historique de l'évaluation des apprentissages : de l'enseignement
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CANTAT ADRIEN
HISTORIQUE DE L'EVALUATION DES APPRENTISSAGES :
DE L'ENSEIGNEMENT DES JÉSUITES À L'APPROCHE PAR COMPÉTENCES
Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval
dans le cadre du programme de maîtrise en Administration et évaluation en éducation pour l'obtention du grade de maître es arts (M.A.)
DEPARTEMENT DES FONDEMENTS ET PRATIQUES EN EDUCATION FACULTÉ DES SCIENCES DE L'ÉDUCATION
UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC
2009
© Cantat Adrien, 2009
II
Résumé
Le but de cette étude est de déterminer si la mise en place de l'approche par compétences dans le
système scolaire québécois a permis l'instauration d'une évaluation des apprentissages d'un genre
nouveau, ou si à contrario, il ne s'agit en réalité que d'une redite de ce qui était déjà pratiqué par
le passé.
Pour ce faire, après avoir étudié l'histoire de l'évaluation des apprentissages dans plusieurs pays
références à savoir la France, la Belgique, la Suisse, les Etats-Unis, et nous être penchés sur
l'approche par compétences, nous avons procédé à une étude portant sur trois documents émis par
les instances scolaires de la province du Québec traitant de l'évaluation des apprentissages que
sont Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (1923), La politique
d'évaluation pédagogique (1981), et La politique d'évaluation des apprentissages (2003). Après
avoir élaboré un questionnaire comprenant trois grandes dimensions (philosophique,
méthodologique, théorique), nous avons soumis celui-ci, avec les documents retenus dans le
cadre de notre étude, à trois répondants spécialisés en évaluation des apprentissages. Dans un
souci de clarté, nous avons ensuite répertorié les informations dans trois grilles d'analyse.
Il ressort de l'étude de ces trois documents officiels que l'évaluation des apprentissages instaurée
suite à la mise en place de l'approche par compétences dans le système éducatif québécois est sur
certains points innovatrice. En effet, le recours aux situations d'évaluation comme principal outil
d'évaluation, l'abandon de l'évaluation normative au profit exclusif de l'évaluation critériée,
l'adhésion au courant cognitiviste, constructiviste et socioconstructiviste de la politique
d'évaluation de 2003 marquent un point de rupture avec l'évaluation des apprentissages prônée
jusqu'ici au.Québec.
m
Remerciements
Au terme de cette étude, je tiens à exprimer mes plus sincères remerciements à mon directeur de
recherche, monsieur Pierre Valois, qui m'a soutenu et guidé tout au long de cette grande
aventure.
Je tiens également à remercier ma famille et mes amis qui, dans les moments difficiles, n'ont eu
de cesse de m'encourager.
rv
Table des matières
Résumé II
Remerciements m
Table des matières IV
Liste des tableaux X
Introduction 11
Chapitre 1 : Historique de l'évaluation 15
1.1. A l'origine les Jésuites 16
1.1.1. Les Jésuites de nos jours 17
1.1.2. La création de l'ordre 18
1.1.3. Naissance de la vocation étudiante de l'ordre 19
1.1.4. L'éducation des Jésuites 21
1.1.4.1. he Ratio Studiorum 21
1.1.4.2. L'encadrement des élèves 22
1.1.4.3. L'émulation 22
1.2. Le Québec 27
1.2.1. Histoire de l'éducation au Québec 27
1.2.1.1. La fondation de la Nouvelle France 27
1.2.1.2. La mise en place d'un premier système éducatif 28
1.2.1.3. La domination de l'Eglise sur le système éducatif 29
1.2.1.4. « La Révolution Tranquille » 30
1.2.2. Histoire de l'évaluation... 31
1.2.2.1. L'évaluation dans les petites écoles 31
1.2.2.2. La première ébauche de système éducatif centralisé 32
1.2.2.3. Les années 60 et les conséquences de la « Révolution Tranquille » 32
1.2.2.4. Les années 70 34
1.2.2.5. Les années 80 35
1.3. La France 37
1.3.1. Histoire de l'éducation en France à travers ses réformes éducatives 37
1.3.2. L'évaluation héritée des Jésuites 39
1.3.3. Remise en question du système d'évaluation traditionnel 41
1.3.4. Le passage à une pédagogie par « objectifs » 42
1.4. La Belgique 44
1.4.1. Une brève histoire de l'éducation en Belgique 44
1.4.2. Historique de l'évaluation 47
1.4.2.1. L'héritage des Jésuites.^ 47
1.4.2.2. Les conséquences de l'indépendance de la Belgique 47
1.4.2.3. Les politiques scolaires de l'égalité dans l'enseignement
secondaire 48
1.5. La Suisse 51
1.5.1. Petit rappel historique concernant la Suisse 51
1.5.2. Petit rappel concernant l'éducation en Suisse 52
1.5.3. Les origines de l'évaluation 53
1.5.4. L'évaluation de nos jours en Suisse 54
1.5.4.1. Canton de Berne 54
1.5.4.2. Canton de Vaud 55
1.5.4.3. Canton de Genève 56
1.6. Les États-Unis 57
1.6.1. Rappel historique sur l'éducation aux États-Unis 57
1.6.1.1. Les origines (1607-1830) 57
1.6.1.2.L'école de la République (1830-1890) 58
1.6.1.3. L'école progressiste (1890-1957) 58
1.6.1.4. L'époque moderne 60
1.6.2. Histoire du testing aux États-Unis 61
VI
1.6.2.1. Les origines 61
1.6.2.2. Les premières mises en application 62
1.6.3.3. Le développement du testing 63
Chapitre 2 : L'approche par compétences 66
2.1. Les origines du concept de compétence 68
2.1.1. La conception des linguistes 68
2.1.2. La conception des psychologues du développement cognitif 69
2.1.3. La conception des professionnels des sciences du travail 70
2.1.3.1. Le concept de qualification 71
2.1.3.2. Le concept de compétence 72
2.2. L'approche par compétences adaptée à l'éducation 72
2.2.1. Les définitions existantes 74
2.2.2. Les caractéristiques propres au concept de compétence 76
2.2.3. Les définitions retenues par les organismes internationaux 77
2.3. Le collège Alverno 77
2.3.1. Les capacités et le ability-based program 78
2.3.2. Principes fondamentaux 81
2.3.3. L'apprentissage 82
2.3.4. L'assesment 82
2.4. La réforme québécoise 84
2.4.1. L'évaluation comme pierre angulaire du renouveau pédagogique 84
2.4.1.1. Le recueil d'informations 84
2.4.1.2. L'élaboration d'un jugement global 85
2.4.1.3. La communication 85
2.4.2. Les valeurs 86
2.4.2.1. Les valeurs fondamentales 86
2.4.2.2. Les valeurs instrumentales 87
2.4.3. Une réforme pédagogique centrée sur les compétences 88
2.4.3.1. Les compétences disciplinaires 89
vn
2.4.3.2. Les compétences transversales 90
2.4.3.3. Les échelles de compétences 91
2.5. Le décret « Missions » en Belgique 93
2.5.1. Historique de la Réforme 93
2.5.2. La définition des compétences 94
2.5.3. Les objectifs du décret « Missions » 95
2.5.4. Les socles de compétences et les compétences terminales 95
2.5.5. L'évaluation 99
Chapitre 3 : Méthodologie de recherche 101
3.1. Les répondants 104
3.2. Les documents à l'étude 104
3.3. Collecte des données 109
3.3.1. Le questionnaire 109
3.3.1.1. La dimension philosophique 109
3.3.1.1.1. Les buts de l'évaluation 109
3.3.1.1.2. Les valeurs morales propres à l'évaluation 109
3.3.1.1.3. Le rôle de l'enseignant dans l'évaluation des apprentissages 109
3.3.1.1.4. La communication dans l'évaluation des apprentissages 110
3.3.1.2. La dimension méthodologique 110
3.3.1.2.1. Les types d'évaluation préconisés 110
3.3.1.2.2. Les outils d'évaluation évoqués 111
3.3.1.2.3. Les méthodes de communication 111
3.3.1.3. La dimension théorique 111
3.3.2. La stratégie de collecte des données 112
Chapitre 4 : Résultats et discussion 113
4.1. Interprétation horizontale 118
4.1.1. Le programme des écoles primaires élémentaires et
vin
complémentaires (1923) 118
4.1.1.1. La dimension philosophique 118
4.1.1.1.1. Les buts de l'évaluation 118
4.1.1.1.2. Les valeurs de l'évaluation 119
4.1.1.1.3. Le rôle de l'enseignant dans l'évaluation des
apprentissages 121
4.1.1.1.4. La communication à établir entre les enseignants,
les instances scolaires, les parents et les élèves 122
4.1.1.2. La dimension méthodologique 122
4.1.1.2.1. Les types d'évaluation préconisés 122
4.1.1.2.2. Les outils d'évaluation évoqués 124
4.1.1.2.3. les méthodes de communication préconisées 126
4.1.1.3. La dimension théorique 127
4.1.2. Politique générale d'évaluation pédagogique (1981) 128
4.1.2.1. La dimension philosophique 128
4.1.2.1.1. Les buts de l'évaluation 128
4.1.2.1.2. Les valeurs de l'évaluation 129
4.1.2.1.3. Le rôle de l'enseignant dans l'évaluation des
apprentissages 130
4.1.2.1.4. La communication à établir entre les enseignants,
les instances scolaires, les parents et les élèves 130
4.1.2.2. La dimension méthodologique 130
4.1.2.2.1. Les types d'évaluation préconisés 130
4.1.2.2.2. Les outils d'évaluation évoqués 132
4.1.2.2.3. Les méthodes de communication préconisées 132
4.1.2.3. La dimension théorique 133
4.1.3. Politique d'évaluation des apprentissages (2003) 133
4.1.3.1. La dimension philosophique 133
4.1.3.1.1. Les buts de l'évaluation 133
4.1.3.1.2. Les valeurs de l'évaluation 134
4.1.3.1.3. Le rôle de l'enseignant dans l'évaluation des
IX
apprentissages 134
4.1.3.1.4. La communication à établir entre les enseignants,
les instances scolaires, les parents et les élèves 135
4.1.3.2. La dimension méthodologique 135
4.1.3.2.1. Les types d'évaluation préconisés 135
4.1.3.2.2. Les outils d'évaluation évoqués 137
4.1.3.2.3. Les méthodes de communication préconisées 137
4.1.3.3. La dimension théorique 137
4.2. Interprétation verticale 140
4.2.1. La dimension philosophique 140
4.2.1.1. Les buts de l'évaluation 140
4.2.1.2. Les valeurs de l'évaluation 141
4.2.1.3. Le rôle de l'enseignant dans l'évaluation des apprentissages 142
4.2.1.4. La communication à établir entre les enseignants, les instances
scolaires, les parents et les élèves 143
4.2.2. La dimension méthodologique 144
4.2.2.1. Les types d'évaluation préconisés 144
4.2.2.2. Les outils d'évaluation évoqués 145
4.2.2.3. Les méthodes de communication préconisées 146
4.2.3. La dimension théorique 148
4.3. Les limites de la recherche 150
Conclusion 151
Références 154
Annexe 162
Liste des tableaux
Tableau
1. Les différences entre compétence et performance linguistique 69
2. Tableau récapitulatif des définitions de compétence en éducation 75
3. Les documents retenus pour l'analyse des politiques d'évaluation québécoises 108
4. Les résultats relatifs à la.dimension philosophique 115
5. Les résultats relatifs à la dimension méthodologique 116
6. Les résultats relatifs à la dimension théorique 117
12
Depuis l'antiquité, l'évaluation des élèves a toujours été une question primordiale. Elle seule
permet, en effet, de déterminer le niveau atteint par ces derniers pendant et à la fin de la période
d'enseignement, que ce soit à des fins purement financières pour les professeurs indépendants ou
les précepteurs privés ou à des fins pédagogiques comme c'était le cas chez les Jésuites (Cardinet,
1991).
Cette nécessité perdure dans nos sociétés modernes, les notions d'éducation et d'évaluation des
apprentissages étant intimement liées, si ce n'est inconcevable l'une sans l'autre. Un système
éducatif se voulant efficace, juste et équitable se doit de reposer sur une évaluation des
apprentissages formalisée et rigoureuse. Pendant longtemps, comme nous le verrons
ultérieurement, la responsabilité d'évaluer les acquis chez les élèves était entièrement dévolue à
l'enseignant qui appliquait selon son bon vouloir les méthodes d'évaluation qui lui semblaient les
plus appropriées. Désormais, grâce à la modernisation des méthodes d'enseignement et aux
nombreuses avancées effectuées dans les domaines de la docimologie, du testing, et de la mesure
et de l'évaluation, l'évaluation des apprentissages est clairement définie, réglementée et contrôlée
par les ministères de l'éducation de chaque pays. En effet, il existe dans la plupart des pays
développés, et de manière concomitante en règle générale à l'instauration de l'instruction
obligatoire, des pratiques d'évaluation préconisées par les autorités scolaires.
En préambule à la présente étude, il est nécessaire, pour éviter toutes les possibles erreurs
d'interprétations, de définir ce que l'on entend par évaluation des apprentissages. Le ministère de
l'éducation du Québec (2003) définit l'évaluation des apprentissages en ces termes:
« L'évaluation est le processus qui consiste à porter un jugement sur les
apprentissages, à partir de données recueillies, analysées et interprétées,
en vue de décisions pédagogiques et administratives. » (p. 29).
Cette définition, bien que claire et précise, mais traitant essentiellement de la notion d'évaluation
en éducation, mérite d'être davantage explicitée afin de saisir véritablement toute la portée du
concept. Pour cela, nous pouvons nous référer à l'explication que nous en donne Laurier,
Tousignant et Morisette (2005) :
13
« Quant à l'évaluation des apprentissages, elle met habituellement en
scène une personne qui doit porter un jugement sur l'apprentissage fait
par un élève en vue d'en déterminer l'étendue ou la qualité,
particulièrement au moment de prendre une décision concernant cet
élève. Évaluer l'apprentissage, ce sera se questionner dans le but
d'estimer si l'élève a appris tout ce qu'il devait apprendre, comme il devait
le faire. Cette évaluation s'effectuera d'abord par la collecte
d'informations pertinentes, puis par l'établissement de comparaisons. »
(p. 13).
Comme nous venons de l'évoquer, après avoir été laissée à la seule appréciation des enseignants,
l'évaluation est donc dès à présent un concept indissociable de celui d'éducation et tient une place
majeure dans les politiques éducatives des pays développés. Comment s'est produite cette double
évolution du particulier au général, de l'empirique au formalisé ? Quel a été le cheminement à
travers l'histoire de l'évaluation des apprentissages depuis ses origines jusqu'à nos jours, où elle
joue dorénavant un rôle à part entière dans les politiques éducatives ?
La première partie de cette étude, sera consacrée à un bref historique retraçant les origines de
l'évaluation en éducation et traitant du développement de celle-ci dans différents pays que nous
prendrons comme exemples. Nous traiterons ainsi tour à tour de l'histoire de l'évaluation des
apprentissages relative à la province du Québec, à la France, la Belgique, la Suisse et aux États-
Unis. Cette analyse permettra de dresser un tableau de ce que fut l'histoire de l'évaluation des
apprentissages en différents lieux, sous différents systèmes politiques ou religieux. Il nous sera
ainsi possible de répertorier les principales similitudes, les différences existantes, et dans la durée
les points de convergence et de divergence.
La deuxième partie portera exclusivement sur l'approche par compétences, qui est depuis une
dizaine d'années en passe de supplanter la pédagogie par objectifs. En effet, plusieurs pays ont
réformé leur système éducatif respectif dans le but de mettre en place une éducation basée sur
l'approche par compétences. Cette dernière est annoncée comme une véritable nouveauté tant sur
le plan de la pédagogie que sur celui de l'évaluation des apprentissages.
14
Nous essaierons dans un premier temps de revenir aux sources même de l'apparition du concept
de compétence par l'étude des origines de ce concept. Dans un deuxième temps, nous nous
intéresserons aux définitions adaptées à l'éducation et à la mise en application concrète de
l'approche par compétences en éducation en étudiant tour à tour les exemples du Collège
Alverno, du Québec et de la Belgique.
Dans la troisième partie, nous aborderons la problématique principale. En effet, après avoir étudié
l'histoire de l'évaluation des apprentissages et nous être penchés sur l'approche par compétences,
nous tenterons dans cette partie de répertorier les données qui permettent d'affirmer que cette
dernière a permis la mise en place d'une évaluation des apprentissages d'un genre nouveau et, a
contrario, de répertorier celles qui indiquent que nous ne sommes qu'en présence, finalement, de
la réécriture d'une méthode qui était déjà pratiquée par le passé au Québec.
Pour ce faire, nous procéderons à une étude portant sur trois documents émis par les instances
scolaires de la province du Québec traitant de l'évaluation des apprentissages. Après avoir élaboré
un questionnaire, nous avons soumis celui-ci, avec les documents retenus dans le cadre de notre
étude, à trois répondants. Dans un souci de clarté, nous avons ensuite colligé les informations
dans une grille d'analyse. L'interprétation des informations que nous avons recueillies fera l'objet
de notre discussion dans laquelle nous présenterons objectivement les différents arguments mis à
jour grâce à cette grille d'analyse et relatifs à la problématique définie précédemment
Ainsi, au terme de notre recherche, nous aurons étudié, tour à tour, l'histoire de l'évaluation des
apprentissages dans différents pays références et l'approche par compétences, avant de terminer
par une étude comparée de trois documents relatifs à l'évaluation des apprentissages émis par les
autorités scolaires du Québec afin d'en déterminer les points convergents et divergents.
Nous conclurons en essayant de répondre, à la lumière de ces différents éléments, à notre
principale interrogation : l'approche par compétences a-t-elle vraiment révolutionné l'évaluation
des apprentissages ou, au contraire, ne met-elle en pratique, sous couvert d'appellations nouvelles,
que des méthodes déjà présentes par le passé dans les politiques d'évaluation émises par le
gouvernement du Québec ?
16
L'évaluation en éducation est une préoccupation plutôt récente pour les autorités scolaires des
principaux pays développés. Effectivement, comme nous le verrons dans cette première partie,
l'évaluation a été pendant longtemps totalement ignorée par ces dernières et laissée au soin
exclusif de l'enseignant qui est le seul maître dans sa classe.
Le développement de l'évaluation en tant que science remonte aux années cinquante avec les
études de Bloom (1956) et la création de sa taxonomie qui seront à l'origine du concept de
docimologie. Suite aux travaux de Bloom (1956) qui ont fait date dans l'histoire de l'évaluation et
aux changements drastiques de nos économies liés au développement du taylorisme tout autant
qu'à la reconstruction d'après-guerre ou aux énormes progrès réalisés dans tous les secteurs
technologiques, l'évaluation se retrouve au cœur des projets éducatifs de nos pays développés. En
effet, il s'agit désormais de former de futurs travailleurs compétents dans des secteurs d'activités
demandant une formation de haut niveau. La force d'un pays se mesure généralement à la valeur
de son « capital humain ». La nécessité de former une main-d'œuvre de qualité va de pair avec
une évaluation de qualité permettant de certifier l'acquisition de telle ou telle compétence dans tel
ou tel secteur d'activité. D'où le développement toujours plus important depuis les années
cinquante de la docimologie, discipline portant sur l'étude des instruments et des méthodes de
mesure et d'évaluation en éducation (Legendre, 2005).
Nous connaissons les grandes lignes du développement de l'évaluation en éducation, mais très
peu d'études ont pour sujet l'histoire de celle-ci à proprement parler. Comme préalable à notre
analyse de contenu qui fera l'objet de notre dernière partie, nous réaliserons donc une petite étude
historique retraçant les origines de l'évaluation en éducation et traitant du développement de
celle-ci dans différents pays que nous prendrons comme exemples, à savoir la province de
Québec, la France, la Belgique, la Suisse et les États-Unis. Nous pourrons ainsi nous avoir une
idée générale de ce que fut l'histoire de l'évaluation en éducation.
1.1. À l'origine les Jésuites
U est impensable de vouloir établir un historique des pratiques éducatives sans se pencher
longuement sur l'héritage laissé par la « Compagnie de Jésus » en matière d'éducation. En effet,
17
l'éducation dispensée par les Jésuites est à la base de tous nos systèmes éducatifs modernes.
Guillermou (1999), dans son ouvrage intitulé « Les Jésuites », le souligne en évoquant le célèbre
Ratio Studiorum, sur lequel nous reviendrons plus tard :
« On peut dire que l'enseignement dispensé par nos lycées et collèges en est
directement issu. Bien mieux, c'est à la Compagnie de Jésus, c'est à St
Ignace lui-même qu'on doit la révolution radicale par laquelle les études
secondaires ont reçu leur caractère moderne. Auparavant, elles étaient
limitées à un humanisme strictement littéraire. La philosophie et les
sciences n'étaient enseignées qu'à la Faculté. St Ignace a pris l'initiative de
les faire enseigner dans les collèges eux-mêmes. Du coup, au premier cycle
d'études humanistes (langues anciennes, poésie, rhétorique) d'une durée de
cinq ans, s'ajouta un second cycle de deux années, consacré principalement
à la philosophie et aux sciences exactes. » (p. 26).
Dans cette première partie, en nous intéressant à la doctrine et aux pratiques éducatives, nous
essaierons de définir quels étaient les procédés d'évaluation mis en place par les Jésuites.
1.1.1. Les jésuites de nos jours
Mais tout d'abord, qui sont véritablement les Jésuites ? La Compagnie de Jésus est à l'heure
actuelle l'ordre religieux le plus important, sur le plan des effectifs, de l'Église Catholique avec
19 216 membres en 2007. À son apogée en 1965, la Compagnie de Jésus comptait 30 036
membres. Mais, La Compagnie n'a pas été épargnée par la crise des vocations que subit l'Église à
l'heure actuelle. Cependant, elle est certainement l'ordre religieux le moins touché par la baisse
des effectifs (Guillermou, 1999).
Elle est présente dans 112 pays dans le monde. C'est en Europe que la Compagnie de Jésus est la
plus implantée. En effet, on y dénombre 6533 religieux dont environ 500 en France, ce qui
représente 34 % des effectifs de la Compagnie. En France, les Jésuites ont la direction de six
collèges : à Bordeaux, Marseille, Paris, Reims, St Etienne et Toulouse. De plus, à St Etienne ils
ont la charge d'une école technique, à Lille d'une école d'ingénieur réputée (I.C.A.M), à Toulouse
18
d'une école d'ingénieur agronome et à Versailles les célèbres classes préparatoires aux grandes
écoles du collège Sainte-Geneviève.
En Belgique, onze collèges sont sous la direction des Jésuites ainsi que plusieurs écoles
techniques, dont l'institut G.R.A.M.M.E. à Liège. Pour ce qui est de l'Espagne, La Compagnie
dirige l'Université de Bilbao (droit et sciences économiques) et l'Université de Gijon (sciences
humaines), plus une vingtaine de collèges et 30 écoles professionnelles.
Les Jésuites sont aussi très présents aux États-Unis où ils sont 3034 religieux, soit 14 % des
effectifs de la Compagnie. Bs continuent de diriger des Collèges et des Universités, mais dans
bien des cas ils partagent la direction de ces institutions avec des organismes privés.
La Compagnie est bien entendu aussi présente en Asie avec 4034 religieux, en Amérique Latine
avec 2950 religieux et en Afrique avec 1430 religieux.
1.1.2. La création de l'ordre
La Compagnie de Jésus fut fondée par St Ignace de Loyola (1491-1556), un gentilhomme
espagnol, après une adolescence tumultueuse et un début de carrière militaire prometteur
notamment au service du vice-roi de Navarre. À la suite d'une sérieuse blessure à la jambe reçue
lors de « l'affaire de Pampelune » en 1521 et qui le rendra boiteux le restant de sa vie, il décide
d'abandonner la carrière militaire et part en pèlerinage à Jérusalem. De retour en Espagne, il
devient étudiant à l'Université d'Alcalà, puis de Salamanque où son zèle de prédicateur le fait
passer aux yeux de l'Inquisition pour un « illuminé ». Après plusieurs brefs séjours en prison, il
décide de quitter l'Espagne et rejoint le Collège Montaigu à Paris où il passe son baccalauréat es
Arts. Par la suite, il prépare une maîtrise es Arts au collège Sainte-Barbe. C'est à cette période
qu'il réussit à regrouper autour de lui plusieurs étudiants talentueux, dont François Xavier et
Pierre Favre. Ce dernier sera le premier prêtre ordonné par la Compagnie. Se retrouvant
régulièrement à Montmartre, ils décident ensemble de se consacrer entièrement à Dieu, de faire
vœu de pauvreté, de chasteté et d'humilité et fondent ainsi la Compagnie de Jésus (Societas Iesu)
en 1534.
St Ignace et les autres Compagnons de Jésus prennent la route en 1537 après avoir décidé de
s'embarquer à Venise pour la Palestine. La guerre entre les Turcs et les royaumes chrétiens les
empêchant de rallier la Palestine comme prévu, les compagnons de Jésus décident de se mettre à
19
la disposition du pape et rejoignent Rome en 1538 où ils s'engagent dans de nombreux actes de
bienfaisance notamment auprès des jeunes filles. Au cours de l'année 1539, les Compagnons
réalisent qu'ils peuvent difficilement se séparer dorénavant. St Ignace se penche donc sur la
question d'une règle de vie commune qui débouchera sur la rédaction de la Formula Instituti, qu'il
soumet au pape Paul Hl en septembre 1539. Ce dernier va mettre un an pour donner son aval
définitif à la création de l'ordre sous la forme de la bulle Regimini Militantis Ecclesiae du 27
septembre 1540 (Guillermou, 1999).
Comme ils l'ont toujours déclaré, les membres de la Compagnie de Jésus restent fidèles à leur
engagement initial et se mettent tout entier à la disposition du pape pour toutes entreprises
missionnaires ou de charité chrétienne. Certains, comme François Xavier parti en Inde,
participent à l'expansion missionnaire de l'ordre tandis que d'autres prennent la défense de la foi
chrétienne en partant prêcher en Europe notamment dans les villes gagnées par la Réforme (p. ex.
en pays germanique) afin de servir d'exemple pour les membres du clergé.
1.1.3. Naissance de la vocation enseignante de la Compagnie
St Ignace, désirant que les Jésuites aient un bon niveau de culture générale afin d'être mieux à
même de lutter contre la Réforme, et en ne voulant pas qu'ils se mêlent aux laïcs qui
fréquentaient les universités, décide de fonder des Collèges pour ses novices. Par la suite, la
Compagnie admit parmi ses élèves des jeunes gens sans vocation religieuse. C'est ainsi que
l'ordre se tournera vers la vocation enseignante qui caractérisera l'Ordre jusqu'à nos jours.
Guillermou (1999) nous l'explique clairement :
V
« Sans doute, à l'origine, ouvrir des classes dans une ville menacée par la
poussée protestante, c'était encore se livrer à un travail missionnaire,
mais la situation une fois stabilisée, l'œuvre enseignante acquit son
autonomie et se juxtaposa aux autres (prédication, direction des âmes,
mission en terres lointaines) devenant sinon la plus importante, du moins
la plus remarquée. » (p. 20).
20
En effet, moins de dix ans après sa création, la Compagnie se tourne vers l'enseignement. Dès
1539, lors de la rédaction de la Formula Instituti, St Ignace souligne l'importance de
l'enseignement du catéchisme aux enfants et aux illettrés, car celui-ci permet le développement
chez les Jésuites d'un certain sentiment d'humilité et de charité. Grâce à de généreux protecteurs,
qui leur en donnèrent les moyens, les Jésuites commencèrent à fonder des collèges là où il
n'existait aucune université. En 1548, la Compagnie inaugure son premier collège mixte dans la
cité sicilienne de Messine.
Conscient de la qualité de l'enseignement prodiguée par les Jésuites, certains universitaires
invitèrent ces derniers, notamment à Ingolstadt en Allemagne ou à Goa en Inde, à donner des
cours dans les universités locales.
Mais, le pas fut véritablement franchi lorsqu'en 1547 le Duc François de Borgia, vice-roi de
Catalogne, offre à la Compagnie un collège ainsi qu'une université dans la ville de Gandie,
capitale de son duché. Quelque temps après l'ouverture de ces deux institutions, les représentants
des chefs de famille de la cité catalane demandèrent expressément à ce que leurs enfants
reçoivent le même enseignement que celui prodigué par les Jésuites. Sans hésitation, St Ignace
consentit à accepter leur requête et ainsi les jeunes laïcs de la ville purent se mêler aux novices de
l'ordre.
Un an plus tard, les notables de Messine lui transmirent par le biais du vice-roi de Sicile une
requête lui demandant la création d'un collège mixte composé de laïcs et de novices. St Ignace
accepta immédiatement et y envoya un de ses anciens disciples le Père Jérôme Nadal
accompagné de onze autres pères afin de diriger au mieux l'établissement. La création de ce
dernier reçut la bénédiction du pape Paul IE.
À partir de ce moment-là, toute avancée notoire de l'ordre dans ses velléités missionnaires se
traduisait inlassablement par la création de collèges. En très peu de temps, l'Europe fut
entièrement recouverte par un réseau important de collèges jésuites dont la plus forte
concentration se situait à proximité des terres conquises par les idées de la Réforme, mais aussi
dans les pays catholiques menacés par les créations d'écoles municipales souvent aux mains
d'enseignants peu compétents et d'une spiritualité plutôt douteuse. Guillermou (1999) parle
« d'une stratégie scolaire » des Jésuites.
21
U est ainsi possible de dire que pour véritablement lutter contre la Réforme, les Jésuites « eurent
tôt fait de comprendre que, pour arriver à leur but, ce n'était pas assez de prêcher, de confesser,
de catéchiser, mais que le véritable instrument de la domination des âmes, c'était l'éducation de
lajeunesse. » (Durkheim, 1938, p. 268).
1.1.4. L'éducation des Jésuites
Les Jésuites font donc de l'éducation leur cheval de bataille contre la Réforme, mais sur quelle
base ? Et en quoi consiste clairement cette éducation et surtout comment se traduit dans les faits
l'évaluation des élèves ? Quelles sont leurs méthodes d'évaluation ? Telles sont les questions qui
nous préoccupent véritablement en traitant des Jésuites.
1.1.4.1. Le Ratio studiorum
Tous les collèges crées par l'Ordre furent dotés, au fil du temps, d'un même règlement intérieur et
d'un même programme d'études. En effet le 8 janvier 1599, le premier règlement général des
études est diffusé sous l'impulsion de Claudio Aquaviva, le supérieur général de l'ordre. H s'agit
du célèbre Ratio studiorum, s'inspirant ouvertement des Constitutions rédigées par St Ignace de
Loyola bien des années plus tôt.
Le Ratio studiorum est une charte de l'enseignement. Les Règles et les Constitutions définissent
les principes de l'enseignement des Jésuites, mais aussi celles de la mise en pratique de la vie
religieuse. Cela est une des particularités de l'enseignement des Jésuites, les moyens
pédagogiques édictés dans le Ratio studiorum « sont aussi des moyens de vivre l'esprit même de
la vie religieuse en enseignant ou en étudiant. » (Demoustier, 1997, p. 26). Le style
d'enseignement de la Compagnie de Jésus est avant tout un modèle chrétien destiné à la base, ne
l'oublions pas, aux futurs membres de l'ordre.
Mais l'autre caractéristique de l'enseignement des Jésuites, outre l'enseignement des sciences
(mathématiques, géométrie...), est que l'intégralité de leur enseignement reposait sur deux
préceptes fondamentaux : l'encadrement des élèves et l'émulation.
22
1.1.4.2. L'encadrement des élèves
La doctrine éducative des Jésuites se base sur le principe qu'il ne peut y avoir de bon
enseignement sans une proximité évidente entre l'élève et son professeur. L'élève ne doit pas être
abandonné à lui-même, il ne doit pas avoir un instant de répit dans son éducation « car l'esprit du
mal veille toujours. » (Durkheim, 1938, p. 296). L'élève ne se retrouve ainsi quasiment jamais
seul, que ce soit en cours, à la cantine ou pendant les pratiques religieuses. Cette « intimité »
permet bien sûr de surveiller les élèves afin d'éviter tout écart de conduite, mais aussi de mieux
cerner la personnalité et les aspirations de ces derniers afin de favoriser au mieux leur éducation.
D se créait donc bien souvent des liens affectifs très forts entre les maîtres et les élèves qui
duraient bien des années après le terme de la vie scolaire au collège.
Contrairement à ce qui était pratiqué au Moyen Age où le maître s'adressait à des auditoires
pléthoriques et totalement impersonnels, où les étudiants devaient se débrouiller par leurs propres
moyens, l'éducation des Jésuites apparaît véritablement comme une pratique essentiellement
individuelle afin de mieux faire passer leur message religieux à chacun de leurs élèves.
1.1.4.3. L'émulation
Mais pour inciter les élèves à un travail intense, il ne suffisait pas de se préoccuper de leur
caractère ou de leurs ambitions personnelles, de les entourer de bonnes grâces, il faut surtout les
stimuler et les pousser à donner le meilleur d'eux-mêmes. L'instrument utilisé par les Jésuites est
le système d'émulation qu'ils furent les premiers à instaurer dans leurs collèges.
Les élèves étaient en concurrence perpétuelle entre eux. L'enseignement est donc mis en place
sous forme de compétition où les esprits les plus brillants sont récompensés pour leur travail et
leurs efforts. Pour ce faire, les Jésuites vont mettre en place un système très élaboré. Durkheim
(1938) nous l'explique très bien dans « L'évolution pédagogique en France » :
« Les élèves étaient divisés en deux camps, les Romains d'une part et
les Carthaginois de l'autre, qui vivaient, pour ainsi dire, sur le pied de
guerre, s'efforçant de se devancer mutuellement. Chaque camp avait
ses dignitaires. En tête de camp, il y avait un imperator, appelé aussi
23
dictateur ou consul, puis venaient un prêteur, un tribun et des
sénateurs. Ces dignités, naturellement enviées et disputées, étaient
attribuées à la suite d'un concours qui se renouvelait chaque mois.
D'un autre côté, chaque camp était divisé en décuries, comprenant
chacun dix élèves, et commandée par un chef nommé décurion et pris
parmi les dignitaires dont nous venons de parler. Ces décuries ne se
recrutaient pas indifféremment. Il y avait entre elles une hiérarchie.
Les premières comprenaient les meilleurs élèves, les dernières les
écoliers les plus faibles et les moins laborieux. Et ainsi, de même que
le camp dans son ensemble s'opposait au camp adverse, dans chaque
camp chaque décurie avait dans l'autre sa rivale immédiate, de force
sensiblement égale. Enfin, les individus eux-mêmes étaient appariés, et
chaque soldat d'une décurie avait son émule dans la décurie
correspondante. Ainsi, le travail scolaire impliquait une sorte de corps
à corps perpétuel. Le camp défiait le camp, la décurie était en lutte
avec la décurie, et les émules se surveillaient, se corrigeaient et se
reprenaient mutuellement. A l'occasion, le maître ne devait pas
craindre de mettre aux prises des élèves de force inégale. [...] Même,
chacun peut livrer bataille à un élève d'une décurie supérieure et,
vainqueur, il prend sa place. » (pp. 298-299).
