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Le contexte culturel des clusters innovants (working paper)

1 Colloque AISRe-ASRDLF 2010

LE CONTEXTE CULTUREL DES CLUSTERS INNOVANTS. L’EXEMPLE DE LA STRUCTURATION DU CLUSTER DES

TECHNOLOGIES NUMERIQUES DE PUNE (INDE)

LEDUCQ Divya

Université Lille Nord de France

ATER en Géographie et Aménagement [email protected]

Résumé :

L’ensemble des courants de pensée de la littérature de géographie économique, allant des districts technologiques aux clusters en passant par celui des milieux innovateurs, reconnait comme particulièrement important le rôle du contexte socioculturel dans l’émergence, l’évolution et la dynamique de structuration des systèmes d’innovation liés au secteur TIC. Il apparait donc légitime de s’interroger sur le degré de prise en compte par les politiques économiques sectorielles des pays émergents, tel que l’Inde, du contexte socioculturel dans l’application de la notion occidentale de cluster de hautes technologies. Dans une démarche de réflexivité, nous nous interrogerons sur les incidences de ce contexte culturel sur l’évolution et la structuration du cluster.

Mots clés : Contexte culturel – système d’innovation –TIC – cinéma – Pune (Inde)

Classification : JEL : H5 ; I2 ; L3 ; N9 ; O1

Association de Science Régionale De Langue Française

mailto:[email protected]�

Le contexte culturel des clusters innovants (WP 06.2010)


LE CONTEXTE SOCIOCULTUREL DES CLUSTERS INNOVANTS : L’EXEMPLE DE LA STRUCTURATION DU CLUSTER DES

TECHNOLOGIES NUMERIQUES DE PUNE (INDE)

1 INTRODUCTION

En géographie, on désigne par contexte socioculturel les usages sociaux et héritages culturels particuliers d’un territoire qui en fondent l’identité et qui influencent les rapports de la société à son espace et entre les membres de la société (Lévy, Lussault, 2003). L’ensemble des courants de pensée de la littérature de géographie économique, allant des districts technologiques aux clusters en passant par celui des milieux innovateurs, reconnait comme particulièrement important le rôle du contexte socioculturel dans l’émergence et la dynamique de structuration des systèmes d’innovation liés au secteur TIC (Camagni, Maillat, 2006 ; Gumuchian, Pecqueur, 2007 ; Vicente, 2005).

De manière chronique, les chercheurs ont prouvé que la structure sociétale influence à la fois les politiques fixés par les institutions et les normes tacites et les règles édifiées au sein des organisations. Les facteurs socioculturels sont considérés comme essentiels dans le maintien et la capacité de résilience d’un tissu d’activités spécialisés. En outre, le secteur TIC ne se limite pas au support de transmission des données et informations, mais concerne aussi directement les contenus (internet et jeux-vidéo) et les services aux entreprises et aux particuliers. De ce fait, l’environnement culturel compte autant pour les prestataires de services à l’étranger (outsourcing) que pour les e-créateurs du marché national. Il apparait donc légitime de s’interroger sur le degré de prise en compte par les politiques économiques sectorielles de pays émergents, tel que l’Inde, du contexte socioculturel dans l’application de la notion occidentale de cluster de hautes technologies et réciproquement des retombées de ce contexte pour l’évolution du cluster.

Nous cherchons à travers cette communication à démontrer qu’à l’instar des pays développés, le contexte socioculturel joue un rôle d’autant plus important dans les technopoles émergentes, qu’il permet de compenser les déficiences des institutions publiques locales et régionales. Ces dernières manquent, en effet, de moyens financiers, d’autonomie, de volonté et de savoir-faire dans le cadre de la concurrence internationale, pour soutenir un milieu entrepreneurial fort et les capacités d’innovation nécessaires à la capacité de créativité et d’innovation du cluster. En s’appuyant empiriquement sur l’exemple indien de Pune, qui est en passe de devenir le cinquième pilier des TIC en Inde, nous montrons en quoi l’identité territoriale multiple des villes indiennes du sud (rapports de castes, classe moyenne émergente, élites transnationales, discrimination positive, disparités de la société) conforte jusqu’à une certaine mesure le tissu économique « local » en permettant des innovations non seulement technologiques mais aussi commerciales, servicielles et logistiques.



