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Etude de l’effet du
rajeunissement cellulaire
sur la progression tumorale
BARTHE Lucie
FUSI Giuseppe
MOYA-LECLAIR Elisabeth
M2 Expression Génique et Protéines Recombinantes
2017 – 2018
Remerciements
Nous souhaitons, dans un premier temps, remercier particulièrement Laurence Nieto, tant pour ses qualités humaines que scientifiques, pour le temps qu’elle a su consacrer à notre projet ainsi que pour tous ses précieux conseils fournis tout le long de ce semestre.
Nous remercions également Rémy Poupot pour ses conseils apportés lors des différentes présentations orales et sur la News & Views.
Un grand merci à toute l’équipe pédagogique du master EGPR pour leur aide et leur soutien au cours de ce semestre particulièrement intense.
Merci à tous les étudiants de la promotion 2017 / 2018 : Sophie, Margaux, Amélie, Laure, Thomas, Abdel et Dylan pour leur soutien et leur immuable bonne humeur !
Résumé
Les cellules sénescentes sont des cellules aux phénotypes, tant morphologique, épigénétique
que fonctionnel, altéré. Elles jouent un rôle dans l’embryogenèse, la réparation des tissus et
l’élimination des cellules cancéreuses par recrutement du système immunitaire. En revanche,
elles peuvent aussi s’avérer néfastes. En effet, leur accumulation dans les tissus biologiques
va contribuer au développement de nombreuses pathologies liées à l’âge. Les cancers liées à
l’âge se trouvent parmi ces pathologies. En effet, les fibroblastes sénescents, comme les
fibroblastes activés par des cellules cancéreuses ou CAF (Cancer-Activated Fibroblast),
contribuent à la formation d’un microenvironnement tissulaire pro-tumoral notamment par
leur phénotype sécrétoire particulier ou SASP (Senescence-Associated Secretory Phenotype).
De nombreuses études ont montré qu’en inhibant l’expression de facteurs SASP (de manière
directe ou indirecte), la progression tumorale peut être ralentie. Malheureusement, les
méthodes employées dans ces études ne servent que de preuve de concept et ne peuvent pas
être envisagées dans le cadre d’un traitement thérapeutique, notamment à cause de
potentiels effets non spécifiques.
Dans ce projet de recherche, nous proposons un nouveau moyen de lutte contre le cancer ;
une méthode pour pallier l’effet pro-tumoral des fibroblastes sénescents. En effet, nous
proposons d’inhiber les voies de régulation épigénétique du SASP, un point d’attaque du
cancer qui n’a pas encore été étudié. Pour cela, nous proposons de rajeunir les fibroblastes
sénescents en les reprogrammant de façon partielle par induction cyclique de l’expression des
facteurs OSKM (Oct-4, SOX2, Klf4 et c-Myc).
Dans cette étude, nous chercherons à mettre en place un traitement efficace de
rajeunissement des fibroblastes. Nous étudierons également l’effet du rajeunissement des
fibroblastes sénescent sur les différents paramètres de la progression tumorale ainsi que sur
l’activation de ces fibroblastes en CAF.
Liste des abréviations
4F : cassette Oct-4/SOX2/Klf4/c-Myc
ADN : Acide DésoxyriboNucléique
ARN : Acide RiboNucléique
BET : Bromure d’EThidium
BRD4 : BRomoDomain containing protein 4
C57BL6 : modèle de souris C57 BLack 6
CAF : Cancer-Associated Fibroblast
CD31, CD44, CD24, CD133 : Clusters de
Différenciation 31, 44, 24 et 133
CSC : Cellule Souche Cancéreuse
CSF : Colony-Stimulating Factor
CT : Cellule Tumorale
CTGF : Connective Tissue Growth Factor
Dox : Doxyxycline
E0771-Luc : lignée cellulaire E0771 – Luciférase
ELISA : Enzyme-Linked Immuno-Sorbent Assay
TRE : Tetracycline Responsive Element
FACS : Fluorescence-Activated Cell Sorting
FAP : Fibroblast Activation Protein
G9a : histone méthyltransférase
GFP : Green Fluorescence Protein
GLP : histone méthyltransférase G9a-Like Protein
GRO : Growth-Regulated Oncogene
H3K9Me3 : histone 3 triméthylée sur la lysine 9
H4K20Me3 : histone 4 triméthylée sur la lysine 20
IF : ImmunoFluorescence
IHC : ImmunoHistoChimie
IL-1α : Interleukine-1α
IL-6 : Interleukine-6
iPS : Induced Pluripotent Stem cell
iTRAQ : Isobaric Tags for Relative and Absolute
Quantitation
LV-CMV-Firefly : LentiViral -CytoMégaloVirus-Firefly
macroH2A1 : variant d’histone H2A1
MEC : Matrice ExtraCellulaire
MS : Mass Spectrometry
mTOR : Mechanistic Target Of Rapamycin
NF-ΚB : Nuclear Factor-ΚB
NK : Natural Killer
OMS : Organisation Mondiale de la Santé
OSKM : cassette polycistronique Oct-4/SOX2/Klf4/c-
Myc
p16 : Protein 16
p16INK4a : Protéine 16 INhibitrice des Kinases
dépendantes des cyclines 4a
p38MAPK : Protéine 38 Mitogen-Activated Protein
Kinase
p53 : protéine p53
PDGFRα : Platelet-Derived Growth Factor Receptor α
α-SMA : α-Smooth Muscle Actin
RNAseq : RNA SEQuencing
ROS : Reactive Oxygen Species
SA-βgal : β-galactosidase associée à la sénescence
SASP : Senescence-Associated Secretory Phenotype
SCID : Severe Combined ImmunoDeficiency
TNFα : Tumor Necrosis Factor α
WNT16B : protein WiNgless 16B
WT : Wild-Type
Sommaire
A- Introduction .................................................................................................................... 1
I. La sénescence cellulaire .............................................................................................. 1 II. Le microenvironnement sénescent ............................................................................ 2 III. Le rôle des fibroblastes sénescents dans la progression tumorale ............................ 3 IV. Le phénotype sécrétoire altéré des fibroblastes sénescents ..................................... 4 V. Les voies de signalisation contrôlant l’expression des facteurs SASP ........................ 5 VI. Les techniques pour lutter contre l’effet pro-tumoral des fibroblastes sénescents . 6 VII. Le rajeunissement des fibroblastes sénescents comme alternative .......................... 7
B- Projet de recherche ..................................................................................................... 9
I. Modèles d’études utilisés ................................................................................... 9
1. Modèles cellulaires humains de cancer................................................................ 9 2. Fibroblastes WT humains et murins ................................................................... 10 3. Obtention de fibroblastes 4F sénescents humains et murins ............................ 10 4. Lignée cellulaire murine isolée d’un adénocarcinome mammaire ...................... 10 5. Modèles murins .................................................................................................. 11
II. Effet du rajeunissement sur les fibroblastes sénescents ..................................... 12
1. Rajeunissement des fibroblastes in vitro ............................................................. 12 2. Optimisation du rajeunissement des fibroblastes ............................................... 12 3. Effet du rajeunissement des fibroblastes sur la sécrétion de facteurs SASP....... 13
III. Effet du rajeunissement des fibroblastes sur la progression tumorale ................ 14
1. Prolifération tumorale.......................................................................................... 14 2. Migration et invasion du milieu par les cellules tumorales ................................. 15 3. Développement de cellules souches cancéreuses ............................................... 15 4. Voies activées dans les cellules tumorales par les facteurs SASP ........................ 16 5. Effet du rajeunissement sur la transformation des fibroblastes en CAF ............. 17
IV. Effet du rajeunissement in vivo chez la souris .................................................... 18
1. Allogreffes et traitement rajeunissant ................................................................. 18 2. Evaluation de la progression tumorale ................................................................ 19 3. Résurgence tumorale ........................................................................................... 21 4. Caractérisation des fibroblastes et CAF péritumoraux ........................................ 21 5. Vérification, in vivo des voies activées par les facteurs SASP dans les CT ........... 22
C- Discussion et perspectives.................................................... 23
Références bibliographiques
Annexe 1 : La fontaine de Jouvence n’est plus un mythe Annexe 2 : Graphique de l’équivalence entre l’âge d’une souris et d’un Homme
Figure 1. Causes et conséquences de la sénescence cellulaire. La sénescence cellulaire est une réponse à des stimuli d’origine intrinsèque ou extrinsèque. La cellule peut entrer en sénescence suite au raccourcissement des télomères, à des perturbations épigénomiques et génomiques et à l’activation des gènes suppresseurs de tumeurs. Les conséquences antagonistes de la sénescence cellulaire sont d’une part la suppression de tumeurs grâce à l’arrêt irréversible du cycle cellulaire et la réparation des tissus. Et d’autre part, la sénescence cellulaire peut promouvoir le développement de maladies dégénératives liées à l’âge et des cancers. Campisi, 2013.
1
A. Introduction
I. La sénescence cellulaire
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’espérance de vie ne cesse d’augmenter.
L’OMS estime qu’entre 2015 et 2050, la proportion des personnes de 60 ans et plus dans la
population mondiale va doubler, passant de 12% à 24% (http://who.int/fr/).
Le vieillissement est un processus naturel et commun à tous les organismes vivants. Chez les
organismes multicellulaires, il correspond à une perte progressive et inéluctable des fonctions
moléculaires, tissulaires et cellulaires (Campisi, 2013). Chez l’Homme, le vieillissement se
caractérise par une augmentation et une accumulation de cellules sénescentes dans
l’organisme pouvant conduire à des pathologies dégénératives et hyperplasiques (Christensen
et al, 2009).
La sénescence cellulaire est caractérisée par un arrêt irréversible du cycle cellulaire en réponse
à des stress endogènes ou exogènes (Campisi et Fagagna, 2007). L’entrée des cellules en
sénescence peut être induite par : le raccourcissement des télomères dont la taille diminue à
chaque division cellulaire, des perturbations épigénomiques et génomiques (dommages à
l’ADN), un stress oxydatif ou une activation des gènes suppresseurs de tumeurs (Levy et al,
1992 ; Robles et al, 1998) (figure 1).
