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Intelligere, Revista de História Intelectual nº 11, jul. 2021 Intelligere, Revista de História Intelectual revistas.usp.br/revistaintelligere Contato pelo e-mail: [email protected] Grupo de Pesquisa em História Intelectual Centro Interunidades de História da Ciência - USP ARTIGOS - ARTICLES Hostis humani generis: métamorphoses d’un concept jusqu’au contexte révolutionnaire Marta Nunes da Costa 1 Universidade Federal do Mato Grosso do Sul [email protected] Como citar este artigo: NUNES DA COSTA, Marta. “Hostis humani generis: métamorphoses d’un concept jusqu’au contexte révolutionnaire”, Intelligere, Revista de História Intelectual, nº11, pp. 1-21. 2021. Disponível em <http://revistas.usp.br/revistaintelligere>. Acesso em dd/mm/aaaa. Résumé: Le but de cet article est de comprendre comment le projet républicain se construit en mettant la distinction ami/ennemi au coeur de ses discours et pratiques. Cet article a trois moments. Premièrement, je reviens aux origines du concept hostis humani generis. Ensuite, j'analyse comment ce concept a été introduit dans l'histoire de la philosophie politique - d'abord, par Bodin et sa définition de la république; plus tard, par Locke, qui, contribuant à la consolidation du récit du contrat social, crée, dans la description de l'état de la nature, de l'état de guerre et de l'état civil, une nouvelle façon de comprendre la relation entre politique et morale, à travers l'insertion du concept d'humanité. Dans un troisième moment, je montre comment cette mutation se produit à l'époque de la Révolution Française, surtout dans la période de la Terreur et de la “Grande Terreur” et comment celle ci devient l’autre face de la république. Mots-clés: Carl Schmitt. Hostis Humani Generis. République. Robespierre. Terreur. 1 Professora de Filosofia na UFMS, atuando nos cursos de graduação e pós-graduação (mestrado profissional e PPG de Ensino de Ciências); Professora Permanente do PPG de Filosofia da Unioeste:; Coordenadora do Grupo de Estudos Democráticos (CNPQ). Áreas de pesquisa: teoria política, filosofia política, ética, teorias da democracia. lattes: http://buscatextual.cnpq.br/buscatextual/visualizacv.do?id=K4964786A3 Orcid: https://orcid.org/0000-0002-8523-314X

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Page 1: Hostis humani generis: métamorphoses d’un concept …

Intelligere, Revista de História Intelectual nº 11, jul. 2021

Intelligere, Revista de História Intelectual revistas.usp.br/revistaintelligere

Contato pelo e-mail: [email protected] Grupo de Pesquisa em História Intelectual

Centro Interunidades de História da Ciência - USP

ARTIGOS - ARTICLES

Hostis humani generis: métamorphoses d’un concept

jusqu’au contexte révolutionnaire

Marta Nunes da Costa1 Universidade Federal do Mato Grosso do Sul

[email protected]

Como citar este artigo: NUNES DA COSTA, Marta. “Hostis humani generis: métamorphoses d’un concept jusqu’au contexte révolutionnaire”, Intelligere, Revista de História Intelectual, nº11, pp. 1-21. 2021. Disponível em <http://revistas.usp.br/revistaintelligere>. Acesso em dd/mm/aaaa.

Résumé: Le but de cet article est de comprendre comment le projet

républicain se construit en mettant la distinction ami/ennemi au coeur de ses

discours et pratiques. Cet article a trois moments. Premièrement, je reviens aux

origines du concept hostis humani generis. Ensuite, j'analyse comment ce concept

a été introduit dans l'histoire de la philosophie politique - d'abord, par Bodin et

sa définition de la république; plus tard, par Locke, qui, contribuant à la

consolidation du récit du contrat social, crée, dans la description de l'état de la

nature, de l'état de guerre et de l'état civil, une nouvelle façon de comprendre la

relation entre politique et morale, à travers l'insertion du concept d'humanité.

Dans un troisième moment, je montre comment cette mutation se produit à

l'époque de la Révolution Française, surtout dans la période de la Terreur et de

la “Grande Terreur” et comment celle ci devient l’autre face de la république.

Mots-clés: Carl Schmitt. Hostis Humani Generis. République. Robespierre. Terreur.

1 Professora de Filosofia na UFMS, atuando nos cursos de graduação e pós-graduação (mestrado profissional e PPG de Ensino de Ciências); Professora Permanente do PPG de Filosofia da Unioeste:; Coordenadora do Grupo de Estudos Democráticos (CNPQ). Áreas de pesquisa: teoria política, filosofia política, ética, teorias da democracia. lattes: http://buscatextual.cnpq.br/buscatextual/visualizacv.do?id=K4964786A3 Orcid: https://orcid.org/0000-0002-8523-314X

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Hostis humani generis: metamorphoses from a concept to the

revolutionary context

Abstract: The goal of this article is to understand how the Republican project

is built by putting the friend / enemy distinction at the heart of its speeches

and practices. This article has three moments. First, I go back to the origins of

the concept hostis humani generis. Next, I analyze how this concept was

introduced in the history of political philosophy - first, by Bodin and his

definition of the republic; later, by Locke, who, contributing to the

consolidation of the narrative of the social contract, creates in his description

of the state of nature, the state of war and the civil state, a new way of

understanding the relationship between politics and morality, through the

insertion of the concept of humanity. In a third moment, I show how this

mutation occurs at the time of the French Revolution, especially in the period

of the Terror and the “Great Terror” as well as how it became the other side

of the Republic.

Keywords: Carl Schmitt. Hostis Humani Generis. Republic. Robespierre.

Terror.

Introduction

Toutes les histoires sont basées sur une dichotomie, qui peut prendre

plusieurs aspects: nous / eux, amis / ennemis. Carl Schmitt avait brillamment

souligné l'instinct naturel de comprendre la réalité, et en particulier la réalité

politique, à partir de ces termes. Cet article est né d'une inquiétude suscitée par

l'étude de la Révolution française, du gouvernement révolutionnaire et de la

Terreur. En effet, c’est dans cette période que nous pouvons identifier une

reconstruction des discours et des institutions, en tournant vivante la

distinction ami/ennemi et en la mettant au coeur du projet républicain. Dans

une tentative de délimiter une généalogie du droit naturel et des

métamorphoses de ce concept jusqu'à la Révolution française, j'ai constaté que

ces métamorphoses étaient basées sur la récupération d'une importante fiction

juridique, la fiction de hostis humani generis. Mon intuition suggère que cette

mesure a été prise pour justifier et rendre légitime la violence de la Terreur.

Mais quelles mutations conceptuelles étaient nécessaires pour parvenir à cette

compréhension?

