hydrocéphalie chronique de l’adulte : plus le diagnostic est précoce, plus le traitement...

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© Masson, Paris, 2005 Neurochirurgie, 2005, 51, n° 1, 43-44 Dossier HYDROCÉPHALIE CHRONIQUE DE L’ADULTE : PLUS LE DIAGNOSTIC EST PRÉCOCE, PLUS LE TRAITEMENT CHIRURGICAL SERA EFFICACE H. BLAIN Service de Gérontologie Clinique, Centre de Prévention et de Traitement des Maladies du Vieillissement Antonin-Balmes, CHU, 39, avenue Charles-Flahault, 34295 Montpellier Cedex 5. L’HCA de l’adulte, ou hydrocéphalie chroni- que de l’adulte, se définit classiquement par trois symptômes : une démence, des troubles de la mar- che, et une incontinence urinaire. Cependant, les troubles de la marche sont le plus souvent les premiers symptômes de l’HCA qui n’entraîne une véritable démence et une incontinence totale que dans un deuxième temps. À ces stades tardifs, la dérivation chirurgicale du liquide céphalo-rachidien ne donne le plus souvent pas de bons résultats sur les troubles cognitifs et l’incontinence. C’est pour- quoi aujourd’hui les spécialistes ne qualifient plus l’HCA de seule démence curable mais plutôt de « troubles de la marche curables ». Ainsi, plus le diagnostic de l’HCA est porté tôt, avant que la démence ne s’installe et quand le patient est encore en bon état général, plus la dérivation du LCR aura de chance d’être efficace sur les troubles de la marche, les troubles urinaires souvent modérés et pourra prévenir l’apparition de la démence. En contact direct et fréquent avec ses patients, le médecin généraliste tient un rôle important dans l’évocation du diagnostic, tout comme les autres médecins prenant en charge des personnes âgées. Des symptômes apparemment bénins comme une instabilité à la marche ou des chutes, des troubles frustes de la marche alors que les fonctions cogni- tives sont encore peu touchées doivent faire évo- quer le diagnostic d’HCA. LES TROUBLES DE LA MARCHE Les troubles de la marche sont souvent inaugu- raux, relativement constants, et au premier plan. Le médecin devrait être alerté par : des difficultés à la station debout, — une instabilité posturale avec une marche précautionneuse, une tendance à la rétropulsion, un ralentissement moteur global. Le patient a des sortes d’oscillations qui lui permettent de régler sa marche. Elle se fait à petits pas, le plus souvent en prenant appui sur les murs et les meubles. Les pas sont plus courts, la base de sustentation s’élargit, les pieds décollent difficilement du sol et la marche prend un aspect traînant. Cette marche ne ressemble à aucune autre, qu’elle soit spastique, cérébelleuse ou ataxique. Elle peut cependant revêtir parfois un aspect parkinsonien. Le malade présente également : des difficultés à se lever d’une chaise, à monter des escaliers, ou à passer des obstacles. LES CHUTES À RÉPÉTITION Toutes ces difficultés motrices peuvent en- traîner des chutes à répétition que l’entourage ne s’explique pas bien : ces chutes doivent faire évoquer le diagnostic d’HCA. S’il est bien vrai que beaucoup d’encre a coulé sur les étiologies des chutes du sujet âgé, si elles sont associées à d’autres éléments de la triade clinique, en particulier à des troubles urinaires, il faut penser à l’HCA. Tirés à part : H. BLAIN, à l’adresse ci-dessus. e-mail : [email protected]

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© Masson, Paris, 2005 Neurochirurgie, 2005, 51, n° 1, 43-44

Dossier

HYDROCÉPHALIE CHRONIQUE DE L’ADULTE :PLUS LE DIAGNOSTIC EST PRÉCOCE, PLUS LE TRAITEMENT CHIRURGICAL

SERA EFFICACE

H. BLAIN

Service de Gérontologie Clinique, Centre de Prévention et de Traitement des Maladies du Vieillissement Antonin-Balmes,

CHU, 39, avenue Charles-Flahault, 34295 Montpellier Cedex 5.

L’HCA de l’adulte, ou hydrocéphalie chroni-que de l’adulte, se définit classiquement par troissymptômes : une démence, des troubles de la mar-che, et une incontinence urinaire. Cependant, lestroubles de la marche sont le plus souvent lespremiers symptômes de l’HCA qui n’entraîne unevéritable démence et une incontinence totale quedans un deuxième temps. À ces stades tardifs, ladérivation chirurgicale du liquide céphalo-rachidienne donne le plus souvent pas de bons résultats surles troubles cognitifs et l’incontinence. C’est pour-quoi aujourd’hui les spécialistes ne qualifient plusl’HCA de seule démence curable mais plutôt de« troubles de la marche curables ».

Ainsi, plus le diagnostic de l’HCA est porté tôt,avant que la démence ne s’installe et quand lepatient est encore en bon état général, plus ladérivation du LCR aura de chance d’être efficacesur les troubles de la marche, les troubles urinairessouvent modérés et pourra prévenir l’apparition dela démence.

En contact direct et fréquent avec ses patients,le médecin généraliste tient un rôle important dansl’évocation du diagnostic, tout comme les autresmédecins prenant en charge des personnes âgées.Des symptômes apparemment bénins comme uneinstabilité à la marche ou des chutes, des troublesfrustes de la marche alors que les fonctions cogni-tives sont encore peu touchées doivent faire évo-quer le diagnostic d’HCA.

