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ACADEMIE DE PARIS
Année 2014
MEMOIRE
pour l’obtention du DES
d’Anesthésie-Réanimation
Coordonnateur : Monsieur le Professeur Didier Journois
par
Mélanie FROMENTIN
Présenté et soutenu le 07/04/14
Etude de validité d’un questionnaire de
diathèse hémorragique standardisé
Travail effectué sous la direction du Professeur Charles Marc SAMAMA
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Tables des matières ABREVIATIONS……………………………………………………………………………..4
INTRODUCTION…………………………………………………………………………….5
1. Problématiques de l’évaluation du risque hémorragique péri-interventionnel………5
2. Pathologies de l’hémostase et risque hémorragique péri opératoire………………….6
2.1 Troubles modérés de l’hémostase………………………………………………………….6
2.2 Saignements majeurs et mineurs…………………………………………………………...8
3. Inutilité du bilan d’hémostase systématique……………………………………………8
4. Objectifs de l’étude……………………………………………………………………...11
MATERIEL ET METHODES……………………………………………………………..12
1. Type d’étude……………………………………………………………………………..12
2. Critère d’inclusion………………………………………………………………………12
3. Critère de non inclusion………………………………………………………………...12
4. Plan de l’étude…………………………………………………………………………...12
4.1 Définitions………………………………………………………………………………...12
4.2 Inclusion des patients……………………………………………………………………..12
5. Recueil de données………………………………………………………………………13
6. Critères de jugement principal…………………………………………………………14
7. Statistiques……………………………………………………………………………….15
7.1 Méthodes statistiques……………………………………………………………………..15
7.2 Calcul du nombre de sujet………………………………………………………………...15
7.3 Analyses statistiques……………………………………………………………………...15
RESULTATS………………………………………………………………………………..16
1. Caractéristiques démographiques……………………………………………………...17
2. Evaluation de la compréhension du questionnaire de diathèse hémorragique……..17
3. Durée médiane de consultation…………………………………………………………18
4. Evaluation du risque hémorragique……………………………………………………19
DISCUSSION………………………………………………………………………………..20
CONCLUSION……………………………………………………………………………...28
ANNEXES…………………………………………………………………………………...29
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REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES………………………………………………….34
RESUME…………………………………………………………………………………….36
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Abréviations TP Taux de prothrombine
TCA Temps de céphaline-activateur
TMH Trouble modéré de l’hémostase
MBD mild bleeding disorder
TOP Temps d’occlusion plaquettaire
PFA-100 Platelet Fuction Analyzer-100
VPN Valeur prédictive négative
VPP Valeur prédisctive Positive
SB Sensibilité
SP Spécificité
BS Bleeding score
MBS Mucocutaneous bleeding score
SFAR Société Française d’Anesthésie et de Réanimation
LHR + Likelihood ratio positif
LHR - Likelihood ratio négatif
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Introduction
1. Problématiques actuelles de l’évaluation du risque hémorragique péri-
interventionnel
La détection des pathologies congénitales ou acquises de l’hémostase permet théoriquement
d’éviter ou de réduire la sévérité des complications hémorragiques péri-interventionnelles et
elle nécessite une évaluation préopératoire. Dans la pratique courante l’identification en
consultation d’anesthésie des sujets ayant un sur-risque hémorragique péri-opératoire repose
sur deux types de moyens. Tout d’abord, une évaluation clinique est réalisée comportant un
interrogatoire détaillé précisant les antécédents personnels et familiaux de troubles de
l’hémostase et la prise de traitements pouvant interférer avec la coagulation ainsi qu’un
examen clinique à la recherche de signes en faveur d’une pathologie de la coagulation.
Ensuite, un bilan biologique de dépistage est souvent prescrit, associant un taux de
prothrombine (TP), un temps de céphaline-activateur (TCA), et un compte plaquettaire.
Cette évaluation n’est pas optimale en raison, d’une part, de la faiblesse et de la variabilité des
performances diagnostiques des examens biologiques de dépistage (1). D’autre part, la
recherche de troubles de la coagulation en consultation d’anesthésie est réalisée de façon
hétérogène et ne repose sur aucun questionnaire standardisé et structuré.
Par ailleurs, il existe une grande variation du pourcentage d’anomalies biologiques retrouvées
en fonction ou non de l’association à des anomalies de l’examen clinique (2). Cette absence
de corrélation entre les anomalies du bilan biologique standard et le saignement péri-
opératoire a abouti depuis des années à l’élaboration de recommandations déconseillant la
pratique du bilan systématique, comme notamment les dernières recommandations de la
SFAR parues en 2012 (3)
L’évaluation du risque hémorragique péri-opératoire doit donc reposer en premier lieu sur
l’anamnèse de diathèse hémorragique et sur l’examen clinique, ce pourquoi des outils
d’évaluation clinique performants doivent être élaborés. Or il n’existe à ce jour aucun
questionnaire standardisé validé destiné à évaluer ce risque dans la population générale, ce qui
explique partiellement l’absence d’application des recommandations et la persistance d’une
prescription non raisonnée des examens biologiques standard d’hémostase.
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Nous proposons donc d’évaluer de manière prospective l’applicabilité d’un questionnaire de
diathèse hémorragique simplifié (6 items avec 3 choix possibles pour chaque items) tant au
travers de sa compréhension par les patients interrogés que par le temps nécessaire à son
utilisation en consultation d’anesthésie.
2. Pathologies de l’hémostase et risque hémorragique péri-opératoire
2.1 Troubles modérés de l’hémostase
Le dépistage des troubles de l’hémostase est nécessaire de manière générale et surtout en
préopératoire car ils exposent les patients qui en sont atteints à un sur-risque
hémorragique par rapport à la population générale (4). Les principaux troubles sont classés en
deux grandes catégories que sont les pathologies de l’hémostase primaire et les troubles de la
coagulation.
Les maladies de l’hémostase primaire telles que les thrombopathies ou la maladie de
Willebrand, s’intégrent dans des syndromes congénitaux qui sont souvent connus dès
l’enfance. Il en est de même pour les troubles de la coagulation tel que l’hémophilie A (déficit
en facteur VIII) ou B (déficit en facteur IX). Le dépistage en préopératoire concerne plutôt les
troubles de l’hémostase qui entrainent un saignement modéré, appelés « mild bleeding
disorders » (MBD) ou bien troubles modérés de l’hémostase (TMH) qui peuvent être
totalement méconnus même à l’âge adulte. En dehors des troubles acquis de l’hémostase
induits par la prise de médicaments interférant avec l’hémostase (antiplaquettaires,
anticoagulants) qui sont les plus fréquents, les TMH comprennent des troubles de l’hémostase
primaire et des troubles de la coagulation congénitaux dont la prévalence est plus faible,
inférieure à 1% au sein de la population générale (4).
Les principaux troubles congénitaux de l’hémostase primaire sont la maladie de Willebrand et
les dysfonctions plaquettaires liées à des anomalies complexes et multiples d’expression de
récepteurs plaquettaires et de sécrétions des granules plaquettaires (5).
Parmi les dysfonctions plaquettaires donnant des symptômes hémorragiques sévères plusieurs
sont à connaître :
- la maladie de Bernard Soulier ou syndrome des plaquettes géantes caractérisée par un
défaut d’adhésion des plaquettes au sous endothélium liée à une anomalie du récepteur
GP Ib-IX-V.
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- la thrombasténie de Glanzmann caractérisée par un déficit qualitatif ou quantitatif en
glycoprotéine GP IIb-IIIa, permettant la liaison des plaquettes au fibrinogène, avec
pour conséquence un défaut d’agrégation des plaquettes.
