cities.com/antagonism 1 /sti
nas.
+ Une vue globale des 2 000 camps naz1s sur le
site Internet
http J/www. carnet-rn on
dain.com/edito/.
+ Différents essais en an
glais de Kenneth Rexroth sont sur le site du Bureau of
Public Secrets (PO Box 1044, Berkeley, Ca 94701,
Eats·Unis) : http://www. bop
secrets.org.
Sur le même site, on peut
trouver le texte de Ken
Knabb de 1997. " La joie de la révolution , traduit en
français (quelques réalités de la vie, préliminaires, mi
nutes de vérité, renaissance).
+ Sur le site de Loren Gold
ner " Break their haughty
power , une critique du livre
de Joao Bernardo (en por
tugais) sur le fascisme : http ://home. earth link net/-! r
goldner.
+ " The dollar's crisis and
ours, par Loren Goldner dans Against The Current no 114, janvier -février 2005
(en anglais sur le site http
•home.earthlink.nell-lrgold
ner). Nous en avons publié
une traduction française (Echanges no 111 ).
+ Chris Pallis vient de mourir (en mars). Il fut pendant
des années, sous le nom de
guerre de Maurice Brinton,
l'animateur du groupe bri
tannique Solidarity, groupe
frère en quelque sorte de Socialisme ou Barbarie.
Dans le prochain numéro d'Echanges nous retrace
rons son activité liée à l'évo
lution du groupe et de la
revue Solidarity.
•
ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005- 57
Anti-industriels, anti-nucléaires, antiscientistes + Le no 8 (février 2005) de la revue espagnole Los Amigos de Ludd s'ouvre sur un article intitulé " La critique industrielle fait-elle son chemin ? ., dans lequel ses animateurs constatent le récent rayonnement des idées antiindustrielles en Espagne. Une nouveauté à double tranchant, ces idées risquant de perdre en qualité ce qu'elles gagneront en diffusion. C'est pourquoi Los Amigos de Ludd font dans ce même article une recension critique de quelques revues et ouvrages dans l'intention expresse de lancer la discussion. + Dans la Lettre de Liaison du Garas, no 10 (1" trimestre 2005) : " Anticapitalisme et anti-industrialisme ''• discussion sur le courant anti-industriel dont les positions sont développées dans les publications de l'Encyclopédie des Nuisances.
proclame le protocole de Kyôto, mais dans une remise en cause fondamentale des besoins humains en énergie. + Sortir du nucléaire no 26 (février 2005) : sur le lobby nucléaire et autres ADM, le rôle du partenariat israéloaméricain et la prolifération contrôlée. " Derrière les centrales, la bombe atomique. " " Reformuler la nonprolifération ou sortir du nucléaire ? " +Toujours dans le numéro 8 de Los Amigos de Ludd, la traduction espagnole de " Totem et tabous, ou qui veut sauver la recherche ? "• un article du CNRS (Coordination nationale de répression du scientisme) qui critique le mouvement français Sauvons la recherche, ainsi que d'un tract distribué lors des premiers Etats généraux de la recherche tenus à la fin octobre 2004. Les textes en français sont disponibles à l'adresse : Association contre le nucléaire et son monde, B.P. 178, 75967 Paris cedex 20. + La médecine est une putain. Son maquereau c'est le pharmacien: prolégomènes à une critique de la science, ou de la marchandisation de la naissance. C'est une brochure signée " Des bébés en colère , et cela traite de la médecine et de la science dans le présent monde capitaliste. Pas d'adresse mais un courriel : [email protected]. + Savants sous l'occupation, de Nicolas Chevassus (éd. du Seuil).
+ La nouvelle propagande pro-nucléaire vante la propreté de l'énergie nucléaire, de son inocuité pour les gaz à effets de serre et d'être une énergie quasi inépuisable. Le no 8 de Los Amigos de Ludd rappelle qu'une société nucléaire nécessite une hypertrophie des structures technologiques, le monopole de grands trusts soutenus par l'Etat, le secret à tous les niveaux de décision, le remplacement de la discussion raisonnable par la propagande, l'état de siège en permanence et le legs aux générations futures d'une pollution radioactive amenée à durer plusieurs centaines d'années. Pour le groupe Los Amigos de Ludd, la question de la nucléarisation du monde ne se pose pas en term~s climatiques, comme le l ___________________________________ ~
56- ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005
de l'empereur sur le trône, mais à la suite
des divergences de vues apparues au sein du
gouvernement à propos de la Corée en 1874,
s'était replié sur Kagoshima, où il avait
fondé une école à laquelle la jeunesse des
anciens fiefs de Satsuma et Ôsumi venaient
en grand nombre, inquiétant les autorités de
Tôkyô; Saigô Takamori meurt sur le champ
de bataille.
1.878 + Le gouvernement crée une briqueterie à
Fukagawa.
+ Une conférence de filateurs de coton dé
termine les problèmes du Japon dans ce do
maine: manque de capitaux, prix élevé du
charbon, transport vers 1' étranger trop coû
teux. inefficacité des ouvriers (contraire
ment à ce qui se passait dans la soierie, où il
y avait eu auparavant un artisanat qu'il avait
suffi d'utiliser au moment de l'industriali
sation, le travail du coton n'avait pas été
préparé par un artisanat antérieur), et
concurrence des filés, surtout britanniques.
1.879 + Le gouvernement lance un emprunt na
tional afin d'acheter à l'Angleterre vingt
mille broches à filer le coton, qu'il revend en
grande partie à crédit à des entrepreneurs
privés (il n'en conserva que deux mille qu'il
installa dans deux usines modèles en 1881
et 1882).
+Annexion des îles Ryûkyû (actuelle pré
fecture d'Okinawa).
1.880 +Toutes les grandes villes du pays sont re
liées entre elles par un réseau télégraphique
appartenant à l'Etat.
+ Le gouvernement revend à des entreprises
privées une bonne partie des usines qu'il
avait créées.
1.881 +Promesse d'une Constitution pour 1890.
+Formation des partis politiques.
ltagaki Taisuke (1837-1919), originaire du
fief de Tosa, qui avait joué un rôle impor
tant dans la restauration du pouvoir impé
rial. lui aussi partisan d'une intervention en
Corée en 1874 et en outre insatisfait du peu
de cas fait à son clan par les clans plus puis
sants de Satsuma et Chôshû, s'était, comme
Etô Shinpei et Saigô Takamori, replié sur
son fief, dans l'actuel département de Kôchi,
où il avait fondé en janvier 1874 un groupe
politique: Aikokukôtô (Parti public des pa
triotes), devenu en avril de la même année
la société Risshisha (Société des gens dé
terminés), créée avec un ami. Kataoka Ken
ki chi (1843-1903); cette société formera le
noyau du Parti libéral (Jiyûtô), fondé en dé
cembre 1880, auquel a appartenu Nakae
Chômin (de son vrai nom Nakae TokusukeJ
(1847-1901). écrivain et traducteur (entre
autres de Jean-Jacques Rousseau), dont les
écrits influenceront plusieurs générations
de militants politiques japonais.
Ôkuma Shigenobu ( 1838-1922). qui soutient
à 1' intérieur du gouvernement le combat po
litique d'Jtagagaki à partir de 1881, est exclu
du gouvernement.
1.882 + 25 mai : fondation du premier parti so
cialiste, le Tôyô shakaitô (Parti socialiste
d'Orient), qui sera dissout par le gouverne
ment le 7 juillet.
+ Ôkuma Shigenobu fonde le Rikken kai
shintô (Parti progressiste constitutionnel).
auquel appartiendra Fukuzawa Yukichi
(1834-1901). intellectuel partisan de la mo
dernisation du pays et d'une politique de co·
opération pacifique avec les voisins asia
tiques du Japon.
ÉCHANGES 112. PRINTEMPS 2005- 21
1.883 + 1 .'~bsencc de moyens de transport publics en
trave le développement de Tôkyô: les pre
rn iers tramways apparaissaient (autour de
1 ~:nO, les rues de la nouvelle capitale avaient
vu arriver de petites voitures à deux roues ti
rées par un coureur appeléesjinrikisha !voiture
ti rée par un homme]. prononciation simplifiée
rapidement par les étrangers en rickshaw). + Etablissement du Journal officiel, Kanpô.
1.884 + 1 tô Hirobumi ( 1841-1909) interdit les partis
politiques.
1.885 +Fondation de la compagnie maritime de ser
vice postal Y ûsen kaisha (fusion de la Mitsubishi
Mail Steamship Company, fondée par lwasaki
Y atarô en 1872 après 1' annulation d'un édit des
Tokugawa interdisant la construction de na
vires de haute mer dans les tout débuts de la
restauration de Meiji, et d'une autre société de
moindre importance).
1.886 +Fondation avec l'aide du gouvernement d'une
usine de chan v re qui pro fi te ra des commandes
de l'armée durant la guerre sino-japonaise de
1894-1895.
1.889 + Il février: promulgation de la Constitution
(Dai Nihon teikoku ken pô, Constitution impé
riale du Grand Japon).
+Interdiction légale des duels.
.1.890 + 25 février: première session du Parlement.
+ Les partis sont de nouveau autorisés.
1.891. +Il mai Hentative d'assassinat du tsarévitch
22- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 200S
Nicolas Il par Tsuda Sanzô (1855- 1891) à
Ôtsu, ville de la préfecture de Shiga.
+ Décembre : dissolution de la Diète.
1.894 + 1" août : la guerre si no-japonaise ( 1894-
1895) éclate. 11 s'agit en fait d'une 1 utte pour
savoir lequel des deux pays exercera son in
fluence en Corée.
1.895 +La guerre si no-japonaise se termine par le
traité de Shimonoseki (17 avril). Après in
tervention de la Russie, de l'Allemagne ct de
la France, le Japon renonce à la péninsule de
Liaodong, mais occupe Formose (Taiwan) et
les îles Pescadores (maintenant îles Penghu).
1.896 +Mise en place d'une administration japo
naise (Taiwan sôtokufu) à Formose.
1.897 + Adoption de l'étalon-or.
+L'Allemagne occupe Qingdao et la baie de
Jiaozhou dans le Shandong en octobre :et la
Russie, Port-Arthur (maintenant Lüshun) et
Dalian dans le Liaoning en décembre (la Rus
sie avait signé en 1896 un traité d'alliance
avec la Chine, dirigé contre le Japon, qui au
torisait la première à construire un chemin de
fer en Mandchourie).
+ Formation de la Rôdô kumiai kiseikai (So
ciété pour la promotion des syndicats).
1.898 + Révision du Code civil.
+Premier Cabinet de partis, qui ne dure que
quatre mois (30 juin- 8 novembre 1898).
+Formation d'un syndicat de cheminots, qui
réussira à se maintenir jusqu'en 1910.
+Grèves des cheminots dans le nord-est du
Japon.
guerre d'Espagne et sur
l'immédiat après-guerre ..
+ Ni patrie ni frontières : tra -ductwns et débats, no 11 /12
(février 2005) est entière
ment consacré aux " Terro
rismes et violences poli
tiques"· On y trouve aussi
un texte sur l'Irak, "Mansoor Hekmat et le commu
nisme ouvrier", sur lequel
nous reviendrons. Et diffé
rentes autres textes concer
nant les luttes en France.
+ Principia dialectica : nou
velle revue bimestrielle en
anglais se présente comme
suit : " Beaucoup n'arrivent
pas à comprendre que la
marchandise a une vie
propre autonome - c'est
l'automation qui dévore la
v1e humaine. Mais bien des
gens aiment à plaquer un vi
sage humain sur l'exploita
tion. La dynamique de
classe existe toujours, mais
il est essentiel de dissiper
toutes les illusions et de
comprendre ce que cela si
gnifie ... Toutes les classes
sont dressées vers un seul
but- aller au travail -la ra
tionalité instrumentalisée du
racket de la marchandise .. " Le no 1 de cette revue est
paru. Abonnement 10 euros
par an. BM Chronos, London
WC1 N3XX, UK.
ti on directe : brochure des
éditions du CRAS.
BP 51026, 31010 Toulouse Cedx 6.
+ Aufheben no 13 a publié
différents articles (en an
glais) sur la quest1on du lo
gement et la signification de
la bulle immobilière pour le
capitalisme, sur la poursuite
de la polémique sur les" au
tonomistes "tendance Negri
and Co, sur la discussion
avec Théorie communiste.
www.geocities.com/aufhe
ben2.
+ La publication espagnole
Balance signale comme in
téressant l'article " Ni revo
luci6n traicionada, ni ética
pacifista " accessible sur In
ternet : http ;//red -liberia
ria. net/noticias.
Sur le mêm site vous pouvez
trouver la deuxième partie
de " Los Amigos de Durruti
en Mayo de 1937 "· + Agora international (27
rue Froidevaux, 75014
Paris) contrôle un site
(http,//www. agorai nterna
tional. org) entièrement consacré aux ouvrages de
et sur Castoriadis et toutes
les gloses mondiales qui
peuvent lui être consacrées.
+ Les Situationnistes, /'uto -
pie mcarnée, de Laurent
Challet (" Découvertes Gal
limard ") une histoire
concentrée des situation
nistes.
+ Socialist Platform a publié
" La Révolution diffamée ", une histoire documentaire
du trotskisme vietnamien,
par Al Richardson (en an
glais) " Les origines du
trotskisme au Viet-nam ",
" Trotskistes contre stali
niens dans les années
1930 ", " Les trotskistes vietnamiens selon leurs té
moignages ", " Hô Chi Minh
et les trotskistes ", " Les
trotskistes et les travailleurs
indochinois en France ".
Rappelons sur ce thème
+ Christian Lagant fut un membre actif entre autres des groupes Noir et Rouge et Informations Correspondance Ouvrières mais aussi, ce qui est moins connu, un dessinateur et caricaturiste qui illustra notamment le bulletin du MIAJ (Auberges de Jeunesse) et /CO ; il avait travaillé à des planches illustrant Les Chants de Maldoror de Lautréamont. Ce sont les reproductions de ce travail inachevé qui illustrent cette nouvelle édition des Chants avec une
+ Retour sur les années de postface d'H. Besse qui fut dès son enfance une braise. Les groupes auto - camarade de Christian (ouvrage disponible à la nomes et l'organisation Ac - librairie Publico).
ÉCHANGES 11É- PRINTEMPS 2005-55
ÉDITIONS ET CATALOGUES + Les éditions Agone
publient une Gazette des
éditions " Vient de
paraître "dont le no 5,
février 2005 présente la
traduction française de
" La troisième nuit de
Walpurgis " et de" Les
derniers jours de
l'humanité "du
journaliste autrichien
Karl Kraus (1874-1936).