Nous retrouvons tout ce dispositif visant à stimuler les élèves dans l'article 355 intitulé
Concertation du Ratio studiorum :
« On doit faire grand cas de la concertation, qui se déroule
d'ordinaire de la façon suivante : ou le maître interroge, ou les émules
corrigent, ou les émules eux-mêmes se posent mutuellement des
questions ; on doit y recourir toutes les fois que les circonstances le
permettent, pour éveiller l'honnête émulation qui est un puissant
encouragement aux études. On pourra mettre aux prises les élèves soit
individuellement, soit par groupes de plusieurs pris dans les deux
24
camps et surtout parmi les magistrats ; ou bien encore un seul pourra
en harceler plusieurs ; en général un simple élève attaquera un simple
élève, un magistrat un magistrat, parfois un simple élève attaquera un
magistrat ; s'il est vainqueur, il pourra obtenir la dignité du vaincu,
ou une autre récompense en signe de victoire, selon que l'exigeront
les dignités de la classe ou les usages locaux. » (Jésuites, 1997,
p. 159).
Mais pour mieux comprendre le prestige de ces différentes dignités, il faut savoir qu'elles étaient
loin de n'être que de simples titres honorifiques. Elles étaient véritablement des fonctions avec
certains pouvoirs effectifs. En effet, par exemple, le décurion était chargé de faire régner le
silence, de constater les absences, de faire réciter les leçons, et de s'assurer que les travaux
avaient bien été faits par les membres de sa décurie. Les consuls avaient la même autorité sur les
décurions que ceux-ci avaient sur les membres de leur décurie. La classe était véritablement
organisée comme une petite société évoluant selon les performances de chacun. L'émulation est
vraiment « l'aiguillon » dont se servaient les Jésuites pour faire performer leurs élèves.
Outre cette organisation spécifique de la classe, les Jésuites avaient mis en place un nombre
incalculable de procédés intermittents.
« Périodiquement, les meilleures copies étaient affichées aux portes
des classes ; les plus remarquables étaient lues publiquement soit au
réfectoire, soit à la salle des Actes. Sans parler des distributions de
prix annuels, qui avaient lieu solennellement au son des trompettes,
des prix étaient distribués d'une manière intermittente au cours de
l'année pour une déclamation bien faite, pour une œuvre littéraire de
mérite, pour une danse bien exécutée, etc. A partir de la seconde, il y
avait dans chaque classe une académie dont seuls les meilleurs élèves
faisaient partie. Ensuite, toutes sortes de réunions publiques avaient
lieu où l'on produisait les élèves les plus brillants, où les familles
venaient les écouter et les applaudir. Ainsi, une richesse infinie de
25
procédés tenait l'amour-propre des élèves dans un état de perpétuel
éréthisme. » (Durkheim, 1938, pp. 289-300).
Il faut souligner ici qu'outre les leçons à retenir, le principal effort fourni par les élèves, et de ce
fait le principal instrument d'évaluation, était le devoir écrit. L'éducation de la Compagnie de
Jésus fait du devoir écrit le principal type de devoir scolaire.
L'élève avait une charge de travail élevée. En effet, il devait faire au moins deux devoirs de latin
par jour. Plus on montait dans la hiérarchie des classes plus le nombre et l'importance des devoirs
allaient en s'élevant. Pour ce qui est de la rhétorique, chaque jour les élèves avaient pour
obligation de faire au moins un exercice de composition en prose ou en ver, selon l'humeur du
maître. Que ce soit pendant la période de récitation ou durant les corrections, la participation des
élèves était toujours sollicitée. Pendant la récitation, les élèves non interrogés étaient dans
l'obligation de faire leurs devoirs. Dans l'enseignement des Jésuites, les élèves ne restaient jamais
inactifs et étaient confrontés à un volume de travail très élevé.
L'émulation est l'aiguillon du système d'éducation des Jésuites, mais de quelle manière
effectuaient-ils leurs classements si stricts ? À l'origine, le maître corrigeait les différents devoirs
remis par l'élève en comptant les fautes puis les classait par ordre de mérite. D était courant que
les résultats soient transmis aux parents avec quelques commentaires écrits de la main même du
maître. Plus le développement des collèges jésuites sera important plus ces correspondances
parents-professeurs seront succinctes du fait de la croissance massive des effectifs (Maulini,
1996).
Pour illustrer cela, nous pouvons donner comme exemple ce bulletin obtenu en 1870 par un
interne du collège royal de Cahors (Compère, 1985) :
Mœurs et religion : excellentes
Caractère : excellent, trop timide
Place sur 52 écoliers (novembre, décembre, janvier) :
- Thème : 27, 39e, 35e, 26e
- Version : 13e, 3(T, 14e
- Vers : 44e, 26e
26
En fin de compte, la qualité et la valeur d'un élève sont représentées uniquement par son rang. Le
rang est la seule et unique preuve, et donc mesure, des capacités d'un élève dans un collège
jésuite donné à un moment donné. D faut ainsi constater que la performance du collégien n'a de la
valeur que par rapport au niveau global des autres élèves et du collège. Effectivement, on peut
être premier au classement dans un petit collège jésuite et n'être finalement que dans les derniers
dans un collège réputé comme celui de La Flèche (devenu aujourd'hui le Prytanée militaire de La
Flèche), ayant notamment eu comme élève le philosophe Descartes.
Mais au bout d'un certain temps, des appréciations chiffrées vont se substituer aux classements.
« Au collège jésuite de Caen, on adoptera une échelle à 4 niveaux : 1 =
bien ; 2 = assez bien ; 3 = médiocre ; 0 = mal. Des classements
interviendront enfin d'année, qui permettront de distinguer le bon grain
de l'ivraie . Les optimi seront promus dans la classe supérieure, au
contraire des inepti. Les dubii seront admis dans la classe suivante,
mais à l'essai. En cas de problème, ils redescendront dans leur classe
de départ » (Maulini, 1996, p. 5).
Pour ce qui est des mauvais élèves, les Jésuites n'en voulaient pas dans leurs établissements et
donc les parents mis au courant des résultats désolants et certainement du manque d'effort fourni
étaient invités à les retirer du collège.
L'enseignement prodigué par les Jésuites a modifié à jamais les pratiques pédagogiques et en
particulier l'évaluation. L'émulation dont découle le classement des élèves selon leur performance
est à la base de ce qui se pratique encore dans bon nombre de pays occidentaux. D n'est en rien
exagéré d'affirmer que les Jésuites sont véritablement les fondateurs de l'évaluation en éducation
telle que nous l'abordons de nos jours tant le souci affiché de cerner les progrès réalisés par
l'élève dans son cheminement intellectuel et de préparer celui-ci à affronter la grande épreuve de
la vie est considérable.
Nous verrons en étudiant tour à tour l'histoire de l'éducation et de l'évaluation au Québec, en
France, en Belgique, en Suisse, et aux États-Unis à quel point l'influence des Jésuites fut
27
primordiale dans le développement du système éducatif respectif de chacun d'entre eux. Nous
avons retenus ces pays car ils sont réputés depuis toujours pour leur tradition éducative et
pédagogique reconnue de tous.
1.2. Le Québec
1.2.1. Histoire de l'éducation au Québec
1.2.1.1. La fondation de la Nouvelle-France
Les premiers colons français arrivent à Québec en 1617. La majorité d'entre eux, issus des classes
populaires françaises, avaient reçu un enseignement élémentaire qui leur permettait de lire, écrire
et compter, voire même plus pour certains d'entre eux. H est donc tout à fait logique que dans les
premiers temps de « l'installation », l'enseignement de base reçu en France soit transmis aux
enfants par leur famille.
La première école primaire est ouverte à Québec par les Jésuites en 1635. Puis, suivirent à
Montréal, en 1666 et en 1694, d'autres initiatives de ce genre sous l'impulsion des Sulpiciens et
des frères Charon. Dé nombreuses autres sont fondées dans les décennies suivantes. Tout comme
les Jésuites, les Ursulines créent en 1639 à Québec une institution d'enseignement destinée
uniquement aux filles ainsi qu'en 1657 à Montréal et à Trois-Rivières en 1664.
Dans les campagnes autour des grands milieux urbains, l'enseignement dispensé est pratiquement
le même que ce qui se fait à Québec ou Montréal. Par contre, la situation n'est pas du tout la
même dans les zones rurales reculées de la Nouvelle-France. Du fait de l'éloignement, des
mauvaises conditions d'accès, de la grande dispersion des populations sur un si vaste territoire, il
n'est pas jugé prioritaire et nécessaire par les responsables d'y construire des écoles. Cependant,
ces régions reculées reçoivent parfois la visite d'enseignants itinérants qui transmettent les
connaissances élémentaires aux enfants.
Pour ce qui est de l'enseignement secondaire, le collège des Jésuites est fondé en 1655 dans le but
de former des élites locales. L'élève peut y apprendre les Lettres (grec, latin, grammaire, etc.) ou
28
les Sciences (philosophie, physique et mathématiques). De même, la première école supérieure
appelée « L'école des mathématiques et de l'hydrographie » est fondée par les Jésuites à Québec
en 1671.
Sous la monarchie française, tout ce qui a trait à l'éducation et à l'enseignement est du ressort
exclusif du pouvoir ecclésiastique. Aucune administration étant à même de gérer l'éducation n'est
en place à cette époque-ci. De ce fait, tous les pouvoirs décisionnels et organisationnels en
matière d'éducation reviennent à l'évêque. L'État n'intervient que financièrement dans les
questions d'ordre éducatif. L'Église a donc la main-mise pleine et entière sur l'éducation de la
jeunesse.
1.2.1.2. La mise en place d'un premier système éducatif
La conquête de la Nouvelle-France par les troupes britanniques en 1759 marque l'une des
périodes les plus noires de l'histoire du Québec. Jusqu'à l'orée du XIXe siècle, cette période est
profondément défavorable au développement de l'éducation au Québec. Néanmoins, les
conclusions et les propositions de la commission d'enquête sur l'éducation, créée en 1787 par
Lord Dorchester, sont à l'origine d'une période de transition qui favorisera la mise en place d'un
véritable système éducatif.
En 1801, l'Assemblée législative entérine la première véritable loi scolaire appelée « Acte pour
l'établissement d'écoles gratuites et l'avancement des sciences ». Cette dernière prévoit l'ouverture
dans chaque paroisse d'une école élémentaire gratuite, d'une école dite modèle dans chaque comté
et d'une institution supérieure de l'éducation pour organiser et gérer le tout. Celle-ci appelée
« Royal institution for the advancement of learning » fera en quelque sorte office de ministère de
l'éducation. De plus, cette loi est une première puisqu'elle marque le début de l'intervention du
gouvernement dans l'éducation au détriment de l'Église. Cependant, le pouvoir clérical encourage
ses fidèles à ne pas réclamer de telles institutions scolaires allant à l'encontre des valeurs
catholiques. Contrairement aux francophones, les anglophones adhèrent en masse à cette loi et
n'hésitent pas à demander la création d'écoles dans leurs régions (Leclerc, 1989).
29
Suite à un soulèvement de la population francophone lié à la perception d'une taxe obligatoire, le
surintendant Meilleur fait adopter en 1845 par le parlement la Loi pour l'instruction élémentaire
dans le Bas-Canada. Cette dernière met en place des commissions scolaires se substituant aux
conseils de district dans tous les domaines liés à l'éducation.
Afin de former une élite francophone, l'archevêque de Québec fonde en 1852, par le biais d'une
charte royale émise par la reine Victoria, l'Université Laval qui sera la première université franco-
catholique du continent américain. Celle-ci regroupe trois facultés : le droit, la médecine et les
arts.
1.2.1.3. La domination de l'Eglise sur le système éducatif québécois
En 1869 est promulgué l'Acte pour modifier les lois concernant l'éducation en cette province.
Cette loi est fondamentale dans l'histoire de l'éducation au Québec, car elle institue une séparation
intégrale et verticale de toute la structure éducative québécoise qui aura pour conséquence directe
la création de municipalités scolaires et d'écoles confessionnelles catholiques ou protestantes. Il
en découle logiquement la mise en place de deux systèmes scolaires bien distincts. Le clergé est
le grand bénéficiaire de cette séparation puisqu'il obtient de nombreux privilèges et le contrôle
total de l'éducation.
En 1875, sous la pression du clergé catholique, le premier ministre Charles-Eugène Boucher de
Boucherville supprime le poste de ministre de l'instruction publique. Ce dernier est remplacé par
un surintendant qui est tout bonnement au service du conseil de l'instruction, bien qu'il en soit
officiellement le président, et des instances cléricales. De plus, désormais, le Comité catholique
est composé par l'ensemble des évêques représentant les régions ecclésiastiques du Québec. Pour
ce qui est du comité protestant, il est composé de sept membres laïques de ce culte. Jusqu'au
début des années soixante, les deux cultes détiendront tous les pouvoirs en matière d'éducation.
Cette période est qualifiée de « règne d'airain de l'Église catholique » par Graveline (2007,
p. 47).
30
1.2.1.4. « La Révolution tranquille »
Le début des années soixante est une période d'ouverture sur le monde sans précédent qui sera en
grande partie l'instigatrice de « la Révolution tranquille ». Le Québec a désormais le désir de
rattraper le retard accumulé dans tous les domaines d'activité. L'éducation ne déroge pas à la
règle. En 1961, le gouvernement Lesage adopte « la grande charte de l'éducation » qui à travers
différentes lois a pour but de faciliter la formation du personnel étudiant ainsi que la recherche, de
favoriser le développement de l'enseignement secondaire en forçant les commissions scolaires
déjà existantes à proposer ce type d'étude, de créer des commissions scolaires régionales, de
rendre obligatoire la fréquentation scolaire jusqu'à 15 ans tout en assurant la gratuité de
l'enseignement jusqu'à la 1 le année, de mettre en place un programme de bourses d'études pour
les jeunes admis à des études postsecondaires, et de donner aux parents le droit de vote aux
élections scolaires (Graveline, 2007).
Puis la même année, est lancée la Commission royale d'enquête sur l'enseignement dans la
province de Québec. Monseigneur Alphonse-Marie Parent, vice-recteur de l'Université Laval, est
nommé à la tête de cette commission d'enquête. Celle-ci fait ressortir les différents problèmes
inhérents au système éducatif québécois. Elle détermine alors les grandes fins que le système
scolaire québécois devra poursuivre dans les années à venir, à savoir : l'égalité des chances,
l'accès pour tout jeune québécois aux études les mieux adaptées à ses aptitudes et à ses goûts, et
enfin préparer l'étudiant à la vie en société. Afin d'instituer de tels buts, la commission en vient à
la conclusion qu'il faut sans aucun doute possible que la gestion des affaires scolaires soit
uniquement du ressort de l'État. Elle propose la création d'un système scolaire unique sous la
responsabilité du gouvernement québécois, qui serait à la fois public et bien entendu gratuit.
Poursuivant ses déductions, elle propose la création d'un ministère de l'Éducation et du Conseil
supérieur de l'éducation. En ce qui concerne la structure du système éducatif, la commission
instaure la création des cégeps.
En 1968, le gouvernement québécois vote une loi créant un réseau universitaire public nommé
l'Université du Québec qui aura des antennes à Montréal (U.Q.A.M.), Trois-Rivières (U.Q.T.R.),
Chicoutimi (U.Q.A.C), Rimouski (U.Q.A.R.) et Rouyn-Noranda (U.Q.A.T.).
31
Depuis une création difficile, et après de longues années de mainmise de l'Église, le système
éducatif québécois a su se réformer et prendre véritablement consistance dans les années
modernes. Désormais, il est l'un des plus dynamiques et des plus innovateurs en matière de
pédagogie et d'éducation. Pour preuve, le ministère de l'éducation québécois n'hésite pas en 2001
à se lancer, avec le programme « Être évalué pour mieux apprendre », dans une réforme
instituant l'approche par compétences dans tous les secteurs de l'enseignement.
1.2.2. Histoire de l'évaluation
1.2.2.1. L'évaluation dans les « petites écoles » (Charland, 2005)
L'histoire de l'évaluation, mais aussi dans une moindre mesure de l'éducation au Québec, sont des
sujets d'étude relativement récents. Les études et les documents portants sur l'histoire de
l'évaluation sont peu élevés. Ce constat est d'autant plus vrai concernant les trois premiers siècles
d'occupation de la province de Québec.
Cependant, malgré le peu de ressources documentaires à notre disposition, nous pouvons tout de
même supposer que dans les écoles l'évaluation des apprentissages était entièrement confiée au
libre arbitre de l'enseignant. Celui-ci était seul juge de la progression de l'élève et de l'acquisition
des savoirs, d'autant plus que l'enseignement était essentiellement individualisé dans la majorité
des petites écoles québécoises (Charland, 2005). Le maître d'école consacrait un peu de son temps
à chaque élève. Les méthodes d'évaluation étaient donc sans doute elles aussi individualisées. De
ce fait, le maître était le seul à être en mesure d'évaluer le travail des élèves. Ces petites écoles
étant étroitement encadrées par l'Église, il est tout à fait possible de penser que les enseignants
appliquaient dans les petites écoles le modèle de référence par excellence qu'est celui des
Jésuites. Rappelons ici que la première petite école du Québec fut créée par les Jésuites en 1635.
Lorsque l'effectif pouvait le permettre, l'enseignant devait susciter chez ses élèves une saine
émulation, voire même une certaine concurrence entre élèves de niveaux scolaires équivalents.
Ce type de système nécessitait comme nous le savons déjà le classement des élèves. Il n'existe
donc aucune véritable coordination nationale en ce qui concerne l'évaluation des apprentissages.
32
1.2.2.2. La première ébauche de système d'évaluation centralisé
En 1932, le comité catholique, dans le but de décerner un diplôme uniformisé et se faire une idée
générale des enseignements scolaires, met en place des épreuves officielles. L'élève qui
réussissait ces tests se voyait décerner un certificat d'études primaires. L'instauration de ces tests
est une nouveauté et un grand pas en avant pour l'éducation québécoise puisque auparavant la
sanction des études relevait uniquement de l'autorité des écoles. Les certificats décernés par les
écoles n'avaient que peu de valeur :
« Ces certificats locaux n'avaient qu'une valeur symbolique, car les
critères d'évaluation menant à son obtention variaient en fonction des
municipalités scolaires. » (Charland, 2005, p. 74).
En somme, 1932 marque la mise en place du premier système d'évaluation centralisé québécois.
Les élèves ayant atteint la fin de leur scolarité obtiennent désormais un certificat d'études national
et non plus local. L'évaluation et les apprentissages scolaires se conçoivent dorénavant à l'échelle
nationale. Cette mesure n'est bien entendu qu'un début puisque les véritables réformes ne seront
entreprises qu'une fois les conclusions du rapport Parent remises aux pouvoirs publics.
1.2.2.3. Les années 60 et les conséquences de « la Révolution tranquille »
« La Révolution tranquille » toucha de nombreux domaines d'activités dont bien entendu
l'éducation. Ainsi, le Rapport Parent, que nous avons évoqué précédemment, entraîna
certainement l'une des réformes scolaires les plus importantes de l'histoire de l'éducation au
Québec. Dans le but de garantir l'accès de tous à l'éducation et de promouvoir l'égalité des
chances, le système scolaire est entièrement repensé. La volonté avérée de l'État québécois de
réorganiser, mais surtout d'uniformiser le système scolaire se traduit par la création en 1964 du
ministère de l'Éducation. Ce dernier a pour mission la gestion de la formation des maîtres, des
programmes et de la pédagogie.
Le nouveau système scolaire québécois se compose de quatre niveaux : l'enfant intègre l'école
primaire dès 6 ans et ce pendant 6 ans, puis peut continuer ses études au secondaire pendant 5
33
années en espérant passer 2 ou 3 ans à étudier au collégial (cégep) pour pouvoir éventuellement
intégrer une université. Le cursus universitaire classique se compose de trois cycles à savoir le
Baccalauréat, la Maîtrise et le Doctorat. Suite à cette restructuration du système scolaire, de
nouveaux programmes voient le jour :
« Selon Gauthier et al. (1993), le Règlement n° 8 instaure de
nouveaux programmes appelés programmes cadres, pour le primaire
et le secondaire. Ces nouveaux programmes, inspirés par la pensée
américaine (Rogers et Maslow), s'inscrivent dans une pédagogie
davantage orientée vers les besoins de l'enfant, et vers son
développement global. Il s'agit d'un ensemble ordonné et souple de
matières permettant aux établissements scolaires et aux élèves de
poursuivre de façon continue les objectifs d'un niveau d'études. Ces
programmes reflètent beaucoup plus un état d'esprit qu'un contenu
précis. » (Auger, 2000, p. 36).
À l'image de ces programmes, l'évaluation est elle aussi une notion encore vague, c'est-à-dire non
clairement définie dans la pratique et sa mise en application à cette époque par le ministère de
l'Education. Outre la remise d'un certificat d'études secondaires aux étudiants finissants ayant
réussi toutes les épreuves conçues par le Département de l'instruction publique avec une note
minimale de 50 % et ayant obtenu une moyenne générale de 60 % dans l'ensemble des matières,
l'évaluation en tant que telle est toujours en grande partie confiée jusqu'en 1973 aux autorités
locales :
« On donnait alors quotidiennement aux élèves des devoirs et des
travaux scolaires à faire à la maison et les pratiques du personnel
enseignant en matière d'évaluation comportaient déjà beaucoup de
mesure, et conséquemment le cumul de plusieurs données. Ces
pratiques, en apparence du moins, étaient assez homogènes : elles
portaient presque exclusivement sur l'acquisition de connaissances et
se fondaient principalement sur des instruments et des résultats à
34
interprétation normative. L'évaluation était donc une tâche
relativement simple, à cette époque, à la fois parce qu'elle se résumait
à des activités de mesure et aussi parce qu'elle était surtout l'affaire
de l'enseignante ou de l'enseignant dans sa classe.
Les examens et les travaux des élèves étaient corrigés et inclus ou
non, selon le cas, dans la détermination de la note au bulletin. Tous
les bulletins d'alors attribuaient aux élèves une note dans chaque
matière, le plus souvent sur 100, et mentionnaient la note moyenne de
la classe ou le rang de l'élève, de sorte qu'on pouvait voir la place
relative que celui-ci occupait par rapport à son groupe. L'élève
recevait dix bulletins par année scolaire, c'est-à-dire un par mois,
jusqu'en 1972 où ce nombre fut réduit à cinq. Les commissions
scolaires étaient libres d'adopter le formulaire de bulletin qu'elles
jugeaient leur convenir, mais ce dernier variait peu d'un milieu à
l'autre : un consensus tacite existait alors relativement à ce que devait
normalement contenir un bulletin scolaire. » (Conseil supérieur de
l'éducation, 1992, p. 5).
Malgré la réorganisation et l'uniformisation du système scolaire suite aux conclusions du Rapport
Parent, et à la mise en place de nouveaux programmes recentrés sur les besoins de l'enfant,
l'évaluation n'a que peu évolué puisqu'elle est toujours entre les mains des autorités locales et
généralement laissée au libre arbitre des enseignants.
1.2.2.4. Les années 70
Durant cette décennie, les programmes-cadres institués lors de la « Révolution tranquille »
perdurent, laissant aux enseignants le libre choix concernant les activités d'apprentissage réalisées
en classe. Les pratiques d'évaluation relèvent elles aussi uniquement de l'enseignant qui est seul
maître en la matière, et de ce fait ne peuvent être contrôlées par des règles précises et rigoureuses.
L'évaluation ne fait en aucun cas partie intégrante des programmes-cadres et des pratiques
pédagogiques qui en découlent.
35
Dans la pratique, que ce soit au primaire ou au secondaire, les enseignants recueillent les résultats
des élèves obtenus aux différents exercices et devoirs soumis. Par la suite, ils calculent le total de
ces résultats afin de donner des informations aux familles et à l'administration scolaire sur le
cheminement de chaque élève (Auger, 2000).
La décennie 70 voit l'adoption par le MEQ du règlement n° 7 relatif au cadre d'organisation de
l'enseignement de la classe maternelle, de l'élémentaire et du secondaire donnant dans les faits la
naissance aux concepts d'étapes combinées, au nombre de 4 ou 5, ainsi qu'aux journées
pédagogiques. L'adoption de ce règlement entraîne également le partage des responsabilités entre
le MEQ et les administrations scolaires concernant la reconnaissance des acquis. Le critère de
passage d'une classe à l'autre est toujours maintenu à 50 %, cependant le classement de l'élève
(rang cinquième) est désormais pris en compte (Auger, 2000).
Ce partage des responsabilités va conduire le MEQ à appliquer une certaine modération à
l'encontre de la note de l'école et celle de l'épreuve unique du gouvernement, d'une matière
donnée, qui seront toutes les deux comptabilisées sur 50 afin d'obtenir un score sur 100. H s'agit
clairement ici pour le MEQ de favoriser la note obtenue à l'épreuve unique au détriment de celles
obtenues en classe dans le but de diminuer l'incidence négative que pourrait avoir un enseignant
trop sévère ou au contraire trop laxiste sur le cheminement de ses étudiants. On peut interpréter
ceci comme une tentative d'uniformisation des résultats dans un système scolaire où l'évaluation
est encore laissée au libre arbitre des enseignants.
1.2.2.5. Les années 80
Au début des années 80, le MEQ soumet de nouveaux programmes basés désormais sur les
notions de contenus notionnels et d'habiletés générales à développer :
« Ainsi des programmes formulés en termes d'objectifs
d'apprentissage et organisés en modules se développent au Québec.
Pour chaque matière, des objectifs sont définis en fonction d'habiletés
hiérarchisées et de contenus obligatoires. Ces programmes
s'accompagnent de guides pédagogiques dans lesquels la pédagogie
36
est moins centrée sur la transmission des contenus que sur
l'acquisition d'habiletés. Les programmes sont formulés en termes
d'objectifs très généraux associés au développement individuel et
d'objectifs d'apprentissage terminaux très précis. On reconnaît ces
programmes comme des programmes habiletés. » (Auger, 2000,
pp. 46-47).
La mise en place officielle de cette pédagogie par objectifs s'accompagne bien entendu d'une
Politique générale d'évaluation pédagogique présente dans « L'énoncé de politique et plan
d'action » plus communément appelé le « Livre Orange » (MEQ, 1981). Cette politique a pour
préceptes fondamentaux la justice et l'équité dans toutes les pratiques d'évaluation. Toutefois, la
mesure et l'évaluation dans le milieu scolaire « relèvent d'une responsabilité partagée entre
l'école, la commission scolaire et le ministère de l'Éducation. » (MEQ, 1981, p. 96). Mais étant
donné qu'elles s'appliquent en premier lieu dans la classe, celles-ci sont sous la responsabilité
première de l'enseignant. Ainsi, afin de promouvoir efficacement la justice et l'équité, le
ministère de l'Éducation s'engage donc à mettre à la disposition des acteurs scolaires :
« - des instruments de mesure des apprentissages des élèves :
examens, tests, plans d'observation, etc.
- des instruments d'évaluation : les bulletins scolaires, feuilles de
routes, rapports aux parents, etc.
- Des guides docimologiques et d'autres documents proposés à
l'amélioration de la mesure et de l'évaluation dans les écoles ;
- des instruments de mesure relatifs au développement général de
l'élève : tests de fonctionnement intellectuel, d'aptitudes de
développement physique, etc. » (MEQ, 1981, p. 97).
Ceci nous montre le souci affiché du ministère de l'Éducation de prendre désormais les rênes des
pratiques évaluatives en proposant aux enseignants divers outils conformes aux attentes des
nouveaux programmes scolaires et aux valeurs essentielles prônées que sont la justice et l'équité.
En outre, l'évaluation touche plusieurs domaines importants de l'éducation comme bien
37
évidemment les apprentissages, mais également la qualité de l'enseignement, les programmes, les
établissements ainsi que le personnel scolaire. L'évaluation et par la même occasion la mesure
prennent désormais place pour la première fois au cœur du projet éducatif québécois. Pour
preuve, le MEQ crée à la même époque la Direction de l'évaluation pédagogique qui se
renommera par la suite la Direction générale de l'évaluation et des ressources didactiques. Cet
organisme gouvernemental compte dans son organigramme la Direction du développement de
l'évaluation qui a pour fonction l'évaluation des programmes, la conception de nouveaux types
d'épreuves en accord avec les nouveaux programmes, tout en jouant le rôle de conseiller en
évaluation auprès des commissions scolaires.
Les pratiques évaluatives au Québec furent pendant longtemps délaissées par les autorités
scolaires au profit des enseignants. Ces derniers, au contact direct des élèves, étaient considérés
de ce fait comme le plus à même d'évaluer les acquis scolaires engrangés durant l'année par leurs
élèves. Toutefois dès les années 70, le ministère de l'Éducation québécois fraîchement crée
affiche la volonté de prendre part à l'évaluation notamment en partageant les responsabilités en
matière de reconnaissance des acquis avec les autorités locales afin de pouvoir réguler et
contrôler les résultats des étudiants via les épreuves uniques qu'il soumet. Le MEQ met ainsi un
premier pied dans le monde de l'évaluation. Mais il faut tout de même attendre 1981 et la
publication du Livre Orange pour assister à l'instauration d'une véritable politique d'évaluation
faisant corps avec le projet éducatif québécois. De nos jours, avec la mise en place en 2001 du
programme au titre évocateur « Être évalué pour mieux apprendre », le MEQ place l'évaluation
au sein même de sa toute nouvelle réforme pédagogique axée sur l'approche par compétences.
1.3. La France
1.3.1. Histoire de l'éducation en France à travers ses réformes éducatives
Sous l'Ancien Régime, à savoir la monarchie, l'éducation et tout particulièrement l'instruction est
quasiment l'exclusivité de l'Église, notamment dans le primaire. Mais la Révolution remettra en
question le monopole de l'Église. L'instruction et l'école deviennent un enjeu politique de tout
premier ordre. Désormais, les enfants étant considérés comme de futurs citoyens, la Nation se
38
doit de prendre les rênes de l'instruction publique afin d'assurer la formation de citoyens modèles
prônant les valeurs révolutionnaires.
Le pouvoir révolutionnaire envisage donc la mise en place d'un enseignement d'État qui se
concrétise par la loi du 3 brumaire an IV. Cette dernière organise l'instruction publique autour
d'un enseignement primaire et des centrales en ce qui concerne le secondaire. Cet enseignement
d'État aura pour principal but de légitimer et d'assurer le maintien de la Démocratie dans le temps.
Au début du XIXe siècle, Napoléon se sert de l'école pour former les futurs défenseurs de
l'Empire. D remplace les écoles centrales issues de la Révolution par les lycées, contrôlés
directement par les inspecteurs généraux acquis entièrement à la cause du pouvoir impérial. Ces
lycées ont pour but de former les futurs fonctionnaires de l'Empire qui seront bien entendu
dévoués corps et âme à Napoléon. De 1802 à 1810, il fonde l'Université impériale qui deviendra
par la suite le Ministère de l'Instruction publique en 1824, puis le ministère de l'Education
Nationale en 1832. L'Université impériale devient une institution laïque possédant une autonomie
budgétaire et décisionnelle importante. La loi du 17 mars 1808 crée le corps des inspecteurs
d'académie. Ces derniers sont chargés de l'inspection des écoles de l'arrondissement qui leur est
confié. Ils sont directement placés sous la tutelle du recteur d'académie, mais également du Préfet
(représentant officiel de l'Empire dans le département) pour ce qui concerne l'école primaire. Les
réformes de Napoléon sont ainsi l'ébauche de la future centralisation de l'instruction publique
française.
Le ministre de l'Instruction publique Guizot va, à partir de la Monarchie de juillet, faire passer le
contrôle de l'enseignement au primaire du local au national grâce à sa réforme de 1833.
L'éducation devient ainsi totalement centralisée. Les inspections d'écoles primaires deviennent
annuelles et sont faites par les inspecteurs d'académies assistés de deux inspecteurs primaires. Ces
derniers, à l'issue de leurs inspections, transmettent au Recteur un rapport annuel concernant les
enseignants et les établissements primaires. Le contrôle de l'éducation publique se fait en grande
partie par l'intermédiaire des différents inspecteurs.
De plus, outre cet aspect « contrôle et inspection », la loi Guizot de 1833 oblige les communes de
plus de 500 habitants à avoir une école de garçons. Guizot encourage également la création
39
d'écoles primaires supérieures destinées à améliorer l'éducation reçue par les élèves du primaire
issues de familles aux revenus modestes.
Jules Ferry fait voter deux lois en 1881 et 1882 qui vont véritablement provoquer des
changements fondamentaux dans le système éducatif français. Les lois Ferry rendent
l'enseignement obligatoire de 6 à 13 ans. Cependant, les enfants peuvent quitter l'école avant cet
âge s'ils ont obtenu le certificat d'études primaires. L'instauration de l'obligation scolaire est
vraiment une nouveauté et un grand pas en avant en ce qui concerne l'éducation. De même, ces
lois proclament la gratuité et la laïcité de l'enseignement mettant ainsi fin à l'enseignement
religieux dans l'instruction publique. Ces lois font de l'éducation un « ascenseur social »
puisqu'elles permettent l'accès à l'éducation et donc à la culture des enfants issus de familles
modestes (ouvriers, agriculteurs, pêcheurs, etc.). L'école devient un symbole de progrès social.
Après la Libération, et pendant la période de croissance économique sans précédent nommée
« les Trente Glorieuses », l'enseignement se démocratise de façon significative. Cette
démocratisation se fera en premier lieu dans l'enseignement technique et professionnel puis dans
le secondaire et le système universitaire. En 1959, la réforme Berthouin passe la scolarité
obligatoire à 16 ans au lieu de 13. Mais cette réforme ne sera finalement appliquée formellement
qu'en 1971.
Suite aux mouvements de contestations de mai 1968, la mixité dans l'enseignement devient une
évidence et en 1975 la loi Haby concrétise le principe de collège unique pour tous les élèves de la
nation. Les programmes, les matières et l'enseignement sont les mêmes pour tous les élèves
quelque soit leurs origines sociales.
1.3.2. L'évaluation héritée des Jésuites
L'évaluation dans le système d'éducation français est en grande partie calquée sur celle des
Jésuites, qui a fait l'objet de notre précédent chapitre. De ce fait, les notes, les classements, les
examens ou tout autre type de sanctions ou de distinctions sont quelque peu sacralisés par les
enseignants et les parents. Pourtant, les hauts responsables de l'éducation qui se sont succédé en
ont toujours eu conscience et ont maintes fois essayé d'orienter les enseignants vers d'autres
40
pistes en réglementant les pratiques d'évaluation. Nous pouvons citer à titre d'exemple afin
d'étayer ceci la lettre du ministre Léon Bourgeois accompagnant les instructions de 1890 dans le
Bulletin administratif de l'instruction publique :
« La vraie fin que le maître, tout en s'attachant avec passion à sa
tâche journalière, doit avoir constamment présente à l'esprit, c'est de
donner, par la vertu d'un savoir dont la majeure partie se perdra, une
culture qui demeure. Par delà les objets et les exercices quotidiens de
la classe, c'est à l'esprit, c'est à l'âme même de ses élèves qu'il doit
viser; par delà les sanctions prochaines que fournissent à son
enseignement examens et concours, sanctions si souvent hasardeuses
et illusoires, c'est à la grande et décisive épreuve de la vie qu'il doit
les préparer. C'est là, en définitive, que la valeur des leçons reçues au
lycée se démontrera par l'effet. » (Ministère de l'Education Nationale,
de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, 2005, p. 8).
