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AFC Afrique – 2ème JEACC
Institutions, instabilité politique et maturité
de la dette des sociétés cotées à la BRVM
Alassane Ouattara
Docteur en Sciences de Gestion
Enseignant – Chercheur
CESAG Business School
Résumé
En théorie institutionnelle, les systèmes politiques et économiques jouent un rôle fondamental dans
l’efficacité de la structure institutionnelle globale, et ce, afin de réduire les coûts de transaction et de production
(North 1991). Cet article vise à étudier, dans quelle mesure la qualité des institutions et la performance
macroéconomique, influencent la maturité de la dette en périodes d’instabilité politique. A partir d’un
échantillon constitué de sociétés cotées à la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM) de 2005 à 2014,
nous obtenons les principaux résultats suivants. En premier lieu, nous observons que les sociétés ont tendance à
s’endetter à long terme lorsque les politiques et les institutions nationales sont performantes, et la croissance du
produit intérieur brut est bonne. En second lieu, les flux nets entrant des investissements directs étrangers
affectent négativement et statistiquement la maturité de la dette, conduisant les sociétés à s’endetter à court
terme. En troisième lieu, nous montrons qu’en périodes d’instabilité politique, les politiques et les institutions
nationales affectent négativement l’endettement à long terme, et l’effet positif de la croissance du produit
intérieur brut sur les dettes à long terme est très faible qu’en périodes de stabilité politique apparente. Tandis que
les investissements directs étrangers sont destinés aux dettes à long terme durant les années d’instabilité
politique, ils encouragent les dettes à court terme en périodes de stabilité politique apparente. Sur le plan
empirique, nous contribuons à mettre en évidence l’importance significative des facteurs institutionnels et
macroéconomiques d’une part, et le rôle modérateur de l’instabilité politique d’autre part, dans l’analyse des
déterminants de la maturité de la dette. Sur le plan théorique, nos résultats soutiennent les hypothèses de la
théorie de l’agence, la théorie du financement hiérarchisé et la théorie du compromis optimal de financement. Au
plan managérial, nos résultats invitent d’un côté, les managers à prendre en compte la dynamique de leur
écosystème dans la structure de leur financement par endettement, et de l’autre, attirent l’attention des décideurs
politiques dans la mise en œuvre des politiques publiques et des réformes institutionnelles en adéquation avec la
politique de financement des entreprises. Par ailleurs, le paradoxe relatif à l’impact des investissements directs
étrangers sur la maturité de la dette des sociétés cotées à la BRVM nous conduit (1) à nous interroger sur
l’origine et la destination des investissements directs étrangers, (2) à analyser la structure de propriété des
entreprises cotées, évoluant dans le contexte d’un marché financier régional en développement.
Mots-clés : BRVM, Instabilité Politique, Institution, Maturité de la dette, UEMOA
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Introduction
Dans la littérature financière, plus de cinquante ans après les travaux fondateurs de
Modigliani et Miller (1958), plusieurs recherches académiques ont porté un intérêt sur
l’analyse des déterminants de la structure du capital des entreprises. Au commun des mortels,
le théorème de Modigliani-Miller sous-tend que, la structure financière est indépendante de la
valeur de l’actif économique dans une économie sans impôts, ni coûts de transaction. Presque
vingt ans après la publication de l’article co-écrit avec Modigliani, Miller (1977) confirme
dans un article intitulé "Debt and Taxes", l’inexistence d’association entre la valeur de
l’entreprise et sa structure financière, nonobstant d’éventuels avantages fiscaux. En effet, la
théorie de Modigliani-Miller a fait l’objet de controverses académiques au regard du caractère
peu réaliste et paradoxal des axiomes fondamentaux avancés par les auteurs (Durand 1959).
De plus, selon Rose (1959), la validité de leur théorie reste problématique compte tenu des
opportunités d’arbitrage des investisseurs.
Les discussions relatives à la théorie de Modigliani-Miller ont marqué le point de
départ des études empiriques sur la structure du capital. Parmi les travaux de recherche sur les
déterminants de la structure du capital, certains portent sur des études comparatives à l’instar
de ceux de Kayo et Kimura (2011) et Alves et Francisco (2015). D’autres se focalisent soit sur
le contexte des pays développés (Bennett et Donnelly 1993 ; Bancel et Mittoo 2004), soit sur
celui des pays en développement (Jõeveer 2013 ; Orman et Köksal 2017). En général, les
études antérieures établissent une association significative entre la structure financière des
entreprises et aussi bien leurs fondamentaux que les facteurs spécifiques aux pays (Bancel et
Mittoo 2004 ; de Jong et al. 2008 ; Chang et al. 2009 ; Kayo et Kimura 2011 ; Awartani et al.
2016). Par exemple, pour Awartani et al. (2016), parmi les éléments qui caractérisent
l’entreprise, l’importance des immobilisations, la taille et la profitabilité sont des éléments qui
influencent considérablement la structure du capital. En plus des déterminants de la structure
financière liés à l’entreprise, les caractéristiques institutionnelles liées au pays, au cycles
économiques comme la crise financière, ont un impact sur la structure de la maturité de la
dette (Alves et Francisco 2015 ; González 2015 ; Awartani et al. 2016 ; Orman et Köksal
2017). La maturité de la dette se définit comme la propension pour une entreprise de
contracter des dettes à long ou à court terme. En effet, l’environnement institutionnel joue un
rôle primordial dans la performance des entreprises. Selon la théorie institutionnelle, dans une
économie de marché, les problèmes d’asymétrie d’information liés à l’appréciation des
attributs des biens et/ou services échangeables et les coûts de transaction, constituent des
déterminants clés de performance économique (North 1990). Ainsi, l’efficience des structures
politiques et économiques sont nécessaires à l’édification de la matrice institutionnelle, qui a
pour but, la réduction des coûts de production et de transaction (North 1991).
Même si la littérature académique sur la structure financière des entreprises est assez
fournie, très peu de travaux se sont intéressés à l’analyse de l’effet simultané des facteurs
institutionnels et la crise financière, sur le choix de la maturité de la dette. A la suite des
travaux de Alves et Francisco (2015), González (2015), dans cet article, nous étudions l’effet
conjoint de la qualité des institutions et l’instabilité politique sur la maturité de la dette, dans
le contexte particulier des sociétés cotées de l’Union Economique et Monétaire Ouest
Africaine (UEMOA). Pour mener une telle étude, nous formulons deux questions de
recherche : (1) Les déterminants de la maturité de la dette, issus de la littérature académique
siéent-ils dans le contexte des sociétés cotées de la zone UEMOA ? (2) Dans quelle mesure, la
qualité des institutions politiques et économiques affecte-t-elle la maturité de la dette en
période d’instabilité politique ?
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Nous investiguons ces deux questions de recherche en choisissant comme échantillon
d’étude, les sociétés cotées à la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (ci-après BRVM).
A notre connaissance, à n’en pas douter, cette étude est une première à s’intéresser à l’analyse
des déterminants de la maturité de la dette en période d’instabilité politique, dans le contexte
des sociétés de la zone UEMOA. Surtout, comme le soulignent Kayo et Kimura (2011), Alves
et Francisco (2015), les déterminants de la maturité de la dette varient selon les pays, qu’ils
soient développés ou en développement. Le contexte des sociétés cotées au marché financier
régional de l’UEMOA est particulièrement intéressant pour plusieurs raisons. En effet, la
BRVM est un marché financier en stade de développement (Ouattara et al. 2014) et comprend
43 capitalisations au 31 août 2017. Il faut noter que, l’environnement des affaires des sociétés
cotées à la BRVM a été affecté d’années d’instabilité politique apparues en Côte d’Ivoire de
2002 à 2007 pour la guerre civile puis 2010-2011 pour la crise post-électorale. Aussi, le
système comptable qui prévaut dans le contexte des sociétés de la zone UEMOA partage
assez de similarités avec le modèle européen continental (Causse 1999 ; Causse et Wa
Mandzila 2015), même si les sociétés ne sont pas encore soumises à la préparation et la
communication des états financiers en normes comptables internationales IFRS.
Par ailleurs, adoptée le 26 janvier 2017 à Brazzaville au Congo, et prévu pour entrer
en vigueur en janvier 2018, l'Acte uniforme relatif au droit comptable et à l'information
financière (AUDCIF) adopte le cadre conceptuel du système comptable de l'Organisation
pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA). Cette nouvelle réforme
prévoit l’application des normes IFRS à partir du 1er janvier 2019. Le cadre conceptuel du
système comptable OHADA est substantiellement identique à celui de l’International
accounting standards board (IASB). Ainsi, effectuer une étude empirique de la maturité de la
dette, dans le contexte des sociétés cotées au marché financier régional de l’UEMOA, s’avère
nécessaire compte tenu de la dynamique de l’économie sous régionale et de la convergence du
système comptable et financier vers les normes comptables internationales. A cet effet, nous
analysons les déterminants de la maturité de la dette tant liés aux caractéristiques de
l’entreprise qu’à la spécificité des institutions politiques et économiques du pays. Plus
spécifiquement, nous observons en périodes d’instabilité politique, l’impact de ces
déterminants au travers de la maturité de la dette de l’ensemble des sociétés cotées à la
BRVM de 2005 à 2014. Nous retenons deux mesures de la maturité de la dette : (1) les dettes
à long terme et (2) les dettes à court terme. Les caractéristiques liées aux entreprises retenues
sont la valeur comptable de l’endettement total, l’importance des immobilisations corporelles,
la profitabilité et la taille. Quant aux variables d’évaluation de la qualité des institutions
politiques et économiques, nous prenons d’une part, les indices d’évaluation des politiques et
des institutions nationales (EPIN) de la Banque mondiale, pour mesurer la qualité
institutionnelle globale, d’autre part la croissance du produit intérieur brut (PIB) et les entrées
nettes en investissements directs étrangers (IDE) pour apprécier la performance
macroéconomique du pays. Le choix de nos variables se base sur la littérature antérieure et
n’est toutefois pas exhaustif.
