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VETAGRO SUP CAMPUS VETERINAIRE DE LYON
Année 2013 - Thèse n°068
INTERETS DE LA MESURE DU pH URINAIRE ET DU DOSAGE DES MACRO-ELEMENTS URINAIRES CHEZ LA VACHE :
ETAT DES LIEUX DES CONNAISSANCES ET ETUDE DE CAS
THESE
Présentée à l’UNIVERSITE CLAUDE-BERNARD - LYON I (Médecine - Pharmacie)
et soutenue publiquement le 27 novembre 2013 pour obtenir le grade de Docteur Vétérinaire
par
MARMONT Adrien
Né le 17 décembre 1987 à Viriat (01)
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LISTE DES ENSEIGNANTS DU CAMPUS VETERINAIRE DE VETAGRO SUP
Civilité Nom Prénom Unités pédagogiques Grade
M. ALOGNINOUWA Théodore Unité pédagogique Pathologie du bétail Professeur
M. ALVES DE OLIVEIRA Laurent Unité pédagogique Gestion des élevages Maître de conférences
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Professeur
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Maître de conférences Contractuel
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Maître de conférences Contractuel
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M. BERNY Philippe Unité pédagogique Biologie fonctionnelle Professeur
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Maître de conférences
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Professeur
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Maître de conférences Contractuel
M. BUFF Samuel Unité pédagogique Biotechnologies et pathologie de la reproduction
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M. BURONFOSSE Thierry Unité pédagogique Biologie fonctionnelle Maître de conférences
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Maître de conférences Contractuel
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Professeur
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Maître de conférences
M. CAROZZO Claude Unité pédagogique Anatomie Chirurgie (ACSAI)
Maître de conférences
M. CHABANNE Luc Unité pédagogique Pathologie médicale des animaux de compagnie
Professeur
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Mme DELIGNETTE MULLER Marie-Laure Unité pédagogique Biologie fonctionnelle Professeur
M. DEMONT Pierre Unité pédagogique Santé Publique et Vétérinaire
Professeur
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Isabelle Unité pédagogique Equine Maître de conférences Contractuel
Mme DJELOUADJI Zorée Unité pédagogique Santé Publique et Vétérinaire
Maître de conférences
Mme ESCRIOU Catherine Unité pédagogique Pathologie médicale des animaux de compagnie
Maître de conférences
M. FAU Didier Unité pédagogique Anatomie Chirurgie (ACSAI)
Professeur
Mme FOURNEL Corinne Unité pédagogique Pathologie morphologique et clinique des animaux de compagnie
Professeur
M. FRANCK Michel Unité pédagogique Gestion des élevages Professeur
M. FREYBURGER Ludovic Unité pédagogique Santé Publique et Vétérinaire
Maître de conférences
M. FRIKHA Mohamed-Ridha
Unité pédagogique Pathologie du bétail Maître de conférences
M. GENEVOIS Jean-Pierre Unité pédagogique Anatomie Chirurgie (ACSAI)
Professeur
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M. GONTHIER Alain Unité pédagogique Santé Publique et Vétérinaire
Maître de conférences
Mme GRAIN Françoise Unité pédagogique Gestion des élevages Professeur
M. GRANCHER Denis Unité pédagogique Gestion des élevages Maître de conférences
Mme GREZEL Delphine Unité pédagogique Santé Publique et Vétérinaire
Maître de conférences
M. GUERIN Pierre Unité pédagogique Biotechnologies et Professeur
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pathologie de la reproduction
Mme GUERIN FAUBLEE Véronique Unité pédagogique Santé Publique et Vétérinaire
Maître de conférences
Mme HUGONNARD Marine Unité pédagogique Pathologie médicale des animaux de compagnie
Maître de conférences
M. JUNOT Stéphane Unité pédagogique Anatomie Chirurgie (ACSAI)
Maître de conférences
M. KECK Gérard Unité pédagogique Biologie fonctionnelle Professeur
M. KODJO Angeli Unité pédagogique Santé Publique et Vétérinaire
Professeur
Mme LAABERKI Maria-Halima Unité pédagogique Santé Publique et Vétérinaire
Maître de conférences Stagiaire
M. LACHERETZ Antoine Unité pédagogique Santé Publique et Vétérinaire
Professeur
Mme LAMBERT Véronique Unité pédagogique Gestion des élevages Maître de conférences
Mme LE GRAND Dominique Unité pédagogique Pathologie du bétail Maître de conférences
Mme LEBLOND Agnès Unité pédagogique Santé Publique et Vétérinaire
Professeur
Mme LEFRANCPOHL Anne-Cécile Unité pédagogique Equine Maître de conférences
M. LEPAGE Olivier Unité pédagogique Equine Professeur
Mme LOUZIER Vanessa Unité pédagogique Biologie fonctionnelle Maître de conférences
M. MARCHAL Thierry Unité pédagogique Pathologie morphologique et clinique des animaux de compagnie
Professeur
Mme MIALET Sylvie Unité pédagogique Santé Publique et Vétérinaire
Inspecteur en santé publique vétérinaire (ISPV)
Mme MICHAUD Audrey Unité pédagogique Gestion des élevages Maître de conférences Stagiaire
M. MOUNIER Luc Unité pédagogique Gestion des élevages Maître de conférences
M. PEPIN Michel Unité pédagogique Santé Publique et Vétérinaire
Professeur
M. PIN Didier Unité pédagogique Pathologie morphologique et clinique des animaux de compagnie
Maître de conférences
Mme PONCE Frédérique Unité pédagogique Pathologie médicale des animaux de compagnie
Maître de conférences
Mme PORTIER Karine Unité pédagogique Anatomie Chirurgie (ACSAI)
Maître de conférences
Mme POUZOT NEVORET Céline Unité pédagogique Anatomie Chirurgie (ACSAI)
Maître de conférences Stagiaire
Mme PROUILLAC Caroline Unité pédagogique Biologie fonctionnelle Maître de conférences
Mme REMY Denise Unité pédagogique Anatomie Chirurgie (ACSAI)
Professeur
M. ROGER Thierry Unité pédagogique Anatomie Chirurgie (ACSAI)
Professeur
M. SABATIER Philippe Unité pédagogique Biologie fonctionnelle Professeur
M. SAWAYA Serge Unité pédagogique Anatomie Chirurgie (ACSAI)
Maître de conférences
Mme SEGARD Emilie Unité pédagogique Anatomie Chirurgie (ACSAI)
Maître de conférences Contractuel
Mme SERGENTET Delphine Unité pédagogique Santé Publique et Vétérinaire
Maître de conférences
Mme SONET Juliette Unité pédagogique Anatomie Chirurgie (ACSAI)
Maître de conférences Contractuel
M. THIEBAULT Jean-Jacques Unité pédagogique Biologie fonctionnelle Maître de conférences
M. VIGUIER Eric Unité pédagogique Anatomie Chirurgie (ACSAI)
Professeur
Mme VIRIEUX WATRELOT Dorothée Unité pédagogique Pathologie morphologique et clinique des animaux de compagnie
Maître de conférences Contractuel
M. ZENNER Lionel Unité pédagogique Santé Publique et Vétérinaire
Professeur
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REMERCIEMENTS
A Monsieur Maurice LAVILLE
Professeur de la Faculté de Médecine Lyon Sud,
Qui m’a fait l’honneur d’accepter la présidence du jury,
Pour sa disponibilité et sa réactivité.
Hommages respectueux.
A Monsieur Laurent ALVES DE OLIVEIRA
Maître de conférences à VetAgro Sup, Campus Vétérinaire de Lyon
Qui m’a encadré et guidé depuis le point de départ.
Sincères remerciements.
A Madame Vanessa LOUZIER
Maître de conférences à VetAgro Sup, Campus Vétérinaire de Lyon
Qui a immédiatement accepté de faire partie du jury.
Sincères remerciements.
A Pascal LEBRETON et Cécile RAITIERE
De NBVC
Pour leur disponibilité et leur aide précieuse tout au long de ce travail.
Je vous exprime toute ma gratitude.
A Pauline OTZ
De l’Unité Clinique Rurale de l’Arbresle de VetAgro Sup
Pour son appui sur le terrain.
Sincères remerciements.
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TABLE DES MATIERES
TABLE DES FIGURES ................................................................................................................9
TABLE DES TABLEAUX ........................................................................................................... 10
TABLE DES ABREVIATIONS ..................................................................................................... 10
INTRODUCTION ................................................................................................................... 11
PARTIE 1 : L’EXCRETION URINAIRE CHEZ LA VACHE ............................................................. 12
I. ANATOMIE DE L’APPAREIL URINAIRE DES BOVINS ............................................................................ 12 A. La partie glandulaire : les reins .............................................................................................................................. 12
1. Topographie et aspect ............................................................................................................. 12 2. Conformation extérieure .......................................................................................................... 13 3. Conformation intérieure et ultrastructure. .............................................................................. 13
a. Le néphron ........................................................................................................................ 14 i) Corpuscule rénal : glomérule artériel et capsule ......................................................... 14 ii) Tubule du néphron ....................................................................................................... 15 iii) Le complexe juxtaglomérulaire .................................................................................... 15
b. Le tube collecteur ............................................................................................................. 15 c. Le sinus rénal .................................................................................................................... 15
4. Vascularisation et innervation .................................................................................................. 15 B. La partie tubulaire : bassinets, uretères, vessie et urètre ........................................................................... 16
II. MECANISMES DE FORMATION DE L’URINE ..................................................................................... 16
A. Les étapes dans le néphron .................................................................................................................................. 17
1. Filtration glomérulaire .......................................................................................................... 17 2. Réabsorption tubulaire ......................................................................................................... 17 3. Sécrétion tubulaire ............................................................................................................... 18
B. Les systèmes de régulation de la réabsorption tubulaire. .................................................................... 18
C. Stockage et élimination ........................................................................................................................................ 20
III. LES MACROELEMENTS ET LEUR EXCRETION .................................................................................... 20
A. Calcium (Ca) ............................................................................................................................................................... 21
1. Rôles physiologiques ............................................................................................................ 21 2. Absorption et excrétion ........................................................................................................ 22 3. Signes de carence ou d’excès ............................................................................................... 22
B. Phosphore (P) ............................................................................................................................................................ 22
1. Rôles physiologiques ............................................................................................................ 22 2. Absorption et excrétion ........................................................................................................ 23 3. Signes de carence ou d’excès ............................................................................................... 23 4. L’homéostasie phosphocalcique .......................................................................................... 23
C. Magnésium (Mg) ...................................................................................................................................................... 24
1. Rôles physiologiques ............................................................................................................ 24 2. Absorption et excrétion ........................................................................................................ 24 3. Signes de carence ou d’excès ............................................................................................... 25
D. Potassium (K) ............................................................................................................................................................ 25 1. Rôles physiologiques ............................................................................................................ 25
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2. Absorption et excrétion ........................................................................................................ 26 3. Signes de carence ou d’excès ............................................................................................... 26
E. Sodium (Na) et chlore (Cl) ................................................................................................................................... 26
1. Rôles physiologiques ............................................................................................................ 26 2. Absorption et excrétion ........................................................................................................ 26 3. Signes de carence ou d’excès ............................................................................................... 27
F. Soufre (S) ..................................................................................................................................................................... 28
IV. HOMEOSTASIE ACIDO-BASIQUE ET DIURESE ................................................................................... 28
A. Caractérisation de l’équilibre acido-basique sanguin ............................................................................ 28 1. La relation d’Henderson-Hasselback .................................................................................... 29 2. Le modèle des ions forts....................................................................................................... 30
a. Modèle de Stewart ........................................................................................................... 30 b. Modèle des ions forts simplifié ........................................................................................ 31
B. Elimination de la charge acide par le rein ................................................................................................... 32
C. Déterminants du pH urinaire ............................................................................................................................. 34
1. Notions de physiologie rénale .............................................................................................. 34 2. Expression du pH urinaire en fonction de la composition de l’urine ................................... 35 3. Expression du pH urinaire en fonction de la composition de la ration ................................ 36
PARTIE 2 : LES DIFFERENTES ANALYSES DISPONIBLES ET LEUR PLACE DANS LA DEMARCHE
CLINIQUE .......................................................................................................... 38
I. PRELEVEMENT D’URINE ET MESURE DU PH URINAIRE ....................................................................... 38 A. Miction spontanée ou provoquée ...................................................................................................................... 38
B. Sondage vésical ......................................................................................................................................................... 38
1. Contention ............................................................................................................................ 38 2. Matériel ................................................................................................................................ 39 3. Technique de prélèvement .................................................................................................. 39
4. Technique de mesure .............................................................................................................................................. 41
II. UTILISATION DU PH URINAIRE DES VACHES ........................................................................................... 42 A. Niveau individuel ..................................................................................................................................................... 42
1. Aide au diagnostic ................................................................................................................ 42 2. Traitement de l’acidose aiguë .............................................................................................. 44
B. Niveau troupeau ....................................................................................................................................................... 45 1. Fièvre vitulaire et gestion du BACA au tarissement ............................................................. 45
a) Liens entre le BACA et la fièvre vitulaire .......................................................................... 45 b) Utilisation du pH urinaire dans la prévention de la fièvre vitulaire ................................. 47 c) pH urinaire et estimation du risque de fièvre vitulaire ..................................................... 48
2. Appréciation du bilan électrolytique de la ration ................................................................ 48
III. INTERPRETATION DES CONCENTRATIONS URINAIRES DES MACRO-ELEMENTS CHEZ LES VACHES .................... 50
A. Quand demander une analyse minérale de l’urine ? ............................................................................... 50
B. Le laboratoire et ses valeurs de référence .................................................................................................... 51
C. Interprétation des analyses ................................................................................................................................. 51 1. La calciurie ............................................................................................................................ 51 2. La phosphaturie .................................................................................................................... 52 3. La magnésiurie ...................................................................................................................... 53 4. Excrétion urinaire des électrolytes (K, Na, Cl) ...................................................................... 53 5. La différence en ions forts de l’urine (DIF ou SID) ................................................................ 54 6. L’osmolarité urinaire, un indicateur supplémentaire .......................................................... 54
8
PARTIE 3 : ETUDE DE CAS EN ELEVAGES LAITIERS ................................................................ 55
I. CAS 1 : SOUS-PRODUCTION ET RAIDEURS MUSCULAIRES ........................................................................ 55 A. L’élevage et son objectif ........................................................................................................................................ 55
B. Résultats et interprétation des analyses ....................................................................................................... 56
C. Conseils pour l’éleveur et discussion ............................................................................................................... 56
II. CAS 2 : DES RESULTATS DE REPRODUCTION A AMELIORER....................................................................... 57
A. Présentation de l’élevage...................................................................................................................................... 57
B. Résultats et interprétation des analyses ....................................................................................................... 58
C. Conseils pour l’élevage ........................................................................................................................................... 58
III. CAS 3 : BOITERIES ET SUSPICION D’ACIDOSE RUMINALE .......................................................................... 59 A. Présentation de l’élevage...................................................................................................................................... 59
B. Résultats et interprétation des analyses ....................................................................................................... 59
C. Modification de ration et suivi ........................................................................................................................... 60
CONCLUSION ....................................................................................................................... 62
BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................... 63
ANNEXE 1 : TECHNIQUES D’ANALYSES DE L’URINE PAR LA SOCIETE IODOLAB...................................................... 67 ANNEXE 2 : FIABILITE DES PLAGES D’UNE BANDELETTE URINAIRE REACTIVE ....................................................... 68
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TABLE DES FIGURES
- Figure 1 : Schéma de l’appareil urinaire de la vache 12
- Figure 2 : Schéma d’un rein de bovin adulte 13
- Figure 3 : Schéma d’un rein de bovin en coupe longitudinale 13
- Figure 4 : Schéma d’un néphron 14
- Figure 5 : Schéma d’un corpuscule rénal 14
- Figure 6 : Schéma des principaux flux d’eau, de sel et d’urée dans le néphron 18
- Figure 7 : Schéma de la réponse du système rénine-angiotensine-aldostérone
à une baisse de la pression artérielle 19
- Figure 8 : Schéma des principaux flux de minéraux dans l’organisme 21
- Figure 9 : Schéma simplifié de l’homéostasie phosphocalcique 24
- Figure 10 : Production d’urine en fonction des apports de sodium chez la vache 27
- Figure 11 : Schéma des déterminants du pH sanguin d’après la relation de
Henderson-Hasselbalch 30
- Figure 12 : Principe de base de la théorie des ions forts 30
- Figure 13 : Déterminants du pH sanguin d’après le modèle des ions forts simplifié 31
- Figure 14 : Réabsorption tubulaire des bicarbonates 32
- Figure 15 : Mécanisme de l’excrétion tubulaire des protons 33
- Figure 16 : Mécanisme de l’excrétion tubulaire de bicarbonates 33
- Figure 17 : Lien entre le pH urinaire et l’excrétion nette de base chez des vaches
laitières hors-lactation 34
- Figure 18 : pH urinaire en fonction du BACA chez des vaches taries 37
- Figure 19 : pH urinaire en fonction du bilan électrolytique de la ration chez des vaches
en lactation (A) et des ruminants en croissance (B) 37
- Figure 20 : Photo de deux types de sondes couramment utilisés : la sonde métallique
coudée et la sonde souple 39
- Figure 21 : Photo d’une vue du plancher du vagin depuis la vulve 39
- Figure 22 : Repères anatomiques schématisés 40
- Figure 23 : Photo d’une coupe sagittale de la zone du diverticule sub-urétral 40
- Figure 24 et 25 : Photos d’un prélèvement à l’aide d’une sonde métallique 41
- Figure 26 : Photo d’une bandelette pH spécifique et du nuancier de référence 41
- Figure 27 : Schéma d’interprétation du pH urinaire de la vache 43
- Figure 28 : pH urinaire et excès de base chez des vaches en acidose métabolique induite expérimentalement 45
- Figure 29 : Relation entre le BACA et l’incidence des fièvres vitulaires 47
- Figure 30 : Relation entre le BACA et le pH urinaire chez la vache 47
- Figure 31 : Effets du bilan électrolytique (BE) sur le pH sanguin, le pH urinaire et les
performances de vaches en lactation 49
- Figure 32 : Excrétion urinaire du calcium en fonction du pH urinaire chez des vaches taries 51
- Figure 33 : Relation entre l’absorption et l’excrétion urinaire du phosphore chez la vache 52
- Figure 34 : Relation entre l’absorption et l’excrétion urinaire du magnésium chez la vache 53
10
TABLE DES TABLEAUX
- Tableau I : Concentrations des principaux minéraux dans l’urine de vache 36
- Tableau II : Résultats des analyses d’urines de l’élevage 1, en date du 23 mai 2013 56
- Tableau III : Résultats du dosage du magnésium urinaire des vaches de l’élevage 1,
en date du 26 août 2013 57
- Tableau IV : Valeurs de quatre paramètres de reproduction de l’élevage 2 58
- Tableau V : Résultats des analyses d’urines de l’élevage 2, en date du 25 juin 2013 58
- Tableau VI : Valeurs de trois paramètres de reproduction de l’élevage 3 59
- Tableau VII : Résultats des analyses d’urines de l’élevage 3, en date du 25 juin 2013 60
- Tableau VIII : Résultats des analyses d’urines de l’élevage 3, en date du 15 juillet 2013 61
TABLE DES ABREVIATIONS
ADH : antidiuretic hormone
ATP : adénosine triphosphate
BACA : bilan alimentaire cations anions
BE : bilan électrolytique
CT : calcitonine
DCAD : dietary cation anion difference
DIF : différence en ions forts
kDa : kiloDalton
MS : matière sèche
NAE : net acid excretion
NBE : net base excretion
NRC : National Research Council
PTH : parathyroid hormone
SID : strong ion difference
TCD : tubule contourné distal
TCP : tubule contourné proximal
11
Introduction
«La fixité du milieu intérieur est la condition d’une vie libre et indépendante » (Claude Bernard, 1859)
Les reins possèdent un rôle majeur dans le maintien de la constance hydrique et
électrolytique du milieu intérieur, concept introduit par Claude Bernard au XIXème siècle et
nommé plus tard « homéostasie ». Dans ses derniers travaux basés sur des expérimentations
animales, ce physiologiste a affirmé qu’une régulation est nécessaire pour que les variations
du milieu extérieur soient finement compensées par l’organisme. L’apparition au XXème siècle
de nouvelles méthodes d’étude a permis de mieux décrire les paramètres de l’homéostasie et
les mécanismes régulateurs qui interviennent chez un sujet sain.