Ainsi, nous pouvons constater que le ministre met clairement l'accent sur la nécessité de préparer
l'élève à affronter la vie. Ceci doit être la principale préoccupation de l'enseignant. Les exercices
et les notes (ou toute autre sanction) n'ont de sens que si elles permettent aux enseignants
d'évaluer les progrès effectués par les élèves. Les sanctions ne sont donc qu'un outil permettant le
développement intellectuel de l'élève et non une fin en soi. Pourtant, la réalité est tout autre. Ce
texte officiel met en valeur trois remarques qui montrent véritablement la prépondérance de la
note dans le système éducatif de l'époque. Tout d'abord, dans la troisième partie des Instructions
et Règlements, la note est désignée comme faisant partie intégrante d'un système de sanctions
pouvant être positives ou négatives. En d'autres termes, le « bon élève » sera récompensé tandis
que le « mauvais » sera puni. Nous pouvons songer aux bons points accordés aux élèves les plus
brillants et au traditionnel, mais néanmoins célèbre « bonnet d'âne » que se disputaient les
mauvais élèves dans les écoles primaires. D'autre part, les auteurs de ce texte souhaiteraient que
les enseignants mettent l'accent sur les notions d'émulation chères aux Jésuites et de composition
afin de privilégier la note au détriment du classement. Cela sous-entend l'attachement des
enseignants au classement dans leur gestion de la classe. Et enfin, les notes sont considérées
41
comme un élément de communication puisqu'elles sont lues par le proviseur devant tous les
élèves et sont transmises aux parents par l'entremise du bulletin de notes.
En bref, le système de notation en vigueur au XIXe s. et au début XXe s. a pour but de
récompenser ou de punir les élèves en fonction du travail fourni en classe ou de leur
comportement. Il établit un classement permettant de comparer les élèves entre eux afin de
susciter une saine émulation tout en permettant aux responsables scolaires et aux parents d'être
renseignés sur les réussites ou les échecs des élèves. Cela permet la mise en place de sanctions
publiques (prix, blâmes, etc.) dont finalement les deux principales sont le passage en classe
supérieure en cas de réussite ou le redoublement en cas d'échec.
Dans ce type de système éducatif, l'enseignant peut être considéré comme tout puissant puisqu'il
est le seul à distinguer les « bons » élèves des « mauvais ». Il dispose d'un « pouvoir » totalement
arbitraire. Afin de réussir, l'élève doit se conformer durant toute sa scolarité aux attentes des
différents maîtres qu'il va devoir côtoyer (Ministère de l'Education Nationale, de l'Enseignement
Supérieur et de la Recherche, 2005).
La France a décidé très tôt de ne pas rompre avec la tradition de l'éducation des Jésuites
puisqu'elle a opté pour une pédagogie de l'émulation prônant le classement des élèves et la mise
en place de sanctions publiques.
1.3.3. Remise en question du système d'évaluation traditionnel
Le système d'évaluation hérité en grande partie des Jésuites devient dès les premières décennies
du XXe siècle l'objet de nombreuses études en France, mais aussi en Angleterre ou aux États-
Unis. En France, ces études seront regroupées sous le terme de « docimologie ». En 1956, ces
études prennent beaucoup d'importance suite à la demande du Conseil de la recherche scientifique
et du progrès technique. Ces recherches entreprises sous la direction d'Henri Piéron et Maurice
Reuchlin remettent en question clairement le système de notation traditionnel. Elles mettent en
lumière une grande variabilité en ce qui concerne les exigences de chaque enseignant, des
échelles de notations pour le moins imprécises, des différences de classement non négligeables
des copies selon les jurys observés et de nombreuses disparités dans le temps. Après avoir
42
débusqué les points à améliorer, ces études se sont lancées dans la recherche de méthodes
d'évaluation plus fiables et plus efficaces. De ce fait, elles ont proposé de nombreuses mesures
d'harmonisation des échelles d'évaluation ainsi que des modalités de constructions d'épreuves
normalisées en se basant essentiellement sur des définitions plus rigoureuses des objectifs propres
à l'éducation. Les conclusions des études menées par Henri Piéron et Maurice Reuchlin nous
renvoient directement à la « pédagogie par objectifs » qui fera les beaux jours de l'éducation en
France pendant près d'un demi-siècle (Ministère de l'Education Nationale, de l'Enseignement
Supérieur et de la Recherche, 2005).
1.3.4. Le passage à une « pédagogie par objectifs »
La notion d'objectif en éducation prend naissance aux États-Unis au cours du premier tiers du
XXe siècle. Le courant idéologique de l'époque fait la part belle à la rationalisation et à la
standardisation. Dans le monde du travail, ces deux concepts idéologiques seront mis en place à
travers le taylorisme et son organisation scientifique du travail (O.S.T.) qui sera à la base de la
révolution industrielle du XXe siècle. L'O.S.T est une méthode de management des ateliers de
production réorganisant ces derniers selon une parcellisation extrêmement poussée des tâches de
chaque employé.
De nombreux spécialistes de l'enseignement furent influencés par le taylorisme. Les deux plus
connus sont sans aucun doute Charter et Bobbit qui, de 1921 à 1923, ont mis en œuvre à Los
Angeles une réforme des programmes scolaires. Là où cette réforme se veut novatrice, c'est dans
la définition précise d'un ensemble d'objectifs pédagogiques. Ces objectifs sont, tout en étant
nombreux et précis dans leur définition, formulés en termes d'activités observables. Ils sont donc
parfaitement évaluables.
Dans les années cinquante, Benjamin S. Bloom permet un grand pas en avant avec la création
d'une taxonomie des objectifs pédagogiques pouvant être appliqués à tous les champs de
formation.
La réforme de Charter et Bobbit, ainsi que la taxonomie de Bloom (1956) vont influencer
progressivement tout le corps enseignant que ce soit au bas de l'échelle ou dans les hautes
sphères.
43
Edgar Faure, alors Ministre de l'Éducation Nationale, se réfère dans « La circulaire du 6 janvier
1969 » aux études liées à la docimologie évoquée précédemment afin de dénoncer les carences
du système de notation en vigueur en France :
« C'est un texte ancien, l'arrêté du 5 juillet 1890, qui a prescrit que
« dans les compositions chaque copie aura sa note chiffrée de 0 à
20 ». Il en résultait un classement linéaire, les différences entre les
élèves se chiffrant par points ou même par demi-points et quarts de
point. Or, les études docimologiques dont l'origine est antérieure à
1930 et qui se sont multipliées dans les vingt dernières années ne
laissent aucun doute sur le caractère illusoire d'un tel raffinement
dans la précision de la note et du classement obtenus. » (Faure, 1969,
p . l ) .
Edgar Faure remet vivement en cause dans la suite de ce document l'utilité des classements et
donc de la comparaison des élèves entre eux qui «provoquent chez tant d'élèves tantôt une
anxiété aussi nuisible à leur équilibre général qu'à leur développement intellectuel, tantôt une
indifférence plus ou moins résignée ou rétive, tantôt la dérision, parfois des vanités ridicules ou
un esprit de rivalité quelque peu agressive ou mesquine. » (Faure, 1969, p. 2).
Ce dernier remet également en question la notation traditionnelle. D désire substituer à l'éternel
travail de composition les exercices de contrôle continu afin d'éluder à la fois l'obsession du rang
et la sacralisation de la note qui ont toutes deux une place très importante dans le système éducatif
français à cette époque. Selon lui, les travaux scolaires se révélant être les plus formateurs et
bénéfiques pour les élèves sont ceux « où la préoccupation de la note s'efface ».
À cet effet, il soumet aux chefs d'établissement et à tout le corps enseignant trois grandes
directives. La circulaire préconise la suppression des compositions qui ne sont autres que des
contrôles sommatifs et finaux, en faveur de la mise en place d'exercices de contrôle réguliers, en
d'autres termes un contrôle continu. H est recommandé aussi au corps enseignant d'exclure les
classements par rang, établis et annoncés par le maître. Et pour finir, la troisième grande directive
préconise de substituer à la notation chiffrée traditionnelle de 0 à 20 une échelle d'appréciation à
44
cinq niveaux pouvant être de A à E ou de 1 à 5. Ce type d'appréciation globale sera bien entendu
accompagné d'annotations détaillées, permettant une rétroaction de qualité, concernant
l'orthographe, le sens artistique, le raisonnement, le vocabulaire, etc.
Cette formule est innovatrice dans le sens où elle marque une rupture avec le système traditionnel
de notation héritée en majeure partie de celle des Jésuites. Désormais, l'accent est mis sur la
progression de l'élève et non plus seulement sur ses performances. L'évaluation ne doit plus
simplement servir à la vérification du niveau atteint par rapport à la norme établie, mais aussi à
vérifier si l'élève fait des progrès, ce qui implique indéniablement une volonté et une implication
exemplaire dans la poursuite des études. Constater tout ceci ne nécessite pas nécessairement une
évaluation chiffrée précise ou un classement en rang qui peuvent paraître des plus illusoires
(Ministère de l'Education Nationale, de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, 2005).
L'évaluation des apprentissages telle qu'elle est pratiquée en France est héritée de la pédagogie
prônée par les Jésuites basée sur l'émulation, le classement des élèves et la mise en place de
sanctions publiques (récompenses, blâmes, etc.). Cependant, cette vision de l'évaluation est
remise en question à partir des années 60, notamment sous l'impulsion de la taxonomie des
objectifs pédagogiques de Bloom (1956). Suite à cela, sera adopté en France un système
d'éducation basé sur les objectifs pédagogiques qui est encore en place à l'heure actuelle en
France.
1.4. La Belgique
1.4.1. Une brève histoire de l'éducation en Belgique
Durant de nombreux siècles, la main mise sur l'éducation a été un objet de convoitise pour l'État
et l'Église. Ces deux dernières entités se livreront une lutte âpre afin d'obtenir le contrôle de
l'éducation.
Sous l'Ancien Régime, l'école, comme dans bien d'autres pays, est délaissée par le pouvoir qui ne
voit aucun intérêt à en prendre la charge. Elle est donc confiée aux autorités locales, à l'initiative
privée et bien entendu à l'Église. Les religieux et les prêtres sont à la tête de nombreux collèges.
45
Cependant, à partir du XVITT siècle, l'État commence à s'intéresser vivement à l'éducation afin
d'affirmer son pouvoir et son absolutisme centralisateur. Puis, après avoir été conquise par la
France, et avoir fait partie du Royaume-Uni et des Pays-Bas dès 1815, la Belgique obtient son
indépendance en 1830. Le système scolaire en place avant l'indépendance est dissous et le
nouveau gouvernement promulgue la liberté d'enseignement dans le tout nouvel état. Celle-ci est
des plus ambiguës puisqu'à l'époque elle est vue par certains comme un procédé visant à
soustraire l'individu au contrôle de l'Église, tandis que d'autres y voient le plus sûr moyen pour
garantir l'indépendance relative de l'Église vis-à-vis de la monarchie.
Dès lors, les libéraux souhaitant la création d'un enseignement public et le clergé désirant garder
la place importante qu'elle occupe dans l'éducation n'auront de cesse de s'affronter. Les deux
points culminants de cet affrontement seront les deux « guerres scolaires ». La première débute
en 1878 suite à la loi élaborée par Pierre Van Humbeéck, le 1er juillet 1878. Cette loi est
modérément laïque tout en étant assez centralisatrice et innovatrice d'un point de vue
pédagogique. Cette loi va déclencher le courroux des autorités cléricales qui y voit un « attentat
contre la foi et les mœurs ». Cette « guerre » va durer pendant cinq longues années dans un climat
d'intolérance et de fanatisme d'une rare intensité.
Juste avant la Première Guerre mondiale, la loi du 19 mai 1914 rend l'instruction obligatoire de 6
à 14 ans pour les élèves disposants d'une école à proximité. Cette loi historique est l'une des rares
avancées scolaires entreprises avant le début de la Seconde « Guerre scolaire ».
La deuxième « Guerre scolaire » a, quant à elle, une importance majeure puisqu'elle est à l'origine
du « pacte scolaire » qui est toujours en vigueur de nos jours malgré quelques modifications.
Cette seconde « guerre scolaire » a pour élément déclencheur la victoire de la coalition formée
entre les libéraux et les socialistes, en 1954. Le nouveau ministre en charge de l'Instruction
publique, Léo Collard, a pour principal objectif la laïcisation du système éducatif belge. Mais la
politique scolaire du gouvernement se montrera pour le moins maladroite et n'aura d'autre effet
que de braquer les autorités religieuses. S'ensuit encore une période de troubles pour la société
belge. Afin de mettre fin à cette nouvelle « guerre scolaire », le ministre Van Hemelrijck propose
la création d'une Commission nationale. Cette dernière a pour principale conséquence la
ratification par la loi du 29 mai 1959 du « pacte scolaire ».
46
Le « pacte scolaire » a pour principal objectif de régler le problème de la répartition des moyens
entre « enseignement libre » et « enseignement officiel ». Celui-ci définit précisément la nature
de chacun d'eux dans l'article 2 :
« Les écoles officielles sont celles organisées par l'État, les provinces,
les communes, les associations de communes ou par des personnes de
droit public. Les écoles qui ne sont pas officielles sont dites libres. »
(Gouvernement de Belgique, 1959, p. 3).
De même, l'un des principes les plus importants du « pacte scolaire » est le libre choix de
l'établissement. En effet, le père de famille est le seul à pouvoir décider dans quel type
d'institution il inscrira son enfant. De ce fait, celui-ci doit pouvoir disposer à proximité de chez lui
des deux types d'institutions. L'article trois définit clairement l'application effective de cette
mesure.
Ce texte de loi entérine également le libre choix entre morale non confessionnelle et la religion
dans le système scolaire, la liberté pédagogique offerte aux enseignants du moment qu'ils s'en
tiennent au socle minimal prévu par la loi, la gratuité de l'enseignement obligatoire et le fait que
les réformes fondamentales font l'objet d'une concertation préalable entre les pouvoirs
organisatiqnnels.
Malgré les dissensions et les heurts parfois violents entre les autorités cléricales et les
anticléricaux, à l'image des deux guerres scolaires, la Belgique a réussi à se réformer et à créer un
système éducatif compétitif en réglant la question de l'enseignement public et privé comme en
atteste le « pacte scolaire » de 1959 ou plus récemment l'adoption du Décret mission en 1997
mettant en place une pédagogie par compétences.
47
1.4.2. Historique de l'évaluation
1.4.2.1. L'héritage des Jésuites
L'enseignement diffusé en Belgique est, comme bien d'autres pays directement, tiré du Ratio
studiorum et de son idéal humaniste. Nous ne reviendrons pas sur les méthodes d'évaluation
faisant la part belle à l'émulation et la compétition, celles-ci étant déjà l'objet d'un précédent
exposé. Cependant, il est à noter que le modèle éducatif des Jésuites aura une grande influence
sur tous les types de collèges, autres que celui des Jésuites, qui se succéderont jusqu'à
l'indépendance de la Belgique en 1830. Ainsi, nous pouvons citer les collèges thérésiens sous le
régime autrichien qui se veulent le premier exemple d'enseignement d'État dans cette partie de
l'Europe, ou les écoles centrales issues de la Révolution française qui, après avoir essayé de se
démarquer des Jésuites en mettant en place des programmes inspirés par les encyclopédistes, sont
revenues à partir du Premier Empire de Napoléon au modèle des humanités tiré du Ratio
studiorum.
1.4.2.2. Les conséquences de l'indépendance de la Belgique
Dès l'indépendance de la Belgique, une commission spéciale est créée en 1831 afin d'élaborer un
projet visant à développer un enseignement d'État ou du moins à donner un rôle majeur à ce
dernier tout en respectant la liberté d'enseignement en vigueur. Les propositions de cette
commission sont à l'origine de la première loi sur l'enseignement moyen du 1er juin 1850. Celle-
ci, ainsi que toutes les dispositions législatives qui l'ont amendé jusqu'en 1887, dévoile une
continuité évidente avec l'héritage pédagogique des Jésuites tout en y introduisant quelques
tendances nouvelles. L'enseignement des humanités et les types d'évaluation qui lui sont associés
sont toujours très prisés, car ils constituent en quelque sorte toujours la filière noble de
l'enseignement, celle qui conduit vers une certaine réussite. Les tendances nouvelles que nous
avons brièvement évoquées peuvent se résumer à la création d'une filière alternative de celle des
humanités gréco-latines jésuites vouée à la formation aux métiers commerciaux et industriels et
une filière courte sans grec ni latin dispensé dans les zones rurales ou les villes de faible
importance.
48
Néanmoins, malgré la création de ces nouvelles filières, les conflits incessants et les nombreuses
tentatives de réformes, les humanités et donc l'héritage des Jésuites vont résister inlassablement
jusqu'en 1947 du fait de leurs prestiges et de la légitimité qu'elles ont réussi à acquérir auprès de
la population et des élites.
1.4.2.3. Les politiques scolaires de l'égalité dans l'enseignement secondaire
Après la Seconde Guerre mondiale, la Belgique comme tous les grands pays européens est
soumise à une gigantesque entreprise de reconstruction. Celle-ci et le contrecoup de la guerre ont
dynamisé grandement la croissance économique et les innovations technologiques tout en
permettant une amélioration sans précédent de la qualité de vie des citoyens. De cette période de
reconstruction naît la théorie de capital humain. Cette dernière part du constat que la richesse
économique d'une nation dépend essentiellement de son capital humain, et ce faisant la
scolarisation devient un outil de développement économique. Un pays se doit ainsi, afin de se
développer, de scolariser et de former de façon adéquate le plus grand nombre de ses citoyens. Le
développement des technologies nouvelles et les innovations se faisant de plus en plus
rapidement, une grande majorité de la population doit parvenir à un haut niveau d'études si le
pays ne veut pas se retrouver dépassé d'un point de vue technologique par les grandes nations de
ce monde. De plus, le développement de l'État Providence en Belgique, tout comme ce fut le cas
en France, fait du progrès social une nécessité et de ce fait tente de créer un système éducatif qui
se veut égalitaire.
Que ce soit les valeurs économiques ou idéologiques, elles vont être à l'origine de la rénovation
de l'enseignement secondaire en Belgique dans les années 50-60. Les politiques scolaires de
l'égalité des chances et de l'égalité des acquis sont le résultat de cette rénovation.
Dans les faits, cette rénovation se traduit par des modifications de structures, de programmes, de
méthodes et donc d'évaluation. La mise en place de nouvelles pratiques évaluatives se fait en
suivant le contexte idéologique et économique cité auparavant :
« [...] l'élève est essentiellement un être en évolution. L'école est là
pour ça, et elle doit constamment miser sur le changement et le
49
pouvoir de changement de l'individu. Elle doit se tourner résolument
vers l'avenir et s'encombrer le moins possible d'accumuler, sous
forme de points, des traces du passé des élèves. C'est une des raisons
de l'abandon de l'examen traditionnel et des points comme éléments
de jugement de l'école sur l'enfant et l'adolescent. » (Administration
des études, 1970, p. 91).
La nécessité d'éduquer le plus grand nombre et la volonté de progrès social ne sont en aucun cas
compatibles avec l'ancienne idéologie élitiste prônant la répartition inégale des aptitudes en
fonction des milieux socioéconomiques. La conception d'égalité des chances en éducation
modifie le but premier de l'école. Désormais celle-ci devra en priorité reconnaître les talents de
chacun et les orienter de manière à développer au maximum ces aptitudes. Pour mener à bien ce
projet, l'école doit faire appel à la pédagogie scientifique qui sera amenée à préciser certains
concepts essentiels comme aptitudes ou attitudes, et à proposer des outils d'évaluation efficaces.
C'est ainsi que la « docimologie », la science des examens, fait son apparition dans les textes
officiels belges.
La première étape de ce renouveau de l'évaluation est franchie avec la circulaire du 14 mai 1969.
Cette dernière affiche clairement la nécessité de revoir les examens de manière à ce qu'ils soient
conformes aux recommandations faites par le Conseil de l'Europe. Ainsi, aux examens
traditionnels sont substitués des exercices de contrôle continu tandis que la notation chiffrée est
remplacée par des appréciations qualitatives en 5 niveaux (TB pour très bien, Bien pour bien, S
pour suffisant, F pour faible, I pour insuffisant). Pour chacune des matières de la formation
commune, l'élève reçoit une de ces appréciations, et ce, six fois puisque le bulletin scolaire est
remis six fois aux parents pendant l'année. Pour ce qui est des activités complémentaires comme
le sport ou les arts, elles ne font l'objet que d'un commentaire. Le bulletin scolaire n'est pas seul
document relatif à l'élève puisqu'il existe aussi un dossier scolaire comprenant, outre la partie
administrative, un tableau individuel d'observation du comportement, un tableau individuel des
aptitudes et un tableau schématique de synthèse. Il est également à préciser que le redoublement
n'est pratiqué qu'en cas vraiment exceptionnel et que donc tous les élèves passent en classe
supérieure à l'issu de leur année scolaire.
50
La circulaire du 7 août 1972, visant l'enseignement organisé par l'État et concernant les modalités
d'appréciation dans le premier degré de l'enseignement secondaire rénové, se substitue à la
circulaire que nous venons d'évoquer précédemment. Cette nouvelle circulaire introduit, à travers
un tableau des opérations mentales, les travaux de Bloom et de ses collaborateurs. Ce tableau a
pour but d'aider et d'orienter les enseignants dans la conception de leurs exercices d'évaluation.
Des exemples d'évaluations et d'exercices sont fournis pour chacune des matières au programme.
La circulaire du 2 avril 1976 définit clairement les caractéristiques propres à l'évaluation dans
l'enseignement belge :
« Une évaluation plus qualitative que quantitative devient nécessaire :
elle sera collégiale, informative, prédictive, corrective, continue et
globale. » (Ministère de l'éducation de la Communauté française,
1976, p. 226).
En ce qui concerne l'enseignement catholique, l'évolution de l'évaluation n'est guère différente.
La Fédération Nationale de l'Enseignement Moyen Catholique publie plusieurs fascicules ayant
trait aux méthodes d'évaluation. Le premier de ces fascicules, paru pour l'année scolaire 1971-72
sous le titre Recherche en docimologie, orientations fondamentales, se compose d'une synthèse
théorique concernant l'évaluation. Les concepts retenus et les principes de base, tout comme les
outils proposés sont les mêmes que les établissements d'État.
Les fascicules 2 et 3 intitulés Observation des attitudes, Observations et personnalité, Évaluation
des attitudes, ont pour objectif de définir clairement les concepts (attitude, aptitude, etc.) tout en
donnant aux enseignants des recommandations et des conseils pour observer efficacement ses
élèves.
Le fascicule 4, publié en 1976 sous le titre Observation des Aptitudes et définition des Objectifs-
critères, s'inspire des taxonomies de Bloom et de Guilford pour traduire les objectifs généraux en
objectifs intermédiaires, et en objectifs opérationnels tout en définissant précisément les
comportements souhaités chez les étudiants et les critères d'évaluation qui en découlent. Ce
dernier fascicule renvoie clairement au concept de pédagogie par objectifs qui est en quelque
sorte le courant pédagogique dominant à cette époque.
51
Cependant, il est à noter que l'enseignement en Belgique a été soumis de façon successive à la
création des Communautés en 1970 et des Régions en 1980, au démantèlement du ministère de
l'Éducation, à bon nombre de réformes administratives et institutionnelles jusqu'à la
« communautarisation » de 1989. La Belgique devient officiellement un état fédéral en 1993.
Dans ce contexte si particulier, la pédagogie par objectifs restera en vigueur durant de
nombreuses années. Néanmoins, en 1997, le ministère de l'Éducation de la Communauté
française lance un projet éducatif ambitieux reposant sur l'approche par compétences. Nous ne
nous y attarderons pas dans ce chapitre puisque le décret « Missions » fera l'objet d'une étude
approfondie dans la seconde partie de notre étude.
La Belgique malgré son histoire si singulière a suivi un parcours similaire à bon nombre de
nations en matière d'éducation et d'évaluation. À l'origine, nous avons la pédagogie et
l'enseignement hérités des Jésuites qui ont tenu le haut du pavé, malgré quelques tentatives de
changements, jusqu'à la fin des années 50. Par la suite, la pédagogie par objectifs et ses méthodes
d'évaluation se sont peu à peu imposées jusqu'à ce que la communauté francophone débute la
mise en place du décret « Mission » et son approche par compétences.
1.5. La Suisse
1.5.1. Petit rappel historique concernant la Suisse
B est impensable d'aborder l'éducation en Suisse sans avoir auparavant étudié quelque peu son
histoire afin de mieux comprendre l'organisation politique de ce pays.
La date officielle de création de la Confédération helvétique est 1291. Cette année-là, les trois
états alpestres d'Uri, Schwyz et Unterwald concluent un accord d'assistance mutuelle afin
d'échapper à l'emprise de l'empire des Habsbourg. Mais cette alliance n'est que la prémisse de la
construction d'un véritable état fédéral. Au XIVe siècle, les territoires de Lucerne, Zurich, Zoug et
Berne se joignent aux trois premiers cantons pour former « la confédération des VIE cantons ».
Les cantons ne deviennent véritablement indépendants du Saint-Empire romain germanique
qu'après les traités de Westphalie en 1648. Au XVe siècle, cinq autres cantons, à savoir Fribourg,
52
Soleure, Appenzell, Bâle et Schaffhouse, viennent s'associer aux huit précédents pour former la
confédération des XHI cantons.
En 1814, la Restauration crée le premier état fédéral suisse comprenant 22 cantons, par le biais de
« l'Acte de reconnaissance de la neutralité perpétuelle de la Suisse » qui sera signé et ratifié par
tous les pays d'Europe. Les trois derniers cantons à être rattachés à la Confédération sont ceux de
Genève, de Neuchâtel et du Valais lors de l'année 1815.
À partir de 1830, les querelles incessantes entre les conservateurs et les libéraux-radicaux,
menèrent le pays à la guerre de Sonderbund en 1847 qui débouchera sur la première constitution
fédérale, signée le 12 septembre 1848. Désormais la Suisse est un état fédéral composé de 26
cantons.
1.5.2. Petit rappel concernant l'éducation en Suisse
La date majeure concernant l'éducation scolaire en Suisse est 1874. En effet, lors de la première
révision de la Constitution de 1848, le Parlement suisse rajoute un nouvel article constitutionnel
instituant l'obligation, la laïcité et la gratuité de l'école publique. Cependant, cet article laisse les
différents cantons libres d'administrer leurs écoles comme ils veulent. Ceci est encore valable de
nos jours malgré plusieurs tentatives d'uniformisation (1882, 1973). En Suisse, les cantons
disposent de leur propre ministère de l'Éducation appelé en général département de l'instruction
publique puisque chacun d'eux est souverain sur son territoire pour tout ce qui concerne
l'éducation et la formation. Il y a ainsi 26 ministères de l'éducation en Suisse et tout autant de
systèmes éducatifs.
Il est toutefois à noter qu'en 2006, la Suisse a rédigé un nouvel article constitutionnel contraignant
les cantons à harmoniser leurs systèmes éducatifs afin de gommer progressivement cette
fragmentation éducative. Cependant, une telle harmonisation demande beaucoup de temps. De ce
fait, le nouveau système ne devrait pas selon les estimations des autorités nationales être
opérationnel avant 2013.
Ainsi, afin de traiter la Suisse dans le cadre de notre étude, il est bien évident que par souci de
facilité et de clarté, nous n'étudierons pas la totalité des cantons. Nous nous en tiendrons
seulement aux cantons francophones.
53
1.5.3. Les origines de l'évaluation
En Europe et en Suisse en particulier, deux principaux modèles d'enseignement et donc
d'évaluation cohabitent. Le premier est bien entendu le système des Jésuites sur lequel nous ne
reviendrons pas, et le second est le système des écoles du peuple que nous pourrons qualifier
d'indépendant. En effet, durant le début des temps modernes, l'enseignant officiait de manière
indépendante puisqu'il proposait son savoir et savoir-faire aux familles moyennant une certaine
rémunération. La diffusion du savoir et des connaissances était un marché comme un autre
soumis à la concurrence, comme en attestent d'après Cardinet (1991) certaines annonces parues
dans la feuille d'avis de Neufchâtel au XVIIIe siècle où quelques enseignants proposaient leur
savoir et leur savoir-faire. Puisqu'il y a concurrence entre les enseignants, les résultats des élèves
sont primordiaux autant pour les élèves qui risquent ainsi de devoir se soumettre à des châtiments
corporels et à la réprimande des parents, que pour les enseignants qui peuvent perdre un élève si
les parents, qui ne l'oublions pas sont avant tout des clients, ne sont pas satisfaits des prestations
rémunérées. De ce fait, les enseignants avaient recourt à ce que l'on peut appeler « une évaluation
par objectifs » afin de justifier leurs rémunérations et de faire valoir leur travail auprès des
parents (Cardinet, 1991).
Ce type d'enseignement se faisait par étapes et de manière cumulative. Le salaire réclamé par
l'enseignant n'était versé que lorsque l'élève avait bel et bien atteint l'objectif fixé. Ainsi,
l'enseignant se trouvait dans l'obligation de suivre avec attention la progression de chaque élève.
Pour ce faire, l'enseignement était évalué, par exemple, de la façon qui suit :
« L'apprentissage de la lecture était décomposé en étapes. La
première phase, selon le contrat, était d'apprendre les lettres. La
deuxième phase impliquait d'apprendre à lire des mots, et ensuite des
phrases. Ces étapes étaient contrôlées régulièrement. Il existe encore
des gravures représentant cette activité d'évaluation. On voit des
élèves qui se présentent l'un après l'autre devant le maître, qui leur
demande de montrer ce qu'ils savent faire. » (Cardinet, 1991, p. 2).
54
Lors de l'avènement de l'école obligatoire, à la fin XVnf siècle, la Suisse dispose de deux
systèmes éducatifs. Le système des Jésuites basé sur la performance, l'émulation et le classement
des élèves et celui des petites écoles du peuple centré, essentiellement par commodité
économique, sur des objectifs pédagogiques clairement définis. Le système jésuite est finalement
celui choisi pour être appliqué à l'ensemble des systèmes éducatifs de la Suisse romande.
L'influence française omniprésente et la volonté affichée par la bourgeoisie d'accéder aux hautes
sphères du pouvoir grâce à un système éducatif fondé sur le mérite sont certainement des facteurs
décisifs dans la prise d'une telle décision.
1.5.4. L'évaluation de nos jours en Suisse
Dans les années 90, certains cantons de la Suisse romande se sont lancés dans la rénovation de
leur système éducatif. Cette dernière s'est généralement concrétisée par des réformes pour la
plupart entrées en vigueur dans les années 2000 basées essentiellement sur une évolution des
structures, mais aussi des politiques d'évaluation. Afin de traiter de l'évaluation pratiquée de nos
jours en Suisse romande et d'avoir une vue d'ensemble, nous prendrons plusieurs exemples, à
savoir les cantons de Berne, de Vaud et de Genève.
1.5.4.1. Le canton de Berne
Dans la zone francophone du canton de Berne, « L'ordonnance concernant l'évaluation et les
décisions d'orientation à l'école obligatoire » (ODED) a été promulguée en 2002 par le
département de l'instruction publique. Modifiée en 2004, l'ODED définit en quatre grands points
l'évaluation :
• « L'évaluation a une dimension formative : elle tient compte des progrès et des points
forts de l'élève et signale ses points faibles et les moyens de les corriger »
• « L'évaluation est fixée sur les objectifs d'apprentissage qui ont été fixés »
• « L'évaluation est transparente : elle est la suite logique des différentes appréciations
données tout au long de l'année scolaire »
55
• « L'évaluation est globale : parallèlement aux compétences de l'élève, elle apprécie son
attitude face au travail et à l'apprentissage et son comportement social. » (Direction de
l'instruction publique du Canton de Berne, ordonnance concernant l'évaluation et les
décisions d'orientation à l'école obligatoire, 2004, Art.3, p. 1).
Concrètement, cette ordonnance instaure un rapport d'évaluation destiné à la famille et à l'élève à
la fin de chaque année scolaire durant le cycle primaire et à la fin de chaque semestre pour ce qui
concerne l'enseignement secondaire du premier degré. Ce rapport d'évaluation rempli par
l'enseignant rend compte de l'attitude de l'élève vis-à-vis du travail demandé et de l'apprentissage,
ainsi que sur ses compétences dans les disciplines à l'étude. Dans chaque discipline, l'élève reçoit
une note globale ne devant être en aucun cas le résultat d'une moyenne arithmétique. Cette note
est la traduction chiffrée de l'évaluation des compétences de l'élève. L'évaluation doit bien
entendu rester fixée sur les objectifs d'apprentissages définis pour chaque discipline afin de
déterminer s'ils ont été atteints par l'élève. L'ODED recommande, par souci de précision, la
consultation des tests sommatifs et des productions réalisées par l'élève en classe, car ceux-ci
rendent compte généralement de la progression des résultats (Houchot et a l , 2007).
1.5.4.2. Le canton de Vaud
À l'image du canton de Berne, le canton de Vaud met lui aussi en place le dossier d'évaluation,
suite à la réforme entreprise entre 1997 et 2001 appelée « École vaudoise en mutation » (EVM).
Celle-ci modifie considérablement les structures du système éducatif et l'évaluation des élèves et
instaure un nouveau plan d'études. Dans les faits, les changements concernant l'évaluation des
élèves se sont traduits par la substitution d'un ensemble d'appréciations portant sur les différentes
attitudes de l'élève et sur son degré de maîtrise des objectifs d'apprentissage à la notation
traditionnelle chiffrée. Ces appréciations sont consignées dans un dossier d'évaluation qui est
transmis aux familles. L'examen de ce dernier en fin d'année scolaire décide du passage ou non
des élèves dans la classe supérieure (Houchot et a l , 2007).
H est toutefois à noter que dans le canton de Vaud la mise en place du dossier d'évaluation s'est
heurtée à une vague d'opposition qui a conduit le Grand Conseil à adopter en 2004 un texte
marquant un léger retour en arrière. Le dossier d'évaluation a été révisé puisque désormais un
56
retour à l'évaluation est autorisé, même si cela est dans certains cas très spécifique. La notation
traditionnelle chiffrée reste certainement aux yeux des parents la méthode d'évaluation la plus
claire et de ce fait peut-être la plus rassurante.
1.5.4.3. Le canton de Genève
L'évaluation pratiquée en éducation dans le canton de Genève est essentiellement de nature
formative et certificative.
Elle est formative dans la mesure où elle permet à l'élève, mais aussi à ses parents et à ses
enseignants d'identifier les acquis et les compétences atteintes ainsi que les points nécessitant un
travail plus approfondi (Département de l'instruction publique du Canton de Genève, 2007).
Elle est également certificative lorsqu'elle permet la validation des acquis et des compétences afin
de procéder à l'orientation des élèves. Dans la majorité des disciplines à l'étude, l'évaluation
certificative se traduit par une notation chiffrée allant de 1 à 6, la note minimale requise pour
réussir étant de 3,5 (Direction générale du cycle d'orientation du Canton de Genève, 2008). Un
bulletin comprenant les notes et les appréciations des professeurs est remis aux parents à titre
d'information à la fin de chacun des trois trimestres.