Premièrement, nos résultats montrent qu’en moyenne, les dettes à long terme des
sociétés représentent 34% du total des dettes, et les dettes à court terme équivalent à 66% du
total des dettes sachant que la moitié des sociétés ont des dettes à court terme représentant au
moins 90% du total des dettes. Ces chiffres indiquent l’importance des dettes à court terme
dans le choix de la maturité de la dette des sociétés de l’indice BRVM. Deuxièmement, nous
trouvons qu’une meilleure qualité globale des institutions et une bonne croissance du PIB sont
positivement et statistiquement associées à la maturité de la dette, entrainant les sociétés à
s’endettement sur une longue période. Par contre, les investissements directs étrangers (IDE)
ont un effet négatif et significatif sur la maturité de la dette. Autrement dit, les IDE
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encouragent l’endettement à court terme. Troisièmement, nous mettons en évidence qu’en
périodes d’instabilité politique, la qualité des politiques et institutions nationales est
négativement associée à l’endettement à long terme, et l’effet positif de la croissance du PIB
sur l’endettement à long terme est très faible en périodes d’instabilité politique qu’en période
de stabilité politique apparente. Tandis que, durant les années d’instabilité politique, les IDE
entrainent les sociétés à s’endetter à long terme. Nos résultats sont davantage soutenus avec
l’utilisation d’autres mesures alternatives à la qualité des institutions.
Cet article contribue à la littérature existante en fournissant un état des lieux sur les
déterminants de la maturité de la dette dans un contexte de marché financier en
développement, comme celui de l’UEMOA. Nos résultats soulignent l’importance des
facteurs institutionnels et économiques dans la détermination du choix de la maturité de la
dette, et plus spécifiquement en périodes d’instabilité politique.
La suite de cet article est organisée de la manière suivante. La section 2 fait le point
sur les travaux de recherche antérieurs et formule les hypothèses de recherche. La section 3
décrit notre design de recherche. Les résultats empiriques sont discutés dans la section 4,
tandis que la section 5 présente les tests additionnels. Finalement, la section 6 synthétise les
principaux résultats et conclue l’article.
1. Revue de la littérature et formulation des hypothèses
2.1. Maturité de la dette et caractéristiques liées à l’entreprise : littérature théorique
et empirique
Modigliani et Miller (1958) formule la conjecture selon laquelle sous l’hypothèse de
marché financier parfait, les fondamentaux de l’entreprise seraient associés à sa structure
financière. Sauf que, selon DeAngelo et Masulis (1980), les hypothèses sous-jacentes au
modèle de Modigliani et Miller (1958) et Miller (1977) semblent impertinentes, irréalistes et
souffrent d’une validité externe. DeAngelo et Masulis (1980) montrent que les méthodes ou
conventions comptables sont négativement associées à la structure financière. Bennett et
Donnelly (1993) confirment cette tendance en analysant les déterminants de la structure du
capital d’un échantillon d’entreprises issues du contexte britannique. Au-delà des facteurs liés
aux avantages fiscaux, ils trouvent que la structure de l’actif, la taille et les performances
antérieures sont des déterminants clés de la structure financière. Selon Hovakimian et al.
(2004), les entreprises les plus profitables auront tendance à émettre de nouvelles dettes, et ce,
proportionnellement à leur taille. Dans leur étude intitulée “Hierarchical determinants of
capital structure”, Kayo et Kimura (2011) montrent que les caractéristiques liées au temps et
à l’entreprise, expliquent l’endettement à 78%, tandis que les facteurs liés au pays et au
secteur d’activité n’ont qu’une faible part explicative dans la variabilité de l’endettement. A
partir d’un échantillon de 1 169 entreprises indiennes cotées à Bombay Stock Exchange, au
cours de la période 1995-2008, Chakraborty (2010) trouve une relation économiquement
significative entre la structure du capital et la profitabilité, la taille et l’importance des
immobilisations. Dans le contexte américain, Chang et al. (2009) concluent sur la base de
13 887 observations de sociétés sur la période 1988-2003, que les dettes à long terme, suivies
des dettes à court terme, constituent le déterminant le plus pertinent de la structure du capital.
De leur côté, de Jong et al. (2008), analysent les déterminants de la structure financière à
travers 42 pays. Ils montrent que les facteurs liés aux pays et aux entreprises expliquent
l’hétérogénéité des déterminants de l’endettement.
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D’autres études ont examiné l’incidence des caractéristiques liées à l’entreprise sur la
structure du capital. Par exemple, en Inde, sur un échantillon de 870 entreprises cotées
observées de 2001 à 2010, Handoo et Sharma (2014) aboutissent aux mêmes déterminants
que Chakraborty (2010). Dans le contexte français, Ben-Nasr et al. (2015) analysent la
maturité de la dette d’un échantillon de 5 711 observations de société, au cours de la période
1998-2013. Ils montrent que le ratio d’endettement (dettes totales divisées par l’actif total) a
un effet positif et significatif sur la maturité de la dette (mesurée par le ratio dette à long terme
sur le total des dettes). A partir d’un échantillon de 444 entreprises cotées issues de 10 pays
du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, Belkhir et al. (2016) concluent tout aussi une relation
significative entre la structure du capital et la taille, la profitabilité et l’importance des
immobilisations. Rajan et Zingales (1995) montrent dans quelle mesure les déterminants de la
structure du capital sont homogènes à travers les pays du G-7 (les Etats-Unis, le Japon,
l’Allemagne, La France, l’Italie, le Royaume-Uni et le Canada) durant la période 1987-1991.
Hormis, les entreprises du Royaume-Uni et de l’Allemagne qui sont faiblement endettées, les
entreprises des autres pays partagent les mêmes caractéristiques de structure financière.
Dans la littérature académique, des théories permettent d’expliquer le lien entre la
structure du capital et les fondamentaux de l’entreprise. Les études antérieures concluant
l’association entre l’endettement à long terme et l’importance des immobilisations
corporelles, permettent à même d’expliquer la théorie du financement hiérarchisé, la théorie
du signal, de l’agence et la théorie du compromis optimal de financement (Deesomsak et al.
2004 ; Delcoure 2007 ; Belkhir et al. 2016). Ainsi, la théorie de l’agence (Jensen et Meckling
1976) explique les coûts d’agence liés à la structure financière. Sous l’hypothèse d’asymétrie
d’information entre les managers et les actionnaires (Jensen et Meckling 1976 ; Myers et
Majluf 1984), les coûts d’agence contraignent les entreprises à effectuer un choix optimal
entre les dettes et les capitaux propres. Selon Myers (1977), la structure financière des
entreprises constitue un signal d’un marché financier non parfait. Sur la base d’un échantillon
constitué de 392 directeurs financiers interviewés aux Etats-Unis, Graham et Harvey (2001)
mettent en évidence que la théorie du financement hiérarchisé et du compromis optimal, sont
des hypothèses sous-jacentes à l’explication de la structure du capital. Dans une étude
similaire menée sur 313 directeurs financiers interviewés au Royaume-Uni, au Pays-Bas, en
l’Allemagne et en France, Brounen et al. (2006) concluent que les déterminants de la structure
du capital peuvent être étudiés à l’aune de la théorie du financement hiérarchisé et de
l’agence. En droite ligne de ces théories, nous prétendons qu’en périodes de crise -
d’instabilité politique, les pourvoyeurs de fonds prennent moins de risque à financer les
entreprises à long terme.
Dans cette étude, notre objectif est d’analyser, si les déterminants traditionnels de la
maturité de la dette (ou de la structure du capital) observés dans le contexte d’autres pays,
peuvent être observés dans le contexte institutionnel spécifique aux sociétés cotées à BRVM.
2.2. Qualité des institutions, performance macroéconomique et maturité de la dette :
formulation des hypothèses
Les précédents travaux de recherche ont étudié l’impact des facteurs institutionnels et
macroéconomiques sur la maturité de la dette. Dans le contexte d’un échantillon de 444
entreprises cotées issues de 10 pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, Awartani et al.
(2016) trouvent une relation significative entre la maturité de la dette et trois indicateurs de
gouvernance mondiaux (à savoir la qualité de la réglementation, l’Etat de droit et le contrôle
de la corruption). Ces résultats soutiennent ceux de Belkhir et al. (2016), obtenus sur le même
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échantillon d’entreprises, et ceux obtenus dans d’autres contextes par Deesomsak et al.
(2004), Delcoure (2007), Jõeveer (2013).
De nombreux travaux insistent sur l’importance des facteurs institutionnels dans la
détermination de la structure du capital. Alves and Francisco (2015) analysent l’impact des
facteurs institutionnels sur la structure du capital durant la récente crise financière de 2007-
2008. Les auteurs concluent à partir d’un échantillon d’entreprises à travers 43 pays
développés et en développement au cours de la période 2000-2011, que l’indice de perception
de la corruption, la sophistication du marché financier et le développement du secteur
bancaire, influencent considérablement l’endettement des entreprises, et que celles-ci ont
tendance à s’endetter à court terme pendant la crise financière. A partir d’un échantillon de
1 527 entreprises non financières observées de 1993 à 2001, Deesomsak et al. (2004)
montrent une association statistiquement significative entre la structure financière et la crise
financière survenue en 1997 dans la région d’Asie Pacifique. Dans le même sens, González
(2015) étudie l’impact conjoint de facteurs institutionnels et la crise financière, sur la maturité
de la dette dans le contextes des entreprises de 39 pays du mondes, de 1995 à 2012. Il trouve
que la crise financière a un effet négatif et significatif sur la maturité de la dette des
entreprises évoluant dans les pays à faible concentration bancaire, impliquant pour ces
dernières une utilisation des dettes à court terme. Dans une étude récente, Orman et Köksal
(2017) montrent que la dernière crise financière influence négativement la maturité de la dette
des entreprises turques.
Pour Demirgüç-Kunt et Maksimovic (1999), le développement de l’intermédiation
financière et du marché financier impactent la structure du capital, et qu’avec un système
légal couteux et inefficient, l’endettement à court terme est préféré à l’endettement à long
terme. Ils rajoutent que les entreprises des pays développer utilisent plus de dettes à long
terme, par rapport à leurs pairs des pays en développement. Bancel et Mittoo (2004)
interrogent 87 managers repartis entre 720 entreprises de 16 pays européens et concluent que
la qualité du système légal explique l’hétérogénéité de la structure financière des entreprises à
travers les pays. Par contre, pour leur part, Brounen et al. (2006) trouvent que les facteurs
institutionnels n’ont pas d’effet significatif sur la structure du capital à travers les pays. Et
dans le contexte spécifique turque, Orman et Köksal (2017) n’ont pu mettre en évidence
l’importance de l’environnement institutionnel dans la détermination de la maturité de la
dette. D’après la littérature académique, les déterminants de la structure du capital ou de la
maturité de la dette ne peuvent se limiter aux facteurs institutionnels et aux caractéristiques
liées à l’entreprises. Par exemple, Korajczyk et Levy (2003) prouvent l’importance des
indicateurs macroéconomiques dans le choix de la structure financière. Alves et Francisco
(2015) montrent une association négative et significative entre l’endettement et la croissance
du PIB. Et Orman et Köksal (2017) trouvent que la croissance du PIB semble influencer
positivement la maturité de la dette. Enfin, Demirgüç-Kunt et Maksimovic (1999) concluent
que la croissance annuelle du PIB, les subventions gouvernementales et l’inflation, sont des
facteurs clés dans le choix du financement des entreprises.