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Le but de cet article est d'essayer de répondre à cette question. Pour

cela, je reviens aux origines du concept hostis humani generis. Ensuite, j'analyse

comment ce concept a été introduit dans l'histoire de la philosophie politique -

d'abord, par Bodin et sa définition de la république, où la référence aux pirates

vise à illustrer son contraire, son "autre"; plus tard, par Locke, qui, contribuant

à la consolidation du récit du contrat social, crée, dans la description de l'état

de la nature, de l'état de guerre et de l'état civil, une nouvelle façon de

comprendre la relation entre politique et morale, à travers l'insertion du

concept d'humanité. Dans un troisième moment, je montre comment cette

mutation se produit à l'époque de la Révolution Française, surtout dans la

période de la Terreur et de la “Grande Terreur” et en ayant comme horizon la

redéfinition de la loi naturelle et sa relation avec le républicanisme.

Les origines du concept

Dan Edelstein dans son oeuvre The Terror of Natural Right -

Republicanism, the Cult of Nature, and the French Revolution dit que "La théorie du

droit naturel est apparue comme un langage politique et philosophique

essentiel au tournant du XVIIe siècle comme une réponse directe aux

questions juridiques urgentes soulevées par l'impérialisme européen dans le

Nouveau Monde” (2009, p.27).

A cette époque, la question de la piraterie est considérée comme un

exemple de société désordonnée, comme Bodin l'avait déclaré au début de Les

Six livres de la République. En effet, Bodin définit la république comme “ un droit

gouvernement de plusieurs me nages, et de ce qui leur est commun, avec

puissance souveraine" (1993, p.44) Immédiatement après la définition de

république, Bodin souligne que le « bon gouvernement» se distingue des “

troupes des voleurs et pirates, avec lesquels on ne doit avoir part, ni commerce,

ni alliance, comme il a toujours e te garde en toute Re publique bien ordonne e”.

Les voleurs et pirates sont mentionnés comme l'opposé du bon ordre, comme

une négation du but divin et rationnel de l'espèce humaine elle-même. Bodin

ne fais pas mention de l'expression hostis humani generis; cependant, la façon telle

qu’il portrait les voleurs et pirates culminera dans la reprise de ce concept. En

fait, cette expression, bien qu'originaire de Cicéron, a été reprise plus

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systématiquement à partir de 17052. Dans un contexte où les souverains

européens ont mené de nombreuses interventions à l'étranger, il a fallu trouver

un moyen de justifier les violences perpétrées3.

… L'identification d'un ennemi de toute l'humanité permet aux

souverains d'intervenir aussi bien de manière légitime que

légitime, même en recourant à la violence dans des contextes loin

de leurs limites communes. La juridiction universelle est la raison

pour laquelle l’hostis humani generis n'a jamais été complètement

oublié ou abandonné par les décideurs politiques, et aussi

pourquoi il a été redécouvert périodiquement après des décennies

d'utilisation inutilisée. (SCHILLINGS, 2017, p.6)

Trois questions s'imposent: qui sont les ennemis de l'humanité?

Comment sont-ils définis (et redéfinis), c'est-à-dire quels critères doivent-ils

remplir? Que signifie la juridiction universelle, c'est-à-dire qui juge, qui est

autorisé ou pas autorisé, et quels sont les limites de ces actions?

Jody Greene, auteur contemporains étudiant des cas spécifiques de

condamnation pour piraterie en Angleterre au XVII siècle, a constaté que les

tribunaux jugeaient et condamnaient "… ne déterminant pas les différences

entre guerre, corsaires, insurrection civile et piraterie, mais ne faisant appel qu'à

des mesures extrajudiciaires. un emblème non seulement de la difficulté, mais

aussi de l'arbitraire de la distinction entre le piratage et d'autres mesures

parfaitement légales." (2008, p.686) Derrida, dans le même esprit, dit que l'

Instabilité sémantique, points de problème irréductibles dans les marges entre les concepts, indécision par rapport au concept de la marge elle-même: tout cela ne doit pas être analysé comme un trouble spéculatif, un chaos conceptuel ou une zone d'agitation temporaire dans le langage public ou politique. Nous devons également reconnaître les stratégies et les relations de pouvoir ici. La puissance dominante est celle qui parvient à imposer, et donc à légitimer, voire à légaliser (comme c'est toujours une question de droit) à l'échelle nationale ou mondiale, la terminologie et donc l'interprétation qui convient le mieux à une situation donnée. (2003, p.105)

2 Cicéron a été le premier à formuler le principe de hostis humani generis mais pas avec cette terminologie. Cicéron a utilisé l'expression comunas hostis omnium. Selon l'auteur, les pirates étaient ceux qui étaient en dehors de la loi et donc toute violence perpétrée par l'empereur contre ces autres serait légitime. Selon la lecture de Schillings (2017), Cicéron pose la question de la légitimité dès le début de la formulation du problème, permettant de comprendre la violence comme légitime et donc juste. 3 Pour une lecture plus attentif sur ce thème voir Barère, Bertrand, La Liberté des Mers, ou le Gouvernement anglais dévoilé. Sur Barère voir Pierre Serna, « Barère, penseur et acteur d'un premier opportunisme républicain face au directoire exécutif », Annales historiques de la Révolution française [En ligne], 332 | avril-juin 2003, mis en ligne le 22 avril 2008, consulté le 20 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/ahrf/828 ; DOI : 10.4000/ ahrf.828

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Le concept de pirate, au XVIIe ou XVIIIe siècle, comme le concept de

terroriste, au XXIe siècle, se situe au marge des concepts, c'est-à-dire qu'il n'est

pas possible de trouver une utilisation hégémonique du terme, d'un point de

vue analytique; l'un et l'autre pointent vers une flexibilité conceptuelle et

contextuelle qui empêche un traitement systématique. Comme le déclare

Schillings, "(h)istoriquement, le terme peut désigner des corsaires voyous, des

mutins, des villageois indisciplinés, des clans côtiers prédateurs, des ports de

pirates stables, des États souverains (…) et de nombreuses autres entités.”

(2017, p.7) Il est impossible de proposer une définition du pirate. En

revanche, si au XVIIe siècle on explorait la relation entre la piraterie et

l'ennemi de l'humanité, à partir du XIXe siècle, cette dernière notion n'était

plus liée à la pratique de la piraterie. En effet, le concept de hostis humani generis

est devenu applicable à d'autres pratiques telles que la traite des esclaves et les

terroristes. Aux XXème et XXIème siècles, l'homogénéité hypothétique du

concept a été radicalement perdue, s'appliquant désormais à un large éventail

de phénomènes et de pratiques, “instinctivement" reconnaissables mais à peine

définis.

