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Rikuzentakata Fukushima images mémoiRes L’aLsace au Japon 8 > 14 > 32 > 58 > numéro 2 I octobre 2011 I Photo © Sébastien Lebègue クリシェを超えて CLICHéS Au-deLà deS Numéro 2

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Le magazine des professionnels indépendants et entrepreneurs franco-japonais. #2 > Au delà des clichés

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Freelance France Japon - - 3

sOmmaiRE

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éditORialPAR L IONEL DErSoT & GéRALdINE ouDiN

11�maRs�2011PAR MARTIN FAYNoT

RikuzEntakataPAR MICHAEL GoLDBErG

FukushimaPAR JéRéMIE SouTEYrAT

CliChés,�l’EssEnCE�dEs�imagEs�mémOiREs�PAR SébASTIEN LEBèGuE

ExpOsitiOn�manga,�dE�l’ORiginE�à�nOs�jOuRs��マンガ展:その発祥から現在まで

PAR RITSUKO CorDiEr

l’alsaCE�au�japOn�日本のアルザス

PAR GéRALdINE ouDiN

sEtOuChi,�l’aRt-ChipEl�PAR MARTIN FAYNoT

REndEz-vOus�à�tOkyO��PAR VINCENT LEFrANçoiS

attaquE�dE�l’OmikOshi��PAR MICHAEL GoLDBErG

FREElanCE�FRanCE�japOnQU’EST-CE QUE C’EST ?

Photo © Jérémie Souteyrat

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PENSER L’INdéPENdANCE PROfESSIONNELLE, ET AGIR

- Vous travaillez dans quelle entreprise ?- Je suis indépendant. Combien de fois ce court dialogue répété au fil des années provoque, selon les métiers exercés, des regards ébahis parfois un

brin goguenards. Plutôt que de laisser à d’autres le soin de définir ce qu’il convient d’être, c’est aux professionnels indépendants de fixer les règles de leurs discours et de leurs identités plurielles.

Au Japon, les professionnels indépendants sont particulièrement invisibles. dans un pays où la reconnaissance est d’abord liée au(x) groupe(s) auquel chacun appartient, notre statut administratif est celui du marchand de quatre saisons du coin de la rue. Mais en tant que membre à part entière de la shotengai, ce dernier jouit d’un statut social mieux défini que le notre.

Vous ne lirez rien dans la presse locale sur l’indépendance professionnelle. L’absence de discours à ce sujet en dit long sur l’a priori énorme, monopolistique, selon lequel tout travail se fait dans le cadre d’une entreprise. Le décalage avec l’Occident, et en particulier avec le monde anglophone, est considérable. Les livres japonais qui traitent de la question se répartissent entre manuels d’aide pour remplir sa déclaration annuelle de revenus, et comment vivoter en restant chez soi devant son ordinateur. Les statistiques sur la population des travailleurs indépendants — pourtant nombreux — sont absentes ou anciennes. Les associations locales sont apathiques.

ffJ n’a pas pour ambition de se substituer à ce vide, mais à créer un plein qui bénéficie en premier lieu à ses membres. Les indépendants n’ont pas pour réputation d’avoir la fibre du réseautage professionnel, et pourtant l’aventure de ffJ et d’Eclectiques suggère que la volonté d’agir peut faire mentir les clichés. Car malgré la diversité de nos professions, les préoccupations communes sont faciles à énoncer : développement d’une identité professionnelle, formation et autoformation, stratégies de présence sur Internet ne sont que quelques uns des thèmes abordés par nos membres en ligne et lors des réunions mensuelles.

Cette fois ci, nous avons choisi d’aller regarder ce qui se passe au-delà des clichés, au sens propre comme au figuré. Comme toujours, les articles de ce numéro sont aussi divers que les activités des membres de ffJ. Nous espérons que cette variété des contributions permettra à chaque lecteur d’y trouver son bonheur.

Le Japon est depuis plusieurs mois déjà le théâtre d’un drame, celui du Tohoku. Pour ceux dont la vie professionnelle et la vie personnelle sont, comme les nôtres, intimement liées au Japon, le choc est particulièrement rude. Certains articles ont été écrits avant le 11 mars, d’autres plus tard. Certains d’entre nous ont passé énormément de temps dans les zones sinistrées, pour le travail ou en tant que bénévole. C’est cette réalité, leur réalité, qu’ils ont choisi de raconter en mots ou en images. d’autres ont apporté leur aide à distance en levant des fonds ou en mettant leurs compétences à disposition des associations ou des individus en ayant le plus besoin.

Mais quel que soit l’endroit où nous vivions et l’endroit où nous travaillons, nous croyons en la capacité du Japon à se reconstruire et nous voulons l’accompagner chacun à notre façon.

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フリーランス事情を斬る

「どちらの企業にお勤めですか」「フリーで活動しています」

長年来、日常繰り返されるこんな短いやりとりの末に、時にはおちょくり混じりの、驚愕の眼差しを向けられたことが何度あったろうか。便宜上の肩書きを他人に決めさせておくよりも、自らの職業について語り、その多岐にわたる専門性をアピールするのが、フリーランサーの流儀というものだ。

日本では、フリーランサーは殊の外、目立たない存在だ。社会的地位が、まずは個々の帰属する集団単位で認知される国においては、我われフリーランサーの行政上の身分は、近所の八百屋と同じ身分扱いだ。しかし、八百屋はれっきとした地元商店街組合員として、フリーランサーよりも確固たる社会的地位を享受している。

日本の国内メディアでフリーランスについて取り上げられることは皆無に等しい。この話題の不在は、あらゆる経済活動は企業単位で行われる、という絶対的な前提が敷かれていることを十分に物語っている。欧米、特にアングロサクソン諸国との差は顕著だ。日本でフリーランス関連について扱っている書物といえば、確定申告に役に立つマニュアル本と自宅でパソコン相手に引きこもるためのハウツー本の類に二分する。自営業人口(決して少数ではない)に関するデータは、存在しないかあっても古いものだ。専門職団体の影は薄い。

フリーランス・フランス・ジャポンは、この空白状態の代用ではなく、なによりもメンバーがパワー・チャージを行える場を創り上げることを目指している。フリーランスは職業上の横の繋がりがあることで知られているとは言えない。しかしながら、そのようなクリシェ(あるいは既成概念)もアクションを起こそうとする意欲で覆すことが可能だ、ということをフリーランス・フランス・ジャポンとエクレクティックの冒険は示唆している。それは、メンバーの職業が多種多様であるにもかかわらず、共通の課題が容易に掲げられることからも説明できる。例えば、職業アイデンティティの確立と向上、研修受講、あるいは独学によるトレーニング、ウェブ戦略、などはサイト内での意見交換や東京で行われる月例ミーティングの際に取り組まれた様々なテーマのうちの一部でしかない。

今回は、直接的な意味でも、比喩的な意味でも、あらゆるクリシェの向こう側で起きていることを実際に見に行ってみることにした。例によって、本号のラインナップもフリーランス・フランス・ジャポンのメンバーの業種同様、多方面に広がっている。これらバラエティーに富んだ投稿記事の中から、読む人それぞれの楽しみを見つけていただければと願っている。

この数ヶ月以来、日本はある悲劇の渦中にある。福島の原発事故だ。我われのように、プロフェッショナルとプライベートで日本と緊密に結びついている者たちも痛烈な衝撃を受けた。ある記事は3月11日以前に、またある記事はそれ以降に執筆されている。一部のメンバーたちは、仕事あるいはボランティア活動として、相当な時間を東北の被災地で過している。この被災地の現実を自らの現実として言葉や映像を通じて伝えることを彼らは選んだ。その他のメンバーたちは、義援金活動に奔走したり、最も助けを必要とする個人や市民団体にそれぞれの専門技能を無償で差し出すことで、遠方から援助を行った。

だが、普段生活し、働いている場所がどこであろうと、日本の復興する能力を私たちは信じており、それぞれのやり方で復興を支援して行くことを望んでいる。

EditORial�par LIONEL dERSOT et GéRALdINE OUdIN traduction en japonais RITSUKO CORdIER

デルソ ・ リオネル - ウダ・ ジェラルディン 訳:コルディエ律子

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Photo © Jérémie Souteyrat

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11 mars 2011, une image pour ne pas oublier.© martin Faynot

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11�maRs�2011�

PAR MARTIN�FAYNoTILLUSTRATEUR

Il aura fallu six mois pour que je pose la dernière touche de couleur sur cette image. J’avais réalisé le crayonné fin mars mais jusqu’à aujourd’hui, je n’avais jamais trouvé le courage de la terminer... J’ai d’autant plus repris conscience de l’horreur de la chose lors de la commémoration des six mois après la catastrophe. J’ai lu des récits au sujet d’une école dont les trois quarts des élèves ont été emportés par le tsunami. Le fait d’être papa depuis peu a certainement exalté ma sensibilité, mais le fait de savoir que parmi les milliers de victimes, autant d’enfants qui commençaient à peine leur vie ont péri si brutalement fend le cœur.

Plus de six mois après la catastrophe, je conviens que cette image n’est ni positive ni porteuse d’espoir mais comme le mentionne la légende de l’illustration, c’est vraiment pour ne pas oublier la brutalité de ce qui s’est passé. Une actualité en poussant une autre, on a tendance à «ranger» les évènements passés et les pires catastrophes deviennent au fil du temps quelque chose d’«abstrait» tant qu’on n’est pas à nouveau confronté à un récit / une photo / un dessin...

En mettant en image avec mon style et mes techniques habituelles d’illustration quelque chose d’aussi terrible qui s’est réellement passé, je craignais de tomber dans la complaisance. Mais en tant qu’illustrateur, c’est un peu notre devoir de rendre compte à notre manière des sujets qui nous tiennent à cœur, fussent-ils ancrés dans une cruelle réalité.

