héros malgré eux ? interview pour l'article de la libre belgique, carrières, du 21/02/2015
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Libre Entreprise Carrières
10 La Libre Entreprise - samedi 21 février 2015
Héros malgré euxP Les entrepreneurs occupentune place laissée vide par lesautres piliers de notre société.
P Ces (super ?) héros portenten eux l’idée qu’un autremonde est possible.
Eclairage Liliane Fanello
Quelles similitudes entre TonyStark (“Iron Man”), Steve Jobs,Batman et l’entrepreneurfrançais Xavier Niel ? Tous les
quatre dirigent une ou plusieurs entreprises. Ils inventent, bousculent lemonde et sont de fins stratèges. Touten maintenant le cap, ils ont néanmoins des failles, font des erreurs.C’est d’ailleurs ce qui fait qu’on peuts’identifier à eux. Chacun peut êtreconsidéré, à sa manière, comme unhéros des temps modernes.
Héros ou superhéros ? Si l’on s’entient à la définition de Fred Colantonio, auteur d’une trilogie sur l’attitude des héros (1), “le héros est la personne qui a le rôle principal dans unehistoire. A ce titrelà, les chefs d’entreprises, mais aussi les salariés, sont deshéros s’ils ont conscience qu’ils ont lacapacité d’influencer leur histoire.”Pour Fred Colantonio, on fait cependant fausse route quand on postuleque l’entrepreneur est omnipotent.“Pour moi, une de ses premières qualités est d’avoir la clairvoyance de s’entourer et l’humilité d’aller chercherchez les autres les compétences qu’il n’apas. Or, souvent, le message adresséaux entrepreneurs est qu’ils doiventpouvoir tout faire.”
Le dirigeant d’entreprise ne doitdonc pas être bon dans tout. Parcontre, il doit inspirer et créer lesconditions pour que les gens autourde lui donnent le meilleur d’euxmêmes. Certains appelleront cela ducharisme. D’autres n’hésiteront pasà emprunter des termes plus “ésotériques”, comme l’aura et le rayonnement.
Marina Aubert, membre du collectif Orchestraa (collectif francobelgepour le développement de l’économie collaborative), a par exempledéveloppé un programme taillé surmesure pour les décideurs, intitulé“L’aura des dirigeants”.
A la base, Marina Aubert est unespécialiste en stratégie de communication web et en réseaux sociaux.Elle s’adresse aux entreprises pour ydévelopper des projets dans ce domaine. Mais son expérience lui amontré que tout commence par ledirigeant. “Nous devons d’abord ren
forcer la force personnelle du dirigeant,et ce par la maîtrise de ses talents et deses limites. Pour pouvoir permettre auxautres de semobiliser, celuici a en effetbesoin d’être bien clair avec soimêmeet centré sur luimême.”
Pour Marina Aubert, dans une Europe vieillissante, le seul atout decompétitivité restant aux entreprises d’aujourd’hui, c’est l’humain.“Un humain ne fonctionne bien que s’ilse sent bien. Et ce bienêtre passera parle dirigeant, car c’est unmodèle pour lasociété. Notre objectif est de développerson rayonnement, propager son attitude positive à l’ensemble de l’entreprise. Car l’être humain fonctionne parmimétisme aussi.”
L’entrepreneur est donc bien unesorte de héros. “L’être humain a toujours appris par imitation et dansbeaucoup d’entreprises, le comité de direction doit justement insuffler une direction,montrer l’exemple. C’est sa responsabilité”, embraye Fred Colantonio. Celuici constate cependant quedans beaucoup de sociétés, cette valeur d’exemplarité du managementfait défaut. “Si, en période de compres
sion budgétaire, le personnel reçoitl’injonction qu’il faut faire des effortsalors que le dirigeant s’achète une nouvelle voiture, c’est incohérent. La cohérence, c’est le plus petit écart possibleentre ce qu’on dit et ce qu’on fait.”
Associer le dirigeant d’entreprise àun héros n’est en réalité pas neuf.Comme l’explique AurélienFouillet(2), sociologue de l’imaginaireet directeur des études à l’institutEranos (Paris), cela remonte au XIXe
siècle. A l’époque où la bourgeoisieet les capitaines d’industrie ont prisla place des chevaliers et de la noblesse. “Parler d’aura du dirigeant nem’étonne pas trop car en prenant laplace du chevalier ou de l’aventurier, lafigure du chef d’entreprise s’est également chargée de tout le vocabulairequi allait avec.”
Aujourd’hui, un phénomène destarification s’est cependant ajoutéau génial ingénieur du XIXe siècle, aupionnier qui bouleverse : les héroscontemporains, dont Steve Jobs estcertainement la figure la plus emblématique, ont également réussi à
créer, autour d’eux, une communauté.
Pour Aurélien Fouillet, l’entrepreneur est un superhéros. “Comme lessuperhéros, il vient structurer un ensemble de comportements. Il occupedans la société une fonction que le politique, le religieux et le culturel n’occupent plus. Tel Superman, il cristalliseune histoire collective et sociale.”Autrement dit, ces superhéros“malgré eux” viennent redonner dusens à notre société. “Des personnages comme Mark Zuckerberg ou SteveJobs portent en eux l’idée qu’un autremonde est possible. C’est donc essentiellement quelque chose de positif, carce dont l’Europe souffre justement,c’est le manque de lien social et d’existence d’une communauté.”
U (1) Fred Colantonio est l’auteurd’une trilogie. Le livre “Action – Devenez le Héros de votre propre histoire.Relevez vos défis”, sorti en 2014, est ledeuxième de cette série éditée parL’attitude des hérosU (2) Auteur de “L’Empire ludique.Comment le monde devient (enfin) unjeu ?”, éditions François Bourin, 2014.