Pour ce qui est de l'évaluation commune, des épreuves sont administrées à l'ensemble des élèves
d'un même degré d'étude. Celles-ci complètent ainsi les appréciations fournies par la notation
chiffrée tout en permettant les comparaisons nécessaires à l'orientation des élèves. Les dates de
ces épreuves communes sont communiquées en début d'année aux parents et aux élèves. La
direction générale a sous sa responsabilité l'organisation de ce type d'évaluation et confie
l'élaboration des épreuves à des commissions d'enseignants.
Le système scolaire suisse, de par sa nature, est très complexe puisque chaque canton dispose de
sa propre autorité en matière d'éducation. Cependant, tous les types d'évaluation pratiqués en
Suisse ont tous la même origine, à savoir, d'une part, la pédagogie des Jésuites et, d'autre part, le
système éducatif des petites écoles du peuple basé sur des objectifs pédagogiques. Mais, seule la
pédagogie des Jésuites sera conservée et appliquée à l'ensemble des cantons suisses.
Le système d'évaluation traditionnel, comme le montre les exemples du canton de Vaud et de
Berne, reste très populaire encore de nos jours. En effet, la mise en place, dans ces deux cantons,
57
du dossier d'évaluation aux dépens du système traditionnel de notation a suscité de vives
réactions chez les parents, les enseignants, mais aussi chez une grande partie des citoyens. Cela
nous montre l'attachement profond de la population et des professionnels de l'éducation pour le
système d'évaluation traditionnel.
1.6. Les Etats-Unis
J *
1.6.1. Le rappel historique sur l'éducation aux Etats-Unis
Les États-Unis ont toujours été des précurseurs en matière d'éducation et de pédagogie. Es sont la
première nation à avoir créé un système éducatif public et gratuit offert à tous les citoyens.
Nombreuses furent les écoles à innover en mettant en application les préceptes de pédagogues
réputés tels que le Suisse Johann Pestalozzi (1746-1827), ou Johann Friedrich Herbart (1776-
1841), sans oublier le plus illustre à savoir Jean-Jacques Rousseau (1712-1778).
Bien que relativement courte comparée aux vieilles nations de ce monde, l'histoire de l'éducation
aux États-Unis est d'une telle richesse qu'il serait difficile d'en faire le résumé en quelques lignes.
Cependant, il est toutefois possible de discerner clairement quatre grandes étapes dans l'histoire
de l'école américaine (Montagutelli, 2000).
1.6.1.1. Les origines (1607-1830)
L'école américaine prend naissance pendant les premières années de la colonisation. Dans la
majeure partie des familles, l'enseignement des enfants se fait à la maison sous l'égide d'un parent
sachant lire et écrire. La fréquentation d'une école n'est pas une priorité. Les parents n'inscrivent
généralement leurs enfants dans une école qu'en tout dernier recours lorsque ceux-ci ne peuvent
assumer les enseignements rudimentaires. Ainsi, des écoles se créent dans la colonie. Des « Dame
schools », des « writing schools » et des « Latin grammars schools » sont mises en place dans un
premier temps en Nouvelle-Angleterre puis peu à peu à travers tout le pays. Ce système éducatif
est entièrement calqué sur le système anglais qui fait office de modèle de référence tant l'héritage
anglais est omniprésent dans la toute nouvelle nation.
58
Cette école naissante est très puritaine comme l'atteste l'importance de la lecture de la Bible et des
préceptes moraux de l'Église dans les objectifs pédagogiques. Mais les idées de la Révolution
relayées par les intellectuels et les réflexions profondes sur l'éducation qui en ont découlé vont
mener lentement vers la laïcisation des structures éducatives du pays.
1.6.1.2. L'école de la république (1830-1890)
Cette seconde grande étape marque la mise en place d'un vaste ensemble de structures
administratives. Ces structures, véritable ossature du système éducatif, permettent le bon
fonctionnement de « common schools » dans chaque état du pays. Les premiers réformateurs
(p. ex. Horace Mann et Henry Barnard) à avoir permis l'instauration d'un tel système ont introduit
deux préceptes fondamentaux qui ont marqué l'histoire de l'éducation dans le pays : l'universalité
de l'enseignement et le financement public des écoles. Désormais qu'importe ses origines sociales
tout enfant aura droit au même enseignement dans des écoles toutes gérées financièrement par
l'État. De plus, la création de ce système éducatif public voit aussi la création d'écoles normales
vouées à la formation d'un personnel enseignant de qualité.
Néanmoins, la mise en place d'un tel système s'effectue lentement et en décalage d'un état à
l'autre : le Nord-Est et principalement la Nouvelle Angleterre étant l'avant-garde tandis que le sud
plus conservateur accumulant le retard.
Ces soixante années sont une étape primordiale de l'histoire de l'éducation américaine puisqu'elles
jettent les bases de l'école publique. Dès lors, les écoles que sont les « common schools », à
l'inverse des écoles du passé, fonctionnent en systèmes unifiés.
1.6.1.3 L'école progressiste (1890-1957)
Cette période est caractérisée par de nombreux changements majeurs dans tous les secteurs
d'activité du pays. Ne dérogeant pas à la règle, l'éducation est elle aussi stimulée par la vague de
progrès touchant les États-Unis. Ce pan de l'histoire faisant la part belle aux idées progressistes
est l'une des plus périodes les plus fécondes pour l'école américaine. En effet, elle représente,
après l'instauration des « common schools », le second grand tournant de l'histoire de l'école
américaine.
59
La pédagogie progressiste trouve ses racines dans le développement de nombreux domaines
d'études allant de la psychologie à la pédagogie en passant par la philosophie sociale. La richesse
même de l'école progressiste vient de cette pluridisciplinarité et de l'adoption des thèses les plus
novatrices en matière de sciences sociales. La pédagogie progressiste se fonde sur la mise en
application des préceptes chers à Rousseau ou à Pestalozzi. Désormais, le progrès intellectuel de
l'enfant n'est plus la priorité absolue de l'éducation. L'enfant avec sa personnalité et ses besoins
propres est au centre de la réflexion progressiste. L'éducation est dorénavant considérée comme
une préparation à la vie et non plus comme une simple formation de l'intellect de l'enfant. Avec
l'école progressiste, l'éducation prend véritablement une toute autre dimension.
Cette vision nouvelle de l'éducation s'accompagne également d'une volonté affirmée de
démocratiser le savoir et la culture en favorisant sa diffusion. Pour ce faire, l'école doit dès lors
être accessible pour tous. Cela va conduire à de nombreuses réformes autant sur le plan
pédagogique qu'administratif. La mise à l'essai de nouvelles méthodes d'enseignement aussi
diverses que variées (« apprentissage actif », coopération et non plus concurrence entre les élèves,
limitation du rôle des manuels scolaires à celui de complément d'enseignement, etc.) est
accompagnée d'une refonte administrative du système éducatif américain. On assiste à la mise en
place d'une bureaucratie professionnelle. La gestion des questions scolaires est confiée à des
spécialistes universitaires qui n'auront de cesse de favoriser la scolarisation du plus grand nombre
sur des périodes toujours plus importantes (permettre l'accès au collège à une proportion toujours
plus grande d'adolescents). Une telle politique se traduit sur le plan matériel par un effort
financier conséquent de la part des districts scolaires et la diversification des programmes
scolaires. Ces spécialistes de l'éducation font tout leur possible afin d'unifier et de standardiser les
procédures administratives et les pratiques pédagogiques tout en favorisant la diversification des
programmes dans le but d'accueillir une population scolaire hétérogène (Montagutelli, 2000).
Cette période marque véritablement l'instauration d'un système éducatif propre aux États-Unis de
par ses caractéristiques, sa philosophie, sa vision du rôle de l'éducation et ses objectifs. L'école
américaine se dote ainsi durant celle-ci de structures résolument modernes.
60
1.6.1.4. L'époque moderne (1957 à aujourd'hui)
À partir du début des années 70, les citoyens américains, jusque-là satisfaits, manifestent une
perte de confiance envers leur système éducatif. Cette perte de confiance ne tarde pas à se muer
en véritable désamour. Effectivement, à travers de nombreux sondages (Institut Gallup
notamment), les citoyens américains n'hésitent plus à qualifier ce dernier, et ce, moins de 10 ans
plus tard, de médiocre et d'inefficace (Montagutelli, 2000). Pour beaucoup le système éducatif
américain n'est plus à la hauteur et doit de ce fait être réformé afin de retrouver un semblant
d'efficacité.
Dans les faits, la mise en œuvre de réformes est loin d'être aisée. Depuis le début du XXe siècle,
parallèlement aux responsables scolaires traditionnels tels que les administrateurs, les
universitaires ou les responsables politiques locaux, se développe l'influence des fondations
privées, des responsables d'industries, des syndicats enseignants et des « special-interest groups »
(groupes d'intérêts). L'apparition et la montée en puissance de ces nouveaux interlocuteurs dans le
monde de l'éducation compliquent considérablement les prises de décisions et représentent un
véritable frein à l'instauration de normes nationales auxquelles devraient se soumettre tous les
établissements et le personnel enseignant. B est aisément compréhensible que la concertation
entre une telle multitude d'intervenants venant d'horizons si différents et ayant chacun leurs
intérêts ne puisse aboutir sur un consensus utile et efficace. Toutefois, certaines réformes ont tout
de même vu le jour, mais elles n'étaient basées essentiellement que « sur le concept du « plus » à
savoir plus d'argent, plus de matériel, plus d'heures d'enseignement de base et d'enseignements
nouveaux, plus d'information et de coordination. » (Montagutelli, 2000, p. 214).
Outre ces problèmes d'ordre décisionnel et structurel, l'école américaine doit également faire face
aux problèmes endémiques propres à la société américaine actuelle à savoir les inégalités d'ordre
socio-économique et culturel, ainsi que socio-démographique. Face au cloisonnement progressif
de la société, aux disparités toujours plus grandes entre les banlieues et les centres-villes, à la
formation de véritable ghetto culturel dans les villes, les administrations disposent de moyens très
inégaux selon les districts. Cet état de fait nécessite la contribution financière toujours plus
importante de l'état fédéral dans les affaires éducatives. Ces problèmes affectent différemment les
61
régions du pays étant donné qu'ils sont en relation directe avec le niveau socio-économique et
culturel de la population. Cependant, ces inégalités apparaissent elles aussi comme un frein à
l'établissement d'une certaine uniformisation du système puisqu'elles provoquent une importante
disparité de moyens et donc de résultats entre les établissements scolaires américains.
En ce début de XXIe siècle, l'école américaine est confrontée à de nombreuses difficultés
nécessitant certainement des réformes que ce soit sur le fond ou sur la forme de sa structure.
Actuellement, l'éducation telle qu'elle est appliquée aux États-Unis est pluraliste que ce soit dans
les méthodes d'enseignement et d'évaluation, dans les matières enseignées ou dans les
programmes proposés. L'ensemble des pouvoirs organisationnels est effectivement détenu par les
15 025 districts scolaires, que quelques-uns partagent avec les États. Ces mêmes districts
délèguent en grande partie les responsabilités en matière d'administration et de gestion des
affaires scolaires aux établissements. Dans un tel cadre, le « Department of Education » ne joue
tout au plus qu'un rôle de coordinateur.
1.6.2. L'histoire du testing aux États-Unis
L'éducation en place aux États-Unis est, comme nous venons de le voir, pluraliste et hautement
décentralisée. Il est donc impensable de vouloir traiter de l'évaluation en tant que telle à l'échelle
du pays tant les pratiques et les différentes variantes sont nombreuses. De ce fait, nous nous
consacrerons à l'étude de l'évolution du testing en éducation aux États-Unis des origines à nos
jours.
À l'image de la décentralisation extrême des décisions éducatives, le recours au testing est une
des caractéristiques majeures du système éducatif américain.
1.6.2.1. Les origines
L'utilisation des tests et des analyses quantitatives en éducation prend sa source au début du XXe
siècle. Les spécialistes américains sont persuadés de pouvoir tout mesurer et tout analyser avec
une grande précision. Les premiers tests à avoir vu le jour sont administrés aux élèves étrangers
afin de mesurer leur niveau d'intelligence. Les psychologues américains, lors de la création de ces
62
derniers, se fondent sur les travaux d'Alfred Binet (1857-1911) et de Théodore Simon (1872-
1961) sur l'échelle métrique de l'intelligence entrepris dès 1905, et par la suite traduits en anglais
par le psychologue Henry H. Goddard (1866-1957). Ces deux psychologues français sont à
l'origine de la création du premier test d'intelligence.
Lewis Madison Terman (1877-1956), professeur de psychologie à l'Université Stanford, met sur
pied et administre les premiers « tests mentaux » ayant pour but de mesurer l'intelligence des
élèves américains. Ces tests reprennent les travaux de Binet et Simon tout en y associant le
concept de quotient intellectuel (Q.I.), à savoir le rapport entre l'âge mental et l'âge réel, élaboré
en 1912 par le psychologue allemand Wilhem Stern (1871-1938). Quelques années plus tard, en
1917 plus exactement, Goddard administre un test de Q.I. à trente immigrés afin de déterminer
leur niveau d'intelligence.
Ces tests, suscitant un réel enthousiasme, seront désormais administrés, non plus seulement aux
immigrés, mais également aux élèves américains.
1.6.2.2. Les premières mises en application en éducation
Les administrateurs et les enseignants, après quelques réticences, commencent à voir en ces tests
des outils permettant l'amélioration de leurs pratiques pédagogiques, des conditions de travail et
de la gestion scolaire dans son ensemble. Les résultats de ces tests entraînent même parfois
l'instauration de réformes. Pour preuve, entre 1905 et 1910, à l'examen des résultats de quelques
tests, 28 États mettent en place des commissions spécialisées qui auront pour mission l'étude des
problèmes liés à l'éducation et à l'enseignement (Montagutelli, 2000).
Cet engouement pour le testing pousse les spécialistes à élargir le champ de recherche à tous les
métiers des institutions scolaires américaines. Ainsi, ils cherchent à établir des normes afin de
permettre une amélioration des performances. Dans cette suite d'idées, des enquêtes comparatives
entre villes et États sont lancées à l'échelle nationale. Les résultats de ces enquêtes sont sensés,
grâce à la comparaison avec d'autres établissements, permettre l'amélioration des méthodes de
travail enseignantes tout en permettant aux responsables scolaires de voir les points positifs et
négatifs de leur exercice. De nombreuses fondations, comme Rockfeller, Sage ou Carnegie,
possèdent leur propre département de recherches et procèdent à leurs propres enquêtes
comparatives sur l'éducation, et ce, dès les années 1910. En 1912, la fondation Sage publie les
63
résultats d'une enquête comparative portant sur l'efficacité des systèmes éducatifs des 48 États du
pays. Deux ans plus tard, la Fondation Carnegie réalise la première étude de cas en se penchant
sur le système éducatif du Vermont. À l'issue de cette étude de cas, cette fondation propose
quelques réformes pouvant permettre l'amélioration des conditions d'enseignement et de
l'efficacité de ce dernier. La « National Education Association » (N.E.A.) procède elle aussi à de
telles enquêtes et publie des bulletins présentant les résultats de leurs recherches. H en va de
même pour le Bureau national de l'Éducation qui réalise ses propres enquêtes et publie ses
résultats, ses conclusions et ses rapports statistiques (Montagutelli, 2000). Le développement de
ces enquêtes peut décemment être considéré comme les débuts de l'évaluation institutionnelle
dans le monde de l'éducation. Les tests psychométriques ne tiendront le haut du pavé qu'à partir
de la Seconde Guerre mondiale :
«A la veille de l'entrée en guerre des États-Unis, l'Association
américaine de psychologie se met au service de l'armée et conçoit les
premières batteries de tests pouvant être administrées à tout un
groupe de population. Des centaines de milliers de soldats sont ainsi
testés. » (Montagutelli, 2000, p. 181).
Ce n'est véritablement qu'après la Seconde Guerre mondiale que les administrations scolaires
prennent la décision d'administrer ce genre de batterie de tests à l'ensemble de la population
scolaire. Dorénavant les scores obtenus à de tels tests « sont de toutes premières importances
pour déterminer de la réussite scolaire de chaque élève. » (Montagutelli, 2000, p. 181).
1.6.2.3. Le développement du testing
En 1947, est instauré à l'échelle nationale le « Standard Aptitude Test » (SAT). Cet examen
d'entrée aux universités, se substituant au « College Entrance Examination » en place depuis
1901, contrôle les connaissances en mathématiques et les capacités d'expression des étudiants.
Cet examen, présenté sous la forme d'un questionnaire à choix multiples, est élaboré et administré
par 1' « Educational Testing Services » (ETS). Chaque année, le SAT permet d'évaluer très
rapidement, du fait de sa correction par ordinateur, plus d'un million d'élèves (Montagutelli,
64
2000). Mais ce dernier est remis en question de nos jours par beaucoup d'éducateurs. En effet, le
SAT compare les élèves entre eux alors qu'il devrait plutôt évaluer les élèves selon des normes
éducatives établies. Il apparaît donc comme étant inadapté à la mesure du niveau individuel des
élèves. Dans le même ordre d'idées, le SAT ne porte que sur un programme d'études précis, le
programme de dernière année généralement, ne représentant finalement que peu d'intérêt pour les
élèves. Les résultats sont ainsi quelque peu biaises par le manque de motivation des élèves à son
encontre.
En 1980, l'« American College Testing Program » crée un nouveau test visant à inciter les élèves
du secondaire désirant faire des études supérieures à corriger leurs défauts et améliorer leur
niveau général. L'« American College Test » est administré chaque année depuis 1980 et évalue
les connaissances concernant l'anglais, les sciences naturelles, les mathématiques et les sciences
sociales.
Cependant, les tests que nous venons d'évoquer représentent une grosse source de revenus pour
les deux sociétés à savoir l'ETS et l'« American College Testing Program » qui les administrent,
bien qu'elles soient toutes les deux à but non lucratif. Ces dernières sont accusées par beaucoup
de se contenter de reproduire chaque année le même test et d'éviter toute prise de risque dans la
conception de l'examen (Spring,. 1998).
Suite à ces critiques, le SAT est modifié en 1991. De son aspect traditionnel sous forme de série
de tests, il devient un examen à proprement parler visant à identifier les meilleurs élèves avant
leur entrée à l'université. Cette nouvelle version du SAT est administrée dès 1994.
Toujours en 1991, le président Bush fait une sortie médiatique lors de la conférence « America
2000 » où il prend position en faveur de l'instauration rapide d'examens nationaux (United States
Department of Education, 1991). Dès lors, plusieurs groupes de travail entreprennent le
développement d'un examen appelé « American Achievment Tests » portant à la fois sur les
mathématiques, l'anglais, les sciences, l'histoire et la géographie. Toutefois, le projet reste
toujours lettre morte aujourd'hui.
L'histoire de l'éducation aux États-Unis est riche de par la grande variété des méthodes éducatives
appliquées dans les différents établissements scolaires du pays et la parcellisation extrême de son
65
système éducatif. Les pratiques pédagogiques et évaluatives d'une telle diversité font des États-
Unis un sujet d'étude d'une grande richesse en matière d'éducation qu'il est malheureusement très
difficile de traiter à l'échelle nationale tant le manque d'uniformité est important. Toutefois, le
testing, même si comme nous l'avons mentionné précédemment les tests sont très critiqués, reste
certainement le seul facteur d'uniformisation dans le système scolaire américain pourtant si
éclaté. Le recours au testing permet aux autorités éducatives américaines de se faire une idée du
niveau d'apprentissage atteint par les élèves du pays. Depuis les années 70, le niveau des élèves
devient une véritable préoccupation pour les responsables de l'éducation américaine. En effet, les
carences et les faiblesses du système scolaire mises en lumière par les enquêtes internationales
montrent les limites d'une organisation scolaire si éclatée. La grande force du système scolaire
américain est sans aucun doute la grande variété des pratiques pédagogiques et évaluatives qui se
veulent souvent novatrices et originales appliquées dans des établissements scolaires ayant une
grande marge de manœuvre. Cependant, celle-ci se révèle paradoxalement être aussi leur défaut
majeur tant le manque d'uniformisation du système se fait ressentir à la vue des différences de
niveaux parfois flagrantes entre étudiants d'un même Etat, voire d'un même district scolaire.
Dans cette première partie, nous avons étudié la doctrine pédagogique prônée par les Jésuites.
L'émulation et le classement des classes selon leurs performances scolaires sont à la base, comme
nous avons pu le constater dans cette première partie, des systèmes éducatifs français, suisse et
belge. Les Jésuites sont considérés, et non sans raisons, comme les fondateurs de l'évaluation en
éducation.
Par la suite, nous avons abordé tour à tour l'histoire de l'évaluation des apprentissages dans
plusieurs pays références en matière d'éducation, à savoir la province canadienne du Québec, la
France, la Belgique, la Suisse et les États-Unis. Il nous a été ainsi possible de dresser un tableau
de ce que fut l'histoire de l'évaluation des apprentissages avant d'aborder spécifiquement
l'approche par compétences dans notre deuxième partie.
67
Le développement du Taylorisme et du comportementalisme a guidé les systèmes éducatifs vers
la pédagogie par objectifs. Ce dernier est le modèle pédagogique qui a fait l'unanimité depuis
maintenant près d'une cinquantaine d'années. Mais, ce modèle est depuis quelques années remis
en question. L'avènement de l'approche par compétences en éducation est à l'origine de cet
apparent déclin. La pédagogie par compétences est apparue aux États-Unis dans les années 60
dans le cadre d'activités reliées à la formation professionnelle mais aussi dans la marine
américaine qui met en place une formation basée sur l'assimilation de certaines compétences.
Depuis lors, l'approche par compétences n'a cessé, malgré une perte d'intérêt relative à partir des
années 80, de se poser comme une alternative hautement plus efficace que la pédagogie par
objectifs étant donné les nouvelles demandes sociales liées aux nouvelles contraintes du monde
de l'entreprise.
Certains pays comme le Canada, notamment dans la province de Québec ou la Belgique ont
procédé à des réformes visant à mettre en place des systèmes éducatifs basés sur le
développement de compétences aux dépens de la pédagogie par objectifs.
Mais l'approche par compétences en éducation divise les spécialistes. Cette dernière porte encore
à confusion en ce qui concerne la définition même du concept de compétence.
Dans l'édition 1992 du Petit Robert, le terme de compétence est défini en ces termes :
• Aptitude reconnue légalement à une autorité publique de faire tel ou tel acte dans des
conditions déterminées.
• Connaissance approfondie, reconnue, qui confère le droit de juger ou de décider en
certaines matières.
Ces deux définitions possibles ne sont en aucun cas textuellement transposables telle quelle en
éducation. De nombreuses dissensions entre spécialistes en éducation viennent de la mise en
place d'une définition concrète et précise du concept de compétence en éducation.
Dans cette partie, nous essaierons donc de retracer les origines du concept de compétence, de voir
ses définitions adaptées à l'éducation puis nous verrons tour à tour les exemples du College
Alverno, de la Réforme québécoise et du système éducatif Belge. Nous avons choisi ces
68
exemples car ils ont tous les trois mis en place concrètement l'approche par compétences dans
leur système éducatif.
2.1. Les origines du concept de compétence
Dans cette partie, nous essaierons de retracer l'évolution du concept de compétence depuis ses
origines jusqu'à son adaptation au domaine de l'éducation. Nous allons donc tour à tour nous
pencher succinctement sur les définitions du concept de compétence propre aux linguistes, aux
psychologues et aux professionnels des sciences du travail.
2.1.1. La conception des linguistes
Depuis le début du XXe siècle, les linguistes opposent les concepts de compétence et de
performance. Le Ny (1991) définit la compétence comme étant «l'ensemble des savoirs
linguistiques d'un locuteur. La compétence permet de comprendre et de produire un nombre
infini de phrases. » (p. 152).
La compétence est un savoir implicite intégrant un nombre de règles permettant à un individu
d'émettre un nombre incalculable de productions langagières. Celle-ci est propre à chacun et reste
virtuelle tant qu'elle n'a pas été utilisée en situation concrète. Mais en situation d'utilisation
concrète de la langue et donc de communication, les linguistes parlent alors de performance. Bien
qu'étant opposées aux yeux des linguistes, la performance ne va pas sans la compétence
linguistique. En effet, la performance dépend directement du niveau de compétence linguistique
de chacun. Ces deux concepts sont donc intimement liés l'un à l'autre.
Cependant, un autre point les différencie. Quand la compétence est d'ordre individuel, la
performance est quant à elle une entité sociale puisqu'il s'agit ni plus ni moins que de l'utilisation
de la langue en situation de communication avec autrui. La compétence garde un caractère virtuel
puisqu'elle ne peut être perçue que par le biais de la parole en situation de communication. En
d'autres termes, la performance linguistique active une compétence, ou inversement cette dernière
active la communication orale.
69
Afin de mieux illustrer cette ambivalence entre ces deux concepts, nous pouvons présenter le
tableau de Jonnaert (2002):
Tableau 1. Différences entre compétence et performance linguistique
La compétence linguistique La performance linguistique
• fait référence à la parole;
• a un caractère inné;
• est de l'ordre du virtuel;
• est du domaine de l'individuel;
• fait référence à la langue;
• est inscrite dans des situations de
communication;
• est de l'ordre de l'effectif;
• est du domaine du social;
Une compétence linguistique est un potentiel
individuel non encore activé.
Une performance est l'actualisation, en
situation de communication, de la compétence
linguistique.
2.1.2. La conception des psychologues du développement cognitif
Les psychologues acceptent et reprennent dans leurs travaux la distinction faite par les linguistes
entre le concept de compétence et celui de performance. Néanmoins, Houdé, Kayser, Koening,
Proust et Rastier (1998) soulignent les décalages pouvant survenir entre une compétence évaluée
et la performance d'un sujet notamment lors d'une situation de résolution de problème.
Selon les protocoles d'observation suivis par les psychologues, une compétence est toujours
virtuelle puisqu'il s'agit tout simplement d'énoncés de standards normalisés. Les psychologues les
utilisent dans leurs protocoles d'observation afin d'évaluer la performance des sujets à l'étude.
Jonnaert (2002) cite un exemple pertinent à ce sujet:
« [...] lorsque Nguyen-Xuan et Richard (1986) observent les stratégies
utilisées par 96 enfants de 4 à 7 ans pour résoudre des problèmes de
70
classification, ils modélisent d'abord différents systèmes de traitement.
Ils se servent ensuite de ces modèles dans leurs protocoles
d'observation. Cette modélisation leur permet de décrire, a priori, les
démarches de ces enfants confrontés aux problèmes de classification.
Ils posent ensuite l'hypothèse que la performance de ces enfants
permettra d'actualiser ces modèles définis a priori. Il n'y a cependant
pas de correspondance automatique entre cette modélisation et la
performance observée réellement chez ces enfants. Cette modélisation
est toujours virtuelle alors que la performance observée est effective et
correspond à la stratégie utilisée en situation par un enfant. D'un
enfant à l'autre, ces chercheurs mettent en évidence des décalages
importants par rapport au modèle défini par la compétence. Ils
observent des décalages intra-individuel (décalages observés chez un
même sujet réalisant une tâche identique à des moments différents) et
des décalages interindividuels (décalages observés entre plusieurs
sujets d'une même tranche d'âge, et jugés potentiellement équivalents,
réalisant simultanément une tâche identique). » (p. 11)
Seule la mise en situation permet de révéler l'existence de ces décalages. La situation n'est en un
sens rien d'autre que l'activation d'une compétence à travers une performance. Elle permet de
distinguer clairement ce qui est théoriquement attendu par le chercheur, à savoir la compétence,
de ce qui est réalisé en situation réelle par le sujet, ou en d'autres termes la performance. Ces
décalages entre compétence et performance deviennent la règle même du développement et du
fonctionnement cognitif (Houdé et al., 1998). Ces derniers sont tout autant attendus par les
chercheurs que les prédictions mises en place lors de l'élaboration des protocoles d'observation.
2.1.3. La conception des professionnels des sciences du travail
Le concept de compétence dans les sciences du travail n'existe véritablement que depuis une
vingtaine d'années. Les spécialistes en la matière ont d'abord parlé de qualification avant
d'adopter le concept de compétence. L'ouvrage incontournable de Tanguy (1986), intitulé
71
« L'introuvable relation formation-emploi », utilise encore le terme de qualification, ce qui nous
montre clairement que l'adoption du concept de compétence par les spécialistes des sciences du
travail est donc relativement récente.
Jonnaert (2002) nous explique de la façon qui suit l'évolution du concept de qualification vers
celui de compétence:
« Elle marque le passage d'une vision instrumentaliste, celle de la
qualification, à une vision plus relativiste, celle de la compétence. La
vision instrumentaliste de la qualification (avec des définitions a priori
des « qualités » à observer chez un individu pour qu'il soit
officiellement qualifié pour une tâche donnée) et la vision relativiste de
la compétence (avec des définitions se référant autant à l'action qu'à la
situation avec ses contingences qui rendent aléatoire toute définition
aprioriste) marquent les deux pôles d'un courant de réflexion qui a
cheminé de la notion de qualification vers celle de compétence. »
(p. 13)
2.1.3.1. Le concept de qualification
Le terme de qualification n'est à l'origine que les qualités que les apprenants doivent posséder afin
d'exécuter un travail donné. Ces qualités sont la représentation de savoir et de savoir-faire
nécessaire que le sujet doit acquérir pendant un apprentissage que ce soit à l'école, à l'université
ou en formation professionnelle. Mais bien souvent ces savoirs et savoir-faire sont acquis dans
des formations qui sont loin de la réalité du travail. En effet, la qualification est en définitive une
somme de qualités, ou en d'autres termes des savoirs et des savoir-faire, qu'il faut détenir pour
pouvoir être qualifié afin d'exécuter un travail. Cette approche par qualification est donc en
grande partie non contextualisée puisqu'elle ne se base que sur les qualités développées en
formation sans, à aucun moment, prendre en compte les réalités du terrain.
72
2.1.3.2. Le concept de compétence
Les compétences sont loin de la définition de qualification car elles sont le lien entre la tâche
accomplie par un sujet et le potentiel opérationnel détenu par ce dernier. De ce fait, les
compétences régulent les relations qui se mettent en place entre les connaissances propre au sujet
qui fait une action et le contexte dans lequel se déroule cette dernière. Grâce à ses compétences, le
sujet doit pouvoir interpréter le contexte de la situation, adopter l'attitude appropriée et contrôler
ses actions dans le cadre de celui-ci.
Donc contrairement à la qualification, les compétences permettent à l'individu d'exécuter une
tâche dans un contexte bien précis. Étant donné que ces tâches sont contextualisées dans des
situations pouvant être diverses à de nombreux égards, les compétences permettent finalement
l'adaptation au contexte et la bonne réalisation de la tâche lors d'une mise en situation.
En résumé, « aujourd'hui, par la compétence, l'approche est contextualisée, relative et ancrée à
la fois dans l'action et les potentialités du sujet. » (Jonnaert, 2002, p. 15).
2.2. L'approche par compétences adaptée à l'éducation
Nous avons vu précédemment les décalages existants entre le concept de compétences et celui de
performance qui ont été démontrés par les psychologues. Ces décalages représentent le quotidien
des enseignants. Tous les jours dans leur classe, ils sont confrontés aux décalages entre la
compétence attendue et la performance des élèves. Contrairement aux psychologues et aux
professionnels de recherche pour qui ces décalages sont une véritable motivation dans la
poursuite de leurs études, les enseignants doivent quand à eux essayer de les dépasser. En effet,
ils doivent garantir, par les certifications, la maîtrise des compétences auxquelles les étudiants
sont censés être formé. Cette mission d'enseignement leur est confiée par la société afin de
combler les différents besoins du monde du travail. Les futurs travailleurs doivent maîtriser
parfaitement les compétences que la société est en droit de s'attendre d'eux dans la pratique de
leurs professions.
Par exemple, « [...] la société attend qu'un électricien diplômé se soit construit suffisamment de
compétences pour réaliser, sans problème, l'installation électrique d'une nouvelle construction.
73
De même, un médecin diplômé (donc certifié compétent) bénéficie de la confiance du patient qu'il
opère d'une appendicite. Personne ne comprendrait l'échec de ces professionnels sous prétexte
qu'étant en développement ils ne maîtrisent pas nécessairement toutes les compétences attendues
d'eux... ! » (Jonnaert, 2002, p. 19).
Là où les psychologues jugent ces décalages constitutifs du développement, les enseignants de
leur côté considérant ces décalages comme étant anormaux cherchent à tout prix à les éliminer
lors de la certification des étudiants. Ces deux approches sont donc opposées et ainsi aucune
adaptation ne peut être logiquement envisageable.
De plus, en éducation, les compétences se développent en situation. Lors d'une mise en situation
il est extrêmement ardu de différencier ce qui relève de la compétence de ce qui relève de la
performance. Les deux notions sont intimement liées. La compétence est déterminée par la
situation dans laquelle se trouve l'étudiant. Les enseignants parlent de telle ou telle compétence
selon la situation que les étudiants seront dans l'obligation de traiter tandis que les psychologues
sont en mesure de mettre en place des protocoles d'observation, considérés par eux comme des
compétences, qui soient en décalage par rapport à la situation imposée au sujet. A l'instar de celle
des psychologues, l'approche des linguistes considère la compétence linguistique comme éteint
innée et la performance comme son actualisation.
La situation que l'étudiant devra traiter implique donc obligatoirement la fusion de la compétence
et de la performance dans un concept unique propre à l'éducation. Comme nous venons de le voir,
l'approche innéiste du concept de compétence créée par les linguistes et celle des psychologues
basées sur les décalages entre compétence et performance ne peuvent être reprises dans le
contexte éducatif. De ce fait, la création d'une définition de la notion de compétences propre à
l'éducation devient une nécessité incontournable.
Dans cette partie, nous étudierons donc plusieurs définitions du concept de compétence en
éducation qui sont à notre disposition afin de pouvoir mettre en lumière les différences et les
points communs existants. Suite à cela, nous retiendrons une définition appropriée à l'approche
par compétences.
74
2.2.1. Les définitions existantes
Le concept de compétence en éducation n'a malheureusement pas une définition universelle qui
pourrait servir de référence pour la mise en place d'un système éducatif basé sur l'approche par
compétences. D existe bel et bien de nombreuses définitions dont quelques unes sont présentes
dans le tableau de synthèse ci-dessous réalisé par Jonnaert (2002, p. 31) :
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76
2.2.2. Les caractéristiques propres au concept de compétence
Après avoir mis en lumière, par l'entremise de ce tableau, les points communs et les différences
entre toutes ces définitions, Jonnaert (2002) fait une synthèse de laquelle se dégagent cinq
caractéristiques incontournables pour aborder les compétences en éducation :
1. Une compétence n'est rien d'autre qu'une « mise en œuvre » par un élève, une personne ou
un groupe de personnes, de savoirs, de savoir-être, de savoir-faire dans une situation
donnée. La compétence est ainsi toujours contextualisée et de ce fait soumise à la
représentation que la personne se fait de la situation qui lui est imposée.
2. La mise en œuvre sous-entend une mobilisation de ressources pertinentes vis-à-vis de la
situation imposée. Ces ressources peuvent être cognitives (les connaissances), d'ordre
social (projet personnel lié à la situation), d'ordre contextuel (utilisation d'ordinateurs
présents dans l'établissement scolaire, de dictionnaires ou tout simplement le recours à
l'aide des parents). L'utilisation de ces ressources est fonction de la situation et ainsi ces
dernières peuvent être bien différentes d'une situation à une autre.
