fortuny

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Mariano Fortuny n'était pas un couturier comme les autres. À la fois peintre, graveur, sculpteur, photographe et collectionneur, il fut décorateur de théâtre, inventa de nouveaux procédés d'éclairage de scène et dessina lui-même son mobilier. Magistral interprète de la sensibilité vénitienne où s'interpénètrent la sophistication de la Renaissance et un Orient fastueux, Fortuny a su créer un style intemporel à travers les plissés de ses robes de soie et les motifs de ses célèbres manteaux de velours. Ses créations ont inspiré certains stylistes contemporains. Nombre d'entre elles font aujourd'hui partie des acquisitions de grands musées et de collectionneurs.

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Mariano Fortuny n'était pas

un couturier comme les autres. À la fois peintre, graveur,

sculpteur, photographe et collectionneur,

il fut décorateur de théâtre, inventa de nouveaux procédés

d'éclairage de scène et dessina lui-même

son mobilier. Magistral interprète de la sensibilité vénitienne

où s'interpénètrent la sophistication de la Renaissance

et un Orient fastueux, Fortuny a su créer un style intemporel

à travers les plissés de ses robes de soie

et les motifs de ses célèbres manteaux de velours. Ses créations

ont inspiré certains stylistes contemporains.

Nombre d'entre elles font aujourd'hui partie

des acquisitions de grands musées et de collectionneurs.

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Historienne de l'art de formation,

Delphine Desveaux a travaillé sur la sculpture

contemporaine avant de se tourner

vers les arts décoratifs.

Elle a consacré son doctorat (Paris-Sorbonne)

à Fortuny. Actuellement iconographe,

elle réalise ici son premier livre

dans la collection "Mémoire de la mode".

Photo de couverture : manteau cape à capuche de style Renaissance et robe médiévale en velours de soie imprimé or et argent. © Musée Fortuny, Venise.

Photo de dos : le premier modèle de couture de Fortuny, un simple rectangle de coton ou de soie, baptisé "Knossos", imprimé de motifs

eycladiques dans des couleurs passées. © Musée Fortuny, Venise.

COLLECTION MÉMOIRE DE L'ART

FAYOUM • KLIMT • ART CONTEMPORAIN - FRANCE • JASPER

JOHNS • L'AMÉRIQUE DE WARHOL • LES NUS DE RENOIR •

MIRÓ, L'ATELIER • LES COULISSES DE DEGAS • MATISSE -

NICE 1917-1954 • LA CAMPAGNE DE COROT • MONA LISA •

CÉZANNE EN PROVENCE • TRÉSORS ÉGYPTIENS • NOA NOA •

PIERO DELLA FRANCESCA - ÉGLISE D'AREZZO • BRANCUSI

PHOTOGRAPHE • LES ANGES DE CROATIE • LE LOUVRE -

ARCHITECTURE • LES OBJETS PICASSO...

COLLECTION MÉMOIRE DE LA MODE

FORTUNY • COURRÈGES • COMME DES GARÇONS • BRIONI •

GRUAU • PACO RABANNE • THIERRY MUGLER • VIVIENNE

WESTWOOD • CHANEL • SCHIAPARELLI • BALENCIAGA •

YOHJI YAMAMOTO • VERSACE • CHARLES JAMES • ALAÏA •

CHRISTIAN LACROIX • LANVIN • POIRET • DIOR • SONIA

RYKIEL • JEAN PAUL GAULTIER • ISSEY MIYAKE • VIONNET •

VALENTINO • YVES SAINT LAURENT...

COLLECTION MÉMOIRE DES MARQUES

BACCARAT • CARTIER • TIFFANY & CO. • VAN CLEEF &

ARPELS • FERRARI & PININFARINA...

COLLECTION MÉMOIRE DE LA PHOTOGRAPHIE

PAPARAZZI • L'ÉGYPTE DE KEIICHI TAHARA • MAN RAY...

COLLECTION MÉMOIRE DU STYLE

EILEEN GRAY • JEAN-MICHEL FRANK...

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Page 4: fortuny

© Édit ions Assoul ine

26-28, rue Danielle-Casanova, Paris 75002 France

Tél. : 01 42 60 33 84 Fax : 01 42 60 33 85

Accès Internet : http://www.imaginet.rr/assouIine

Dépôt légal : 1 e r semestre 1998

Tous droits réservés

ISBN : 2 84323 030 6

Photogravure : Seleoffsel (Italie)

Imprimé par Artegrafica (Italie)

Toute reproduction, même partielle,

de cet ouvrage est interdite

sans l'autorisation préalable de l'éditeur.

Achevé d'imprimer : mars 1998. EDITIONS ASSOULINE

PAR D E L P H I N E DESVEAUX

Page 5: fortuny

1e nom de Fortuny est lié à Venise à tel point que les Vénitiens

l'ont fait leur. C'est pris dans son entier - Fortuny y Madrazo —

qu'il montre sa consonance espagnole.

L'aventure de cette famille d'artistes bien nommés commence avec

Mariano Fortuny y Marsal, père du célèbre couturier, peintre espa­

gnol emporté à 38 ans par la malaria alors que l'Europe commen­

çait à peine de savourer son œuvre prometteuse. Ce premier artiste

de la famille (ou plus exactement le deuxième puisque le grand-

père catalan était montreur de marionnettes, qu'il sculptait et

habillait lui-même) s'était tourné vers l'orientalisme à partir de

1859 après avoir suivi, en qualité de peintre officiel attaché à la

municipalité barcelonaise, les campagnes armées du général Prim

contre les tribus d'Anghera qui empiétaient alors sur le territoire

colonial espagnol. Fortuny père s'était épris du Maroc du gouver­

neur Abd el Rahman, de ses arts, de ses habitants et de leurs cou­

tumes. De retour en Espagne, il ne cessa de se replonger en rêve

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dans cet univers qui lui inspira force sujets orientaux.

