Échantillonner le chaos

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2015126Échantillonner le chaos. Aby Warburg et l’atlas photographique de la Grande Guerre http://etudesphotographiques.revues.org/3173 1/22 N o 27 mai 2011 : Images de guerre, photographies mises en page Échantillonner le chaos. Aby Warburg et l’atlas photographique de la Grande Guerre Sampling Chaos : Aby Warburg and the Photographic Atlas of the Great War GEORGES DIDI-HUBERMAN Traduction(s) : Sampling Chaos Résumés Français English Cet article porte sur un aspect particulier dans la genèse du Bilderatlas Mnemosyne composé par Aby Warburg entre 1927 et 1929. Il s’agit de sa réaction tout à la fois « pathétique » (voire « pathologique ») et « épistémique » (c’est-à-dire méthodologique) aux événements de la Grande Guerre. Si l’histoire de la culture équivaut, pour Warburg, à une grande « psychomachie » des astra et des monstra, comme il disait, alors il semble évident que la guerre fut pour lui une mise à l’épreuve directe de sa « science de la culture » (Kulturwissenschaft). On ne s’étonnera pas que Warburg ait constitué, entre 1914 et 1918, une grande collection iconographique de la guerre dont on cherche ici à dégager les fondements théoriques en la comparant avec les tentatives de ses contemporains en Allemagne et en France (notamment chez Lucien Febvre et Marc Bloch). This article deals with a particular aspect of the genesis of the Bilderatlas Mnemosyne composed by

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GDD Huberman

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  • 2015126 chantillonner le chaos. Aby Warburg et latlas photographique de la Grande Guerre

    http://etudesphotographiques.revues.org/3173 1/22

    No 27 mai 2011 :Images de guerre, photographies mises en page

    chantillonner le chaos.Aby Warburg et latlasphotographique de la GrandeGuerreSampling Chaos : Aby Warburg and the Photographic Atlas of the Great War

    GEORGES DIDI-HUBERMANTraduction(s) :

    Sampling Chaos

    Rsums

    Franais EnglishCet article porte sur un aspect particulier dans la gense du Bilderatlas Mnemosyne compos parAby Warburg entre 1927 et 1929. Il sagit de sa raction tout la fois pathtique (voire pathologique ) et pistmique (cest--dire mthodologique) aux vnements de la Grande Guerre.Si lhistoire de la culture quivaut, pour Warburg, une grande psychomachie des astra etdes monstra, comme il disait, alors il semble vident que la guerre fut pour lui une mise lpreuve directede sa science de la culture (Kulturwissenschaft). On ne stonnera pas que Warburg ait constitu, entre1914 et 1918, une grande collection iconographique de la guerre dont on cherche ici dgager lesfondements thoriques en la comparant avec les tentatives de ses contemporains en Allemagne et enFrance (notamment chez Lucien Febvre et Marc Bloch).

    This article deals with a particular aspect of the genesis of the Bilderatlas Mnemosyne composed by

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    Aby Warburg between 1927 and 1929. It has to do with his reaction to the events of the Great War,a reaction which is at the same time pathetic (even pathological) and epistemic (that is to saymethodological). If the history of culture amounts, for Warburg, to a great psychomachia ofthe astra and the monstra, as he said, then it seems evident that the war for him was a direct test ofhis science of culture (Kulturwissenschaft). It is no surprise that between 1914 and 1918 Warburgcreated a large iconographic collection of the war whose theoretical foundations I wish here toexamine by comparing it with the efforts of his contemporaries in Germany and France (notably inthe work of Lucien Febvre and Marc Bloch).

    Texte intgral

    Disparates du monde, caprices delme et dsastres de lhistoire

    On pourrait bon droit considrer latlas Mnmosyne dAby Warburg (voirfig. 1-2) comme un outil pour recueillir ou chantillonner, par imagesinterposes, le grand chaos de lhistoire. Il sagirait, en somme, avec les planchesnoires de latlas constelles de figures en tous genres, de crer des plansdintelligibilit capables doprer certaines coupes du chaos pour constituer unesorte darchologie ou de gologie culturelle visant rendre sensiblelimmanence historique des images. Et comme par rebonds ou ricochets ilsagirait, enfin, de faire fuser de nouveaux concepts, de nouvelles faons de penserla temporalit sociale et culturelle. Je nemprunte ici au vocabulaire de GillesDeleuze et Flix Guattari que pour y indexer, une fois encore, la puissancephilosophique et laudace cet empirisme suprieur du projet de Warburg:Il sagit toujours de vaincre le chaos par un plan scant qui le traverse, criventDeleuze et Guattari en prcisant que cest comme si lon jetait un filet, mais lepcheur risque toujours dtre entran et de se retrouver en pleine mer1. Faon,pour nous, de redire et la puissance et la souffrance inhrentes au mme geste deWarburg: sa vocation aux astra (les concepts) toujours ramene la proximit desmonstra (le chaos). Au plan de leur charnire, ou plutt en travers des deux, setrouveraient donc ces planches de coupe opratoires que nous offre letaraudant recueil de Mnmosyne.

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    Pris en tenaille entre son ambition philosophique jamais formule jusquau bout fonder une Kulturwissenschaft pour refonder toute discipline historique, voiretoute science humaine et la modestie intrinsque de son attention aux cassinguliers, aux dtails de lrudition philologique, le projet de Warburg ne peut secomprendre vritablement qu travers ce quil vise sans jamais le saisir ou leconstruire jusquau bout. Latlas Mnmosyne se tient entre deux horizons que sonauteur voquait ou invoquait sans jamais, ou presque, les nommer. En amont setient lhorizon des Lumires et sa charnire romantique: cest Goya, cestBaudelaire parlant de Goya sous langle de lchantillon[nage] du chaos2,justement; et cest Goethe, enfin, dont la notion daffinit aura ouvert tant de voiespour repenser les pratiques de lobservation, du recueil, du recoupement, de lacollection, de latlas. En aval, contemporains de Warburg mais vaguement, pasvraiment tout fait ignors de lui, ce sont par exemple August Sander pour sonatlas des visages du temps3, Walter Benjamin pour ses images dialectiques oubien Sigmund Freud pour sa faon magistrale denvisager la puissance desmonstra. Tous et bien dautres encore cette mme poque auront pratiqudes coupes dans le chaos, des coupes visuelles comme autant de plans deconsistance o limmanence temporelle sexposait, ft-ce nigmatiquement, surchaque planche de latlas Mnmosyne.

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    chantillonner le chaos, y pratiquer des coupes pour en ramener comme dansle filet du pcheur ou comme dans lexhumation engage par larchologue despaquets dimages, rendre visible tout cela sur des plans ou des planches deconsistance visuelle:voil qui pourrait sentendre selon trois manires queFrancisco Goya a inscrites, par ses admirables sries graves, au fronton de toutenotre modernit: Disparates, Caprices, Dsastres. Les Disparates seraient unefaon de nommer lart dchantillonner le dispars, le chaos dans lespace:Warburg ne le pratique-t-il pas exactement jusque dans sa dimension joueuse,sa dimension de Witz lorsquil ose recueillir sur une mme planche datlas unsarcophage et une photographie arienne, une nymphe qui danse et un vieillardqui meurt, une petite monnaie de bronze et un arc de triomphe, un buste denfantet un souterrain amnag pour les sacrifices, une scne biblique et une leondanatomie, le monument Hindenburg et une publicit pour du papier-toilette4?Et nest-ce pas exactement dune connaissance par les montages quil sagit ici,cette connaissance non standard prconise pratique et thorise la mmepoque par Walter Benjamin dans son Livre des passages ou bien par GeorgesBataille dans sa revue Documents5?

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    Latlas Mnmosyne pourrait, en second lieu, se feuilleter comme un vritablerecueil de Caprices, explicitement prsent comme un art dchantillonner lechaos dans la psych ou dans limagination collectives. Il y a presque autant demonstres de la raison dans latlas de Warburg que dans la srie de Goya:divinits redoutables des anciennes religions orientales, titanomachies etpsychomachies, cratures fminines aux seins multiples, serpents monstrueux,cratures hybrides du zodiaque, tres difformes qui dansent de concert,mtamorphoses cruelles et prolifrantes, rotisme sadique, chutes vertigineuses,ttes grotesques et, partout, ces personnifications multiformes du cauchemar de laraison6. Nest-ce pas une telle prise au srieux des monstra psychiques que WalterBenjamin trouvait luvre dans le travail des surralistes qui auront voulu, leur faon et la mme poque , dresser limprobable inventaire desmouvements de lme inscrits mme les mouvements du dsir et du corps7? Laleon thorique commune ces auteurs, pourtant si diffrents, nest-elle pas quetoute connaissance du disparate met en jeu la structure mme et la nature demontage des images de la pense?

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    Nous dcouvrons enfin que latlas Mnmosyne fonctionne linstar dun recueilde Dsastres: le jeu des astra et des monstra y rend compte, en effet, de lhistoirehumaine dans ce quelle a de plus cruel et de plus violent. Les chantillons duchaos spatial ou figural y tmoignent dun chaos psychique lui-mmeindissociable de ses incarnations historiques et politiques. Cest que laconnaissance par montages ou par remontages engage toujours une rflexion surle dmontage des temps dans lhistoire tragique des socits. Et cest bien ce quisobserve directement sur les dernires planches de Mnmosyne,o Warburg auravoulu disposer les documents photographiques contemporains des accords duLatran, passs entre le dictateur Mussolini et le pape Pie XI8 (voir fig. 1). Il estbien sr, dans ces montages, question de survivances culturelles: celles-ci oprentcomme une coupe transversale dans la longue dure des relations entre pouvoir etimage (par exemple, la chaire de saint Pierre, visible sur la planche 79, renvoiesubtilement leffigie du souverain dj visible sur la planche 1), mais aussi dansla longue dure du paradigme thologico-politique (leucharistie, qui fait le thmeprincipal de la planche 79, renvoie galement, sa faon, aux foies divinatoires dela planche 1 en tant que supports, mystrieux ou mystiques, de la croyance et dupouvoir) (voir fig. 1-2).

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    Dislocation du monde et tragdiede la culture

    Mais il est aussi question, dans cette vritable symptomatologie culturelle, deprophtie politique: lultime planche de Mnmosyne dispose tous les indices dunelongue et rcente histoire de lantismitisme, de la propagande politique, voiredes bouleversements qui se profilent en cette anne 1929 qui voit le Mein Kampfde Hitler atteindre, Hambourg comme ailleurs en Allemagne, des records devente9. Nous voici, une fois de plus et en dpit des objets, des styles diffrents dans le voisinage de ces contemporains inquiets de Warburg que furent WalterBenjamin (pour sa thse magistrale dune organisation du pessimisme par lesimages mmes10), Kurt Tucholsky et John Heartfield (pour les montagespolitiques saisissants de leur ouvrage Deutschland, Deutschland ber alles, unBilderbuch publi au moment mme o Warburg composait ses derniresplanches datlas11), voire Bertolt Brecht qui composera, du point de vuecommuniste, plusieurs atlas dimages sur les tragdies de lhistoirecontemporaine12.