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L’équipe au travail a Rikuzentakata sur un des reportages pour Spiegel TV

© michael Goldberg

RikuzEntakata�PAR MICHAEL�GoLDBErG

VIdEASTE

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Extrait d’un reportage de Spiegel TV.Pompier volontaire de Rikuzentakata, qui a filmé le tsunami sur son téléphone mobile.© michael Goldberg

Cliquer sur l’image pour visualiser la vidéo commentée en français

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Extrait d’un reportage de Spiegel TV.Shouboudan - brigade des pompiers volontaires.

© michael Goldberg

depuis les trois désastres de mars 2011 - le séisme, le tsunami, et la débâcle nucléaire - je suis monté huit fois dans les régions les plus affectées, pour des tournages et reportages. Auparavant, je n’avais jamais été autant touché par ce dont je témoignais en tant que cadreur et interprète. En plus du recul journalistique professionnel nécessaire pour travailler dans les situations dangereuses et désastreuses, la caméra sert à médiatiser la réalité, tout comme l’écran de télé le fait pour des spectateurs. Cette fois-ci, j’ai été profondément ému par ce que je voyais et entendais. Le plus difficile pour moi était de sentir que les survivants pour la plupart n’exprimaient pas leur douleur de façon ouverte. Ceci ne veut aucunement dire qu’ils ne ressentaient rien, au

contraire. Il y a dans cette culture, surtout dans la région affectée, un stoïcisme traditionnel – les Japonais ne veulent pas déranger autrui avec leurs problèmes personnels.

J’ai posté deux de ces reportages, diffusés par la chaîne Spiegel TV, ici :

www.ivw.co.jp/pd_gly_news_spiegeltv.html

Pour ceux qui, comme moi, ne comprennent pas l’allemand, j’ai préparé un clip en français ici :

http://vimeo.com/28544296

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Extrait du premier reportage de Spiegel TVLe mari de cette femme a été emporté par le tsunami en sortant de leur maison.

© michael Goldberg

Cliquer sur l’image pour visualiser la vidéo

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Extrait du second reportage de Spiegel TV.Trois étages de l’hôpital Takata ont été engloutis. Ceux qui ont eu la chance de s’évader plus haut n’ont rien pu faire pour les 15 infirmes qui sont restés dans leur lit.© michael Goldberg

Cliquer sur l’image pour visualiser la vidéo

Québécois anglophone vivant au Japon depuis 30 ans, Michael Goldberg est chef opérateur/

réalisateur de documentaires. La photo a été prise à fukushima lors d’un tournage récent sur

les effets des radiations émises par les explosions et fuites de la centrale nucléaire dai-Ichi.

http://www.ivw.co.jp/fr/

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FukushimaPAR JéRéMIE�SouTEYrATPHOTOGRAPHE

福島

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Katsurao, 30 mai 2011 - La zone irradiée est composée essentiellement de champs et de forêts. À l’instar d’Iitate, village classé parmi les plus beaux du Japon, la région est une succession de vllages nichés dans de magnifiques vallées.

Page précédente : Kawauchi, 26 avril 2011 - Une barrière à la limite des 20km bloque l’accès à une partie du village.

© Jérémie Souteyrat

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Iitate, 28 avril 2011 - Katsuo Abe debout devant son champ de tomates. Situé à plus de 30km de la centrale, le village d’Iitate n’a pas été évacué par les autorités après la catastrophe nucléaire. Mais les vents et la neige ont ramené de nombreuses particules radioacives dans les jours qui ont suivi l’accident. Le village a été déclaré zone sinistrée le 22 avril, les habitants ayant jusqu’à la fin du mois de mai pour quitter les lieux.La famille de Katsuo Abe cultivait du riz et des tomates depuis quatre générations. À 62 ans, il a très peur pour l’avenir : sans terre, il ne pourra plus jamais travailer.

© Jérémie Souteyrat

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Koriyama, 25 avril 2011 - À 55km de la centrale de fukushima daiichi, 1200 réfugiés nucléaires s’entassent dans un centre de conférence. Les réfugiés du «big Palette» sont originaires des villages de Tomioka (10km de la centrale) et Kawauchi (20km de la centrale). Tous ont dû évacuer quelques jours après le séisme. Environ 200 sont retournés vivre à Kawauchi. Les autres réfugiés ont petit à petit quitté le centre pour s’installer provisoirement dans des hôtels ou des HLM de la préfecture.Le centre a fermé fin août 2011.

© Jérémie Souteyrat

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Kawamata, 30 mai 2011 - Cette usine d’aimants pour transformateurs électriques a obtenu l’auto-risation de rester ouverte apres l’évacuation. Les employés vont faire les aller-retour tous les jours depuis leur lieu d’evacuation. Shuichi Watanabe, 48 ans, est ouvrier à l’usine. «Je n’ai pas peur de venir travailler ici mais, à vrai dire, je ne sais pas trop si c’est risqué. Je pense que 20msv, c’est une dose faible, donc ça va. Le problème, c’est qu’on ne connaît pas la dose reçue le 15 mars lors de l’explosion. Nous n’aurons donc jamais la dose totale.» Son dosimètre indique une valeur cumulée de 0.148 msv pour les 40 derniers jours, soit une exposition annuelle équivalente à la limite admissible en france pour les civils.© Jérémie Souteyrat

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Yonezawa, 27 avril 2011 - des réfugiés quittent le gym-nase municipal de Yonezawa, où ils ont passé plus d’un mois et demi. Certains réfugiés ont estimé que le niveau de radioactivité était suffisamment faible pour rentrer chez eux. Cette solution est toujours impossible pour plus de 80 000 habitants de la zone interdite des 20 km.© Jérémie Souteyrat

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Iitate, 31 mai 2011 - Au temple Shintoiste d’Iitate. Le prêtre Hiroshi Tada explique comment la radioacti-vité s’est propagée vers le nord-ouest, en dehors des cercles d’exclusion (20km) et de confinement (30km) prévues par le gouvernement.Le 22 avril, le gouvernement a demandé l’évacuation avant la fin du mois de mai des cinq villages les plus touchés à l’extérieur des 20km : Iitate, Katsurao, Namie, Minamisoma (partiellement) et Kawamata (par-tiellement).© Jérémie Souteyrat

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Koriyama, 25 Avril 2011 - Keiji Muramabu, 59 ans vient faire contrôler son niveau de radioactivité dans un centre mis à la disposition des habitants 24h/24. Son entreprise lui a demandé ce contrôle après une journée passée à Minamisoma, à 25km de la centrale. Les certificats émis par le centre permettent à certains réfugiés de fukushima de prouver qu’ils ne sont pas irradiés. La peur des «Hibakusha», les irradiés d’Hiroshima rejetés par la société, est réapparue.© Jérémie Souteyrat

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Tokyo, 20 avril 2011 - Ryota Suzuki, 30 ans, réfugié d’Iwaki avec sa femme et ses deux enfants : «Je pense que nous n’aurons pas droit aux compensations de Tepco, car nous ne faisons pas partie du périmètre des 30km. C’est injuste. Nous habitons tous dans la préfecture de fukushima, certains seront dédommagés et pas d’autres.»© Jérémie Souteyrat

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Kunimi, 27 avril 2011 - Reiko Sato, 67 ans, vivait à Odaka, à 15km de la centrale. «Nous sommes vieux. Mais pour les jeunes, c’est terrible. Tout a disparu. J’ai un petit-fils de 2 ans, j’ai peur pour lui à cause des radiations.»«Je n’ai pas d’image du futur. Ces temps-ci, quand je dors, je rêve au printemps. Mais quand je me réveille, je ne vois pas qu’il est là. Même ces pêchers, je ne sais pas si on pourra manger leurs fruits. »© Jérémie Souteyrat

Miyakoji, 26 avril 2011 - dans le village-fantôme de Miyakoji, à 21 km de la centrale. Les habitants n’ont pas eu d’obligation de partir, mais ils doivent rester confinés. Cependant presque tout le monde a fui.Tatsuo Endo, 82 ans, est resté. Son fils et sa fille lui rendent visite tous les jours pour lui faire à man-ger. Tatsuo Endo a combattu pendant la seconde guerre mondiale et connaît les dangers du nucléaire. «J’aimerais sortir un peu, marcher, mais je ne peux pas, je dois rester à l’intérieur. La radioactivité, c’est dangereux et on ne peux pas la voir. C’est vraiment effrayant. Quand ils ont construit la centrale dans les années 70, j’ai eu peur. Je savais que ça pouvait être aussi dangereux qu’une bombe atomique, à 20km de ma maison. À cette époque, les habitants du village étaient contents de trouver une autre façon de gagner de leur vie. Ils cumulaient travail à l’usine et dans les rizières. L’accident du 11 mars leur a ouvert les yeux sur les dangers du nucléaire. On doit s’en débarrasser. » © Jérémie Souteyrat

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«Ces temps-ci, quand je dors, je rêve au printemps. Mais quand je me réveille, je ne vois pas qu’il est là ». Prononcés devant un

champ de pêchers en fleur, ces mots d’une réfugiée de la zone interdite de fukushima résonnent dans ma tête depuis trois mois. Ils réveillent en moi l’importance du photojournalisme qui tendait à disparaître derrière la crise de la presse, mes travaux «corporate» et ma vie tokyoïte trop facile. Le besoin de témoigner est revenu, comme un électrochoc.

Le vendredi 11 mars 2011, dans le chaos de Tokyo, je réussis à contacter le quotidien français Libération qui me demande de suivre leur correspondant dans le nord. Impossible de le joindre. Ce n’est que le samedi que nous réussissons à nous parler au téléphone. Menace nucléaire, un autre journaliste de Libération à accueillir, problèmes logistiques, nous programmons un départ le dimanche soir. Mais la situation à la centrale de fukushima se dégrade et je décide de me replier sur Kyoto, tout comme le correspondant de Libération quelques jours plus tard.

