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fut certainement sa plus prolifique au niveau musical et culturel. Son château était régulièrement fréquenté par des intellectuels distingués comme Torquato Tasso et Giovanni Battista Marino. Les trois séries d’œuvres sacrées et les "Cinquième et Sixième Livres de Madrigaux", composés à cette époque, sont des œuvres très importantes. Les choix thématiques eux-mêmes contrastent avec l’imagerie arcadienne et avec la poésie de Pétrarque, très à la mode alors; Carlo Gesualdo se tourne vers des textes de contemporains comme Tasso et Marino, et traduit dans ses écrits ses sentiments et son expérience: le chagrin d’amour sous toutes ses formes et la pensée de la mort. Le style, caractérisé par de brusques changements de ton et par un charge émotionnelle intense, surprend par l’originalité et la modernité de certaines résolutions harmoniques. Partition suggérée: O Vos Omnes (des "Répons pour le Samedi Saint") Spartito: http://goo.gl/dLgu8 YouTube: http://goo.gl/uqfnW Traduit de l’anglais par Jean Payon, Belgique ICB ISSN - 0896-0968 Volume XXXII, Number 2 — 2nd Quarter, 2013 International Choral Bulletin Textes français ICB Textes Français 1 Editorial (p 5) Andrea Angelini, Rédacteur en chef de l'ICB C ette année marque le 400è anniversaire de la mort de Carlo Gesualdo, Prince de Venise (1566-1613), mieux connu comme Gesualdo de Venise, excellent compositeur de madrigaux et de musique sacrée. Il caractérise d’une manière très particulière et extrême la vie musicale de son temps; son style, original et guidé par l’expérimentation, le montre déjà tourné vers quelque chose de nouveau qui se prépare dans l’histoire de la musique: l’opéra. Carlo Gesualdo naquit d’une famille noble, propriétaire des territoires féodaux de Gesualdo (dans la province d’Avellino) et de Venise. Sa mère, Geronima, était la sœur de St Charles Borromée. Le jeune Carlo étudia à Naples chez les jésuites, et fit preuve de dons musicaux particuliers; musicien accompli à 19 ans déjà, il se révéla par la composition de madrigaux qui, bien que dans la lignée de Monteverdi, présentaient déjà des aspects originaux. En 1586 il épousa sa cousine Maria D’Avalos, considérée comme la plus belle femme de Naples et de quatre ans son aînée; par la suite elle tomba amoureuse de Fabrizio Carafa, Duc d’Andria, et devint sa maîtresse. 1590 marque le tournant dramatique de la vie de Gesualdo: le 16 octobre, les amants furent pris en flagrant délit d’adultère, et sauvagement assassinés. Pendant quelque temps, Carlo se réfugia dans l’imprenable château de Gesualdo puis partit pour Ferrare, où en février 1594 il épousa Eleonora d’Este. Carlo resta quelques années à Ferrare, où il composa les "Troisième et Quatrième Livres de Madrigaux" à cinq voix, puis décida de retourner à Naples où, ruminant toujours sa vengeance contre les familles Avalos et Carafa, il se cloîtra définitivement dans le château de Gesualdo. L’isolement, le remords et la volonté de rachat lui inspirèrent une activité compositionnelle intense; ses pages débordent d’une mélancolie et d’une angoisse profonde, et cette période

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fut certainement sa plus prolifique au niveau musical et culturel. Son château était régulièrement fréquenté par des intellectuels distingués comme Torquato Tasso et Giovanni Battista Marino. Les trois séries d’œuvres sacrées et les "Cinquième et Sixième Livres de Madrigaux", composés à cette époque, sont des œuvres très importantes.

Les choix thématiques eux-mêmes contrastent avec l’imagerie arcadienne et avec la poésie de Pétrarque, très à la mode alors; Carlo Gesualdo se tourne vers des textes de contemporains comme Tasso et Marino, et traduit dans ses écrits ses sentiments et son expérience: le chagrin d’amour sous toutes ses formes et la pensée de la mort. Le style, caractérisé par de brusques changements de ton et par un charge émotionnelle intense, surprend par l’originalité et la modernité de certaines résolutions harmoniques.

Partition suggérée:O Vos Omnes (des "Répons pour le Samedi Saint")Spartito: http://goo.gl/dLgu8

YouTube: http://goo.gl/uqfnW

Traduit de l’anglais par Jean Payon, Belgique •

ICBISSN - 0896-0968 Volume XXXII, Number 2 — 2nd Quarter, 2013

International Choral BulletinTextes français

ICB Textes Français

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Editorial (p 5)Andrea Angelini, Rédacteur en chef de l'ICB

Cette année marque le 400è anniversaire de la mort de Carlo Gesualdo, Prince de Venise (1566-1613), mieux connu comme Gesualdo de Venise, excellent compositeur

de madrigaux et de musique sacrée. Il caractérise d’une manière très particulière et extrême la vie musicale de son temps; son style, original et guidé par l’expérimentation, le montre déjà tourné vers quelque chose de nouveau qui se prépare dans l’histoire de la musique: l’opéra.

Carlo Gesualdo naquit d’une famille noble, propriétaire des territoires féodaux de Gesualdo (dans la province d’Avellino) et de Venise. Sa mère, Geronima, était la sœur de St Charles Borromée. Le jeune Carlo étudia à Naples chez les jésuites, et fit preuve de dons musicaux particuliers; musicien accompli à 19 ans déjà, il se révéla par la composition de madrigaux qui, bien que dans la lignée de Monteverdi, présentaient déjà des aspects originaux.

En 1586 il épousa sa cousine Maria D’Avalos, considérée comme la plus belle femme de Naples et de quatre ans son aînée; par la suite elle tomba amoureuse de Fabrizio Carafa, Duc d’Andria, et devint sa maîtresse. 1590 marque le tournant dramatique de la vie de Gesualdo: le 16 octobre, les amants furent pris en flagrant délit d’adultère, et sauvagement assassinés. Pendant quelque temps, Carlo se réfugia dans l’imprenable château de Gesualdo puis partit pour Ferrare, où en février 1594 il épousa Eleonora d’Este. Carlo resta quelques années à Ferrare, où il composa les "Troisième et Quatrième Livres de Madrigaux" à cinq voix, puis décida de retourner à Naples où, ruminant toujours sa vengeance contre les familles Avalos et Carafa, il se cloîtra définitivement dans le château de Gesualdo.

L’isolement, le remords et la volonté de rachat lui inspirèrent une activité compositionnelle intense; ses pages débordent d’une mélancolie et d’une angoisse profonde, et cette période

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Le chant choral en République Tchèque (p 7)Professeur Jiří Kolář, président honoraire de l’UČPS

L’art choral dans le domaine de la composition et de l’interprétation a toujours fait partie des trésors nationaux de la culture tchèque et des traditions musicales les

plus intenses dans notre pays. Citons par exemple les œuvres célèbres de Smetana, A. Dvořák, V. Novák, L. Janáček, JB Foerster ou B. Martinů, ainsi que la richesse de notre littérature chorale contemporaine telles que les compositions de P. Eben, I. Hurník, Z. Lukáš, K. Slavický O. Mácha, J. Hanuš, et bien d’autres encore. Leurs œuvres ont exercé une forte influence sur les réalisations artistiques des chœurs tchèques, comme le montrent dans le passé les chanteurs de renommée internationale de Prague, les associations chorales des enseignants de Moravie (PSPU, PSMU), ou une série de chœurs qui ont émergé dans les années d’après-guerre et qui ont remporté les premiers prix dans des compétitions internationales de chorales et des festivals choraux. En ce qui concerne les chorales d’enfants, on peut mentionner les enfants de Kühn à Prague, Bambini di Praga ou Severáček Liberec. Parmi ceux bien connus à l’étranger il y a la chorale de garçons Boni Pueri Hradec Králové et parmi les ensembles féminins, la Foerster Chamber Choir Association de Prague, le Iuventus Paedagogica de Prague, l’Association Chorale des enseignantes d’Ostrava ainsi que les nombreuses chorales universitaires mixtes et chœurs de femmes, tous excellents.

Depuis 1969, toutes les chorales tchèques sont réunies et représentées par l’Association des chœurs tchèques (UČPS). Celle-ci comprend actuellement près de 1100 groupes, parmi lesquels plusieurs “ écoles de chorale“ avec plusieurs divisions préparatoires, des chorales de concert, des chorales de jeunes, parfois aussi des chœurs mixtes de parents. L’association propose son aide pour l’organisation et la réalisation de festivals choraux et de concours de chorales (environ 50 manifestations au niveau national et 15 événements internationaux chaque année) et pour le développement de la vie culturelle dans les régions. L’UČPS accorde une attention particulière aux enfants et aux jeunes choristes (les 16 dernières années, le festival des chœurs mixtes des lycées “Gymnasia cantant” a atteint dans cette catégorie un excellent niveau européen). En organisant des concours de compositeurs et en diffusant des informations sur les nouvelles œuvres de compositeurs contemporains, l’UČPS s’efforce de promouvoir les nouvelles créations des chorales tchèques. Elle coopère avec des institutions étrangères, organise les contacts entre les ensembles tchèques et étrangers, dispose d’une bonne vue d’ensemble du mouvement choral tchèque (chœurs, chefs de chœur, festivals de chorales, compétitions chorales, concerts de chorales, etc..). De plus, elle fournit un portail d’informations très complet avec “České sbory” et le magazine “Cantus” qui publie régulièrement des partitions en supplément.

L’ UČPS fait des propositions pour l’attribution des prix de maître de chapelle à l’échelle nationale (les prix B. Smetana, F.Lýseks, F.Vachs, prix de l’UČPS “chef de chœur-junior”) et autres prix régionaux pour rendre hommage aux mérites et aux succès des chefs de chœurs.

Le chant choral – la forme de musique d’amateur la plus répandue - (et particulièrement les groupes d’enfants et de jeunes) joue un rôle immense et encore sous-estimé pour le

développement de la reconnaissance mutuelle et de la coopération au sein de l’UE. Nous sommes convaincus que le mouvement choral tchèque jouera un rôle important dans ce processus.

Traduit de l’allemand par Pauline Matzinger, Allemagne •

Brève histoire de la musique chorale tchèque (p 8)Stanislav Pecháček, chef de chœur et enseignant

Le chant choral joue un rôle très important dans la vie de la société tchèque depuis le Moyen-âge, et il est lié à la liturgie chrétienne depuis des centaines d’années. Cela

ne se limitait pas à la seule pratique du chant grégorien mais incluait également diverses formes de musique polyphonique. La polyphonie vocale s’est surtout développée dans le pays au cours du XVIe et du XVIIe siècle, notamment avec la création des ‘literátská bratrstva’ (société d’intellectuels), une organisation de citoyens responsables de la musique dans les églises. Le compositeur le plus important de l’époque était Kryštof Harant z Polžic a Bezdružic (1564–1621), l’auteur de la messe Missa quinis vocibus, une parodie du cantus firmus extrait du madrigal ‘Dolorosi Martir‘ de Luca Marenzio.

Les églises restent le lieu principal de représentation musicale jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, ce qui explique pourquoi la majorité des pièces musicales restent connectés à la liturgie. Cela a donné une production importante, représentée par différentes messes, vêpres, litanies et psaumes, entre autres pièces basées sur des textes liturgiques (Salve Regina, Magnificat, Te Deum, etc.). La musique était également produite dans les résidences privées: la noblesse formait ses propres orchestres, la plupart composés de serviteurs talentueux. Ils se concentraient sur la musique instrumentale, destinée à être interprétée non pas lors de concerts mais au quotidien ou pour des occasions spéciales comme des mariages, des enterrements, des bals ou des banquets. Ces

Dossier: Musique Chorale en République Tchèque

Jiří Kolař est né en 1932, il est diplômé de la faculté de pédagogie de l’Université Charles (Karls-Universität) (1953) et de l’Université pédagogique de Prague (1962). De 1964 à 2001, il a enseigné à la faculté de pédagogie de l’Université Charles à Prague (direction chorale et formation auditive). De 2001à 2005, il fut professeur de direction chorale au Département de musique d’église. En 1981, il a obtenu un doctorat de pédagogie musicale; en 1991, il a acquis une qualification supplémentaire, celle de professeur d’éducation musicale et de direction chorale. Jiří Kolař a été nommé en 2000 professeur d’éducation musicale et de direction. En 1967, il fonda le Chœur de femmes «Iuventus Paedagogica». Jusqu’en 1999, le chœur a reçu dix prix dans de prestigieux concours européens de chorales et de nombreuses autres distinctions. Sous la direction de Jiří Kolář, l’ensemble a donné plus de 800 concerts dans le pays et à l’étranger. Il est l’auteur de nombreuses publications, dont des manuels sur l’intonation, la formation auditive et la direction. De 1989 à 2005 il a travaillé comme rédacteur en chef du magazine «L’éducation musicale». Jiří Kolař est président honoraire de l’Association des chorales tchèques et président de l’Union des chefs de chœurs au sein de la Confédération des musiciens. De plus, il est membre de comités consultatifs pour le chant choral et membre de jurys de concours nationaux et internationaux dans son pays et à l’étranger.

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productions se déroulaient dans une atmosphère bien différente de celle des concerts, où la musique était principalement jouée pour l’écoute et sans participation prévue du public. Le répertoire inclue également des cantates profanes, composées pour des anniversaires, des fêtes, des mariages, des décès ou la naissance des enfants de la famille de l’employeur.

Les compositeurs tchèques qui vivaient en Bohème étaient pour la plupart impliqués dans les églises. Adam Michna z Otradovic (1600–1676), poète et extraordinaire compositeur du début de la période baroque, était l’organiste de la ville de Jindřichův Hradec. Il est devenu célèbre grâce à ses simples hymnes vernaculaires Česká mariánská muzika (Musique Mariale tchèque), Svatoroční muzika (Musique pour l’année liturgique) et Loutna česká (le luth tchèque). A la même époque, Bohuslav Matěj Černohorský (1684–1742) était organiste de l’église St Jacques dans le Vieux Prague, ainsi qu’à Assise et Padoue (en Italie) pendant quelques années. Son offertoire, Laudetur Jesus Christus, est considéré comme l’un des travaux les plus réussis de la polyphonie tchèque. František Xaver Brixi (1732–1771) a été nommé maître de chapelle de la cathédrale St Guy de Prague, occupant ainsi la position la plus en vue de la ville au niveau musical. Il a apporté un nombre considérable de pièces à la musique tchèque, soit près de 500 œuvres dont 120 messes. Josef Seger (1716–1782) a été nommé organiste de l’église Notre Dame de Týn de Prague. La diversité de ses compositions, comprenant des messes entre autres pièces liturgiques, reflète le style de la fin de la période baroque.

A la campagne, des enseignants ont formé un groupe particulier de musiciens, dont le rôle était également d’organiser la musique dans les églises. Les plus célèbres d’entre eux étaient Jakub Jan Ryba (1765–1815), l’auteur de la populaire Messe de Noel Hej, mistře, et Karel Blažej Kopřiva (1756–1785), qui appartenait au groupe d’enseignants, musiciens et compositeurs du petit village de Citoliby.

Nombreux sont les musiciens tchèques à être partis à l’étranger. Jan Dismas Zelenka (1679–1745), compositeur principal de la fin de la période baroque, était joueur de contrebasse, chef de chœur et compositeur de la Chapelle Royale de Dresde. Son œuvre comprend notamment 20 messes et beaucoup d’autres ouvrages liturgiques. Josef Mysliveček (1737–1781) vivait en Italie, František Xaver Richter (1709–1789) en Allemagne et en France, Antonín Rejcha (1770–1836) à Paris. Beaucoup de compositeurs tchèques travaillaient à Vienne, capitale de l’Empire Autrichien, et la plupart d’entre eux s’y sont fait remarquer. Ce fut notamment le cas pour Leopold Koželuh (1747–1818), František Ignác Tůma (1704–1774), Jan Křtitel Vaňhal (1739–1813), Antonín Vranický (1761–1820) et Pavel Vranický (1756–1808).

En Bohème, la tradition du chant choral profane remonte seulement au XIXe siècle. C’est à cette époque qu’ont commencé à apparaître les premières compositions profanes pour ces nouveaux chœurs. Après des débuts modestes, de grands compositeurs ont marqué la deuxième moitié du siècle. Bedřich Smetana (1824–1884), fondateur de la musique nationale tchèque, était le premier d’entre eux. Il a écrit plusieurs morceaux pour chœurs d’hommes (Tři jezdci – Les trois cavaliers, Rolnická – Le travail des champs, Píseň na moři- Le chant de la mer), trois pièces pour chœurs de femmes (Má hvězda – Mon étoile, Přiletěly vlaštovičky – Le retour des hirondelles, Západ slunce – Le coucher de soleil), et de la cantate Česká píseň (Chanson tchèque). Son successeur, Antonín Dvořák (1841–1904), a contribué à l’enrichissement de la musique chorale tchèque grâce à de nombreuses compositions écrites pour accompagner la poésie

populaire (par exemple Moravské dvojzpěvy – Duos moraves) et plusieurs cantates sacrées ou profanes (notamment les suivantes: Stabat mater, Requiem, Te Deum, Svatební košile – La mariée fantôme).

La musique chorale tchèque a atteint un nouveau niveau de qualité au début du XXe siècle, grâce aux associations d’enseignants au sein desquelles la qualité artistique prévalait sur la fonction sociale. Cela s’est également ressenti sur les œuvres chorales. Les nombreux travaux de Josef Bohuslav Foerster (1859–1951) en sont un parfait exemple.

Leoš Janáček (1854–1928) faisait principalement travailler ses chœurs d’hommes sur les poèmes de Petr Bezruč, dont Kantor Halfar (Halfar le maître d’école), Maryčka Magdónova and Sedmdesát tisíc (Soixante-dix mille). Ses cantates, tout particulièrement sa Glagolská mše (messe glagolitique), font partie des compositions tchèques les plus importantes de l’époque. Josef Suk (1874–1935), spécialement avec son cycle Deset zpěvů (Dix chansons) pour chœur de femmes, et Vítězslav Novák (1870–1949) sont deux autres compositeurs importants ayant vécu entre le XIXe et le XXe siècle.

Bohuslav Martinů (1890–1959) est le compositeur tchèque le plus connu mondialement pendant la première moitié du XXe siècle. Bien qu’il ait passé la majeure partie de sa vie à l’étranger (en France, aux Etats-Unis, en Suisse et en Italie), la poésie populaire tchèque est présente dans la plupart de ses œuvres (Česká říkadla – Comptines tchèques, trois cycles de Madrigaux tchèques, etc.). Il a également composé des cantates inspirées de textes anciens, bibliques, et de passages issus de la littérature moderne. Le travail de Bohuslav Martinů est également marqué par sa tendance à produire des pièces courtes, faites pour des formations de chambre (Kytice - Bouquet, Polní mše – Messe des champs, Hora tří světel – La montagne aux trois lumières, Gilgameš – La légende de Gilgamesh). Sa cantate de chambre Otvírání studánek (Le début du printemps) est l’une des compositions les plus connues de cette musique tchèque du XXe siècle.

Parmi les compositeurs tchèques contemporains se distingue Petr Eben (1929–2007). Il a en partie puisé l’inspiration pour son œuvre dans les chants populaires, leurs arrangements et certaines de ses propres œuvres de poésie populaire, comme O vlaštovkách a dívkách (Hirondelles et jeunes filles) pour chœur de femmes ou Láska a smrt (Amour et mort) pour chœur mixte, et en partie dans des textes anciens et médiévaux, comme Řecký slovník (Dictionnaire grec), Cantico delle creature, Apologia Sokratus, Pragensia, Pocta Karlu IV (Ôde à Charles IV). Il a également beaucoup écrit pour chœurs d’enfants, par exemple Zelená se snítka (Le printemps des feuilles) ou Deset dětských duet (Dix duos pour enfants). Sa source d’inspiration principale était sa foi en Dieu, ce qui se ressent dans beaucoup de ses messes et œuvres liturgiques, telles que Posvátná znamení (Symboles sacrés). De même, les compositions de Zdeněk Lukáš (1928–2007) sont particulièrement populaires parmi les chœurs de tchèques, quelque soit leur type ou leur niveau. Zdeněk Lukáš met souvent des poèmes populaires en musique (Jaro se otvírá – Le début du printemps pour chœur de voix d’hommes, Věneček - La couronne de fleurs pour chœur de filles). Lui aussi a également puisé son inspiration dans des textes anciens, et a écrit plusieurs pièces liturgiques (Requiem, Missa brevis). Parmi les compositeurs de l’ancienne génération, il ne faut pas oublier de mentionner Antonín Tučapský (1928), qui a vécu plusieurs dizaines d’années à Londres, Otmar Mácha (1922–2006), Ilja Hurník (1922), Zdeněk Šesták (1925) et Jiří Laburda (1931).

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Au tournant du millénaire, la production de musique chorale par les compositeurs tchèques était très riche. Cela s’explique essentiellement par l’engouement qu’ont les chœurs pour jouer des morceaux nouveaux, contrairement aux groupes instrumentaux qui se concentrent sur un répertoire classique. C’est pour cela que beaucoup de compositeurs tchèques viennent de la jeune génération, ou de la génération intermédiaire.

Traduit de l’anglais par Mélanie Clériot, France,relu par Elodie Caille, France •

Le système d’éducation musicale et la structure d’organisation des chœurs en République Tchèque(p 11)Martina Spiritová, Chef de chœur et professeur

Le système d’éducation musicale en République Tchèque ressemble à celui des autres pays d’Europe, ainsi que la manière selon laquelle les chœurs sont organisés. Ce texte

bref a pour objet de donner des informations de fond sur les particularités des écoles de musique en République Tchèque, et fournit également quelques renseignements sur les organismes assurant la protection des chœurs non-professionnels et semi-professionnels.

Les enfants qui s’adonnent à la musique commencent par la pratiquer dès leur très jeune âge. On trouve en République Tchèque des écoles primaires spécialisées dans l’art au niveau élémentaire, et les plus jeunes commencent déjà leurs études à l’âge de 4-5 ans.

Au bout d’un an ils choisissent un instrument, et dans le meilleur des scénarios ils continuent à le jouer jusqu’à l’âge d’adulte. Dans ce type d’école, ils apprennent à jouer des instruments, mais aussi la théorie musicale, dans les meilleures

de ces écoles il y a une possibilité en plus de chanter à la chorale ou jouer en orchestre. On compte plus de 400 écoles musicales privées, de différents niveaux.

Ces écoles sont facultatives: l’inscription ne peut donc pas impliquer une fréquentation obligatoire; les enfants participent à ces activités pendant leur temps libre. Il existe des écoles d’État, des écoles privées et des écoles religieuses. Seuls les enfants de parents aisés peuvent fréquenter ces écoles: ils payent pour cette éducation. Ce système a beaucoup d’avantages, mais aussi des inconvénients.

Grâce aux subventions assez importantes de l’État, les écoles peuvent se permettre d’assurer des cours individuels: les enfants qui sont admis à l’examen d’entrée ont d’excellents professeurs particuliers. Ils travaillent donc dans des conditions privilégiées pour évoluer.

Mais le système contient cependant des désavantages: étant donné que ces écoles de musique primaires sont choisies en tant qu’option, il existe un grand fossé entre les connaissances des enfants fréquentant des cours des écoles de musiques primaires et ceux bénéficiant des cours de musique au sein de leur école primaire.

Le système d’éducation normal laisse peu de chance au développement de la créativité ou pour les activités musicales spontanées par les enfants moins doués. Il est évident, d’un autre côté, que les enfants des écoles de musique élémentaires seront bien préparés pour se présenter aux examens d’entrée au conservatoire.

Les conservatoires représentent le degré moyen de l’éducation musicale en République Tchèque. Ils font partie du système d’éducation national: ainsi ils peuvent exiger une présence obligatoire. Les élèves suivent des études pendant 6 ans au conservatoire, ils commencent leurs études à l’âge de 15 ans normalement. Les élèves ont trois cours par semaine de leurs instruments respectifs, mais aussi des cours d’histoire de la musique, de théorie musicale, et des cours d’histoire de la culture. Après quatre ans, les élèves doivent passer un examen correspondant au niveau A de base, suivi de deux années supplémentaires d’études.

Actuellement des débats sont en cours concernant l’accréditation des conservatoires, selon les mêmes principes que les écoles qui préparent pour le baccalauréat. Ces écoles sont classées au troisième niveau d’éducation. Ce type d’école met l’accent sur la pratique, et les diplômés du conservatoire peuvent jouer dans des orchestres professionnels ou des ensembles de chambre, ou encore continuer leur propre parcours d’éducation. Comme les élèves du conservatoire ont tendance à pratiquer cinq à six heures tous les jours, quand ils quittent l’école, ils ont des lacunes négligeables par rapport aux connaissances de ceux de l’éducation visant le baccalauréat général. Ce déficit d’apprentissage a conduit aux expériences des écoles secondaires offrant l’éducation musicale.

Actuellement, il existe un tout nouveau type d’école. Les auteurs de ce projet s’efforcent de fusionner le curriculum obligatoire avec une musicalité instrumentale de haut niveau. En élevant le niveau d’études à celui des lycées tout en pratiquant l’instrument pendant cinq-six heures par jour, le parcours paraît difficile. Les élèves venant de ces écoles sont plutôt bien préparés pour les études d’histoire de la musique, de musicologie, de pédagogie musicale etc. Quelques-uns continuent leurs études aux Académies. Il existe actuellement en République Tchèque treize conservatoires et deux lycées spécialisés.