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    Non par hasard, Brecht convoquera lui aussi toute une longue dure culturelle depuis Homre ou Eschyle jusqu Voltaire ou Goethe pour tayer une formulesaisissante qui lui tait chre: une vritable formule du dsastre selon laquelle laguerre, et en gnral la dislocation du monde (die Welt aus den Fugen: lemonde hors de ses joints) constituerait, au fond, le vritable sujet de lart (dasThema der Kunst):

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    La dislocation du monde, voil le sujet de lart. Impossible daffirmer que, sansdsordre, il ny aurait pas dart, et pas davantage quil pourrait y en avoir un: nousne connaissons pas de monde qui ne soit dsordre. Quoi que les universits noussusurrent propos de lharmonie grecque, le monde dEschyle tait rempli deluttes et de terreur, et tout autant celui de Shakespeare et celui dHomre, deDante et de Cervants, de Voltaire et de Goethe. Si pacifique que part le compterendu quon en faisait, il parle de guerres, et quand lart fait la paix avec le monde,il la toujours signe avec un monde en guerre13.

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    Un monde en guerre? Lhistoire de lart ne doit-elle pas se lire dabord commeune histoire de formes? Latlas de Warburg na pas ignor ce point de vue et peutmme se feuilleter comme un ensemble de tables recueillir le morcellementvisuel du monde, son infinie variabilit ou invention formelle: Disparates deformes circulaires et de parois frontales, de mouvements fluides et de dispositionstabulaires, daffrontements horizontaux et de chutes verticales14 Mais Warburg,fondateur dune anthropologie des images et dune iconologie de leursintervalles, rfrait toute singularit formelle au jeu ou au conflit demouvements corporels, psychiques et culturels. Do limportance de ces gestes etde ces Pathosformeln dont latlas dispose les constellations comme autant deCaprices ou de psychomachies, ces puissances de limagination la croise dela folie et de la raison, du pathos et de lethos15. Voil pourquoi lhistoire desimages selon Warburg est penser comme lhistoire dune tragdie toujoursreconduite entre le pire des monstra et le meilleur des astra, la souffrance et lasophrosyn, la dislocation du monde et leffort de reconstruction, de remontage,pour constituer une coupe dans le chaos, cest--dire utilisons le vocabulairede Warburg lui-mme un espace de la pense (Denkraum).

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    Il nest donc pas de forme qui ne soit explicitement ou non, secrtement ounon rponse une guerre, une douleur historique et son lot de pathos16. Letrsor des formes est toujours, si cruelle quen soit la conjonction, un trsor desouffrances17 (Leidschatz). Do la teneur angoisse, voire lancragemlancolique, de la science sans nom invente par le grand historien des

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    images18. Do, une fois encore, laffinit essentielle qui noue lentreprise dAbyWarburg celle de Walter Benjamin qui nhsitait pas parler de lhistoirecomme histoire des souffrances du monde19 (Geschichte als Leidensgeschichteder Welt).Il y aurait encore bien dautres aspects dgager pour tablir lampleuret la profondeur de cette affinit20 et pour resituer luvre de Warburg, nonseulement dans le contexte des sciences de lesprit allemandes, mais encoredans cette constellation atypique des penseurs juifs htrodoxes21 laquelle, entoute discrtion, il appartient pleinement.

    Dans un tmoignage mouvant et prcis, Klaus Berger a dcrit Warburg sous lestraits dun homme qui, en dpit de son humour proverbial et de ses constants jeuxde mots, voyait toute chose sous langle ou sur le plan de consistance de ladouleur: Il ne disait jamais: ceci est juste, cela est faux. Il disait: ceci est voil parla souffrance22. Toute sa thorie des Pathosformeln tait fonde sur une pense antique ou nietzschenne de la tragdie; toute sa thorie de la mmoire visaitune pense psycho-historique des conflits entre monstra et astra23. Dans sonmagnifique loge funbre dAby Warburg, en 1929, Ernst Cassirer a parfaitementexprim ce qui, dans le travail de son ami, sorganisait pour comprendre lesformes travers des forces des nergies configurantes elles-mmesrepres dans lil de leurs propres cyclones, au milieu de la tempte et dutourbillon de la vie mme, cest--dire du dsastre o le temps ne cesse devouloir nous engloutir:

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    Son regard en effet ne reposait pas en premier lieu sur les uvres de lart, maisil sentait et voyait derrire les uvres les grandes nergies configurantes. [] Lo dautres avaient vu des formes dtermines dlimites, des formes reposant enelles-mmes, il voyait des forces mouvantes, il voyait ce quil appelait les grandesformes du pathos que lAntiquit avait cres comme patrimoine durable delhumanit. [] Mais cette capacit ntait pas seulement le don du chercheur, nicelui de lartiste. Il puisait ici dans sa propre exprience vcue la plus profonde. Enlui-mme, il avait fait lexprience et appris ce quil voyait devant lui et il ntaiten mesure de voir vraiment que ce quil tait en mesure de saisir et dinterprter, partir du centre de son tre propre et de sa propre vie. Tt, il avait lu la parolesvre il tait familier de la souffrance, familier de la mort. Mais du cur decette souffrance lui vinrent la force et la particularit incomparables du regard.Rarement chercheur avait davantage et plus profondment dissout sa souffrancela plus profonde en regard et ly avait libre. [] Warburg ntait pas scientifiqueet chercheur au sens o, impassible, il aurait contempl de haut le jeu de la vie etsen serait rjoui esthtiquement dans le miroir de lart. Il se tenait toujours aumilieu de la tempte et du tourbillon de la vie mme; il pntrait jusquen sesproblmes tragiques ultimes et les plus profonds24.

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    Cassirer, dans ces lignes, fait videmment rfrence deux pisodes cruciaux dailleurs insparables, on va le constater dans la vie dAby Warburg. Cettesouffrance ou cette exprience vcue la plus profonde nest autre que la folie deWarburg, celle qui le tint reclus, hurlant et impuissant, entre les murs dusanatorium de Kreuzlingen, et au sortir de laquelle le projet de Mnmosyne faitfigure de sauvetage psychique et de remise en chantier de sa pense tout entire.Cassirer fut lun des rares visiter Warburg dans son asile, le 10 avril 1924. Il saitdonc bien de quoi il parle, dans son discours de 1929: il sait le conflit intrieur, laguerre viscrale que lhistorien dart avait d mener contre ses plus intimesmonstra.

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    Mais Cassirer noublie pas, non plus, le contexte ou le creuset historique danslequel ce conflit avait pris place. Que Warburg se soit tenu toujours au milieu dela tempte, cela signifie galement que ses monstra, tout profonds quils fussent,ntaient pas une simple affaire de subjectivit, mais bel et bien une affairedhistoricit et, mme, de culture. Il ny aurait peut-tre pas eu de guerre

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    viscrale de dclenchement psychotique sans la guerre mondiale, la guerresociale, la guerre obsidionale, cette sorte de guerre sidrale que Warburg, entre1914 et 1918, aura vcue intensment jusqu la folie, depuis le milieu de latempte et du tourbillon. Il nest pas fortuit quen plein milieu de la SecondeGuerre mondiale, en 1942, Ernst Cassirer lui-mme ait fini par consacrer unetude presque testamentaire la notion de tragdie de la culture: dans cetexte, les vocations de Hegel, de Goethe ou du texte classique de Georg Simmel25convergent naturellement vers lanthropologie des images et des croyances chre Warburg comme au point de vue qui, dsormais, pourrait servir de rfrence toute rflexion sur le destin tragique de la culture aux temps de la dislocation dumonde26.

    Carl Georg Heise a insist, dans ses Persnliche Erinnerungen an AbyWarburg, sur la souffrance indescriptible prouve par le savant, ds 1914,devant ce quil nommait la Weltkatastrophe, la catastrophe du monde27. Laguerre fut littralement soufferte par Aby Warburg et, en ce sens, porte pleines paules comme le ferait un Atlas paen ou un Juste hbraque selonplusieurs dimensions conflictuelles dont le jeu psychique combin aura fini parbriser son me, en 1918. La guerre mondiale apparaissait dabord, lvidence,comme une tragdie pour la culture: avec elle sinstaurait le rgne de la violencepure, du conflit radicalis outrance. Neuf millions de morts et vingt et unmillions de blesss dtres estropis, dfigurs entouraient, en 1918, lhistoriendu Nachleben (fig. 3). Socits brutalises (selon lexpression de lhistorienGeorge Mosse), hommes simplifis (selon une formule de Frdric Rousseau),raison sacrifie aux rationalisations de la tuerie (selon les analyses de Daniel Pickou dAlan Kramer): la Grande Guerre ouvrait bien ce que Wolfgang Sofsky a finipar nommer lre de lpouvante au XXe sicle28.

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    Il est probable quAby Warburg ait compris, comme il le faisait toujours enhistoire de lart, les vnements de la guerre elle-mme dans la perspective duneeffrayante longue dure, celle dune guerre civile europenne quEnzoTraverso aura reconceptualise bien au-del des hypothses dErnst Nolte29 dans laquelle les monstra nallaient pas cesser de menacer toute vie et touteculture humaines. Que le savant, depuis le fond de son dlire, ait imaginquelquefois quil tait responsable de cette guerre ne doit pas tre interprt sousle seul angle de sa draison: Warburg, cet homme de culture, tait galement aucentre dune famille de banquiers qui participaient directement aux buts de laguerre conomique allemande, tout en agissant, dj, sur le plan montairemondial30.

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    Voil pourquoi la Premire Guerre mondiale, cette tragdie pour la culture, futgalement, aux yeux dAby Warburg, une tragdie dans la culture: une tragdietouchant le cur mme de ce que lhistorien avait toujours tent de comprendrejusqu fonder cette belle discipline de la Kulturwissesnchaft. Nous pouvonsimaginer, par exemple, le bouleversement quaura suscit, chez Warburg,ladoption unilatrale du mot Kultur par la propagande militariste allemande quivoulut lopposer, ds 1914, au mot Zivilisation cens dnoter contre les valeursternelles de la Kultur germanique le monde ennemi, le monde franco-anglaisde lutilitarisme technique et conomique. Nous devons imaginer comment unthoricien de la culture envisage comme un perptuel passage des frontires ces migrations (Wanderungen) spatiales et temporelles qui font lessentiel desanalyses warburgiennes pouvait observer la clture agressive de toutes lesfrontires, la mise en uvre des combats de tranches, limmobilisation des lignesde front quil consignait quelquefois, dans ses carnets, avec inquitude et fbrilit(fig. 4).

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    Il faudrait une tude spcifique pour mettre en perspective la rponsemotionnelle et intellectuelle de Warburg aux vnements de la Grande Guerre

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    leffet du dsastre sur son pathos comme sur son logos dans le contexte dunevritable histoire culturelle de cette priode31. La guerre de 1914-1918, nous lesavons, fut aussi une Kulturkrieg et une Bilderkrieg mobilisant les socits civilestout entires32, et dabord ce quon a coutume dappeler, justement, les litesculturelles. Les intellectuels furent trs nombreux se mobiliser sur les deuxfronts du conflit, le plus souvent avec la dernire nergie patriotique etnationaliste, nergie laquelle Warburg lui-mme na pas t sans apporter sacontribution33. Dans la grande crise europenne, dont Pierre Renouvin fut lundes premiers faire le diagnostic34, il faut compter au premier chef cette crise delesprit voque, ds 1919, par Paul Valry35.

    Il est bien probable que Warburg, dans un tel contexte, ait eu lintuition quunenouvelle et radicale psychomachie se dclenchait dans lEurope de 1914: conflit,une fois encore mais plus cruellement, plus brutalement que jamais , des astraet des monstra, sauf que, dsormais, les monstra avaient lu domicile jusque dansle ciel lui-mme (guerre arienne, bombes au gaz), sans compter le ciel des ides(nationalisme, propagande). Tel est le mouvement inluctable dune crise de laculture que la Seconde Guerre mondiale devait rendre plus vidente encore danslanalyse impitoyable quen allaient faire quelques penseurs juifs de la gnrationsuivante, tels Walter Benjamin, Theodor Adorno, Hannah Arendt ou encore LeoStrauss36. Cest ainsi quavec les premiers jours de la Grande Guerre aura, pourainsi dire, sonn lheure des derniers jours de la raison37.