- le « Quebec platelet disorder » pathologie autosomique dominante liée à une
surexpression, au sein des plaquettes, de l’uPA pour urokinase plasminogen activator
et donc des plaquettes profibrinolytiques. (6)
Certaines anomalies moins connues sont liées à des déficits quantitatifs ou qualitatifs des
granules plaquettaires et donnent des symptômes hémorragiques moins sévères comme :
- la maladie du pool vide (déficit en granules denses ou delta)
- le « Grey platelet syndrome » (déficit en granules alpha).
Les principaux troubles de la coagulation sont liés à des déficits partiels des facteurs de la
coagulation (II, V, VII,VIII, IX, X, XI, XIII) et des hypofibrinogénémies. Les déficits partiels
de la coagulation induisent des symptômes d’intensité variable en fonction du facteur
manquant et de son taux résiduel. La plupart de ces anomalies sont liées à des mutations
génétiques à transmission complexe, dominante ou récessive, avec une pénétrance et une
expression variables et une absence de corrélation nette entre le taux résiduel du facteur
déficitaire et l’intensité des symptômes hémorragiques. Globalement, les patients
hétérozygotes possédant un taux résiduel du facteur déficitaire supérieur à 50 % sont
considérés comme des sujets normaux en terme de risque hémorragique. Le registre Nord
Américain des troubles de l’hémostase basé sur un ensemble d’études rétrospectives a montré
que le déficit en prothrombine (facteur II) est plus à risque de saignement avec 83% de
patients symptomatiques alors qu’à l’inverse le déficit en facteur XIII n’induisait de
symptômes que pour un taux résiduel de facteur < 2 % (7). Les déficits en facteur XI et les
hypofibrinogenémies sont quant à elles plus à risque de saignement post-traumatiques et post-
opératoire (8). Globalement les traitements substitutifs sont envisagés pour des taux résiduels
de facteur inférieurs à 20-30 % en dépit de l’absence de corrélation stricte avec le risque
hémorragique.
Les troubles modérés de l’hémostase pouvant être totalement inconnus des patients qui en
sont atteints, il est nécessaire de développer des outils permettant un dépistage systématique et
standardisé des symptômes hémorragiques afin d’en améliorer le diagnostic et d’en optimiser
la prise en charge au vu des traitements disponibles.
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2.2 Saignements majeurs et mineurs
Le terme de « saignement majeur » regroupe tous les saignements situés dans une zone
critique (intracrânien, intrarachidien, retropéritonéal, péricardique, intra-articulaire),
responsables de la perte d’au moins 2g/dl d’hémoglobine ou bien nécessitant la transfusion
d’au moins 2 concentrés globulaires (9). La prévalence des saignements majeurs dans la
population générale est extrêmement faible selon les deux grandes études épidémiologiques
« Thrombosis Prevention Trial » et « Women’s Health Study » (respectivement 0,05 et 0,06
cas pour 100 personnes années) (10) (11). Le terme de « saignement non-majeur » englobe
quant à lui une large variété d’hémorragies dont l’incidence est plus importante, de l’ordre de
5,3 à 7,7 cas/100 personnes années (12). Il regroupe des saignements mineurs qui ont une
pertinence clinique et des saignements jugés anecdotiques dans la population générale.
3. Inutilité du bilan d’hémostase systématique
Le bilan d’hémostase standard est un mauvais outil d’évaluation du risque hémorragique
périopératoire pour plusieurs raison. Il comporte le plus souvent un TP, un TCA et une
numération plaquettaire et très rarement un temps d’occlusion plaquettaire (TOP) mesuré à
l’aide d’un automate appelé Platelet Function Analyzer-100 (PFA-100®) improprement
appelé « temps de saignement in vitro ». La plupart des études considèrent comme
anormales les valeurs suivantes pour les différents paramètres : ratio TCA (patient/témoin) >
1,2, TP < 70 %, plaquettes <150 000/mm3.
Ces quatre tests ne permettent pas d’explorer l’intégralité du système hémostatique et la
corrélation entre les anomalies dépistées et le risque de saignement est faible. Certains déficits
potentiellement à risque hémorragique ne perturbent ni le TCA ni le TP ; c’est le cas du
déficit en facteur XIII, d’une hémophilie modérée (taux de facteur VIII > 10 %) ou même
d’une maladie de Willebrand. De la même manière, la plupart des thrombopathies ne peuvent
pas être détectées par le PFA-100®. A contrario, le deficit en facteur XII ou la présence d’un
anticoagulant circulant induisent un allongement souvent important du TCA sans augmenter
le risque de saignement (13).
Par ailleurs, la proportion des anomalies biologiques détectées varie en fonction du paramètre
biologique considéré, mais aussi surtout en fonction de la population ciblée. Selon les études,
la prévalence des anomalies retrouvées au sein d’une population de sujets sains, non connus
comme atteints d’une maladie de la coagulation, se situe entre 0,5 et 16 % tout test confondu
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(3). De façon isolée le TP est anormal dans 0 à 29 % des cas, le TCA dans 0 à 16% des cas et
la numération plaquettaire dans 0 à 17 % des cas. Une étude rétrospective réalisée au sein
d’une cohorte de 826 patients en préopératoire d’une chirurgie majeure non cardiaque
(hépatectomie, oesophagectomie, chirurgie du rachis, transplantation rénale) retrouvait 2,2 %
(1,2-3,2%) d’anomalies pour le taux de plaquettes et 2,1% (1,1-3,1%) pour le TP et le TCA
(14). Une étude plus récente de 2004 retrouvait 265 patients sur 5649 dépistés avec une
anomalie d’au moins un des quatre tests, soit 4,69% de la population (15).
En cas de réalisation du bilan biologique standard au sein d’une population de patients
sélectionnés en raison d’une forte suspicion clinique de trouble de l’hémostase, la prévalence
des anomalies retrouvées était nettement plus importante, de l’ordre de 40 % (3). Ceci met en
évidence la faible rentabilité de ce bilan systématique demandé en routine sans sélection
préalable des patients sur des arguments cliniques.
Outre la faible prévalence des anomalies retrouvées, les performances diagnostiques du bilan
standard d’hémostase sont médiocres dans la population générale au vu des différentes études
retrouvées dans la littérature.
Une méta-analyse comportant 12 études qui évaluaient le risque hémorragique postopératoire
d’une amygdalectomie, retrouvait une spécificité et une valeur prédictive négative (VPN)
excellentes, toutes deux de 97%, alors que la sensibilité (SB) et la valeur prédictive positive
(VPP) étaient très faibles, respectivement de 8 et 10 % (16). Ce bilan standard n’avait donc
pas les caractéristiques d’un bon examen de routine qui doit avoir une sensibilité élevée (peu
de faux négatifs) afin de dépister le maximum de cas. De même, une revue de la littérature
comportant 12 études rétrospectives évaluant les performances du TCA en préopératoire
d’une chirurgie générale retrouvait une SB de 23%, une SP de 86%, et un likelihood ratio
positif (LHR+) de 1,64 (0,92-2,9) en faisant un test qui, même en cas de positivité,
n’augmentait pas la probabilité pré-test de risque hémorragique. Les recommandations de la
SFAR de 2012, découlant de la synthèse de 48 études portant sur 36950 patients, retrouvaient
une SB basse, comprise entre 5 à 43 %, et une VPP encore plus faible, de 0 à 29%, selon les
études (3). L’étude prospective la plus récente sur le sujet évaluait, entre autres les
performances du PFA-100 chez 5649 patients non sélectionnés ayant bénéficié d’un bilan de
routine avant une chirurgie programmée tout type confondu. La prévalence des anomalies
augmentait de 4,69% à 40,8% si l’on considérait uniquement les patients ayant un bilan
anormal et, sur les 250 patients ayant un bilan anormal, la PFA-100 était en cause dans
97,7%. Le PFA-100 avait donc une SB de 90,8%, une VPP de 81,8% et une VPN de 93,4%
au sein d’une population ayant une histoire de diathèse hémorragique positive (15).
