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Infections du site opératoire : Une prévention multidisciplinaire Le rôle de lanesthésiste N. Rey, T. Clavier, B. Veber DAR, CHU Charles Nicolle, Rouen

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Infections du site opératoire : Une prévention multidisciplinaire

Le rôle de l anesthésiste N. Rey, T. Clavier, B. Veber DAR, CHU Charles Nicolle,

Rouen

Incidence des infections SO Enquêtes de prévalence 2001-2006

0%

5%

10%

15%

20%

25%

30%

35%

40%

45%

Urinaire

Pulm

onaire

Site

opéra

toire

Bact

ériém

ies

Peau-tis

sus

mous

Cath

éte

rsbro

nch

ique

OR

L s

tom

ato

Dig

est

if

Autres

ENP 2001

ENP 2006

Site

opéra

toire

Bact

ériém

ies

Incidence des ISO

INCISO 2009, CCLIN Paris-Nord N=59826 patients opérés

Bactéries responsables des ISO

INCISO 2009, CCLIN Paris-Nord N=59826 patients opérés

Antibioprophylaxie chirurgicale Données générales

•  Réduire la fréquence de survenue des infections du site opératoire en s'opposant à la prolifération bactérienne

•  Antibioprophylaxie représente 30 à 50% de ces prescriptions –  30 à 40 % des patients hospitalisés reçoivent des antibiotiques

•  20 à 50 % des prescriptions sont inappropriées et jusqu'à 90 % pour l‘antibioprophylaxie

Efficacité prouvée

Type de chirurgie Auteurs Journal Année RR IC 95%

Implantation de pace Maker Da Costa Circulation 1998 0,256 0,1- 0,65

Chirurgie biliaire Meijer Br J Surg 1990 0,3 0,23-0,38

IVG Sawaya Obstet Gynecol 1996 0,58 0,47-0,71

Césarienne Smaill Cochrane 2000 0,24 0,11-0,48

Fractures fermées Gillepsie Cochrane 2001 0,4 0,24-0,67

Lithotripsie Pearle Urology 1997 0,45 0,22-0,93

Dérivation LCR Langley Clin Infect Dis 1993 0,5 0,37-0,73

Méta-analyses

Côlon: 109-1011 ufc/gr

Anaérobies /Aérobies

1000 / 1

Bacteroides

Clostridium

Streptocoques

Entérobactéries

Cocci

Critères de choix d’une molécule Critères microbiologiques +++

Pour quelles chirurgies ?

•  Chirurgies associées à un taux spontané d'ISO > 5% => Chirurgie propre-contaminée

- Classe II de la classification d'Altemeier

•  Chirurgies associées à des ISO rares mais grevées d'une morbidité élevée

=> Chirurgie propre

- Neuro-chir, implantation de prothèses vx ou articulaires, ophtalmo, …

- Classe I de la classification d'Althemeier

•  Chirurgies de classe III et IV relèvent de l'antibiothérapie curative

Classen, N. Engl. J. Med. 1992, 326: 281-285 The timing of prophylactic administration of antibiotics and the risk of

surgical-wound infection.

Antibioprophylaxie : Quand?

•! 3836 patients nécessitant une antibioprophylaxie pour chirurgie: –! proportion d infections du site opératoire ajustée sur tous les

facteurs confondants en analyse multivariée

Weber, Ann Surg 2008

OR=1,95 IC95% [1,4-2,8]

OR=1,74 IC95% [1,04-2,93]

Antibioprophylaxie: quelle dose?

• Posologie initiale élevée, voie IV

•! Réinjection toutes les 2 demi-vies

•! Maintien de concentrations tissulaires efficaces jusqu'à la fermeture : 134 patients randomisés

Zelenitsky, Antimicrob Agents Chemother 2002

relation démontrée entre une concentration efficace à la fermeture et la réduction des ISO

Antibioprophylaxie : Combien de temps?

• Efficacité de la dose unique démontrée •! Chirurgie digestive

(Dipiro, Am J Surg 1986, Song, BJS, 1998)

•! Chirurgie orthopédique

•! Chirurgie thoracique

•! Durée limitée, jamais supérieure à 48 heures

•! Pas de prolongation pour drainage

Impact écologique de la durée

Habarth, Circulation 2000

Antibioprophylaxie en orthopédie

•! La fréquence de l infection postopératoire en chirurgie prothétique articulaire sans antibioprophylaxie est de 3 à 5%. L’antibioprophylaxie permet de réduire ce taux à moins de 1%.

•! L intérêt de l’antibioprophylaxie locale par ciment imprégné d’antibiotique n’est pas établi.