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    Lampleur de cette psychomachie se mesure, par exemple, la prodigieusequantit de publications, de tmoignages, de rflexions et de rcits consacrs laguerre dans le temps mme de son droulement: au point quon a pu parler doragesde papier dclenchs dans lespace culturel comme une doublure langagire auxorages dacier qui se dchanaient sur les lignes de front elles-mmes38. Livres,journaux, placards, tracts, affiches, lettres mais aussi tableaux, mdailles, cartespostales, photographies, musique et cinma tmoignent, cette poque, duneextraordinaire activit de mise en reprsentation et de mise en rcit. Le critique JuliusRab, qui fit paratre plusieurs anthologies dans le cours de la guerre, estimait cinquante mille le nombre de pomes de guerreenvoys chaque matin auxjournaux allemands. Vers la fin de la premire anne du conflit, quelque deux centsvolumes de Kriegslyrik avaient dj t publis en Allemagne39. Et cela nest encoreque peu de chose si lon se penche sur la production des rcits de guerre, olventail entier des styles depuis le tmoignage factuel jusquaux grandesreconstructions lyriques, en passant par le roman, bien sr se trouvaitreprsent40.

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    Mais la teneur intrinsque de cette psychomachie semble plus difficile formuler. On peut nanmoins, en suivant lide fondamentale propose parWarburg dun largissement mthodique des frontires41, considrer quuneguerre parallle se droulait en Europe sur la question mme des frontires de lapense. Nombreux furent les crivains et les intellectuels vouloir refermer lesfrontires et assumer les combats de tranches, les retranchements du point de vue,les lignes de front historiographiques: faon de pratiquer une politique de lennemitelle quon la voit luvre dans les rcits dErnst Jnger, par exemple, lorsquilglorifie les guerriers de tous les temps, justifie le combat comme exprienceintrieure et avnement dun monde nouveau, clbre lobscure magie duneguerre cratrice de tout un dploiement dnergies techniques qui nous obligent une mobilisation totale guide par lesprit de lhrosme42... En continuantdaffirmer bien plus tard que lessentiel est la sauvegarde dun nomosparticulier, dun mode dtre qui saffirme dans la culture et que lon protge dans lecombat43, Jnger rendra plus vidente encore sa proximit de base avec les idesde Carl Schmitt sur la souverainet et sur un nomos de la terre dfendre detoute invasion, de toute contamination, de tout ennemi44. Dans sa prface la

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    premire dition du Dclin de lOccident, date de dcembre 1917, Oswald Spenglersouhaitait, dans le mme esprit, que [son] livre puisse ne pas tre tout faitindigne des sacrifices militaires de lAllemagne45.

    Aby Warburg, que je sache, ne sest jamais exprim publiquement sur de tellesprises de parti. Il tentait plutt, travers la publication dune Rivista illustrata quine connut que deux numros, en 1914 et 1915, de tendre la main ses amis depense italiens qui taient aussi les ennemis de lAllemagne en guerre46 (fig. 5-6).Sa souffrance devant le conflit na cependant jamais franchi le pas du refus, de ladfense des mutins ou de la position pacifiste47. Mais on pourrait retrouverquelques accents warburgiens dans les rflexions vhmentes dun Karl Kraus lanti-Jnger par excellence sur la Grande Guerre mene selon lui avec unmlange nfaste de pathos ancien et de techniques nouvelles: Comment faisons-nous la guerre? En dirigeant des sentiments anciens avec la technique48. Contreles potes qui obtemprent la guerre et acceptent que celle-ci rabaisse lamort au hasard49, Kraus en appelait mme aux dieux en exil pour que les tats,tout leurs stratgies militaro-conomiques, cessent un jour dassassinerensemble le monde et le monde de la culture:

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    Mais quest-ce que cest que ce mli-mlo mythologique? Depuis quand Marsest-il le dieu du commerce et Mercure le dieu de la guerre? [] Je comprends quequelquun sacrifie du coton pour sa vie. Mais linverse? Les peuples qui adorent leftiche ne tomberont jamais si bas, de supposer dans la marchandise une me. []Chaque tat est en guerre avec sa propre culture. Au lieu dtre en guerre avec sapropre inculture. [] Ce qui sentreprend au profit de ltat sachve souvent audtriment du monde50.

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    Ds 1909, Karl Kraus avait conjugu les motifs du progrs et delapocalypse51, bien avant, donc, ses fameuses prises de position de 1930 et1933 sur Les Derniers Jours de lhumanit et la monte du nazisme52. Contre lapolitique de lennemi mene par tous les nationalismes europens en mal derefermer les frontires, il incarnait alors, parmi dautres, la voie dune vritablecosmopolitique bien dcide se passer de tout droit de douane (je cite l unclbre mot de Warburg illustrant sa mthodologie de llargissement desfrontires). On constatera, une fois de plus, quil revient Walter Benjamindavoir produit les formulations les plus rigoureuses et les plus foisonnantes pourcette prise de position: dans le mme temps o il prenait publiquement la dfensede Karl Kraus, Benjamin a su montrer la composante fasciste des rcits de Jnger,cette glorification de la guerre [mene comme] une transposition dbride desthses de lart pour lart53.

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    Lauteur de Sens unique na pas confondu lampleur de la psychomachieeuropenne avec sa teneur relle: en dpit, donc, du dluge de rcits de guerrepartout dits, il a su diagnostiquer une vritable crise du rcit correspondant tout la fois la crise de lhistoire le monde dmont de la Grande Guerre et celle de lhistoricit positiviste, ce modle pistmique travers lequel les tempsnouveaux ne pouvaient plus, dsormais, tre compris et dchiffrs. DansExprience et pauvret, Benjamin a os dire contre tout patriotisme et touthrosme quen 1918 les gens revenaient muets du champ de bataille [] nonpas plus riches, mais plus pauvres en exprience communicable54. Dans Lacrise du roman, il a propos, sur lexemple dAlfred Dblin, de voir dans lemontage documentaire une alternative aux impasses du rcit classique, ft-ilrcit de guerre aux ambitions piques55. Dans Le conteur, enfin, il est revenusur la crise du rcit ne de lexprience de la Grande Guerre tout en invoquant lavoie des survivances immmoriales populaires essentiellement, pauvres pourainsi dire dans lart de raconter56. Faon den appeler Mnmosyne (lammoire) par-del les tragdies de la culture devant lesquelles Clio (lhistoire)navait pu que tomber malade malade des modernes barbaries , selon la

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    Warburg devant la guerre:Notizksten 115-118

    belle prosopope crite en 1917 par Charles Pguy57.

    La Premire Guerre mondiale na laiss personne la chance de se tenirindiffrent ou de rester indemne. Chacun en Europe, dune manire ou duneautre, fut expos cette guerre. Nul nen revint inchang. Tous, un moment ou un autre, se sont pos la question de savoir comment sorienter commentmaintenir un horizon de pense, de projet, de dsir dans une telle situation.Quand Walter Benjamin insista sur les obstacles tragiques opposs la possibilitde lexprience par une guerre frappe du sceau de limpensable le cours delexprience a chut , ce fut aussitt pour invoquer la tche, videmmentdifficile, de recommencer au dbut, reprendre zro, se dbrouiller avec peu,reconstruire avec presque rien58. Et dutiliser la mmoire pour quau milieu de ladestruction un dsir de penser ft encore possible59.

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    Certains furent plongs au cur des batailles. Ce fut le cas de lethnologue RobertHertz, lve et ami de Marcel Mauss, qui mourut sur le front de la Meuse en avril1915 non sans avoir, par missives interposes, laiss de lumineuses traces de sapense aux aguets60. Ce fut aussi le cas des deux grands historiens fondateurs delcole des Annales, Lucien Febvre et Marc Bloch. Lucien Febvre a combattu sur lesfronts de lOurcq, Reims et Douaumont; il a t le thoricien et linitiateur dunemthode de combat dite du tir crois; il na jamais cess, durant toute la guerre,de noircir des carnets, de cartographier les lignes de front, de dessiner ce quilentourait, de runir des photographies61(voir fig. 7). Il na pas vritablementintgr cette exprience de la guerre dans ses analyses ultrieures, sauf peut-tre, mi-mots et, non par hasard, en 1943 , dans son texte intitul Vivre lhistoire62.

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    Marc Bloch a, pour sa part, labor son exprience des tranches en crivant denombreux textes, en dessinant et en prenant lui-mme des photographies quilaccumula durant toute la guerre: plans, listes, rcits au jour le jour, portraits decamarades, visions de la nature dvaste, rapports doprations, tout cela faisantcorps dans une mme documentation arrache lurgence63 (voir fig. 8 11). Ds1914, Marc Bloch tint sa place dhistorien part entire cest--dire de critiquedes faits et des discours en publiant un texte intitul Critique historique etcritique du tmoignage, prolong en 1921 par les Rflexions dun historien surles fausses nouvelles de la guerre64. Or il tait dj question, dans ces analyses,de tout ce qui faisait, paralllement, le cur de la problmatique warburgienne: savoir une psychologie historique capable de discerner la raison (Warburg etdit: les astra) des pouvoirs de limagination (les monstra) en temps de guerre,jusqu cette mmoire collective dont Marc Bloch voquait le concept, non pas partir de Warburg quil ignorait sans doute, mais de son compatriote et amiMaurice Halbwachs65. Le paralllisme des attitudes de Marc Bloch et dAbyWarburg face la guerre a dj fait lobjet dune analyse serre de la part dUlrichRaulff66. Elle mriterait, un jour, dtre prolonge sur le terrain plus fondamentalde la mthode, par exemple sur la question du comparatisme culturel et sur lateneur historique des images dont Marc Bloch partageait lintrt sans jamais, ilfaut bien le dire, lavoir dvelopp systmatiquement avec lcole dAbyWarburg67.

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    Lauteur de Mnmosyne na, certes, jamais connu le fracas des bombes etlhorreur quotidienne des tranches dont tmoignent tant de carnets de guerrede cette poque (voir fig. 12-14). Mais il sest, corps et me, expos la guerre: dsle dbut du conflit, il a entirement rorganis le fonctionnement de sa recherche,

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    de sa bibliothque, en vue de comprendre la grande psychomachie des monstraet des astra qui se jouait sur un plan fondamental dont seule une psycho-histoire, ses yeux, tait capable de rendre compte. Comme la bien montrReinhart Koselleck, toute mutation de lexprience engage un changement demthode dans la pratique historienne elle-mme68. Mon hypothse, on lauracompris, est que ce changement aux consquences pistmologiquesconsidrables se sera incarn dans latlas Mnmosyne et dans les orientationsthoriques que son invention mettait au jour.

    Cest en homme des Lumires quAby Warburg a dabord voulu rpondre auxdchanements irrationnels du conflit mondial. Alors que la banque familiale installe dans la petite ville de Warburg, puis Hambourg, depuis le XVIe sicle participait logiquement aux efforts de guerre allemands, il eut rflchir,douloureusement, la recension des juifs (Judenzhlung)commande enoctobre 1916 par certains officiers de larme aux fins de mettre en vidence lasoi-disant sous-reprsentation des combattants juifs sur le front69. Il pensait,cependant, que les astra pourraient en dcoudre efficacement avec les monstrasur le terrain mme de la culture et des ides. Cest pourquoi il mit tant dnergie fonder, avec lethnologue Georg Thilenius et le linguiste Giulio Panconcelli-Calzia,cette Rivista illustrata destine maintenir le tissu intellectuel europen de faon,notamment, ne pas couper les intellectuels allemands de leurs collguesitaliens70 (voir fig. 5-6). On peut y lire, notamment, une notule signe parWilhelm von Bode le directeur des muses de Berlin sur le devoir de protgerles uvres dart en territoire ennemi, ou bien un compte rendu factuel concernantles perscutions religieuses sur le front russe71.