3. Qui dit mobilisation de ressources, dit aussi sélection et coordination de celles-ci. En effet,
la personne doit sélectionner les ressources les plus efficaces possibles et les coordonner
entre elles. Il ne suffit pas d'accumuler les ressources adéquates, il faut avant tout mettre
en place une « mise en réseau opératoire » des ressources sélectionnées.
4. Les ressources doivent permettre à la personne de « traiter avec succès les tâches » que
requiert la situation proposée ou imposée. Par la suite, la personne devra articuler les
résultats des traitements qu'a requis la situation problème.
5. Pour finir, « une compétence suppose que l'ensemble de ces résultats ait non seulement
permis le traitement de la situation avec succès mais aussi que ces résultats soient
socialement acceptables ; cette double caractérisation du résultat (succès versus
77
acceptation sociale), nécessite d'intégrer une dimension éthique à l'évaluation des
résultats. » (Clerc, Minder, Roduit, 2006, p. 2).
Selon Jonnaert (2002), toute compétence doit posséder ces cinq caractéristiques. Ces dernières
sont en effet la base de toute compétence pouvant être évaluée en éducation.
2.2.3. Les définitions retenues par les organismes internationaux
Jonnaert (2002) n'est pas le seul à avoir étudié et synthétisé les différentes définitions existantes
de compétence en éducation. Les organismes internationaux se sont également penchés sur la
question. En effet, après l'analyse de nombreuses définitions de la notion de compétence, Weinert
(2001) propose la définition suivante qui sera retenu par l'O.C.D.E :
« La compétence est en général interprétée comme un système
spécialisé d'aptitudes, de maîtrises ou de savoir-faire nécessaires ou
suffisants pour atteindre un objectif spécifique. » (p. 45).
De même, le Conseil de l'Europe, sous l'impulsion de Coolahan (1996), considère la ou les
compétences comme « l'aptitude générale basée sur les connaissances, l'expérience, les valeurs,
les dispositions qu'une personne a développées par sa pratique de l'éducation » (p. 26).
Définir la notion de compétence en éducation est loin d'être aisé au vue du nombre de définitions
et d'interprétations différentes existantes. Cependant, grâce au travail de Jonnaert sur le sujet et
aux deux définitions officielles proposées par l'OCDE et le Conseil de l'Europe, nous avons
essayé, à défaut de soumettre une définition universelle, de permettre au lecteur de se faire une
idée de ce qu'est véritablement une compétence en éducation.
2.3. Le collège Alverno
Le collège Alverno est une université de formation générale pour filles située à Milwaukee dans
le Wisconsin, accueillant 2 500 étudiantes dont environ une bonne moitié suivent des cours durant
78
la fin de semaine. Cette institution propose pas moins de 51 programmes d'études dont les plus
fréquentés sont le commerce et la gestion, la communication, les soins infirmiers, l'éducation et la
psychologie.
2.3.1. Les capacités et le « ability-based program »
Le collège Alverno est considéré à juste titre comme un des établissements pionniers dans la mise
en place de programmes d'études basés sur le développement de compétences. En effet, en 1973,
il lance leur « ability-based program » qui n'est autre qu'un programme basé sur les capacités.
L'étudiante désirant obtenir son diplôme doit être en mesure de démontrer la maîtrise de huit
capacités intégrées aux matières propres à son champ disciplinaire. Voici quelles sont ces
capacités : communication, analyse, résolution de problèmes, jugement, interaction sociale, sens
de la perspective, sens civique et sens artistique. Chacune de ces capacités est divisée en six
niveaux bien distincts afin de former un cadre éducatif cohérent. Chacun de ces niveaux est bien
entendu en relation directe avec la matière enseignée. L'étudiante doit donc tout au long de son
cursus universitaire démontrer la maîtrise et l'assimilation par palier progressif de ces huit
capacités. Afin d'imager un peu cela, nous pouvons prendre comme exemple les six niveaux de la
capacité d'analyse qui sont les suivants :
• observer
• faire des inferences
• établir des liens
• intégrer
• utiliser des cadres variés
• utiliser des cadres variés de manière autonome
Pour ce qui est de l'interaction sociale, les six niveaux sont :
• faire de « l'auto- évaluation »
• analyser les interactions d'autrui
• évaluer les interactions d'autrui
79
• interagir efficacement
• interagir efficacement en situation interculturelle
• favoriser des interactions efficaces en situation de travail
Bien entendu, nous venons juste de donner les termes génériques de ces six niveaux de capacités.
Ces dernières sont renommées et repensées en fonction de la discipline enseignée afin qu'elles
soient le plus proche possible de la réalité opérationnelle de celle-ci. Pour illustrer ceci, nous
pouvons reprendre les exemples fournis par Loacker (1995), professeure au Collège Alverno :
« Par exemple, pour le second niveau de l'analyse, qui consiste à faire
des inferences, les élèves peuvent apprendre, durant un cour
d'anglais, à déduire les motivations des personnages de tel roman par
l'observation attentives de leurs actions ; à l'occasion d'un stage en
psychologie dans une clinique locale, elles s'entraîneront à déduire
les besoins des patients durant les séances de thérapies de groupe... »
(p. 16)
Les étudiantes peuvent être déroutées devant une telle approche. Ces différentes capacités et la
façon de les utiliser en contexte peuvent leur paraître abstraites. C'est pourquoi le corps
enseignant du collège Alverno définissent à l'avance les résultats attendus dans chaque domaine
disciplinaire. Nous pouvons, afin d'illustrer cela, cité l'exemple proposé par Loaker (1995) :
« Par exemple, l'un des résultats attendus de l'élève qui se spécialise
en chimie consiste à : Appliquer les méthodes propres au domaine de
la chimie pour définir et résoudre des problèmes individuellement et
en collaboration. De l'élève en soins infirmiers, on s'attend à ce
qu'elle puisse : Utiliser les techniques de soins infirmiers à l'intérieur
d'un cadre analytique pour répondre aux besoins en santé des
individus, des familles et des groupes » (p. 16).
80
Pour obtenir leur diplôme, les étudiantes du collège Alverno doivent donc démontrer la maîtrise
de trente-deux capacités générales (les quatre premiers niveaux de chacune des huit habiletés) et
huit capacités de niveaux avancés, à savoir les niveaux 5 et 6, lesquelles sont adaptées au champ
disciplinaire choisi. Ces trente-deux capacités générales sont réparties dans les deux premières
années du cursus tandis que les capacités avancées sont développées et évaluées lors des deux
dernières années.
H est intéressant de noter que le collège Alverno n'utilise pas le terme compétence mais celui de
capacité (ability). Depuis la mise en place en 1973 de 1'« ability-based program», plusieurs
termes ont été utilisés, selon l'approche adoptée, pour définir les capacités enseignées au collège
Alverno. Elles se sont appelées tour à tour, « résultats » quand il s'agissait d'un aboutissement
souhaité, « buts » lorsqu'il était question d'objectifs devant guider le développement, puis
« compétences » (competences) quand le souhait principal était de promouvoir comme qualités
propres à chacun et utilisable en diverses situations réelles. Mais c'est finalement le terme
capacité qui a été retenu pour illustrer au mieux l'enseignement dispensé au collège Alverno. Par
capacité, les éducateurs du collège entendent insister sur la nature développementale du concept
et ainsi souligner les différences avec celui de compétences qui, bien souvent, est lié dans l'esprit
des gens à des tâches bien précises effectuées dans des contextes spécifiques.
La notion de capacité propre au collège Alverno comporte trois qualificatifs distincts qui en
définissent la nature : multidimensionnelle, développementale et transférable. On entend par
multidimensionnelle le fait qu'une capacité intègre des savoirs, des compétences, des attitudes,
des comportements, des perceptions de soi et des valeurs. Par exemple, pour rédiger correctement
un texte, il faut pouvoir exprimer par écrit ses idées en suivant un raisonnement logique tout
respectant les conventions linguistiques. Mais cela ne suffit, il est aussi nécessaire de « savoir de
quoi on parle, de considérer la communication (ou le destinataire, ou le sujet) comme une valeur
assez importante pour motiver un travail consciencieux, adopter de bonnes attitudes et se
percevoir comme capable d'écrire. » (Loacker, 1995, p. 16).
Pour ce qui est du caractère développemental d'une capacité, il est fait allusion ici à la démarche
de l'étudiant qui va devoir partir de ses connaissances et de ce qu'il sait faire à la base pour
81
améliorer tout au long de son cheminement universitaire ses capacités par l'apprentissage de
nouveaux savoirs, et ce, jusqu'à atteindre un niveau de maîtrise supérieur. Ce dernier sera lui
aussi un nouveau point de départ vers une maîtrise encore plus pointue de la capacité en question.
Ceci explique la décomposition de chaque capacité en six niveaux de maîtrise.
Enfin, le caractère transférable représente la possibilité pour une étudiante d'utiliser la capacité
donnée dans une multitude de contextes. L'étudiante doit pouvoir exercer les capacités
développées durant son parcours universitaire dans de multiples situations pouvant survenir dans
la vie professionnelle ou privée.
2.3.2. Principes fondamentaux
Dans le but de ne pas perdre de vue les objectifs pédagogiques propres au collège Alverno, trois
grands principes doivent être respectés:
• « L'éducation ne se limite pas au savoir; elle vise l'application pratique du savoir
• Les éducateurs et les éducatrices ont la responsabilité de rendre l'apprentissage plus
accessible en formulant clairement et publiquement les résultats visés.
• U assessment fait partie intégrante de l'apprentissage. » (Loacker, 1995, p. 17).
En résumé, pour le collège Alverno, il n'est en aucun cas question de faire apprendre beaucoup de
connaissances et de savoirs en tout genre à ses étudiantes sans jamais les leur faire mettre en
pratique. Bien au contraire, la maîtrise d'une capacité passe par sa pratique lors de mises en
situation qui se veulent le plus proche possible de la réalité. Egalement, posséder un savoir ne
veut pas dire forcement être en mesure de l'appliquer.
Dans l'approche du collège Alverno, les étudiants sont plus performantes quand elles connaissent
à l'avance les attentes de l'établissement. Elles peuvent ainsi intégrer leurs propres objectifs, leurs
motivations, leurs futurs plan de carrière dans le processus d'apprentissage.
Enfin, l'évaluation est indissociable du processus éducatif puisque après tout l'obtention du
diplôme est déterminée par la maîtrise, ou non, de certaines capacités chez les étudiantes.
82
2.3.3. L'apprentissage
L'apprentissage au Collège Alverno doit être à la fois intégrateur et expérentiel, conscient, actif et
interactif, développemental et transférable. Ces qualificatifs définissent à eux seuls les principes
devant intégrer les méthodes d'apprentissages au collège Alverno. Pour bien saisir en quoi
consiste véritablement ces méthodes d'apprentissage, référons-nous aux propos de Loacker
(1995) :
« D'abord les élèves doivent apprendre à relier toutes les compétences
et tout le savoir requis dans une situation donnée et intégrer cet
apprentissage par l'expérimentation (intégrateur et expérientiel).
Ensuite, pour assumer une responsabilité de plus en plus grande dans
le développement de leurs capacités, les élèves doivent faire le genre
de réflexion qui les porte à prendre davantage conscience de ce
qu'elles font par rapport à ce qu'elles se proposent de faire
(conscient). De plus, les élèves ne développent leurs capacités qu'en
s'engageant dans le processus d'apprentissage. Or, cet engagement ne
peut pas toujours s'accomplir individuellement; les élèves doivent
donc interagir avec les autres (actif et interactif). En outre,
l'apprentissage est un processus continu, un progrès sans fin
(développemental) et il doit permettre le transfert de ce qui est appris,
dans des contextes variés. » (p. 17).
Ces prémisses liées à l'apprentissage au collège Alverno permettent de mieux comprendre
l'importance de la fonction de l'évaluation dans leur système éducatif.
2.3.4. L'évaluation
Outre, le développement des capacités, l'enseignement dispensé au collège Alverno se base
également énormément sur l'évaluation. Au sein de ce dernier, une distinction majeure est faite
entre l'évaluation institutionnelle/programme et l'évaluation individuelle de l'étudiante. Celui-ci
83
fait partie intégrante de l'apprentissage dans la mesure où il renseigne l'étudiante sur ses
performances de telle manière à lui permettre de s'améliorer en se basant sur le niveau atteint
dans l'acquisition de connaissances et la maîtrise des capacités. L'évaluation est donc au centre du
programme éducatif du collège.
A l'instar de la conception de l'apprentissage du collège Alverno, l'évaluation doit intégrer
quelques caractéristiques fondamentales :
• « Pour un apprentissage intégrateur et expérientiel, Vassessment doit être basé sur la
performance.
• Pour un apprentissage conscient, Vassessment doit comporter de l'auto-assessment et
obéir à des attentes (résultats visés) et à des critères connus publiquement.
• Pour un apprentissage actif et interactif I'assessment doit comporter du feed-back et
des éléments externes.
• Pour un apprentissage développemental Vassessment doit être cumulatif et ouvert.
• Pour un apprentissage transférable, Vassessment doit être fait selon des modes et
dans des contextes multiples. » (Loacker, 1995, pp. 17-18).
Les caractéristiques sont reprises dans la définition de l'évaluation retenue par le collège Alverno:
« [...] un processus multidimensionnel intégré à l'apprentissage, qui
comprend l'observation et le jugement de la performance de
l'apprenante en action, sur la base de critères de développement
connus publiquement : il s'accompagne d'auto-assessment et de feed
back transmis à l'apprenante. » (Loacker, 1995, p. 18).
Comme nous venons de le voir tout au long de cette partie, le collège Alverno s'est très tôt posé
comme un précurseur et un chef de file du mouvement lié à l'approche par compétences en
éducation. Son système pédagogique singulier est devenu pour bon nombre d'acteurs éducatifs
une référence et une source d'inspiration indéniable.
84
2.4. La réforme québécoise
En 2001, avec la publication de son programme «Être évaluer pour mieux apprendre», le
Québec se lance dans un projet ambitieux en matière d'éducation. En effet, la réforme du
renouveau pédagogique met en place clairement l'évaluation des compétences comme priorité du
nouveau système d'apprentissage québécois.
2.4.1. L'évaluation comme pierre angulaire du renouveau pédagogique
L'objectif visé par ce nouveau système éducatif est la réussite pour tous les élèves. « Dans cette
perspective, l'évaluation des apprentissages représente un levier pour la réussite, quel que soit le
secteur de formation. » (MEQ, 2001, p. 13). Par réussite scolaire, le ministère de l'éducation
québécois entend le développement intellectuel, affectif et social de l'élève. L'évaluation devra
donc permettre à l'élève de réaliser des apprentissages qui lui permettront de s'instruire, de se
socialiser et de se qualifier, et ce, quelles que soient ses exigences, ses qualités ou ses
motivations. L'évaluation doit contribuer au développement du plein potentiel de l'élève.
L'évaluation va favoriser l'apprentissage des élèves mais va également aider l'enseignant à le
guider dans sa mission éducative afin d'obtenir de l'élève un rendement optimal. L'évaluation doit
être exploitée au mieux dans le but d'aboutir aux meilleures conditions d'apprentissage possibles
et ainsi déboucher sur la réussite éducative du plus grand nombre.
Cette approche particulière de l'évaluation est caractérisée, dans la poursuite des objectifs de
base, par trois temps forts que sont le recueil d'informations, l'élaboration d'un jugement global et
la communication.
2.4.1.1. Le recueil d'informations
La formation de l'élève se fait principalement à l'aide des tâches d'apprentissage et d'évaluation
formative. Afin de permettre la progression de l'élève, la réforme insiste sur la nécessité de lui
fournir une information de qualité fréquente, diversifiée et répétée. L'élève doit également
participer activement à la démarche d'évaluation tout au long de l'apprentissage grâce notamment
à l'autoévaluation, à l'élaboration de portfolios, ou à l'évaluation par les autres élèves. Les
85
compétences disciplinaires mais aussi les compétences transversales, sur lesquelles nous
reviendront plus en détails par la suite, sont visées par ce processus de recueil d'information afin
de toujours ne pas perdre de vue le but premier de celui-ci qui est la réussite de tous les élèves.
2.4.1.2. L'élaboration d'un jugement global
Le processus de recueil d'informations que nous venons d'évoquer permet à l'enseignant de
construire son jugement sur la maîtrise de l'élève et sur sa progression dans telle ou telle
discipline. A l'aide des échelles de compétences, que nous définirons plus tard dans la sous-
section leurs étant dédiées, l'enseignant va pouvoir interpréter les différentes observations
réalisées à travers les nombreux outils existants et construire objectivement son jugement. Ces
échelles de compétence peuvent être considérées comme des références puisqu'elles
correspondent aux différentes étapes de la construction et de la maîtrise de la compétence en
question. Ces échelles sont de véritables références communes puisqu'elles sont conçues de
manière uniforme pour toutes les disciplines enseignées. Elles permettent avant tout à
l'enseignant de se construire un jugement professionnel basé sur des références communes à tous
les autres enseignants, d'où l'importance de l'uniformité de celles-ci.
2.4.1.3. La communication
La communication avec les parents est essentielle dans l'apprentissage des élèves. En effet, ces
derniers sont les premiers concernés par l'apprentissage scolaire de leur progéniture mais
l'évaluation des compétences, basée sur les échelles de compétences, ne peuvent en aucun cas
être utilisées dans la communication avec ceux-ci. C'est donc à l'enseignant de se « construire », à
l'aide des échelles de compétences, un jugement global, nuancé qui permettra aux parents de
pouvoir constater la progression de leurs enfants dans la progression de la maîtrise des
compétences.
86
2.4.2. Les valeurs
L'évaluation des apprentissages est articulée autour de plusieurs valeurs. « Elles sont d'une
importance primordiale dans le contexte éducatif québécois où l'on vise l'égalité des chances et
la réussite pour tous les élèves. Le choix s'est arrêté sur les valeurs fondamentales que sont la
justice, l'égalité et l'équité, auxquelles s'ajoutent trois valeurs instrumentales, soit la cohérence,
la rigueur et la transparence. Ces valeurs constituent une assise aux pratiques de tous ceux qui
interviennent en évaluation des apprentissages d'où l'importance d'y adhérer pour éviter tout
préjudice aux personnes. » (MEQ, 2001, p. 9).
Nous allons, dans cette sous-section, expliciter clairement chaque valeur.
2.4.2.1. Les valeurs fondamentales
L'évaluation des apprentissages a pour fondement trois valeurs fondamentales indispensables à
toute évaluation en éducation :
• La justice : le respect des lois et des règlements régissant le système éducatif
québécois doit être au centre de l'application de l'évaluation des apprentissages. Cette
dernière doit se faire selon les règles établies pour tous. De ce fait, afin de faire régner
une justice irréprochable, le droit de reprise et le droit d'appel sont autorisés pour les
élèves qui peuvent se sentir léser de quelques manières que ce soit.
• L'égalité : afin que tous les élèves puissent montrer les progrès qu'ils ont réalisé dans
leurs apprentissages, les exigences doivent être les mêmes pour tous. Aucun
traitement de faveur ne peut être toléré, et cela dans le but de promouvoir l'égalité des
chances pour tous les élèves. Les programmes d'études et de formation doivent
indiquer les résultats attendus mais aussi les critères d'évaluation définis de façon
uniforme. Ainsi, tous les élèves seront évalués et donc jugés sur les mêmes bases, ce
qui permet un jugement égalitaire sur les apprentissages égalitaire.
87
• L'équité : l'évaluation doit tenir compte des caractéristiques individuelles ou
communes à certains groupes pour que l'école ne devienne pas un facteur de
différenciation sociale. L'école doit rassembler et non contribuer à renforcer les
différences déjà existantes. Selon le MEQ (2001) « On doit se garder d'introduire des
biais de quelques natures que ce soit qui mèneraient à avantager ou à désavantager
certains élèves. » (p. 9).
2.4.2.2. Les valeurs instrumentales
Aux trois valeurs fondamentales que nous venons d'évoquer, s'ajoute trois valeurs instrumentales
tout aussi importantes :
• La cohérence : l'évaluation doit être en relation directe avec l'apprentissage ou le
programme visé. H faut donc tenir compte des compétences, des connaissances, des
résultats attendus dans chaque discipline ou programme d'études pour procéder à une
évaluation de qualité. De ce fait, ce qui est évalué doit être en rapport direct avec
l'apprentissage. En d'autres termes, la cohérence permet en quelques sortes d'assurer la
validité de contenu de l'évaluation.
• La rigueur : toute évaluation se doit d'être entreprise avec exactitude et précision. Le
recours à des outils de mesure de qualité permet d'assurer une certaine fidélité à
l'évaluation. Les jugements doivent être le plus juste possible afin de faire progresser
l'élève et de reconnaître officiellement ses apprentissages.
• La transparence : les normes et les modalités d'évaluation doivent être connues et
comprises par tous les élèves pour que ceux-ci soient en mesure de cerner quelles sont
les attentes et sur quoi reposent les jugements les concernant. Les élèves doivent
pouvoir profiter au maximum des rétroactions fournies par le corps enseignant. Pour
être efficaces et utiles à la progression des élèves, ces dernières se doivent d'être
claires et de qualité.
88
2.43. Une réforme pédagogique centrée sur les compétences
Selon les propres termes du ministère de l'éducation du Québec, la réforme du renouveau
pédagogique instaure une formation centrée sur le développement des compétences :
« Les programmes de formation des jeunes et des adultes, et les
programmes d'études de la formation professionnelle sont désormais
axés sur le développement des compétences. Ces changements ont des
effets multiples sur l'évaluation des apprentissages, notamment celui
de passer à une évaluation basée sur les compétences. » (MEQ, 2001,
p. 5).
Mais qu'entend le ministère de l'éducation du Québec par le terme compétence ? Dans Le
programme de l'école québécoise (MEQ, 2004), il définit la compétence comme étant :
« [...] un savoir-agirfondé sur la mobilisation et l'utilisation efficaces
d'un ensemble de ressources. Elle suppose la capacité de l'élève à
recourir de manière appropriée à des moyens diversifiés qui incluent
■non seulement l'ensemble de ses acquis scolaires mais aussi ses
expériences, ses habiletés, ses attitudes, ses champs d'intérêt de même
que des ressources externes comme ses pairs, ses enseignants, des
experts ou encore des sources d'information de diverses natures. »
(P- 7).
Il existe deux sortes de compétences bien distinctes : les compétences disciplinaires et les
compétences transversales.
89
2.4.3.1. Les compétences disciplinaires
Le système éducatif est divisé en domaines d'apprentissage. Ds regroupent les disciplines
scolaires qui ont des intérêts communs ainsi qu'une certaine affinité entre elles. Ces domaines
d'apprentissage, au premier cycle du secondaire, sont les suivants :
• Le domaine des langues
• Le domaine de la mathématique, de la science et de la technologie
• Le domaine de l'univers social
• Le domaine des arts
• Le domaine du développement personnel
Chaque domaine d'apprentissage regroupe plusieurs disciplines qui, chacune d'entre elles,
comportent un certain nombre de compétences disciplinaires. Par exemple, dans le domaine des
langues, la discipline « Français, langue d'enseignement » comporte les compétences
disciplinaires suivantes : lire et apprécier des textes variés, écrire des textes variés, communiquer
oralement selon des modalités variées (MELS, 2006).
Dans le domaine de l'univers social, l'apprentissage de l'histoire et de l'éducation à la citoyenneté
comporte le développement des compétences suivantes : interroger les réalités sociales dans un
perspective historique, interpréter les réalités sociales à l'aide de la méthode historique, construire
sa conscience citoyenne à l'aide de l'histoire (MELS, 2006).
Pour ce qui est de l'enseignement des mathématiques, il doit mettre l'accent sur le développement
de ces compétences-ci : résoudre une situation-problème, déployer un raisonnement
mathématique, communiquer à l'aide du langage mathématique (MELS, 2006).
Le développement et la maîtrise de ces compétences disciplinaires chez les élèves québécois n'est
pas l'unique objectif du système éducatif québécois. Ce dernier met aussi en avant les
compétences dites « transversales ». Elles font partie intégrante de la formation résolument axée
sur le développement des compétences prônée par la réforme du renouveau pédagogique.
90
2.4.3.2. Les compétences transversales
Dans le but de définir précisément ce que sont réellement les compétences transversales, nous
nous référons au ministère de l'éducation (2006) :
« Expression de buts communs à l'ensemble du curriculum, les
compétences transversales font référence à des outils de divers ordres
que l'école juge essentiels pour permettre à l'élève de s'adapter à des
situations variées et de poursuivre ses apprentissages sa vie durant.
Elles sont complémentaires les unes par rapport aux autres, toute
situation complexe faisant nécessairement appel à plusieurs d'entre
elles à la fois. Elles touchent tous les domaines généraux de formation
et sont étroitement liées aux compétences disciplinaires, qui les
sollicitent à des degrés divers et favorisent leur développement. Elles
concernent également la scolarité dans sa totalité, puisqu'elles se
développent selon un processus évolutif qui a été entrepris au primaire
et se poursuit, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des murs de l'école,
durant tout le secondaire et même au-delà. » (p. 33).
Le programme de formation québécois est composé de neuf compétences transversales rp.crrnimées f.n rmaîre nrrlrp.s hip.ns Hisf inrts nui sont • regroupées en quatre ordres biens distincts qui sont
• ordre intellectuel : exploiter l'information; résoudre des problèmes; exercer son
jugement critique; mettre en œuvre sa pensée créatrice;
• ordre méthodologique : se donner des méthodes de travail efficaces; exploiter les
technologies de l'information et de la communication;
ordre personnel et social : actualiser son potentiel; coopérer;
ordre de la communication : communiquer de façon appropriée.
•
•
Ces compétences ne peuvent être isolées les unes des autres. Même si elles peuvent être ciblées
afin de permettre une meilleure compréhension auprès des élèves, elles sont le plus souvent
91
sollicitées dans les mises en pratique en interaction les unes avec les autres. Développer une
compétence transversale en particulier permet généralement de traiter par la même occasion
plusieurs d'entre elles.
2.4.3.3. Les échelles de compétences
Nous avons précédemment présenté les échelles de compétences sans vraiment les définir
explicitement. Nous avions simplement évoqué le fait qu'elles agissaient comme référentiel pour
les enseignants en vue de les soutenir dans l'application du Programme de formation de l'école
québécoise. Le ministère de l'éducation (2002) les définit comme étant « des balises qui
permettent de repérer certains paliers dans le développement des compétences » et continue ainsi
leur explication :
« [...] les échelles des niveaux de compétence s'inscrivent dans la
logique de l'interprétation critérielle et fournissent aux enseignants un
cadre commun de référence qui peut les aider à interpréter leurs
observations et à porter un jugement sur le développement des
compétences [...] Elles explicitent, pour chacune des compétences,
différents niveaux de développement sur un continuum. » (p. 4).
Ces échelles concernent aussi bien les compétences transversales que les compétences
disciplinaires. Pour l'enseignement primaire, l'échelle correspondant aux compétences
transversales comportent quatre niveaux. Chacun de ces niveaux est défini précisément par une
description des manifestations concrètes considérées comme tout à fait typique de ce niveau de
maîtrise.
Ainsi, pour la compétence transversale « exploiter l'information », le quatrième niveau de
l'échelle est définie de la façon qui suit :
« [...] l'élève précise le sens de ses questions et choisit plusieurs
sources d'information pour y répondre. Il trouve rapidement les
sources d'information pertinentes. Il sélectionne, compare,
92
regroupe et organise les éléments d'informations qu'il juge
pertinents en fonction du but poursuivi. Il relie les nouvelles
données à ses connaissances. Il anticipe occasionnellement de
nouvelles utilisations de l'information recueillie. Pour évaluer sa
démarche, il utilise des pistes de questionnement choisies parmi
celles qu'on lui propose. » (MEQ, 2002, p. 10).
Pour ce qui est des compétences disciplinaires au primaire, les échelles sont composées de 10
niveaux répartis sur les trois cycles d'enseignement (quatre au premier cycle et trois pour chacun
des deux autres). A titre d'exemple, l'échelon 10 de la compétence « écrire des textes variés » est
défini par les comportements suivants :
« L'élève rédige avec une certaine efficacité les textes variés et
adaptés en fonction de leurs destinataires dans différents contextes
et disciplines scolaires. Dans des textes comportant généralement
plusieurs paragraphes, il s'exprime de façon claire et, au besoin,
détaillée. Il développe ses idées selon un ordre logique ou
chronologique et il établit des liens entre les phrases et entre les
paragraphes au moyen de connecteurs et, la plupart du temps,
appropriés. Ses phrases, relativement variées et souvent élaborées,
sont généralement bien construites et bien ponctuées. Pour
personnaliser son message et préciser sa pensée, il utilise un
vocabulaire varié, précis et évocateur. Il sait orthographier les
mots appris et il effectue adéquatement les accords dans le groupe
du nom de même que l'accord du verbe, de l'attribut et du participe
passé avec l'auxiliaire être. Il fait également appel à des stratégies
appropriées et utilise avec profit les outils de référence et le
technologies à sa disposition pour améliorer ses écrits et leur
présentation. » (MEQ, 2002, p.25).
93
Ces échelles décrivent la progression désirée des élèves, et permettent ainsi d'évaluer plus
précisément le niveau atteint dans le développement de la compétence visée. De ce fait, elles
permettent de dresser un bilan des apprentissages réalisés ou de les orienter en fonction du niveau
de maîtrise atteint par l'élève.
2.5. Le décret « Missions » en Belgique
Quelques années auparavant, en 1997, la Belgique a elle aussi mis en vigueur un système
éducatif entièrement basé sur l'approche par compétences.
2.5.1. Historique de la réforme
Le décret du 17 juillet 1997 met en place pour la première fois un système éducatif reposant sur
l'approche par compétences dans l'école en Communauté française. En effet, désormais les
missions prioritaires de celle-ci seront énoncées, et ce, pour tous les niveaux d'enseignement, en
termes de compétences.
Ce vaste projet précise également, pour chaque niveau d'études, la façon dont sera définie les
compétences, et élabore les programmes propres à chaque pouvoir organisateur (personne(s)
physiques ou morales(s), publiques ou privées, qui exercent et assument la responsabilité de
l'autorité au sein de l'établissement). Ce décret prévoit dans la même suite d'idées la création
d'outils d'évaluation appropriés communs à l'ensemble des établissements.
En mai 1999, le ministère de l'éducation de la Communauté française dévoile des « socles de
compétences », qui définissent clairement les compétences de base à maîtriser à la fin de
l'enseignement primaire et du premier degré de l'enseignement secondaire. De 1999 à 2001, les
« Compétences terminales et savoirs requis » sont publiées sous forme de fascicules spécifiant les
compétences à atteindre et les savoirs requis au terme de l'enseignement secondaire.
L'enseignement dit de « transition » (humanités générales et technologiques) sera désormais
évalué selon des compétences disciplinaires tandis que l'enseignement de qualification
(humanités techniques et professionnelles) s'appuiera sur un document unique contenant les
« compétences communes » (les attitudes, les démarches mentales, et les démarches
94
méthodologiques communes aux différentes disciplines de base) à développer dans tous les
cours. Les Socles et les Compétences terminales sont votés par le Parlement de la Communauté
française sous forme de décret.
En septembre 2000, la Commission des Outils d'évaluation lance le développement de batteries
d'épreuves étalonnées afin de pouvoir permettre l'évaluation du niveau des études. L'année
suivante, toujours en septembre, les nouveaux programmes rédigés en termes de compétences
sont progressivement mis en place dans les différents réseaux d'enseignement de la Communauté
française de Belgique.
2.5.2. La définition des compétences
D'après le décret de 1997, la compétence est définie en les termes suivants :
« [...] aptitude à mettre en œuvre un ensemble organisé de savoirs, de
savoir-faire et d'attitudes permettant d'accomplir un certain nombre
de tâches. » (Ministère de l'éducation de la Communauté française,
1997, p. 2).
A partir de l'énoncé de cette définition, Romainville (2006) distingue deux traits fondamentaux :
« - la compétence est un réseau intégré de ressources cognitives, socioaffectives et
sensorimotrices; elle comprend donc deux savoirs ;
- elle est orientée vers l'action : l'apprentissage de ces ressources n'a de sens que si l'élève se
montre apte à les mobiliser dans une famille de situations [...] l'approche par compétences
invite l'école à développer des savoirs vivants, c'est-à-dire des outils pour penser et pour agir
en dehors. » (p. 24).
Le but premier de ce type d'approche par compétences est donc d'acquérir des connaissances et
des savoirs tout en étant capable de les mettre en pratique en diverses situations que ce soit à
l'école ou en dehors dans la vie professionnelle et privée. Le savoir et la culture redeviennent
95
ainsi des constructions purement sociales répondant à des questions et à des interrogations
humaines (Romainville, 2006).
2.5.3. Les objectifs du décret « Missions »
Nous avons vu précédemment que le décret « Missions » vise la mise en place de l'approche par
compétences dans la Communauté française de Belgique. Désormais, les « savoirs doivent être
abordés dans la perspective de l'acquisition de compétences. » (Ministère de l'éducation de la
Communauté française, 1997, p. 4). Le décret énumère dans son chapitre II les quatre objectifs
généraux de l'enseignement en Communauté française de Belgique qui devront être poursuivis
« simultanément et sans hiérarchie ». Ces objectifs sont les suivants :
• « Promouvoir la confiance en soi et le développement de la personne de chacun des
élèves;
• Amener tous les élèves à s'approprier des savoirs et à acquérir des compétences qui
les rendent aptes à apprendre toute leur vie et à prendre une place active dans la vie
économique, sociale et culturelle;
• Préparer tous les élèves à être des citoyens responsables, capables de contribuer au
développement d'une société démocratique, solidaire, pluraliste et ouverte aux autres
cultures;
• Assurer à tous les élèves des chances égales d'émancipation sociales. » (Ministère de
l'éducation de la Communauté française, 1997, pp. 3-4).
L'enseignement de la Communauté française a donc pour but de former des élèves en leur
inculquant des connaissances et des compétences, mais aussi des citoyens ayant une place
importante dans la société, tout en assurant l'égalité des chances pour chacun d'entre eux.
2.5.4. Les socles de compétences et les compétences terminales
Les socles de compétences sont une sorte de référentiel décrivant de manière structurée les
compétences de base à développer jusqu'au terme des huit premières années de l'enseignement
96
obligatoire, à savoir au terme de la deuxième année de l'enseignement secondaire, et celles que les
élèves devront maîtriser à chacune des étapes durant cette période d'enseignement. Les socles de
compétences adoptés en 1999 par le parlement de la Communauté française sont articulés autour
des disciplines suivantes :
• le français
• les mathématiques
• l'éveil et l'initiation scientifique
• les langues modernes
• l'éducation physique
• l'éducation par la technologie
• l'éducation artistique
• l'éveil et la formation historique et géographique
Le parlement a également adopté des compétences terminales et des savoirs requis dans les
champs disciplinaires suivants :
le français
les mathématiques
le latin et le grec
l'histoire
la géographie
les langues modernes
les sciences
les sciences économiques et sociales
l'éducation physique
Ces compétences dites « terminales » doivent être maîtrisées par les élèves à un niveau déterminé
au terme de l'enseignement secondaire. Les savoirs requis doivent de la même façon être
assimilés par les élèves.