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Enfin en raison de l’absence de corrélation entre les anomalies biologiques et le risque
hémorragique, il a été montré à plusieurs reprises que la réalisation de bilan d’hémostase
standard en routine n’induisait que très peu de modifications de prise en charge des patients,
(17) (18). L’étude de Kwok et coll. montre une absence de différence concernant le nombre
d’épisodes d’hypotension peropératoire liée au saignement (14% vs 9 %) et de saignement
postopératoire (5% vs 0%) entre les patients ayant des anomalies du bilan standard et ceux
n’en ayant pas (14). De même la méta-analyse de Krishna et coll. sur le risque de saignement
en postopératoire d’une amygdalectomie montrait une absence de différence significative que
les tests de coagulation standards soient anormaux ou pas (8,7 % versus 3,3%) (16).
Globalement, le pourcentage de cas où les anomalies de bilan biologique standard ont induit
une modification de prise en charge reste extrêmement faible dans la plupart des études
sachant qu’une modification de prise en charge comprenait aussi bien l’administration de
produits sanguins labiles ou de traitements hémostatiques, que le report d’une procédure
chirurgicale en l’absence d’urgence de celle ci. L’étude de Kaplan et coll. retrouvait un taux
de modification de prise en charge de 0,22%, (17) de même que celle de Perez et coll., qui au
sein des 853 patients évalués dénombrait 115 patients (2,9 %) avec un bilan hématologique
perturbé, occasionnant 3 reports de chirurgie et 11 nouvelles consultations, soit une
modification de prise en charge dans 0,26% des cas (18). Les recommandations de la SFAR
de 2012 rapportent que, même au sein de la population restreinte de patients ayant une
suspicion clinique de troubles de l’hémostase sur la base d’anomalies du bilan standard, une
modification de prise en charge n’avait lieu que dans 0 à 15 % des cas de bilan anormal avec
seulement 0,57 % de traitement correctif (3).
Ainsi les mauvaises performances diagnostiques et le faible impact thérapeutique du bilan
standard d’hémostase ont conduit à l’élaboration de la recommandation phare de la SFAR
2012 suivante : « Il est recommandé de ne pas prescrire de façon systématique un bilan d’
hémostase chez les patients dont l’anamnèse et l’examen clinique ne font pas suspecter un
trouble de l’hémostase ». Ceci quelque soit le sexe, l’âge et le score ASA des patients mais
également quelque soit le type de chirurgie et le type d’anesthésie (3). Plusieurs autres
sociétés savantes ou organismes de recommandations internationales (American Society of
Anesthesiologists, British Committee for Standards in Haematology), s’accordent sur le fait
qu’il n’y a pas d’indication à prescrire de bilan d’hémostase de routine avant toute
intervention chirurgicale (1) (19). Seule la SISET, la société italienne pour l’hémostase et la
thrombose, recommande un bilan d’hémostase systématique au titre du faible surcoût
engendré. (20)
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Les seules indications de réalisation du bilan d’hémostase en dépit des symptômes cliniques
sont :
- l’existence d’une hépatopathie, d’une pathologie de la coagulation ou de l’hémostase,
d’une malabsorption ou bien encore la prise de médicaments anticoagulants.
- l’utilisation du bilan préopératoire comme référence avant une chirurgie hépatique
lourde (TP) ou bien en cas de prescription postopératoire d’une anticoagulation par
héparine (TCA, plaquettes).
C’est une prise de position forte en faveur de la réduction de la prescription de bilan inutile et
de l’évaluation clinique du risque hémorragique.
4. Objectifs de l’étude
Dans cette optique, il est nécessaire de développer des outils cliniques performants et
standardisés d’évaluation du risque hémorragique.
De multiples questionnaires de diathèse hémorragique ont été successivement évalués pour le
diagnostic et l’évaluation de la sévérité de la maladie de Willebrand de type 1 (21)(22), ainsi
que pour le diagnostic de certaines thrombopathies (23) mais à ce jour aucun questionnaire
standardisé et validé n’est destiné au dépistage des troubles modérés de l’hémostase dans la
population générale.
Récemment, un questionnaire simplifié (7 items avec réponse binaire par oui ou non) a été
évalué rétrospectivement chez 113 patients adressés en consultation d’hémostase pour
suspicion de maladie hémorragique ou pour une complication hémorragique postopératoire
et chez 70 sujets sains n’ayant jamais consulté pour un problème hémorragique (24). Ses
performances diagnostiques ont récemment été jugées satisfaisantes avec une spécificité de
98% et une sensibilité de 89.5% (24). Nous proposons donc d’évaluer de manière prospective
son applicabilité chez des sujets sains ou consultant pour un premier épisode de saignement
postopératoire (6). Notre évaluation portera à la fois sur sa compréhension par les patients
interrogés et sur le temps nécessaire à son utilisation en consultation d’anesthésie.
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Matériel et méthodes
1. Type de l’étude
Il s’agit d’une étude observationnelle prospective randomisée monocentrique en deux phases
s’étendant de juillet 2012 à mars 2013 ayant obtenu l’accord du Comité d’éthique (IRB) Paris
Descartes (annexe 1).
2. Critère d’inclusion
Tous les patients majeurs francophones, vus en consultation d’anesthésie en préopératoire
d’une chirurgie/intervention programmée à l’exception de la chirurgie à haut risque
hémorragique (cardiaque, vasculaire, hépatique, obstétricale) et de la neurochirurgie ayant des
conséquences vitales et fonctionnelles en cas de saignement, ont été inclus. Chaque patient a
reçu une lettre d'information préalablement à l'inclusion (annexe 2)
3. Critère de non inclusion
N’étaient pas inclus tous les patients non francophones, présentant une altération des
fonctions cognitives, ou bien exprimant un refus de participer à l’étude.
4. Plan de l’étude
4.1 Définitions
Le questionnaire de diathèse hémorragique utilisé dans cette étude est adapté du questionnaire
anglo-saxon utilisé dans l’étude de Tosetto concernant les patients atteints de maladie de
Willebrand de type 1, lui même retravaillé récemment par l’équipe de Bonhomme et coll. à
Genève (annexe 3). (21) (24)
Il s’articule en 7 questions simples portant sur les antécédents personnels et familiaux en
rapport avec l’anamnèse hémorragique. Seules 5 questions s’adressaient aux hommes, la
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question 5 s’adressant exclusivement aux femmes (annexe 4).
Le score permettant l’évaluation de la compréhension du questionnaire ou « score de
compréhension » est un score simple allant de 0 à 3 : 0 = pas clair du tout ; 1 = moyennement
clair ; 2 = clair ; 3 = parfaitement clair. Il est attribué par chaque patient interrogé.
Le score d’hémostase obtenu à l’aide des réponses au questionnaire était côté sur 5 pour les
hommes ou sur 7 pour les femmes, chaque question à laquelle la réponse est « oui » comptant
pour un point.
4.2 Inclusion des patients
L’étude s’est déroulée en deux phases. La phase n°1 avait pour objectif d’évaluer la
compréhension du questionnaire lorsqu’il était rempli par les patients seuls. Le questionnaire
était remis avant la consultation d’anesthésie à un groupe de patients avec un délai permettant
une réponse à l’ensemble des questions. Ce groupe de patients est appelé groupe auto-
questionnaire.
La compréhension du questionnaire était évaluée à partir du score de compréhension (de 0 à
3) préalablement à la consultation également. Les informations obtenues à l’aide du
questionnaire pouvaient être utilisées par l’anesthésiste réalisant la consultation.