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    Devant une guerre quil considrait, sur le plan anthropologique voiremtapsychologique comme une Urkatastrophe, une catastrophe originaire,Aby Warburg tentait donc de situer son travail sur le plan dune lutte avec lesides: une lutte contre certaines ides (celles qui dressent lhomme contrelhomme, celles qui veulent refermer les frontires, creuser des tranches, dresserdes lignes de front) laide de certaines ides (rouvrir mthodiquement lesfrontires, reconnatre la porosit des cultures, revendiquer la perptuellemigration de lesprit). Cest ce qui justifiera, notamment, son enthousiasmepour lide dune Socit des Nations et pour les efforts de rconciliation franco-allemande. Lorsque, en 1926, Aristide Briand et Adolf Stresemann reurent le prixNobel de la paix au nom de cette rconciliation si difficile, Aby Warburg entrepritde faire diter un timbre-poste une image passe-frontires au titre significatif:Idea vincit72. Formule qu lpoque de Mnmosyne, soit en 1928-1929, onretrouvera encore dans le manuscrit des Grundbegriffe: Lide vainc tout estpossible (Idea vincit alles ist mglich73).

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    Mais le fondateur de liconologie moderne savait bien que toutepsychomachie culturelle sincarne dans des images affrontes les unes auxautres (ce serait l une faon politique dexprimer le concept, crucial chezWarburg, de la polarit): des images qui, successivement, traduisent ettrahissent les ides, les rendant tour tour accessibles et incomprhensibles,simplifies ou mises en abyme. Voil pourquoi la lutte avec les ides nallait passans une lutte avec les images: une lutte contre certaines images (propagande,mensonge, antismitisme) laide dautres images (survivances, comparaisons,dconstructions de lidologie). Ce qui supposait, dans lesprit de Warburg,ltablissement dune documentation extensive sur la guerre, runie dans laKulturwissenschaftliche Bibliothek ds le dbut des hostilits.

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    Documentation considrable, si lon garde lesprit le caractre priv, familialpour ainsi dire, de linstitution de recherche fonde par Aby Warburg. Au moinsmille cinq cents ouvrages de guerre furent acquis par la bibliothque entre 1914 et1918. Et dinnombrables photographies furent runies: cinq mille environ, selon le

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    catalogue, mais dont beaucoup se sont perdues, probablement lors du transfert dela bibliothque Londres en 1933. On peut en consulter aujourdhui quelque1 445, rparties dans trois fichiers. Ce sont des photographies de presse, desimages achetes aux services de lArme allemande, des cartes postales, destimbres-poste Mme rduite du tiers de sa quantit originelle, et mme siWarburg semble avoir renonc lorganiser en atlas, cette documentationiconographique offre dj limpression que laisseront bientt les planches deMnmosyne: quelque chose comme un dsordre gnialement organis, uneprofusion dimages o surgissent dextraordinaires affinits renvoyant aux motifsles plus fondamentaux de la Kulturwissenschaft warburgienne.

    Que voit-on sur ces images? Des difices anciens ou religieux, monuments dunelongue dure culturelle, effondrs sous les bombes; des colonnes doriques criblesdimpacts de mitrailleuses (voir fig.15). Beaucoup dimages ariennes (signes, parexcellence, de la guerre moderne), dont la plupart offrent un aspect lunaire ouantdiluvien (comme un signe de ce que toute destruction en appelle un regardarchologique, voir fig. 16). De terribles visions du front envahi de barbels, lavgtation ravage, le tout offrant laspect dune gravure exagrment noircie,paysage fantomatique la Hercules Segers ou vestiges dune apocalypse dessine parquelque peintre expressionniste (voir fig. 17). Partout, les stigmates delUrkatastrophe, mais partout, galement, les signes dune gestion technique duravage, comme sur les documents o lon voit comment larme, dsormais, exige dela guerre quelle soit reproductible et mise en images, photographiques oucinmatographiques (voir fig. 18).

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    On reconnat aussi, dans cette collection de cauchemar, le sens des paradoxesvisuels si caractristique du regard warburgien. Les explosions ariennes,effrayante nouveaut technique de cette guerre, dissminent dans le ciel de jolispetits nuages blancs, trs semblables ceux que tout historien de lart a coutumede voir dans la peinture des primitifs italiens (voir fig. 19). Le dirigeable motifque lon retrouvera bientt dans Mnmosyne atteint par un avion-chasseur offretout la fois laspect implacable du document technique et le pathos dune chutemythologique, quelque part entre le char de Phaton et la prcipitation desdamns dans lEnfer (voir fig. 20). Limage dun cheval bizarrement suspendu au-dessus de la mer possde la splendeur involontaire dun plan dEisenstein(voirfig. 21). Mais les gerbes de cannes dans latelier de lartisan nous rappellent, enmme temps, combien cette guerre aura pu estropier, dfigurer et rduire leshommes aux douleurs de la mutilation, de la dissemblance (voir fig. 22).

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    Ailleurs se succdent, dans un apparent ple-mle, les dfils militaires, lelangage des gestes pour la signaltique maritime, Sainte-Sophie de Constantinopleinvestie par lArme allemande, les faisceaux de la DCA dans la nuit, des villagesen ruines, des maquettes destines aux stratges, les catalogues de vtementsfabriqus en ersatz de papier, des carcasses de chars dassaut, ladieu des femmesplores aux marins en partance, des autels dglise couverts dex-voto militaires,des navires qui explosent, lappareillage technique des tourelles de tir, lesobsques dun juif (tu au combat?), des chantiers navals en pleine activit, desbombes abandonnes sur une plage, des maisons ventres par le milieu, desponts briss en deux, des monuments aux morts, des bibliothques pour larme,la rencontre dun sous-marin dernier cri et dun voilier des sicles passs, leretraitement des dchets, des vhicules tout-terrain, un lphant du zoorquisitionn pour leffort de guerre, des cercueils bants, des pylnes dmantels,les orchestres du front, les ambulances de campagne, les blockhaus dans la fort,la fabrication du pain en temps de pnurie, les tickets de rationnement, la misredans les rues, une range de bufs corchs labattoir, un cimetire militaire defortune, des soldats investissant un shtetl dEurope centrale, une procession de laPque orthodoxe sur le front de lEst

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    Vers une anthropologie critique de laguerre

    Il est clair quaux yeux de Warburg cette cacophonie iconographique avaitautant de signification que pouvait avoir, aux yeux de Sigmund Freud, le dsordregestuel dune attaque hystrique: ce kalidoscope visuel ne serait, tout prendre,quun recueil de symptmes, cest--dire une immense gologie de conflitstravaillant lair libre, traversant les surfaces et grouillant dans les profondeurs. Ilfallait, par consquent, se donner les moyens historiques, philologiques,archologiques, philosophiques dinterprter lUrkatastrophe dans lapparentedissmination de ses aspects. Do ltablissement, au sein de la bibliothque,doutils pour archiver et classer sur fiches les innombrables motifs de cette grandepsychomachie moderne. La Kriegskartothek de Warburg comprenait, en 1918,soixante-douze botes runissant environ 90 000 fiches74. Nous restentaujourdhui, dans larchive de Londres, trois botes de fiches (Notizksten)numrotes 115, 117 et 118, qui portent tmoignage de lintense travailphilologique men par Warburg et ses collaborateurs paralllement son recueiliconographique.

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    Ces botes ont t dpouilles ds 2002 par Claudia Wedepohl. Le Kasten 115sintitule Guerre et culture (Krieg und Kultur): il recense les objets (mdailles,cartes postales, muses de guerre) autant que les outils thoriques pour en menerlinterprtation (la sociologie de Max Weber, par exemple). Le Kasten 117sintresse plus particulirement aux superstitions de guerre (Aberglaube imKrieg)et recueille tout un matriel, dordre historique et ethnologique, qui a djfait lobjet dun colloque75 (voir fig. 23). Le Kasten 118 sintitule Guerre et art(Krieg und Kunst)et couvre un champ considrable qui va des cartes postalesreprsentant Hindenburg et des images pour la propagande en gnral jusquaux manifestes futuristes de Marinetti. Un petit agenda aux anneauxmtalliques, sur 134 feuillets, complte ce dispositif en tablissant les bases dunindex o les critures diffrentes tmoignent dun engagement collectif autour duprojet warburgien. Les entres de cet index vont de la Prhistoire(Vorgeschichte)de la guerre aux diffrents secteurs gographiques de sondroulement, de la Religion aux Techniques dhygine (Technik-Hygiene),de la Posie (Dichtung) lthique (Ethik), des Usines darmement(Mnitionsfabriken) la Littrature de guerre (Kriegsliteratur)et des Figuresclestes (Figurae Coeli)au Cinma76 (Kino).

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    Lentreprise dhistoire culturelle et diconologie mene par Aby Warburg sur laGrande Guerre mrite, videmment, dtre contextualise. Elle fait, sa faon,partie de ces orages de papier qui, ds 1914, se sont dchans travers lemonde intellectuel europen. Elle sinscrit, notamment, dans le phnomnespcifiquement allemand dont on ne trouve, en France, que peu dexemples cette poque des collections de guerre (Kriegssammlungen)qui ont fleuri grande chelle: depuis la Kaiserliche Universitts- und Landesbibliothek deStrasbourg (qui fut dj pour Warburg, la fin du XIXe sicle, un modle pour safuture Kulturwissenschaftliche Bibliothek) jusqu la Bibliothque royale deBerlin, la Deutsche Bcherei de Leipzig ou la Bibliothque universitaire dIna.Sans compter les extraordinaires collections prives de Theodor Bergmann Frthet de Richard Franck Berlin et Stuttgart, une vritable institution quinemployait pas moins de vingt-quatre personnes temps plein et comptait, en1921, environ 45 000 ouvrages plus 2 150 titres de priodiques77. Un ouvragedAlbert Buddecke sur les Kriegssammlungen allemandes, paru en 1917, recensait

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    dj 217 collections, publiques et prives, consacres la Grande Guerre78.Mais ce qui diffrencie radicalement le projet warburgien de toutes ces

    collections, souvent mises en scne dans des expositions publiques des finspatriotiques79, concerne bien sr la teneur critique qui en guidait le principe. LesKriegssammlungen visaient linstitution dune mmoire nationale autoglorifiante,tandis que la Kriegskartothek dAby Warburg ouvrait la voie une vritableiconologie politique et, par consquent, toutes les analyses historiques etanthropologiques qui fleurissent aujourdhui dans le champ des images produites lpoque de la Grande Guerre80. La collection de guerre runie par Warburgtait bien guide, en effet, par un souci anthropologique caractristique de saKulturwissenschaft en gnral , et cest ce qui explique son approcheextrmement large, par-del toute hirarchie de valeurs esthtiques entre lesuvres de lart et les imageries, du champ visuel considrable mis en uvredurant la Grande Guerre. Les ouvrages sur lart de guerre acquis par labibliothque de Hambourg durant la priode 1914-1918 frappent dailleurs nosregards contemporains par la mdiocrit gnrale des peintures reproduites81.