Dans l'article mentionné de Greene, l'auteur explore la comparaison

entre la figure du pirate et celle du terroriste au XXIe siècle, montrant qu'en

dépit de la différence de a priori historique, les deux partagent certaines

caractéristiques: le fait qu'ils agissent en dehors de l'autorité de l'État ou nation;

tous deux commettent des actes de violence en dehors du territoire; les actions

sont motivées par des intérêts privés; ces intérêts contredisent les intérêts

fondés sur les normes internationales; en général, les actes qu'ils ont commis

sont considérés comme "haineux", barbares ou inhumains4. Greene ne

contemple pas une autre hypothèse, a savoir, quand l' État même est considéré,

aperçu et reconnu comme pirate vis-a-vis la communauté internationale et le

droit des gens. En tout cas c’est principalement ce dernier aspect de la relation

4 Le pirate, le terroriste ou tout simplement celui qui incarne «l'ennemi de l'humanité» représente l'Autre et n'acquiert donc son sens que par rapport au point de départ duquel il est jugé. Schillings dit que «ces figures en tant que représentants d'une portée civilisée, d'une autre portée et d'une zone entre elles dérivent d'un modèle classique de civilisation qui est utilisé pour légitimer une grande partie de l'expansion impériale européenne» . (2017, p.14) Schillings déclare également que bien que nous trouvions des différences dans la caractérisation de l'Autre de l'Europe, l'élément commun peut être trouvé dans la croyance que l'Europe chrétienne représente la quintessence de la civilisation. Le concept de hostis humani generis part d'un modèle de civilisation essentiel (chrétien, européen).

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entre “haine”, barbarie, et inhumanité qui m'intéresse et c'est à travers lui que

l'on se rend compte que ceux qui commettent ces actes ne violent pas

seulement les règles locales/régionales, mais plutôt les règles ou lois postulées

comme "naturelles"; dans ce sens, les auteurs de crimes sont considérés

comme des ennemis de l'humanité. Comment s’établie-elle, cette relation entre

"nature", "humanité" et "loi"? Attribuer un sens à l'expression hostis humani

generis implique de retracer une constellation de concepts qui, à terme,

déterminera la légitimité des pratiques. Cependant, avant de commencer

l'analyse de cette constellation, il faut faire une observation à propos le rôle du

langage.

Il est clair que dans les deux cas - pirate et terroriste - le langage a des

conséquences analytiques, juridiques et politiques importantes. D'après une

lecture de Hobbes, pour qui le langage était essentiel non seulement pour

connaître (et établir la science) mais aussi pour comprendre la nature humaine

et tirer sa proposition politique, il est justifié de dire que l'expression "ennemie

de l'humanité" et l'expression "guerre contre le terrorisme" n'a aucun sens,

c’est-à-dire, sont des expressions absurdes.5 L'absurde, comme celui qui viole

les règles de la bonne pensée, ne peut générer que du chaos et de la désordre.

En effet, Hobbes dit que la langue a quatre utilisations spéciales:

[...] tout d'abord, enregistrer ce que nous pensions être la cause de quelque chose, présent ou passé, et ce que nous pensons que les choses présentes ou passées peuvent produire, ou provoquer, ce qui en somme acquiert des arts. Deuxièmement, montrer aux autres les connaissances que nous avons acquises, c'est-à-dire nous conseiller et nous enseigner mutuellement. Troisièmement, faire savoir aux autres nos souhaits et nos objectifs, afin que nous puissions obtenir leur aide. Quatrièmement, pour plaire et ravir, et pour les autres, jouer avec les mots, pour le plaisir et

l'ornement, d'une manière innocente. (1979, p.21)

À ces quatre usages positifs, Hobbes réplique à quatre abus:

Premièrement, lorsque les hommes enregistrent par erreur leurs pensées par l'inconstance du sens de leurs mots, avec lesquels ils enregistrent par leurs conceptions ce qu'ils n'ont jamais conçu, et ainsi ils se trompent. Deuxièmement, lorsqu'ils utilisent des mots de manière métaphorique, c'est-à-dire avec un sens différent de celui qui leur est attribué, ils trompent les autres. Troisièmement,

5 Hobbes dit: «Quand quelqu'un calcule sans utiliser de mots, que peut-on faire dans des cas particuliers ... précédé, c'est ce qu'on appelle l'erreur, à laquelle même les hommes les plus prudents sont soumis. Mais lorsque nous raisonnons avec des mots d'importance générale et arrivons à une inférence générale qui est fausse, même si elle est communément appelée erreur, c'est en fait un discours absurde ou dénué de sens. Car l'erreur n'est qu'une illusion ... Et les mots avec lesquels nous ne concevons que du son sont ceux que nous appelons absurdes, insignifiants et dénués de sens. » (T. Hobbes, Leviathan, São Paulo, Pensadores, 1979, p. 28)

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lorsqu'ils déclarent en paroles leur volonté d'être ce qu'elle n'est pas. Quatrièmement, quand ils les utilisent pour s'offenser, puisque puisque la nature a armé des êtres vivants, certains avec des dents, d'autres avec des cornes et d'autres avec des mains pour attaquer l'ennemi, ce n'est rien d'autre qu'un abus de langage l'offenser avec la langue, à moins que ce soit quelqu'un que nous soyons obligés de gouverner, mais alors ce n'est pas d'offenser, mais de corriger et de punir. (1979, p.21)

De toute évidence, le terme hostis humani generis est une extension

inappropriée d'un terme; c'est une métaphore qui, dans le contexte rhétorique

et politique, sert à tromper. Il ne s'agit pas de métaphore en tant que figure de

style utilisée pour donner du plaisir et avec une utilisation innocente, car ce

serait un exemple d'utilisation correcte; lorsque la métaphore se présente

comme une description du réel, c'est simultanément un mensonge intentionnel

qui cause du tort, car il favorise l'ignorance et la crédulité d'êtres humains peu

habitués à penser correctement, et donc sans moyen d'identifier les abus du

langage6. En effet, et c’est ce que j’essaye de expliciter, je pense que tout ce

moment historique a élevé la métaphore au status de réalité, en faisant la

subversion de tout les concepts traditionnels de nature, justice, ordre, autorité

politique, légitimité, etc.

