eutonie - cerimes
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E U T O N I E
PLACE ET RÔLE EN EPS? PAR B. PARIS
QUELLE EST SA PLACE, SON
RÔLE ET LES DIFFÉRENTES
CONCEPTIONS DE TOUS
CEUX QUI ŒUVRENT POUR
PROMOUVOIR ET DÉVELOPPER
L'EUTONIE ? TEL EST L'OBJET DE
CET ARTICLE QUI SE PRÉSENTE
SOUS FORME DE QUESTIONNAIRE
ET REND COMPTE AVEC DES
COMMENTAIRES DE 1'AUTEUR,
DES RÉPONSES POUR DRESSER UN
INVENTAIRE AUSSI PRÉCIS QUE
POSSIBLE DE L'EUTONIE ET DE
SES RAPPORTS AVEC L'EPS.
Quelle est votre définition de l'eutonie et diriez-vous qu'elle fait partie d'un ensemble de pratiques appelées « gymnastiques douces » ?
Créé par Gerda Alexander en 1957. ee mot est un concept exprimant l'idée de tonus harmonieux, équilibré, juste, dans les différentes situations de la vie quotidienne (encadré 1 ). Le tonus est une fonction neuro-physiologique exprimant l'unité de la personne c'est-à-dire les relations
étroites et inextricables entre les différentes composantes mécaniques, affectives et cognitives de toute conduite. Marie-Claire Guinand, donne la définition suivante : l 'eutonie est une méthode d'exploration sensorielle et sen-sori-motrice du corps au repos, en mouvement et en relation avec son environnement. Son but est la différenciation progressive de la conscience corporelle et son intégration dans la structure de la personnalité. Nous sommes aux antipodes de la conception du
Conseil pédagogique et scientifique de la FSGT d'obédience marxiste qui, au début des années 1970. proposait une classification des APS dans laquelle l'eutonie était considérée comme égale au degré zéro de la communication. Les points de vue diffèrent sur l'intégration de l'eutonie dans un ensemble appelé « gvmnastiques douces ». Différences dues au fait que l'eutonie n'est pas constituée d'exercices du corps exécutés selon un modèle et de façon répétitive. Pendant une séance chacun est en relation singulière, ici et maintenant, avec lui-même et son environnement. En revanche, il y a accord, semble-t-il. pour considérer que la douceur est une des caractéristiques essentielles de l'eutonie puisqu'elle exclut tout ce qui peut être violence faite au pratiquant.
La lecture des publications de l'Institut donne à penser qu'il est traversé par plusieurs courants de pensée sur la formation, la pédagogie et les objectifs. Si cette lecture est juste, quels sont les courants, leurs caractéristiques et la base a minima sur laquelle il y a un accord ?
Gerda Alexander est toujours la
référence tant sur le plan théorique que pratique. Dans son ouvrage Le corps retrouvé par l'eutonie de 1976 (1), elle avance des raisons et des explications empruntant à différents champs scientifiques, notamment celui delà neuro-physiologie. Son souci de rationaliser les fondements et les objectifs est patent. Mais les emprunts faits à des sciences d'appui suffisent-ils à lui donner un caractère scientifique ? Nous sommes là en présence d'une problématique qui n'apparaît pas prioritaire aux responsables de l'Institut rencontrés. L'esprit de finesse prédomine sur celui de géométrie. Ce qui laisse en suspens la question de la preuve objectivable du bien-fondé des principes gouvernant l'eutonie. Une théorie est scientifique si elle est refutable avec des arguments rationnels, eux-mêmes objet d'une théorisation. Ainsi progresse la science, par un jeu de construction-déconstruc-tion permanent. Le mot corps est surabondamment utilisé par Gerda Alexander et ses successeurs. C'est un étonnement si ce n'est un paradoxe car le concept de corps est plutôt réducteur pour parler d'une pratique mobilisant
1 . G e r d a A l e x a n d e r
Elle est née en Allemagne en 1908. En 1929. elle s'installe au Danemark où elle restera jusqu'à la fin de sa vie professionnelle. À Copenhague elle enseigne la rythmique aux futures maîtresses d'écoles maternelles et sous la direction du major Thulin, un des successeurs éminents de Per Henrik Ling. elle travaille dans un institut de gymnastique suédoise. Sa formation de rythmicienne, sa personnalité et un contexte scientifique et culturel favorable à une évolution de la gymnastique suédoise vers davantage de souplesse, de relâchement et de rythme dans les exercices seront les bases de sa réflexion la conduisant progressivement à élaborer l'eutonie.