L’urine est un fluide élaboré par les reins à partir du sang et composé d’eau, de minéraux et
de déchets du métabolisme. Son analyse est couramment réalisée en médecine humaine par
exemple lors d’une suspicion d’atteinte de l’appareil urinaire ou pour détecter des drogues et
des produits dopants. Actuellement, l’analyse d’urine devrait également être un acte de
routine lors de l’examen clinique d’une vache (SCHELCHER et al., 1999).
Les analyses classiques pratiquées sur l’urine en médecine vétérinaire, après l’examen
macroscopique, sont la bandelette urinaire, la mesure de la densité et l’examen
cytobactériologique. La mesure du pH et le dosage des minéraux de l’urine sont utilisés en
recherche en nutrition et peuvent aujourd’hui avoir des applications en clientèle rurale.
Les travaux en nutrition des ruminants depuis les années 60 ont participé à la progression
de la productivité des animaux. Parallèlement, l’incidence des maladies métaboliques a
considérablement augmenté. Pour diagnostiquer ces troubles métaboliques, un certain
nombre d’outils ont été proposés. Certains tels que la mesure du pH urinaire ou le dosage des
macro-éléments dans l’urine sont encore peu utilisés chez les bovins par les vétérinaires
cliniciens en partie par manque de connaissance.
La compréhension des mécanismes de formation de l’urine chez les bovins, qui fait l’objet
de la première partie, est une base pour exploiter des analyses. Les intérêts de réaliser des
mesures de pH urinaires et des analyses minérales seront discutés ensuite, avant de présenter
trois cas pratiques en élevage. L’essentiel de ce travail concerne les vaches laitières.
12
Partie 1 : L’excrétion urinaire chez la vache
I. Anatomie de l’appareil urinaire des bovins
L’appareil urinaire est composé de deux glandes volumineuses, les reins, et de voies
d’excrétion de l’urine, composées des deux uretères, de la vessie et de l’urètre. Chez les
bovins, l’asymétrie est très marquée compte-tenu du développement du rumen.
A. La partie glandulaire : les reins
1. Topographie et aspect
Les reins des bovins se trouvent dans la région lombaire crâniale, à droite du plan médian.
Le rein droit est situé sous les quatre premiers processus transverses en regard de la dernière
côte, dans une loge formée de deux fascias fibreux, alors que le rein gauche, situé contre le
sac dorsal du rumen à une dizaine de centimètres sous les vertèbres lombaires, est flottant au
bord d’un épais méso qui s’insère le long de l’aorte. Le pôle crânial du rein gauche est à
hauteur du pôle caudal du rein droit (fig 1).
Leur couleur est rouge brun, la consistance ferme. Avec un poids total de 1,3kg pour les
deux organes, le poids relatif des reins chez les bovins - 0,2% - est faible si on le compare à
celui des autres Mammifères domestiques : 0,35% chez le cheval, 0,5% chez le chien, 0,8%
chez le chat (0,4% chez l’Homme) (BARONE, 2001).
Figure 1 : Schéma de l’appareil urinaire de la vache (d’après BARONE, 2001)
13
2. Conformation extérieure
Les reins de bovins ont une longueur de 20cm environ, le droit a une forme elliptique et le
gauche une forme pyramidale. Des sillons délimitent en surface une vingtaine de lobes. Une
capsule fibreuse entoure chaque rein et s’insinue dans le hile, par lequel pénètrent l’uretère,
l’artère rénale, la veine rénale et les nerfs (fig 2).
Figure 2 : Schéma d’un rein de bovin adulte (d’après REECE, 2009)
3. Conformation intérieure et ultrastructure.
Le rein se compose d’un parenchyme organisé en couches concentriques autour d’une
cavité appelée sinus rénal, qui loge le bassinet, les vaisseaux et les nerfs (fig 3). Chaque lobe
du rein est formé de nombreux tubes urinaires, eux-mêmes constitués chacun d’un néphron
et d’un tube collecteur.
Macroscopiquement, on divise le parenchyme rénal en deux parties. En périphérie, le
cortex se caractérise par une teinte plus foncée et un aspect finement granuleux piqueté de
rouge. Plus en profondeur se trouve la médulla, plus pâle avec un aspect fibreux et rayonné.
Figure 3 : Schéma d’un rein de bovin en coupe longitudinale (d’après BARONE, 2001)
1 : Artère rénale 2 : Veine rénale 3 : Uretère
14
a. Le néphron
Un néphron se compose d’un corpuscule rénal (anciennement « corpuscule de Malpighi »)
et d’un tubule (fig 4). Un rein de bovin contient approximativement 4 millions de néphrons,
soit quatre fois plus que celui d’un Homme (REECE, 2009).
Figure 4 : Schéma d’un néphron (d’après REECE, 2009)
i) Corpuscule rénal : glomérule artériel et capsule
Le glomérule est une structure globuleuse composée d’un réseau capillaire issu d’une
artériole. La capsule glomérulaire (anciennement « capsule de Bowman ») couvre la surface
des capillaires et forme avec eux un filtre entre la lumière du capillaire et la lumière capsulaire
qui marque le début du tubule du néphron. Environ 20% du plasma sanguin afférent est
ultrafiltré par le glomérule vers la lumière capsulaire (BARONE, 2001).
Figure 5 : Schéma d’un corpuscule rénal
(d’après FRANDSON et al., 2009)
1 Capsule glomérulaire 2 Tubule contourné proximal 3, 4,5 Anse du néphron 6 Tubule contourné distal 7,8,9,10 Tubes collecteurs 11 Artériole afférente 12 Glomérule artériel 13 Artériole efférente 14 Capillaire 15 Vasa recta 16 Vers la veine rénale
Cortex
Médulla
Tubule contourné distal
Artériole efférente
Anse du néphron
Artériole afférente
Artériole afférente
Complexe juxtaglomérulaire
Glomérule artériel
Capsule glomérulaire
Tubule contourné proximal
Artériole afférente
15
ii) Tubule du néphron
Ce tubule est formé successivement du tubule contourné proximal (TCP), de l’anse du
néphron (ou « anse de Henlé »), et du tubule contourné distal (TCD). Le TCP et le TCD
décrivent des flexuosités et se trouvent dans le cortex, alors que l’anse du néphron,
comportant deux branches rectilignes parallèles appelées tubules droits proximal et distal,
atteint la médulla plus ou moins en profondeur selon le type de néphron. L’anse du néphron a
comme fonction principale de concentrer l’urine, on distingue successivement une branche
descendante et une branche ascendante.
Le TCP et le tubule droit proximal forment la « partie proximale du néphron », siège d’une
réabsorption active de nombreux éléments et d’une absorption passive d’une grande partie
de l’eau. De plus, l’acidification de l’urine est contrôlée à ce niveau (BARONE, 2001).
Le tubule droit distal est quant à lui imperméable à l’eau. Il est suivi par le TCD, dans lequel
a lieu une réabsorption d’eau sous contrôle de deux hormones, l’aldostérone et l’ADH
(antidiuretic hormone).
iii) Le complexe juxtaglomérulaire
En contact avec le tube droit distal et les artérioles du corpuscule rénal (fig 5), cette
formation participe à la régulation de la pression sanguine. Les cellules qui la composent sont
capables de détecter une ischémie rénale ou une baisse de la pression sanguine, et de
sécréter la rénine. Son action fait intervenir l’angiotensine (voir II. B.).
b. Le tube collecteur
Il reçoit l’urine des néphrons et converge vers d’autres tubes collecteurs, formant un
tubule collecteur droit, jusqu’au conduit papillaire qui s’abouche dans le sinus rénal via la
papille rénale. Le rein de bovin contient une vingtaine de papilles rénales.
c. Le sinus rénal
Il est au centre du rein, de forme allongée et s’ouvre par le hile. Il loge le bassinet et les
principaux vaisseaux et nerfs. Le bassinet, qui représente la première portion des voies
urinaires, s’insère à la base de chaque papille rénale et est très étroit chez les bovins.
4. Vascularisation et innervation
La vascularisation rénale est très développée. A chaque systole cardiaque, environ 25% du
sang chassé dans l’aorte traverse les reins (BARONE, 2001).
L’artère rénale provenant de l’aorte entre dans le rein par le hile et se divise
successivement pour donner entre autres les artérioles glomérulaires afférentes, qui entrent
dans la composition des corpuscules rénaux. Les artérioles efférentes forment le réseau
capillaire péritubulaire, dont la partie médullaire forme les vaisseaux droits, ou vasa recta. Le
retour veineux est assuré par un système richement anastomosé, contrairement au réseau
16
artériel. Les vaisseaux lymphatiques issus du rein rejoignent les nœuds lymphatiques rénaux
et lombo-aortiques.
Proche des vaisseaux, on identifie un plexus rénal. Les nerfs qui le constituent, appartenant
aux systèmes sympathique et parasympathique, sont sensitifs ou vasomoteurs. Les tubes
rénaux ne semblent pas recevoir d’innervation propre (BARONE, 2001).
B. La partie tubulaire : bassinets, uretères, vessie et urètre
Le bassinet, bien que considéré par certains auteurs comme un élément du rein parce qu’il
se situe dans le sinus rénal, constitue le segment initial des voies conduisant l’urine au sinus
uro-génital. Il est en continuité avec l’uretère, qui est doté d’un véritable péristaltisme et qui
se termine sur le bord dorsal de la vessie de manière oblique. Cette disposition empêche le
reflux d’urine dans un uretère car lorsque la vessie est distendue ou lors de sa contraction, la
portion terminale de l’uretère est comprimée entre la paroi musculaire et la muqueuse de la
vessie. Il est évident, étant donné la topographie des reins, que les uretères ont une
disposition non symétrique.
La vessie est un réservoir musculo-membraneux très extensible. D’après Barone (2001), sa
capacité maximale estimée par injection sur des cadavres est de l’ordre de 3 à 4 litres chez un
bovin adulte. Elle est proportionnellement plus élevée dans les petites espèces de
Mammifères. La vessie est en grande partie abdominale chez les bovins et est maintenue par
trois ligaments correspondants aux vestiges des structures fœtales.
L’urètre débute dans la vessie par l’ostium interne et se termine sur le plancher du
vestibule du vagin par l’ostium externe de l’urètre, ou « méat urinaire ». L’urètre de la vache
mesure 10 à 12 centimètres et est très extensible, de sorte qu’on peut y introduire une sonde
de 2 à 3 centimètres de diamètre (BARONE, 2001). L’ostium externe forme chez la vache une
fente transversale dont le bord crânial forme une valvule qui dirige le jet urinaire vers le
vestibule. Chez la vache, la brebis, la chèvre et la truie, il existe en arrière du méat urinaire un
cul-de-sac, le diverticule sub-urétral. La connaissance de l’organisation anatomique de cette
zone est indispensable pour réaliser un sondage urinaire sur une vache.
II. Mécanismes de formation de l’urine
Rappelons pour commencer que les reins ont plusieurs rôles qui ne se résument pas à la
simple dépuration du sang. Les reins, en produisant une urine de composition variable,
participent certes à l’élimination de substances « déchets », mais aussi au maintien de
l’équilibre hydro-électrolytique et acido-basique de l’organisme. Ils possèdent aussi un rôle
hormonal (production d’érythropoïétine et de prostaglandines, hydroxylation de la vitamine
D3).
17
A. Les étapes dans le néphron
1. Filtration glomérulaire
Le glomérule se présente comme un filtre mécanique dont la membrane de filtration est
composée de trois couches, qui sont l’endothélium du capillaire, une membrane basale et la
paroi interne de la capsule glomérulaire. L’endothélium du capillaire est de type fenestré car il
est pourvu de nombreux pores. La membrane basale est chargée négativement donc est plus
perméable aux molécules chargées positivement. Enfin, la paroi interne de la capsule est
composée de podocytes, des cellules ramifiées qui organisent des fentes permettant le
passage du filtrat. Ainsi le filtre glomérulaire possède une perméabilité sélective suivant la
taille des molécules, la limite étant de 65 kDa environ, et suivant leur charge. L’albumine,
protéine chargée négativement, ne passe pas le filtre.
Le filtrat glomérulaire a donc une composition très proche de celle du plasma sanguin. Il
contient des ions, du glucose, des acides aminés, de l’urée, etc. Plus de 99% de ce filtrat est
réabsorbé dans le tube du néphron (BARONE, 2001).
La filtration est un phénomène passif, elle dépend de la pression nette de filtration, définie
de manière simplifiée comme la différence entre la pression hydrostatique du sang dans le
capillaire glomérulaire et sa pression osmotique. La pression osmotique et la pression
hydrostatique dans la lumière capsulaire ne sont pas importantes hormis dans un stade
pathologique (FRANDSON et al., 2009).
La filtration glomérulaire est un mécanisme stable chez un animal correctement hydraté,
grâce au phénomène d’autorégulation rénale. En revanche, en cas de baisse de la pression
artérielle, une vasoconstriction limite le débit de filtration glomérulaire.