97
A titre d'exemple, et pour mieux illustrer ces deux notions qui peuvent paraître bien vagues nous
pouvons citer les compétences terminales requises en français :
Lire :
1. Orienter sa lecture en fonction de la situation en communication
2. Construire du sens
3. Exercer son esprit critique
4. Acquérir des connaissances
5. Identifier, comprendre et interpréter différents types de textes
6. Décoder les images et les productions audio-visuelles
7. Développer la créativité au travers de l'écriture
Écrire :
1. Orienter son écrit en fonction de la situation de communication
2. Produire différents types et genres de textes
3. Mettre en œuvre, à cet effet, les phases du processus d'écriture
4. Utiliser dans l'écrit des techniques de conviction
5. Associer l'écrit à d'autres supports
6. Développer le créativité au travers de l'écriture
7. Réfléchir à sa propre manière d'écrire
Parler-écouter
1. Orienter sa parole et son écoute en fonction de la situation de communication
2. Participer à différentes situations de communication
3. Élaborer des significations
4. Utiliser des moyens non verbaux au départ de son profil linguistique et corporel
5. Construire une relation interpersonnelle efficace et harmonieuse
6. Utiliser à l'oral des techniques de conviction
7. Réfléchir à sa propre manière d'écouter, de parler, d'écouter
98
Les savoirs disciplinaires requis en français sont les suivants :
Langue :
Avoir une connaissance critique de quelques informations relatives à la problématique des
normes, des grammaires et des codes en général, mais aussi au fonctionnement et aux
variétés de lexique.
Littérature et art :
1. Grands courants littéraires et artistiques : 10 courants sont énumérés (le baroque, le
classicisme, le romantisme, etc.)
2. Grandes références littéraires et artistiques constitutives du fonds culturel
contemporain : cela peut être des auteurs, des courants littéraires, des mythes, des
personnages, etc. Ces différentes connaissances sont énumérées sous forme de liste.
3. Savoirs conceptuels ( « différentes manières de concevoir la littérature »; « quelques
principes et méthodes de l'analyse institutionnelle de la littérature »; « éléments des
principaux types, genres et concepts littéraires »)
Sur l'homme et le monde :
Notions de psychologie et de psychanalyse; de sociologie; sur les grands systèmes
symboliques.
En 2002, un nouveau programme de l'enseignement fondamental comprenant huit matières
obligatoires dont l'enseignement devient obligatoire. Ces matières sont les suivantes :
i
• mathématiques
• français
• sciences (initiation scientifique au primaire; biologie, chimie et physique au secondaire)
• géographie
• histoire
• éducation physique
• philosophie (religion et morale)
99
2.5.5. L'évaluation
Les socles de compétences déterminent le niveau de maîtrise requis dans chacune des huit
disciplines obligatoires énumérées ci-dessus au terme de la sixième année de l'enseignement
primaire où les élèves passent les examens menant au Certificat d'études de base (CEB), au terme
de la quatrième année d'enseignement secondaire menant à l'obtention du Certificat
d'enseignement supérieur du deuxième degré (CES2D), et au terme de l'enseignement secondaire,
et du même fait, de l'enseignement obligatoire couronné par l'obtention par l'obtention du
certificat d'enseignement supérieur secondaire (CESS). Le décret « Missions » prévoit trois
niveaux de maîtrise des compétences au terme de chacun des trois degrés d'enseignement que
nous venons de citer : sensibilisation à la l'utilisation d'une compétence, conformité au niveau
requis pour la certification et le simple maintien d'une compétence. Les niveaux de compétence
que sont sensés atteindre les élèves au terme de l'enseignement obligatoire sont qualifiés comme
étant des compétences terminales et des savoirs requis.
Avec le décret « Missions », la Communauté française de Belgique a mis en place un nouveau
système afin de créer des épreuves d'évaluation adaptées à l'approche par compétences. Ces
nouvelles épreuves sont conçues par des commissions des outils d'évaluation et doivent avant tout
correspondre aux socles de compétences et aux compétences que se doivent de maîtriser les
élèves à la fin des humanités générales et technologiques ainsi que des humanités professionnelles
et techniques. Celles-ci sont proposées aux directions d'établissements et aux enseignants afin
qu'ils puissent de cette façon s'en inspirer pour élaborer leurs propres épreuves d'évaluation.
Dans cette deuxième partie axée sur l'approche par compétences en éducation, nous avons traité
les origines du concept de compétence en étudiant successivement la conception des linguistes,
des psychologues et des professionnels des sciences du travail. Nous avons pu ainsi nous faire
une idée de ce que fut l'évolution du concept de compétence jusqu'à son adaptation à l'éducation,
et la création donc de l'approche par compétences.
Par la suite, nous nous sommes penchés aux définitions du concept de compétence adaptées à
l'éducation, pour finalement terminer notre étude en étudiant plusieurs exemples d'application
100
concrète du concept de compétence à travers les cas du Collège Alverno, de la province
canadienne du Québec et de la Belgique.
Nous avons désormais à notre disposition les connaissances nécessaires pour pouvoir aborder
concrètement notre analyse de contenu, qui fera l'objet de notre troisième partie.
102
Dans la première partie de notre mémoire, nous avons réalisé une étude historique succincte de
l'évaluation des apprentissages dans quelques pays références en matière d'éducation, à savoir la
France, la Belgique, la Suisse, les États-Unis et bien entendu la province de Québec, qui fera
d'ailleurs l'objet de notre analyse. Cette étude historique nous a permis, en quelque sorte, de
replacer l'évolution de l'évaluation des apprentissages au Québec parmi celles de tous ces pays
ayant une tradition éducative et pédagogique depuis longtemps reconnue.
Par la suite, nous nous sommes attardés sur l'approche par compétences, qui est à l'heure actuelle
la clé de voûte du système éducatif québécois, afin de pouvoir rentrer de plain-pied dans notre
analyse. En effet, nous essaierons de mettre en lumière les points convergents et divergents des
différentes politiques évaluatives qui se sont succédé au fil du temps au Québec. Nous pourrons
ainsi déterminer objectivement si oui ou non, l'approche par compétences, considérée depuis une
dizaine d'années comme une véritable nouveauté dans le monde de l'éducation, est vraiment à
l'origine d'une politique d'évaluation d'un genre jusque-là inédit, ou bien au contraire si nous
n'avons pas affaire à une redite de ce qui a toujours été pratiqué au Québec en matière
d'évaluation des apprentissages.
Afin de répondre du mieux possible à la question de recherche du présent mémoire, nous avons
construit un questionnaire visant à mettre en lumière, à travers trois grandes dimensions bien
distinctes, les points convergents et divergents de l'évaluation des apprentissages prônée dans
chacun des documents que nous avons retenus dans le cadre de notre recherche : Le programme
des écoles primaires élémentaires et complémentaires (Comité catholique, 1923), La politique
générale d'évaluation pédagogique (MEQ, 1981) et La politique d'évaluation des apprentissages
(MEQ, 2003). Ces documents feront l'objet d'une présentation détaillée dans la sous-section leur
étant consacrée. Les trois dimensions évoquées sont les suivantes : la dimension philosophique, la
dimension méthodologique et la dimension théorique. Ces trois dimensions seront définies
explicitement par la suite dans ce chapitre.
Ce questionnaire a été soumis à trois répondants à qui il a été demandé, après lecture des
documents retenus pour l'étude, de répondre aux questions composant ce dernier. Les répondants
ont donc été invités à faire part par écrit de leur opinion sur divers points relatifs à chaque
103
dimensions. Ainsi pour la dimension philosophique, nous leur avons demandé tour à tour de nous
faire part de leur point de vue concernant les buts et les valeurs morales de l'évaluation, le rôle
attribué à l'enseignant dans l'évaluation des apprentissages et l'importance accordée à la
communication dans chacun des documents. Pour ce qui est de la dimension méthodologique, les
répondants ont été invités à laisser leurs impressions quant aux types d'évaluations (normative,
sommative, diagnostique, critériée, formative, etc.), aux types d'outils d'évaluation, et aux
stratégies de communication, privilégiés dans chacun des documents. Il leur a également été
demandé dans le cadre de la troisième dimension de nous faire part, selon eux, du degré de
concordance existant entre l'évaluation prônée dans chacun des documents et les courants
pédagogiques suivants : le béhaviorisme, le cognitivisme, le constructivisme et le
socioconstructivisme. Ce questionnaire, intitulé Questionnaire relatif aux politiques d'évaluation,
tel que nous l'avons soumis à ces spécialistes de l'éducation et de l'évaluation, est annexé au
mémoire.
Après avoir complété le questionnaire, les répondants ont été réunis lors d'un groupe de
discussion dans le but de revenir sur les résultats obtenus et de permettre à chacun d'entre eux de
faire falloir son opinion sur les points divergents.
Les résultats ainsi recueillis sont compilés dans une grille d'analyse grâce à laquelle de façon
claire et facilement observable, nous pourrons mettre en lumière les points communs et les
différences existantes entre les trois documents précédemment cités. Nous retrouvons dans cette
grille d'analyse les trois grandes dimensions présentes dans notre questionnaire, et les différentes
sous-parties propres à chacune d'entre-elles.
Pour éviter tout malentendu possible relatif au contenu de notre grille d'analyse, à nos résultats ou
à nos possibles conclusions, nous allons présenter et définir une par une chaque sous-partie
composant nos trois dimensions. Mais avant de présenter les dimensions, nous allons présenter
les caractéristiques des personnes ayant répondu au questionnaire et participé au groupe de
discussion.
104
3.1. Les répondants
Nous avons soumis notre questionnaire à trois répondants dont deux de sexe masculin et un de
sexe féminin. Deux d'entre eux sont étudiants à la maîtrise en Administration et évaluation en
éducation à l'Université Laval, l'un est spécialiste des questions quantitatives tandis que l'autre à
l'opposé est spécialisé dans le volet qualitatif propre à l'évaluation en éducation. Les deux ont été
assistants d'enseignement dans des cours d'évaluation des apprentissages au premier cycle. Notre
troisième répondant est étudiante au doctorat en Administration et évaluation en éducation à
l'Université Laval. Elle s'intéresse aux questions relatives à l'approche par compétences en
éducation. L'âge de nos répondants oscille entre 27 et 35 ans.
3.2. Les documents à l'étude
Il est bien évident que pour réaliser une telle analyse, à défaut de pouvoir pour des raisons
pratiques étudier toutes les politiques édictées par les autorités scolaires, nous nous baserons sur
l'étude minutieuse, par l'entremise d'une grille d'analyse, de trois documents que nous avons
sélectionné, à savoir : Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires
(Comité catholique, 1923), La politique générale d'évaluation pédagogique (MEQ, 1981) et enfin
la dernière politique d'évaluation en date, en l'occurrence La politique d'évaluation des
apprentissages (MEQ, 2003) qui présente et décrit l'approche par compétences dans le système
éducatif québécois.
Ces documents se sont imposés à nous, et ce, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, ces trois
documents sont chacun représentatif de leur époque respective. En effet, Le programme des
écoles primaires élémentaires et complémentaires (Comité catholique, 1923) nous permettra de
nous pencher sur la période de l'histoire de l'éducation caractérisée par la main mise pleine et
entière de l'Eglise sur l'école et l'enseignement, tandis qu'avec La politique générale d'évaluation
pédagogique (MEQ, 1981) nous aborderons l'après Rapport Parent et le passage à une pédagogie
par objectifs (1970-2000). La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003) est non
seulement la dernière en date, mais aussi celle qui met en place l'évaluation propre à la réforme
105
qui institue l'approche par compétences dans l'éducation québécoise. Dans le cadre de notre
analyse, il aurait donc été inconcevable de ne point retrouver un document d'une telle importance.
D'autre part, ces documents se révèlent être d'une importance historique majeure pour ce qui est
de l'éducation et de l'évaluation au Québec. En effet, avec La politique générale d'évaluation
pédagogique (MEQ, 1981), le ministère de l'Éducation se dote pour la première fois d'une
politique d'évaluation qui place celle-ci au cœur de l'activité éducative (Auger, 2000). Cette
politique va véritablement créer une dynamique autour de l'évaluation des apprentissages qui
débouchera notamment sur le développement des études universitaires axées sur la formation en
mesure et évaluation proposées dans les facultés des sciences de l'éducation et le recours de plus
en plus fréquent par les commissions scolaires à des spécialistes en la matière, les conseillers en
mesure et évaluation. Ainsi, «[...] de nombreuses commissions scolaires font de l'évaluation un
thème privilégié du perfectionnement du personnel enseignant et de nouveaux spécialistes,
experts en docimologie et dans des domaines connexes font leur entrée dans les écoles et dans les
centres administratifs des commissions scolaires. » (MEQ, 1997, p. 92). Cette politique est, à n'en
point douter, l'élément déclencheur de l'essor que connaissent les sciences de la mesure et de
l'évaluation depuis une trentaine d'années au Québec.
Concernant La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003), comme nous l'avons
évoqué brièvement précédemment, il aurait été difficile de réaliser une telle analyse sans étudier
en détail un tel document. Effectivement, cette politique marque le passage d'une évaluation
centrée sur des objectifs pédagogiques à une évaluation axée sur l'approche par compétences.
Cette politique est donc un document de tout premier ordre pour toute étude se rapportant à
l'évaluation des apprentissages au Québec, à l'histoire de l'évaluation, ou si l'on s'intéresse de près
au système éducatif québécois ou à l'approche par compétences en général. Aussi, ce document
s'est-il imposé de lui-même.
Pour ce qui est du Programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (Comité
catholique, 1923), il est tout d'abord à noter que contrairement aux deux autres documents
sélectionnés pour mener à bien notre analyse, celui-ci n'est pas spécifiquement une politique
d'évaluation, mais un programme scolaire. Sur ce point, nous devons avouer que le choix de ce
106
document est un choix par défaut, car malheureusement jusqu'à la Révolution tranquille et le
dépôt du Rapport Parent, il n'existe pas d'écrits précis relatifs aux méthodes, aux procédés ou à
une quelconque approche philosophique de l'évaluation.
« De façon générale, c'est-à-dire non pas dans le détail des matières
au programme, mais dans les indications générales, on remarque à
propos de l'évaluation que la période pré-réformiste se caractérise par
une absence de discours sur le « comment évaluer » même si l'on est
d'accord avec le principe de l'évaluation et même si l'évaluation est
déjà une préoccupation. » (Gauthier, Belzile, & Tardif, 1993, p. 69).
Faute de mieux donc, nous nous sommes tournés vers les seuls documents traitant de l'évaluation
que nous avions à notre disposition, à savoir les programmes établis par le Comité Catholique.
Devant porter notre choix sur un seul document afin de faciliter notre analyse, nous avons
intentionnellement laissé de côté les documents édités par le Comité Protestant pour nous
concentrer sur les documents francophones.
Outre son contenu relatif à l'évaluation en éducation, nous avons arrêté notre choix sur Le
programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (Comité catholique, 1923),
d'une part, à cause de sa portée historique et, d'autre part, pour son contenu pédagogique. Ce
programme révise complètement le précédent datant de 1905 du fait de la création en 1915 d'un
nouveau niveau scolaire connu sous le nom d'école maternelle. L'ajout de l'école maternelle
amènera les autorités scolaires à réviser en profondeur le contenu du programme de 1905. Cette
tâche est confiée à Monseigneur Ross qui jettera les bases d'une approche pédagogique nouvelle :
« Mgr Ross préconisera donc une pédagogie qui se voulait la plus proche
possible de l'univers de l'enfant. Soulignant que l'école se devait d'offrir à
l'enfant un monde où il retrouvait le même type de relation avec le monde
concret qui l'entoure habituellement, Mgr Ross proposa une pédagogie
qui mettra l'enfant en contact avec les choses. » (Gauthier, Belzile, &
Tardif, 1993, pp. 23-24).
107
À la lumière de ces écrits, il nous apparaît que Le programme des écoles primaires élémentaires
et complémentaires (Comité catholique, 1923), à l'image des deux autres documents sélectionnés,
a bel et bien sa place dans notre étude.
Après avoir énoncé le but de notre étude et présenté les documents retenus pour l'analyse, nous
allons dès à présent rentrer dans les détails en ce qui concerne les modalités concrètes de notre
étude.
Le tableau 3 présente de façon claire chaque document retenu pour notre étude :
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3.3. Collecte des données
3.3.1. Le questionnaire
Rappelons, que le questionnaire que nous avons soumis à nos répondants comprenaient trois
dimensions distinctes : philosophique, méthodologique et théorique. Afin d'éviter tout
malentendu possible quant à l'interprétation de nos résultats, nous allons les définir une à une
ainsi que les sous-parties propres à chacune d'entre elles.
3.3.1.1. La dimension philosophique
Cette composante de notre grille nous permettra de saisir l'ensemble des principaux enjeux
philosophiques présents dans chacun des trois documents. Nous n'avons retenu pour notre étude
que les quatre aspects philosophiques que nous trouvions le plus à propos en ce qui concerne
l'évaluation des apprentissages.
3.3.1.1.1. Les buts de l'évaluation (Question 1 du questionnaire, p. 158)
Dans cette section, nous essaierons de déceler et de répertorier les finalités de l'évaluation
préconisée dans les documents retenus pour notre étude. Cela nous donnera des renseignements
certainement significatifs en ce qui concerne, d'une part, l'implication réelle des autorités
scolaires dans l'évaluation pédagogique, et d'autre part, l'importance de celle-ci dans les
préoccupations liées au milieu et aux enjeux scolaires de l'époque.
3.3.1.1.2. Les valeurs morales propres à l'évaluation (Question 2 du questionnaire, p. 159)
Il s'agit ici des valeurs morales sur lesquelles les autorités scolaires font reposer les bases de leur
conception de l'évaluation. A titre d'exemple, nous pouvons citer la justice, l'égalité, etc.
3.3.1.1.3. Le rôle de l'enseignant dans l'évaluation des apprentissages (Question 3 du
questionnaire, p. 160)
De tout temps, l'enseignant a toujours été l'acteur principal, outre les élèves bien entendu, en
éducation étant donné qu'il est en première ligne. Sa proximité directe avec les étudiants fait de
110
lui le principal vecteur de la politique d'évaluation. Il est donc tout à fait naturel de se demander
quels sont le rôle et l'importance qui lui sont attribués en regard de l'application de la politique
d'évaluation des apprentissages au quotidien dans les établissements scolaires.
3.3.1.1.4. La communication dans l'évaluation des apprentissages (Question 4 du questionnaire, p. 161)
Une évaluation de qualité se doit de fournir aux élèves une rétroaction adéquate afin qu'ils
puissent tirer les enseignements de leurs erreurs, combler leurs carences, rectifier leurs défauts et
ainsi faire les progrès qui leur permettront de cheminer dans leurs études. Les parents doivent être
également informés sur le cheminement de leur progéniture à l'école dans l'optique de favoriser
du mieux possible leur contribution à la vie scolaire. La qualité de l'information donnée que ce
soit aux parents ou aux élèves dépend directement de la qualité de l'évaluation.
De plus, la communication en matière d'évaluation sous-entend une collaboration de tous les
instants au sein de l'appareil éducatif. Tous les acteurs du monde scolaire se doivent de
collaborer, notamment en faisant circuler efficacement les informations relatives aux
apprentissages réalisés par les élèves, afin de favoriser au mieux le parcours futur de ces derniers
(études collégiales, universités ou intégration au marché du travail).
De ce fait, il est primordial de nous arrêter quelques instants dans notre analyse sur cet aspect
intimement lié à l'évaluation. Nous essaierons dans cette section de déterminer quelle place est
réservée à la communication entre les différents acteurs du monde scolaire, à savoir les
enseignants, les instances scolaires, les élèves ainsi que les parents.
3.3.1.2. La dimension méthodologique
Dans cette section, nous nous attarderons sur la méthodologie, ou en d'autres termes sur les
applications concrètes de l'évaluation préconisées par les autorités scolaires.
3.3.1.2.1. Les types d'évaluation préconisés (Question 5 du questionnaire, p. 162)
Nous nous efforcerons ici de déterminer parmi les types d'évaluation existants, à savoir
évaluation formative, sommative, critériée, normative et diagnostique, lesquels sont préconisés
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par les instances gouvernementales. Nous pourrons ainsi avoir une idée claire et précise de la
stratégie d'évaluation prônée par les autorités scolaires tout en confirmant l'application dans les
faits des éléments évoqués dans la dimension philosophique.
3.3.1.2.2. Les outils d'évaluation évoqués (Question 6 du questionnaire, p. 166)
Nous entendons par ce terme les techniques préconisées par les autorités scolaires et soumises
aux enseignants dans le but d'évaluer le niveau atteint par l'élève au sujet d'une matière
d'enseignement (français, mathématiques, etc.) dans le cadre de sa scolarité. H peut s'agir
d'examens, d'exercices, de tâches d'apprentissage ou de tout autre procédé permettant d'évaluer
les apprentissages réalisés par les élèves.
3.3.1.2.3. Les méthodes de communication (Question 7 du questionnaire, p. 167)
Après nous être attardés dans la dimension précédente sur la place occupée par la communication
entre les différents acteurs du monde scolaire dans les différents documents que nous étudions,
nous nous bornerons ici à désigner les procédés de communication privilégiées par les instances
scolaires dans chacun de nos documents.
3.3.1.3. La dimension théorique (Question 8 du questionnaire, p. 172)
Nous aborderons dans cette section le rattachement de l'évaluation prônée par les autorités
scolaires selon les documents analysés aux différents courants pédagogiques connus.
Ici, il s'agit pour les répondants de déterminer à quel(s) courant(s) pédagogique(s) est rattachée
l'évaluation des apprentissages présente dans chacun de nos documents. Dans quelle mesure
s'agit-il béhaviorisme, du cognitivisme, du constructivisme ou à du socioconstructivisme ?
Afin d'être plus précis et d'éviter toute confusion possible, nous nous baserons sur la définition de
courant pédagogique qui nous est donnée dans Le dictionnaire actuel de l'éducation
(Legendre,2005) :
112
« Orientation pédagogique globale, appuyée sur des assises et des
principes, qui prône des valeurs, des finalités et des buts spécifiques et
qui s'inscrit dans une approche particulière du développement de l'être
humain. » (p. 300).
3.3.2. La stratégie de collecte des données
Afin de mener à terme notre étude, nous avons remis le questionnaire ainsi que les trois
documents retenus à nos trois répondants avec comme directives de lire les documents
attentivement et de remplir le questionnaire par la suite. Nous leur avons laissé un délai de 15
jours entre le moment de la remise des documents et la réception des questionnaires complétés
afin que les répondants aient le temps nécessaire pour s'imprégner du contenu des documents.
Par la suite, une semaine après la réception des questionnaires complétés, un groupe de
discussion fut organisé. Au cours de celui-ci, nous avons discuté avec les répondants des résultats
collectés de façon à en arriver à un consensus sur les caractéristiques philosophiques,
méthodologiques et théoriques de chacun des documents. Pour faciliter ce travail nous avions au
préalable colligé les réponses des répondants dans les grilles d'analyse présentées dans les
tableaux 4, 5 et 6 figurant dans notre quatrième chapitre. Lors du groupe de discussion, pour
chacune des questions présentes dans le questionnaire, les répondants furent invités à tour de rôle
à expliquer chacune de leurs réponses. Une fois que les répondants se furent exprimés, les
réponses à chaque question furent débattues pour ainsi obtenir un consensus sur les résultats de
notre recherche. Ces résultats « harmonisés » sont répertoriées dans les trois tableaux présents
dans notre quatrième chapitre.
114
Comme nous l'avons indiqué précédemment, les résultats collectés par l'entremise de notre
questionnaire ont été colligés par soucis de clarté dans trois grilles d'analyse. En effet, chacune
d'entre elles correspond à une des trois dimensions présentes dans notre questionnaire. Cela nous
permet de catégoriser de manière claire et objective les réponses issues de nos questionnaires.
Nous retrouverons ainsi dans ce chapitre une grille d'analyse propre à notre dimension
philosophique, une autre propre à la dimension méthodologique et une dernière propre à la
dimension théorique. D est bon de rappeler ici que les résultats présents dans ces trois grilles
d'analyse ont été validés d'un commun accord entre tous les répondants après discussion lors du
groupe de discussion. Chacune de ces grilles sera, par la suite, interprétée horizontalement (c.-à-
d. analyse de chaque document selon les indicateurs de chacune des trois dimensions) puis
verticalement (analyse simultanée de chacun des indicateurs des dimensions philosophique,
méthodologique et théorique pour les trois documents).
Comme nous l'avons évoqué précédemment, les résultats de notre recherche sont répertoriés dans
trois tableaux. Chacun de ces tableaux répertorie les résultats propres à chacune des dimensions
composants notre questionnaire. Ainsi, le tableau 4 nous présente les résultats concernant la
dimension philosophique, le tableau 5 les résultats propres à la dimension méthodologique et le
tableau 6 les résultats en rapport avec la dimension théorique.
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4.1. Interprétation horizontale
4.1.1. .Le p rogramme des écoles pr imaires élémentaires et complémentaires
(Comité Cathol ique, 1923)
4.1.1.1. La dimension philosophique
4.1.1.1.1. Les buts de l'évaluation
Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (Comité catholique, 1923)
reconnaît implicitement deux utilités majeures à l'évaluation des apprentissages. Premièrement,
l'acte d'évaluer les élèves permet au maître de classer les élèves afin de les placer dans des
groupes d'études appropriés à leur niveau scolaire et ainsi permettre au mieux le développement
intellectuel des élèves. La nécessité de classer les élèves apparaît nettement dans le document :
« L'instituteur doit partager ses élèves en groupes ou divisions qui
réunissent ceux qui ont à peu près la même capacité de manière que
l'enseignement donné à tout ce groupe soit approprié au développement
intellectuel et aux capacités acquises de chacun. C'est ce qu'on appelle
classer ses élèves. » (Comité Catholique, 1923, p. 55).
La pratique du classement des élèves va de pair avec la mise en place d'une saine émulation entre
les élèves afin que ces derniers travaillent sans cesse dans le but d'obtenir les honneurs attribués
aux meilleurs. Les compositions permettent d'ailleurs de contrôler les connaissances acquises par
les élèves, qui constitue le deuxième but principal de l'évaluation des apprentissages, et de
classer les élèves :
« C'est comme une récapitulation pratique sur les connaissances acquises.
On s'en sert pour contrôler, et en même temps pour stimuler les élèves en
leur donnant un classement. Il est bon d'en donner tous les mois, et de
donner de la solennité au compte rendu des résultats de ces concours,
119
avec des sanctions en bons points ou autrement. » (Comité catholique,
1923, p. 71).
Comme nous venons de l'évoquer, l'évaluation des apprentissages présentée dans Le programme
des écoles primaires élémentaires et complémentaires (Comité catholique, 1923) a pour but de
classer les élèves en vue de les répartir par niveau scolaire dans des groupes d'études homogènes
et de mettre en place une saine émulation entre les élèves, et de s'assurer qu'ils ont bien assimilé
les connaissances abordées en classe.
4.1.1.1.2. Les valeurs morales de l'évaluation
Contrairement aux deux autres documents, comme nous le verrons par la suite, Le programme
des écoles primaires élémentaires et complémentaires (Comité catholique, 1923) ne met pas
clairement en évidence des valeurs explicites sur lesquelles reposerait l'évaluation des
apprentissages.
Cependant à la lecture de ce document quelques valeurs peuvent apparaître en filigrane si nous
prenons soin d'étudier minutieusement les directives adressées aux enseignants. En effet, il est
fait référence brièvement à une certaine forme de rigueur dans le chapitre XX de la section 1 de
l'appendice A consacré aux « répétitions, récapitulations, et compositions ». Lorsque le Comité
Catholique aborde la correction des compositions, il met l'accent en ces mots sur l'application et
le sérieux dont doivent faire preuve les enseignants lors de cette étape au combien importante du
processus d'évaluation des apprentissages :
« C'est dire que toutes les compositions sans exception doivent être
corrigées avec le plus grand soin. Et ici c'est le mode de correction
individuelle par le maître auquel il faut donner la préférence. Ce
contrôle personnel est nécessaire. Il sera le seul à assurer les résultats
recherchés. » (Comité Catholique, 1923, p. 71).
120
D apparaît donc clairement dans le texte que l'enseignant étant le seul responsable de la correction
des compositions, et de ce fait de l'évaluation des apprentissages, doit faire preuve d'une grande
rigueur intellectuelle.
Nous pouvons également trouver une brève référence à la notion de transparence, que nous
retrouvons dans La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003). Ainsi, lors de la
conception des devoirs écrits qui incombe en très grande partie au maître d'école, il est spécifié
qu'il appartient à ce dernier de :
« [...] donner à ses élèves, dans une juste proportion et selon leur
degré d'avancement toutes les explications qui leur sont nécessaires,
afin qu'ils puissent travailler avec profit. » (Comité Catholique, 1923,
p. 69).
Afin que l'élève puisse travailler efficacement et de manière autonome sur ses devoirs écrits, il
devra être en possession de toutes les informations nécessaires à la réalisation de ces derniers. Ce
n'est qu'alors qu'il pourra réellement, après avoir réfléchi longuement et ressassé les leçons vues
en classe, véritablement « appliquer à lui-même, hors de la présence du maître, et sans une aide
de tout instant de sa part, les règles et les principes qu'il a appris. » (Comité Catholique, 1922,
p. 69).
L'identification de ces deux valeurs peut sembler tirée par les cheveux tant elles n'apparaissent
finalement que dans des bribes de texte et ne sont à aucun moment clairement identifiées comme
telles. D est donc possible que ces deux valeurs ne nous soient jamais venues à l'esprit à la
lecture de ce document si elles n'avaient l'importance qui leur est accordée dans l'évaluation des
apprentissages pratiquée de nos jours au Québec, à savoir celle prônée par La politique
d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003). Nous avons peut-être inconsciemment recherché
et trouvé des traces, aussi minces sont-elles, des valeurs représentant le socle de l'évaluation des
apprentissages développée dans la politique de 2003.
121
En outre, il a semblé important pour les répondants de souligner la présence de la morale
religieuse dans tous les secteurs de l'éducation, que ce soit dans les explications des matières du
programme, dans les devoirs écrits, dans les rapports des élèves entre eux, dans la manière
d'appliquer la discipline, et même dans l'aménagement de la classe. De ce fait, il est aisé de
penser même si cela n'est pas clairement présent dans le texte que l'évaluation des apprentissages
ne doit pas échapper à la morale religieuse notamment dans son application concrète et le
jugement que le maître d'école devra immanquablement porter sur ses élèves. Même si cela peut
apparaître comme pure spéculation de notre part, il peut ainsi être envisageable de présenter la
morale religieuse comme pouvant être une valeur importante sur laquelle se base l'évaluation des
apprentissages présentée dans ce document.
4.1.1.1.3. Le rôle de l'enseignant dans l'évaluation des apprentissages
Comme nous l'avons évoqué précédemment, l'un des devoirs de l'enseignant est de classer les
élèves dans le but de les répartir dans le groupe d'études le mieux approprié à leur niveau
scolaire respectif. Afin d'apprécier le niveau de chacun de ses élèves, l'enseignant est par la
même occasion en charge de la conception des tâches d'évaluation (devoirs écrits, compositions,
dictées, etc.), de la correction et de la notation de ces derniers. Pour faire simple, l'enseignant est
finalement en charge de tout ce qui se rapporte à l'évaluation des apprentissages et est le seul à
même de poser un jugement sur le niveau scolaire atteint par les élèves puisqu'il est le « seul à
assurer les résultats recherchés. » (Comité Catholique, 1923, p. 71).
En plus de la conception, de la correction et de la notation des tâches d'évaluation, l'enseignant
doit tenir à jour le journal de classe où sont consignées les leçons données dans la journée, et le
registre des notes où sont colligées les notes obtenues par les élèves. Le registre des notes fait
donc office de carnet de route où l'enseignant compile quotidiennement les notes de chacun dans
le but d'élaborer le classement des élèves.
L'enseignant est donc le seul responsable de l'évaluation des élèves et de ce fait le seul à pouvoir
juger de l'étendue des connaissances acquises par ses élèves.
122
4.1.1.1.4. La communication à établir entre les enseignants, les instances scolaires, les parents et
les élèves
Dans ce document, il est essentiellement question de communication entre le maître et les élèves.
Le maître se doit de fournir une rétroaction rapide et de qualité afin de maintenir l'attention des
élèves et de leur permettre de corriger leurs erreurs le plus rapidement possible avant que ces
dernières ne deviennent systématiques et ainsi plus difficilement corrigibles. Qu'elle se fasse de
manière orale et collective, ou individuellement par l'intervention directe du maître auprès de
l'élève, la correction des devoirs écrits doit se faire le plus rapidement possible pour qu'elle
puisse être véritablement efficace et utile à l'élève :
« Ces devoirs écrits perdraient beaucoup de leur utilité, faute d'une
correction judicieuse et journalière. L'instituteur se gardera donc de
ne les examiner qu'après un intervalle d'une couple de jours. Ainsi
renvoyée, la correction n'a plus la même portée éducative et
instructive. L'élève est mal préparé à s'y intéresser. » (Comité
Catholique, 1923, p. 70).
Voici ici l'essentiel des recommandations liées à la communication dans le processus
d'évaluation. À aucun moment dans le document, il n'est question d'échanges d'informations
entre les parents et l'instituteur au sujet du niveau scolaire des élèves. Cependant, nous pouvons
tout de même songer à la possibilité que le classement des élèves puisse être communiqué aux
parents et agir ainsi comme un certain vecteur de communication.
4.1.1.2. La dimension méthodologique
4.1.1.2.1. Les types d'évaluation préconisés
Au vu de l'importance accordée au classement des élèves que ce soit pour stimuler les élèves ou
pour les répartir en groupe de niveaux scolaires afin de faciliter au mieux le développement
intellectuel de chacun, selon les répondants il est indéniable que le présent document à l'étude
fait la part belle à l'évaluation normative. Cette dernière peut être sans conteste considérée
comme la base de l'évaluation des apprentissages préconisée par le Comité Catholique.
123
L'évaluation diagnostique est aussi quelque peu présente lorsqu'il est fait référence dans le texte
au journal d'appel qui permet aux enseignants de connaître les classements des élèves lors de
l'année précédente et aux examens de fin d'année. Après avoir pris connaissance du classement
de l'élève et ainsi de son niveau scolaire, il peut le placer dans le groupe d'études qui lui est le
plus approprié. Quand l'élève ne figure pas sur le cahier d'appel pour diverses raisons
(changement d'école, etc.), l'enseignant doit lui faire passer un examen afin de déterminer son
niveau :
« A défaut de cette indication, le nouvel instituteur fera lui-même un
examen sur les matières fondamentales du français et de
l'arithmétique. L'instituteur est tenu en justice de placer chaque élève
dans le cours qui lui convient le mieux pour continuer son
développement. » (Comité Catholique, 1923, p. 56).
Nous tombons ici quelque peu dans les pratiques propres à l'évaluation diagnostique, même si
cela reste dans le cas présent de l'ordre de la possibilité, puisque l'instituteur n'a recours à ce type
d'évaluation que seulement quand il ne possède aucune information relative au niveau scolaire et
à la capacité, pour reprendre le terme employé par le Comité Catholique, de l'élève dans le cahier
d'appel.
