Économie de la qualité

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  • 7/30/2019 conomie de la qualit

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    Bndicte CoestierStphan Marette

    conomie de la qualit

    ditions La Dcouverte9 bis, rue Abel-Hovelacque

    75013 Paris

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    En hommage Jean-Paul Pirioupour la confiance quil nous a tmoigne.

    Le logo qui figure au dos de la couverture de ce livre mrite une explication. Sonobjet est dalerter le lecteur sur la menace que reprsente pour lavenir de lcrit,tout particulirement dans le domaine des sciences humaines et sociales, le dve-loppement massif du photocopillage.

    Le Code de la proprit intellectuelle du 1er juillet 1992 interdit en effet expres-sment la photocopie usage collectif sans autorisation des ayants droit. Or cette

    pratique sest gnralise dans les tablissements denseignement suprieur, pro-voquant une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilit mmepour les auteurs de crer des uvres nouvelles et de les faire diter correctement estaujourdhui menace.

    Nous rappelons donc quen application des articles L. 122-10 L. 122-12 duCode de la proprit intellectuelle, toute reproduction usage collectif par photo-copie, intgralement ou partiellement, du prsent ouvrage est interdite sans autori-sation du Centre franais dexploitation du droit de copie (CFC, 20, rue desGrands-Augustins, 75006 Paris). Toute autre forme de reproduction, intgrale oupartielle, est galement interdite sans autorisation de lditeur.

    Si vous dsirez tre tenu rgulirement inform de nos parutions, il vous suffitdenvoyer vos nom et adresse aux ditions La Dcouverte, 9bis, rue Abel-Hove-lacque, 75013 Paris. Vous recevrez gratuitement notre bulletin trimestriel laDcouverte. Vous pouvezgalement retrouver lensemble de notre catalogue etnous contacter sur notre sitewww.editionsladecouverte.fr.

    ditions La Dcouverte, Paris, 2004.ISBN 2-7071-4144-5Dpt lgal : juillet 2004.

    http://www.editionsladecouverte.fr/http://www.editionsladecouverte.fr/http://www.editionsladecouverte.fr/http://www.editionsladecouverte.fr/
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    Introduction

    La notion de qualit ne cesse dtre affiche, voque ouinvoque par les entreprises et rclame par les consomma-teurs. La frontire entre une pure invocation verbale et une relleamlioration des biens, des services ou des comportements estparfois infime ou source dambigut. Cependant, la qualit estune proccupation des consommateurs, des entreprises ou destats pour au moins trois raisons.

    Premirement, laccroissement de la richesse des nations arendu les consommateurs ou les usagers plus exigeants quant leurs possibilits dachat.

    Deuximement, lextension de la taille des marchsvia lesprocessus dintgration rgionale et dinternationalisation deschanges a intensifi la concurrence entre les firmes, les pous-sant privilgier la qualit. Cest ainsi que lon peut observer,au niveau europen, une spcialisation des conomies natio-nales sur des chelles de qualit. LUnion europenne dans sonensemble se positionne dans les produits haut de gamme grcenotamment aux pays du Nord de lEurope [Fontagn et Freuden-berg, 1999].

    Troisimement, les socits modernes sont organises enrseaux de production, de communication et de transports.Comme la not Juran [1999], un des promoteurs de la notion dequalit totale, la qualit avait peu de sens dans son village natalde Roumanie. Larrt des transports publics ou de llectricit ne

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    posait aucun problme car tout tait accessible dans le vil-lage et ses environs : il suffisait de marcher un peu. Avec lessor

    de la technologie et des rseaux, notre dpendance auxrisques de dfaillance des produits et des services est devenuetotale. Ainsi, la cration de richesse sest accompagne dunecomplexification et dune fragilit des modes dorganisation etdchange. Les stratgies autour de la qualit sont une desrponses pour endiguer cette fragilit. laide de normes, degaranties, de contrats, les entreprises cherchent dvelopper desprocessus fiables de production, allant de leur approvisionne-ment en matires premires lusage fait par le consommateurde leur produit ou de leur service.

    La qualit est depuis longtemps une proccupation centraledans la gestion des firmes. Pour les conomistes, la problma-tique de la qualit a gagn de limportance partir des annes1970. De nombreux domaines de la microconomie, notam-ment ceux de lconomie internationale [Rainelli, 2003] et delconomie de linformation comme la macroconomie dail-leurs se sont empars de cette notion. Ces domaines ontnotamment permis un renouvellement de la comprhension desmcanismes de concurrence sur les marchs, ainsi quune redfi-nition du rle de ltat. Les fondements du modle idal deconcurrence parfaite ont t remis en cause. En particulier,labandon de lhypothse dhomognit des biens selon

    laquelle toutes les entreprises dun secteur offrent un produitidentique a fait voluer la comprhension de lorganisationmarchande.

    Cet ouvrage tente de clarifier les liens entre la qualit etlorganisation de lactivit conomique. Il apprhende les condi-tions dobtention de produits et de services correspondant auxattentes des consommateurs ou des usagers des services publics.Lanalyse conomique permet denvisager les mcanismes et lesinstitutions qui rduisent lincertitude ou les dfaillances sur laqualit, en montrant quon ne peut se passer dune rflexion surleur cot et leur bnfice.

    Plus prcisment, cet ouvrage dresse un panorama des ques-tions conomiques sur la qualit. Des concepts et des rsultatsde domaines aussi varis de lconomie que ceux de lconomie

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    industrielle, de lconomie de linformation, de lconomiepublique, ou encore de lconomie du droit sont prsents.

    Devant certaines limites de lapproche conomique, desconcepts de gestion [Gomez, 1994 ; Weil, 2001] ou encore desociologie [Herpin, 2001 ; Steiner, 1999] sont occasionnelle-ment utiliss dans louvrage. Il est indniable que la qualitcomporte des dimensions sociales et historiques [Stanziani,2003] que lconomie saisit difficilement.

    La notion de qualit nallant pas ncessairement de soi pour

    les agents conomiques, on sinterrogera tout dabord sur sadfinition (chapitreI). Ce chapitre introductif montre que la qua-lit est un enjeu stratgique pour les consommateurs, les entre-prises ou les tats. Vouloir de la qualit ntant pas sans cot, laquestion de la rmunration par un prix dans lchange mar-chand se pose demble (chapitreII), ainsi que celle des incita-tions la dcouvrir pour les consommateurs et la promouvoirpour les firmes (chapitreIII). Ces deux chapitres visent notam-ment la comprhension des ajustements marchands autour dela qualit et des caractristiques des produits. Ils sont indispen-sables lbauche dune intervention prive ou publique per-mettant de corriger certains dysfonctionnements conduisant une qualit insuffisante par rapport aux attentes des consomma-teurs ou des usagers. En dautres termes, il ne peut y avoir derglementation efficace sans une bonne comprhension desactions des agents ou des usagers.

    La suite de louvrage tudie limpact des rgles prives et/oupubliques cherchant garantir la transparence et la qualit. LechapitreIV montre les limites des rgles dominante prive quesont les labels de qualit et la rgulation de certaines profes-sions. Les deux derniers chapitres se concentrent sur le rle deltat. En premier lieu, ltat est charg de la gestion des ser-vices publics qui ne sont pas rguls par des prix marchands.Ainsi, le chapitreV analyse la compatibilit entre la gratuit des services publics et les exigences de qualit au service ducontribuable. Le dernier chapitre sintresse laction des pou-voirs publics pour assurer la qualit dans les secteurs priv etpublic. Les rles des standards de qualit minimale, de

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    linformation obligatoire et de lindemnisation en cas de dfail-lance y sont prcisment dtaills.

    Les trois derniers chapitres sont donc dominante normative( savoir ce qui devrait tre fait ). Une telle perspectivedanalyse conduit porter une apprciation ou un jugement surle fonctionnement des marchs et sur lorganisation de lacti-vit conomique au regard de la qualit. Tel mode dorganisa-tion est-il efficace pour contribuer au bien-tre de la collecti-vit ? Pour valuer cette efficacit, les conomistes disposent ducritre de surplus collectif (ou de bien-tre collectif) qui agrgeles intrts des diffrentes parties. Ces aspects normatifs serontabords la fois du point vue thorique et empirique. Une appr-ciation tant appele dboucher sur la formulation explicite ouimplicite de recommandations, il conviendra de garder lespritque les recommandations qui pourront ainsi tre formulesdcoulent dun cadre dhypothses vise simplificatrice.Aussi, le passage direct de la recommandation la prescriptionprsente dindniables dangers, de nombreux aspects ne pouvantalors tre contrls par lconomiste1.

    1. Nous remercions Sandrine Blanchemanche, Pascal Combemale, PierreCombris, Sylvie Lemanchec, Valrie Marette, Serge Perrin, Jol Priolon, MichelRainelli, Karine Rezel, Jacques-Franois Thisse et deux lecteurs anonymes pourleurs commentaires.

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    1. Le rle cl des caractristiques

    Quest-ce quun produit ou un service de qualit pour unconsommateur ? Cest un produit qui prsente certaines pro-prits juges pertinentes par un grand nombre de consomma-teurs. Spontanment, le produit est donc envisag comme poss-dant un certain nombre de caractristiques spcifiques, dont laprsence plus ou moins leve procure aux consommateurs uneplus ou moins grande satisfaction.

    Des biens homognes aux biens diffrencis

    Cette description du produit ou service partir dun ensemblede caractristiques nest pas celle initialement envisage par lathorie conomique. Le modle traditionnel de la concurrenceparfaite considre que les consommateurs oprent des choixentre des biens soit identiques, soit de nature radicalement diff-rente. Elle nglige donc la possibilit que les choix des consom-mateurs portent sur des produits de nature similaire, mais pr-sentant certaines caractristiques diffrentes. Ainsi, un vhiculerouge et un vhicule vert sont apprhends par la thorie tradi-tionnelle soit comme deux biens identiques (ngligeant le faitque la couleur puisse influer sur les choix des consommateurs),ou linverse comme deux biens distincts (sans aucune consid-

    ration quant lventuel degr de substitution entre ces deuxbiens).Lancaster [1966] a t le premier modliser limportance

    des caractristiques quant la satisfaction des consommateurs.Il insiste sur le fait que les consommateurs tirent une satisfac-tion non pas du bien en tant que tel mais des caractristiques pos-sdes par le bien. Dans lapproche propose par Lancaster, lesagents oprent des choix dans lespace des caractristiques etnon plus dans lespace des biens, tant donn leurs prfrences.Cette thorie du consommateur permet dapprhender les choixportant sur des produits diffrencis comme les deux vhiculesde couleur diffrente.