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    Cest que toute psychomachie engage, bien au-del dune histoire de lart auxfrontires limites, la mise en uvre dune vaste anthropologie des images et descroyances que ces images reconfigurent et retransforment sans cesse. Si leKasten 117 a fait lobjet dune attention spcifique de la part des spcialistes, cestdabord parce que son sujet, les superstitions de guerre (Aberglaube imKrieg),sinscrivait directement dans une telle vise anthropologique. Il est clair, parexemple, que certains motifs fondamentaux du projet de Mnmosyne tellelinquitante dualit (die unheimliche Doppelheit)du triomphe et du martyr, ouencore la notion cruciale de dmonisation82 (Dmonisierung) sont luvre,dj, dans le travail men par Warburg sur la Grande Guerre83. Il nest pas fortuit,me semble-t-il, que le vritable recueil de dsastres dans lanthropomorphismecompos par Georges Bataille et ses amis de Documents, en 1929-1930, ait abouti sous linfluence des travaux de Marcel Mauss un Collge de sociologiedans les discussions duquel, de 1937 1939, sesquissait une anthropologie de laguerre84 que plus tard, Ernst H. Kantorowicz, Georges Dumzil ou Franco Cardinidevaient historiquement fonder85.

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    Lhistoriographie rcente de la Grande Guerre a fini par adopter ce point de vuede lanthropologie culturelle86. On a mme parl de cette guerre sous langle dumythe87. On a, surtout, tenu compte des difficults intrinsques toute lisibilitde lexprience, faon de poser la question des croyances en face des faits et desrumeurs en face des tmoignages, notamment sur la question trs dbattue desatrocits allemandes88. Mais, l o lhistorien peut tenter, lgitimement, dediscerner le vrai du faux dans ce rgime dincertitude gnralis quetressent en permanence les discours concurrents89, lanthropologue oularchologue des discours, la faon de Michel Foucault adoptera un regardplus transversal et situera sa critique du langage, ou des images, un tout autreniveau. Ce niveau quAby Warburg caractrisait par le terme mme deKulturwissesnchaft.

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    De mme quil ne faut pas confondre la Kriegskartothek de Warburg avec lesKriegssammlungen patriotiques qui lui sont contemporaines, il faudra sans doutedissocier la problmatique de notre Kasten 117 des nombreux travaux positivistesqui ont vu le jour, ds 1914, et se simplifiaient la vie en accusant comme pures etsimples erreurs les obstines superstitions de guerre. Quelques exemplesparmi dautres: cest, en 1916, larticle de Waldemar Deonna sur Larecrudescence des superstitions en temps de guerre ou la critique, par Yves de LaBrire, des oracles prophtiques qui ont prolifr ds le dbut du conflit90. En1917, Lucien Roure dresse son tour un catalogue des superstitions de guerre mais aussi Guillaume Apollinaire, sur un ton certes plus enjou, beaucoup moins

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    accusateur91. En 1918, Albert Dauzat consacrera tout un ouvrage aux Lgendes etsuperstitions de guerre, dans lequel domine encore le point de vue positivistedirectement issu dAuguste Comte (ltat fictif du ftichisme) ou de GustaveLe Bon:

    Toutes les poques troubles, et en particulier la guerre, en augmentant lanervosit et la crdulit gnrales, donnent naissance un grand nombre de fauxbruits qui, lorsquils correspondent ltat desprit du milieu, ont tt fait desaccrditer dans lme simpliste des foules. Agissant sur les cerveaux faibles etmotifs, elles provoquent les hallucinations, voire les visions prophtiques. Enfin,en multipliant les occasions de dangers, elles sont propices au rveil et audveloppement des superstitions ancestrales. Malgr ltat avanc de notrecivilisation, la conflagration mondiale ne pouvait chapper cette loi. lobservateur curieux elle a fourni une abondante et pittoresque rcolte de faits lesplus varis, dont on naurait pas souponn, il y a cinq ans, lclosion possible etaussi rapide que multiple autour de nous92.

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    Contre ce point de vue simpliste volutionniste au sens trivial du terme, eto la raison sen sortait bon compte , lanalyse warburgienne des survivancespermettait de comprendre, un niveau bien plus fondamental, les coexistencesanachroniques dune guerre moderne marque par de terribles nouveautstechniques telles que les bombardements ariens ou les armes chimiques93, etcependant traverse par tant darchasmes du comportement social. Le point devue psycho-historique du Nachleben permettait, justement, de ne pas dissocierces paradoxes de temporalit, Warburg se montrant, une fois encore, fort prochedes analyses de Freud redfinissant prcisment dans ces annes 1916-1917 lesrapports indissociables de lvolution psychique et de la rgression94. WalterBenjamin, en 1925, rflchira encore sur les consquences thiques et politiquesdun tel anachronisme, quand la guerre, si neuve techniquement quelimagination humaine refus[ait] de la suivre, crait un tat de psychose olarme chimique les nuages de gaz devenait comme un fantme aussiinsaisissable quimpitoyable95.

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    Aby Warburg qui, rappelons-le, dfinissait lhistoire des images comme unehistoire de fantmes pour grandes personnes96 (Gespenstergeschichte f[r] ganzErwachsene) aura donc abord la Grande Guerre comme une lutte avec des ides,une lutte avec des images, mais aussi une lutte avec des fantmes, lutte dans laquellela civilisation europenne tout entire se trouvait engage quoi quelle en et. Sonanalyse des superstitions de guerre devait, sans aucun doute, aboutir une miseau jour des survivances luvre dans la grande psychomachie de ce temps97. Onne stonnera pas que les fiches du Kasten117 consignent certains phnomnesspirites (lapparition des morts) ou mystiques (les cas symtriques de BarbaraWeigand en Allemagne et de Claire Ferchaud en France) de la Grande Guerre qui ontt, depuis, tudis avec soin par les historiens98. Mais il sagissait bien, dansloptique warburgienne, de situer tous ces phnomnes dans une anthropologie ouune psycho-histoire capables de vrifier la politique des survivances actives danschaque symptme culturel vers au recueil du Kasten117. Voil pourquoi il estessentiel de rappeler la coexistence de cette Kriegskartothek avec les recherchesmenes par Warburg, dans les mmes annes, sur limagerie religieuse et politiquede la Rforme autre priode de schisme et de crise culturelle hante par les treschimriques, ne-pape, veau-moine et autres truies monstrueuses, de la propagandeluthrienne99.

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    Mais Warburg, comme Nietzsche lavait fait en son temps et comme GeorgesBataille devait bientt le faire, ne jouait-il pas dangereusement avec le feu de cettepsychomachie? Disposant et redisposant sur sa table de travail les images de saKriegskartothek, ne se faisait-il pas lui-mme le devin ou lharuspice des grandsconflits psychiques qui lenvironnaient et le traversaient si intimement? Comme la

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    Notes

    1 Gilles DELEUZE et Flix GUATTARI, Quest-ce que la philosophie?, Paris, Les ditions deMinuit, 1991, p. 191.

    2 Charles BAUDELAIRE, Quelques caricaturistes trangers, uvres compltes,d.Claude Pichois, Paris, Gallimard, 1976, II, p. 564-574.

    3 August SANDER, Antlitz der Zeit. Sechzig Aufnahmen deutscher Menschen des 20.Jahrhunderts, Munich, Kurt Wolf, 1929.4 Aby WARBURG, Der Bilderatlas Mnemosyne.Gesammelte Schriften, d. M. Warnke etC. Brink, Berlin, Akademie Verlag, 2003, II-1, p. 21 (pl. 4), 25 (pl. 6), 27 (pl. 7), 29 (pl. 8),125 (pl. 75), 129 (pl. 77).

    5 Cf. Georges DIDI-HUBERMAN, La Ressemblance informe, ou le gai savoir visuel selonGeorges Bataille, Paris, Macula, 1995, p. 333-383.

    6 A. WARBURG, Der Bilderatlas Mnemosyne, op. cit., p. 15 (pl. 1), 19 (pl. 3), 25 (pl. 6), 35

    premire planche de Mnmosyne sur la divination (voir fig. 2), la dernireconsacre lhistoire contemporaine apparatra aisment comme un exercice dedivination ou, tout au moins, dinquitude, de pressentiment politique (voirfig. 1). On pourrait dire, ds lors, quAby Warburg naura pens son atlas (ou sapropre existence en tant quAtlas moderne) qu conjoindre dangereusement tousles sens dun mot latin quil connaissait fort bien, le mot superstes. Mot de lasurvivance, du tmoignage mais, aussi, mot de la superstition.

    mile Benveniste a tabli que le superstes dsigne, avant toute chose, celui quise tient, non pas tant au-dessus quau-del de quelque chose. Il dsigne laction desubsister par-del, comme on le dit de quelquun qui a survcu un malheur, la mort; il se rfre, plus gnralement, laction davoir travers unvnement quelconque, de subsister par-del cet vnement et, donc, denavoir t le tmoin100. Le superstes, par consquent, est celui qui assume lasuperstitio comme la proprit dtre prsent en tant que tmoin unvnement dont il est distant dans lespace et dans le temps: en somme, le devindune histoire passe, prsente ou future, laquelle il na pas physiquementparticip. Ce don de prsence fascine et inquite en mme temps. Necaractrise-t-il pas, soit dit en passant, toute la potique des grands historiens?Quoi quil en soit, nous savons que cest ce don de prsence mme qui auraport les Romains pour qui la divination, comme on la vu, constituait unepratique exogne, trangre, passe-frontire, une pratique babylonienne outrusque distinguer la dangereuse superstitio de leur propre religioofficielle101. En sapprochant lextrme des phnomnes culturels de la GrandeGuerre, Aby Warburg se tenait en quelque sorte par-del le vrai et le faux,dans une zone de la pense loigne de toute religion par exemple la religionpatriotique et belliqueuse des Kriegssammlungen allemandes ou des rcitspiques la Jnger , mais, il faut bien le dire, dangereusement proche de sesobjets dtude: les images penses comme autant de fantmes agissants.

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    (pl. 22), 55 (pl. 32), 69 (pl. 39), 87 (pl. 47), 103 (pl. 56), 105 (pl. 57).7 Cf. Walter BENJAMIN, Le surralisme. Le dernier instantan de lintelligentsiaeuropenne, uvres, Paris, Gallimard, 2000, II, p. 113-134.8 A. WARBURG, Der Bilderatlas Mnemosyne, op. cit., p. 131-133.

    9 Cf. Charlotte SCHOELL-GLASS, Aby Warburg und der Antisemitismus. Kulturwissenschaftals Geistespolitik, Francfort, Fischer, 1998, p. 233-246. Id., Aby Warburg Late Commentson Symbol and Ritual, in Science in Context, XII, 1999, no 4, p. 621-642. Id., SeriousIssues: The Last Plates of Warburgs Picture Atlas Mnemosyne, in Richard WOODFIELD(dir.), Art History as Cultural History. Warburgs Projects, Amsterdam, G+B ArtsInternational,2001, p. 183-208. Wolfram PICHLER et Gudrum SWADODA, Gli spazi diWarburg. Topografie storico-culturali, autobiografiche e mediali nellatlante Mnemosyne,inQuaderni Warburg Italia, 2003, I, p. 99-105 et 114-121. G. DIDI-HUBERMAN, Limagebrle, in Laurent ZIMMERMANN (dir.), Penser par les images. Autour des travaux deGeorges Didi-Huberman, Nantes, ditions Ccile Defaut, 2006, p. 24-38.