2. Réabsorption tubulaire
Le TCP est le siège de nombreuses réabsorptions. Le glucose et les acides aminés y sont
entièrement réabsorbés par des mécanismes de transport actif, dans la limite des seuils du
rein. Les ions bicarbonates y sont réabsorbés à 85-90% par l’intervention de l’anhydrase
carbonique (FRANDSON et al., 2009 ; APPER-BOSSARD et al., 2009). Le sodium et le chlore y
sont réabsorbés à 70-75%. Une importante absorption passive d’eau a lieu à ce niveau. C’est
aussi dans le TCP que sont sécrétées des substances organiques telles que des médicaments.
L’anse du néphron réduit le volume du filtrat. La branche descendante de l’anse est
relativement perméable à l’eau et imperméable aux autres substances. Par contre, la branche
ascendante de l’anse est relativement imperméable à l’eau et possède des pompes Na-K-
ATPase qui transportent le sodium et le chlore du fluide tubulaire vers le tissu interstitiel.
Etant donné que les deux branches sont proches l’une de l’autre, un gradient osmotique est
maintenu dans le liquide interstitiel : le gradient cortico-papillaire.
Le flux de fluide tubulaire est en sens opposé entre les deux banches de l’anse, de même
que le sang circulant dans le vasa recta. On parle d’échanges à contre-courant.
18
Ainsi, bien que le filtrat glomérulaire soit isotonique, le liquide tubulaire qui sort de l’anse
est hypotonique et le volume a été très réduit (fig 6).
Dans le TCD et le tube collecteur a lieu une modification de la concentration de l’urine sous
contrôle hormonal.
Notons que l’urée est en partie réabsorbée par diffusion simple et qu’elle subit une
recirculation. L’urée peut en effet diffuser du tube collecteur vers le liquide interstitiel puis
dans le tubule de l’anse du néphron, ce qui assure une élimination d’urée suffisante même en
cas de faible excrétion urinaire (REECE, 2009).
Figure 6 : Schéma des principaux flux d’eau, de sel et d’urée dans le néphron.
Les osmolarités indiquées sont représentatives des animaux mais ne sont pas exactement
celles des ruminants (d’après RANDALL et al., 2001)
3. Sécrétion tubulaire
La sécrétion concerne H+, K+, NH3 et des molécules organiques (REECE, 2009). Les
pénicillines sont un exemple de molécules éliminées par voie urinaire. H+ est excrété en
échange de HCO3- (voir IV.B.).
B. Les systèmes de régulation de la réabsorption tubulaire
La concentration de l’urine est assurée par le TCD et le tube collecteur sous contrôle de
l’ADH (antidiuretic hormone) et du système rénine-angiotensine-aldostérone.
19
Les cellules du tube collecteur portent des récepteurs à l’ADH, aussi appelée vasopressine.
Lorsque cette hormone est présente, des canaux membranaires sont insérés par ces cellules,
ce qui permet le passage d’eau du tube collecteur vers le liquide interstitiel. L’urine est ainsi
concentrée tout au long du tube par réduction de la quantité d’eau uniquement. Le gradient
cortico-papillaire crée la différence de pression nécessaire à ces mouvements d’eau.
La production d’ADH par l’hypophyse est stimulée par une augmentation de la pression
osmotique du plasma, due à une hausse de la natrémie, ou par une baisse de la volémie. Une
variation de la pression osmotique de 2% suffit à moduler la production d’ADH (REECE, 2009).
Cette hormone a aussi une action sur le centre de la soif.
La régulation par l’aldostérone fait intervenir des échanges de sodium et de potassium. La
production de cette hormone par le cortex surrénalien est déclenchée par une hypokaliémie,
une hyponatrémie ou une hypovolémie (MESCHY, 2010).
En cas d’hypovolémie, la baisse de pression artérielle est détectée par le complexe
juxtaglomérulaire du rein, qui sécrète alors la rénine. Cette hormone transforme
l’angiotensinogène plasmatique en angiotensine I, qui est à son tour transformée en
angiotensine II par l’enzyme de conversion produite par les poumons. L’angiotensine II
provoque une vasoconstriction et stimule la production d’aldostérone (RANDALL et al., 2001)
(fig 7).
La libération d’aldostérone se traduit par une réabsorption de sodium, en échange de
potassium, et également une libération d’ADH, ce qui permet une réabsorption d’eau suite à
la réabsorption de sodium (RANDALL et al., 2001). L’aldostérone a donc comme effets de
limiter les pertes d’eau et de sodium, et d’éliminer du potassium.
Figure 7 : Schéma de la réponse du système rénine-angiotensine-aldostérone
à une baisse de la pression artérielle (d’après RANDALL et al., 2001)
20
Globalement, la concentration en potassium du liquide extracellulaire est régulée par
l’aldostérone et celle du sodium par l’ADH (REECE, 2009). L’efficacité de l’absorption
intestinale étant élevée et constante pour les électrolytes, le rein est l’organe central de la
régulation de l’homéostasie hydrominérale.
C. Stockage et élimination
La miction est un phénomène réflexe déclenché par la pression dans la vessie. Le flux
constant d’urine par les uretères dilate peu à peu la vessie, ce qui active des tensio-récepteurs
de sa paroi puis le muscle lisse du sphincter interne se relâche et la vessie se contracte. Un
contrôle volontaire de la miction est permis par le sphincter externe composé d’un muscle
strié. Pour uriner, une vache prend une posture particulière, son dos est voussé et sa queue
est relevée.
Plusieurs études ont porté sur le comportement éliminatoire des vaches laitières et il
semble que la fréquence de miction est très variable et indépendante du temps passé à
manger ou du temps passé debout, du poids vif, de la production ou encore de
l’abreuvement. Une vache laitière urine entre 2 et 19 fois par jour (VILLETAZ ROBICHAUD et
al., 2011). Proportionnellement, les vaches éliminent peu lorsqu’elles sont couchées.
Il a auparavant été montré que les vaches ont tendance à uriner préférentiellement dans
l’aire paillée lorsqu’il s’agit d’une stabulation aire paillée, et dans les allées s’il s’agit d’une
stabulation en logettes. Au pâturage, la répartition est uniforme dans le temps (OUDSHOORN
et al., 2008) et la fréquence des mictions est la même qu’en stabulation (CLARK et al., 2010).
La quantité d’urine produite par jour est bien corrélée à la somme des quantités de
sodium, potassium et azote excrétées dans l’urine. Elle est de l’ordre de 20 litres par jour par
vache (BANNINK et al., 1999 ; DELAQUIS et BLOCK, 1995b).
III. Les macroéléments et leur excrétion
Dans l’organisme, le phosphore et le calcium représentent plus des trois quarts des
éléments minéraux et sont principalement localisés dans le tissu osseux : 70 à 80 % du
phosphore et 99 % du calcium (MESCHY, 2010). Les concentrations plasmatiques des macro-
éléments sont finement régulées par les mécanismes de l’homéostasie. Ceux-ci concernent le
tractus digestif, par modification de l’absorption, le tissu osseux, par l’équilibre entre
accrétion et résorption, et les reins, par la variabilité de la réabsorption tubulaire.
La concentration de chaque élément minéral dans le compartiment extra-cellulaire est la
résultante d’un ensemble de flux : des apports par la fraction absorbée des aliments et par
l’ostéolyse ; des pertes dans les fèces et l’urine ainsi que dans les productions (croissance,
gestation et lactation). La figure 8 résume ces mouvements permanents.
21
Figure 8 : Schéma des principaux flux de minéraux dans l’organisme
(d’après MESCHY, 2010)
Commençons par étudier le métabolisme du phosphore et celui du calcium, qui sont
fortement liés car leur régulation fait intervenir une même hormone, la PTH (parathyroid
hormone). Ensuite, nous étudierons le métabolisme des électrolytes (potassium, sodium et
chlore), du magnésium et du soufre.
F. Meschy a publié en 2010 une revue bibliographique très complète intitulée Nutrition
minérale des ruminants. La plupart des données présentées dans cette partie sont tirées de
cet ouvrage.
A. Calcium (Ca)
1. Rôles physiologiques
Le calcium a un rôle dans l’os à la fois structurel et métabolique, tout comme le phosphore.
Le tissu osseux, dont la phase minérale est constituée d’hydroxyapatite (Ca10(PO4)6(OH)2) et
de carbonate de calcium (CaCO3), est constamment en renouvellement par l’action des
ostéoclastes et des ostéoblastes, ce qui nécessite des échanges de calcium et phosphore en
permanence entre le sang et l’os.
Au niveau cellulaire, le calcium intervient dans de nombreux mécanismes comme
messager. Il participe notamment à la contraction musculaire en agissant sur la troponine C, à
la transmission synaptique ou encore à l’activation d’enzymes. On lui donne aussi un rôle dans
le déclenchement de la réponse immunitaire.
Le calcium est également indispensable à la coagulation sanguine puisqu’il intervient dans
la transformation de la prothrombine en thrombine active.
22
2. Absorption et excrétion
Bien que l’intestin soit le lieu principal de l’absorption, une perméabilité de la paroi du
rumen a été montrée pour l’absorption et la sécrétion du calcium et du phosphore.
L’absorption du calcium dans le rumen dépend de la concentration en calcium ionisé dans le
milieu, le seuil étant de 1 mmol/L. En-dessous, le calcium est sécrété par la paroi du rumen et
en-dessus il est absorbé. Cette absorption pourrait atteindre 50% de l’absorption totale de
calcium.
Le calcium est absorbé par diffusion simple dans l’intestin sur toute sa longueur, et de
manière active dans l’intestin grêle.
L’efficacité de l’absorption du calcium diminue lorsque la quantité ingérée augmente.
La principale voie d’excrétion du calcium chez les ruminants est la voie fécale. L’élimination
urinaire représente moins de 5% de l’excrétion totale (MESCHY, 2010). Une valeur faible du
BACA (Bilan Alimentaire Cations Anions) est associée à une calciurie (SPANGHERO, 2002 ;
DELAQUIS and BLOCK, 1995a).
3. Signes de carence ou d’excès
La fièvre vitulaire, également appelée fièvre de lait ou hypocalcémie vitulaire, est une
pathologie courante liée à la soudaine demande en calcium lors du déclenchement de la
lactation. Il s’agit d’une adaptation insuffisante de l’organisme et non d’une carence véritable.
La vache répond rapidement à cette demande par une mobilisation de son calcium osseux et
par une augmentation de l’absorption intestinale du calcium. L’hypocalcémie subclinique (1,4
à 2 mmol/L) est un phénomène fréquent en péri-partum. Aux Etats-Unis, elle concerne 25%
des primipares et environ 50% des multipares (HORST et al., 2003 ; REINHARDT et al,. 2011).
Bien que ces vaches ne présentent pas de symptôme de fièvre vitulaire, leur ingestion
diminue, les acides gras non-estérifiés sanguins augmentent, et les risques de déplacement de
caillette et de mammite augmentent (GOFF, 2008).
Une carence vraie en calcium se traduit par une altération du métabolisme osseux :
rachitisme chez le jeune et ostéomalacie chez l’adulte.
La toxicité du calcium par un excès d’apport alimentaire est considérée comme
« improbable» (MESCHY, 2010) compte tenu de «la puissante homéostasie phosphocalcique».
B. Phosphore (P)
1. Rôles physiologiques
Outre son rôle dans le métabolisme osseux, le phosphore a un rôle essentiel dans l’activité
des micro-organismes du rumen. Il entre dans la composition des parois bactériennes, des
acides nucléiques, de l’ATP, et participe à de nombreuses réactions enzymatiques. Les
bactéries amylolytiques ont un besoin plus faible que les bactéries cellulolytiques.
23
Par son omniprésence sous forme de phospholipides ou acides nucléiques, le phosphore
intervient dans presque toutes les réactions métaboliques.
2. Absorption et excrétion
L’absorption du phosphore dans le rumen semble faible (MESHY, 2010). Son absorption
intestinale est assurée par un transport passif, qui prédomine lorsque les apports sont
suffisants, et un transport actif dont le mécanisme n’est pas entièrement connu. La quantité
absorbée dépend de manière quasi-linéaire à la quantité ingérée.
Le phosphore est principalement excrété dans les fèces (90 à 95%). La salive participe à
l’homéostasie du phosphore car sa concentration salivaire est déterminée par celle du sang,
jusqu’à saturation vers 2,5 à 3 mmol/L dans le sang. L’excrétion urinaire s’observe entre
autres lorsque les apports sont excessifs ou que la ration comporte une forte proportion
d’aliments concentrés (MESHY, 2010 ; GEISERT et al., 2010).
Chez les ruminants, quand les apports de Ca et P sont suffisants, un rapport
phosphocalcique compris entre 1 et 8 (NRC, 2001) ne modifie pas l’absorption ni l’utilisation
du P. En revanche, un excès de Ca accentue les effets de la carence en P (MESCHY, 2010).
3. Signes de carence ou d’excès
La pollution par le phosphore contenu dans les effluents d’élevage se manifeste par
l’eutrophisation des eaux de surface, ce qui a stimulé la recherche en nutrition qui concerne
cet élément. Une carence modérée en phosphore provoque une chute de l’appétit et une
faible baisse de la production laitière ou de la croissance.
Les excès d’apport sont très bien tolérés par les vaches grâce aux mécanismes efficaces de
régulation qui augmentent la charge de phosphore dans la salive et l’urine. La préoccupation
dominante est liée à l’environnement.
4. L’homéostasie phosphocalcique
La calcémie est finement régulée par trois systèmes hormonaux, qui font intervenir la
vitamine D, la parathormone (PTH) et la calcitonine. La régulation de la phosphorémie peut
être considérée comme une conséquence des mécanismes de l’homéostasie du calcium.
Les vitamines D2, d’origine végétale, et D3, d’origine animale et en partie produite par
l’action des rayons ultra-violets dans la peau, sont à l’origine du calcitriol après transformation
au niveau du foie et du rein. La production de calcitriol est accrue en cas d’hypocalcémie et
par action de la PTH. Le calcitriol stimule l’absorption intestinale de calcium et agit avec la PTH
en augmentant la résorption osseuse et la réabsorption tubulaire du calcium.
La production de calcitriol provoque donc une hausse de la calcémie, et une hausse de la
phosphatémie dans une moindre mesure.
La PTH, sécrétée par les glandes parathyroïdes, est produite en réponse à une
hypocalcémie. Elle agit sur le tissu osseux en activant sa résorption, et sur le rein en activant la
24
transformation de vitamine D en calcitriol. De plus, la PTH inhibe la réabsorption rénale de
phosphore.
La PTH a donc comme effets d’augmenter la calcémie et de diminuer la phosphorémie.
La calcitonine (CT) a quant à elle une action opposée à celle de la PTH (fig 9) ; elle est
produite en cas d’hypercalcémie. Elle limite la production de calcitriol, inhibe l’activité
ostéoclastique et la réabsorption tubulaire du calcium. La calcitonine est hypocalcémiante et
hypophosphatémiante.
Figure 9 : Schéma simplifié de l’homéostasie phosphocalcique
(d’après MESCHY, 2010)
C. Magnésium (Mg)
1. Rôles physiologiques
Le magnésium entre lui aussi dans la composition du tissu osseux, et possède un rôle non
négligeable de stimulation de la réponse des ostéoclastes en réponse à la sécrétion de PTH et
dans la synthèse de calcitriol (LEAN et al., 2006). Il participe à la régulation des flux ioniques
entre les cellules et le liquide interstitiel, permettant notamment la contraction musculaire et
la transmission de l’influx nerveux. Il est enfin nécessaire à plus de 300 réactions
enzymatiques (MESCHY, 2010) en tant que cofacteur. On trouve parmi ces réactions la
phosphorylation par l’ATP et de manière générale l’action des kinases, aussi bien dans le
métabolisme énergétique, protéique et lipidique.
2. Absorption et excrétion
Chez la vache adulte, l’absorption du magnésium a lieu essentiellement dans le réseau et le
rumen, même si une absorption intestinale existe. Elle dépend de deux mécanismes actifs et
est sensible aux conditions physico-chimiques du rumen, l’énergie et le potassium étant les
25
facteurs principaux influençant son absorption. On observe une augmentation de l’absorption
du magnésium avec l’énergie apportée, quelle que soit la source d’énergie, ce qui est
cohérent avec l’intervention de mécanismes actifs. D’autre part, une forte concentration
ruminale en potassium s’accompagne d’une nette diminution de l’absorption du magnésium,
par modification de la différence de potentiel transmembranaire. On suspecte aussi un effet
négatif de l’ammoniac sur l’absorption ruminale du magnésium (MESCHY, 2010).
60 à 70% du magnésium total se trouve dans l’os mais il n’existe pas de système hormonal
régulant directement la magnésémie. Le rein est l’acteur principal de sa régulation. En
regroupant des données extraites de 20 publications concernant des bovins et des ovins,
Meschy (2010) a montré l’existence d’une relation linéaire entre la quantité de magnésium
absorbée et la quantité excrétée dans l’urine. Dans le rein, le magnésium se comporte comme
une substance à seuil. L’excrétion du magnésium dans les fèces est elle aussi linéairement
dépendante de la magnésémie.
