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La Fiscalité du Maroc à l’ère du COVID-19 : Impact des mesures fiscales prises, retombées de la baisse de l’activité, et propositions de mesures fiscales post-crise. (30 Avril 2020) Par : L’Association Dauphinoise d’Administration Fiscale – Section MAROC. Equipe de rédaction : Khadija BELMOKHTAR Mohammed FADLI Mohamed OUASSIM Siham DIAI Soukaina EL IDRISSI ELKHAMLICHI

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LaFiscalitéduMarocàl’èreduCOVID-19:

Impactdesmesuresfiscalesprises,retombéesdelabaissedel’activité,etpropositionsdemesuresfiscalespost-crise.

(30Avril2020)

Par:

L’AssociationDauphinoised’AdministrationFiscale–SectionMAROC.

Equipederédaction:

KhadijaBELMOKHTAR

MohammedFADLI

MohamedOUASSIM

SihamDIAI

SoukainaELIDRISSIELKHAMLICHI

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LISTEDESABRÉVIATIONS:

ATD:Avisàtiersdétenteurs

CVE:ConseildeVeilleEconomique

CNSS:CaisseNationaledelaSécuritéSociale

CESE:ConseilEconomiqueSocialetEnvironnemental

CGEM:LaConfédérationGénéraledesEntreprisesduMaroc

CA:Chiffred’affaires

DGI:DirectionGénéraledesImpôts

HCP:Haut-CommissariatauPlan

PME:Petitesetmoyennesentreprises

RNR:RésultatNetRéel

RNS:RésultatNetSimplifié

TGR:TrésorerieGénéraleduRoyaume

TPE:Trèspetitesentreprises

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Avant-Propos:

FaceàuneinvasionduvirusSARS-COV2, jusque-làméconnu, lemondeseretrouvedevantunesituationinédite.Avecl’accentuationdelasituationpandémique,etdansl’absenced’unvaccin affirmé, nombre de gouvernements des Etats ont choisi une solution, qui bienqueprimitiverestelaplusefficace,oucelledudernierrecours,leconfinement.

Rigoureux dans certains pays, plus commode dans d’autres, le confinement ne peut êtremenésansconséquencesurleséchangesmondiauxetleséconomiesdespays.Lesexpertsse sont tous accordés à prédire une récession et à avertir les gouvernements quant auxbesoinsd’unegestionproactivedelasituation,pendantlacrise,maisaussietsurtoutaprèslacrise.

L’impôt, de par sa fonction économique, est toujours invoqué au cœur des questionssoulevéesdanslecontextedescriseséconomiques.

L’AssociationDauphinoised’AdministrationFiscale(ADAF)apris l’initiatived’organiseruneconférence en collaboration avec les ADAF locales, en vue d’exposer lesmesures d’ordrefiscalentreprisesparlesdifférentspaysàtraverslemonde.

Ce modeste travail a été donc réalisé dans l’objectif de contribuer aux travaux de cetteconférence,etenvued’enrichirledébatautourdelaquestionfiscaleàl’èreduCOVID-19.

3

Introduction

SuiteàlapropagationduCOVID-19àtraverslemonde,etdèslorsquel’Europeestdevenuelenouvelépicentredelapandémie,leRoyaumeduMarocaprisdesmesuresdraconiennesafin de préserver la santé de sa population, en commençant par interdire lesrassemblements de plus de 50 personnes, la fermeture des établissements scolaires etuniversitaires, des restaurants, cafés etmosquées, la fermeture des frontières terrestres,aériennes et maritimes, sauf pour le transport des marchandises, avant de passer à unconfinementgénéralde lapopulationendéclarant l’étatd’urgencesanitaireenvertud’undécret-loiapprouvéle23mars2020.

Lesmesuresprisesparlesdifférentspaysayantprivilégiélasantédeleurspeuples,onteudesincidencesdirectessurlesentreprisesetlesménages.Ellesontnaturellementprovoquéunebaissed’activité,voiremêmeunarrêttotaldanscertainssecteurshautementexposés,menantainsiàunecriseéconomiqueinévitableàl’échelleplanétaire.

Le Royaume duMaroc, et en application des hautes instructions da samajesté le Roi, arapidementréagienmettantenplaceunFondsdegestiondelapandémieducoronavirusdotéd’uneenveloppede10MMDH1,destinéàprendreen charge lesdépensesdemiseàniveaududispositifmédical, et à soutenir l’économie nationale pour faire face aux chocsinduitsparcettecrisesanitaire.Legouvernementmarocainavaitaussibienavantcelamisen place un comité de veille économique (CVE) afin d’assurer le suivi de l’évolution de lasituation économique du pays, et identifier les mesures d’accompagnement des secteursimpactés. Les premières mesures n’ont pas tardé à prendre place, et peuvent êtreénumérées(àladated’élaborationduprésentessai)selontroisaxes:

- DesmesuresenfaveurdesTPME.- Desmesurespoursoutenirlessalariés.- Desmesuresdesoutienauxménagesopérantdanslesecteurinformel;

Danslecadredecetteapprocheanticipatrice,etafinderéduirelapressionsurlatrésoreriedesTPE/PMEetdeleurpermettredecontinueràhonorerleursengagementsfinanciers,leCVE a adopté le 16Mars une série demesures, dont certaines à caractère fiscal, il s’agitnotammentde:

- Autoriser aux entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 20MDH, si elles lesouhaitent,unreportde l’échéancedu31mars relativeauxdéclarations fiscalesetaupaiementdel’impôt,jusqu’àfinJuin.Lereportdecetteéchéanceportesurledépôtdeladéclarationdurésultatfiscal, lepaiementducomplémentdel’impôtsur lessociétésdûautitredel’exercice2019,etceluidu1eracompteprovisionneldel’ISexigibleautitredel’exerciceencours.CettemesureexcluttoutefoislaTVAetlereversementdesimpôtsretenus à la source dont les entreprises ne sont que des simples collecteursintermédiaires.

1Lefondsapumobiliser32MMDH.

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- Permettre aux sociétés dont le chiffre d’affaires est supérieur ou égal à 20MDH, desmesures de bienveillance, sous forme d’un étalement ou d’un report du paiement del’impôtsuiteàunexamenindividualisédechaquedemande.

- SuspendrelesATDetlescontrôlesfiscaux.

LorsdelaréunionduCVEdu14Avril,unenouvellesériedemesuresfiscalesaétéprise, ils’agiteneffet:

- Dureportdesderniersdélaisdedéclarationsannuellesde revenuspour lespersonnesphysiquesquilesouhaitent,definavrilau30juin2020.