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Stanislav Pecháček, a obtenu son doctorat de la Faculté de Philosophie d’Olomouc en 1974. Il a enseigné au lycée de Prague pendant 9 ans, où il a commencé à s’intéresser au chant choral et est devenu chef de chœur de l’ensemble de jeunes filles. Il a commencé à enseigner au Département de Musique de l’Université Charles en 1985. Il est devenu intervenant à la Faculté d’Education de Prague en 1998, et il y occupe un poste d’enseignant universitaire depuis 2012. En 2012, il a été nommé directeur adjoint du Département de Musique. Il a publié quatre monographies (dont une en polonais) abordant le sujet de littérature chorale tchèque et des chants populaires, ainsi que neuf manuels sur l’intonation, les techniques de direction, la didactique de la musique et l’harmonisation de chants populaires pour piano et guitare. De 1990 à 1995 il a dirigé le chœur de femmes ‘Puellae Pragenses’ et de 1995 à 2006 le chœur d’enfants ‘Mládí’ (Jeunesse). En 1990 il s’est impliqué dans des associations chorales aussi bien en République Tchèque (le Comité exécutif de l’Association des chœurs de République Tchèque) qu’à l’étranger (AGEC – Arbeitsgemeinschaft Europäischer Chorverbände ou Union des Fédérations Chorales Européennes). De 1993 à 2000, il a été rédacteur en chef de la revue des Arts Choraux "Cantus". Courrial: [email protected]

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Après l’examen du niveau A, il est possible de commencer ses études à l’université. Il est important de souligner que les universités ont en République Tchèque un statut autonome: ainsi l’examen du niveau-A ne garantie pas l’admission à l’université. Les candidats doivent passer un examen d’entrée.

Il existe trois possibilités pour apprendre la musique à ce niveau en République Tchèque. D’abord, il est possible d’étudier la musicologie à la faculté de philosophie. Ce type d’études est focalisé sur l’histoire de la musique, sur la théorie musicale et la science musicale. Le programme d’études est de très haut niveau, surtout à l’Université Charles de Prague. Deuxièmement, il existe la faculté avec son département musical qui se concentre sur l’éducation des enseignants en musique. Ce type d’éducation est plus tourné vers la pratique et est complété par plusieurs matières comme la psychologie, la pédagogie musicale, etc.. mais il propose aussi des sujets purement musicaux, bien sûr. En République Tchèque on peut étudier la direction chorale dans cinq de ces établissements.

La troisième possibilité pour continuer à apprendre la musique, c’est la Faculté de Musique à l’Académie des Arts Scéniques de Prague et à l’Académie Leos Janacek de Brno (JAMU). Ce sont les deux facultés au niveau national qui forment des solistes professionnels. Ces écoles universitaires de haut niveau sont accréditées par l’État.

Il y a trois niveaux d’études à la faculté musicale: bachelier, master et Phd. Les élèves ont par semaine trois heures de cours d’instrument (ou chant, composition, direction, etc..) aussi de musique de chambre, concerts, et des disciplines théoriques. L’objectif de ces écoles est de travailler sur la virtuosité proprement dite.

La direction chorale est assurée uniquement à l’Académie de Brno. A Prague, il n’est pas possible d’étudier la direction chorale seule – mais en tant qu’étude complémentaire liée à la direction d’orchestre. Il n’y a pas d’activité chorale à la Faculté de Musique de l’Académie des Arts non plus.

La plupart des écoles sont publiques, mais la République Tchèque a aussi des écoles privées et paroissiales. Dans la plupart des cas, les écoles publiques sont d’une qualité supérieure par rapport aux écoles privées; cependant il existe des exceptions.

Le système d’éducation musicale est il compatible avec le système d’organisation des chœurs amateurs?

Il y a en République Tchèque trois types de chœur: professionnel, amateur et (une sorte un peu problématique à définir selon leur capacité) semi-professionnel. A cause de la crise économique et de la politique culturelle assez problématique du pays, le nombre des chœurs professionnels diminue. Certains chœurs travaillent pour les théâtres et pour des salles d’opéra, d’autres sont des chœurs symphoniques, mais la vie de choriste professionnel est assez difficile. Cette situation rend assez difficile pour les chœurs professionnels de maintenir leur (historiquement haut) niveau.

Quelques-uns sont devenus semi-professionnels, ce qui signifie que les chanteurs sont payés pour chanter mais travaillent aussi ailleurs (par exemple en tant que professeurs de musique ou autres). Il est très difficile d’organiser ce type de chœur, mais paradoxalement, cela joue aussi sur la qualité. Le chœur peut se permettre d’avoir moins de concerts contractuels, et peut ainsi mieux travailler l’interprétation. Bien sûr, la pénurie de chœurs professionnels en République Tchèque est aggravée par le manque d’argent pour les finalités culturelles, qui menace leur existence.

Le chant d’amateurs a une longue tradition, qui est toujours très vive. Actuellement il existe 1.102 chœurs enregistrés sur le site de l’Association des Chœurs Tchèques. (Leur population compte au total onze mille personnes). Plusieurs de ces chœurs sont de très haute qualité, et souvent très bien organisés. Un autres aspect, très positif aussi, reste qu’il existe toujours quelques ‘Clubs de chant’ sans structure d’organisation ou sans gérance professionnelle, et les concerts sont fréquentés aussi par ‘les amis de la musique’. Ces chanteurs très amateurs ont des rencontres (pas des répétitions) et ils chantent pour leur propre plaisir. Ils constituent une base pour les chœurs d’amateurs.

Des chœurs amateurs classiques sont attachés à tous les types d’écoles. Les chœurs d’enfants existent dans certaines écoles primaires et secondaires (selon l’orientation de l’école et de son directeur ou selon la disponibilité et l’enthousiasme du professeur de musique) et dans les écoles d’art élémentaires. Les enfants plus âgés restent en principe dans les chœurs élargis des écoles d’art élémentaires (avec des succursales) jusqu’à l’âge de l’adolescence. Quelques-uns des chœurs d’enfants ne peuvent être fréquentés que jusqu’à l’âge de 18 ans, à cause de la limite d’âge pour les subventions attribuées aux écoles d’art élémentaires. Cette situation est très regrettable, car beaucoup d’excellents chanteurs, ayant une bonne expérience, quittent le monde de la musique, et la qualité des chœurs de jeunes est inférieure par rapport à celle des chœurs d’enfants. On trouve quelques chœurs pour les jeunes, surtout dans les lycées. Certains sont d’un assez bon niveau, mais en général, les chœurs d’enfants sont d’une meilleure qualité et aussi mieux organisés. Les chœurs de conservatoire posent un grand problème, car le chant choral y est obligatoire non seulement pour les élèves des cours de chant mais aussi pour les instrumentalistes. Etant donné que les conservatoires se concentrent sur la formation des solistes, le chant choral n’est pas populaire. Les chanteurs souhaitent chanter plutôt des airs d’opéras, et les instrumentalistes ne s’intéressent pas à la musique vocale. A cause de ces problèmes, le niveau des chœurs de conservatoire n’est pas très élevé, et malheureusement cette tendance monte vers le niveau académique aussi. La situation est meilleure dans les universités. A l’exception des facultés musicales, bien entendu, les chœurs sont ouverts aux étudiants d’autres disciplines que la musique, mais quelques chorales ont un niveau de chant excellent. Certaines universités donnent à leurs chœurs un appui, d’autres non. Paradoxalement, un des chœurs les mieux soutenus et ‘Musica Oeconomica Pragensis’ de l’Université d’Économie de Prague. Les universités sont prêtes à engager des chefs de chœur professionnels, et cela permet aux chœurs d’université d’évoluer.

Pendant la deuxième moitié du XXe siècle, la République Tchèque a fait partie du bloc soviétique; de ce fait, la longue tradition des chœurs d’églises a été interrompue. Après la ‘Révolution de Velours’ (en 1989) les églises commencèrent à s’ouvrir. Bien que l’Église catholique et l’Église protestante soient bien représentées en République Tchèque, le pays est un des pays les plus athées d’Europe. Pour cette raison, la situation de la musique religieuse n’est pas très brillante. Dans la plupart des cas, on trouve des chœurs d’églises avec quatre sopranes, douze altos, sans ténors et deux basses, tous approchant l’âge de 60 ans.

Malgré cette situation, il existe des chœurs catholiques-romains de bon niveau, mais en général ils ne se comparent pas avec des chœurs profanes.

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qui n’est pas très différent par rapport aux chœurs d’autres pays. En général, la situation est plus positive pour les chœurs amateurs que pour les chœurs professionnels.

Traduit de l’anglais par Maria Bartha, France •

Présentation de quelques bons choeurs tchèques(p 15)Marek Valášek, chef de choeur et enseignant

Le Chœur d’Enfants KühnAussi connu sous le nom de "Chœur philharmonique

tchèque d’enfants", il fut fondé en 1932 par le chanteur d’opéra et directeur radiophonique Jan Kühn. Depuis lors, il est un des ensembles choraux tchèques les plus importants. Il s’est régulièrement produit à Prague, depuis 1947, lors du Festival international de musique. Depuis 1952, il est institutionnellement lié à l’Orchestre Philharmonique Tchèque. Il remporta le premier prix lors d’un bon nombre de concours et de festivals internationaux, par exemple les Premières Olympiades Chorales de Paris en 1956, le Concours Choral International de Neerpelt en 1968, de Tolosa en 2008, d’Arezzo en 2010, et le Concours Radiophonique International de Wuppertal en 2007. Il a attiré l’attention de compositeurs et, peu à peu, a initié la création de plusieurs centaines de compositions chorales qu’il a créées.

L’étendue de son répertoire est impressionnante: on y trouve des œuvres de toutes périodes et styles, la musique sacrée y tenant une place importante. La qualité de ses interprétations lui permet d’être invité à collaborer avec le Théâtre National de Prague, des opéras à l’étranger et des orchestres symphoniques. Il a chanté sous la direction de chefs réputés tels que Vaclav Talich, Rafael Kubelik, Karel Ancerl, Jiri Belohlavek, Seiji Ozawa, Serge Baudo, Eliyahu Inbal, Vladimir Ashkenazy, Vladimir Fedosejev, et Gennady Rozhdestvensky. Le Chœur d’Enfants Kühn a également été invité à bon nombre de festivals internationaux et en tournée. Il s’est produit lors de rencontres internationales prestigieuses: au Musikverein à Vienne, au Tchaikovsky Hall à Moscou, au Bunka Kaikan à Tokyo, au Teatro alla Scala à Milan et au Carnegie Hall à New York.

D’autres chœurs chantent aussi dans d’autres cadres d’organisation: par exemple des chœurs d’entreprises ou ceux des établissements de loisirs, ils sont peu nombreux.

La société tchèque est plus orientée vers l’économie que vers le chant choral, et donc peu nombreux sont ceux qui cherchent à construire des chœurs. Par conséquent, le meilleur moyen pour fonder une nouvelle chorale (surtout avec des membres adultes), c’est de s’enregistrer en tant qu’organisation communale après avoir trouvé les chanteurs. Ceci n’est pas très compliqué, et assure en même temps une certaine liberté artistique. Bien sûr l’argent compte aussi, tout de même, donc il est nécessaire de trouver des sponsors pour le chœur, pour le financement des concerts, ou de demander aux membres de payer une cotisation pour aider la structure d’organisation. Il est vrai que trouver de l’argent pour des concerts, pour des solistes professionnels, pour un orchestre ou pour d’autres buts est très difficile, mais les meilleurs chœurs du pays fonctionnent selon ce principe.

Comme mentionné plus haut, le dernier type de chorale est le ‘club de chant’. Sans aucune organisation ou chef professionnel, sans argent, la musique chorale qu’ils créent peut être considérée plus ou moins bien. Ils jouent quand même un rôle important dans la vie musicale du pays, puisqu’ils forment des chanteurs potentiels pour d’autres chœurs et représentent aussi la masse d’audience lors des concerts de musique classique.

Comme mentionné également, il est possible d’apprendre la direction chorale à ‘JAMU’ ou au sein des cinq Facultés d’Éducation. Les chefs de chœur peuvent avoir d’autres professions aussi. Les chorales d’écoles sont dirigées (plus ou moins bien) par des professeurs de musique, des chefs de chœurs d’église qui (selon la tradition) sont organistes en même temps; certains chefs d’orchestres dirigent aussi des chœurs, et on trouve parfois des solistes aussi dans le rôle de chef de chœur. Plus d’un sont de très bons chefs à l'heure actuelle. Il est vrai, cependant, que quelques compétences nécessaires laissent à désirer dans toutes ces professions et souvent les chœurs dirigés par ces gens ne peuvent pas donner le meilleur.

Les chœurs amateurs tchèques peuvent s’enregistrer au sein de l’Association des chœurs tchèques. Il s’agit d’une organisation qui organise des festivals choraux, qui informe les chœurs des possibilités de concerts, peut aider les enregistrements et festivals, publie un magazine choral, etc. Il est important de souligner que l’Association des Chœurs Tchèques manque de fonds. Le Ministère de la Culture ne peut pas lui donner beaucoup d’appui. Par conséquent, les personnes qui travaillent pour l’Association ne peuvent pas être rémunérés par celle-ci, et la plupart d’entre eux travaillent pour les chœurs de manière bénévole. Le directeur actuel de l’Association est un juriste, en fait. Ainsi les chœurs travaillent séparément, mais le fait d’être membre de l’Association présente quand même quelques avantages. Une relation contractuelle lie l’Association et l’OSA (une organisation concernée par des affaires juridiques de droits d’auteurs) et les chœurs membres de l’Association sont exempts de droits d’auteur pour leurs représentations des œuvres de compositeurs contemporains vivants lors de leurs concerts gratuits. C’est une aide énorme pour les chœurs qui acceptent de chanter de la musique contemporaine.

En conclusion, le monde choral tchèque a bon nombre de problèmes, surtout dans le domaine du soutien financier. Mais grâce à sa longue tradition et à l’enthousiasme énorme, le pays a beaucoup de chœurs. La qualité des chœurs dépend de celle du chef de chœur, des membres du chœur, de l’organisation, du choix du répertoire, et de la motivation des chanteurs et chefs – ce

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Martina Spiritová est diplômée de la Faculté de Philosophie et Art de l’Université Charles de Prague. Elle a étudié la direction chorale à la Faculté d’Education de l’Université Charles à Prague, chez le Prof. Miroslav Košler. En 2000 elle a gagné un bourse d’étude à l’Universidad Complutense à Madrid. Actuellement, elle continue ses études Ph.D. à l’Université Charles. Elle a été chef du chœur de chambre semi-professionnel ‘VOKS’ pendant dix ans. Récemment elle est devenue chef du chœur mixte ‘Musica Oeconomic’ à l’Université d’Economie à Prague (avec son époux Kryštof Spirit) et du chœur du Conservatoire Jan Deyl à Prague. Quand elle ne dirige pas, elle se consacre au chant (en tant que membre de l’Ensemble Hilaris (un chœur focalisé sur la musique de la Renaissance), elle enseigne (dirigeant un séminaire sur la théorie musicale pour les élèves de pédagogie à la Faculté d’Education), et elle organise des événements musicaux (par exemple, une tournée de concerts pour jeunes musiciens en collaboration avec la Fondation suisse Animato Stifftung ). Sa thèse est consacrée aux chœurs non-professionnels et à des sujets concernant la pédagogie du chant. Courriel: [email protected]

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Depuis 1967, son directeur artistique est Jiri Chvala (né en 1933), professeur de direction à l’Académie des Arts du Spectacle de Prague. Ce chœur est la plus ancienne école chorale tchèque: il est actif dans plusieurs départements, avec un effectif total de 550 enfants et jeunes.www.childrenschoir.cz

Le Chœur d’Enfants "Český Krumlov"Le Český Krumlov figure depuis 1992 au patrimoine mondial

de l’UNESCO. La tradition d’éducation musicale de notre école de musique remonte à 1780. Le Chœur d’Enfants, créé en 1995, compte aujourd’hui plus de 250 chanteurs âgés de quatre à dix-huit ans et répartis en quatre sections différentes: trois chœurs préparatoires (Diblici, Lentilky et Brumlici) et le chœur principal, Medvidata, avec les plus âgés: Krumbrumchor.

Au cours de son existence, le chœur a organisé plus de 450 concerts publics et plus de 1200 enfants en ont fait partie. Son répertoire couvre un large éventail d’œuvres allant du chant folklorique aux pièces de concert, de la Renaissance jusqu’à nos jours, avec une prédilection toute particulière pour les compositeurs tchèques du XXe siècle (Bohuslav Martinů, Zdenek Lukáš, Petr Eben, Miroslav Raichl, Ilja Hurník, …), jusqu’à des Negro spirituals et des arrangements de musique populaire.

Le chœur a obtenu de nombreux succès lors de festivals et concours: la Médaille d’Or du festival national choral Zahrada písní en 2008 à Prague et de Porta Musicae Nový Jičín de 2004 et 2008, le premier prix du festival international de Neerpelt en 2006, le deuxième prix de LLangollen, le troisième prix de Cantonigros en 2011. Il a fait des tournées en Allemagne, en Autriche, en Slovénie, en Croatie et en Slovaquie (2004, 2006, 2008). Le Chœur d’Enfants Medvidata a déjà coorganisé six festivals de Chœurs d’Enfants Vltavské Cantare. Il a enregistré cinq CD et collaboré avec l’éditeur Panton.

Lukáš Holec en est le chef de chœur depuis son origine, et l’accompagnement au piano est actuellement assuré par Olga Reichlová.www.zus-ceskykrumlov.cz/okna_sbory/sbory.html

Le Chœur de Chambre Féminin FoersterFondé en 1975 à Prague, le Foerstrovo Komorní Pěvecké

sdružení est très rapidement devenu l’un des meilleurs chœurs de Tchéquie. Il remporta de nombreux prix lors de concours chorals internationaux de haut niveau: Arezzo, Cork, Debrecen, Klaipeda, Vienne en 2006, Venise en 2008 (vainqueur de sa catégorie et vainqueur du Grand Prix, Tours en 2011 (Troisième Prix), Rimini en 2012 (vainqueur du Grand Prix) et il collabore fréquemment avec des artistes tchèques de renom lors d’événements prestigieux.

Les quatre CD que le chœur a enregistrés ne représentent qu’une partie de son vaste répertoire, qui s’étend de la polyphonie de la Renaissance jusqu’à la musique du XXè siècle. Le FKPS porte une attention toute particulière à la musique contemporaine à travers les œuvres de nombreux compositeurs tchèques dont Zdeněk Lukáš, Vadim Petrov, Vladimír Sommer, chanté en première mondiale par le chœur. Depuis août 2009, l’ensemble travaille sous la direction de Jaroslav Brych.

Jaroslav Brych (né en 1964) a étudié la direction à l’Académie des Arts du Spectacle de Prague avec Václav Neumann. Josef Veselka lui a fait découvrir l’art choral. Il a parfait son savoir-faire en participant aux "master classes" de H. Rilling à Stuttgart. Depuis le début de sa carrière, Jaroslav Brych travaille aussi bien avec des orchestres de renom qu’avec des chœurs importants tel que le Chœur Universitaire Charles de Prague (1984-1997), le Chœur Philharmonique de Prague (1996-2005) et le Chœur de Chambre de Prague (depuis 2006). Actuellement, il enseigne

aussi à l’Académie des Arts du Spectacle de Prague, à la Faculté de Pédagogie de l’Université Charles et au Conservatoire de Pardubice.www.fkps.cz

Pueri gaudentesCe chœur a été créé en 1990 par Madame Zdenka Souckova,

pour répondre à l’intérêt croissant porté aux chœurs de garçons. Libor Sladek travaille depuis 2010 avec le chœur. Il y a trois niveaux d’enseignement pour les garçons âgés de six à dix ans, et un chœur de concertistes pour les garçons et jeunes adultes de dix à trente ans. Les garçons chantent des œuvres pour SATB. En SA, les garçons ont leur propre répertoire, tout comme les hommes en TB. Le chœur comporte environ 180 choristes. Quand leur voix a mué, les garçons restent dans le chœur, et après la pause nécessaire ils intègrent le chœur d’hommes. Le répertoire, très coloré, comporte différentes œuvres pour chœurs de garçons, pour chœurs d’hommes, et même pour chœurs mixtes. Ils chantent de la musique tant religieuse que profane, allant du chant grégorien médiéval jusqu’à des œuvres de compositeurs contemporains en passant par la musique polyphonique.

Le chœur se produit en République tchèque et dans le monde entier; il a visité l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Estonie, la Finlande, la France, l’Allemagne, la Grèce, l’Italie, Israël, le Japon, la Lituanie, la Lettonie, les Pays Bas, la Norvège, la Pologne, la Russie, l’Espagne et la Suède. Nos garçons se produisent régulièrement à l’Opéra National de Prague, participant à des œuvres telles que Carmen et Turandot, Boris Godunov et l’opéra jazz Bubu de Montparnasse.

Parmi les succès majeurs du chœur, citons leur première place à Neerpelt en 1996, leur première place‘avec félicitations’ à Neerpelt encore en 2006, leur nomination lors d’un concours international à Preveze (Grèce) en 2000, leur nomination lors d’un concours international à Lindenholzhausen (Allemagne) en 2005. En 2006, le chœur a participé au Festival de Printemps de Prague. Il a publié cinq CD et fait de nombreux enregistrements pour la télévision et la radio tchèques.www.pueri.cz

L’Ensemble vocal "Gentlemen Singers"Ce chœur de Hradec Králové, créé en 2003, est devenu l’un

des ensembles tchèques les plus importants. Son répertoire comprend des œuvres allant du chant grégorien à des arrangements de mélodies populaires modernes, mais la partie la plus importante de son répertoire se compose d’œuvres vocales des XXe et XXIe siècles, de chants folkloriques tchèques, de Moravie et de Slovaquie ainsi que d’œuvres contemporaines souvent arrangées ou même composées exclusivement pour lui.

Les "Gentlemen Singers" participent régulièrement à des festivals importants et enregistrent des programmes musicaux pour la radio et la télévision. Depuis sa création en 2003, l’ensemble a donné plus de quatre cents concerts sur quatre continents. En plus de ces concerts, avec l’Orchestre Philharmonique Hradec Králové, les choristes ont organisé pendant cinq ans une série de concerts appelée ”Soirées de Musique de Chambre avec les Gentlemen Singers” qui a présenté des ensembles et des musiciens européens de premier ordre et il participe à l’organisation de Sborové slavnosti, le festival choral tchèque qui est devenu l’un des principaux festivals choraux de la République Tchèque.

Parmi les succès récents des Gentlemen Singers, citons les deux premières places à la fois dans la catégorie musique sacrée et dans la catégorie musique profane pour chœurs professionnels au Concours de Chant Choral de Tolosa (Espagne) en 2011, et la

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concours choral international “Trnavské zborové dni” (Slovaquie) en 2008, second rang (médaille d’or) au concours choral international ”Europe and its Songs” de Barcelone (Espagne) en 2011, médailles d’or et d’argent au concours choral international “Sing’n’Joy Vienna” à Vienne (Autriche) en 2012.www.sbormop.cz

Piccolo Coro & Piccola OrchestraPiccolo Coro & Piccola Orchestra associe un chœur de

chambre mixte et un orchestre de chambre à cordes. Les répétitions et les représentations sont sous la baguette de Marek Valášek. L’ensemble est basé à Prague et compte trente-trois membres permanents. Il a donné, depuis sa création en 1996, des centaines de concerts tant à domicile qu’à l’étranger.

L’ensemble interprète des œuvres diverses, sans distinction de genre ou de période. Les choix peuvent varier en fonction des projets individuels, de la musique de chambre à des oratorios spectaculaires de la période romantique. Le chœur, ainsi que l’orchestre à cordes, donnent régulièrement des concerts séparément. Les œuvres de musique sacrée dominent, et beaucoup sont du XXe siècle. L’ensemble créée souvent des œuvres tchèques contemporaines, ou les enregistre pour la radio nationale.

L’ensemble reçut le prix de la Fondation Bohuslav Martinů lors du Festival de la Jeunesse de 2004. En 2007, il remporta un prix important lors du Festival International de Musique de l’Avent et de Noël et reçut la médaille Petr Eben. En 2011, Piccolo Coro remporta tous les prix du Festival International d’Art Choral de Jihlava; lors du challenge choral de Spittal (Autriche), le chœur remporta le premier prix de la catégorie principale, le troisième prix de la catégorie folklore et la médaille spéciale du jury pour son interprétation d’une composition contemporaine.