L’objectif de la phase numéro 2 était d’évaluer le temps surajouté nécessaire à l’utilisation du
même questionnaire par le médecin durant la consultation. Les patients étaient randomisés
dans un groupe questionnaire motivé ou dans un groupe sans questionnaire, ou groupe
contrôle selon une randomisation 1,25:1. La randomisation était effectuée à l’aide d’un
générateur automatique de nombre. Pour les patients du groupe questionnaire , les questions
étaient posées par l’anesthésiste au cours de la consultation. L’évaluation de la
compréhension du questionnaire était réalisée au décours de la consultation. Pour les patients
du groupe contrôle l’évaluation du risque hémorragique était laissée à la discrétion du
praticien conformément à ces habitudes. Dans les deux cas de figure la durée globale de
consultation était chronométrée.
5. Recueil de données
Les données des patients inclus dans l’étude étaient recueillies prospectivement dans un
registre. Il intégrait les caractéristiques démographiques des patients ainsi que les données
relatives au questionnaire de diathèse hémorragique.
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Les données démographiques suivantes étaient recueillies:
- âge, sexe, poids, taille
- type de chirurgie, intitulé exact et date de l’intervention
- antécédents médicaux et chirurgicaux
- score ASA
- présence d’une anomalie constitutionnelle ou acquise de l’hémostase : maladie de
Willebrand, hémophilie, autre
- traitement médicamenteux pouvant interférer avec la coagulation : anticoagulants (héparine
non fractionnée (HNF), héparine de bas poids moléculaire (HBPM), anti-vitamine K (AVK),
fondaparinux, rivaroxaban, dabigatran)
- antiplaquettaires : aspirine, clopidogrel, prasugrel, ticagrelor
Les données concernant l’évaluation de la compréhension du questionnaire étaient :
- le score global de compréhension du questionnaire
- le caractère complet ou non du questionnaire
- le nombre et le numéro des questions non répondues
- le nombre et le numéro des questions jugées ambigües
- les termes incompris
Les données concernant l’évaluation du risque hémorragique à partir du questionnaire :
- le score d’hémostase sur 5 ou 7
- le numéro des questions pour lesquelles la réponse est «oui »
6. Critères de jugement
Le critère principal de jugement était le temps de consultation en minutes exprimé en médiane
pour les deux groupes randomisés questionnaire motivé et contrôle.
Les critères secondaires de jugement étaient :
- la distribution des scores de compréhension globale pour les groupes auto-questionnaire et
questionnaire motivé.
- Le pourcentage de questionnaires complets pour les groupes auto-questionnaire et
questionnaire motivé.
- le pourcentage de patients ayant trouvé au moins une question ambiguë pour les groupes
auto-questionnaire et questionnaire motivé.
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7. Statistiques
7.1 Calcul du nombre de sujets
Le nombre de sujets à inclure pour la première phase de l’étude a été évalué arbitrairement.
Le nombre de sujets nécessaires par groupe pour montrer l’absence d’allongement significatif
de la durée de la consultation d’anesthésie pour la deuxième phase a été calculé. D’ après les
études antérieures, on estime que la durée moyenne de la consultation d’anesthésie est de 20
min (25) et que celle nécessaire pour répondre au questionnaire est de 5 à 10 min (4). On a
donc considéré donc comme limite une durée de consultation de 25 min pour le groupe
questionnaire motivé. Avec une puissance de 80 % et un risque alpha égal à 5 %, on obtient n
= 90 patients par groupe. Avec une randomisation 1 :1,25 on obtient n=100 pour le groupe
questionnaire motivé et n= 80 pour le groupe contrôle.
7.2 Analyse statistique
Les distributions des scores de compréhension étaient exprimées en pourcentages (IC95) et
comparées entre les groupes auto-questionnaire et questionnaire par un test du Chi 2.
Les durées de consultation étaient exprimées en médianes [IQR 25 ; IQR 75] et comparées
par un test de Mann-Whitney.
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Résultats
1. Caractéristiques démographiques des patients
45 patients ont été inclus dans le groupe auto-questionnaire au cours de la phase 1.
Durant la phase 2, respectivement 100 patients ont été inclus dans le groupe
questionnaire motivé et 80 patients dans le groupe contrôle. Les 45 patients inclus au
cours de la phase 1 consultaient avant une chirurgie orthopédique. Les 180 patients
inclus dans la deuxième phase étaient vus en consultation d’anesthésie avant une
chirurgie orthopédique, gynécologique, thoracique ou digestive. La répartition est
présentée tableau 1.
Tableau 1 Répartition des patients selon le type de chirurgie n (%)
Les caractéristiques démographiques des groupes questionnaire motivé et contrôle
étaient comparables, avec des âges médians respectifs de 48,5 [36;63] contre 58,5
[37;67] (tableau 3).
Tableau 2 Caractéristiques démographiques : âge exprimé en médiane [IQR25 ; IQR75]
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Les deux groupes étaient également comparables en terme de score ASA (tableau 4).
Tableau 3 Répartition des patients selon la classification ASA n (%)
2. Evaluation de la compréhension du questionnaire de diathèse hémorragique
La distribution des scores de compréhension globale était en faveur du groupe
questionnaire motivé (p<0,0001) (figure 1).
Figure 1 Score de compréhension du questionnaire pour le groupe questionnaire motivé en %
Le proportion de questionnaire « complet » était en faveur du groupe questionnaire
motivé (P<0.0001) et le pourcentage de patients ayant trouvé au moins une question
ambigüe était inférieur dans le groupe questionnaire motivé (P<0.0001) (figure 2).
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Figure 2 Proportion de questionnaires complets et de questions ambigües en %
Dans le groupe auto-questionnaire la totalité des patients jugeaient au moins un terme
incompris avec 100% d’entre eux qui ne comprenaient pas le terme de « maladie de
Willebrand » et 21 % le terme « hémophilie». Dans le groupe questionnaire motivé
seuls 91% des patients jugeaient au moins un terme incompris. Dans tous les cas le
terme « maladie de Willebrand » était concerné et dans 21% c’était le terme
« hémophilie ».
3. Durées médianes de consultation
La durée médiane de consultation n’était pas significativement allongée pour le
groupe questionnaire motivé en comparaison avec le groupe contrôle (figure 3)
Figure 3 Comparaison des durées médianes de consultation exprimées en médiane
[IQR25;IQR75].
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4. Evaluation du risque hémorragique
La répartition des scores est présentée figure 4. Cinquante trois pour cent des patients
étaient asymptomatiques. Seuls 15 % des patients avait un score d’hémostase ≥ 2 et
étaient donc à risque de trouble de l’hémostase.
Figure 4 Répartition des scores d'hémostase groupe questionnaire motivé
Le pourcentage de réponse positive aux différentes questions est présenté figure 5.
Figure 5 Proportion de réponses positives par question (%)
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Trois patients avaient un trouble de l’hémostase diagnostiqué au préalable. Chez deux
d’entre eux ont retrouvait des anomalies responsables d’un risque hémorragique à
savoir une thrombopathie idiopathique et une maladie de Willebrand de type 1. Un des
patient présentait au contraire une mutation du facteur V type Leiden responsable d’un
risque thrombotique . Un patient avait un TCA allongé de cause inconnue.