3. Signes de carence ou d’excès
Un bovin adulte ne peut presque pas compenser une carence en magnésium par
mobilisation du magnésium osseux, contrairement au jeune ruminant (MESCHY, 2010). On
distingue cliniquement les carences modérées - chroniques - et les chutes brutales de la
magnésémie.
Lorsque la quantité de magnésium absorbé est insuffisante, on constate une baisse
d’appétit et une diminution de la digestibilité des fibres végétales. C’est aussi un facteur de
risque de fièvre vitulaire. D’après la méta-analyse de LEAN et al. (2006) basée sur 136
publications, une augmentation des apports de 0,3% à 0,4% de la matière sèche (MS) réduirait
d’environ 60% le risque de fièvre de lait.
Une carence brutale se manifeste par des crises de tétanie, avec ou sans signes nerveux
préalables, surtout au moment de la mise à l’herbe chez les vaches laitières. La lipolyse,
induite par un bilan énergétique négatif chez les hautes productrices ou par une situation de
stress, explique la soudaine baisse de la magnésémie (MESHY, 2010). Les adipocytes captent
rapidement du magnésium disponible dans le sang car leurs systèmes enzymatiques l’utilisent
comme cofacteur, et cette soudaine demande n’est pas compensée par l’organisme. On
observe alors chez ces animaux une baisse de la calcémie, due à la moindre réponse des
ostéoclastes à la PTH.
Les études expérimentales ont montré qu’une toxicité modérée apparait lorsqu’on atteint
8 à 10 fois la dose recommandée pour les ruminants. Un apport excessif de magnésium est
donc peu susceptible de déclencher des signes cliniques chez la vache.
D. Potassium (K)
1. Rôles physiologiques
26
Le potassium est majoritairement intracellulaire, contrairement aux autres électrolytes
(sodium et chlore). Il intervient dans l’équilibre acido-basique et la pression osmotique des
cellules, ainsi que dans la régulation du métabolisme énergétique et protéique.
2. Absorption et excrétion
L’absorption du potassium a lieu dans le rumen et dans l’intestin grêle, par diffusion
passive. Elle est très efficace, 90% à 95% d’après Meschy (2010), et ne semble pas varier en
fonction des aliments.
Son excrétion est principalement urinaire, au niveau du tube contourné distal ; elle est
secondairement fécale (BANNINK et al., 1999 ; MESCHY, 2010). L’excrétion urinaire de
potassium dépend directement des apports (NENNICH et al., 2006).
3. Signes de carence ou d’excès
Chez les animaux ayant une ration riche en fourrage, les apports en potassium sont
suffisants. Les carences sont à surveiller chez les animaux à l’engrais ou lorsque la ration
contient une forte proportion de coproduits. Elles se manifestent par des signes non
spécifiques tels que baisse d’appétit, baisse de production, faiblesse musculaire, troubles
nerveux. Les signes disparaissent rapidement après la correction des apports.
La toxicité du potassium est rapportée à partir d’un seuil relativement haut, de 30 g/kg MS
(MESCHY, 2010), ce qui s’explique par son élimination rapide dans l’urine. Un excès peut
toutefois perturber le métabolisme du calcium et du magnésium, augmentant le risque de
fièvre vitulaire et de tétanie.
E. Sodium (Na) et chlore (Cl)
1. Rôles physiologiques
Le sodium est le principal cation présent dans le plasma et le liquide interstitiel, son rôle
est comparable à celui du potassium dans la cellule. La pompe Na-K-ATPase est à l’origine de
la différence de potentiel transmembranaire et est la base de nombreux mécanismes de
transports membranaires. Notons que environ 40% du sodium de l’organisme se trouve dans
le tissu osseux.
Le chlore est aussi un ion essentiellement extracellulaire. Il permet l’acidification du
contenu de la caillette et assure avec le sodium l’équilibre acido-basique du milieu
extracellulaire. Nous développerons cet aspect dans la partie suivante, consacrée aux
déterminants du pH urinaire.
2. Absorption et excrétion
L’absorption du sodium et du chlore a une efficacité de 90% en moyenne (MESCHY, 2010)
tout au long du tube digestif. Une réduction est possible lorsque le pH ruminal diminue ou
que les apports en potassium sont élevés.
27
Leur excrétion est surtout rénale, la régulation de la natrémie est effectuée par le système
rénine-angiotensine. La réabsorption du chlore est passive. Tout comme pour le potassium, la
quantité de sodium excrétée dans l’urine est directement liée aux apports de sodium de la
ration (NENNICH et al., 2006).
La quantité de sodium ingérée est linéairement liée à la quantité d’eau ingérée ainsi que la
quantité d’urine produite (r²=0,92), d’après SPEK et al. (2012). Les vaches utilisées dans leur
étude étaient de race Holstein, avaient un poids moyen de 655 kg et étaient en moyenne à 2,8
mois de gestation et à 28,1 kg/j de production.
Figure 10 : Production d’urine en fonction des apports de sodium chez la vache
(d’après SPEK et al., 2012)
Dans une analyse précédente, basée sur 10 études expérimentales, pour estimer la
production d’urine, Bannink et al. (1999) ont construit des équations prenant en compte les
quantités de sodium, potassium et chlore ingérées ou excrétées dans l’urine. L’estimation de
la quantité d’urine produite a été plus précise dans cette analyse en utilisant une formule
basée sur les quantités de sodium et potassium excrétées dans l’urine, par rapport à une
formule basée sur les quantités ingérées. Compte tenu du type de cette étude, une variation
de plusieurs paramètres peut expliquer les différences par rapport aux travaux de Spek et al.
(2012).
3. Signes de carence ou d’excès
D’après Meschy (2010), la carence en sodium est la plus courante dans le monde et en
France car les aliments des ruminants ne contiennent pas assez de sodium pour que leurs
besoins soient satisfaits sans complémentation. Une telle carence se manifeste d’abord par du
pica : les animaux cherche une source de sodium et ingère de la terre, de la litière souillée ou
lèchent leurs congénères. Ensuite, si la carence est prolongée, on constate une baisse de
l’appétit et de la production.
La carence en chlore est plus rare. Elle provoque des troubles cardiovasculaires, une chute
de l’appétit et des productions.
Apports de sodium (g/vache par jour)
Qu
anti
té d
’uri
ne
pro
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ite
(kg/
vach
e p
ar jo
ur)
28
Les bovins supportent des apports de sel (NaCl) élevés à condition d’avoir accès à de l’eau
non salée. Dans les pays tempérés, la toxicité du sel intervient plutôt lors d’accidents.
F. Soufre (S)
Les carences et excès de soufre sont susceptibles de provoquer chez les bovins des troubles
non spécifiques, se traduisant par une baisse de l’état général. Bien que les connaissances en
nutrition concernant cet élément soient assez bien établies, le soufre a été peu étudié dans
l’urine. Il n’est pas dosé en routine dans l’urine, où il se trouve sous forme de sulfates (MESHY,
2010), et est donc exclu de ce travail.
Le calcul du bilan alimentaire cations anions (BACA) prend en compte la quantité de soufre
dans la ration et certaines formules fréquemment utilisées l’omettent. La formule originale
est : BACA = (K + Na) – (Cl + S) avec BACA en milliéquivalents, et K, Na, Cl, S sont les quantités
de ces minéraux ingérées, en mEq/jour. Le soufre possède la capacité d’altérer l’homéostasie
acido-basique mais son pouvoir acidifiant est inférieur à celui du chlore. Le soufre est de plus
difficile à doser dans les aliments (APPER-BOSSARD et al., 2009). Dans la partie 2.II.B., nous
reviendrons en détail sur les effets du BACA sur l’équilibre acido-basique et en particulier sur
le pH urinaire.
IV. Homéostasie acido-basique et diurèse
Le pH du sang et des liquides extracellulaires est maintenu dans un intervalle étroit, entre
7,35 et 7,45, pour assurer l’activité enzymatique et les processus métaboliques (FRANDSON et
al., 2009). L’homéostasie acido-basique sanguine repose sur quatre systèmes de régulation,
qui sont les systèmes tampons, la respiration, la diurèse et la résorption osseuse. Seuls deux
grands mécanismes assurent l’élimination de la charge acide : la respiration, en éliminant du
CO2, et la diurèse, en excrétant des protons et en régénérant des bicarbonates. Cette dernière
fonction confère au rein un rôle de premier plan dans la régulation de l’équilibre acido-
basique (APPER-BOSSARD et al., 2009).
A. Caractérisation de l’équilibre acido-basique sanguin
L’équilibre acido-basique du sang est décrit par deux modèles principaux. L’approche
traditionnelle suit le modèle d’Henderson-Hasselbach, décrit en 1916 ; le deuxième est celui
des ions forts, développé par Stewart en 1983. Leur compréhension, dans les grandes lignes,
est un préalable pour aborder le pH urinaire.
29
1. La relation d’Henderson-Hasselback
Ce premier modèle, très développé en médecine vétérinaire comme en médecine
humaine, se base sur la réaction entre le dioxyde de carbone et les ions bicarbonates :
CO2 + H20 = H2CO3 = HCO3- + H+
La production de bicarbonates par cette réaction est catalysée par l’anhydrase carbonique,
qui se trouve essentiellement dans les hématies, mais aussi dans les cellules des tubes
collecteurs du rein (voir IV.B.).
La relation d’Henderson-Hasselbach exprime le pH sanguin en fonction de l’équilibre de
cette réaction (HU et MURPHY, 2004 ; CONSTABLE et al., 2000) :
pHsanguin = 6.1 + log10 (HCO3/(0.03 ⋅⋅⋅⋅pCO2))
Lorsqu’une déviation du pH sanguin s’opère, cette équation permet de distinguer quatre
grands types de troubles :
- l’acidose métabolique, quand le pH diminue et [HCO3-] diminue
- l’acidose respiratoire, quand le pH diminue et PCO2 (pression partielle en dioxyde de
carbone) augmente
- l’alcalose métabolique quand le pH augmente et [HCO3-] augmente
- l’alcalose respiratoire, quand le pH augmente et PCO2 diminue
La notion d’excès de base a été introduite pour estimer la quantité totale de tampons dans
le plasma, et pas seulement la quantité de bicarbonates. Elle est définie comme la quantité
d’acide fort à ajouter à un litre de sang humain oxygéné pour atteindre le pH de 7,40 à 37°C
avec une PCO2 de 40 mmHg. Elle peut être calculée à partir des valeurs du pH et de la
concentration sanguine en bicarbonates (CONSTABLE et al., 2000).
Le trou anionique (AG pour anion gap) a été défini pour déterminer si des anions autres
que Cl- sont présents ; il donne une estimation de la concentration des anions forts non
mesurés tels que les lactates. On le calcule par la formule suivante : AG = Na + K – (Cl + HCO3-).
Des corrections mathématiques sont souvent appliquées au trou anionique car sa valeur
dépend des concentrations en protéines et en phosphates dans le sang. D’après Constable et
al. (2000), les corrections n’ont pas d’intérêt clinique chez les animaux.
30
Figure 11 : Schéma des déterminants du pH sanguin d’après la relation de Henderson-
Hasselbach (d’après CONSTABLE et al., 2000)
2. Le modèle des ions forts
a. Modèle de Stewart
Selon ce modèle, le pH sanguin est déterminé par trois facteurs indépendants : la PCO2, la
charge en ions forts et la concentration plasmatique totale en acides faibles non volatils (Atot)
(APPER-BOSSARD et al., 2009).
Le principe de base de cette théorie liée aux ions forts est l’échange d’un proton ou d’un
bicarbonate lors de l’absorption intestinale d’un ion. Un cation est absorbé en échange d’un
proton et un anion en échange d’un bicarbonate, ainsi les cations ont un effet alcalinisant sur
l’organisme et les anions un effet acidifiant. On comprend aisément que le pH sanguin puisse
être modifié par les électrolytes ingérés étant donné la très forte efficacité de leur absorption
intestinale (MESHY, 2010).
Figure 12 : Principe de base de la théorie des ions forts
(d’après MESHY, 2010)
Les ions du plasma peuvent être séparés en deux groupes
pH physiologique appelés ions forts, et les tampons. Les ions forts n’exercent pas d’effet
tampon mais ont un effet électrique car la somme des cations et celle des anions ne sont pas
égales.
La charge en ions forts représente la différenc
complètement dissociés du plasma. On l’appelle la différence en ions forts (DIF), ou
difference (SID). De manière simplifiée, on a
On oppose aux ions forts les ions ayant u
à-dire un pK dans l’intervalle [pH
al., 2009). Ces ions sont associés à un acide faible ou une base faible.
des phosphates et certaines protéines.
b.
En 1997 a été proposé le modèle des ions forts simplifié, e
en trois catégories : les ions forts, les tampons volatils et les tampons non volatils. Les trois
types de charges correspondantes sont SID, [HCO
On obtient la formule suivante pour exprimer le pH sanguin
où pK1’ est la constante de dissociation de l’eau, Ka est la constante de dissociation des acides
faibles non volatils, SID
acides faibles non volatils, S est la solubilité du CO
de CO2 dans le plasma.
Figure 13 : Déterminants du pH sanguin
Les ions du plasma peuvent être séparés en deux groupes : les ions totalem
pH physiologique appelés ions forts, et les tampons. Les ions forts n’exercent pas d’effet
tampon mais ont un effet électrique car la somme des cations et celle des anions ne sont pas
La charge en ions forts représente la différence en charge entre les cations et les anions
complètement dissociés du plasma. On l’appelle la différence en ions forts (DIF), ou
De manière simplifiée, on a :
DIF = [Na+] + [K+] – [Cl-]
On oppose aux ions forts les ions ayant un pouvoir tampon significatif dans le plasma, c’est
dire un pK dans l’intervalle [pH-1,5 ; pH+1,5] où pH (pH sanguin) = 7,40 (
Ces ions sont associés à un acide faible ou une base faible. Ce sont les bicarbonates,
es et certaines protéines.
b. Modèle des ions forts simplifié
En 1997 a été proposé le modèle des ions forts simplifié, en séparant les ions plasmatiques
: les ions forts, les tampons volatils et les tampons non volatils. Les trois
de charges correspondantes sont SID, [HCO3-] et [A-].
On obtient la formule suivante pour exprimer le pH sanguin :
(CONSTABLE et al
pK1’ est la constante de dissociation de l’eau, Ka est la constante de dissociation des acides
latils, SID+ est la différence d’ions forts, Atot est la concentration plasmatique en
acides faibles non volatils, S est la solubilité du CO2 dans le plasma et PCO2
dans le plasma.
: Déterminants du pH sanguin d’après le modèle des ions forts simplifié
(d’après CONSTABLE et al., 2000)
31
: les ions totalement dissociés au
pH physiologique appelés ions forts, et les tampons. Les ions forts n’exercent pas d’effet
tampon mais ont un effet électrique car la somme des cations et celle des anions ne sont pas
e en charge entre les cations et les anions
complètement dissociés du plasma. On l’appelle la différence en ions forts (DIF), ou strong ion
n pouvoir tampon significatif dans le plasma, c’est-
; pH+1,5] où pH (pH sanguin) = 7,40 (APPER-BOSSARD et
Ce sont les bicarbonates,
n séparant les ions plasmatiques
: les ions forts, les tampons volatils et les tampons non volatils. Les trois
et al., 2000)
pK1’ est la constante de dissociation de l’eau, Ka est la constante de dissociation des acides
est la concentration plasmatique en
CO2 est la pression partielle
d’après le modèle des ions forts simplifié
Ce modèle fait intervenir des facteurs indépendants
l’approche de Henderson-Hasselback. Il permet de comprendre par exemple pourquoi une
hypoprotéinémie ou une hyperprotéinémie altère le pH sanguin.
On remarque que l’équation donnée par le modèle des ions forts simplifié est équivalente
à celle du modèle de Henderson
Atot=0 et SID=[HCO3-] (CONSTABLE
B. Elimination de la charge acide par le rein
Rappelons pour commencer que le rôle du rein dans l’équilibre acido
d’excréter des protons et de régénérer des bicarbonates.
sang, le système bicarbonate
respiratoire et par le rein (REECE, 2009
Les bicarbonates sont en partie réabsorbés
contourné proximal vers le liquide interstitiel, par u
carbonique. La perte directe dans l’urine est ainsi limitée.
Figure
Ensuite, dans le tube collecteur, les bicarbonates sont régénérés
à nouveau par l’action de l’anhydrase carbonique.
lumière tubulaire est assuré par la membrane des cellules intercalées de la paroi du tube,
permettant d’acidifier l’urine jusqu’à une différence de
pH urinaire, pour un pH sanguin de 7,4, peut être abaissé jusqu’à 4,4 (
D’après Apper-Bossard et al. (2009), le pH urinaire des vaches laitières peut descendre jusqu’à
4,1 lorsque le bilan électrolytique de la ration (BE) est bas (voir partie 2) mais ne dépasse pas
8,6 lorsque le BE est élevé.