L’ensemble a enregistré trois CD de musique sacrée: ”Marian music in Loreto” (1998), ”Hear my Prayer” (2000), ”Cantico delle Creature” (2004) et un d’arrangements pour chœur de chants populaires tchèques, Hore Dolinami (2009).www.piccola.cz

Traduit de l’anglais par Christiane et Claude Julien, France •

première place dans la catégorie musique populaire au Festival et Concours de Chœurs en République de Corée en 2010. Plusieurs magazines musicaux ont publié des critiques élogieuses de six des ses CDs définissant les Gentlemen Singers comme "un espoir vocal et le vivier de la scène chorale tchèque".www.gentlemensingers.cz

BohemiachorCe chœur mixte fut fondé en 1993 à l’initiative du chef de

chœur Jan Staněk. Le Bohemiachor comporte une soixantaine de membres, pour la plupart des jeunes de toutes régions de la Tchéquie. Nous nous rencontrons quatre week-ends par an et une semaine en été. La plupart sont membres, voire chefs, de divers autres chœurs. Les sessions de travail, dans diverses villes et villages, fournissent aussi l’occasion de concerts, quelquefois en collaboration avec des chœurs ou orchestres locaux. Le concept essentiel est de travailler sous la direction de divers chefs de chœur excellents. Plusieurs douzaines de chefs de chœur, tchèques ou étrangers, ont accepté l’invitation. Le répertoire comporte des œuvres de diverses époques, mais ces derniers temps nous nous sommes principalement souciés de musique contemporaine.

Le chœur a obtenu quelques résultats remarquables, par exemple lors du Festival Choral National de Jihlava ou du Festival Choral International Praga Cantat. Le Bohemiachor remporta le premier prix au Llangollen International Musical Eisteddfod, et des médailles en 2004 lors des Olympiades Chorales de Brème. Le Bohemiachor fut invité en 2007 à participer au prestigieux Festival Choral International de Cork en Irlande. Toutes ces réussites résultent d’un travail assidu et de l’enthousiasme du chef fondateur Jan Staněk. Nous avons reçu le premier prix au Canti Veris Praga, sous la direction du chef de chœur Libor Sládek qui a passé quasiment dix-huit ans avec le chœur. En avril 2012, le Bohemiachor remporta ses deux catégories lors de Slovakia Cantat à Bratislava et reçut le grand prix. Le jury décerna également au chef de chœur Michal Hájek un prix spécial, en récompense de ses réussites exceptionnelles.www.bohemiachor.cz

Musica Oeconomica PragensisLe chœur Musica Oeconomica Pragensis est une des activités

de loisirs d’étudiants et d’enseignants de la Faculté d’Economie de Prague. Fondé en 2001, il fut dirigé à l’origine par Ota Friedl, auquel Martina et Kryštof Sprit succédèrent deux ans plus tard. Le chœur a pour rôle de représenter l’école, mais il se produit également en son sein. Sa quarantaine de membres sont aujourd’hui des étudiants et des diplômés de la faculté d’économie et d’autres universités pragoises. Le chœur se produit généralement à Prague, mais également lors de concerts et festivals dans tout le pays et à l’étranger. Le répertoire est vaste, du baroque au contemporain, sans oublier les chants populaires, les spirituals et la musique pop. Le chœur collabore avec des solistes et des instrumentistes de renom: Jiřina Dvořáková – Marešová, Markéta Mazourová, Ondřej Socha, pour n’en citer que quelques-uns.

Nos réussites: troisième prix à Neerpelt en 2002, premier prix avec félicitations à Neerpelt en 2004, première place au festival choral “Praga Cantat” (Tchéquie) en 2004, premier prix au festival de musique sacrée “FONS” à Žďár nad Sázavou (Tchéquie) en 2008, médaille d’argent dans deux catégories au

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Marek Valášek, MgA., Ph.D. (né en 1969) enseigne la direction de chœur à l’Université Charles de Prague. Il dirige trois chœurs du Conservatoire de Prague. Il dirigea en 2004 la première de l’oratorio Ecce Homo, du compositeur tchèque Jan Hanuš, lors du Festival International de Musique de Printemps à Prague, et le Requiem de Hanuš en 2005. Il travailla également de 2002 à 2006 comme chef de chœur à l’0péra National de Prague. Il a fondé le chœur et l’orchestre de chambre à cordes Piccolo Coro & Piccolo Orchestra. Courriel: [email protected]

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Deuxième Concours International de Composition Chorale (p 24)Compte-rendu par Graham Lack, Président du Jury

Certains concours ressemblent à des vols transatlantiques long-courrier; d’autres n’accueillent que des relations proches. Ce concours-ci faisait assurément partie

de la première catégorie. À la clôture des inscriptions, le 1er octobre 2012, non moins de 637 œuvres avaient été reçues par le bureau du concours: beaucoup de boulot pour le jury! En tant que Président de ce jury, j’ai compris que la seule solution était de demander aux membres [Libby Larsen (États-Unis), John Pamintuan (Philippines), Olli Kortekangas (Finlande) and Paul Stanhope (Australie)] de consulter l’une après l’autre chaque œuvre et de suggérer les candidats pour le second tour. Retenir, disons, environ 120 pièces par juré, cela faisait moins de travail pour chacun au départ, mais pouvait gêner le travail de lecture selon les préférences personnelles stylistiques et musicales. D’emblée, nous avons donc échangé nos vues et opinions. Au second tour furent collégialement retenues 139 compositions dont certaines, selon l’avis du jury, méritaient une discussion supplémentaire. Par souci de transparence, je puis assurer aux lecteurs que cette séance s’est déroulée en entente étroite même si, cela va de soi, je ne peux pas divulguer les détails de ces échanges internes. Donc, 15 œuvres seulement atteignirent le tour final, sous la forme d’une interminable retransmission à distance entre les Etats-Unis et la Finlande, l’Australie et l’Allemagne, les Philippines et l’Italie (Rimini, en fait, d’où l’Arbitre du Concours Andrea Angelini nous regardait et nous entendait), et bien sûr entre chacun et chacun. Quelle merveille, quand la technologie fonctionne; quand elle ne marche pas, c’est l’horreur!

Conformément à l’accord initial la procédure avait été annoncée, et ce fut une sensation très gratifiante quand nous avons réalisé que trois œuvres seulement rentraient dans le cadre: trois candidats, trois lauréats. Après quelques délibérations constamment informelles, courtoises et constructives, le gagnant final émergea: Francis (Frank) Corcoran (Irlande), pour ses Eight Haikus (Huit Haïkus). Il reçut 5000 € ainsi qu’un Diplôme du Concours.

Comme précisé dans le règlement, l’œuvre sera créée par les Philippine Madrigal Singers, les 5 et 6 octobre en l’occurrence. Idem pour les deux Prix Spéciaux, octroyés à Itzam L. Zapata Paniagua (Mexique), dont le On Desire fonctionne, de l’avis du jury, comme un "paysage sonore original", et Rudi Tas (Belgique), dont le Pie Jesu, toujours selon l’avis du jury, démontre "une originalité harmonique notable". L’œuvre précédente fera l’objet d’un atelier et sera peut-être créée par VOICES8; l’autre constituera elle aussi une partie d’un atelier avec le Kammerchor Consonare Hamburg et pourrait bien elle aussi être créée. Nous espérons que les compositeurs veilleront à s’en occuper.

Il a été décidé d’attribuer un certain nombre de Mentions Honorables: Ivan Bozicevic (Croatie) dans la catégorie Adaptation à un Chœur de Jeunes pour son Yuku haru ya, Xingzimin Pan (USA) dans la catégorie Adaptation à un Chœur Religieux pour son Poem I, Christopher Evans (Royaume-Uni) dans la catégorie Adaptation à un Chœur Scolaire pour son Far on the Sands, et Gaetano Lorandi (Italie), dont l’Ave Verum témoigne d’un bon sens du répertoire, outre qu’il s’agit d’un manuscrit très imaginatif. Bref: félicitations aux sept lauréats!

IFCM NewsPour en revenir au nombre impressionnant de copies, nous nous

sommes émerveillés quant à ce qui a déclenché un tel déferlement. Primo, et surtout, il y avait eu une campagne efficace de publicité, et les informations avaient été transmises aux compositeurs à travers le monde, aux académies et conservatoires ainsi qu’à leurs professeurs de composition et compositeurs, aux chefs de chœur et aux chanteurs.

Secundo: il n’y avait pas de droit d’inscription à ce concours, ni de limites comme l’âge, la nationalité, le pays de résidence; il fallait simplement que les œuvres soient a capella, jusqu’un maximum de 8 voix (SSAATTBB), pour voix mixtes, d’une durée maximale de 8 minutes.

Tertio: aucun sujet réel n’était imposé pour la composition: les compositeurs étaient libres d’utiliser n’importe quel texte dans n’importe quelle langue (avec une traduction en anglais si c’était utile et indispensable), œuvres sacrées ou profanes, nouvelles ou anciennes, publiées ou inédites (les formalités de droits d’auteur des textes ne relevant pas du domaine public devaient être effectuées par le candidat avant l’inscription).

Quatro: la vainqueur final recevait un généreux pécule (décision pour laquelle il faut remercier le Président de la FIMC, Michael J. Anderson) et l’œuvre primée devrait être créée par un ensemble réputé.

‘Haiku 3’, des “Eight Haikus”, Frank Corcoran, mes. 30-36

“On Desire”, Itzam L. Zapata Paniagua, mes. 8-10

“Pie Jesu”, Rudi Tas, T. 18-21

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Le niveau était élevé, certainement plus élevé que c’était le cas pour le Premier Concours International de Composition chorale qui eut lieu en 2010. Il semble que la plupart des compositeurs avaient compris quelques éléments: l’importance de l’étendue et des tessitures, que la conduite des voix doit générer une sensation horizontale, qu’une œuvre doit conserver un sens de la progression harmonique (ou, pour le moins, logique, tant il est vital que la musique colle au texte), et combien il est nécessaire d’écrire pour la voix, chaque voix, chacune des voix d’un groupe, et de ne pas sacrifier la "chantabilité" sur l’autel de l’effet choral. En outre, remarque que j’espère ne pas être grossière, il était renversant de voir combien de compositeurs étaient prêts à se jeter à l’eau pour obtenir une existence légale vu que leur œuvre n’avait jamais été interprétée: c’était clairement en toute confiance économique. Un survol rapide par Internet du panel des inscrits en révélait plus: le Web est un mauvais endroit pour se cacher. D’autres œuvres qui en réalité n’avaient pas été interprétées avant la date d’inscription ont été créées entre cette date et la date limite d’inscription au concours ou avant que le jury proclame sa décision. La lettre de la règle peut paraître avoir été observée, mais l’esprit de la règle (qui pour des raisons évidentes vise à la protection de l’anonymat), le jury ne prenant en compte que les œuvres non encore créées au moment de la proclamation, a manifestement été transgressé. En outre, le premier prix comporte une première, ce qui compte pour de telles œuvres. Un certain nombre de pièces, ainsi que leur compositeur, ont donc été disqualifiés. Au mieux, et pour donner à autant de compositeurs que possible le bénéfice du doute, des interprétations en atelier qui s’étaient faufilées vers des sites Web étaient clairement des cas où le candidat ne classait pas celles-ci comme des interprétations réelles, et ne les considérait pas comme du domaine public; au pire, il y a eu quelques cas où une œuvre avait été créée par un ensemble réputé dans une salle de concert, s’intégrant comme partie prenante de la vie musicale d’une grande ville, avec une campagne tonitruante de presse et de relations publiques, et avec plusieurs critiques dans des journaux connus et des comptes-rendus dans la presse. Cela ne peut être considéré que comme une tentative de gagner de l’argent par déception, et un traitement méprisant y a été réservé. Que l’ICB soit ou non l’endroit pour débattre de ces vues peut être discutable, mais il ne devrait y avoir aucun sujet tabou, et je me sens assez fort par rapport à la situation précaire quand la délibération a commencé.

Pour finir, une note plus positive: le travail est peu à peu remonté à la surface et ce qui a commencé à trotter dans la tête des membres du jury, c’était une belle composition. Pas un chant simple. Je ne vais pas en remettre là-dessus. Mais le règlement du concours précise clairement une ligne directrice qui est de "promouvoir la création et la diffusion de littérature chorale originale, innovante et accessible". En ce qui concerne le dernier critère (l’accessibilité), je suis persuadé qu’il y a dans le monde suffisamment de chœurs et d’ensembles plus petits dont les chanteurs résoudront techniquement ce qui au premier abord pourrait être ressenti comme inextricable dans le langage rythmique des Eight Haikus de Frank Corcoran et saisiront d’emblée la nature profonde de leur beauté avec ses mélodies fugaces, basées clairement sur des proportions harmoniques. En fait, c’est un tour de force compositionnel et un challenge musical important mais pas insurmontable, un de ceux que des groupes à travers le monde peuvent certainement réussir. Et si la musique crée un lien avec ce dont un chœur est capable ici et maintenant, les chefs pourront peut-être passer aux œuvres excellentes d’Itzam Paniagua et Rudi Tas, ou à celles des heureux lauréats qui ont reçu une Mention Honorable dans des catégories particulières de

chœurs: Ivan Bozicevic, Xingzimin Pan et Christopher Evans. Finalement, ce fut un plaisir de lire 30 œuvres envoyées au MMS, ces partitions manuscrites procurant au jury une manière différente de voir le processus musical au travail dans une composition précise. Nous étions donc vraiment heureux de de nous retrouver avec Gaetano Lorandi.

Nous espérons que le Concours International de Composition chorale se renforcera de plus en plus. Le prochain (le 3ème) sera l’édition de 2014 (c’est un événement bisannuel). On s’en frotte déjà les mains!

Traduit de l’anglais par Jean Payon, Belgique •

Frank Corcoran (né en 1944) (p 23)

"J’en suis arrivé sur le tard à la musique artistique; les a priori d’enfance ont la vie dure! La meilleure œuvre, imaginative et intelligente, doit être exorcisant, laudative, fouillée. Je suis un mordu des paysages de rêve de l’Irlande avec ses deux langues, de la polyphonie de l’histoire, pas de l’idéologie ou des programmes. Aucun compositeur irlandais ne s’est encore penché convenablement sur notre passé. La voie d’avenir, des formes et des techniques nouvelles (pour moi, particulièrement le macro-contrepoint) est le retour à l’expérience humaine la plus profonde."

Frank Corcoran est né à Tipperary et a étudié à Dublin, à Maynooth, à Rome and à Berlin (avec Boris Blacher). Il fut le premier compositeur irlandais à avoir sa "Symphonie N°1" (1980) créée à Vienne.

De 1971 à 1979 il fut inspecteur de musique du Département Éducatif d’Irlande. En 1980 il fut fait membre du Programme d’Enseignement artistique de Berlin, en 1981 professeur invité à Berlin ouest, et en 1982 professeur de musique à Stuttgart. Depuis 1983 il a été professeur de composition et de théorie à l’École Supérieure Officielle de Musique et d’Arts du Spectacle de Hambourg. En 1989-90 il fut professeur invité à l’Université du Wisconsin à Milwaukee et fut conférencier invité à l’Université de Princeton, au CalArts, à l’Université de Harvard, au Collège de Boston, à l’Université de New York et à l’Université d’Indiana.

Ses œuvres ont été interprétées et enregistrées en Europe, en Asie, aux USA, au Canada et en Amérique du Sud. Il a reçu des commandes de NDR, RTÉ, the Arts Council, U.W.M., Sender Freies Berlin, W.D.R., Deutschlandfunk, North South Consonance New York, du Festival de Musique Vivante de Dublin, de l’Orchestre de Chambre Cantus de Zagreb, Du Festival de Musique du Vingtième Siècle de Dublin, du Concours International de Piano AXA, Wireworks Hamburg, Slí Nua, RTÉ lyric fm, Now U Know Washington, New Music Boston, Carroll’s Summer Music, Book of Kells U.W.M., Crash Ensemble, du Ministère de la Culture de Hambourg, de la Tonhalle de Düsseldorf, du Quintette de Cuivres de Stuttgart, de l’Orchestre de Chambre Irlandais et du Chœur National d’Irlande.

Parmi ses distinctions: Studio Akustische Kunst First Prize 1996 pour sa ‘Joycepeak Music’ (1995), Premier Prix du Festival International de Musique Électro-acoustique de Bourges en 1999 pour sa composition ‘Sweeney’s Vision’ (1997) et le Prix Suédois EMS 2002 pour ‘Quasi Una Missa’ (1999). Il fut aussi récompensé en 1972 par le Feis Ceoil Prize, en 1973 par le Varming Prize et en 1975 par le Prix de L’Orchestre Symphonique de Dublin. Plus récemment, il a remporté le Prix Sean Ó Riada au Festival

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ICB Textes Français

International Choral de Cork 2012 pour ses ‘Two Unholy Haikus’. Des CD de sa musique sont parus chez Black Box, Marco Polo, Col-Legno, Wergo, Composers’ Art, IMEB-Unesco, Zeitklang et Caprice. Frank Corcoran est membre fondateur d’Aosdána, académie d’artistes créatifs subventionnée par l’État irlandais.

Traduit de l’anglais par Jean Payon, Belgique •

5e Rencontres des spécialistes de chœurs du bassin méditerranéen – Gérone, 2012 (p 24)Theodora Pavlovitch, vice-présidente de la FIMC, chef de chœur et professeur

Modèles de l’architecture gothique espagnole, fortifications anciennes, églises et monastères bénédictins de style néo-roman côtoyant bâtiments

néoclassiques et leurs porches… La ville de Gérone est imprégnée de l’esprit méditerranéen, présent dans chacune des structures époustouflantes qu’on y admire. Située à 100 km au nord-ouest de Barcelone, c’est l’une des villes principales de la Catalogne. Pas étonnant qu’elle ait été choisie pour accueillir les 5e Rencontres des spécialistes des chœurs du bassin méditerranéen, du 12 au 14 octobre 2012. Après le succès de ses quatre premières éditions (de 2007 à 2011), les 5e Rencontres se sont fixé un but encore plus audacieux: commencer la préparation de la Conférence "Voix de la Méditerranée" (qui aura lieu du 29 juillet au 2 août 2013).

Grâce à sa position à l’intersection de trois continents (l’Europe, l’Afrique et l’Asie: le Moyen-Orient), la Méditerranée est depuis l’Antiquité le berceau de différentes civilisations, un point de rencontre de cultures riches et une route importante pour les marchands et les voyageurs, permettant commerce et échange culturel entre les habitants de la région. L’Histoire de l’aire méditerranéenne est cruciale pour comprendre les origines et les évolutions de beaucoup de nos sociétés modernes. "Pour les trois-quarts du globe, la Mer Méditerranée est en même temps l’élément unificateur et le centre de l’Histoire Globale". (Georg Wilhelm Friedrich Hegel,La Philosophie de l’histoire).

En parallèle à son influence sur les cultures, la Mer Méditerranée rassemble des millions de personnes à travers leur musique, ce qui fait que les sujets traitant de l’aire géographique méditerranéenne sont inépuisables. Les quatre éditions précédentes avaient déjà couvert une vaste palette de problèmes scientifiques, musicaux et pratiques. Les cinquièmes rencontres ont été l’occasion pour les spécialistes en musique chorale méditerranéenne de se concentrer sur plusieurs sujets importants, qui sont les suivants:1. Stratégies et méthodes des études quantitatives et

qualitatives des pratiques chorales dans les pays méditerranéens. Le thème incluait l’élaboration d’une carte de la vie choraledans les différents pays, ce qui donnera l’opportunité de connaître la situation réelle des pratiques chorales dans la région. Cette carte sera un outil essentiel pour la définition de buts et de politiques chorales à court, moyen et long termes. Elle servira également à connaître la dimension de la vie chorale et à établir la valeur des traditions chorales et vocales dans les pays de la région. Ce fut également une bonne occasion d’apprendre à la source non seulement les résultats mais aussi les méthodes utilisées pour les obtenir.

2. Rédiger un Manuel de diplomatie et un guide des bonnes pratiques pour l’organisation d’activités chorales dans la région méditerranéenne. Ce sujet part du principe que les rives de la Mer Méditerranée sont riches en traditions, cultures, coutumes, croyances, religions et systèmes politiques. Cette diversité a été source de défi dans l’organisation d’événements internationaux dont les participants (chanteurs, chefs de chœur, musicologues,…) viennent d’endroits différents. La rédaction du guide des bonnes pratiques et du manuel de diplomatie a été rendue possible grâce à la présence de spécialistes de la musique chorale, venus de plusieurs pays et régions. Cet outil, qui reste ouvert aux contributions et clarifications futures, servira d’outil de vérification pour tous ceux qui organisent des événements choraux internationaux dans des régions où se mêlent cultures et religions différentes à travers le monde.

3. Instituer un FORUM Méditerranéen pour le Chant Choral a constitué une partie importante des rencontres. Les participants au FORUM ont pu travailler autour de différents axes généraux allant du partage d’idées de projets innovants à la recherche de partenaires pour des projets spécifiques, en passant par la promotion des activités chorales futures auprès d’un public international. Et bien sûr, leur défi principal fut de commencer à monter le concept de la Conférence "Voix de la Méditerranée"! Du 29 juillet au 2 août 2013, Gérone sera cette année "the place to be" pour les compositeurs, les musicologues, les chanteurs, les musiciens ou simplement les amoureux de la musique chorale. 7 concerts d’étoiles de la Méditerranée, 12 conférences, des tables rondes et des expositions montreront la diversité des traditions chorales et vocales de la région. Cet événement est un partenariat entre la European Choral Association – Europa Cantat (à travers son programme VOICE: Vision On Innovation for Choral music in Europe, supporté par le programme culture de la Commission Européenne), Moviment Coral Català, association hôte, et la Fédération Internationale pour la Musique Chorale, initiateur et organisateur des Conférences "Voix" depuis des années. Dynamique et intense, le programme de la conférence sera totalement tourné vers l’héritage musical du bassin Méditerranéeen et les tendances modernes. Il inclura notamment un "Open Singing" quotidien, où seront travaillés des chants spécifiques à la région sortant de ce qu’on a l’habitude d’entendre. Le programme complet sera bientôt disponible dans le Bulletin Choral International ainsi que sur les sites internet des trois partenaires.

L’excellente organisation (aussi bien d’un point de vue technique que logistique), l’ouverture aux discussions et l’esprit artistique et scientifique ont permis aux 5e Rencontres des spécialistes des chœurs du bassin méditerranéen d’apporter des solutions précieuses et de poser des bases solides pour de futures recherches. Travailler au milieu de chefs d’œuvres de Picasso, Matisse, Gauguin, Monet, Rusinol, autant de pièces formant une exposition fantastique exposée dans les salles du centre culturel Caixa Forum de Girona, a été une grande source d’inspiration et une expérience inoubliable pour chacun de nous, les participants des 5e Rencontres des spécialistes des chœurs du bassin méditerranéen. Moltissimes Gràcies, Moviment Coral Català et le Bureau Méditerranéen pour le Chant Choral! Adéu!!!

Traduit de l’anglais par Mélanie Clériot, France •

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Paul Wehrle et Eric Ericson: des pionniers de la musique chorale qui ont changé nos vies (p 26)

La semaine du 11 février 2013 a été émotionnellement difficile pour la communauté chorale du monde entier avec la perte de l'ancien président de la FICM Paul Wehrle puis

du Président d’honneur Eric Ericson. Nous avons passé presque toute la semaine à échanger au sujet de la disparition de ces deux grands hommes, pas seulement pour regretter leur mort, mais également pour revenir sur le considérable impact qu’ils ont eu - directement ou indirectement - sur nos vies pour ce qui est de la chorale. Au nom du conseil d’administration et des membres de la FICM, nous partageons la peine de leurs familles, et nous rendons hommage à nos collègues pour leur vision perspicace qui a permis à la musique chorale de se positionner à l'échelon mondial comme instrument pour la paix.

J'ai demandé au professeur Leon Tong, premier vice-président de la FICM, et à M. Fred Sjöberg, membre du Comité de Direction, de rassembler des éléments qui nous aideront à mieux connaître Paul et Éric en tant que chef, enseignant, visionnaire, et en tant qu’être humain. Ainsi, j’espère que leurs familles trouveront un semblant de paix en sachant que nous sommes nombreux à leurs côtés de par le monde à partager avec elles cette période de deuil. Dr. Michael J Anderson, Président de la FICM

En souvenir de Paul Wehrle Leon Shiu-wai Tong, Premier Vice-président, FICM Président de l’association des chœurs Treble de Hong Kong

Paul Wehrle a été le secrétaire général d’Europa Cantat dès sa création en 1963 et ce jusqu'à 1976. Il a réalisé son rêve de réunir des personnes au moyen de la musique chorale. En 1982 il a fondé la Fédération Internationale pour la Musique Chorale (FIMC) en compagnie d’autres professionnels. Il est alors devenu le tout premier président de la FIMC. Paul était une personne dotée de connaissances encyclopédiques et d’une grande rigueur. Avec sa vision forte de la musique chorale comme instrument pour la paix, il a lancé l’idée du Symposium Choral Mondial, dans lequel, par la coopération avec une organisation, un établissement ou un comité national dans un pays d’accueil, se créait un noyau afin que se rencontrent les plus prestigieux amateurs de musique chorale du monde entier et afin qu’ils partagent leur musique en provenance de différentes parties du monde. Et donc les choristes se sont enrichis grâce au partage de la musique; les chefs ont amélioré leurs compétences à travers le monde. L’idée de Paul d’agrémenter le monde choral avec sa croyance dans la paix a fait un pas en avant à partir de là.