LES TROUBLES DE LA MARCHE

Les troubles de la marche sont souvent inaugu-raux, relativement constants, et au premier plan.

Le médecin devrait être alerté par :— des difficultés à la station debout,— une instabilité posturale avec une marche

précautionneuse,— une tendance à la rétropulsion,— un ralentissement moteur global.Le patient a des sortes d’oscillations qui lui

permettent de régler sa marche. Elle se fait àpetits pas, le plus souvent en prenant appui sur lesmurs et les meubles. Les pas sont plus courts, labase de sustentation s’élargit, les pieds décollentdifficilement du sol et la marche prend un aspecttraînant.

Cette marche ne ressemble à aucune autre,qu’elle soit spastique, cérébelleuse ou ataxique.Elle peut cependant revêtir parfois un aspectparkinsonien.

Le malade présente également :— des difficultés à se lever d’une chaise,— à monter des escaliers,— ou à passer des obstacles.

LES CHUTES À RÉPÉTITION

Toutes ces difficultés motrices peuvent en-traîner des chutes à répétition que l’entourage nes’explique pas bien : ces chutes doivent faire évoquerle diagnostic d’HCA.

S’il est bien vrai que beaucoup d’encre a coulésur les étiologies des chutes du sujet âgé, si ellessont associées à d’autres éléments de la triadeclinique, en particulier à des troubles urinaires, ilfaut penser à l’HCA.

Tirés à part : H. BLAIN, à l’adresse ci-dessus. e-mail : [email protected]

44 H. BLAIN Neurochirurgie

L’IMPÉRIOSITÉPLUS QUE L’INCONTINENCE

Dans la triade classique de l’HCA, les troublesurinaires, en particulier l’incontinence, survien-nent relativement tard. Mais avant que l’inconti-nence ne s’installe, de petits symptômes discrets,trop souvent sous-estimés, devraient alerter. Ils’agit de pollakiurie nocturne, d’impériosité mic-tionnelle (les patients ont des difficultés à seretenir), qui sont prises à tort chez les hommespour un problème de prostate, et chez les femmespour une vessie instable ou encore des cystites àrépétition, pathologies très fréquentes dans cestranches d’âge.

L’incontinence proprement dite n’apparaît queplus tard.

La pose de valve à ce stade est très efficace surces troubles urinaires.

LES TROUBLES COGNITIFS

S’il est classique de dire que l’HCA se mani-feste au niveau cognitif par des signes très prochesde ceux de la maladie d’Alzheimer, les résultatsdes tests sont, dans les premiers temps d’une HCA,complètement différents d’une maladie d’Alzheimerpeu évoluée.

À son début, la maladie d’Alzheimer se caracté-rise par des troubles de la mémoire avec difficultésd’encodage de l’information, puis apparaissentdans un second temps des troubles du jugement etde l’orientation, et des perturbations phasiques etpraxiques.

Le patient atteint d’HCA, quant à lui, présenteau début peu de troubles de la mémoire ; mais ilest très ralenti, avec une symptomatologie de typefrontal : il a du mal à initier les choses, est démo-tivé, plus rien ne l’intéresse ; quand on lui posedes questions, ses réponses sont laborieuses. Dansun deuxième temps, apparaissent des troubles dujugement, voire de la mémoire.

À son début, le tableau de l’HCA est doncdifférent de celui de la maladie d’Alzheimer.

En revanche, une fois installée, la symptomato-logie de l’HCA avec aphasie et abasie ressemble àcelle d’une maladie d’Alzheimer ou encore à celled’une encéphalopathie vasculaire.

ANTICIPER LE DIAGNOSTIC ET ADRESSER AU SPÉCIALISTE

Il faut donc porter un autre regard sur l’HCAet ne pas attendre l’apparition de la triade clas-sique.

Aujourd’hui, cette affection est encore trop tardi-vement diagnostiquée.

Installée, la démence s’accompagne souventd’altération importante de l’état général, un stadeoù la dérivation chirurgicale du LCR n’est plusefficace sur les fonctions cognitives.

Les médecins, en particulier les médecins pre-nant en charge des personnes âgées, doivent êtrealertés par les symptômes classiques dans leurforme débutante, et adresser le patient à uneconsultation spécialisée, gériatrique, neurologiqueou neurochirurgicale.

Toute une batterie de tests cliniques (examengénéral et en particulier neurologique, évaluationneuropsychologique, tests évaluant l’équilibre stati-que et dynamique) et paracliniques tels que le scan-ner cérébral (montrant une dilatation ventriculairenécessaire au diagnostic) et, éventuellement, unescintigraphie, voire un PET-scan cérébral, avant etaprès une ponction lombaire de 50 cc, sera alorsmise en route pour étayer le diagnostic.

L’intérêt d’autres méthodes plus invasives(monitoring de la pression intra-crânienne, me-sure de la résistance à l’écoulement du LCR…)est discuté.

Ces tests font aujourd’hui l’objet de trèsnombreuses publications afin de standardiserleur place respective dans le diagnostic de cettemaladie.

C’est dans ces conditions de diagnostic deprésomption précoce, étayé d’arguments cliniques(présence de troubles de la marche et de symptô-mes urinaires modérés, dominant les troublescognitifs peu évolués s’améliorant après ponctionlombaire) et paracliniques évocateurs (scanner,scintigraphie modifiée par la ponction lombaire)que la dérivation apportera les meilleurs résultats.

Plus le délai est court entre le diagnostic d’hy-drocéphalie chronique de l’adulte et l’interventionchirurgicale, plus grandes sont les chances de réus-site thérapeutique.