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Discussion
Notre étude permet de mettre en évidence l’utilité d’un questionnaire de diathèse
hémorragique standardisé simple en 6 questions afin d’évaluer le risque clinique de
saignement. L’utilisation de notre questionnaire était optimale en consultation d’anesthésie
avec 97 % des patients ayant répondu à toutes les questions et seulement 7% d’entre eux
ayant trouvé au moins une question ambiguë. La compréhension du questionnaire était
également jugée meilleure par les patients lors de son utilisation en consultation d’anesthésie
avec plus de 80 % d’entre eux ayant parfaitement compris l’ensemble des questions contre à
peine 50 % lors d’une utilisation avant la consultation. Son utilisation n’allongeait pas
significativement la durée de la consultation. Un peu plus de la moitié des patients étaient
symptômatiques, mais seulement 15 % étaient classés comme à risque de trouble modéré de
l’hémostase avec un score d’hémostase ≥ 2.
Nous avons vu que l’évaluation du risque hémorragique chez l’adulte doit reposer sur le
dépistage notamment des troubles modérés de l’hémostase qui sont souvent non diagnostiqués
car peu symptomatiques. Ils peuvent être pourtant responsables des saignements péri-
opératoires importants d’où la nécessité de les dépister en consultation d’anesthésie.
L’évaluation clinique du risque hémorragique est donc primordiale et repose notamment sur
un interrogatoire détaillé portant sur les antécédents du patient. Elle reste cependant difficile
pour différentes raisons. La première difficulté réside tout simplement dans le dépistage de
l’intégralité des symptômes hémorragiques, même mineurs, au vu de la prévalence élevée
dans la population (5,3 à 7,7 cas/100 personnes années). (10) (11) Ces symptômes sont
souvent banalisés par les patients par méconnaissance. De multiples questionnaires de
diathèse hémorragique ont été successivement utilisés permettant de retrouver une prévalence
des symptômes hémorragiques variable dans la population générale (26). Une étude
prospective déjà ancienne datant de 1980 retrouvait, dans une cohorte de patients interrogés
en préopératoire, 40 à 50 % d’hommes et 50 à 60 % de femmes présentant au moins un
symptôme hémorragique (27). Dans une étude de prévalence des troubles hémorragiques chez
1092 jeunes femmes, 23% d’entre elles présentaient au moins deux symptômes
hémorragiques d’après les réponses obtenues à l’aide d’un questionnaire envoyé au domicile
des patientes (28). Une étude prospective multicentrique internationale retrouvait cependant
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une prévalence plus faible avec 23 % des patients sains présentant des symptômes
hémorragiques et seulement 7,4% en présentant au moins deux (22).
La deuxième difficulté réside dans le choix du type de questionnaire à utiliser. Dans le but de
développer des outils standardisés d’évaluation du risque hémorragique, de multiples
questionnaires ont été utilisés sur les dix dernières années et testés pour dépister différents
troubles modérés de l’hémostase. Trois études récentes ont rapporté les performances
diagnostiques de questionnaires ayant une approche quantitative pour le dépistage d’un
trouble de l’hémostase donné. (23). Le travail de Rodeghiero et coll. était le premier à étudier
les performances d’un questionnaire de diathèse hémorragique pour dépister les patients
suspects de maladie de Willebrand. Le questionnaire utilisé comprenait 11 items
correspondant à 11 symptômes hémorragiques dont la gravité était cotée de 0 à 3 établissant
un score de saignement ou « bleeding score » (BS) maximum à 33. Il était adressé à des
patients atteints de la maladie de Willebrand de type 1 et à des sujets contrôles. Une étude
qualitative était menée dans un premier temps, et le seuil de 3 symptômes ou plus pour définir
les patients ayant une histoire de diathèse hémorragique significative était associé à une
sensibilité de 50%, une spécificité de 99,1%, une VPP de 41,1% et une VPN de 99,5%. Une
étude quantitative prenant pour seuil un BS>3 pour les hommes et un BS>5 pour les femmes
retrouvait une sensibilité de 60 %, une spécificité de 99,1 %, une VPP de 41,1 % et une VPN
de 99,6 %. Dans les deux cas de figure, la sensibilité était faible mais acceptable alors que la
spécificité et la VPN étaient élevées permettant d’exclure avec une quasi-certitude les sujets
sains. Les performances diagnostiques du questionnaire jugées comme satisfaisantes en
faisaient un outil de dépistage intéressant (22). La même équipe a étudié les performances
diagnostiques d’un BS obtenu à partir d’un questionnaire modifié comprenant 12 items cotés
de -1 à 4 en fonction des items en comparant des patients atteints de la maladie de Willebrand
de type 1, des apparentés au premier degré atteints et non atteints et des sujets contrôles. Le
BS était inversement corrélé au taux des trois paramètres biologiques sur lesquels est porté le
diagnostic, le facteur de Willebrand antigène, l’activité cofacteur de la ristocétine et le facteur
VIII coagulant (p<0,001). (21)
Une autre étude s’est intéressée à une dysfonction plaquettaire congénitale à transmission
autosomique dominante le « Quebec platelet disorder ». Elle montrait que les sujets atteints
étaient plus à risque de saignement après une plaie (OR=37[5,6;320]), de saignement
prolongé après une extraction dentaire (OR= 30 [3,8;644]) ou bien de saignement post-
opératoire nécessitant des traitements médicaux (OR=22 [2,9;198]) en comparaison avec les
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sujets non atteints apparentés au premier degré. Ils avaient également un BS moyen supérieur
8,0 +/- 3,9 [0-14] vs 1,6 +/- 1,9 [0-10] ; p<0,0001. Cependant le BS n’était pas corrélé avec
les paramètres biologiques spécifiques et était donc moins performant que dans le cas de la
maladie de Willebrand (23).
Globalement,les performances diagnostiques de deux questionnaires utilisés dans la maladie
de Willebrand ont donc été jugées comme satisfaisantes et ils pouvaient donc être considérés
comme des outils intéressants, mais ils n’étaient validés que pour un trouble de l’hémostase
donné. Afin de valider plus largement l’utilisation du BS pour le dépistage de l’ensemble des
troubles modérés de l’hémostase, Tosseto et coll. ont également étudié les performances
diagnostiques du BS au sein d’une population adressée en consultation d’hémostase pour
suspicion de MBD. Parmi les 215 patients évalués, le diagnostic était retenu pour 56 d’entre
eux, soit 26 % après réalisation des tests spécifiques. Avec un seuil > 3, le BS avait une
sensibilité de 33 %, et une spécificité de 81%. Au sein de la population générale, parmi
laquelle la prévalence des MBD est de 1%, la VPP était de 2,8% et la VPN de 99,2% ce qui
permettait d’exclure le diagnostic chez les patients sains. Dans la population des patients
suspects de MBD, la prévalence estimée étant de 20 %, la VPP était de 71% et la VPN de
82,5 % permettant un dépistage des patients à risque. L’aire sous la courbe ROC était de 0,62
et après une analyse par régression logistique le BS > 3 était l’un des facteurs associés avec le
diagnostic de MBD (OR = 4,3 p<0,001) (29).
Ces questionnaires restent des outils complexes avec un grand nombre de questions ou
d’items à coter en fonction de la gravité des symptômes. Ils sont donc difficilement
utilisables en préopératoire au cours d’une consultation d’anesthésie en raison de leur
longueur.
Pour dépister des troubles hémorragiques dans la population générale, il était donc nécessaire
d’utiliser un questionnaire plus simple, raison pour laquelle nous avons choisi un
questionnaire court en 7 questions celui de l’équipe suisse de Bonhomme et al (24).