    10 W. BENJAMIN, Paralipomnes et variantes des thses sur le concept dhistoire, critsfranais, Paris, Gallimard, 1991, p. 350.11 Kurt TUCHOLSKY et John HEARTFIELD, Deutschland, Deutschland ber alles. Ein Bilderbuch,Berlin, Neuer Deutscher Verlag, 1929 (rd. Hambourg, Rowohlt, 1973).

    12 Cf. G. DIDI-HUBERMAN, Quand les images prennent position. Lil de lhistoire, 1, Paris,Les ditions de Minuit, 2009.

    13 Bertold BRECHT, Exercices pour comdiens, LArt du comdien. crits sur le thtre,Paris, LArche, 1999, p. 121 (trad. lgrement modifie).14 A. WARBURG, Der Bilderatlas Mnemosyne, op. cit., p. 11 (pl. B), 17-23 (pl. 2-6), 37-45(pl. 23-26), 49-51 (pl. 28-30), 77 (pl. 42), 103 (pl. 56).

    15 Cf. Salvatore SETTIS, Pathos und Ethos, Morphologie und Funktion, Vortrge aus demWarburg-Haus, I, 1997, p. 31-73.

    16 A. WARBURG, Mnemosyne. Grundbegriffe II, Londres, Warburg Institute Archive,III.102.3 et III.102.4., p. 25, 80, etc.17 Cf. Martin WARNKE, Der Leidschatz der Menschheit wird humaner Besitz, DerMenschenrechte des Auges. ber Aby Warburg, Francfort-sur-le-Main, EuropischeVerlagsanstalt, 1980, p. 113-186.

    18 Cf. Konrad HOFFMANN, Angst und Methode nach Warburg: Erinnerung alsVernderung, in Horst BREDEKAMP, Michael DIERS et C. SCHOELL-GLASS (dir.), Aby Warburg.Akten des internationalen Symposions Hamburg 1990, Weinheim, VCH-Acta Humaniora,1991, p. 261-267. Bernd VILLHAUER, Aby Warburgs Theorie der Kultur. Detail undSinnhorizont, Berlin, Akademie Verlag, 2002, p. 112-114. Marco BERTOZZI, Il detectivemelanconico e altri saggi filosofici, Milan, Feltrinelli, 2008, p. 95-137.

    19 W. BENJAMIN, Le surralisme, op. cit., p. 179.20 Cf. Roland KANY, Mnemosyne als Programme. Geschichte, Erinnerung und die Andachtzum Unbedeutenden im Werk von Usener, Warburg und Benjamin, Tbingen, MaxNiemeyer Verlag, 1987, p. 179-185. Jochen BECKER, Ursprung so wie Zerstrung: Sinnbildund Sinngebung bei Warburg und Benjamin, in Willem van REIJEN (dir.), Allegorie undMelancholie, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp Verlag, 1992, p. 64-89. Marianne SCHULLER,Bilder Schriften zum Gedchtnis. Freud, Warburg, Benjamin: Eine Konstellation,Internationale Zeitschrift fr Philosophie, II, no 1, 1993, p. 73-95. Matthew RAMPLEY, FromSymbol to Allegory: Aby Warburgs Theory of Art, Art Bulletin, LXXIX, no 1, 1997, p. 41-55. Id., Archives of Memory: Walter Benjamins Arcades Project and Aby WarburgsMnemosyne Atlas, inAlex COLES (dir.), The Optic of Walter Benjamin, III. De-, dis-, ex-,Londres, Black Dog, 1999, p. 94-117. Id., The Remembrance of Things Past. On Aby M.Warburg and Walter Benjamin, Wiesbaden, Harrassowitz Verlag, 2000, p. 73-100.AdiEFAL, Warburgs Pathos Formula in Psychoanalytic and Benjaminian Contexts, Assaph,no 5, 2000, p. 221-238. B. VILLHAUER, Aby Warburgs Theorie der Kultur. Detail undSinnhorizont, op. cit., p. 87-103. Cornelia ZUMBUSCH, Wissenschaft in Bildern. Symbol unddialektisches Bild in Aby Warburgs Mnemosyne-Atlas und Walter Benjamins Passagen-Werk, Berlin, Akademie Verlag, 2004, p. 31-127 et 246-281.

    21 Cf. Michael LWY, Juifs htrodoxes. Messianisme, romantisme, utopie, Paris, ditionsde lclat, 2010.

    22 Klaus BERGER, Souvenirs sur Aby Warburg, Trafic, no 45, 2003, p. 100.23 Cf. Kurt FORSTER, Aby Warburgs History of Art: Collective Memory and the SocialMediation of Images, Daedalus, CV, 1976, no 1, p. 169-176. M. SCHULLER, Unterwegs. ZumGedchtnis. Nach Aby Warburg, in Silvia BAUMGARTet al. (dir.), Denkrume. Zwischen

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    Kunst und Wissenschaft, Berlin, Dietrich Reimer, 1993, p. 149-160. Ulrich PORT, Katharsisdes Leidens. Aby Warburgs Pathosformeln und ihre konzeptionellen Hintergrnde inRhetorik, Poetik und Tragdientheorie, Deutsche Vierteljahrsschrift frLiteraturwissenschaft und Geistesgeschichte, LXXIII, 1999 (Sonderheft), p. 5-42.

    24 Ernst CASSIRER, loge funbre du professeur Aby M. Warburg, uvres, XII. crits surlart, Paris, Le Cerf, 1995, p. 55-56.25 Cf. Georg SIMMEL, Le concept et la tragdie de la culture, La Tragdie de la culture etautres essais, Paris, ditions Rivages, 1988, p. 177-215.

    26 E. CASSIRER, Logique des sciences de la culture, Paris, Le Cerf, 1991, p. 211-212.

    27 Carl Georg HEISE, Persnliche Erinnerungen an Aby Warburg, New York, EricM. Warburg, 1947, p. 42-44.28 Cf. John U. NEF, La Route de la Guerre totale. Essai sur les relations entre la guerre etle progrs humain, Paris, Armand Colin, 1949, p. 93-116. George L. MOSSE, De la GrandeGuerre au totalitarisme. La brutalisation des socits europennes, Paris, HachetteLittratures, 1999. Daniel PICK, War Machine. The Rationalisation of Slaughter in theModern Age, New Haven / Londres, Yale University Press, 1993, p. 165-188. FrdricROUSSEAU, La Guerre censure. Une histoire des combattants europens de 14-18, Paris, LeSeuil, 1999 (d. 2003), p. 31-174. Wolfgang SOFSKY, Lre de lpouvante. Folie meurtrire,terreur, guerre, Paris, Gallimard, 2002, p. 127 et 143-149. Michel GOYA, La Chair et lacier.Larme franaise et linvention de la guerre moderne (1914-1918), Paris, Tallandier, 2004.Alan KRAMER, Dynamic of Destruction: Culture and Mass Killing in the First World War,Oxford / New York, Oxford University Press, 2007, p. 31-68.

    29 Enzo TRAVERSO, feu et sang. De la guerre civile europenne, 1914-1945, Paris, Stock,2007, p. 9-21 et 35-127.

    30 Cf. Georges-Henri SOUTOU, LOr et le sang. Les buts de guerre conomiques de laPremire Guerre mondiale, Paris, Fayard, 1989, p. 33, 104, 120-127, 373-376, 743-744.Ron CHERNOW, The Warburgs. The Twentieth-Century Odyssey of a Remarkable JewishFamily, New York, Vintage Books, 1993, p. 141-190. Niall FERGUSON, Max Warburg andGerman Politics: The Limits of Financial Power in Wilhelmine Germany, in Geoff ELEY etJames RETALLACK (dir.), Wilhelminism and Its Legacy: German Modernities, Imperialism,and the Meaning of Reform, 1890-1930, Oxford / New York, Bergham Books, 2003, p. 185-201.31 Cf. Antoine PROST et Jay WINTER, Penser la Grande Guerre. Un essai dhistoriographie,Paris, Le Seuil, 2004, p. 42-50. Jean-Jacques BECKER (dir.), Histoire culturelle de la GrandeGuerre, Paris, Armand Colin, 2005.

    32 Cf. Jurgen KOCKA, Facing Total War: German Society, 1914-1918, Cambridge (Mass.) /Londres, Harvard University Press, 1984. Christophe PROCHASSON, La guerre en sescultures, in J.-J. BECKER (dir.), Histoire culturelle de la Grande Guerre, op. cit. Id., 1914-1918. Retours dexpriences, Paris, Tallandier, 2008, p. 51-67.

    33 Ouvrages gnraux: Roland N. STROMBERG, Redemption by War. The Intellectuals and1914, Lawrence, The Regents Press of Kansas, 1982. Aviel ROSHWALD et Richard STITES (dir.),European Culture in the Great War. The Arts, Entertainment, and Propaganda, 1914-1918, Cambridge / New York, Cambridge University Press, 1999. Vincenzo CALI, GustavoCORNI et Giuseppe FERRANDI (dir.), Gli intellettuali e la Grande guerra, Bologne, SocietEditrice Il Mulino, 2000. Ct franais: Philippe SOULEZ (dir.), Les Philosophes et laguerre de 14, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 1988. Martha HANNA, TheMobilization of Intellect: French Scholars and Writers during the Great War, Cambridge(Mass.) / Londres, Harvard University Press, 1996, p. 78-105. Christophe PROCHASSON etAnne RASMUSSEN, Au nom de la Patrie. Les intellectuels et la Premire Guerre mondiale,1910-1919, Paris, La Dcouverte, 1996. C. PROCHASSON, 1914-1918. Retours dexpriences,Paris, Tallandier, 2008, p. 273-361. Ct allemand: John A. MOSES, Pan-Germanism andthe German Professors, 1914-1918, The Australian Journal of Politics and History, XV,no 3, 1969, p. 45-60. Wolfgang J. MOMMSEN (dir.), Kultur und Krieg: Die Rolle derIntellektuellen, Knstler und Schriftsteller im Ersten Weltkrieg, Munich, R. OldenbourgVerlag, 1996. Peter JELAVICH, German Culture in the Great War, in A. ROSHWALD et R. STITES(dir.), European Culture in the Great War..., op. cit., p. 32-57. Bernhard VOM BROCKE, Laguerra degli intellettuali tedeschi, in V. CALI et al. (dir.), Gli intellettuali e la Grandeguerra, op. cit., p. 373-409.34 Pierre RENOUVIN, La Crise europenne et la Premire Guerre mondiale (1904-1918),Paris, PUF, 1969, p. 5-130.

    35 Paul VALRY, La crise de lesprit, uvres, d. J. Hytier, Paris, Gallimard, 1957, I,p. 988-1000.

    36 Cf. W. BENJAMIN, Critique de la violence, uvres, Paris, Gallimard, 2000, I, p. 210-243.

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    Theodor W. ADORNO et Max HORKHEIMER, Dialectique de la raison. Fragmentsphilosophiques, Paris, Gallimard, 1974, p. 13-20. Hannah ARENDT, La crise de la culture. Saporte sociale et politique, La Crise de la culture. Huit exercices de pense politique, Paris,Gallimard, 1972 (d. 1989), p. 253-288. Lo STRAUSS, La crise de notre temps, Nihilisme etpolitique, Paris, Payot & Rivages, 2001 (d. 2004), p. 81-117. Cf. Corinne PELLUCHON, LeoStrauss: une autre raison, dautres Lumires. Essai sur la crise de la rationalitcontemporaine, Paris, Vrin, 2005, p. 7-39.