Les cellules sénescentes ont des caractéristiques propres à l’état de sénescence telles qu’une
surproduction d’espèces réactives de l’oxygène (ROS) et de β-galactosidase associée à la
sénescence (SA-βgal), une augmentation de l’expression de gènes suppresseurs de tumeurs
comme p16INK4a (Dimri et al, 1995 ; Collins et Sedivy, 2003). La sénescence cellulaire entraîne
également des modifications des marqueurs épigénétiques impliqués dans le maintien de
l’hétérochromatine (Adams, 2009). Le nombre de triméthylations des lysines 9 et 20 des
histones 3 et 4 (H3K9Me3 et H4K20Me3, respectivement) est diminué et augmenté,
respectivement, pendant le processus de vieillissement (Benayoun et al, 2015). Outre les
marqueurs cités précédemment, la caractéristique essentielle des cellules sénescentes est
l’acquisition d’un phénotype sécrétoire altéré ou SASP (Senescence-Associated Secretory
Phenotype). Nous détaillerons son rôle ultérieurement.
Cellules tumorales
Cellules tumorales en zone hypoxique
/nécrotique
Lymphocyte B
Lymphocyte T
Péricyte
Fibroblaste
Cellule dendritique
Cellule NK ou NKT
Globule rouge
MEC
Adipocyte Cellule souche
Macrophage
Cellule endothéliale
Cellule lymphatique
Figure 2. Composition du microenvironnement tumoral. Le microenvironnement tumoral est composé de différents types de cellules. Outre les cellules tumorales, il y a de nombreuses cellules immunitaires capables de lutter contre la tumeur : des cellules dendritiques, des macrophages, des lymphocytes B qui reconnaissent des antigènes présents sur la tumeur, des cellules natural killer (NK ou NKT) cytotoxiques et des lymphocytes T qui vont réguler l’activité des précédentes. Des adipocytes peuvent également être présents et fournir des nutriments (lipides) à la tumeur. Des péricytes, cellules lymphatiques et endothéliales, éventuellement attirés par des facteurs sécrétés, vont permettre la vascularisation de la tumeur. Des cellules souches sont présentes dans le microenvironnement. Elles permettent un renouvèlement des cellules du tissu. Pour finir, il y a des fibroblastes qui sécrètent la matrice extracellulaire (MEC) ainsi que de nombreux facteurs dans le microenvironnement tumoral. Adaptée de Balkwill et al, 2012.
2
Comme mentionné précédemment, la sénescence cellulaire est un processus naturel. Elle est
impliquée dans le développement embryonnaire, la suppression de tumeur et la régénération
tissulaire, lorsque celle-ci est contrôlée et limitée. Cependant, avec l’âge, les cellules
sénescentes s’accumulent et rompent l’homéostasie tissulaire (Dimri et al, 1995). En effet,
cette accumulation favorise l’apparition de pathologies comme les maladies
neurodégénératives, les maladies cardiaques ou les cancers (Collado et Serrano, 2010 ; Rodier
et Campisi, 2011). De plus, une étude de Rigal et al a montré que l’incidence du cancer
augmentait significativement avec l’âge (Rigal et al, 2006). Ainsi, ici, nous nous intéresserons
au rôle de la sénescence dans l’apparition et le développement de tumeur et, plus
particulièrement, sur l’impact d’un microenvironnement tumoral sénescent.
II. Le microenvironnement sénescent
Le microenvironnement tumoral est composé de différentes entités (Balkwill et al, 2012)
(figure 2). Parmi celles-ci, des cellules endothéliales qui vont potentiellement vasculariser la
tumeur, des cellules immunitaires (lymphocytes B et T, macrophages, cellules natural killer
(NK), cellules dendritiques,…), des adipocytes capables de fournir la tumeur en nutriments.
Sont également présentes des cellules souches qui renouvèlent les cellules mortes. Il y a aussi
des fibroblastes qui vont sécréter de nombreux facteurs dont les différents composants de la
matrice extracellulaire (MEC) (Balkwill et al, 2012).
Un microenvironnement sénescent favorise davantage la progression tumorale qu’un
microenvironnement jeune (Ruhland et al, 2016). Baker et al ont d’ailleurs constaté qu’en
éliminant sélectivement les cellules sénescentes dans des souris transgéniques portant le
système INK-ATTAC (codant une protéine induisant la mort cellulaire sous le contrôle du
promoteur p16INK4a, exprimé dans les cellules sénescentes), la proportion de mort des souris
due au développement de cancer diminuait significativement (Baker et al, 2016). Cela montre
qu’un microenvironnement sénescent augmente le taux de mortalité due au cancer en ayant
une action positive sur les cellules tumorales (CT). Cette action pro-tumorale s’explique par le
fait que la sénescence perturbe l’homéostasie tissulaire et donc les réponses normales d’un
tissu envers une tumeur.
A
B
Figure 3. Les fibroblastes sénescents favorisent la croissance de tumeurs in vivo et la dédifférenciation des cellules pré-tumorales. (A) Essai de la prolifération de cellules pro-tumorales in vivo en présence de fibroblastes sénescents. 2 populations de cellules pré-tumorales issues de cellules embryonnaires humaines de rein (HEK) rendues génétiquement instables, PC1 et PC2, ont été co-injectées dans des souris immunodéprimées avec des fibroblastes HCA2 immortalisés (HCA2-im), pré-sénescents (HCA2-pre) ou sénescents (HCA2-s). La croissance de la tumeur a ensuite été mesurée pendant 3 mois. (B) Essai de la formation de sphères par les cellules HEK pré-tumorales. Les populations PC1 et PC2 ainsi que les cellules PC1 et PC2, co-injectées in vivo avec des fibroblastes et récupérées par la suite (PC1-expl1, 2 et PC2-expl1), ont été cultivées dans des plaques à faible adhérence. Des cellules HEK stables (Early) ou instables (Late) génétiquement et des HEK stables génétiquement et surexprimant Ras (Early+RAS) ont été utilisées comme contrôles. Castro-Vega et al, 2015.
3
En premier lieu, à force de division, les cellules souches peuvent entrer en sénescence
réplicative. Elles arrêtent alors de proliférer et de participer au renouvèlement des cellules du
tissu (Satyanarayana et al, 2003). Les cellules sénescentes du microenvironnement
s’accumulent alors (Dimri et al, 1995) ou le tissu se déplète en cellules dans le cas où ces
cellules sénescentes sont éliminées (Sagiv et al, 2012), perturbant ainsi l’équilibre tissulaire.
Par ailleurs, les cellules sénescentes étant dysfonctionnelles, leur accumulation va participer
à la dérégulation de l’homéostasie, tant par le fait que leur communication cellulaire soit
altérée que par leur surproduction de ROS (López-Otín et al, 2013).
Lorsque la sénescence touche les cellules du système immunitaire, elle va affecter plusieurs
de leurs fonctions notamment celles d’éliminer les cellules sénescentes du tissu (Hazeldine et
al, 2012). En outre, les cellules immunitaires « vieilles » ne sont plus aussi efficaces dans
l’élimination des cellules tumorales (Foster et al, 2011). Ainsi, en plus de perturber
l’homéostasie du tissu, la sénescence des cellules immunitaires va favoriser la progression de
la tumeur.
III. Le rôle des fibroblastes sénescents dans la progression tumorale
Parmi les cellules du microenvironnement sénescent, les fibroblastes ont été mis en cause
dans l’apparition et la progression du cancer (Castro-Vega et al, 2015 ; Liu et al, 2011 ; Krtolica
et al, 2001) (figures 3 et 4).
Les fibroblastes sont des cellules réparties dans tout l’organisme, au niveau du tissu conjonctif
qui entoure les organes. Cette localisation quasi ubiquitaire leur confère un rôle crucial dans
la régulation de l’homéostasie tissulaire. En effet, les fibroblastes vont avoir différentes
fonctions dont celles de moduler la réponse immunitaire locale, de réguler la différenciation
des cellules et, comme fonction phare, de sécréter des facteurs dans le milieu extracellulaire
qui va être à l’origine des deux précédentes. Ils constituent notamment les principales cellules
qui sécrètent la MEC (fibronectine, laminine, collagène entre autres).
Le rôle des fibroblastes dans la tumorigenèse a amplement été étudié (Olumi et al, 1999 ;
Hwang et al, 2008). Il en ressort que des fibroblastes activés par la tumeur, autrement
surnommés CAF pour Cancer-Associated Fibroblasts, stimulent non seulement le
Figure 4. Les fibroblastes sénescents augmentent la migration et l’invasion des cellules HMEC immortalisées. (A-C) Des co-cultures de fibroblastes jeunes (A) ou sénescents (B-C) avec des cellules humaines mammaires épithéliales (HMEC) immortalisées ont été réalisées dans du Matrigel. L’invasion du milieu par les HMEC a été suivie par microscopie photonique. (D) Des essais de migration en chambre de Boyden ont été réalisés sur les HMEC isolées de co-cultures avec des fibroblastes jeunes (Pre) ou sénescents (C-RMF H2O2 & C-RMF Bleo). Du milieu DMEM seul ou supplémenté en milieu conditionné de fibroblastes NIH 3T3 25% a été utilisé comme attractant. * : p < 0,005 RMF : Reduction Mammary Fibroblast, H2O2 : sénescence des RMF induite par un stress oxydatif (peroxyde d’hydrogène), Bleo : sénescence des RMF induite par un stress chimique (Bléomycine), Pre : RMF pré-sénescents (contrôle). Liu et al, 2012.
A B C
D
4
développement de la tumeur mais aussi sa vascularisation (Cirri et Chiarugi, 2011 ; Orimo et
al, 2005). A ce jour, le parallèle entre CAF et état de sénescence des fibroblastes est très peu
étudié. Il a seulement été montré que des fibroblastes sénescents peuvent devenir des CAF
mais le mécanisme par lequel s’opère cette transformation n’a toujours pas été élucidé en
détails (Mellone et al, 2017).
De même que pour les CAF, les fibroblastes sénescents stimulent davantage le
développement de tumeur comparé à des fibroblastes jeunes (Castro-Vega et al, 2015) (figure
3A). De plus, les fibroblastes sénescents stimulent la migration des CT ainsi que leur invasion
du microenvironnement (Liu et al, 2011) (figure 4). Krtolica et al ont aussi démontré un effet
positif de la matrice sécrétée et du milieu conditionné obtenus à partir de culture de
fibroblastes sénescents sur la tumorigenèse (Krtolica et al, 2001). Or, cette matrice et les
diverses molécules contenues dans le milieu conditionné constituent les facteurs SASP, une
des caractéristique de la sénescence comme mentionné précédemment (López-Otín et al,
2013). Ainsi, le SASP pourrait être à l’origine de l’effet pro-tumoral des fibroblastes
sénescents.