Paul était un homme très grand et il s’est toujours surnommé lui-même le “vieil éléphant”. Pour le monde de la musique chorale également, il était un géant pour chacun d’entre nous. Ce n’est pas en raison de sa taille, mais de ce qu’il avait créé et ce qu’il avait apporté au monde de la musique chorale tout au long de sa vie. J’éprouve le plus grand respect pour ses immenses conseils à la jeune génération et particulièrement pour son appui au monde choral chinois. J’ai également reçu des appels de sa part de temps à autres afin de me consoler ou de m'encourager au sujet de l’essor de l’art choral en Chine. A 80 ans, il était encore très actif pour soutenir et s’impliquer dans des festivals choraux à Hong Kong et en Chine et c'était largement apprécié. Je me souviens aussi que la dernière fois qu'il a participé au festival choral à Hong Kong et en Chine, bien qu’il était excusé de toute la partie touristique du festival en raison de sa fatigue, il a toutefois insisté pour

être présent à tous les réunions et concerts importants pour les soutenir. Il était comme un chef nous guidant et s'enquérant de nous à chaque fois que nous avions besoin d’appui.

Je suis sûr que Paul ne m’en voudra pas si je relate qu’ici quelque chose à son sujet qui était, réellement, très attachant. Quand il s’est senti fatigué pendant ce concert, Paul s'était mis un morceau de voile sur la tête avant de s’assoupir. Mais ce que je veux dire est que, néanmoins, il insistait pour rester jusqu’à la fin du concert. J’ai beaucoup admiré cette constance.

J’ai également un hommage à rendre à Paul de la part de l’association chorale européenne Europa Cantat, Royce Saltzman et María Guinand qui représentaient les amateurs de musique chorale d’Europe, d’Amérique et d’Amérique latine.

En souvenir de Paul Wehrle, secrétaire général fondateur de la Fédération Européenne des Choeurs de Jeunes (qui devinrent ensuite Europa Cantat et désormais Association Chorale Européenne)Sonja Greiner, Secrétaire Générale, European Choral Association (Association Européenne des Chorales) – Europa Cantat (Intervient aussi au nom du Comité de l’Association)

C’est en 1982 que j’ai rencontré Paul pour la première fois au festival EUROPA CANTAT de Namur en Belgique. Son allure était impressionnante, non seulement physiquement – car il était grand et que je suis plutôt petite – mais également parce que lorsqu’il entrait dans une pièce c'était évident qu'il serait quelqu'un d'important.

Au cours des années qui suivirent je l’ai rencontré plusieurs fois à différents évènements nationaux et internationaux en Allemagne. Paul a suivi mon essor professionnel et c’est aussi grâce à lui que je suis maintenant l’un de ses successeurs. Au cours de ces années nous n’avons pas toujours été d'accord, mais nous avons toujours gardé le contact et chacun de nous s'est tenu à sa ligne de conduite et nous avons cru que chanter ensemble pouvait contribuer à un processus de construction de la paix. Les idées de Paul continueront à vivre dans nos activités et nous tacherons de ne pas l’oublier!

Royce Saltzman, Ancien Président, FIMC Paul Wehrle était un grand homme… pas simplement du fait

de sa taille, mais aussi de ses idées. C'était quelqu’un que vous recherchiez parce que c'était un visionnaire, un être qui avait une vision globale de la musique chorale qui dépassait les frontières des pays. Paul pensait que le chant était une force puissante qui pourrait construire des ponts entre les peuples, indépendamment des différences de culture, de langues, de politique, de religion, ou de race. Sa ”construction de ponts” a fait se réunir des personnes par le chant, que ce soit dans la salle de classe, un lieu de festival, ou une salle de concert. En conséquence, il était moteur dans la fondation de la FIMC, dont il a été le premier président entre 1982 et 1985. Le Symposium mondial était une idée à lui. Au cours des années son aura s'est développée jusqu'à Vienne, à Vancouver, à Minneapolis, à Kyoto, et à Sydney, pour ne nommer que quelques unes des grandes villes hôtes. De la même manière, Paul avait beaucoup d’influence dans les premiers temps de l’Europa Cantat (maintenant l’Association européenne des chorales) qui représente aujourd’hui l’ensemble du Vieux continent.

La vie de Paul Wehrle en tant qu’éducateur, musicien, chef, et mentor a convergé pour faire une déclaration puissante au sujet de qui il était. À ceux d’entre nous qui l’ont bien connu, il restera toujours un grand… une personne qui nous fait regarder vers le haut. Merci, Paul!

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ICB Textes Français

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María Guinand Directrice Artistique, Fundation Schola Cantorum du Venezuela, Consultante de la FIMC

Paul Wehrle était un homme extrêmement enthousiaste, idéaliste et sincère. Sa forte personnalité, qui s’illustrait par sa voix au téléphone demeurera toujours dans ma mémoire. Chaque Jour de l’an, le téléphone sonnait à 8h du matin et c'était Paul qui nous souhaitait la bonne année!!!

Son amour pour la musique chorale faisait de lui une personne très spéciale, qui était profondément dévouée et généreuse pour piloter de nombreux projets internationaux, jetant les fondements de la Fédération Internationale pour la Musique Chorale.

J’ai rencontré Paul en 1980 pendant les Choralies de Vaison la Romaine, plus tard à l'Europa Cantat à Namur, en 1982, quand la FIMC a été créé. J’ai admiré sa capacité de rêver et d’être un visionnaire, mais plus particulièrement son attitude très positive envers de nouveaux projets et idées qui pouvaient aider l’essor des projets choraux.

En tant que premier président de la FIMC, Paul a favorisé avec ses collègues beaucoup de nouvelles idées et de nouveaux événements tels que les Symposiums régionaux et mondiaux, mais il était également très intéressé de trouver des moyens d’aider le développement de la musique chorale dans les régions avec moins d’expérience, telle que l’Amérique latine.

Il a soutenu avec éclat notre initiative du festival America Cantat et le travail social du projet andin. Quand il est venu à Caracas en l’an 2000 pour l’America Cantat III, Paul a découvert notre potentiel musical, à la fois dans les orchestres et les chœurs de jeunes, et a depuis lors continué à faire germer beaucoup de relations et de projets internationaux.

Nous sommes tous reconnaissants pour son héritage, qui est basé sur la solidarité, la compassion, l’amitié et l’enthousiasme contagieux pour diffuser les valeurs de la musique chorale.

Pour Alberto et moi-même, cela a été un privilège de vivre toutes ces années des accomplissements près de lui. Merci beaucoup cher Paul!

La dévotion de Paul au développement de la musique choral était incroyable. Il a reçu la médaille d’or Staufer pour son travail de toute une vie dans la musique chorale. Nous, tous les amateurs de musique chorale à travers le monde, nous nous souviendrons de Paul en tant que pionnier avec la croyance forte dans la musique chorale comme instrument de paix et nous nous rappellerons avec plaisir les souvenirs et les inspirations qu’il nous a donnés.

En écrivant ceci, je me rends compte que je n’ai jamais dit cela à Paul: quel impact son esprit et vision m’avaient inspiré. Mais je ne pense pas que cela soit important puisque je suis sûre qu’il entend en ce moment ce que je suis en train de dire, et je l’imagine nous contempler avec un sourire pensif. Je souhaite que Dieu puisse continuer à le guider vers l'éternité.

En souvenir d’Eric EricsonFred Sjöberg member du comité de direction de la FIMCChristian Ljunggren, Directeur Artistique à INTEKULTUR, ancien secrétaire général de la FIMC

Une page de la vie chorale suédoise et internationale s’est tournée le 16 février 2013. Le légendaire chef de chœur Eric Ericson a disparu à l’âge de 94 ans.

L’importance d’Eric Ericson dans la vie chorale moderne ne peut presque pas être quantifiée. Pour les chefs de chœur du monde entier il a symbolisé le chef de chœur professionnel et il a rendu le chant choral, plus particulièrement le chant a cappella, égal à d’autres formes d’art. Il a formé son Kammarkören en

1945 (renommé chœur de chambre Eric Ericson en 1988) et c’est devenu le modèle pour un chœur de chambre a cappella non seulement en Suède mais dans le monde entier. En 1951 il est devenu le chef du chœur de la Radio suédoise et la même année le responsable de la direction de chœur chez Musikhögskolan, l’université royale de la musique. A partir de ce moment “Éric” est devenu le grand maestro pour toutes les générations à venir des chefs de chœurs suédois. De nombreux chanteurs solistes suédois connus à l'étranger ont été choristes dans ses chœurs, tels qu’Elisabeth Söderström, Erik Saedén, et Nicolai Gedda, et plus récemment Anne Sofie von Otter.

Dans son travail choral il a collaboré avec une nouvelle génération de compositeurs en Suède et à l’étranger. Son amitié avec des compositeurs tels qu’Ingvar Lidholm, Sven-Erik Bäck et Lars Edlund a eu comme conséquence la production de beaucoup de grands morceaux de musique chorale a cappella. Dans les années 1970 son influence internationale est devenue plus grande, particulièrement par les enregistrements “Europäische Chormusik.” qui ont fait date. Dans le secteur de la musique baroque il y a de nombreux enregistrements avec ses chœurs et l’orchestre baroque de Drottningholm à Stockholm, et de Concentus Musicus à Vienne. Son enregistrement de “la Flûte Enchantée” de Mozart a été employé dans un film tourné par Ingmar Bergmann et connu internationalement. Ses tournées mondiales de chœur ont également inclus le célèbre chœur masculin OD, “Orphei Drängar.”

Le Professeur Ericson a également donné de nombreux cours et ateliers. Beaucoup de ceux qui, partout dans le monde, ont participé à ses activités éducatives pourraient se proclamer fièrement “élèves d’Eric Ericson”. Il a souvent dirigé beaucoup de grands chœurs internationaux, comme le chœur de chambre des Pays Bas, le RIAS Kammerchor, les BBC Singers, et le Groupe Vocal de France. Il est important de souligner que son sens musical n’a eu aucune frontière. Ses collaborations avec des musiciens de jazz tels que Duke Ellington, Alice Babs, et Svend Asmussen sont légendaires. Il était un bon pianiste de jazz lui-même. En 1997 il a reçu le prix “Polar Music Prize” avec Bruce Springsteen.

Outre son importance au niveau “élite professionnel“, le prof. Ericson a rencontré et instruit des chœurs d’amateurs tout au long de sa vie. Il a eu un grand intérêt pour l’art choral en tant qu’activité de “loisir“ et toujours souligné la communauté chorale comme système “écologique“ où le niveau professionnel devrait inspirer les chœurs amateurs, et le chant choral largement diffusé constituait la condition préalable pour les activités des chœurs professionnels. Qu’il ait été identifié comme le chef de tous les choristes, professionnels et amateurs, est symbolisé par le fait d'être le président honoraire de la FIMC, et également des Jeux Mondiaux des Chœurs. Pour lui, cependant, ces titres n’étaient pas seulement formels. Ces dernières années, il s’est tenu au courant de tout ce qui se produisait dans le monde choral.

Eric Ericson doit s’être rendu compte de son importance dans l’art choral de ses périodes. Mais il était également un homme très humble. Ceci peut être illustré par ce qui s’est produit lors de la cérémonie d’ouverture du Symposium mondial de la FIMC à Stockholm en 1990. Dans la première partie du concert il a dirigé son chœur de chambre dans le “Gloria“ de Lars Edlund et d’autres morceaux difficiles. Dans la deuxième partie il est apparu une seul fois lors de l’interprétation de l’œuvre choral “Lawn tennis” (pelouse de tennis) où il s’est précipité sur scène (comme un ramasseur de balles, en short) en réponse au refrain: ‘Attrapez la balle’.

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María Guinand, Directrice Artistique Fondation Schola Cantorum du Venezuela

Eric Ercison a été l’une des figures les plus importantes de la scène chorale au cours du XXème siècle. Son travail choral innovant était toujours une référence pour beaucoup de musiciens et de chefs etson intérêt pour interpréter la musique de ses amis et collègues compositeurs ont créé un intérêt répandu pour la nouvelle musique chorale de Suède.Par son travail, Éric était l’un des meilleurs ambassadeurs culturels de son pays.

Nous avions déjà rencontré Éric en 1990 quand nous avons participé au “2ème Symposium mondial de Choeurs“ en Suède avec la Schola Cantorum du Venezuela. Nous avons été captivés à l'écoute de son chœur dans le concert d’ouverture, par la perfection et le sens musical de son chœur, mais également nous avons découvert son agréable sens de l’humour.

Éric est venu à Caracas début janvier 1991 pour enseigner la direction, pour travailler avec la Schola Cantorum et pour partager avec nous les compositions de nombreux de ses compatriotes pendant une semaine inoubliable sur le plan musical et humain. Deux des souvenirs les plus vifs que je garde de cette visite étaient sa répétition informelle ‘ouverte’ de chansons suédoises aux chefs vénézuéliens pendant un repas délicieux à l’Ambassade suédoise de Caracas (beaucoup d’Aquavit entre les chansons) et son émotion ‘puérile’ en nageant dans la mer des Caraïbes pendant tout un après-midi en janvier! Il ne pouvait pas le croire! Au cours des années, nous avons rencontré Éric à beaucoup d’occasions et nous sommes toujours rappelés de ces jours-là.

Mais les moments les plus émouvants et les plus personnels sont sans doute ceux que nous avons partagés avec lui en 2009, quand il a célébré son 90ème anniversaire, et que notre jeune Schola (intégrée par 50 enfants de notre programme musical et social au Venezuela) a été invités à Stockholm pour participer à la journée Eric Ercison. Nos enfants ont chanté pour lui dans la cour de l’Adolf Frederiks Skola un jour de gelée, avec les chœurs de BO Johansson et ils faisaient également partie du concert au Berwald Hall avec le chœur de la Radio et l’Eric Ericson Chamber Choir. Le moment où Éric a marché sur scène et a dirigé tous les chœurs pour la chanson suédoise emblématique "Kung Liljekonvale" demeurera dans nos souvenirs commele legs d’un homme qui avait un amour profond pour la musique et un cœur tendre et humble.Nous te remercions Éric d’avoir fait partie de nos vies!

Traduit de l’anglais par Barbara Pissane, France •

La FIMC a une nouvelle image à projeter au monde(p 30)Stephen Leek, IFCM Vice-président, compositeur et chef d’orchestre

Suite au "Logo Challenge FIMC" qui a eu lieu l’année dernière, la FIMC a maintenant un nouveau logo qui déclenchera son changement d’image au courant de cette

année. Ce fut encourageant de recevoir, de partout dans le monde, beaucoup de candidatures intéressantes susceptibles de cerner les idées, l’esprit et la fonction de la FIMC dans son travail à travers le monde.

Les candidats avaient reçu les instructions suivantes: le nouveau logo doit refléter le professionnalisme, l’internationalisme, le talent artistique, la créativité, la diversité, l’ouverture sur le monde, le succès, la réussite, la confiance, le chant choral, la

création musicale à tous les niveaux, l’énergie, la vitalité, la participation et l’inclusion, l’intelligence, et surtout l’innovation.

Le logo devait aussi être simple, d’un style intemporel, tout en étant contemporain, représentatif de tous les styles de la musique chorale, cultures et âges, attirant l’œil, immédiatement reconnaissable, et adaptable à beaucoup de cadres et d’objectifs différents.

Nous estimons que le gagnant a parfaitement suivi ces instructions. C’est le chanteur choral et graphiste lituanien Ernestas Šimkūnas (graphiste pour UAB INTERGRAFIKA www.intergrafika.eu ), dont la candidature a été sélectionnée par une équipe formée du conseil d’administration et de membres de la FIMC, et soumise au nom de la Klaipėda Choir’s Association:AUKURASK. Donelaičio g. 4, LT 92144 KlaipėdaCourriel: [email protected]

Traduit de l’anglais par Emmanuelle Fonsny, Australie •

Une “Île remplie de sons”La musique chorale au Royaume-Uni: état des lieux (p 32)Andrew Potter, Editeur et superviseur

Cette série occasionnelle de l’ICB porte sur le travail de plusieurs organisations chorales nationales. L’auteur de l’article est l’ancien Directeur de l’Association des Chefs de Chœur Britanniques.

"Chanter", c’est le moteur du Royaume Uni; mais comment sa musique chorale se porte-elle, dans le contexte international?

‘The isle is full of noises Sounds and sweet airs that give delight and hurt not.’ "L’île retentit de bruits, De sons et d’airs doux qui procurent du plaisir sans jamais agresser."

Extraits de La Tempête, ces mots de Shakespeare résonnèrent lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de 2012 à Londres, et reflètent l’importance de la musique aux yeux des Britanniques. Une variété exceptionnelle de chanteurs et de chansons y furent mis en vedette. Ces paroles, ainsi que les différentes cérémonies olympiques, correspondent aux valeurs de la FIMC, valeurs allant de l’aide à la sauvegarde de la musique chorale en passant par la promotion de la diversité culturelle.

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La musique chorale en Grande-Bretagne prend ses racines historiques les plus profondes dans une tradition universitaire et épiscopale, où les choeurs d’hommes et de garçons ont chanté et développé une magnifique musique sacrée pendant plus d’un demi-millénaire. Depuis 150 ans, il existe une tradition de création musicale communautaire amateur, et, durant les cinquante dernières années, la musique et les artistes populaires britanniques ont occupé la première place au répertoire international.

Il y a tout juste vingt-cinq ans, l’Association of British Choral Directors (ABCD) (Association des Chefs de Choeur Britanniques) fut fondée dans le but de promouvoir de meilleures formations, réseaux et ouvertures. Depuis plusieurs décennies il existe des organismes représentant les chorales, mais aucun d’entre eux ne représentait leurs directeurs. Comptant maintenant plus de 700 membres, l’ABCD a développé un site Internet instructif et interactif, divers programmes de formation (souvent suivis par des collègues ne résidant pas au Royaume-Uni), ainsi qu’un rassemblement annuel. La création de l’ABCD coïncidait avec un essor du chant choral amené par la retransmission télévisée du concours "Choir of the Year" (Choeur de l'année), montrant un réel élargissement de la création musicale chorale; on commença à reconnaître que les chefs de chœur avaient besoin, d’une façon plus large, d’être des "techniciens", tant en terme de voix que d’interprétation individuelle ou collective.

Les Britanniques peuvent souvent sembler raides, voire arrogants en ce qui concerne leurs traditions. Mais c’est aussi la façon britannique de douter de soi: nous ne pouvons pas nous empêcher de penser que notre équipe nationale, quelle que soit la façon dont elle a démarré la Coupe du Monde de Foot, perdra inévitablement. Lors des Jeux Olympiques, cela nous a pris plusieurs jours pour nous rendre compte que nous figurerions au palmarès des vainqueurs, et ce, au-delà nos rêves les plus fous. Peut-être le poids de notre tradition nous a-t-il tout simplement empêché le développement que nous voyons dans les autres pays. Mais est-il juste de dire que nous sommes des insulaires, défensifs et complaisants? La vérité, comme toujours, se trouve entre les deux.

J’ai interrogé quelques membres-clés de l’ABCD; certains d’entre eux avaient une expérience de la musique chorale au niveau international. Ils ont tous travaillé ou participé collectivement à des concours ou des festivals en Europe du Nord, du Sud, centrale ou de l’Est; en Chine, en Corée du Sud, en Australie, en Afrique et en Israël. Beaucoup de chorales britanniques ont gagné des compétitions parmi les plus exigeantes, tout comme d’autres, étrangères, dirigées par des chefs britanniques. Mais j’ai vite réalisé mon incapacité à définir et mesurer le succès du développement des chorales britanniques dans un contexte international.

Parmi mes amis émergèrent plusieurs thématiques, la première étant le manque de formation au Royaume-Uni. Il semble que cela reste le monopole de l’ABCD, qui organise chaque année plusieurs sessions de cours de niveau débutant, intermédiaire et avancé, suivies par 80 personnes. Quelques universités participent aussi, mais sans programme national systématique ou exhaustif. (Un ami nous vante la bonne qualité des formations en Corée du Sud, où pour une session de cours hebdomadaires par an, tous les morceaux étudiés, provenant en général de publications récentes, ont été rassemblés dans un livre et un CD).

Le manque de cours disponibles peut en partie s’expliquer par le peu de postes rémunérés. Au Royaume-Uni, la direction chorale ne fait pas partie des professions prestigieuses. Il y a peu de postes rémunérés en dehors de la BBC, des cathédrales, et des choeurs des universités d’Oxford et Cambridge. Beaucoup

de nos directeurs de chorale se surmènent pour glaner de quoi vivre, ou bien complètent leur travail choral par un enseignement dans d’autres domaines de la musique. Une autre des raisons du manque de formation pourrait être le manque de vocations. Beaucoup de chorales d’amateurs sont peu exigeantes quant à leur directeur, et ne réalisent pas qu’elles pourraient être bien meilleures sous la direction de quelqu’un de plus expérimenté et de mieux formé. Une des missions de l’ABCD doit être d’aider les chorales à choisir un directeur qui les mènera vers de nouveaux sommets, plutôt que de juste trouver quelqu’un avec qui elles peuvent travailler.

Aux Etats-Unis, en Corée du Sud ou en Europe, il y a une infrastructure professionnelle forte et populaire, où les universités emploient des professeurs de chorale pour une large variété de groupes, et où un budget important de l’Eglise est consacré à un directeur et autres ressources, qui sont considérés comme dignes d’intérêt. Plusieurs de nos meilleurs directeurs de chorale sont partis pour avoir des positions-clés dans d’autres pays.

Donc, si le financement de formations et d’infrastructures est un sujet controversé, celui des voyages pose par conséquent problème. Nous voyons des chorales venant de nombreuses parties du monde, avec un meilleur accès à ce type de financement. Essentiellement (et ironiquement), malgré les excellentes initiatives pour faire venir des groupes étrangers intéressants dans le pays, il y a peu ou pas d’argent public disponible pour permettre aux chorales britanniques de voyager à l’étranger. Même notre National Youth Choir (Chœur National de Jeunes), de renommée internationale, ainsi que des groupes amateurs récompensés n’ont pas accès aux fonds publics. En fait, n’importe quelle chorale souhaitant voyager doit aller chercher le financement elle-même: aide venant des parents, de commerces ou bien d’évènements.

Encore une fois, les chœurs universitaires traditionnels sont l’exception, car ils ont souvent l’aide de leurs riches fondations - certaines ont même de juteux contrats d’enregistrement - pour financer des programmes de voyage.

En lien avec ce sujet est celui de l’accessibilité. Voyager avec des chorales n’a pas vraiment été une option envisageable pour les jeunes et les directeurs de chorales exerçant comme enseignants. Il y a un manque de concordance entre notre calendrier scolaire et celui du continent - avec les Etats-Unis et l’Australie aussi d’ailleurs. Je cite un ami qui travaille à l’étranger: "Contrairement à notre système éducatif obsédé par les résultats et les examens, les écoles italiennes, allemandes ou celles d’autres pays sont beaucoup plus détendues lorsque les enfants prennent le temps d’expérimenter des opportunités auxquelles ils ne pourraient pas participer autrement".

Les parents sont devenus moins enclins à ce que leur enfant passe autant de temps à chanter, si cela lui fait rater des examens essentiels. Ils veulent être sûrs des personnes qui encadrent leurs enfants, et ils ont moins tendance à accepter que les enfants logent chez l’habitant à l’étranger. Chez les plus jeunes, le chant est en compétition avec une multitude toujours grandissante d’autres activités. Sans parler de l’augmentation du prix du pétrole!

Beaucoup de chorales britanniques considèrent leur voyage comme des vacances, alors que d’autres le voient comme une opportunité de s’améliorer en se comparant aux autres. Les tour-opérateurs poussent les chorales à visiter des endroits agréables, mais pas forcément ceux où le public sera au rendez-vous. Un nombre plus réduit de chorales voyage dans le but de partager leurs expériences, planifiant leur itinéraire et logement en connexion avec des groupes choraux étrangers. Il y a quelques années, l’ABCD a annoncé qu’elle avait mis de côté des fonds pour financer la participation des chefs de choeurs à des festivals européens. Personne ne s’est inscrit. Il semblerait

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que les gens soient effrayés par la comparaison et la compétition; des associations comme la FIMC et l’ABCD ont besoin de travailler dur pour changer ces modes de pensée et permettre aux chefs, avec leurs chorales, de constater les bénéfices intellectuels qu’apporte un voyage.

Certains compositeurs britanniques reconnus, comme John Rutter et Bob Chilcott, ont gagné une reconnaissance particulière car ils s’étaient préparés à beaucoup voyager tout au long de leur carrière non seulement pour promouvoir leurs propres oeuvres, mais aussi pour écouter le répertoire d’autres compositeurs, et les chorales qui le chante.

Alors, pourquoi avons-nous besoin de nous former et de nous comparer? Il semblerait que les chorales britanniques aient beaucoup à apprendre, et plus particulièrement en ce qui concerne la préparation et le son. Nous avons raison d’être fiers de notre déchiffrage, mais malheureusement cette habileté peut engendrer une culture où un bon déchiffrage pallie un manque de répétitions. C’est ce qui éclate aux visages des chorales qui travaillent dur sur de longues périodes pour perfectionner leurs performances. Elles ne voient pas le processus de répétition comme un "apprentissage des notes". Elles reconnaissent plutôt avoir besoin de travailler sur l’interprétation, le son, le sens et la cohésion. La comparaison va aussi nous permettre d’améliorer nos compétences linguistiques. En tant que nation insulaire, et avec la généralisation de l’anglais au niveau international, nous ne sommes pas incités à maîtriser d’autres langues comme d’autres pays peuvent l’être.