Pendant la période d'entre-deux guerres de nouveaux courants gymniques se développent sous l'influence marquée de femmes (Elli Bjorksten), de musiciens (Jaques Dalcroze), de mouvements sociaux en faveur de la gymnastique (comme la gymnastique volontaire en Suède). Gerda Alexander joue un rôle actif dans cette mouvance d'idées et de pra-tiques corporelles. Les CEMEA (Centre d'entraînement aux méthodes d'éducation active) lui confient la direction d'un premier stage en 1961 et quelques années plus tard, l'ENSEP de Chatenay-Malabry lui permettra de travailler avec des enseignants d'EPS. Gerda Alexander est décédée en 1993. En 1997 quelques élèves ont fondé l'Institut d'eutonie.
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la personne dans son unité et sa globalité. Le concept de conduite (qui n'appartient pas au vocabulaire des eutonistes). plus large et mieux finalisé, conviendrai! mieux en la matière. Le manque d'unité conceptuelle théorique permet pour certains de distinguer plusieurs courants référants : clinique, psychanalyse, philosophie, spiritualité, etc.. comme autant de cadres conceptuels dans lesquels l'eutonie peut trouver place. En revanche, il y a accord sur quelques principes pédagogiques : non-directivité, neutralité bienveillante, qualité de la présence et de l'écoute, respect inconditionnel des pratiquants.
Les sujets de mémoire des formateurs et les titres des publications de l'Institut d'eutonie font souvent une relation étroite entre l'eutonie et la thérapie. S'agit-il d'un hasard dû au choix des sujets ou d'une certaine coïncidence avec les objectifs de l'Institut ?
Gerda Alexander était de santé fragile. C'est sans doute la raison pour laquelle elle a. en créant l'eutonie. cherché puis organisé à partir d'elle-même une pratique corporelle qu'elle appellera l'eutonie. Le point de départ est donc personnel et à visée thérapeutique. Elle doit renoncer à une carrière de danseuse, trop éprouvante, tout en voulant persister dans une pratique physique n'hypothéquant pas sa santé. A partir de son cas personnel elle a manifesté un intérêt marqué pour les difficultés à charge corporelle d'autres personnes (1). Ces difficultés peuvent être de nature différente mais elles posent une question qui vaut, dans tous les cas de figure. Avons-nous affaire à des malades identifiés comme tels par la médecine ou ne s'agit-il. au moins pour la plupart d'entre eux. que d'hyponcondriaques en quête de mieux-être ? Il s'agit avant tout de prendre soin de soi. ce qui e\ .1 eue toutes les connotations médicales et thérapeutiques véhiculées par les termes de patient et de malade. Le pratiquant est un élève, ce qui donne à penser que nous sommes plutôt sur le terrain pédagogique sans éliminer totalement l'idée de soigner.
Mais qu'est-ce qu'un soin ? Soigner quoi en cas de besoin ? Où sont les limites entre pédagogie et thérapie, bien-être et mal-être ? Gerda Alexander a souhaité que l'eutonie soit reconnue par le corps médical. Aujourd'hui ce
n'est toujours pas le cas. En revanche, hors du champ médical traditionnel il n'est pas impossible de penser que l'eutonie puisse procurer des bienfaits thérapeutiques. C'est peut-être une des raisons pour lesquelles bon nombre de mémoires réalisés par les professeurs d'eutonie étudient les difficultés personnelles de type existentiel chez une partie des élèves.