IV. Le phénotype sécrétoire altéré des fibroblastes sénescents
Les facteurs SASP correspondent à une dérégulation en nature mais aussi en quantité des
molécules sécrétées normalement. Des études précédentes ont montré que les facteurs SASP
présents dans le milieu conditionné des fibroblastes participent en partie au développement
de tumeur (Krtolica et al, 2001 ; Castro-Vega et al, 2015) (figure 5). Il a également été montré
que le SASP permet la vascularisation in vivo (Coppé et al, 2006) de même que la transition
épithélio-mésenchymateuse, ce qui favorise le caractère migratoire et invasif de la tumeur
(Laberge et al, 2012). En outre, les facteurs SASP ont été identifiés comme favorisant la
dédifférenciation des CT et donc l’apparition de cellules souches cancéreuses (CSC) liées à un
pronostic vital défavorable (Castro-Vega et al, 2015 ; Cahu et al, 2012).
Chez les fibroblastes, ces facteurs SASP sont constitués de diverses classes de molécules
(Coppé et al, 2010). En effet, les fibroblastes sénescents sécrètent des interleukines comme
Figure 5. Les facteurs sécrétés par les fibroblastes sénescents favorisent la progression tumorale. (A) Les facteurs sécrétés par les fibroblastes sénescents augmentent la prolifération des cellules pré-tumorales et tumorales. Des cellules pré-tumorales issues de cellules embryonnaires humaines de rein (HEK) instables génétiquement, PC2, ainsi que des cellules PC2, co-injectées in vivo avec des fibroblastes et récupérées par la suite (PC2-expl1) ont été cultivées in vitro dans du milieu de culture classique (Normal) ou conditionné (CM) par des fibroblastes sénescents (SCM) ou pré-sénescents (Pre-SCM). Les cellules ont ensuite été comptées dans chaque condition, à différents temps. Castro-Vega et al, 2015. (B) Les facteurs sécrétés par les fibroblastes augmentent la migration et l’invasion. Des cellules humaines endothéliales de cordon ombilical (HUVEC) ont été placées dans un insert recouvert de Matrigel, mis au contact d’un milieu de culture classique (DMEM) ou un milieu conditionné par des fibroblastes humains WI-38 pré-sénescents (P) ou sénescents (S). Lorsque mentionné (Ab), le milieu conditionné a été pré-incubé avec un anticorps anti-VEGF. Coppé et al, 2006.
A
B
5
l’IL-1α qui active le facteur de transcription NF-ΚB (Nuclear Factor- ΚB), favorise la croissance
de la tumeur ou l’extravasation des cellules tumorales dans les vaisseaux sanguins (Orr et
Wang, 2001) ou comme l’IL-6 qui est pro-inflammatoire et favorise l’invasion en induisant la
transition épithélio-mésenchymteuse des CT (Coppé et al, 2008). D’autres facteurs pro-
inflammatoires sont produits par les fibroblastes sénescents : la prostaglandine 2 et la famille
des CSF (Colony-Stimulating Factor), notamment. Avec les espèces réactives comme l’oxyde
nitrique ou les ROS libérés par ces cellules, les facteurs pro-inflammatoires augmentent la
perturbation de l’homéostasie tissulaire engendrée par la sénescence (Lee et al, 1999 ; Macip
et al, 2002).
En outre, les fibroblastes sénescents sécrètent des chimiokines, des facteurs de croissance et
des facteurs immunosuppressifs comme la famille de protéine GRO (Growth-Regulated
Oncogene) ou l’ostéoprotégérine (récepteur soluble leurrant du TNFα) (Coppé et al, 2010). Le
SASP contient également des protéases (métalloprotéinases, cathepsine B…) capables de
dégrader la MEC ou les protéines d’adhésion des cellules, libérant ainsi les cellules et facilitant
leur migration. De plus, il a été montré dans une étude que les métalloprotéinases sécrétées
par les fibroblastes sénescents favorisent la progression tumorale (Liu et Hornsby, 2007).
V. Les voies de signalisation contrôlant l’expression des facteurs SASP
Dans les cellules sénescentes, l’expression des gènes codant les facteurs SASP est régulée par
différents voies de signalisation. Parmi ces voies, il y a celle de mTOR (Laberge et al, 2015), de
NF-ΚB (Chien et al, 2011) et de p38MAPK (Freund et al, 2011) (figure 6).
Les évènements majeurs résultant de l’entrée en sénescence, comme l’arrêt du cycle
cellulaire, sont régulés par les voies p53 et p16INK4a. Cependant, il a été démontré que la
sécrétion des facteurs SASP ne dépend d’aucune de ces deux voies (Coppé et al, 2008). Ainsi,
la régulation de l’expression des facteurs SASP se fait par des voies de signalisation différentes.
Par ailleurs, contrairement à une réponse inflammatoire ordinaire, le SASP se met en place
très lentement, se manifestant seulement plusieurs jours après l’entrée des cellules en
sénescence. Ceci suggère que le SASP est une réponse inflammatoire particulière qui est
activée par des mécanismes spécifiques de l’état sénescent.
Figure 6. Voies de régulation de l’expression des facteurs SASP.
L’expression des facteurs SASP (Senescent-Associated Secretory Phenotype) est régulée au niveau de
l’activation de la transcription, de la stabilisation des transcrits et par le remodelage de la chromatine.
L’activation persistante des mécanismes de réponse aux dommages de l’ADN ou DDR (DNA Damage
Response) peut induire le SASP par des voies indépendantes de celles de p53/p21, voies qui
interviennent dans l’arrêt du cycle cellulaire. ATM : Ataxia Telangiectasia Mutated, ATR : Ataxia
Telangiectasia and Rad3-related, BRD4 : Bromodomain-containing protein 4, GATA4 : GATA binding
protein 4, IL-1a : Interleukin-1 alpha, MK2 : MAPK-activated protein Kinase 2, mTOR : Mammalian
Target Of Rapamycin, NF-kB : Nuclear Factor-kB, GLP : Ga9-Like Protein. Adaptée de Watanabe et al,
2017.
6
Bien que l’expression des facteurs SASP soit régulée par des facteurs de transcription,
certaines études montrent que leur expression est également régulée de façon épigénétique.
En effet, l’entrée des cellules en sénescence est suivie par la dégradation de certaines histones
méthyltransférases comme la G9a et la GLP (G9a-Like Protein) (Takahashi et al, 2012), ce qui
permet la levée de la répression transcriptionelle d’un certain nombre de gènes codant des
facteurs SASP. De la même façon, il a été observé un retrait des macroH2A1 de la chromatine
qui sont des variantes d’histone réprimant l’expression génique, induisant ainsi l’expression
de certains facteurs SASP (Chen et al, 2015). Un autre régulateur épigénétique du SASP est
l’histone acétyltransférase BRD4 (Bromodomain-containing protein 4). Ce dernier interagit
avec des régions de l’ADN génomique, dites ″super-enhancer″, localisées à proximité des
gènes SASP, ce qui conduit à une augmentation très importante de leur expression (Tasdemir
et al, 2016).
Collectivement, tous ces mécanismes orchestrent l’activation de la sécrétion des facteurs
SASP quelques temps après l’entrée des cellules en sénescence.
VI. Les techniques pour lutter contre l’effet pro-tumoral des fibroblastes
sénescents
Plusieurs études visant à inhiber les voies de régulation du SASP ont été réalisées. Les
protéines régulatrices qui ont été ciblées lors de ces études sont : mTOR inhibé par la
rapamycine (Laberge et al, 2015), NF-ΚB inhibé par l’agent pharmacologique BAY 11-7082
(Chien et al, 2011) et le BRD4 inhibé par le BET (Bromure d’Ethidium) (Tasdemir et al, 2016).
Toutes ces études ont démontré qu’il est possible de diminuer de façon très importante la
sécrétion des facteurs SASP en agissant sur les voies de régulation précédemment citées.
Afin d’inhiber le SASP, Laberge et al ont traité des fibroblastes sénescents à la rapamycine
avant de les co-injecter avec des CT dans des souris (Laberge et al, 2015). Ils ont ainsi démontré
qu’en diminuant la sécrétion des facteurs SASP par les fibroblastes du microenvironnement
tumoral il est possible d’inhiber la progression tumorale (figure 7).
Dans le même contexte, des études similaires ont tenté d’éliminer les fibroblastes sénescents
du microenvironnement tumoral afin de déterminer l’effet de ces cellules sur la progression
tumorale (Baker et al, 2016). Pour réaliser cela, des molécules sénolytiques, comme l’ABT263
Figure 7. La rapamycine inhibe l’activité pro-tumorale des cellules sénescentes.
Des cellules de cancer de prostate PC3 ont été co-implantées, en sous-cutané, soit avec des fibroblastes de prostate non sénescents (PSC27-NS), soit avec des fibroblastes de prostate sénescents (PSC27-Sen ; induits à la sénescence par irradiation (IR)). Ces fibroblastes ont été pré-traités pendant 8 jours soit au DMSO soit à la rapamycine. Le volume des tumeurs formées 8 semaines après les implantations a été déterminé. Laberge et al, 2015.
7
ou l’ABT737, ou bien des approches de génie génétique ont été utilisées (Chang et al, 2016 ;
Yosef et al, 2016 ; Baker et al, 2016). Ces approches de génie génétique se basent sur
l’utilisation de souris transgéniques portant un transgène codant une protéine capable
d’induire la mort cellulaire (système INK-ATTAC cité précédemment). Cette étude montre que
l’élimination des fibroblastes sénescents sécrétant les facteurs SASP dans le
microenvironnement tumoral permet de ralentir la progression tumorale (figure 8).
L’ensemble de ces études démontrent que la progression tumorale peut être ralentie en
bloquant la sécrétion des facteurs SASP dans le microenvironnement tumoral. Cependant, les
moyens employés dans ces études pour bloquer la sécrétion des facteurs SASP ne paraissent
pas avoir un potentiel thérapeutique. En effet, l’utilisation d’agents sénolytiques
s’accompagne d’effets secondaires indésirables comme la thrombopénie et la neutropénie
(diminution du nombre de plaquettes et de neutrophiles dans le sang, respectivement) pour
l’utilisation de l’ATB263 (Rudin et al, 2012). Également, l’inhibition de voies de signalisation
majeures comme celles médiées par mTOR affecterait de façon importante la viabilité des
cellules. Malgré tout, inhiber la production de facteurs SASP reste une cible très intéressante
pour ralentir la progression tumorale dans les cas de cancers liées à l’âge.