Ce fut un choix extrêmement difficile que de ne pas aller couvrir les événements du Tohoku immédiatement. Mais que faire face à cette centrale nucléaire, que l’on croit connaître, que l’on côtoie souvent dans le paysage français, que l’on imaginait si différente des bombes atomiques? face à un danger invisible, c’est une décision personnelle basée sur son instinct, mais aussi influencée par son entourage, lui même influencé par les médias français.

début avril, de retour à Tokyo, la tête froide, je propose un sujet sur les conséquences de la catastrophe de fukushima au magazine français La Vie. Passionné de Japon et très touché par ces événements, le rédacteur en chef me donne tout de suite carte blanche pour deux numéros du magazine et un clip multimédia pour le site internet. Nous partirons à deux, avec un collègue de ffJ Michael Goldberg qui aidera aux traductions et réalisera les prises de son pour le document multimédia. fin avril, je m’intéresse dans un premier temps aux personnes déplacées, à Tokyo puis Koriyama, fukushima, Yonezawa et Kunimi. Je réalise de longs entretiens et recueille des témoignages de réfugiés. Je suis surpris par l’accueil de ces derniers, toujours chaleureux. Au contact des médias étrangers, les langues se délient et on se laisse plus facilement photographier. Certains nous remercient de nous intéresser à leur sort, d’autres nous confient leur peurs, qu’ils n’ont parfois pas pu partager dans leur village. fin mai, nous repartons dans quatre villages de la nouvelle zone à évacuer : Iitate, Namie, Katsurao et Kawamata. Le reportage, initialement prévu à l’intérieur du périmètre des 20km, a été recentré sur cette zone. Par négligence du gouvernement japonais, des habitants ont passé plusieurs mois dans les émanations de la centrale, sans être évacués. Quelles seront les conséquences sur ces populations?

Les deux reportages sont parus les 16 et 23 juin en france.

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Minamisoma, 28 avril 2011 - Un employé municipal montre les limites des différentes zones d’évacuation. La ville de Minamisoma, 70 000 habitants, est coupée en deux par la ligne de démarcation de la zone d’exclusion des 20km. En jaune, la nouvelle zone d’exclusion en dehors des 20km, à évacuer avant fin mai 2011. Le gouvernement japonais n’avait pas anticipé les retombées radioactives dues aux vents et à la neige quelques jours après le 11 mars. Ces retombées ont pollué les sols jusqu’à plus de 40km de la centrale.© Jérémie Souteyrat

Jérémie Souteyrat est un photographe français installé à Tokyo.

Après des études et un début de carrière d’ingénieur, par soif de créativité et d’indépendance, il décide de se

consacrer exclusivement à la photographie en 2009.

Il travaille pour la presse occidentale et réalise des portraits et des reportages pour The Guardian, Le Monde,

Libération, Télérama, Elle ou Les Inrockuptibles.

Jérémie collabore également tous les mois avec le mensuel Zoom Japon dont il réalise les photos de couverture.

http://www.jeremie-souteyrat.com

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Mairie de Tokyo - février 2011 Panorama sur la ville et le Mont fuji en arrière plan© Sébastien Lebègue

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CliChél’EssEnCE�dEs�imagEs�mémOiREs

PAR SébASTIEN�LEBèGuEPHOTOGRAPHE & REPORTER GRAPHIQUE

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La photographie comme chacun sait aujourd’hui est universalisée. Le plus beau cliché que je puisse évoquer à ce sujet est le nombre de tour de planète que pourraient faire les photos du Taj Mahal si on les mettait bout à bout. À vrai dire, chacun s’en moque et continue à le photographier pour en créer son souvenir.

Une des définitions : le cliché est une image, un mot ou une idée répétée, reconnaissable et utilisée par le grand nombre car elle est un gage de qualité; une répétition labellisée en quelque sorte. Par sa familiarité, il est très populaire. Chacun peut s’y reconnaître et s’approprier la part de beauté véhiculée par le sujet. Cette popularité lui porte ombrage, car la répétition du style le rend victime du manque d’originalité et lui ôte toute primeur. Tous les auteurs photographes savent qu’ils ne seront pas les découvreurs d’un Mont fuji sous un ciel orangé, mais aucun ne s’en soucie, car l’image produite fait preuve d’un moment personnel, d’une rencontre ou d’une exception qui marquera le seul utilisateur de ce cliché face à sa beauté.

Autre cliché cent fois dévoilé : l’arrivée du numérique en photographie aura généré un bond

en avant vers la banalisation de la création d’image. Encore à l’époque de l’argentique, il fallait compter sur le coût de la matière pour refréner les envies de fixer les moments. Aujourd’hui, les mémoires électroniques se remplissent plus vite et presque plus facilement que ne peut le faire notre cerveau. La technologie est d’une aide majeure à nos souvenirs, car elle fixe à répétition le banal comme l’important. d’une scène à l’autre, d’un boîtier semi pro au téléphone, chacun marque son histoire par une succession d’images.

Cette accumulation d’images créées accentue d’autant plus l’idée de cliché.

dans le monde de la création, il reste évident pour certains d’avoir pour objectif de dépasser les banalités ressassées. L’innovation créative permet la suspension de la reproduction. Elle donne à voir autrement et ouvre le regard des masses. Cette création nouvelle faisant échos, elle devient référence et est répétée par les créateurs. dans un processus de diffusion, elle est soumise et digérée par le grand nombre et deviendra peut-être un nouveau modèle de beauté, un nouveau cliché.

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Jeune couple posant devant les pruniers de Riyoangi à Kyoto - 22 mars 2011

© Sébastien Lebègue

Il est assez difficile pour moi de parler de cliché, de m’en détacher en temps qu’auteur, de le déconsidérer.

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Ishinomaki, préfecture de Miyagi. Juin 2011Vue sur le front de mer sud depuis le sommet de la montagne au temple Kashimamiko jinja. Le quartier Minamihamachô que l’on voit en contre-bas était un quartier résidentiel. Seul quelques bâtiments sont encore debout. Le lieu d’où cette photo fut prise est un jardin s’ouvrant en panorama sur la ville. Le nombre de photographies prises à cet endroit doit être conséquent, week-end en famille, rencontre amoureuse, ou simple observateur du large. depuis le 11 mars, la population ou les visiteurs de passage constatent seulement l’étendue des dégâts. Le retour à la production d’images innocentes qui feront oublier le tsunami ne sera pas pour tout de suite.© Sébastien Lebègue

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Ishinomaki, préfecture de MiyagiPhotographie déposée au milieu des ruines, mémorial funeste ou acte d’espoir que cette personne ou ses proches repassent par là.© Sébastien Lebègue

Pour l’individu X, l’image créative et l’exception artistique avec un grand A importe peu. Ce sont les images personnelles, les petits moments, les grands souvenirs qui dictent l’acte photographique. Qui peut dire qu’une image aura plus ou moins de qualité ou d’importance. Seul l’auteur ou les personnes qui y figurent sauront juger. Le beau reste subjectif. Les images si clichées soient-elles, sont les traces d’un passé et d’une mémoire privative. L’essence impalpable pour autrui évoquera le simple lieu des figurants ou une éventuelle qualité plastique de l’image, mais le contenu intrinsèque va beaucoup plus loin. Pour les intéressés, l’impalpable se transforme en odeur, en sonorité, en atmosphère. L’image fixée sur le support papier ou numérique ravive les images souvenirs. L’ensemble se transforme en animation cérébrale pour récréer le temps, les lieux, les actions.

11 mars 2011. Cette date restera marquée par le grand tremblement de terre du Tohoku. Il a fait vaciller une partie du Japon, puis a soulevé cette vague pour l’abattre sur toute la façade nord-est du pays. Je ne parlerais pas ici des images abondamment diffusées pour transmettre l’information. Malgré la quantité produite et le nombre de personnes ayant reçu ces photographies et vidéos, je ne crois pas pouvoir évoquer le terme de « cliché » pour parler de cette situation et de ces images d’exceptions.

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Je ne parlerais pas non plus des images directement perçues par les sinistrés. Elles ont parfois profondément marqué leurs mémoires et je ne souhaite pas évoquer ces témoignages ici.

Les objets personnels sont les mémoires matérielles de chacun. Ce jour-là, ils ont été tellement éparpillés par la vague qu’il fut difficile à beaucoup de retrouver les traces de son passé. L’un des biens les plus chers et non des plus onéreux se trouve dans les photographies. Elles sont les preuves visibles de ce qui a existé, un accès direct à la mémoire des gens, un passeport vers ce qui n’est plus.

Onagawa, dans la préfecture de Miyagi, n’existe tout simplement plus. La vague y a dépassé les vingt mètres et a tout arraché sur son passage. Les jours suivant la catastrophe, Les secouristes et les habitants ont recherché leurs proches et leurs biens dans les décombres. Lorsque des objets personnels étaient retrouvés, ils étaient stockés par catégorie afin que leurs propriétaires puissent les récupérer. Ainsi, s’amoncelaient

cartables d’enfants, valises, jouets, objets divers et albums de famille.

Au rez-de-chaussée du centre de réfugiés Undôjô Sôgô Taîikukan, complexe sportif situé sur les hauteurs d’Onagawa, Emiko H. restaure des photographies. Elle travaille pour la mairie et nettoie une partie des nombreux stocks encore disponibles dans les locaux du stade. Toutes les images n’ont pas encore été retrouvées par leur propriétaire. Parfois, leur état ne permet pas l’identification. La boue s’est immiscée, l’eau a altéré la surface, la violence a aussi déchiré le papier. Après la restauration et le retour vers leurs propriétaires, certaines mémoires pourront refaire surface.