•! Les reprises opératoires précoces pour un motif chirurgical non infectieux (hématome, luxation…) nécessitent une ABP différente de l ABP initiale. –! La vancomycine est recommandée dans cette indication. –! Il peut-être nécessaire de tenir compte des conditions écologiques propres au service

ce qui peut conduire à l’adjonction d’une molécule antibiotique active sur les Bacilles à Gram négatif hospitaliers.

•! A l inverse, les reprises tardives (dans un délai d’un an après la chirurgie) pour des causes mécaniques chez un patient ambulatoire ne nécessitent pas de modification de l’ABP initiale.

Antibioprophylaxie en ophtalmologie •  Le risque infectieux majeur de la chirurgie de l'œil: l'endophtalmie

•  Pour la chirurgie de la cataracte, le risque d’endophtalmie postopératoire, en l’absence d’antibioprophylaxie, est de 2 à 3/1000.

•  Pour la chirurgie à globe ouvert, une antibioprophylaxie est recommandée en présence des facteurs de risque suivants : –  pour tous les patients : diabète, implantation d’un dispositif autre que celui de la

cataracte. –  pour la chirurgie de la cataracte : extraction intra-capsulaire, implantation

secondaire –  cas particuliers : antécédent d’endophtalmie, patient monophtalme

•  L'antibioprophylaxie topique préopératoire, sous forme de collyre (y compris avec des fluoroquinolones) n’est pas recommandée

•  L’antibioprophylaxie par voie sous-conjonctivale ou dans le liquide d’irrigation n’est pas recommandée

Antibioprophylaxie en chirurgie cardiaque

•  La chirurgie cardiaque est une chirurgie propre (classe 1 d'Altemeier). La circulation extracorporelle, la durée de l'intervention et la complexité des procédures sont susceptibles d'augmenter le risque infectieux. L'utilité de l'antibioprophylaxie a été clairement démontrée.

•  Sa prolongation au-delà de la période opératoire n’a aucune utilité.

•  L’utilisation de compresses résorbables imprégnées d’antibiotiques ou toute autre méthode sur les berges sternales n’a pas prouvé son efficacité.

•  Bactéries cibles : S. aureus , S. epidermidis , Bacilles à Gram négatif.

Antibioprophylaxie en chirurgie thoracique

•  La chirurgie thoracique non cardiaque peut être: –  une chirurgie propre (classe 1 d'Altemeier) (chirurgie

médiastinale, vidéo-thoracoscopie) ou –  une chirurgie propre contaminée (classe 2) en cas

d'ouverture des bronches ou de la trachée. –  Malgré la complexité des situations, l'utilité d'une ABP

n'est plus contestée aujourd'hui comme l'ont montré nombre d'études scientifiques validées.

•  Bactéries cibles: Staphyloccoques, S. pneumoniae, H. inflenzae, bactéries à Gram négatif

Quid de l obèse?

•! Chez l obèse (index de masse corporelle > 35), même en dehors de la chirurgie bariatrique, les doses doivent être le double de celles préconisées pour les patients non obèses.

Révision du consensus, SFAR 2010

Antibioprophylaxie en chirurgie bariatrique

•  L’obésité morbide (IMC > 35 kg/m2) représente un facteur de risque d’infection du site opératoire.

•  Une antibioprophylaxie apparait justifiée qu’il y ait ou non ouverture du tube digestif et quelque soit la voie d’abord. Il en est de même en ce qui concerne les chirurgies de réduction du tablier abdominal

•  Il apparait logique et justifié de pratiquer une posologie renforcée

•  Bactéries cibles : Staphylocoques, streptocoques, bactéries à Gram négatif aérobies et anaérobies.

Antibioprophylaxie en chirurgie urologique

•  La chirurgie urologique se pratique soit –  de nécessité sur des urines infectées justifiant une atb curative –  soit sur des urines dont la stérilité est confirmée par la

réalisation d'un ECBU

•  Les fluoroquinolones n’ont pas de place pour l’ABP en chirurgie urologique (à l’exception de la biopsie de la prostate)

•  Bactéries cibles : entérobactéries (Escherichia coli, Klebsiella, Proteus mirabilis...), Enterococcus, staphylocoques (S. epidermidis surtout)

Antibioprophlylaxie en radiologie interventionnelle

•  La prescription d’une ABP est assez fréquente lors de la réalisation d’un acte de radiologie interventionnelle.

•  Cependant, le niveau de preuve scientifique est en général très bas voire nul.

•  Si pour un individu donné la prescription d’une ABP peut être bénéfique, pour le plus grand nombre le risque de ce type de pratique est de favoriser l’apparition de résistance.

Transmission of Hepatitis C Virus from a patient to an Anesthesiology Assistant to

five Patients Ross RS, N Engl J Med, 2000

•! L hygiène pour la pratique de l anesthésie est un problème toujours d actualité

•! Responsabilité du médecin anesthésite: –!vis à vis du patient –!vis à vis du personnel médical et paramédical

Surveillance des infections nosocomiales liées à l anesthésie. Etude multicentrique.