Pour citer une fois encore mon ami , qui travaille ailleurs en Europe: "De façon générale, je dirais que les chorales britanniques ont souvent un répertoire plus large que les autres chorales européennes, mais que leur niveau de performance n’est souvent pas aussi bon. Selon moi, le fait que certains membres aillent de chorale en chorale est une habitude britannique délétère et frustrante: nous connaissons tous de bons déchiffreurs qui chantent dans deux ou trois chorales différentes par semaine, et qui souvent ne semblent pas plus heureux que ça. Quand je leur parle de couleur vocale, de mélange, d’ensemble, d’élévation spirituelle, de rythme du texte etc..., ils me regardent avec incrédulité. En général, là où je travaille, les gens vont chanter dans une seule et même chorale - souvent avec deux répétitions par semaine - et certaines des performances peuvent être surprenantes."

Enfin, concernant les organisations de chorales, il est intéressant de constater que deux collègues, qui ont travaillé à l’étranger durant un temps significatif, n’ont jamais entendu parler de la FIMC. Le Royaume-Uni siégeait autrefois au Conseil de la FIMC, mais pour d’obscures raisons, ce n’est plus le cas. Quoi qu’il en soit, l’ABCD devrait financer un tel poste. Est-ce vraiment prioritaire comparé à des sujets comme les programmes de formations ou bien le site Internet?

Et c’est pour moi ce qui articule le problème clé de l’ABCD. Jusqu’à quel point est-elle préparée à soutenir l’idée qu’une fenêtre plus large sur le monde apporterait de grands bénéfices au mouvement choral britannique? Si la réponse est oui, alors nous devrons trouver des financeurs, et travailler avec la FIMC et nos collègues de par le monde pour promouvoir cette idée de "progrès par la mobilité".

Dans les années 1840, le poète allemand Heinrich Heine voyagea à travers l’Angleterre, et s’étant imprégné de la scène culturelle de début de l’ère Victorienne, il écrivit: "Ces gens n’ont aucune oreille tant pour le rythme que pour la musique, et leur passion bizarre pour le piano et le chant est d’autant plus repoussante. Rien sur Terre n’est plus horrible que la musique anglaise" faisait-il remarquer "Sinon leur peinture".

Je défendrai pour ma part jusqu’à la fin la musique et la

composition anglaise, écossaise, galloise et irlandaise (notre île et ses sons). Mais cela ne veut pas dire que notre chant choral ne peut pas être amélioré de manière considérable par l’élargissement de nos horizons.

Traduit de l’anglais par Eléonore Van den Boosche, France •

Nordisk Korforum: Organisation de coopération pour le développement du chant choral (p 36)Theodor Lind, President du Nordisk Korforum

En BrefFondée en 1951, la coopération nordique a pour but le

développement du chant choral.Sa création répond à un certain nombre de besoins:

• la rencontre des chanteurs et des chefs de chœur • la connaissance des différentes chorales et traditions

culturelles• l’apprentissage – pour les chefs et les membres de chœurs

Le Nordisk Körkomité (maintenant appelé le Nordisk Korforum) a joué un rôle significatif dans ce contexte et a contribué à créer un sentiment d’unité culturelle dans les pays nordiques.

Dès le départ, les colloques pour chefs de chœur ont représenté une part importante du programme. Le premier colloque s’est tenu en 1952; il y eut 16 conférences organisées jusqu’en 1999 pour chefs de chœur. La dix-septième conférence a eu lieu l’année dernière à Aarhus au Danemark et a été soutenue par le Nordisk Korforum.

Les festivals NORDKLANG ont été pensés en 1969, et le premier a eu lieu en 1971. Dès lors, ces festivals ont été les événements incontournables de la coopération. Tous les trois ans, les choristes et les chefs de chœur se rencontraient pour partager leurs connaissances, leurs expériences et des activités sociales. Les partitions destinées aux festivals étaient réunies dans un recueil afin que tous les participants puissent les utiliser pour les chants communs. Elles représentent désormais un trésor culturel pour le chant choral des pays nordiques.

Le quinzième NORDKLANG FESTIVAL aura lieu en Norvège en 2013. Le site internet se trouve à l’adresse suivante: www.nordklang.no

Le choix politico-culturel – au plan national, régional et internationalLa société s’est développée de manière rapide et diverse depuis

les années 50. Les moyens de transport ont considérablement évolué et ont permis de voyager rapidement tant à l’intérieur des pays qu’entre ceux-ci.

L’Internet est un moyen de contact, d’échange de connaissances et de répertoire musical, ce qui diffère vraiment du temps où nous étions dépendants de la poste et des rencontres en face à face. Enfin, n’oublions pas que la situation économique des pays nordiques a grandement changé au cours des soixante dernières années. Nous vivons aujourd’hui au sein d’une communauté

Andrew Potter passa la majorité de sa carrière en tant qu’éditeur musical, est un des co-fondateurs de l’Association des Chefs de Chœur Britanniques, et en a été le Président. Il est aussi le Président de Making Music, la Fédération Nationale des Sociétés Musicales (National Federation of Music Societies)

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le chant choral et peuvent rapporter de plus grandes sommes d’argent. Le manque de financement pour l’éducation aura généralement pour conséquence une qualité de représentation plus médiocre, peu importe l’activité à laquelle vous prenez part: ceci est vrai pour les choristes individuels, les chefs de chœur et les organisations. De notre point de vue, il est donc très important d’être vu et entendu en public pour améliorer régulièrement la qualité des représentations et bien sûr pour montrer l’importance de notre culture aux gens en général, mais surtout, aux décideurs politiques.

Le Nordisk Korforum va pour cela chercher à améliorer la qualité du chant choral et du rôle des organisations – ce qui représente un challenge pour nous tous.

Nous concentrons nos efforts sur l’information et la communication pour être vus et entendus, et pour cela aussi nous avons besoin de ressources, telles que la compétence et le soutien financier. Le Nordisk Korforum doit faire de son mieux pour y parvenir et pour attirer de jeunes chanteurs.

Le Nordisk Korforum est une organisation démocratique, et ceci doit être préservé: nous devons tous être les gardiens d’une véritable ouverture, synonyme de vraies valeurs et d’un véritable respect les uns envers les autres.

La Norvège a été frappée par le terrorisme le 22 Juillet 2011. Un des survivants a dit: "nous avons nagé et chanté pour survivre". Laissons les peuples et les nations chanter!Pour plus d’informations: www.nordiskkorforum.org

Traduit de l’anglais par Anne-Laure Pitici, France •

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internationale – un monde en perpétuel changement.Dans ce contexte, le Nordisk Korforum et la coopération

nordique dans le domaine du chant choral doivent trouver leur place et leur légitimité.

La direction du Nordisk Korforum est convaincue de la nécessité d’une coopération encore plus étroite aujourd’hui qu’il y a cinquante ans. La mondialisation effrénée en est la raison. Cela ouvre la porte à de nouvelles opportunités de développement culturel et politique mais représente également une menace sur notre héritage culturel nordique, dont nos langues.

Notre "langue maternelle" fait partie intégrante de notre personnalité; afin de la préserver, nous devons nous rencontrer et la faire évoluer comme nous le jugeons bon. En tant que membre fondateur de la FIMC, le Nordisk Korforum nous permet d’influer sur le développement politico-culturel, et d’élargir à l’échelle régionale, nationale et internationale notre champ de connaissance de la musique chorale.

Lors de la réorganisation de la coopération entre les pays nordiques, finalisée en 2005, l’objectif principal du Nordisk Korforum a été défini comme suit:"Le principal objectif du Nordisk Korforum est de participer à l’enrichissement de la vie chorale dans les pays nordiques, au développement des coopérations culturelles et à une meilleure compréhension entre pays."

Participation au developpement choral dans les pays nordiquesLe Nordisk Korforum s’est-il rapproché de son but?Le Nordisk Korforum a œuvré dans ce sens ces dernières

années: NORDKLANG 14 à Aarhus (Danemark) a marqué un renouveau du festival et fut un succès tant sur le plan de l’organisation que du chant choral – avec la nouvelle participation des chœurs jeunes – de l’éducation ainsi que de l’amélioration de la qualité du chant. Les associations des chefs de chœur nationaux nordiques sont devenus depuis peu membres du Nordisk Korforum, qui vient renforcer la coopération pour et avec les chefs de chœur. Le Nordisk Korforum a travaillé très dur pour se faire entendre et comprendre par les systèmes politiques et administratifs et les personnes y travaillant afin de contribuer à la compréhension et au développement de la musique chorale des pays nordiques.

Nous sommes aussi très heureux qu’un forum officiel pour la coopération entre les pays baltiques et nordiques ait été fondé en 2010. Nous avons hâte d’approfondir cela.

La direction du Nordisk Korforum estime important que se rencontre la famille internationale du chant choral et c’est ce que nous faisons en participant activement à la FIMC.

Les principales actions a venir En coopération avec un organisateur local compétent, nous

mettons en place le festival NORDKLANG à Hamar en 2013. En lien avec ce festival, nous planifions aussi l’organisation d’un colloque pour les chefs de chorale nordiques. Nous avons entrepris de monter une chorale de jeunes nordiques dans les prochaines années. Et nous pensons également nécessaire de travailler dans le domaine politique afin de renforcer la situation économique des organisations de chorales.

Défis Bien que nous vivions dans certains des pays les plus riches

du monde, le financement reste un problème commun à la majorité des organisations des pays nordiques, ainsi que pour la coopération nordique dans le domaine du chant choral.

Nous sommes en constante compétition avec d’autres activités culturelles – dont bon nombre sont bien plus populaires que

Theodor Lind a travaillé pour et avec des organisations de chorales pendant 30 ans. Il a été président du Norges Korforbund pendant 6 ans et membre de sa direction pendant de longues périodes. Il a également été membre de la direction du l’Europa Cantat. Il est désormais président du Nordisk Korforum, membre fondateur de la FIMC. Il se passionne notamment pour le développement de l’organisation dans le but de renforcer le rôle et la qualité du chant choral. Email: [email protected]

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À propos du “Rokudan” et du “Credo” grégorien(p 41)Tatsuo Minagawa, musicologue

Avant-proposOn raconte que la musique occidentale a été introduite au

Japon à l’époque où la nation s’est ouverte sur le monde, au début de l’ère Meiji, dans la seconde moitié du XIXe siècle; mais en réalité, elle était déjà apparue au Japon depuis près de quatre siècles et demi, à peu près au moment où le missionnaire Saint-François Xavier arriva à Kagoshima en 1549, et commença à propager la foi chrétienne. Le christianisme est une religion qui accorde une importance à la musique, et la transmission des valeurs chrétiennes aurait donc inévitablement été accompagnée par des chants chrétiens.

En 1552, trois ans après l’arrivée de saint François-Xavier au Japon, une messe de Noël chantée fut célébrée à Yamaguchi. Des instituts de théologie ont été fondés durant les années 1580: c’est dans ces séminaires que s’est faite la transmission de la foi chrétienne, mais aussi de sa musique: les étudiants étaient astreints à des leçons de chant et de pratique instrumentale une heure par jour. Dans ces conditions, il était naturel que les jeunes hommes japonais qui avaient étudié la musique dans ces séminaires deviennent de plus en plus compétents.

En 1582, quatre jeunes hommes qui avaient étudié au séminaire d’Arima à Kyushu partirent visiter l’Europe, en tant que membres de la mission dite de Tensho. Ils avaient déjà acquis au Japon certaines compétences dans la musique occidentale, et impressionnèrent les Européens en jouant brillamment du grand orgue. À l’occasion de leur visite à Venise, l’organiste de l’église de San Marco, Andrea Gabrieli, composa pour les accueillir une messe.

Les jeunes hommes retournèrent au Japon en 1590, soit huit ans plus tard. L’un des souvenirs qu’ils ont rapporté d’Europe était une machine à écrire. Cette machine leur permit d’imprimer une quantité considérable de littérature chrétienne, comme le Manuale ad Sacramenta Ecclesiae Ministranda, imprimé en 1605 à Nagasaki, qui comporte dix-neuf chants latins avec leur notation musicale. Cependant, la tendance à l’augmentation de l’importation de la musique occidentale connut une fin abrupte, spécialement à cause de l’interdiction des pratiques chrétiennes à partir de 1614. Les églises, les instruments de musique et les partitions furent détruits, brûlés comme symboles de la religion hérétique, et jouer de la musique occidentale était susceptible de mettre en danger la vie de l’interprète. La seule archive musicale qui ait survécu de cette époque est le Manuale ad Sacramenta.

La barrière qui se dressa devant les historiens tentant d’enquêter sur la musique occidentale au début des années chrétiennes, l’ère "Kirishitan" au Japon, fut l’absence totale de documents historiques et musicaux, et l’incertitude et l’imprécision de ce qui a pu exister matériellement. C’est dans ces conditions que j’ai publié une étude intitulée Yougaku toraikou: Kirishitan ongaku no eikou to zasetsu [Une étude sur

l’introduction de la musique occidentale au Japon: l’apogée et le déclin de la musique Kirishitan] (The Board of Publications - The United Church of Christ in Japan, 2004), dans lequel j’ai étudié le Manuale ad sacramenta et aussi les liens entre les hymnes latines et les prières de l’"Oratio", toujours chantées aujourd’hui parmi les descendants des anciens chrétiens clandestins ("Kakure Kirishitan") sur l’île d’Ikitsuki dans la préfecture de Nagasaki.

Cependant, après avoir mené par la suite une enquête plus approfondie, il est devenu nécessaire de revoir ce que j’avais abordé dans mon étude précédente, en particulier les ressemblances entre l’œuvre koto Rokudan et le Credo latin.

Les ressemblances entre l’œuvre koto Rokudan et le Credo latinLe Credo est le troisième élément de l’Ordinaire de la Messe

de l’église catholique, et constitue, de la part du croyant, un acte de foi. Le Credo a été chanté au Japon pendant quatre siècles, durant l’ère Kirishitan. Les textes doctrinaux Orasho no hon-yaku [Traduction de l’Oratio], imprimés en 1600, contiennent la phrase suivante: "Parmi les différentes prières, le Paaterunausuteru [Pater Noster, la prière du Seigneur], Abemaria [Ave Maria], le Keredo [Credo] et le Madamento [Les Dix Commandements] devraient être spécialement appris par cœur". Ceci indique qu’il a été jugé essentiel par les chrétiens japonais d’apprendre de mémoire et de chanter le Credo.

Le chant Credo commence par la phrase d’ouverture du chantre (Credo in unum Deum), puis par une structure en deux parties chantée par la chorale (Patrem omnipotentem et Et resurrexit tertia die), et se termine par un Amen.

De l’autre côté, l’œuvre koto Rokudan [Six sections] est l’une des œuvres les plus connues et une des plus populaires de la musique traditionnelle japonaise.

En combinant le Credo avec sa structure, comme indiquée ci-dessus, avec le Rokudan, la phrase d’ouverture chantée par le chantre (Credo in unum Deum) semble correspondre à la phrase d’ouverture du Rokudan. Les premières et deuxièmes moitiés des sections suivantes chantées par le chœur correspondent au premier et second dan [section de variation] du Rokudan. La répétition textuelle qui suit correspond au troisième et quatrième dan, et la répétition suivante au cinquième et sixième dan. Une partie de la section finale du chant (à partir de Et expecto) est alors omise, et le Amen final correspond à la coda du Rokudan (voir le schéma).

En d’autres termes, trois répétitions du Credo donnent la même structure que celle du Rokudan et il y a donc une correspondance exacte entre les deux œuvres. Ce n’est pas seulement la structure d’ensemble des œuvres qui coïncide: chacune des pauses dans le Credo correspondent à celles du Rokudan. Il paraît vraiment improbable que cette correspondance soit tout à fait fortuite (voir exemple 1).

Choral World News

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Traduit de l’anglais par Bastien Zara, France •

2nd Vietnam International Choral Festival & Competition (Hué, Décembre 12 - 16):Nouvel élan et vitalité du chant choral en Asie et Asie du sud-est (p 44)Henri Pompidor, chef de chœur et enseignant

Enthousiasme, partage, joie, couleurs sont les mots-clefs de cette seconde édition du Vietnam International Choral Festival & Compétition qui s’est déroulée à Hué du 12 au

16 décembre dernier; un bonheur partagé par les participants comme par les membres du jury. Ce fut ainsi une belle célébration des voix chorales et de la diversité de leur expression, de même qu’une éclatante démonstration de leur vitalité en Asie et Asie du Sud-Est. Les chœurs sont aujourd’hui promus et soutenus dans de nombreux pays comme l’Indonésie, la Malaysie ou le Vietnam. Il faut reconnaître que le Ministère du tourisme vietnamien et la fondation Interkultur initiatrice du projet avaient minutieusement préparé l’événement. Une organisation sans faille a permis à la musique chorale de s’exprimer tout au long de la semaine et dans les meilleures conditions possibles. Une superbe cérémonie d’ouverture dans le grand stade de Hué a lancé le coup d’envoi des cinq jours de festivités. Un festival de musique vocale structurée autour d’une compétition de haut niveau et agrémenté de nombreux concerts dans différents lieux touristiques de la ville.

Plus d’une vingtaine de chœurs sont venus des principaux pays d’Asie et d’Asie du sud-est pour participer à la compétition. L’Indonésie et les Philippines sont particulièrement bien représentées avec de nombreux ensembles d’excellence. Le Vietnam affiche également un très beau savoir-faire à travers des groupes de très bonne qualité. D’autres pays participent aussi à la compétition, comme la Malaisie ou encore la Corée du sud. Le niveau musical et vocal des participants est un des réjouissants constats de ce concours. Le Vietnam National University of Art Education Choir (Vinh Hung, chef de choeur) obtient pour sa qualité, plusieurs médailles d’or, notamment dans la catégorie "chœur de chambre à voix mixtes" et "chœur à voix égales d’hommes". La compétition consacre surtout de nombreuses formations des Philippines et de l’Indonésie. Le chœur d’Iriga City Ambassadors (Cris Cary B. Yu) obtient le grand prix du jury, tandis que d’autres chœurs comme l’Indonesia Choir (IgnatiusWidjajanto), le Smukiez choir (Paulus Chandra) ou le Paduan Suara Mahasiswa University (Nestiana Kriswardhani) ainsi que Mapua Cardinal Singers (Angelito A. Ayran Jr) quittent

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Une autre remarque intéressante devrait être faite dans cette comparaison: dans Rokudan, la section correspondant aux mots dans le texte du Credo latin revêt une importance particulière du point de vue du christianisme et de la foi catholique, comme le "Credo" de l’ouverture, "Jesum Christum", "Descendit de Caelis", "Et resurrexit tertia die", "Et in Spiritum" et "Confiteor unum baptisma" sont tous accentués ou incluent des modifications de demi-tons: en d’autres termes, ils sont mis en évidence dans la musique. Le compositeur du Rokudan a donc compris le sens du texte latin du Credo.

La collection actuelle des chants grégoriens contient six mélodies datant des XIe et XXVIIe siècles. En dépit du fait que ces mélodies soient basées chacune sur un mode différent, elles emploient toutes les mêmes textes, les mêmes longueurs de mélodie, et les mêmes divisions de sections.

Il est difficile de trouver, parmi les six chants du Credo latin, quelle mélodie et quel mode a pu servir de base à une nouvelle œuvre pour le koto. Je considèrerais personnellement que ce soit le Credo, dans le premier mode Hypophrygien, considéré alors comme la mélodie la plus authentique.

Même de nos jours, nous ne connaissons toujours pas le nom du compositeur du Rokudan. Le compositeur en question a peut-être vécu soit avant la suppression du christianisme dans la seconde moitié du XVIe siècle, soit vers le milieu du XXVIIe siècle lorsque la suppression du christianisme avait déjà commencé pour de bon. Il peut s’être appelé Kenjun (1534 -? 1623) ou bien Yatsuhasi (1614 - 1685), ou encore était-il peut-être une autre Kengyo (le plus haut rang des musiciens de la guilde des aveugles).

Quel qu’ait été son nom, il semble probable que le Rokudan ait vu le jour à la suite du maître du koto, composant une paraphrase fantaisiste de la mélodie du chant latin Credo et essayant de créer ainsi une série de variations à la manière des diferencias espagnoles.

La musique en question ayant été orale et employant un texte chrétien, elle aurait probablement été détruite à l’époque de la répression du christianisme. Composer un tel morceau aurait pu mettre en danger a vie du compositeur. Cependant, comme ce fut un morceau instrumental sans texte chanté, il réussit à échapper à la persécution du christianisme et à se frayer un chemin jusqu’à nos jours. La pièce musicale koto Rokudan est un des grands héritages de la culture japonaise, et elle apporterait la preuve de l’héritage musical autrefois partagé entre l’Europe et le Japon.(Traduction anglaise: de mon article du CD "Rokudan and Gregorian Chant Credo" [VZCG-743], publié en 2011 par la Japan Traditional Cultures Foundation)

Tatsuo Minagawa (Tokyo, 25 Avril 1927) est un musicologue japonais. Après avoir obtenu son diplôme en Histoire Européenne à l’Université de Tokyo en 1951, il suivit le cours de troisième cycle en esthétique de 1951 à 1953. Il alla ensuite aux États-Unis de 1955 à 1958 puis en Europe de 1962 à 1964 pour étudier la musicologie. Dès lors, presque tous les ans il visita l’Europe à la recherche de sources musicales. Il était professeur à l’Université Rikkyo à Tokyo de 1968 à 1993; il fut également maître de conférences à l’Université de Tokyo et à l’Université de Keio. Ses travaux portent sur l’histoire musicale du Moyen-âge et de la Renaissance (Il est chef d’une chorale fondée en 1952 qui s’est spécialisée dans les œuvres chorales jusqu’en 1600). Ses recherches portent sur l’introduction de la musique chrétienne au Japon à la fin du XVIe siècle et son influence. En 1978 il a reçu la Cavaliere Ordine al Merito della Repubblica Italiana.

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artistiques afin d’apporter une pierre à leur perfectionnement. D’autres compétitions sont prévues en Asie en 2013 et 2014, l’une est d’ores et déjà programmée en juin à Hoi An (Vietnam), deux autres sont prévus en octobre à Sulawesi (Indonesie) et en décembre à Manilla (Philippines). Le festival de Hué est un sans nul doute un jalon dans l’expression du nouvel élan musical de cette région du monde. Il confirme que l’exercice choral demande travail, temps et persévérance, que c’est une discipline " patrimoniale " qui s’appuie sur l’expérience et l’échange, un champ artistique qui selon Pierre Kaelin, "crée la communauté ". Ces compétitions consolident surtout le cadre éducatif musical et participent à la formation générale des chanteurs et des chefs de choeur. Elles développent des liens d’amitiés entre les pays de l’Asean et contribuent à l’émulation et à la vitalité musicale de toute une région. •

Festival de Chant Choral de Bucaramanga et Zapatoca, Santander, Colombie (s. 46)Oscar Escalada, compositeur, arrangeur, chef de chœur et musicologue

Maestro José Antonio Rincón et moi-même avons été invités par Maestro Leonel Otero Cabarique, Président de la Corporación Artística Gustavo Gómez Ardila,

à donner des ateliers et des conférences lors du Festival Choral International de Bucaramanga “Gustavo Gómez Ardila”. Nous y avons aussi apporté notre participation en tant que membres du jury, avec Maestra Eliana Sarmiento Gómez, lors du concours organisé dans la belle ville de Zapatoca, du 1er au 5 novembre dernier

Ont participé au concours le Chœur de Chambre de la Fondation Universitaire Juan N. Corpas de Bogota et le Chœur de Jeunes Iuventus de la Fondation Sirenaica de Medellin, deux chœurs de très bon niveau qui ont obtenu chacun plus de 83 points sur 100, avec un écart entre eux de 3 points seulement, ce qui montre bien l’excellent travail qu’ils ont présenté l’un et l’autre. Le concours offrait également un prix au meilleur chef de chœur qui a été attribué Maestro Jorge Alejandro Salazar, du chœur de Bogota. Malheureusement et pour des raisons qui nous sont inconnues, aucun autre chœur parmi ceux participant au festival ne s’est présenté au concours.

L’ensemble vocal “Siete palos” de Mérida, Vénézuela, a donné dans le cadre du festival un atelier extrêmement intéressant sur la façon de transformer la voix humaine en instruments de percussion, cuivres et guitares, qui devrait permettre aux

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la compétition avec une ou plusieurs médailles d’or. Dans la catégorie "children choir", le Santa Laurentia Choir (Cornelius SeloAtmanto) tire son épingle du jeu en remportant une médaille d’or et un prix pour la direction musicale. Le chœur de filles du Mayasian Institute of Arts (Susanna Saw) fait également une très belle prestation artistique récompensée dans la catégorie "chamber choir of equal voices".

Au terme de la compétition, il est possible de dresser un bilan positif de l’état du chant choral en Asie et Asie du Sud-Est. La présence d’un nombre important de chœurs de très bon niveau en confirme la vitalité. La plupart des pays semblent aujourd’hui disposer d’un vivier choral caractérisé par une bonne maîtrise technique et une diversité de répertoire. Les ensembles sont manifestement mieux préparés à affronter les difficultés de la compétition. Les chœurs proposent des colorations vocales aux caractéristiques propres, fruit du travail des chefs de chœur qui ont su porter une particulière attention à la qualité des voix et à leur esthétique. Ajoutons que la présentation visuelle des chœurs, tenues colorées, mouvements synchronisés, favorisent les fiertés nationales ainsi que l’intérêt des populations pour les différentes formes du chant choral. Elle est un atout supplémentaire en matière d’attraction à l’éducation et la formation musicale.