    37 Cf. Jens Malte FISCHER, Die letzten Tage der Vernunft. Der Erste Weltkrieg und dieIntellektuellen, in Rainer ROTHER (dir.), Die letzten Tage der Menschheit. Bilder des ErstenWeltkrieges, Berlin, Deutsches Historisches Museum-Ars Nicolai, 1994, p. 49-55.38 Cf. Christophe DIDIER (dir.), 1914-1918: Orages de papier. Les collections de guerre desbibliothques, Strasbourg / Paris, Bibliothque nationale et universitaire de Strasbourg /Somogy, 2008.

    39 Ibid., p. 18.

    40 Ouvrages gnraux: Lon RIEGEL, Guerre et littrature. Le bouleversement desconsciences dans la littrature romanesque inspire par la Grande Guerre (littraturesfranaise, anglo-saxonne et allemande), 1910-1930, Paris, Klincksieck, 1978. JeanKAEMPFER, Potique du rcit de guerre, Paris, Jos Corti, 1998, p. 211-273. Nicolas BEAUPR,crire en guerre, crire la guerre: France, Allemagne, 1914-1920, Paris, CNRS ditions,2006. Ct franais: Jean VIC, La Littrature de guerre. Manuel mthodique et critiquedes publications de langue franaise (aot 1914-aot 1916), Paris, Payot, 1918. AndrDUCASSE, La Guerre raconte par les combattants. Anthologie des crivains du front (1914-1918), Paris, Flammarion, 1932. Maurice RIEUNEAU, Guerre et rvolution dans le romanfranais de 1919 1939, Genve, Slatkine Reprints, 2000, p. 11-215. Leonard V. SMITH, Lecorps et la survie dune identit dans les crits de guerre franais, Annales. Histoire,sciences sociales, LV, no 1, 2000, p. 111-133. Bernard GIOVANANGELI (dir.), crivainscombattants de la Grande Guerre, Paris, Bernard Giovanangeli / ministre de la Dfense,2004. C. PROCHASSON, 1914-1918. Retours dexpriences,op. cit., p. 161-272. Ct allemand:Maurice BOUCHER, Le Roman allemand (1914-1933) et la crise de lesprit. Mythologie desinquitudes, Paris, PUF, 1961. Klaus VONDUNG (dir.), Kriegserlebnis. Der Erste Weltkrieg inder literarischen Gestaltung und symbolischen Deutung der Nationen, Gttingen,Vandenhoeck und Ruprecht, 1980. Hermann KORTE, Der Krieg in der Lyrik desExpressionismus. Studien zur Evolution eines literarischen Themas, Bonn, Bouvier, 1981.Hans-Harald MLLER, Der Krieg und die Schriftsteller. Der Kriegsroman der WeimarerRepublik, Stuttgart, Metzler, 1986.41 A. WARBURG, Art italien et astrologie internationale au Palazzo Schifanoia Ferrare,Essais florentins, Paris, Klincksieck, 1990, p. 215. Cf. G. DIDI-HUBERMAN, LImagesurvivante. Histoire de lart et temps des fantmes selon Aby Warburg, Paris, Les ditionsde Minuit, 2002, p. 35-50.

    42 Ernst JNGER, Orages dacier. Journal de guerre, Paris, Christian Bourgois, 1970, p. 5 et31. Id., La Guerre comme exprience intrieure, Paris, Christian Bourgois, 1997 (d. 2008).Id., Le Boqueteau 125, Paris, Christian Bourgois, 2000 (d. 2008), p. 8-9. Id., Feu etmouvement [titre original: Mathmatique guerrire], Le Boqueteau 125, Paris, ChristianBourgois, 2000 (d. 2008), p. 195-208. Id., La mobilisation totale, Ltat universel,suivi de La Mobilisation totale, Paris, Gallimard, 1990, p. 17. Id., Das Antlitz desWeltkrieges, Berlin, Neufeld & Henius Verlag, 1930. Id. et Edmund Schultz, Die vernderteWelt. Eine Bilderfibel unserer Zeit, Breslau, Wilhelm G. Korn Verlag, 1933.

    43 E. JNGER, Le Mur du temps, Paris, Gallimard, 1963 (d. 1994), p. 98.44 Carl SCHMITT, Thologie politique. Quatre chapitres sur la thorie de la souverainet,Thologie politique 1922, 1969, Paris, Gallimard, 1988, p. 1-75. Id., Le Nomos de la Terredans le droit des gens du Jus Publicum Europaeum, Paris, PUF, 2001 (d. 2008), p. 70-86(sur le nomos) et 256-278 (sur la Grande Guerre).

    45 Oswald SPENGLER, Le Dclin de lOccident. Esquisse dune morphologie de lhistoireuniverselle, Paris, Gallimard, 1948 (d. revue, 1976), p. 11.

    46 A. WARBURG, Georg THILENIUS et Giulio PANCONCELLI-CALZIA (dir.), La Guerra del 1914-15.Rivista illustrata dei mesi Novembre Dicembre Gennaio Febbraio, Hambourg, Broschek &Co., 1915. Cf. Anne SPAGNOLO-STIFF, Lappello di Aby Warburg a unintesa italo-tedesca: Laguerra del 1914-1915. Rivista illustrata, in Max SEIDEL (dir.), Storia dellarte e politicaculturale intorno al 1900. La fondazione dellIstituto Germanico di Storia dellArte diFirenze, Venise, Marsilio, 1999, p. 249-269. Dorothea MCEWAN, Ein Kampf gegenWindmhlen. Warburgs pro-italienische publizistische Initiative, in Gottfried KORFF (dir.),Kasten 117. Aby Warburg und der Aberglaube im Ersten Weltkrieg, Tbingen, TbingerVereinigung fr Volkskunde, 2007, p. 135-163.47 Cf. Luc RASSON, crire contre la guerre: littrature et pacifismes, 1916-1938, Paris,

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    LHarmattan, 1997. Andr LOEZ, 14-18. Les refus de la guerre. Une histoire des mutins,Paris, Gallimard, 2010.

    48 Karl KRAUS, La Nuit venue, Paris, ditions Grard Lebovici, 1986, p. 168.49 Ibid., p. 108 et 115.

    50 Ibid., p. 105, 109 et 123.

    51 Id., Le progrs, La Littrature dmolie, Paris, Payot & Rivages, 1990 (d. 1993), p. 137-146. Id., Apocalypse, La Nuit venue, op. cit., p. 147-164.52 Id., Les Derniers Jours de lhumanit, Marseille, Agone, 2000. Id., Troisime Nuit deWalpurgis, trad. P. Dehusses, Marseille, Agone, 2005. Cf. Jacques BOUVERESSE et GeraldSTIEG (dir.), Les Guerres de Karl Kraus, numro spcial de Agone. Histoire, politique etsociologie, nos 35-36, 2006, p. 5-266. J. BOUVERESSE, Satire et prophtie: les voix de KarlKraus, Marseille, Agone, 2007, p. 39-120.

    53 W. BENJAMIN, Thories du fascisme allemand. propos de louvrage collectif Guerre etguerriers publi sous la direction dErnst Jnger, uvres, Paris, Gallimard, 2000,II,p. 198-215. Id., Karl Kraus, uvres, Paris, Gallimard, 2000, II,p. 228-273. Cf. MichelVANOOSTHUYSE, Fascisme et littrature pure. La fabrique dErnst Jnger, Marseille, Agone,2005.

    54 W. BENJAMIN, Exprience et pauvret, uvres, Paris, Gallimard, 2000, II,p. 365.55 Id.,La crise du roman. propos de Berlin Alexanderplatz de Dblin, uvres, Paris,Gallimard, 2000, II,p. 189-197, p. 192.

    56 Id.,Le conteur. Rflexions sur luvre de Nicolas Leskov, uvres, Paris, Gallimard,2000, III, p. 114-151.

    57 Charles PGUY, Clio, Paris, Gallimard, 1932 (d. 2002), p. 17.58 W. BENJAMIN, Exprience, op. cit., p. 365-367.

    59 Cf. Nicolas PETHES, Mnemographie. Poetik der Erinnerung und Destruktion nachWalter Benjamin, Tbingen, Max Niemeyer, 1999.

    60 Robert HERTZ, Un ethnologue dans les tranches, aot 1914-avril 1915. Lettres safemme Alice, d. Alexander RILEY et Philippe BESNARD, Paris, CNRS ditions, 2002.61 Cf. Henri FEBVRE, Lucien Febvre, mon pre, postface Lucien FEBVRE, Vivre lhistoire,d. Brigitte MAZON, Paris, Robert Laffont-Armand Colin, 2009, p. 993. Je remercie HenriFebvre et Brigitte Mazon de mavoir donn accs ces documents.

    62 L. FEBVRE, Vivre lhistoire, Vivre lhistoire, op. cit., p. 21-35.

    63 Marc BLOCH, crits et photographies de guerre, Annette Becker et tienne Bloch(dir.),LHistoire, la Guerre, la Rsistance, Paris, Gallimard, 2006, p. 111-292. Je remercie YvesBloch de mavoir donn accs ces carnets.64 Id., Critique historique et critique du tmoignage, LHistoire, la Guerre, la Rsistance,op. cit., p. 97-107. Id., Rflexions dun historien sur les fausses nouvelles de la guerre, inibid., p. 293-316.

    65 Id., Mmoire collective, tradition et coutume. propos dun livre rcent, in ibid.,p. 335-346.66 Ulrich RAULFF, Parallel gelesen: Die Schriften von Aby Warburg und Marc Blochzwischen 1914 und 1924, in H. BREDEKAMP et al. (dir.), Aby Warburg. Akten desinternationalen Symposions Hamburg 1990, op. cit., p. 167-178.

    67 Cf. M. BLOCH, Pour une histoire compare des socits europennes, LHistoire, laGuerre, la Rsistance, op. cit., p. 347-380. Id., Photographies ariennes, muses, artspopulaires, in ibid., p. 393-406. Id., Projet dun enseignement dhistoire compare dessocits europennes. Candidature au Collge de France, in ibid., p. 443-450.

    68 Reinhart KOSELLECK, Mutation de lexprience et changement de mthode. Esquissehistorico-anthropologique, LExprience de lhistoire, Paris, Gallimard / Le Seuil, 1997,p. 201-247.69 Cf. R. CHERNOW, The Warburgs. The Twentieth-Century Odyssey of a Remarkable JewishFamily, op. cit., p. 141-190. C. SCHOELL-GLASS, Aby Warburg und der Antisemitismus, op. cit.,p. 119-153. Marc A. RUSSELL, Between Tradition and Modernity: Aby Warburg and the PublicPurposes of Art in Hamburg, 1896-1918, New York / Oxford, Berghahn Books, 2007, p. 180-219.

    70 A. WARBURG, G. THILENIUS et G. PANCONCELLI-CALZIA, La Guerra del 1914. Rivista illustrata deiprimi tre mesi, Agosto Settembre Ottobre, Hambourg, Broschek & Co., 1914 et Id., La Guerradel 1914-15, op. cit. Cf. A. SPAGNOLO-STIFF, art. cit. D. MCEWAN, Idea Vincit. La volante evottoriosa idea. Una commissione artistica di Aby Warburg, in Claudia CIERI VIA et Pietro

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    MONTANI, Lo sguardo di Giano. Aby Warburg fra tempo e memoria, Turin / Racconigi, NinoAragno Editore, 2004, p. 345-376. Paolo SANVITO, Warburg, lantagonismo Italia-Germania ela Guerra. Analisi di un cortocircuito politico e interiore, in C. CIERI VIA et Micol FORTI (dir.),Aby Warburg e la cultura italiana. Fra sopravvivenze e prospettive di ricerca, Rome / Milan,Sapienza Universit di Roma / Mondadori Universit, 2009, p. 51-62.