C'est dans ce contexte que Mariano Fortuny y Madrazo vit le jour à

Grenade, le 11 mai 1871. Sa mère, Cecilia de Madrazo, belle et

autoritaire Espagnole, était l'héritière de la dynastie fondatrice du

musée du Prado. Son père lui transmit sa passion pour la peinture, la

sculpture, le dessin, la gravure, et une toute personnelle "brie-à-bra-

comanie" balzacienne. Ultime descendant de l'une des plus grandes

familles espagnoles, doté d'une éducation picturale vertigineuse,

Mariano Fortuny était donc voué à la peinture comme on l'est à

l'Église. Ne se revendiquait-il pas "peintre avant toute chose" ?

La postérité en décida pourtant autrement : son exceptionnelle pro­

duction textile le trahit, le marquant du titre de couturier. Mieux

encore, de couturier vénitien...

ortuny est aujourd'hui surnommé "le mage" par les gazettes

de la Sérénissime. Il est une curiosité, de celles que les

Vénitiens cachent pour les mieux préserver, l'une des der­

nières grandes figures de Venise. À la fois peintre de tableaux de

chevalets et de fresques monumentales, copiste hors pair comme

ses ancêtres , graveur et sculpteur, Fortuny était également

décorateur de théâtre, inventeur de nouveaux procédés d'éclairages

de scène en lumière indirecte, photographe (plus de dix mille

clichés sont actuellement conservés au Museo Fortuny de Venise) et

collectionneur. Il dessinait lui-même son mobilier, quand il ne

jouait pas à l'antiquaire en investissant dans de splendides meubles

du XVII'' siècle. C'est seulement après s 'être consacré à ces

différents domaines qu'il se tourna vers la couture : à la manière

d'un peintre qui essaie une nouvelle couleur, il se lança dans la

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mode à 40 ans — créer des vêtements ne constituant qu'une facette

supplémentaire de l'œuvre de ce touche-à-tout de génie.

Le léger plissé de soie qui fit sa popularité et sa richesse au long

des années vingt trouve aujourd'hui écho dans les modèles de

créateurs contemporains, d'Issey Miyake à Irena Gregori ou encore

Romeo Gigli : l'œuvre a survécu ; l'éphémère a vaincu. Et, de fait,

c'est bien la couture qui domine la mémoire fortunyenne, plus que

toutes les autres activités dans lesquelles Mariano Fortuny excella

pourtant.

ortuny partagea son enfance entre Rome, où son père possé-

dait un atelier proche de la via Appia, et Capricio, près de

Naples. A la mort du père, en 1874, Cecilia et ses deux

enfants, Maria-Luisa, 5 ans, et Mariano, 3 ans, plièrent bagages pour

monter à Paris rejoindre un oncle maternel, peintre lui aussi. Là, et

jusqu'à 18 ans, Fortuny apprit la peinture, se familiarisa avec les

mondanités et les raffinements de l'élégance féminine, passant des

salons des belles clientes de son oncle Raimundo à celui de sa mère

dans lequel se pressait la communauté artistique espagnole. Il

grandit aux côtés de son cousin Federico de Madrazo, dit Coco, qui

devint par la suite l'un des plus proches amis de Proust et qui

fréquenta Cocteau — il participa à la rédaction du livret du Dieu bleu,

liant ainsi indirectement son cousin aux fastes et à la démesure des

Rallets de Diaghilev.

Fortuny avait à peine 18 ans lorsque sa mère prit la décision de quit-

ter Paris, où la vie était très chère, pour Venise, alors beaucoup plus

abordable. Cecilia loua un étage du palazzo Martinengo, sur le

Canareggio. Ce fut l'éblouissement.

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Équipé d'un appareil de photographie perfectionné, un stéréographe

Dubroni, Fortuny se mit à arpenter les calli de la ville, les aimant

comme son père avait aimé les dunes, avec passion et tendresse. Il

commença par fixer sur des milliers de clichés la vie quotidienne et

les détails architecturaux de sa cité d'adoption, dont il s'inspira plus

tard dans ses créations de mode. Mais c'est peut-être surtout la lan­

gueur de Venise qui l'imprégna le plus. Jamais il ne se lassa de la

lagune, des tons fanés des palais, de leurs décors raffinés, de l'arrondi

félin des ponts, de l'atmosphère orientale et immémoriale de la ville,

de sa Renaissance peinte dans les œuvres des Bellini, du Titien, de

Véronèse, ni de l'or fondu de la lumière magnifiée par Giorgione.

Décidant de vivre seul, Fortuny s'installa d'abord modestement dans

le grenier du plus grand palazzo gothique de la ville. Quelque temps

plus tard, il aménageait avec bonheur dans les quelque trois mille

mètres carrés du palazzo Orfei, dont il devint propriétaire en 1905. Il

aura fallu peu de temps pour que la ville l'accepte : Venise, que la

personnalité curieuse et fantasque de l'artiste ne pouvait que

séduire, l'aspira jusqu'à l'adopter totalement. Jonas prit ses aises

dans la baleine : il parla toujours mieux le veneto que l'italien ! Pour

autant, Fortuny n'en demeurait pas moins espagnol et il eut à cœur

de conserver sa nationalité d'origine — Balenciaga reconnaissait

d'ailleurs en lui le plus grand couturier national de son temps.

en cette fin de siècle, Venise était, avant Vienne, Paris ou

Rome, la capitale du cosmopolitisme ; les us et les cou-

tumes s'y transbordaient intacts ; les mêmes personnes s'y

fréquentaient. Jamais pourtant Fortuny ne fit tout à fait corps avec

cette mondanité. Transformant son palazzo en un atelier gigantesque,

il s'y ménagea une retraite tranquille dominant la lagune, laissant

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son bon plaisir seul lui dicter ses fréquentations lorsqu'il se rendait

dans les bals, à l'opéra, à Paris ou à Rome, ou lorsqu'il honorait de

sa présence les expositions londoniennes ou berlinoises.