Bien avant cela, d’autres questionnaires ont été testés pour le dépistage des troubles modérés
de l’hémotase dans la population générale (26). L’étude de Sramek et coll a étudié la validité
d’un questionnaire en 17 items côtés de -1 à 5 dans 2 situations différentes. Premièrement
comme outil diagnostic pour différencier les sujets présentant des symptômes hémorragiques
mais ayant un bilan normal de ceux ayant un véritable trouble de l’hémostase. Dans un
deuxième temps comme outil de dépistage afin d’identifier les patients suspects parmis une
population de sujets à priori sains, et de les envoyer en consultation spécialisée. Cette étude
concluait que dans une situation de dépistage, un questionnaire simple et une évaluation
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qualitative, sans calcul d’un score de saignement (ou BS), était suffisante (30). Pour cette
raison nous avons opté pour l’approche la plus simple avec des questions ne cherchant à
dépister que les signes hémorragiques graves et auxquelles les réponses étaient binaires par
« oui » ou « non » ou bien éventuellement « situation jamais rencontrée ». Le score
d’hémostase que nous avons utilisé était calculé en faisant la somme des réponses positives et
était donc côté sur 5 ou 6 en fonction du sexe du patient.
Nous souhaitions également valider un questionnaire court et simple afin qu’il soit compatible
avec une intégration dans le déroulement de la consultation d’anesthésie et que les questions
soient posées par le médecin anesthésiste. Nous voulions ainsi faciliter la compréhension du
questionnaire mais sans allonger la durée de l’entretien. En effet, d’après les études
précédemment menées, on remarque que la prévalence de symptômes hémorragiques dans la
population générale est nettement plus élevée si les questionnaires sont remplis par les
patients seuls que si les questions sont posées par un médecin en consultation. Dix pour cent
des sujets avaient au moins trois symptômes « hémorragiques » dans le premier cas contre
moins de un pour cent si le dépistage se faisait en consultation (28) (22). Ceci est
probablement lié à des difficultés de compréhension des questions et à la subjectivité de
l’appréciation des symptômes hémorragiques qui est moindre si les questions sont expliquées
clairement par un médecin expérimenté. On peut également supposer qu’une population non
sensibilisée aux symptômes hémorragiques est susceptible de moins bien apprécier la
présence et la gravité des symptômes hémorragiques comparativement à des patients atteints
de maladie de Willebrand, par exemple. L’évaluation de la compréhension des questionnaires
de diathèse hémorragique n’avait pas été rapportée jusque là dans la littérature. Or elle nous
semble être une étape indispensable avant toute exploitation des résultats obtenus puisque ces
derniers dépendent en grande partie de la compréhension des questions.
Notre étude confirme qu’il est préférable d’utiliser le questionnaire au cours de la consultation
en présence du praticien puisque la distribution des scores de compréhension était
globalement en faveur du groupe questionnaire motivé (p < 0,0001) avec deux fois plus de
patients ayant parfaitement compris les questions (score = 3). D’autre part, la quasi totalité
d’entre eux avaient répondu à toutes les questions contrairement aux patients du groupe auto-
questionnaire (81% vs 49%).
Le deuxième objectif était l’absence d’allongement de la durée de la consultation d’anesthésie
ce qui était le cas dans ce travail puis que les durées de consultation retrouvées étaient de
l’ordre de 15 minutes pour les deux groupes.
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Enfin, outre le choix du type de questionnaire, un autre point important était le choix des
questions à poser et donc des symptômes à rechercher afin que le questionnaire soit à la fois
sensible mais sans pour autant induire trop de faux positifs. En effet, il existe un
chevauchement entre les symptômes hémorragiques avec ou sans une pertinence clinique et
la différenciation entre les deux catégories est difficile. Nous avons vu que la prévalence de
certains symptômes était très élevée dans la population générale. Selon l’étude la plus récente
sur le sujet, les plus fréquents sont les ménorragies (47%), les épistaxis (25%), les
ecchymoses (18%) et les saignements post extraction dentaire (18%) (31). Or une des limites
à la pertinence des symptômes retrouvés est l’existence d’autres causes que les troubles de
l’hémostase pouvant expliquer leur existence. C’est par exemple le cas des ménorragies qui
peuvent être liée à des causes anatomiques ou hormonales. Cependant, elles constituent l’un
des symptômes sentinels des troubles modérées de la coagulation avec parmi les femmes
présentant ces symptômes 14 % atteintes de maladie de Willebrand modérée et 3 % de déficit
en facteur 11 (32). C’est également le cas pour les épistaxis pouvant être expliqués par
l’hypertension artérielle, ou les gingivorragies par des parodontites.
Il nous paraissait légitime de rechercher exclusivement les symptômes identifiés comme les
mieux corrélés avec le risque de troubles de l’hémostase dans la littérature. Dans la
population spécifique des patients atteints de maladie de Willebrand de type 1, il existait une
association forte avec les saignements cutanés (OR=8), les saignements post-opératoires
(OR=9) et les saignements après un traumatisme mineur (OR=18). En revanche, il n’existait
pas d’association entre la maladie et des symptômes comme les saignements oropharyngés ou
l’hémorragie du postpartum. Le paramètre qui prédisait le mieux le risque de saignement
postopératoire était d’ailleurs un score clinique composite, le MBS pour « mucocutaneous
bleeding score », qui associait les ecchymoses, les saignements après blessures mineures et
les épistaxis, avec une aire sous la courbe à 0,78 contre 0,67 pour le taux et l’activité du
facteur von Willebrand (21). Il était donc nécessaire de rechercher ces trois symptômes en
préopératoire, et l’équipe de Bonhomme et al a les a intégré au questionnaire que nous
utilisons, de même que les saignements post opératoires. Dans la population générale, on
retrouve des résultats assez semblables. L’étude prospective de Koscienly et coll. qui a évalué
les performances des douze questions du questionnaire utilisé indépendamment montrait que
les 2 questions ayant la meilleure sensibilité étaient celles portant sur la fréquence de
l’apparition des ecchymoses (73,8%) et sur les saignements prolongés après une blessure
mineures (85,5%). La sensibilité de la question portant sur l’apparition d’hématomes sans
traumatisme était également acceptable autour de 50 % (15). L’étude plus ancienne de
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Sramek et coll. retrouvait elle en analyse multivariée que les facteurs prédictifs indépendants
d’avoir un trouble modéré de l’hémostase ayant les OR les plus élevés étaient : les
antécédents familiaux de troubles de l’hémostase (OR= 50,5), les saignements après des
traumatismes mineurs (OR=30) et les saignements en postopératoire d’une amygdalectomie
(OR=11,5). Ces symptômes étaient également ceux qui étaient les plus informatifs sur le
diagnostic lorsqu’ils étaient présents (LR + compris entre 17 et 35) (30).
Nos collègues suisses de l’équipe de Bonhomme et al ont donc décidé d’intégrer au
questionnaire la recherche des antécédents familiaux de trouble de l’hémostase et la notion de
saignement post opératoire notamment près une amygdalectomie.
Dans cette même étude d’autres symptômes étaient très informatifs en cas d’absence comme
les saignements post extraction dentaire et les menorragies (LR négatif respectivement 0,2 et
0,3). Puisque leur absence rendait plutôt le diagnostic de maladie de l’hémostase incertain, ils
ont été intégré de la même façon au questionnaire que nous utilisons. En revanche le
questionnaire ne comportait pas la recherche des hématuries, de la présence de sang dans les
selles et les saignements de la cavité oropharyngée en raison de leur faible spécificité.
En accord avec la littérature, nous avons retrouvé dans notre étude, 15% des patients
interrogés ayant un score ≥ 2 et donc suspects d’avoir un trouble modéré de l’hémostase, avec
comme symptômes les plus fréquemment retrouvés les ménorragies et les ecchymoses
spontanées ou secondaires à des traumatismes mineurs. (28).