Le jury a particulièrement apprécié les efforts réalisés par les chefs de chœurs en matière de justesse et d’intonation. Ces principes de base de l’interprétation musicale sont aujourd’hui suffisamment maîtrisés pour que l’exécution porte sur les nuances et l’essentiel phrasé. Les chorales entendues font preuve d’un solide sens musical et d’une réelle volonté d’afficher une identité à travers une esthétique spécifique. Il a été également bien compris qu’un répertoire divers et adapté à la compétence musicale et vocale des chanteurs était nécessaire. En effet, la compétition chorale ne se réduit pas à un affrontement technique, mais plutôt dans l’apport esthétique de chacun. Aussi les partitions qui outrepassent les possibilités techniques des interprètes ne sont-elles pas toujours les plus séduisantes pour le jury. Les voix forcées sont mises en péril et les oreilles du jury peuvent aussi en souffrir. Il est donc préférable que le chef de chœur choisisse des pièces musicales sans prétention, susceptibles d’une belle exécution à même d’emporter l’adhésion du jury. La difficulté doit toujours être adaptée à l’expérience, et la capacité du chœur. Il existe une multitude de pièces chorales présentant des diversités de styles, de langues et qui peuvent valoriser le sens artistique d’un groupe; tout est question de choix. L’association chant/danse, s’évalue de même, en fonction de son apport à l’expression musicale de l’interprétation donc principalement dans la catégorie "folklore", elle est plus discutable par ailleurs.

Le geste des chefs de chœur lors de la compétition doit également faire l’objet d’une plus grande attention, ce qui est loin d’être le cas pour l’heure. La direction par sa gestique nécessite de la part de celui (ou de celle) qui l’exécute, l’acquisition de compétences artistiques, musicales et vocales … Le chef doit être précis pour instaurer la communication tripartite entre le chœur, le chef et le jury. C’est le geste qui produit le son et non le contraire. le geste est anticipé, les chanteurs le suivent. La gestique est donc une discipline qui exige une préparation méthodique afin de donner un vrai sens au mot "interprétation". C’est par son geste et sa direction que le chef donne sa vision musicale de l’oeuvre et qu’il communique aux exécutants ses élans, ses tempi et ses émotions.

Ces recommandations ont été évoquées lors de l’évaluation finale avec les membres du jury et les chefs de chœur participants. Ainsi, le 2nd Vietnam International Choral Festival & Competition a pleinement contribué au développement de la musique chorale tout en conseillant les participants sur des points techniques et

Henri Pompidor (Chef de Chœur). Ancien élève du Conservatoire de Toulouse et docteur en musique et musicologie (PhD, Paris IV-Sorbonne), Henri Pompidor est nommé en 2004 directeur du département de chant et de chant choral de l’Université de Rangsit avant de rejoindre la faculté de musique de Mahidol (Thaïlande), où il assure depuis les fonctions de professeur de chant choral et directeur des chœurs de l’Université. Parallèlement, il devient en 2007 le chef permanent des chœurs de l’Orchestre Philharmonique de Thaïlande. Depuis 2004, Henri Pompidor a dirigé de nombreux concerts en Thaïlande et en Asie du sud est, avec différentes formations chorales universitaires et professionnelles. Ses dernières années, il a publié de nombreuses recherches, notamment sur les techniques chorales, la phonétique pour choeur et une histoire du chant choral depuis ses origines à nos jours. Courriel: [email protected]

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participants de développer une excellente technique pour ce type de chant.

La ville de Bucaramanga, située parmi les montagnes de la Cordillère des Andes Orientales Colombiennes, se caractérise par sa vie universitaire et développe une vie culturelle enviable. S’y déroulent des festivals de marionettes, de théâtre, de piano, de jazz, de patinage et bien sûr de chant choral.

Ce sixième Festival International de Chant Choral bénéficiait du soutien de l’Université Autonome de Bucaramanga, qui a fourni l’infrastructure nécessaire à son organisation et mis ses salles à disposition pour répétitions et conférences.

Nous étions logés dans une ancienne hacienda, dont les locaux abritent par ailleurs l’Ecole de Gastronomie et qui héberge également les professeurs et maîtres de conférence invités par l’Université. Le campus de celle-ci occupe l’ensemble de ce qui fut l’hacienda originale, dont les terres s’étendent vers la vallée.

Une seconde étape du festival a pu être réalisée ensuite dans la commune de Zapatoca, en collaboration avec le Théâtre de l’Institut Technique de Santo Tomás et avec l’aide inappréciable des habitants de cette magnifique et calme ville coloniale, dont chaque maison s’orne de géraniums. José Antonio Rincón et moi-même avons été les hôtes de Cesar et Angela Ardila dont la maison ancienne est décorée avec goût et qui ont su la conserver dans le style architectural de l’époque coloniale.

Parmi les excellents objectifs que s’est attribués le festival figure la sensibilisation au chant choral en direction d’une population enfantine défavorisée. Nous avons pu assister, le vendredi 2 novembre au matin, à l’un des concerts qui leur ont été offerts. Nous avons ainsi pu apprécier la technique utilisée par les enseignants qui participent au projet et avons tous deux relevé un aspect fondamental de leur travail, à savoir la joie avec laquelle ils font participer les enfants en prenant un soin extrême à leur faire aborder un répertoire qui ne soit pas au-dessus de leurs possibilités. Ce que je mentionne ici peut sembler une évidence et pourtant, j’ai été témoin d’une infinité de situations où cela était loin d’être le cas, l’enseignant semblant davantage intéressé par l’abord d’un répertoire “sérieux” et ne tenant pas compte des potentialités de son groupe. Au final, immanquablement, l’enfant se dit que le chant choral, ce n’est pas pour lui, et l’enseignant sort frustré du concert en pensant que ces enfants “ne savent pas chanter”.

En réalité, pour peu qu’on ait la capacité de percevoir ce que les enfants peuvent faire, ou du moins qu’on y soit sensible, ni l’un ni l’autre ne devrait se produire. Mais fort heureusement, dans ce cas précis les enseignants ont cherché à opérer ce petit et à la fois grand pas : que l’enfant chante.

L’un de ces chœurs a présenté un programme à l’unisson, si musical et si joliment interprété que pour qui l’entendait, nul besoin d’artifices techniques, ni de mélodies extravagantes, ni d’harmonies hermétiques pour apprécier sa beauté. Tout ce que l’on a entendu n’était que pure Musique, et d’une telle justesse ! La plupart de ces œuvres appartenaient au répertoire traditionnel colombien, si bien que les enfants s’y identifiaient pleinement. Le second chœur, qui avait déjà un peu plus d’expérience, a présenté des œuvres à deux et trois voix tout aussi simples et belles, judicieusement choisies pour ce groupe d’enfants.

Si je m’attarde sur ce détail, c’est afin de souligner le mouvement qui est aujourd’hui à l’œuvre en Amérique Latine en faveur de la population enfantine défavorisée. Le pays qui a développé avec le plus de succès un Système de Chœurs et Orchestres d’Enfants et de Jeunes est le Vénézuela, grâce au maître Antonio Abreu, depuis plus de 27 ans maintenant. De nombreux pays ont suivi son exemple et les chefs de chœurs et orchestres sont de plus en plus nombreux à rejoindre cette grande cause. Le

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Chili, l’Argentine, le Brésil et le Mexique, outre le Vénézuela et la Colombie, sont quelques-uns des pays à considérer que le chant choral est un outil efficace pour l’intégration sociale des enfants en situation de précarité.

Bienvenue, donc, au Festival international de chant choral Gustavo Gómez Ardila au sein de cette louable entreprise que nous partageons avec tant d’ardeur.

Traduit de l’espagnol par Hélène Serrano, France •

Cantate Domino, Kaunas, 13-16 Décembre 2012Un Festival choral dans l’atmosphère magique de la Lituanie (p 48)Andrea Angelini, Rédacteur en chef de l’ICB, chef de chœur et professeur

Il y a plus de 200 ans, le 23 juin 1812 Napoléon Bonaparte et sa Grande Armée de 690.000 hommes traversèrent le Niémen aux abords de Kaunas, entrant ainsi en Russie et entamant

leur marche malheureuse sur Moscou. Kaunas, connue alors sous le nom de Kovno, était un avant-poste animé de la frontière de L’Empire Russe et de l’éphémère Duché de Varsovie, comptant une abondante population russe, polonaise et juive et seulement une poignée d’habitants de l’ethnie lituanienne. Deux siècles et plusieurs guerres dévastatrices plus tard, Kaunas est aujourd’hui renommée localement comme étant la plus lituanienne des grandes villes de Lituanie. Comme les temps ont changé!

Kaunas s’enorgueillit de sa Vielle Ville, compacte et bien préservée, avec ses grandes artères sans embouteillages. De beaux bâtiments du XVIème siècle décorent la rue de Vilnius, et plusieurs endroits de la Place de la Mairie. Vous êtes presque certains de tomber sur plusieurs galeries d’art moderne logées dans ces édifices historiques. La ville est érigée au confluent des fleuves Niémen et Neris, et vous pouvez facilement vous perdre dans le décompte des parcs verdoyants qui existent dans son centre; le Parc Santaka, est l’un d’eux, un endroit magnifique pour se promener parmi les bouleaux, les chênes et les érables. C’est dur

Oscar Escalada est professeur, écrivain, éditeur de musique chorale aux Etats Unis et en Allemagne, Vice Président de l'Association Argentine pour la Musique Chorale “America Cantat” et Secrétaire Général de l'Organisation America Cantat. Il a fondé les chœurs de diverses institutions nationales, provinciales et municipales dans sa ville, La Plata en Argentine. Escalada a été invité à donner des conférences, des ateliers, des séminaires, et à être jury dans son pays, aux Etats-Unis, au Venezuela, à Cuba, en Equateur, en Espagne, en Angleterre, en Grèce, en Italie, en France, au Mexique, en Allemagne et en Corée du Sud. Il a participé en tant que conférencier au 5e Symposium Mondial de Musique Chorale de Rotterdam, il a été invité aux conventions de l'ACDA (American Choral Directors Association - Association des Chefs de Chœurs Américains) de Détroit et Chicago et il a été Coordinateur de sessions de composition pendant le 9e Symposium Mondial de Musique Chorale de Puerto Madryn. Son œuvre « Tangueando » (en faisant du tango) figure dans les meilleurs ventes du catalogue de Warner/CHappell 2000-2001. Il est l'auteur des livres « Un coro en cada aula » (un chœur dans chaque salle de classe) et "Logogénesis" (Logogenèse). En 2012, il a été invité comme jury des World Choir Games de Cincinnati aux Etats-Unis et à donner un atelier à Europa Cantat à Turin en Italie. Courriel: [email protected]

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de croire que vous êtes toujours au cœur d’une ville si dynamique.Arriver à Vilnius par l’aéroport, a priori c’est l’idéal. Mais espérer

trouver le printemps, en décembre sous ces latitudes, c’est de la folie pure. Passant à travers une violente tempête de neige, les roues de l’avion touchèrent enfin la piste de façon brutale, assez pour que plusieurs passagers se mettent à crier. Ronaldas (Daugėla) et Silvija (Pročkytė), respectivement directeur artistique et assistant au festival, m’attendaient à la porte de sortie. Un périple de deux heures me conduisit jusqu’à l’hôtel à Kaunas.

Le jour suivant était consacré à la visite de la ville (Il y a plusieurs endroits intéressants au centre historique, et plusieurs pubs chaleureux) même si la température extérieure (quelque part entre -12° et -21°), suggérait que je reste à l’hôtel. Je ne sais pas ce qui était plus drôle entre voir Ronaldas marcher dans la neige avec seulement une veste (ni chapeau, ni écharpe) et moi, couverte de vêtements et paraissant être prête pour une expédition polaire! A propos j’ai eu un moment agréable en me déplaçant entre un grog et un café chaud: un charmant concert de soirée donné par certains membres du chœur et suivi par l’Oratorio de Noël de Bach présenté par le chœur lituanien d’enfants Varélis qui clôtura le premier jour du festival.

Le concours (catégorie sans programme obligatoire) démarra le matin du 14 décembre dans la salle de conférences de l’Hôtel Park-Radisson, un grand espace avec quelques centaines de sièges pour l’auditoire. Le niveau des chorales participantes dans ce classement n’était pas très bon, même si un chœur m’impressionna plus que les autres. En fait, le seul groupe admis au ‘Grand Prix’ fut le Tartu Youth Choir dirigé par Riho Leppoja et Kadri Leppoja. Le score final de ce chœur était 91,2/100. Les chœurs participant à la catégorie obligatoire du programme avaient un bien meilleur niveau de qualité. Ici, au moins, trois groupes se démarquaient nettement des autres. Il y avait les Raffles Voices (Singapour) dirigées par Toh Ban Sheng, l’Ivanovo Chamber Choir (Russie) dirigé par Evgeny Bobrov, l’Ensemble A Cappella vocal mixte (Lituanie) conduit par Violeta Zutkuvienė et, encore une fois, le Tartu Youth Choir. Ainsi, quatre chœurs jouèrent leurs dernières cartes pendant le dernier jour du match final dans l’Auditorium du Séminaire. Les Raffles Voices remportèrent le Grand Prix haut la main avec une note de 97,5/100 points! J’ai rencontré plusieurs fois cette chorale à travers le monde et je suis toujours impressionnée par son rythme, les qualités expressives et le son. Des garçons absolument concentrés et sérieux! Puis-je suggérer une chose, M. Sheng? J’aimerais voir plus de morceaux dans votre répertoire, surtout au cours de la saison de Noël.

Cantate Domino canticum novum… (Chantez au Seigneur un chant nouveau…), ceci est le thème du Festival. Je suis sûre que Dieu était content d’avoir entendu de si riches et agréables musiques pendant ces trois jours!

Traduit de l’anglais par Pierre Peterson, Haiti •

A Carol for Christmas (Un chant pour Noël)La Fondation King’s Singers lance son premier concours de composition (p 50)Graham Lack, compositeur et éditeur, consultant ICB

Un sentiment d’attente va de pair avec un nouveau concours de "noëls", initié en 2012 sous la houlette du King’s College de Cambridge et de la Fondation

King’s Singers, a certainement fait prendre conscience d’une riche tradition des îles britanniques mais aussi mis en exergue la précarité du genre. Aidée aussi par Classic FM et Novello & Company (cette dernière faisant partie du Music Sales Group), et sponsorisée par Woodfines Solicitors de Cambridge, la publicité du concours s’est faite sous la forme de "recherche nationale de nouveaux noëls", pour les compositeurs de tous âges à travers le Royaume-Uni “étant invités à manifester leur talent” dans un “concours festif de composition”. Les gagnants recevaient la garantie de donner un spectacle dans l’extraordinaire Chapelle du King’s College, d’enregistrer pour Classic FM, et recevaient un prix de 250 livres sterling ainsi que l’occasion d’être publiés par Novello.

Le concours se répartissait en quatre catégories, l’une d’entre elle donnant aux compositeurs l’opportunité d’écrire à l’intention des King’s Singers eux-mêmes. La première catégorie consistait à écrire une œuvre chorale sans audition proprement dite, à l’unissonou à deux voix (SA). Le concours était ouvert à des compositeurs de tous âges, et les chants pouvaient être proposés avec ou sans accompagnement au clavier. La deuxième catégorie consistait en une composition pour chœur mixte (SATB), mais les compositeurs devaient avoir moins de 18 ans. Encore une fois, le travail pouvait être conçu avec ou sans accompagnement au clavier. Dans la troisième catégorie, également pour chœur SATB, les compositeurs pouvaient être âgés de 19 ans ou plus et pouvaient soumettre une pièce soit a cappella soit accompagnée au clavier. La quatrième catégorie, enfin, consistait en une composition a cappella pour les King’s Singers (CtCtTBarBarB) et était ouverte aux compositeurs de tous âges.

Ce concours inaugural a reçu 322 œuvres, avec la participation de compositeurs âgés de 9 à 83 ans. Le jury du concours de "noëls" se composait de Stephen Cleobury (Directeur musical de la Chorale du King’s College de Cambridge), John Rutter (compositeur et producteur de disques), et David Hurley (premier contre-ténor du King’s Singers).

L’après-midi du 18 décembre 2012, lors d’une cérémonie tenue à la chapelle du King’s College, les œuvres des compositeurs des premières catégories furent interprétées dans un arrangement d’atelier, les compositions furent chantées par des jeunes chorales britanniques, dont le King’s Junior Voices, CBSO Young Voices, les Inner Voices basé à Londres, et les Quay Voices du nord-est de l’Angleterre. Le même jour, lors du concert vespéral tenu également dans la chapelle du King’s College, le premier prix de la dernière catégorie a été remis par les King’s Singers. Les deux évènements furent enregistrés pour être diffusés sur Classic FM, et furent présentés le 22 décembre par Tim Lihoreau.

La gagnante de la première catégorie fut Ruth Sellar, une graduée de l’école de musique du King’s College de Londres, avec son chantPatapan, pour une chorale communautaire non-auditionnée. Ruth travaille actuellement à l’école primaire de Bilton Grange à Rugby où elle enseigne le piano et la théorie musicale, accompagnant chorales et musiciens et jouant pendant les services de la chapelle. Exprimée dans une mélodie en 5/4 avec un joyeux accompagnement au piano, l’œuvre semblait facile à maîtriser: les jeunes chanteurs se sont mis à la tâche avec entrain. Mais au fur et à mesure que la mélodie progressait peu à peu dans

Andrea Angelini est diplômé en piano et direction de chœur. Il mène une vie artistique et professionnelle intense à la tête de plusieurs chœurs et ensembles de musique de chambre. Il a employé son expertise particulière dans le domaine de la musique Renaissance pour offrir des stages et des conférences dans le monde entier. Il est fréquemment invité en tant que juré dans les concours choraux les plus importants. Aux côtés Peter Phillips il a enseigné pendant des années aux Cours Internationaux pour Choristes et Chefs de Chœurs de Rimini. Il est le directeur artistique du festival choral Voce Nei Chiostri et du Concours International Choral de Rimini. Depuis 2009, il intervient également en tant que rédacteur en chef de l’ICB. En tant que compositeur, certaines de ses œuvres ont été publiées chez Gelber-Hund, Eurarte, Canticanova et Ferrimontana. Courriel: [email protected]

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condescendantes envers les enfants”. Son chant A Hymn to the Virgin, aussi exploitéde main de maître par Britten bien entendu, traite un des textes prescrit par le concours. Il est vraiment superbe, et est “parfaitement convenable à l’incomparable style du King’s Singers”, une sorte de jingle jalonnant l’ensemble du concert.

Au sujet des lauréats, Stephen Cleobury dit: “La participation au concours était formidable, et il a été très difficile de déterminer les gagnants. Globalement, la qualité des contributions a été exceptionnelle.”. David Hurley s’exprima ainsi: “Je suis heureux d’avoir pris part à l’organisation de ce concours, et j’ai beaucoup apprécié le fait de travailler avec Stephen Cleobury et John Rutter. Le niveau dans toutes les catégories a été fantastique, et dans la catégorie du King’s Singers’ nous avons reçu beaucoup d’œuvres habilement créées.”. Et Adrian Frost, Partenaire Administratif de Woodfines, loue ceux qui ont organisé le concours, expliquant que: “Il y a eu beaucoup de travail derrière cette compétition. Les personnes qui ont contribué à sa réussite ont vu se réaliser leur rêve, tant pour la grande participation que pour la qualité des contributions.”.

Plus d’un, semble t-il, s’est donné très généreusement et espère que le concours sera, comme M. Frost le dit, “une inspiration

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les parties d’alto et de soprano, l’écriture en canon semblait être quelque peu moins naïve qu’un simple unisson, s’affaiblissant en intervalles hésitants: ni vraiment harmoniques, ni mélodiques. Quant à la mélodie, chanson entraînante c’est une bonne chose, elle n’a pas été aussi facile à écrire qu’on pourrait le supposer, donc cette œuvre-là réussit l’épreuve d’être ‘chantable’. Et si même elle est restée trop près de la chanson populaire anglaise ‘Scarborough Fair’ et est allée vers la fin un peu trop près de ‘We Three Kings of Orient Are’, elle reste (tant bien que mal) dans la mémoire pendant les jours à venir.

Le gagnant de la deuxième catégorie fut Owain Park, un jeune musicien du sud-ouest de l’Angleterre. Il est actuellement Doyen des Étudiants d’Orgue à la Cathédrale de Wells, un poste qu’il occupera jusqu’en automne 2013, quand il intégrera le Trinity College de Cambridge pour y étudier la musique en tant qu’étudiant d’orgue. Son Let Christians all with Joyful Mirth utilise des mots trouvés dans la galerie d’une vieille église du Dorset. Ce chant repose également sur un rythme répétitif frappant: celui utilisé par Bernstein dans ‘America’ pour son West Side Story, le compositeur le marquant ‘Tempo di Huapango’. Il serait inconvenant de critiquer de manière trop sévère la musique d’un si jeune compositeur, dont la pensée harmonique est remarquablement mûre; néanmoins, une légère impressionde ‘va et vient’ peut être créée par l’accompagnement à l’orgue qui est interpolé dans le plan formel, divisant un bloc choral homophonique de l’autre. Somme toute, elle est davantage une hymne qu’un cantique, juste une contribution peut-être utile au répertoire, quoiqu’une telle œuvre puisse être entreprise par un petit chœur de chambre dont elle a le style propre, et qu’elle soit plutôt agile.

Dominic Irving fut le gagnant dans la troisième catégorie. Originaire du sud-ouest de l’Angleterre, il est titulaire d’une Maîtrise en Composition Musicale pour les Films et la Télévision de l’Université de Bristol, et d’un BMus en Composition du Trinity College of Music de Londres. Son style de composition a été décrit comme très mélodique, souvent humoristique, et se déplace librement entre une virtuosité brillante, un lyrisme riche et une dissonance sévère. À ce jour il a produit un concerto pour piano, une cantate pour enfants, de nombreuses œuvres chorales, de la musique de chambre, et de nombreuses musiques de films. Son chant Blessed be that Maid Marie a été interprété correctement par les souples Quay Voices qui (même à la limite de leur technique) purent bien comprendre l’intimité du compositeur avec des structures dissonantes. Ceci est du chant choral très idiomatique, montant et descendant en une harmonie acerbe, l’une débouchant sur l’autre. Une triade complète apparaît en temps opportun, à des moments harmoniques clés dans le parcours. Le langage musical ne fait pas vraiment penser à Britten, bien que les contraintes formelles mettent en évidence des compositeurs qui, tout comme lui, savent dire exactement ce qu’ils veulent exprimer.

Le prix de la dernière catégorie, une composition écrite expressément pour les King’s Singers, fut décerné à Steven Griffin d’Édimbourg. Ancien membre de la maîtrise du Magdalen College d’Oxford, il y a étudié la musique avec John Harper, Bojan Bujic, et un ancien des King’s Singers, Bill Ives. Il est actuellement le Directeur Musical adjoint au George Watson College à Édimbourg. Mr. Griffin commença à écrire des compositions musicales dès l’âge de dix ans, et depuis lors ses œuvres furent interprétées au Barbican Centre, au Southbank Centre, au Fringe Festival d’ Édimbourg et à St. Martin-in-the-Fields. Il reconnaît n’avoir pris la composition très au sérieux qu’en commençant sa carrière d’enseignant, estimant difficile de trouver des compositions musicales qui comme, il le souligne “soient assez faciles pour être apprises par une jeune chorale et ne soient ni enfantines ni

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pour les compositeurs du Royaume-Uni”. Qu’il devienne, oui ou non, un évènement international reste à débattre. Cependant, si l’évènement souhaite promouvoir la cause de "noël", il aura à résoudre ce problème et (c’est du moins notre avis) ouvrir la participation à ce concours de ‘noëls’ aux compositeurs du monde entier, quelle que soit leur nationalité.

Au fur et à mesure que le public entrait dans la Chapelle du King’s College , juste quelques jours avant Noël, et vu la proximité du fameux Festival of Nine Lessons and Carols, les discussions s’entamèrent sur les œuvres interprétées, et sur l’avenir du genre noël. Avec quatre catégories et des prix décernés sous forme d’une rémunération bien méritée, une éventuelle opportunité de publication et une diffusion radiophonique de grande écoute, le concours fut savamment orchestré. Nous espérons tout simplement qu’il bénéficiera de la reconnaissance qu’il mérite, et que de nouvelles expressions musicales prendront naissance à partir de ce genre traditionnel.

Traduit de l’anglais par Pierre Peterson, Haïti •

Le développement du chant choral à Malte: survol historique (p 54)Joseph Vella Bondin, musicologue et chanteur

Jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, la musique à Malte était principalement tournée vers deux sources: la musique sacrée de l’église catholique romaine et l’opéra

italien représenté dans l’exquis théâtre baroque, "Manoel Theatre", construit en 1731 ad honestam populi oblectationem et ensuite dans l’Opéra Royal, de grande ampleur, bâti selon les plans d’Edward Middleton Barry et qui ouvrit ses portes le 9 octobre 1866 pour représenter I Puritani de Bellini. Les bombardiers de la Luftwaffe le dévastèrent le 7 avril 1942. Il ne fut pas reconstruit, l’opéra se repliant dans "Manoel Theatre", toujours debout.