Bien que sa curiosité artistique l'y aurait certainement mené tôt ou

tard, ce fut l'influence d'une femme qui poussa Fortuny vers la

mode. C'est à Paris, vers 1895, qu'il rencontra Henriette Négrin,

ravissant modèle de peintre, grande, blonde et rose, avec de grands

yeux clairs et un nez fin ; intelligente surtout. Sept ans plus tard, le

14 juillet 1902, le jour de l'écroulement du campanile de Saint-

Marc, il l'emmenait à Venise, au grand dam de sa mère et de sa sœur

qui refusèrent obstinément de recevoir l'étrangère, qui cumulait le

triple handicap d'être française, divorcée et de porter la poisse (son

arrivée le jour de l'effondrement du campanile n'en constituait-elle

pas la meilleure preuve ?...).

Henriette s'installa pourtant au palazzo où elle vécut quarante-sept

ans de félicité avec Mariano, qu'elle finit par épouser, puis quinze

années d'un veuvage douloureux, isolée dans l'immense demeure.

e bonheur d'aimer est une composante essentielle de la mode

fortunyenne, mode pensée à deux, mode faite par un homme

. pour un idéal féminin incarné par la femme dont il connaissait

le corps par cœur. Si Mariano dessinait les modèles et certains des

motifs, inventait les plissés et les procédés de teintures, déposait les

brevets en son seul nom (dix-huit en tout à Paris, avec des

équivalences partout ailleurs en Europe), c'était Henriette qui, mieux

encore que lui, relevait sur les pierres de Venise ou dans les ouvrages

de leur vaste bibliothèque les motifs dont ils allaient habiller leurs

vêtements. C'est elle aussi qui souvent les imprimait au bloc sur les

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robes, les manteaux et les capes ; elle surtout qui présidait à l'atelier

de fabrication des fameux plissés Fortuny. Henriette œuvra tant et si

bien que des centaines de robes Delphos franchirent la lourde porte

du palazzo pour faire leur entrée dans le monde. Ce fut elle enfin qui

choisit de rester dans l'ombre afin de ne léguer à la mémoire de

Venise que le seul nom de son époux.

Fortuny et Henriette étaient des créateurs épanouis et curieux. Le lait

que Mariano pratiquât tous les arts ne constituait en rien le signe infa­

mant d'une dissipation chaotique, comme le lui reprochaient ses

détracteurs. Il fallait bien plutôt voir là la marque d'un esprit qui se

voulait encyclopédiste (en témoigne la variété des sources d'inspiration

dont font preuve ses centaines de modèles). Cet appétit de connais­

sances cher aux XVT et XVIII1' siècles, Fortuny l'avait fait sien. Au fil de

sa mode, il n'eut de cesse de renouer avec ces périodes fastueuses.

en ce début de XX" siècle, la mode hésitait, prenant ses

marques avant de s'élancer vers la modernité d'un Patou,

d'une Jeanne Lanvin, d'une Madeleine Vionnet ou d'un

Doucet mis au goût du jour. Le siècle s'ouvrait sur l'historicisme - la

mode y compris, qui passait ainsi du Directoire couleur bonbon à

l'orientalisme de bazar, de l'Inde musquée à l'Antiquité immaculée,

faisant un rapide détour par l'époque médiévale, mâtinée d'exotisme.

La mode se renouvelait et vivait à un rythme trépidant. À cet égard,

Fortuny ne fut jamais couturier. Il ne présentait aucune collection,

n'offrait ni mode d'été ni mode d'hiver. Son optique était autre :

comme avant lui les peintres romantiques anglais Aima Tadema,

Waterhouse, Godward, Lewis, Moore ou Hitchcock, Fortuny s'était

mis en quête d'une forme idéale intemporelle qu'il inventerait. Fine

alchimie d'Antiquité, d'Orient et de Renaissance dont, une fois

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définie, il ne se départit plus, ne travaillant ses modèles que du seul

point de vue technique, améliorant les procédés de teintures, la

tenue des étoffes et celle des plissés ; perfectionnant sans cesse.

Il serait plus juste de parler de "style" Fortuny, voire d'état d'esprit,

que de mode : du point de vue de la stricte coulure, ses modèles

restaient d'une simplicité étonnante pour l 'époque. Ils étaient

coupés à plat, et s'ils affectaient des allures modernisantes ou

japonisantes (celles exigées par les commodes traditionnelles tansu

où les kimonos sont rangés à plat), leurs formes trahissaient en

réalité le peu de connaissance qu'avait leur créateur de la coupe.

Fortuny n'était pas Vionnet. Pour lui, seule l'apparence comptait, ce

qui explique qu'il se tint toujours loin des innovations de formes et

de coupes, en un mot loin des bouleversements de la mode.

a robe Delphos, que l'inspiration du créateur déclina en de

nombreuses variations, est très certainement le modèle qui

. symbolise le mieux le style de la maison Fortuny. Cette robe

fut ainsi baptisée en hommage à la sculpture antique qui l'inspira,

VAurige de Delphes - esclave au long chiton retenu aux épaules par

de sobres fibules de bronze. Le plissé de ces Delphos était obtenu

grâce à un système d'évaporation : la soie était posée mouillée et

plissée sur des rouleaux de porcelaine brûlants qui en fixaient les

plis tellement serrés que les robes semblaient tournées, comprimées.

Portées, les Delphos allongeaient les femmes, paraissaient les filer

(comme les artisans de Murano étirent le verre brûlant), ne laissant à

la mythique femme-fleur qui domina l'époque précédente que sa

tige, longue et souple - ceinturées, elles évoquèrent à D'Annunzio

des bottes de joncs souples et lustrés.