- Del’exonérationdel’impôtsurlerevenu,toutcomplémentd’indemnitéverséauprofitdessalariésaffiliéàlacaissenationaledelasécuritésociale(CNSS)parleursemployeurs,danslalimitede50%dusalairemensuelnetmoyen.

Laprésenteétudeapourobjectifd’évaluer,dansunpremiertemps, l’impact immédiatdeces mesures fiscales sur les recettes de l’Etat marocain, et dans un deuxième temps,analyser les retombéesde labaissed’activité induitespar lesmesuresde l’étatd’urgencesanitairesurlaréalisationdesrecettesfiscalesdel’annéeencours,ainsiqueleséventuellesconséquences sur le rendement fiscal à très court terme, avant de terminer par unquestionnementsurlerôledelafiscalitédanslagestiondelaphasepost-crise;serait-t-ellepour l’Etat, un instrument de financement des dépenses en augmentant les taux ou enélargissant l’assiette, ou bien un instrument pour relancer l’économie en octroyant desavantages,ouserait-t-elleuninstrumentderépartitiondelarichesseenbaissantlapressionfiscalesurlapopulationensituationdeprécaritéetenaugmentantcelledesplusriches?

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Partie I: Mesures fiscales prises par le Maroc: Impact éventuel sur lesprévisionsdesrecettes

I. Lereportdeséchéancesdepaiementdescomplémentsde l’IS2019,etdesversements du premier acompte provisionnel; une mesure gagnant-gagnant!

Lereportdeséchéancesestunemesuredetoléranceselonlaquellelesentreprisesdontlechiffred’affairesestinférieurà20MDH,peuventsielleslesouhaitent,bénéficierdureportdes déclarations fiscales et du paiement de l'impôt, du 31 mars jusqu’à fin Juin. Cettemesure devrait naturellement avoir pour effet immédiat une baisse des recettes de l’ISréaliséesautitredupremiertrimestre2020,quenousdisentdoncleschiffres?

A. Lecture dans les statistiques du bulletin du premier trimestre 2020 publié par laTrésorerieGénéraleduRoyaume

SelonlaLoidefinance2020,lesrecettesdel’ISdevraientatteindreles53,5MMDHcontre51,6MMDHet52,4MMDHrespectivementen2018et2019.

LeBulletinstatistiquepubliépar laTrésorerieGénéraleduRoyaumemontreque, jusqu’au31Mars 2020, les recettes de l’IS ont déjà atteint un taux de réalisation de 27,33%, 14,6MMDH contre 14,9MMDHet 14,97MMDH respectivement en 2018 et 2019 (un tauxderéalisationrespectifde28,97%et28,41%),soitdoncunebaisselégèredutauxderéalisationde1,64%parrapportàceluide2018etde1,08%parrapportà2019,cequicorrespondenmoyenneàunéquivalentde728MDHparrapportauxprévisions.

Seloncepremierscénarioderéalisationdesrecettesquiseraitsimilaireàceluidesannées2018et2019,nouspouvonsconstaterquel’impactdelamesuren’estpastrèssignificatif,cela peut être expliqué par le fait qu’à la date où la mesure a été prise les versementsavaientdéjàétéeffectués,d’oùlafaiblevariationdesrecettesdel’ISdupremiertrimestre.

Dans un scénario optimiste de réalisation des recettes de l’IS, et en prenant cette fois-cicommeréférencelamoyennedestauxderéalisationannuelsdes5dernièresannéesquiestde 99,40%, la réalisation des recettes au 31 mars 2020, serait en baisse de 17,9 % parrapportà lamoyennede2005à2019(32,21%),soit l’équivalentde2,6MMDHautitredupremiertrimestre.

B. Quel impact devrait avoir un report des échéances de paiement de l’IS desentreprisescibles?

UneenquêtemenéeparlaconfédérationmarocainedesTPE-PMEentrele18Marset le4Avril sur unéchantillondeplusde1080entreprisesparmi les TPME, 83%des entreprisesseraientenarrêttotald’activité,17%seraient,elles,enarrêtpartiel.

6

Un rapport du Conseil Economique Social et Environnemental (CESE) sur le système fiscalmarocain2,affirmeque1066entreprisespayent80%del’IS,3466entreprisespayent90%et7862 entreprises payent 95% de l’IS. Une analyse plus fine des chiffres du rapport nouspermetdeconclurequelacatégoriedesTPMEcontribueà20%del’IStotal,cemêmechiffrerevientdansundossierréaliséparlarevueconjoncture3,quiconfirmequelacatégoriedesTPE-PMEcontribueà20%del’IS.

Le croisement des données précitées, mènerait à dire que l’arrêt d’activité de 83% desentreprises,etqui, théoriquement,devraientcontribueràhauteurde16%de l’IS,etdansl’hypothèse où ces entreprises bénéficieront du report de l’échéance de versement dupremieracompteprovisionnel,aurapoureffetunediminutiondesrecettesdel’ISautitredupremier trimestred’unmontantde2,1MMDH,unchiffrequi, rappelle-t-on, se rapprochechiffreavancédansnotrepremièreanalyse.

700MDH dans un premier scénario, ou encore 2 MMDH dans un scénario optimiste deréalisationderecettes,seraitdonclegapimputableàlamesurefiscalepriseparleCVE,quedevraientenregistrerlescaissesdutrésorautitredupremiertrimestre2020entermesderéalisationderecettes,etcecomparativementàunesituationnormale,nonmarquéeparlacrise.

En effet, cet écart ne représente que 3,2% du total des recettes fiscales enregistrées aupremiertrimestre2020,etserarécupérédèslafindudeuxièmetrimestre.Cettedifférencenepèseraque légèrement sur la trésoreriede l’Etat, surtout si l’onconsidère les sommesmobiliséesparleFondsdegestiondelapandémieayantatteintfinMars18,3MMDH,cequiempêcheraitderessentirungrandimpactsurlatrésorerie.

Cettepremièremesureadoptéeparl’EtatadoncpermisdesoulagerlatrésoreriedesTPE-PME, qui représente 93% du tissu économique marocain, sans pour autant impacter demanière significative le rythme de réalisation des recettes fiscales au titre du premiertrimestre.

II. LasuspensiondesAvisàTiersDétenteuretdescontrôlesfiscaux:Lespertessont-ellesdéfinitives?

Prise pour soutenir les entreprises en difficulté, la deuxième mesure du CVE a visé lasuspensiondescontrôlesfiscaux,toutcommelesAvisàTiersDétenteurs.