Cependant, dans cet article, nous proposons d’analyser en période d’instabilité
politique, l’impact des facteurs institutionnels, des facteurs macroéconomiques, des
fondamentaux de l’entreprises, sur la maturité de la dette. A l’aune des précédents travaux
empiriques et de la théorie de l’agence, la théorie du compromis optimal de financement, la
théorie du financement hiérarchisé et la théorie du signal, nous pouvons prédire (1) une
relation significativement positive entre la maturité de la dette et la qualité des institutions
politiques et économiques, (2) une relation inverse entre la maturité de la dette et la qualité
des institutions politiques et économiques, en périodes d’instabilité politique.
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Les implications empiriques de nos questions de recherche, précédemment formulées,
conduisent à formuler plusieurs hypothèses.
H1a : La qualité des politiques et institutions nationales influence positivement
la maturité de la dette, impliquant le recours aux dettes à long terme.
H1b : La croissance du PIB est positivement associée à la maturité de la dette,
impliquant l’utilisation des dettes à long terme.
H1c : Les investissements directs étrangers affectent positivement la maturité
de la dette, impliquant l’utilisation des dettes à long terme.
H1d : En périodes d’instabilité politique, les dettes à court terme se révèlent
préférer aux dettes à long terme.
H2a : En périodes d’instabilité politique, les politiques et institutions
nationales influence négativement la maturité de la dette, ayant pour corollaire
le recours à l’endettement à court terme.
H2b : En périodes d’instabilité politique, la croissance du PIB est
négativement associée à la maturité de la dette, ayant pour corollaire le
recours à l’endettement à court terme.
H2c : En périodes d’instabilité politique, les investissements directs étrangers
influence négativement la maturité de la dette, ayant pour corollaire le recours
à l’endettement à court terme.
2. Design de recherche
Dans cette section, nous décrivons la méthodologie adoptée (3.1), la constitution de
l’échantillon et la collecte des données (3.2.).
3.1. Méthodologie
Nous utilisons les modèles de régression 1 et 2 ci-dessous pour analyser les
déterminants de la maturité de la dette, et plus spécifiquement en période d’instabilité
politique (IP). Nous observons la maturité de la dette (MD) de la société i au cours de l’année
t, sachant l’indice d’évaluation des politiques et institutions nationales (EPIN), la croissance
annuelle du produit intérieur brut (PIB) et les investissements directs étrangers (IDE) de la
Côte d’Ivoire (noté j), au cours de l’année t. En effet, la Côte d’Ivoire représente le contexte-
pays où évoluent les entreprises de l’indice BRVM, retenues dans l’échantillon. Nous
introduisant dans le modèle, les caractéristiques liées à l’entreprise i au cours de l’année t. Il
est important de noter que la mesure de la qualité des institutions retenue est composée de 20
indices EPIN de la Banque mondiale. Nous avons donc calculé et introduit dans les modèles,
la moyenne arithmétique simple des indices EPIN. La validité interne de l’indice moyens est
soutenue par un alpha de Cronbach (Cronbach 1951) est égal à 0,954. Généralement, la
littérature fixe le seuil pertinent du coefficient alpha à au moins 0,7.
𝑀𝐷𝑖𝑡 = 𝜇0 + 𝛾1𝐸𝑃𝐼𝑁𝑗𝑡 + 𝛾2𝑃𝐼𝐵𝑗𝑡 + 𝛾3𝐼𝐷𝐸𝑗𝑡 + 𝛼1𝐼𝑃𝑖𝑗𝑡 + 𝛿1𝐸𝑁𝐷𝑖𝑡 + 𝛿2𝐼𝑀𝑀𝑖𝑡 + 𝛿3𝑃𝐸𝑅𝐹𝑖𝑡
+ 𝛿4𝑇𝐴𝐼𝐿𝐿𝐸𝑖𝑡 + 휀𝑖𝑡 (1)
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𝑀𝐷𝑖𝑡 = 𝜇0 + 𝛾1𝐸𝑃𝐼𝑁𝑗𝑡 + 𝛾2𝑃𝐼𝐵𝑗𝑡 + 𝛾3𝐼𝐷𝐸𝑗𝑡 + 𝛼1𝐼𝑃𝑖𝑗𝑡 + 𝛽1𝐼𝑃𝑖𝑗𝑡 × 𝐸𝑃𝐼𝑁𝑗𝑡
+ 𝛽2𝐼𝑃𝑖𝑗𝑡 × 𝑃𝐼𝐵𝑗𝑡 + 𝛽3𝐼𝑃𝑖𝑗𝑡 × 𝐼𝐷𝐸𝑗𝑡 + 𝛿1𝐸𝑁𝐷𝑖𝑡 + 𝛿2𝐼𝑀𝑀𝑖𝑡 + 𝛿3𝑃𝐸𝑅𝐹𝑖𝑡
+ 𝛿4𝑇𝐴𝐼𝐿𝐿𝐸𝑖𝑡 + 휀𝑖𝑡 (2)
Le modèle 1 et 2 testent respectivement les séries d’hypothèse H1 et H2. La variable
dépendante MD représente la maturité de la dette de l’entreprise i au cours de l’année t. Elle
est mesurée par deux variables. L’endettement à long terme et l’endettement à court terme. Le
premier est mesuré par le rapport entre les dettes à long terme et le total des dettes (DLTTD)
d’une part, et le second, par le ratio dettes à court terme sur dettes totales (DCTTD) d’autre
part. les variables EPIN, PIB et IDE, représentent respectivement l’indice moyen d’évaluation
des politiques et institutions nationales, la croissance annuelle du produit intérieur brut et les
investissements directs étrangers de la Côte d’Ivoire au cours de l’année t. La variable IP,
représente les périodes d’instabilité politique survenues en Côte d’Ivoire au cours des années
2005, 2006, 2007, 2010 et 2011. Elle prend la valeur 1 s’il y a eu instabilité politique et 0 dans
le cas contraire. Le choix des périodes d’instabilité politique est justifié, et tient pour plusieurs
raisons. D’abord, sur la période de 2000-2007, le contexte socio-politique de la Côte d’Ivoire
est marqué par des violences co-ethniques entre les partisans pro-Gbagbo and pro-Ouattara
(Straus 2011). En particulier, le pays a sombré dans une guerre civile, à cause d’une rébellion
armée survenue à la fin de l’année 2002 (Bah 2010). Ensuite, Mars 2007 marqua le début des
négociations vers la réconciliation, qui n’ont guère permis d’éviter les violences post-
électorales de 2010-2011 (Bellamy et Williams 2011). D’autres travaux de recherche
fournissent des analyses détaillées sur l’histoire politique, économique et sociale de la Côte
d’Ivoire (Collett 2006 ; International Crisis Group 2010 ; N’Guessan 2013). Les variables
END, IMM, PERF et TAILLE, représentent respectivement l’endettement total, l’importance
des immobilisations, la performance et la taille de l’entreprise i au cours de l’année t,
susceptibles d’impacter la maturité de la dette. La description détaillée et la définition des
variables de l’étude sont fournies par les annexes 1, 2 et 3.
Selon notre première série d’hypothèses, si l’indice moyen d’évaluation des politiques
et institutions nationales, la croissance annuelle du produit intérieur brut et les investissements
directs étrangers, sont positivement associés à l’endettement à long terme, dans le modèle 1,
les coefficients 𝛾1, 𝛾2, et 𝛾3 doivent être du signe positif, et du signe négatif pour
l’endettement à court terme. Enfin, si la maturité de la dette diminue durant les périodes
d’instabilité politique, le coefficient 𝛼1 doit être du signe négatif pour l’endettement à long
terme et du signe positif pour l’endettement à court terme.
Dans le modèle 2, nos coefficients d’intérêt sont 𝛽1, 𝛽2 et 𝛽3. D’après notre seconde
série d’hypothèses, ces coefficients doivent être du signe négatif. Ainsi, (𝛾1 + 𝛽1) mesure
l’effet de l’indice moyen d’évaluation des politiques et institutions nationales (EPIN) sur la
maturité de la dette en périodes d’instabilité. (𝛾2 + 𝛽2) mesure l’incidence de la croissance du
produit intérieur brut (PIB) sur la maturité durant les années d’instabilité. (𝛾3 + 𝛽3 ) évalue
l’impact des investissements directs étrangers (IDE) sur la maturité de la dette lorsque
survient l’instabilité politique.
Pour tester nos hypothèses formulées, nous avons effectué le test de Hausman afin de
comparer le modèle à effets fixes, le modèle à effets aléatoires et l’estimateur des moindres
carrés ordinaires, sur les modèles 1 et 2. Nos résultats ne suggèrent ni la mise en œuvre du
modèle à effets fixes, ni celui à effets aléatoires, comparés à l’estimateur des moindres carrés
ordinaires. Par ailleurs, en données de panel, nous sommes confrontés à de nombreux
problèmes liés à la convergence et à l’efficacité des estimateurs. Ces problèmes sont entre
autres, l’hétérogénéité inobservée, l’endogénéité et l’auto-corrélation inter-individuelle et
9
temporelle, pouvant biaiser les paramètres estimés. Afin de surmonter ces difficultés
économétriques, nous avons mis en œuvre l’estimateur de Driscoll-Kraay (Driscoll and Kraay
1998), car au-delà du fait qu’il attenue les problèmes potentiels hétéroscédasticité, il permet
d’obtenir des estimateurs beaucoup plus (Hoechle 2007).
3.2. Description de l’échantillon et collecte des données
Notre échantillon d’étude est initialement composé de 41 sociétés cotées à la BRVM
de 2005 à 2014. Comme indiqué dans le Panel A du tableau 1, les sociétés financières ont été
retirées de l’échantillon, compte tenu de la spécificité de leur réglementation. Les entreprises
qui ne disposent pas de données comptables et financières dans nos sources de données, furent
retirées. Par soucis d’homogénéité des caractéristiques des sociétés, les sociétés qui
n’exercent pas ou n’ayant pas leur siège en Côte d’Ivoire (par exemple SONATEL), ont été
également retirées de l’échantillon. Nous obtenons en fin de compte, un échantillon de 23
sociétés cotées observées sur 10 ans, soit 207 observations de sociétés. Le Panel B fournit la
description sectorielle des sociétés comprises dans l’échantillon. Nous observons que les
secteurs d’activités "Industrie" et "Bien de consommation" affichent les distributions les plus
représentatives avec 31,88% et 32,37% respectivement, soit plus de 60% du nombre
d’observations total. Les données comptables et financières relatives à la maturité de la dette
et aux caractéristiques liées aux entreprises ont été collectées sur la base données DataStream.