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Passées parfois dans une dizaine de bacs de teinture successifs,

coupées dans une soie japonaise d 'une extrême finesse, les

Delphos offraient une variété de tons admirable : mica assoupi,

perle bleuté à peine velouté de crème, blanc de lune vitreux ou

opaline, argent ventre de carpe lisse et languide, bitume noir de

peintre réaliste ou de verrier Art nouveau, capucine rayonnant,

sang de bœuf chinois, gros bleu pesant, presque paysan, céladon

oriental et indigo arabe, maïs mûr, œil de tigre chatoyant, cibou­

lette acide, amarante visqueux, pain d'épice, jade laiteux.. . ,

teintes assoupies ou entêtées, tièdes, aigres, moelleuses ou bru­

tales, le tout dans une gamme d 'une r ichesse extravagante

qu'Henriette et Mariano se plaisaient à enrichir infiniment et à

compliquer à loisir afin d'en rendre la description impossible, sauf

peut-être par D'Annunzio ou Huysmans. Chaque Delphos arborait

ainsi sa propre couleur élaborée dans les ateliers du palazzo par

les Fortuny eux-mêmes, qui importaient les matières premières des

quatre coins du monde - cochenil le du Mexique, pail le de

Bretagne, indigo d'Orient...

our habiller des robes si fines, le créateur eut recours à

une kyrielle de velours somptueux, manteaux, vestes,

kimonos, capes, souliers, chapeaux, sacs et autres

accessoires. Les velours, qui, comme la soie, étaient importés du

Japon, alourdissaient de leur opulence la simplicité étudiée des

plissés, enchâssant de leurs ors, argents et bronzes vieillis les

couleurs limpides et précieuses des Delphos. De ce velours, Fortuny

ne voulait conserver que l'apparence car ses modèles devaient être

portés par des femmes modernes. Aussi les fallait-il légers bien que 11

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devant montrer les qualités de ceux, plus lourds, de la Renaissance.

La pesanteur et la rudesse naturelles de ces derniers firent ainsi

p l ace à une f inesse et à u n e légère té j a m a i s éga l ée s , tout en

maintenant beauté, brillance, élégance et richesse. De quoi faire se

pâmer une Guermantes !

A l'image des costumes de scène, les velours Fortuny se déployaient

sur des surfaces étonnantes : les étoles prenaient des allures de pan­

neaux ; les manteaux dévalaient jusqu'au soi où ils se répandaient

en une mer soyeuse couleur de temps. Et si les Delphos s'inspiraient

directement de l'Antiquité grecque (qui, revue par Fortuny, emprun­

tait à l'Egypte pour les drapés, au néoclassicisme et au romantisme

bri tannique pour la t ransparence), les velours n'en puisaient pas

moins, eux aussi, à toutes les sources anciennes des canons de la

beauté vestimentaire.

Se référant au Japon et à la Renaissance vénitienne - celle de

Carpaccio en par t icul ier - pour définir la forme de ses

modèles en velours, Fortuny se montra plus éclectique dans

le choix de ses motifs. Il donna naissance à un style léger, bien que

très ouvragé. Son inspiration était là encore tantôt grecque (rinceaux

piquetés d'or, motifs rayonnants et plantes aquatiques des Cyclades

aux couleurs assoupies) , tantôt byzant ine (oiseaux affrontés de

pourpre ou b leu roi, symboles de mort et de résur rec t ion , qui

pas s ionnè ren t Proust dans les le t t res qu ' i l écr ivai t à Maria de

Madrazo, tante de Fortuny, lorsqu'il se documentait pour la Recherche),

japonaise parfois (prunus, chrysanthèmes et pivoines, wabi - couleur

j a p o n a i s e faite de moire de vert j a d e e t de b ronze cu iv ré - ) ,

Renaissance encore et toujours (amples rinceaux foliacés, damas

ornés et grenades vermillonnées, ananas vermeils et autres chardons

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verdâtres). Il emprunta à l'Inde les fines bordures dorées et argentées

de ses saris ; à l'Océanie et à l'Afrique leurs drôles de motifs délavés

"os à moelle" - rares néanmoins dans sa production - ; à l'Egypte ses

décors ni lot iques d 'un bleu dur, roux, vert ou rouge sombre. Le

souvenir et l'admiration qu'il portait à son père le firent naturellement

se tourner vers l 'Orient : il reproduisit les mosaïques indigo, les

filigranes et les fins entrelacs des fers forgés et des damasquinages. Le

XVir siècle espagnol lui transmit ses velours damassés, dont il sut

adoucir les couleurs souvent aigres, soucieux qu'il était d'obtenir des

teintes poudrées et assorties. Enfin, les XVIIe et XVIIIe siècles français

lui léguèrent leurs décors paysagers, bucoliques ou exotiques, dont il

ne conserva que le fond damassé ou les détails fleuris et perlés -

rarement les deux à la fois, à l'inverse de Paul Poiret.

On pourrait dire de Fortuny qu'il était couturier de mémoire. De lait,

ses souveni rs e t son app ren t i s s age a r t i s t ique et t e c h n i q u e lui

fournirent la matière de son inspiration - il travaillait ses teintures

comme un peintre. Cet homme était passé maître dans l'art de mêler

et de brouiller les pistes de ses références, dotant chacun de ses

modè le s d ' u n e p e r s o n n a l i t é u n i q u e et o r ig ina le ; i l sub jugua

jusqu'aux plus grands créateurs du moment. Ainsi d'Orson Welles,

qui lui emprunta en 1949 (année de la mort de l'artiste) trois man­

teaux pour le tournage d'Othello.

aite de plissés et de velours semblant tout droit sortis de

fresques vénitiennes, la manière Fortuny était romanesque

, en d iab le . En réa l i té , Fortuny appar t ena i t au monde de

l ' écr i ture bien p lus qu 'à celui de la couture . Bibl iophi le à ses

heures, il comptait beaucoup d'écrivains au nombre de ses amis.