Notre travail présente cependant des limites. La première limite de l’utilisation d’un
questionnaire est liée à la compréhension de celui-ci par le patient, c’est pourquoi nous avons
pour la première fois mené une étude sur la compréhension d’un tel questionnaire. Il se doit
d’être le plus simple avec des mots compréhensibles. La gravité des symptômes évaluée est
emprunte de subjectivité car possiblement influencée par la culture et le passé médical du
patient. Un saignement « anormal » est donc différent d’un individu à l’autre. Or, un outil
d’évaluation du risque de trouble modéré de l’hémostase doit être capable de différencier des
symptômes hémorragiques négligeables de ceux évocateurs de pathologies. Les questions
doivent être assez claires et les termes précis afin de permettre d’obtenir des réponses fiables.
Dans la première phase de notre étude, trente sept pourcent des patients trouvaient au moins
une question ambiguë. Ceci était principalement lié à un problème de définition des termes
« chirurgie mineure » ou « saignement important après une chirurgie ».
La deuxième grande limite d’une approche à l’aide d’un questionnaire est liée au manque
d’information dû à l’incapacité de répondre aux questions. La première cause est l’absence
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d’exposition à des challenges hémostatiques. C’est le cas notamment des sujets jeunes qui ont
possiblement pu ne jamais être opérés ou bien n’avoir jamais eu d’extraction dentaire. Notre
travail retrouve d’ailleurs que 40 % des patients avait au moins une situation à laquelle ils
n’avaient jamais été exposés avec 19 % d’entre eux à chaque fois qui n’avaient jamais été
opérés ou jamais eu d’extraction dentaire, ou jamais accouché. Ceci est une perte
d’information surtout en cas d’absence d’exposition aux trois situations. L’autre écueil réside
dans l’absence de connaissance des antécédents familiaux (ou bien de la famille biologique en
cas d’adoption) pour certains patients.
Certaines limites étaient liées plus spécifiquement à notre étude. Nous avons vu que notre
questionnaire était parfaitement compris par 97 % des patients lorsqu‘il était posé en
consultation par l’anesthésiste et par 75,5 % des patients dans le groupe auto-questionnaire.
Les questions sans réponse étaient celles jugées ambigües principalement lorsqu’un des
termes étaient incompris. Dans le groupe questionnaire motivé, le terme « maladie de
Willebrand » était incompris dans 91% des cas et le terme hémophilie dans 21% des cas.
Nous pensons donc qu’il est préférable de ne pas utiliser de termes trop spécifiques qui
peuvent nuire à la compréhension des questions posées. Avant donc d’intégrer notre
questionnaire à une stratégie de dépistage des troubles d’hémostase nous pensons donc qu’il
est nécessaire de l’adapter en supprimant ces termes.
Concernant le choix des symptômes à dépister nous avons retenus ceux le plus fréquemment
liés aux troubles modérés de l’hémostase et les plus graves. Il manque cependant deux notions
qui permettraient de trancher entre des signes sans importance et des symptômes évocateurs
de trouble de l’hémostase qui sont la fréquence et l’âge de début des symptômes (12). Nous
voulions simplifier le questionnaire et la longueur des questions, nous avons donc fait le choix
de ne chercher que la présence ou non des symptômes.
Nous avons montré que l’utilisation de notre questionnaire n’allongeait pas la durée de
consultation, mais, dans notre travail, les questions étaient posées par un anesthésiste différent
du médecin qui réalisait la consultation d’anesthésie. Cet intervenant était le même pour tous
les patients interrogés et entrainé à l’utilisation du questionnaire de diathèse hémorragique
utilisé. Ceci constitue donc, il est vrai, un biais, mais il nous semble mineur puisque le
questionnaire utilisé était simple et que nous pensons qu’il aurait pu être utilisé sans difficulté
et sans perte de temps supplémentaire majeure par les différents anesthésistes réalisant les
consultations. Néanmoins, pour une utilisation optimale en routine son utilisation nécessite un
apprentissage.
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Notre travail ouvre certaines perspectives. En tant qu’outil de dépistage, il est déjà intéressant
de coupler le score de risque hémorragique avec le bilan biologique standard. En effet, dans
l’étude la plus récente sur l’ensemble des troubles modérés de l’hémostase, les deux seuls
facteurs qui étaient associés au diagnostic de trouble modéré de l’hémostase étaient le ratio du
TCA > 1,2 avec un OR= 6,6 (p<0,001), et un BS > 3 avec un OR=4,3 (p<0,001).
L’association de ces deux paramètres permettait d’obtenir les meilleures performances en
terme de dépistage des pathologies de l’hémostase SB=76 % et SP=64% (29).
Si l’existence d’une histoire hémorragique significative est un prérequis indispensable pour le
diagnostic de trouble modéré de l’hémostase, ce qui semble encore plus intéressant c’est qu’il
semble exister une corrélation entre la sévérité des symptômes dépistés et le risque de
saignement ultérieur. Le questionnaire de diathèse hémorragique standardisé ne serait pas
seulement un outil diagnostic des troubles modérés de l’hémostase mais aussi aussi un outil
permettant d’améliorer l’évaluation du risque de saignement, si le diagnostic est retenu. La
littérature existante est cependant mince et n’est basée que sur des études rétrospectives.
L’étude de Tosetto et coll de 2006 retrouvait le MBS ou mucocutaneous bleeding score
comme meilleur facteur prédictif du risque de saignement post opératoire avec une ASC à
0,78, devant le taux de facteur de Willebrand. (21). Une autre étude récente sur un collectif de
832 patients atteint de maladie de Willebrand retrouvait comme facteur de risque de
saignement le BS >10, le TS >20 min, et le Vwf/Rco < 10 UI/L, avec un risque de saignement
multiplié par 5,5 en cas de BS>10 (33).
Au vu du faible nombre d’études réalisées uniquement dans le cadre de la maladie de
Willebrand, on ne peut actuellement pas utiliser le questionnaire de diathèse hémorragique
seul comme facteur prédictif de saignement post-opératoire par exemple. Actuellement, les
anomalies du score clinique permettent de suspecter un trouble modéré de l’hémostase et
déclenchent la réalisation d’un bilan spécialisé permettant lui de faire le diagnostic, d’évaluer
la gravité et de prendre des mesures thérapeutiques correctrices en prévention d’un risque
hémorragique important. C’est dans cette optique que des stratégies globale de dépistage des
troubles de l’ hémostase et d’évaluation du risque hémorragique doivent être conçues, en
intégrant à la fois un questionnaire standardisé avec un score de saignement et un bilan
d’hémostase spécialisé en cas d’anomalie de ce score. Notre questionnaire étant parfaitement
compris par la très grande majorité des patients auxquels il est posé en consultation
d’anesthésie sans en allonger la durée, il pourrait s’intégrer dans une stratégie de ce type
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Conclusion
Ce premier travail sur la validité d’un questionnaire de diathèse hémorragique constitue une
étape indispensable avant toute utilisation comme outil de dépistage des troubles modérés de
l’hémostase. Aucun questionnaire standardisé n’existe à ce jour, et parmi tous ceux utilisés
jamais leur compréhension n’a été évaluée. Notre questionnaire court comprenait six
questions simples visant à dépister les symptômes hémorragiques reconnus comme associés
avec l’existence d’un trouble modéré de l’hémostase. Il était parfaitement compris par la
majorité des patients lorsqu’il était posé en consultation d’anesthésie et n’allongeait pas
significativement la durée de cette consultation. Ainsi, il pourrait s’intégrer dans une stratégie
d’évaluation du risque hémorragique, basé en première ligne sur le dépistage de trouble
modéré de l’hémostase à partir de l’interrogatoire, complété par un bilan biologique
spécialisée en cas de suspicion clinique. Une étude prospective sur les performances
diagnostiques d’une telle stratégie devrait être réalisée prochainement.