    Raisonner en termes de caractristiques donne une meilleuredescription de ce quest un bien ou un service. Cependant, la

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    multitude des caractristiques dfinissant un produit ou un ser-vice ne facilite pas lanalyse. Les conomistes sintressant au

    fonctionnement des marchs en prsence de produits diff-rencis ont donc prfr se concentrer sur des ensembles res-treints de caractristiques, ce qui les a conduits introduire lesnotions de diffrenciation verticale et horizontale des caractris-tiques (ou des produits).

    Diffrenciation horizontale et/ou verticale

    Une caractristique est diffrencie verticalement lorsquetous les consommateurs sont unanimes quant sa pertinence ou son classement. Ils attribuent une plus forte valeur une carac-tristique juge suprieure, mme si la disposition payer pourlobtention de cette caractristique varie selon le revenu ou lesprfrences de chaque acheteur. La diffrenciation verticalesignifie qu prix gal, un produit (i) possdant une ou plu-sieurs caractristiques pertinentes ou (ii) considr comme tantde bonne qualit, est prfr au produit (i) ne possdant pas lescaractristiques pertinentes ou (ii) considr comme tant debasse qualit par lensemble des consommateurs. prix iden-tique, il nexiste donc quune seule demande, celle pour le pro-duit de bonne qualit (ou possdant les caractristiques perti-nentes). Nanmoins, le choix final de chaque consommateur

    dpend du prix de vente du produit. La coexistence de diff-rentes qualits est justifie par la diffrence de prix. Parexemple, dans le domaine du transport arien, certains pas-sagers prfrent les compagnies ariennes bas prix sans service bord (low cost ), alors que dautres sont des inconditionnels descompagnies traditionnelles proposant un meilleur service bordet dont les prix sont plus levs.

    Une caractristique est diffrencie horizontalement lorsque, prix gal, il nexiste pas de classement univoque pour lesconsommateurs qui choisissent des biens diffrents selon leurgot respectif ou leur subjectivit. prix identique, il existedonc une demande pour tous les types de produits diffrencishorizontalement. Les diffrenciations par la couleur, par la loca-lisation ou par toute dimension relevant dun jugement

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    esthtique sont des exemples de diffrenciation horizontale. Leschoix entre ces diffrentes caractristiques dpendent alors des

    gots qui varient dans la population.

    La qualit, une caractristique verticale ?

    Les conomistes considrent souvent que la qualit corres-pond la diffrenciation verticale. Cependant, il est impossibledun point de vue pratique de compltement distinguer la diff-renciation verticale de la diffrenciation horizontale. Toutdabord, les produits sont constitus de plusieurs caractris-tiques, dont certaines sont diffrencies verticalement etdautres horizontalement. Prenons lexemple du vin : la caract-ristique dorigine relve de la dimension horizontale (certainsprfrent le bourgogne et dautres le bordeaux), alors que lecontenu organoleptique, le respect des exigences sanitaires []relvent de la dimension verticale. De plus, la diffrenciationhorizontale est trs proche de la diffrenciation verticale quandun trs grand nombre de consommateurs prfrent une caract-ristique spcifique par rapport une minorit ne souhaitant pascette caractristique. Cela entrane une disposition payer sup-rieure pour cette caractristique chez une majorit de consom-mateurs, ce qui lapparente une caractristique diffrencieverticalement. Cette frontire floue entre les deux types de diff-

    renciation des produits a conduit les conomistes envisager demultiples modlisations des prfrences des consommateurs. Lelecteur intress pourra consulter Beath et Katsoulacos [1991]sur ce point.

    Description selon les caractristiques

    Le tableau I fournit une liste non exhaustive de certainescaractristiques valorises par les consommateurs selon le typede produits ou de services. Il sagit de caractristiques valorisespar une majorit de consommateurs ou dusagers. La premirepartie de ce tableau concerne des biens et services marchands,alors que la deuxime partie concerne davantage des biens et desservices publics.

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    TABLEAUI. EXEMPLE DE CARACTRISTIQUESVALORISES PAR LES CONSOMMATEURS

    SELON LE TYPE DE PRODUITS OU DE SERVICES

    Secteurs CaractristiquesAlimentation Valeur nutritionnelle, absence dagents

    pathognesBiens durables Durabilit, fiabilit, faible niveau sonore, faible

    consommation en nergie, service aprs vente,scurit

    Logement Durabilit, confort, propret, absence de bruit,proximit des transports, des services publics oudes espaces verts

    Services privs Clart des contrats et des explications, rapiditdexcution, disponibilit du personnel

    Servicesfinanciers

    Crdibilit des conseils, vracit des donnes, solva-bilit des institutions

    Systme de

    sant

    Esprance de vie, limitation des risques, facilit

    daccsTransports Ponctualit, propret, confort, scurit, facilitdaccs

    Enseignementprimaire etsecondaire

    Matrise de la lecture et du calcul, enseignement desrgles communes, indpendance desprit, mula-tion entre lves

    Eau, air Clart, absence de pollutionLoisirs et

    cultures

    Diversit et cohrence des programmes et des

    uvres, dtente, catharsistat et admi-nistrationpublique

    Respect des liberts publiques, contribution lacroissance de la richesse, absence de corruptionet/ou de bureaucratie

    Villes et viepublique

    Facilit daccs lensemble biens et services de cetableau, absence de nuisances et de pollutions,faible criminalit, civilit des habitants

    La plupart des caractristiques figurant dans ce tableau sontsoit directement nonces dans des sondages, soit testes dansdes tudes exprimentales (cf.la section 2 de ce chapitre) ou desanalyses mesurant le lien entre prix et qualit (cf.le chapitre sui-vant). Plus prcisment, ce tableau consiste en une compilationdes tudes de Shogrenet al. [1999] pour lalimentation, de

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    Martin-Houssart et Rizk [2002] pour le logement, de lOMS[2000] pour la sant, de lOCDE [2003] pour lducation, de La

    Portaet al. [1999] pour ltat, en se restreignant aux caractris-tiques verticales, cest--dire aux caractristiques faisant lobjetdune relative unanimit auprs dun grand nombre de consom-mateurs ou dusagers. En cela, les caractristiques numresdans ce tableau nchappent pas un certain arbitraire desauteurs.

    Au-del de ce tableau, plusieurs commentaires simposent.

    Premirement, la scurit est une partie essentielle de la notionde qualit et elle concerne tous les secteurs dactivit, y comprisles services : par exemple, la scurit des transactions bancairesou le respect de la confidentialit des informations contrac-tuelles. Nous serons parfois conduits au sein de cet ouvrage neconsidrer que la scurit, caractristique diffrencie verticale-ment. Deuximement, la qualit de la quasi-totalit des biensphysiques est lie la prsence de services comme les garanties,les services dinformation des consommateurs, les procduresde remboursement en cas dinsatisfaction La quantit deservice disponible autour du produit constitue une conditionncessaire lobtention de la qualit [Gadrey, 2003]. Troisime-ment, la disponibilit de linformation sur toutes les caractris-tiques du tableau I est une dimension de la qualit du systme deproduction et dchange. Quatrimement, la qualit des biens etdes services dpend de la qualit du travail, thme qui nest pasabord dans ce livre. Cinquimement, la qualit des villes et dela vie publique dpend dune multiplicit de critres dont cer-tains comme la civilit ou lenvironnement ne font pas lobjet devalorisation montaire directe. Par exemple, 59 % des mnagesfranais rsidant dans des villes de plus de 50 000 habitants sedclarent gns par le bruit lorsquils sont chez eux [Martin-Houssart et Rizk, 2002]. Le prix de limmobilier reflte indirec-tement le montant que les agents sont prts payer pour ne pasavoir supporter ce type de nuisances. Siximement, la notionde qualit de vie dpend galement dune multiplicit de carac-tristiques, allant de celles rpertories dans le tableau I auxconditions de travail ou aux relations sociales.

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    Enfin, la qualit de ltat et des services publics dpend denombreux critres, comme lefficacit des sanctions, lapplica-

    tion des lois, les structures dimposition et de taxation [], ouencore la clart des missions et lexistence de procdures dva-luation ncessaires la reconnaissance du travail bien fait. partir dune comparaison internationale, une valuation empi-rique des dterminants de la qualit des gouvernements a t ra-lise par La Portaet al. [1999]. Le revenu national par tte, leniveau de biens publics (mortalit infantile, absence dillet-trisme), la corruption, la protection des droits civiques etdmocratiques [] servent dindicateurs pour lvaluation de laqualit des gouvernements. En dpit de certaines limites delapproche conomtrique comme la qualit des donnes et lapondration des critres, les auteurs soulignent que des facteurs juridiques, culturels, historiques sont des variables pertinentespour lexplication de la qualit des gouvernements. Ils mon-trent que les gouvernements de plus grande taille ont une ten-dance tre plus performants. De plus, les pays les plus dve-lopps conomiquement ont une plus large production deservices publics et ils protgent mieux les droits civiques que despays moins avancs.

    Dans ce tableau I, napparaissent pas les caractristiques liesaux conditions de production, lesquelles gagnent en importancedans nos socits.

    Conditions de production

    Les conditions de production, lorsquelles comportent desaspects de typicit ou des lments thiques valoriss par cer-tains consommateurs (alors que dautres peuvent y tre compl-tement indiffrents), constituent des critres pouvant orienter leschoix, voire tre assimils des critres de qualit. Les aspectsde typicit renvoient des modes de production influencs par leterroir (cas des produits bnficiant dune appellation doriginecontrle, par exemple). Les considrations thiques concer-nent les dimensions environnementales (des processus de pro-duction peuvent avoir la particularit de protger certainesespces rares ou encore la couche dozone), le commerce

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    quitable, le dveloppement durable ou encore le travail desenfants (notamment dans le secteur du textile de certains pays

    du Sud). Pour les consommateurs franais, les conditions de pro-duction des produits les plus importantes sont (1) labsence detravail des enfants, (2) lorigine des produits, (3) les conditionsde travail des employs, (4) le respect de lenvironnement[Bigot, 2002]. Le manque de prcision quant la dfinition desconcepts tels que le commerce quitable ou le dveloppementdurable peut cependant tre source dambigut.