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Ses créations se prêtaient si bien à la littérature qu'on les rencontra

bientôt dans les pages d'œuvres importantes de son temps.

Mais tandis que Henri de Régnier fit intervenir son jeune ami

Fortuny dans Alterna et que Paul Morand s'inspira directement de

lui pour créer Zuliano Trevisan, le peintre des Extravagants,

Marcel Proust, Gabriele D'Annunzio, Leslie Poles Hartley ou

encore Mary McCarthy ne retinrent de Fortuny que ses vêtements.

(Hartley le cite lors d'une visite à Venise de son héros Eustace,

dans sa trilogie Eustace and Hilda ; McCarthy pare une morte du

Groupe d'un vêtement Fortuny.) D'Annunzio et Proust octroyèrent

quant à eux une place plus importante à Fortuny couturier, dont ils

utilisèrent les créations en virtuoses.

entre D'Annunzio et Fortuny, le contact avait été favorisé

par l'installation, en 1894, du poète dans la célébrissime

Cassetta Rossa du prince de Hohenhole, située face au

palazzo Martinengo, demeure de la famille Fortuny. Les deux

jeunes gens tentèrent de travailler ensemble dès la fin de l'année

1898 sur la pièce Francesca da Rimini, avec Eleonora Duse dans

le rôle titre et Fortuny à la création des costumes. Le projet capota

pourtant, en raison de l'espoir qu'entretenaient l'écrivain et sa

muse de voir ce dernier en financer la réalisation. Bien que les

tentatives ultérieures ne connurent guère de fin plus heureuse, la

portée littéraire des créations de Fortuny avait bel et bien frappé

D'Annunzio, et, lorsqu'il rédigea son roman Forse che si, forse che

no, il choisit des vêtements Fortuny pour vêtir son Isabella. La

scène nocturne de la terrasse sur la mer Tyrrhénienne, au cours de

laquelle la jeune femme danse pour son amant en se défaisant

doucement de sa robe Delphos, reste à cet égard l'une des plus

14

tendres et des plus sensuelles que D'Annunzio ait écrites. Très

certainement l'une des plus prémonitoires également de l'inquié­

tude et du dénuement moral de l'héroïne qui, accablée par le

malheur, abandonne dans sa fuite l'une de ses robes pendue à la

tête de son lit, pauvre dépouille symbolique et prophétique de sa

folie crépusculaire.

Proust n'offrit pas à Fortuny de sort plus léger. Certes, lorsque

Oriane de Guermantes reçoit le Narrateur enveloppée d'une robe

de chambre-kimono Fortuny couleur aile de papillon, elle est très

belle. Pourtant, malheureuse en amour, elle n'est pas désirable ; le

Narrateur souligne par ailleurs que sa robe empeste (référence est

faite là au blanc d'œuf cristallisé chinois que Fortuny utilisait

comme fixatif). Albertine quant à elle, plus encore que l'Isabella

de D'Annunzio, qui parfois se révolte, est une victime placide et

flegmatique habillée par son geôlier. Ses robes de chambre Fortuny

"à la Guermantes" la mettent en valeur mais l'écrasent : elles font

fantasmer le Narrateur, rendant celle qui les porte plus accessible

à son désir. Proust fit des robes de Fortuny des symboles, des incar­

nations physiques et morbides des relations sado-masochistes du

Narrateur et d'Albertine.

au sort pesant qu'infligea la littérature à Fortuny répond

celui, plus léger, que lui réservèrent les femmes. C'est

que le style de Fortuny se prêtait à être fêté par elles : sa

sensualité faite de courbes et de langueur tournait résolument le dos

à la modernité et faisait un pied de nez aux rayures et aux angles

droits chers à l'Art déco.

Isadora Duncan fut la première à se reconnaître dans ces plissés de

soie et fit le voyage de Venise pour s'offrir une Delphos, ainsi qu'une

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autre, coupée sur mesure, qu'elle destinait à sa petite Deirdre. Puis

vinrent Eleonora Duse et les sœurs Grammatica, toutes les belles

amies de D'Annunzio, jusqu'à l'excentrique marquise Casati.

Lorsque des boutiques Fortuny s'ouvrirent dans tout ce que le monde

comptait d'endroits chic, Paris, Vienne, Londres, New York..., les

mondaines s'y essayèrent, mais avec moins de bonheur. Il faut dire

que ce style à la fois solennel et voluptueux, monumental et intime,

convenait aux demi-mondaines mieux qu'à toute autre femme -

Fortuny compta parmi ses clientes les "trois grâces du métier",

Cléo de Mérode, Liane de Pougy et Émilienne d'Alençon, à la fois

"modèles" de féminité, de mode et de mondanité.

Si le succès des créations Fortuny fut immédiat (de 1910

jusque dans les années quarante), c'est qu'il portait en lui la

mémoire de Venise. La Sérénissime surgissait aussi bien à

travers le pli moelleux d'un velours que dans la sophistication d'une

Delphos. Et si chaque robe Fortuny portait en elle cet indescriptible

parfum de Venise, c'était grâce à l'intense travail de documentation

du créateur, qui avait su faire d'une somme d'inspiration un style

personnel, créant par là même un véritable style vénitien.

Fortuny avait dans le domaine de la mode si bien atteint son idéal

qu'il s'y maintint quarante-cinq années durant, aux côtés d'Henriette.

Le style de leurs créations mêlant Orient et Renaissance fut en réa­

lité celui de leur cadre de vie, du décor grandiose et disparate dans

lequel ils vécurent et travaillèrent.