+ Tarantula Distribution,
818 SW 3d Ave.
PMB#1237, Portland OR
97204 (USA) envoie sa
liste n°1 (sept.oct 2004)
d'ouvrages et brochures
en anglais concernant la
mouvance libertaire.
+L'Atelier de création
libertaire de Lyon publie
une lettre (no 19,
décembre 2004) (BP
1186, 69202, Lyon Cedex
01) et diffuse à prix
réduit un ensemble d'ouvrages de la mouvance libertaire.
-,, '
'
~~
tral, le profit. Une autre
question se pose _ le capi
tal peut-il à un moment
prendre conscience qu'il dé
truit ses propres bases de
ressources matérielles et
continuer à maintenir sa do
mination dont l'essence
n'est pas J'exploitation ef
frénée de la nature mais
celle du travail humain?.
+ Dans A trop courber
J'échine. Bulletin acrate
no 14 (décembre 2004) :po
lémiques au sein du micro
cosme libertaire et plai
doyer pro domo sous le titre
" Mots identiques,
mondes opposés. ,
+ www.theorie.org est un
site en allemand donnant
toute une série de textes
sur l'anarchisme, le situa
tionnisme, le féminisme, le
trotskisme, etc.
+ Dans A Contretemps
(no 19, mars 2005) une
revue de l'ouvrage de D
Colson Trois essais de phi -
Josophie anarchiste. Islam,
histoire, monadologie.
+ A Contretemps encore
(no 19, mars 2005) contient
une longue étude sur" Mar
cel Martinet ou l'orgueil de la
fidélité", une revue dé
taillée et approfondie sur
" La CNT dans le labyrinthe
espagnol, à propos d'ou
vrages récemment parus en
Espagne : La CNT durante el
franquismo, Clandestinitad
54- ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005
y exila (1939-1975) de
A. H. Lopez ; deux récits
d'implications plus person
nelles dans J'activité clan
destine quelque peu déses
pérée contre le franquisme ·
Facerias, Guerilla urbana
(1939-1947), de A.T. Sola, et
Les Ombres ardentes, Un
français de 17 ans dans les
prisons franquistes, de
A. Pécunia).
+ Dans Solidarité (Caen),
no 19 (février 2005), une
liste des nouvelles bro
chures publiées par Je col
lectif" Pas Dupes , . Cour
riel : [email protected].
+ Tempus Fugit no 2 (fé
vrier 2005) : publication
comprenant de nombreux
textes sur la Gauche ita
lienne (courant bordiguiste),
seulement disponible sur
CDrom format PDF (Fran
çois Langle!,
96, rue Georges-Bizet,
91460, Marcoussis). Le res
ponsable de cette publica
tion nous a écrit récemment
(mars 2005)
"(. .. )Dans un prochain nu
méro de Tempus Fugit, Je
vais faire traduire le livre de
Bock sur Syndica/ismus und
Linkskommunismus. Je
commence déjà à travailler
sur le no 3, j'ai fait traduire de
l'anglais une biographie po
litique de Gramsci et pas
mal de documents sur les
bordiguistes durant la
1899 +Août: à la suite de nouveaux traités. le
Japon s'ouvre au monde.
1900 + Le réseau ferré atteint vers 1900 un total
d'environ 4 500 km, dont 1 000 appartenant à
l'Etat et 3 500 à des entreprises privées.
+ 16 septembre: Itô, maintenant convaincu de
la nécessité des partis, s'allie avec des
membres du Kenseitô (Parti constitutionnel)
pour former le Rikken seiyû kai (Association
des amis du gouvernement constitutionnel).
+Promulgation de la Loi de police sur la sé
curité publique (Chian keisatsu hô).
1902 +Traité d'alliance avec l'Angleterre.
+ 15-19 juillet: grève au chantier naval mi
litaire de Kure contre un quartier-maître trop
sévère.
1904 +Il février: début de la guerre avec la Rus
sie (1904-1905), qui allait voir de retentis
santes défaites de la Russie, les plus célèbres
étant celles de Port-Arthur et Tsushima.
+ 24 février : l'empereur de Corée est
contraint de signer un protocole établissant
de fait un protectorat japonais sur le pays.
1905 +Après médiation du président américain
Thcodore Roosevelt (1858-1919), sur demande
secrète du Japon qui s'inquiétait des possibi
lités d'une guerre longue sur le territoire chi
nois, ouverture des négociations entre la Rus
sie et le Japon à Portsmouth (New Hampshire,
Etats-Unis); la paix sera signée le 29 août et
ratifiée le 5 septembre. Le traité de Portsmouth
consacrait la victoire du Japon acquise par les
armes : la possession de la moitié sud de Sa
khaline. la permission de s'installer en Corée
et dans la péninsule de Liaodong, et le contrôle
de la voie ferrée du sud mandchourien, mais
manifestait surtout la volonté des pouvoirs oc
cidentaux de s'opposer à la montée en puis
sance du Japon. Ce même 5 septembre. un
meeting convoqué dans le parc de Hibiya, à
Tôkyô, par des organismions nationalistes pour
protester contre l'absence d'indemnités de
guerre, dégénère et est violemment réprimé
par la police (Hi biya yakiuchi ji ken).
1906 + 7 janvier: le mécontentement de l'opinion
publique japonaise. suite à la signature du
traité de Portsmouth fait chuter le gouverne
ment de Katsura Tarô (1847-1913), qui sera rem
pacé par Saionji Kinmochi (1849-1940). Au
cours des mois qui suivirent la paix de Ports
mouth, entre septembre 1905 et octobre 1906,
les dépenses de l'Etat augmentent, provoquant
une nouvelle expansion industrielle et la créa
tion de nouvelles entreprises, telle que par
exemple la Dai Ni hon seitô kaisha (Raffine
ries de sucre du Grand Japon).
+Janvier: grève aux chantiers navals d'Ômi
nato (Ôminato zôscnjo) à Aomori pour de
meilleurs salaires.
+ 31 mars: promulgation de la Loi de natio
nalisation des chemins de fer (Tetsudô ko
kuyû hô) (la nationalisation des chemins de
fer sera effective le l" octobre 1907 avec la
naissance des Chemins de fer du Japon [Ni hon
kokuyû tetsudô. société plus connue sous Je
nom anglais de Japan National Railways
(JNR)]).
+Juin: suite à une augmentation du ticket
de tramway de 3 à 5 sen, mouvements de pro
testation à Tôkyô dirigés par le Parti socia
liste japonais (Shakaitô).
+Août: grève aux chantiers navals militaires
de Kure (Kure kaigun kôshô).
+ Décembre grève à l'arsenal militaire
d'Ôsaka (Ôsaka rikugun zôheishô)
ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005- 23
1907 + 4-7 février: trois jours d'émeutes aux mines
d' Ashio. dans la préfecture de Tochigi.
+ 16-20 février: grève des menuisiers du
chan ti er na v al Mi ts ubi shi de Nagasaki pour
de meilleurs salaires et contre un projet d'al
longer leurs heures de travail.
+Avril: grève dans les mines de charbon de
Horonai (Horonai tankô), Hokkaidô.
+Juin: grève dans les mines de cuivre de
Resshi, Shikoku.
+Juillet: grève dans les mines d'argent
d' !kuno. près de Kôbe.
+Une crise industrielle et boursière fait chu
ter le gouvernement Saionji.
+ Theodore Roosevelt négocie un gentle -
mens' agreement avec le gouvernement ja
ponais afin de réduire l'immigration japonaise
aux Etats-Unis.
1908 + <<Scandale du sucre >> : la Dai Nihon seitô
kaisha, en difficultés financières, avait acheté
plusieurs députés en 1907 et 1908. afin qu'ils
votent une loi instaurant un monopole d'Etat
du raffinage du sucre. Katsura revient au pou
voir.
+ Le cabinet Katsura est forcé de revoir les ta
rifs douaniers en accord avec le traité signé
avec 1 'Angleterre en 1894, accordant des
avantages aux Anglais sur les cotonnades, les
lainages et l'acier qu'ils vendaient sur le mar
ché japonais.
+ 22 juin: <<affaire du drapeau rouge » (aka
hata ji ken) : ce jour-là, une manifestation pour
célébrer la libération de Yamaguchi Koken
( 1 883-1920), après quatorze mois de prison,
dégénère; une partie des participants à la ré
union qui défilent dans la rue avec des dra
peaux rouges portant les inscriptions<< anar
chisme>> et« anarcho-communisme »sont
sévèrement malmenés, puis condamnés à de
lourdes peines de prison.
24- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 200S
1909 + 26 octobre: Itô Hirobumi. ancien résident
général nippon en Corée, qui était opposé à une
annexion japonaise pure et simple de la Corée,
et alors président du Genrô in (Conseil des an
ciens), est assasiné par un nationaliste coréen,
selon des sources militaires nipponne, à Har
bin (Chine), où il s'était rendu pour rencontrer
le ministre russe des finances Kokosoff.
1910 + 13 mars: Ôkuma, qui s'était retiré de la vie
politique en 1907, forme un nouveau parti, le Rik
ken kokumintô (Parti constitutionnel du
peuple).
+Mai: on découvre un prétendu complot d'as
sassinat de 1' empereur à Akishina dans la pré
fecture de Nagano (taigyaku jiken, affaire du
crime de lèse-majesté) ; vingt-quatre accusés,
parmi eux Kôtoku Shûsui (de son vrai nom Kô
toku Denjirô) (1871-1911), sont condamnés à
mort lors d'un procès à huis-clos, et douze
d'entre eux pendus les 24 et 25 janvier 1911.
+ 23 août : l'attentat contre Itô sert de pré tex te
au Japon pour proclamer 1' annexion de la Corée
sous le nom ancien de Chôsen (Matin calme)
par un décret.
1911 +Création d'une Haute police spéciale (tokubetsu
kôtô keisatsu), police politique chargée de la ré
pression des mouvements sociaux. (Un dépar
tement spécial de la police, chargé de réprimer
les mouvements sociaux. avait été créé à Ôsaka
dès 1888; en 1906, il était étendu à la capitale.
Mais ce n'est qu'en 1911, après l'<< affaire du
crime de lèse-majesté » que sera fondée ladite
Haute Police spéciale, plus centralisée).
+Loi sur les fabriques (Kôjôhô).
1912 + 31 décembre !911-4janvier 1912: grève
des chemins de fer municipaux de Tôkyô.
DANS LES PUBLICATIONS
+ " Anton P annekoek on
Workers'Councils "et" Ima
gine Workers' Revolution "
(Imaginons la révolution ou
vrière) dans The New Inter -
nationalist (automne 2004).
+ "La théorie de l'effon
drement du capitalisme par
Anton Pannekoek " tiré de
Rë.tekorrespondenz no 1,
(1934) :une polémique sur la
crise avec Rosa Luxemburg,
Otto Bauer et Henryk Gross
mann (en français, copie à Echanges).
+ Dans Le Coquelicot no 43,
janvier 2005, une lettre (suite du no 42) de Joseph
Dejacques à Proudhon
( 1857) sous le titre " La
femme est l'avenir .. de
l'anarchiste"·
+ Politics Without Politicians
(La politique sans les politi
ciens), brochure en anglais
d'un ancien membre du
groupe anglais Solidarity
(groupe qui fut en son temps
proche de Socialisme ou
Barbarie). Considérations
théoriques et pratiques sur
la démocratie directe et les
différentes manières de la
promouvoir, selon l'auteur,
qui tente de répondre à la
question " La société
peut-elle être gouvernée
sans politiciens ? "Texte in
tégral sur Internet : httpl//
www.abolish-power.org.
+ " La théorie comme ins
trument de domination",
dans la Lettre de Liaison du
Garas, no 10 (1" trimestre
2005) reproduit du no 120
(octobre 2004) d'Archipel.
+ Meeting, revue interna -tionale pour la communisation
(éditions Senonevero) pu
blie son no 1 (septembre
2004), avec tout un en
semble de textes théo
riques, d'analyse des luttes
et de discussion que nous
aborderons plus en détail
dans un autre numéro
d'Echanges, vu l'ampleur
des questions abordées. ICN, BP 31,13231 Marseille
Cedex 20 -correspondance
meeting@ senonevero. net.
Site : http :1/meeting.seno
nevero.net.
+ Dans A Contre Courant
no 161' janvier 2005
" L'impasse de la libéralsa
tion des services publics et
des équipements collectifs "
(Alain Bihr).
+ Dans Présence marxiste no 38 (janvier 2005), un
texte de Gyorgy Lukacs,
" Le jeune Marx " et
" Marxisme et Mythologie
grecque"· Dans ce même
numéro " Regard sur le vieux monde " règle des
comptes avec l'écologie.
+ Prosper (Oistributisme
Ecologie-Usages) vise, dans
deux productions, à une ap
proche plus globale et plus
critique des différentes fa
cettes du réformisme y com
pris de ceux qui peuvent se
prétendre radicaux. " Les
chantiers de la décrois
sance : libérer le Travail du
Marché " propose maintes
solutions et, s'il est une
bonne approche critique,
reste muet sur les moyens
et le processus éventuel
d'un changement radical du
système. L'autre publication,
" Faire dépendre le service
public, les droits sociaux, la
recherche obtenue à n'im
porte quel prix écologique et
social, est-ce bien intelli
gent ? " aborde le même
problème sous un angle plus
individualisé ; la survie du
capitalisme dépend effecti
vement d'une croissance
(laquelle peut repartir après
des destructions de capital,
matérielles et humaines)
dont dépend l'élément cen-
ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005- 53
On peut voir que les dispositions ul
times de la loi Fillon concernant les dis
cussions entre patronat et syndicats resti
tuent un pouvoir aux<< grandes» centrales
représentatives, tentant de prévenir la mon
tée d'oppositions de base. D'une certaine
façon, elles tentent de régulariser les pra
tiques qui se sont tissées lors des discussions
souvent ardues lors de l'application des
lois Aubry et qui avaient tendu à donner
plus de pouvoir aux travailleurs dans l'or
ganisation excessivement détaillée de l'ar
ticulation temps de travail/salaires.
Il est bien possible que ces dispositions
ne soient que l'amorce d'une évolution
vers une rationalisation plus poussée des re
présentations dans 1 'entreprise et à un en-
52- ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005
cadrement plus strict de la force de travail.
Bien sûr, de telles réformes tiennent
compte du présent rapport de forces dans
les entreprises dont elles tentent d'antici
per les évolutions, si tant est qu'elles le
puissent réellement.