Dans le contexte du XVIIe siècle, dans lequel Hobbes écrit également,

l'expression hostis humani generis était clairement une exagération rhétorique, une

"fiction juridique”, un "comme si", c’est-à-dire, en donnant un traitement plus

littéraire que littéral7. Cependant, alors que l'utilisation de fictions légales a servi

et sert toujours un objectif spécifique, à savoir celui de la métaphore

transitoire, c'est-à-dire assimiler le connu et l'inconnu et contraindre à affronter

6 Nous verrons plus tard comment Saint-Just en abusant du language crée l’espace pour la mutation conceptuelle où la fiction deviendra le fondement d’une nouvelle réalité juridique, emmené par le gouvernement révolutionnaire. 7 Dans un texte intitulé «Ennemi de toute l'humanité: les effets déshumanisants d'un concept dangereux» de Wilde, basé sur une critique du texte «L'ennemi de toute l'humanité» de David Luban, déclare qu'il en va de même à Cicéron. L'auteur dit «[...] lorsque Cicéron utilise le terme hostile pour définir les pirates, son choix de mot est« familier, pas technique »: le terme« hostile »peut se référer à des ennemis au sein ou en dehors de la loi et donc La désignation par Cicéron de pirates comme hôtes n'implique pas en soi qu'ils sont en dehors de la loi. » (De Wilde, Marc, « Enemy of All Humanity: The Dehumanizing Effects of a Dangerous Concept », Netherlands Journal of Legal Philosophy 2 (2018), p.162) Cependant, de Wilde montre que la lecture de Luban est erronée: les pirates sont différents des bandits ordinaires: ceux-ci violent l'autorité d'un territoire; les premiers violent toute autorité. C’est pourquoi Cícero les considère comme des «ennemis de tous», ou des «ennemis communs à tous», non seulement l’ennemi des États ou des autorités politiques mais aussi des personnes elles-mêmes, des êtres humains. De plus, dans un autre passage, Cicéron déclare clairement que les pirates sont des «ennemis communs de tous les peuples et nations». Voir Cícéron, Against Verres, II, 5.30.76

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de nouveaux conflits, l'expression hostis humani generis occupe une place

particulière. Comme le dit Sonja Schillings,

Legal fictions thus serve a pragmatic function: they allow a comparatively swift legal reaction to a historically specific crisis, and thus they reduce pressure on the law to improvise lasting solutions all too quickly. The breathing room secured by a legal fiction allows to remain coherent as law, since it enables a more careful institutional adaptation to change. (2017, p.3)

Contrairement à la fiction juridique courante, l'expression hostis humani

generis n'a jamais été utilisée avec l'intention préalable de conduire à la

redéfinition des lois. En effet, il représente l'exception, l'autre du droit, le

radicalement autre, celui qui est absolument en dehors de l'imaginaire collectif

juridique. Les individus qui entrent dans le champ de cette expression sont

nécessairement ennemis de la loi, représentant l'opposition et refusant

violemment tout dialogue ou soumission. Par conséquence, l'expression est si

forte - ces individus ne rejettent pas seulement la loi; ce faisant, et de la

manière dont ils le font (généralement en faisant appel à la violence), ils

rejettent la condition même de l'humanité; ils naturalisent la violence illégitime,

la violence qui détruit et qui est par nature injustifiable et injustifiée.

L'expression hostis humani generis nous permet de capter cet espace de suspension

de la loi; c'est comme un "trou noir", une zone inconnue. Une fois entré dans

cet espace, où toutes les lois et tous les préjugés sont suspendus et devenus

sans référence, tout est valable, y compris la violence qui serait autrement

condamnée par le bon sens et les traités et conventions internationaux. Ce qui

est frappant, c'est la soumission de l'auteur du crime à la juridiction universelle

- et quiconque juge, individuellement, juge universellement, au nom de

l’espèce.

Quels changements se sont produits dans le langage et le discours de

l'histoire de la philosophie politique aux XVIIe et XVIIIe siècles? Quelle

constellation conceptuelle a été proposée et assimilée, intériorisée, pour

réformer le a priori historique de l'époque? Comment cette constellation a-t-elle

été transformée jusqu'à l'époque de la Révolution française et du gouvernement

révolutionnaire?

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John Locke Et La Redéfinition De L’imaginaire Collectif Moderne

John Locke, dans le Traité du gouvernement civil de 1689, n'utilise pas

directement ce concept, mais l'idée sous-entend toute son exposition de l'état

de la nature. Dans le chapitre II intitulé «De l’état de la nature», Locke

commence par déclarer que c’est "un état dans lequel ils [les hommes] sont

absolument libres de décider de leurs actions, de disposer de leurs biens et de

leur peuple comme bon leur semble, dans les limites de la loi naturelle, sans

demander l'autorisation d'un autre homme ou en fonction de leur volonté”

(1999, II,4). Puis Locke dit que c'est

Un état d'égalité aussi, où la réciprocité détermine tout pouvoir et toute compétence, personne n'en ayant plus que les autres; évidemment, les êtres créés de la même espèce et de la même condition qui, depuis leur naissance, jouissent ensemble de tous les avantages communs de la nature et de l'usage des mêmes facultés, doivent encore être égaux entre eux, sans subordination ni sujétion […] (1999, II,4)

L'état de nature est un état de liberté et d'égalité, marqué par la

réciprocité entre les hommes. Chaque homme a la liberté absolue de disposer

de lui-même et l'égalité fait référence à l'identité des conditions - tous les

hommes vivent dans la nature, jouissent de leurs avantages et ont les mêmes

pouvoirs. De cette liberté et de cette égalité postulées comme originales, la

réciprocité qui établit les limites et la permissivité des actions entre les hommes

s'ensuit. C’est en ce sens que l’affirmation selon laquelle l’état de la nature "[est]

régi par un droit naturel qui est imposé à chacun, et en ce qui concerne la raison,

qui est ce droit, toute l'humanité apprend que, étant toutes égales et

indépendantes, personne ne devrait nuire à l'autre dans sa vie, sa santé, sa la

liberté ou ses biens […]" (1999, II,6)

À Locke, on observe l'association entre loi naturelle, raison, humanité

et morale. Le droit naturel, et donc l'invitation à reconnaître une condition

similaire d'égalité et de liberté, dit non seulement ce qu'il est, mais aussi ce qu'il

doit être, c'est-à-dire qu'il apporte avec soi une prescription en projetant un

sens au concept d'humanité. Dans la mesure où les devoirs (moraux) sont

reconnaissables par la raison (en tant que droit naturel), un concept de justice

en découle également. Quelle serait la justice dans l'état de la nature? Pour

Hobbes, le concept de justice ainsi que celui de morale n'ont aucun sens dans

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l'état de nature, car ils ne naissent que lorsqu'il existe un pouvoir commun

auquel tous les hommes se soumettent.8 Locke a une vision clairement

différente. Il y a de la justice dans la nature et cette justice coïncide avec la

préservation de soi, d'une part, et la perpétuation d'un état où la préservation

de soi, non seulement du sujet mais des autres, peut être garantie. Alors,

Chacun est "obligé non seulement de préserver sa propre vie" et de ne pas abandonner volontairement l'environnement dans lequel il vit, mais aussi "[...] de veiller à la conservation du reste de l'humanité", c'est-à-dire, sauf pour rendre justice à un délinquant, ne pas entraver ou affaiblir la vie d'une autre personne ou ce qui tend à la préserver, ni sa liberté, sa santé, son corps et ses biens. (1999, II, 6)

Lorsque la loi naturelle, qui ordonne la paix, est violée, «c'est à chacun,

dans cet état, d’assurer l'exécution de la loi de la nature, ce qui implique que

chacun a le droit de punir ceux qui la transgressent avec des peines suffisantes

pour punir les violations.» (1999, II, 7) Chacun a le droit de rétablir l'ordre,

dans la mesure où chacun a le pouvoir de le faire, car dans l'état de nature tout le

monde est égal et il n'y a pas de hiérarchie entre les hommes. Mais comment

juger et décider si la loi naturelle a effectivement été violée? Locke croit que

chaque homme peut prononcer un jugement selon sa conscience.