Passionné de Wagner, Fortuny appliqua certainement à son existence

les principes du Gesammtkunstwerk germanique, notion qui veut que

l'art soit absolu, qu'il touche toutes les facettes d'une existence et

emplisse l'espace. Le Gesammtkunstwerk de Fortuny était incarné

16

par le palazzo Orfei, devenu par la suite palazzo Fortuny, que le créa­

teur imprégna totalement de sa personnalité, à la manière du

Des Esseintes de Huysmans, et comme le conseillait Edgar Allan Poe

dans son traité de décoration.

Comme si le Vaisseau fantôme de Wagner avait jeté l'ancre sur le

campo San Beneto et que son capitaine, ayant vidé ses malles pour

jeter autour de lui les richesses amassées lors de ses voyages, se fût

arrêté de parcourir les mers pour se consacrer aux arts.

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Repères chronologiques

1871 : Le 11 mai, naissance de Mariano Fortuny y Madrazo à Grenade. Il est le fils de Mariano Fortuny y Marsal et de Cecilia de Madrazo.

1874 : Le 21 novembre, mort de Mariano Fortuny y Marsal, à Rome.

1875 : Les Fortuny quittent l'Italie pour la France, Rome pour Paris.

1889 : Nouveau départ : la famille abandonne Paris et s'installe à Venise, où elle occupe un étage du palazzo Martinengo, sur le Canareggio. Mariano Fortuny suit des études artistiques à l'Accademia.

1892 : Mariano Fortuny se rend en famille à Bayreuth : il y découvre Wagner et la mise en scène. Sa volonté de réforme théâtrale le poussera vers la décoration, puis vers la mode.

1897 : Mariano Fortuny obtient la médaille d'or à l'Exposition internationale des arts de Munich avec Les Filles-fleurs, toile d'inspiration wagnérienne. Ses œuvres seront par la suite présentées chaque année à la biennale de Venise, ce jusqu'à sa mort.

1902 : Henriette Négrin, qu'il a rencontrée à Paris, débarque à Venise et s'installe avec Mariano Fortuny, qu'elle épousera beaucoup plus tard et avec lequel elle vivra jusqu'à sa mort.

1905 : Fortuny acquiert définitivement le palazzo Orfei, rebaptisé par la suite palazzo Fortuny.

1907 : Année des premiers essais textiles, selon une note de l'artiste. Il ne s'agit encore que de théorie.

1909 : La première boutique Fortuny ouvre ses portes au palazzo.

1912 : Mariano Fortuny expose ses tissus à l'Exposition internationale des arts décoratifs et modernes de Paris, dans le pavillon espagnol. Il est à celte date un créateur reconnu, bien qu'un peu marginal du fait de l'originalité de ses œuvres et de sa production non industrielle.

1919 : Giancarlo Stucky, héritier des Mulini Stucky de Venise, ami de Fortuny et mécène, décide de fonder sur la Giudecca la Fabrica Fortuny, baptisée Fabrica di Tessuti Artistici Fortuny. Dénué du droit de posséder une usine sur le sol italien pour être de nationalité espagnole, Fortuny y occupe officiellement les fonctions de directeur artistique. Les ateliers sont équipés de machines qu'il a mises au point - elles sont toujours en activité aujourd'hui.

1933 : Suite à des échecs financiers et à des malversations, la Fabrica est vendue et passe, avec l'accord de Fortuny, des mains de Stucky à celles d'Elsie McNeill, jeune décoratrice américaine qui travaillait régulièrement avec le créateur. Celle-ci fera prospérer l'affaire et la rendra internationalement célèbre.

Robe médiévale en velours de soie bleu imprimé or de motifs byzantins. Les quilles de satin de soie plissé ton sur ton sont retenues aux panneaux de velours par des liens de passementerie terminés par des perles en verre de Murano. © Kyoto Costume Institute, photo : Minsei Tominaga.

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1936 et 1938 : Mort de Cecilia de Madrazo et de Maria-Luisa de Madrazo. Le palazzo Martinengo est abandonné ; Mariano Fortuny hérite des collections paternelles, qu'il dispose dans le palazzo Orfei, le marquant ainsi d'une empreinte orientaliste.

1938 : Mariano et Henriette Fortuny réalisent un extraordinaire périple à travers l'Afrique, qui les mène jusqu'au Soudan. Fortuny y rend quotidiennement hommage à son père en multipliant les esquisses. À leur retour, l'Italie faseiste s'est coupée du monde ; les importations de velours et de soie sont suspendues. Si Fortuny tente un moment de travailler avec des étoffes fabriquées en Italie, leur médiocrité l'oblige à puiser dans ses stocks de soie japonaise, qu'il épuise bien vite. Il est contraint de cesser toute activité.

1949 : Le 2 mai, Mariano Fortuny s'éteint au palazzo Orfei. Les ateliers de la "maison de couture" Fortuny sont définitivement fermés. La boutique installée dans le palazzo demeurera ouverte jusqu'à la mort d'Henriette, bien que les clientes s'y fassent de plus en plus rares. Reste la Fabrica, qui pour­suit sa production de cotonnades, laquelle, suspendue comme les autres durant les hostilités, reprit après la guerre pour ne plus jamais cesser.

1965 : Mort d'Henriette Fortuny à Venise.

D'Inspiration médiévale, cette robe présente une coupe sobre. Le velours de soie sombre est rehaussé à l'ourlet et aux épaules d'une

myriade de fines arabesques orientales dorées. Fond peint et coussins de Fortuny.

© Musée Fortuny, Venise.

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Fortuny

Le corps de la reine Néfertiti drapé dans un lin, fin et plissé : l'un des plissés inspira­

teurs de Fortuny ovec celui de l'Aurige de Delphes (v. 1 365-1 349 av. J.-O, quartzite

rouge, H. : 29 cm). Musée du Louvre, Paris. © Éditions Assouline.