Hajjar J, Girard R Ann Fr Anesth Réanim 2000 ; 1 : 47-53

•! Etude multicentrique française –!portant sur 7300 anesthésies –!évalue l incidence des infections nosocomiales à

3,4 pour mille patients anesthésiés

Transmissions nosocomiales de l hépatite C de patient à patient, liées à l anesthésie générale

dans l inter-région Nord Ouest en 2001-2002 Carbonne A. AFAR 23:550-553, 2004

•! 18 contaminations nosocomiales par le VHC –!9 contaminations directement rapportées à la

pratique de l anesthésie générale –!Défauts de pratique :

•! 1 pratique déclarée de partage de flacon de Fentanyl. •! 1 partage de seringues probable •! Les précautions « standard » non appliquées (dans tous

les cas) •! Utilisation de cathéters courts sans tubulures (dans tous

les cas)

Enquête hygiène en anesthésie

Partenariat CCLIN Nord – SFAR – SFHH Carbonne A, AFAR 2006

B. Veber, CHU Rouen, SFAR B Branger, CHU Ouest

A. Carbonne, CCLIN Nord B. Pottecher, CHU de Strasbourg

J. Hajjar, CH de Valence, SFHH A. Liénard, Hôpital St Antoine, SFAR

B. Grandbastien, CHU Lille, CCLIN Nord M. Aggoune , CCLIN Nord

P. Parneix, CCLIN Sud-Ouest S. Maugat, CCLIN Nord

A. Chalfine, Hopital St Joseph D. Zaro-goni, CCLIN Sud-Ouest

C. Auboyer, CH St Etienne, SFAR K. Blanckaert CCLIN Nord

J.C. Séguier, CHI Poissy St Germain J. Marty, président de la SFAR

Moment de l hygiène des mains

N Toujours Fréquemment Rarement Jamais

Avant un nouveau patient Total 1329 52% 39% 9% -

Anesthésistes 957 45% 44% 11% -

IADE 321 69% 28% 2% 1%

Après contact avec un liquide biologique ou du sang Total 1331 96% 3% 1% -

Anesthésistes 958 96% 3% 1% -

IADE 322 96% 3% 1% -

Après le retrait des gants Total 1322 31% 38% 25% 5%

Anesthésistes 952 33% 34% 26% 6%

IADE 319 21% 51% 24% 4%

P <0,0001

Voies veineuses périphériques

N Toujours Fréquemment Rarement Jamais

Hygiène des mains avant le geste

Total 1318 59% 33% 7% 0% Anesthésistes 964 55% 35% 9% 0% IADE 325 69% 28% 3% 1%

Gants non stériles à usage unique ! Total 1312 23% 23% 40% 13% ! Anesthésistes 964 19% 24% 43% 15% ! IADE 325 33% 23% 35% 9% !

Kt Central

N Toujours Fréquemment Rarement Jamais

Port d'un masque

Total 1157 99% 1% - - Anesthésistes 945 99% 1% - - IADE 176 96% 3% 1% -

Utilisation d'un champ stérile large

Total 1139 99% 1% - - Anesthésistes 943 99% 1% - - IADE 158 99% 1% - -

Désinfection chirurgicale des mains avant le geste

Total 1107 97% 2% 1% - Anesthésistes 944 97% 2% 1% - IADE 127 95% 4% 1% -

Et ailleurs ? (Hygiène des mains)

•! Pittet D. Hand hygiene among physicians : performance, beliefs, and perceptions. Ann Intern Med 2004; 141: 1-8. –! Médecins anesthésistes de Genève ont un taux

de compliance à l'hygiène des mains de seulement 23%

•! Levy N. Hand Washing. Anaesthesia 2004; 59-411

–! La compliance à l'hygiène des mains n'est observée entre deux patients que dans 39% des cas en Angleterre

HYGIENE DES MAINS ET INFECTIONS NOSOCOMIALES

Etudes séquentielles d’amélioration du lavage des mains Auteur Année Lieu Résultats

-  Semmelweis 1847 Maternité Réduction du taux de fièvre puerpérale

-  Casewell 1977 Réa Réduction du taux d’IN à Klebsielle -  Maki 1982 Réa Réduction du taux d’IN -  Massanari 1984 Réa Réduction du taux d’IN -  Conly 1989 Réa Réduction du taux d’IN -  Simmons 1990 Réa Pas d’effet -  Doebelling 1992 Réa Réduction du taux d’IN selon la

méthode -  Webster 1994 Réa néo-nat. Élimination du SARM -  Zafar 1995 Néo-nat. Élimination du SARM -  Pittet 2000 Hop. Entier Réduction du taux d’IN et de SARM