Ce modèle fait intervenir des facteurs indépendants et explique certaines anomalies
Hasselback. Il permet de comprendre par exemple pourquoi une
téinémie ou une hyperprotéinémie altère le pH sanguin.
On remarque que l’équation donnée par le modèle des ions forts simplifié est équivalente
à celle du modèle de Henderson-Hasselback pour une solution sans protéine ni phosphate
ONSTABLE et al., 2000).
Elimination de la charge acide par le rein
Rappelons pour commencer que le rôle du rein dans l’équilibre acido
d’excréter des protons et de régénérer des bicarbonates. Parmi les substances
ème bicarbonate-CO2 est unique car il est ajusté à la fois par le système
EECE, 2009).
Les bicarbonates sont en partie réabsorbés avec du sodium depuis
contourné proximal vers le liquide interstitiel, par un mécanisme faisant intervenir l’anhydrase
La perte directe dans l’urine est ainsi limitée.
Figure 14 : Réabsorption tubulaire des bicarbonates
(d’après MESCHY, 2010)
Ensuite, dans le tube collecteur, les bicarbonates sont régénérés à parti
à nouveau par l’action de l’anhydrase carbonique. Un transport actif de protons vers la
lumière tubulaire est assuré par la membrane des cellules intercalées de la paroi du tube,
permettant d’acidifier l’urine jusqu’à une différence de 3 unités de pH par rapport au sang. Le
pH urinaire, pour un pH sanguin de 7,4, peut être abaissé jusqu’à 4,4 (FRANDSON et al., 2009
(2009), le pH urinaire des vaches laitières peut descendre jusqu’à
rolytique de la ration (BE) est bas (voir partie 2) mais ne dépasse pas
32
et explique certaines anomalies de
Hasselback. Il permet de comprendre par exemple pourquoi une
On remarque que l’équation donnée par le modèle des ions forts simplifié est équivalente
Hasselback pour une solution sans protéine ni phosphate, car
Rappelons pour commencer que le rôle du rein dans l’équilibre acido-basique est
ubstances tampons du
est unique car il est ajusté à la fois par le système
la lumière du tube
n mécanisme faisant intervenir l’anhydrase
: Réabsorption tubulaire des bicarbonates
à partir du CO2 du plasma,
Un transport actif de protons vers la
lumière tubulaire est assuré par la membrane des cellules intercalées de la paroi du tube,
3 unités de pH par rapport au sang. Le
FRANDSON et al., 2009).
(2009), le pH urinaire des vaches laitières peut descendre jusqu’à
rolytique de la ration (BE) est bas (voir partie 2) mais ne dépasse pas
33
Figure 15 : Mécanisme de l’excrétion tubulaire des protons
(d’après AKERS et DENBOW, 2008)
La sécrétion de protons est régulée par la concentration en dioxyde de carbone et en
bicarbonates dans le sang et les liquides extracellulaires. Si la concentration de CO2 augmente
ou si la concentration de bicarbonates diminue, l’excrétion de H+ s’accélère, l’urine devient
plus acide. A l’inverse, une excrétion des bicarbonates en excès est possible (FRANDSON et al.,
2009).
Figure 16 : Mécanisme de l’excrétion tubulaire de bicarbonates
(d’après AKERS et DENBOW, 2008)
Les fourrages étant riches en potassium, le rein des ruminants forme naturellement une
urine basique par rapport au sang. Alors que le pH sanguin est en moyenne de 7,40, le pH
urinaire est légèrement supérieur à 8 chez un animal sain avec une ration classique.
34
C. Déterminants du pH urinaire
1. Notions de physiologie rénale
On ne peut pas parler de pH sans en donner la définition chimique :
pH = -log[H30+] avec [H3O+] en mol/L.
En physiologie, on utilise la notion d’excrétion nette d’acide (NAE), qui est définie par la
formule :
NAE = TAmesurée + [NH4+] (CONSTABLE et al., 2009)
où TAmesurée est l’acidité titrable mesurée, c’est-à-dire la quantité de
milliéquivalents de OH- à ajouter à l’urine dépourvue de bicarbonate pour
atteindre le pH de 7,40.
Cette valeur donne une estimation de la production endogène d’acide et de l’importance
de l’acidification par la ration, elle est donc un moyen intéressant d’évaluer le statut acido-
basique (CONSTABLE et al., 2009). En revanche, il serait préférable d’utiliser l’excrétion nette
de base (NBE) chez les ruminants, étant donné que leur urine est le plus souvent basique par
rapport au sang : NBE = -NAE. La mesure de NAE demande cependant l’intervention d’un
laboratoire.
La plupart des protons excrétés par le rein sont captés par les substances tampons (HU et
al., 2007). Les principaux tampons dans l’urine sont les phosphates, les bicarbonates et
l’ammoniac.
Concrètement, la valeur du pH correspond à la concentration de H+ libres dans l’urine alors
que l’excrétion acide est représentée par NAE. Ainsi le pH urinaire n’est pas linéairement lié à
NAE ou NBE.
Figure 17 : Lien entre le pH urinaire et l’excrétion nette de base
chez des vaches laitières hors-lactation (d’après CONSTABLE et al. 2009)
35
La figure 17 montre que lorsque le pH urinaire est égal au pH sanguin, l’excrétion nette de
base est nulle. Des équations de régression permettent d’exprimer NBE en fonction du pH et
inversement, lorsque le pH urinaire est supérieur à 6,3 (CONSTABLE et al., 2009). En revanche,
si le pH urinaire est inférieur à 6,3, on ne peut pas les relier de manière satisfaisante.
Chez la vache adulte, si on exclut toute pathologie de l’appareil urinaire, la mesure du pH
urinaire donne donc une idée du statut de l’équilibre acido-basique systémique, à condition
que ce pH soit supérieur à 6,3.
2. Expression du pH urinaire en fonction de la composition de l’urine
Peter D. Constable, spécialiste de la physiologie concernant l’homéostasie acido-basique
chez les ruminants, a appliqué la théorie des ions forts à l’urine dans une publication de 2009.
Les ions contenus dans l’urine peuvent être classés dans deux catégories citées
précédemment, suivant leur pKa : les ions forts et les tampons. Un ion fort est complètement
dissocié au pH physiologique donc n’est présent que sous une seule forme. Dans l’urine, les
ions forts sont K+, Na+, Mg2+, Ca2+, Cl-, SO42-, H2PO4
-, et des ions forts organiques regroupés
sous le terme OSA- (pour Organic Strong Anions). On ne peut pas identifier toutes les
substances représentées par ce dernier terme, mais certaines sont bien connues, telles que
l’acide citrique, l’acide urique, les acides aminés, les B-hydroxybutyrates ou encore les
acétoacétates.
Les tampons urinaires sont eux-mêmes séparés en deux groupes : les tampons volatils,
représentés par les bicarbonates et les ions ammonium, et les tampons non volatils, qui sont
la créatinine, les ions hydrogénophosphates et d’autres tampons organiques regroupés sous
le terme de OBA- (pour Organic Buffer Anions).
En appliquant le principe de l’électroneutralité puis en simplifiant, on aboutit à une
formule exprimant le pH urinaire en fonction de quatre facteurs indépendants qui sont le SID,
la concentration en ions ammoniums, la pression partielle de CO2 et la concentration en ions
phosphates.
(CONSTABLE et al. 2009)
Ce qui donne, en développant SID :
(CONSTABLE et al. 2009)
Cette dernière équation permet d’expliquer les effets de plusieurs paramètres sur le pH
urinaire. Le potassium est l’ion fort majoritaire dans l’urine d’une vache au pâturage, ce qui
explique son alcalinité ; le pH urinaire est alors compris entre 8 et 8,5. Lorsque la ration
comprend des sels acidogènes, tels que NH4Cl, et étant donné que l’absorption intestinale du
chlore est plus efficace que celle de l’ion ammonium, le chlore est éliminé dans l’urine en plus
grande quantité. En accord avec la formule précédente, le pH urinaire diminue. En Europe,
MgCl2 et MgSO4 sont utilisés, et le pH urinaire est abaissé puisque l’absorption digestive du
chlore et des sulfates est elle aussi supérieure à celle du magnésium.
36
Le tableau I a pour fonction de donner les ordres de grandeurs des quantités d’ions forts
éliminés dans l’urine ; les valeurs présentées dans la partie 3 sont cohérentes avec celles-ci.
Tableau I : Concentrations des principaux minéraux dans l’urine de vache.
Les éléments sont triés suivant leur concentration.
Variable Unité Valeur*
pH 8,3
[K+] mEq/L 373
[HCO3-] mmol/L 189
[Cl-] mEq/L 91
[Na+] mEq/L 51
[SO42-] mEq/L 46
[Mg2+] mEq/L 39
[Ca2+] mEq/L 3,2
[NH4+] mmol/L 1,1
*données d’une étude de Vagnoni et Oetzel, reprises par CONSTABLE et al. 2009
3. Expression du pH urinaire en fonction de la composition de la ration
L’équilibre entre les cations et les anions contenus dans la ration joue un rôle important sur
le pH de l’urine. Le Bilan Alimentaire Cations Anions (BACA, ou DCAD pour Dietary Cations
Anions Difference) est défini par la formule :
BACA = (Na+ + K
+) - (Cl
- + S
2-)
où Na+, K+, Cl- et S2- sont les quantités ingérées de sodium, potassium, chlore et
soufre, en milliéquivalents par kilogramme de matière sèche dans la ration
(mEq/kgMS)
Dans certaines publications, le BACA est simplifié pour donner le bilan électrolytique (BE) :
BE = (Na+ + K
+) - (Cl
-)
Ces grandeurs sont parfois exprimées en milliéquivalents pour 100 grammes de matière
sèche ingérée.
Une corrélation entre le BE et le pH urinaire a été établie chez les vaches en lactation et les
ruminants en croissance (APPER-BOSSARD, 2009) ainsi que chez les vaches taries
(SPANGHERO, 2004).
37
DCAD1 = [Na+] + [K+] - [Cl-]
Régression : pH = 5,87 + 0,0904 DCAD - 0,0008 DCAD² avec r² = 0,86
Figure 18 : pH urinaire en fonction du BACA chez des vaches taries
(d’après SPANGHERO, 2004)
BE = [Na+] + [K+] - [Cl-])
A : pH = 5,84 + 0,0068.BE – 4,09.10-6.BE² r²=0,88
B : pH = 6,09 + 0,00729.BE – 5,4.10-6.BE² r²=0,92
Figure 19 : pH urinaire en fonction du bilan électrolytique de la ration chez des vaches en
lactation (A) et des ruminants en croissance (B)
(d’après APPER-BOSSARD et al., 2009)
Chez les bovins sevrés, quel que soit leur stade physiologique, une relation forte lie le pH
urinaire et le bilan électrolytique de la ration. Ainsi, la diurèse apparaît comme un mécanisme
primordial dans la régulation des flux d’ions forts de l’organisme. Notons que le sel (NaCl) ne
modifie pas le BACA étant donné que l’absorption digestive de ces deux minéraux est
identique.
Nous aborderons l’utilisation possible de ces données en élevage dans la partie suivante.
38
Partie 2 : Les différentes analyses disponibles et leur place
dans la démarche clinique
Seuls la mesure du pH et le dosage des macro-éléments de l’urine seront envisagés.
I. Prélèvement d’urine et mesure du pH urinaire
Le prélèvement d’urine chez une vache est un acte décrit comme aisé, qui devrait faire
partie de tout examen clinique (GUATTEO et al., 2008). Il est incontournable lorsqu’on
suspecte une atteinte de l’appareil urinaire mais est aussi une source d’information
considérable pour explorer les pathologies métaboliques. Le prélèvement peut se faire lors
d’une miction spontanée ou par sondage vésical. Le sondage limite la contamination de l’urine
par les sécrétions vaginales et les fèces mais dans les deux cas la contamination bactérienne
est inévitable.
A. Miction spontanée ou provoquée
Pendant l’examen clinique d’une vache, il n’est pas rare d’assister à une
miction spontanée ; c’est une situation fréquente lorsqu’on fait lever une vache. Un récipient
propre à portée de main (pot à prélèvement, seringue, gant) permet de récolter la quantité
nécessaire, allant de quelques millilitres à 30 mL suivant le type d’analyses envisagées.
La miction peut être provoquée en caressant la commissure inférieure de la vulve et la
zone périnéale. On obtient une miction dans 30 à 40% des cas (GUATTEO et al., 2007). La
stimulation du méat urinaire par un doigt ou la sonde entraîne souvent la miction. Enfin, il est
parfois possible de déclencher la miction par massage de la vessie par voie transrectale
lorsque celle-ci est pleine.
Il est recommandé de ne pas prélever en tout début de miction car l’urine risque d’être
plus fortement contaminée (SCHELCHER et al., 1999). Si le prélèvement doit être acheminé,
on s’assure que le récipient est adéquat.
B. Sondage vésical
1. Contention
La vache doit être maintenue par un cornadis ou par un licol. Si elle se montre agitée,
notamment au moment où l’on atteint le méat urinaire, on peut utiliser un moyen de
contention supplémentaire comme un « huit au jarret », une entrave métallique ou encore
une personne qui lui prend les naseaux.
La queue étant une source de contamination de la sonde urinaire, elle doit être écartée si
possible par un aide situé en avant du préleveur. Si le vétérinaire est seul, il peut l’écarter à
l’aide d’un bras sans qu’elle touche ses mains.
39
2. Matériel
Pour réaliser le sondage urinaire, il faut disposer d’une solution antiseptique (eau tiède
mélangée à un savon à base de polyvidone iodée ou de chlorexidine), d’une sonde propre et
désinfectée, d’une seringue, et éventuellement d’un pot à prélèvement. Le port d’une paire
de gants est recommandé et l’utilisation d’un lubrifiant est envisageable.
Dans les centrales d’achats vétérinaires, on trouve plusieurs types de sondes réutilisables
en métal et en silicone, et des sondes linéaires à usage unique en plastique. Il est aussi
possible d’utiliser une tubulure de perfuseur souple mais sa flexibilité la rend peu pratique
(GUATTEO et al., 2007).
Figure 20 : Photo de deux types de sondes couramment utilisés :
la sonde métallique coudée et la sonde souple
(MARMONT A., VetAgro Sup 2013)
3. Technique de prélèvement
On commence par nettoyer la zone périnéale si besoin, pour limiter la contamination
fécale, puis la zone vulvaire à l’aide de la solution antiseptique. La sonde repose dans cette
solution. On introduit les doigts dans le vestibule du vagin en suivant le plancher pour repérer
le diverticule sub-urétral en y introduisant un doigt. Ce doigt progresse le long du plafond du
diverticule jusqu’à se positionner sur le méat urinaire. On a parfois la sensation de passer une
petite bride lorsque le doigt remonte et arrive sur le méat.
Figure 21 : Photo d’une vue du plancher du vagin depuis la vulve.
La sonde pénètre dans le diverticule sub-urétral
(MARMONT A., pièce d’autopsie, VetAgro Sup 2013)
40
Figure 22 : Repères anatomiques schématisés (d’après GUATTEO et al., 2007)
Figure 23 : Photo d’une coupe sagittale de la zone du diverticule sub-urétral. L’urètre a été
ouvert sur toute sa longueur (MARMONT A., pièce d’autopsie, VetAgro Sup 2013)
Le doigt peut être introduit sur moins de un centimètre chez une multipare et ne peut pas
pénétrer chez une primipare. La sonde est insérée en suivant la main puis on l’introduit dans
l’urètre tout en retirant le doigt qui le repère le méat urinaire. Une autre technique consiste à
laisser le doigt dans le diverticule et à faire progresser le long du plafond du diverticule jusqu’à
atteindre le méat urinaire. Pour progresser, la sonde doit ensuite être orientée vers le bas, et
aucune résistance ne doit se sentir. L’urine peut s’écouler spontanément si la vessie est
pleine, sinon on aspire à travers la sonde avec une seringue.
a : urètre b : vestibule du vagin c : diverticule sub-urétral
méat urinaire
paroi interne de l’urètre
paroi interne du vagin
diverticule sub-urétral
41
Figure 24 et 25 : Photos d’un prélèvement à l’aide d’une sonde métallique.
Le positionnement des mains dépend du manipulateur.
(MARMONT A., 2013)
L’urine récoltée au tout début n’est pas conservée. Notons que l’introduction d’air dans la
vessie peut déclencher sa contraction et que le passage du méat urinaire est l’étape la plus
délicate car l’animal peut réagir au moment de la stimulation de la zone du méat par le doigt
ou la sonde.
4. Technique de mesure
La mesure du pH est réalisée immédiatement après récolte, car l’évaporation du CO2
pourrait faire augmenter sa valeur (CONSTABLE et al., 2009).