L'actrice Natasha Rambova, l'une des épouses de Rudolf Valentino, drapée dans

une robe Delphos. Jamais les Delphos n'ont paru aussi modernisantes que sur cette

photographie de James Abbe. © Kathryn Abbe Photographs, Glen Head, New York.

Magnifique "fouillis" de robes Delphos. Les épaules et les coutures étaient ponc­

tuées de perles de verre assorties, que Fortuny commandait directement aux artisans

de Murano. Robe noir et or : don d'Elizabeth Sweeting, robe anciennement portée

par Eleonora Duse ; robe bleue : don de Miss Elilie Gigsby ; robe abricot : don de

Miss Irène Worth. © The Victoria & Albert Muséum, Londres, photo : R. I. Davis.

La "machine infernale", brevetée par Fortuny, avec laquelle il plissait le satin de

soie destiné à la confection des Delphos. Brevet n° 414.1 19 du 10 juin 1909

intitulé : "Genre d'étoffe plissée ondulée". © Institut national de la propriété indus­

trielle, Paris.

Trois robes Delphos en satin de soie plissé. © The Metropolitan Muséum of Art,

New York.

Trois des filles adoptives de la danseuse américaine Isadora Duncan. De gauche

à droite : Lisa (la plus connue), Anna et Mergot. Les Delphos furent vendues un

temps dans la boutique de Paul Poiret, Rosine, avant que Fortuny n'installe son

propre magasin parisien à côté. © Roger-Viollet, collection Harlingue-Viollet, Paris.

Cape du soir en velours de soie imprimé or portée sur une Delphos (don de

G. J. Vincent Minetti, 1972). © The Metropolitan Muséum of Art, New York.

Echantillons colorés de satins de soie plissés Delphos conservés par la comtesse

Elsie Lee Gozzi, qui avait repris les affaires de Fortuny après la disparition de celui-ci

en 1949. Collection Elsie Lee Gozzi, Venise. © D.R.

Illustration d'un numéro de Vogue (Paris, 1924). Robe médiévale à quilles de soie

plissée incrustées dans des panneaux de velours de soie, et manteau du soir court en

velours de soie grenat imprimé de motifs orientaux or. © Condé Nast Publications Ltd.

L'actrice Lilian Gish posant pour un portrait dans une robe Delphos en satin de

soie plissé. La mode de Fortuny avait séduit Hollywood et nombre de ses plus char­

mantes actrices dans les années vingt. © Photo : Nell Dorr.

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Robe médiévale en velours de soie or largement inspiré du motif Renaissance de

la fleur de chardon accompagnée de ses feuilles. Les quilles de soie plissée sonl

maintenues par des liens de passementerie terminés par des perles de verre de

Murano ton sur ion. © Kyoto Costume Institute, photo : Minsei Tominaga.

Le primo piano nobile du palazzo Fortuny ("premier étage noble"), photographié

par l'artiste. On y voit ses étoffes, ses collections, ses tableaux et cette lumière dif­

fuse qui l'inspiraient tant. © Cen t ro di documentazione di Palazzo Fortuny.

Portrait d'Henriette Fortuny. Gravure. © Bibliothèque nationale, Madrid.

Rare exemple du travail de Fortuny sur la soie simple. Ici, un manteau oriental

rose sombre imprimé or, aux amples manches fendues et au col rond, orné sur

toutes ses fentes de passementerie et de perles de verre de Murano (don de

M, Courtland Palmer, 1950). © The Metropolitan Museum of Art, New York.

Mariano Fortuny dans sa bibliothèque - l'un des portraits les plus attachants de

l'artiste qui le montre tout à son travail. La table de la bibliothèque était une anti­

quité somptueuse, plus proche de la table d'un festin pantagruélique que d'un

bureau. © Musée Fortuny, Venise.

Une robe Delphos en satin de soie plissée, ceinturée haut à la manière roman­

tique. Sur cette photo, Fortuny eut à coeur de montrer à quel point ses robes étaient

longues et magnifiaient les courbes voluptueuses de ses modèles. En arrière-plan,

un panneau de velours de soie Fortuny imprimé "à la grenade", façon Renaissance

flamande et italienne. © Musée Fortuny, Venise.

Les deux lampes de Fortuny, rééditées par Andrée Putman pour Ecart International

depuis le début des années quatre-vingt. La lampe de bureau aux lignes Art déco

siégeait sur le bureau de Fortuny. Le spot de studio a quant à lui été inventé par

l'artiste afin d'éclairer ses modèles pendant les prises de vues. Le procédé fut repris

dans les musées - de tels spots éclairent notamment les fresques de Véronèse à la

Scuola San Rocco de Venise. © Écart International, photo : Deidi von Schaewen.

Ces deux majestueux panoramas de Fortuny montrent la diversité des styles du

créateur jusqu'en photographie ; le premier, renvoyant l'image d'un tourisme de

luxe, n'est pas sans rappeler John Singer Sargent ; le second est plus sombre et

plus mystérieux malgré la présence de la petite fille sur la gauche. © Musée

Fortuny, Venise.

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Une robe Delphos dont le "plissé vague", inventé par Fortuny vers 1915, est

repris aujourd'hui par Issey Miyake. Illustration Anne Cluzel. © Éditions Assouline.

Isadora Duncan et son époux russe, le poète Serguei lessenine, accompagnés

de l'une des filles adoptives de la danseuse, Irma Duncan, vêtue d'un ensemble

Delphos ; robe sans manches et tunique, le tout en satin de soie plissé ourlé de

perles de verre de Murano. © Roger-Vïollet, collection Viollet, Paris.

Panneau (347,5 x 125,7 cm) inspiré des décorations françaises du XVIIIe siècle,

réalisé par Fortuny pour ses collections personnelles (don de Miss Jeanette Young).

© The Art Institute of Chicago.