Autant les répondants ont été unanimes sur le fait qu'il n'y ait aucune trace d'évaluation critériée
dans le programme édité par le Comité Catholique, autant les avis sont partagés en ce qui
concerne l'évaluation sommative et surtout formative. Il est apparu pour deux d'entre eux que
l'évaluation formative sous la forme de devoirs à la maison journaliers donnés par l'instituteur
nécessitant une rétroaction rapide et de qualité ou les interrogations de contrôle (que ce soit au
tableau noir devant le reste de la classe ou sous forme de causerie) peuvent apparaître clairement
comme des formes avérées d'évaluation formative. Cependant, un de nos répondants a soulevé un
point important qui avait échappé aux deux autres répondants, à savoir que tout ce qui était
réalisé par les élèves dans le cadre de la classe était consigné dans le registre des notes comme il
y est fait allusion dans la section du texte consacré aux « registres à l'usage du maître » :
124
« Dans le registre des notes, sont marqués journellement les points
obtenus par les élèves. Ces bons points pourraient avoir une valeur
monétaire. On établirait, par exemple, des points de 5, 10, 20, 25 et 50
sous et d'une piastre. » (Comité Catholique, 1923, pp. 58-59).
S'agit-il ici de points réellement comptabilisés au même titre que les notes obtenues par les
élèves lors des compositions ou seulement de « bons points » servant à récompenser une bonne
attitude, un bon travail ou une action digne d'intérêt dans le cadre de la classe ? Si effectivement,
tout ce qui est réalisé par les élèves est noté, comptabilisé, et ajouté aux résultats des
compositions, alors dans ce cas-là nous avons affaire exclusivement à de l'évaluation sommative
et non plus formative. De même, l'évaluation sommative qui n'était jusqu'alors présente que lors
des compositions soumises aux élèves de façon hebdomadaire ou mensuelle et des examens de
fin d'année, prend une toute autre dimension. En effet, là où deux de nos répondants ne lui
attribuaient qu'une « utilisation moyenne », il s'avérerait qu'elle relève d'une toute autre
importance puisqu'elle deviendrait avec l'évaluation normative une des bases de l'évaluation des
apprentissages préconisée par Le programme des écoles primaires élémentaires et
complémentaires (Comité catholique, 1923).
4.1.1..2.2. Les outils d'évaluation évoqués
Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (Comité catholique, 1923)
énumère divers outils à l'aide desquels l'enseignant pourra s'assurer avec efficacité que les élèves
ont bien appris et assimilé les diverses règles et leçons vues en classe.
Il est fait allusion assez longuement et de manière répétée tout au long du document aux
interrogations de contrôle qui peuvent être effectué sous forme de causerie, ou au tableau noir
devant la classe :
« Que l'on appelle aussi très souvent les élèves au tableau noir, pour
les faire répondre aux interrogations de contrôle, par lesquelles on
s'assure qu'ils ont compris ce qui leur a été enseigné. » (Comité
Catholique, 1923, p. 63).
125
De même, les devoirs à la maison occupent une place importante dans l'enseignement préconisé
par le Comité Catholique.
« Les devoirs écrits viendront prêter aux leçons du maître un concours
précieux. Ils graveront plus profondément les notions enseignées, ils
les fixeront, ils les préciseront, non seulement en fournissant aux
élèves l'occasion de les écrire [...] mais surtout en faisant un appel
plus puissant à leur activité individuelle. » (Comité Catholique, 1923,
p. 69).
Également, le chapitre XX de la section 1 intitulée Organisation pédagogique des écoles est
entièrement consacré aux diverses formes de révision qui sont mises de l'avant par le Comité
Catholique.
Il est question ici des répétitions permettant de revoir en détail les leçons apprises sans y ajouter
de nouvelles connaissances. La répétition peut se présenter sous deux formes différentes, à
savoir la répétition ordinaire faite après chaque point de la leçon, à la fin de la leçon ou au début
de la leçon du lendemain, et la répétition extraordinaire qui se fait à la fin d'un chapitre, de la
semaine, du mois ou au terme de la séquence d'enseignement.
Il est nous aussi présenté dans ce chapitre du document la récapitulation qui contrairement à la
répétition ne s'en tient quV aux points saillants, aux idées mères. » (Comité Catholique, 1923,
p. 70). H est précisé que chaque répétition doit être suivie d'une récapitulation, car cette dernière
demande un travail de synthèse propice au développement intellectuel des élèves.
Les compositions, que nous avons déjà abordées dans notre partie concernant les buts de
l'évaluation, sont en quelque sorte une récapitulation générale sur les connaissances que les
élèves sont en devoir d'avoir acquis durant une certaine période. Ces compositions pouvant être
hebdomadaires ou mensuelles permettent à l'enseignant d'établir le classement des élèves, et par
126
cela de stimuler les élèves en favorisant une émulation saine tout en contrôlant les acquis des
élèves.
Pour finir l'énumération de ces outils d'évaluation, il est à souligner que le document fait allusion
en quelques occasions au fil du texte à des examens de fin d'année, sans malheureusement qu'à
aucun moment il ne nous soit expliqué en quoi consiste ces derniers et sous quelle forme ils sont
administrés aux élèves. Il aurait été pourtant très intéressant de pouvoir en savoir plus sur ces
derniers et de pouvoir à l'occasion les comparer avec les examens administrés de nos jours.
4.1.1.2.3. Les méthodes de communication préconisées
Nous ne reviendrons pas ici sur la place importante consacrée à une rétroaction rapide et de
qualité consacrant la communication entre les élèves et leur professeur, et sur le classement des
élèves pouvant s'apparenter en quelques sortes à une certaine forme de communication envers les
parents. Néanmoins, il y a une forme avérée de communication et de transmission d'informations
entre les enseignants au sujet des élèves que nous n'avons pas évoquée précédemment. H s'agit
de l'inscription laissée au journal d'appel à la suite des examens de fin d'année, à partir de
laquelle un nouvel enseignant peut apprécier le niveau de chacun et répartir en conséquence ses
élèves dans des groupes d'études appropriés.
« La capacité des élèves se découvre par l'inscription laissée au
journal d'appel, à la suite des examens de la fin de l'année
précédente. [...] L'instituteur est tenu en justice de placer chaque élève
dans le cours qui lui convient le mieux pour continuer son
développement. » (Comité Catholique, 1923, p. 56).
Le cahier d'appel peut ainsi, dans une moindre mesure, faire office de dossier scolaire permettant
aux enseignants d'obtenir des informations sur leurs élèves et d'apprécier leurs parcours
scolaires.
127
4.1.1.3. La dimension théorique
Sur ce point-ci, il est ressorti des questionnaires et du groupe de discussion organisé suite au
retour de ces derniers qu'aucun des répondants n'a été en mesure de mettre en relation
l'évaluation des apprentissages avec un des courants pédagogiques, pourtant de premier plan,
sélectionnés lors de la conception du questionnaire. D est facilement envisageable que
l'ancienneté du document et donc de la conception de l'éducation, et par la même occasion de
l'évaluation des apprentissages, ne puissent nous permettre de retrouver une quelconque trace de
rattachement à l'un des courants pédagogiques retenu pour l'étude, à savoir le béhaviorisme, le
cognitivisme, le constructivisme et le socioconstructivisme. C'est en cela que réside toute
l'originalité de ce document.
À la lecture du programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires, il nous est
apparu clairement que la vision de l'éducation, les méthodes d'enseignement proposées et
l'évaluation des apprentissages préconisée sont en très grande partie calquées sur le courant
pédagogique crée, développé et diffusé à travers toute l'Europe à partir du XVIIe siècle par les
Jésuites, que nous avons étudié en détail dans la première partie de notre présente étude. En
effet, la référence systématique à la morale et au fait religieux dans quasiment tous les domaines
de l'éducation, de la répartition des classes aux sujets des devoirs écrits, mais aussi la mise en
place d'une émulation entre les élèves établie par les classements et les différents honneurs et
distinctions sanctionnant le mérite distribués en sont des preuves irréfutables.
Le mode d'enseignement prôné dans ce document n'est pas sans rappeler les pratiques des
Jésuites :
« Pendant les heures de classe, il est d'une importance capitale que les
élèves ne restent pas oisifs ; et toute leçon doit donner lieu, de la part
de l'élève, à un travail personnel qui le tient occupé pendant que le
maître passe à un autre groupe. S'il s'agit, par exemple, de la leçon de
catéchisme, l'instituteur enseigne de vive voix le texte aux
commençants ; ceux-ci le répètent distinctement après lui, pendant que
128
les élèves les plus avancés repassent en silence la leçon du jour. »
(Comité catholique, 1923, p. 61).
H est clairement fait référence ici et tout au long du texte aux préceptes éducatifs propres au
courant pédagogique des Jésuites présents dans le Ratio studiorum que nous avons évoqué dans
la section consacrée à St Ignace de Loyola et à la Compagnie de Jésus. Ceci n'est en rien
surprenant puisque le Comité Catholique qui a rédigé Le programme des écoles primaires
élémentaires et complémentaires (Comité Catholique, 1923) est composé de l'ensemble des
évêques représentant les régions ecclésiastiques du Québec. L'Eglise ayant la main mise sur
l'ensemble du système éducatif, c'est donc sans surprises que nous retrouvons la pédagogie
prônée par les Jésuites dans cette politique.
Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (Comité Catholique, 1923)
n'étant pas une politique d'évaluation à proprement parlé mais un programme scolaire, nous
avons été dans l'obligation de développer et de citer régulièrement le texte afin d'étayer les
résultats qui peuvent par moment relever de la simple interprétation de chacun, quand ce ne sont
pas de pures spéculations. Pour les deux politiques que nous allons aborder successivement dès à
présent, nous nous contenterons d'expliquer brièvement la teneur de chacun des éléments
répertoriés dans notre grille d'analyse.
4.1.2. Politique générale d'évaluation pédagogique (MEQ, 1981)
4.1.2.1. La dimension philosophique
4.1.2.1.1. Les buts de l'évaluation
La politique identifie sans ambages quatre buts à l'évaluation des apprentissages. Cette dernière
doit permettre l'amélioration « des décisions relatives à l'apprentissage et au développement
général de l'élève. » (MEQ, 1981, p. 6), et cela à tous les niveaux, que ce soit de l'élève au
ministère en passant par l'enseignant, la direction d'établissement et la commission scolaire.
L'évaluation doit également permettre aux parents de s'impliquer activement dans le
cheminement éducatif de leurs enfants en leur proposant une information claire et utile sur les
129
progrès réalisés par ces derniers dans l'atteinte des objectifs de formation. Elle doit de la même
manière fournir à l'élève des informations le concernant qui seront exigées par la suite par
d'autres instances que ce soit des employeurs éventuels, les cégeps ou les universités. Pour finir,
l'évaluation pédagogique doit permettre de fournir des indications aux différents agents du
système scolaire afin qu'ils puissent juger de la qualité de l'enseignement proposé dans le
système éducatif québécois. Le but ici est de déceler les points faibles du système et d'y remédier
dès que possible pour garantir aux contribuables un accès pour leurs enfants à un enseignement
de qualité.
En bref, l'évaluation des apprentissages doit améliorer la prise de décisions concernant les
élèves, tout en fournissant aux élèves et aux parents une information de qualité. Mais l'évaluation
s'applique aussi désormais au système éducatif lui-même qui sera évalué dans le but de
consolider ses points forts et d'identifier ses points faibles.
4.1.2.1.2. Les valeurs de l'évaluation
La politique de 1981 édictée par le MEQ met en avant deux grandes valeurs sur lesquelles
doivent reposer les bases de l'évaluation des apprentissages, à savoir la justice et l'égalité. Une
évaluation basée sur un ensemble de renseignements pertinents recueillis avec précision permet
d'éviter les jugements subjectifs et arbitraires, et ainsi de proposer une pratique evaluative plus
juste pour tous les élèves.
L'égalité est également une valeur très importante en éducation. Pour assurer l'égalité de tous les
élèves au sein du système éducatif, une évaluation exigeante de l'élève est nécessaire afin
d'identifier les difficultés individuelles. Une fois identifiées, ces difficultés pourront être réduites
et ainsi chaque élève sera assuré de disposer d'une place égale dans le système éducatif.
Mais pour que soit assuré le respect de ces deux valeurs, l'évaluation doit aussi être teintée d'une
grande rigueur intellectuelle. L'évaluation doit être la plus rigoureuse possible par respect pour
l'élève. En effet, dans le cadre de l'évaluation des apprentissages, un jugement, pouvant être
déterminant pour l'avenir de l'élève, est porté sur un être humain au regard de ses résultats
scolaires. Ce jugement doit être donc le plus proche possible de la réalité. La rigueur est donc
130
une valeur primordiale bien qu'elle ne soit pas évoquée en tant que telle dans le document où elle
n'apparaît que comme un préalable à la concrétisation des valeurs de justice et d'égalité.
4.1.2.1.3. Le rôle de l'enseignant dans l'évaluation des apprentissages
La politique d'évaluation pédagogique (MEQ, 1981) attribue à l'enseignant le rôle de premier
agent de l'évaluation formative de l'apprentissage des élèves puisqu'il est en relation directe et
continue avec l'élève. Il est le plus à même dans tout le système éducatif de déterminer le
moment adéquat pour vérifier si ses élèves ont bel et bien assimilé l'apprentissage visé et de
juger du niveau scolaire atteint par ces derniers.
Il peut également, tout comme le chef d'établissement, mettre en place des gestes d'évaluation
sommative sous forme d'évaluation synthèse en vue de vérifier le degré de maîtrise de certains
concepts ou habiletés.
4.1.2.1.4. La communication à établir entre les enseignants, les instances scolaires, les parents et
les élèves
Le souci de communication est très important dans cette politique puisque deux des quatre buts
de l'évaluation des apprentissages y font directement allusion. Le droit des parents à
l'information concernant les progrès réalisés par leurs enfants est un des fondements de cette
politique. De même, fournir les renseignements pouvant être exigés par d'autres instances aux
élèves est présenté dans cette politique comme une des responsabilités du système scolaire
québécois. La communication est donc une préoccupation majeure de La politique d'évaluation
pédagogique (MEQ, 1981).
4.1.2.2. La dimension méthodologique
4.1.2.2.1. Les types d'évaluation préconisés
Dans cette politique datant de 1981, nous retrouvons, à des degrés d'importance différents, toutes
les formes d'évaluation citées dans notre questionnaire. L'évaluation normative est relativement
présente dans cette politique. En effet, celle-ci s'effectue en situant les résultats d'un élève par
rapport aux résultats des autres élèves dans le cadre de la poursuite des mêmes objectifs
131
éducatifs. Mais, il est question dans le document d'interprétation normative appliquée surtout en
évaluation sommative. Cette dernière entre en jeu à la fin d'un programme ou d'une séquence
d'apprentissage importante afin d'éclairer précisément les élèves, les enseignants, mais également
les parents sur la maîtrise d'un ensemble d'objectifs. L'évaluation sommative est très présente
dans toute la Politique générale d'évaluation pédagogique (MEQ, 1981).
L'évaluation critériée, à l'image de l'évaluation normative, est étroitement reliée à l'évaluation
sommative, mais également à l'évaluation formative. Celle-ci « se fait en confrontant le résultat
d'un élève au degré attendu de maîtrise d'un ou de plusieurs objectifs, indépendamment des
résultats des autres élèves » (MEQ, 1981, p. 8). L'évaluation sous cette forme est très privilégiée
dans cette politique d'évaluation.
L'évaluation formative est tout aussi privilégiée. Elle apparaît comme une aide pédagogique de
l'enseignant envers l'élève. Elle permet de recueillir des informations afin que l'enseignant, mais
également l'élève puissent se faire une idée du niveau atteint dans la réalisation des objectifs
pédagogiques. Le but principal de celle-ci est donc d'informer, cependant cela révèle par ailleurs
la présence d'une certaine dimension diagnostique. Celle-ci est peu présente, mais est tout de
même évoquée dans le document quand il est question d'évaluation formative :
« Elle peut supposer, au point de départ, une évaluation des acquis des
élèves pour servir de base à la conception d'un programme pédagogique
qui leur convienne. La valeur diagnostique de tout le processus
d'évaluation formative se trouve ainsi mise à profit. » (MEQ, 1981, p. 7).
L'évaluation diagnostique peut de même se retrouver dans le principe du bilan fonctionnel qui se
veut être un procédé visant à déterminer les faiblesses et les capacités de tout élève de niveau
préscolaire, primaire ou secondaire ayant des difficultés d'apprentissage ou d'adaptation dans le
milieu scolaire.
132
4.1.2.2.2. Les outils d'évaluation évoqués
La politique de 1981 évoque, outre les épreuves formelles que sont les tests et les examens,
divers outils comme les grilles d'observation, les examens maison, les feuilles de route, etc.,
servant à recueillir des informations sur les progrès réalisés par les élèves. L'enseignant et les
instances scolaires ont à leur disposition une grande variété d'outils d'évaluation qu'ils utiliseront
en fonction de leurs besoins. Les résultats pourront être interprétés tout aussi bien de façon
critériée ou normative. En ce qui concerne ces divers outils d'évaluation, la politique
recommande aux enseignants et autres agents du système éducatif qui veulent obtenir plus de
détails la lecture des fascicules du « Guide docimologique ».
Le MEQ met également à disposition des commissions scolaires une banque de questions
accompagnée d'indices statistiques qui pourront être consultés lors de la conception des examens
locaux, ainsi que des tests qui viseront à déterminer le niveau de compétence des élèves dans
certains domaines.
La politique évoque en détail le bilan fonctionnel qui permet d'établir un bilan global des
habiletés de l'enfant, et de mettre en évidence les capacités et les faiblesses de celui-ci. Dans le
cadre de l'application de ce bilan fonctionnel, la politique fait allusion à « des instruments de
description et d'analyse de diverses composantes de la situation d'un élève et de son
environnement. » (MEQ, 1981, p. 16).
AA.2.2.3. Les méthodes de communication préconisées
La Politique générale d'évaluation pédagogique (MEQ, 1981) consacre le formulaire
d'évaluation, sous toutes ses formes possibles que ce soit la plus connue d'entre toutes à savoir le
bulletin scolaire, ou les autres que sont la feuille de route et la communication aux parents,
comme l'outil de prédilection pour rendre compte des performances scolaires et du
développement général de l'élève, à l'élève lui-même, à ses parents ou aux instances scolaires. Le
formulaire d'évaluation doit contenir des informations claires et précises afin de faciliter la
communication entre les différents acteurs du système scolaire, les parents et les élèves.
133
4.1.2.3. La dimension théorique
À la lecture de la politique de 1981, il a été clair pour tous les répondants que le seul courant
théorique auquel celle-ci pouvait être rattachée, et ce, de façon flagrante, est le béhaviorisme. En
effet, la référence constante au degré d'atteinte de l'élève envers chacun des objectifs
pédagogiques en évaluation formative et sommative nous renvoie immanquablement à la vision
béhavioriste de l'éducation selon laquelle l'enseignement est une science appliquée basée sur la
théorie pour qui apprendre revient à acquérir un nouveau comportement. De plus, l'aspect
scientifique appliqué à l'enseignement se retrouve très clairement dans la conception des outils
d'évaluation, à savoir les examens et autres tests, et la mise en place de banques de questions et
d'indices statistiques. Le MEQ prétend aussi offrir aux acteurs du secteur éducatif des tests,
permettant de déterminer le niveau de compétence atteint dans certains domaines, qui « seront
préparés selon une démarche technique rigoureuse et ils seront accompagnés de normes
permettant une interprétation immédiate des résultats. » (MEQ, 1981, p. 13).
4.1.3. Politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003)
4.1.3.1. La dimension philosophique
4.1.3.1.1. Les buts de l'évaluation
Le système éducatif québécois ayant la réussite pour tous les élèves comme principal objectif,
l'évaluation des apprentissages « représente un levier pour la réussite. » (MEQ, 2003, p. 13). De
même, l'évaluation, afin de se conformer à la mission de l'école québécoise, à savoir instruire,
socialiser et qualifier, se met au service de l'élève en contribuant par la réalisation
d'apprentissages « à son plein développement intellectuel affectif et social, et ce, quels que
soient ses capacités ou ses besoins particuliers. » (MEQ, 2003, p. 13).
Outre ces deux grands buts que poursuit l'évaluation des apprentissages, la politique de 2003 lui
reconnaît également deux fonctions principales que sont l'aide à l'apprentissage et la
reconnaissance des compétences. L'évaluation représente une aide à l'apprentissage lorsqu'elle
vise essentiellement à soutenir la progression de l'élève dans la réalisation de ses apprentissages,
134
et ce, sous la direction de l'enseignant, ou encore quand « elle conduit à mettre en place des
conditions propices à la réalisation des apprentissages prévus. » (MEQ, 2003, p. 30). En effet,
l'évaluation des apprentissages, sous sa forme diagnostique, permet de déceler les faiblesses et
les caractéristiques propres à chacun des élèves et ainsi de conduire à la mise en place d'activités
différenciées selon les capacités de chaque élève.
En fin de séquence d'apprentissage ou en fin de formation, l'évaluation des apprentissages doit
rendre compte à des fins de sanction des études de l'état de développement des compétences qui
ont fait l'objet d'apprentissages durant la période concernée. On parle ici de reconnaissance des
compétences.
4.1.3.1.2. Les valeurs de l'évaluation
L'évaluation des apprentissages prônée dans cette politique, voulant assurer l'égalité des chances
et la réussite de tous les élèves, repose sur le respect strict de trois valeurs dites fondamentales
que sont la justice, l'égalité et l'équité, et de trois valeurs dites instrumentales, à savoir cohérence,
rigueur et transparence.
4.1.3.1.3. Le rôle de l'enseignant dans l'évaluation des apprentissages
Cette politique définit clairement le rôle de l'enseignant dans le processus d'évaluation :
« L'enseignant est le premier responsable de l'évaluation de ses élèves.
Il assume cette responsabilité, notamment en planifiant l'ensemble de
ses interventions en évaluation, en utilisant des stratégies et des
instruments d'évaluation appropriés aux situations et en portant des
jugements sur la progression des apprentissages de ses élèves et le
niveau de développement de leurs compétences. » (MEQ, 2003, p. 19).
L'enseignant assume en grande partie toutes les fonctions de l'évaluation des apprentissages
puisqu'il assure à lui seul la fonction d'aide à l'apprentissage en portant des jugements sur les
apprentissages de l'élève, et celle de reconnaissance des compétences. La 2e orientation de la
présente politique est sans équivoque sur ce point étant donné qu'elle annonce clairement que
135
« l'évaluation des apprentissages doit reposer sur le jugement professionnel de l'enseignant. »
(MEQ, 2003, p. 15).
Cependant, il est également précisé dans la politique que l'enseignant n'est pas pour autant libre
de ses mouvements. Il doit se plier à certaines contraintes et se conformer au cadre
réglementaire, aux normes et aux modalités guidant la pratique evaluative édictée par les
différentes autorités scolaires.
L'enseignant est donc le premier responsable de l'évaluation des apprentissages, mais doit
respecter les balises et les règles établies par la présente politique d'évaluation.
4.1.3.1.4. La communication à établir entre les enseignants, les instances scolaires, les parents et
les élèves
La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003) accorde une très grande importance à
la communication. En effet, la 6e orientation de la politique établit que « l'évaluation doit
s'effectuer dans un contexte de collaboration entre différents partenaires tout en tenant compte
de leurs responsabilités. » (MEQ, 2003, p. 19). Il est donc certain qu'une telle collaboration entre
les enseignants, les directeurs d'établissement, les commissions scolaires, le gouvernement, les
parents d'élèves et les professionnels (entreprises, organismes, professionnels en milieu éducatif)
implique nécessairement une forme avérée de communication et une grande circulation des
informations.
De plus, la fonction d'aide à l'apprentissage de l'évaluation prônée par cette politique nécessite
une rétroaction claire et pertinente relative aux apprentissages réalisés par l'élève fournie aux
différents destinataires, dont essentiellement l'élève lui-même et ses parents.
4.1.3.2. La dimension méthodologique
4.1.3.2.1. Les types d'évaluation préconisés
Dans cette politique d'évaluation, seule l'évaluation normative n'est présente à aucun moment.
Par contre, tous les autres types d'évaluation sont très présents.
136
L'évaluation critériée fait partie intégrante du processus d'évaluation prônée par la politique de
2003. Les données recueillies sur les apprentissages des élèves sont comparées avec les résultats
qui sont attendus :
«[.. .] les programmes fournissent un ensemble de données sur les
résultats attendus au terme de la formation et des indications servant à
l'évaluation. A partir de ces données, il est possible d'établir des
balises représentant la progression souhaitée dans le développement
des compétences. » (MEQ, 2003, p. 34).
De plus, il est très clair que la fonction d'aide à l'apprentissage confiée à l'évaluation des
apprentissages renvoie directement à l'évaluation formative dans le sens où l'enseignant suit
l'élève dans ses apprentissages et lui fournit une rétroaction continue et appropriée. Ce dernier
est le seul à pouvoir vérifier où se situe l'élève par rapport aux apprentissages prévus par les
programmes scolaires. En somme, il peut procéder à des évaluations diagnostiques afin de
déceler les faiblesses des élèves et proposer ainsi des mesures d'aide appropriées comme la mise
en place d'activités d'apprentissages différenciées. L'évaluation formative et diagnostique, étant
intimement liées dans l'évaluation des apprentissages prônée ici, sont vraiment d'une grande
importance dans le processus d'évaluation.
Également, l'évaluation sommative est relativement présente, mais elle prend une forme inédite
dans cette politique d'évaluation. Traditionnellement, l'enseignant fait la somme des notes
obtenues par l'élève afin d'établir une note générale faisant état du niveau atteint en regard des
objectifs éducatifs. Désormais, l'enseignant porte un jugement sur chaque travail, puis porte un
regard d'ensemble sur la performance de l'élève, et lui attribue une note sous forme de lettre en
conséquence. L'évaluation sommative est donc entendue dorénavant dans le sens d'évaluation
certificative puisqu'elle sert finalement à rendre compte du degré de développement des
compétences atteint par les élèves.
137
4.1.3.2.2. Les outils d'évaluation évoqués
La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003) repose essentiellement sur des
situations d'évaluation visant à vérifier dans quelle mesure l'élève peut mobiliser efficacement et
de manière adéquate les ressources nécessaires à la mise en œuvre des compétences du
programme de formation. Ces situations d'évaluation se présentent sous la forme de tâches
complexes nécessitant la réalisation par les élèves de productions élaborées.
4.1.2.2.3. Les méthodes de communication préconisées
La politique de 2003 nous présente plusieurs vecteurs de communication permettant le suivi et la
transmission d'informations concernant les apprentissages des élèves. D est question du bulletin
scolaire, du portfolio, des rencontres entre parents et enseignants, de feuilles de route, d'agenda
scolaire ou même des annotations apposées sur les travaux des élèves. Mais, il y a aussi le
dernier bulletin attribué en fin de cycle qui fait office de bilan des apprentissages puisqu'il fait
état des compétences acquises et développées par les élèves. Dans le même ordre d'idées, le
relevé de compétences rend compte des compétences acquises ou partiellement acquises par les
élèves de 4e et 5e secondaire. Ce document officiel délivré par le MEQ établit le profil de l'élève
afin de faciliter son orientation vers l'enseignement collégial, la formation des adultes ou le
monde du travail.
4.1.3.3. La dimension théorique
La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003) peut être rattachée au courant
pédagogique cognitiviste dans le sens où celle-ci accorde une très grande importance à la notion
de transfert dans le processus d'évaluation des compétences.
« Les activités d'évaluation permettent de déterminer le niveau
d'apprentissage et de vérifier le transfert des compétences dans des
situations réelles de la vie. » (MEQ, 2003, p. 53).
Cette phase de transfert constitue la troisième phase d'apprentissage propre au cognitivisme.
L'enseignant se doit d'aider les élèves à comprendre l'apprentissage, à en retenir l'application en
138
le faisant pratiquer de façon régulière, et à réinvestir cet apprentissage dans des situations
diverses et variées. Nous retrouvons ici les trois phases de l'enseignement prônées par le courant
pédagogique cognitiviste. L'aide à l'apprentissage peut être mise en relation avec les deux
premières phases du processus d'apprentissage cognitiviste, tandis que la reconnaissance des
compétences peut être appréciée dans les situations d'évaluation, comme nous venons de le voir,
en vérifiant le transfert de celles-ci dans des situations réelles.
Le rattachement de La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003) au courant
constructiviste est beaucoup plus marqué et ne souffre d'aucune ambiguïté :
« [...] dans une perspective d'apprentissage qui se poursuit toute la
vie, rendre l'élève progressivement autonome et le responsabiliser
constituent des conditions favorables à un apprentissage réussi. Pour
cela, il est nécessaire de l'amener à prendre conscience de ses façons
d'apprendre et à exercer de plus en plus son esprit critique. Pour lui
permettre une participation significative dans le suivi du
développement de ses compétences, l'élève peut être amené à s'évaluer
lui-même et à participer à l'évaluation avec un enseignant ou avec ses
pairs. » (MEQ, 2003, p. 18).
Nous tombons ici en plein dans la conception constructiviste de l'apprentissage qui veut que
l'élève fasse appel à ses connaissances afin de relever les défis qui lui seront proposés par
l'enseignant en cours d'apprentissage. L'enseignant devra également « encourager l'élève à
expliquer son raisonnement en l'amenant à justifier sa réponse à l'aide d'arguments, organiser
des contre-exemples en vue de stimuler sa réflexion, mettre en évidence des contradictions et des
incohérences et l'aider à les surmonter en lui donnant accès aux ressources nécessaires. »
(Legendre, 2004, p. 346).
De même, La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003) est rattachée de façon tout
aussi marquée au courant socioconstructiviste dans le sens où l'évaluation des apprentissages,
139
bien que centrée sur l'élève, est réalisée avec la participation de l'enseignant et des pairs dans un
contexte d'entre aide et de collaboration comme cela est souligné dans la présente citation.
A l'issue de cette analyse horizontale, il apparaît clairement, que contrairement aux deux autres
documents, le Programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (Comité
Catholique, 1923) ne traite pas directement de l'évaluation en tant que telle. L'évaluation des
apprentissages n'est pas une préoccupation majeure pour les autorités scolaires de cette époque.
L'évaluation n'est évoquée que lorsqu'il est question de classer les élèves en vue de les répartir
en groupe de travail homogène, ou de mettre en place une saine émulation entre les élèves, et de
s'assurer que les élèves ont assimilé les connaissances abordées durant la classe. Aucune
véritable directive relative à l'évaluation des apprentissages à proprement parlé n'est adressée
par les instances scolaires aux enseignants. Ces derniers sont les seuls chargés de la conception
des tâches d'évaluation (devoirs écrits, compositions, dictées, etc.), de la correction et de la
notation de ces derniers.
A l'inverse, La politique générale d'évaluation pédagogique (MEQ, 1981) précise clairement
les intentions du MEQ en ce qui concerne l'évaluation des apprentissages. Ce document, d'une
très grande rigueur, définit et traite de manière quasi-scientifique tous les points qui ont trait à
l'évaluation des apprentissages. L'évaluation des apprentissages fait désormais partie intégrante
des préoccupations liées à l'éducation.
Dans La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003), l'évaluation des apprentissages
est au cœur de la mise en place de l'approche par compétences dans le système éducatif
québécois puisqu'elle est définie comme étant un levier pour la réussite devant permettre la
réalisation du principal objectif du système éducatif québécois que constitue la réussite pour tous
les élèves. L'évaluation des apprentissages est une donc une véritable priorité pour le MEQ.
140
4.2. Interprétation verticale
4.2.1. La dimension philosophique
4.2.1.1. Les buts de l'évaluation
Les buts de l'évaluation ne sont pas définis de manière explicite dans le programme des écoles
primaires de 1923, cependant il reconnaît implicitement trois utilités à l'évaluation. L'évaluation
des apprentissages sert à classer les élèves afin de les répartir dans des groupes d'études
appropriés. Le classement des élèves, permet aussi d'instaurer une saine émulation au sein de la
classe. Enfin, l'évaluation des apprentissages permet de s'assurer que les élèves ont bien compris
et retenu le contenu de leurs cours. Il s'agit ici de la fonction de contrôle des connaissances.
La politique de 1981 reconnaît de son côté quatre buts à l'évaluation des apprentissages qui sont,
dans l'ordre, d'améliorer les décisions relatives à l'apprentissage des élèves, d'informer les
parents, de fournir à l'élève des renseignements exigés par d'autres instances et de permettre de
juger la qualité de l'apprentissage. On voit donc ici que l'évaluation des apprentissages se fixe
des buts inédits par rapport au programme de 1923. La communication aux parents et aux élèves
est dorénavant une préoccupation des instances scolaires. L'évaluation doit permettre
l'amélioration des décisions prises afin de rendre un jugement plus précis et plus fiable en regard
des apprentissages, ainsi que de juger de la qualité de l'apprentissage fourni par les
établissements scolaires. On assiste ici certainement aux prémisses de l'évaluation
institutionnelle. L'évaluation n'est donc plus confinée à la simple fonction de contrôle des
connaissances.
En 2003, les buts poursuivis par l'évaluation sont beaucoup plus humanistes. En effet, ils sont
moins précis que ceux énoncés par la politique de 1981. L'évaluation des apprentissages est
présentée, en 2003, comme un levier pour la réussite. Elle doit permettre la réalisation du
principal objectif du système éducatif québécois qu'est la réussite pour tous les élèves. Elle doit
également permettre la réalisation d'apprentissages conduisant au développement intellectuel,
affectif et moral de l'élève. Néanmoins, l'évaluation des apprentissages perd cette dimension
141
philosophique quand la politique énonce clairement les deux fonctions principales de celle-ci que
sont l'aide à l'apprentissage et la reconnaissance des compétences.
Le rôle principal de l'évaluation qu'est le contrôle des connaissances est présent dans nos trois
documents que ce soit implicitement ou explicitement, mais ses buts évoluent cependant de
manière flagrante à travers ces trois documents. L'émulation préconisée dans le programme de
1923 n'est plus évoquée dans la politique de 1981 et dans celle de 2003 et la notion de
classement ou de comparaison entre élèves disparaît totalement dans La politique d'évaluation
des apprentissages (MEQ, 2003).
De plus, là où la politique de 1981 poursuit des buts précis essentiellement en rapport avec la
diffusion d'information et l'amélioration de la qualité des jugements et des apprentissages, la
politique de 2003 centre son évaluation sur l'élève quand il est question de la réussite de tous les
élèves, de l'aide à l'apprentissage ou de la reconnaissance des compétences. L'évaluation des
apprentissages est dorénavant au service de l'élève afin de permettre son développement
intellectuel, affectif, et social, et l'acquisition de compétences.
4.2.1.2. Les valeurs de l'évaluation
Comme nous l'avons évoqué précédemment, Le programme des écoles primaires élémentaires et
complémentaires (Comité Catholique, 1923) ne s'appuie de façon explicite sur aucune valeur
précise. Cependant, il est apparu que nous pouvions citer la morale religieuse, la rigueur et la
transparence comme telles, même si ces dernières n'apparaissent qu'en filigrane à la lecture du
document.
À l'inverse, La politique d'évaluation pédagogique (MEQ, 1981) définit clairement deux valeurs
de base nécessaires à toute évaluation des apprentissages, à savoir la justice et l'égalité. Ces deux
valeurs ne peuvent être assurées en évaluation sans une certaine rigueur intellectuelle nécessaire
pour poser un jugement juste et égalitaire sur les apprentissages réalisés par les élèves.