Quel est votre regard d'eutoniste sur iEPS, le sport et la compétition sportive ? Dans ces différents champs de pratiques motrices l'eutonie peut-elle trouver beaucoup plus qu 'une « place d'estime » ? A première vue on pourrait penser que l'eutonie est totalement
étrangère à l'enseignement de l'EPS et à toute forme de pratique sportive. La réalité théorique et pratique est moins tranchée. En effet, dans le déploiement de la conduite motrice, quelle que soit celle-ci, il y a toujours une relation consubstantielle entre les différentes composantes de la personnalité. Le sauteur à la perche, le joueur de football, le tireur à l'arc, notamment lorsqu'ils sont de haut niveau, ont une conscience approfondie de leur réalité corporelle pour Marie-Claire Guinand. Le langage des sportifs fait souvent appel au mot sensation. Avoir des sensations justes signifie être efficace techniquement et physiquement. A contrario, les coureurs cyclistes lorsqu'ils ne sont pas au mieux de leur condition physique disent volontiers « ne pas avoir de bonnes jambes », c'est-à-dire qu'ils ont la sensation d'avoir les jambes lourdes. L'eutonie peut jouer un rôle intéressant chez les sportifs en leur permettant d'enri
chir le clavier tonique sur lequel ils jouent. C'est sans doute là sa spécificité (2). En revanche, la philosophie, pour ne pas dire l'idéologie, qui sous-tend le courant eutoniste porteur de la pensée de Gerda Alexander rejette la compétition sportive car elle est source de « malmenage » corporel et facteur de discrimination entre les pratiquants. L'eutonie peut trouver une place pendant les cours obligatoires d'EPS. Quelques expériences menées dans l'académie de Besançon démontrent l'intérêt éducatif de situations pédagogiques avant pour objet le corps sensible dans des APS (saut en hauteur, gymnastique, courses, etc.). La découverte sensible du dos et de l'espace arrière, les repoussés, le
contact, les positions de contrôle qui sont les champs d'investigation classique de l'eutonie sont des outils pédagogiques au service d'une meilleure connaissance de soi. Les professeurs d'EPS impliqués dans ces démarches focalisant l'attention des élèves sur une sensibilité élective disent tout l'intérêt de ce travail dans le domaine des apprentissages moteurs et le plaisir éprouvé par les élèves, notamment chez ceux pour qui l'EPS est trop souvent source de difficultés physiques et psychologiques.
Raymond Murcia dit et écrit que l'eutonie peut jeter un pont entre l'Occident et l'Orient. Quel est votre point de vue sur cette vision inter-culturelle ?
Selon René Bertrand : on peut présenter l'eutonie comme métisse et originale. Le concept de culture orientale est vaste et complexe car il est lui-même
multi-culturel. Globalement on peut dire qu'il recouvre un certain nombre de valeurs en rapport avec l'énergie, l'unité et l'harmonie entre le corps et l'esprit, l'individu et le cosmos, une forme de sagesse. Les arts martiaux sont dans le domaine des pratiques corporelles ce qui a fait connaître une autre façon de concevoir et de pratiquer des « sports de combat » plus empreints de ces valeurs que de celles qui caractérisent les sports fondés sur la recherche de la domination de l 'autre. L'eutonie prend en compte dans sa mise en œuvre pédagogique une rationalité scientifique (les données neurophysiologiques, etc.) et les modalités relationnelles singulières du sujet avec lui-même et son environnement. Il en résulte une harmonie et un équilibre de même nature, semble-t-il. que dans les disciplines orientales évoquées ci-dessus. Au-delà du judo originel et non de celui que l'Occident a transformé en sport institutionnalisé ou du yoga et de l'aïkido, c'est toute une v ision politique de la société qu'il faut décoder.
Gerda Alexander, proposait quelques épreuves censées évaluer les effets de la pratique de l'eutonie. Parmi celles-ci, retenons : l'être humain en pâte à modeler, le dessin, les postures de contrôle (encadré 2). la parole notamment. Qu 'en est-il aujourd'hui de l'évaluation en général et de ces épreuves en particulier ?
Évaluer c'est déterminer une valeur qui est quantifiable ou si elle ne peut l'être, elle relève alors du domaine qualitatif (encadré 3). Aujourd'hui la situation est variable selon les régions et les formateurs. La tendance est assez forte en faveur d'un abandon plus ou moins marqué des procédures classiques d'évalua-
2. L e s p o s i t i o n s d e c o n t r ô l e
Elles nous permettent de voir si nos muscles ont l'élasticité et la longueur normales qui sont les conditions primordiales du mouvement optimal des articulations, ainsi que de la tenue et du mouvement fonctionnels. Ainsi définis par Gerda Alexander comme tests de tension, ils permettent de prendre conscience des tensions au niveau des différentes parties du corps. Selon nous, ils sont aussi de bons indicateurs de la souplesse et de l'évolution de celle-ci au fil du temps de la pratique.
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tion sauf pour ce qui concerne l'expression verbale du pratiquant. La parole, quand elle advient, reste essentielle malgré les difficultés pour trouver les mots permettant de parler des sensations. Une écoute et un entendement psychanalytiques sont, semble-t-il, le sésame indispensable pour décoder et comprendre le discours de la personne qui parle. Comparaison n'est pas raison, certes, mais nous pouvons, malgré tout, faire un rapprochement entre les tins des séances d'EPS et celles d'eutonie. Les élèves regroupés autour du professeur sont invités à s'exprimer sur ce qu'ils viennent de vivre. Le plus souvent, au regard de notre observation, ils sont silencieux. Eux aussi doivent être en manque de vocabulaire adapté à ce qu'ils désirent exprimer. Il peut aussi s'agir de silence sur des émotions et des sentiments indicibles. Le professeur d'eutonie et son collègue d'EPS ont à susciter, accueillir et comprendre, autant que faire se peut, la parole souvent confidentielle et mystérieuse quand il s'agit du corps, de son corps, nous dit Françoise Dolto.