    Lacte de consommation peut aussi dpasser lutilit directeprovenant du bien. Par exemple, le recyclage des dchets vise limiter le dommage environnemental li aux dcharges ou lincinration. De mme, le fait de respecter les limites devitesse a un effet positif sur la pollution en ville. La prise encompte de ces dimensions est plutt laffaire de citoyens ou depays relativement riches, qui consomment gnralement beau-coup de biens et de services. Labondance matrielle semblefaire merger lide que la croissance conomique ne doit plustre obtenue au prix datteintes excessives lenvironnement ouau respect des droits fondamentaux de lhomme. La relationentre richesse et qualit environnementale est cependantcomplexe. Sil ne fait aucun doute que la richesse favorise uneforte consommation de biens et de services, synonyme de dgra-dation de lenvironnement, Grossman et Krueger [1995] ont

    montr quau-del dun certain niveau de richesse par habitant,certains niveaux de pollution tendent se stabiliser, voire serduire, du fait de lapparition de processus de production (ou deproduits) plus propres.

    La prise en compte des caractristiques lies aux conditionsde production dans les comportements de consommation dpendde linformation disponible des consommateurs sur le contenudes produits et des services. Plus gnralement, la rflexion surles caractristiques ne peut se passer de considrations surlinformation des agents.

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    La classification des biens (ou caractristiques)selon linformation disponible

    Les consommateurs sont rarement capables de connatre etdidentifier toutes les caractristiques dun produit au momentde lachat. La multitude des caractristiques dfinissant un pro-duit renforce la difficult dobtenir une information complte.La perception de la qualit par les consommateurs est influencepar linformation dont ils disposent. Si certaines caractris-tiques comme le prix, la couleur, la varit, la taille dun produitpeuvent tre facilement identifies par le consommateur avantmme la consommation, dautres telles que la saveur dun pro-duit alimentaire ou la robustesse dun bien durable ne peuventtre dcouvertes quaprs la consommation. Enfin, certainescaractristiques ne pourront jamais tre values par le consom-mateur mme aprs lachat et la consommation : cest le cas, parexemple, de la valeur nutritionnelle dun produit alimentaire oude la prsence de rsidus chimiques dangereux. Cette classifica-tion des caractristiques repose sur les travaux de Nelson [1970]et Darby et Karni [1973], qui ont conduit les conomistes dis-tinguer trois types de caractristiques :

    les caractristiques de recherche, observables avantlachat,

    les caractristiques dexprience, qui peuvent tre dcou-

    vertes aprs lachat et la consommation, les caractristiques de confiance, qui ne peuvent tre va-lues mme aprs la consommation.

    Cette classification des caractristiques selon linformationdont disposent les consommateurs peut tre immdiate pour cer-taines caractristiques et savrer moins systmatique pourdautres. Ainsi, on peut lgitimement considrer que les condi-tions de production (conditions de travail, effet sur lenvironne-ment) sont des caractristiques de confiance, dans la mesureo lusage du bien ne renseigne en rien sur ces critres. Pour ladimension scurit, la classification est moins vidente. Il peutsagir dune caractristique dexprience, si le consommateurtombe malade rapidement aprs la consommation dun produit,ou dune caractristique de confiance, si aucun symptme nest

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    constat rapidement aprs la consommation. En outre, lincerti-tude scientifique ou les dsaccords entre experts limitent le

    caractre complet de linformation de sorte que, pour certainescaractristiques, leur connaissance ou la prise de conscience parles consommateurs de leur importance nest pas possible[Lupton, 2001]. Cest notamment le cas pour lvaluation de latoxicit sanitaire ou environnementale de certains produits(dioxine, pesticides). Enfin, certaines activits de servicecomme les audits financiers ou environnementaux ne sont pasdirectement vrifiables, en raison de la complexit des objets inspecter. Les comptes dune socit sont des architecturescomplexes qui rendent le travail de lauditeur dlicat, et celuidun ventuel superviseur du travail de lauditeur encore plusdifficile.

    Le manque dinformation confre donc de nombreusescaractristiques une dimension de confiance. Soit le consomma-teur ou lusager ont confiance dans le systme de production etde contrle et ils ferment les yeux lors de leurs dcisionsdachat, soit ils sont mfiants, ce qui peut les conduire res-treindre leur consommation.

    2. Mthodes dvaluation de la disposition payerpour la qualit

    Toutes les caractristiques qui dfinissent la qualit sont plusou moins valorises par les consommateurs. Les conomistesont cherch se faire une ide de cette valorisation, ce quipermet danalyser les perceptions et les choix des consomma-teurs concernant les caractristiques lies un produit ou unservice. Plus prcisment, les mthodes que nous allons pr-senter cherchent mesurer les dispositions payer des consom-mateurs pour telle ou telle caractristique, cest--dire le suppl-ment de prix que les consommateurs sont prts payer pourbnficier dune caractristique additionnelle particulire. Ladisposition payer des consommateurs pour telle ou telle carac-tristique dpend dune multitude de facteurs. En particulier, ceschoix dpendent des prfrences, rapport qualit/prix des biens

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    et services disponibles, et de linformation la disposition desconsommateurs.

    Deux mthodes de valorisation peuvent tre distingues : lamthode dvaluation contingente et la mthode de lconomieexprimentale. Ces mthodes sont particulirement utiles pouraccompagner certains choix publics, pour lesquels la qualitnest pas directement valorise par un prix de march (cf. leschapitresV et VI).

    Lvaluation contingenteLa mthode de lvaluation contingente consiste demander

    directement aux consommateurs leurs dispositions ou consente-ments payer pour bnficier dune qualit suprieure .

    Cette mthode est trs utilise pour valuer la qualit environ-nementale, par exemple dans le cadre dun projet de mise enplace dun parc de loisir ou dassainissement dun lac, ou pourle dveloppement de projets publics tels que la constructiondautoroutes, daroports, dhpitaux ou de mise en uvre dunepolitique sanitaire. Nous renvoyons le lecteur louvrage deBontems et Rotillon [2003] pour une description prcise de lamise en uvre de cette mthode pour les biens environnemen-taux . Pour ces biens, aucune demande directement observablenexiste, alors que le dcideur public aimerait connatre les dis-

    positions payer des usagers pour les confronter aux cots lisaux diffrentes options de choix politique. Par la rvlationdirecte des dispositions payer, cette approche permet en prin-cipe dobtenir une estimation montaire de lensemble des bn-fices associs un projet.

    Cette mthode est aussi utilise pour valuer limportance queles consommateurs accordent aux caractristiques ayant trait auxconditions de production. Ainsi, 52 % des Franais se disentprts accepter un supplment de prix de 5 % pour de meil-leures conditions de production (comme labsence de travail desenfants ou le respect de lenvironnement) [Bigot, 2002]. Cechiffre est prendre avec certaines prcautions, car 32 % desFranais se disent peut-tre prts contre 20 % certains daccepter un tel supplment.

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    La mthode de lvaluation contingente a comme particula-rit de reposer sur un sondage, ce qui en constitue dailleurs la

    principale limite. Il est plus que ncessaire dtre prudent lgard des rponses que donnent les personnes interroges : unbiais dans les rponses peut exister en raison notamment delabsence de paiement effectif de la somme rvle dans le cadrede lenqute. La mthode de lconomie exprimentale vise limiter ce biais.

    Lconomie exprimentaleLa mthode de lconomie exprimentale consiste faire

    rvler la disposition payer pour la qualit, en recrant uncontexte proche des situations relles de consommation. Unchantillon de consommateurs en laboratoire est ainsi slec-tionn et plac dans une situation de choix entre diffrents pro-duits. Le protocole exprimental permet notamment disoler dif-frents contextes informationnels, afin den mesurer les effetssur les choix des agents slectionns. Chaque consommateurslectionn reoit des dotations financires et doit raliser deschoix dachat et de consommation. Il obtientin finele bien fai-sant lobjet de ltude exprimentale, ce qui devrait linciter rvler correctement ses prfrences (cf.encadr).

    Les rsultats de lconomie exprimentale dpendent en

    partie de lchantillon des personnes slectionnes. Shogrenet al. [1999] montrent que les choix des consommateurs pour lascurit de produits alimentaires observs en laboratoire sonttrs proches de ceux observs en supermarch. Ce rsultatdevrait encourager lutilisation de lconomie exprimentalecomme outil daide la dcision prive ou publique.

    Lconomie exprimentale renseigne sur les choix et les dis-positions payer des consommateurs pour la qualit. Ellemontre aussi que leurs prfrences ne sont pas figes et quellesdpendent de lenvironnement dans lequel ils voluent, cest--dire du contexte informationnel influenc par les actions desdiffrents acteurs sur les marchs, mais aussi du contexte socialet historique.

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    conomie exprimentale :

    quelle rponse des consommateursaux OGM ?

    La mthode dconomie exprimen-tale a t mise en uvre pour valuer laraction des consommateurs lintro-duction des organismes gntique-ment modifis (OGM). Les consom-mateurs constituant lchantillonavaient le choix entre des produits avecou sans OGM. Pour certains consom-mateurs, les OGM posent des pro-blmes de scurit des produits(notamment avec les risques dallergieou de rsistance aux antibiotiques),dthique (avec le contrle dessemences par un petit nombre defirmes) ou denvironnement (avec lesrisques de dissmination).

    Lapplication de cette mthode, endonnant des indications sur les prdis-positions des consommateurs face auxproduits OGM, permet de rendrecompte des impacts potentiels dun ti-quetage informatif relatif aux condi-tions de production et de ses implica-

    tions en termes de choix. lissue de leurs expriences,Noussairet al. [2002] ont montr quepar rapport un produit sans tique-tage relatif aux OGM, un produit avecun label sans OGM conduit uneaugmentation moyenne des disposi-tions payer des acheteurs de 7,5 %,alors quun produit avec un label

    contient des OGM conduit une

    diminution moyenne des dispositions payer des acheteurs de 37,5 %. Cettemthode a aussi permis un reprageprcis des consommateurs indiffrents(13 %), boycotteurs (35 %), enthou-siastes (5 %) et nuancs avec unepointe dhostilit (45 %) envers lesproduits base dOGM. La relativehostilit observe dans ce processusexprimental apparat dailleurs bienmoins tranche que dans dautressources denqute, notamment lestudes dopinion.