Malgré le climat de<< sinistrose>> en
tretenu par le discours dominant et malgré
la question des salaires, ce contrôle dans l'en
treprise seront-ils suffisants pour préve
nir une remontée brutale de mouvements
ccontraignant à revenir à des accords col
lectifs globaux ry Cela rendrait totalement
inefficace la réforme imprécise et inache
vée de la loi Fillon.
li. S.
'# )
@
~~ y:( y
J
+ l" janvier: proclamation de la république
de Chine à Nanjing.
+ 16 janvier: le gouvernement engage des
négociations avec la Russie en vue de fixer
les zones d'influence de chacun en Mand
chourie et en Mongolie. Ces pourparlers abou
tiront au traité russo-japonais, conclu le 8
juillet, qui autorise l'extension de l'influence
japonaise jusqu'en Mongolie intérieure.
+ 12 février: l'empereur chinois Xuantong
(nom de règne [1909-1912] de Puyi [1906-
1967]) abdique, mettant fin à la dynastie des
Qing. Puyi sera plus tard nommé par les Ja
ponais régent ( 1 932) puis empereur ( 1934-
1945) du Mandchoukuo, sous Je nom de
Kangde (Kôtoku, en japonais).
+ 10 mars Yuan Shikai (1859-1916) est
nommé président de la république chinoise à
Beijing.
+ 26 JUin : le renchérissement du riz provoque
des émeutes dans la préfecture de Toyama
(d'où partiront aussi les émeutes du riz [kome
sôdôjenjuillet 1918).
+ 30juillet: mort de Mutsuhito; 1912 de
vient ]3 dernière année de l'ère Meiji et la pre
mière annee de l'ère Taishô.
+]''août: SuLuki Bunji (1885-1946) fonde
la Yûaikai (Société fraternelle) avec 15 per
sonnes. A la fin de l'année, ce syndicat comp
tera plus de 260 adhérents.
+ 1" octobre· Üsugi Sakae et Arahata Kanson
lancent l" revue A"wdai Shisô («La Pensée
moderne>>) qui publiera certains écrivains ou
vriers. tels que M~;ajirna Sukeo ct Miyachi
Karoku. annonçant ainsi la littérature prolé
tarienne des annees 1 '120. La revue s'achè
vera sur sun 2\" n<l!néro le l'' septembre 1914.
+ 30 n<>t"l'lllhrc le !':~rlcmcnt refuse le pro
jet d11 ministn· de ["armée de terre, Uehara
Yûs:1kt1 ( 1 x~r, 1 'l.l ÎJ. d":~ugrnentcr les effec
tifs milit:llrt·s en ( "nn·"L". celui-ci démissionne
le 2 tktTrnhrt·. t·ntr:lill:lllt l:o chute du cabinet
de SainllJI Kllllll<•t·lu le~
+Décembre: le 13, des intellectuels libéraux
(journalistes. édite urs, avocats, etc.) fondent
la Kensei sakushin kai (Association pour la ré
génération de la politique constitutionnelle) ;
le 14, des membres de la Kôjun sha (Amicale
des anciens élèves de l'université de Keiô. fon
dée en 1880) forment la Kensei yôgo kai (As
sociation pour la protection de la politique
constitutionnellle). D'autres formations simi
laires suivront, qui protestent toutes contre la
politique du gouvernement et l'augmentation
des dépenses militaires; ce mouvement de pro
testation contre les clans du sud-ouest s'étend
rapidement à tout le pays.
+ 21 décembre: formation du troisième cabi
net de Katsura Tarô (1847-1913) à la suite de
la démission du cabinet Saionji ; il ne durera que
53 jours.
:1.9:1.3 + Février: face aux troubles qui secouent le
pays à la suite de l'agitation menée par les in
tellectuels libéraux (les sièges de journaux
censés être à la solde du gouvernement et des
postes de police sont incendiés par la foule à
Tôkyô, Ôsaka, Kôbe, Hiroshima et Kyôto),
Katsura annonce la prochaine fondation d'un
nouveau parti, la Ri kken dôshi kai (Associ3-
tion des partisans de la Constitution), pour
contrecarrer l'influence de la Rikken seiyû
kai (Association des amis du gouvernement
constitutionnel). Le nouveau parti ne sera
fondé que le 23 décembre, après la mort de
Katsura le 10 octobre.
+ Il février: chute du troisième cabinet Kat
sura. Yamamoto doit s'allier au Ri kken seiyû
kni pour renverser Katsura et accéder au pou
voir le 20 février.
+ Septembre-octobre : le l" septembre.
l":umée de Yuan Shikai entre dans Nanjing y
tuant des ressortissants japonais: le 7, des
manifestants sc regroupent au parc de Hi biya.
à Tôkyô pour protester contre les incidents de
ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005- 25
Nanjing. En compensation. le Japon obtient
J'accord de la Chi ne pour la construction de che
mJns de fer en Mandchourie et reconnaît le
gouvernement de Yuan Shikai en octobre.
+ 25 octobre: lshihara Osamu publie un rap
port. Jokô to kekkaku ( << Les Ouvrières et la
tuberculose»), dans lequel il dénonce les
conditions insalubres du travail en filature
comme cause principale de la tuberculose qui
est à l'origine de 70% de la mortalité dans ce
secteur d'activité.
+ On dénombre 47 conflits du travail, aux
quels ont participé 5 242 travailleurs.
1.914
l'armée. et avait. pour ce faire. passé de fortes
commandes ilia maison allemande Krupp-Sie
mens. Des employés de cette maison, un peu trop
bavards, révèlent qu'ils ont graissé la patte de
nom breux officiers de haut rang pour obtenir
ces commandes. Une manifestation de pro
testation réunit 40 000 personnes dans le parc
de Hi biya, à Tôkyô. Yamamoto se démet le 23
mars. Le comte Ôkuma (76 ans) (1838-1922)
Je remplace et le baron Katô Takaaki lou
Kômei] (1860-1926) (chef, au côté de Kat
sura, du parti Rikken dôshi kai !Association
des partisans du gouvernement constitution
nel]. adversaire du Rikken seiyû kai) est
nommé aux Affaires étrangères.
+ 23 mars: Yamamoto. amiral. poursuivant
l'application des programmes navals adoptés
depuis 1903, avait favorisé l'armement de la ma
rine par rapport aux autres branches de
+ 28juin: assassinat de J'archiduc d'Autriche
Franz Ferdinand à Sarajevo.
+ 8 août: Je Japon entre en guerre aux côtés de
la France, la Grande-Bretagne et la Russie.
DANS LES PUBLICATIONS/ JAPON
Mouvement ouvrier et syndicalisme
• Un Centre d'études trans
nationales du mouvement
ouvrier, sis au Japon, publie
depuis 1996 un Bulletin en
anglais (voir précédents nu
méros d'Echanges) sur le
travail au Japon depuis les
an nées 1990, où Je chô
mage officiellement déclaré
atteint maintenant environ 5
%de la population active et
où Je travail précaire ainsi
que le travail des femmes
sont devenus la norme.
• Le premier, " Achieve-
mouvement syndical inter- ments and prospects of the
national et japonais, avec Community Union Move-
une parution assez irrégu- ment ., (" Réalisations et
li ère qui semble s'être der- perspectives du mouvement
nièrement stabilisée à une syndical communautaire"),
fo1s par an. s'intéresse à l'histoire et aux
Dans le no 9 (novembre perspectives du syndica-
tion du syndicalisme sus- mique qui sévit depuis les
tée par-celle du marché du années 1990, avec les
faillites à répétition des pe
tites et moyennes entre
prises et la montée de J'em
ploi précaire dans les
grandes, a amené J'émer
gence d'un nouveau syndi
calisme. Les syndicats s'oc
cupant de ces questions
sont présents plus au niveau
du quartier que d'une en
treprise particulière, contrai
rement à ce qu'il en était
jusqu'alors au Japon. Et ils
commencent maintenant,
après s'être regroupés na
tionalement, à se lier avec
le syndicat d'industrie ma
joritaire Rengô, né en 1989.
• Le deuxième article, " Le
mouvement ouvrier dans ~004), on trouvera quatre lisme de quartier (commu-
r.ticles qui montrent J'évo- nity union). La crise écono-
~~~~~~~---~~~~~~~~~---~~~~~~---~--~---~-------
26- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005
triel), nationaux ou régionaux et d'entre
prise ne modifie pas fondamentalement les
règles antérieures. L'accord en question
pourra toujours être signé par un seul syndicat
(toujours représentatif au niveau concerné),
même minoritaire mais. et c'est là l'inno
vation, ne pourra être valable que si trois
organisations syndicales sur les cinq re
connues représentatives (pour les accords
interprofessionnels ou de branche profes
sionnelle) ou un ou plusieurs syndicats ayant
recueilli la majorité des suffrages exprimés
au premier tour des élections du Comité
d'entreprise ou à défaut de délégués duper
sonnel (pour les accords d'entreprise) ne
s'y opposent pas. Cela paraît déjà compliqué
pour qui n'est pas habitué aux jongleries
des représentations syndicales et des ac
cords divers qui s'emboîtent comme des
poupées gigognes.
Signalons deux points qui, parmi bien
d'autres, valent la peine d'être relevés:
+en aucune façon il n'est prévu de
consultation des principaux intéressés, à
savoir les travailleurs concernés. Seules les
organisations disposent du pouvoir légal de
conclure ou de s'opposer. C'est bien dans la
ligne du renforcement du pouvoir des syn
dicats<< majoritaires>>, ce qui donnait son
sens à une réforme, écartée, plus radicale.
Une fusion éventuelle, comme celle qui se
dessine entre la CGT et la CFDT, pourrait
conduire à une exclusion de fait des<< petits ,
syndicats.
+il est question d'utiliser le<< premier
tour des élections >>pour cerner une majo
rité. ll faut connaître un des mystères des
élections d'entreprise : au premier tour
seuls peuvent être candidats ceux présen
tés officiellement par les organisations syn
dicales représentatives ; si ceux-ci re
cueillent moins de la moitié des inscrits,
un deuxième tour est obligatoire avec cette
fois des candidats libres. La règle fixée par
les accords élimine toute percée d'un syn
dicat non reconnu ou de travailleurs de base
soutenus par la majorité des travailleurs de
l'entreprise dans la fixation ultérieure de
la réglementation du travail par des accords
d'entreprise.
De telles dispositions peuvent paraître
mineures, mais on doit considérer la si
tuation globale des relations de travail dans
la période présente: au cours des dernières
années, l'ensemble des conventions col
lectives nationales ou régionales, profes
sionnelles ou interprofessionnelles qui cha
peautaient les conventions d'entreprises
(et qui sous-tendaient des actions collec
tives régionales ou nationales) ont prati
quement toutes été balayées ou réduites à
un cadre très flou de sorte que les accords
d'entreprise ont pris une beaucoup plus
grande importance que dans le passé.
L'unité de lutte que pouvait apporter la
fixation de règles de travail hors du cadre
étroit del 'entreprise a disparu dans une
double dispersion, celle engendrée par des
discussions boîte par boîte et celle résul
tant de différenciation par entreprise ct par
fois par lieu de production.
Une telle tendance a été particulière
ment accentuée par les lois Aubry qui ont
fait que les discussions pour l'application
des 35 heures devaient être négociées en
tenant dompte des caractéristiques parti
culières à la production de chaque établis
sement. Cela fut particulièrement béné
fique pour les directions d'entreprise qui
échappaient ainsi à tout mouvement d'en
semble, à toute réglementation globale et pou
vaient adapter au plus près temps de tra
vail. utilisation de la force de travail et
exigences de la production. Chacun sait
qu'ils y gagnèrent la meilleure producti
vité horaire par travailleur au monde.
ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005-51
la fois les délocalisations, le développe
ment de la sous-traitance ct de l'externa
lisation. Schématiquement, on peut dire
que toutes ces modifications des structures
de l'entreprise capitaliste, de même que le
développement d'un arsenal de statuts pré
caires dérogeant aux régulations au droit du
travail comme aux conventions collectives
étaient et sont dictées par le souci d'échap
per à l'ensemble des régulations existant de
puis un demi-siècle et à la quasi-impossi
bilité de balayer d'un coup le bloc central
de ces régulations, sauf par des mesurettes
de détai 1. Une utilisation perverse mais parfaite
ment légale par le patronat des procédures
de conclusions d'accords collectifs jouait
sur la présence soit sous forme de délé
gués. soit sous forme de représentants,
d'une multiplicité de syndicats (il pouvait
y en avoir plus de 5 ou 6. tous détenteurs
du même pouvoir légal, quel que soit Je
nombre de leurs adhérents ou votes dans
les élections d'entreprise). Il suffisait de la
signature d'un seul syndicat, même quasi
inexistant dans l'entreprise ou dans la
branche, à un accord collectif avec le pa
tron ou un syndicat patronal pour que 1' ac
cord soit valable et s'applique automati
quement à 1 'ensemble de la collectivité des
travailleurs visés dans cet accord. Les
autres syndicats n'avaient souvent d'autre
ressource, après avoir vilipendé verbale
ment le signataire de l'accord auquel ils
ne pouvaient s'opposer, que d'y adhérer
ultérieurement, tout simplement pour res
ter dans la course de la'' représentation
ouvrière». Cette disposition fut largement
utilisée au cours des années. Mais bien
qu'elle ait soulevé souvent des protesta
tions (et même provoqué des grèves). ce
n'est pas un souci de justice sociale qui a
conduit c~s dernières années à des études
50- ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005
sérieuses pour que toute cette procédure
soit modifiée pour la rendre plus adéquate
aux intérêts actuels du capital.
Parmi les projets qui furent étudiés ré
cemment, l'un des plus radicaux dans ce
domaine consistait à reprendre le système
américain ou britannique donnant, avec
des procédures diverses, à un seul syndicat
la reconnaissance légale pour la fonction
d'intermédiaire dans les fixation des règles
s'imposant aux relations de travail dans
l'unité de travail considérée. L'applica
tion d'un tel système aurait permis de faire
d'une pierre deux coups: il réduisait dras
tiquement le nombre de délégués et re
présentants syndicaux simplifiant et faci
litant ainsi l'élaboration et 1 'application
de ces règles, il permettait d'éliminer les
<<petits» syndicats dont l'activité se ré
duisait au rôle d'agitateurs sans pouvoir
légal.
