françoise hardy

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Versailles Magazine Décembre 2012 / Janvier 2013 L’Amour fou (Éd. Albin Michel), est un texte que vous avez laissé mûrir pendant des années et qui avait été écrit pour « soulager » vos tourments amoureux. Le publier aujourd’hui vous a-t-il replongée dans ces souffrances ? Je l’ai effectivement écrit il y a de nom- breuses années, mais il m’a accompagnée régulièrement jusqu’à aujourd’hui. Je ressortais les pages de ce récit de temps en temps pour les relire, travailler la forme, encore et encore… Aujourd’hui, c’est fini, je ne peux plus rien faire ! C’est une page qui se tourne. Tout ceci est loin de moi désormais. J’en retiens juste que j’ai éprouvé des sentiments très forts et que cela a nourri tous mes textes – de chanson ou autres… Derrière « X », l’homme qui fait souffrir la narratrice, le lecteur cherche, bien entendu, à percer les mystères de votre amour pour Jacques Dutronc… « X », n’est pas Jacques Dutronc ; je n’ai pas eu beaucoup d’histoires d’amour ; deux ont été connues du public (Jean-Marie Perrier et Jacques Dutronc) ; mais « X » est la synthèse de tous les hommes que j’ai aimés. « X » n’est d’ailleurs pas le sujet du livre. Le sujet, c’est le sentiment amoureux et la souffrance de la narratrice qui ne sait pas aimer sans perdre toute volonté, sans devenir « dépendante » de cet amour. Dépendante et en attente… Une attente qui fait fuir l’être aimé… Vous n’avez jamais réussi à vous libérer de ce schéma FRANÇOISE HARDY De Tous les garçons et les filles à L’Amour fouIls sont passés par Versailles. Ce sont les « Grands témoins ». Représentants des anciens Versaillais, ou auteurs, créateurs dont Versailles a été source d’inspiration, ils nous racontent leur histoire mais aussi les souvenirs de leur passage dans la ville. © DR Distinguée comme artiste interprète féminine de l'année aux 20 e Victoires de la musique, le 5 mars 2005, Françoise Hardy est devenue une référence reconnue et une inspiratrice revendiquée, aussi bien en France qu’en Grande-Bretagne ou au Québec. Interprète mais également auteur (elle obtient une Victoire de la musique notamment pour « Fais-moi une place » composée pour Julien Clerc), la chanteuse se voit remettre sous la coupole de l’Institut de France, la Grande Médaille de la Chanson française, décernée par l'Académie française qui couronne, en 2006, ses quarante ans de carrière d’auteur et d'interprète. Fin octobre 2012, paraît son premier roman, L’Amour fou. Début novembre, un nouvel album, portant le même titre, lui emboîte le pas (son vingt- septième), cinquante ans après la sortie de son premier 33 tours « Tous les garçons et les filles… » qui s’écoulait à un million d’exemplaires… Interview d’une icône de la chanson française. 34 GRAND TÉMOIN

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Versai l les Magazine ! Décembr e 2012 / Janvier 2013

L’Amour fou (Éd. Albin Michel), est un texte que vous avez laissé mûrirpendant des années et qui avait été écrit pour « soulager » vos tourmentsamoureux. Le publier aujourd’hui vous a-t-il replongée dans ces souffrances ?Je l’ai effectivement écrit il y a de nom -

breuses années, mais il m’a accompagnéerégulièrement jusqu’à aujourd’hui. Je ressortais les pages de ce récit de tempsen temps pour les relire, travailler la forme,encore et encore… Aujourd’hui, c’est fini, je ne peux plus rien faire ! C’est une page qui se tourne. Tout ceci est loin de moidésormais. J’en retiens juste que j’aiéprouvé des sentiments très forts et quecela a nourri tous mes textes – de chansonou autres…

Derrière « X », l’homme qui fait souffrir la narratrice, le lecteur cherche, bienentendu, à percer les mystères de votre

amour pour Jacques Dutronc…« X », n’est pas Jacques Dutronc ; je n’ai paseu beaucoup d’histoires d’amour ; deux ontété connues du public (Jean-Marie Perrieret Jacques Dutronc) ; mais « X » est lasynthèse de tous les hommes que j’ai aimés.« X » n’est d’ailleurs pas le sujet du livre. Le sujet, c’est le sentiment amoureux et lasouffrance de la narratrice qui ne sait pasaimer sans perdre toute volonté, sansdevenir « dépendante » de cet amour.

Dépendante et en attente… Une attente qui fait fuir l’être aimé… Vous n’avezjamais réussi à vous libérer de ce schéma

FRANÇOISE HARDYDe Tous les garçons et les filles à L’Amour fou…

Ils sont passés par Versailles. Ce sont les « Grands témoins ». Représentants des anciensVersaillais, ou auteurs, créateurs dont Versailles a été source d’inspiration,ils nous racontent leur histoire mais aussi les souvenirs de leur passage dans la ville.