La mesure du pH urinaire est un acte simple, rapide et peu coûteux. Si l’on ne dispose pas
d’un pH-mètre électronique, il est recommandé d’utiliser des bandelettes pH spécifiques et
non des bandelettes classiques dont la précision est insuffisante.
Figure 26 : photo d’une bandelette pH spécifique et du nuancier de référence
(MARMONT A., 2013)
42
II. Utilisation du pH urinaire des vaches
Lorsqu’on s’intéresse au pH urinaire d’un animal, il convient d’abord d’exclure une atteinte
de l’appareil urinaire par l’anamnèse, l’observation macroscopique de l’urine et
éventuellement des examens complémentaires plus ciblés (voir Annexe 2). Voyons en quoi la
mesure du pH urinaire est un outil utile pour le vétérinaire praticien.
Ce travail a été réalisé avec l’aide de l’équipe de NBVC, société de conseil en nutrition et
biochimie d’élevage.
A. Niveau individuel
1. Aide au diagnostic
Il est admis d’après la littérature que le NAE est l’indicateur le plus sensible d’un trouble de
l’équilibre acido-basique systémique chez la vache. Le pH urinaire, qui est relié au NAE par une
relation non linéaire, est un indice clinique pertinent de cet équilibre bien qu’il soit moins
sensible (GRUNBERG, 2011). Constable (2009) précise que le pH urinaire reflète l’équilibre
acido-basique à condition qu’il soit supérieur à 6,3.
En cas d’infection urinaire, le pH urinaire est généralement élevé mais peut aussi être faible
(SCHELCHER et al., 1999). Nous n’y reviendrons pas.
Toute production endogène d’acide est susceptible de modifier le pH urinaire, tout comme
le BACA de la ration. Rappelons que le pH urinaire normal d’une vache en lactation se situe
entre 7,8 et 8,4 (RERAT et HESS, 2012). En-dessous de 7,8, d’après NBVC, on peut considérer
que l’urine est acidifiée et on doit se demander si la ration en est la cause.
Lorsqu’on mesure un pH urinaire anormal, on se tourne vers une alcalose sanguine ou une
acidose sanguine dont l’étiologie reste à déterminer. Quelques réflexes sont nécessaires pour
interpréter sa valeur (fig 27).
Une alcalose métabolique se caractérise par une augmentation de la concentration
sanguine en bicarbonates, due à un apport excessif de bicarbonates ou à une perte d’acides.
Les deux circonstances les plus courantes sont la séquestration d’acide chlorhydrique dans la
caillette lors d’un arrêt de transit à ce niveau (déplacement de caillette, indigestion vagale,
obstruction intestinale) et l’excès de bicarbonates dans la ration. D’après les pratiques
zootechniques usuelles, la substance tampon ne doit pas dépasser 2,5% de la matière sèche
ingérée. Il a été montré que le pH urinaire augmente de 0,2 unité par pourcent de substance
tampon ajouté dans la ration (MESCHY, 2010).
Lorsqu’on détecte un pH urinaire élevé, les principales causes à envisager sont une
hypochlorémie due à un arrêt du transit digestif, un excès de bicarbonates dans la ration mais
encore une hypokaliémie, une hypocalcémie, une hypomagnésémie, ou une hyperventilation
(LUNN et McGUIRK, 1990 ; NBVC).
43
A l’inverse, une acidose sanguine est due à une perte de bicarbonates ou à un excès
d’acide, que l’on rencontre respectivement en cas de diarrhée et de production endogène
d’acide (nombreuses causes possibles).
Si le pH urinaire est bas, on pensera à une acidose systémique ou à une alcalose
métabolique avec acidurie paradoxale. Mise à part la diarrhée, les causes d’acidose sanguine
sont variées : acidose ruminale aiguë, acido-cétose, infection, hypokaliémie,
hypomagnésémie, hypoventilation (LUNN et McGUIRK, 1990 ; NBVC).
L’acidurie paradoxale est un phénomène courant chez les vaches en anorexie, notamment
lors d’un arrêt du transit intestinal, et s’explique par la déshydratation qui affecte l’animal
combinée à une hypokaliémie et une hypochlorémie. La libération d’aldostérone provoque la
réabsorption rénale de sodium, qui ne peut se faire ni en échange de potassium, ni en
parallèle à la réabsorption de chlore, et qui se fait en échange de protons (LUNN et McGUIRK,
1990 ; ORTOLANI, 2003). Il y a alors excrétion de H+ dans l’urine en présence d’une alcalose
métabolique. Il faut donc être prudent lorsqu’on mesure un pH urinaire bas sur une vache
anorexique.
Figure 27 : Schéma d’interprétation du pH urinaire de la vache
On exclut toute atteinte de l’appareil urinaire.
Lorsqu’on envisage un trouble minéral sur une vache dont le pH urinaire est anormalement
bas, notamment un animal couché, on suspectera une hypokaliémie (CONSTABLE et al., 2009).
La formule proposée par Constable (page 35) justifie ce raisonnement : le potassium, principal
cation excrété dans l’urine, est responsable de la valeur élevée du pH urinaire chez les
ruminants. Toute baisse d’ingestion prolongée peut provoquer une hypokaliémie, marquée
par une faible excrétion urinaire.
pH < 7,8
hypochlorémie (carence ou
arrêt de transit digestif),
excès de HCO3- dans la
ration,
hypokaliémie, etc.
Origine organique :
acidose ruminale,
cétose, infection, etc.
Alcalose sanguine
pH > 8,5
Acidose sanguine
Origine
minérale :
faible BACA
acidurie paradoxale ?
44
Attention, le pH urinaire n’est pas un critère diagnostique de l’acidose ruminale chronique,
dite subclinique ou subaiguë (APPER-BOSSARD et al., 2010 ; TAJIK et NAZIFI, 2011). Le pH
urinaire baisse de plusieurs unités en cas d’acidose ruminale aiguë (voir infra) car les tampons
urinaires sont saturés, ce qui n’est pas forcément le cas lors d’acidose chronique.
Par ailleurs, le pH urinaire peut être utile dans le diagnostic de la cétose, au niveau
individuel uniquement si on possède une valeur de référence avant la mise-bas, car une baisse
du pH est observée. Au niveau du troupeau, la mesure du pH urinaire ne présente pas
d’intérêt pour détecter cette maladie (BATEMAN et al., 2005).
2. Traitement de l’acidose aiguë
L’acidose ruminale aiguë est courante et consécutive la plupart du temps à l’ingestion
accidentelle d’une grande quantité d’aliments concentrés par une vache. La fermentation des
glucides dans le rumen produit dans de telles circonstances de l’acide lactique et le pouvoir
tampon du rumen est dépassé. L’acide lactique passe dans le sang, où il est tamponné par les
bicarbonates, entraînant une baisse soudaine du pH sanguin ; l’acidose métabolique qui est
mise en place peut être mortelle (MARUTA et al., 2008). Immédiatement, la respiration assure
une réduction de la charge acide, complétée au bout de plusieurs heures par l’excrétion
urinaire de protons (LUNN et McGUIRK, 1990).
Le traitement médical consiste en l’administration de bicarbonates, la quantité étant
donnée par la formule : Qbica = 0,3.PV.(-BE) où Qbica est la quantité de bicarbonates à perfuser, en mmol
PV est le poids vif de l’animal, en kg
BE est l’excès de base, en mmol/L
La mesure de l’excès de base nécessite un analyseur de gaz sanguins que le vétérinaire
praticien ne possède généralement pas (MARUTA et al., 2008).
Le pH urinaire diminue parce qu’il y a une réabsorption des bicarbonates dans le rein au
niveau des tubules contournés proximaux et une excrétion de protons pour régénérer des
bicarbonates dans le sang. En revanche, l’augmentation de l’excrétion urinaire de phosphates
lors d’acidose ruminale aiguë peut limiter la baisse du pH urinaire (NIKOLOV, 1998).
MARUTA et al. (2008) ont montré qu’il est possible d’estimer grâce au pH urinaire la
quantité de bicarbonates à apporter pour corriger l’acidose sanguine. Il y a en effet une
corrélation linéaire entre le pH urinaire et l’excès de base chez une vache en acidose ruminale
aiguë (fig 28). On remarque que l’excès de base prend une valeur négative quand le pH
urinaire diminue, car il y a en réalité un déficit de base.
45
Figure 28 : pH urinaire et excès de base chez des vaches en acidose métabolique induite
expérimentalement (d’après MARUTA et al., 2008)
Ils ont également montré dans cette étude une corrélation entre le pH urinaire et le pH
sanguin. Le pH urinaire, dans ce cas précis, reflète directement le déséquilibre acido-basique
systémique induit par l’acidose ruminale.
Les auteurs précisent que pour éviter un éventuel traitement non indispensable, la
perfusion de bicarbonates n’est entreprise qu’en cas de signes cliniques compatibles avec une
acidose ruminale aiguë et pas seulement à partir de l’anamnèse ou de la mesure du pH
urinaire.
Qbica = 0,3.PV x (4,44.pHu – 32,7) où Qbica est la quantité de bicarbonates à perfuser, en mmol
PV est le poids vif de l’animal, en kg
pHu est le pH urinaire
Pour obtenir la quantité en milligrammes, on multiplie Qbica par la masse molaire de la
forme de bicarbonate utilisée, soit 84 g/mol pour NaHCO3.
Puisqu’une alcalose métabolique peut être provoquée par un excès de bicarbonates
perfusés et est beaucoup plus difficile à corriger, Ortolani (2003) préconise de réduire de 10%
à 20% la valeur calculée.
B. Niveau troupeau
1. Fièvre vitulaire et gestion du BACA au tarissement
a) Liens entre le BACA et la fièvre vitulaire
Le vêlage marque le début d’une période d’adaptation due au déclenchement de la
lactation. Parmi les problèmes de la vache laitière en post-partum, l’hypocalcémie est
fréquente et plusieurs stratégies ont pour but de limiter l’apparition de cas de fièvres
vitulaires, ou « fièvres de lait ». L’hypocalcémie clinique, qui s’observe pour des valeurs de
46
calcémie inférieures à 1,4 mmol/L, et l’hypocalcémie sub-clinique, pour des valeurs entre 1,4
et 2,0 mmol/L, sont des facteurs de risque pour d’autres maladies telles que la rétention
placentaire, le déplacement de caillette ou encore la cétose (DeGARIS et LEAN, 2009).
L’hypocalcémie a lieu lorsque la forte et soudaine demande de calcium n’est pas assurée
par l’absorption intestinale et par la résorption. Le rein joue également un rôle en réabsorbant
le calcium de l’urine.
La prévention de la fièvre vitulaire repose sur deux techniques. La plus ancienne consiste à
réduire les apports de calcium dans les semaines avant la mise-bas pour stimuler la
production de PTH et de calcitriol, et la seconde repose sur une modification du BACA dans le
but de créer une sub-acidose métabolique (DeGARIS et LEAN, 2009 ; MESCHY, 2010).
La réduction du BACA pendant les deux semaines avant le vêlage est une méthode efficace
pour lutter contre l’hypocalcémie, bien que les mécanismes mis en jeu soient encore
aujourd’hui discutés (MESHY, 2010 ; SPANGHERO, 2004). Dès les années 70, on a constaté que
la distribution de sels anioniques améliore l’absorption digestive du calcium et réduit le risque
de fièvre vitulaire (BLOCK, 1984). Le pH urinaire a été identifié comme un outil pour vérifier
les effets de la ration sur l’équilibre acido-basique sanguin car l’excès d’anions ingérés est
excrété par les reins, ce qui entraîne la production d’urine acide selon le modèle des ions forts
(SPANGHERO, 2004 ; DeGARIS et LEAN, 2009). Avec un même BACA, deux rations différentes
ont le même effet sur le statut acido-basique (DELAQUIS et BLOCK, 1995b).
Plusieurs formules ont été proposées pour évaluer le BACA. L’inclusion du soufre ne
semble pas indispensable dans le calcul pour évaluer le niveau de l’acidose provoquée, car le
soufre a un pouvoir acidifiant moindre (MESCHY, 2010 ; APPER-BOSSARD et al., 2009 ;
SPANGHERO, 2004). Dans certaines publications, l’abréviation BACA (ou DCAD) est employée
quelle que soit la méthode de calcul, alors que la notion de bilan électrolytique (BE) est plus
récente et francophone. Ces deux notions peuvent être confondues dans le cadre de ce
travail, bien que nous conserverons les notations BACA et BE.
La baisse du BACA avant la mise-bas est aussi associée à une augmentation de l’excrétion
urinaire de calcium, que l’on explique par des variations des canaux transmembranaires des
cellules rénales (GRUNBERG et al., 2011). Le flux de calcium dans l’organisme est amélioré par
une hausse de l’efficacité de l’absorption intestinale d’après certains auteurs (ROCHE et al,
2007 ; CONSTABLE et al., 2010), ou par une activation de la résorption osseuse d’après
d’autres (MESCHY, 2010). La disponibilité du calcium sanguin est de plus améliorée par une
moindre fixation aux protéines plasmatiques (CONSTABLE et al., 2010 ; MESCHY, 2010) mais le
calcium total sanguin est inchangé (ROCHE et al., 2007 ; CHARBONNEAU et al., 2006 ).
L’efficacité de cette technique dans la prévention de la fièvre vitulaire s’explique par la
réorientation du flux de calcium au moment de la mise-bas : alors que l’excès de calcium est
dans un premier temps éliminé dans l’urine, il est ensuite utilisé pour la production de
colostrum (SCHONEWILLE et al., 1999). Ainsi la calcémie ne subit pas de chute comme chez un
animal dont le calcium total est moins disponible.
47
b) Utilisation du pH urinaire dans la prévention de la fièvre vitulaire
Les sels anioniques ne sont pas appétants donc leur consommation peut varier suivant
l’aliment et le mode distribution (GELFERT et al., 2009). Le pH urinaire est utilisé pour
surveiller l’efficacité de l’acidification sanguine par la ration (CHARBONNEAU et al., 2006 ;
CONSTABLE et al., 2010) mais les valeurs recommandées varient suivants les publications.
L’objectif est de trouver le juste milieu entre une acidification trop importante, qui aurait
des conséquences néfastes sur l’ingestion et le métabolisme énergétique (CHARBONNEAU et
al., 2006 ; GRUNBERG, 2011), et une acidification trop faible qui n’aurait pas d’effet bénéfique
sur l’homéostasie du calcium (DELAQUIS et BLOCK, 1995a). Contrairement aux anciennes
publications, qui préconisaient un pH urinaire moyen entre 6,0 et 6,5 avant vêlage, il semble
que la valeur optimale soit proche de 7, correspondant à un BACA de 0 mEq/kgMS (KUROSAKI
et al., 2006 ; CHARBONNEAU et al., 2006).
Figure 29 : Relation entre le BACA et l’incidence des fièvres vitulaires chez la vache (d’après DeGARIS et LEAN, 2009)
Figure 30 : Relation entre le BACA et le pH urinaire chez la vache (d’après CHARBONNEAU et al., 2006)
On constate sur la figure 29 qu’une faible réduction du BACA réduit le risque de fièvre
vitulaire. DeGARIS et LEAN (2009) précisent qu’on ne doit pas confondre cette relation avec
celle qui lie le BACA au pH urinaire (fig 30). L’association de ces deux courbes confirme qu’un
bénéfice considérable est obtenu en abaissant le BACA à 0 sans que le pH urinaire soit
fortement diminué.
Inci
den
ce d
es
fièv
res
vitu
lair
es
(%
)
BACA (mEq/100g MS) = (Na + K) – (Cl + S)
pH
uri
nai
re
BACA (mEq/kg MS) = (Na + K) – (Cl + S)
48
En pratique, la distribution des sels anioniques peut être faite par la mélangeuse dans le
cas d’une ration complète et à condition qu’il y ait une ration formulée pour les vaches taries,
par le distributeur automatique de concentrés, ou à la main. Par contre, si les vaches sont en
pâture, compte tenu de la richesse de l’herbe en potassium, le contrôle du BACA est difficile
(ROCHE et al., 2003b). Si la distribution de sels anioniques a lieu deux fois par jour, le pH
urinaire peut être mesuré à n’importe quel moment de la journée car il est relativement
constant (ROCHE et al., 2007 ; APPER-BOSSARD et al., 2010). En revanche, s’il n’y a qu’une
distribution par jour, suivant le type de sels utilisé, il est possible que l’acidose métabolique ne
soit pas maintenue pendant 24h (GELFERT et al., 2009) et il serait alors plus prudent de faire
le prélèvement d’urine 12h après la distribution. On ne sait pas dans ce cas précis si l’effet
préventif pour la fièvre vitulaire est conservé.