Pourquoi une telle formule n'a-t-elle
pas été retenue bien qu'elle ait semblé ne
pas rencontrer d' opposition de la part des
deux« grands», CGT et CFDT? Difficile
de savoir car cela a été réglé dans le si
lence des cabinets ministériels avec l'ac
cord des syndicats; on peut penser que les
mêmes résistances des appareils syndicaux
dont nous avons parlé et peut-être même
d'une fraction du patronat soucieux de
conserver avec les« petits>> syndicats une
soupape de sûreté prévenant toute expres
sion d'autonomie non contrôlée, ont pu in
fluer la demi-mesure que constitue la loi
Fi lion.
L'ESSENTIEL DES NOUVELLES REGLES (qui
précisons-le ne concernent que le sec
teur privé ou public soumis à la ré
glementation générale du droit du travail)
dans la conclusion d'accords collectifs it
tous les niveaux, interprofessionnt:!s ct Je branche (c'est-à-dire d'un secteur indus-
une perspective des sexes et
l'alternative d'un mouve
ment ouvrier des femmes "
(sur la ségrégation profon
dément enracinée des
femmes dans les pratiques
du mouvement ouvrier),
aborde la question de l'em
ploi féminin et des pro
blèmes spécifiques qui y
sont liés. Parce que là aussi
la crise économique a bou
leversé les structures tradi
tionnelles , il y a eu une ex
plosion du chômage, du
nombre de célibataires et de familles monoparentales. Le
Japon reste. selon les
propres termes de l'auteure,
" le pays où les différences
de sala1res entre hommes
et femmes sont les plus 1m-
portantes au sein des pays
développés et le pourcen
tage de femmes cadres le
plus bas ". Cette structure
se retrouve naturellement
au sein des syndicats qui re
crutent les hommes em
ployés par de grandes en
treprises avec des contrats à durée indéterminée, et re
produisent donc la ségré
gation hommes/lemmes qui
a cours sur les lieux de tra
vail. L'auteure, membre
d'une ONG luttant pour
l'égalité des femmes et des hommes, voit une action
possible contre cette discri
mination dans la formation,
entre autres, de sections lé·
minines à l'intérieur des
syndicats et dans la lutte qUI
prend de plus en plus d'am
pleur contre le harcèlement
sexuel sur le lieu de travail.
+ Les troisième et qua
trième articles traitent du
problème de la sécurité sur
les lieux de travail, de la
santé des travailleurs et de
l'action des ONG et des syn
dicats dans ce domaine
" Activités passées et pré
sentes du Centre de res
sources pour les questions
de santé et de sécurité dans
le travail au Japon " (spécialement dans le travail des dockers).
+ Adresse Center for
Transnational Labor Stu
dies, Shimomae 1-14-15-
506. Toda-shi, Saitama-ken
335-0016, Japon. J ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005- 27
ÉTATS-UNIS
L'ARMÉE AMÉRICAINE ET SES DÉSERTEURS
Le Pentagone estime que depuis le début de la guerre en Irak plus de 5 500 militaires ont déserté. Parmi eux, bien peu sont des objecteurs ou donnent des raisons politiques à leur geste
A PRES LES REFUS D'OBÉISSANCE de mi
litaires américains en Irak et les réponses que l'Etat-Major y avait ap
porté (voir Echanges no Ill, p 18),
d'autres développements sont maintenant
rendus plus ou moins publics concernant celte résistance à la guerre, qui ne s'exprime pas dans 1 'activisme des manifesta
tions mais dans des attitudes concrètes que l'on pourrait résumer par le refus d'aller se faire tuer dans un conflit dont les soldats
ne voient pas l'utilité.
Nous avions évoqué le fai.t que, faute
de pouvoir engager des unités combattantes. près de la moitié des troupes amé
ricaines était formées de membres actifs ou de réserve de la Garde nationale, af
fectés à des opérations d'intendance, cru
ciales pour l'approvisionnement des unités combattantes, habituellement peu dangereuses notamment lorsque, comme c'est
encore le cas dans cette guerre, l'un des
belligérants dispose de la maîtrise totale
des airs. C'était sans compter sur l'existence d'une guérilla particulièrement bien
armée. Une bonne partie des membres de la Garde Nationale ne sont pas des foudres
de guerre et ne se sont engagés dans cette unité que pour bénéficier des avantages
sociaux qui y sont attachés et nullement pour aller se faire tuer dans une occupa
tion milit.J.ire faite pour durer.
28 -ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005
Bien qu'ayant allégé les effectifs des
bases militaires réparties dans le monde entier et tenté de faire passer certaines des
opérations d'occupation à des alliés réticents (comme dans l'ex-Yougoslavie ou en Afghanistan), l'armée américaine se trouve
confrontée à des problèmes grandissants qui peuvent contraindre les Etats-Unis soit
à prendre des mesures beaucoup plus contraignantes, soit d'affaiblir encore plus ses forces de domination directe de par le
monde. Ces problèmes sont de deux ordres. mais, de toute évidence, ils ressortent de la
même cause :le refus de s'impliquer dans cette guerre, d'y risquer sa vie.
L'un de ces problèmes concerne la
principale hantise des militaires avec la mutinerie : la désertion. On sait le rôle que
ces deux résistances à la guerre ont joué au Vietnam. << A.W.O.L. »(Absent Without Leave, absent sans permission) est le nom donné aux Etats-Unis au déserteur. Le Pen
tagone estime que depuis le début de la
guerre en Irak plus de 5 500 militaires ont déserté, les uns cachés aux Etats-Unis, les autres ayant cherché refuge dans les pays voisins dont le Canada (1). Parmi eux, bien
( 1) Ces données sont extraites d'un long rapport qui, d'après différentes sources, notamment des témoignages directs, analyse les désertions dans l'armée américaine (A WOLin America. wh en dnerrion is The on/y opTloll, par Katie Dobie,en anglais, copie à Echanges).
ces si té pour ceux-ci de se répandre sur des
marchés à leur dimension ce qui entraînait la constitution de vastes entités écono
miques (Al ena et Mercosur dans les Amériques, Union européenne, etc.) et au ni
veau mondial (OMC). Parallèlement, dans
une période plus récente, le capital à la re
cherche de profits reconquérait pratiquement l'ensemble du secteur étatique (dont l'existence n'était plus nécessaire) et pénétrait des secteurs dont il s'était désintéressé
jusqu'ici (notamment dans ce que l'on ap
pelle les<< services»).
Il fallait, pour que ces modifications dans la mainmise du capital soient totale
ment profitables, que les règles fixées dans une orientation capitaliste d'Etat soient totalement modifiées, afin de s'adapter
aux relations de travail induites par ces
nouvelles structures économiques, sociales et politiques du capital. Les résistances, ouvrières pour la préservation des << ac
quis>>, syndicales pour la préservation du
pouvoir social des appareils syndicaux. résistances souvent conjuguées (mais pas toujours) dans une sorte de coalition d'intérêts, faisaient que, à part des modifications
de détail, il était difficile politiquement de transformer un système devenu obso
lète. L'accroissement du chômage et la tolérance politique et syndicale de situations de fait à la marge de la légalité, allaient permettre d'édulcorer et de tourner les ré
sistances ouvrières. C'est ce qui se déroule
dans la période présente.
Relativement aux problèmes juridiques soulevés par la signature des accords collectifs fixant les conditions de travail, le pro
blème est apparu très tôt avec une multiplication des syndicats, ce qui n'avait pas
du tout été prévu et qui va sérieusement compliquer les situations et fausser le sys
tème. Pour une bonne part. l' apparition de
nouveaux syndicats venait du fait que, avec
l'évolution du capital et des structures ca
pitalistes, les syndicats<< reconnus >>,intégrés dans le système, ne pouvaient qu'accepter les modifications des conditions d'ex
ploitation des travailleurs. Mais les<< nouveaux» syndicats, quelles qu'aient pu être
leurs intentions de départ, gagnaient à leur
tour, pour des raisons plus politiques ou stratégiques à court terme du patronat, le même pouvoir légal et. de par leur fonc
tion même d'intermédiaires dans la fixation
des conditions d'exploitation montraient
finalement la même incapacité de résoudre les problèmes qui se posaient pour lestravailleurs.
Le résultat était double: +d'un côté, leurs effectifs déclinaient
pour descendre au-dessous de 10% de l'ensemble des travailleurs (avec une ré
partition très inégale suivant les secteurs public ct privé et la professsion), tarissant leur source militante et donnant encore
plus de poids à leur pouvoir légal, dévoyant leurs actions vers la protection de ce pouvoir. ce qui les poussait encore plus dans la voie d'une bureaucratisation
conformiste et d'une politique gestion
naire ;
+d'un autre côté, une multiplication légale dans l'entreprise du nombre de délégués et de représentants syndicaux, posant des problèmes de coût dans une pé
riode de pression économique intense
Tout cela a entraîné une grande complexité dans les discussions paritaires et l'utilisation perverse par le patronat des procédures d'accords collectifs antérieurs.
L'ensemble de ces conséquences dans
la persistance de règles juridiques inadaptées donc obsolètes pour le capital
peuvent npliquer, au moins en partie, à
ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005-49
règles d'élaboration de conditions de tra
vail mieux adaptées à la situation pré
sente '7
Retracer l'évolution du capitalisme,
des techniques de production ct de l'en
semble des régulations sociales, est une
tâche conséquente qui dépasse largement
le cadre de cet article et même d'une bro
chure. Aussi, après un bref historique, nous
contenterons-nous d'examiner en quoi la
nouvelle loi répond vraiment à une situa
tion nouvelle.
L'ensemble du cadre des relations de
travail (y compris tout un arsenal de ré
formes sociales) dans l'immédiat après
guerre avait pour but de tenter d'associer
la classe ouvrière à la reconstruction de
1 'appareil productif au profit du capital
national. Cette reconstruction se fit sous
la forme d'un capitalisme d'Etat, dans le
quel la nationalisation des secteurs clés de
1 'économie ne répondait pas seulement à
l'ensemble des réformes sociales, qui
n'étaient n ullcment une conquête ouvrière
comme on le prétend souvent, mais une
concession temporaire et intéressée dans
une réponse biaisée aux espoirs nés des
souffrances de la guerre, des ti née à éluder
un mouvement plus ample dans le style de
ce qui avait suivi la première guerre mon
diale ; une place importante était donnée aux
syndicats dans la gestion de cette économie
capitaliste d'Etat et des organismes so
ciaux gérant l'ensemble des réformes so
ciales. entretenant l'illusion qu'un appareil
syndical était l'expression <<démocratique
»de la volonté des travailleurs et non un ap
pareil d'encadrement et de contrôle du rap
port de forces travail-capital.
Faute de pouvoir décréter juridique
ment qu'un syndicat unique serait, comme
dans beaucoup de pays capitalistes d'Etat,
la courrai~ idéale de transmission des dé-
48- ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005
cisions économiques et sociales vers le
prolétariat, il fut créé la notion de<< re
présentativité>>, qui entérinait une situation
de fait dans la domination quasi totale de
la CGT dans les relations de travail. 11
s'agissait alors pratiquement d'un syndicat
unique. Les règles strictes de cette repré
sentativité garantissait qu'aucun autre syn
dicat ne viendrait troubler cette construc
tion favorable au capital. Corrélativement,
la régulation des conditions de travail par
des accords collectifs patronat-syndicat
donnait à un seul syndicat représentatif (la
CGT) le pouvoir d'apposer une signature
qui s'imposait alors à l'ensemble des tra
vailleurs visés dans la collectivité définie
dans cet accord. Toute une hiérarchie d'ac
cords collectifs, nationaux interprofes
sionnels, d'industrie, d'entreprise enser
raient le travailleur auquel on ne demandait
en aucune façon s'illes acceptait ou pas
(à cette époque, la<< démocratie>> ouvrière
n'existait pratiquement pas avec les grèves
<< presse-houton »,il faudra attendre plus
de vingt ans pour que des votes sanction
nent des accords et la reprise éventuelle
du travail).
P ENDANT PLUS DE CINQUANTE ANS
cette règle juridique sur la repré
sentativité et les accords collectifs
validés avec la signature d'un seul syndi
cat représentatif perdurèrent. Mais,
quelques années après sa mise en œuvre,
la situation économique, sociale et poli
tique qui avait sous-tendu cette construction
juridique s'était totalement modifiée, ce
qui a entraîné des effets pervers.
La compétition capitaliste mondiale a
contraint à tout un ensemble de restructu
rations concernant l'organisation du capi
tal : une concentration en trusts nationaux
voire multinationaux par la disparition ct
1 'élimination des maillons faibles, la né-
peu sont des objecteurs ou donnent des rai
sons politiques à leur geste et, bien sûr,
l'armée et le gouvernement restent parti
culièrement discrets sur ce fait- bien
qu'ils procèdent comme il se doit à la
chasse à l'homme. Dans le passé, l'armée
américaine a déjà connu des désertions,
particulièrement en raison de la jeunesse des
recrues (puisées notamment, avec pro
messes à la clé, dans les minorités ra
ciales), de la médiocre sélection et de la
dureté de l'entraînement. Cela avait changé
avec le souci de redorer le blason de
l'armée , la sélection plus sévère fait que
l'armée de <<volontaires» est aujourd'hui
composée en majorité de Blancs plus
<< copie conf orme >>de 1 'Américain moyen
venant des campagnes profondes et non
des ghettos.
Avant septembre 200 l, les déserteurs
étaient tout simplement exclus de l'armée.
Mais depuis le ll septembre les règles ont
été changées et les déserteurs repris par la
police sont, s'ils en valent la peine, réintégrés
dans 1 'armée. Depuis le début de la guerre
d'Irak, plus de 50 000 militaires ont dü
être évacués, morts ou blessés de toutes
sortes. Ils doivent être remplacés, d'où
toute une série de mesures pour << mobi
liser», garder le plus possible au-delà de
leur temps les militaires, d'où une grande
tolérance dans les conditions de recrute
ment -d'où, aussi, !"augmentation du
nombre des désertions.
Le nombre des appels à l'aide de mili
taires auprès d'un organisme spécialisé
dans la protection des militaires quant à
leurs droits est monté, selon le rapport déjà
cité, de 17 000 en 2001 à 33 000 en 2004.
Pourtant, 1' appareil médiatique américain
fait des prouesses inhabituelles pour dis
simuler, notamment par la censure des
images de la guerre et de ses conséquences,
tout ce qui pourrait<< saper le moral» de
1' arrière.