Les données relatives aux facteurs institutionnels et macroéconomiques ont été obtenues à
travers la base de données de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Afin
d’atténuer l’effet des données aberrantes sur nos estimations, toutes les variables continues
ont été winsorisées au 1er centile inférieur et au 99ème centile supérieur. La description
détaillée de toutes les variables est donnée par les annexes 1, 2 et 3.
Tableau 1 Description de l’échantillon
Panel A: Echantillonnage
Nombre de sociétés Observations %
Sociétés cotées à la BRVM au 31/12/2014 41 410 100%
Exclusion des sociétés financières 8 80 19,51%
Exclusion des sociétés non couvertes par DataStream 9 113 27,56%
Exclusion des sociétés n’exerçant pas en Côte d’Ivoire 1 10 2,43%
Echantillon final 23 207 50,48%
Panel B : Distribution sectorielle des sociétés de l’échantillon
Nombre de sociétés Observations %
Pétrole et Gaz [001] 2 20 9,66%
Matériaux de base [1000] 1 10 4,83%
Industrie [2000] 8 66 31,88%
Santé [4000] 0 0 0,00%
Bien de consommation [3000] 7 67 32,37%
Services aux consommateurs [5000] 3 25 12,08%
Télécommunication [6000] 0 0 0,00%
Services aux collectivités [7000] 2 19 9,18%
Technologie [9000] 0 0 0,00%
Total 23 207 100 %
10
Panel A présente le processus d’échantillonnage de notre étude. L’échantillon initial était composé de 41 sociétés cotées à la BRVM de 2005 à
2014. Les sociétés financières, les entreprises qui ne disposent pas de données comptables et financières dans nos sources de données, les sociétés
qui n’exercent pas ou n’ayant pas leur siège en Côte d’ivoire (par exemple SONATEL), ont été retirées de l’échantillon. Nous obtenons un
échantillon final constitué de 23 sociétés représentant 207 observations. Panel B présente la distribution sectorielle des sociétés de l’échantillon.
Nous observons que les secteurs d’activités "Industrie" et "Bien de consommation" affichent les distributions les plus représentatives, en raison de
31,88% et 32,37% respectivement, soit plus de 60% de l’échantillon total. Les données comptables et financières relatives à la maturité de la dette
et caractéristiques liées aux entreprises ont été collectées sur la base données DataStream. Les données relatives aux facteurs institutionnels et
macroéconomiques ont été obtenues à travers la base de données de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International.
3. Résultats empiriques
4.1. Statistiques univariées et bivariées
Les tableaux 2 et 3 présentent les statistiques descriptives des variables de l’étude, et
le tableau 4 présente la matrice de corrélation de Pearson et de Spearman.
Dans le tableau 2, en moyenne (médiane), l’endettement à long terme est de 34%
(10%) du total des dettes, avec un écart-type de 41,5%. L’endettement à court terme
représente en moyenne (médiane) 66% (90%) des dettes totales, avec un écart-type de 41,5%.
L’endettement à court terme semble être déterminant dans le choix de la maturité de la dette
des sociétés de l’indice BRVM. La valeur moyenne (médiane) de l’indice d’évaluation des
politiques et institutions nationales est de 2,775 (2,640), avec un écart-type de 0,262. Cet
indice varie de 1 (qualité faible) à 6 (qualité élevée). Nous concluons une qualité des
politiques et des institutions légèrement en dessous de la moyenne, dans le contexte du
marché financier régional de l’UEMOA. La croissance du PIB affiche une moyenne
(médiane) de 3,64% (2,01%) et un écart-type de 4,30%. Les investissements directs étrangers
ont un écart-type de 0,355% et correspondent en moyenne (médiane) à 1,626% (1,631%) du
PIB. Le tableau 3 présente les statistiques descriptives des variables pendant les périodes de
stabilité politique apparente d’une part, et pendant les périodes d’instabilité politique d’autre
part. Nous avons vérifié si les variables de l’étude observées pendant les années d’instabilité
politique diffèrent économiquement de celles des années de stabilité politique apparente. Les
résultats indiquent qu’en moyenne et en médiane, l’endettement à long terme (DLTTD),
l’indice d’évaluation des politiques et institutions nationales (EPIN) et la croissance du
produit intérieur brut (PIB), apparaissent statistiquement plus faibles en périodes d’instabilité
politique, tandis que l’endettement à court terme (DCTTD) et les investissements directs
étrangers (IDE) deviennent statistiquement plus forts en périodes d’instabilité politique.
Les statistiques descriptives de nos variables d’étude diffèrent de celles observées dans
d’autres contextes (Kayo et Kimura 2011 ; Alves et Francisco 2015 ; Awartani et al. 2016).
Par exemple, les entreprises cotées des pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord ont en
moyenne un ratio d’endettement à long terme de 10%, une croissance du PIB de 5,27%, une
performance de 7,26% et une importance des immobilisations de 34,64% (Awartani et al.
2016).
Tableau 2 Statistiques descriptives des variables de l’échantillon total
N Moyenne Médiane Ecart-type Min Q1 Q3 Max Skewness
DLTTTD 207 0,340 0,100 0,415 0 0 0,931 1 0,785
DCTTD 207 0,660 0,900 0,415 0 0,069 1 1 -0,785
EPIN 207 2,755 2,640 0,262 2,440 2,510 3,013 3,2 0,476
PIB 207 3,643 2,018 4,302 -4,387 1,721 8,546 10,707 0,097
IDE 207 1,626 1,631 0,355 1,188 1,302 1,970 2,179 0,219
IP 207 0,502 1 0,501 0 0 1 1 -0,010
END 207 0,790 0,122 2,924 0 0,054 0,331 17,323 4,992
11
IMM 207 0,254 0,203 0,187 0,011 0,107 0,357 0,738 0,898
PERF 207 0,057 0,051 0,110 -0,291 0,008 0,094 0,556 0,855
TAILLE 207 7,492 7,732 0,654 5,543 7,046 7,967 8,768 -0,897
Le tableau 2 présente les statistiques descriptives des variables de l’étude pour l’échantillon total. DLTTD = ratio dette à long terme sur
total des dettes. DCTTD = ratio dette à court terme sur total des dettes. EPIN = la moyenne arithmétique simple des 20 items constituant
l’indice d’évaluation des politiques et institutions nationales de la Banque Mondiale ainsi décrit dans l’annexe 2. PIB = la croissance
annuelle du produit intérieur brut exprimée en pourcentage. IDE = les entrées nettes en investissements directs étrangers en pourcentage
du PIB. IP = variable dummy qui prend la valeur 1 pour les années d’instabilité politique 2005, 2006, 2007, 2010 et 2011, en Côte
D’Ivoire. END = ratio dettes totales sur total des actifs. IMM = ratio des immobilisations corporelles en valeur nette sur total des actifs.
PERF = résultat net divisé par total actif. TAILLE = le logarithme népérien du total des actifs.
Tableau 3 Statistiques descriptives des variables des sous échantillons
Périodes de stabilité politique
apparente
N = 103
Périodes d’instabilité
politique
N = 104
Tests de comparaison de
moyenne
Tests
d’égalité des
médianes
Moyenne Médiane Ecart-
type Moyenne Médiane
Ecart-
type
T de
Student
Z de Wilcoxon-
Mann-Whitney
Pearson
(Chi2)
DLTTTD 0,375 0,192 0,416 0,304 0,059 0,413 1,230 1,877* 5,260**
DCTTD 0,625 0,808 0,416 0,696 0,941 0,413 -1,230 -1,877* 4,644**
EPIN 2,934 3,013 0,233 2,578 2,510 0,141 13,320*** 9,407*** 70,727***
PIB 6,799 8,546 3,334 0,517 1,721 2,484 15,383*** 12,492*** 203,019***
IDE 1,490 1,349 0,262 1,760 1,970 0,384 -5,920*** -5,390*** 31,539***
END 0,255 0,203 0,189 0,254 0,201 0,185 0,027 -0,102 0,005
IMM 0,063 0,069 0,093 0,050 0,033 0,125 0,870 1,688* 6,612**
PERF 7,556 7,779 0,624 7,429 7,660 0,680 1,402 1,498 0,391
(***) statistiquement significatif au seuil de 1%, (**) statistiquement significatif au seuil de 5%, et (*) statistiquement significatif au seuil de 10%.
Table 3 présente les statistiques descriptives des variables selon que nous soyons en périodes de stabilité politique apparente et en d’instabilité politique. Des tests de
comparaison de moyenne et de médiane ont été mis en œuvre afin de comparer les variables entre les deux cycles politiques. DLTTD = ratio dette à long terme sur total
des dettes. DCTTD = ratio dette à court terme sur total des dettes. EPIN = la moyenne arithmétique simple des 20 items constituant l’indice d’évaluation des politiques
et institutions nationales de la Banque Mondiale ainsi décrit dans l’annexe 2. PIB = la croissance annuelle du produit intérieur brut exprimée en pourcentage. IDE = les
entrées nettes en investissements directs étrangers en pourcentage du PIB. END = ratio dettes totales sur total des actifs. IMM = ratio des immobilisations corporelles
en valeur nette sur total des actifs. PERF = résultat net divisé par total actif. TAILLE = le logarithme népérien du total des actifs.
De leur côté, Kayo et Kimura (2011) trouvent dans le contexte institutionnel de 40
pays, que la croissance du PIB des entreprises des pays émergents est en moyenne 4,8%.
Alves et Francisco (2015) commentent pour les entreprises des pays développés, une
moyenne de 2,35%, 4,62%, 11,85%, 56,08% respectivement pour la croissance du PIB, les
IDE, la performance des entreprises, le ratio d’endettement à long terme et le ratio
d’endettement à court terme. Alors que dans le contexte des entreprises des pays en
développement, en moyenne, la croissance du PIB est de 4,94%, les IDE de 2,76%, la
performance des entreprises de 12,64%, le ratio d’endettement à long terme de 45,94% et le
ratio d’endettement à court terme de 54,06%. Néanmoins, selon les statistiques descriptives
détaillées fournies par Alves et Francisco (2015), les entreprises cotées à la BRVM partagent
les mêmes caractéristiques de maturité de la dette que leurs pairs du Taïwan et de la Turquie.