De toute évidence, le fait que la loi naturelle puisse être violée signifie

que tout le monde ne la suit pas, c'est-à-dire que l'ordre moral (reflété dans

l'engagement de chercher et maintenir la paix) n’est pas automatiquement

reconnaissable ou réalisable. Certains êtres humains rompent avec l'ordre

établi; au même temps, chacun est potentiellement juge de ses propres actions

et de celles des autres. Cette rupture est une rupture non seulement avec l'ordre

de la nature, mais avec l'ordre moral. Locke conçoit la convergence des deux

ordres à travers le concept d'humanité et de ses ennemis. L'auteur dit:

En transgressant la loi de la nature, le délinquant déclare qu'il vit sous une autre loi que celle de la raison commune et de l'équité, qui est la mesure que Dieu a déterminée pour les actions des hommes, pour leur sécurité mutuelle; et ainsi, devenant dangereux pour l'humanité, il s'est affaibli et a rompu le lien qui les protège du mal et de la violence. En cas de violation des droits de toutes sortes, de leur paix et de leur sécurité, garantis par la loi de la nature, tout homme peut revendiquer son droit de préserver l'humanité, en punissant ou, si nécessaire, en détruisant les choses qui ils sont nocifs; de cette manière, il peut réprimer quiconque a transgressé cette loi ... Tout

8 Première partie du Leviathan.

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homme a le droit de punir le transgresseur et d'être un exécuteur de la loi de la nature. (1999, II, 8, mes italiques)

Orienter votre vie selon la bonne raison est ce que la loi naturelle,

comme la nature, donne et comme droit, exige. Violer la loi de la nature signifie

désobéir à la raison et ainsi mettre les autres en danger. Cela signifie que la

rupture du droit naturel entraîne automatiquement l'asymétrie, la rupture de la

réciprocité et de l'égalité, et plus encore, la menace pour la liberté car il n'est

pas possible de garantir la reconnaissance des autres humains comme libres,

dignes et humains. Le prix à payer pour la désobéissance est l'expulsion de

l'humanité, comprise comme un groupe d'hommes dans la génération actuelle

et projetée dans les générations futures; d'autre part, l'expulsion d'une / de

certaines demandes des humains immobiles la restauration de l'équilibre et de

l'ordre naturel:

C'est pourquoi tout homme en état de nature a le pouvoir de tuer un meurtrier, à la fois pour empêcher les autres de faire les mêmes dommages, qu'aucune réparation ne peut compenser [...] mais aussi pour protéger les hommes des attaques d'un criminel qui, ayant renoncé à la raison, à la réglementation commune et comme Dieu a donné à l'humanité, par la violence injuste et le carnage qu'il a commis envers un autre homme, il a déclaré la guerre à toute la race humaine et c'est pourquoi il peut être détruit comme un lion ou un tigre, une de ces bêtes sauvages en compagnie desquelles l'homme ne peut ni vivre ni être en sécurité. (1999, II, 11, mes italiques)

Renoncer à la raison signifie renoncer à l'humanité et, par conséquent,

démissionner et / ou choisir l'animalité; une animalité féroce qui constitue un

danger pour la vie, et à ce titre justifie, par sa seule condition d'existence, sa

destruction. Ceux qui choisissent l’animalité

ils échappent aux liens de la loi commune de la raison, ils ne suivent aucune autre loi que celle de la force et de la violence, et ils peuvent donc être traités comme des animaux sauvages, des créatures dangereuses et nuisibles qui vous détruiront sûrement chaque fois qu'ils vous auront en leur pouvoir. (1999, III, 16)

Locke déclare en outre moment dans ce chapitre que les lois civiles

reflètent les lois naturelles, c'est-à-dire que les lois civiles sont la tentative

consciente d'interpréter et de mettre en œuvre les principes réglementaires de la

nature (1999, II, 12). L'état de nature de Locke, contrairement à Rousseau pour

qui c'était une hypothèse qui n'a peut-être jamais existé, est un état permanent

parmi les hommes qui existe jusqu'au moment où, de leur propre

consentement, ils décident et choisissent de former une communauté politique.

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Marta Nunes da Costa: Hostis humani generis: métamorphoses d’un concept jusqu’au contexte révolutionnaire

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(1999, II, 15) L'idée réglementaire de l'exposition lockéenne est celle de la

liberté, en interdépendance avec les concepts susmentionnés d'égalité et de

réciprocité. Une fois qu’une communauté politique est constituée, son objectif

doit être de positiver les lois naturelles afin de garantir les conditions de

possibilité de la liberté naturelle transmutée, c’est-à-dire de garantir la "non-

soumission à toute obligation autre que la loi de la nature.”(1999, II, 15)

J’ai mentionné Locke parce que je vois dans cet auteur l’effort

conscient de systématisation de relation et associations conceptuelles, à savoir

entre nature, morale, droit, humanité, ennemi et politique, associations qui

seront explorées directement dans le contexte pré-révolutionnaire et

révolutionnaire (notamment de la Révolution française) et dans le projet de

rétablissement de la République, où la nature, l'humanité et la Terreur se

constituent mutuellement. Ainsi, bien que chez Locke le concept de hostis

humani generis n'apparaisse pas comme tel, l'opposition entre humanité /

animalité et raison / violence apparaît clairement. L'universalisation de ce

discours converge avec l'explication théorique du fondement du pouvoir

politique interne, ce qui permet d'affirmer que Locke est, sans aucun doute,

l'auteur qui systématise le mieux la figure de l’ "ennemi", tout en développant

un discours qui prendra racine et constituera notre contemporanéité, à savoir le

discours des droits humains universels. Locke réussit à maintenir la

revendication de l'universalisation des droits via la nature humaine en tant

qu'humanité et, simultanément, à justifier l'exclusion d'une grande partie des

humains de l'humanité "universelle".9

C’est ce paradoxe que sera reproduit a partir Locke jusqu’aux

Révolutions du XVIIIème siècle, la Révolution Américaine et la Révolution

Française, et que ouvrira, à son tour, des dynamiques propres et des nouvelles

lutes d’émancipation.