Les murs du centre sont couverts de ces images mémoires. des scènes de mariages se juxtaposent à celles d’exploits sportifs, de voyages, de premiers pas ou de repas de famille. Toutes les vies semblent se mélanger dans une esthétique commune d’images altérées. Certaines sont jaunies par le temps, d’autres partiellement effacées, ou

Emiko H. restaure les photographies retrouvées dans les décombres. Les stocks sont énormes et s’additionnent aux images que les sinistrés lui apportent individuellement. © Sébastien Lebègue

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Photo de mariage nettoyée - les visages sont irrémédiablement altérés© Sébastien Lebègue

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Onagawa, préfecture de MiyagiPhotographies restaurées après la détérioration générée par le tsunami. Le style des photos de studio se répète, les figurant et leurs costumes varient.© Sébastien Lebègue

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ondulées. Toutes ont pour point commun de patienter le retour de leurs propriétaires sans toutefois être sûr qu’il ne viendra jamais.

Toutes ces photographies n’auraient jamais dû se retrouver réunies. Par extrapolation, on pourrait dire que les mémoires privées se rencontrent dans cette exposition imprévue. Si on s’en tient à l’esthétique, on peut constater que certaines

images se répètent ou évoquent des sujets, et des situations similaires. Le cliché est tellement populaire et parlant qu’il évoque dans une belle simplicité la vie des gens. Toutes les histoires se mêlent et parlent, mais pour l’observateur improbable que je suis, elles ne sont qu’imagination et interprétation. Pour les auteurs, les figurants ou leurs familles, l’essence des images sera bien plus qu’évocatrice.

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Waka S. dans son espace privatif du centre de réfugiés Undôjô Sôgô Taîikukan à Onagawa. Elle présente ses photographies de voyage et le magazine où elle et sa boutique sont le sujet d’une pleine page.© Sébastien Lebègue

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Waka S. vit au centre de réfugiés avec son mari. Tous deux ont perdu leur maison et leur magasin qui se trouvaient à Onagawa et attendent un logement proposé par le gouvernement. Elle m’évoque son histoire et me parle de ses souvenirs et désirs : « Pour le futur, j’ai plein de rêves », lance-t-elle. « d’abord, je veux voyager comme avant ! » Elle sort des photographies panoramiques de ses voyages qu’elle a pu retrouver dans les décombres. Elle parle de Singapour, d’Osaka ou de son séjour préféré à Kyoto lors de la fête de Gion. Elle les

passe et repasse en silence. Puis sa gorge se noue en disant à nouveau :

« Oui, j’ai beaucoup de rêves ».

Ces rêves dont elle parle sont inaccessibles et en deviennent douloureux. Le passé existe sous quelques images retrouvées, les photographies permettent alors de s’évader quelques instants. Mais, la réalité de ce présent difficile revient vite faire surface. Les photos du passé renvoient alors

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Onagawa, préfecture de Miyagi. Centre de réfugiés Undôjô Sôgô Taîikukan.Les photographies retrouvées dans les décombres sont restaurées puis affichées sur les murs jusqu’à ce que le propriétaire ou un proche puisse les récupérer. Les événements et les époques se croisent dans ces parties de vie privées dévoilées. Cette exposition imprévue s’étend dans les couloirs et escaliers sur plusieurs niveaux.© Sébastien Lebègue

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Cage d’escaliers du centre de réfugiés Undôjô Sôgô Taîikukan © Sébastien Lebègue

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à ce qui fut à jamais perdu. Le choc est tel que pour longtemps, toutes projections futures en deviennent inabordables.

Aucun des clichés photographiques ne retrouvera son aspect d’origine. Les couleurs, la texture, les traces rappellent au premier coup d’œil le passage du tsunami. depuis ce jour, les souvenirs photographiés des « vies d’avant » sont à jamais marqués dans la matière. Ainsi, qu’elles soient corporelles, cérébrales ou matérielles, toutes les

mémoires sont et resteront irrémédiablement enrayées, soit par l’altération en profondeur, soit dans le meilleur des cas par la simple comparaison entre l’avant et l’après.

Malgré les efforts de restauration pour faire renaître un peu de ce passé heureux, il ne semble pas possible de détourner cette date charnière du 11 mars 2011 qui existe désormais en chacun et en toute chose.

Sébastien Lebègue est photographe et reporter graphique basé à Tokyo depuis 2008. Son rayon d’action s’étend sur l’Asie et la zone Pacifique.

Guidé par un thème général de production lié à la mémoire, attentif au présent et attiré par les gens et les minorités, son travail prend la direction

du reportage en 2007.

Cherchant une résultante brute et objective, dans une attitude à mis chemin entre l’intégration et le retrait, Il dessine, photographie et écrit.

Il propose à lire ces productions, reportages graphiques et photographiques, bruts, où recomposés, dans des ouvrages ou en espace lors d’expositions.

http://www.sebastienlebegue.com

Plus de photographies sur Ishinomaki et Onagawa :

http://www.sebastienlebegue.com/b08c-A-Photographie-JAPON-Tsunami-Ishinomaki-Galery.htm

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Exposition�manga,�dE�l’ORiginE�à�nOs�jOuRs��

マンガ展:その発祥から現在まで TEXTE fRANÇAIS ET TRAdUCTION PAR RITSUKO�CorDiEr

仏文テキスト・翻訳共に コルディエ律子TRAdUCTRICE

Auteurs européens sous l’influence du Mangaヨーロッパのコミック作家がマンガの影響を受け

始めてから、既に十数年が経とうとしている© ritsuko Cordier

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B ibliomonde est une association culturelle qui propose un service bibliothécaire destiné à un public des plus larges, avec

un vaste choix d’ouvrages en … 123 langues différentes ! bibliomonde est née il y a quinze ans de l’amour des langues, avec l’ambition de devenir un signe tangible de la coexistence de plus en plus fructueuse de différentes cultures installées autour de la ville de Neuchâtel en Suisse. Cette ville, dont le nom est apparu pour la première fois dans un acte rédigé en 1011, célèbre son millénaire en cette année 2011. Elle participe depuis plusieurs années au programme du Conseil de l’Europe « Cités Interculturelles », qui vise à assurer une meilleure cohésion multiculturelle au sein de la vie locale.

Pour fêter ce jubilé, bibliomonde s’est tournée vers le Japon, et plus particulièrement vers le « Manga », thème d’une exposition qui s’est déroulée du 21 au 29 janvier dernier dans les locaux de l’association situés en plein cœur de la cité lacustre. Ce choix peut s’expliquer facilement, eu égard à la prolifération phénoménale du manga au-delà de l’Archipel qui s’est intensifiée au cours de la décennie qui vient de s’achever. La part de la catégorie « Manga » a ainsi atteint quelque 45% du chiffre d’affaires du marché francophone de la bande dessinée.

ビブリオモンドは、図書貸出サービスを行っている非営利団体です。より幅広い利用者に向けて、なんと123種類の言語の中から選べる多言語の蔵書を揃えています。ビブリオモンドはスイスのヌーシャテルで、 世界各地の様々な言語へ情熱を抱く人びとが諸外国出身の住民とのふれあいを深める中、異文化共生の確固たる証しとなるべく1995年に結成しました。ヌーシャテルは2011年の今年、その名が有史以来初めて文書に記載された1011年から数えて、市制1000周年を迎えました。ここ数年来、地域共同体内でより質の高い多文化共生社会の実現を指針とする欧州評議会のプログラム「インターカルチャー・シティー」に参加する一都市でもあります。

この記念すべき節目の年を祝うにあたって、ビブリオモンドが注目したのが、日本文化、とりわけ「マンガ」です。湖畔の街、ヌーシャテルの中心地に位置する館内で、今年1月21日から29日に開催された展覧会のテーマそのものです。幕を閉じたばかりの2000年代の10年間における日本国外でのマンガの発展には目覚ましいものがあり、このテーマが選ばれたことにもうなずけます。実際、マンガのカテゴリーは、仏語圏のコミック・バンド=デシネ出版市場の総売上高の約45%に達しています。

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Notre exposition, malgré son installation simple d’un point de vue matériel, a offert une excellente occasion de revivre l’histoire du Japon, souvent méconnue, à travers la présentation des mangaka (auteurs de manga) qui ont marqué leurs époques et des illustrations de leur héros. À la fin de ce parcours, quelques auteurs européens ont pris le relais, en tant que témoins de notre ère, celle de la globalisation que nous vivons à présent où que nous soyons.

Cette vague d’adaptations de mangas en

d’autres langues peut ressembler à un puzzle impossible à reconstituer, même pour les Japonais établis dans le canton de Neuchâtel, en majorité des trentenaires et quadragénaires, pour qui la dernière lecture de mangas remonte très loin dans le temps et dans l’espace. Le manga tel qu’ils le connaissent fait partie de leurs souvenirs d’enfance, alors qu’il est devenu d’actualité, et ce de manière saisissante, dans un contexte culturellement et géographiquement si éloigné du Japon qu’ici en Suisse!

C’est ainsi que nous avons retenu la piste de la rétrospective historique. Pour ceux qui n’ont aucun lien avec l’Asie, le manga ne représente souvent qu’une panoplie d’objets enfantins accompagnés d’un certain exotisme, voire une futilité incompréhensible. Or, le manga a une longue histoire inscrite dans la tradition à la fois narrative et visuelle de la culture japonaise.