Que l’art musical maltais soit formé sur un modèle italien est

par conséquent un fait historique sur lequel il est inutile d’insister. Que l’héritage musical maltais ait été dominé par les compositions de musique sacrée, principalement liturgique, est à présent un autre fait établi. Ce constat aurait autrefois pu provoquer quelques commentaires vu l’engouement viscéral des Maltais pour l’opéra, presque à l’exclusion d’autres formes lyriques, jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale au moins. Même après la disparition des motifs expliquant l’existence de cette orientation totalement italienne, des raisons complexes, politiques, sociales et économiques, maintinrent la domination quasi exclusive de l’opéra italien, excluant les compositions maltaises qui auraient dû bénéficier du soutien naturel de la société maltaise. Cela étant, les compositeurs maltais dont les meilleurs étaient appointés en tant que musiciens d’église se focalisèrent sur la musique sacrée pour laquelle ils avaient un marché et, sûrement à contrecœur, ils envisagèrent l’opéra comme une branche secondaire.

La tradition chorale autochtone, en matière de représentations et de composition, se trouve avant tout dans la musique d’église, partie intégrante de la liturgie catholique; et dans une moindre mesure dans le théâtre lyrique. Il n’existait pas de chœurs selon la tradition occidentale, de grands groupes issus du monde séculier.

Vu l’histoire de Malte, colonisée depuis le IXe siècle avant l’ère chrétienne, il semble évident que les événements affectant la vie sociale, politique et culturelle de Malte jusqu’au milieu du XXe siècle furent déterminés depuis l’étranger. Cette situation était acceptée par la majorité de la population. Il se peut même qu’elle ait eu l’avantage de protéger Malte (minuscule archipel de 320 kilomètres carrés stratégiquement situé au milieu de la Méditerranée, actuellement peuplé de 400 000 habitants) des variations de la réalité extérieure. Le contrecoup de la guerre de 1940, renforcé par la concession de l’indépendance de la part de la Grande Bretagne en 1964, créa la réalité inexplorée d’une identité nationale dans un monde en mutation rapide. Cet état des choses amena le pays à se chercher, tant l’intelligentsia que la plupart des couches sociales.

Suite à l’indépendance, il devint évident que la composition de musique à destination liturgique n’avait pas grand intérêt. Tout d’abord, les changements du XXe siècle concernant la musique d’église commençant avec Motu proprio (1903) du pape Pie X et culminant dans les décrets orientés vers les fidèles du concile de Vatican II (1962-1965) avaient considérablement réduit l’activité de la traditionnelle cappella di musica maltaise et, corollaire direct, l’importance des œuvres liturgiques et le besoin d’en composer de nouvelles. Ensuite, même hormis ces changements, il est vraisemblable qu’après l’indépendance la musique sacrée aurait moins attiré les compositeurs dans un environnement en voie de sécularisation rapide.

Les morceaux liturgiques constituent une petite partie des œuvres de Carmelo Pace, Charles Camilleri, et Joseph Vella, les trois compositeurs les plus souvent joués de l’après-guerre. Leur enseignement eut aussi beaucoup d’influence et, pour la première fois dans l’histoire de la musique maltaise, ils commencèrent à écrire en maltais.

Carmelo Pace (1906-1993), souhaitait composer des opéras centrés sur l’histoire de Malte. Il en écrivit quatre: Caterina Desguanez (1965) est basé sur le grand siège de 1565, I Martiri (1967) narre les tribulations des Maltais pendant l’occupation française, Angelica (1973) raconte l’histoire de la fiancée de Mosta, et l’intrigue d’Ipogeana (1976) l’ère néolithique maltaise. Mais il resta soumis aux normes établies en utilisant des livrets en italien à la manière italienne. Il composa en outre beaucoup de musique, tant profane que sacrée, pour grands chœurs.

Charles Camilleri (1931-2009) défia tous les canons traditionnels en composant ses deux premiers opéras, Il-Weghda

Graham Lack a étudié la composition et la musicologie au Goldsmith College et au King’s College de l’Université de Londres (Licence en Musique avec mention, Maîtrise), la pédagogie de la musique à l’Université de Chichester (Certificat d’Etat) et s’installa en Allemagne en 1982 (Université Technique de Berlin, Doctorat). Il a occupé jusqu’en 1992 un poste de maître de conférences en Musique à l’Université du Maryland. Il est contributeur au Groves Dictionary et à Tempo. Parmi ses œuvres de commande : Sanctus (Queen’s College, Cambridge), Two Madrigals for High Summer, Hermes of the Ways (Académie Damkören Lyran), une série pour The King’s Singers, Estraines, enregistrée chez Signum, et Four Lullabies (VOCES8). Le Chœur Philharmonique de Munich lui a commandé Petersiliensommer. The Legend of Saint Wite (SSA, quatuor à cordes) il remporta en 2008 le concours de la BBC. Refugium, dont la première a été chantée par le Trinity Boys Choir à Londres en 2009, a été enregistré en CD en 2012. Parmi ses œuvres récentes : Wondrous Machine pour le multi-percussionniste Martin Grubinger, Nine Moons Dark pour grand orchestre. Premières en 2010/2011: The Windhover (violon et orchestre) pour Benjamin Schmid. Il est membre correspondant de l’Institut d’Etudes Musicales Avancées du King’s College de Londres, et aussi participant régulier aux conférences de l’ACDA. Editeurs: Musikverlag Hayo, Cantus Quercus Press, Schott, Josef Preissler, Tomi Berg. Courriel: [email protected]

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(1984) and Il-Fidwa tal-Bdiewa (1985), non seulement en langue maltaise mais aussi avec des harmonies et lignes mélodiques directement issues de la musique maltaise traditionnelle. Il utilisa la même formule pour son oratorio Pawlu ta’ Malta (1985) et la cantate L-Ghanja ta’ Malta (1989). Un large consensus national se forma autour de ces œuvres en raison du nouveau climat politique: la conscience d’un orgueil naissant pour une identité musicale inhérente. En 1992 il fut nommé professeur à la tête du département de musique de l’université de Malte et resta à ce poste jusqu’en 1996. Cela lui donna l’occasion de propager ses intuitions quant à l’importance du paysage sonore de la musique maltaise populaire et il fut le catalyseur d’un son maltais distinctif et d’une école représentative. Son exemple et son enseignement influencèrent radicalement une nouvelle génération de compositeurs. Comme Pace, Camillieri et ces nouveaux compositeurs ont apporté des œuvres pour chœur diverses et dignes d’intérêt, ou comportant d’importants mouvements destinés à un chœur.

Joseph Vella (né en 1942), est un chef talentueux et maître de conférences en musique à l’université de Malte. Son goût déclaré pour la musique contrapuntique fait de lui un compositeur dont les œuvres sont enracinées dans un idiome personnel principalement issu du néo-classicisme. Son œuvre impressionnant, de formes et de desseins divers, comporte nombre d’excellents morceaux pour chœur. En outre, son profond intérêt pour la musique maltaise d’autrefois, en particulier de la période baroque qu’il continue d’annoter et de revivifier, a fait découvrir à la nation maltaise un passé musical impressionnant comportant des messes et psaumes napolitains pour double chœur.

Ces innovations musicales d’après-guerre se combinèrent avec la création, souvent à l’initiative du secteur privé, de lieux et de structures musicales nécessaires à la présentation d’œuvres dans un contexte ni liturgique ni lyrique: des théâtres et salles de concert furent construits, dont l’auditorium de l’Institut Catholique (1960) de Floriana. Le fait que l’Eglise ait accepté d’accueillir légitimement dans les lieux de culte (structurellement et acoustiquement valables) des productions musicales appropriées fut déterminant.

Les nouvelles structures comportaient aussi la formation de chœurs amateurs indépendants, la plupart mixtes et fondés par des membres du clergé. Rien de surprenant: la population était nettement conservatrice à cette époque et, en général, désapprouvait la mixité sans contrôle approprié. Le premier, le Chœur Hamrun, fut créé en 1949 par le frère Joseph Cachia (1922-2001), directeur et chef de chœur. Parmi les autres, on trouve le chœur de Zurrieq Cantate Domino fondé en 1956 par le frère Mikiel D’Amato (1926-2002), le Chœur St. Julian fondé un an plus tard par Mgr. Guido Calleja, Le Chœur Jésus de Nazareth créé en 1960 par le moine dominicain Salv Galea et le Chœur St. Monica que la sœur augustinienne Benjamina Portelli créa en 1964. On peut dire que ces chœurs, entre autres, avaient à l’origine une fonction paroissiale mais furent par la suite reconnus nationalement.

Pour accomplir les objectifs de sa formation, un chœur doit se produire en public. Le problème était l’absence d’ouvertures en dehors des rites liturgiques: les chœurs devaient prendre l’initiative d’informer le public, et de lui montrer les nouvelles réalisations dorénavant possibles. Le Chœur Hamrun prit l’initiative. A défaut d’un matériau maltais approprié, il se lança dans la présentation annuelle d’oratorios sacrés du répertoire international. Les deux premières furent Le Messie de Händel, le 3 janvier 1959, et St. Paul de Mendelssohn le 29 avril 1960, choisi pour commémorer le naufrage de l’apôtre Paul à Malte en l’an 60, suivi de Judas Maccabaeus et de Elijah. Aucune œuvre de cette ampleur n’avait

été donnée à Malte et leur impact s’accrut parce que tous les interprètes étaient maltais. Plusieurs chœurs embrayèrent le pas.

D’autres excellents groupes de caractère plus séculier émergèrent eux aussi. Avec pour membres des résidents britanniques et des visiteurs, mais de plus en plus de Maltais, la Société Chorale de Malte vit le jour en 1953. Les œuvres données comprennent Le Messie, La Création, Le Requiem de Fauré, la Fantaisie chorale de Beethoven, Carmina Burana et une version du Nabucco de Verdi en concert. Des difficultés organisationnelles concoururent à sa dissolution au début des années 80. Le Gruppo Corale Primavera fondé et dirigé par Joe Fenech, actif de 1959 à 1970, produisit plusieurs spectacles de variétés et culturels.

La Société Chorale Lyrique Maltaise fut fondée en 1953 par le ténor Joe Lopez (aussi organisateur de spectacles), principalement afin d’offrir ses services aux impresarios d’art lyrique. Chœur masculin fort d’environ 20 membres, il fut dirigé par Joseph Abela Scolaro, compositeur et chef de chœur. La plus innovante de ses entreprises fut sa participation (la première compétition internationale d’un chœur maltais) au Llangollen International Musical Eisteddfod du 7 au 12 juillet 1959 dans le nord du pays de Galles. Le résultat, 14e sur les 19 chœurs masculins inscrits, fut plutôt médiocre, mais le gain en expérience fut important pour le chœur lui-même et pour l’ensemble de la nation. Il se révéla comme un moyen efficace d’évaluer le niveau technique et vocal du jeune mouvement choral d’une petite nation insulaire.

Le résultat tangible immédiat fut la reconstruction de la Société Chorale Lyrique de Malte sous la forme d’un chœur mixte de 60 membres qui ne furent acceptés qu’après une sévère audition, ou, pour les chanteurs qualifiés en exercice, sur invitation. Le chef de chœur fut la pianiste Bice Bisazza (1909-1994), et le directeur Joseph Sammut (né en 1929), compositeur et chef d’orchestre. Comme on s’y attendait, il devint un des meilleurs chœurs jamais établi à Malte. Sa première compétition, défi qui le définit, fut le concours Eisteddfod du 5 au 10 juillet 1960. Les résultats furent bons, mais le clou du spectacle eut lieu lors du concert du samedi soir: devant 10 000 spectateurs, son interprétation de L-Imnarja, chant choral pour chœur mixte a cappella fondé sur des rythmes populaires maltais et composé à son intention par Carmelo Pace, fut remarquable au point d’être bissée. Un bis étant contraire aux règles du festival, le fait fut même rapporté dans la presse britannique!

L’ultime étape de l’évolution du chœur fut un changement de nom: Chorus Melitensis. Parmi ses nombreux concerts admirables, le plus saillant, historiquement du moins, fut le Requiem de Verdi en avril 1966, première représentation publique de ce chef-d’œuvre universel. Le concert réunissait le Chorus Melitensis et la Société Chorale de Malte, en un effectif de plus de 120 choristes. Malheureusement, des difficultés organisationnelles conduisirent à la dissolution du Chœur.

Quoi qu’il en soit, le mouvement choral était bien enraciné à cette date, nourri par l’élargissement de l’instruction musicale, l’exemple persuasif venu de l’étranger à travers les divertissements diffusés par les média internationaux et l’intérêt national accru pour des formes traditionnellement délaissées. A présent, des groupes commencent à se former dans tout le pays, entraînés et dirigés par des jeunes dont l’instruction musicale est à la fois sûre et multiforme. L’enrichissement de l’environnement choral encourage l’écriture d’œuvres pertinentes, en particulier sur des textes en langue native qui est dorénavant la langue dominante des compositions vocales.

Le signe le plus visible de cette nouvelle conscience nationale est peut-être la création, sous les auspices du gouvernement, du Festival International choral maltais en 1989 dont Charles Camilleri fut le directeur artistique. Cette responsabilité échut

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en 1998 au révérend John Galea, compositeur possédant une vaste expérience en matière de direction de chœur et de gestion. De 1989 à 2004, le festival se tint au début novembre et un nombre substantiel de chœurs de pays différents, y compris Malte, participèrent.

Un changement majeur fut alors introduit. Après des négociations avec Interkultur, le gouvernement décida que collaborer avec cette institution mondiale servirait le rayonnement du festival de Malte. On s’accorda pour l’organiser semestriellement sous l’égide et les critères du label Musica Mundi. La première édition, dénommée ‘Festival et Concours Choral International Maltais’ se déroula en 2006, attirant 22 chœurs de 15 pays différents. D’autres, également réussis, se déroulèrent en 2007, 2009 et 2011.

Traduit de l’anglais par Claude Julien, France •

2012 Festival Choral International de Taipei (p 58)Yu-Chung John Ku, chef de chœur et professeur

Le Festival Choral International de Taipei (TICF), un des festivals de musique chorale les plus importants et prestigieux en Asie, a été fondé en 1996 par la Fondation

Philharmonique de Taipei et le professeur Dirk DuHei. Il s’agissait à l’origine d’une manifestation biannuelle, qui se tient actuellement une fois par an, de la fin juillet au début août. Chaque année, des chœurs exceptionnels du monde entier se retrouvent à Taipei avec des artistes locaux de grand talent, pour charmer non seulement des dizaines de milliers de spectateurs locaux, mais aussi un large public d’amateurs de musique chorale venus d’Asie du Sud-Est. Parallèlement aux concerts, sont organisés divers ateliers et master-classes, présentés par des experts du monde entier. Au cours de l’année 2012, la douzième édition du TICF a offert au public des concerts d’excellente qualité, et des ateliers intensifs aux participants, sans compter les nouvelles manifestations introduites dans le programme pour célébrer la musique chorale.

Un des grands moments de cette édition fut le concert d’ouverture des 28 et 29 juillet. Le Chœur Philharmonique de Taipei et l’Orchestre National Chinois de Taïwan ont donné la première mondiale de l’œuvre de Nan-Chang Chien, Les 12 Animaux du Zodiaque Chinois. Il s’agit d’une œuvre de commande, composée pour célébrer le 40ème anniversaire du Chœur Philharmonique de Taipei. La poétesse taïwanaise Mei-

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Chen Lai s’est inspirée de contes de fées et de vieilles légendes chinoises pour écrire chacun des 12 poèmes qui forment ce cycle autour des 12 signes du zodiaque chinois. "Pour le texte [du poème] Serpent, je me suis inspirée du Conte de Madame Serpent Blanc – indique la librettiste –, une histoire d’amour dont l’héroïne est une femme qui sacrifie tout pour protéger son amant et sa famille. En tant que femme, je veux rendre hommage à toutes les femmes chinoises traditionnelles, qui se sacrifient généralement pour leurs familles, avec ce portrait d’une femme forte et humble: Madame Serpent Blanc."

Mais Lai ne s’arrête pas au Serpent, et attribue à chaque signe du zodiaque une histoire spécifique, tantôt romantique, tantôt sérieuse ou encore comique. Ces histoires, pour la plupart bien connues de l’ensemble de la population sinophone, ont sensiblement stimulé l’imagination du compositeur lorsqu’il travaillait sur la musique de l’œuvre.

"Il est important d’apprendre les techniques occidentales, mais nous devons puiser une part de notre inspiration dans notre propre culture", avait déclaré le compositeur, le professeur Chien. "J’ai eu des images et des sons dans la tête dès que j’ai vu quelques extraits de son livret, mais j’ai aussi rajouté des onomatopées et des effets sonores qui n’étaient pas dans le texte original. J’espère qu’elle ne m’en voudra pas pour ces petites infidélités". Le résultat final fut une belle réussite. Les 12 Animaux du Zodiaque Chinois ne sont pas uniquement une composition d’une heure pour chœur et orchestre chinois. Il s’agit d’une alliance de musique, de poésie, de théâtre, d’effets sonores, de jeux d’enfants, de masques, de costumes et d’accessoires et d’improvisation. Grâce à la sonorité unique des instruments chinois et à l’atmosphère orientale invoquée sur scène par le chœur, la première fut un succès retentissant. Au cours des deux concerts donnés, cette œuvre novatrice fut applaudie par quatre mille spectateurs. La professeur Theodora Pavlovitch (Bulgarie) a déclaré à l’issue du premier concert: "C’est une œuvre si unique, si intéressante, si pittoresque. Quelle merveilleuse façon d’ouvrir le festival!".

En plus du concert d’ouverture, l’édition 2012 du TCIF a introduit 6 chœurs exceptionnels dans la programmation concerts du festival: l’Eva Quartet (Bulgarie), le Chœur d’enfants et de jeunes filles de l’Orchestre Symphonique National (Chine), le Kammerchor Stuttgart (Allemagne), le PUST (Norvège), le Chœur Mandaue d’enfants et de jeunes (Philippines) et VOCES8 (Royaume-Uni). Tous les soirs, du 28 juillet au 5 août, des milliers de spectateurs ont été conviés à découvrir le répertoire fascinant de ces groupes, à apprécier leur savoir-faire vocal, ainsi qu’une merveilleuse atmosphère multiculturelle, au National Concert Hall de Taipei et dans diverses salles de concert taïwanaises. En comptant les matinées gratuites organisées dans divers espaces publics à Taipei, l’édition 2012 du TICF a présenté à Taïwan un total de 25 concerts à des dizaines de milliers de spectateurs.

De fait, depuis sa fondation en 1996, le TICF a organisé plus de 200 concerts avec plus d’une cinquantaine de chœurs exceptionnels venus des quatre coins du globe. En 2012, le Kammerchor Stuttgart (dirigé par Frieder Bernius) était de retour au festival, effectuant par là son quatrième voyage à Taipei. Parmi les autres chœurs invités, citons The Tallis Scholars (dirigé par Peter Philips, Royaume-Uni), The Real Group (Suède), le Chœur d’enfants Cantemus de Hongrie (dirigé par Szabó Dénes), The Australian Voices (dirigé par Stephen Leek, Australie), le Vancouver Chamber Choir (dirigé par Jon Washburn, Canada), la Cantoría Alberto Grau (dirigée par Maria Guinand, Venezuela), l’Incheon City Chorale (dirigée par Hak-won Yoon, Corée du Sud) et le Chœur Mondial des Jeunes (dirigé par André Thomas). Depuis des années, le festival ne manque pas d’offrir à son public des concerts d’une qualité vocale exceptionnelle, et des occasions d’apprentissage uniques aux participants à ses ateliers.

Les intérêts musicologiques de Joseph Vella Bondin, basse de formation, portent principalement sur la musique maltaise au sujet de laquelle il a beaucoup écrit. Son histoire de la musique à Malte est la seule de son espèce, et le premier volume, Il-Mużika ta’ Malta sal-Aħħar tas-Seklu Tmintax, a reçu le Prix National du Book Council en 2001 dans la catégorie recherche. Il a contribué à la seconde édition du New Grove Dictionary of Music and Musicians et au Repértoire International de Littérature Musicale (1995-2002), publié à New York. Son édition moderne du Stabat Mater de Girolamo Abos (1750) fut publié de même que sa magistrale étude du compositeur (AR-Editions, USA, 2003). Il a co-écrit, avec John Azzopardi et Franco Bruni, The Nani Composers (2007). Depuis 2001, il est consultant musical auprès de la banque APS, œuvrant à la production de ses concerts annuels de gala et de la série de CD consacrée aux compositeurs maltais. Courriel: [email protected]

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International de Taipei est un événement à ne manquer sous aucun prétexte!

Traduit de l’anglais par Marie Chanet, France •

Une célébration internationale de l’art choral et de l’amitié interculturelle (p 62)Yin-Chu Jou, FAF Directrice artistique/Représentante de l’ONU et de l’UNESCO

New York, NY - La richesse de l’expression chorale – et sa capacité de promouvoir une bonne volonté interculturelle – n’a pas été plus évidente qu’en juin

dernier au premier festival annuel de Rhythms of One World (Rythmes d’un monde), le festival choral international de New York.

Rhythms est un festival avec une mission: promouvoir la paix à travers les échanges culturels – ce qui s’inscrit au cœur de la vision de la Friendship Ambassadors Foundation (FAF) pour un monde où on se soutient mutuellement. Par ailleurs, ce fut la toute première célébration de l’anniversaire des Nations Unies (26 Juin 1945). Un concert télévisé exceptionnel eut lieu dans la salle emblématique de l’Assemblée générale des Nations Unies, peu de temps avant sa fermeture pour être rénovée, devant une large audience reconnaissante de diplomates et autres invités importants.

L’argent recueilli par le concert à l’Avery Fisher, Lincoln Center quasiment complet fut réparti entre plusieurs ONG internationales, et ce concert fut salué par le New York Times ainsi que d’autres médias.

Conçu par Yin-Chu Jou et Patrick Sciarratta de la FAF et dirigé par Gary Fry, compositeur titulaire du prix Emmy et directeur artistique, ce festival non compétitif a réuni sept ensembles choraux d’élite de tous les coins du globe. Les chorales avaient été sélectionnées pour leur excellence et leur capacité de présenter la musique de leurs cultures indigènes. Le résultat fut remarquable, avec des groupes non seulement extrêmement musicaux mais qui couvraient une large variété d’âges, de lieux géographiques et de genres musicaux, au grand plaisir de leur audience new-yorkaise reconnaissante.

D’Australie venait le University of Newcastle Chamber Choir (Philip Matthias, directeur) dans un répertoire coloré incluant des imitations de chants d’oiseaux australiens et des chants diphoniques. Le Norwegian Girls Choir renommée (AnnaKarin Sundal-Ask, directrice) a présenté d’une façon dramatique de

En effet, les ateliers et les master-classes jouent un rôle très important au sein du TICF. Tous les ans, des centaines de participants venus de Taïwan et des quatre coins de l’Asie (Chine, Hong-Kong, Malaisie, Singapour, etc.) se rassemblent à Taipei pour participer à ces ateliers. En 2012, les professeurs Theodora Pavlovitch (Bulgarie) et Fred Sjoberg (Suède) ont chacun encadré un atelier de direction de chœur de dix sessions, qui comportaient différents niveaux et différents types d’œuvres chorales de genres multiples. Grâce à l’éventail de ce répertoire, les participants aux deux ateliers ont pu rafraîchir leurs connaissances en matière de direction de chœur, améliorer leurs techniques de répétition, élargir leur répertoire choral et se familiariser avec différents styles musicaux. "L’atelier direction de chœur [du TICF] représente une merveilleuse opportunité pour les étudiants qui envisagent de poursuivre des études supérieures dans ce domaine. Il est d’une grande utilité", avait affirmé Leon Chu, un participant venu de Hong-Kong à l’atelier de direction.

Contrairement aux ateliers de direction de chœur, la master-class de direction de chœur en 10 sessions, animée par le chef hongrois Gábor Hollerung, se concentrait sur une œuvre unique en un mouvement, pour chœur et orchestre. Au cours des éditions précédentes, on a pu retrouver au festival des œuvres telles que le Dixit Dominus de Haendel, des extraits du Messie, les Vesperae Solennes de Confessore Krönungsmesse de Mozart ou encore le Requiem de Fauré. En 2012, l’œuvre au programme était la Petite messe solennelle de Rossini. Sous la supervision du chef Gábor Hollerung, les participants ont approfondi leur connaissance de l’œuvre étudiée, et analysé leurs techniques de direction et de répétition en travaillant avec les chanteurs et les musiciens au cours des leçons. À la fin du festival, les participants ont eu l’occasion de diriger l’Orchestre et le Chœur Philharmonique des Jeunes de Taipei dans cette œuvre, à l’occasion d’un concert de gala.

La nouveauté de l’édition 2012 du TICF est le Children Choir Camp, un camp choral pour enfants organisé sur une semaine. Une centaine d’enfants venus de Chine et de Taïwan ont eu la chance de travailler avec le professeur Kari Ala-Pöllänen (Finlande); ils ont ainsi pu faire l’expérience de la beauté et du caractère ludique de la pratique musicale au sein d’un chœur. Le concert final fut galvanisant, riche en résonances et en rires d’enfants. Le professeur Ala-Pöllänen a également donné une série de conférences à l’attention des participants aux ateliers, sur les thèmes du répertoire pour chœurs d’enfants, des techniques de pratique vocale, des questions de développement, etc.