En prenant en compte la faible prévalence de fièvres vitulaires chez les vaches primipares et
les modifications métaboliques que l’on provoque en abaissant le BACA d’une ration, il est conseillé de ne pas diminuer le BACA des génisses en fin de gestation (MOORE et al., 2000 ; KUROSAKI et al., 2006).
Pour conclure, l’enjeu quand on joue sur le BACA dans les deux ou trois semaines avant le
vêlage est d’augmenter le flux de calcium dans l’organisme en provoquant une acidose métabolique compensée, c’est-à-dire d’obtenir une acidification de l’urine sans modification du pH sanguin (CONSTABLE et al., 2010). La mesure du pH urinaire est une méthode simple et fiable pour évaluer le flux de calcium avant la mise-bas (GRUNBERG et al., 2011).
c) pH urinaire et estimation du risque de fièvre vitulaire
Un autre intérêt de la mesure du pH urinaire dans le cadre de la lutte contre la fièvre
vitulaire est d’estimer le risque d’apparition de la maladie 48h avant la mise bas, s’il n’y a pas
de contrôle du BACA dans l’élevage. Dans une étude portant sur 107 vaches Prim’Holstein,
SEIFI et al. (2004) ont montré qu’un pH urinaire supérieur à 8,25 48h avant le vêlage est un
indice prédictif de fièvre vitulaire, avec des valeurs prédictives positive et négative de 55% et
100% respectivement.
Cependant, les travaux d’une équipe suisse sur 100 vaches laitières (RERAT et HESS, 2012)
ne sont pas en accord avec ceux de SEIFI et al. (2004). Les animaux inclus dans l’étude ont la
particularité d’avoir des rations très alcalogènes parce que le BACA moyen était de 474
mEq/kgMS.
L’utilisation du pH urinaire pour estimer le risque de fièvre vitulaire mérite d’être
approfondie et doit donc être utilisée avec prudence.
2. Appréciation du bilan électrolytique de la ration
La baisse d’ingestion rapportée lorsque l’on baisse fortement le BACA des vaches taries a
encouragé la recherche sur les effets du BACA sur les performances zootechniques des
49
vaches. Les effets du BACA (ou BE) sur la production laitière ne dépendent pas du type
d’alimentation et sont identiques quel que soit le stade de lactation (DELAQUIS et BLOCK,
1995b, 1995c). Lorsque le BE augmente, l’ingestion augmente chez les vaches taries ainsi que
chez les vaches en lactation, jusqu’à 400 mEq/kgMS (APPER-BOSSARD et al., 2009 ; HU et
MURPHY, 2004 ; MESCHY, 2010). Lors que le BE augmente, le pH urinaire d’une vache
augmente également.
Figure 31 : Effets du bilan électrolytique (BE) sur le pH sanguin, le pH urinaire et les
performances de vaches en lactation
(MSI= matière sèche ingérée, PL= production laitière
MG= matière grasse du lait, MP= matière protéique du lait)
(d’après APPER-BOSSARD et al., 2009)
50
Sur la figure 31, on observe un plateau pour le pH sanguin pour des valeurs de BE
supérieures à 200 mEq/kgMS. En-dessous de ce seuil, les mécanismes de l’homéostasie acido-
basique sanguine sont dépassés par l’acidification générée par les ions forts de la ration. La
matière sèche ingérée ainsi que la production de lait chutent lorsque le BACA diminue à partir
de ce seuil. On observe de plus une baisse de ces deux paramètres lorsque le BACA dépasse
une valeur élevée, de l’ordre de 500 mEq/kgMS. Les courbes réalisées pour des ruminants en
croissance sont comparables même si les seuils ne sont pas identiques (APPER-BOSSARD et
al., 2009).
On remarque que le pH urinaire est croissant pour des BE entre -200 et 600 mEq/kgMS. Il
pourrait être utilisé comme indicateur du BE, mais comme le souligne Meschy (2010), des
travaux sont nécessaires pour le vérifier en utilisant des rations variées. Le BE optimal,
compris entre 250 et 450 mEq/kgMS, correspondrait à un pH urinaire de 7,5 à 8,5 environ.
L’explication proposée par APPER-BOSSARD et al. (2010) concernant l’amélioration des
performances quand le BE est élevé repose sur la capacité de l’organisme à lutter contre la
charge acide issue du rumen. Quand le BACA est faible, les mécanismes de régulation du pH
sanguin sont rapidement dépassés et l’acidose métabolique induite explique la baisse
d’ingestion. Quand le BACA est plus élevé, l’effet alcalinisant des cations de la ration
compense l’effet acidifiant du métabolisme du rumen.
On en déduit que les effets décrits précédemment du BE (ou BACA) sur les performances
sont surtout valables pour des rations à forte proportion de concentrés, aussi bien chez des
vaches laitières hautes productrices que des animaux en croissance.
III. Interprétation des concentrations urinaires des macro-éléments chez
les vaches
A. Quand demander une analyse minérale de l’urine ?
Face à un problème de sous-production en élevage bovin, un des examens
complémentaires dont dispose le vétérinaire est l’analyse des macro-éléments urinaires.
Lorsque les causes infectieuses et parasitaires ont été écartées et qu’un problème lié à
l’alimentation est envisagé, cette analyse est un outil supplémentaire dans le cadre d’un audit
d’élevage ou d’un suivi. En toute rigueur, comme tout examen complémentaire, il doit être
utilisé dans la continuité d’une visite d’élevage, une fois que le vétérinaire a établi un premier
bilan et qu’il a des suspicions. L’évaluation de l’état des animaux, des conditions d’élevage et
des résultats de l’élevage reste la base d’une intervention vétérinaire pour un problème de
troupeau.
Deux laboratoires en France proposent aux vétérinaires praticiens des bilans urinaires pour
les bovins. Il est demandé de prélever 5 vaches en lactation, d’envoyer les échantillons par
51
voie postale, puis les six principaux oligo-éléments sont dosés (Ca, P, Mg, K, Na, Cl) ainsi que
d’autres substances comme l’urée et la créatinine.
Le raisonnement développé dans cette partie est fondé sur les méthodes de NBVC et n’est
pas un descriptif complet, car nous entrons dans un domaine de spécialistes de la nutrition.
L’objectif est ici de comprendre les bases de l’interprétation du dosage des macro-éléments
urinaires.
B. Le laboratoire et ses valeurs de référence
L’analyse minérale de l’urine chez les bovins est un examen peu répandu, si bien que les
publications sur le sujet sont rares.
La première difficulté pour interpréter des valeurs de dosages est de choisir des valeurs de
référence, mais ces valeurs dépendent de la méthode de mesure. On ne peut donc pas
obtenir une grille universelle d’interprétation mais on doit se fier aux valeurs fournies par le
laboratoire, calculées à partir de leur propre base de données. Une confiance entre le
vétérinaire et le laboratoire est indispensable.
C. Interprétation des analyses
La valeur du pH urinaire est demandée au vétérinaire car le pH pourrait évoluer pendant
l’acheminement au laboratoire à cause de l’évaporation de CO2. Elle permet de juger l’état de
l’équilibre acido-basique systémique ; nous ne revenons pas sur son utilisation.
1. La calciurie
L’excrétion urinaire du calcium ne représente qu’une faible partie du calcium excrété par
un bovin et ne dépend pas de la calcémie (MESCHY, 2010). Dans le rein, la fraction de
filtration est augmentée lors d’un « stress acide » (DELAQUIS et BLOCK, 1995c) mais le
mécanisme est discuté.
Figure 32 : Excrétion urinaire du calcium en fonction du pH urinaire chez des vaches taries
(d’après GRUNBERG et al., 2011)
52
La hausse de la calciurie lorsque le BACA de la ration est diminué serait directement due à
une modification des canaux assurant la réabsorption tubulaire du calcium, par l’effet de
l’acidité de l’urine et non par l’effet de l’acidité sanguine. Le nombre de canaux TRPV5 et leur
activité seraient réduits. Ce phénomène a été décrit in vitro chez le lapin et reste à confirmer
chez les bovins (CONSTABLE et al., 2010 ; GRUNBERG et al., 2011).
A l’inverse, la distribution de substances tampon limite l’excrétion urinaire de calcium, tout
comme celle du phosphore et du magnésium (LUNN et McGUIRK, 1990).
Ainsi un pH urinaire bas associé à une calciurie élevée est un signe d’acidose métabolique
(NBVC), qui peut être correctement compensée. Même en cas de calciurie élevée, il n’est pas
nécessaire de compléter la ration en calcium puisque la quantité de calcium excrété dans
l’urine reste faible par rapport au flux total dans l’organisme (SPANGHERO, 2002).
2. La phosphaturie
Le phosphore est lui aussi majoritairement éliminé dans les fèces, son excrétion urinaire
est faible. Elle augmente tout de même si la ration est riche en phosphore ou si la ration
contient une forte proportion de concentrés. Dans le premier cas, le recyclage salivaire du
phosphore est saturé et dans le deuxième l’utilisation du phosphore serait plus rapide à partir
des aliments concentrés (MESCHY, 2010).
Figure 33 : Relation entre l’absorption et l’excrétion urinaire du phosphore chez la vache
(d’après MESCHY, 2010)
L’acidose ruminale aiguë fait augmenter le phosphore urinaire (ENEMARK et al., 2004 ;
NIKOLOV, 1998) et une insuffisance rénale peut aussi provoquer une hyperphosphaturie
(LUNN et McGUIRK, 1990).
53
On s’attend donc à des faibles valeurs de phosphaturie chez des vaches saines. NBVC ne
donne pas de valeur minimum et la phosphaturie est souvent inférieure au seuil de mesure de
l’appareil.
3. La magnésiurie
La relation linéaire existant entre l’absorption digestive du magnésium et son excrétion
urinaire en fait un bon indicateur du statut nutritionnel (MESCHY, 2010). La concentration
urinaire est plus sensible aux carences en magnésium que la concentration plasmatique, ce
qui fait de l’analyse urinaire le test de choix pour diagnostiquer une telle carence.
Figure 34 : Relation entre l’absorption et l’excrétion urinaire du magnésium chez la vache
(d’après MESCHY, 2010)
Une acidose métabolique, y compris celle induite par un faible BACA de la ration, peut faire
augmenter l’excrétion rénale de magnésium (LUNN et McGUIRK, 1990 ; LEAN et al., 2006).
4. Excrétion urinaire des électrolytes (K, Na, Cl)
L’urine est un support intéressant pour évaluer les apports des électrolytes étant donné
l’efficacité de leur absorption intestinale, leur faible excrétion par voie fécale (MESCHY, 2010)
et l’absence de stockage dans le corps (APPER-BOSSARD et al., 2010). Le potassium urinaire
est élevé chez les bovins parce que les fourrages sont excédentaires et que le surplus est
excrété par les reins (RERAT et al., 2008). Il est à mettre en relation avec le pH urinaire car le
potassium en est un des principaux déterminants.
Des relations linéaires existent entre les apports en sodium et chlore et leur élimination
urinaire (APPER-BOSSARD et al., 2010). Les concentrations urinaires en potassium, sodium et
chlore sont ainsi des indicateurs du niveau d’apport alimentaire.
54
L’excrétion urinaire des électrolytes est tout de même dépendante de l’action de
l’aldostérone qui, en cas de déshydratation, provoque une baisse de l’excrétion de sodium et
une augmentation de l’excrétion de potassium car ces deux éléments sont échangés dans le
tube contourné distal du néphron. Lors d’une carence en sel, on observe également une
baisse du sodium et une hausse du potassium urinaire, associée à une faible excrétion de
chlore (LUNN et McGUIRK, 1990).
5. La différence en ions forts de l’urine (DIF ou SID)
Pour calculer de manière exacte la différence en ions forts de l’urine de vache, le dosage de
nombreux éléments est nécessaire :
SIDurine = (Na+ + K+ + Ca2+ + Mg2+) – (Cl- + SO42- + H2PO4- + OSA)
OSA = Organic Strong Anions
(CONSTABLE et al., 2009)
Les OSA sont négligés si l’animal n’est pas en cétose.
NBVC calcule le SID par une formule simplifiée : SIDu = Na+ + K+ - Cl-
Cette valeur calculée est peu significative car elle néglige plusieurs termes et parce qu’elle
cumule les erreurs de mesure de ces minéraux (CONSTABLE et al., 2009). Nous ne
chercherons pas à l’interpréter.
6. L’osmolarité urinaire, un indicateur supplémentaire
Par analogie avec la médecine humaine, on peut calculer l’osmolarité de l’urine de bovin :
O = 2 (Na+K) + urée + glucose où O est l’osmolarité (en osmoles), Na, K, urée, glucose les concentrations
de ces éléments (en moles par litre)
NBVC néglige la concentration en glucose et utilise l’osmolarité urinaire pour juger l’état
d’hydratation des vaches. Cette valeur peut nous aider à interpréter les dosages des minéraux
car on ne mesure pas une quantité excrétée par jour mais une concentration urinaire. Le
calcul de l’osmolarité demande d’avoir dosé l’urée, qui est une donnée délicate à interpréter
seule car les essais sur l’urée sont contradictoires (SPEK et al., 2012).
55
Partie 3 : Etude de cas en élevages laitiers
Afin d’être confronté à la réalité d’une intervention en élevage, je me suis rendu dans trois
exploitations de la clientèle de l’UCRA (Unité Clinique Rurale de l’Arbresle), qui est un cabinet
vétérinaire rural appartenant au campus vétérinaire de VetAgro Sup. Ces élevages de la région
lyonnaise ont été choisis parce qu’ils présentaient des problèmes de sous-production ou de
reproduction. Après avoir pris connaissance des dossiers de suivi, je m’y suis rendu pour
expliquer la démarche aux éleveurs et leur proposer une analyse entièrement gratuite. J’y suis
ensuite retourné accompagné par un vétérinaire de l’UCRA pour prélever de l’urine sur 5
vaches.
I. Cas 1 : Sous-production et raideurs musculaires
A. L’élevage et son objectif
L’éleveur de notre premier élevage possède 35 vaches de race Prim’Holstein, quelques
vaches Aubrac, il est seul dans l’exploitation et s’est lancé depuis peu dans la pension de
chevaux. Il cherche peu à peu à réduire le nombre de vaches laitières au profit des autres
activités et est confronté à un problème de sous production qui l’a incité à entrer en suivi avec
les vétérinaires de l’UCRA. La production, collectée par une laiterie, est insuffisante : 7800 kg
de lait par vache en moyenne en 2012 alors que l’objectif de l’élevage, qui était atteint les
années précédentes, est de 8500 kg. Les taux butyreux et protéique sont également faibles,
36,5 g/kg et 30,7 g/kg en 2012.
La ration distribuée se compose de foin, enrubannage et d’un aliment sec en granulés. Ce
dernier aliment est spécialement formulé pour l’élevage donc aucun complément minéral
n’est nécessaire. Alors que la ration est équilibrée pour 34 kg/j et a été contrôlée, la
production du troupeau ne progresse qu’à la mise à l’herbe. Les notes d’état corporel des
animaux sont correctes.
L’éleveur rapporte depuis un an des « raideurs des membres » sur plusieurs vaches
pendant leur lactation uniquement et un épisode de vaches couchées en début d’hiver.
Nous intervenons en mai 2013. Les urines de 5 vaches sont prélevées et analysées le
lendemain (tab II).
56
B. Résultats et interprétation des analyses
Tableau II : Résultats des analyses d’urines de l’élevage 1, en date du 23 mai 2013
identification 0046 6349 6320 6306 3744
numéro de lactation 5 1 2 2 5
stade de lactation (jours) 185 165 103 192 84
pH urinaire* 8,0 8,0 8,1 8,0 7,9
unité VU
mini
VU
maxi moyenne
Ca mmol/L 0,3 3,2 0,57 0,81 0,37 0,21 1,06 0,60
P mmol/L 3 <0,53 <0,53 <0,53 <0,53 <0,53
Mg mmol/L 9 26 4,6 6,57 3,98 2,08 3,36 4,12
K mmol/L 220 263 290 282 283 278 279
Na mmol/L 12 16 17 16 16 16 16
Cl mmol/L 30 96 90 76 104 59 85
SIDu mmol/L 183 217 222 195 235 210
urée mmol/L 180 260 265 203 224 207 285 237
osmolarité mOsmol/L 645 950 823 817 820 805 873 828
*pH mesurés au moment du prélèvement par une bandelette
Les analyses d’urine révèlent une carence en magnésium. Alors que la valeur usuelle basse
donnée par NBVC est 9 mmol/L, quatre des 5 vaches prélevées ont une concentration urinaire
inférieure à 5 mmol/L. Une complémentation en magnésium est indispensable. Le reste des
valeurs est satisfaisant.
Cette carence peut expliquer les signes musculaires observés pendant la lactation de
certaines vaches ainsi que l’épisode de vaches couchées, car le magnésium est connu pour
avoir un rôle essentiel dans le métabolisme du calcium (LEAN et al., 2006).