VII. Le rajeunissement des fibroblastes sénescents comme alternative
Une alternative à l’élimination des cellules sénescentes par des traitements sénolytiques
serait de rajeunir les fibroblastes sénescents par induction de l’expression des facteurs OSKM
(Oct-4, SOX2, Klf4 et c-Myc). En effet, récemment, Ocampo et al ont démontré que la
reprogrammation partielle de cellules sénescentes a permis d’inverser les phénotypes
associés au vieillissement (Ocampo et al, 2016) (voir détails dans la News & Views en Annexe
1). Ces expérimentations ont été réalisées in vitro sur des cellules murines et humaines puis
in vivo chez la souris par induction cyclique de l’expression des facteurs OSKM (ou cassette
4F). Ils ont non seulement constatés un rétablissement des marqueurs épigénétiques mais
aussi l’absence de tératomes et l’allongement de l’espérance de vie de la souris.
Grâce à l’association des travaux réalisés par l’équipe d’Ocampo et des études menées sur les
fibroblastes sénescents et le SASP, nous proposons d’étudier l’impact du rajeunissement de
ces fibroblastes sénescents sur le développement tumoral. En effet, cette cure de jouvence
Figure 8. L’élimination des cellules sénescentes augmente l’espérance de vie.
Courbes de survie de Kaplan Meier de souris ATTAC mourant de cancer. Les souris présentant des
lymphomes, sarcomes et carcinomes au moment de la mort ont été inclues dans l’analyse ; les souris
sans tumeurs ont été exclues. La médiane et l’augmentation de survie (en %) sont indiqués. Baker et
al, 2016.
8
cellulaire pourrait notamment avoir un effet inhibiteur sur la sécrétion des facteurs SASP et
ainsi inhiber la tumorigénèse.
9
B. Projet de recherche
I. Modèles d’étude utilisés
Dans le but d’étudier l’effet du rajeunissement des fibroblastes sur la progression tumorale,
nous allons d’abord tester notre hypothèse in vitro sur des cellules humaines en culture avant
de d’étendre notre étude à un modèle murin in vivo.
1. Modèles cellulaires humains de cancer
Pour la partie in vitro de notre étude, nous utiliserons 3 lignées tumorales humaines. Des
lignées issues de carcinomes mammaire, prostatique et de mélanome semblent être un choix
adapté car la propension de ces cancer augmente en corrélation avec l’âge (Rigal et al, 2006)
et sont parmi les cancers les plus fréquents chez les personnes âgées (Ferlay et al, 2015). Les
lignées cellulaires que nous utiliserons seront donc les suivantes : PC-346C (adénocarcinome
de prostate ; obtenue gracieusement du Dr Jacobberger, Case Western Reserve Univ.,
Cleveland, OH), SK-MEL-1 (mélanome ; achetée chez ATCC, Rockville, MD), MDA-MB-453
(adénocarcinome de sein ; également achetée chez ATCC).
Pour vérifier les résultats obtenus avec ces lignées et pouvoir apprécier l’hétérogénéité
interindividuelle dans la réponse au rajeunissement des fibroblastes sénescents, nous
utiliserons également des cultures primaires de CT humaines. Elles seront établies à partir de
CT isolées de biopsie de patients, obtenues en collaboration avec des centres hospitaliers. Les
patients donneurs devront respecter plusieurs critères : avoir plus de 60 ans, présenter un
type de cancer cité précédemment et ne pas avoir subi de chirurgie ou quelconque traitement
thérapeutique sur la tumeur.
Ces modèles de cellules primaires ou de lignées seront transfectés avec un vecteur codant la
GFP (Green Fluorescent Protein ; pEGFP-N1 de BD Biosciences Clontech, Palo Alto, CA) puis
triés par FACS (Fluorescence-Activated Cell Sorting). Seules les CT GFP+ seront conservées. Ceci
permettra le suivi et la distinction de ces cellules avec les fibroblastes co-cultivés, par
microscopie à fluorescence, lors des diverses expériences in vitro.
10
2. Fibroblastes WT humains et murins
Les fibroblastes sauvages (WT) humains qui serviront à faire les co-cultures ou à préparer du
milieu conditionné seront des fibroblastes HCA2 fournis par le Dr Pereira-Smith (Univ. of Texas
Health Science Center, San Antonio, TX). Les fibroblastes murins WT (issus de souris C57BL6)
seront achetés chez Cell Biologics. Ils constitueront la condition contrôle fibroblastes dits
jeunes ainsi que le contrôle « fibroblastes vieux » lorsque, à force de repiquage, ils seront
amenés à vieillir.
3. Obtention de fibroblastes 4F sénescents humains et murins
Afin d’obtenir des fibroblastes sénescents portant une seule copie de la cassette 4F (transgène
polycistronique codant Oct-4, SOX2, Klf4 et c-Myc sous le contrôle d’un élément de réponse à
la tétracycline (TRE) activé par un traitement doxycycline (Dox)), nous partirons de cellules
souches pluripotentes induites (iPS) humaines ou murines ayant d’ores-et-déjà intégré la
cassette 4F (Carey et al, 2009). Ces iPS 4F seront par la suite différenciées en fibroblastes 4F
par un traitement 50 µg.mL-1 acide ascorbique/100ng.mL-1 CTGF (Connective Tissue Growth
Factor) dans du milieu DMEM, séparément. Les iPS différenciées en fibroblastes seront isolées
par FACS grâce à un double marquage PDGFRα/α-SMA (Platelet-Derived Growth Factor
Receptor α et α-Smooth Muscle Actin, respectivement). Les fibroblastes 4F seront
normalement PDFRα+/α-SMA-, avec α-SMA exprimé uniquement dans les CAF,
myofibroblastes et fibroblastes sénescents (Mellone et al, 2017). Ensuite, les fibroblastes
seront repiqués jusqu’à obtenir des fibroblastes sénescents (au moins 10 passages).
4. Lignée cellulaire murine isolée d’un adénocarcinome mammaire
Les expériences in vivo de cette étude reposent sur des allogreffes orthotopiques de CT
mammaires, exprimant la luciférase, dans des souris femelles C57BL6 (Ewens et al, 2005). En
effet, les souris femelles présentent l’avantage de développer des cancers du sein et des
métastases beaucoup plus couramment que les souris mâles.
Nous utiliserons la lignée cellulaire E0771 qui a été isolée d’un adénocarcinome mammaire
spontané d’une souris C57BL6. Les cellules E0771 présentent un intérêt particulier car elles
métastasent spontanément dans les mêmes organes (poumons, foie, os et cerveau) que les
11
femmes atteintes d’un cancer du sein métastatique (Johnstone et al, 2015). Cette lignée sera
achetée chez CH3 BioSystems.
A partir des cellules E0771, nous réaliserons une lignée stable de cellules E0771-luc (luciférase)
exprimant le gène de la luciférase firefly. Le vecteur lentiviral utilisé pour la transfection est le
vecteur LV-CMV-Firefly luciferase (LentiViral-Cytomégalovirus-Firefly) qui code le gène de la
luciférase et est sous le contrôle du promoteur constitutif CMV (Mahauad-Fernandez et al,
2014). Cette lignée E0771-Luc nous permettra de suivre in vivo la croissance tumorale primaire
et le développement de métastases par bioluminescence.
5. Modèles murins
Afin d’étudier l’effet du rajeunissement in vivo sur la progression tumorale, nous avons choisi
un modèle murin. En effet, à la suite d’une allogreffe orthotopique de CT mammaires, ce
modèle est capable de mimer les différents stades de progression tumorale classiquement
retrouvés chez les patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique (Johnstone et al,
2015).
L’âge des souris modèle sera choisi en adéquation avec la correspondance de l’âge
souris/humain (voir Annexe 2 : Graphique de l’équivalence entre âge souris/humain). Nous
achèterons 3 modèles de souris femelles :
- un modèle de souris immunodéficientes ICR SCID (Severe Combined
ImmunoDeficiency) âgées de 8 semaines et achetées chez Taconic (Germantown, NY).
Ces souris serviront à faire des expériences de co-greffe avec des fibroblastes
sénescents (jeunes WT, vieux WT, 4F, traités ou non à la Dox) et des CT, ce qui
permettra d’observer spécifiquement le rôle des fibroblastes dans la progression
tumorale. Les souris SCID seront placées en isolement pour éviter toute contamination
par un pathogène.
- un modèle de souris WT (C57BL6) âgées de 3 mois et achetées à The Jackson
Laboratory (à l’âge de 8 semaines). Elles représenteront le phénotype contrôle « souris
jeunes » dans l’étude de l’effet du rajeunissement de l’organisme total sur la
progression tumorale. Pour la condition contrôle « souris vieilles », nous ferons vieillir
ces souris en animalerie jusqu’à l’âge de 18 mois.
12
- un modèle murin 4F (génotype initial C57BL6) portant un exemplaire de la cassette
polycistronique OSKM sous le contrôle d’un élément TRE présent dans le promoteur
du transgène. Grâce à cette cassette, une reprogrammation cellulaire partielle pourra
être réalisée chez ces souris (Carey et al, 2010). Les souris seront achetées à l’âge de 8
semaines à The Jackson Laboratory. Nous les ferons vieillir jusqu’à l’âge de 18 mois.
Afin d’avoir une quantité suffisante de souris durant l’étude, nous ferons l’acquisition de 10
souris pour chaque modèle WT (jeune et vieux) soit 20 souris, 16 pour le modèle 4F et 36 pour
le modèle SCID (figure 9).
Nous veillerons à respecter les règles de conformité établies par le comité d’éthique tout au
long de ce travail.
II. Effet du rajeunissement sur les fibroblastes sénescents
1. Rajeunissement des fibroblastes in vitro
Le rajeunissement des fibroblastes 4F se fera comme décrit dans l’article d’Ocampo (Ocampo
et al, 2016), par induction cyclique de la cassette 4F par la doxycycline. Chaque cycle consiste
en une induction à la Dox pendant 2 jours suivi d’un arrêt d’induction de 5 jours. Cette
méthode de rajeunissement qui a été optimisée à huit cycles consécutifs d’induction pour des
études in vivo, chez la souris, devra être adaptée à nos études in vitro sur des fibroblastes
humains.