Les programmes d'EPS à l'usage des collèges comprennent huit groupes d'activités destinés à développer des compétences générales et spécifiques. Cette présentation des programmes peut être assimilée à une classification des activités physiques sportives et artistiques. L'eutonie a-t-elle et, si ce n'est le cas, peut-elle trouver une place dans la classification actuelle et jouer un rôle pendant les cours d'EPS ?
L'institution scolaire est un lieu dans lequel les enseignants ont pour mission d'éduquer en mettant en scène des programmes officiels. Ceux-ci leur laissent une marge de manœuvre assez limitée quant aux contenus à
enseigner. En revanche, la pédagogie est plutôt affaire de conviction et d'expérience personnelle. Dans ce cadre général les professeurs d'EPS ont la possibilité d'utiliser l'eutonie en tant que contenu d'appui de leur enseignement même si cette spécialité n'est pas incluse ès qualité dans les programmes. Si l'objectif est l'acquisition de compétences à mieux percevoir et sentir, donc à affiner, la conscience des relations entre le sujet et la situation motrice, l'eutonie a un rôle spécifique à jouer. Ses principes de base peuvent traverser toutes les APSA en déplaçant le champ de conscience du modèle technique vers le vécu intériorisé dit une enseignante et d'ajouter : quels que soient les contenus de mes
séances d'EPS je peux toujours faire de l'eutonie. Principes de base et/ou EP de base ? Les professeurs d'EPS eutonistes interrogés ne font pas de différence essentielle entre ces deux expressions. C'est la raison pour laquelle l'eutonie ne peut pas faire partie d'un groupe d'activités, y compris d'un éventuel neuvième qui ne peut être qu'un fourre-tout de pratiques inclassables dans le « schéma directeur » actuel. Vivre le corps, por
ter son attention sur lui. le travailler dans la lenteur pour mieux redéfinir chaque mouvement, oser créer des formes ou une communication en utilisant les techniques de l'eutonie, relève de la provocation pour certaines populations d'élèves. Si j'ai pu constater une attente chez certains, un intérêt seulement pour d'autres, je dois dire que le comportement opposé de deux ou trois élèves, voire même un seul, suffit parfois à rendre impossible ce travail nous confie Dominique Grivey. Ce point de vue en forme de constat souligne bien les difficultés pédagogiques que soulève la pratique de l'eutonie en milieu scolaire. Un certain nombre de conditions favorables à cet enseignement doivent être réunies.
notamment celle relative aux motivations des élèves qui sont le plus enclins à comprendre et à désirer des activités sportives ludiques et techniquement modé-lisées. Sauf cas particuliers la culture des jeunes d'aujourd'hui est sportive. Sans un réel talent pédagogique, fait de connaissance personnelle de l'eutonie et de conviction certaine quant à son intérêt en EPS, il est quasiment impossible de donner une réelle place à cet enseignement.
L'échec scolaire et son cortège de violences faites à l'institution et aux personnes font, hélas, partie du « paysage éducatif» d'aujourd'hui. L'eutonie, de par sa spécificité, peut-elle contribuer à lutter contre ce que certains qualifient de crise de l'école ?