Dans la section suivante, notre but sera de redessiner quelques

contours de la Révolution Française, pas dans un sens exhaustive, mais avec le

souci spéciale de comprendre comment l’idée de l’ennemi, en tant que l’autre

part de l’idée de l’humanité, a été fondamentale pour la définition du projet

républicain démocratique.

9 Voir Rech, Walter, Enemies of Mankind: Vattel’s Theory of Collective Security, Leiden-Boston: Martinus Nijhoff Publishers, 2013, p. 36

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Construisant la nouvelle république? Vertu et terreur en perspective

Dans les sections précédentes, j'ai montré comment le concept de hostis

humani generis jouait un rôle symbolique, dans la construction spécifiquement

moderne de l'imaginaire collectif occidental, mais aussi juridique et legal,

conduisant finalement à une distinction morale entre ceux qui ont l'humanité et

ceux qui n'en ont pas. Ce concept était particulièrement pertinent dans le

contexte de la Révolution Française, car, comme Edelstein l’ a souligné à juste

titre, il permettait de penser la loi naturelle dans son association avec le

républicanisme en termes complètement nouveaux. L'humanité serait

désormais associée à la nature de l'homme, à un droit naturel inaliénable, plus

précoce et plus fort que la raison elle-même. Dans cette section notre objective

est de caractériser le mouvement de création, transformation et subversion des

concepts (nature, république, droit, loi, humanité, ennemi) à partir l’analyse de

deux discours de Robespierre et Saint-Just. Ça me permettra de dessiner en

grandes lignes les limites de l’horizon républicain au moment du gouvernement

révolutionnaire.

Les contours de l’imaginaire républicain

Qu’est-ce-que ça veut dire “République” dans le contexte

révolutionnaire? Mazeau nos force a constater l’évidence que, sans avoir eu une

expérience réel et, conséquemment, une référence, les français de l’époque se

confrontaient avec la grande, presque impossible, tache de créer, (in)

consciemment toute une nouvelle identité, nationale mais aussi individuel et

collective, où le seul guide serait la refuse du status quo dominant. (2015, p.144)

Les influences philosophiques tels que Rousseau, Montesquieu ou Diderot,

servait a épanouir l’imaginaire collective sans pourtant être capable de le

matérialiser, car entre la théorie, les diagnostiques et les prognostiques des

philosophes il y avait un abime presque insurmontable, un abime constitué par

des corps, de la chair, des pensées et actions désorganisés, actives, réactives, qui

cherchaient par leur mouvement imprégner un sens au delà de la propre

matière. Alors, quels étaient les concepts fondamentaux de ce nouveau "plan

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Marta Nunes da Costa: Hostis humani generis: métamorphoses d’un concept jusqu’au contexte révolutionnaire

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d’immanence" que se dessinait au même temps qu’il se projetai dans le temps

et dans l’espace?

Dans son discours de 5 nivôse an II, 25 décembre 1793, Robespierre

afirme que le gouvernement révolutionnaire est nécessaire pour que la

révolution soit accomplie:

La théorie du gouvernement révolutionnaire est aussi neuve que la révolution qui l'a amené. Il ne faut pas la chercher dans les livres des écrivains politiques, qui n'ont point prévu cette révolution, ni dans les lois des tyrans, qui, contents d'abuser de leur puissance, s'occupent peu d'en rechercher la légitimité; aussi ce mot n'est-il pour l'aristocratie qu'un sujet de terreur ou un texte de calomnie; pour les tyrans, qu'un scandale; pour bien des gens, qu'une énigme; il faut l'expliquer à tous, pour rallier au moins les bons citoyens aux principes de l'intérêt public. (2009, p.88, mes italiques)

Robespierre est bien conscient que les événements révolutionnaires

font partie de ce que Arendt appelait la nouveauté, la naissance, l’imprévu,

caractéristique par excellence de l’action humaine. Aucune théorie a été

capable de prévoir ça - ça veut dire que, malgré les influences, les inspirations

des Philosophes, des juristes ou des hommes d’action, la constitution du

présent tel qu’il était, se traduit, pour celui qui était au centre de l’action, dans

l'impérative de donner un sens, de implanter une signification présente, pour ses

contemporains, mais aussi, qui serait capable de projeter une signification

future, historique. Quelle sera la catégorie qui permettra faire cette liaison entre

présent-futur et à partir laquelle sera possible constituer à nouveau le corps

politique républicain?

Robespierre nous dit que "la fonction du gouvernement est de diriger

les forces morales et physiques de la nation vers le but de son institution. Le but

du gouvernement constitutionnel est de conserver la République; celui du

gouvernement révolutionnaire est de la fonder.” (2009, p.88) C’est le moment

de constitution celui le plus dur et difficile. Rappelons Maquiavel qui, dans son

oeuvre magistrale Le Prince nous afirme que "Ceux qui, comme eux, et par les

mêmes moyens, deviendront princes, n’acquerront leur principauté qu’avec

beaucoup de difficultés, mais ils la maintiendront aisément. " (2007, chapitre 6)

Hannah Arendt, dans un esprit pareil nous dit que Maquiavel et

Robespierre partagent l’enorme similitude où " ils comprenaient l’acte de

Foundation a l’image du faire; la question pour eux était, littéralement, de “faire

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une Italie unifiée ou une république française…” (2016, p.184, ma traduction)

où la violence devient le moyen par excellence pour créer la nouvelle ordre.

Robespierre était au centre de ce mouvement; mais, c’est un

mouvement qui se define contre un horizon pré-établi spécifiquement

“politique” dans le sens où Carl Schmitt emploi ce terme, à savoir, qui se

construit a partir la distinction ami-ennemi: "la pensée politique et l'instinct

politique sont prouvés, en théorie et en pratique, dans la capacité de

différencier l'ami de l'ennemi. Les points culminants de la grande politique

sont, en même temps, les moments où l'ennemi est vu comme un ennemi avec

une clarté concrète”. (2015)

Robespierre est au centre de cet instant qui constitue les hauts points

de la “grande politique”. Il comprend qu’il faut penser et faire la révolution a

partir la définition de l’ennemi: " La révolution est la guerre de la liberté contre

ses ennemies; la constitution est le régime de la liberté victorieuse et paisible."