2. Optimisation du rajeunissement des fibroblastes
Les expériences suivantes permettront de mettre en place un traitement efficace pour
rajeunir des fibroblastes humains en culture.
Pour cela, des fibroblastes sénescents 4F subiront un nombre variable de cycles de traitement
à la Dox. Trois cultures de fibroblastes seront arrêtées par cycle d’induction à la Dox et utilisées
ensuite dans des expériences d’immunofluorescence (IF) visant à suivre le rajeunissement des
fibroblastes. Les marqueurs que nous suivrons en IF seront : H3K9Me3 et H4K20Me3, deux
marqueurs épigénétiques liés à l’âge (H3K9Me3 diminue avec l’âge alors que H4K20Me3
augmente), et la SA-βgal qui est exprimée uniquement dans les cellules sénescentes.
13
En parallèle, trois autres cultures de fibroblastes seront arrêtées par cycle d’induction. Les
fibroblastes seront récupérés et leurs ARN seront extraits. A partir des ARN extraits, des
expériences de RT-qPCR seront réalisées pour suivre l’état de reprogrammation des
fibroblastes. Afin de vérifier que la reprogrammation totale des fibroblastes n’est jamais
atteinte, nous suivrons le marqueur de pluripotence Nanog. Nanog est un facteur de
transcription exprimé lors du développement embryonnaire dans les cellules totipotentes et
pluripotentes. Il est également le dernier facteur de transcription exprimé lors de la
reprogrammation cellulaire par induction de l’expression des facteurs OSKM, rendant compte
d’une reprogrammation totale des cellules (soit la formation d’iPS).
3. Effet du rajeunissement des fibroblastes sur la sécrétion de facteurs SASP
Les expériences suivantes permettront de déterminer si le traitement de rajeunissement,
optimisé précédemment, permet aussi le rétablissement d’un phénotype sécrétoire normal.
Pour cela des fibroblastes sénescents 4F subiront un nombre variable de cycles de traitement
à la Dox. Trois cultures de fibroblastes seront arrêtées par cycle d’induction et le milieu
conditionné sera prélevé. A partir de ces prélèvements, des expériences d’ELISA (Enzyme-
Linked Immuno-Sorbent Assay) seront réalisées afin de mesurer le niveau de sécrétion de
facteurs SASP. Les facteurs SASP qui seront suivis sont l’IL-6 (Interleukine-6), l’IL-8
(Interleukine-8) et le GROα, 3 protéines classiquement utilisées pour quantifier le SASP (Noren
Hooten et al, 2017). Pour s’affranchir des nombreux facteurs contenus dans le sérum de
culture, les fibroblastes devront être cultivés en milieu minimum, sans sérum, un jour avant
les analyses ELISA.
Une fois le nombre optimal de cycles de traitement nécessaires à la disparition du SASP
déterminé, nous réaliserons une analyse protéomique quantitative globale des facteurs
sécrétés par les fibroblastes. Pour cela, nous prélèverons le milieu conditionné des
fibroblastes rajeunis. Le milieu conditionné de fibroblastes jeunes, jeunes 4F, sénescents et
sénescents 4F sera préparé de la même façon que précédemment. Il sera ensuite récupéré et
analysé afin de pouvoir réaliser des comparaisons de profil protéique. Pour normaliser les
résultats, nous compterons le nombre de cellules et doserons la quantité de protéines
précipitées dans chaque condition. Les protéines du milieu conditionné seront concentrées
14
par précipitation à l’acide trichloracétique puis subiront une digestion trypsique afin d’obtenir
des peptides qui seront séparés en chromatographie liquide puis analysés en MS/MS
quantitative. La quantification sera réalisée par le système iTRAQ (Isobaric Tags for Relative
and Absolute Quantitation). Grâce à la MS haute résolution et à la comparaison des résultats
avec des bases de données protéiques, les différents facteurs qui composent le SASP pourront
être identifiés dans chacune des conditions, quantifiés et comparés.
III. Effet du rajeunissement des fibroblastes sur la progression tumorale
Dans le but d’observer si le rajeunissement des fibroblastes sénescents affecte ou non la
progression tumorale, différents paramètres de ce processus seront analysés dans cette partie
du projet. Pour cela, les tests seront réalisés à partir de cellules tumorales humaines issues de
trois types différents de cancer (cancer du sein, de la prostate et de mélanome). Les
différentes expériences seront réalisées en parallèle sur des lignées de CT et sur CT isolées de
biopsie de patients. Ces cellules seront placées soit avec des cultures de fibroblastes, soit avec
du milieu conditionné obtenu de culture de fibroblastes. Ceci nous permettra de pouvoir
comparer, pour chaque paramètre, une éventuelle différence d’impact entre fibroblastes et
facteurs sécrété et en particulier les SASP seuls.
1. Prolifération tumorale
Il a été montré dans la littérature que la prolifération est un des paramètres de la progression
tumorale favorisé par la présence de fibroblastes sénescents au voisinage des CT (Castro-Vega
et al, 2015). Ainsi, pour tester si l’induction du rajeunissement de fibroblastes sénescents
réduit la prolifération des CT, nous réaliserons en parallèle deux expériences de prolifération
dans des plaques 24-puits, en quadruplicat.
La première sera conduite sur des CT en co-culture avec des fibroblastes et la deuxième sur
des CT cultivées dans du milieu conditionné, récupéré de culture de fibroblastes comme
expliqué précédemment. En plus des (co-)cultures avec les fibroblastes sénescents 4F traités
ou non à la Dox, des fibroblastes WT jeunes et sénescents, eux aussi traités ou non à la Dox,
seront utilisés comme conditions contrôles.
15
La prolifération des cellules tumorales dans les (co-)cultures sera suivie en direct (à raison
d’une image par heure) et analysée par le système IncuCyte Live-Cell Imaging (Essen
BioScience) via le marquage des CT à la GFP. Pour s’affranchir du biais de la mort cellulaire
dans les mesures de prolifération, un marquage à l’Annexin V-Alexa 568 sera réalisé.
2. Migration et invasion du milieu par les cellules tumorales
Deux autres paramètres du développement tumoral influencés par la présence de fibroblastes
sénescents au voisinage de CT sont le caractère migratoire et invasif des CT (Liu et al, 2011).
Ainsi, pour connaître l’impact de l’induction du rajeunissement de ces fibroblastes sur ces
deux paramètres, nous réaliserons des expériences de migration et d’invasion sur des plaques
ClearView (Essen BioScience) 96-puits en quadruplicat.
Les CT seront placées à l’intérieur de l’insert, incluses dans du Matrigel pour l’expérience
d’invasion. Les différentes populations de fibroblastes (WT jeunes, WT vieux, 4F, tous traités
ou non à la Dox) ou bien le milieu conditionné récupéré des cultures de ces différents
fibroblastes seront placés dans le réservoir. La migration et l’invasion des CT seront suivies (à
raison d’une image toutes les 4h) et analysées par le système IncuCyte Live-Cell Imaging via le
marquage des CT à la GFP.
3. Développement de cellules souches cancéreuses
Dans la littérature, il a été montré que les fibroblastes favorisent la dédifférenciation de CT en
CSC (Rodrigues et al, 2014). Or, la présence de CSC dans les tumeurs est liée à un pronostic
défavorable car ces cellules sont radio- et chimio-résistantes (Bao et al, 2006 ; Ma et al, 2007)
et impliquées dans la dissémination du cancer dans l’organisme (métastases) voire d’une
éventuelle récidive de ce dernier. Ainsi, nous allons réaliser différentes expériences pour
savoir si le rajeunissement des fibroblastes sénescents influence l’apparition de ces cellules
tumorales ayant un phénotype de cellules souches.
Pour cela, nous partirons de (co-)cultures de CT, comme établi précédemment, que nous
traiterons ou non pendant 3 jours avec 100 µM de taxol. Ce 2 produits est un agent
chimiothérapeutique qui tue les CT non-chimiorésistantes. Nous réaliserons ces études en
quadruplicat. Ensuite, les cellules vivantes restantes seront analysées et triées par FACS grâce
16
à des marquages avec des anticorps fluorescents dirigés contre les marqueurs de surface
CD44, CD24 et CD133. Normalement, les CSC sont CD133+ et avec un ratio CD44/CD24 élevé
(Abbaszadegan et al, 2017). Ces caractéristiques permettront donc d’isoler et de quantifier
spécifiquement les CSC dans les différentes conditions (fibroblastes WT jeunes, WT vieux, 4F,
tous traités ou non à la Dox).
Afin de valider le phénotype CSC des cellules isolées en FACS, des tests de clonogénéicité
seront effectués sur celles-ci. Pour cela, les cellules seront diluées dans du milieu RPMI 1640
(Gibco) de sorte à avoir moins d’une cellule pour 100 µL de milieu. Nous distribuerons 100 µL
de suspension dans chaque puits d’une plaque 96-puits et suivrons la formation de colonie
grâce au système IncuCyte Live-Cell Imaging (à raison d’une image toutes les 6h) et au
marquage GFP+ des CT.
En parallèle, nous vérifierons également le phénotype de CSC par des expériences de
formation de sphères. Pour cela, nous placerons les cellules dans des plaques 96-puits à faible
adhérence et suivrons la formation de sphères de la même manière que la clonogénéicité.
4. Voies activées dans les cellules tumorales par les facteurs SASP
Après avoir mis en évidence les effets du rajeunissement des fibroblastes sur la progression
tumorale, le mécanisme d’action des fibroblastes sénescents dans ce phénomène sera étudié.
Dans la littérature, il est montré que le SASP des fibroblastes sénescents influence
positivement le développement des cellules cancéreuses (Krtolica et al, 2001 ; Castro-Vega et
al, 2015 ; Coppé et al, 2006 ; Laberge et al, 2012). Mais aucune étude n’a identifié dans les CT
le(s) gène(s) cible(s) du SASP.
Une première étape dans la résolution du mécanisme d’action sera de s’intéresser aux gènes
dont l’expression est modifiée par les SASP, dans les CT. Pour cela, les ARN totaux de cellules
tumorales co-cultivées in vitro avec des fibroblastes (WT sénescents, WT jeunes ou 4F
rajeunis) ou cultivées dans du milieu conditionné de fibroblastes (WT sénescents, WT jeunes
ou 4F rajeunis) seront extraits et soumis à une analyse de transcriptomique par RNAseq. La
comparaison des profils transcriptomiques des différentes conditions permettra d’identifier
les gènes cibles des SASP.