L'autre problème concerne la cadence
des recrutements, qui seule peut permettre
de remplacer les v ides laissés par les pertes
et les désertions. Le Pentagone vient de
communiquer les chiffres récents : concer
nant l'armée proprement dite, le recrutement
est inférieur aux espérances pour janvier
ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005-29
et février 2005. Rien qu'en février, cette
baisse est de 27 %. Même le prestigieux
corps des marines est touché par cette
baisse, la Garde nationale n'a pas atteint
en 200-l son quota de recrutement et cela
continue.
en raison du précédent de la guerre du
Vietnam et la résistance diffuse à la guerre.
les risques d'une telle mesure seraient tels
que même les plus nationalistes n'osent la
poser ouvertement pour le moment.
En septembre 2004, le Defense Science
Board, un organisme de conseil du Penta
gone, a conclu que, dans la situation pré
sente. les Etats-Unis ne pourraient assu
mer l'ensemble de leurs engagements vu
le nombre inadéquat de troupes dispo
nibles. Il est question dans les cercles gou
vernementaux de rétablir la conscription
avec un système de tirage au sort. Mais,
Nous n'évoquons pas ici le coût finan
cier pour le budget américain de la poursuite
de la guerre et 1 'impact de ce surcoût sur
toute l'économie. Nul doute que cette don
née jouera son rôle dans les décisions qui
pourraient être prises quant aux réponses
tant politiques qu'économiques pourfaire
face aux conséquences de l'enlisement en
Irak.
H. S.
DANS LES PUBLICATIONS/ÉTATS-UNIS
Dépenses militaires + " A little perspective on
87 milliards de dollars " (Une
petite perspective sur 87 mil
liards de dollars) :quelques
pages sur une évaluation des
dépenses militaires entraî
nées par les engagements
impérialistes des Etats-Unis
dans le Moyen-Orient
(quelques feuilles, en anglais,
copies à Echanges).
Classes, luttes, grèves +Pour comprendre quelque
peu la situation de classe aux
Etats-Unis : " A Republican
Proletariat "de Tom Merles dans New Le ft Review no 30,
nov. dec. 2004 et " The 2004
election gave no mandate to
continue the war and attack
social security " (L'élection
de 2004 n'a donné aucun
mandat pour poursuivre la
guerre et attaquer la sécurité
sociale) dans Glass Struggfe
no 46, février-avril 2005 (les
deux articles en anglais,
copie à Echanges).
+ " How US corporation won the immigration debate ,
(Comment le monde des af
faires américain a gagné le
débat sur l'immigration), la
croissance du management des migrations, en anglais
dans Z Magazine (copie à Echanges).
+ " Life and Times of a
Tramp Burg/ar", c'est la qua
trième livraison de la vie d'un
clodo cambrioleur à Balti
more. Dans Street Voice
no 76, 2004, avec d'autres
notules sur la vie des déchus
et exclus du système.
+ Dans Against The Current
no 1 (vol. XX}, mars-avril
30- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005
2005, plusieurs articles com
mémorent le centenaire des
Wobblies (en anglais, copie
à Echanges).
Wai-Mart + " Wai-Mart Profits from China's Sweatshops , (Wal
mart profite des "sweat
shops" de Chine) dans The
People no 4 , novembre-dé
cembre 2004 (en anglais,
copie à Echanges).
+ "Taking on Wai-Mart " (Comment le mouvement
ouvrier peut faire craquer le
programme anti-syndical de
Wai-Mart) dans Profetarian Revolution no 73, hiver 2005
(en anglais, copie à
Echanges).
+ " Progressive Union Lea
ders Betray Hotel Strike , (les
leaders syndicaux progres
sistes trahissent la grève desj
LE SENS DE LA LOI FILLON
SUR LES CONVENTIONS COLLECTIVES
Capitalisme et techniques de production : ce que portent les nouvelles règles d'élaborations des conventions collectives et règlements d'entreprise
LES NOUVELLES REGLES de validité des
accords collectifs fixant les condi
tions d'exploitation du travail bapti
sées<< loi Fillon 2004 >>n'ont guère sou
levé de protestations de la part des syndicats tant ouvriers que patronaux.
Pourtant, on peut s'interroger non seule
ment sur le sens de ces nouvelles règles
mais sur les causes plus profondes qui ont
conduit à modifier une situation juridi
quement réglée depuis plus d'un demi
siècle. Un des éléments essentiels de l'ex
ploitation de la force de travail est dans la
mise en œuvre du capital variable avec des
procédés, les uns résidant dans les tech
nologies sur lesquelles œuvrent lestra
vailleurs. les autres. déterminés en partie
par ces technologies, dans un ensemble de
régulations que le travailleur doit respec
ter sous peine de sanctions et qui doivent
assurer dans des conditions optimales la
production de la plus-value.
L'ensemble de ces régulations est un
élément des techniques de production et
définit les formes d'encadrement du tra
vail, cc qui se traduit par ces règles juri
diques qui définissent ce que l'on appelle
le contrat de travail- un contrat inégal
dans lequel les droits et devoirs du tra
vailleur salarié sont très déséquilibrés au
profit du capital, ce déséquilibre pouvant
sc modifier pour un temps plus ou moins
long avec les fluctuations du rapport de
force capital-travail.
Il est bien évident qu'une entreprise
n'est jamais statique, dans un environne
ment capitaliste caractérisé par la concur
rence et la mi se en œuvre de ces nouvelles
techniques de production ; elle est tou
jours, petite ou grande, insérée dans une
dynamique objective. Les conditions d'ex
ploitation des techniques et de la force de
travail lui sont imposées par les nécessi
tés de sa survie, c'est-à-dire de la renta
bilité du capital investi. On oublie trop
souvent que, pour l'entreprise capitaliste,
c'est une question de vie ou de mort.
Il s'ensuit que les règles qui ont été
fixées à un moment historique dans le pro
cès de production ne peuvent être im
muables et que cette dynamique impose
au capital, à 1 'entreprise, d'adapter
constamment la régulation de l'exploita
tion du travail, de révolutionner ce que lui
même avait imposé et/ou accepté dans des conditions antérieures. Il s'agit de tout un
ensemble complexe où interviennent de
nombreuses données de base, la lutte de
classe, c'est-à-dire les résistances à 1 'ex
ploitation jouant un rôle central tant dans
les décisions de transformation du procès
de production que dans les conditions de
mise en œuvre des nouvelles techniques
de production.
Peut-on retracer ce qui, dans les trans
formations dans la mise en œuvre du ca
pital en France, a conduit à modifier les
ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005-47
démoralisation des militants et une stag
nation des forces ainsi que l'absence
d'une réelle stratégie tournée vers le sec
teur privé. La représentativité institu
tionnelle ainsi que le spectacle d'une belle
union avec la FSU peuvent cacher, pour un
temps, une crise de développement.
Il a souvent été dit que derrière cette
recomposition se cache une manœuvre
entre la LCR et des courants rénovateurs
du PCF. Si des forces politiques ont pu
aider à cette alliance, les raisons pro
fondes sont à rechercher dans la stratégie
d'apparatchiks qui défendent leurs intérêts
matériels et moraux, à savoir un appareil
syndical qui leur garantit leur condition
sociale de "cadres syndicaux". Les mé
thodes antidémocratiques ont pour le
moins choqué au sein de l'US. Une ma
jorité de syndicats s'est même constituée
au sein du conseil fédéral de Sud-PTT
pour réorienter la recomposition propo
sée. Il en est de même au sien des ins
tances du CliO où plusieurs syndicats ont
vivement cntiqué le diktat de la direction
de Sud-PTT. Le projet adopté par le G 10 est donc la
création d'un pôle intersyndical ouvert à
toutes les organisations syndicales qui
s'opposent au libéralisme. La plate-forme
de débat proposée sera forcément très
A lire aussi
+ Dans Courant alternatif no 146 (février
2005) " La Confédération européenne
des syndicats (CES) et le traité de consti
tution européenne. ,
+ " Recomposition syndicale ou ma
nœuvre d'appareil ? , , dans Syndicaliste
(CSR) no 23 (mai 2004).
46- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005
vague pour que l'appareil de l'US, très
influencé par Sud -PTT et le SNUI Impôt,
puisse confirmer leur stratégie d'ouver
ture la FSU. Cette perspective est dra
matique car la pesanteur de la FSU va
venir s'ajouter à celle du SNUI et des
autres syndicats corporatistes del 'US. Il
est évident que cette construction au som
met va bloquer toute dynamique de mili
tantisme interprofessionnel. Le CSR sou
tient l'appel lancé par certains militants qui
proposent d'engager le débat sur la
construction d'une confédération dans le
cadre des luttes à mener en commun dans
les entreprises. »
EN CONCLUSION, nous voyons qùe le
«syndicalisme rassemblé>> est un
mouvement complètement organisé
par les structures syndicales et certaines as
sociations, comme Attac et autres regrou
pements politiques défenseurs d'un capi
talisme à visage humain. Le syndicalisme
rassemblé n'est pas un mouvement pure
ment français, il agit aussi dans toute l'Eu
rope et, nous l'avons vu aussi, à l'échelle
mondiale.
La CISL et la CMT sont les joyaux bour
geois du << gestionnisme >>de la force de tra
vail. La CISL notamment a trempé dans de
nombreux coups fourrés contre la classe ou
vrière, et aucune confiance ne doit être don
née au compactage syndical qui se prépare.
Progressivement nous commençons à voir
comment les différentes strates du réfor
misme et du << réformisme radical >> (alter
mondialistes et autres) convergent vers le
même objectif: se rassembler pour endi
guer les mouvements sociaux qui sponta
nément explosent et qu'un syndicalisme
émietté n'est pl us capable de contrôler.
G. B. ct N. J.
hôtels) et" Wai-Mart Versus
Unions , (Wai-Mart contre les
syndicats) dans Proletarian
Revolution no 74, printemps
2005 (en anglais, copie à Echanges).
Compagnies aériennes + " Threat of Airlines
Contract Abrogation, A
Strategy to Resist , (" Me
nace d'abrogation des
contrats dans les compa
gnies aériennes, une stra
tégie de résistance , )
dans Against The Current
no 114, janvier-février 2005
(en anglais, copie à Echanges).
EUROPE, AFRIQUE ...
Belgique + " Vlaams Blok • change
ment dans la continuité
d'une formation xéno
phobe , , dans La lettre du
Mouvement communiste,
no 16 (janvier 2005). ana
lyse de l'idéologie, de la
structure et du développe
ment de ce groupe d'ex
trême droite flamand.
Espagne + " Dans la mer de plas
tique d'El Ejido, les immi
grés s'organisent , ·tract de
la campagne de soutien au
SOC, syndicat des ouvriers
agricoles d'Andalousie.(voir
articles et références dans
les précédents Echanges,
not am ment lors des po-
groms d'El Ejido). Docu
ments divers sur ce sujet et
souscription d'aide finan
cière.
Ce texte signale deux ou
vrages sur ce sujet de l'ex
ploitation des migrants
" El Ejido,terre de non
droit , ( Go/ias) et" Le goût
amer de nos fruits et lé-
gumes "· Forum civique européen,
Saint-Hippolyte, 04300 Li
mans. Courriel : france@fo-
rumcivique.org Site
www.forumcivique.org.
Pays-Bas + Un bref texte historique
en anglais, " Continuités sur
le long terme dans l'histoire
du mouvement ouvrier • le
Prisons • Sur les prisons aux Etats
Unis • " A Generation lmpri
soned by Mass Incarcera
tion " (Une génération
emprisonnée dans une incar
cération de masse) dans
Against The Current no1
(vol. XX) mars-avril 2005 (en
anglais, copie à Echanges).
cas de la République hel-
landaise " Echanges).
Chine
(copie à
+ " Enter the Dragon China's New Proletariat ,
(Entre le dragon • le nou
veau prolétariat chinois)
dans Proletarian Revolution no 74, printemps 2005 (en
anglais, copie à Echanges)
Une seule solution ... la prison + " Précarisation et empri
sonnement de masse "· étude comparative de l'in
carcération comme solution
à la crise sociale dans plu
sieurs pays (Allemagne, Ita
lie, Grèce, Etats-Unis et
ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005- 31
Grande-Bretagne) dans la
revue allemande Wildcatno
72 (janvier 2005 ).
République tchèque + Dans la revue allemande
Wlfdcat no 72 (janvier 2005),
un article du groupe tchèque
Solidaritan (dont nous avons
traduit un précédent texte
dans Echanges no 111,
p. 10) sur les travailleurs mi
grants en République
tchèque soumis à la répres
sion et aux mafias :" Envi
ron 162 000 travailleurs mi
grants "légaux" vivent
actuellement en République
tchèque. Les "illégaux" sont
au moins le double ; on es
time qu'il y a en tout quelque
480 000 travailleurs étran
gers en République tchèque,
c'est-à-dire 9 % de la force
de travail totale. "
Pologne + La revue allemande Wi/dcat
poursuit dans son no 72 (jan
vier 2005) sa série d'études
sur les mutations écono
miques et sociales dans les
ex-Pays de l'Est, avec deux
articles sur la Pologne. Le
premier," Au-delà de la fron
tière :Pologne ",analyse les
bouleversements qui tou-
chen! ce pays . problèmes
liés à l'immigration, transfor
mations des structures in
dustrielles, etc., et les luttes qui
en découlent.
Le second, " Economie po
lonaise souterraine à Berlin",
aborde un aspect de 1 'éco
nomie informelle (c'est-à-dire
la débrouille) qui concerne les
Polonais à Berlin ; l'ouver
ture des frontières avec l'in
tégration de la Pologne dans
l'Union européenne, en tirant
les prix en Pologne vers le
haut, fait que cette économie,
qui survivait des différences de
niveau de vie entre Alle
magne et Pologne, tend ac
tuellement à s'estomper et va
sans doute disparaître dans
un avenir proche. Les sa
laires n'ayant pas suivi la
hausse des prix, les nou
veaux migrants polonais
cherchent à travailler dans les
pays de l'Union, mais les pos
sibilités de trouver du travail,
hormis dans la construction
et les tâches saisonnières,
sont rares.
Nigeria + Pour la revue allemande
Wildcat no 72 Uanvier 2005), les
flammes de l'enfer ne sont
pas encore éteintes au Nige-
32- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005
ria. L'auteur de cet article ana
lyse les troubles qui pertur
bent ce pays depuis plusieurs
années, avec pour enjeu l'ex
ploitation du pétrole. Deux
mouvements se dessinent,
l'un animé par la jeunesse et
les femmes, l'autre par les ar
mées des différentes ethnies
constituant la population du
pays, ces deux mouvements
se rejoignant parfois dans des
luttes communes contre les
multinationales pétrolières, le
Fonds monétaire internatio
nal et le gouvernement.