Selonsondernierrapportd’activité,lescontrôlessuiteauxactionsdelaDirectionGénéraledes Impôts ont rapporté 17,7MMDH durant l’année 2018, dont un total de 8,6MMDHprovenantducontrôlefiscalsurplace,unchiffrequireprésente4,05%dumontanttotaldesrecettes fiscales contre 3,25% en 2017 (l’équivalent de 6,7MMDH). En prenant commeréférencel’année2018,lasuspensiondescontrôles.

2ConseilEconomiqueSocialetEnvironnemental,laCommissionPermanentechargéedesaffaireséconomiquesetdesprojetsstratégiques,«UnsystèmeFiscal,pilierpourleNouveauModèledeDéveloppement».3«LaPME,moteurdel’économiemarocaine»(Octobre2011).Conjoncturen°930,p.18.

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La suspensiondes contrôles surplacependantuneduréede3moispourrait généreruneperte de 2,8MMDH qui ne peut être récupérée durant l’année 2020 sans la réalisationcomplète du planning annuel de contrôle, chose qui s’avère très difficile suite à laprolongation de l’Etat d’urgence sanitaire jusqu’au 20 Mai et qui pourrait soit être denouveauprolongéoubiensuivid’unplandedéconfinementprogressif.

D’autre part, la perte latente de recettes fiscales, durant la période de l’état d’urgencesanitaire,aveclasuspensiondesATDetdescontrôlesfiscauxseraéventuellementdéfinitivepourlesexercicesetlescôtesprescritscetteannée.Toutdépendradelalecturedonnéeaupremierparagraphedel’article6dudécret-loin°2.20.292édictantdesdispositionsrelativesàl’étatd’urgencesanitairepubliélemardi24marsauBulletinofficiel,quistipuleque«Tousles délais prévus par les textes législatifs et règlementaires en vigueur sont suspenduspendant la période de l’état d’urgence sanitaire déclaré. Ils recommencent à courir àcompterdulendemaindelalevéedel’étatd’urgenceprécité».

Deuxclivagesémergentdel’interprétationdeceparagraphe:

- Ledélaideprescriptionn’estpasconcernéparl’article:danslamesureoùlelégislateurautiliséleterme«délais»danssonsenslargeselimitantainsiauxdélaisdesprocéduresprévusdanslestexteslégislatifsetréglementaires.Eneffet,onremarquequelorsquelelégislateur désigne le délai de prescription, il utilise «les délais de prescription»(chapitre IVcodegénéraldes impôts)ou«de laprescription» (chapitre IXducodederecouvrement) et non pas «les délais». Selon cette interprétation, l’Etat subira unepertedéfinitivedesrecettesfiscalesdesexercicesprescritsdont lecontrôlefiscaln’estpas exercé, suite à la suspension des contrôles fiscaux durant la période de l’étatd’urgenceet égalementde recouvrementd’autresdont l’actionen recouvrement seraprescrite.

- Leterme«lesdélais»utiliséparlelégislateurdanslepremierparagraphedel’article6regroupe tous les délais prévus dans les textes législatifs et réglementaires y comprisceuxdelaprescriptiondescontrôlesfiscauxouceuxdel’actionderecouvrement.Cetteinterprétationpermettraàl’Étatdegarderledroitd’exercerlecontrôlefiscaletl’actionderecouvrementdesexercicesetdescôtesprescritscetteannée.

Aucunecirculaireounoteexplicativen’estpubliéepar laDGIenmatièredecontrôlefiscalou par la TGR en matière d’action de recouvrement pour statuer sur l’interprétation dupremier paragraphe de l’article 6, faute de quoi toute action de l’administration sur lesexercices et les côtes prescrits cette année donnera lieu à des contentieux et créera desdivergencesquantàleursjugements.Au-delàdumanqueàgagnerenmatièrederecettes,lagestionducontentieuxquiendécouleraseraconséquente.

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III. Lereportdesdéclarationsenmatièred’impôtsurlerevenuprofessionnel,etl’exonération du complément de salaire: Une faible incidence fiscale, ungrandimpactsocial.

Dans la perspective de continuer à immuniser les acteurs les plus vulnérables contre leschocs induits par la pandémiedu covid-19 et lesmesures qui l’ont accompagné, le CVE adécidé à l’issue de sa quatrième réunion d’entamer une nouvelle série de mesures, lecaractère fiscal y demeure toujours présent, étant un levier essentiel de préservation dutissu économique. La sauvegarde du pouvoir d’achat des travailleurs appartenant auxsecteursayantconnudesarrêtsdéfinitifsoupartielsavait,dèslespremiersjours,constituéunepriorité.AprèsavoiraccordéuneindemnitéforfaitaireàtoutsalariédéclaréàlaCaisseNationaledeSécuritéSociale(CNSS)finfévrier2020,leCVEdécideenplusd’exonérertoutcomplément versé par les employeurs en sus de l’indemnité précitée, et ce à hauteur de50%deleurrémunérationnette.Cettemesuren’aurapasd’effetadditionnelsurlesrecettesfiscales,autrequeceluiinduitparl’arrêtdel’activitédecesmêmessalariés,bienentendu,dans l’hypothèse où cette mesure ne soit pas objet d’abus, et que les déclarations dessalariésmisenarrêtsoientencorrélationaveclaréalité,cartouteutilisationfrauduleusedelaprésentemesurepardesfaussesdéclarations,estdenatureàfaussernosconclusions,età compromettre avant tout les calculs du CVE. La deuxième partie de notre essai sepencheraplusendétailsurlesretombéesdelabaissed’activité,etparconséquentlamiseenarrêtdessalariéssurlesrecettesdel’IRdel’année.

Toujours en rapport avec l’IR, cette fois-ci dans sa composante professionnelle, il a étédécidé d’un report des délais des déclarations des revenus des personnes physiquessoumisesàl’IRconformémentàl’article82ducodegénéraldesimpôtmarocain,ainsiqueles droits y afférents, et ce du 30 Avril 2020 au 30 Juin 2020. Ce report concerne lescontribuables soumis à l’impôt sur le revenu au titre de leur revenu professionnel,déterminé selon le régimedu résultatnet réelou celuidu résultatnet simplifié, et/ouautitredeleursrevenusagricoles.