17
5. Effet du rajeunissement sur la transformation des fibroblastes en CAF
Il a été démontré que les CAF ont un rôle important dans la progression tumorale (Erez et al,
2010). Pendant le développement tumoral, les cellules cancéreuses agissent sur leur
microenvironnement et notamment sur les fibroblastes. Lorsque ces fibroblastes, jeunes ou
sénescents, sont activés par les cellules cancéreuses, ils deviennent des CAF (Mitra et al,
2012). Les CAF ont un phénotype sécrétoire altéré (pro-tumoral et pro-inflammatoire),
similaire au SASP (Erez et al, 2010). En effet, l’activation des fibroblastes en CAF
s’apparenterait à une entrée en sénescence mais induite par la tumeur (Mellone et al, 2017).
Malgré les similitudes entre CAF et fibroblastes sénescents, les CAF présentent des
caractéristiques particulières, partagés avec les myofibroblastes comme, par exemple, les
marqueurs FAP (Fibroblast Activation Protein) et α-SMA qui sont souvent utilisés pour
identifier les CAF (Ao et al, 2015). Des études récentes ont permis d’élucider une partie du
mécanisme par lequel cette transition a lieu. En effet, un changement des marqueurs
épigénétique particulier serait nécessaire pour l’activation des fibroblastes en CAF
(Albrengues et al, 2015).
Sachant cela, et étant donné que le traitement de rajeunissement de fibroblastes mis au point
dans notre étude agit au niveau de l’épigénome, il est probable que ce traitement influe sur
l’activation des fibroblastes en CAF.
Les expériences suivantes permettront de déterminer si le rajeunissement des fibroblastes
sénescents affecte ou non la capacité des CT voisines à les activer en CAF.
Comme dans des expériences précédentes, des cellules MDA-MB-453 (adénocarcinome
mammaire humain) seront mis en co-culture avec des fibroblastes (jeunes, jeunes 4F,
sénescents, sénescents 4F, et sénescents 4F préalablement rajeunis). Nous réaliserons deux
expériences différentes pour les co-cultures utilisant des fibroblastes sénescents 4F
préalablement rajeunis. L’une en continuant l’induction cyclique de la cassette 4F à la Dox
pendant le temps de co-culture et l’autre sans aucune induction. Pour toutes les autres
expériences, nous n’induirons pas la cassette 4F.
La durée de co-culture efficace pour étudier l’apparition de CAF à partir de fibroblastes est de
7 jours (Mitra et al, 2012).
18
Ensuite, afin d’étudier l’effet de rajeunissement des fibroblastes sur la capacité des CT à
engendrer des CAF, nous réaliserons des expériences de co-cultures de CT avec différents
fibroblastes (jeunes, jeunes 4F, sénescents, sénescents 4F, et sénescents 4F préalablement
rajeunis). Pour chaque condition, les cellules seront triées en FACS. Les fibroblastes seront
isolés comme décrit dans des expériences précédentes. Les marqueurs que nous utiliserons
pour isoler les CAF seront α-SMA et FAP. Pour chaque condition, nous calculerons la
proportion de fibroblastes convertis en CAF.
En comparant les résultats des expériences de co-culture avec des fibroblastes 4F ou non 4F,
non induits, nous déterminerons si l’introduction de la cassette 4F dans le génome de ces
fibroblastes change ou non leur susceptibilité d’être activés en CAF. De plus, en comparant les
résultats des expériences de co-cultures avec des fibroblastes jeunes et sénescents, nous
déterminerons si l’état de sénescence influe ou non sur leur susceptibilité d’être activés en
CAF. Enfin, l’analyse des résultats des expériences réalisées avec des fibroblastes sénescents
4F rajeunis nous permettra de déterminer l’effet du rajeunissement sur l’activation des
fibroblastes en CAF.
IV. Effet du rajeunissement in vivo chez la souris
Après avoir évalué les effets in vitro du rajeunissement de fibroblastes sénescents sur le
développement de tumeurs, une étude in vivo sera menée. A ce jour, aucun article abordant
ce type de recherche in vivo n’a été publié dans la littérature.
Dans l’étape suivante, nous souhaitons apprécier l’influence du traitement anti-âge sur le
développement tumoral primaire et métastatique dans le cadre du cancer du sein dans un
modèle murin.
1. Allogreffes et traitement rajeunissant
Les expériences in vivo de cette étude reposent sur des allogreffes orthotopiques de CT
mammaires exprimant la luciférase (E0771-Luc), dans des souris femelles C57BL6 (jeunes WT,
vieilles WT, 4F, induites ou non à la Dox) ou des souris femelles SCID co-greffées avec des
fibroblastes (jeunes WT, vieux WT, 4F, induits ou non à la Dox).
Figure 9 : Plan d’expérimentation in vivo
Des allogreffes orthotopiques de cellules tumorales (CT) mammaires seront réalisées sur différents lots
de souris. De souris immunodéprimées (SCID) subiront une co-greffe de CT et fibroblastes (jeunes WT,
vieux WT et sénescents 4F). Les souris seront traitées ou non à la doxycycline (traitement anti-âge) afin
de rajeunir les fibroblastes 4F. Cette expérience servira à déterminer le rôle spécifique des fibroblastes
sénescents dans la progression tumorale. En parallèle, des souris jeunes WT, vieilles WT et 4F subiront
des greffes de CT seules. Les souris jeunes et vieilles WT serviront de contrôle. Seulement deux souris
jeunes ou vieilles WT recevront le traitement anti-âge à la doxycycline (Dox) pour vérifier l’absence
d’effets indésirables pouvant être causés par le traitement. 8 souris de chaque modèle contrôle ne
seront pas traitées à la Dox. Notre modèle d’étude sera composé de 8 souris 4F traitées à la Dox et 8
non traitées. Cela permettra d’observer l’effet d’un rajeunissement total de l’organisme sur la
progression tumorale.
19
La réalisation d’une allogreffe consiste à greffer un échantillon biologique (ici des cellules) sur
un individu accepteur de la même espèce que le donneur. Lorsque celle-ci est dite
orthotopique, cela signifie que la greffe est implantée dans un tissu identique à celui d’origine.
Ainsi, les cellules E0771-Luc seront implantées par chirurgie sous un des 6 mamelons de la
souris, au niveau de la glande mammaire (à raison de 105 cellules dans 10 µL). Pour les co-
greffes sur les souris SCID, une même quantité de fibroblastes (jeunes WT, vieux WT, 4F) sera
co-implantée. La prise du greffon sera visualisée grâce à l’utilisation de l'imagerie par
bioluminescence (mesure de l’activité/expression de la luciférase) sept jours après l’injection
des CT (Rashid et al, 2014). Quand la tumeur primaire se sera développée dans l’animal (8
jours après l’implantation des CT E0771-Luc) nous procèderons au rajeunissement des souris
ou des fibroblastes 4F par induction de l’expression des facteurs OSKM, par administration
cyclique de doxycycline (1 mg/mL) dans l’eau de boisson des souris (2 jours de Dox puis arrêt
pendant 5 jours). Nous réaliserons 8 cycles d’induction pour obtenir un rajeunissement
efficace des cellules sénescentes (nombre de cycle consécutif optimisé par l’équipe d’Ocampo
et al, 2016).
Dans les expériences de rajeunissement de l’organisme total, 2 souris WT contrôles (2 jeunes
et 2 vieilles) recevront également le traitement pour vérifier l’absence d’effets indésirables
pouvant être causés par la doxycycline. Nous utiliserons 8 souris par groupe
d’expérimentation (figure 9).
2. Evaluation de la progression tumorale
Suivi tumoral macroscopique par bioluminescence
Dans le but d’étudier l’impact du rajeunissement des fibroblastes sénescents ou des souris
sénescentes sur la progression tumorale, le suivi cinétique de la croissance de la tumeur
primaire et de la formation de métastases sera visualisé, in vivo, par bioluminescence.
Généralement, 28 jours après la (co-)greffe, la tumeur primaire métastase et s’oriente vers un
tropisme cérébral, pulmonaire, hépatique et osseux (Weigelt et al, 2005).
Ainsi, les souris recevront 200 μL à 15 mg/mL de luciférine en injection intrapéritonéale. Les
souris seront ensuite anesthésiées et un système d’imagerie in vivo (Xenogen IVIS 200) sera
utilisé pour la détection de la luminescence et l’acquisition des images (Rashid et al, 2014).
20
Pour éviter la souffrance de l’animal et afin de mieux suivre le développement métastatique,
la tumeur primaire sera retirée lorsque son diamètre approchera les 10 mm.
Lors de toutes les expériences in vivo, et dans l’éventualité où une souris développe des
métastases dont la taille approche les 10 mm, nous sacrifierons la totalité du groupe
expérimental de souris (jeunes WT, vieilles WT, 4F et ayant été traitées ou non à la Dox). Cette
alternative nous permettra malgré tout d’apprécier l’influence de la reprogrammation
partielle sur la progression tumorale.
Ainsi, nous pourrons apprécier l’effet du rajeunissement ou le développement de la tumeur
primaire et l’établissement de métastases. Afin de comprendre la nature des différences de la
progression tumorale entre les groupes, différents paramètres seront analysés.
Angiogenèse et fibrose dans le cancer du sein
La croissance tumorale est un processus complexe qui dépend de nombreux facteurs dont
l’angiogenèse (Balkwill et al, 2012). En effet, pour se développer, la tumeur doit être capable
de créer un nouveau réseau vasculaire autour d’elle. Il serait donc intéressant d’évaluer l’effet
du rajeunissement des fibroblastes ou de la souris sur le développement du système
vasculaire tumoral. A ce jour, aucune étude n’a traité cet aspect.
Ainsi, après 56 jours de traitement cyclique à la Dox, les souris (jeunes WT, vieilles WT, 4F et
ayant été traitées ou non à la Dox) seront sacrifiées. Pour cela, les tumeurs seront prélevées,
fixées, déshydratées et inclues en paraffine. Nous observerons ensuite l’impact du
rajeunissement sur la densité vasculaire après marquage immunohistochimique avec
l'anticorps anti-CD31 (Novus Biological). En effet, la protéine CD31 est retrouvée à la surface
des cellules endothéliales et est utilisée pour évaluer le taux de vascularisation tumorale dans
des sections de tissus.