2 CONTEXTUALISATION CULTURELLE DES CLUSTERS : PORTÉE ET LIMITES DANS LES TERRITOIRES PÉRIPHÉRIQUES

2.1 Le contexte socioculturel et dynamique du cluster : environnement favorable ou contraignant ?

Dans le cadre de la mise en place d’une politique d’innovation, la prise en compte du contexte culturel peut-être un atout dans le sens où il aide à la structuration du milieu par ses savoir-faire hérités et préexistants. La prise en compte d’un contexte particulier doit aider à combler les lacunes d’un territoire – national, régional, local - mais aussi à mettre en avant ses atouts et ses potentialités de développement.

Il est devenu essentiel – et sans doute n’est-ce qu’une conceptualisation de la réalité - que dans un contexte globalisé, les politiques d’innovation ne soient non plus faites pour les entrepreneurs et les universitaires/chercheurs, mais aussi et avant tout par eux. La présence de l’Etat reste primordiale dans son rôle d’initiateur, de modérateur et de décideur ultime.

Il s’agit non seulement d’un impératif externe de compétitivité mais aussi d’une logique de cohérence interne. En effet, la gouvernance partenariale, de l’institutionnalisation du cluster à sa capacité de résilience, apparait de plus en plus comme un postulat inévitable si l’on souhaite que le secteur privé prenne un relais actif et décisif dans l’instauration d’aides suppléants les fonds publics pour la création d’entreprises innovantes (pépinières d’entreprises, capital risque, monitorat d’entrepreneurs, stages d’étudiants, contrats de recherche…).

Toutefois, dans une époque de mondialisation croissante, prendre en compte le contexte socioculturel plus que les nécessaires impératifs socioéconomiques peut être considérer comme un frein pour rendre le territoire attractif auprès des investisseurs étrangers et nationaux – frein au développement, à la modernisation des infrastructures, des méthodes et des conditions de travail. Ce fait est particulièrement vrai dans des pays émergents – tels que l’Inde ou la Chine – qui souhaite voir se développer d’autres territoires que leur seule mégalopoles, déjà touchées par de nombreuses déséconomies d’agglomération.

Un compromis possible – il n’est bien évidemment pas le seul – peut-être trouvé si le contexte culturel est entendu aussi comme une valorisation marchande possible des ressources culturelles du territoire en question. Ainsi, le territoire devient parti prenante de son développement – et non plus uniquement support. Ses ressources peuvent ainsi être révélées et activées, dans un moment particulier de mise en adéquation d’une demande et d’une offre, de moyens et de compétences.

2.2 Hypothèses formulées sur le terrain indien de Pune

Avant de connaitre le boom informatique qui l’a propulsée au 5ème

Nous avons tour à tour testé les relations entre ces secteurs et les activités des technologies de l’information et de la communication (BPO, services informatiques, activités numériques et multimédias) comme hypothèses/ chemins/ voies de développement prises en compte par

rang des exportateurs de services informatiques en 2009, Pune est réputée dans plusieurs secteurs, traditionnels ou contemporains.



les acteurs du cluster TIC innovant punekar (politiques publiques – formation et recherche – entreprises – réseaux sociaux) :

- le cluster automobile (construction et conception)

- le secteur pharmaceutique et chimique

- l’implantation ancienne et régionale de l’industrie culturelle cinématographique

- la présence de l’Armée de l’Air et de plusieurs de leurs instituts

Figure 1 : Les grandes régions indiennes exportatrices de services informatiques (2008)



3 LE CONTEXTE SOCIOCULTUREL FORT DU CLUSTER TIC DE PUNE : DE L’EMERGENCE A L’AFFIRMATION DU CLUSTER

3.1 Quelle prise en compte du contexte culturel dans les politiques de « clusters » indiens ?

Dans un premier temps, notre but sera ici d’analyser les plans quinquennaux indiens et plus spécialement les chapitres concernant la politique industrielle, le secteur des télécommunications, les sciences et les technologies et le rapport des activités économiques à la ville. L’optique dans laquelle nous travaillerons est celle de comprendre l’évolution sur un pas de temps relativement long (1965-2012) la dynamique de la prise en compte du contexte indien – particularités – dans des politiques d’innovation des TIC.