    71 A. WARBURG, G. THILENIUS et G. PANCONCELLI-CALZIA, La Guerra del 1914,art. cit., p. 16.Id., La Guerra del 1914-15, art. cit., p. 22-23.72 Cf. U. RAULFF, Der aufhaltsame Aufstieg einer Idee Idea Vincit: Warburg, Stresemannund die Briefmarke, Vortrge aus dem Warburg-Haus, VI, 2002, p. 125-162. D. MCEWAN,Idea Vincit, op. cit., p. 345-376.

    73 A. WARBURG, Mnemosyne. Grundbegriffe II, op. cit., p. 1 (dat du 6 juillet 1929).

    74 Cf. G. KORFF, Einleitung, in G. KORFF (dir.), Kasten 117. Aby Warburg und derAberglaube im Ersten Weltkrieg, op. cit., p. 11. Peter J. SCHWARTZ, Aby WarburgsKriegskartothek. Vorbericht einer Rekonstruktion, in ibid., p. 39-69.75 G. KORFF (dir.), Kasten 117. Aby Warburg und der Aberglaube im Ersten Weltkrieg,op. cit.

    76 Londres, Warburg Institute Archive, IV.64.1.

    77 Cf. C. DIDIER (dir.), 1914-1918: Orages de papier. Les collections de guerre desbibliothques, op. cit., p. 16-27.78 Albert BUDDECKE, Die Kriegssammlungen. Ein Nachweis ihrer Einrichtung und ihresBestandes, Oldenbourg, Gerhard Stalling, 1917. Cf. Anke TE HEESEN, Schnitt 1915.Zeitungsausschnittsammlungen im Ersten Weltkrieg, in G. KORFF (dir.), Kasten 117. AbyWarburg und der Aberglaube im Ersten Weltkrieg, op. cit., p. 71-85. Alexandra KAISER, das Material zu sammeln, das dieser Krieg in solcher Flle schuf wie keiner vorher.Kriegssammlungen und Kriegssammler im Ersten Weltkrieg, in ibid., p. 87-115.

    79 Cf. Susan BRANDT, Vom Kriegsschauplatz zum Gedchtnisraum: Die Westfront 1914-1949, Baden-Baden, Nomos Verlagsgesellschaft, 2000 et Exposer la Grande Guerre: laPremire Guerre mondiale reprsente dans les expositions en Allemagne de 1914 nosjours, in J.-J. BECKER (dir.), Histoire culturelle de la Grande Guerre, op. cit., p. 139-155.Christine BEIL, Der augestellte Krieg. Prsentationen des Ersten Weltkrieges 1914-1939,Tbingen, Tbinger Vereinigung fr Volkskunde, 2005.

    80 Cf. Bodo VON DEWITZ, Zur Geschichte der Kriegsphotographie des Ersten Weltkrieges, inRainer ROTHER (dir.), Die letzten Tage der Menschheit. Bilder des Ersten Weltkrieges, Berlin,Deutsches Historisches Museum-Ars Nicolai, 1994, p. 163-176. Thomas NOLL, Sinnbild undErzhlung. Zur Ikonographie des Krieges in den Zeitschriftenillustrationen 1914 bis 1918,inibid., p. 259-272. Alain SAYAG, Wir sagten Adieu einer ganzen Epoche (Apollinaire).Franzsische Kriegsphotographie, in ibid., p. 187-196. Dieter VORSTEHER, Bilder fr den Sieg.Das Plakat im Ersten Weltkrieg, in ibid., p. 149-162. Marie-Monique HUSS, Histoires defamille: cartes postales et culture de guerre, Paris, ditions Nosis, 2000. Jean-MarieLINSOLAS, La photographie et la guerre: un miroir du vrai?, in C. PROCHASSON et A. RASMUSSEN(dir.), Vrai et faux dans la Grande Guerre, Paris, La Dcouverte, 2004, p. 96-111. GerhardPAUL, Bilder des Krieges, Krieg der Bilder. Die Visualisierung des modernen Krieges,Paderborn / Munich, Ferdinand Schningh / Wilhelm Fink Verlag, 2004, p. 103-171. Id.,Visual History. Ein Studienbuch, Gttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2006. StphaneAUDOUIN-ROUZEAU, Combattre. Une anthropologie historique de la guerre moderne (XIXe-XXIe sicle), Paris, Le Seuil, 2008, p. 99-145.81 Cf. ANONYME, Kriegsbilder, s. l., 1 Garde-Reserve-Division, 1917. Konrad ESCHER, Kunst,Krieg und Krieger. Zur Geschichte der Kriegsdarstellungen, Zurich / Leipzig, Rascher,1917. An., War Pictures. Issued by Authority of the Imperial War Museum, Londres,Walter Judd, 1919.

    82 A. WARBURG, Mnmosyne (introduction), Trafic, no 9, 1994, p. 39-40.

    83 Cf. Ralph WINKLE, Masse und Magie. Anmerkungen zu einem Interpretament derAberglaubensforschung whrend des Ersten Weltkriegs, in G. KORFF (dir.), Kasten 117. AbyWarburg und der Aberglaube im Ersten Weltkrieg, op. cit., p. 261-299.84 Cf. Georges BATAILLE, La Sociologie sacre du monde contemporain, d.Simonetta Falasca Zamponi, Paris, ditions Lignes & Manifestes, 2004. Roger CAILLOIS,Quatre essais de sociologie contemporaine, Paris, Olivier Perrin diteur, 1951, p. 75-153.G. DIDI-HUBERMAN, La Ressemblance informe, op. cit., p. 31-164. Denis HOLLIER (dir.), LeCollge de sociologie, 1937-1939, Paris, Gallimard, 1995, p. 403-459, 494-501 et 607-640.

    85 Cf. Ernst H. KANTOROWICZ,Mourir pour la patrie (Pro Patria Mori)dans la pensepolitique mdivale, Mourir pour la patrie et autres textes, Paris, PUF, 1984, p. 105-141.Georges DUMZIL, Heur et malheur du guerrier. Aspects mythiques de la fonction guerrire

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    chez les Indo-Europens, Paris, PUF, 1969 (rd. Paris, Flammarion, 1996). Franco CARDINI,La Culture de la guerre, Xe-XVIIIe sicle, Paris, Gallimard, 1992.

    86 Cf. A. PROST et J. WINTER, Penser la Grande Guerre. Un essai dhistoriographie, op. cit.,p. 209-233. J.-J. BECKER (dir.), Histoire culturelle de la Grande Guerre, op. cit. S. AUDOUIN-ROUZEAU, Combattre. Une anthropologie historique de la guerre moderne (XIXe-XXIe sicle),op. cit., 2008.87 Cf. Mario ISNENGHI, Il mito della grande guerra, Bologne, Societ Editrice Il Mulino,1989 (d. 1997), p. 179-260.

    88 Cf. John HORNE et A. KRAMER, German Atrocities, 1914: A History of Denial,New Haven / Londres, Yale University Press, 2001. Olivier FORCADE, Information, censureet propagande, in S. AUDOUIN-ROUZEAU et J.-J. BECKER (dir.), Encyclopdie de la GrandeGuerre 1914-1918. Histoire et culture, Paris, Bayard, 2004, p. 451-464. C. PROCHASSON, 1914-1918. Retours dexpriences, op. cit., p. 13-14 et 69-121.

    89 Cf. C. PROCHASSON et A. RASMUSSEN (dir.), Vrai et faux, op. cit., p. 9-32.90 Waldemar DEONNA, La recrudescence des superstitions en temps de guerre et les statues clous, LAnthropologie, XXVII, 1916, p. 243-268. Yves de LA BRIRE, Le Destin delEmpire allemand et les oracles prophtiques. Essai de critique historique, Paris, GabrielBeauchesne, 1916.

    91 Guillaume APOLLINAIRE, Superstitions de guerre, uvres en prose compltes, d.Pierre Caizergues et Michel Dcaudin, Paris, Gallimard, 1993, II, p. 492. Lucien ROURE,Superstitions du front de guerre, tudes, CLIII, 1917, p. 708-732.

    92 Albert DAUZAT, Lgendes, prophties et superstitions de la Guerre, Paris, La Renaissancedu Livre, 1918, p. 7.93 Cf. Ludwig Fritz HABER, The Poisonous Cloud: Chemical Warfare in the First WorldWar, Oxford / New York, Oxford University Press, 1986. Olivier LEPICK, La Grande Guerrechimique: 1914-1918, Paris, PUF, 1998. A. BECKER, La guerre des gaz entre tragdie,rumeur, mmoire et oubli, inC. PROCHASSON et A. RASMUSSEN (dir.), Vrai et faux, op. cit.,p. 257-276.

    94 Sigmund FREUD, Confrences dintroduction la psychanalyse, Paris, Gallimard, 1999,p. 431-453.

    95 W. BENJAMIN, Les armes de demain. Batailles au chloractophnol, au chlorure dediphnylarsine et au sulfure dthyle dichlor, Romantisme et critique de la civilisation,Paris, Payot & Rivages, 2010, p. 107-111.96 A. WARBURG, Mnemosyne. Grundbegriffe II, op. cit., p. 3 (dat du 2 juillet 1929).

    97 Cf. G. KORFF,In Zeichen des Saturn. Vorlufige Notizen zu WarburgsAberglaubensforschung im Ersten Weltkrieg, in G. KORFF (dir.), Kasten 117. Aby Warburgund der Aberglaube im Ersten Weltkrieg, op. cit., p. 181-213.

    98 Claudia SCHLAGER, Seherinnen und Seismographen. Ausschnitthaftes zur TrouvailleBarbara Weigand aus Aby Warburgs Kriegskartothek, in G. KORFF (dir.), Kasten 117. AbyWarburg und der Aberglaube im Ersten Weltkrieg, op. cit., p. 215-243. Cf. A. BECKER, LaGuerre et la foi. De la mort la mmoire, 1914-1930, Paris, Armand Colin, 1994, p. 15-55et 103-138. J. WINTER, Entre deuil et mmoire. La Grande Guerre dans lhistoire culturellede lEurope, trad. C. Jaquet, Paris, Armand Colin, 2008, p. 25-38 et 67-91. Sur ClaireFerchaud: Claire FERCHAUD, Notes autobiographiques, II. Mission nationale, Paris, LibrairiePierre Tqui, 1974. Claude MOUTON, Au plus fort de la tourmente Claire Ferchaud,Montsurs, ditions Rsiac, 1978 (d. 1983).

    99 A. WARBURG, La divination paenne et antique dans les crits et les images lpoque de

    Luther, Essais florentins, Paris, Klincksieck, 1990, p. 245-294. Cf. Claudia WEDEPOHL,

    Agitationsmittel fr die Bearbeitung der Ungelehrten. Warburgs Reformationsstudien

    zwischen Kriegsbeobachtung historisch-kritischer Forschung und Verfolgungswahn, in

    G. KORFF (dir.), Kasten 117. Aby Warburg und der Aberglaube im Ersten Weltkrieg, op. cit.,

    p. 325-368.

    100 mile BENVENISTE, Le Vocabulaire des institutions indo-europennes, Paris, Les

    ditions de Minuit, 1969, II, p. 276.

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    101 Ibid., p. 276-279.

    Pour citer cet article

    Rfrence lectroniqueGeorges Didi-Huberman, chantillonner le chaos. Aby Warburg et latlas photographiquede la Grande Guerre , tudes photographiques, 27 | mai 2011, [En ligne], mis en ligne le20 juin 2011. URL : http://etudesphotographiques.revues.org/3173. consult le 26 janvier2015.

    Auteur

    Georges Didi-Huberman

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