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Annexes Annexe 1 IRB Paris Descartes
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Annexe 2 Lettre d’information sur le questionnaire hémostase pré-opératoire
Au cours de la consultation d’anesthésie survenant en préopératoire d’une chirurgie
quelque soit son type, un ensemble de risques de différentes natures, liés d’ une part au patient
et d’ autre part à la chirurgie sont évalués. Les risques principaux sont d’ordre
cardiovasculaire, respiratoire, allergique, thrombotique et enfin hémorragique. Ils s’évaluent
avec l’interrogatoire et/ou l’examen clinique et/ou des examens complémentaires.
L’évaluation préopératoire du risque hémorragique vise à dépister une pathologie
congénitale ou acquise de la coagulation afin d’éviter les saignements durant ou après
l’intervention. Les pathologies congénitales sont rares dans la population générale les
principales étant l’hémophilie et la maladie de Willebrand. Les pathologies acquises sont plus
fréquentes. Elles sont liées à la prise médicamenteuses notamment les antiplaquettaires (3 à 5
% de la population) et les anticoagulant oraux antivitamines K (1% de la population).
L’évaluation du risque lié au patient est souvent difficile et tout à fait perfectible, ce pourquoi
nous nous y intéressons particulièrement. Actuellement, son évaluation repose le plus souvent
davantage sur les examens biologiques que sur l’interrogatoire du patient. Or un interrogatoire
détaillé précisant les antécédents hémorragiques (c’est à dire les épisodes de saignement
survenus au cours de la vie en différentes circonstances) personnels et familiaux est
indispensable pour une évaluation correcte de ce risque. Ceci d’autant plus que nous savons
grâce à différentes études réalisées antérieurement que les examens biologiques n’explorent
pas tout le système de coagulation et que leurs performances diagnostiques sont mauvaises.
Pour cette raison et pour améliorer la qualité du dépistage du risque de saignement des
patients, nous nous proposons de conduire dans notre centre une étude visant à évaluer
l’utilité d’un questionnaire standardisé de diathèse hémorragique. Ce questionnaire comporte
6 questions et sera dans un premier temps remis avant la consultation d’anesthésie au même
titre que le questionnaire évaluant l’ensemble des risques utilisé en routine dans notre centre.
Dans une deuxième phase les mêmes 6 questions seront posées au cours de la consultation
d’anesthésie aux patients tirés au sort par un interne d’anesthésie présent au cours de la
consultation. Il sera chargé de recueillir les réponses et d’évaluer la clarté des questions
posées.
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Cette démarche vise à juger de la compréhension du questionnaire par les patients et
de son applicabilité matérialisée par le temps requis par son utilisation en consultation.
L’utilisation de ce questionnaire ne modifie en rien le reste de la prise en charge des patients
auxquels le questionnaire est posé. En revanche, en cas de suspicion de pathologie à risque
hémorragique dépistée à l’aide du questionnaire, l’anesthésiste réalisant la consultation pourra
utiliser les informations données par le patient et modifier son attitude diagnostique et
thérapeutique en fonction (comme il l’aurait fait s’il avait lui même évalué le risque
hémorragique de façon différente).
Encore une fois cette démarche n’a pour seul but l’amélioration de la prise en charge
des patients.
Professeur Marc SAMAMA
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Annexe 3 Questionnaire anglosaxon utilisé par l’équipe de Tosetto et al (21) (29)
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Annexe 4 : Questionnaire de diathèse hémorragique pour la consultation d’anesthésie
Non
Oui
situ
atio
n ja
mai
s re
ncon
trée
1 Avez-vous déjà consulté un médecin ou reçu un traitement pour un saignement prolongé ou inhabituel par exemple un saignement de nez ou une petite coupure ?
● ● ●
2 Avez-vous tendance à faire des bleus de plus de 2 cm ou des hématomes importants, sans choc ou traumatisme ou bien après un choc ou un traumatisme sans importance?
● ● ●
3 Avez-vous reconsulté votre dentiste pour saignement après une extraction dentaire ?
● ● ●
4 Avez-vous saigné de manière anormale après une intervention chirurgicale par exemple opération pour les végétations ou les amygdales ou après une circoncision?
● ● ●
5 Pour les femmes : - Avez-vous consulté un médecin ou reçu un
traitement pour des règles trop abondantes par exemple contraception orale (« pilule ») traitement par fer, médicament pour coaguler le sang comme l’Exacyl …?
- Avez-vous saigné de façon anormale après un accouchement ?
● ●
● ●
● ●
6 Y a-t-il des membres de votre famille proche suivis pour une maladie de la coagulation qui est responsable de saignements importants par exemple maladie de Willebrand, hémophilie ?
● ● ●
score établi sur le nombre de oui obtenus sur ces 6 questions
Traitement anticoagulant en cours (AVK ; HNF, HBPM, Arixtra, Xarelto, Pradaxa, autre): si oui, préciser lequel :
● ●
Traitement anti-agrégant plaquettaire plaquettaire (aspirine, Plavix, Effient, autre) : si oui, préciser lequel :
● ●
Le patient présente t il une anomalie acquise ou constitutionelle de l’hémostase ? si oui, préciser laquelle :
● ●
Patient comprenant le français
● ●
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Résumé Mélanie Fromentin 1*, Nadine Ajzenberg 2 , Fanny Bonhomme 3 , Charles-Marc Samama 1 1 anesthésie - réanimation, hôpital Cochin, 2 laboratoire d' hématologie, Bichat, Paris, France, 3 anesthésie, Hôpitaux Universitaires de Genève , Genève, Suisse Annales Françaises d’anesthésie-réanimationVol. 32 - N° S1 - A369-A370
Introduction : L’évaluation préopératoire du risque hémorragique nécessite un interrogatoire
détaillé, précisant les antécédents personnels et familiaux de diathèse hémorragique. Cet
interrogatoire a une meilleure sensibilité que les tests usuels d’hémostase et il doit aider à
prescrire ou non ces derniers. Notre but était d’évaluer l’applicabilité d’un questionnaire de
diathèse hémorragique standardisé en 6 questions simples afin de valider son utilisation dans
la pratique.
Matériel et méthodes : Etude observationnelle prospective randomisée monocentrique en
deux phases, incluant tous les patients majeurs francophones vus en préopératoire d’une
chirurgie orthopédique, gynécologique ou thoracique. La compréhension du questionnaire
était évaluée à l’aide d’un score simple allant de 0 à 3 (à savoir : 0 = pas clair du tout à 3 =
parfaitement clair). Les scores de compréhension entre le groupe auto-questionnaire (rempli
par les patients avant la consultation) et le groupe questionnaire motivé (posé en consultation)
étaient comparés (test du Chi2). Le temps médian surajouté nécessaire à l’utilisation du même
questionnaire en consultation par rapport au groupe contrôle était chronométré, après
répartition selon une randomisation 1,25:1 (test de Mann-Whitney).
Résultats : 45 patients ont été inclus dans le groupe auto-questionnaire puis, respectivement
100 patients dans le groupe questionnaire motivé et 80 patients dans le groupe contrôle (phase
2). Les groupes questionnaire motivé et contrôle étaient comparables en terme d’âge et de
score ASA. Les durées de consultations étaient respectivement de 15 min [5-32] et de 14,33
min [4-32] (NS). La distribution des scores de compréhension globale était en faveur du
groupe questionnaire motivé (p<0,0001) ainsi que le pourcentage de questionnaires
« complets » avec respectivement 97,0% et 75,6 % (P<0.0001).
Conclusion : Notre questionnaire était parfaitement compris par la majorité des patients tous
groupes confondus. Le meilleur taux de réponse complète dans le groupe questionnaire
indique que son utilisation est optimale lors de la consultation d’anesthésie et qu’elle
n’allonge pas significativement la durée de cette consultation. Ce questionnaire est donc
applicable en pratique.
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