En vuedemesurer l’incidence immédiatede laprésentemesure sur les recettesde cettecatégoried’impôt,nousdevons faired’abordun focus sur la structurede l’IR,unpassageinévitable pour pouvoir appréhender la part que représente l’IR professionnel dansl’ensembledesrecettesdel’IR.SelonlessourcesduMinistèredel’Economieetdesfinances,reprises dans un article du journal quotidien l’économiste, 73% de l’IR est payé par lessalariés du secteur public et privé, seulement 10% des recettes de l’IR proviennent desrevenusprofessionnels.Unelecturedans l’évolutiondesrecettesde l’IRautitredupremiertrimestrefaitressortirun tauxde réalisationde25,84% jusqu’au31mars2020.Enmoisd’Avril 2019, le tauxderéalisationétaitde37,22%,untauxquis’écartelégèrementdutauxderéalisationhabituelle

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en cettepériodede l’année, et qui varie généralement autourde35%4.Dans l’hypothèsed’unrendementfiscalsimilaire,etparglissementannuel,lesrecettesdel’IRenmoisd’Avril2020devraientdoncatteindreles17,2MMDH.Suite à un report des déclarations des personnes physiques soumises à l’IR professionnelselon le régime comptable, et en tenant compte du poids de la contribution de cettecatégoriecibléedans lesrecettesglobalesde l’IRquis’élèveà6%5desrecettesseverrontreportéesàplustard,etviendrontsesoustrairedumontantdesrecettesestiméesencettepériodedel’année,cequiéquivautendirhamssonnantettrébuchantàenviron2,7MMDH6.L’analysenes’arrêtepaslà,carilconvientdepréciserquelescotisationsminimales,selonlecalendrier du fisc, sont réglées en début d’année, seuls donc les montants desrégularisationssontversésencomplémentsdesdéclarationsenmoisd’avril,dece fait,etpouravoiruneestimationqui s’approchede la réalité, il faut tenir comptedespaiementsdéjàeffectuésparlespersonnesphysiquessoumisesàl’IRselonlerégimeforfaitaire,etdesurcroit les cotisations minimales avancées en début d’année, ce qui diminuera donc lemontantdeplusieurscentainesdemillionsdedirhams.Enmatièrederecettesd’impôtsurlerevenu,notammentl’IRprofessionnel,etcommenousl’avonspréciséprécédemmentpourl’IS,l’impactdirectetimmédiatdesmesuresprisesparle CVE, ne déstabiliseront pas significativement le rythme de recouvrement, ils n’aurontjusque-làpourimpact,qu’unelégèrediminutionponctuelle,etquiserarécupéréedèslafindel’échéancedebienveillanceaccordée,d’autantplusquelaplusgrandepartresteplutôtassurée par les travailleurs du secteur public et privé, ces derniers, qui sontmis en arrêtdansplusieurssecteurs,représenterontuncoupplusressentienmatièrederecettesdel’IRdesmoisdeMaietultérieurs,cequivanonseulementsecouerlerythmedesrentréesderecettes dans l’immédiat,mais également chambouler les prévisions de la loi de financesrelativesà l’IR.Dansunscénariopluspessimiste,quinousparaitàcestade inéluctable, labaissenemanqueraitpasdejeteruneombresurl’annéesuivante.

4Cetécartpeutêtreimputéaux relancesqu’avaitfaiteslaDGIen2018ayantciblésparticulièrementlesprofessionslibérales,haussantainsilecontrôlevisantlespersonnesphysiquesde500%,cequiexpliquelepiqueconstatéencettepériodedel’année20195Guidestatistique2019(DGI)6Ensebasantsurlesprévisionsannuelles,etdansl’hypothèsedurespectducalendrierfiscaleparlescontribuables.

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Partie II:Baissed’activitééconomique:quel impactsur lesrecettes fiscalesde2020,etquellesperspectivesen2021?

I.ImpactdelapandémieCovid-19surlesrecettesfiscalesentermesdeTVA

Depuisladéclarationdel’étatd’urgence,unralentissementaétéconstatédansl’activitédesentreprises opérant dans de différents secteurs constatant soit un arrêt temporaire oudéfinitif de l’activité soit une baisse du chiffre d’affaires desdites entreprise. En effet,l’enquête réalisée par l’HCP (figure n° 1) a révélé que depuis le 23 mars, date dedéclenchementdel’étatd’urgenceauMaroc,suruntotalde57%desentreprises,89%desentreprises du secteur du tourisme (hébergement et restauration), secteur le plus touchépar la crise au Maroc, ont cessé leur activité provisoirement ou définitivement. Aussi,l’activitédes industriesdemanufacturea connuune régressionenmoyennede60%ainsiquelesecteurimmobilieravecunebaisseavoisinantles63%.

Figuren°1:Proportiondesentreprisesenarrêtprovisoireoudéfinitifparsecteurd'activité

Aussi, l’enquête réalisée par la CGEM auprès de différentes entreprises dans l’objectif demesurer la baisse de leur CA, a fait ressortir que les entreprises qui maintiennent leuractivitéenl’occurrencedanslesecteurimmobilier,secteurtouristiqueetlesecteurdesarts,spectaclesetactivitéscréativesontvuleurCAbaisserrespectivementde68,75%,66,74%et58,86%.

ACTIVITÉSIMMOBILIÈR

ES

AGRICU

LTUR

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PÊCH

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TRICITÉ,DEGA

Z,DEVA

PEUR

HEBE

RGEM

ENTE

TRE

STAU

RATION

TRAN

SPORT

63%

24%

62%46%

59% 52%32%

60%48%

60%

89%

54%

11

Figuren°2:LabaisseduChiffred’Affaires(en%)

Cependant,lesecteurimmobiliernecontribuequ’àhauteurde0,82%auxrecettesdeTVA.Ainsi,l’impactd’untelsecteursurlafiscalitémarocainepeutêtreconsidérénonsignificatif(figuren°3).LesrecettesdeTVAdusecteurdesarts,spectaclesetactivitéscréatives,quantàelles, représentant3,37%cequiengendreraitunediminutionquiapproche1,98%avecunmontant approximatif de 767581859,41 MAD. Quant au secteur d’hébergement et derestauration(tourisme)dontlesrecettesfiscalesentermesdeTVAsontàl’ordrede979730489,00MADreprésentant2,53%,ladiminutiondeCAauraitunimpacttraduitparunebaissede1,69%desrecettesfiscalesdeTVAavecunmontantde653872128,36MAD.

S’agissantdusecteurducommercedelaréparationd'automobilesetdemotocyclesdontlacontribution est la plus significative en termes de recettes de TVA avoisinant 18,5%, leditsecteur a connu une baisse du CA de 38,35 % qui se traduirait par une baisse plussignificativeàsavoirenviron7,10%(2751319599,574MAD).

Concernantlesecteurdel’industriemanufacturièrelequelgénérantdesrecettesdel’ordrede17,05%desrecettesglobalesdeTVA,labaisseduCAcourantlemoisdemarsde33,50%auraitun impacttraduitparunebaissedesrecettesdeTVAd’unmontantavoisinant les2211721852,31MAD.