Dans le second temps, nous focaliserons sur la prise en compte du contexte culturel dans les politiques régionales (Maharashtra) et les schémas directeurs d’aménagement locaux (Pune Municipal Corporation) en lien avec la co-construction et la co-évolution des secteurs TIC innovants.

3.2 Particularités et particularisme du contexte régional et urbain de Pune

Pune peut-être considéré comme un cluster fonctionnant de manière autonome par rapport à Mumbai. L’influence positive ou négative n’est en effet pas flagrante au vue des données qualitatives et quantitatives relevées.

Toutefois nous testerons l’hypothèse qui sous-entend que la proximité avec les industries cinématographiques et culturelles de Mumbai révélée par la présence d’un contexte technologique et économique tout aussi favorable dans la ville de Pune, autorise un effet de diffusion de l’innovation informatique dans des activités multimédias géolocalisées dans l’espace régional marathe (création cinématographique et animation 2D et 3D).



Figure 2 : L’ascension de Pune dans l’Inde des TIC (1993-2007)

4 LES EFFETS DE L’ENVIRONNEMENT CULTUREL SUR LA RESILIENCE DU CLUSTER DE PUNE

4.1 L’importance des réseaux sociaux et des liens tacites transnationalisés

L’avantage de l’Inde se trouve incontestablement dans ses réseaux transnationaux qui ont tissés des liens solides avec des territoires culturels forts. Il s’agit des Silicon Valleys du monde entier, dont celle de San José en Californie.

Nous verrons en quoi les réseaux sociaux et associatifs ont un ancrage territorial autrement plus précis que les seules frontières nationales de l’Inde. Ces formes de proximités cognitives, liés à la culture et aux références partagées sur un territoire local ou régional se transforment grâce à la proximité organisationnelle en de véritable sources ou réservoirs pour l’innovation. Les formes de proximité et les éléments du réseau s’auto-renforçent les uns les autres.

Ainsi, si Nasscom est le réseau d’entrepreneurs indiens le plus connus de tous, ayant favorisé l’émergence du cluster de Bangalore, peut-être à égale partie avec les politiques nationales, régionales, les multinationales et les entrepreneurs locaux – il existe d’autres



forme de groupements résiliaires – politiques, associatifs et scientifiques. Ceux-ci sont tout aussi actifs, à d’autres échelles, et il convient de les prendre en compte pour comprendre de quelle manière les identités culturelles et territoriales comptent dans les relations de confiance, les échanges, les collaborations scientifiques et techniques.

L’information est à la fois la denrée nécessaire et le bien produit par et pour la créativité des individus. Nous comprendrons donc quels sont les ressorts de ces sphères semi-privées dans lesquelles il faut être pour ne pas passer à côté d’une opportunité de développement ou de bifurcation technologique.

Figure 3 : Note sur la méthodologie

Cet article exploite les résultats de plusieurs enquêtes de terrain réalisées en Inde entre 2007 et 2010. Ces enquêtes ont cherché par une approche globale et compréhensive à rassembler un matériau primaire, objectivable et fiabilisé sur le paysage complexe du cluster TIC de Pune. Ainsi, aux côtés des données tangibles, statistiques et quantitatives du taux de création d’entreprises, du taux d’emploi dans le secteur TIC, des liens entre entreprises et université ou laboratoires publics de recherche et du degré de survie des start-up après cinq ans, nous avons collecté par des entretiens semi-directifs enregistrés des déclarations qualitatives concernant l’appréciation des entreprises, institutions publics, organisations privées et centre de recherche (public et privé), des informations sur le rôle du tissu socioculturel dans leur capacité d’intégration en tant que pro-acteur du cluster, et donc sur l’ancrage territorial du cluster.