La fibrose est une lésion du tissu conjonctif caractérisée par une surproduction de matrice
extracellulaire (MEC) (Frantz et al, 2010). En remodelant excessivement la MEC (constituée
principalement de fibres de collagène), les CAF et les fibroblastes sénescents sont les
principaux responsables de la fibrose cancéreuse (De Wever et al, 2008). Ainsi, il sera
21
intéressant de déterminer si le rajeunissement des fibroblastes spécifiquement ou des souris
influera sur l’apparition de fibrose.
Pour cela, une analyse histologique de la fibrose sera réalisée à partir des coupes des tumeurs,
et éventuellement des métastases, prélevées sur les différentes souris. Les mêmes tumeurs
utilisées que dans le point précédent seront analysées. La fibrose sera observée grâce à une
coloration trichrome de Masson. En effet, cette coloration permettra de marquer les fibres de
collagène en bleu et d’apprécier l’augmentation de la densité de la MEC et l’architecture des
tumeurs. En parallèle, une IF avec un anticorps anti-luciférase pourra être réalisée.
3. Résurgence tumorale
Chez l’humain, il existe différents facteurs qui influencent le taux de récidive tumorale tels que
l’âge, les prédispositions génétiques ou une ablation chirurgicale incomplète (Institut National
du Cancer). En effet, plus l’exérèse est complète plus le risque de récidive diminue. La
résurgence peut notamment être induite par des CSC quiescentes qui n’ont pas été éliminées
lors de l’ablation ou après un traitement anti-tumoral. Dans le but de déterminer si le
rajeunissement des souris a un impact sur la récidive tumorale, nous observerons la
réapparition de tumeur chez les souris.
Ainsi, après résection de la tumeur primaire chez les souris jeunes WT, vieilles WT, 4F, ou chez
les souris SCID co-greffées avec des fibroblastes jeunes WT, vieux WT ou 4F, les 2 groupes
ayant été traités ou non à la Dox, nous suivrons par bioluminescence (activité/expression
luciférase) la réapparition éventuelle de tumeur.
4. Caractérisation des fibroblastes et des CAF péritumoraux
Dans la première partie de cette étude, nous avons souligné le rôle crucial des fibroblastes
sénescents et des CAF dans la progression tumorale (Castro-Vega et al, 2015). Pour étudier, in
vitro, l’effet de rajeunissement des fibroblastes, sur la progression tumorale et la capacité des
CT à engendrer des CAF, nous avons réalisé des co-cultures de fibroblastes (WT jeunes, WT
vieux, 4F, tous traités ou non à la Dox) avec des CT. Dans cette seconde partie, nous voulons
vérifier si cet effet, observé in vitro, s’opère également in vivo sur des souris portant la cassette
4F dans toutes les cellules stromales.
22
Ainsi, pour étudier l’impact du rajeunisssement in vivo de la souris 4F, sur les fibroblastes et
les CAF présents à proximité de la tumeur, nous déterminerons par immunohistochimie (IHC),
la nature des cellules péritumorales (fibroblastes jeunes, vieux ou CAF). Cette expérience sera
réalisée avec les marqueurs PDGFRα, WNT16 (Binet et al, 2009) et αSMA spécifiques des
fibroblastes jeunes, vieux et des CAF, respectivement.
5. Vérification in vivo des voies activées par les facteurs SASP dans les CT
A partir des données de la littérature sur les voies de signalisations pro-tumorales activées par
les facteurs SASP (Pazolli et al, 2012) et des potentielles cibles validées in vitro par RNAseq
dans la première partie de cette étude, nous tenterons de vérifier si ces mêmes voies sont
activées, in vivo, après rajeunissement.
Pour étudier ces protéines, dont l’expression est modifiée par le SASP dans les tumeurs, nous
réaliserons des analyses immunohistochimiques, sur des coupes de tumeurs, avec les
marqueurs : NF-ΚB, IL-6, et IL-8. En effet, les fibroblastes sénescents sécrètent l’IL-1α qui active
le facteur de transcription NF-ΚB, impliqué dans la croissance de la tumeur. Ils sécrètent
également des cytokines pro-inflammatoires, l’IL-6 et l’IL-8, qui jouent un rôle important dans
la tumorigenèse et le processus métastatique (Pazolli et al, 2012) (figure 6).
Ce marquage d’IHC permettra notamment d’identifier in vivo les protéines pro-tumorales,
(codées par les transcrits sélectionnés précédemment) activées par les facteurs SASP et
d’évaluer l’hétérogénéité de la présence des protéines dans les tissus tumoraux.
A partir de cette approche immunohistochimique nous pouvons également accéder à d’autres
composantes du stroma tumoral comme la composante immune. Le rajeunissement des
fibroblastes ou des souris pourrait modifier, au sein des tumeurs, la nature et la proportion
des différents types de cellules immunitaires composant l’infiltrat inflammatoire (Galon et al,
2013). L’analyse, dans nos souris, de l’infiltrat immunitaire après rajeunissement est un
paramètre particulièrement intéressant à étudier. Cependant, ce point ne pourra pas être
développé dans ce projet mais pourra ouvrir de nouvelles perspectives à nos travaux.
23
C- Discussion et perspectives
D’après la revue de Campisi publiée en 2013 et qui résume l’ensemble des travaux de
recherche sur le vieillissement, l’âge est un des facteurs clé influençant l’apparition de
pathologies comme par exemple le cancer (Campisi, 2013). En effet, il a été observé que plus
un sujet est âgé, plus il a de risque de développer un cancer. Un processus qui explique cela
est l’accumulation de cellules sénescentes chez les individus vieillissant. Ces cellules sont
défectueuses et ont un phénotype altéré, notamment au niveau de la sécrétion de facteurs
dans le microenvironnement.
Parmi toutes les cellules du microenvironnement tumoral, les fibroblastes sénescents ont été
particulièrement mis en cause dans la progression du cancer (Castro-Vega et al, 2015 ; Liu et
al, 2011 ; Krtolica et al, 2001). En effet, ces cellules qui ont une fonction sécrétrice importante
naturellement, une fois entrées en sénescence, acquièrent un phénotype sécrétoire altéré
(SASP) capable d’impacter les cellules avoisinantes. Diverses équipes ont démontré que le
SASP des fibroblastes sénescents a un effet pro-tumoral (Krtolica et al, 2001 ; Castro-Vega et
al, 2015). Cet effet positif s’applique à différents paramètres de la progression tumorale
(prolifération, migration, invasion, formation de CSC et métastases mais également
néovasculogenèse).
Ainsi, il est important de développer un traitement ciblant les fibroblastes sénescents et leur
SASP. Des résultats prometteurs ont été obtenus avec un traitement à la rapamycine
(inhibiteur de mTOR) (Laberge et al, 2015). Cependant, mTOR étant un facteur central dans
de nombreuses voies de signalisation, son inhibition pourrait affecter des processus cellulaires
vitaux et causer des effets secondaires indésirables importants. Une autre solution proposée
est d’induire la mort des cellules sénescentes par le système INK-ATTAC (intégré dans le
génome et activé par l’expression de p16INK4a) (Baker et al, 2016). Or, même si la protéine
p16INK4a est surexprimée dans les cellules sénescentes, elle n’est pas spécifique de cet état. En
effet, elle est également surexprimée en réponse à un dommage à l’ADN, conduisant ainsi à
un arrêt temporaire du cycle cellulaire, ce qui permet une réparation des dommages (Shapiro
et al, 1998). Nous retrouvons le même problème de spécificité pour les traitements, présentés
24
précédemment, inhibant NF-ΚB, médiateur de la réponse immunitaire innée et adaptative
(Bonizzi et Karin, 2004). Une alternative à ces traitements, limitant les effets secondaires et
non spécifiques, est donc nécessaire.
Dans ce projet de recherche, nous proposons comme alternative, non pas d’éliminer les
fibroblastes sénescents, mais, de les rajeunir, éliminant de la sorte le SASP et son effet néfaste
pro-tumoral. Ceci sera réalisé en induisant l’expression des facteurs OSKM dans ces cellules
(cassette 4F). Grâce à des expériences in vitro sur des cellules humaines et in vivo sur des
souris, nous réaliserons la preuve de concept qu’un tel traitement est possible et efficace dans
la lutte contre le cancer.
Dans une première partie, in vitro, nous aurons déterminé l’impact du rajeunissement des
fibroblastes sénescents sur les différents paramètres de la progression tumorale (prolifération
et migration des CT, invasion du milieu, transformation des CT en CSC, activation des
fibroblastes en CAF). Cela aura été réalisé en concomitance dans des co-cultures fibroblastes
4F/CT, ce qui permettra d’analyser l’effet global des fibroblastes, et dans des cultures de CT
en milieu conditionné, ce qui permettra de n’observer que l’effet des fibroblastes dû au SASP.
Dans une deuxième partie, in vivo, nous aurons vérifié les résultats obtenus in vitro sur l’effet
du rajeunissement des fibroblastes sénescents sur les différents paramètres de la progression
tumorale (notamment la croissance de la tumeur primaire et la formation de métastases).
Nous aurons analysé également son impact sur la néo-vascularisation de la tumeur et le
développement de fibrose. Enfin, nous aurons étudié l’impact de ce rajeunissement sur la
récidive du cancer. Nous aurons réalisé ces études en concomitance sur des souris
immunodéprimées co-greffées fibroblastes 4F/CT, ce qui permettra de déterminer l’effet d’un
rajeunissement spécifique des fibroblastes, et sur des souris WT ou 4F greffées seulement
avec des CT, ce qui permettra d’analyser l’effet d’un rajeunissement de toutes les cellules (à
part les CT) d’un organisme.
Forts des réponses aux interrogations que nous portons dans ce projet de recherche, plusieurs
pistes de recherche future s’ouvriront alors. En premier lieu, il serait intéressant de
déterminer si le rajeunissement des fibroblastes sénescents modifie la nature et/ou le nombre
25
des cellules immunitaires recrutées dans le microenvironnement tumoral in vivo. En effet, si
nous avons suggéré la possibilité de réaliser une telle étude par immunohistochimie, nous ne
la réaliserons pas lors de ce projet par manque de temps. Mais cela serait intéressant car cette
étude permettrait de savoir si les fibroblastes ont un effet indirect sur la progression tumorale
par l’intermédiaire des cellules immunitaires. En effet, il n’est pas impossible que l’influence
néfaste des facteurs SASP montrée dans la littérature (Krtolica et al, 2001 ; Castro-Vega et al,
2015) soit amplifiée par un effet inhibiteur des facteurs du SASP des fibroblastes sénescents
sur les cellules immunitaires.