    Si les consommateurs savrent sen-sibles au contenu du message, commeen tmoignent les vives discussionsautour de ltiquetage des produitsOGM, ils peuvent aussi attacher delimportance lidentit de celui quidiffuse le message. Diffrentes sourcesdinformation peuvent conduire dif-frentes perceptions et dispositions payer pour les produits. Cet aspect at observ par Huffmanet al. [2003]auprs des consommateurs amri-cains : les sources dinformation (dif-fuses par les producteurs, les associa-tions environnementales ou les expertsscientifiques) influencent effective-ment la disposition payer desconsommateurs amricains pour les

    produits avec ou sans OGM.

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    3. Limportance de lenvironnement des consommateurs

    Lacte de consommation est un phnomne complexe. Silapproche de Lancaster [1966] procde dune certaine rationa-lit, insistant sur le rle des caractristiques des produits, ellenglige limportance de lenvironnement dans lequel lesconsommateurs voluent, quil sagisse des aspects informa-tionnels, sociaux ou historiques. Les phnomnes organisa-tionnels et institutionnels tels que la convention, la confiance, larputation ou encore la qualification contribuent la conceptionde la qualit des produits tout autant que les caractristiques.

    La prise en compte de lenvironnement des consommateursfavorise en particulier la comprhension des comportementsrelevant des phnomnes de mode et plus gnralement descomportements dimitation.

    Cascade informationnelle et phnomnes de mode

    Les comportements dimitation sont des explications pos-sibles des phnomnes de mode, des changements dhabitudesde consommation ou des pertes trs rapides de rputation.

    Bikhchandaniet al. [1992] ont mis en vidence la notion decascade informationnelle. partir dun modle trs simple quine traite pas directement de la qualit, ces auteurs ont montr

    quun agent peut se fier aux actions (ou aux prfrences)dautres acheteurs qui sont observables, et non sa propre infor-mation individuelle pour prendre une dcision (ou se constituerdes prfrences).

    Le fait que lacheteur potentiel ignore son information indivi-duelle (ou ses prfrences) en se conformant aux dcisionsdachat prises par dautres agents (via le bouche oreille parexemple) a pour origine limprcision ou limperfection delinformation individuelle quil reoit. Dans le cas de lachatdun bien, chaque agent dispose souvent dune informationimparfaite (ou imprcise) sur la qualit, quil cherche compenser par lobservation des actions dautres consomma-teurs. Par exemple, si beaucoup dagents ont achet un certaintype de bien et que linformation individuelle dont dispose un

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    acheteur est peu fiable ou complique interprter, ce derniersera conduit adopter un comportement dimitation, mme si

    son information individuelle lui dicte de ne pas acheter le bienou de le payer moins cher. Ce mcanisme peut donner lieu descascades correctes, o tout le monde achte le bien, ou des cas-cades incorrectes o personne nachte le bien, dans une confi-guration o celui-ci a une valeur qui mriterait lachat. Pluslimprcision de linformation est grande, plus le comporte-ment dimitation est favoris, ce qui accrot le risque de cas-cades incorrectes. Nous reviendrons dans les deux chapitres sui-vants sur les consquences du manque dinformation desconsommateurs sur le comportement des agents et le fonction-nement des marchs.

    La dimension sociale et historique de la qualit

    Il est indniable que le contexte social dans lequel le consom-mateur volue, en modelant sa subjectivit, joue un rle impor-tant dans le classement et lattrait des produits. Pour Bourdieu[1979], les gots et les jugements esthtiques sont dterminspar la logique sociale qui pousse les agents affirmer leur dis-tinction selon leur classe sociale. La reconnaissance entre per-sonnes ou le signe distinctif dictent parfois les prfrences desagents et laspect prcieux de certains produits. Consommer tel

    ou tel type de biens marque ainsi lappartenance un groupesocial.Cette volont de distinction sociale par la consommation

    constitue le fondement de la consommation ostentatoire. Veblen[1899] explique dans quelle mesure une consommation ostenta-toire permet aux individus (constituant la classe de loisir ) designaler leur richesse. Un prix plus lev entrane une augmen-tation des achats par des consommateurs cherchant signalerleur positionnement social. Le produit et sa qualit ne sont plusvaloriss pour eux-mmes, mais pour le rapport social quilsimpliquent. Par exemple, la cuillre en argent peut faire lobjetde deux jugements antinomiques. Dune part, elle marque unsouci du dtail et de lesthtique qui contribue la qualit dunetable et au plaisir des convives. Dautre part, elle napporte rien

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    sur un plan pratique par rapport une cuillre en inox. Dans cecas, la perception de la qualit de ce produit provient tout autant

    de sa relative inaccessibilit et donc de son prix lev signalantune certaine aisance que de laccroissement direct dutilit indi-viduelle li un meilleur usage ou un plaisir.

    Laspect ostentatoire a trs souvent t critiqu cause de soncaractre contre-productif, dilapidant des ressources pourtantutiles pour les plus modestes ou pour le financement de projetsfavorisant le progrs technique. Ne pas construire le chteau deVersailles aurait-il vit certaines famines ? Dans un autreregistre, lachat dune voiture de luxe ou de forte cylindre nestpas compatible avec des contraintes de contrle des ressourcesnergtiques ou de limitation de la pollution (critre de la qua-lit environnementale). Depuis trois sicles, seules les gondolesnoires sont autorises Venise, en vertu dune rglementationlocale initialement prvue pour viter que trop dargent ne soitdpens dans lembellissement des embarcations.

    Laspect ostentatoire dune dpense de consommation est trsdifficile isoler, mme si la recherche de la qualit ou du luxepar les acheteurs relve dune volont de se distinguer par rap-port aux pratiques des autres consommateurs.

    Le rle de la coordination des acteurs

    Selon les conomistes des conventions, le contenu de toutesles caractristiques et lincertitude sur ce contenu constituent unenjeu des relations entre offreurs, intermdiaires et deman-deurs, donneurs dordre et sous-traitants. Ainsi, Eymard-Duvernay [1989] considre que les caractristiques dun produitsont dtermines dans le cours de lchange et non pralable-ment lchange.

    Les caractristiques des produits et donc la qualit qui endcoule se dfinissent lissue dun processus de coordinationentre vendeurs, acheteurs ou administrations. Il est possible deciter Salais et Storper [1993, p. 42] sur ce point : Un produitfabriqu et chang apparat dans sa ralit concrte comme lersultat dun processus de coordination entre producteurs et

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    demandeurs o laccord sur la qualit du produit se construitdans le mme temps que le produit se fabrique.

    Lapproche de la qualit selon la qualification, privilgie parla sociologie conomique, en particulier la sociologie desmarchs, rejoint celle des conventions dans la mesure o la qua-lit des produits est apprhende comme le rsultat dajuste-ments entre acteurs. Sintresser la qualification des produits,cest analyser le processus de dtermination de la qualit dunproduit.

    Plus prcisment, la qualification rsulte de lajustementdactions de tout un ensemble dacteurs conduisant une adap-tation mutuelle entre le produit et ses usagers. Pour en rendrecompte, Callonet al. [2000] parlent dune conomie des qua-lits et distinguent les biens pour lesquels les qualits sont stabilises et les produits caractriss par un processusdajustement. Laccent est mis sur le processus de ngociationautour dobjectifs parfois contradictoires entre acteurs (associa-tions de consommateurs, producteurs, intermdiaires). Poserquun produit a des qualits, cest poser la qualification rsultantde laction des diffrents acteurs conomiques comme un enjeustratgique. Cette approche par la qualification a fait lobjet detravaux empiriques notamment dans le secteur de lagroalimen-taire, o elle a t utilise pour faciliter la dfinition dun produiten vue de lobtention dune appellation dorigine contrle.

    Les accords entre agents pouvant seffectuer sous diffrentesformes, il en dcoule alors diffrentes formes dobjectivitconcernant la qualit, diffrents processus de qualification duproduit, ce qui affaiblit en partie la distinction entre diffrencia-tion verticale et horizontale voque au dbut de ce chapitre. Cesapproches autour des conventions et de la qualification proc-dent dune autre logique que celle du courant dominant de lathorie conomique. Elles utilisent des dmarches plus induc-tives, fondes sur la construction de typologies et font rfrence dautres modalits de laction sociale que laction indivi-duelle calculatrice et utilitariste. Elles conduisent plutt une sociologie de la qualit [Musselinet al., 2002]. Du point devue de lanalyse conomique, elles ont le mrite dattribuer auxconsommateurs (ou aux reprsentants des consommateurs) un

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    droit sur la dfinition du produit, aspect nglig par le courantdominant de lconomie.

    En tentant daffiner la dfinition conomique de la qualit, cepremier chapitre a soulign la multitude de critres sur lesquelsreposait cette notion. Dans la suite de louvrage, la notion dequalit sera employe en rapport toute caractristique, supportde la diffrenciation des produits, faisant lobjet dune valorisa-tion par un certain nombre de consommateurs. Le chapitre sui-vant tudie les consquences de linformation asymtrique sur lefonctionnement des marchs, et notamment de son impact sur leprix. Il se concentre sur la rmunration de la qualit des biens etdes services marchands.

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    II / Quelle corrlation entre la qualitet le prix ?

    Ce chapitre tudie la question de la relation prix-qualit pourles biens et les services marchands. Nous nous plaons dans uncontexte de march permettant lallocation des ressources entreoffreurs et acheteurs. Le prix est alors la rsultante de la confron-tation de loffre des producteurs et de la demande desconsommateurs.

    Avant danalyser plus spcifiquement les dysfonctionne-ments lis linformation imparfaite sur la qualit, nous allonsnous intresser la question de la rmunration de la qualit parle prix dans une situation dinformation parfaite. Dans un

    contexte concurrentiel de libre fonctionnement des marchs,cette rmunration dpend du cot de la qualit, notion que nousdevons prciser.

    1. Le cot de la qualit

    De limportance de la nature des cots

    Offrir un produit ou un service vrifiant telle ou telle caract-ristique ncessite gnralement dengager un certain nombre dedpenses supplmentaires dquipement, de formation de la

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    main-duvre, dactivits de contrle (dans le cadre du pro-cessus de production mais aussi sur les produits finis).