TenantcomptedetouslessecteursdontlesCAontconnuunebaissefluctuantentreles20%et70%(figuren°3),lesrecettesdeTVAcorrespondantessubiraientunediminutionglobalede36%.

0 10 20 30 40 50 60 70

ACTIVITÉSDESERVICESADMINISTRATIFSETDESOUTIENACTIVITÉSFINANCIÈRESETD'ASSURANCE

ACTIVITÉSIMMOBILIÈRESACTIVITESNONCONFORMESALANMAAGRICULTURE,SYLVICULTUREETPÊCHE

ARTS,SPECTACLESETACTIVITÉSRÉCRÉATIVESAUTRESACTIVITÉSDESERVICES

COMMERCE;RÉPARATIOND'AUTOMOBILESETDE…CONSTRUCTIONENSEIGNEMENT

HEBERGEMENTETRESTAURATIONINDUSTRIEMANUFACTURIÈRE

INDUSTRIESEXTRACTIVESINFORMATIONETCOMMUNICATION

PRODUCTIONETDISTRIBUTIOND'ÉLECTRICITÉ,DEGAZ,…TRANSPORTSETENTREPOSAGE

50,0632,38

68,7535

28,9858,8661,67

38,3543,2143,77

66,7433,5

41,2541,33

34,81546,35

12

Figuren°3:ContributiondessecteursenTVA(2019)etBaisseduCAenmars2020

II.L’impôtsurlerevenu:L’IRsalarial,legroslot!

A. Une inactivité temporaire de 3 mois est de nature à baisser les prévisions deréalisationdesrecettesfiscalesdel’IRautitredel’année2020.

Àladateoùnousrédigeonscetessai,etd’aprèsleschiffresannoncésparM.leministredel’EconomiedesFinancesetdelaRéformedel’Administration,820000salariéssontdéclarésenarrêt, lesréponsesd’uneenquêteadministréepar laCGEM(LaConfédérationGénéraledesEntreprisesduMaroc)auprèsde1820entrepriseslaissentprésagerundoublementduchiffre,d’autresprévisionss’accordentaussisurlemêmeordredegrandeur,soitenviron1,5Milliondesalariésd’icifinavril.Lesrecettesdel’IRvontforcémentsuivre,etlesretenuesàlasourceautitredesmoisd’Avril,Mai,etJuindiminuerontenparfaitecorrélation.

Envued’estimerlepoidsdelapertepotentielleengendréeparl’inactivitésurlesprévisionsfiscalesdel’année2020,ilnousfaudrad’abordunfocussurlastructuredel’IRsalarial.

Eneffet,73%desrecettesdel’IRsontacquittéesparlessalariésdusecteurprivéetpublic,enretranchant les34%desfonctionnairesde l’Etat, lacontributiondessalariésdusecteurprivé est de 66%, soit l’équivalant de 20,5 MMDH selon les chiffres de 2018. Parmi lessalariés du secteur privé soumis à l’IR, seulement 40% le supportent en raison del’exonérationdes60%restants.

15,41%

3,01%

3,37%

8,95%

1,21%

17,05%

4,87%

18,52%

0,04%

0,84% 9,13%

4,27%

0,18%

0,44%

2,53%

0,28%

32,38%

34,82%

58,86%

41,33%

41,25%

33,50%

50,06%

38,35%

28,98%

68,75%

43,21%

46,35%

35,00%

61,67%

66,74%

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Entermesd’effectif,95%de l’IRsursalaireestsupportépar10%dessalariés,notammentceuxdontlerevenuestsupérieurà80000DHparan,soitenviron6600DHmensuelbrut,74%desrecettesdel’IRsalarialsontsupportéespar les4%dessalariésdontlerevenuestau-delàde180000DH/an,soitl’équivalentenbrutmensuelde15000DH.

Dansl’absencedechiffresetd’informationssurlarépartitiondessalariésdéclarésàlaCNSSdevantbénéficierdel’indemnité,etentenantcompteduseulfaitqueles820000salariésreprésentent 31% des immatriculations à la CNSS, ou encore 58% si l’on considère lesperspectives de doublement de ce chiffre d’ici fin Avril, notre hypothèse serait donc deconsidérerque lamiseenarrêtestplutôtreprésentéedans les90%dessalariéscitésplushaut,etquinereprésententque5%desrecettesdel’IRsursalaire.Celarevientàdirequedansl’undesscénarioslespluspessimistes,quantautotaldessalariésenarrêt,lesrecettesde l’IR salarialede l’annéeseverront réduitesde l’équivalentdes5%sur le trimestre.Parsimple glissement annuel, et dans l’hypothèse d’un taux de réalisation similaire à l’annéeprécédente, lesrecettesdel’IRautitredudeuxièmetrimestredevraientatteindreles12,1MMDH,ellesserontamputéesd’environ600MDHreprésentantlemanqueàgagnerdel’IRduranttoutletrimestre.

B. Leslicenciementsquiapparaissentdéjààl’horizonprolongeraientlaperspectivedebaissedesrecettesdel’IRetaugmenteraientsonpoids.

Au-delàde l’inactivité, le risquede licenciementreprésenteégalementunrisquepotentielpouvant impacter les recettesdu troisièmeetquatrième trimestrede l’année2020, voiremêmecellesdel’année2021.

Selonl’enquêtemenéepar laCGEM,lesentreprisessondéesprévoient lapertede55%deleurs effectifs, par extensiondu résultatde l’enquêteà l’ensemblede lapopulation7, celacorrespondà1,5milliondesalariés,soit lemêmenombreestimédesalariésenarrêtàfinAvril.

Ainsi, dans le cas d’un scénariodepertemassived’emploi, celles-ci risquentde s’étendreaux prochains trimestres de l’année et jeter même une ombre sur l’année 2021. Parchainage,celacorrespondraitàuneréductiondesrecettesdu3èmetrimestrede465MDH8etcellesdu4èmetrimestrede540MDH9,toujoursparrapportauxprévisionsdel’année.

Enguisedeconclusion, lescenarioretenuferaperdreauTrésorenmatièred’impôtsur lerevenu salarial l’équivalent de 1,6MMDH sur toute l’année, soit 3,8% de l’ensemble desrecettesdel’IRprévupourl’année2020.