Velours de soie noire imprimé de pampres dorés, motif que Fortuny utilisait pour

ses ornements liturgiques. © The Victoria & Albert Museum, Londres.

Deux autochromes couleur de Fortuny montrant des modèles en velours de soie

imprimé or et argent aux formes médiévales et Renaissance. En arrière-plan, pan­

neaux de Fortuny : large velours de soie pourpre et fins feuillages peints sur soie.

Au sol, coussins de Fortuny. © Musée Fortuny, Venise.

Fortuny avait lui-même mis en scène son premier modèle de couture, un simple

rectangle de coton, puis de soie, baptisé "Knossos", imprimé de motifs cycla-

diques dans des couleurs passées. © Musée Fortuny, Venise.

L'un des rares kimonos créés par Fortuny. Satin de soie de la couleur japonaise wabi

moirée, peint à la main du motif du prunus, véritable mémento mon oriental où l'arbre

offre ses boutons, ses fleurs puis ses fruits avant de mourir. © Collection particulière.

Fortuny graveur : un soulier de femme vraisemblablement inspiré des collections du

musée Correr, à Venise, ou du musée Cluny, à Paris, où Fortuny rôdait, cherchant

l'inspiration pour ses propres collections. © Bibliothèque nationale, Madrid.

Photographie de Fortuny montrant le primo piano nobile ("premier étage noble")

du palazzo Orfei. Cette immense pièce servait entre autres de show-room.

© Musée Fortuny, Venise.

Robe Delphos en satin de soie plissé et veste d'intérieur en voile de soie bordé

de perles en verre de Murano, photographiées par Fortuny dans le palazzo.

© Musée Fortuny, Venise.

Manteau du soir en velours de soie bleu imprimé argent et robe Delphos en satin

de soie plissé rose pâle. La Mode dans l'art, formes et couleurs du siècle,

M* Millon et Robert, Drouot-Montaigne, 29 nov. 1994. © Bernard Richebé.

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Les rectangles Knossos mis en scène par Fortuny sur des mannequins vivants, dans

une scène bucolique caractéristique de l'esprit des présentations de mode de

l'époque où était inventée une histoire pour chaque collection - manière heureuse-

ment remise à l'honneur par Jean Paul Gaultier ou John Galliano. © Musée Fortuny,

Venise.

Trois robes. De g. à dr. : velours de soie brun-rose imprimé or à quilles de satin de soie

plissé (don de Mrs Ashmore, 1970) ; crêpe de soie gris-bleu imprimé or à l'encolure,

sur les manches et sur la jupe - ceinture en lien de passementerie (don de Mrs Léonard

Smiley, 1975) ; robe d'intérieur en velours de soie or imprimé or (don de Miss Chose,

1948). © The Metropolitan Muséum of Art, New York, Détail d'un velours pourpre

imprimé d'argent. © The Victoria & Albert Muséum, Londres, photo : Sarah Hodges.

Veste de femme en velours de soie imprimé d'une mosaïque de fins motifs orien­

taux or et argent et bordé d'un ruban imprimé de cœurs d'étoiles à six branches et

de pois (doublure moderne). © The Los Angeles County Museum of Art.

Ce détail d'une veste de femme permet de voir la finesse des finitions et la diversité

des tissus Fortuny : velours de soie imprimé or, soie grège imprimé de motifs minuscules,

bordés de perles de verre de Murano. © The Los Angeles County Muséum of Art.

Manteau du soir en soie ivoire imprimée à la planche. Les pans de soie sont reliés

par des perles en verre de Murano. La Mode dans l'art, 1890-1990, Mes Millon et

Robert, Drouot-Montaigne, 5 juin 1991. © D.R.

Deux clichés noir et blanc de Fortuny. Dans le studio de son palazzo, le créateur

a mis en scène l'une de ses fameuses robes Delphos et une robe médiévale en

velours de soie et quilles de satin de soie plissé. Les deux modèles sont agrémentés

de capes de jour en voile de soie imprimé, fermées par des liens de passementerie

terminés par des perles en verre de Murano. © Musée Fortuny, Venise.

Détail d'un panneau en velours de soie pourpre imprimé argent de fines ara­

besques mi-Renaissance, mi-orientales. © The Victoria & Albert Museum, Londres,

photo : Sara Hodges.

Robe Delphos noire en satin de soie plissé et veste orientale en velours de soie

imprimé or (doublure moderne). © The Victoria & Albert Museum, Londres.

Selma Schubert, la sœur du photographe Alfred Stieglitz, portraiturée par son

frère dans une robe Delphos orangée assortie de fleurs à la ceinture, qu'elle porte

sous un cardigan (don de Georgia O'Keeffe, 1955). © The Metropolitan Museum

of Art, New York.

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L'éditeur tient à remercier Silvio Fuso, conservateur du musée Fortuny, à Venise.

Merci également à Minsei Tominaga, Deidi von Schaewen, Bernard Richebé,

Kathryn Abbe (Kathryn Abbe Photographs, Glen Head, New York), Haydn Hansell

(The Victoria & Albert Picture Library, Londres), Sara Hodges (photographe auprès

du Victoria & Albert Muséum), Micheline Monka (Institut national de la propriété

industrielle, Paris), Deirdre Donohue (The Metropolitan Muséum of Art, New York),

Rye Nii (The Kyoto Costume Institute, Kyoto), Michel Taural (Ecart International,

Paris), Luisa Cuenca (Biblioteca Nacional, Madrid), Françoise Auguet (expert

auprès de maîtres Millon et Robert), Dominique Georget (étude Millon et Robert,

Paris), Kimberly D. Costas (The Los Angeles County Muséum, Los Angeles),

Atalanta Bouboulis (ancienne directrice de la Fabrica Fortuny, Venise), Adrienne Jeske

(The Art Institute of Chicago, Chicago) et The Condé Nast Publications Ltd.