    Le gestionnaire dfinit le cot dobtention de la qualitcomme la diffrence entre les dpenses engages dans le cadredune dmarche de prvention et de contrle de la qualit et lesdpenses de la non-qualit lies aux rappels des produits et laperte de rputation [Juran, 1999 ; Weil, 2001]. Lconomiste seconcentre sur les dpenses engages, quil sagisse de dpensesdinvestissement ou de frais de fonctionnement. Ce qui proc-cupe lconomiste, ce ne sont pas tant les conomies permisespar lamlioration de la qualit que la nature du cot associ laqualit. Lamlioration de la qualit passe-t-elle essentielle-ment par un accroissement des cots fixes, qui ne dpendent pasdu volume de production, ou par une augmentation des cotsvariables, qui dpendent du volume de la production ?

    Cette distinction entre cots variables et cots fixes est impor-tante dans la mesure o laccroissement du cot variable li lamlioration de la qualit peut tre rpercut sur le prix devente des produits, alors que la rpercussion des cots fixes surle prix nest pas directe. En effet, les cots fixes limitent lenombre dentreprises prsentes sur le march, ce qui rduitlintensit de la concurrence et va dans le sens dune augmenta-tion des prix. Ces cots peuvent savrer dissuasifs pour cer-taines entreprises, ce qui soulve notamment la question du

    mode de financement des dmarches de qualit.

    Une corrlation positive entre prix et qualit

    Dans un contexte dinformation parfaite des consommateurset de diffrenciation verticale, o les consommateurs sont una-nimes quant au classement des caractristiques, la hirarchie desprix reflte la hirarchie des qualits. Comme la disposition payer des consommateurs pour la qualit haute est plus leveque celle pour une basse qualit et que la structure des cots estcroissante avec la qualit, le prix de la qualit haute est suprieurau prix de la qualit basse. Notons que cette supriorit du prixde la haute qualit peut tre amplifie en raison par exemple de

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    comportements dentente ou de cartel, favoriss par un petitnombre de vendeurs sur ce segment de march.

    Lcart de prix entre deux niveaux de qualit permet de cou-vrir la diffrence de cot de production. Nous pouvons illustrerces propos par lexemple du caf quitable qui repose sur descaractristiques valorises par certains consommateurs. Le cafquitable rpond un ensemble de critres (cf. lencadr de lapage 59), notamment la garantie dun prix minimal (incluant uneprime de dveloppement) aux producteurs. Ce prix implique unaccroissement du cot de production du caf. Le tableau II, quidcrit la structure de cot dun paquet de 250 grammes de caf,renseigne sur la faon dont laccroissement de cot li auxconditions de production du commerce quitable se rpercutesur le prix de vente du produit.

    TABLEAUII. PRIX DU PAQUET DE250G DE CAF(Arabica dAmrique centrale)

    En euros Non labellis Max Havelaar Prix la production 0,19 0,58Intermdiaires 0,06 Frais de gestion cooprative 0,08Cot dexportation 0,14 0,14Droit du label Max Havelaar 0,05Cot dimportation, de torrfaction,

    de distribution 1,41 2,61 1,45 2,5Prix de vente en grande surface 1,8 3 2,3 3,35

    Source: Lecomte T. [2003].

    Nous observons que les conditions de production ducommerce quitable entranent un accroissement du prix devente en grande surface, accroissement qui est dailleurs moinsmarqu que laccroissement du prix la production.

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    2. Lintrt de la qualit pour les entreprises

    La diffrence de qualit entre les produits, en favorisant lasegmentation des marchs, conduit une attnuation de laconcurrence par les prix, comme la montr Chamberlin [1933],source dun accroissement de profit. Les biens diffrencis sontimparfaitement substituables pour les consommateurs, ce quifavorise les carts de prix entre ces biens [Gabszewicz, 1994].Chercher se diffrencier par la qualit est donc un objectif du jeu concurrentiel des firmes.

    Une diversit des produits limite en situationde concurrence imparfaite

    Dans un contexte dinformation parfaite des consommateurssur les caractristiques des produits, la principale question qui sepose est la suivante. Du point de vue des firmes, ce processusde diffrenciation est-il un processus sans limite, dans la mesureo toute distinction entre produits, si infime soit-elle, et valo-rise par certains consommateurs, permet de se crer une nichede march ?

    Gabszewicz et Thisse [1980] et Shaked et Sutton [1983]sinterrogent sur ce processus de diffrenciation dans uncontexte de concurrence imparfaite. Ils considrent un march

    en diffrenciation verticale avec information parfaite sur la qua-lit, et ils tudient le processus dentre et de positionnement surune chelle de qualit. Ils montrent quil existe une limite quantau nombre de firmes et donc de qualits distinctes pouvantcoexister sur un mme march. En cela, la diffrenciation desproduits conduit une situation d oligopole naturel , o lesconsidrations dinterdpendance stratgique ont alors toute leurimportance. En prsence dun certain nombre de firmes, touteentre dun nouveau concurrent avec des produits de meilleurequalit entranerait la sortie systmatique de la firme proposantla plus basse qualit. La taille optimale du march dpend de ladispersion des gots et des revenus des consommateurs : moinsles revenus sont disperss, plus le nombre dentreprises estfaible, et moins la concurrence est intense.

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    Berry et Waldfogel [2003] tablissent empiriquement que siles cots de production sont variables (par rapport la quantit

    produite), et croissants par rapport la qualit offerte, il y auraprolifration des produits (et des producteurs rivaux) au fur et mesure que la taille du march (le nombre de consommateurs)augmente. Les firmes produisant de la haute qualit, dans linca-pacit de tarifer un prix infrieur au prix de la basse qualit, nepeuvent chasser les firmes de basse qualit du march ( mesureque la taille du march saccrot). Il sensuit que le nombre defirmes augmente (avec une part de march trs faible par firme)au fur et mesure que la taille du march augmente.

    Cette prolifration des produits est peu probable ds lors queles firmes de haute qualit ont la possibilit de tarifer un prixproche voire infrieur au prix de la basse qualit. Ceci est le caslorsque le cot variable ne dpend pas de la qualit ou si le cotdamlioration de la qualit est un cot fixe (cest--dire, ind-pendant de la production). Investir davantage dans la qualitpermet alors lentreprise de pratiquer effectivement un prixproche du prix de la basse qualit, voire infrieur, ce qui valimiter lentre de concurrents. Dans ce cas, la concentration desfirmes ne diminue pas au fur et mesure que la taille du marchaugmente. Au contraire, la qualit et la part de march dunefirme augmentent avec la taille du march.

    Le choix du niveau de qualit affect par la structure de march Le choix du niveau de qualit par une firme dpend de lenvi-

    ronnement dans lequel elle volue. En effet, le choix de qualitdune entreprise en situation de monopole a toutes les chancesdtre distinct du choix de qualit dune entreprise voluant dansun contexte concurrentiel, principalement du fait de la diffrencede profitabilit. Reste savoir si la firme concurrentielle choisiraun niveau de qualit plus faible ou plus lev que lentreprise ensituation de monopole. Cest un point sur lequel lanalyse co-nomique ne fournit pas de rponse tranche.

    Comparons une situation de monopole et une situationconcurrentielle. Quelles sont les motivations des entreprises amliorer la qualit dun bien dans ces deux types de

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    configurations ? Ce qui motive lentreprise en situation demonopole, cest le supplment de recettes quelle pourra obtenir

    par unit vendue. Lentreprise voluant dans un environnementconcurrentiel accordera une large part au supplment de satis-faction que les consommateurs pourront dgager par unitvendue grce laccroissement de la qualit. Dans un contextede diffrenciation verticale des produits, ce supplment de satis-faction des consommateurs par unit est suprieur au suppl-ment de recette par unit de lentreprise en monopole, de sorteque lentreprise concurrentielle choisira un niveau de qualitplus lev que lentreprise en monopole [Tirole, 1990, p. 103].Notons que, par souci de simplicit, le raisonnement men ici aconsidr la quantit comme donne. Ce rsultat en faveur de laconcurrence pour le choix de qualit est remis en cause ds quelon tient compte du fait quune entreprise en situation de mono-pole restreint les quantits produites. Il y a alors ambigut surles choix de qualit : il se peut que le monopole choisisse unequalit plus leve comme plus faible quune entreprise concur-rentielle [Spence, 1975].

    Lobservation empirique de certains marchs rcemment lib-raliss met en vidence leffet bnfique de la concurrence.Cest notamment le cas pour le march du transport arien,caractris par de nombreuses contraintes techniques et rgle-mentaires. La drglementation de ce secteur aux tats-Unis

    dans les annes 1980 a contribu un accroissement du nombrede vols et de compagnies, sans pour autant entraner une dgra-dation de la scurit arienne [Viscusiet al., 1996, chapitre 17].Le nombre daccidents ou dincidents na pas t affect parlintensification de la concurrence. Louverture la concur-rence aurait mme contribu un niveau de qualit plus lev :selon Mazzeo [2003], lintensification de la concurrence entrecompagnies ariennes aux tats-Unis a favoris une diminutiondes retards des vols. Ces exemples soulignent la ncessit dunapprofondissement des tudes empiriques pour lucider lacomplexit du lien concurrence-qualit.

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    La qualit en tant quinnovation de produit

    Les consommateurs sont lafft de produits de meilleurequalit. Bils et Klenow [2001b] ont utilis des sries chronolo-giques de dpenses pour les biens durables aux tats-Unis. Dansleur travail statistique sur la courbe dEngel, reliant pour cettetude, la dpense en valeur pour chaque bien et le revenu global,ils isolent lvolution du prix unitaire dun bien en fonction durevenu (le complment tant lvolution de la quantitconsomme). Ils montrent que pour 66 biens durables, laug-mentation de la qualit, mesure par laugmentation du prix,reprsente 56 % en moyenne de cette courbe dEngel. Cersultat suggre que lamlioration de la qualit est un dtermi-nant important de laugmentation de la consommation.

    Linnovation des firmes est un moteur de lamlioration de laqualit des produits recherche par les consommateurs. Larecherche de nouveaux produits permet aux entreprises deconqurir de nouveaux segments plus ou moins protgs et detarifer un prix suprieur par rapport ceux de leurs concur-rents. Si linnovation saccompagne dune baisse des cots deproduction, alors un producteur peut proposer le nouveau pro-duit de qualit haute un prix infrieur lancien produit de qua-lit basse, ce qui conduit lviction de cet ancien produit. Cest

    notamment le cas avec les ordinateurs dont les performances etles prix au dbut duXXIe sicle sont sans comparaison avec ceuxdes annes 1990.