Dans le tableau 4, nous observons que l’indice d’évaluation des politiques et
institutions nationales (EPIN) et la croissance du produit intérieur brut (PIB) sont
positivement et statistiquement corrélés à l’endettement à long terme et négativement et
statistiquement corrélés à l’endettement à court terme. Ces statistiques prédisent un effet
positif (négatif) de l’indice EPIN et de la croissance du PIB sur l’endettement à long terme
(endettement à court terme). Par ailleurs, nous notons une corrélation économiquement
négative entre la maturité de la dette et l’endettement total, une corrélation positive et
significative entre la maturité de la dette et l’importance des immobilisations. Ces résultats
indiquent que les entreprises fortement endettées devraient avoir un poids considérable des
dettes à court terme. Et celles qui affichent une importance significative des immobilisations
12
devraient avoir un endettement à long terme plus élevé. Ce présumé effet positif de
l’importance des immobilisations sur la maturité de la dette des entreprises cotées à la BRVM,
est censé soutenir les hypothèses de la théorie de l’agence (agency theory) et de la théorie du
compromis optimal de financement (trade-off theory).
13
Tableau 4 Matrice de corrélation de Pearson (en dessous) et Spearman (au-dessus)
(1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8) (9) (10)
(1) DLTTD 1 -1.000*** 0.171** -0.107 0.145** -0.131 0.097 -0.064 0.256*** -0.110
(2) DCTTD -1.000*** 1 -0.171** 0.107 -0.145** 0.131 -0.097 0.064 -0.256*** 0.110
(3) EPIN 0.140** -0.140** 1 -0.821*** 0.680*** -0.655*** -0.075 0.029 -0.018 0.158**
(4) IDE -0.066 0.066 -0.821*** 1 -0.361*** 0.376*** 0.044 0.002 -0.003 -0.130
(5) PIB 0.145** -0.145** 0.669*** -0.324*** 1 -0.870*** -0.075 0.126 0.009 0.102
(6) IP -0.086 0.086 -0.681*** 0.382*** -0.732*** 1 0.053 -0.118* 0.007 -0.104
(7) END -0.139** 0.139** 0.064 -0.023 0.036 -0.038 1 -0.225*** 0.088 0.146**
(8) PERF -0.011 0.011 0.033 -0.055 -0.012 -0.061 -0.135 1 0.210*** 0.076
(9) IMM 0.285*** -0.285*** -0.004 0.002 0.039 -0.002 -0.144** 0.159** 1 0.273***
(10) TAILLE 0.001 -0.002 0.142** -0.107 0.089 -0.097 -0.557*** 0.180*** 0.254*** 1
N 207 207 207 207 207 207 207 207 207 207
(***) statistiquement significatif au seuil de 1%, (**) statistiquement significatif au seuil de 5%, et (*) statistiquement significatif au seuil de 10%.
Le tableau 4 présente les coefficients de corrélation de Pearson et de Spearman entre les variables d’étude. DLTTD = ratio dette à long terme sur total des dettes. DCTTD = ratio dette à
court terme sur total des dettes. EPIN = la moyenne arithmétique simple des 20 items constituant l’indice d’évaluation des politiques et institutions nationales de la Banque Mondiale ainsi
décrit dans l’annexe 2. PIB = la croissance annuelle du produit intérieur brut exprimée en pourcentage. IDE = les entrées nettes en investissements directs étrangers en pourcentage du PIB.
IP = variable dummy qui prend la valeur 1 pour les années d’instabilité politique 2005, 2006, 2007, 2010 et 2011, en Côte D’Ivoire. END = ratio dettes totales sur total des actifs. IMM =
ratio des immobilisations corporelles en valeur nette sur total des actifs. PERF = résultat net divisé par total actif. TAILLE = le logarithme népérien du total des actifs.
4.2. Analyses Multivariées
Les résultats de la régression de la maturité de la dette des modèles 1 et 2 (ci-dessous)
sont présentés dans le tableau 5. Nous avons adopté l’estimateur des moindres carrés
ordinaires de Driscoll-Kraay (1998) avec des écart-types corrigés pour l’hétéroscédasticité. A
noter que les résultats portés dans la colonne (1) à (4) testent les hypothèses H1a, H1b, H1c et
H1d, et les résultats des colonnes (5), (6) et (7) servent à tester les hypothèses H2a, H2b et
H2c.
𝑀𝐷𝑖𝑡 = 𝜇0 + 𝛾1𝐸𝑃𝐼𝑁𝑗𝑡 + 𝛾2𝑃𝐼𝐵𝑗𝑡 + 𝛾3𝐼𝐷𝐸𝑗𝑡 + 𝛼1𝐼𝑃𝑖𝑗𝑡 + 𝛿1𝐸𝑁𝐷𝑖𝑡 + 𝛿2𝐼𝑀𝑀𝑖𝑡 + 𝛿3𝑃𝐸𝑅𝐹𝑖𝑡
+ 𝛿4𝑇𝐴𝐼𝐿𝐿𝐸𝑖𝑡 + 휀𝑖𝑡 (1)
𝑀𝐷𝑖𝑡 = 𝜇0 + 𝛾1𝐸𝑃𝐼𝑁𝑗𝑡 + 𝛾2𝑃𝐼𝐵𝑗𝑡 + 𝛾3𝐼𝐷𝐸𝑗𝑡 + 𝛼1𝐼𝑃𝑖𝑗𝑡 + 𝛽1𝐼𝑃𝑖𝑗𝑡 × 𝐸𝑃𝐼𝑁𝑗𝑡 + 𝛽2𝐼𝑃𝑖𝑗𝑡 × 𝑃𝐼𝐵𝑗𝑡
+ 𝛽3𝐼𝑃𝑖𝑗𝑡 × 𝐼𝐷𝐸𝑗𝑡 + 𝛿1𝐸𝑁𝐷𝑖𝑡 + 𝛿2𝐼𝑀𝑀𝑖𝑡 + 𝛿3𝑃𝐸𝑅𝐹𝑖𝑡 + 𝛿4𝑇𝐴𝐼𝐿𝐿𝐸𝑖𝑡
+ 휀𝑖𝑡 (2)
Les résultats des colonnes (1) et (2) montrent une association positive et significative
au seuil de 1% entre la maturité de la dette et l’indice EPIN (colonne 1), la croissance du PIB
(colonne 2). Ce résultat implique qu’une meilleure qualité institutionnelle et une croissance
élevée du PIB entrainent une augmentation significative de la maturité de la dette. Ce qui
conduit par là-même les entreprises à contracter plus de dettes à long terme au détriment des
dettes à court terme. En application numérique, une amélioration de la qualité institutionnelle
et une augmentation de la croissance du PIB d’une unité, conduisent les entreprises à
augmenter leurs dettes à long terme de 25% et 1,3% respectivement. Ces résultats confirment
nos hypothèses H1a et H1b. Par contre, la colonne 3 montre que les IDE sont négativement et
économiquement associés à la maturité de la dette. Ce résultat ne confirme cependant pas
l’hypothèse H1c. Ainsi, une augmentation des investissements directs étrangers de 1% du
PIB, se traduit par une diminution (augmentation) des dettes à long terme (dettes à court
14
terme) de 9,5 % (9,5%). Selon les résultats de la colonne 4, il existe un effet négatif mais non
significatif
15
Tableau 5 Régression de la maturité de la dette : déterminants liés à l’entreprise et aux caractéristiques institutionnelles
RATIO DETTES A LONG TERME (DLTTD)
RATIO DETTES A LONG TERME (DLTTD)
(1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (1) (2) (3) (4) (5) (6) (7)
EPIN 0,250*** 0,407*** -0,250*** -0,407***
(0,070) (0,056) (0,070) (0,056)
PIB 0,013*** 0,020***
-0,013*** -0,020***
(0,003) (0,004) (0,003) (0,004)
IDE -0,095* -0,235*** 0,095* 0,235***
(0,042) (0,050) (0,042) (0,050)
IP -0,080 1,374*** 0,055** -0,463*** 0,080 -1,374*** -0,055** 0,463***
(0,045) (0,178) (0,024) (0,101) (0,045) (0,178) (0,024) (0,101)
IP × EPIN -0,508*** 0,508***
(0,062) (0,062)
IP × PIB -0,018*** 0,018***
(0,004) (0,004)
IP × IDE 0,253*** -0,253***
(0,055) (0,055)
END -0,029*** -0,028*** -0,029*** -0,029*** -0,028*** -0,028*** -0,028*** 0,029*** 0,028*** 0,029*** 0,029*** 0,028*** 0,028*** 0,028***
(0,004) (0,004) (0,005) (0,005) (0,004) (0,004) (0,004) (0,004) (0,004) (0,005) (0,005) (0,004) (0,004) (0,004)
IMM 0,706*** 0,684*** 0,697*** 0,697*** 0,689*** 0,687*** 0,686*** -0,706*** -0,684*** -0,697*** -0,697*** -0,689*** -0,687*** -0,686***
(0,194) (0,201) (0,195) (0,196) (0,195) (0,199) (0,200) (0,194) (0,201) (0,195) (0,196) (0,195) (0,199) (0,200)
PERF -0,215** -0,190** -0,220** -0,224*** -0,153** -0,201** -0,194** 0,215** 0,190** 0,220** 0,224*** 0,153** 0,201** 0,194**
(0,071) (0,065) (0,072) (0,068) (0,066) (0,073) (0,072) (0,071) (0,065) (0,072) (0,068) (0,066) (0,073) (0,072)
TAILLE -0,130*** -0,120*** -0,120*** -0,120*** -0,127*** -0,123*** -0,122*** 0,130*** 0,120*** 0,120*** 0,120*** 0,127*** 0,123*** 0,122***
(0,007) (0,009) (0,009) (0,008) (0,007) (0,009) (0,009) (0,007) (0,009) (0,009) (0,008) (0,007) (0,009) (0,009)
Constante 0,477** 1,048*** 1,254*** 1,137*** -0,008 1,022*** 1,500*** 0,523** -0,048 -0,254* -0,137 1,008*** -0,022 -0,500***
(0,169) (0,046) (0,114) (0,081) (0,132) (0,055) (0,128) (0,169) (0,046) (0,114) (0,081) (0,132) (0,055) (0,128)
N 207 207 207 207 207 207 207 207 207 207 207 207 207 207
R2 0,141 0,135 0,123 0,126 0,151 0,138 0,137 0,141 0,135 0,123 0,126 0,151 0,138 0,137
Nombre de sociétés 23 23 23 23 23 23 23 23 23 23 23 23 23 23
Décalage temporel 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9
F 408,34 383,06 381,92 377,31 809,30 475,31 1 098,94 408,34 383,06 381,92 377,31 809,34 475,31 1 098,93
P(F) 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000 Les erreurs standard des coefficients sont entre parenthèses. (***) statistiquement significatif au seuil de 1%, (**) statistiquement significatif au seuil de 5%, et (*) statistiquement significatif au seuil de 10%.