ビブリオモンドのマンガ展は、小規模ながら、日本の歴史を辿り直せる素晴らしい機会を与えてくれました。具体的には、各時代を風靡した漫画家を取り上げながら、代表作の登場人物のイラスト・パネルを用いて当地の一般人には馴染みの薄い日本史の全体像を浮き彫りにしました。展示の締めくくりには、今、私たちが世界のどこにいようと直面しているグローバル化時代の証人として、マンガに影響を受けたヨーロッパ人作家を紹介しつつ現代に至る、という風に趣向をこらしました。

日本のマンガの翻訳版出版のこれほど本格的な流行をどう受け止めるかは、ここスイス・ヌーシャテル州に住む日本人にとっても、難解なパズルを繋ぎ合わせるようなものです。彼らの大部分は30代から40代で、最後にマンガを読んだ経験は、時空間共にかなり隔たりが生じて来ています。彼らが知っているマンガは日本での子供時代の思い出に属しますが、それが突然、文化的、地理的な背景において日本とは大きく異なるここスイスで、今日的意義のあるものとして脚光を浴びるようになったのですから。

こうして、歴史的回顧に手がかりが求められました。アジアと何の関係も持たない人にとっては、マンガはしばしば、ある種の異国趣味を伴った幼稚なオブジェ一式、あるいは不可解極まる戯言に過ぎないでしょう。しかし、マンガには、日本文化の叙事的かつ視覚的な伝統に裏打ちされた長い歴史があります。マ

Apprendre à dessiner le manga, c’est un passeport pour se rapprocher d’un monde inconnu...!

「マンガのセリフを読み進める方向は?」、「何種類の文字を使うの?」などなど、マンガだけでなく、日本文化に関する好奇心も旺盛な子供たち© ritsuko Cordier

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Le fameux Rouleau des animaux du Grand-Prêtre de Toba en miniature.鳥羽僧正作と言われる鳥獣戯画のミニアチュール © ritsuko Cordier

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Son plus ancien ancêtre date du XIIe siècle et se présente sous forme de rouleau. Ce point de départ historique nous confère une vision globale pour mieux interpréter à sa juste valeur un art presque millénaire. de Hokusaï Manga aux premiers exercices d’expressions satiriques et journalistiques modernes nés de la rencontre du Japon avec les plus grands pays occidentaux à la fin du XIXe siècle, jusqu’à sa réussite commerciale dans les années 1950, l’histoire du pays est un constat bouleversant de l’état d’urgence dans lequel les Japonais ont vécu la seconde moitié du XXe siècle. La folle allure de cette époque n’est-elle pas d’actualité avec ce que vivent actuellement les pays dits « émergents », mais à une vitesse encore bien supérieure à celle du Japon de l’époque?

Alors que nous étions à la recherche de supports visuels pour cette exposition, la bibliothèque municipale de Lausanne, dans le canton de Vaud, nous a chaleureusement ouvert les portes de ses archives, dont le fonds spécialisé aux bandées dessinées n’a eu de cesse de s’enrichir depuis sa création dans les années 1970. Il comprend de nombreux ouvrages de bandes dessinées du monde entier, de tous formats et de toutes époques. dans la vaste enceinte du dépôt, nos mangas, de doraemon ou black Jack à Nana ou fruits basket, avaient tous leur place entre les premiers numéros de Spirou et ceux de félix le Chat. Le responsable archiviste du fonds, Monsieur Cuno Affolter, nous a montré une quantité vertigineuse de titres pour notre plus grand bonheur. Il avait lui-même fait don de sa collection de bd à la bibliothèque, soit près de 40 000 références. Nous saluons la clairvoyance passionnée de ces archivistes-documentalistes, gardiens de la mémoire quotidienne de l’humanité.

ンガの最古の前身は12世紀に遡り、絵巻物の形をとっています。歴史的な出発点を示すことで、ほぼ一千年の歴史を持つこのアートに、より正当な価値評価を与えるための全体的なビジョンがもたらされます。『北斎漫画』から、19世紀末の日本と欧米先進諸大国との出会いによって生まれた新聞創成期の挿絵としての風刺画という試験期間を経て、1950年代にマンガが商業的成功を収めるまでの歴史の流れは、20世紀後半を日本人がどれだけ性急に生きてきたかの衝撃的な報告となっています。この時代の常軌を逸した性急さは、現在、「新興国」と呼ばれている国々が、当時の日本よりもさらに加速した勢いで経験している現実ではないでしょうか。

この展覧会の準備段階で、パネル作製のためのイラストを探していた時、 在ヴォー州、ローザンヌ市立図書館の資料室が、私たちに快く門戸を開いて下さいました。この図書館はコミック・バンド=デシネ関連の書庫部門があることで知られており、その内容は質・量共に1970年代の開設以来、充実する一方です。世界中のあらゆる体裁、あらゆる時代のコミック・バンド=デシネを所蔵しています。この広大な書庫に、初版の『スピルー』や『フェリックス・ザ・キャット』に混じって、『ドラえもん』、『ブラックジャック』から、『NANA』、『フルーツバスケット』に至るまで、私たちの探していたマンガ作品が納められていました。同部門の責任者、キュノ・アフォルテール氏は、嬉しいことに、めまいがするほど膨大な資料を私たちに見せてくれました。アフォルテール氏自身、個人所蔵の4万点近い資料を図書館に寄贈したほどのコミック通です。人類の日常史としても情報価値の高いマンガ、コミックの収集・保存に携わる、これらの資料保管士、専門司書たちの情熱に満ちた先見の明に敬意の念を捧げます。

À la découverte du manga...!いざ、マンガ発見と参りますか © ritsuko Cordier

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Le manga est un catalyseur par excellence de tous les phénomènes socioculturels. Il reflète l’état d’esprit de chaque époque par la manière d’observer et de rendre le décor, la construction du scénario ou celle des dialogues, le choix du style d’habillement des personnages et des motifs du thème narratif. Il est naturellement perméable aux mécanismes de mutation sociale plus que les autres médiums culturels, car, comparé au film ou à la littérature, son cycle de production est relativement court. Pour un œil non japonais, le manga scrute l’intimité des Japonais tout en exploitant la possibilité d’un mode d’expression sans paroles. Parfois, ce ne sont pas forcément les personnages, mais les objets ou les paysages qui fixent le récit. Très cinématographique de ce fait, le manga possédait déjà secrètement cette envie de révéler le monde avant que ne vienne l’heure du film.

マンガは社会、文化のあらゆる現象を捉えて表現することができる優れた触媒です。視座の置き方や背景の描き方、ストーリーや台詞の構成、登場人物の服装や物語のモチーフの選択の仕方などによって、各時代の精神が反映されます。マンガの創作サイクルは、映画や文学と比べるとおしなべて短いことから、当然、他の文化媒体よりも社会の変遷メカニズムに敏感に左右されます。外国人の目から見ると、マンガは言語に頼らない表現の可能性を駆使しながら日本人の内面を窺うことを可能にしてくれます。場面展開の決めてとなるのは必ずしも登場人物ではなく、時には物や風景であったりします。このように非常に映画的なマンガは、銀幕の時代が到来する以前から、世界を表現したいという欲望を秘かに抱いていたのです。

La calligraphie oblige pour le prélude de cette expositionこのマンガ展の出だしを飾るには、お習字がふさわしい?© ritsuko Cordier

Le magnifique buffet de sushis du vernissage accompagné du vin de Neuchâtelオープニング・セレモニーのビュッフェはお寿司とローカル・ワインで乾杯 © ritsuko Cordier

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Les enfants de 10 à 15 ans se sont réunis autour d’un atelier de dessin de manga conjointement organisé durant cette exposition. Ils nous ont aidés à ouvrir ainsi un nouveau chapitre du manga au XXIe siècle avec une joie étonnamment studieuse! Ils se sont concentrés pour assimiler les traits au crayon en suivant les consignes de notre jeune animateur, qui avait lui-même découvert le manga à l’école primaire grâce à des camarades de classe japonais. Les enfants participant à cet atelier étaient d’origines culturelles variées. Certains venaient d’Europe de l’Ouest, d’autres d’Amérique latine…mais aussi du Japon. Aucun autre élément de la culture japonaise n’a jamais été aussi ouvert sur le monde que le manga.

Suisse, brésil, france, Japon, l’origine des membres de l’équipe réalisatrice de cette exposition témoigne de la diversité culturelle chère à bibliomonde. Je tiens à remercier infiniment tous ceux qui nous ont tendu la main pour achever cet événement, mes compatriotes, garants de la qualité authentique du contenu historique, tous les bénévoles de bibliomonde, Monsieur Ilan Nguyen, enseignant au département du film d’animation à l’Université des Arts de Tokyo et membre de freelance france Japon depuis la création du réseau, ainsi que Madame brigitte Koyama-Richard, auteure de Mille ans du Manga (flammarion, 2007), dont j’ai suivi les cours à l’Université de Musashi à Tokyo.

この展示会期間中に開催されたマンガ・アトリエには、10歳から15歳の地元の子供たちが参加しました。こうして、21世紀のマンガの新たな章の幕開けを喜んで手伝ってくれたのですが、彼らはなんてひたむきなのでしょう。青年講師の説明に従って、鉛筆で線をたどることに始終没頭していました。講師自身は、小学校の時に日本人のクラスメイトのお陰でマンガに出会ったのがきっかけだとか。このアトリエに参加した子供たちの文化的ルーツも様々でした。ある子は西欧、ある子は南米、そして日本にルーツを持つ子もいました。かつて日本文化の中で、これほど世界に向けて開かれた分野がマンガ以外にあったでしょうか。

スイス、ブラジル、フランス、日本、と、この展示会の制作スタッフのバラエティーに富んだ出身国も、ビブリオモンドが大切にしている文化的多様性を物語っています。この場を借りて、マンガ展企画実現のために温かい手を差し伸べて下さったすべての方々に感謝の意を表します。史実面で内容の信憑性を確認して下さったヌーシャテル在住の日本人同胞の皆様、ビブリオモンドのボランティア・スタッフ一同、東京藝術大学大学院映像研究科アニメーション課程専門講師で、ソーシャルネットワーク・フリーランス・フランス・ジャポン結成時からのメンバーでもあるイラン・グェン氏、ならびに、武蔵大学人文学部ヨーロッパ文化学科教授で、近著にマンガの成り立ちから現在までの歴史を概観したMille ans du Manga (Flammarion、 2007)を上梓されている私の学生時代の恩師、小山ブリジット先生に心から御礼を申し上げます。

Ritsuko CORdIER est traductrice français-japonais et vit en Europe depuis 1995. Son penchant pour la langue

française découverte au Japon l’a menée vers les sciences du langage puis à l’horlogerie suisse. Installée à

Neuchâtel en Suisse, où l’esprit cosmopolite est bien ancré depuis des générations, elle s’engage de plus en plus

dans différents projets culturels locaux et sur internet pour favoriser la présence de la culture japonaise dans un

paysage multiculturel. Pour les Japonais assoiffés d’informations dans le domaine des affaires étrangères, elle

participe à la rédaction de l’édition électronique Le Monde diplomatique Japon.