(2008. p.88)

La révolution est la guerre de la liberté contre ses ennemies. La guerre

s’afirme en tant que nécessité depuis que l’ennemi est devenu objectif. La

guerre de la liberté c’est la guerre contre le pouvoir tyrannique et arbitraire, non

seulement de l’Ancien Régime mais aussi des “factions”10. C’est ici que nous

trouvons l’écho du souci rousseaunian dans ce qui concerne la théorie et la

pratique de la volonté générale. Robespierre, qui dans plusieurs sens

reconstitue, en le transformant, la pensée de Rousseau, reproduit l’idée de que

la constitution de la République dépend de l’identification de l’ennemi - et ici,

l’ennemi c’est l’ennemi extérieur, c’est-a-dire, les États souverains qui contestent

et représentent un danger physique, existentiel, d’invasion et de mort, à l’Etat

français; et l’ennemi intérieur, qui nous force à discerner entre “nous”, ceux qui

sont pour et ceux qui sont contre la liberté; ceux qui sont pour la manutention

du status quo basé sur les pratiques d’oppression et ceux qui contestent le status

quo et qui cherchent a créer une nouvelle ordre, capable de respecter les “lois

naturelles”. La guerre, au nom de la quelle le gouvernement révolutionnaire

affirme son existence en tant que nécessaire, acquiert sa légitimité parce qu’elle

10 Arendt dit: « Quand Robespierre justifie la Terreur, “le despotisme de la liberté”contre la tyrannie, son discours apparait comme s’il répétait, presque mot a mot, la fameuse affirmation de Maquiavel sur la nécessité de la violence pour fonder les nouveaux États et pour reformer les (états) dégénérés. » (2016, p.184)

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s’appui dans cette catégorie spécifiquement politique: la catégorie d’ennemi, le

“nous" contre “eux”, le “nous” contre “les autres”.

Remarquons que cette distinction “ami/ennemi” n’est pas de la

rhétorique ni une figure de style comme Hobbes avait remarqué: "Le

gouvernement révolutionnaire doit aux bons citoyens toute la protection

nationale; il ne doit aux ennemis du peuple que la mort." (ROBESPIERRE,

2009, p.88, mes italiques) Schmitt nous elucide ici: "Une guerre a son sens en

étant menée non pas par des idéaux ou des normes juridiques, mais contre un

véritable ennemi." (2015, p.91, ma traduction)

Pour nous, nous ne ferons la guerre qu'aux Anglais, aux Prussiens, aux Autrichiens et à leurs complices. C'est en les exterminant que nous répondrons aux libelles: nous ne savons haïr que les ennemis de la patrie. Ce n'est point dans le coeur des patriotes ou des malheureux qu'il faut porter la terreur, c'est dans les repaires des brigands étrangers, où l'on partage les dépouilles et où l'on boit le sang du peuple français. (2009, p.93)

La patriotisme éclairera la justice achevée par les morts des ennemies

de la République11; en effet, le patriotisme est au centre de la vertu

républicaine, malgré les excès qui résultent des difficultés implicites dans le

jugement des cas particuliers.12

La politique extérieur ainsi que la politique intérieur se define par

rapport a cette référence concrete, qui accompli plusieurs buts: d’un côté, elle

permet définir et constituer les limites du politique; d’un autre côté, elle

deviendra le critère par rapport au quel les concepts non seulement politiques

mais aussi morales, culturelles et anthropologiques seront redefinis. Le

gouvernement révolutionnaire et la Terreur qu’il matérialise devient le moyen

nécessaire pour arriver au but - la constitution et matérialisation de la

11 "S'il fallait choisir entre un excès de ferveur patriotique et le néant de l'incivisme, ou le marasme du modérantisme, il n'y aurait pas à balancer. Un corps vigoureux, tourmenté par une surabondance de sève, laisse plus de ressources qu'un cadavre." (2009, p.90) 12 "Quel est le patriote, même éclairé, qui ne se soit jamais trompé? Eh! si l'on admet qu'il existe des modérés et des lâches de bonne foi, pourquoi n'existerait-il pas des patriotes de bonne foi, qu'un sentiment louable emporte quelquefois trop loin? Si donc on regardait comme criminels tous ceux qui, dans le mouvement révolutionnaire, auraient dépassé la ligne exacte tracée par la prudence, on envelopperait dans une proscription commune, avec les mauvais citoyens, tous les amis naturels de la liberté, vos propres amis, et tous les appuis de la République. Les émissaires adroits de la tyrannie, après les avoir trompés, deviendraient eux-mêmes leurs accusateurs, et peut-être leurs juges. Qui donc démêlera toutes ces nuances? Qui tracera la ligne de démarcation entre tous les excès contraires? L'amour de la patrie et de la vérité. Les rois et les fripons chercheront toujours à l'effacer; ils ne veulent point avoir affaire avec la raison ni avec la vérité. " (2009, p.90)

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République. Nous dit Robespierre dans le discours du 18 pluviôse, l’an 2e de la

République (5 février 1794): "Quel est le but où nous tendons? la jouissance

paisible de la liberté et de l'égalité; le règne de cette justice éternelle, dont les lois

ont été gravées, non sur le marbre et sur la pierre, mais dans les coeurs de tous

les hommes, même dans celui de l'esclave qui les oublie et du tyran qui les nie”

(2009, p.97, mes italiques).

L’écho de Rousseau est facilement identifiable: le projet de

transformation de la nature humaine, représenté par la révolution, apporte avec

soi la matérialisation de la justice éternelle a travers la reconnaissance des lois

naturelles. La radicalisation de l’égalité des citoyens permettra la réalisation de

la justice naturel où patriotisme et liberté se réunissent.

Nous voulons, en un mot, remplir les voeux de la nature, accomplir les destins de l'humanité, tenir les promesses de la philosophie, absoudre la providence du long règne du crime et de la tyrannie. Que la France, jadis illustre parmi les pays esclaves, éclipsant la gloire de tous les peuples libres qui ont existé, devienne le modèle des nations, l'effroi des oppresseurs, la consolation des opprimés, l'ornement de l'univers, et qu'en scellant notre ouvrage de notre sang, nous puissions voir au moins briller l'aurore de la félicité universelle... Voilà notre ambition, voilà notre but. (ROBESPIERRE, 2009, p.97)

La relation entre les voeux de la nature, vertu, republique, démocratie et

Terreur devienne de plus en plus claire.13 La Terreur est, en effet, la condition

nécessaire pour réaliser la liberté publique. Une fois traversé “les orages de la

révolution” les humains, maintenant compris en tant que “bons citoyens”

pourraient défruiter de la paix, de l’estime de leur co-citoyens et d’une

reconnaissance de pleine égalité en liberté.