Le tableau 5 présente les résultats de régression de la maturité de la dette. Les résultats de la colonne (1) à (4) testent les hypothèses H1a, H1b, H1c et H1d, et les résultats de la colonne (5) à (7) servent à tester les hypothèses H2a, H2b et H2c. DLTTD = ratio dette à long
terme sur total des dettes. DCTTD = ratio dette à court terme sur total des dettes. EPIN = la moyenne arithmétique simple des 20 items constituant l’indice d’évaluation des politiques et institutions nationales de la Banque Mondiale ainsi décrit dans l’annexe 2. PIB = la
croissance annuelle du produit intérieur brut exprimée en pourcentage. IDE = les entrées nettes en investissements directs étrangers en pourcentage du PIB. IP = variable dummy qui prend la valeur 1 pour les années d’instabilité politique 2005, 2006, 2007, 2010 et 2011, en
Côte D’Ivoire. (IP × EPIN), (IP × PIB) et (IP × IDE) représentent respectivement le terme d’interaction des années d’instabilité politique avec l’indice EPIN, la croissance du PIB et les IDE. END = ratio dettes totales sur total des actifs. IMM = ratio des immobilisations
corporelles (valeur nette) sur total des actifs. PERF = résultat net divisé par total actif. TAILLE = le logarithme népérien du total des actifs.
16
de l’instabilité politique sur la maturité de la dette. L’hypothèse H1d ne peut donc être
économiquement confirmée.
L’effet positif de l’indice EPIN et de la croissance du PIB sur la maturité de la dette
des sociétés cotées à la BRVM, peut s’expliquer par une bonne perception qu’ont les prêteurs
au regard des efforts consentis par le gouvernement ivoirien dans la gestion des performances
macroéconomiques et des politiques fiscales. Par exemple, selon les données de la Banque
mondiale, l’indice EPIN de la Côte d’Ivoire est passé de 2,47 en 2005 à 3,2 en 2014, soit un
taux de croissance annuel moyen de 8%. Et la croissance annuelle du PIB est passée de 1,72
% en 2005 à 8,54 % en 2014, soit un taux de croissance moyen de 75%. Une telle
performance institutionnelle et économique peut entrainer chez les prêteurs, une acceptation
du risque à financer les entreprises sur une longue période. Paradoxalement, l’impact négatif
des investissements directs étrangers sur la maturité de la dette des sociétés du marché
financier régional de l’UEMOA, signifie que, soit les investissements étrangers sont averses
au risque, soit accèdent directement aux entreprises en les finançant à court terme, compte
tenu d’un marché financier régional en développement. Ce résultat est intéressant, car il
permet d’interroger l’origine et la destination des investissements directs étrangers, ainsi que
la structure de propriétés des sociétés cotées de cette économie sous régionale.
Les colonnes (5), (6) et (7) donnent les résultats de la régression de la maturité de la
dette à travers le modèle 2 :
𝑀𝐷𝑖𝑡 = 𝜇0 + 𝛾1𝐸𝑃𝐼𝑁𝑗𝑡 + 𝛾2𝑃𝐼𝐵𝑗𝑡 + 𝛾3𝐼𝐷𝐸𝑗𝑡 + 𝛼1𝐼𝑃𝑖𝑗𝑡 + 𝛽1𝐼𝑃𝑖𝑗𝑡 × 𝐸𝑃𝐼𝑁𝑗𝑡 + 𝛽2𝐼𝑃𝑖𝑗𝑡 × 𝑃𝐼𝐵𝑗𝑡
+ 𝛽3𝐼𝑃𝑖𝑗𝑡 × 𝐼𝐷𝐸𝑗𝑡 + 𝛿1𝐸𝑁𝐷𝑖𝑡 + 𝛿2𝐼𝑀𝑀𝑖𝑡 + 𝛿3𝑃𝐸𝑅𝐹𝑖𝑡 + 𝛿4𝑇𝐴𝐼𝐿𝐿𝐸𝑖𝑡
+ 휀𝑖𝑡 (2)
Nous sommes particulièrement intéressés par les coefficients (𝛾1 + 𝛽1), (𝛾2 + 𝛽2) et
(𝛾3 + 𝛽3), qui évaluent l’impact respectif de l’indice EPIN, de la croissance du PIB et des
investissements directs étrangers sur la maturité de la dette durant les années d’instabilité
politique. Le résultat de la colonne (5) indique un impact négatif et significatif au seuil de 1%
de l’indice EPIN sur la maturité de la dette, en année d’instabilité politique. Ainsi, en périodes
d’instabilité politique, l’effet observé de la qualité institutionnelle sur la maturité de la dette
est de -0,101 (-0,508 + 0,407). Lorsque l’instabilité politique survient, une variation de 1% de
l’indice EPIN entraine une diminution de l’endettement à long terme de 10%, sachant qu’elle
se traduit par une augmentation de 40,7% en périodes de stabilité politique apparente.
L’incidence négative de la qualité des institutions sur la maturité de la dette en périodes
d’instabilité politique, s’explique par le fait que, l’instabilité politique survenue en Côte
d’Ivoire de 2005 à 2007 puis pendant les années 2010-2011, a entrainé une dégradation de la
qualité des politiques et des institutions nationales. Ce résultat nous permet d’accepter
l’hypothèse H2a avec un seuil de significativité de 1%. Dans la colonnes (6), nous observons
une augmentation très faible de l’endettement à long terme avec une variation de la croissance
du PIB en années d’instabilité politique. Cependant, en périodes d’instabilité politique, quand
le PIB croit annuellement de 1%, l’endettement à long terme augmente de 0,2% (-0,018 +
0,020), alors que cette augmentation est de 2% en période de stabilité politique apparente. Au
vue de ce résultat, nous ne pouvons pas accepter l’hypothèse H2b avec un seuil de
significativité de 1%. De façon surprenante, nous observons dans la colonne (7), une relation
positive entre la maturité de la dette et les investissements directs étrangers, en périodes
17
d’instabilité politique. Cette relation signifie que les investissements directs étrangers
augmentent en périodes d’instabilité politique, permettant par ricochet une augmentation des
dettes à long terme de 1,8% (-0,235 + 0,253), alors que l’effet de l’augmentation des
investissements directs étrangers en période de stabilité politique apparente se traduit par une
diminution des dettes à long terme de 23,5%. Ce résultat explique que les investissements
directs étrangers vont en faveur des dettes à long terme durant les années d’instabilité
politique. Nous ne pouvons donc accepter l’hypothèse H2c avec un seuil de significativité de
1%.
Quant aux caractéristiques liées à l’entreprise, les résultats du tableau 5 montrent une
association négative et significative entre la maturité de la dette et l’endettement total, la
performance et la taille. Une relation positive et significative est observée entre la maturité de
la dette et l’importance des immobilisations.
Somme toute, nous mettons en évidence, le rôle important des caractéristiques
institutionnelles propres au pays dans la détermination du choix entre endettement à court
terme et endettement à long terme. Mieux, nos résultats mettent surtout en évidence, le rôle
modérateur de l’instabilité politique dans l’explication de la maturité de la dette. Ce rôle
modérateur soutiendrait les hypothèses de la théorie du signal, en ce sens qu’en périodes
d’instabilité politique, les pourvoyeurs des ressources d’endettement ne prendront pas de
risque à financer les entreprises sur une longue période, compte tenu de la dégradation du
climat de affaires. L’effet négatif de l’endettement total sur la maturité de la dette n’est pas en
adéquation avec les recherches antérieures (González 2015 ; Awartani et al. 2016), qui
trouvent que les dettes à long terme augmentent avec l’endettement total. La non
corroboration de cette relation dans le contexte des entreprises cotées au marché financier
régional de l’UEMOA, est due au fait que leurs dettes totales représentent en moyenne 79%
du total de l’actif, et reposent essentiellement sur les dettes à court terme à hauteur de 68,50%
contre 10,5% pour les dettes à long terme. L’impact positif et significatif de l’importance des
immobilisations corporelles sur la maturité de la dette, concorde avec les résultats obtenus par
Deesomsak et al. (2004), Delcoure (2007), Alves et Francisco (2015), Awartani et al. (2016).
Cette relation soutient également les hypothèses de la théorie de l’agence et la théorie du
compromis optimal de financement, qui sous-tendent que les prêteurs perçoivent les
immobilisations comme un facteur pouvant réduire les coûts de faillite. Avec le lien négatif et
significatif entre la maturité de la dette et la performance, nous mettons aussi en évidence la
théorie du financement hiérarchisé à l’instar de Deesomsak et al. (2004), Delcoure (2007),
Belkhir et al. (2016). Finalement, contrairement à certains travaux antérieurs comme ceux de
Alves et Francisco (2015), Awartani et al. (2016), l’association négative observée entre la
taille et la maturité de la dette n’explique pas la théorie du compromis optimal de
financement. Néanmoins, elle est soutenue par Delcoure (2007) dans le contexte de la
République Tchèque, la Pologne et la Slovaquie. Ce résultat mitigé obtenu dans le cas des
entreprises de la BRVM peut s’expliquer par l’existence des problèmes d’asymétrie
d’information (Myers et Majluf 1984) et à l’état du marché financier régional en
développement.
4. Analyses additionnelles
Cette section fait des tests additionnels sur la régression de la maturité de la dette avec
d’autres mesures alternatives à la qualité institutionnelle. Se référant aux travaux de Awartani
et al. (2016), Belkhir et al. (2016) menés dans le cas d’un échantillon d’entreprises issues de
10 pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, nous analysons l’impact de trois indicateurs
de gouvernance mondiaux (Kaufmann et al. 2010) sur la maturité de la dette. Les trois
18
indicateurs sont (1) le contrôle de la corruption, (2) la qualité de la réglementation et (3) l’Etat
de droit. Ces indicateurs prennent des valeurs comprises entre -2,5 (seuil faible) à 2,5 (seuil
fort). Nous observons également l’effet de la concentration du secteur bancaire sur la maturité
de la dette, à l’image de González (2015). La concentration du secteur bancaire est mesurée
par la part des actifs bancaires détenue par les trois plus grandes banques. Dans le contexte
des sociétés cotées à la BRVM, Les trois plus grandes banques détiennent 61% des actifs
bancaires de la Côte d’Ivoire, et les cinq plus grandes en détiennent 84%. Le contrôle de la
corruption, la qualité de la réglementation et l’Etat de droit prennent en moyenne le score de -
0,99 ; -0,84 ; -1,23 respectivement. L’annexe 3 présente une description détaillée des
variables.