コルディエ律子は、1995年以来、欧州在住の日仏語翻訳者。フランス留学では言語学を専攻。現在はスイスのヌーシャテルで時計産業に従事する傍ら、コスモポリタン文化を基調とする伝統に触発され、多文化主義のコンテクストで日本文化の紹介をあらゆる角度から試行錯誤中。国際関連ニュースを渇望する日本人のために、電子版『ル・ モンド・ディプロマティーク・ジャポン』の編集に参加している。http://freefrajap.ning.com/profile/CordierRitsuko

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PAR GéRALdINE�ouDiNTRAdUCTRICE ET INTERPRÈTE dE L IAISON

Traduct ion japonaise REIKO VACHoT-iNuKAiTRAdUCTRICE ET INTERPRÈTE

l’alsaCE�au�japOn��日本のアルザス

i l y a ceux qui rêvent du Japon urbain, tentaculaire, tour à tour oppressant et libérateur. Et il y a ceux qui rêvent de

sanctuaires laqués de rouge et nichés à flanc de montagne déserte, quelque part sous la neige. Celui que j’ai découvert lors de mon premier séjour n’appartient à aucune de ces deux extrêmes. Il flotte entre les deux, ni vraiment en ville, ni vraiment à la campagne. Les habitants de la capitale le dénigreraient en le qualifiant d’inaka 1, mais un visiteur ayant grandi dans un petit village français n’y verrait que du béton. Pour ma part, je n’avais aucune attente particulière. J’avais entrepris l’étude de cette langue par pure curiosité linguistique, et cette neutralité me démarquait déjà de la foule des otakus qui constituaient le gros des troupes du département de japonais mais qui abandonnaient rapidement, rebutés par les rudiments de langue classique que l’on nous forçait alors à ingurgiter.

C’est à quelques encablures de Nagoya, au cœur de l’île de Honshu, que j’ai posé mes bagages pour six mois d’immersion en terre japonaise. dix ans ont passé mais je me souviens précisément de la question qui a guidé mes pas et scellé mon destin : vais-je aimer ce pays dont je balbutie la langue mais que je ne connais pas ? Une représentante du musée où je vais travailler pendant six mois vient m’accueillir à l’aéroport et me conduit jusqu’en haut de la montagne où je passerai désormais la plupart de mon temps : mon lieu de travail.

J’habite un grand appartement mis à disposition

日本といえば、触手を伸ばすように拡大し、閉塞感と開放感が背中あわせの都市空間に思いを馳せる者がいる一方で、人里離れた山腹で雪景色の中にひっそりと佇む、朱色に塗上げられた神社仏閣に思いを馳せる者もまたいる。けれど、初めての滞在で私が出会った日本は、このどちらでもない。都会とも田舎とも割り切れない、この中間を漂っている。東京の人たちは「田舎」扱いして見下すかもしれないが、フランスの小村育ちの人が訪れたらコンクリートばかりが目に付くだろう。私は特に何も期待していなかった。単に言語学的な興味から私は日本語の勉強を始めたのだが、この中立的な立場によって日本語学科で多数派を成していたオタクの群れとは既に一線を画していた。数では優勢だった彼らだが、詰め込み学習を強いられた古文の基礎でつまずいて、早々に勉学を放棄していったのだった。

半年間の日本生活体験のために私が落ち

着いたのは、本州の中央に位置する名古屋からさほど遠くないところであった。もうあれから10年になるが、当時、「片言の日本語を除いては、未知に等しいこの日本という国を、私は好きになれるだろうか。」と自問していたことを今もはっきりと覚えている。この疑問がその後の私を導き、運命を定めたのだった。半年間勤務することになっていた博物館の女性が空港に迎えに来て、これから私が自分の時間の大部分を過ごすことになっていた職場のある山の上まで案内してくれた。

私は雇い主が用意してくれた広いアパート

1 Campagne, province.

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par mon employeur. La machine à laver est une antiquité, la douche crache eau froide ou eau bouillante selon son humeur mais qu’importe, j’ai une vue presque imprenable sur le plus ancien château du Japon.

Chaque matin, je termine ma nuit dans le bus qui gravit lentement la montagne, s’éloignant peu à peu de la civilisation. Chaque matin, le musée surgit au milieu de la forêt. Je parcours à pied le demi-kilomètre qui me sépare de mon poste, saluant mes collègues en passant devant leurs demeures. Si j’ai de la chance, les demoiselles d’Okinawa auront déjà fait frire quelques sata andagi 2 que je dégusterai en route.

に住むことになった。洗濯機は年代物で、シャワーは気まぐれに冷水や熱湯を吐き出したが、そんなことは一向に構わなかった。日本最古の城のほぼ全景を眼下に一望できたからだ。

毎朝、ゆっくりと山を登るにつれて、少しずつ文明から遠ざかって行くバスの中で私は居眠りをし、毎朝、森林地帯の真っ只中に博物館の建物は現れた。同僚たちの展示家屋の前を通って挨拶しながら、私は仕事場までの500mを歩いて行った。運が良ければ、沖縄物産店のネーネー(お姉さん)たちのサーターアンダギー1 が揚げ上がっていて、それを道々頬張ることができた。

La maison à blotzheim en 19851985年当時のプロッツハイム

© marc Grodwohl

2 délicieux beignets typiques d’Okinawa 1 沖縄の祝い菓子

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Taiwan, états-Unis, Pérou, Indonésie, Allemagne… Le paysage change, les pays défilent rapidement. Me voilà déjà en france ou plutôt en Alsace, la terre de certains de mes ancêtres. J’enfile mon uniforme et je commence la tournée d’arrosage des géraniums avant que n’arrivent les premiers visiteurs, qui me trouvent invariablement kawai et demandent à enfiler eux aussi le costume traditionnel. Pour quelques yens, c’est chose faite, et nous nous rassemblons pour l’inévitable photo. Il semble que ma capacité à préparer le pain et à le cuire dans un four traditionnel ait fait pencher les recruteurs en ma faveur, et je fais la démonstration de mes talents de temps en temps. Les artisans français qui ont déplacé cette ferme multicentenaire pierre par pierre dans les années 1980 ont fait du bon travail, comme en témoigne le nombre d’entreprises japonaises installées en Alsace. Le rayonnement culturel, c’est bien, surtout lorsqu’il permet de nouer des liens économiques. André Klein 3 l’avait bien compris.

台湾、合衆国、ペルー、インドネシア、ドイツ・・・、風景が移り変わり、いろいろな国が足早に過ぎていく。そしてやっとフランス、いやむしろアルザスに着くのだが、アルザスは私の祖先の故郷でもある。私は制服に着替えると、最初の来場者が訪れる前にゼラニウムの水やりに回る。お客さんたちは決まって私を「可愛い」と評して、自分も民族衣装を着てみたいと言い出すのだが、それはわずか数百円で実現可能で、私たちは必ず揃って写真撮影を行うのであった。種作りから昔ながらの窯焼きに至るまでの私のパン作りの才能が採用担当者に好感度を与えたらしかったこともあり、私は時々、パン焼きの実演も披露した。1980年代に、フランスの職人たちが、築数百年になるこの農家を、石を一つ一つ運んで来て移築したのだが、アルザスに進出している日系企業の数でも分かるように、彼らの腕は大したものであった。文化の波及は、経済的な結び付きを促す場合には、特に好ましいものである。アンドレ・クライン2はこのことをよく理解していた。

La maison à blotzheim en 1985 1985年当時のプロッツハイム© marc Grodwohl

3 diplômé de l’ENA, président du Centre européen d’études japonaises d’Alsace (CEEJA), André Klein a été à la tête de l’Agence de développement de l’Alsace.

2 アルザス日本学研究所の所長でもある>アルザス日本学研究所の元所長でもある

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La maison dans laquelle je passe mes journées a connu un destin extraordinaire. Construite en pans de bois en 1582 à blotzheim, dans le Sundgau, elle aurait été vouée à la destruction si un certain musée ethnographique japonais n’avait pas fait part à l’écomusée d’Alsace de son désir d’acquérir une authentique maison alsacienne. Malgré l’intérêt architectural qu’elle représentait, le nombre de maisons traditionnelles en piteux état, sa taille imposante, la présence d’une œuvre du même charpentier à l’écomusée et le fait que le rez-de-chaussée avait été transformé en bunker de béton armé par l’armée française en 1939-1940 rendaient toute restauration sur place improbable. En revanche, elle était une candidate parfaite à l’immigration 4.

On m’avait assuré que le personnel du musée parlait parfaitement anglais. Ce n’est heureusement pas le cas et je fais des progrès fulgurants. Les

私が日々過ごしていた家屋は、数奇な運命を歩んだ家であった。1582年、スンドゴー地方のブロッツハイムに建てられたこの木骨造の建物は、もし日本の某民族博物館がアルザスの野外博物館に、正真正銘のアルザス家屋を入手したいと申し出なければ、解体の運命にあっただろう。建築的価値はあったものの、ひどい状態の伝統家屋は他にも数多く残存していたし、この家の場合は、規模が大きい上に、同じ大工職人の手による家が展示物として野外博物館に既にあったことや、その一階部分が1939年から1940年の間、仏軍により鉄筋コンクリートのトーチカに改造されていたことから、現地での復元はあり得ない状況にあった。ところがこの家は国外への移築にはお誂え向きだったのである3。

来日前、博物館の係員の英語は完璧だと言

われていたが、実際は幸運にもそうではなく、私の日本語は一気に上達した。雨の日には、

La maison à blotzheim en 1985 1985年当時のプロッツハイム

© marc Grodwohl

4 Je remercie M. Marc Grodwohl, qui a organisé le transfert de la maison en 1985 et a bien voulu répondre à mes ques-tions sur son histoire et me faire parvenir quelques photos. Monsieur Grodwohl a participé à la création de l’écomusée d’Alsaace et a notamment écrit Habiter le Sundgau 1500-1636. La maison rurale en pans de bois. Techniques, culture et société (ouvrage paru en avril 2010 aux éditions de la Société d’Histoire du Sundgau).