Une des causes de cette crise tient aux difficultés qu'éprouvent un nombre non négligeable d'élèves dans leur vécu corporel au travers des mille et une situations de la
vie quotidienne. C'est une banalité de constater et de déerire la crise de l'adolescence qui se manifeste plus précocement et plus fortement, semble-t-il. aujourd'hui, en particulier dans les zones à forte concentration urbaine. Ces adolescents, mal dans leur peau, fatigués et dont une grande partie de leur vie a pour cadre l'écran, l'ascenseur et la voiture peuvent trouver quelques bienfaits de type curatif en pratiquant de temps en temps l'eutonie. Le niveau de violence est diminué quand se réduit le décalage entre l'image corporelle idéale et celle que vit le jeune en difficulté psychologique pour Anne-Marie Domergue. Sur la base de cette nécessité affirmée avec force, les points de
vue diffèrent sur l'impact réel de l'eutonie et sur les modalités de mise en oeuvre pédagogique. Entre la séance instituée à hauteur de une heure chaque semaine et toute l'année pour une classe de filles de terminales bac professionnel et quelques minutes d'attention intériorisée avec des élèves de 6e il y a toute la gamme des possibles. L'espace qualifié de libre par certains et les moments de calme caractérisant la pratique de l'eutonie ne conviennent pas à tous les élèves ; les conduites engendrées sont à rencontre de l'objectif recherché. Faut-il malgré tout imposer cette pratique ? Quels sont les effets réels sur l'amendement espéré et plus spécifiquement sur les attitudes à l'égard de l'institution scolaire ? Ces questions contiennent des hypothèses pouvant être autant de points de départ d'études rigoureuses apportant des réponses plus étayées et consistantes que celles résultant d'une observation empirique du terrain.
3 . É v a l u a t i o n et e u t o n i e
Faut-il et peut-on évaluer une pratique dans laquelle la sensation est au cœur de celle-ci ? Gerda Alexander utilisait quelques épreuves permettant au pratiquant « de faire le point sur son état du moment » et donnant des indices repé-rables à une personne extérieure et en situation d'observateur. Elles ont été suggérées par l'observation des enfants. Cet arsenal de moyens évalue l'état de la respiration, l'amplitude des mouvements, l'ai
sance, les attitudes, les appuis, la légèreté, l'unité dans la gestuelle qui se déploie. Nous sommes constamment en porte-à-faux entre le quantifiable et le non mesurable, la pertinence et l'aléatoire. En 1973 une étude réalisée par nos soins avec l'aide d'étudiants concluait à la non validité scientifique du « test » de l'être humain en pâte à modeler. C'est vraisemblablement pourquoi Gerda Alexander a abandonné progressivement ces modalités d'évaluation à l'exception des postures.
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Est-il concevable - et si oui comment - que l'eutonie soit une activité choisie par des élèves se présentant au baccalauréat ?
L'eutonie ne faisant pas partie de l'un des huit groupes d'activités elle ne peut, en principe, être choisie comme matière d'examen sauf pour les élèves déclarés inaptes partiels. C'est ainsi que dans l'académie de Dijon une équipe de professeurs d'EPS d'un lycée a programmé un cycle d'épreuves adaptées pour ce type d'élèves. Parmi celles-ci on compte le kinomichi et l'eutonie faisant l'objet d'une dizaine d'heures d'enseignement dans les classes de première et de terminale afin d'être conforme aux textes en vigueur. La détermination de critères d'évaluation pertinents est difficile car l'eutonie ne s'inscrit pas dans un cadre technique et réglementaire. 11 faut donc, afin de pouvoir donner une note ayant du sens, imaginer des indicateurs observables comme la créativité des formes, la fluidité dit mouvement dit Anne-Marie Domergue. L'objectivité de la notation est encore plus aléatoire que la maîtrise d'exécution d'activités à caractère sportif. Si l'eutonie peut trouver une place dans l'un des huit groupes d'activités des programmes c'est dans celui des activités artistiques qu'elle pour-rail se situer à défaut, pour l'instant, d'un neuvième groupe évoqué ci-dessus. L'institution EPS est-elle prête à franchir le pas d'une reconnaissance de l'eutonie comme activité enseignée à tous les élèves et susceptible d'être choisie pour les examens ? Malgré les difficultés d'enseignement et d'évaluation que l'eutonie pose c'est le souhait des professeurs d'EPS eutonistes. Cette reconnaissance institutionnelle
aurait un double avantage : offrir aux élèves une activité développant des compétences générales et spécifiques tout en enrichissant la réflexion sur son enseignement et son intégration dans les épreuves d'examen.
La formation des cadres assurée par l'Institut fait-elle l'objet de conceptions différentes ou est-elle unifie autour de quelques grands principes définis par Gerda Alexander ?