142
On retrouve ces trois valeurs dans La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003).
Cette dernière base toute sa conception de l'évaluation sur trois valeurs fondamentales, où l'on
retrouve nos valeurs de justice et d'égalité auxquelles est ajoutée l'équité, et sur trois valeurs
instrumentales, que sont la transparence, la rigueur et la cohérence. Nous avons déjà trouvé des
traces, aussi minces soient-elles, de la transparence et de la rigueur dans le programme de 1923.
La valeur de rigueur est aussi présente dans la politique de 1981. Nous pouvons donc constater
qu'il y a une certaine continuité dans l'importance accordée à certaines valeurs dans l'application
de l'évaluation des apprentissages. En effet, à l'exception de l'équité et de la cohérence, toutes les
valeurs représentant les fondements de l'évaluation prônée par la politique de 2003 étaient déjà
présentes dans l'une ou l'autre des deux politiques plus anciennes.
4.2.1.3. Le rôle de l'enseignant dans l'évaluation des apprentissages
Dans le programme de 1923, l'enseignant apparaît comme étant le seul en charge de tout ce qui
se rapporte à l'évaluation des apprentissages de ses élèves. H élabore lui-même les devoirs à la
maison et les compositions diverses, puis procède à la correction et au classement des élèves.
En 1981, le rôle de l'enseignant est beaucoup plus nuancé puisqu'il n'apparaît plus que comme le
« premier agent d'évaluation formative des élèves. » (MEQ, 1981, p. 9). H est aussi spécifié qu'il
peut à l'occasion procéder à des gestes d'évaluation sommative. On sent ici que l'enseignant n'a
plus la même liberté de mouvement que dans le texte de 1923. En somme, il est beaucoup plus
encadré dans ses démarches évaluatives et n'est véritablement autonome que dans l'évaluation
formative.
La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003) marque un retour à une plus grande
liberté accordée à l'enseignant dans sa démarche evaluative. Même s'il doit bien évidemment se
conformer aux prérogatives officielles en terme d'évaluation des apprentissages, il est confirmé
dans son rôle de premier agent de l'évaluation des élèves. Le jugement professionnel de
l'enseignant est considéré comme étant la véritable pierre angulaire de l'évaluation des
apprentissages.
143
Après avoir été plutôt confiné dans un rôle de premier agent d'évaluation formative par la
politique de 1981, l'enseignant redevient dans La politique d'évaluation des apprentissages
(MEQ, 2003), à l'image du rôle qui était le sien dans le programme de 1923, le seul à pouvoir
porter un jugement sûr et éclairé sur les apprentissages réalisés par ses élèves.
4.2.1.4. La communication à établir entre les enseignants, les instances scolaires, les parents
et les élèves
Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (Comité Catholique, 1923)
n'accorde que très peu d'importance à la communication dans sa vision de l'évaluation des
apprentissages. Il n'y a comme nous l'avons vu que le principe de rétroaction rapide et directe et
peut-être le classement des élèves qui peuvent s'apparenter à un souci de communication de la
part du Comité Catholique.
Par contre, La politique d'évaluation pédagogique (MEQ, 1981) accorde une très grande
importance à la communication puisque deux des quatre buts de l'évaluation des apprentissages
prônée dans ce document y font directement allusion. Effectivement, le souci déclaré d'informer
les parents sur les apprentissages réalisés par leurs enfants relève dans le présent document d'une
très grande importance. On parle même de droit des parents à l'information afin qu'ils puissent
contribuer au mieux au développement intellectuel de leur progéniture. Également, le système
scolaire doit fournir à l'élève des renseignements utiles en vue de la poursuite de ses études dans
un cycle supérieur ou son entrée dans le monde du travail. Cela est considéré à la lecture de ce
document comme l'une des responsabilités majeures du système éducatif québécois.
La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003) est dans la droite lignée de celle de
1981 puisqu'elle aussi consacre une place importante à la communication dans le processus
d'évaluation. La politique insiste d'ailleurs grandement sur le fait que l'évaluation des
apprentissages doit se faire dans un contexte de collaboration entre les différents acteurs du
milieu éducatif. À la lecture du document, il apparaît que le souci accordé à la communication
est beaucoup plus flagrant, comme en témoigne la diversité des moyens de communication
proposée à cet effet, et donc relève d'une plus grande importance dans la politique de 2003 que
144
dans celle de 1981 même si cette dernière y accordait déjà une grande importance. Là où
l'importance accordée à la communication était très peu développée dans le document de 1923,
on voit que celle-ci n'a cessé de progresser au cours des années pour devenir de nos jours une des
principales préoccupations des instances scolaires.
4.2.3. La dimension méthodologique
4.2.3.1. Les types d'évaluation préconisés
L'évaluation des apprentissages telle qu'elle apparaît dans Le programme des écoles primaires
élémentaires et complémentaires (Comité Catholique, 1923) se base essentiellement sur
l'évaluation normative au vu de la très grande importance accordée au classement des élèves.
Nous avons évoqué précédemment le cas litigieux de l'évaluation formative qui selon
l'interprétation faite des documents peut-être ou très présente ou totalement absente, nous ne
reviendrons pas dessus dans cette section étant donné que la question reste encore en suspens.
Cependant, l'évaluation sommative est bien tangible dans le programme de 1923, mais à des
degrés d'importance différents selon que l'on considère ou non l'évaluation formative comme
réellement présente. Pour ce qui est de l'évaluation diagnostique, il en est question dans ce
document, mais de manière discrète. Elle n'existe pas vraiment en tant que telle, elle n'est utilisée
qu'au besoin lorsque cela est nécessaire et n'est donc pas systématique. Elle est ainsi peu usitée.
L'évaluation critériée est quand à elle totalement absente dans cette politique.
La politique d'évaluation pédagogique (MEQ, 1981) accorde une grande importance à
l'évaluation normative bien que cela soit un cran en dessous de ce qui était préconisé par le
document de 1923. À l'inverse, il apparaît que l'évaluation sommative occupe dans l'évaluation
préconisée par cette politique une place plus importante que dans le document de 1923. De
même, l'évaluation formative est clairement présente dans cette politique, alors que son statut
était flou dans le précédent document. L'évaluation diagnostique est toujours peu présente dans
l'évaluation des apprentissages, et n'apparaît seulement que comme une des fonctions de
l'évaluation formative. Par contre, l'évaluation critériée fait son apparition dans cette politique et
est très privilégiée. Elle est étroitement reliée à l'évaluation sommative, mais aussi à l'évaluation
145
formative. Désormais, les performances de l'élève sont confrontées avec des degrés attendus de
maîtrise relatifs aux objectifs pédagogiques.
Dans La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003), l'évaluation normative est
totalement abandonnée. Désormais, l'élève réalise ses apprentissages pour lui seul. Ses résultats
ne sont plus mis en relation avec ceux de ses camarades de classe. Ceci marque véritablement un
tournant dans la conception de l'évaluation des apprentissages. L'évaluation normative avait
jusqu'à présent, comme nous pouvons le constater à travers le programme de 1923 et La
politique d'évaluation pédagogique (MEQ, 1981), toujours été très présente dams l'évaluation des T
apprentissages. L'évaluation normative est laissée de côté au profit de l'évaluation critériée qui
prend dès lors beaucoup plus d'ampleur. Celle-ci devient en quelque sorte la base de l'évaluation
des apprentissages. De même, l'évaluation diagnostique, jusque-là si discrète, fait dorénavant
partie intégrante du processus d'évaluation puisqu'elle va de pair avec l'évaluation formative qui
relève elle aussi d'une très grande importance dans cette politique. En ce qui concerne
l'évaluation sommative, nous avons vu précédemment qu'elle était présente, mais à un degré
moindre comparativement à la politique de 1981 et surtout qu'elle prenait une tout autre
dimension. Désormais, l'évaluation sommative est entendue dans le sens d'évaluation
certificative puisqu'elle permet de rendre compte du degré de maîtrise des compétences atteint
par l'élève. Ainsi, l'évaluation sommative prend donc une forme jusque-là inédite.
4.2.3.2. Les outils d'évaluation évoqués
Il nous est possible d'apprécier une véritable évolution dans l'utilisation d'outils d'évaluation au
fil du temps à travers ces trois documents. On voit clairement que le programme des écoles
primaires évoque l'importance des interrogations de contrôle, des devoirs à la maison, des
répétitions, des récapitulations, des compositions, mais sans jamais à aucun moment définir ou
réglementer en se basant sur des normes de conception clairement établies l'élaboration de ceux-
ci. L'enseignant élabore en toute autonomie ses outils d'évaluation.
À l'inverse, dans La politique d'évaluation pédagogique (MEQ, 1981), les outils d'évaluation
sont élaborés de façon rigoureuse et quasi scientifique. Rien n'est laissé au hasard dans la
146
conception de ces derniers. Le MEQ met à la disposition des différents acteurs du secteur de
l'enseignement des banques de questions et des indices statistiques. Les outils préconisés sont
essentiellement les examens et les tests, mais il existe aussi comme nous l'avons évoqué
précédemment divers autres outils d'évaluation telles les grilles d'observation et les feuilles de
route. Cette politique est très formelle en ce qui concerne les outils d'évaluation. Peu de place est
laissée au jugement de l'enseignant, toute interprétation subjective doit être bannie. Cela nous
renvoie directement à la définition de la valeur de justice sur laquelle repose la politique de
1981.
Désormais, dans La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003), l'évaluation est
basée sur des situations d'évaluation présentées sous forme de tâches complexes nécessitant des
productions élaborées. Contrairement à la politique de 1981, ces situations d'évaluation font la
part belle au jugement de l'enseignant étant donné que celles-ci doivent lui permettre de
déterminer quel est le niveau atteint en regard des compétences présentes au programme.
En l'espace d'un siècle, nous sommes donc passer du système traditionnel d'évaluation basé, pour
schématiser, sur les interrogations de contrôle et les compositions de fin de séquences
d'enseignement, à une approche plus scientifique de l'évaluation basée sur des examens et des
tests quasiment standardisés traitant généralement de sujet précis, à aujourd'hui des situations
d'évaluation devant permettre d'apprécier la maîtrise d'une ou plusieurs compétences.
L'évolution des outils d'évaluation est donc très marquée et plutôt frappante. Sur ce point précis,
l'approche par compétences, au regard de nos trois documents, a bien mis en place un outil
d'évaluation inédit jusqu'à présent.
4.2.3.3. Les méthodes de communication préconisées
Comme nous l'avons déjà signalé, la politique de 1923, mis à part le recours au classement des
élèves, l'utilisation d'un journal où sont fait état des classements et des résultats des élèves, et une
rétroaction rapide et directe préconisée lors de la correction des devoirs ou lors des interrogations
de contrôle, n'accorde pas une grande importance à la communication à établir entre les
147
différents acteurs du milieu scolaire. D n'est à aucun moment fait état d'un quelconque outil
permettant concrètement aux parents d'apprécier le niveau scolaire atteint par leurs enfants. D
n'est question dans le document de 1923 que du classement scolaire, mais encore là il n'est pas
spécifié si celui-ci est divulgué aux parents.
À l'inverse, La politique d'évaluation pédagogique (MEQ, 1981), fait de la communication aux
parents, et par la même occasion aux élèves et aux instances scolaires, une de ses priorités en
faisant du formulaire d'évaluation l'outil de prédilection permettant de rendre compte des
performances scolaires et du développement général de l'élève. Ce dernier peut prendre la forme
d'un bulletin scolaire ou d'une feuille de route. Cette pratique apparaît comme quelque chose de
totalement inédit jusqu'à présent puisque la communication aux parents sous une forme concrète
est inexistante dans Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires
(Comité Catholique, 1923).
Dans le même ordre d'idées, La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003) propose
un éventail d'outils de communication beaucoup plus varié que la précédente politique. On voit
le portfolio faire son apparition, ainsi que le bilan des apprentissages ou le relevé des
compétences faisant état du niveau atteint par les élèves en regard des apprentissages à maîtriser
à l'issu de leur parcours scolaire. La volonté accrue de fournir et de transmettre des informations
utiles et détaillées aux différents acteurs du milieu est donc indéniable.
Là où les stratégies de communication étaient très floues et peu précises finalement dans le
document de 1923, la politique de 1981 met en place les formulaires d'évaluation comme
principal vecteur de communication. La communication prend donc ici une véritable forme
tangible, permettant la diffusion de l'information concernant les élèves dans tout le milieu
scolaire. La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003) consolide cette base en y
ajoutant une multitude d'autres vecteurs de communication (portfolio, rencontres avec les
parents, etc.). On assiste donc ici à une évolution constante et progressive des stratégies de
communication montrant l'intérêt de plus en plus marqué pour la diffusion de l'information à
caractère éducative.
148
4.2.2. La dimension théorique
L'évolution est ici très marquée. L'évaluation des apprentissages prônée dans Le programme des
écoles primaires élémentaires et complémentaires (Comité Catholique, 1923) ne peut être
rattachée à aucun des courants pédagogiques retenus dans notre questionnaire. Cependant, celle-
ci est très proche de la pédagogie prônée et diffusée par les Jésuites à partir du XVIIe siècle en
Europe, notamment à la vue de l'importance accordée au classement des élèves et à l'émulation
mise en place entre ces derniers. À l'inverse, La politique d'évaluation pédagogique (MEQ,
1981) ne peut quand à elle n'être rattachée qu'au courant béhavioriste tant le concept de science
appliquée à l'enseignement est clairement présent. L'évaluation des élèves en regard de l'atteinte
d'objectifs pédagogiques devient une véritable science avec ses outils et ses procédés.
La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003) jetant les bases de l'approche par
compétences fait table rase du passé en basant son évaluation sur les préceptes cognitivistes,
mais surtout constructivistes et socioconstructivistes. Désormais, l'évaluation est centrée sur le
développement intellectuel de l'élève dans un contexte d'entre aide mutuel avec les pairs et de
collaboration avec l'enseignant. Il n'est donc plus question en aucun cas de classer les élèves ou
de les comparer entre eux comme cela été le cas dans Le programme des écoles primaires
élémentaires et complémentaires (Comité Catholique, 1923) ou de limiter l'enseignement à une
simple succession d'objectifs pédagogiques. La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ,
2003) apparaît ainsi comme étant plus humaniste puisqu'elle vise le plein développement
intellectuel, affectif et social de l'élève.
Nous pouvons donc déterminer clairement une évolution en trois temps de l'évaluation des
apprentissages, mais également de l'enseignement en général prônés par les instances scolaires
au Québec. D'une approche pédagogique basée sur l'enseignement des Jésuites en 1923, nous
passons par une approche de l'enseignement par objectifs dans la politique de 1981, pour aboutir
en 2003 à la mise en application de l'approche par compétences consacrée par La politique
d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003).
149
A travers l'étude de ces trois documents, nous pouvons constater que même si l'évaluation et ses
buts ont évolué au fil des années, son rôle principal, à savoir le contrôle des connaissances est
présent dans chacun des trois documents. E en va de même pour les valeurs propres à
l'évaluation prônée dans La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003). Nous
retrouvons quatre d'entre elles dans les deux documents plus anciens. Egalement, le rôle de
l'enseignant dans l'évaluation des apprentissages n'a guère évolué, même s'il a perdu en liberté
dans la politique de 1981, depuis 1923. Dans ces cas-ci, il y a une évolution indéniable de
l'évaluation des apprentissages mais qui se fait dans une certaine continuité. Il n'y a à aucun
moment de cassure avérée dans le temps entre les trois documents.
L'évolution de la communication et de ses stratégies est quant à elle beaucoup plus constante. La
communication et ses outils se développent progressivement à travers nos trois documents. Par
contre l'évolution des outils d'évaluation est très marquée, voir même frappante puisque nous
passons des simples interrogations de contrôle, à des examens et à des tests quasiment
standardisés, à aujourd'hui des situations d'évaluation. De même, l'évolution théorique de
l'évaluation des apprentissages est tout aussi marquée puisque nous passons d'une approche
pédagogique basée sur l'enseignement des Jésuites en 1923, à un enseignement par objectifs en
1981, et enfin à une approche par compétences. i
Pour ce qui est des types d'évaluation préconisés, l'évolution majeure que nous constatons à
travers notre étude est l'abandon progressif de l'évaluation normative au profit de l'évaluation
critériée. Il est aussi à noter que l'évaluation diagnostique s'est peu à peu développée puisqu'elle
fait à présent partie intégrante du processus d'évaluation. De plus, l'évaluation sommative est
dorénavant entendue dans le sens d'évaluation certificative.
Il ressort de l'étude de ces trois documents officiels que l'évaluation des apprentissages instaurée
suite à la mise en place de l'approche par compétences dans le système éducatif québécois est sur
certains points innovatrice. En effet, le recours aux situations d'évaluation comme principal outil
d'évaluation, l'abandon de l'évaluation normative au profit exclusif de l'évaluation critériée,
l'adhésion au courant cognitiviste, constructiviste et socioconstructiviste de la politique
150
d'évaluation de 2003 marquent un point de rupture avec l'évaluation des apprentissages prônée
jusqu'ici au Québec.
4.3. Les limites de la recherche
La principale limite de notre recherche nous renvoie à sa nature même. En effet, notre recherche
est avant tout une étude de contenu. Notre jugement se base essentiellement sur le contenu des
trois documents que nous avons sélectionnés pour notre étude, fl aurait été souhaitable et
judicieux de réaliser des entrevues avec des personnes ayant vécu l'évaluation des apprentissages
telle qu'elle nous est présentée dans La politique d'évaluation pédagogique (MEQ, 1981) et bien
entendu dans Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (Comité
Catholique, 1923). Malheureusement, ce dernier datant de 1923, il nous a été difficile de trouver
des personnes à même de pouvoir évoquer leur vécu scolaire.
Notre étude repose donc sur la perception que nos répondants ont eue des trois documents. Nous
leur avons demandé d'étudier et de lire avec minutie chacun des trois documents avant de
répondre à notre questionnaire. Cependant, le nombre peu élevé de répondants ayant participé à
notre étude, à savoir trois, s'avère être également une limite de taille. Même s'il agit ici d'une
étude de contenu, il aurait toutefois été souhaitable afin d'affiner nos résultats de soumettre nos
documents et notre questionnaire à un plus grand nombre de répondants.
152
Le but de cette étude était de déterminer si la mise en place de l'approche par compétences dans le
système scolaire québécois a permis l'instauration d'une évaluation des apprentissages d'un genre
nouveau, ou si a contrario, il ne s'agit en réalité que d'une redite de ce qui était déjà pratiqué par
le passé.
Pour ce faire, nous avons consacré la première partie de notre étude a un bref historique retraçant
les origines de l'évaluation des apprentissages et traitant du développement de celle-ci dans
quelques références en matière d'éducation, à savoir la France, la Belgique, la Suisse, les États-
Unis et bien entendu la province canadienne du Québec. Cet historique nous a permis de dresser
le tableau de ce que fut l'histoire de l'évaluation des apprentissages en différents lieux et ainsi de
replacer l'évolution de l'évaluation des apprentissages au Québec parmi celles de tous ces pays
ayant une tradition éducative et pédagogique depuis longtemps reconnue.
Par la suite, nous avons porté notre intérêt sur l'approche par compétences en tentant de revenir
aux sources de l'apparition du concept de compétence. Puis nous sommes intéressés aux
définitions adaptées à l'éducation et à la mise en application concrète de l'approche par
compétences à travers les exemples du Collège Alverno, de la Belgique et du Québec.
Enfin, l'analyse portant sur l'étude combinée du Programme des écoles primaires élémentaires et
complémentaires (1923), de La politique générale d'évaluation pédagogique (1981) et de La
politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003), nous a permis de répertorier les points
convergents et divergents de ces différentes politiques d'évaluation, et ainsi de nous faire une idée
précise de ce que fut l'évolution de l'évaluation des apprentissages au Québec .
Nos résultats ont démontré que la mise en place de l'approche par compétences dans le système
éducatif québécois a sur certains aspects contribué à l'instauration d'une évaluation des
apprentissages inédite. En effet, le recours aux situations d'évaluation comme principal outil
d'évaluation, l'abandon de l'évaluation normative au profit exclusif de l'évaluation critériée,
l'adhésion au courant cognitiviste, constructiviste et socioconstructiviste de la politique
d'évaluation de 2003 sont autant de points totalement inédits jusqu'alors. Ces différents points
153
marquent effectivement un point de rupture majeur avec les précédentes évaluations des
apprentissages prônées par les instances scolaires.
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http://www.bfskinner.org/BFSkinner/AboutSkinner.html.
163
Questionnaire relatif aux politiques d'évaluation
À travers le présent questionnaire, nous essaierons de mettre en lumière les points convergents et
divergents des différentes politiques évaluatives qui se sont succédé au fil du temps au Québec.
Ce questionnaire porte spécifiquement sur l'étude de trois documents relatifs à l'évaluation des
apprentissages qui ont fait date dans l'histoire de l'éducation au Québec :
-Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (Comité catholique,
1923)
-La politique générale d'évaluation pédagogique (MEQ, 1981)
-La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003)
Ce questionnaire se divise en trois sections portant chacune sur une dimension spécifique de
l'évaluation des apprentissages :
1- la dimension philosophique
2- la dimension méthodologique
3- la dimension théorique
Nous vous demandons tout d'abord de lire attentivement les documents précédemment cités. Par
la suite, en vous appuyant sur ces documents, nous vous demandons de répondre de façon concise
aux quelques questions composant ce questionnaire. Vos réponses et vos commentaires nous
seront d'une aide précieuse dans la réalisation de notre recherche.
164
I- Dimension philosophique
Après la lecture des trois documents sélectionnés, quels sont, selon vous, les buts de
l'évaluation préconisée par ces derniers ?
- Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (1923) :
- La politique générale d'évaluation pédagogique (1981) :
La politique d'évaluation des apprentissages (2003)
165
Selon vous, quelles sont les valeurs morales à la base de ces trois conceptions de l'évaluation
des apprentissages ?
- Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (1923) :
- La politique générale d'évaluation pédagogique (1981) :
La politique d'évaluation des apprentissages (2003)
166
Quel est le rôle de l'enseignant dans l'évaluation des apprentissages selon ces trois
documents ?
- Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (1923) :
La politique générale d'évaluation pédagogique (1981)
La politique d'évaluation des apprentissages (2003) :
167
Quelle importance accorde-t-on à la communication à établir entre les enseignants, les
instances scolaires, les parents et les élèves selon ces trois documents ?
Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (1923)
- La politique générale d'évaluation pédagogique (1981) :
- La politique d'évaluation des apprentissages (2003)
168
II- Dimension méthodologique
Selon vous, dans quelle proportion les trois politiques élaborées par les autorités scolaires
retenues pour l'étude privilégient-elles le recours aux types d'évaluations présentés ci-
dessous afin d'évaluer les apprentissages ? Pour chacun des documents, veuillez cocher les
cases correspondant à votre réponse.
Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (1923)
Évaluation normative
Pas du tout
D
Un peu
D
Moyennement
D
Beaucoup
n
j r
Evaluation sommative
Pas du tout
D
Un peu
D
Moyennement
D
Beaucoup
D
Évaluation diagnostique
Pas du tout
D
Un peu
D
Moyennement
D
Beaucoup
D
Évaluation critériée
Pas du tout
D
Un peu
D
Moyennement
n Beaucoup
D
X *
Evaluation formative
Pas du tout
D
Un peu
D
Moyennement
D
Beaucoup
D
170
- La politique générale d'évaluation pédagogique (1981)
Évaluation normative
Pas du tout
D
Un peu
D
Moyennement
D
Beaucoup
D
Évaluation sommative
Pas du tout
D
Un peu
n Moyennement
D
Beaucoup
D
Pas du tout Un peu Moyennement Beaucoup
Évaluation D D D D diagnostique
Évaluation critériée
Pas du tout
D
Un peu
D
Moyennement
n Beaucoup
D
Évaluation formative
Pas du tout
D
Un peu
D
Moyennement
D
Beaucoup
D
Commentaires :
171
La politique d'évaluation des apprentissages (2003)
Évaluation normative
Pas du tout
D
Un peu
D
Moyennement
D
Beaucoup
D
Évaluation sommative
Pas du tout
D
Un peu
n Moyennement
D
Beaucoup
D
Evaluation diagnostique
Pas du tout
D
Un peu
D
Moyennement
D
Beaucoup
D
Évaluation critériée
Pas du tout
D
Un peu
D
Moyennement
D
Beaucoup
D
Evaluation formative
Pas du tout
n . Un peu
n Moyennement
D
Beaucoup
D Evaluation formative
Pas du tout
n . Un peu
n Moyennement
D
Beaucoup
D
Commentaires :
172
À votre avis, quels sont les types d'outils d'évaluation qui sont préconisés par les autorités
scolaires, dans chacun des trois documents retenus à l'étude ?
Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (1923) :
- La politique générale d'évaluation pédagogique (1981) :
- La politique d'évaluation des apprentissages (2003)
173
Selon vous, quelles sont les stratégies proposées dans chacun des documents afin de
favoriser la communication entre les instances scolaires, les enseignants, les parents et les
élèves ?
- Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (1923) :
- La politique générale d'évaluation pédagogique (1981)
La politique d'évaluation des apprentissages (2003) :
174
III- Dimension théorique
Dans cette dimension, nous traiterons de quelques théories du développement et de l'apprentissage,
à savoir le béhaviorisme, le cognitivisme, le constructivisme et le socioconstructivisme. Afin de
faciliter vos réponses, nous essaierons, à défaut de pouvoir définir clairement ces concepts si
complexes en quelques phrases, de vous permettre d'appréhender ces derniers dans une application
propre à l'évaluation des apprentissages.
Béhaviorisme : Selon l'approche de Skinner, basée sur le principe de l'individualisation de
l'enseignement, « chaque élève a droit à des tâches d'apprentissage sur mesure respectant ses
capacités tout en lui assurant des rétroactions et des renforcements immédiats » (Desbiens, 2004,
p. 299). Afin de concrétiser cette individualisation, tout en respectant scrupuleusement les
caractéristiques propres à chaque élève, Skinner met en place un « enseignement programmé » et
ce qui est appelé « la machine à enseigner ».
L'enseignement programmé est une méthode pédagogique qui « vise à présenter à chaque élève
une matière très progressivement, à susciter une réponse pour chaque segment de contenu et à
faire suivre d'une rétroaction sur l'exactitude (Crahay, 1999 ; Vargas, 2005). Une séquence
d'apprentissage correctement programmée ne permet pas un pourcentage d'erreurs supérieur à
5%. Comme l'explique Crahay (1999), l'élève peut, dans ces conditions, s'approprier l'essentiel
des compétences jugées nécessaires pour son insertion sociale en commettant un minimum
d'erreurs et en progressant au rythme qui lui convient » (Desbiens, 2004, p. 300).
« La machine à enseigner », quant à elle, sera déclinée sous plusieurs modèles qui évolueront au
fil du temps et des progrès technologiques. Cependant, nous pouvons prendre à titre d'exemple le
premier prototype mise en place par Skinner. Ce premier essai présentait aux élèves des
problèmes mathématiques selon un ordre aléatoire et proposait dès la réponse enregistrée une
rétroaction immédiate. Le béhaviorisme est ainsi caractérisé par le recours à cette technologie de
l'enseignement qui elle-même présente trois grandes caractéristiques :
« la participation active de l'élève grâce à son interaction constante avec les contenus
d'apprentissage »;
«- la rétroaction rapide et systématique qui permet à l'apprenant de prendre conscience de
ses réussites ou de ses erreurs et de corriger ces dernières »;
175
« la segmentation des contenus en petites unités organisées hiérarchiquement et
minutieusement sériées de manière à ce que l'apprentissage soit progressif » (Desbiens, 2004,
p. 302).
. Ainsi, selon le béhaviorisme, l'enseignement est une science appliquée basée sur la théorie selon
laquelle apprendre, c'est acquérir un nouveau comportement. Cette théorie a donné lieu à la mise
au point d'une technologie de l'enseignement.
Cognitivisme : Selon le modèle cognitiviste du traitement de l'information, le processus
d'apprentissage « se compose de trois phases distinctes mais complémentaires : l'acquisition, la
rétention et le transfert. On peut ajouter à cela la métacognition » (Bissonnette & Richard, 2004,
p. 309).
« A chacune des trois phases du processus d'apprentissage correspondent différentes
interventions pédagogiques que l'enseignant peut enseigner afin d'aider les élèves à comprendre,
à retenir et à transférer ce qu'ils apprennent. La phase d'acquisition (phase 1), soit la
compréhension de l'apprentissage, est favorisée par un enseignement explicite accompagné d'une
supervision et d'un questionnement réguliers appuyés par une rétroaction constante. La pratique
répétée et variée, qui vise l'atteinte d'un degré de maîtrise élevé de l'apprentissage puis son
automatisation, contribue à l'obtention d'un haut degré de compréhension. La phase de rétention
dans la mémoire à long terme (phase 2) s'appuie d'abord sur l'objectivation des apprentissages
réalisés. Lorsque l'enseignant prévoit des activités de consolidation et de réinvestissement à
réaliser régulièrement en classe, la rétention est améliorée par la fréquence du rappel des
apprentissages. Dans la phase du transfert (phase 3), l'enseignant favorise le transfert vertical en
établissant une structure où il propose les apprentissages de façon ordonnée, successive et
cumulative. En créant des occasions supplémentaires d'enrichissement permettant aux élèves de
réinvestir les apprentissages réalisés dans des situations variées, l'enseignant leur fera effectuer
des transferts horizontaux » (Bissonnette & Richard, 2004, p. 330). La notion de transfert
pourrait être définie « comme la capacité à utiliser ce qu'on a appris dans un contexte simple
pour l'appliquer à un contexte plus complexe (transfert vertical), ou la capacité à généraliser ce
qu'on a appris dans un contexte initial pour l'étendre à de nouveaux contextes (transfert
horizontal) » (Bissonnette & Richard, 2004, p. 323). Car en fin de compte, « le but ultime de
l'enseignement est d'amener les élèves à effectuer le transfert des apprentissages d'une tâche à
176
l'autre, d'une année scolaire à l'autre, de l'école à la maison et du milieu scolaire à celui du
travail » (Bissonnette & Richard , 2004, p. 323).
Constructivisme : L'une des idées clés de ce concept est « que l'élaboration de connaissances
nouvelles est un processus adaptatif qui résulte, pour une large part, des limites mêmes de nos
schemes d'assimilation dans leurs interactions avec le réel. [...]Bref, l'apprentissage est une
activité de recherche de sens, et c'est grâce aux obstacles, sources de déséquilibre, que le sujet va
construire des connaissances nouvelles » (Legendre, 2004a, p. 346).
Dans les faits, l'enseignant devra essayer de stimuler chez l'élève « la recherche et le besoin de
vérifier en proposant à ce dernier des situations susceptibles de l'amener à s'interroger. On lui
proposera des défis à sa mesure, qui l'encourageront à mobiliser ses connaissances antérieures
et à recourir aux outils intellectuels dont il dispose. [...] L'élève doit avoir de multiples occasions
défaire appel aux connaissances qu'il a acquises pour en éprouver la validité et la généralité. Il
appartient à l'enseignant de lui fournir de telles occasions. Pour ce faire, le maître devra
encourager l'élève à expliquer son raisonnement en l'amenant à justifier ses réponses à l'aide
d'arguments, organiser des contre-exemples en vue de stimuler sa réflexion, mettre en évidence
des contradictions ou des incohérences et l'aider à les surmonter en lui donnant accès aux
ressources nécessaires. C'est notamment par l'expérimentation, la discussion, l'échange de points
de vue et le choc des idées que l'élève sera amené à prendre conscience de ce qu'il sait mais aussi
des limites de ses connaissances antérieures et de la pertinence d'intégrer de nouveaux savoirs »
(Legendre, 2004, p. 346).
Socioconstructivisme : Bien que de nombreux auteurs puissent être apparentés à la pensée
socioconstructiviste, nous avons choisi de privilégier, sans vouloir rentrer dans aucune
controverse quelle qu'elle soit, la pensée de Vygotsky qui apparaît dans bon nombre d'ouvrages
comme étant une des références en la matière.
La pensée éducative socioconstructiviste prônée par Vygotsky est basée sur la notion de zone de
développement proximal désignant « la distance entre le niveau de développement de l'enfant tel
qu'il est déterminé par les problèmes qu'il est capable de résoudre seul et un niveau de
développement potentiel correspondant aux problèmes qu'il parvient à résoudre sous la guidance
de l'adulte ou en collaboration avec des pairs plus compétents. [...] De même, l'enfant apprend
177
beaucoup par l'imitation et le jeu conçus comme des activités intelligentes pourvues de sens. Il ne
peut toutefois y parvenir que dans certaines limites définies par l'état de son développement et de
ses possibilités intellectuelles, autrement dit à l'intérieur de sa zone de développement. Cette
dernière va s'avérer essentielle pour comprendre les répercussions de l'éducation, formelle ou
informelle, sur le développement cognitif de l'enfant. Car, il est tout aussi stérile, selon Vygotsky,
d'enseigner à l'enfant ce qu'il n'est pas capable d'apprendre que de lui enseigner ce qu'il est
capable de faire tout seul. La possibilité de faire passer l'enfant d'un niveau de développement à
un autre lui apparaît déterminante pour la psychologie de l'apprentissage, d'où l'importance qu'il
accorde à l'étayage effectué par l'adulte dans le processus éducatif de l'enfant. Mais c'est plus
largement en ce qui a trait aux activités socialement médiatisées par des outils que sur le plan
des interactions avec autrui que Vygotsky envisage le processus d'actualisation du niveau de
développement potentiel. Dans cette perspective, le rôle fondamental de l'éducation est de
favoriser l'appropriation d'outils culturels qui auront pour effet d'activer le développement de
l'enfant et de créer, ce faisant de nouvelles zones de développement proximal.» (Legendre, 2004b,
p. 361).
178
Pour chacun des documents étudiés, indiquez, selon vous, le degré de concordance entre les
types d'évaluations mis de l'avant par les autorités scolaires et les courants pédagogiques
auxquels ils peuvent être rattachés.
- Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (1923)
Béhaviorisme
Pas du tout
D
Un peu
D
Moyennement
n Beaucoup
D
Cognitivisme
Pas du tout
D
Un peu
D
Moyennement
D
Beaucoup
D
Constructivisme
Pas du tout
D
Un peu
D
Moyennement
D
Beaucoup
D
Socioconstructivisme
Pas du tout
D
Un peu
D
Moyennement
D
Beaucoup
D
Commentaires
179
Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (1923)
Béhaviorisme
Pas du tout
n Un peu
D
Moyennement
D
Beaucoup
D
Cognitivisme
Pas du tout
D
Un peu
n Moyennement
D
Beaucoup
D
Constructivisme
Pas du tout
D
Un peu
D
Moyennement
D
Beaucoup
n
Socioconstructivisme
Pas du tout
D
Un peu
D
Moyennement
D
Beaucoup
D
Commentaires
180
- La politique d'évaluation des apprentissages (2003)
Béhaviorisme
Pas du tout
D
Un peu
D
Moyennement
n Beaucoup
D
Cognitivisme
Pas du tout
D
Un peu
D
Moyennement
D
Beaucoup
D
Constructivisme
Pas du tout
D
Un peu
D
Moyennement
D
Beaucoup
D
Socioconstructivisme
Pas du tout
D
Un peu
D
Moyennement
D
Beaucoup
D
Commentaires