3 1985年にこの家屋の移築を実施し、その歴史に関する私の質問に答えてくださり、写真資料まで提供してくださったマーク・グロッドウォール氏に謝意を表したい。グロッドウォール氏はアルザス野外博物館の創設に携わり、著書にスンドゴー地方の木骨造建造物の歴史を綴った、Habiter le Sundgau 1500-1636. La maison rurale en pans de bois. Techniques, culture et société(la Société d’Histoire du Sundgau, April 2010)がある。

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jours de pluie, je rends visite à ma voisine dans son trullo 5 , où nous partageons parfois une glace un peu plus italienne qu’Ana, qui vient en fait de Russie où elle a rencontré son mari japonais par l’intermédiaire d’une agence matrimoniale. Ces deux-là sont unis par un amour improbable et pourtant bien réel, né avec le temps et avec leurs enfants. Ces jours-là sont aussi ceux que les clients hauts en couleurs qui préfèrent éviter les foules choisissent pour nous rendre visite.

Vers cinq heures, s’il me reste assez d’énergie, je choisis de ne pas revenir sur mes pas et de poursuivre mon tour du monde en passant par l’Afrique, le Népal, la Thaïlande, la Micronésie, la Corée et quelques destinations japonaises presque aussi exotiques, pour la plupart peuplées

私は隣の展示家屋トルッロ4を訪問し、そこのアンナよりちょっぴりイタリア的なアイスクリームを時には一緒に食べた。アンナは、実はロシア人で、結婚相談所を通して現在のご主人である日本人男性と出会った。嘘のようだが、二人は、時の流れと、そして子供たちの誕生で育まれた、本物の愛で結ばれていた。雨の日はまた、人混みを嫌ういろいろな訪問客が訪れる日でもあった。

午後5時頃、疲れ切っていなかったら、私は朝来た道ではなく、アフリカ、ネパール、タイ、ミクロネシア、韓国、そして日本国内だが同じくらい異国情緒のある地方を巡って、世界一周を続けることにしていた。それらの展示家屋の大半は、異国調なのは着ている衣装だけ、という臨時雇いの係員で占められていた。

Vue sur Kagamihara-shi depuis le chateau d’Inuyama.犬山城から各務原市を臨む © Géraldine oudin

5 Construction rurale typique de la région des Pouilles en Ita-lie du Sud, faite de pierres sèches et dont le toit en forme de cône est recouvert de lauses calcaires plates.

4 南イタリアのプーリア地方の典型的な田舎家。石造りで、平たく加工した石灰岩で葺いた円錐型の屋根が特徴。

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d’intérimaires qui n’ont d’étranger que le costume qu’elles portent sur le dos. En ce sens, je suis véritablement le joyau du musée, bien que je ne parle pas un traître mot d’alsacien. Heureusement pour moi, peu de Japonais apprennent cette langue et personne ne viendra donc briser l’aura de prestige qui m’entoure.

Travaillant dans un environnement entièrement japonais malgré les apparences, loin de la foule des expatriés qui pensent connaître le Japon, je me contente de vivre au jour le jour pour essayer de dépasser les clichés que je personnalise au quotidien. Contre toute attente, c’est pourtant dans ce musée aux allures de parc d’attraction que je vais rencontrer ma première véritable anthropologue. Spécialiste des Caraïbes, elle est ici

そういう意味では、私はアルザス語は一言も話せなかったが、この博物館の全くの逸品であった。幸いにも、アルザス語を学ぶ日本人はほとんどなく、誰も、私が放つ輝かしいオーラに影を落としに来ることはなかった。

自称「日本通」の在留外国人の群れから遠く離れ、見かけに反して完全に日本的な環境の中で働きながら、型にはまった見方に捕らわれず、常に自分なりの考えを持とうとして、その日その日を生きていく生活に満足していた。思いがけず、私が本物の人類学者に初めて出会ったのは、遊園地さながらのこの博物館でのことであった。カリブ海地域研究が専門の彼女はここで、古い貴重な品から比較的近年の品まで、世界中から集められた美術品や日用品の膨大なコレクションの管理を担当

Le chateau d’Inuyama au printemps春の犬山城© Géraldine oudin

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chargée d’une impressionnante collection d’objets d’arts et de la vie quotidienne venant du monde entier, certains anciens et précieux, d’autres plus récents. Seule une partie de ces trésors est exposée au public, le reste venant de temps en temps enrichir une exposition temporaire qui, à ma grande consternation, n’a pas autant de succès que le spectacle de flamenco 100 % japonais. L’anthropologue, quand à elle, est plus résignée que consternée. Attendant un poste dans une grande université (qu’elle finira par obtenir), elle vit terrée dans un grand bureau à l’écart de l’administration et des commérages, ensevelie sous une montagne de livres que j’emprunte les uns après les autres, approfondissant au fil du temps mes connaissances sur l’histoire de l’industrie du sucre, du rhum et de la traite des esclaves. Avec le temps, l’idée s’impose à moi comme une évidence : je reviendrai au Japon pour y étudier l’anthropologie.

Je passe une partie de l’hiver à lire assise à même le tapis de sol chauffant, seule concession à la modernité, en grignotant des ignames mises à rôtir lentement sur le fourneau, puisque nous n’avons pas de châtaignes. Le temps s’écoule lentement, les clients sont rares. Au printemps, les nuées d’écoliers ne me laissent aucun répit. Le chauffeur de taxi à la retraite qui s’occupe du jardin fait pousser mes légumes préférés. Six mois passent vite quand ils ne sont rythmés que par une seule et unique mélodie, le Clair de Lune de debussy.

していた。その至宝とも言えるコレクションのほんの一部のみが一般公開されており、残りの所蔵品は企画展を充実させるのに時折使用されるだけで、ショックなことに、出演者が全員日本人のフラメンコショーの方が好評を博していた。人類学者の彼女はと言えば、ショックというよりは、あきらめの境地だった。一流大学のポストが空くのを待ちながら(後にそれを得るのだが)、彼女は庶務からも噂話からも離れた広い研究室で、書物の山に埋もれてひっそりと生活していた。そして、それらの書物を次々と拝借するうち、私は、砂糖やラム酒製造、あるいは奴隷貿易などを巡る歴史についての知識を深めていった。時が経つにつれて、私の中では「人類学を勉強するためにまた日本へ戻って来よう。」という思いが明確になっていった。

私は冬のひと時を、近代的な生活への唯一の譲歩であったホットカーペットの上で、ストーブでじっくりと焼いたサツマイモをかじりながら読書して過ごした。栗がなかったのである。時はゆっくりと流れ、来場者はまばらであった。春になると、小学生が大挙してやって来て、私は休む暇もなくなった。元タクシーの運転手で定年後、博物館で庭仕事をしていた人が、私の好物の野菜を育ててくれた。たった一つのメロディー、ドビュッシーの「月の光」の旋律と共に、半年はあっという間に過ぎてしまった。

Au coin du feuストーブの傍らで© Géraldine oudin

Les gardiens du musée博物館の守護者たち© Géraldine oudin

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Traductrice et interprète de liaison française, Géraldine Oudin a vécu cinq ans au Japon avant de partir en 2009 à la découverte de Perth, en

Australie Occidentale. diplômée du département d’études japonaises de l’université de Strasbourg et de l’école des hautes études en sciences

sociales (EHESS), elle se spécialise dans les sciences sociales et humaines, la littérature, les loisirs créatifs, les arts et l’adaptation de sous-titres.

Sa devise : « Précision et élégance ». Plus d’informations sur http://zentranslations.com

ウダジェラルデインはフランス出身の翻訳家・リエゾン通訳者です。5年間日本に住んでいましたが、2009年より一時的に西オーストラリア州、パースに拠点を移動。ストラスブール大学日本語・日本文学学部卒業後、フランス国立社会科学高等学術研究院(EHESS)で修士号取得。専門分野は社会科学・人文科学・文学・実用諸・芸術・そして字幕翻訳。「正確で洗練された翻訳・通訳」が座右の銘。詳しくはzentranslations.comをご覧ください。

Version japonaise traduite du français par / 仏日翻訳Reiko VACHOT-INUKAI  犬飼玲子Interprète-traductrice de japonais à Lyon 在リヨン 仏日・日仏通訳翻訳http://www.r-v-i.com

Complexe alsacien au Japon館内のアルザスの家展示場

© Géraldine oudin

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sEtOuChi,l’art-chipel

Petite parenthèse touristique avec un retour sur mon séjour dans l’archipel de Setouchi, dans la mer intérieure de Seto.

Je m’y suis rendu à l’occasion du formidable festival «Art Setouchi» durant l’été 2010.

Avec la création du benesse House Museum sur l’île de Naoshima, c’est la société benesse Corporation (dont le PdG est un amateur d’art éclairé) qui est à l’origine de ce festival, et de manière générale, de l’intense activité artistique qui entoure ce chapelet d’îles, à portée de bateau depuis Takamatsu (Shikoku).

L’idée a suivi son cours avec la construction d’autres musées, jusqu’à ce festival, dont le but avoué était aussi de redynamiser les îles de l’archipel, dont l’attrait touristique était limité.