Selon J'auteur, la lutte de ceux
qui vivent près des exploita
tions de pétrole, des femmes
en particulier, contre les
hausses du prix de J'essence
et les exactions de l'armée
gouvernementale évolue et
remet en question le modèle
patriarcal des sociétés tradi
tionnelles.
Ex-Guyane britannique + " 1905 : Guyana's Re
bellion. " Une grève des tra
vailleurs du sucre suivie
d'émeutes réprimées dans
le sang, dans Against The Current no 114 , janvier-fé
vrier 2005 (en anglais, copie
à Echanges).
Tous les militants et adhérents de la
CGT ont été surpris de voir qu'en un laps
de temps très réduit, un site Internet était
monté avec la parution d'un journal,
L'Hebdo, alors que précédemment il fal
lait quémander 1 'information. Cet arrivage
de la CFDT au sein de la CGT semble de
plus en plus orchestré. En effet, dans son no 7,
L'Hebdo du 17 février 2005 sous le titre
« nettoyage au Karscher >> dénonce une
CFDT devenue folle et qui liquide à tour
de bras ses militants (au Crédit lyonnais et
ailleurs) et à la fin de l'article un appel à rejoindre le syndicalisme rassemblé. On
est ici en droit de se demander si la CFDT
elle-même ne pousse pas ses militants dans
les bras de la CGT du secteur financier pour
lui donner plus de poids.
Un processus identique se trame avec
la FSU, où trois positions s'affrontent:
transformer la FSU en confédération, faire
adhérer la FSU au G 1 0-Solidaires, faire
adhérer la FSU à la CGT.
Selon la Confédération du syndicalisme
révolutionnaire (CSR, interne à la CGT},
qui semble bien informée, l'Union syndicale
GIO serait au bord de l'éclatement:
« Si 1' US (6) a toujours eu pour vo
cation première de renforcer la représen
tativité institutionnelle de ses syndicats
auprès de leur employeur, beaucoup de
militants avaient espéré qu'à la longue le
militantisme interprofessionnel se déve
lopperait en ouvrant alors la vOie à une
confédération dominée par les syndicats
Sud. Pour notre part, nous pensions que
cette cohabitation déboucherait au
contraire sur une crise inévitable. Celle
ci vient de se produire au moment où les
militants de 1' US s'y attendaient le moins.
Ce n'est pas pour rien SI cette cnse s'est
(6) Union syndicale. groupe des 10.
développée en dehors des luttes. Ses
causes sont à rechercher dans une tactique
d'appareil initiée par le Bureau national de
Sud-PTT. En octobre ce dernier diffuse
aux syndicats membres de l'US un texte in
titulé "Contre l'éparpillement faisons un
pas en avant dans la recomposition syn
dicale". Le texte offre une vision bu
reaucratique de cette recomposition, en
ne proposant qu'une perspective de re
structuration des appareils nationaux. Le
BN de Sud-PTT propose en fait une union
entre l'US et la FSU ce qui dans les faits
signifie l'élargissement de l'US à la FSU.
Les militants de la CGT, de FO de la CNT
et les opposants de la CFDT sont donc ex
clus de cette recomposition. Les direc
tions de Sud-PTT et de la FSU sont très
pressées puisque le congrès de la FSU doit
intervenir en janvier afin d'avaliser celte
proposition et comme la FSU n'existe
réellement que pendant ce congrès il faut
mettre les bouchées doubles. C'est ce qui
explique les déclarations de dirigeants à
la presse sans que ces derniers ne soient
mandatés par leur structure syndicale res
pective. Retarder ce projet de plusieurs
années poserait de graves problèmes car
la FSU est en train dejouer sa survie. Sur
vie institutionnelle d'abord puisqu'elle
doit élargir sa représentativité à 1 'échelle
de toute la fonction publique si elle veut
participer à tous les organismes paritaires
(et a leur financement). Survie politique
suite au départ annoncé du SNETAA
(profs des LP), des tensions entre ses syn
dicats enseignants et à la chute électorale
évidente dans deux ans.
L'état de santé de Sud-PTT n'est pas
forcément très reluisant. La victoire élec
torale récente cache de graves défaites
(35 heures, privatisations, restructura
tion, développement de la précarité), une
ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005-45
nant à droite pour la CGT tout faisant ap
paraître le tout comme une grande opération de<< gauche, '1 Comment faire avaliser
dans les faits et en douceur de futures al
liances de haut en bas avec les syndicats
les plus ouvertement alignés sur les positions de la CES en matière de régression so
ciale? Comment ne pas voir que cette futurc alliance servira aussi le moment venu
dans la CGT pour mater les derniers récalcitrants, les équipes syndicales arc-boutées sur les positions traditionnelles d'une
CGT contre tout compromis, signatures ou
alliances '1
Il n'y a qu'à voir que c'est Thibault lui
même qui a évoqué un congrès extraordinaire en septembre 2005 voire la remise en cause de son poste et pas ses soi-disant oppo
sants. Ces derniers n'entendent pas remettre
en cause sur le fond 1 'évolution actuelle de la CGT. La menace directe de retirer des
postes de permanents syndicaux dans un contexte où il y a de moins en moins de possibilité de se recaser ailleurs suffit à refroidir les ardeurs de certains. La composition actuelle de la CCN a déjà été 1 'objet
d'un tri sélectif lors des précédents congrès pour qu'elle ne soit pas acquise aux diri
geants actuels de la CGT. Il n'en va de même pour des commissions exécutives fé
dérales au fur et à mesure des congrès à venir (Chimie, Transports, Energie, etc.).
Quant au rythme de l'évolution, il
risque au contraire de s'accélérer au lieu
de ralentir. Evidemment, Thibault ne veut pas être lié aux résultats à venir du référendum ; il a suffisamment d'espace politique pour imposer son point de vue sur les négociations à venir avec le patronat au
tant que sur les suites à donner à l'après-5 février et 10 mars. C'est sur ce terrainlà qu'il l'a donner un peu de la voix.
44- ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005
question de refaire l'unité autour de lui 1
L'évolution de la CGT doit aussi trancher un débat avec le PC sur son évolution.
Celle-ci aurait été plus rapide si le PCF, comme son homologue italien, avait évolué
voilà vingt ans vers le libéralisme. En Ita
lie, cela a largement facilité J'alignement syndical de la CG IL. Le PCF, en concurrence avec l'extrême gauche et le PS sur le plan
électoral, a encore besoin d'un vernis pseudo-radical, ne serait-ce que pour mieux
faire son OPA sur Sud et Attac!
Ceci ne facilite pas toujours les choses
pour les tenants de la nouvelle CGT mais il leur faudra passer outre et forcer le changement coûte que coûte 1 C'est aujourd'hui la seule alternative possible pour les adeptes de la CGT new look, une CGT devenue la clé de voûte du syndicalisme
rassemblé 1
5 - Les préparatifs du syndicalisme rassemblé
La CGT de Bernard Thibault, soutenue par le secteur financier pro-européen et regroupé autour de Confrontations Europe (5) qui tient ses réunions dans les locaux du groupe AXA, a décidé, nous 1 'avons vu,
que la fédération des secteurs financiers serait à la pointe du combat pour un syndicalisme rassemblé avec la convocation, entre le 31 mai et le 3 juin 2005, d'un Congrès constitutif de la Fédération des
syndicats de la banque et de 1 'assurance
CGT.
( 5) Confrontations, dont le directeur de publication est Philippe Herzog. Bernard Thibault ct Jean-Christophe. Le Duigou aiment à vanter!'« indépendance:>) de cette publication, mais que penser de l'engagement de Le Duigou dans une association qui, sur le modèle du Comité des Forges en 1914, regroupe syndicalistes et patrons (Francis Mer, Jean Peyrelevade, Jean Gandois ... J 0
FRANCE
PROBLÉMATIQUE DE LA LUTTE DE CLASSE
EN FRANCE ET DANS L'UNION EUROPÉENNE
Ce qui suit n'est que le schéma d'un article plus important qui développera les détails des luttes des dernières années écoulées et les analyses qui en découlent
N OUS CROYONS UTILE de faire quelques remarques préliminaires qui visent à relativiser tout un ensemble de dis
cussions dans des cercles étroits et qui touchent l'évolution du capitalisme, des rapports de production et des activités militantes.
+ De la concurrence internationale des blocs capitalistes jouant les travailleurs entre eux.
Une première remarque vise la nécessité,
dans des analyses sur les luttes, de sortir de l'Hexagone et de replacer ces luttes dans le cadre européen et même mondial. dans ce qu'on caractérise aujourd'hui par les
termes de<< globalisation »et de<< mon
dialisation>>. La relation au cadre de l'Union européenne doit se faire non en raison de la présence de multinationales opérant d'abord au stade européen, mais en quelque sorte par les deux bouts : 1 'un
étant les contraintes économiques des
règles strictes de fonctionnement intra-eu
ropéennes, J'autre les différenciations dans les conditions d'exploitation de la force de travail entre les différents Etats.
+ De l'unification des conditions d'exploitation entre secteur privé et public par la privatisation.
On assiste à une sorte d'harmonisation de l'activité économique qui consiste à
faire que les Etats ne puissent plus soutenir financièrement les entreprises nationales publiques ou privées, ce qui laisse le champ libre à l'impitoyable compétition économique d'où résultent: d'un côté une limitation de 1 'efficacité des luttes, qui ne
peuvent plus espérer un sou ti en de la puissance publique ; mais d'un autre côté une certaine unification contre cette limitation.
Un autre aspect de ce point concerne en particulier les fonctionnaires pour lesquels 1 'Etat ne peut répondre aux revendications d'effectifs et de salaires en raison d'impératifs européens de non-dépassement d'un certain pourcentage de déficit.
Le capital peut se servir des différen
ciations entre pays de 1' Uni on Européenne en déplaçant d'un Etat dans l'autre, qui les entreprises, qui les travailleurs pour gagner le coût le plus bas possible de la force de travail, développant d'un côté une ac
tivité économique profitable et de l'autre une
pression sur les conditions de travail et les
rémunérations, rendant dans ce dernier cas difficile la lutte pour la conservation des acquis.
+ Un glissement progressif vers la paupérisation pour les couches les plus défavorisées et vers la prolétarisation pour les « classes moyennes ».
Le résultat global est, notamment pour
ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005- 33
les travailleurs en France, dans le secteur pu
blic comme dans le secteur privé, un glis
sement progressif, depuis des années, de
1 'ensemble des conditions d'exploitation
du travail. Ce changement ne touche plus seu
lement le travailleur lambda, mais aussi
ceux qui bénéficiaient jusqu'ici de condi
tions plus favorables et qu'on étiquetait à
1 'occasion'' classes moyennes>>.
TOUTE ANALYSE de ce qui vient d'être
dit est rendue plus difficile car il
s'agit d'un processus en cours, dans
lequel les conditions nationales sont en
core en place, notamment à cause des ré
sistances de classe et les conditions euro
péennes pas encore totalement constituées
formellement, même si elles existent dans
les faits. On peut prendre une comparaison
avec un Etat fédéral de grande dimension
comme les Etats-Unis :une grève dans un
Etat important au point de vue économique
comme la Californie, par exemple la grève
récente des supermarchés, n'entraîne pas
de conséquences dans les autres Etats, alors
même que 1 'Etat fédéral a une politique
économique globale et une organisation
syndicale unique. Que dire alors d'une
grève dans un Etat comme la France, grève
isolée au sein de l'Union européenne, alors
même que la politique économique globale
suscite toujours des tensions et que les co
ordinations syndicales sont encore balbu
tiantes à ce niveau.
Sur cette situation sc juxtaposent les
conséquences de la globalisation et de la
mondialisation (largement favorisée par
les révolutions technologiques dans les
transports). La globalisationjoue sur deux
plans, celui de la fermeture d'entreprises
délocalisées ou le chantage à la délocali
sation pour rogner sur les conditions de sa
laire ct d.: travail, l'ensemble introduisant
34- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005
la hantise du chômage; et celui de l'intro
duction de produits bon marché venant des
pays à bas coûts de production, qui entraî
nent des effets similaires de fermeture ou
de pression sur les conditions de salaires
et de travail.
Les travailleurs ont alors, même s'ils
sont réduits à des luttes défensives, la
conscience d'avoir en face d'eux des forces
économiques qui échappent même aux
décisions des dirigeants de 1 'entreprise.
Soulignons seulement, en passant, que le
souverainisme, le nationalisme, le conti
nentalisme sont des critères étrangers tant
au capital qu'au prolétariat.
Une autre remarque découle de ce qui
vient d'être développé. Si des conflits de
classe peuvent toujours surgir, ils restent
localisés au niveau d'une entreprise et peu
vent obtenir satisfaction de certaines re
vendications. Mais le pl us souvent, ces re
vendications se heurtent au mur des
impératifs économiques sur lesquels ni les
principe même du métier et des grilles de
classifications dites Parodi (héritées de
l'union PC-MRP-De Gaulle en 1945) avec
la mise en place d'un système d'exploita
tion où chacun sera individualisé à l'ex
trême sans aucune référence commune à un métier ou un diplôme professionnel.
C'est la remise en cause de l'évolution
basée sur l'ancienneté ou l'expérience ac
quise au profit de notions plus subjectives
comme les« compétences>>. On parlera do
rénavant d'emploi, de niveau d'emploi, de
compétences mais plus de métiers au sens
traditionnel du terme. C'est l'atomisation
du salarié moderne dont le travail sera en
tièrement contrôlé et dirigé par le patron
intégrant des critères de soumission et de
comportement formatés.
4- L'épine du" non" à la Constitution européenne
La récente déconvenue de Bernard Thi
bault (le Comité confédéral national [CCN]
de fa CGT a voté en février à une écrasante
majorité pour le rejet du traité constitu
tionnel européen) n'est pas pour autant une
défaite pour le secrétaire général.
Ceci étant, le « non >> à la constitution
européenne n'est qu'une épine dans le pied
des cégétistes pro-CES. La décision adoptée
par le CCN- en partie reflet des votes des mi
litants de base- dans les instances de leur syn
dicat représente, selon le mot de Jean-Chris
tophe Le Duigou, « une défaite pour la
direction, ce n'est pas la peine de le cacher;
c'est une prise de position qui revient sur
les dix ou quinze dernières années de l'évo
ltition engagée par Louis Vi annet et continuée
par Bernard Thibault>>. Encore que le mot
«défaite>> soit à relativiser fortement.