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Distinguée comme artisteinterprète féminine de l'année aux 20e Victoires de la musique, le 5 mars 2005, Françoise Hardyest devenue une référencereconnue et une inspiratricerevendiquée, aussi bien en Francequ’en Grande-Bretagne ou au Québec. Interprète maiségalement auteur (elle obtient une Victoire de la musiquenotamment pour « Fais-moi une place » composée pour Julien Clerc), la chanteuse se voit remettre sous la coupole de l’Institut de France, la GrandeMédaille de la Chanson française,décernée par l'Académie françaisequi couronne, en 2006, sesquarante ans de carrière d’auteuret d'interprète. Fin octobre 2012,paraît son premier roman,L’Amour fou. Début novembre, unnouvel album, portant le mêmetitre, lui emboîte le pas (son vingt-septième), cinquante ans après la sortie de son premier 33 tours « Tous les garçons et les filles… »qui s’écoulait à un milliond’exemplaires… Interview d’uneicône de la chanson française.

34 GRAND TÉMOIN

Décembr e 2012 / Janvier 2013 ! Versai l les Magazine

amoureux ?J’ai mis des années à comprendre cemécanisme ; quand deux êtres éprouventune grande attraction réciproque, c’estqu’ils ont une problématique commune : un ego fragile, un sentiment de soiinconfortable. L’un est en demande, l’autrene se sent pas à la hauteur de cettedemande, et il fuit… J’ai mis de longuesannées à me détacher de tout cela et ça aété très douloureux.

Est-ce que vos lecteurs se sont reconnusdans ce roman ?Les journalistes me disent parfois que celivre est « touchant ». Cela me surprend…Je le trouve plutôt violent ! En revanche, j’ai reçu des lettres magnifiques de lectricesque je garde précieusement. J’ai lesentiment que les femmes sont plus« sensibles » à ce que je décris.

Avez-vous trouvé plus de joie et desérénité dans l’amour maternel et votrerelation avec votre fils Thomas Dutronc ?Thomas ne m’a apporté que du bonheur.Mais derrière ce grand bonheur, il y a euaussi les angoisses, les inquiétudes, d’unemère pour son fils. Thomas était un petitgarçon sensible et tendre ; parfois je ne mesentais pas assez disponible pour lui. Maisaujourd’hui, il travaille énormément, il a dutalent et beaucoup de ressources.

Vous fêtez vos 50 ans de carrière et vousracontez souvent que lorsque vous avezsigné votre premier contrat, vous n’étiezpas certaine d’être toujours là dans 5 ans… Quel regard portez-vous sur toutes ces années ?Cela m’inspire, avant tout et surtout, de la gratitude. Je me sens reconnaissanteenvers mes maisons de disque qui m’onttoujours fait confiance, qui ont toujoursmanifesté l’envie de travailler avec moi. Jeme sens aussi reconnaissante envers lesmedia et le public bien entendu.

Vous travaillez régulièrement avec dejeunes compositeurs. Comment se

passent ces collaborations ?En général, je reçois des maquettes. ThierryStremler par exemple m’envoie une dizainede chansons et parmi elles, il y a parfois uneperle sur laquelle je tente d’écrire un texte.Pour Julien Doré, les choses se sont faitesdifféremment car il a aussi écrit le texte deNormandia. J’aime son écriture poétique,alors que la mienne est plus « concrète »,« cohérente ». Pour Calogero, ce sont sesmélodies que je trouve superbes. Je lui en aidonc demandé une pour cet album. Je faisrarement cette démarche, car je crains engénéral d’être déçue par ce que je reçois et d’avoir à le dire. Ma franchise, je le sais,peut être blessante. Et je ne veux pasprendre le risque trop souvent de blesser lesgens.

Cet album incarne une sorte de synthèsemélodique et mélodieuse de votrecarrière, par son homogénéité, par sa

couleur, par les émotions qu’il nousprocure. Avez-vous été fidèle à vous mêmependant ces 50 années ?Je suis très heureuse de ce dernier albummais il n’a pas toujours été facile d’êtrefidèle à mes convictions musicales, à monintimité artistique. J’ai travaillé avec desartistes extraordinaires comme MichelBerger ou Gabriel Yared. Je suis très fièrepar exemple d’avoir chanté MessagePersonnel, mais il faut bien dire que l’albumque j’ai fait avec Michel est assez mauvais.J’ai chanté parfois des inepties ridicules,très éloignées de ce que j’étais, mais c’étaitle tribut à payer pour chanter ses chefsd’œuvre. Mes meilleurs albums sont ceuxoù j’ai eu la possibilité d’être fidèle à moi-même. L’album que j’ai fait avec Tuca ouencore l’album que l’on appelle « Orange »sont de très bons albums et il me sembleque L’Amour fou me ressemble… Cela veut-il dire que c’est un bon album ? » !

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51. Avec Mick Jagger. 2. Avec Bob Dylan. 3. Avec Georges Moustaki. 4. Avec Jacques Dutronc. 5. Thomas Dutronc.

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