    Les firmes sont engages dans une course aux nouveaux pro-duits. Bils et Klenow [2001a] montrent que le renouvellementde loffre de produits est important et que les nouveaux pro-duits (comme par exemple lappareil photo numrique) attirentlessentiel des dpenses par rapport aux dpenses de produitstraditionnels sans innovation (lappareil photo pellicule). Laclassification entre anciens et nouveaux produits selon unechelle de qualit est parfois dlicate (cf. lencadr sur lindicedes prix). Par exemple, une automobile avec un systme de frei-nage ABS, un Airbag, un pot catalytique ou encore une faibleconsommation de carburant est-elle simplement meilleure

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    Lindice des prix la consommation

    et le problme des nouveaux produits

    La prise en compte des nouveauxproduits et des changements de qualitdes produits pose problme pour lecalcul de lindice des prix la consom-mation (IPC). Les nouveaux produitset les changements de qualit entrane-raient une surestimation de linflation.En effet, laugmentation du prix dunbien est constitue dune augmenta-tion des cots et dune augmentationlie lamlioration de la qualit. Pourles conomistes, lorsque laugmenta-tion du prix rsulte de lamliorationde la qualit, et cela de faon tangible,alors cette augmentation de prix nepeut tre considre comme delinflation.

    Le rapport Boskin tablit que lIPCamricain surestime linflation de1,1 % par an, avec 0,6 % par an prove-nant des nouveaux produits et delamlioration de la qualit [Symposia,1998]. Ce chiffre a t prement dis-cut dans la littrature. Bils et Klenow[2001b] confirment la surestimation delinflation. Tout en ne se risquant pas avancer un chiffre pour lIPCfranais, Lequiller [1997] tablit que lebiais de surestimation serait dun ordre

    de grandeur trs nettement infrieur celui avanc par le rapport Boskin.

    La technique des prix hdonistespermet de reprer statistiquementlaugmentation du prix qui provientdune augmentation de la qualit

    [Rosen, 1974]. Dans la rgression duprix dun bien, le coefficient li unecaractristique donne la valeur que lesconsommateurs attribuent une unitsupplmentaire de cette caractris-tique. Le coefficient doit tre statisti-quement significatif pour quunecaractristique influence le prix et queles agents lui attribuent une valeur.

    Cette estimation peut donc servir isoler la part lie laugmentation dela qualit dans la hausse des prix, afindobtenir le vritable niveaudinflation.

    La mthode des prix hdonistes estrelativement fragile car elle npuisepas le dbat sur la dfinition de la qua-lit prsent au chapitreI. Dans un

    contexte de trs fort renouvellement deloffre des produits, il est dlicat defaire une distinction claire entre uneaugmentation de la satisfaction desagents (effet qualit) et une augmenta-tion des cots (effet dinflation).

    quune automobile dil y a vingt ans, ou strictementincomparable ?

    Un prix rmunrateur est une condition indispensable pourmaintenir leffort dinnovation des producteurs afin dobtenirdes produits ou des services de meilleure qualit. Cependant, ceprix dpend de lintensit de la concurrence entre producteurspouvant proposer de tels biens. Une firme disposant dune

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    innovation va chercher protger sa niche de march, alors quelexistence de profits sur ce segment va attirer des concurrents.

    En ce qui concerne linnovation de produits, Aghionet al.[2002] montrent empiriquement et pour un grand nombre desecteurs quil existe un arbitrage complexe entre la structure demarch et le nombre de brevets, indicateurs dun dynamisme entermes de cration des produits. Le nombre de brevets (condui-sant effectivement une innovation profitable) est toujoursmaximis pour des situations de concurrence imparfaite(nombre limit de firmes), et jamais dans une situation de mono-pole ou dans une situation pleinement concurrentielle. En effet,un nombre de firmes trop restreint rduit les incitations fournirde la qualit ou tre dynamique en termes de nouveaux pro-duits. Une situation trs concurrentielle peut conduire desprofits insuffisants pour engager des dpenses dinvestisse-ments en vue damliorer la qualit des produits. Une configu-ration intermdiaire savre donc propice linnovation et lmergence de produits de meilleure qualit. Il est noter quelacceptation de linnovation par les consommateurs nest jamais compltement garantie, alors que de fortes dpenses derecherche et dveloppement ont t engages. linverse,lorsque le produit nest pas fondamentalement nouveau, le main-tien de la qualit dpend souvent de la continuit dun effortdans le processus de production. Dans ce cas, une concurrence

    mme intense permet de discipliner les firmes en matire dequalit.

    La qualit totale : de la qualit des produits la qualit de lorganisation

    Les organisations prives et publiques cherchent limiter lesdfaillances de qualit lies la complexit de leurs organisa-tions et maintenir la confiance de leurs collaborateurs etclients. Plus une organisation est importante, plus se perd le lienavec le consommateur final (et la capacit de raction) et moinsles risques de dfaillance sont reprables et identifiables. Larti-culation entre la dcentralisation de la production et la centrali-sation des contrles qualit devient essentielle. Le risque de

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    dfaillance dune organisation a conduit la mise en place despolitiques dites de qualit totale [Juran, 1999]. Les promo-

    teurs de ce concept, Deming et Juran, ont cherch dvelopperdes procdures qui reposent sur des indicateurs quantifiables misen place dans les organisations. Ainsi, chaque chelon du stadede production doit faire lobjet dune procdure de validation etde contrle. Dans ce contexte, la contractualisation et la norma-lisation sont des outils indispensables pour amliorer le fonc-tionnement de lorganisation.

    La normalisation codifie les modes dlaboration des pro-duits. La norme est un document dans lequel un certain nombrede rgles (lignes directrices ou spcifications techniques) sontlabores et rpertories par un organisme reconnu. Elle est vo-lutive au sens o elle peut tre rvise en fonction du progrstechnique et des modifications de la demande exprime sur lesmarchs. Dans la pratique, de nombreuses normes sont quasiobligatoires. Elles sont labores au niveau international parlInternational Standard Organization (ISO), au niveau euro-pen par le Comit europen des normes, ou au niveau franaispar lAssociation franaise de normalisation (AFNOR) (cf.Weil[2001] pour un panorama complet des dmarches de normalisa-tion, dassurance qualit).

    La normalisation type ISO 9000 aide au dveloppement dunepolitique de qualit totale . De tels indicateurs sont gnrale-

    ment des indicateurs dun effort de qualit interne de lorgani-sation et pas toujours des indicateurs de la qualit des biens etdes services pour lusager. Juran [2002] note que les firmes pen-sent tort que lobtention de la certification ISO 9000 varsoudre les problmes de qualit .

    Comme presque toutes les firmes utilisent la notion de qua-lit totale, on peut se demander si cette dernire nest pasdtourne de son sens originel pour ntre quune invocationverbale, ne conduisant pas une amlioration effective des orga-nisations. Rust et Oliver [1994] indiquent que 94 % des firmesaux tats-Unis ont engag un programme damlioration de laqualit.

    Les procdures lies la qualit totale aident sans doute rationaliser loutil de production. Comme le note Guillaume

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    [2003] les stratgies de qualit totale mettent le consomma-teur rel au centre du processus de production, ce qui exige des

    systmes dinformation prcis et en temps rel . Lidal de cespolitiques nest-il pas de faire du sur mesure de masse ? propos de BMW et de sa stratgie de forte croissance desventes et de multiplication des modles, Edmonsonet al.[2003]soulignent les risques de dgradation de la qualit lie laug-mentation des volumes de production.

    Prserver une concurrence suffisante et viable conomique-ment est important pour garantir un ventail de produits de qua-lits diffrentes. Cette diversit est nanmoins menace parlinformation imparfaite des consommateurs.

    3. Linformation imparfaite des consommateurset ses consquences

    En matire de consommation de produits comme de services,les acheteurs font le plus souvent des choix dans un contextedincertitude, linformation quils dtiennent sur la qualit tantrarement parfaite [Arrow, 1963]. Linformation imparfaite sur laqualit peut affecter le fonctionnement concurrentiel desmarchs de diverses faons.

    La diversit des qualits menaceDans un cadre de diffrenciation verticale des produits en

    information parfaite, le fonctionnement concurrentiel desmarchs permet une rpartition des consommateurs sur les diff-rents segments de qualit, et les prix des diffrents types de pro-duits refltent les conditions de production. linverse, lincerti-tude et le manque dinformation sur la qualit vont crer desconditions dinsatisfaction des consommateurs et une dsorgani-sation du march. En particulier, linformation imparfaite sur laqualit des produits va rduire loffre de produits de qualit sup-rieure, et donc restreindre la diversit des qualits par rapport une situation o les consommateurs ont la possibilit didentifierla qualit des produits avant lachat. Le mcanisme sous-jacent

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    ce phnomne a t mis en vidence par Akerlof [1970]. Lesconsommateurs ne sont pas prts payer des prix levs quand

    le risque dobtenir des produits de basse qualit est trop fort. Lesproduits de qualit haute sont limins du march, du fait duncot suprieur au prix que les consommateurs sont disposs payer (cf. encadr). Ainsi, seuls les biens de qualit basse sontchangs un prix relativement bas, alors quen situation dinfor-mation parfaite, les biens de diffrentes qualits seraientchangs des prix diffrents refltant la hirarchie des qualits.

    La fermeture de march

    Dans ce modle inspir de larticledAkerlof [1970], une relation mar-chande simplifie lextrme permetde mettre en vidence certains dys-

    fonctionnements lis linformationimparfaite sur la qualit des produits.Supposons un acheteur qui rechercheune unit de bien de qualit haute luiprocurant une satisfactionuh. Il ne sou-haite pas consommer de biens de qua-lit basse lui procurant une satisfac-tion nulle. Il fait face grand nombrede vendeurs pouvant offrir une unit de

    bien au cotc, quelle que soit la qualitdu bien propose avec0 < c < uh. Laprobabilit de chaque vendeur doffrirune unit de qualit haute est gale let celle doffrir un bien de qualit basseest gale (1 l ). Un grand nombre devendeurs garantit une situation deconcurrence, ainsi que la prsence deplusieurs vendeurs avec un bien dequalit haute.