Bien que l’impact est réel, son poids reste relativement faible et n’ira pas jusqu’àdéséquilibrerlesrecettesfiscalesdecettecatégoriesurl’année,laquestiondesarrêtsetdespertesd’emploiestd’ordreplutôtbudgétaireetéconomique,quepurementtechnicofiscal,

7Sousréservedesrèglesd’échantillonnageretenuesetpourdesfinsdesimplificationdel’analyse8Surlabasede9,3MMDHle3emetrimestre9Surlabase10,8MMDHprévupourle4èmetrimestre

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danslesensoùlesaidesoctroyéespuiserontdesrecettesdufondsdédiéesàlagestiondelapandémie,quid’ailleursn’apasquecelaàgérer,etlaperted’emploicauserauneimplosiondelademande,lemoteurprincipaldel’économienationale.Seuleunereprisedel’activitépourraitredresserleschosesetépargnerauMarocdespertesd’emploigénéraliséesàplusgrandeéchellequicettefois-cin’épargneraientpaslescontribuableslesplusinfluents.

C. La composante professionnelle: Sa faible contribution dans la structure de l’IRs’avèreplutôtuneaubaine.

Nousrappelonsquelapremièrepartieatraitél’impactdirectetimmédiatdesmesuresprisepar le CVEen rapport avec les recettes de l’IR professionnel, notamment les reports desdéclarations des contribuables soumis aux régimes RNR (Résultat Net Réel) et RNS10(RésultatNetSimplifié),etquenousavonsestiméselon lesprévisionsannuellesàenviron2,4MMDHau titredumoisd’avril2020,unediminutionqui, le rappelle-t-onnesera pasunepertedéfinitive,etdevraitêtrerécupéréedèsl’expirationdudélaidegrâce.

Nousallons,cettefois-ci,mettresouslesprojecteurslabaissedel’activitéinduiteparl’étatd’urgence sanitaireet lesmesuresdeconfinementayant condamnéplusieurs structuresàbaisserouàarrêterdéfinitivementleursactivités.L’arrêt,oudumoinslabaissedel’activité,pourcettecatégoriedecontribuablesauraunimpactdirectsurleurrésultatcomptable,etporteradoncparconséquentlemontantdeleurcontributionfiscaleàlabaisse.

UneAnalyseplusfinedelabaissedel’activitépermettrad’estimerlesperteséventuellesdecette catégorie de contribuables, laquelle va nous permettre d’appréhender le niveau debaisse de l’IR professionnel, ce dernier étant assis bien entendu sur le résultat fiscal, etliquidé sur cette base pour environ 190000 structures inscrites aux régimes RNR et RNS.Toutefois et même dans une hypothèse poussée à l’extrême, l’arrêt total de l’activitén’affranchirapaslescontribuablesdupaiementd’unecotisationminimale,quiellen’estpascorrélée à l’activité, un minimum donc restera assuré durant le mois de janvier 2021.Autrement dit même si toute structure imposable selon le régime comptable venait àdégager une perte et ne devait payer qu’une cotisation minimale, cette dernière étantestiméàenviron500MDH,lemanqueàgagnerdanslepirescénarioimaginablen’excéderapas1,9MMDH.

Lapartdel’IRprofessionneldelacatégoriedescontribuablessoumiseaurégimeforfaitaireetdontlenombred’inscritss’élèveà720000,neconnaitraàprioriaucunediminution,dufait que 99% des inscrits règlent leur impôt sur la base du bénéfice minimum11, neprésentant, comme nous l’avons précisé plus haut, aucune corrélation avec le chiffred’affairesetdonc l’activitéréelle.Lesémissionsdecette familledecontribuables,selon laDGI,s’élèventà380MDH,unerecettequiestgénéralementrecouvréeenmoisdejanvierdel’annéeselonlecalendrierdel’AdministrationFiscale.

10RégimeNetréeletRégimeNetSimplifié11Valeurlocativeannuellemultipliéparuncoefficientdontlavaleurestfixéeparl’administrationfiscale.

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La contribution des professionnels dans les recettes de l’IR longuement pointée du doigtdanslesdiversrencontrestraitantdessujetsfiscaux,ladernièreétantlesassisesfiscalesde2019, et qu’on juge être disparate comparée aux salariés qui assure le gros lot de l’IR vafinalement se présenter comme aubaine, car les pertes escomptées grâce à cetteconcentrationde l’impôt sur la catégoriedes salariés, qui elle-mêmeest disparate, ferontquelesrecettesseronttoutefoisamputéesdesquelquestroismilliardsdedirhamsanspourautantpouvoirparlerd’undéséquilibresignifiantdesrecettesdel’Etat.

LeCVE,par lesmesuresentreprises,préserveradoncunecomposantetrès fragiledutissuéconomiquemarocain,maintiendra le niveau de vie de la classe salariale qui constitue labase de la demande nationale, sans pour autant que cela ne pèse lourdement sur laréalisationdesrecettesannuelles.

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PartieIII:Fiscalitéàl’èreCOVID:Lacontraintebudgétairefaceàl’impératifdelarelanceéconomique.

AulendemaindesAssisesNationalessurlaFiscalité,etalorsqueleMaroccontinueàfigurerdans la liste grise de l’Union européenne des paradis fiscaux, les défis de la fiscalité secompliquentdavantageparlacriseéconomiqueengendréeparlapandémieduCOVID-19.

La réforme fiscaleavaitdéjàétéentaméeet lespremièresprémicesde réformesontdéjàprévuesparlaloidefinancedel’année,unprojetdeloi-cadresurlafiscalitéestégalementencoursdefinalisationàl’instantoùnousrédigeonsceslignes.

Certainesdesmesuresquenousproposonsdansnotretravail,coïncidentaveclesobjectifsde rationalité économique, de cohésion et d’inclusion, tels qu’exprimés par desrecommandationsdesassisesnationales,d’oùlanécessitédelesincluredèslaprochaineloide finance, l’idéal serait une loi de finance rectificative. Il est question notamment duréaménagement des taux de la TVA, des taux et des tranches du barème de l’IR poursoutenir lepouvoir d’achatdes faibles revenusetdes classesmoyennes, lamiseenplaceprogressive d’une fiscalité au service de la compétitivité des entreprises à travers laremontée vers le taux le plus élevée à tous les secteurs protégés, réglementés oumonopolistiques, l’institutiondesmesuresdesoutiendesstartupet lamiseenplaced’untauxspécifiquepourlesecteurindustriel,pourneciterqueceux-ci.Enrevanche,certainesmesuresaffichéescommeprioritairespar legouvernementdoiventêtre reportéesdans lecontexte actuel, notamment l’imposition des nouvelles sociétés exportatrices, lerééquilibragedelastructuredel’IRparl’accroissementdelapartdel’IRprofessionnel,cettedernièrequidevraêtrepluscibléeetnongénéralisée,nedevraplusconditionnerlarévisiondestranchesderevenusenraisondelanécessitéurgentedepréserverlepouvoird’achatetprotégerlademandedevantservirdemoteuràlarelancedel’activitééconomique.