En analysant la Terreur, c’est épisode unique et intimidateur de

l’histoire récente, non seulement de la France mais de l’Occident, nous serons

toujours suspendus entre le besoin normative de justification des actions, et,

d’une autre part, une approche realiste et même pragmatique qui prend en

considération le fait que l’urgence du présent, c’est a dire, les circonstances

exceptionnelles, exigent des mesures exceptionnelles. C’est exactement son

13 Robespierre proposera de suite une autre subversion conceptuelle qui constituera l’horizon symbolique jusqu’à nos jours: l'identification entre république et démocratie: "La démocratie est un état où le peuple souverain, guidé par des lois qui sont son ouvrage, fait par lui-même tout ce qu'il peut bien faire, et par des délégués tout ce qu'il ne peut faire lui-même. (…) Mais, pour fonder et pour consolider parmi nous la démocratie, pour arriver au règne paisible des lois constitutionnelles, il faut terminer la guerre de la liberté contre la tyrannie, et traverser heureusement les orages de la révolution: tel est le but du système révolutionnaire que vous avez régularisé." (2009, p.97)

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caracter d’exception qui, à mon avis, constitue la nature spécifiquement politique

du gouvernement révolutionnaire et qui, au même temps identifie ceux qui

sont les grands acteurs de cette trame: ceux qui, en se donnant le dernier droit

de déterminer les conditions de constitution du corps politique affirment le

droit souverain sur la vie de tous - la politique s’affirme d'abord comme bio-

politique, comme pouvoir absolu sur les corps. Ce droit se manifeste comme

pouvoir absolu de vie et mort - en définissant ceux qui sont les “bons

citoyens” et ceux qui sont l’ennemi, pas seulement de la République Française

en construction, mais de l’humanité elle-même14.

C’est aussi dans cet esprit que même avant le gouvernement

révolutionnaire nous identifions une intervention de Saint-Just, le 13 novembre

1792, où, en jugeant le roi, on assiste à la création de cette nouvelle catégorie

pénale: “l'ennemi de la nation”. Saint-Just nous dit

L'unique but du comité fut de vous persuader que le roi devait être jugé en simple citoyen; et moi, je dis que le roi doit être jugé en ennemi, que nous avons moins à le juger qu'à le combattre, et que, n'étant plus rien dans le contrat qui unit les Français, les formes de la procédure ne sont point dans la loi civile, mais dans la loi du droit des gens. (…) Les mêmes hommes qui vont juger Louis ont une République à fonder: ceux qui attachent quelque importance au juste châtiment d'un roi ne fonderont jamais une République15.

Le roi est l’ennemi qu’on doit combattre, annihiler. En s’appuyant sur la

tradition du contrat social, Saint-Just reproduit l’idée fondamentale du Contrat

Social de Rousseau en réclamant que si Louis n’était pas obligé par ce contrat, il

ne pourrait pas être jugé par les lois civiles, conséquemment le roi se met au

dehors du pacte, c’est a dire, au dehors du corps sociale et politique. Dans ce sens,

il ne peut pas être jugé par un tribunal; « on ne peut point juger un roi selon les

lois du pays, ou plutôt les lois de cité. Le rapporteur vous l'a bien dit; mais cette

idée est morte trop tôt dans son âme; il en a perdu le fruit . » Le roi doit être

jugé par le peuple, selon le “droit des gens”. Louis XVI représente l’autre,

l’ennemi, et il doit être jugé comme tel, un “ennemi étranger”.16 L’exécution du

14 Puisque Robespierre afirme aussi que la France deviendra le modèle des nations. (2009, p.97) 15 A. Saint-Just, « Discours sur le Jugement de Louis XVI, prononcé à la convention nationale le 13 novembre 1792 » mes italiques. 16 Voilà le déplacement de la logique absolutiste, enraciné dans la conception qui lie le droit divin et le droit positive, vers une nouvelle la logique, républicaine, qui a comme son postulat nécessaire la dichotomie ami/ennemi et qui, ensuite, se construit sur la référence des droits des gens, de l’égalité et de la liberté naturels. Bien sur, le problème, déjà annoncé par Rousseau, c’était : comment peut-on justifier l’autorité politique et qu’est-ce que peut la faire légitime? La

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roi, le 21 janvier 1793, devient le moment d’inauguration de ce nouveau espace

politique, même avant l'ordre du jour, au mois de septembre. Ce moment

représente la rébellion contre toute une tradition, c’est a dire, c’est un moment

symbolique de rupture entre la tradition occidentale basé sur l’autorité de

l’église, l’autorité de la monarchie et l’autorité de la tradition, et le “nouveau

monde” qui sera marqué par la redéfinition de la relation entre politique,

pouvoir et violence - ici, la figure de hostis humani generis joue un rôle

essentielle.17

Conclusion

Mon propos dans cet article était de fleurer les connections

conceptuelles qui ont permis de justifier les événements et pratiques

révolutionnaires. La justification, et même la légitimité des actions, doit se faire

ayant comme horizon la reconnaissance antérieur, primordiale, de la

determination de l’espace politique qui se define d’abord a partir la distinction

ami/ennemi. Le regard de Carl Schmitt devient, à mon avis, impérative, car il a

bien compris que le mouvement de constitution de cet espace implique

nécessairement la reconnaissance de que la dichotomie est insurmontable -

entre “nous" et “eux" il y a un abîme - un abîme de guerre - a partir le quel tout

le sens existentiel et même historique et philosophique sera construit.

dissociation entre justification et légitimité permet de contester l’hiérarchie et le status quo. Le roi est un rebelle et un usurpateur, parce qu’il viole le droit naturel! Le peuple a le droit (et le devoir) de le punir en faisant de lui un exemple. L’extra-ordinaire se justifie et se légitime dans la mesure ou il est nécessaire pour établir l’équilibre naturel. 17 Arendt nous alerte pour cette mutation qui sera approfondi dans le discours de Marx où la violence devient la “sage femme de l'histoire”. Elle dit: “La violence étant la sage-femme de l’histoire signifie que les forces cachées du développement de la productivité humaine, dans la mesure où elles dépendent d’une action humaine libre et consciente, ne se font jour que par les guerres et révolutions. Ce n’est que dans ces périodes violentes que l’histoire montre son visage authentique et dissipe le brouillard d’une simple conversation idéologique et hypocrite.” (2016, p.49) Je ne rentrerai pas dans les détails historiques de la Terreur, avant, pendant et après son “temps" objectif. Acceptons que la Terreur en tant que période spécifique a son début le 5 septembre 1793 avec la mise en ordre du jour, et l’instauration du gouvernement révolutionnaire le 10 octobre 1793. Voir A. Simonin, Le déshonneur dans la république, une histoire d l’indignité 1791-1958, Paris, Grasset, 2008, chapitre 4.

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