Par la suite, le traitement de rajeunissement pourrait être appliqué aux cellules immunitaires
comme par exemple les cellules Natural Killer (NK), connues pour pouvoir éliminer les CT grâce
à leur fonction cytotoxique (Kim et al, 2000). Nous pourrions alors apprécier un effet accru sur
la progression tumorale, opéré par le rajeunissement concomitant des fibroblastes et des
cellules NK. En effet, le rajeunissement des fibroblastes stopperait la promotion du cancer par
ces cellules et ralentirait la production de CT tandis que celui des cellules NK favoriserait
l’élimination des CT déjà présentes.
Lors de ce projet de recherche, nous aurons montré l’effet du rajeunissement des fibroblastes
sénescents, voire de l’organisme entier, sur la progression tumorale. Dans une vision plus
globale, des expériences semblables de reprogrammation partielle des cellules pourraient
être réalisées afin de déterminer si le rajeunissement de cellules spécifiques et d’un organisme
entier aurait un effet inhibiteur sur le développement de maladies liées à l’âge, autre que les
cancers.
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Annexe 1 : La fontaine de Jouvence n’est plus un mythe Une étape importante vient d’être franchie afin d’atténuer les effets de l’âge, non pas sur des
cultures cellulaires, mais sur des animaux. A partir de souris atteintes de vieillissement précoce, une
équipe de chercheurs (Ocampo et al, 2016) a réussi à atténuer les effets du temps et augmenter leur
espérance de vie grâce à des techniques de transgénèse. L’ingrédient secret : le cocktail OSKM. Celui-
ci permet normalement de convertir des cellules spécialisées en cellules souches pluripotentes (iPS).
Pourtant, il a étonnamment été utilisé in vivo par l’équipe d’Ocampo pour reprogrammer
partiellement des cellules et rajeunir des souris.
Figure 1. Le cocktail de facteurs OSKM comme cure de Jouvence. In vivo, l’expression transitoire des facteurs Oct-4, SOX2, Klf4 et c-Myc (OSKM) conduit à une reprogrammation partielle des cellules. Cette reprogrammation s’accompagne d’un rajeunissement des cellules avec une amélioration des phénotypes liés au vieillissement (rétablissement des marqueurs épigénétiques H3K9Me3 et H4K20Me3 et diminution des dommages à l’ADN, notamment) et d’une augmentation de l’espérance de vie moyenne pour les souris progeria 4F. A savoir que ces souris sont atteintes d’une maladie génétique qui conduit à un vieillissement précoce des individus et portant la cassette 4F, c’est-à-dire, ayant intégré dans leur génome un transgène polycistronique codant les protéines Oct-4, SOX2, Klf4 et c-Myc. Ces protéines sont exprimées après induction cyclique à la doxycycline et permettent la reprogrammation partielle des cellules. Pour les souris 4F n’ayant pas la mutation génétique entraînant la progeria, le rajeunissement des cellules conduit à une augmentation de la régénération des tissus (pancréas et muscles).
Le processus de sénescence est complexe et multifactoriel. Les progrès de la recherche ont permis de
mettre en évidence l’implication des facteurs génétiques et épigénétiques, des altérations du
fonctionnement cellulaire ou encore d’une perte de la protéostasie (López-Otín et al, 2013). Une
meilleure connaissance des mécanismes à l’origine du vieillissement permet, dorénavant, d'envisager
des stratégies susceptibles de prévenir certains phénotypes liés à l’âge. Plusieurs équipes proposent
ainsi la reprogrammation cellulaire partielle comme solution grâce à l’expression ectopique d’un
cocktail de facteurs de transcription (Oct-4, SOX2, Klf4 et c-Myc : OSKM) qui mène normalement à la
pluripotence des cellules. La découverte de ces facteurs permet aujourd’hui d’avoir une nouvelle
approche quant à l’étude de maladies liées au vieillissement, tels que la progeria ou le syndrome de
Werner. En effet, diverses équipes (Ocampo et a,l 2016, et González et al, 2011, Lapasset et al, 2011)
ont montré que la reprogrammation des cellules via l’expression des facteurs OSKM était
accompagnée d’une amélioration des phénotypes associés au vieillissement.
Ocampo et al ont réussi à améliorer par reprogrammation cellulaire partielle (reprogrammation qui
ne conduit pas à l’obtention d’iPS mais seulement un rajeunissement des cellules) certains phénotypes
associés au vieillissement à partir d’un modèle de souris atteintes de progeria et portant une cassette
OSKM inductible par la doxycycline (4F) (Ocampo et al, 2016).
La progeria est une maladie génétique due à une mutation du gène lmna et conduit à une protéine
lamine A tronquée. Cette protéine tronquée, aussi appelée progérine, s’accumule dans le noyau et est
responsable de sa déformation ainsi que de graves dysfonctionnements cellulaires. Comme les
patients atteints de progeria, les souris progériques sont caractérisées par un vieillissement très
précoce de l’organisme ce qui en fait un modèle adéquat pour étudier la sénescence. Il faut également
noter que le temps d’obtention de souris progériques présentant un phénotype sénescent est
beaucoup plus rapide par rapport à la génération de souris sauvages vieilles. Ceci ajoute ainsi un côté
pratique et moins onéreux au modèle.
Pour réaliser l’étude in vitro, l’équipe d’Ocampo a privilégié l’utilisation de fibroblastes soit de souris,
soit humains et qui portaient la cassette 4F. Ils ont ainsi pu montrer que l’expression des 4 facteurs
OSKM conduisait à un rajeunissement de ces cellules via une amélioration des phénotypes liés à l’âge
(diminutions des dommages à l’ADN et de l’expression de la β-galactosidase liées à l’âge et
rétablissement des marqueurs épigénétiques).
Il a été montré par l’équipe de González et al que le type cellulaire de départ affectait la facilité et
l’efficacité de la reprogrammation (Gonzáles et al, 2011). En effet, les kératinocytes semblent plus
faciles à reprogrammer que les fibroblastes car 2 facteurs sont suffisants : Oct-4 et SOX2. Une autre
équipe (Lapasset et al, 2011) a montré que l’expression de 6 facteurs de transcription (Oct-4, SOX2,
Klf4, c-Myc, Nanog et Lin28 : OSKMNL) était nécessaire pour reprogrammer des fibroblastes
sénescents d’individus centenaires sains vers un état pluripotent et que cette reprogrammation se
faisait sur une cinétique plus longue. Ainsi, l’âge et/ou l’état de sénescence ainsi que le type cellulaire
sont des paramètres qui peuvent influencer l’efficacité de rajeunissement des cellules.
Les travaux in vivo d’Ocampo et al ont permis d’observer qu’une induction cyclique de l’expression
des facteurs OSKM améliorait les phénotypes liés au vieillissement cités précédemment ainsi que
l’intégrité tissulaire (diminution de la déplétion en cellules souches des tissus et maintien du
renouvèlement des cellules) et augmentait l’espérance de vie moyenne des souris progériques.
A partir de souris 4F âgées d’un an, Ocampo et son équipe ont également montré que l’expression des
facteurs OSKM favorisait la régénération des organes. L’espérance de vie moyenne d’une souris
sauvage variant de 2 à 3 ans, il serait intéressant de comparer les résultats précédents avec ceux
obtenus sur une souris normale sénescente c'est-à-dire plus âgée car, comme il a été vu plus tôt avec
les fibroblastes centenaires, l’âge du modèle utilisé influe sur les résultats de la reprogrammation.
Dans la littérature (De Lazaro et al, 2017 ; Yilmazer et al, 2013), ainsi que dans l’article d’Ocampo et
al, seul le paramètre régénération (dans le muscle squelettique, le foie et le pancréas) a été étudié sur
les souris 4F. Quelques pistes pour poursuivre ces études sont, en premier lieu, de savoir si la
régénération est aussi efficace dans tous les organes et tissus, qu’ils soient amenés vers une
dégénérescence artificielle (par un traitement pharmacologique) ou qu’ils soient sénescents
naturellement. Dans un second temps, il est envisageable d’étudier l’effet de ces facteurs sur les
phénotypes liés à l’âge dans des souris 4F (comme cela a été fait sur les souris progériques 4F in vivo).
Précédemment, Ohnishi et al ont étudié l’expression des facteurs OSKM in vivo. Leurs conclusions
étaient que même une expression transitoire de ces facteurs conduisait à la formation de tératomes
(Ohnishi et al, 2014). Cela est un problème majeur vastement soulevé dans la littérature et qui
constitue un frein à la reprogrammation des cellules ou à l’utilisation d’iPS in vivo. Cependant, Ocampo
ainsi que De Lazaro ont réussi à réguler si finement l’expression de ces facteurs qu’après
reprogrammation partielle, ils n’observent pas de dysplasie dans les tissus (De Larzo et al, 2017 ;
Ocampo et al, 2016). De plus, Nanog, un marqueur de pluripotence, n’est pas exprimé dans les cellules
ce qui confirme qu’elles ne se sont pas dédifférenciées et qu’elles ne devraient pas former de
tératome. Ainsi, ces 2 équipes ont montré qu’une utilisation in vivo des facteurs OSKM plus sûre
semble possible.
Ces différentes études ont mis en évidence que l’expression transitoire des facteurs OSKM permettait
de rajeunir des cellules in vivo et de favoriser la régénération des organes et tissus. Ces résultats
montrent également que vieillir n’est pas un processus unidirectionnel et qu’il peut être inversé, au
moins partiellement. L’utilisation d’une combinaison des facteurs de transcription étudiés peut à
l’avenir déboucher sur une véritable cure de jouvence, aidant ainsi les individus à vieillir en bonne
santé. Cependant, ces études montrent aussi que ce qui est vrai pour un type cellulaire avec un certain
degré de sénescence ne l’est pas forcément pour tous (Gonzáles et al, 2011 ; Lapasset et al, 2011).
Ainsi, une utilisation des facteurs OSKM en tant que cure thérapeutique nécessite une personnalisation
du traitement, selon l’âge ou la pathologie à traiter.
Références
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Annexe 2 : Graphique de l’équivalence entre l’âge d’une souris et d’un homme
https://www.jax.org/news-and-insights/jax-blog/2017/november/when-are-mice-considered-old