    Si lacheteur disposait dune infor-mation parfaite sur la qualit offertepar les diffrents vendeurs, il slection-nerait uniquement un des vendeursavec un bien de qualit haute au prix leplus attractif. Le prix quil paieraitserait gal au cotc du fait de la

    concurrence entre vendeurs de qualithaute. Le gain de lacheteur serait gal sa satisfaction diminue du prixdachat, savoirg p = (uh c), et celui

    des vendeurs gal zro (le vendeurslectionn bnficiant dun prix gal son cot).

    Mais lacheteur ne dispose daucuneinformation sur la qualit des produitsofferts par un vendeur. partir de laprobabilitl dobtenir la qualit hauteen choisissant un vendeur au hasard, ilen dduit une satisfaction espre

    gale luh, car la qualit basse ne luiapporte aucune satisfaction. Sa dci-

    sion dachat auprs dun vendeur tirau hasard dpend de la comparaison desa satisfaction esprel uh et du prixc(gal au cot de production de tous lesvendeurs en situation de concurrence).La situation dquilibre de march estreprsente sur la figure 1, o laxe desabscisses reprsente la probabilitdobtenir des biens de qualit haute etcelui des ordonnes reprsente lesvaleurs montaires et le cot, condui-sant au prix. La satisfaction espre duconsommateurl uh augmente avec laprobabilit dobtenir des biens de qua-lit haute.

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    FIGURE1

    Quand l uh < c, la satisfactionespre de lacheteurl uh est insuffi-sante pour couvrir le prix dachat c.Lacheteur nachte aucun bien et ilobtient un gain nul (infrieur au gaing pobtenu en situation dinformation par-faite). La dfaillance conduit une fer-meture de march, alors que deschanges se raliseraient en situationdinformation parfaite.

    Quandl uh > c, lacheteur achte uneunit au prix concurrentiel c. Son gainanticip au moment de lachat est gal sa satisfaction espre diminue duprix dachat, savoir( l uh c). Ce gainest infrieur au gaing p obtenu en situa-tion dinformation parfaite. La dfail-lance provient ici du fait que lacheteurpaie au mme prix un produit de qua-lit incertaine.

    Plusieurs prix galisant loffre et la demande

    La multiplicit des quilibres est une consquence moinsconnue de linformation imparfaite des consommateurs [Wilson,1980]. Plusieurs prix peuvent galiser loffre et la demande. Consi-drons un march sur lequel les acheteurs ne connaissent que laqualit moyenne et non pas la qualit de chaque bien. Le prixpermet aux acheteurs danticiper la qualit moyenne. De chaqueniveau de prix, ils dduisent les vendeurs prts offrir leur bien.

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    FIGURE2

    La figure 2 permet une reprsentation de ce type de situationo plusieurs prix galisent loffre et la demande. Laxe des abs-cisses reprsente les quantits changes et celui des ordonnesreprsente le prix. La courbe doffreS dcrit le comportementde mise sur le march des produits par les firmes en fonction duprix de march. Cette courbe doffre crot avec le prix, car unnombre plus lev doffreurs avec des produits de meilleure qua-lit entre sur le march mesure que le prix augmente. En cons-quence, la qualit moyenne augmente avec le prix. Du ct desconsommateurs, laugmentation du prix entrane deux ten-dances opposes : une rduction de la quantit demande (effetprix standard) et une augmentation de la quantit demande dufait de la hausse de la qualit moyenne rendue possible parlaccroissement du prix (effet qualit). La courbe de demandeD,qui dcrit le comportement dachat de lensemble des consom-mateurs en fonction du prix de march, est croissante avec leprix (respectivement dcroissante avec le prix) quand leffetqualit (via la fonction doffre) domine (respectivement estdomin par) leffet prix.

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    Cette forme particulire de la courbe de demande reprsentesur la figure 2 conduit deux situations dquilibre, 1 et 2, pour

    lesquelles la quantit offerte est gale la quantit demande.Le prix et la qualit moyenne des produits de lquilibre 2 sontsuprieurs ceux de lquilibre 1. Cela implique que lqui-libre 2 est meilleur que lquilibre 1, car il assure des gainsesprs plus levs, la fois pour les vendeurs et pour les ache-teurs (i.e., amlioration au sens de Pareto). Le prix dquilibreest donc important quant ses consquences. Cependant, le prixde lquilibre 2 ne serait pas prfr par les acheteurs une situa-tion dinformation parfaite (assurant une hirarchie des prixrefltant la hirarchie des qualits). Labsence dinformationvince les plus hautes qualits du march. Enfin, il est noterque cette multiplicit dquilibres nest pas systmatique. Avecla courbe doffreSde la figure 2, il ny a quun seul prix gali-sant loffre et la demande et un seul quilibre de march, lqui-libre 3. La multiplicit des quilibres dpend donc de llasti-cit-prix de la courbe doffre par rapport celle de la demande.

    Limportance de lhypothse danticipations rationnelles

    Les fondements des rsultats prcdents reposent sur lhypo-thse implicite danticipations rationnelles, la relation entre prixet qualit anticipe avant lchange tant effectivement celle qui

    rsulte de lchange. La capacit des consommateurs formerdes anticipations rationnelles est gnralement fort limite, lesagents ne disposant pas dune connaissance suffisante des fon-damentaux (cots, distribution des qualits) du march et descomportements des autres agents pour anticiper parfaitement laqualit des produits partir des prix. Si, pour ce dernier cas defigure, certaines qualits sont limines selon le mcanismedAkerlof, le niveau de qualit anticip ne correspond plus auniveau de qualit effectif lors de lchange. Un apprentissage liaux changes successifs permet un affinement des anticipationssur la qualit (il sagit alors danticipations adaptatives).

    Ce problme dapprentissage est crucial quant lapprcia-tion du niveau de qualit souhait par le consommateur. Dansde nombreuses situations, le consommateur ne dispose ni de

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    linformation sur la distribution des qualits ni dune connais-sance relle de la qualit, ce qui dpasse le cadre dAkerlof. Les

    consommateurs font lapprentissage progressif des niveaux dequalit. Ils sont ainsi amens dpasser le prix comme critredinformation puisque ce dernier ne peut reflter la qualit.

    Orlan [1999] propose une thorie des marchs (et de lafinance) reposant sur lide centrale selon laquelle les prix sontnon pas le reflet des fondamentaux de la qualit, mais des croyances partages appeles aussi conventions . SelonOrlan, la logique de march est une logique autorfrentielle :les intervenants dun march interprtent toute nouvelle infor-mation, et notamment celle sur les prix, non pas pour elle-mmemais au regard de lanticipation sur la faon dont les autres vontinterprter cette information. En dautres termes, ce qui int-resse les agents ce nest pas linformation en tant que telle maisla faon dont le march va interprter toute nouvelle informa-tion : les agents cherchent anticiper le comportement dumarch. Dans ce contexte, un comportement dimitationconstitue une forme dynamique de rationalit autorfrentielle.Cette logique autorfrentielle est lorigine des conven-tions , une convention correspondant un modle conven-tionnel dinterprtation auquel tous les agents adhrent. Cette dynamique mimtique dopinions explique la confiance desacheteurs. Cest notamment le cas pour le march de lart o cer-

    tains achats ne sont raliss comme placement quen prvisiondune revente ultrieure dont le bnfice dpend des anticipa-tions des autres agents. La rationalit autorfrentielle peutamplifier les dysfonctionnements de marchs mis en videncepar Akerlof. Elle est lorigine des bulles spculatives et de cer-tains krachs sur les marchs boursiers, o les actifs ne sont pasvaloriss par rapport la qualit de leurs fondamentaux (gaux la somme des gains actualiss futurs), mais par rapport au prixfutur anticip du march, dpendant des anticipations des autresintervenants du march.

    Pour conclure, ce chapitre a soulign le rle et les limites duprix comme rmunration et indicateur de la qualit des biensmarchands. Les ajustements de march ne sont pas toujours effi-caces notamment en labsence dinformation ou lorsque les

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    caractristiques de qualit sont en cours dlaboration par lesagents. Les acheteurs ou les vendeurs vont donc chercher

    acqurir ou diffuser de linformation pour affiner leur connais-sance de la qualit. Une analyse prcise des processus de trans-mission et dacquisition dinformations permet de rendrecompte du bon ou du mauvais fonctionnement dun march.Dans le chapitre suivant, nous nous intressons aux dmarchesmises en uvre par les consommateurs ainsi quaux diffrentesstratgies des vendeurs qui chercheront se signaler afin dentirer profit.

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    III / Les dmarches qualitdes consommateurs et des entreprises

    Le chapitre prcdent a montr que le prix est un indicateurincomplet de la qualit dans un contexte dinformation impar-faite. Informer et garantir la qualit sont donc des objectifs clsqui structurent lorganisation des firmes. De mme, les consom-mateurs peuvent effectuer des dmarches pour obtenir delinformation sur la nature des biens. Ce chapitre dtaille lesactions des consommateurs pour acqurir de linformation et desfirmes pour signaler leur qualit. Toutes ces stratgies visent rapprocher le prix de march du prix dinformation parfaite, cedernier tant tel que les consommateurs en ont pour leur argent

    et les firmes sont rmunres pour leur effort de qualit.Lobjectif de ce chapitre est de montrer que toutes ces actions,plus ou moins coteuses, recherchent avant tout la crdibilit dela communication autour de la qualit, ainsi que le maintien de laconfiance sur les marchs.

    1. Des consommateurs lafft de linformation

    Linformation des consommateurs sur la qualit peut rsulterdun choix dacquisition dinformation dans le cas des caract-ristiques dexprience (observables aprs la consommation) oude confiance (inobservables aprs la consommation).

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    Linformation dtenue par les consommateurs influence leurdcision dachat et le prix de march. La dtention dinforma-

    tion par les consommateurs devrait favoriser la corrlation posi-tive prix-qualit. Tellis et Wernerfelt [1987] utilisent lesdonnes de la revueConsumer Reports(lquivalent amricainde 60 Millions de consommateurs) pour tester la corrlationprix-qualit pour un grand nombre de produits en rapport avecle niveau dinformation des consommateurs. Ils montrent quegnralement la corrlation positive entre prix-qualit aug-mente quand le niveau dinformation augmente (ce rsultat nestcependant pas vrifi pour les trs faibles niveaux dinforma-tion). Un prix plus lev reflte davantage une qualit suprieurequand les consommateurs sont mieux informs.