Source : Divya Leducq, 2010

4.2 L’apport des écoles et instituts de formation

En Inde, les Indian Institutes of Technologies sont les plus réputées des grandes écoles, donnant naissance chaque année à des cohortes d’ingénieurs qui partent vers l’étranger, restent en Inde ou reviennent après avoir acquis une expérience indispensable à la bonne conduite de leurs affaires dans leur domaine.

Nous commencerons par dresser un rapide panorama des spécificités culturelles de ces IIT, avant de voir en quoi, leurs formations, plutôt généralistes - à l’instar des universités dont le niveau d’enseignement et de recherche est d’inégale qualité – sont aujourd’hui complétées par une offre de plus en plus spécialisées dans des niches économiques de développement.

Ainsi, à Pune, nous étudierons comment le cluster est en train de se réorienter en prenant en compte ses savoir-faire et les demandes d’un marché régional et national :

- films hindi et marathe tournés dans les studios tout proches de Bollywood

- festival du cinéma indien et présence de la maison des archives du cinéma indien à Pune

- explosion d’une demande – insatisfaite – pour les animations : dessins animés, scènes avec des effets spéciaux, imagerie en 3D (publicité, cinéma, sciences et technologies)

- présence d’un tissu de TPE/ PME spécialisés dans l’animation et le design 3D (passion des techies)



- coopération internationale (Angleterre, France et Inde) pour l’implantation du numéro 1 mondial de l’enseignement dans le secteur des multimédias : Supinfocom, Supinfogame, en partenariat avec un groupe indien DSK.

Nous analyserons quels sont les liens entre ces faits socio-économiques et en quoi ils participent à la fois au renforcement et à la spécialisation du tissu économique, tout en ne l’enfermant par dans une trajectoire technologique unique. Nous verrons aussi qu’entre la réalité souhaitée et impulsée par les metamanagers de la ville et la réalité du terrain à l’échelle indienne, il existe des discordances de fond qui conduisent parfois davantage à une concurrence entre les technopoles indiennes plutôt qu’à un véritable travail coopératif, comme la théorie des clusters innovants le souhaiterait.

5 CONCLUSION : LES APPORTS DU TERRAIN INDIEN A UNE THEORIE GEOCENTREE EN OCCIDENT

Par cette communication, qui présente une partie de notre travail en cours, nous avons rappelé qu’à travers la prise en compte du contexte socioculturel par les acteurs politiques, c’est la structuration, l’évolution et la résilience du cluster qui s’en trouvent renforcées. En effet, considérer le contexte culturel au sein d’une politique publique d’innovation, c’est d’une part mettre en valeur les atouts hérités d’un territoire (compétences, savoir-faire, spécificités), mais c’est aussi doter les politiques publiques d’un véritable ancrage dans le contexte économique actuel – aux confins de la mondialisation, des délocalisations/ relocalisations.

En nous appuyant sur l’exemple de l’Inde, nous essayons de montrer que les politiques de clustering ne fonctionneront que si elles s’appuient sur les réalités tangibles et concrètes d’un pays en développement. L’implantation de politiques technopolitaine s’avère efficace que si le local est pris en compte et consulté – qu’il soit de nature « privée » ou « publique ». Ainsi, jouer sur les réseaux de villes existants, la densité culturelle des lieux, et les compétences reconnues des personnes, permet à la fois de remonter une chaîne de valeur plus rapidement, mais aussi d’adosser le développement des industries culturelles ou nouvelles formes de technologies numériques.

Enfin, les espaces urbains de ces pays – l’Inde ou la Chine - sont de plus en plus fractals et interroge l’unité même des aires urbaines gigantesques. Dès lors, on peut émettre l’hypothèse que ce ne sont pas les espaces urbains tout entiers qui servent de tissus territoriaux à l’ancrage du milieu innovateurs – comme c’est bien souvent le cas en Europe, mais bien davantage des quartiers de ville, présentant une identité culturelle forte, liée à la présence de structures ou d’évènement culturels – il peut s’agir d’un musée, d’une université ou encore d’un lieu de représentations/spectacles – qui deviennent les espaces d’inventivité, de créativité, et d’innovation.



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