Les résultats des régressions de la maturité de la dette des modèles 1 et 2 avec nos
mesures alternatives, sont respectivement donnés dans les tableaux 6 et 7.
Le tableau 6 montre que le contrôle de la corruption (CC), la qualité de la
réglementation (QR), et l’Etat de droit (ED) ont un impact positif et significatif sur la maturité
de la dette. Ainsi, une bonne qualité des indicateurs de gouvernance mondiaux se traduit par
un endettement à long terme élevé. Les résultats indiquent une association négative et
significative entre la concentration du secteur bancaire (CB) et la maturité de la dette. Ce qui
implique que l’endettement à long terme diminue avec une forte concentration bancaire.
Hormis l’effet négatif de la concentration bancaire et l’effet positif du contrôle de la
corruption, nous résultats soutiennent ceux de González (2015), Awartani et al. (2016).
Selon les résultats du tableau 7, durant les années d’instabilité politique, le contrôle de
la corruption et l’Etat de droit impactent négativement et significativement la maturité de la
dette, tandis que la concentration du secteur bancaire l’est positivement et significativement
associée. En effet, lorsque survient l’instabilité politique, le contrôle de la corruption affecte
la maturité de la dette de -0,054 (-0,455 + 0,401), et l’Etat de droit a un effet de -0,064 (-0,406
+ 0,342). Une variation de 1% de la maîtrise de la corruption et de l’Etat de droit en période
d’instabilité politique, fait diminuer les dettes à long terme respectivement de 5,4% et 6,4%.
Et une variation du degré de concentration bancaire de 1% se traduit par -0,3% (-0,027 +
0,024). Nos résultats obtenus ne confirment cependant pas ceux de González (2015).
Globalement, nos analyses additionnelles permettent de souligner l’importance des
caractéristiques institutionnelles propres à chaque pays et le rôle modérateur de l’instabilité
politique dans l’explication des déterminants de la maturité de la dette.
5. Conclusion
Depuis les travaux de Modigliani et Miller (1958), la littérature sur la structure du
capital (maturité de la dette) n’a cessé de croitre. Les précédents travaux de recherche
soulignent l’importance capitale des caractéristiques liées à l’entreprise et à la spécificité
institutionnelle des pays, dans la détermination de la structure financière et la maturité de la
dette. Selon Handoo et Sharma (2014), la performance, l’importance des immobilisations et la
taille, ont un impact significatif sur l’endettement de l’entreprise. Pour Awartani et al. (2016)
et Belkhir et al. (2016), l’endettement des entreprises repose essentiellement sur les dettes à
long terme. De leur côté, Demirgüç-Kunt et Maksimovic (1999) montrent que l’inefficience
du système légal des pays influence positivement l’endettement à court terme et les
entreprises des pays développés ont tendance à s’endetter à long terme. De plus, les facteurs
macroéconomiques ne sont pas en marge des déterminants de la maturité de la dette
(Korajczyk et Levy 2003 ; Alves et Francisco 2015 ; Orman et Köksal 2017). D’autres
19
phénomènes économiques comme les crises financières affectent le choix de la maturité de la
dette (González 2015 ; Alves et Francisco 2015).
20
Tableau 6 Mesures alternatives de la qualité institutionnelle : régression du modèle 1
LONG-TERM DEBT TO TOTAL DEBT (LTDTD) SHORT-TERM DEBT TO TOTAL DEBT (STDTD)
(1) (2) (3) (4) (5) (1) (2) (3) (4) (5)
CC 0,331*** -0,331***
(0,031) (0,031)
QR 0,887*** -0,887***
(0,043) (0,043)
ED 0,277*** -0,277***
(0,043) (0,043)
CB -0,011*** 0,011***
(0,003) (0,003)
IP -0,080 0,080
(0,045) (0,045)
END -0,029*** -0,028*** -0,029*** -0,028*** -0,029*** 0,029*** 0,028*** 0,029*** 0,028*** 0,029***
(0,004) (0,004) (0,004) (0,004) (0,005) (0,004) (0,004) (0,004) (0,004) (0,005)
IMM 0,712*** 0,704*** 0,707*** 0,694*** 0,697*** -0,712*** -0,704*** -0,707*** -0,694*** -0,697***
(0,195) (0,194) (0,193) (0,194) (0,196) (0,195) (0,194) (0,193) (0,194) (0,196)
PERF -0,201** -0,187** -0,180** -0,224*** -0,224*** 0,201** 0,187** 0,180** 0,224*** 0,224***
(0,073) (0,068) (0,073) (0,065) (0,068) (0,073) (0,068) (0,073) (0,065) (0,068)
TAILLE -0,134*** -0,131*** -0,133*** -0,119*** -0,120*** 0,134*** 0,131*** 0,133*** 0,119*** 0,120***
(0,007) (0,007) (0,007) (0,008) (0,008) (0,007) (0,007) (0,007) (0,008) (0,008)
Constante 1,521*** 1,919*** 1,528*** 1,792*** 1,137*** -0,521*** -0,919*** -0,528*** -0,792*** -0,137
(0,080) (0,096) (0,105) (0,229) (0,081) (0,080) (0,096) (0,105) (0,229) (0,081)
N 207 207 207 207 207 207 207 207 207 207
R2 0,150 0,154 0,148 0,131 0,126 0,150 0,154 0,148 0,131 0,126
Nombre de sociétés 23 23 23 23 23 23 23 23 23 23
Décalage temporel 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9
F 2 344,69 347,85 1 142,71 374,62 377,31 2 344,64 347,85 1 142,73 374,61 377,31
P(F) 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000
Les erreurs standard des coefficients sont entre parenthèses.
(***) statistiquement significatif au seuil de 1%, (**) statistiquement significatif au seuil de 5%, et (*) statistiquement significatif au seuil de 10%.
Le tableau 6 présente les résultats de la régression de l’effet de trois indicateurs de gouvernance mondiaux et la concentration du secteur bancaire (mesures alternatives à la qualité des institutions) sur la
maturité de la dette. DLTTD = ratio dettes à long terme sur total des dettes. DCTTD = ratio dettes à court terme sur total des dettes. CC = contrôle de la corruption. QR = qualité de la réglementation. ED =
l’Etat de droit. BC = concentration du secteur bancaire. IP = variable dummy qui prend la valeur 1 pour les années d’instabilité politique 2005, 2006, 2007, 2010 et 2011, en Côte D’Ivoire. END = ratio dettes
totales sur total des actifs. IMM = ratio des immobilisations corporelles (valeur nette) sur total des actifs. PERF = résultat net divisé par total actif. TAILLE = le logarithme népérien du total des actifs.
21
Tableau 7 Mesures alternatives de la qualité institutionnelle : régression du modèle 2
LONG-TERM DEBT TO TOTAL DEBT (LTDTD) SHORT-TERM DEBT TO TOTAL DEBT (STDTD)
(1) (2) (3) (4) (1) (2) (3) (4)
CC 0,401*** -0,401***
(0,020) (0,020)
QR 0,867*** -0,867***
(0,030) (0,030)
ED 0,342*** -0,342***
(0,022) (0,022)
CB -0,027*** 0,027***
(0,003) (0,003)
IP -0,481*** -0,172 -0,538*** -1,494*** 0,481*** 0,172 0,538*** 1,494***
(0,127) (0,296) (0,092) (0,173) (0,127) (0,296) (0,092) (0,173)
IP × CC -0,455*** 0,455***
(0,113) (0,113)
IP × QR -0,181 0,181
(0,335) (0,335)
IP × ED -0,406*** 0,406***
(0,071) (0,071)
IP × CB 0,024*** -0,024***
(0,003) (0,003)
END -0,028*** -0,028*** -0,028*** -0,028*** 0,028*** 0,028*** 0,028*** 0,028***
(0,005) (0,004) (0,004) (0,004) (0,005) (0,004) (0,004) (0,004)
IMM 0,699*** 0,703*** 0,697*** 0,695*** -0,699*** -0,703*** -0,697*** -0,695***
(0,195) (0,197) (0,194) (0,196) (0,195) (0,197) (0,193) (0,196)
PERF -0,148* -0,186** -0,142* -0,212** 0,148* 0,186** 0,142* 0,212**
(0,071) (0,075) (0,067) (0,071) (0,071) (0,075) (0,067) (0,071)
TAILLE -0,131*** -0,132*** -0,130*** -0,123*** 0,131*** 0,132*** 0,130*** 0,123***
(0,008) (0,008) (0,007) (0,008) (0,008) (0,008) (0,007) (0,008)
Constante 1,558*** 1,912*** 1,579*** 2,742*** -0,558*** -0,912*** -0,579*** -1,742***
(0,055) (0,087) (0,079) (0,188) (0,055) (0,087) (0,079) (0,188)
N 207 207 207 207 207 207 207 207
R2 0,153 0,155 0,153 0,142 0,153 0,155 0,153 0,142
Nombre de sociétés 23 23 23 23 23 23 23 23
Décalage temporel 9 9 9 9 9 9 9 9
F 2 577,37 918,93 3 189,93 8 861,98 2 577,13 918,95 3 190,06 8 862,22
P(F) 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000 Les erreurs standard des coefficients sont entre parenthèses.
(***) statistiquement significatif au seuil de 1%, (**) statistiquement significatif au seuil de 5%, et (*) statistiquement significatif au seuil de 10%.
Le tableau 6 présente les résultats de la régression de l’effet de trois indicateurs de gouvernance mondiaux et la concentration du secteur bancaire (mesures alternatives à la
qualité des institutions) sur la maturité de la dette durant les années d’instabilité politique. DLTTD = ratio dettes à long terme sur total des dettes. DCTTD = ratio dettes à
court terme sur total des dettes. CC = contrôle de la corruption. QR = qualité de la réglementation. ED = l’Etat de droit. BC = concentration du secteur bancaire. IP =
variable dummy qui prend la valeur 1 pour les années d’instabilité politique 2005, 2006, 2007, 2010 et 2011, en Côte D’Ivoire. (IP × CC), (IP × QR), (IP × ED) et (IP ×
BC) représentent respectivement le terme d’interaction des années d’instabilité politique avec le contrôle de la corruption, la qualité de la réglementation, l’Etat de droit et la
concentration du secteur bancaire. END = ratio dettes totales sur total des actifs. IMM = ratio des immobilisations corporelles (valeur nette) sur total des actifs. PERF =
résultat net divisé par total actif. TAILLE = le logarithme népérien du total des actifs.