    Sinformer peut tre coteux

    Grossman et Stiglitz [1980] mettent en vidence limpossibi-lit de lefficacit informationnelle dun march, savoir un prixrefltant effectivement la qualit, en raison du cot de lacquisi-tion de linformation. Linformation donne par le prix dpendalors du nombre dagents qui ont acquis cette information. Uncertain nombre dagents ne vont pas avoir intrt acqurirlinformation sur la qualit, et ils vont compter uniquement surle prix pour guider leur stratgie dachat. Ce phnomne fausse

    la possibilit defficacit du march. En dautres termes, lesagents non informs, en conditionnant leur stratgie dachat surlinformation publique transmise par le prix (cest--dire en uti-lisant le prix comme un indicateur de la qualit), sont loriginedu dcalage entre le prix dun bien et sa qualit. Quand le cot delinformation devient nul, le prix reflte effectivement la qualit.

    La presse de consommation et les guidesLexpertise joue un rle central dans lamlioration de la pr-

    cision des informations transmises aux consommateurs et dansleur capacit de jugement. Elle peut tre publique (instituts derecherche) ou directement finance par les consommateurs aveclachat de journaux spcialiss dans le jugement des produits

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    (60 Millions de consommateurs, Que choisir, lAuto-Journal[],ou encoreConsumer Reportsaux tats-Unis). Harchaoui et

    Hamdad [2000] montrent, laide de la technique des prix hdo-nistes (cf. chapitreII), que le prix des disques de musique clas-sique en France est influenc par les jugements de la revueDia- pason Harmonie. Plus prcisment, les jugements sur la qualitartistique et la qualit de lenregistrement ont un effet statistique-ment significatif sur le prix des disques, mme si cet effet est relati-vement modeste.

    Mallard [2000] souligne que60 Millions de consommateurset Que choisir ont un rle actif dans la dtermination des rgle-mentations et dans les choix des firmes concernant le contenudes produits. Ces revues tablissent de plus des tests compa-ratifs de produits en fonction dune ou plusieurs caractris-tiques de robustesse, de fiabilit Ces revues donnent aussi desindications de prix permettant dtablir des rapports qualit/ prix dterminants dans le choix des consommateurs. La ques-tion de lindpendance des revues par rapport aux industrielsdonne lieu des politiques diffrentes concernant la reprise desrsultats des essais comparatifs.Que choisir nautorise pas lareprise des rsultats par les firmes des fins commerciales, alorsquelle est permise par60 Millions de consommateurs.

    Dans son tude sur leGuide rougeMichelin, Karpik [2000]dcrit limportance de lvolution historique des critres de

    jugement retenus tout au long duXXe

    sicle. Lvolution de cescritres montre que le schma actuel rsulte de ttonnements parrapport aux besoins des consommateurs. La classificationactuelle pour les restaurants est relativement simplifie, avec lescritres de confort (selon six catgories de fourchettes) et les cri-tres de qualit de la cuisine (selon trois catgories dtoiles).Les classements reposent sur des rapports dinspecteurs et unedcision de la direction du guide. Il sagit dun classement dehaut de gamme car le guide ne retient quun dixime delensemble des restaurants de France. Mme si le guide Michelinest actuellement diffus 600 000 exemplaires par an, il est for-tement concurrenc par de nombreux autres guides, qui propo-sent un jugement insistant sur dautres dimensions et dautresgammes de restaurants.

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    Aux tats-Unis, les guides Zagat pour lesrestaurants, les spectacles [] ont connu un grand succs ces

    dernires annes. Il sagit de classements fonds sur le jugementdes consommateurs consults par sondage. Le biais li au juge-ment de lexpert est soi-disant limin avec le risque de trans-former certains consommateurs en moutons de Panurge. Il existepeut-tre une volont illusoire de saffranchir de lexpert, surtoutsi la qualit ne fait pas lobjet dune dfinition claire ou duneunanimit auprs des consommateurs.

    Le recours aux intermdiaires : le cas des services financiers

    Les agents ont souvent recours des intermdiaires qui,mieux informs, peuvent les renseigner sur la qualit des biensofferts ou garantir la qualit des transactions. Certains interm-diaires achtent et revendent directement les biens (comme lessupermarchs ou les distributeurs), dautres facilitent les ren-contres entre vendeurs et acheteurs (comme les agences immo-bilires), et dautres enfin (comme les agences de notation) four-nissent une information sur la qualit en procurant unclassement et/ou une valuation des diffrentes qualits. En pr-sence de caractristiques dexprience (observables aprs laconsommation), les acheteurs peuvent sanctionner les mauvaisconseils de lintermdiaire, qui voit sa rputation se dgrader.

    Les services financiers sont gnralement fournis par desintermdiaires qui sont chargs dvaluer la rentabilit et la sol-vabilit des emprunteurs de faon garantir la scurit desinvestissements. Le problme de la qualit de linformationtransmise se pose de faon aigu. Il nest pas inutile de rappelercombien un bilan et les profits dune firme peuvent faire lobjetde manipulations autour des provisions pour risques ou de lavalorisation des actifs. Le service financier est dmatria-lis , technique et trs difficile vrifier par une agence decontrle. La qualit (vracit) de linformation transmise est unecaractristique de confiance, avec des aspects dexprience encas de crise.

    Le consommateur de service financier, lactionnaire, ne saitpas toujours dfinir la qualit du produit quil achte, savoir le

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    couple rendement-risque de son investissement financier. Est-ilcapable de compltement hirarchiser ses prfrences concer-

    nant toutes les possibilits de placement financier ? Il nest pascertain quil dispose dune connaissance suffisante des mca-nismes boursiers pour diversifier ses risques. Lattente dunerentabilit financire annuelle irralisable (suprieure 10 %) pour les firmes cotes en Bourse ouvre la porte des mon-tages comptables et financiers, qui ne facilitent pas la transpa-rence ou qui sont proches de la fraude. Elle pousse les action-naires ne pas toujours considrer lendettement, lequel, quandil est excessif pour une firme, peut compromettre sa solvabilitfinancire, ultime critre de mesure du risque financier.

    Lentretien dEdgar Bronfman propos de la situation deVivendi Universal (VU) avec le journalLibration(23 sep-tembre 2003) est rvlateur des difficults dfinir la qualit delinformation comptable : Il est incontestable que la qualit desinformations transmises sur la gestion de VU tait largementinsuffisante. Ces informations taient peut-tre justes mais ellesne rendaient pas compte de la vritable situation financire deVU. Que signifie donc le terme justes dans ce contexte ?Ces informations taient-elles justes au regard des rglementa-tions, mais incapables de renseigner de manire crdible sur lavaleur conomique de la firme ?

    Les investisseurs ne se rendent compte de la mauvaise qua-

    lit dun contrle financier quen cas de faillite, rvlateurincontestable de linsolvabilit de lentreprise contrle. Lerisque est rel que les firmes se cantonnent au respect stricte-ment formel des rglementations comptables, en perdant de vuece qui importe aux actionnaires.

    Les commissaires aux comptes, les analystes financiers, lesagences de notation, ainsi que les conseils dadministration ontt montrs du doigt et parfois sanctionns la suite de lclate-ment de la bulle spculative des valeurs technologiques sur lesmarchs boursiers en 2001. Ainsi, le cabinet daudit ArthurAndersen a disparu en 2002 la suite du scandale Enron (cour-tier en nergie) aux tats-Unis en 2001. Certaines dettes dugroupe Enron avaient t dconsolides (cest--dire quellesnapparaissaient pas dans le bilan du groupe), au mpris des

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    rgles de prudence et des principes conomiques, de sorte queles investisseurs ne pouvaient pas valuer lampleur des risques

    partir de lanalyse des comptes consolids.Les principales banques daffaires amricaines ont t sanc-tionnes en 2003 pour conflit dintrts dans le cadre de la diffu-sion dinformation par des analystes financiers [Chaffinet al.,2003]. Enfin, les fraudes comptables du groupe de distributionnerlandais Ahold ou du groupe laitier italien Parmalat ont faitla une des journaux financiers en 2003 et 2004 [Bickertonet al.,2003]. Tous ces exemples montrent la ncessit dun encadre-ment et dune surveillance (privs et/ou publics) des pratiquesdintermdiation financire. Ces scandales soulignent que laprservation de la rputation du certificateur ( savoir le cabinetdaudit) ne suffit pas pour garantir labsence de fraudes.Lexemple de la faillite du cabinet Arthur Andersen montre queles conflits dintrts (avec les activits de conseil) y taient tropforts, pour que les dysfonctionnements dune firme commeEnron fussent signals aux actionnaires.Les agences de notation, les commissaires aux comptes, lesanalystes sont soumis un renforcement des contrles et desrglementations (avec notamment leSarbannes-Oxley Act ins-taur en 2002 aux tats-Unis) concernant leurs pratiques et leurindpendance (cf. chapitreVI). Ces rformes sont-elles suffi-santes pour restaurer ou maintenir la confiance des

    investisseurs ?

    2. Les stratgies de diffrenciation et de signal des vendeurs

    Un producteur souhaitant atteindre un certain niveau de qua-lit fait tout son possible pour amliorer ses installations, pourformer son personnel, pour rationaliser son processus de produc-tion. Cependant, il ne matrise pas parfaitement certaines opra-tions (mauvais intrants, conditions de transport, de stockage oude distribution dfaillantes), ce qui peut entraner des risquesrsiduels incontrls altrant la qualit souhaite par lesconsommateurs.

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    Pour pallier les dysfonctionnements lis linformationimparfaite, les vendeurs peuvent signaler individuellement leur

    effort de qualit. Cette transmission dinformation peut avoircomme support le prix de vente du bien ou lengagement dedpenses importantes. En prsence de caractristiques dexp-rience (observables aprs la consommation), le signal est effi-cace dans sa capacit vhiculer de linformation. Il permetltablissement dune rputation individuelle pour la qualit. Laqualit de la transmission dinformation et sa prcision sont toutautant essentielles pour maintenir la rputation.

    Une prime informationnelle pour la qualit

    Dans un contexte dachats rpts o les producteurs choisis-sent leur qualit chaque priode, Klein et Leffler [1981] mon-

    trent quune distorsion du prix de la haute qualit par rapport aucot marginal de production est ncessaire pour inciter au main-tien dun niveau de qualit lev. Un prix plus lev que le prixdinformation parfaite incite les producteurs offrir durable-ment une qualit haute. Lcart de prix constitue la rente dinfor-mation, cest--dire la prime que les