Afin de surmonter les retombées de la crise sanitaire sur l’économie d’une part et sur lebudgetdel’Etatd’autrepart, legouvernementseretrouvedevant l’impératifd’opterpourune politique fiscale conjoncturelle. Une conjugaison entre une politique budgétaireefficiente et une politique monétaire audacieuse s’avère à ce stade inéluctable en vued’atténuer l’impactdecette crise sur la situationéconomiqueet socialedupays.Elémentfondamental de toute politique budgétaire, la fiscalité se positionne aujourd’hui commeinstrumentindispensableàundispositifconjoncturelanti-crise.

L’unedespolitiquesfiscalesconjoncturellesclassiquespouvantêtreadoptéeparl’Etatn’estautrequecelle inspiréede l’approcheKeynésienne, sebasant surdesallègements fiscauxpourrelancerlaconsommationetl’investissement.Leprismedececlassiqueetqu’ilestàlafois capable d’engendrer des recettes fiscales sur le moyen terme grâce à la croissanceéconomique, mais risque de creuser le déficit budgétaire à court terme, et de surcroîtaugmenter le taux d’endettement12, l’uniquemécanisme actuellement envisageable pour

12Tauxd’endettementduTrésordépasse65%duPIB,ladettepubliqueglobaledépasse82%duPIB

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comblerledéficitbudgétaire.L’augmentationdeladetterisquedegénérerundéséquilibredes finances publiques qui plongerait le pays dans une politique d’austérité «forcée»nécessitantdes effortssupplémentairesderégulation,cequi impliqueraitnécessairementdes réductions des dépenses des secteurs qui relèvent de la dimension sociale tel que lasanté, un arbitragedes plus ardus pour l’Etat vu le rôle primordial des services de santéressentiencoreplusquejamaislorsdecettecrisesanitaire.Seulunallégementdeladetteinstitutionnelle par une annulation définitive, ou encore un changement de paradigmed’interprétationdupoidsdeladettequireposesurleratiofétichistereportantladetteauPIB, permettraient de se lancer dans une politique fiscale de relance sans se soucier deséquilibresmacroéconomiques,notammentledéficitdubudgetpourl’Etat.

L’antagonistedecettepolitiquepourl’Etatseraituneaugmentationdelapressionfiscale,luipermettant ainsi de disposer de suffisamment de recettes pour gérer les dépensesbudgétairesengendréesparlacrised’unepart,etd’autrepart,decontribueràlarelancedel’économie par l’investissement public. Une solution qui certes permettrait de tasser leniveaudeladettepubliqueetrésorberledéficitparunexcèdentderecettesmaisquirisquededétruireletissuéconomique,etdecauseruneimplosiondelademandeavantmêmedepouvoirarriveràunerelancequelconque.Cetinstrumentpeuttrouversaplacedanslecasd’unecrisefinancière,faceàunimpératifd’ajustementbudgétaire,maisenaucuncassil’onenvisageunesortierapided’unecrisepurementéconomique.L’augmentationdelachargefiscale des contribuables, déjà à bout de souffle, est de nature à freiner l’investissement,nourrirdavantagelechômage,réduiretoutrendementescomptédel’investissementpublic,freinantainsitoutsurcroitdecroissance,cequifiniraitparaccoucherunedettepubliqueenvuederésorberlabaissedesrecettesfiscales.

Dansuncontextedecrise,l’instrumentfiscaldoitpouvoirremplirquatrefonctionsàsavoirlacouverturedesdépensespubliques,laredistributionpourréduirelesinégalitésquiparfoissesontcreuséesdavantage, réguleret stabiliser l’activitééconomiqueetenfinmodifier lecomportementdesagentséconomiquesaumoyend’incitationsfiscales13.

La fiscalité dans ce contexte de crise, ne doit ni être un frein à la relance de l’activitééconomiqueniêtreàl’origined’uncreuxdansledéficitbudgétaire.Devantlacontrainteduparadigme économique et monétaire régnant, la politique fiscale à conduire par legouvernement devrait contenir les dérives d’une fiscalité de relance et empêcher lesmalheursd’unefiscalitéaustère,parunecombinaisonoptimaleentrelafonctionbudgétairedel’impôtetsonrôleéconomique.Unefiscalitéinnovante,ouàdéfautcibléeetadaptéeaucontextesocioéconomiqueduRoyaume,idéalementunecombinaisondesdeux,permettraitde remettre l’économie sur les rails de la croissance. Nous avons choisi délibérémentd’arrêter l’économie pour préserver des vies, il serait donc temps de sacrifier l’équilibrebudgétaire pour sauver l’économie, toutefois il faut le faire avec lesmoindres dégâts, à

13Gandré,Pauline,etCamilleSutter.«Lacriseéconomique:uneopportunitépourréformerlafiscalité?»,Idéeséconomiquesetsociales,vol.160,no.2,2010,pp.25-35.

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travers une politique fiscale proposant des allégements pour relancer l’investissement etapportantlesrecettesnécessairespourpréserverunniveauminimumd’équilibre.

Ø Crisesanitaire,chômageetinégalitéssociales:

SelonleHaut-CommissariatauPlan(HCP),prèsde726000postesauraientétéréduitssuiteaux arrêts temporaires ou définitifs des activités, soit 20% de la main d'œuvre desentreprisesorganisées.

Afin de faire face à la situation aggravée du chômage au Maroc, des incitations fiscalespourraientêtremisesenplaceafindefavoriserlacréationd’emploisetl’investissement.Ilseraitnotammentintéressantquecesincitationssoientsectorielles,enciblantdirectementlessecteurslesplustouchés.

Incitationsquidevraientfairel’objetd’évaluationafindedéterminerlepoidsdesdépensesfiscalesparrapportauxgainsentermesd’emploisetdecroissanced’économie.

Ø Plusdeprogressivité,untauxmarginalplushautpourpréserverlepouvoird’achatdesfaiblesrevenus

Réduirelesinégalitéspasseaussiparunemeilleureredistributiondel’impôt.Onparleicidelimiterl’impactdelafiscalitésurlesménageslespluspauvresetl’accentuersurlesménageslesplusriches.