A la suite des précédentes recherches, dans cet article, nous contribuons à enrichir la
littérature académique, en étudiant si les déterminants traditionnels de la maturité de la dette
observés dans d’autres contextes, s’observent autant dans le contexte des sociétés cotées sur le
marché financier régional de l’UEMOA. En particulier, nous analysons l’impact des facteurs
institutionnels et macroéconomiques sur la maturité de la dette des sociétés durant les années
d’instabilité politique de 2005-2007 et 2010-2011 survenues en Côte d’Ivoire. A partir d’un
échantillon de 23 sociétés cotées à la BRVM de 2005 à 2014, nous obtenons les résultats
suivants.
Au plan empirique, d’abord, nous montrons qu’une meilleure qualité des politiques et
institutions nationales, et une bonne croissance du PIB encouragent l’endettement à long
terme, tandis que les investissements directs étrangers sont inversement associés à
22
l’endettement à long terme. Nous trouvons que l’instabilité politique ne semble avoir un
impact direct sur la maturité de la dette. En effet, la relation négative entre la maturité de la
dette et les investissements directs étrangers, et l’impact non économique de l’instabilité
politique ne correspondent pas à nos prédictions. Ensuite, au cours des années d’instabilité
politique, la qualité des politiques et institutions nationales affecte négativement les dettes à
long terme, et l’effet positif de la croissance du PIB sur les dettes à long terme est très faible
qu’en périodes de stabilité politique apparente. De plus, les investissements directs étrangers
vont à destination des dettes à long terme durant les années d’instabilité politique, alors qu’ils
encouragent les dettes à court terme en périodes de stabilité politique apparente. Par
conséquent, nous mettons en évidence l’effet modérateur de l’instabilité politique dans
l’explication des déterminants de la maturité de la dette. Enfin, nous observons une relation
négative et significative entre la maturité de la dette et l’endettement total, la performance et
la taille, tandis que l’importance des immobilisations corporelles a une influence économique
sur la maturité de la dette.
Au plan théorique, l’impact négatif de la performance sur la maturité de la dette,
soutient les hypothèses de la théorie du financement hiérarchisés (Myers et Majluf 1984).
L’association positive entre la maturité de la dette et l’importance des immobilisations, est
conforme aussi bien à la théorie de l’agence (Jensen et Meckling 1976) qu’à la théorie du
compromis optimal de financement (DeAngelo et Masulis 1980 ; Rajan et Zingales 1995).
Sur le plan managérial, d’une part, nos résultats invitent les managers à prendre en
compte la dynamique de leur environnement institutionnel dans leur processus de financement
par endettement. D’autre part, nos résultats sont susceptibles d’attirer l’attention des décideurs
politiques dans la mise en œuvre des politiques publiques et des réformes institutionnelles en
adéquation avec la politique de financement des entreprises.
Par ailleurs, le paradoxe relatif à l’impact des investissements directs étrangers sur la
maturité de la dette des sociétés cotées à la BRVM, suscite une interrogation sur l’origine et la
destination des investissements directs étrangers, ainsi que la structure de propriété, dans le
contexte institutionnel spécifique aux entreprises du marché financier régional de l’UEMOA.
23
Références
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firms during recent financial crises. The Quarterly Review of Economics and Finance 57 :
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25
Annexe 1. Variables liées à la maturité de la dette, à l’entreprise et à l’instabilité
politique
VARIABLES DESCRIPTION SOURCES
DLTTD
Mesurée par le ratio dettes à long terme sur total des
dettes. Les dettes à long terme concernent l’ensemble
des dettes payables au-delà d’un an.
Demirgüç-Kunt and Maksimovic (1999), Alves and
Francisco (2015), Ben-Nasr et al. (2015), Orman and
Köksal (2017), Awartani et al. (2016).
DCTTD
Mesurée par le ratio dettes à court terme sur total des
dettes. Les dettes à court terme sont constituées de
toutes les dettes autres que les dettes à long terme et la
part des dettes à long terme payable dans moins d’un
an.
Alves and Francisco (2015).
IP
variable dummy qui prend la valeur 1 pour les années
d’instabilité politique 2005, 2006, 2007, 2010 et 2011,
en Côte D’Ivoire, et prend la valeur 0 dans le cas
contraire.
By the authors, based on Ivory Coast institutional
context.
END Calculée par le rapport entre le total des dettes (dettes à
long terme + dettes à court terme) et le total de l’actif.
Delcoure (2007), Ben-Nasr et al. (2015), Belkhir et al.
(2016), Orman and Köksal (2017), Handoo and
Sharma (2014), Alves and Francisco (2015), Awartani
et al. (2016), (González 2015).
IMM Représente le rapport des immobilisations corporelles
en valeur nette sur le total de l’actif.
Alves and Francisco (2015), Ben-Nasr et al. (2015),
Awartani et al. (2016), Belkhir et al. (2016),
Deesomsak et al. (2004), Hovakimian et al. (2004),
Handoo and Sharma (2014), Delcoure (2007), (Jõeveer
2013).
PERF Elle est égale au résultat net divisé par le total actif.
Alves and Francisco (2015), Chang et al (2009, Ben-
Nasr et al. (2015), Belkhir et al. (2016), Deesomsak et
al. (2004), Hovakimian et al. (2004), Handoo and
Sharma (2014), Delcoure (2007), (Jõeveer 2013).
TAILLE Représente le logarithme népérien du total de l’actif.
Ben-Nasr et al. (2015), Awartani et al. (2016), Belkhir
et al. (2016), Deesomsak et al. (2004), Orman and
Köksal (2017), Handoo and Sharma (2014), Delcoure
(2007), (Jõeveer 2013).
Annexe 2 : Indicateurs du développement dans le monde
VARIABLES SOURCES
Panel A (suite) : INDICE D’ÉVALUATION DES POLITIQUES ET DES INSTITUTIONS NATIONALES
Classement de l’efficience de la mobilisation des revenus
par l’EPIN (1=faible et 6=élevée) World Bank Group, CPIA database (http://www.worldbank.org/ida).
Classement de l’environnement de réglementation des
activités commerciales par l’EPIN (1=faible et 6=élevé) World Bank Group, CPIA database (http://www.worldbank.org/ida).
Classement de l’équité de l’utilisation de ressources
publiques par l’EPIN (1=faible et 6=élevée) World Bank Group, CPIA database (http://www.worldbank.org/ida).
Classement de la gestion macroéconomique par l’EPIN
(1=faible et 6=élevée) World Bank Group, CPIA database (http://www.worldbank.org/ida).
Classement de la moyenne collective de la gestion du secteur
public et des institutions par l’EPIN (1=faible et 6=élevée) World Bank Group, CPIA database (http://www.worldbank.org/ida).
Classement de la moyenne collective de la gestion
économique par l’EPIN (1=faible et 6=élevée) World Bank Group, CPIA database (http://www.worldbank.org/ida).
Classement de la moyenne collective des politiques relatives
à l’inclusion sociale/équité par l’EPIN (1=faible et
6=élevée)
World Bank Group, CPIA database (http://www.worldbank.org/ida).
Classement de la moyenne collective des politiques
structurelles par l’EPIN (1=faible et 6=élevée) World Bank Group, CPIA database (http://www.worldbank.org/ida).
Classement de la politique fiscale par l’EPIN (1=faible et
6=élevée) World Bank Group, CPIA database (http://www.worldbank.org/ida) .
Classement de la politique sur l’égalité des sexes par l’EPIN
(1=faible et 6=élevée) World Bank Group, CPIA database (http://www.worldbank.org/ida)
Classement de la politique sur la dette par l’EPIN (1=faible World Bank Group, CPIA database (http://www.worldbank.org/ida)
26
et 6=élevée)
Classement de la protection sociale par l’EPIN (1=faible et
6=élevée) World Bank Group, CPIA database (http://www.worldbank.org/ida) .
Annexe 2 (suite) : Indicateurs du développement dans le monde
VARIABLE NAME SOURCES
Classement de la qualité de l’administration publique par
l’EPIN (1=faible et 6=élevée)
World Bank Group, CPIA database
(http://www.worldbank.org/ida).
Classement de la qualité de la gestion budgétaire et
financière par l’EPIN (1=faible et 6=élevée)
World Bank Group, CPIA database
(http://www.worldbank.org/ida).
Classement de la transparence, de la responsabilisation et
de la corruption dans le secteur public par l’EPIN
(1=faible et 6=élevée)
World Bank Group, CPIA database
(http://www.worldbank.org/ida).
Classement des droits de propriétés et de règles de
gouvernance par l’EPIN (1=faible et 6=élevé)
World Bank Group, CPIA database
(http://www.worldbank.org/ida).
Classement des politiques et institutions pour la durabilité
de l’environnement par l’EPIN (1=faible et 6=élevée)
World Bank Group, CPIA database
(http://www.worldbank.org/ida).
Classement du commerce par l’EPIN (1=faible et
6=élevé)
World Bank Group, CPIA database
(http://www.worldbank.org/ida).
Classement du renforcement des ressources humaines par
l’EPIN (1=faible et 6=élevé)
World Bank Group, CPIA database
(http://www.worldbank.org/ida).
Classement du secteur financier par l’EPIN (1=faible et
6=élevé)
World Bank Group, CPIA database
(http://www.worldbank.org/ida).
Panel B : AUTRES INDICATEURS DU DEVELOPPEMENT DANS LE MONDE
Croissance du PIB (%) World Bank national accounts data, and OECD National Accounts
data files.
Investissements directs étrangers, entrées nette (% du
PIB)
Statistiques financières internationales et bases de données sur la
balance des paiements du Fonds monétaire international, de la
Banque mondiale et de l'OCDE.
Annexe 3 : Indicateurs mondiaux de gouvernance
VARIABLES DESCRIPTION SOURCES
INDICATEURS MONDIAUX DE GOUVERNANCE
Le contrôle de la corruption (CC)
Dans quelle mesure la puissance publique est exercée à des
fins privées en incluant à la fois petites et grandes formes de
corruption, de même que la façon dont l’État a été « capté »
par les élites et les intérêts privés.
Kaufmann et al. (2010)
La qualité de la réglementation (QR)
Capacité du gouvernement à formuler et appliquer des
politiques et des réglementations adaptées qui favorisent le
développement du secteur privé.
Kaufmann et al. (2010)
L’État de droit (ED)
Dans quelle mesure les citoyens ont-ils confiance dans les
règles posées par la société, et les respectent-ils ; et, en
particulier, qualité du contrat social, à travers la police et les
juridictions, mais aussi le taux de criminalité et la violence.
Kaufmann et al. (2010)
Bank concentration (%) Mesure la part des actifs bancaires détenus par les trois plus
grandes banques. Cihák et al. (2012)