La présence massive d'un cortège CGT
( 15 000 participants, autant que les syndi
cats belges) à la manifestation européenne
convoquée par la CES le 19 mars à
Bruxelles (avec des manifestants CGT ar
borant ostensiblement des badges et ban
deroles appelant à voter« non'' au réfé
rendum du 29 mai) indique plutôt que
Thibaut entend rebondir sur le« non >>afin
de ne pas provoquer un changement de
rythme préjudiciable et handicapant pour
l'évolution future de la CGT.
On peut même se demander dans quelle
mesure l'appareil n'a pas laissé filer la
contestation sur le « non >> -laissant par
exemple se faire la montée en cars et toute
la préparation de Bruxelles- afin de mieux
en contrôler à terme les retombées. Anti
ciper, ne pas s'opposer frontalement à la
base tout en œuvrant en coulisses pour en
récupérer les fruits semble être la voie choi
sie par Thibault. Les sondages en faveur
du« non >>vont dans ce sens '
En parallèle, autour de la question liée
au référendum, un axe se dessine regrou
pant la CGT mais aussi FO, qui dit : « La
CGT-Force ouvrière réaffirme qu'elle ne
se considère pas engagée par les prises de
positions publiques de la CES en faveur du
projet de" traité établissant une constitu
tion pour l'Europe">>. Incluons-y aussi la
CGC, qui parle à propos de la directive Bol
kestein de« haute trahison par rapport à
l'idéal européen de Robert Schuman et Jean
Monnet>>, voire l' UNSA et le groupe des 1 O. Seule la CFDT, de plus en plus isolée, ap
pelle à voter« oui>>! D'autres, comme Ed
mond Maire de la CDFT, en arrivent à ou
vertement renier la lutte des classes. La
boucle est bouclée ct chacun joue son rôle
et sa propre partition dans le paysage
syndical !
Le syndicalisme rassemblé peut donc
utiliser aussi le<< non>> à la constitution
européenne ct la lutte contre la directive
Bolkestein. Comment opérer un grand tour-
ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005-43
responsables d'unions départementales ou lo
cales, de représentants syndicaux, se sont mul
tipliées depuis l'intronisation de Bernard
Thibault à la tête de la CGT.
En fait, on assiste à un curieux chassé
croisé dont le but est, à n'en plus douter, la
constitution d'un regroupement syndical
unifié au sein de la CES. Celui-ci serait
constitué dans un premier temps de la CGT
ct de pans entiers sortis de la CFDT, aux
quels pourraient ensuite se joindre FO, la CGC, I'UNSA, la FSU, voire des morceaux
significatifs du groupe des 10 (dit GlO),
dont Sud fait partie (4).
Est-ce un hasard si ce même G 10 tente
en vain depuis d'être reconnu comme orga
nisation représentative en France, tout
comme l'UNSA. Il pourrai ainsi participer
à toutes les négociations el rencontres offi
cielles avec le gouvernement ou le patronat
au niveau central et permettre ainsi un accès
direct à tous les modes de financement. Le
rejet de ses demandes par le Conseil d'Etat
va aussi dans le sens du regroupement syn
dical autour de la CES.
3 - L'exemple de la fédération de la Métallurgie
L'avant-dernier congrès, en 2002, de
la Fédération CGT de la métallurgie, fut plutôt houleux. Des contestataires d'ex
trême-gauche proches des organisations
trotskystes mêlant leurs voix à quelques
orthodoxes. à 1 'époque en dehors du PC,
et ce fut la bronca. La direction fédérale
sortante devant faire voter plusieurs fois
les congressistes pour qu'une motion contre les 35 heures Jospin-Aubry ne passe pas;
( -l) La fédération des sen·iccs CGT ct les ex-CFDT de
la banque (Union des syndicats du personnel des banques) ont lancé un appel dans ce sens aux autres syndicats. Pour Je moment seul Je syndicat FO a rejeté la pn~pnsitiort:
42- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005
ce vote, obtenu à J'arraché, étant plus
« conforme » à la nouvelle orientation
CES-CFDT.
Depuis le dernier congrès de mai 2004,
pl us aucun problème de majorité : des par
ticipants triés sur le volet, plutôt jeunes,
adhérents bombardés s'il le faut à des
postes importants, comme l'ex-responsable
CGT de Cellatex. Des contestataires mar
ginalisés, qui après les mouvements et
grèves du printemps 2003 sur les retraites,
auraient dû avoir le vent en poupe mais qui
au contraire ont pratiquement tous été écar
tés et débarqués au moment du vote pour
l'élection de la nouvelle commission exé
cutive. Certains membres connus pour leur
opposition à la ligne confédérale ont même
préféré démissionner, vu leur sous-repré
sentation dans la commission exécutive
fédérale.
Le nettoyage évoqué plus haut prend
tout son sens ' Une étape supplémentaire
dans la remise en ligne vient d'avoir lieu
avec la signature par la CGT-Métaux et
d'autres de l'accord de branche sur la for
mation professionnelle du 20 juillet 2004.
Une réunion préparatoire a eu lieu en sep
tembre 2004 dernier à Montreuil avec plu
sieurs dizaines d'élus et responsables CGT
sans qu'il y ait une seule voix discordante
contre cette signature. Cet accord prévoit que
la plupart des formations auront lieu hors
temps de travail payé à 50%. Des notions
telles que les<< compétences>> ct l'<< em
ployabilité >>(voir Echanges no 109), sont
de fait avalisées par la CGT alors que vien
nent de s'ouvrir des<< négociations>> pour nettoyer de fond en comble la convention
collective nationale (comme cela fut fait en
1992 dans l'assurance). Notions chères à la CES, au Bureau international du travail
(BIT) ou à 1 'Unice (patronat européen).
Il s'agit ainsi de faire disparaître le
politiques, ni les syndicats, ni aucune forme
de lutte, parcellaire ou globale, n'ont de
prise. Il en résulte le développement, dans
toute la classe des travailleurs, d'une
conscience diffuse que ni les partis poli
tiques, ni les syndicats, ni les luttes dans
leurs formes traditionnelles ne peuvent
changer la situation présente, et que seuls
des changements profonds dans le système
social pourraient apporter une solution.
On peut signaler aussi des effets per
vers des médiatisations. Ceux des médias tra
ditionnels sont bien connus, qui censurent
et orientent selon les nécessités du capital. Mais l'utilisation d'Internet, nouveau
moyen de communication qui permet ef
fectivement de populariser ou de révéler
l'existence de conflits de classe et de luttes,
leur donne assez souvent une dimension
et/ou des caractères qu'ils n'ont pas.
La participation extérieure à de tels
conflits d'activistes divers, si elle va contre
le silence des médias ou l'abandon des
<< grands » syndicats, peut donner, notam
ment hors de France, 1 'impression d'un
mouvement important, alors que la connaissance réelle révèle précisément 1 'impuis
sance dont nous venons de parler. D'autres
luttes plus significatives peuvent, du fait
de leur isolement, rester ignorées ou n'être révélées que fortuitement, sans se voir at
tribuer une telle audience et une telle
signification.
1 L N'EST PAS POSSIBLE, dans ce premier
article, de donner Je détail des luttes qui
se sont déroulées en France ces dernières années (chacun pourra se reporter aux in
formations contenues dans le bulletin Dans le monde une classe en lulle ou à d'autres mé
dias). Soulignons seulement que si l'on
tente un bilan de ces luttes. on peut, sché
matiquement, voir une sorte de mutation.
Hormis celles qui ont marqué l'appli
cation des lois Aubry sur les 35 heures, la
plupart des luttes furent défensives, simples
protestations contre les licenciements, qui
sont une autre forme d'adaptation aux im
pératifs de la production. (Quant au mythe
de la réduction du temps de travail, il a déjà
été utilisé lors du passage aux 39 heures ;
il s'agit en fait d'une rationalisation de
1 'exploitation de la force de travail, d'une
adaptation totale aux impératifs de la pro
duction, qui permet à la France d'atteindre
ce qu'aucun capitaliste n'ajamais rêvé: la
meilleure productivité mondiale horaire
par travailleur.)
Ces luttes ont pris parfois des formes
originales et dures, dont l'écho fut grand
tant parmi les travailleurs que dans le pa
tronat (encore aujourd'hui, Cel latex et les
luttes semblables qui ont suivi sont évo
quées comme des menaces potentielles).
Le plus souvent, ces luttes ne visaient pas
tant à empêcher la fermeture, ressentie
comme inévitable, mais à obtenir des in
demnisations supérieures aux obligations lé
gales pour permettre de faire face, au moins
en partie, aux énormes difficultés qu'en
traînaient la perte d'emploi- notamment
dans des zones de mono-industrie. Une par
tie de ces luttes fut toutefois rendue diffi
cile par l'action conjuguée des pompiers
syndicaux et par une modification du ré
gime d'indemnisation du chômage. qui
convertit les indemnisations ainsi obtenues
dans la lutte en acomptes d'indemnités lé
gales-- ce qui ne fait que différer la prise en
charge au titre du chômage.
Avec le temps, les travailleurs, dans
leur ensemble, notamment dans le privé, ont pu mesurer l'impact réel des lois Aubry.
qui ont fait redescendre les discussions au
niveau de chaque entreprise. voire au ni
veau de chaque établissement.
ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005-35
Cet impact a été double, ce qui était
quelque peu masqué au départ: d'une part
les 35 heures se sont accompagnées d'un
quasi-blocage des salaires, renforcé pour beaucoup par la suppression de la rému
nération des heures supplémentaires avec
1 'annualisation du temps de travail ; d'autre
part elles ont accru la tension du travail par 1 'élimination des pauses diverses, le regroupement des heures de travail quand la
pression de la production est la plus intense
et 1 'organisation des horaires sur 1 'année,
pratiquement à la seule volonté de l'entreprise. Cette aggravation des conditions d'exploitation a été encore renforcée par le chantage direct et indirect exercé par le
chômage ct la compétition internationale autour des coûts de production.
De plus en plus, même les médias ont
développé les thèmes du stress au travail ct du coût de la vie. Ce n'est donc pas un ha
sard si les luttes récentes se sont plus
concentrées sur des revendications de salaires
et sur les conditions de travail. La grève récente la plus symptomatique et la plus connue est celle de l'entrepôt de la multinationale du textile H&M, en décembre
2004, dans laquelle la revendication de sa
laires était liée à la surcharge de travail ; elle a repris également la tradition de base (déjà utilisée antérieurement dans les conflits autour des fermeture d'entreprises)
du piquet de grève bloquant entrées et sor
ties de matériel ou de marchandises. L'apparition dans les médias de ces
thèmes du stress et du niveau de vie n'était
que le conditionnement habituel du pouvoir via fe gouvernement et les syndicats, en réponse à un problème réel qui mena
çait de perturber tout le procès de produc
tion. Côté gouvernemental, par-delà les discours autant populistes que vides sur la
fracture !K>ciale, ont été affirmés haut et
36- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005
fort des prétendus remèdes contre la« si
nistrose » (le nouveau nom médiatique
donné au rejet du politique vu comme pou
vant apporter une solution à l'offensive du capital sur le travail) et un slogan cynique : <<Si vous voulez gagner plus, travaillez
plus>>, en réponse à la dégradation générale du niveau de vie (présenté comme un
assouplissement des lois Aubry dont 1 'essentiel n'était pas contesté par ailleurs).
Pour le patronat et le gouvernement, les
clignotants d'alerte sociale s'étaient cer
tainement allumés, et ils avaient aussi alerté les médiateurs patentés des relations capital-travail. Face à une désaffection
quasi totale à l'égard des médiations syndicale ou politiques, désaffection qui rendait aussi inévitable qu'imprévisible la
lame de fond d'une revendication globale,
les contre-feux de circonstance sont déployés:
+ une première approche gouvernementale fut en 2004 un ensemble de me
sures cosmétiques, clamées à grand bruit, en vue d'une baisse des prix non-autori
taire, notamment dan 1 'alimentation. On sait ce qu'il en advint, d'autant plus qu'au
même moment chacun pouvait mesurer l'impact des réformes du système de santé
et celui de la hausse mondiale du prix du pétrole sur les consommateurs ;
+les syndicats, pour une fois (et pas
par hasard) unis, organisent les promenades traditionnelles, cette fois interprofessionnelles et dans toute la France, ce qui cor
respond effectivement à un malaise social global qui dépasse les divisions corporatistes antérieures. L'unité syndicale comme
l'unité politique sont toujours la marque d'un front opposé à un danger commun:
pour les syndicats, la menace de se voir débordés par un mouvement sauvage ;
+objectivement, une diversion idéo-
gie d'alliance par le bas passera mieux au
près de la base cégétiste, surtout si elle se
présente comme en rupture avec la réforme des retraites ct autres.
Ainsi, donc la désagrégation de la CFDT
va se produire, permettant un recentrage de
la CGT vers le<< syndicalisme rassemblé>>. Après le recentrage de la CFDT de 1979. il était parfaitement clair que la centrale autogestionnaire allait commencer sa<< longue marche>> d'accompagnement et de démon
tage des réformes sociales :de réformiste, la
CFDT devenait anti-réformiste. Il faudra attendre le grand mouvement de 1995, pour que sous la pression de la lutte de classe (1)
une fraction de la CFDT (5 000 adhérents) quitte la centrale pour rejoindre Sud (2). Ensuite progressivement, la CFDT va perdre
des militants qui vont se répartir entre Sud
et l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA). La centrale devient hémo
phile. Pour le patronat. il semble que la CFDT soit définitivement grillée aux yeux des travailleurs, et le pantin Chérèque, dans
sa dernière représentation au Guignol de la réforme des retraites, achèvera de la dé
considérer.
2 - Des jeux bien réglés Pourtant, les jeux du cirque avaient été
préalablement bien ajustés entre Chérèque et Thibault.
<< En janvier, en effet. ils s'étaient partagés
les rôles. Ils feraient front commun le plus longtemps possible. Et à l'arrière, si la CFDT obtenait des contreparties significatives, la CGT, qui ne pouvait signer l'accord en raison des sacrifices demandés aux
( 1) Le thuriféraire Edmond Maire (à l'époque secrétaire général de la CFDT) pensait que la grève était du passé. (2) Sud, créé en 1989 (premières élections professionnelles aux PTT) atteindra le millier d'adhérents ct mtlitants à La Poste en 1992.
fonctionnaires, aurait reconnu que la négo
ciation avait permis des avancées, insuffisantes
mais réelles>> (Libération du 14 septembre 2003)
La CFDT, après ses honteuses négociations, subira de nouvelles et importantes dé
fections. Quant à Chérèque, il recevait les fé
licitations de la droite et de Raffarin. Et, pour faire bonne mesure, le ministre Fil lon avait tenu à saluer« 1 'attitude responsable>> et<< l'opposition raisonnable>> de la CGT.