L’instauration d’un système d’imposition des revenus plus progressif à traversl’augmentationdesnombresdestranches, lehaussementdestauxmarginaux,baisserlestauxpourdesrevenuslesplusfaibles,ils’agitlàd’exploiterladistributiondupoidsfiscale,jugéejusque-làdisparate,enfaveurdelasituationactuelle.Untelsystèmepourraitd’abordêtre provisoire pour une meilleure répartition de richesse en attendant le retour à unniveau de consommation normale des ménages et un élargissement éventuelle del’assiette. L’effet psychologique que pourrait créer la pandémie ainsi que lesmesures deconfinement vécues, peuvent ralentir de façon dilatoire les habitudes de consommationmême avec la reprise de l’activité. Ce ralentissement de consommation et son corollairel’épargne,chezlesménagesquidisposentdecettecapacitépeuventconstituerunmanqueàgagner considérable pour l’économie et donc par conséquent pour l’Etat. Le but étantd’imposer davantage les hauts salaires pour diminuer l’épargne et inciter les ménages àconsommer.Uneimpositiondirectedel’épargneàtraversunenouvellefiscalitésimilaireàla Zakat,ouune créationd’un impôt sur la fortuneà l’instarde certainsEtats sembleraitrépondreàcetteproblématique.

Ø Le recours à la fiscalité indirecte comme outil d’orientation transitoire ducomportementdesagentséconomiques:

Uneimpositionde laconsommationparunesurtaxedesproduitsnonessentiels,àtraversl’augmentationdelaTVAdecertainsproduitsimportésetplusparticulièrementlesproduitsde luxe, ou encore hausser les droits d’accise comme la TIC. Cette mesure, en plus del’augmentationdesrecettes,silerendementfiscalestaurendez-vous,rempliraitunedouble

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fonction,d’unepart lemaintiende lasituationde labalancedepaiementsà desniveauxraisonnables et préserver ainsi les réserves de change, et d’autre part soutenir la TPMEnationaleparl’encouragementdelaconsommationetproductionlocales.Parallèlementàcettemesure,l’EtatpourraitdiminuerlaTVAdecertainsproduitsdepremièrenécessitéafindesoutenirlepouvoird’achatdesclasseslesplusdémunies.

Ø Augmentationdestauxd’imposition,élargissementdel’assiette:

LaparticularitédelacriseéconomiqueengendréeparleCOVID-19,estqu’ellenetouchepastous les secteurs d’activité, certains sont épargnés, d’autres prospèrent davantage. SelonuneétuderéaliséeparAttijariGlobalResearch, lesactivitésquineseraientquasimentpastouchéesparleseffetsdelapandémie,etqui,aucontraire,pourraientmêmeconnaîtreunehausse, sont le secteur des télécommunications, les activités agroalimentaires, ladistributionmoderneetlesecteurminiernotammentlesmétauxprécieux.

Cetteparticularitéouvreuneopportunitéàl’Etatdemieuxorientersesmesuresfiscales,desmesuresquipeuventprendrelaformed’unebaissedutauxdel’ISpourlessecteurslesplussensibles,ouencoredesavantagesetdesincitationspourdessecteursclésdel’économie,et les secteurs les plus touchés, en vue de faciliter leur relance. En revanche, il faudraitmaintenirlestauxd’imposition,voiremêmelesrevoiràlahaussepourlessecteurslesplusrésilients.

Maintenirunniveauderecettesfiscalessatisfaisantnécessitel’améliorationdurendementdusystèmefiscal,l’unedeschoseslesplusarduesdansunesituationdecrise,Cependantunélargissementciblédel’assietterestelargementenvisageable.

Il serait peut-être temps d’inclure des secteurs qui ont longtemps bénéficier d’une grâcefiscale,lesecteuragricoleestdonclepremiernominépourcettemesure,étantdonnéquelePIBagricoles’ensortmieuxquelePIBnonagricole,malgrélesprécipitationslimitéesetles effets de la crise, une mesure à prendre tout de même avec des pincettes, vul’importance du secteur dans l’économie nationale, l’agroalimentaire et la grandedistribution,lesactivitésdetélécommunicationsreprésententaussideschampsàexplorer.

Ø Réorganisation des dépenses fiscales et réorientation desmesures en faveur dessecteurslesplustouchés:

Ci-dessous un extrait du tableau représentant les dépenses fiscales par secteur d’activitérelativesauxannées2018et2019:

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Secteurd'activité2018 2019

Mesuresrecensées

Mesuresévaluées

MontantenMDH Part Mesures

recenséesMesuresévaluées

MontantenMDH Part

Activitésimmobilières 40 33 5406 18,90% 39 34 4407 15,90%Sécurité-Prévoyance 13 11 4940 17,30% 15 13 4882 17,60%Agriculture,pêche 25 23 2627 9,20% 26 23 2527 9,10%Industriealimentaire 7 7 1115 3,90% 7 7 995 3,60%Exportations 10 5 2716 9,50% 10 5 2778 10,00%Secteurfinancier 41 30 1799 6,30% 40 29 1985 7,10%Transport 21 17 1264 4,40% 22 20 1286 4,60%Electricitéetgaz 4 4 5126 18,00% 4 4 5075 18,30%Indus.Automobile 5 5 544 1,90% 5 5 450 1,60%Tourisme 5 4 182 0,60% 5 4 187 0,70%

Tableau1:Ventilationdesdépensesfiscalesparsecteurd’activité14

Ainsi, des dépenses fiscales relatives aux secteurs de l’agriculture de la pêche, et desindustries alimentaires, pourraient être revues à la baisse, en faveur d’autre secteurstouchésdeplein fouet telsque le tourisme, le transportaérien, terrestreetmaritime, lesindustriesmanufacturières,l’automobile,etletextile.

14RapportdesdépensesfiscalespubliéparlaDGIen2020

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Conclusion

Achaquecrise,l’Etatregagneenlégitimité,permettantàlafiscalitédeserepositionnerentantquelevierprincipalpourleredressementdelasituationéconomique.Sansnégliger lanécessité d’une politique monétaire efficace, et de solutions financières innovantes etaudacieuses, l’impôt reste un outil incontournable. Des mesures fiscales ciblées, mêmetemporairess’illefaut,pourraientredonnerlesouffleàl’économie.

Qu’ellesoitlefaitdelanatureoudel’Homme,chaquecriseestpardéfinitionunaléaquipeut apporter son lot de problèmes,mais aussi et surtout ses opportunités. Lesmesuresfiscales conjoncturelles peuvent servir de catalyseur au chantier de réforme fiscale déjàentamé, permettant ainsi de passer à une politique fiscale structurelle, cohérente etintégrée, essentielle pour bâtir le Maroc de demain, un Maroc dans lequel nous avonsdécouvert en ces temps difficiles un gisement de potentiel pouvant être déployé pourconstruire un modèle économique autonome, indépendant et surtout souverain, desimpératifsquenousn’auronspeut-êtreplusleluxedeprendreàundegrémoindre.