Elle avait le souci de pérenniser l'eutonie. C'est pourquoi elle a créé une école à Copenhague afin de former des personnes compétentes chargées de continuer son travail de son vivant et au-delà. Cette école ne lui rapportait pas un florin mais lui coûtait fort cher dit René Bertrand. Pendant un certain temps, lors de son vivant, la formation des professeurs était plutôt unifiée autour des principes pédagogiques de l'école de Copenhague. Aujourd'hui, il y a des points de vue différents sur cette formation. Des structures régionales (aux alentours de six en 1998) sont nées et se sont développées, chacune d'entre elles marquant sa « différence ». y compris dans le domaine de la formation. Le centre régional de recherche et d'études en eutonie a une formation initiale qui comprend deux parties et s'étale sur quatre années. La formation, en ce qui nous concerne, n'est pas à l'ordre du jour, sauf la formation continue que chacune suit ù titre individuel sur le plan pratique et théorique en participant ci des stages, d i t Christine Kirman, présidente de l'association « Eutonie en Aquitaine ». En Italie et en Suisse existent des structures de formation et d'animation avant, elles aussi, une large
liberté. En France. l'Institut d'eutonie rencontre des difficultés pour définir une position commune.
Quelles sont les conditions requises pour être reconnu professeur d'eutonie rémunéré dans le cadre de la législation actuelle sur les métiers du sport ?
L'eutonie n'est pas un sport, c'est l'é\ idence même, ni une pratique dont les traits fondamentaux seraient d'être moteurs. C'est pourquoi les services de la Jeunesse et des Sports ne reconnaissent pas l'eutonie. Et chacun sait que pour enseigner une activité physique contre rémunération il faut être titulaire d'un brevet d'État d'éducateur sportif délivré par les pouvoirs publics de la Jeunesse et des Sports. Quelques professeurs d'eutonie formés et patentés par l'Institut enseignent en étant rétribués par une personne (faut-t-il l'appeler élève ou simplement pratiquant ?) ou une collectivité, ceci en tant qu'exerçant une activité libérale ou privée non concernée par les métiers du sport.
Un professeur d'EPS a-t-il selon vous et selon l'Institut une compétence suffisante pour utiliser l'eutonie dans ses cours avec ses élèves ?
Les textes actuels ne s'y opposent pas déclare René Bertrand qui ajoute : c'est à chaque professeur de savoir, en fonction de sa compétence en eutonie, ce qu 'il peut utiliser pour rendre le meilleur service à ses élèves. L'Institut, semble-t-il. n'a pas d'opposition de principe à ce qu'il en soit ainsi. En revanche, tous les spécialistes considèrent que la condition sine qua non pour enseigner l'eutonie. y compris en milieu scolaire, est
d'avoir une bonne connaissance pratique personnelle. Ensuite c'est affaire de circonstances institutionnelles et pédagogiques.
En guise de synthèse poss ible
L'eutonie est une pratique qu'il n'est pas facile de situer dans le vaste champ des activités physiques. A tort ou à raison épisté-mologique les programmes d'EPS les plus récents (1997) n'en parlent pas. La pertinence de la conduite mise en jeu pendant une séance est-elle motrice, affective, cognitive ? Un débat peut s'engager sur cette question essentielle puisqu'elle a trait à l'identité de l'eutonie. Néanmoins, nous sommes enclins à considérer que sa dominante est motrice et donc légitime en EPS. Sous réserve, cela a été souligné, que des recherches approfondies, cliniques et expérimentales, permettent de mieux cerner et comprendre les effets sur la personnalité. Sur ce terrain, les avancées sont réelles depuis les travaux réalisés par les professeurs d'eutonie. Il faut aller plus loin en affermissant les preuves de l'efficacité d'une pratique qualifiée de corporelle par les eutonistes. Elle est plus que cela, sans doute. Les enseignants d'EPS peuvent utiliser l'eutonie comme une pratique à caractère basique. Ce n'est pas là son moindre intérêt.
B e r n a r d Paris IPR E P S honora i re .
Référence bibliographique
(1) Alexander (G.). Le corps retouvé par l'eutonie. Éd. Tchou. 1977.
(2) L'intérêt pour l'eutonie est souligné en tant que moyen intégré dans leur entraînement niais aussi pendant les phases de récupération. Voir l 'article de René Bertrand « L'eulonie dans la préparation des athlètes. Une application en canoë-kayak slalom ». Revue EPS n° 266.
Je remercie les personnes qui ont accepté de répondre aux questions : Domergue Anne-Marie, professeur EPS Lycée Camille Claudel, professeur d'eutonie, Caen. Bertrand René, élève de Gerda Alexander, eutoniste, Besançon. Guinand Marie-Claire, physio-thérapeute, professeur d'eutonie, Suisse. Murcia Raymond, professeur agrégé d'EPS honoraire, professeur d'eutonie, Bordeaux. Riminati Michèle, professeur d'EPS honoraire, professeur d'eutonie. Marseille, présidente de l'Institut d'eutonie.
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