A partir de 2003, la CFDT est aux prises
avec ses délégués de base qui sentent le sol se dérober sous leurs pieds et qui ne peuvent plus circuler dans les entreprises sans avoir de problème avec la base. II va donc de
nouveau y avoir de nombreux départs de la centrale, plus ou moins chaotiques.
A la SNCF, sur les 1 1 000 adhérents de
la CFDT, plus de la moitié décident de rejoindre la CGT, Sud ou 1 'UNSA. Joël le Coq, nouveau secrétaire général de la fédé
ration générale du transport et de 1 'équipe
ment CFDT (55 000 adhérents) et opposant à Chérèque, estime à 10 000 les départs,
dont la moitié chez les cheminots et le reste
chez les routiers. En Haute-Loire, 3 500 cédétistes pas
sent à la CGT locale, qui ne comptait que
2 500 adhérents A la Banque de France, 66 délégués ré
gionaux ne veulent plus rester à la CFDT. Ils seront bientôt suivis par de nombreux
autres délégués de la Banque. Cet afflux de nouveaux adhérents, pas
sés dans le moule CFDT, permet aux struc
tures de la CGT de faire le ménage parmi leurs contestataires (3). Les liquidations de
(3) Dans son livre Le Marâtè des mots. Les Mots du mar -ché (éd. Les Nuits rouges). Raoul Valette présente ainsi
le contestataire · " Opposant modéré parfois factice ; c'est à la fois un esprit fort ct un velléitaire qut sait où il ne veut pas aller sans pour autant savoir où il veut aller. ))
ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005-41
SYNDICATS
LES NÉGATIONNISTES DE LA LUTTE DE CLASSE Les grandes centrales préparent une nouvelle internationale syndicale au niveau européen
1.. - La nature profonde du syndicalisme rassemblé
Le 3 novembre 2004, s'est tenu un im
portant et décisif rassemblement de la CGT des secteurs financiers (banques ct assurances) : 351 participants représentant
351 syndicats sont venus pour débattre du <<syndicalisme rassemblé>>, en présence du secrétaire général de la confédération, Ber
nard Thihault. L'objet de cette réunion était de favori
ser l'unification par le bas de la CGT et de la CFDT sur la base des<< trahisons>> successives d'une CFDT qui n'est plus à même
de faire passer les plans de régression sociale élaborés par la CES (Centrale euro
péenne syndicale). Si l'on s'en tient à l'évolution historique,
1 'assurance, puis la banque ont été depuis une vingtaine d'années le terrain d'essai de toutes les attaques contre les droits sociaux, comme la dénonciation des conventions col
lectives. La fédération des secteurs finan
ciers de l'assurance, particulièrement réformiste, a adhéré à l'association Attacet fait partie d'une instance de<< dialogue social>>, Uni-Europa (inconnue des adhérents de base), dont les orientations exclusive
ment sociétales et gestionnaires définissent en fait un syndicalisme d'accompagnement au langagè radical, candidat à une gestion
40- ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005
forte et verticale, embryon d'un syndica
lisme mondialisé. Et le 17 juin 2004, la commission exé
cutive de la CGT se prononçait en faveur d'une<< nouvelle internationale syndic;..le ».
Soyez tranquille, il ne s'agit pas d'une<< internationale syndicale rouge». Mais, sur le principe que la CGT s'associe au processus
de réflexion engagé par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL)
ct la Confédération mondiale du travail (CMT) sur la création d'une nouvelle in
ternationale syndicale. On peut se demander, pourquoi même
au niveau international il est question de
<<syndicalisme rassemblé». Lors de son XVIII' congrès mondial, la CISL ( 148 millions de syndiqués) a lancé un processus d'unification avec la CMT (26 millions de membres). Un tel processus regrouperait le courant social-démocrate de la CISL et le courant démocrate-chrétien de la CMT.
Compte tenu du passé contre-révolution
naire des deux confédérations, il faut s'attendre à un resserrement du contrôle social dans les entreprises de la planète.
Il nous semble important, de souligner
que la stratégie d'alliance CFDT -CGT par le
haut du 46' Congrès de la CGT à Strasbourg, en février 1999, ayant échoué (Nicole Notat s'étant fait siffler par la salle). une c.traté-
logique tend à escamoter la contestation sociale derrière le vote« non >>à la consti
tution européenne lors du référendum organisé le 29 mai, laissant croire que ce vote ou v ri ra une voie dans ce qui est présenté
comme un obstacle à toute revendication
d'amélioration sociale. La<< gauche de la
gauche» s'embarque allègrement dans cette voie. dans une grande confusion, jouant objectivement le rôle que le système attend d'elle : une récupération des déçus du réformisme ramenés dans les ornières
de la politique et du système capitaliste. Mais c'est aussi un exercice d'équilibre dangereux car, quel que soit le résultat final, les espoirs portés par cette campagne
peuvent avoir un effet boomerang et remmettre au premier plan les problèmes sociaux qu'on tentait de camoufler et de dévier.
La polarisation sur la situation sociale actuelle, qu'elle soit attribuée (faussement)
à l'Union européenne ou non, constitue l'amorce d'un mouvement global qui pour
rait dépasser largement ses protagonistes. Le gouvernement en est bien conscient,qui tente de désamorcer ce mouvement par de dérisoires mesures, par crainte plus d'une
explosion sociale que d'un vote de rejet de la constitution européenne.
LE RISQUE POLITIQUE ET SYNDICAL de la
montée de mouvements non contrôlés a pu être mesuré récemment dans
une réalité brutale qui a balayé les digues du
contrôle social. Deux conflits sont venus
illustrer le fait qu'un« malaise>> social diffus et généralisé peut se traduire par une explosion soudaine à propos d'incidents en
apparence mineurs.
Le premier de ces conflits est une grève sauvage des contrôleurs de la SNCF qui, en quelques heures, a paralysé pendant plu-
sieurs jours le trafic ferroviaire. Le fait isolé du viol d'une femme contrôleur dans
un train de ligne secondaire a mis au premier plan tous les méfaits de la rationalisation du système ferroviaire au nom de la productivité. Bien qu'il se soit agi d'un mouvement ca
tégoriel (et d'une catégorie pas spéciale
ment appréciée des voyageurs), la solida
rité immédiate et totale des agents concernés et la complicité évidente de l'ensemble des cheminots a montré que les problèmes spécifiques d'une catégorie rejoignent ceux de l'ensemble des travailleurs qui,
chacun dans son coin et avec les spécificités de son emploi, subissent les même pressions dans l'exploitation de leur force de tra v ai 1.
A quelques jours de distance, un conflit identique, bien que de moindre dimension, a paralysé sérieusement pendant quelques
jours l'aéroport parisien d'Orly. La chute mortelle d'une hôtesse d'une passerelle a mis
en cause un travailleur de l'aéroport, ac
cusé de ne pas avoir observé les consignes de sécurité. Les sanctions contre le« responsable >> ont déclenché une grève sauvage que direction et syndicat n'ont pu ré
gler que difficilement; là aussi, le conflit a révélé, au-delà de la solidarité catégo
rielle, une complicité passive des autres catégories de travailleurs dans la mise en cause des mesures productivistes relatives à la sécurité qui rejoignaient d'autres me
sures touchant l'ensemble des travailleurs de 1 'aéroport.
Ces grèves ont eu un premier effet global sur lequel bien peu ont insisté: elles ont montré l'inanité de tous les projets gouvernementaux (sur lesquels palabraient aussi les syndicats) d'une réglementation du droit de grève par 1 'instauration d'un ser
vice minimum précisément dans les transports. Devant 1 'unanimité des travailleurs
ÉCHANGES 112 · PRINTEMPS 2005-37
unis dans une lutte. toutes les réglementa
tions, même assorties d'un système de
sanctions. sont balayées, sans qu'aucun
contrôle, syndical ou répressif, puisse y
faire grand-chose.
On pourrait ajouter, pour illustrer ce
malaise global résultant de mesures di
verses touchant des catégories particu
lières, les manifestations récurrentes de
couches sociales aussi éloignées que les
chercheurs, les lycéens. les travailleurs des
centres d'appel, etc. Tous se heurtent à la
même attitude de ceux qui représentent les
autorités décisionnaires, à la fois promet
teuse, condescendante, louvoyante et ne
faisant finalement aucune concession- pas
tant par mauvaise foi que parce qu'ils sont
pris dans l'écheveau politico-économique
national, européen et mondial. Finalement,
en tentant de faire front avec les moyens
classiques, tous les pouvoirs et leurs auxi
liaires ne peuvent que ramener l'ensemble
des exploités à leur point de départ, la prise
de conscience que rien ne peut être réglé
dans le système. Celui-ci ne peut que gé
nérer les maux qui touchent. plus ou moins
durement, l'ensemble de l'humanité.
LA QUESTION que 1 'on peut se poser,
c'est ce que des mouvements comme
celui de 1 'Allemagne des années 1920, ceux de la France de Juin 36 ou de Mai 68
pourraient déclencher au niveau européen.
Le <<malaise social >> que nous venons
d'évoquer n'est pas spécial à la France; ce
n'est pas la << construction européenne »
qui serait porteuse d'une unification des
conditions prolétariennes et des luttes, mais
le fait que le capital en Europe se trouve
confronté aux mêmes conditions écono
miques et y répond de façon identique, tout en essayant de jouer sur les disparités que
nous avons signalées. Ce sont ces condi
tions sociales imposées par le capital et la
38- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005
solidarité prolétarienne qui en est la consé
quence qui créent l'unification de la classe.
Mais. nous ne sommes pas les seuls à y
penser : au renforcement national des ap
pareils répressifs directs (les forces de sé
curité qui peuvent servir pour tout<< trouble
social >>)ou indirects (les transformations où
aboutiront inévitablement les remous dans
les appareils syndicaux) correspond un ren
forcement des mêmes appareils à l'échelle
européenne. Une force européenne d'in
tervention rapide, si elle semble destinée à la protection d'intérêts européens notam
ment dans les ex-colonies, serait tout aussi
opérationnelle pour briser un mouvement
radical s'attaquant aux cadres nationaux de
contrôle. Tout dépendrait alors de la di
mension de la lutte de classe dans une éven
tuelle internationalisation.
Pour en revenir aux luttes en France,
faute de s'étendre d'une telle façon, toute
lutte ne pourrait que se résoudre, d'une ma
nière ou d'une autre (compromis et/ou ré
pression), que dans son cadre restreint.
Mais inévitablement elle serait porteuse
d'une réponse du système, c'est-à-dire
d'une transformation des conditions d'ex
ploitation et des conditions ultérieures de
la lutte elle-même.
H. S. (à suivre)
Dans une seconde partie, nous traite -rans des conflits récents, entre autres de ceux de la multinationale textile H &Mau Bourget et de l'usine Peugeot-Citroën d'Aulnay-sous-Bois, sites tous deux situés dans la banlieue nord de Paris
DANS LES PUBLICATIONS/FRANCE
+ " La grève du transport du Val-d'Oise (TVO) , et
" Les ouvriers en lutte de
Neusiedler (Slovaquie) ,
dans L'Insurgé no 3, 1" se
mestre 2005.
+ " Licenciements collectifs : faire payer au maxi
mum les entreprises ", dans Courant alternatif no 144,
décembre 2004.
+ " Un beau mouvement de solidarité ouvrière , à l'usine Péchiney-Aican d'Is
soire (Puy-de-Dôme) dans
Présence marxiste no 38,
janvier 2005.
+Sur les grèves à la SNCF
" De 24 h en 24 h , dans Al -
ternative libertaire, no 136
janvier 2005.
+ " Les emplois-jeu nes
dans la médiation sociale
une chance manquée ? ", dans La Gazette de la sa -
ciété et des techniques
no 29, novembre 2004. Une
analyse de l'impuissance du
réformisme social (copie à
Echanges.)
+ "Les néo-réformistes
éternels défenseurs des
institutions ,, dans Le Cam -
bat syndicaliste (Midi-Pyrénées) no 89, février-mars
2005.
+Dans CQFD no 20 (15 fe
vrier 2005 ) . " Un chèque
en blanc pour les négriers",
sur le travail au noir des sai-
sonniers agricoles dans les
Bouches-du-Rhône : pas
besoin de délocaliser, 1ci, on
exploite sur place presque
gratuitement. Un autre volet
sur l'expulsion des immigrés
dans l'opération de réhabilitation de Belzunce, un
quartier populaire de Mar
seille, objet d'une recon
quête immobilière par la
bourgeoisie locale.
+Chômeurs : 19% dans la région d'Alès. Un collectif
de chômeurs parle de la
lutte d'un groupe de chô
meurs dans un bras de fer
avec les institutions locales.
+ " Finissons-en avec Mi
natec (avant que ça com
mence), où pourquoi nous
occupons les grues du
chantier Minatec à Gre
noble , : tract sur le projet
de fair.e de Grenoble un pôle
international des nanotech
nologies, avec explications
simples sur cette nouvelle
percée technologique et ses
dangers pour l'avenir.
http :l/www.minatec.com où
vous trouverez d'autres
sites sur le même sujet
+ Pour recevo1r Cinquième
Zone, envoyer son mail à cz. courrier@ cinq u i eme
zone.org. (le no 187, 13 fé
vrier 2005 de cette publica
tion traite des manifs
étudiantes)
+ Sur les manifestations et
considérations sur le World
Economie Forum ( W E F,
Davos pour les non-initiés)
où se mélangent tout Je beau linge des classes dominantes
et de leurs serv1teurs paten
tés. dans T'okup n" 49 et 50
(janvier et février 2005).
Site: www.squat.net/ea
+ La lutte des intermittents
du spectacle qui se poursuit
inlassablement peut être
suivie pas à pas dans la pu
blication lnterluttants, or
gane de la coordination.
Site Internet www.cip-
idf.org.
+ On peut suivre les vicis
situde des salariés licenciés
de diverses filiales du quo
tidien Le Monde qui ferment
leurs portes sur la site In
ternet http://Jemondenlutte :
13 personnes à Aden(sup
plément hebdomadaire
fermé en décembre 2004),
27 salariés licenciés, dont
21 pigistes au Monde Initia -
tives (mensuel lancé en oc
tobre 2001 et supprimé en
avril2005), une vingtaine de
salariés licenciés sur 28
dans la maison d'édition
Desclée de Brouwer, La
Procure, Fleurus ..
ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005-39