Sur les hauteurs de Shodoshima© martin Faynot

PAR MARTIN�FAYNoTILLUSTRATEUR

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Ainsi, la plupart des villages ont été investis par des artistes qui ont aménagé des installations artistiques au sein mêmes des maisons (le fameux «House Project»). On pouvait y trouver des installations surprenantes en pleine nature comme le «House of Shodoshima», sur l’île du même nom.

L’île Inujima (une cinquantaine d’habitants) a vu son ancienne usine de cuivre transformée en œuvre d’art spectaculaire.

des restaurants, cafés et même bains publics («I love 湯» à Naoshima) ont été construits ou aménagés spécialement par des artistes de renommée internationale pour l’occasion.

Ile d’Ogijima. Equipe de TV en train de tester une installation originale de tubes reliant dif-férents endroits de l’île pour faire passer la voix (pratique en cas de coupure de courant !).© martin Faynot

S art house à Inujima par Kazuyo Sejima (SANAA)© martin Faynot

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de haut en bas : - Projet de murs peints par ligne par Rikuji Makabe à Ogijima

- Seirensho par Hiroshi Sambuichi etYukinori Yanagi à Inujima- Neon Hinomaru par Yukinori Yanagi à Inujima

© martin Faynot

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PAR L IONEL�DErSoTINTERPRETE

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Ruelle du village de Miyanoura, à Naoshima© martin Faynot

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Inujima, le long de la jetée. Le toit orange est celui d’une maison «House Project»© martin Faynot

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Martin faynot est illustrateur-graphiste. Vivant à Tokyo depuis 2002, il s’efforce de la représenter à travers croquis et dessins, tout en expérimentant différents styles.Au quotidien, Martin travaille en tant qu’illustrateur freelance pour divers éditeurs japonais (Asahi, Nobunkyo, Surugadai, Hakusuisha, Seibido, benesse, Aeon).Occasionnellement, il réalise également storyboards et character design dans le domaine de l’animation.

http://www.cafemarutan.comhttp://twitter.com/Baronmarutan

Le festival est maintenant terminé mais suite à son succès retentissant, de nombreuses installations subsistent, ainsi que les cafés et bien sûr les musées permanents.

Pour plus d’informations, le site officiel : http://setouchi-artfest.jp/en/Et un excellent blog d’un français résidant à

Takamatsu : http://ogijima.fr/

Le prochain festival aura lieu en 2013 mais n’attendez pas pour y aller !

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REndEz-vOus�a�tOkyO

PAR VINCENT�LEFrANçoiSILLUSTRATEUR

Comme une feuille à dessin garde les marques des tracés successifs du crayon, l’espace urbain s’imprègne

de nos passages et se modèle autour de nos émotions. J’ai la conviction qu’une ville tire sa vitalité des gens qu’elle abrite et qui y projettent

leurs désirs. Acteurs sur une scène que nous occupons collectivement, nous sommes aussi les auteurs de la pièce qui s’y joue. C’est quand une rue ou un quartier deviennent les décors de nos vies qu’ils prennent tout leur sens.

Rendez-vous à Tokyo© Vincent Lefrançois

Au Japon depuis 1991, Vincent Lefrançois exerce les professions d’illustrateur pour l’Atelier décalé, adaptateur

de mangas pour les éditions Casterman, et professeur de fLE à l’université Seinan Gakuin et à l’Institut franco-

japonais du Kyûshû.http://www.atelierdecale.net

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attaquE�dE�l’OmikOshi

PAR MICHAEL�GoLDBErGVIdEASTE

Ushima, juste avant la chute© michael Goldberg

Ushima (l’île des Cormorans), dans la mer intérieure Seto, ne compte que 34 habitants. L’âge moyen est de plus de 70 ans. Leur Aki-Matsuri (festival automnal) étant en voie de disparition, un ami qui a une maison d’été sur l’îlot m’a demandé de le documenter pour faire un cadeau aux résidents.

Je tournais seul en marche arrière lorsque le Omikoshi, porté par les plus jeunes de l’île, a pris de la vitesse sur une pente. Normalement j’aurais dû avoir un assistant pour réaliser une telle manœuvre, mais il n’y avait personne pour m’aider à naviguer. Mon dos a heurté une boîte métallique qui dépassait et j’ai été précipité 1,7 mètre plus bas, où j’ai atterri sur le dos dans un fossé enrobé de béton. M’étant frappé le crâne dans la descente, je ne me souviens pas de la chute.

A a a a a a a g h

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On a tout de suite fait appel à une ambulance, et le petit traversier local (mot québécois : en france, on parle de ferry) fit un détour pour venir me chercher sans frais. Attaché à une civière, j’ai été amené à un hôpital sur une île plus grande à proximité. C’était un week-end prolongé où de nombreux festivals étaient organisés, d’où de nombreux accidents. L’infirmier en salle d’urgence avait les mains pleines, et aucune fissure d’os n’était visible en rayons X. Je suis donc rentré à Tokyo béquilles sous le bras, fauteuil roulant sous les fesses. Là, on m’a diagnostiqué (grâce à d’autres radiographies, des IRM et, pendant qu’on y était, des tomodensitogrammes du cerveau) avec une fracture du bassin et une déchirure majeure d’un muscle de la jambe. J’ai été hospitalisé sur place.

Comme un fou qui s’interne lui-même à l’asile, ou l’apprenti d’un Sesshin de méditation Zen, je n’ai pas quitté cet hôtel pendant 3 semaines. Au sous-sol se trouve un Health Club gratuit, avec de jolies masseuses/formatrices à perte de vue. Le nom de ce club exclusif est la Rehabilitation Room (salle de rééducation). deux fois par jour j’y reçois des massages avant de subir une torture sadique. Heureusement, les assurances ont tout payé, sinon j’aurais peut-être réfléchi à deux fois avant de commencer ce rituel. La rééducation

a ses avantages et ses inconvénients. du côté positif, j’ai utilisé des muscles que je n’avais jamais utilisés auparavant. du côté négatif, j’ai utilisé des muscles que je n’avais jamais utilisés auparavant. évidemment, on ne veut pas qu’ils s’atrophient. dans le monde de bodybuilding (musculation), on dit : « No pain ; no gain » (« il faut souffrir pour être beau »). Moins on en dit, mieux ça vaut.

J’avais des raisons de persévérer. Les quelques fois où je me suis cogné l’orteil, mes testicules sonnaient comme une cloche de temple. J’ai utilisé une canne pendant une semaine après être sorti de l’hôpital, pour susciter la pitié… autrement dit pour obtenir un siège dans le train. Je n’en avais vraiment pas besoin pour me déplacer. Elle était également pratique pour accrocher les gros colis sur la poignée. Je n’étais pas censé mettre de poids sur la jambe jusqu’à ce que l’os cicatrise. Maintenant, je vais beaucoup mieux. Je peux même courir sans que mes neurones se surexcitent.

Ce clip vidéo est le résultat de cette aventure. La suite du tournage après ma chute a été effectuée par des amateurs, mais je me suis occupé du montage. Le résultat est une vitrine sur un festival Japonais local sans les aspects commerciaux.

Ushima, Le fossé© michael Goldberg

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Québécois anglophone vivant au Japon depuis 30 ans, Michael Goldberg est chef opérateur/réalisateur de

documentaires.

http://www.ivw.co.jp/fr/

Cliquez sur l’image pour visualiser la video

Ushima no aki masturi© michael Goldberg

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, la lettre de freelance france JaponNuméro 2

Octobre 2011

directeur de la publication : Lionel dersot / [email protected] adjointe : Géraldine Oudin / [email protected]

Rédacteur en chef : Sébastien Lebègue / [email protected] artistique : Jérémie Souteyrat / [email protected]

Contributeurs : Michael Goldberg, Ritsuko Cordier, Martin faynot, Reiko Vachot-Inukai, Vincent Lefrançois,

Le contenu du magazine est interdit à toutes reproductions, utilisations ou adaptations sans l’accord des auteurs.

Prochain numéro : Octobre 2012

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F R e e L a n c e�FRanCE�japOn

QU’EST CE QUE C’EST?

freelance france Japon est un projet sans aucun équivalent de fédérer des professionnels indépendants pratiquant dans la sphère francophone-japonaise. Il n’existe aucune fédération, association ou regroupement de la sorte. depuis avril 2008, freelance france Japon a pour ambition de favoriser les contacts entre professionnels indépendants de métiers divers, au Japon et ailleurs, générer ainsi une dynamique pouvant déboucher sur de nouvelles opportunités de travail et d’échanges professionnels, et développer et renforcer les légitimités professionnelles de chacun à travers la communication publique et privée sur des thèmes de métiers, de professions et de professionnalisation, dans la sphère francophone-japonaise.

Plus prosaïquement, ffJ a pour ambition à travers la collégialité de créer un centre d’attraction générant de nouvelles opportunités professionnelles pour ses membres. L’ambition est donc clairement et volontairement axée vers le développement d’une visibilité commune au bénéfice des activités professionnelles de chacun. Il s’agit bien d’une collégialité ancrée dans le réel, et pas un vœu pieux. ffJ n’est pas seulement une communauté en ligne mais bien plus une communauté dans la vraie vie qui organise des réunions professionnelles et occasions de réseauter, en particulier à Tokyo.

ffJ est ouvert en priorité à la participation de professionnels proactifs, capables de contribuer à la dynamique du réseau. L’inactivité est au détriment de tous. Résider au Japon n’est pas une condition, mais posséder une expérience professionnelle acquise avec le Japon, les domaines japonais et francophones est une condition essentielle. Les conditions d’inscriptions sont visibles sur le site.

ffJ rassemble 30 professionnels de l’audio-visuel, l’interprétariat, les arts graphiques, etc.... Un annuaire simplifié est disponible ici.

Pour plus d’informations et suivre les discussions en ligne du réseau : http://freefrajap.ning.com

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