C. Conseils pour l’éleveur et discussion
Suite à ces analyses, le fabriquant de l’aliment sec revoit la composition de son produit
destiné à l’élevage en garantissant un pourcentage de 0,58 de magnésium. Pour une quantité
de 15kg d’aliment sec par jour et par vache en hiver, cela correspond à 0,5 % de la matière
sèche ingérée. Le maximum conseillé est de 0,6% (NRC, 2001).
Une analyse de l’aliment sec distribué pendant l’hiver est réalisée à la demande du
vétérinaire en juin pour contrôler les valeurs annoncées par le fabriquant. Les valeurs
mesurées sont conformes et le magnésium était de 0,4% dans l’aliment.
Deux mois et demi après la correction de la ration, les raideurs musculaires décrites par
l’éleveur sont toujours présentes. Nous prélevons alors les 5 mêmes vaches pour doser le
magnésium urinaire.
57
Tableau III : Résultats du dosage du magnésium urinaire des vaches de l’élevage 1,
en date du 26 août 2013
identification 0046 6349 6320 6306 3744
pH urinaire 8,4 8,5 8,1 8,5 8,4
Mg (mmol/L) 15,4 14,0 7,05 13,2 9,89
Les valeurs après la correction sont satisfaisantes puisqu’une seule vache est en-dessous de
9 mmol/L. En revanche, cette évolution ne s’est pas accompagnée d’une amélioration clinique
des vaches.
Deux questions se posent à ce moment là : pourquoi une carence marquée alors que les
apports alimentaires paraissent corrects ? Y a-t-il une autre anomalie qui serait responsable
des raideurs des membres ?
Même lorsque les apports recommandés sont respectés, une carence en magnésium peut
se mettre en place. Un déséquilibre dans le métabolisme ruminal, en particulier un manque
d’énergie, fait baisser l’efficacité de l’absorption digestive du magnésium, et d’autre part une
lipolyse provoque une hausse temporaire des besoins, pouvant conduire à une tétanie
(MESCHY, 2010). Dans notre cas, compte tenu du caractère chronique des signes cliniques, on
peut écarter cette deuxième situation. L’origine d’un éventuel dysfonctionnement ruminal n’a
pas été déterminée. Une alcalose métabolique peut de plus réduire l’excrétion urinaire de
magnésium (LUNN et McGUIRK, 1990) mais les pH urinaires inférieurs à 8,5 ne révèlent pas
d’alcalose.
Enfin, on remarque que les valeurs de la plage physiologique de la magnésiurie trouvées
dans la littérature sont variées. Alors que MESCHY (2010) donne 5 à 10 mmol/L, les valeurs
utilisées par NBVC sont 9 à 26 mmol/L.
Les investigations nutritionnelles se poursuivent et n’ont pas été concluantes à l’heure où
ce document est rédigé. On ne peut pas exclure une affection d’origine non alimentaire,
comme une affection congénitale ou traumatique en lien avec le milieu de vie des vaches. Le
parcours accidenté pour atteindre la salle de traite depuis la stabulation pourrait-il être à
l’origine des troubles ?
II. Cas 2 : Des résultats de reproduction à améliorer
A. Présentation de l’élevage
La deuxième étude de cas est un élevage appartenant à deux associés, qui possèdent 35
vaches de races Montbéliarde et Prim’Holstein en plus d’une activité de production de fruits.
Leur lait est collecté par une laiterie, chaque vache produisant en moyenne 7100kg de lait par
lactation. Ils ont une visite du vétérinaire tous les mois dans le cadre d’un suivi de
reproduction.
La conduite alimentaire du troupeau n’est pas adaptée aux Prim’Holstein qui sont
globalement maigres. Au moment de notre visite, en juin 2013, les vaches ont des notes
58
d’état corporel plutôt faibles. Quatre paramètres de reproduction sont donnés à titre indicatif
dans le tableau 4.
Tableau IV : Valeurs de quatre paramètres de reproduction de l’élevage 2
Paramètre Troupeau Recommandation
intervalle vêlage-première insémination 92 j < 70 j
intervalle vêlage-insémination fécondante 105 j < 90 j
succès en première insémination : vaches 54 % > 50 %
succès en première insémination : génisses 80 % > 60 %
B. Résultats et interprétation des analyses
Tableau V : Résultats des analyses d’urines de l’élevage 2, en date du 25 juin 2013
identification 5349 5277 5156 8870 5148
numéro de lactation 3 4 5 1 6
stade de lactation (jours) 78 143 108 93 115
pH urinaire* 8,1 8,2 8,1 8,2 8,3
unité VU
mini
VU
maxi moyenne
Ca mmol/L 0,3 3,2 1,14 0,55 3,04 5,34 1,53 2,32
P mmol/L 3 <0,53 <0,53 <0,53 <0,53 <0,53
Mg mmol/L 9 26 5,04 6,01 12,0 14,9 6,03 8,78
K mmol/L 220 353 383 341 281 296 330
Na mmol/L 12 16 17 17 16 16 16
Cl mmol/L 30 98,0 146 98 88 96 105
SIDu mmol/L 271 254 260 209 216 242
urée mmol/L 180 260 204 172 170 168 141 171
osmolarité mOsmol/L 645 950 942 973 887 762 764 866
*pH mesurés au moment du prélèvement par une bandelette
Le pH urinaire est correct mais les analyses par le laboratoire montrent une légère carence
en magnésium car 3 vaches sur les 5 prélevées ont une magnésiurie inférieure à 9 mmol/L. Les
autres valeurs sont dans les normes, hormis une calciurie est une osmolarité dont on ne tient
pas compte, légèrement supérieures aux valeurs usuelles maximales.
C. Conseils pour l’élevage
Cette série d’analyses urinaires n’a pas révélé de déséquilibre acido-basique ni de carence
marquée. Il a tout de même été conseillé aux éleveurs de complémenter leur ration en
magnésium pour éviter des effets néfastes à long terme.
59
III. Cas 3 : Boiteries et suspicion d’acidose ruminale
A. Présentation de l’élevage
La troisième exploitation sélectionnée est un élevage en suivi de reproduction depuis plus
de 10 ans avec les vétérinaires de l’Arbresle dans le but de maintenir de bons résultats (tab 6).
Le lait produit par leur 39 vaches Montbéliardes et Simmental, 6800 kg par vache et par
lactation en moyenne, est en partie transformé à la ferme ou vendu dans un distributeur de
lait cru sur le parking d’un centre commercial. Leur principal objectif sur la santé des vaches
est de réduire le nombre de boiteries.
Malgré un parage préventif une fois par an, les éleveurs n’ont pas trouvé de solution pour
réduire l’acidose ruminale chronique qu’ils suspectent et qui serait à l’origine des boiteries.
Sur plusieurs vaches a en effet été identifiée de la fourbure. Plusieurs personnes distribuent
l’aliment aux vaches et il semble que tous n’évaluent pas de la même manière les quantités à
donner. Les fourrages sont distribués devant le cornadis le matin et le concentré et l’aliment
minéral sont chargés dans un distributeur automatique.
La ration hivernale est composée de 15kg d’ensilage de maïs, 12kg de d’ensilage d’herbe,
3kg de foin, 1kg de tourteau, 800g de farine de céréales puis un aliment minéral et un
concentré de production pour les vaches produisant plus de 20kg de lait par jour. Pour une
production de 30 kg de lait par jour, la cellulose brute représente 18% de la matière sèche
ingérée et les aliments concentrés moins de 40%, ce qui est acceptable.
Tableau VI : Valeurs de trois paramètres de reproduction de l’élevage 3
Paramètre Troupeau Recommandation
intervalle vêlage-première insémination 73 j < 70 j
intervalle vêlage-insémination fécondante 102 j < 90 j
succès en première insémination : vaches 74 % > 50 %
B. Résultats et interprétation des analyses
Lors du prélèvement d’urine, nous avons remarqué que les fréquences respiratoires des
vaches étaient élevées, de l’ordre de 50 mouvements par minute. La température extérieure
était de 27°C ce jour là.
60
Tableau VII : Résultats des analyses d’urines de l’élevage 3, en date du 25 juin 2013
identification 6104 6122 5339 0115 7011
numéro de lactation 3 2 4 5 3
stade de lactation (jours) 110 117 142 113 117
pH urinaire* 7,9 8,0 7,5 8,0 7,9
unité VU
mini
VU
maxi moyenne
Ca mmol/L 0,3 3,2 5,92 4,33 >12,4 1,82 5,63 6,02
P mmol/L 3 <0,53 <0,53 <0,53 <0,53 <0,53
Mg mmol/L 9 26 15,7 18,9 32,8 10,3 16,3 18,8
K mmol/L 220 222 224 292 289 278 261
Na mmol/L 12 14 15 18 16 17 16
Cl mmol/L 30 70 62 76 53 72 67
SIDu mmol/L 166 177 234 252 223 210
urée mmol/L 180 260 278 345 244 236 271 275
osmolarité mOsmol/L 645 950 750 822 864 845 861 828
*pH mesurés au moment du prélèvement par une bandelette
Le pH des cinq prélèvements d’urines est inférieur ou égal à 8, ce qui est faible pour des
vaches en lactation. L’importante excrétion de calcium confirme que les vaches ont une
acidose métabolique. Vu le contexte, ce tableau est fortement évocateur d’acidose ruminale.
La respiration rapide peut être expliquée par le stress dû à la chaleur et par la
compensation respiratoire de l’acidose métabolique. L’élimination accrue du CO2 par
l’hyperventilation pourrait créer une alcalose respiratoire donc n’est pas responsable du
déséquilibre acido-basique constaté.
On remarque que la vache 5339 a le pH urinaire le plus bas et que c’est elle qui excrète le
plus de calcium et de magnésium. L’acidité de l’urine perturbe la réabsorption tubulaire de
ces éléments ce qui aboutit à une forte élimination. Les valeurs des autres minéraux sont
correctes.
C. Modification de ration et suivi
La ration a été immédiatement adaptée : l’ensilage de maïs a été réduit de 3kg pour
favoriser l’ingestion de foin. Dans les jours suivants, la consommation de foin a augmenté et
les pH urinaires mesurés deux semaines après étaient dans les valeurs usuelles. Nous avons
quand même décidé de réaliser une deuxième série complète d’analyses urinaires pour
s’assurer du retour à la normale de l’excrétion des macro-éléments.
61
Tableau VIII : Résultats des analyses d’urines de l’élevage 3, en date du 15 juillet 2013
identification 6104 6122 5339 0115 7011
numéro de lactation 3 2 4 5 3
stade de lactation (jours) 110 117 142 113 117
pH urinaire* 8,0 8,1 8,1 8,2 8,0
unité VU
mini
VU
maxi moyenne
Ca mmol/L 0,3 3,2 7,61 4,60 0,74 4,28 5,87 4,62
P mmol/L 3 <0,53 <0,53 <0,53 <0,53 <0,53
Mg mmol/L 9 26 12,0 13,2 15,2 11,6 13,4 13,1
K mmol/L 220 186 227 225 246 223 221
Na mmol/L 12 12 14 14 15 14 14
Cl mmol/L 30 76 67 37 108 112 80
SIDu mmol/L 122 174 202 153 125 155
urée mmol/L 180 260 230 301 486 282 236 307
osmolarité mOsmol/L 645 950 646 784 964 805 710 782
*pH mesurés au moment du prélèvement par une bandelette
Les analyses réalisées deux semaines après la correction (tab 8) montrent une excrétion de
calcium toujours élevée malgré des pH urinaires entre 8 et 8,2. Les valeurs du magnésium sont
normales. L’hypothèse d’acidose ruminale est confirmée par les taux de matières utiles
donnés par le contrôle laitier : le rapport TB/TP de 14 vaches était inférieur ou égal à 1 en juin,
ce qui était le cas de 1 à 3 vaches dans les mois précédents.
Les recommandations sont donc liées à la consommation de fibres par les vaches et à la
régularité de la distribution. Les apports en calcium doivent être soutenus puisqu’il existe une
légère perte urinaire. Concernant les boiteries, un autre facteur de risque à prendre en
compte est l’état du sol. Des efforts sont nécessaires pour améliorer la propreté et une
rénovation des zones glissantes serait certainement bénéfique.
Pour terminer, rappelons que la zone de confort thermique des ruminants se trouve entre
4°C et 25°C. Une perte de potassium, sodium et chlore est rapportée en période de forte
chaleur en raison de la sudation et de la baisse d’ingestion (MESCHY, 2010) mais aucune
carence n’a été mise en évidence par les analyses d’urines, ce qui suggère que ces pertes sont
correctement compensées par les vaches.
62
CONCLUSION
62
63
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ANNEXE 1 : Techniques d’analyses de l’urine par la société Iodolab
Les analyses présentées dans ce document ont été réalisées par Iodolab, à l’aide d’un
automate JEOL BioMajesty 6010/C. La cadence de cet appareil peut atteindre 150 tests à
l’heure pour l’urine.
Analyse
Principe de mesure
Réactifs
Plage de mesure*
pH
colorimétrie
inconnu
2 à 12
calcium
colorimétrie
Phosphonazo III
0,025 à 6,2 mmol/L
phosphore
molybdate
d’ammonium et acide
sulfurique
0,06 à 9,69 mmol/L
magnésium
bleu de xylidyle
0,012 à 2 mmol/L
potassium
potentiométrie
indirecte
aucun (électrodes sélectives)
2 à 300 mmol/L
sodium
10 à 400 mmol/L
chlore
15 à 400 mmol/L
* une dilution de l’échantillon est parfois réalisée par la machine avant la mesure
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ANNEXE 2 : Fiabilité des plages d’une bandelette urinaire réactive
La plupart des bandelettes urinaires utilisées par les vétérinaires ruraux sont conçues pour
la médecine humaine et il convient de savoir quelles informations on peut en tirer,
notamment lorsque l’on souhaite écarter une atteinte de l’appareil urinaire chez une vache.
Plage Seuil de
détection
sensibilité, spécificité Remarque
pH
-
Précision faible sur une
bandelette classique
Utiliser une bandelette pH
spécifique (voir fig 26)
glucose
0,4-1 g/L
Risque de faux négatifs (corps cétoniques, vitamine C,
bactéries) et risque de
faux positifs (présence
d’oxydants)
Glucosurie observée
normalement si la
glycémie est supérieure à
1,8 g/L
corps cétoniques
très faible
Peu utile car trop sensible
protéines
50 mg/L
d’albumine
Faux positifs lorsque
l’urine est alcaline
En théorie, nécessité de
confirmer un test positif
par un test de Heller.
sang
1 mg/L
d’hémoglobine
Faible spécificité car
mise en évidence d’une
activité peroxydase : hématurie, hémoglobinurie,
myoglobinurie
Peu fiable.
Un microtraumatisme
pendant le sondage urinaire
peut être responsable d’un
test positif.
leucocytes
assez élevé
Spécificité excellente
Sensibilité médiocre
Utile. A confronter à
l’examen macroscopique
de l’urine.
(d’après GUATTEO et al., 2007)
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NOM PRENOM : MARMONT Adrien
TITRE : Intérêts de la mesure du pH urinaire et du dosage des macro-éléments urinaires chez la vache : état des lieux des connaissances et étude de cas Thèse d’Etat de Doctorat Vétérinaire : Lyon, le 27 novembre 2013
RESUME :
Après avoir décrit les mécanismes de formation de l’urine chez les bovins et l’excrétion urinaire des macro-éléments, le rôle du rein dans l’homéostasie acido-basique a été abordé par la relation d’Henderson-Hasselback et par le modèle des ions forts. Le lien entre le pH urinaire et l’excrétion rénale d’acides a été expliqué.
Le prélèvement d’urine est un acte plutôt aisé que le vétérinaire praticien doit maîtriser. Par la simple mesure du pH à l’aide d’une bandelette, l’urine est une source d’information à la fois dans le cadre de la médecine individuelle, en tant qu’outil dans la démarche diagnostique ou pour traiter une acidose ruminale aiguë, et pour la médecine de troupeau notamment dans la gestion du bilan alimentaire cations anions (BACA) au tarissement.
Le recours au dosage des macro-éléments dans l’urine de vache demande l’intervention d’un laboratoire. Nous avons énoncé les clés de son interprétation.
Enfin, trois cas d’élevages ont été examinés dans le but d’illustrer les principes de l’interprétation de ces analyses et de juger leur intérêt dans les conditions réelles d’une clientèle rurale.
MOTS CLES : vaches analyse d’urine pH minéraux -- métabolisme
JURY : Président : Monsieur le Professeur Maurice LAVILLE 1er Assesseur : Docteur Laurent ALVES DE OLIVEIRA 2ème Assesseur : Docteur Vanessa LOUZIER
DATE DE SOUTENANCE : 27 novembre 2013
ADRESSE DE L’AUTEUR : 1 bis impasse des Marguerites 69740 GENAS