Modifié d’après Larson, Clin Infect Dis 1999

Formation en hygiène au cours des 3 dernières années

Formation en hygiène hospitalière au cours des 3 dernières années

0%

10%

20%30%

40%

50%

60%70%

80%

90%

Total (1299) MA (941) IADE (311)

Pour

cent

age

OuiNon

Nutrition périopératoire

•  La dénutrition est un facteur de risque de complications postopératoires notamment infectieuses

•  Farreras et al. Effect of early postoperative enteral immunonutrition on wound healing in patients undergoing surgery for gastric cancer. Clin Nutr 2005;24(1):55–65

•  Weimann et al. ESPEN Guidelines on Enteral Nutrition: Surgery including Organ Transplantation. Clinical Nutrition 2006;25,224–244

Normothermie peroperatoire

•! L'hypothermie peropératoire induit un risque de complications infectieuses

•! Kurtz et al. : –! Différence significative du taux

des ISO (19% vs 6%) –! Après résection colo-rectale entre

le groupe des patients maintenus •! Normothermie •! Hypothermie fut tolérée (T

°moyenne = 34,7°)

Kurz et al. Perioperative normothermia to reduce the incidence of surgical-wound infection and shorten hospitalization : Study of wound infection and temperature group. N Engl J Med. 1996;334(19):

1209-15

Normoglycémie •  Plusieurs travaux mettent en

évidence la relation entre hyperglycémie et incidence des complications infectieuses chez les patients hospitalisés en réanimation chirurgicale

•  Van den Berghe et al. Intensive insulin therapy in the critically ill p a t i e n t s . N E n g l J M e d 2001;345(19):1359-67

•  Société française d’anesthésie et de réanimation (Sfar), Société de réanimation de langue f r a n ç a i s e ( S R L F ) . Recommandations formalisées d’experts. Contrôle de la glycémie en réanimation et en anesthésie. Ann Fr Anesth Reanim 2009;28:410–5

Normoglycémie AK Lipshutz et al. Perioperative glycemic control: an

evidence-based review. Anesthesiology 2009;110(2):408-21

•  Revue récente de la l i t térature plaide clairement en faveur d ' u n e s t r a t é g i e v i s a n t à é v i t e r l'hyperglycémie péri-opératoire

Apport de FiO2 élevée pour la prévention des ISO

•! Plusieurs études sur ce sujet –! Résultats divergents

•! Essai randomisé multicentrique avec 1400 patients bénéficiant d'une laparotomie

•! Pas mis en évidence de différence significative - qu'il s'agisse de l'incidence des ISO (19,1% pour FiO2=80%

vs 20,1% pour FiO2=30%) - ou de celles des complications respiratoires postopératoires

Meyhoff et al. Effect of High Perioperative Oxygen Fraction on Surgical Site Infection and Pulmonary Complications After Abdominal Surgery. JAMA 2009;302(14):1543-50

Anesthésie Locorégionale Infections et cathéter périnerveux

•  L'incidence de l'infection nosocomiale secondaire à une anesthésie locorégionale n'est pas précisément connue

•  Etude multicentrique, 2285 patients bénéficiant d’une

analgésie périneurale continue –  3,2 % d’infections avec dans 1/3 des cas la nécessité

d’avoir recours à un drainage chirurgical

Neuburger et al. Inflammation and infection complications of 2285 perineural catheters: a prospective study. Acta Anesthesiologica Scandinavica 2007;51(1):108-14

Instillation d’anesthésique local de la plaie opératoire

•  L’instillation pré-péritonéale continue d’AL

•  Une méta analyse •  publiée en 2006 portant sur 44 études comportant 2141 patients •  ne retrouve pas d’argument en faveur d’une incidence supérieure du

taux d'ISO chez les patients bénéficiant de cette technique analgésique •  ISO :

•  0,7% groupes avec Kt et AL •  versus 1,2% groupes avec Kt et placebo ou sans Kt

•  Mais conclusion difficile car les groupes contrôles bénéficiaient parfois aussi de la mise en place du KT avec placebo

Liu et al. Efficacy of continuous wound catheter delivering local anesthetic for postoperative analgesia: A quantitative and qualitative systematic review of randomized controlled trials. J Am Coll Surg 2006;203:914–32

Prévention des ISO

•  Stratégie multidisciplinaire et multimodale •  Le MAR a un rôle central pour la coordination de

cette stratégie qui comporte un aspect: –  organisationnel, pharmacologique et métabolique.

•  Relèvent directement de son expertise: –  la nutrition pré-opératoire, –  l'antibioprophylaxie, –  le contrôle glycémique – Le contrôle thermique