Le sommet de l’édition 2012 du TICF fut le concert final du 5 août, à l’occasion duquel le Chœur du Festival et l’Orchestre Philharmonique des Jeunes de Taipei ont interprété la Messe en Do Majeur de Beethoven, sous la direction de Gábor Hollerung. Le chœur du festival comprenait 150 jeunes chanteurs, qui avaient participé à l’atelier destiné aux choristes. Ils ont répété l’œuvre au cours de la semaine de festival, reçu des leçons de chant et participé à des ateliers supervisés par des chœurs invités internationaux, assisté à des conférences et à l’ensemble des concerts du festival programmés lorsqu’ils n’étaient pas en train de répéter. Ce fut une expérience formatrice intense pour ces jeunes chanteurs, et le résultat fut phénoménal. Ces choristes de la nouvelle génération ne sont pas seulement venus à bout de la Messe de Beethoven; ils ont aussi proposé au public une voix nouvelle, jeune et brillante.

Cette année, le TICF se tiendra du 27 juillet au 4 août. Les invités compteront 6 chœurs internationaux et 10 ensembles locaux; 4 séries d’ateliers et de master-classes seront organisées pour les participants, et 25 concerts seront programmés au National Concert Hall et dans tout Taïwan. Le Festival Choral

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Yu-Chung John Ku est le directeur musical du Chœur Philharmonique de Taipei. Il est aussi chargé de cours à l’Université de la Culture Chinoise de Taïwan, et représente l’un des six membres de l’équipe de la FIMC en Asie-Pacifique. Ku a entre autres préparé le chœur pour les chefs d’orchestres Frieder Bernius, Günther Herbig, Jahja Ling et Helmuth Rilling. Il a dirigé dans le monde entier, notamment au Carnegie Hall, au Centre National des Arts de Pékin, à l’École de Musique Nationale de Sofia, en Bulgarie et lors du concert international de la Convention Nationale 2011 de l’American Choral Directors Association. Par ailleurs, il travaille comme chef d’orchestre invité, juré et consultant-formateur dans de nombreux pays. Ku est doctorant au College-Conservatory of Music de l’Université de Cincinnati, et possède un Master de l’Université Temple de Philadelphie. Courriel: [email protected]

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Les choristes ont appris les uns des autres aux différents ateliers. Par exemple, ceux qui ont participé à l’atelier de la Kearsney College Choir ont appris une chanson africaine en zoulou, avec les mouvements. La University of Newcastle Chamber Choir a utilisé la musique du compositeur australien Iain Grandage, afin de donner un séminaire fascinant sur le chant diphonique. Ces ateliers ont offert un aperçu intéressant et éducatif sur les styles de musique, souvent peu connus parmi les chorales en dehors de ces pays.

Un point marquant du festival fut les deux concerts présentés par des grandes chorales, où chaque chorale a interprété un programme court et s’est ensuite jointe à d’autres pour former une grande chorale de 350 chanteurs. La première de ces collaborations spectaculaires a commencé avec la représentation de la grande chorale de Song of Peace (Chant de paix) (chorégraphié sur le morceau connu de Finlandia par Jean Sibelius) arrangé par le directeur artistique du festival, Gary Fry, comprenant une ouverture a cappella et une fin très rythmique avec des percussions africaines. Durant les concerts au Lincoln Center et à l’ONU, chaque chorale est ensuite apparue individuellement, devant une audience ravie jouissant d’une cascade de styles musicaux différents comme s’ils voyageaient dans sept lieux exotiques. Finalement, tous les participants se sont réunis pour une représentation radieuse de Rhythms of One World par Fry, une chanson contemporaine de célébration commandée expressément pour le festival. Il existait un symbolisme satisfaisant dans le fait que pour le numéro d’ouverture du concert, toutes les chorales portaient leurs propres costumes, mais pour ce dernier numéro, elles ont toutes porté exactement les mêmes vêtements du festival et l’audience a appris une parole de la chanson, ce qui fait que

finalement, même eux ont pris part à la grande chorale.Le point culminant du festival fut le second concert de

la grande chorale, cette fois-ci pas dans une salle de concert traditionnelle, mais dans un endroit connu à travers le monde pour les efforts faits envers la promotion de la paix internationale: la salle de l’Assemblée générale des Nations Unies. C’est ici, au-delà de la musique, que le concept du festival a touché une corde sensible. C’est ici, dans un endroit habitué aux discours, qu’a retenti le son glorieux de personnes venues du monde entier chantant pour célébrer leur unité dans la diversité. C’est ici, dans un endroit si souvent concerné par les conflits et les disputes, qu’étaient présents l’harmonie au niveau musical et le sens humain. C’est ici qu’il y eu de la musique, et un sentiment profond parmi les dignitaires rassemblés que ces praticiens de l’art choral ont également donné un exemple significatif de respect, de coopération et d’amitié interculturels. C’est ici que fut vraiment reconnue la mission du festival.Pour plus d’informations, veuillez visiter www.faf.org

Traduit de l’anglais par Emmanuelle Fonsny, Australie •

la musique de Grieg ainsi que de compositeurs norvégiens contemporains.

La musique traditionnelle américaine des Appalaches, présentée avec accompagnement au violon, banjo, guitare et contrebasse, a formé le noyau du répertoire engageant du Appalachian Children’s Chorus de Virginie-Occidentale (Selina Midkiff, directrice). Le Signal Hill Alumni Choir des îles de Trinité-et-Tobago (John Arnold, directeur), vêtu de costumes colorés, a produit une présentation joyeuse à l’aide des rythmes contagieux et des harmonies séduisantes des chants caribéens.

Les Voices International (Voix internationales) de Luxembourg (Thomas Raoult, directeur) se sont vantés de chanteurs de 22 nationalités différentes dans le groupe, et ont offert un répertoire varié de musique classique européenne ainsi que des chants spirituels et populaires. La musique des artistes des Inuits (esquimaux) a été interprétée par les représentants canadiens du festival, les County Town Singers (Chanteurs de la préfecture) (Barbara Ouellette, directrice).

Et 65 jeunes hommes d’Afrique du Sud ont chanté et dansé un programme captivant de musique africaine avec des lances, des bottes en caoutchouc et des tambours tribaux, marquant le festival comme souvenir de la longue tournée des États-Unis de leur Kearsney College Choir (Bernard Krüger, directeur). À la fin de cette tournée, également facilitée par la FAF, ils ont remporté une médaille d’or et le titre de champions du monde aux World Choir Games (Olympiade chorale mondiale) en juillet.

Tous ceux qui ont assisté aux concerts du festival Rhythms ont littéralement vécu le monde de la musique chorale traditionnelle, populaire et régionale d’une façon qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Et toux ceux qui ont observé la camaraderie et l’esprit joyeux des chanteurs et les audiences très captivées à chaque concert, ont pu clairement voir le pouvoir de la musique chorale en tant que superbe moyen de promouvoir l’amitié internationale. Le festival annuel et son message constitueront une importante étape vers un monde en paix.

Unis par le chant aux Nations UniesDurant la semaine du festival, chaque chorale a eu

l’opportunité de présenter des concerts individuels, de donner des ateliers concernant leur répertoire culturel, et de participer à des représentations avec une grande chorale. Les concerts individuels ont été présentés dans des lieux tels que le Merkin Hall au Kaufman Center, plus intime (450 places) et favorable au niveau acoustique pour les programmes de chorales. Ces représentations sont souvent devenues particulièrement instructives pour les membres de l’audience, lorsque les directeurs étaient encouragés à partager les idées et le contexte du répertoire et son importance musicale et culturelle.

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Etre chef de chœur quand les temps sont durs (p 65)Tobin Sparfeld, chef de chœur et enseignant

Bien des chœurs ont réussi malgré des difficultés financières dans des conjonctures économiques saines et prospères. Dans le monde d’aujourd’hui, cependant,

les perspectives fiscales pour de nombreux chœurs peuvent sembler décourageantes, voire sinistres. Le processus des coupes budgétaires et les chiffres de comptabilité en baisse peuvent faire entrevoir un avenir déprimant. Cette dépression tendrait à nous décourager et à nous détourner de nos tâches primaires — faire de la bonne musique et enseigner à nos jeunes choristes.

Si dure que soit votre situation financière, votre chœur peut avoir du succès, même avec des ressources très limitées. Avant de discuter les tactiques spécifiques propres à faire durer votre argent plus longtemps, voici les deux commandements à suivre qui permettent presque toujours d’en économiser. 1. Voyez loin. Il est beaucoup plus facile de trouver une solution

bon marché à un problème quand vous avez du temps pour penser. Engagez-vous à planifier les activités et le répertoire des mois à l’avance (planifier une année entière est très utile pour les événements annuels). L’inspiration ne vient pas sur commande. C’est un processus d’essais et erreurs, qui demande parfois plus d’efforts que prévu.

2. Utilisez vos choristes. Ils ne demandent qu’à aider. Demandez-leur des suggestions sur tout ce qui touche le chœur. Un collègue m’a raconté une anecdote intéressante: il avait chargé les jeunes hommes de sa chorale de trouver une enclume pour le Chœur des gitanes de Verdi à l’occasion d’un prochain concert. Toute feu toute flamme, ils en ont fait une chasse au trésor! Découvrez les talents cachés de vos choristes et de leurs familles. Ils vous seront précieux un jour.

J’ai regroupé les idées suivantes en cinq catégories: musique, local de répétition, tournée/voyages, recherche de fonds et publicité/recrutement. Aucune de ces idées n’est particulièrement nouvelle, beaucoup relèvent du sens commun. Néanmoins, elles nous servent d’aide-mémoire utile dans des circonstances financières difficiles, puissent-elles vous inspirer d’autres possibilités.

Musique – votre répertoire choral consiste essentiellement en trois catégories: œuvres traditionnelles / historiques, chants populaires / traditionnels de différentes cultures, et œuvres contemporaines. Sans grand effort, vous pouvez vous procurer de la musique de deux des trois catégories pour à peu près rien.• Consultez les sites web du domaine public tels que CPDL.

org et IMSLP.org. Ils sont bien connus et discutés depuis des années, mais tous deux ont considérablement amélioré leur sélection avec le temps et vous offrent du répertoire DP gratuit. La définition du domaine public varie selon les pays, donc soyez sûrs d’avoir la loi de votre côté.

• Arrangez votre propre musique folklorique / traditionnelle. Ne vendez pas vos talents à perte. Vous pouvez arranger une pièce sur mesure pour vos choristes. Dans de nombreux cas, vous pouvez utiliser des instruments et des registres plus appropriés à votre ensemble que ceux de la partition. Bien

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des arrangements publiés ont été composés par des chefs de chœur avec peu ou pas de moyens et pour les besoins spécifiques des choristes.

• Certains chœurs ont commencé à facturer individuellement les partitions aux choristes. A la fin de l’année, les choristes peuvent en faire don au chœur (ou le chœur peut les leur racheter à la valeur nominale), ce qui constitue une partithèque chorale. La charge financière revient aux choristes, mais cela peut aider à défrayer le chœur.

Lieu de répétition – soyez créatif et ne rejetez aucun lieu possible avant de l’avoir visité vous-même. Cherchez des lieux dans votre quartier qui ne sont pas utilisés au moment où vous répétez. Par exemple:• Églises et autres lieux de culte• Écoles • Bâtiments publics• Maisons de retraite/de soins• Centres commerciaux ou autres centres communaux• Propriétés non vendues/non utilisées• Lieux d’habitation

Quand j’étais choriste, j’ai répété dans tous les lieux ci-dessus. Certains avaient des défauts; d’autres convenaient étonnamment au chœur. Bien des organisations et bien des gens sont disposés à vous laisser utiliser leur espace pour un prix réduit, ou peut-être en échange d’un concert gratuit.

Tournée/voyage — ne pas avoir des fonds n’est pas une raison de ne pas participer à la merveilleuse activité qu’est une tournée avec votre ensemble. Les voyages donnent à vos choristes un but à atteindre et contribuent énormément à la cohésion du groupe.• Échanges – accueil en famille — offrez d’accueillir un groupe

d’une autre région chez vos choristes, il vous accueillera en échange dans son pays

• Dans vos plans de voyage, envisagez des formules pour accompagnants payants, afin de subventionner les frais de voyage des choristes.

Recherche de fonds en général – il y en a plusieurs catégories: vente, services, échange ou publicité. La recherche de fonds fonctionne mieux si vous annoncez un but spécifique de votre requête plutôt qu’un besoin général. Un appel de fonds pour acheter de nouveaux podiums ou pour une tournée aura plus de succès que pour constituer un capital de fondation ou pour payer une dette.• Entreprises professionnelles de recherche de fonds: de

nombreuses entreprises offrent aux organisations la possibilité de trouver des fonds en vendant leurs produits. Cela peut être un moyen facile de trouver de l’argent, mais vos profits sont partagés entre votre chœur et l’entreprise.

• Vente de matériaux donnés: collectez des objets donnés par les choristes ou la communauté et organisez une vente.

• Vente aux enchères: des entreprises locales peuvent vous donner des bons (gratuitement ou à prix réduit). En les mettant aux enchères, vous pouvez les vendre au plus offrant et réunir plus d’argent que la valeur initiale.

• Vente de tickets: demandez aux choristes d’acheter chacun dix tickets (ou un autre nombre précis) qu’ils devront revendre avant le concert. De nombreuses productions théâtrales utilisent cette méthode pour acheter les accessoires avant la représentation. C’est une charge financière imposée à vos choristes pour les tickets qu’ils ne peuvent pas vendre, mais

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Choral Technique

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cela les engage à aider le chœur.• Rafler un grand prix ou plusieurs petits (épluchez les lois

locales relatives à ces événements): tickets d’avion, vacances, véhicules, électronique, appareils ou argent liquide.

• Concert spécial de solidarité au bénéfice du chœur.• Services et autres événements: opération lavage de voitures

collectif, marche-collecte, concert-collecte, repas-collecte etc.• Chanter aux mariages, SMS chantants, aubades/sérénades

pour la Saint-Valentin ou d’autres jours de fête• Demandez à un restaurant local ou à un magasin: certains

sont disposés à vous donner un pourcentage de leur bénéfice de la semaine ou de la soirée (vous leur adresserez, bien sûr, autant de clients que possible pendant cette période).

• Bourses et entreprises sponsors: il y a des livres entiers sur la manière de présenter un dossier de candidature à une bourse d’Etat, je ne m’étendrai donc pas sur le sujet. Des corporations de toutes tailles peuvent accepter d’encourager votre ensemble. Nouez des relations avec des entreprises grâce à vos choristes et des proches du public.

• Échange de services – demandez un rabais contre publicité dans votre organisation. Le pire qui puisse arriver est qu’ils répondent "non".

• Vendez des annonces publicitaires dans vos programmes de concert.

Publicité et recrutement• Le recrutement le moins cher est le maintien des effectifs –

écrivez un petit mot gentil à chaque choriste en les remerciant de leur participation à la fin de l’année. Si vous avez un grand groupe, écrivez-en chaque semaine quelques uns.

• Chantez dans les écoles ou là où les jeunes se retrouvent.• Répétitions ouvertes. Annoncez une répétition ou les

choristes peuvent amener quelqu’un.• Des études ont révélé que le bouche à oreille est la meilleure

propagande. Et c’est gratuit. Explorez tous les moyens possibles de faire parler de votre chœur. Vos choristes peuvent répandre la bonne parole. Pensez aux moyens qui fonctionnent le mieux dans votre communauté.

• Un moyen de communication moins efficace mais gratuit est le communiqué dans la presse locale. Cela peut contribuer à accroître l’affluence du public. Ecrivez vous-mêmes le chapeau et l’article, fournissez des informations de fond et vos coordonnées.

J’ai pratiqué ces méthodes en tant que chef de chœur et choriste. Certaines fonctionneront mieux que d’autres chez vous. Presque toutes vous demandent un surcroît d’efforts: planning, recherche, négociation et communication. Ce n’est peut-être pas très gratifiant sur le moment, mais rappelons-nous que cet argent nous aide à faire notre devoir de musiciens, que Robert Shaw a défini ainsi:

"Nous sommes tous au service d’une excellence et d’une créativité humaine très supérieure à la nôtre, et nous avons la responsabilité de rendre cette beauté et cette excellence accessible à toute l’humanité, et pas seulement à une étroite classe: ne l’oublions jamais, et ne laissons personne l’oublier".1

En faisant plus avec moins, nous rendons l’art choral accessible

1 Blocker, Robert., ed. The Robert Shaw Reader. New Haven: Yale University Press, 2004, p. 388.

à une plus grande part de l’humanité et nous permettons aussi à davantage de choristes de participer. Comme nous croyons tous que la musique peut guérir l’humanité, faisons briller notre art de toute sa splendeur, dans un effort édifiant pour notre prochain au moment où il en a le plus besoin.

Traduit de l’anglais par Sylvia Bresson, Suisse •

Le signe manquéLe chant grégorien et la sémiologie (p 68)Aurelio Porfiri, chef de chœur et professeur

Le chant grégorien a connu, durant ces dernières décennies, un sort très étrange. Tout d’abord, il y a eu la manière dont la réforme liturgique d’après le Concile Vatican II (1962-

1965) a fait que le seul répertoire reconnu par l’Église catholique soit devenu étranger dans son propre pays. Je ne vais pas aborder ce sujet, très controversé dans les cercles musicaux de l’Église et source de débats sans fin. Mais d’autre part, ce répertoire a connu un renouveau grâce aux CDs, aux arrangements pop (tels que ceux réalisés par le groupe ‘Enigma’ entre autres) et surtout grâce à des études universitaires qui ,depuis quelques dizaines d’années, jettent un coup de projecteur nouveau sur ce répertoire. Aussi, nous remarquons que la période du Moyen Âge connaît depuis peu un regain d’intérêt, grâce aux films et fictions mettant en scène des personnages clairement inspirés des "siècles chrétiens", comme par exemple la trilogie du "Seigneur des Anneaux" de Tolkien (les livres et, surtout, les films) ou les séries comme "Game of Thrones". Or le chant grégorien, comme nous le savons tous, est la base sonore de l’époque médiévale: il bénéficie donc aussi de la naissance d’un intérêt croissant pour cette époque. Nous assistons à un véritable développement des études sur le chant grégorien et la sémiologie grégorienne sachant que, qu’on le veuille ou non, le chant grégorien est l’origine de la musique occidentale traditionnelle. Il est donc important de le connaître plus profondément2.

S’il est bien un lieu fortement associé au Chant Grégorien du milieu du XIXème siècle à nos jours, c’est sans doute l’abbaye de Solesmes, en France. "Pourquoi donc?", demanderez-vous? Parce

2 Je tiens à remercier le Professeur Nino Albarosa, chef de chœur réputé, qui a gentiment accepté de lire cet article et d'apporter quelques suggestions pour l'améliorer. Évidemment, les éventuelles imperfections relèvent de ma seule responsabilité.

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Ancien membre du St. Louis Children’s Choir, Tobin Sparfeld a parcouru le monde entier en tournée, de Vancouver, British Columbia, Canada, à Moscou en Russie. Tobin a aussi chanté avec Seraphic Fire et Santa Fe Desert Chorale. Il a travaillé avec des chœurs de tous les âges, en tant que directeur musical assistant du Miami Children’s Chorus et directeur associé du St. Louis Children’s Choir. Il a aussi enseigné au Principia College et dirigé les activités chorales de Millersville University en Pennsylvanie, assisté le chef du Civic Chorale of Greater Miami. Tobin a obtenu son DMA en direction à l’University de Miami en Coral Gables, auprès de Jo-Michael Scheibe et de Joshua Habermann. Il a également obtenu un Artist Teacher Diploma du CME Institute dirigé par Doreen Rao. Il dirige actuellement la Division musique du Los Angeles Mission College, dans le Los Angeles Community College District. Courriel: [email protected]

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que, grâce à l’impulsion donnée par le grand restaurateur de la vie monastique et champion de la liturgie romaine en France dans la deuxième moitié du XIXème siècle, Dom Prosper Guéranger (1805-1875), des études sérieuses ont été menées sur ce répertoire dans le but d’atteindre un objectif très important: restaurer les mélodies dans leur forme originale et leur beauté (dans la mesure où cela était possible à partir des manuscrits disponibles), ce qui a permis de les retrouver après plusieurs siècles de décadence qui les rendaient presque méconnaissables. Cette décadence est représentée clairement par une édition du XVIIème siècle des mélodies grégoriennes, le "Médicis"3.. Cette abbaye de Solesmes était le centre d’un mouvement de chant grégorien, célèbre pour ses érudits qui menèrent jusqu’à notre époque ce mouvement. Ces études permettent de mieux comprendre le chant Grégorien, et constituent un grand pas en avant dans deux domaines: une meilleure compréhension des modalités grâce à un moine de Solesmes, Jean Claire (1920-2006), et le développement d’une sémiologie grégorienne (l’étude des signes).

Qu’est-ce donc que cette sémiologie grégorienne? Il s’agit d’une nouvelle compréhension de la signification, de la diversité et des valeurs des neumes trouvés dans les manuscrits médiévaux, (signes utilisés pour représenter des lignes mélodiques, un neume groupant toutes les notes d’une syllabe donnée). Ils étaient, bien sûr, déjà connus par les grands Grégorianistes de Solesmes comme Dom Joseph Pothier (1835-1923) et surtout Dom André Mocquereau (1849-1930), mais ils ont été réexaminés et portés vers une vie nouvelle grâce à l’étude d’un autre moine de l’abbaye de Solesmes, Dom Eugène Cardine (1905 - 1988). En effet, les études pionnières de Pothier et Mocquereau menèrent à ce qui est considéré comme la première phase de restauration du chant grégorien. Cardine et Claire étant les principaux représentants de la deuxième phase, à partir des années 50 (Turco 1991, page.38). Comme mentionné plus haut, Dom Cardine comprendra que les neumes peuvent nous en dire plus à propos de l’interprétation et du rythme que ce qui a été établi précédemment; néanmoins, il manquait quelque chose:

"(...) Cardine concentrait son attention sur la diversité extrême des signes trouvés dans les manuscrits les plus anciens. Il en arriva peu à peu à la conviction que cette diversité était destinée à exprimer les particularités et les nuances délicates d’expression dans le jeu des durées et des intensités" (Combe 2003, page XV).

Le livre qui va propager cette idée nouvelle de la sémiologie est une recompilation de ses cours à l’Institut pontifical de musique sacrée de Rome, dans un ouvrage intitulé "Sémiologie Grégorienne". Ce livre est maintenant traduit en plusieurs langues. L’idée qui sous-tend cette compréhension plus moderne de Dom Cardine est simple: malgré le fait que ses grands prédécesseurs (notamment Pothier et Mocquereau) étaient familiers avec les neumes, ils passaient à côté d’une compréhension profonde de ce qui se trouve dans les neumes eux-mêmes. Ils n’étaient pas seulement importants pour la reconstruction des mélodies, mais ils donnaient aussi des indications fondamentales sur le rythme et l’expression. Nous savons tous que la théorie rythmique la plus populaire était celle développée par Dom André Mocquearau dans les deux volumes de son ouvrage "Le Nombre musical grégorien". Dans ce livre, il a tenté une explication de la rythmique du chant

3 Les raisons de cette décadence sont multiples, et sont principalement dues à un changement des goûts musicaux au cours des siècles, qui apporteront une altération constante des éléments mélodiques et rythmiques.

grégorien qui deviendra très populaire au XXème siècle. Cette théorie suggère la subdivision rythmique des neumes grégoriens en groupes de deux ou trois notes régies par un accent appelé ictus. Elle va constituer une percée en son temps, mais elle a aussi des limites: en effet, il semble que le chœur de Solesmes lui-même n’ait jamais vraiment suivi les théories rythmiques de Dom Mocquereau, et elles sont maintenant considérées comme "dépassées". Comme déjà mentionné, celui qui va ramener à la vie l’âme intérieure du neume sera Dom Cardine avec sa sémiologie. Cette idée sera menée par deux critères:

"Le premier appartient à l’ordre matériel ou graphique, et considère la conception ou la configuration des signes. Le second appartient à l’ordre esthétique, et tient compte du contexte musical dans lequel chaque signe est utilisé. C’est une véritable enquête sur la convergence de ces deux critères, et une question de comparaison des cas identifiés dans chacune des différentes notations" (Combe 2003, XVI).

Pourquoi cela s’appelle-t-il la sémiologie? Au début, Dom Cardine préférait appeler cette nouvelle science "diplomatie grégorienne", mais le nom ne sonnait pas bien et il lui a été suggéré de l’appeler "sémiologie grégorienne", nom qui sera ensuite utilisé. Le livre, extrêmement pratique pour l’interprétation du chant grégorien en suivant les principes sémiologiques redécouverts par Dom Cardine, est le Graduale Triplex qui, avec la notation de l’édition vaticane reproduit également les neumes de deux familles neumatiques anciennes et fiables: Laon et Saint-Gall. Aujourd’hui en effet, nous avons aussi le Graduale Novum, un ajout très récent de livres de chant, avec de nombreuses améliorations portant plus sur la restitution des versions les plus authentiques des mélodies. De nombreux chercheurs après Cardine (dont certains étaient ses étudiants à l’Institut Pontifical de Musique Sacrée de Rome) ont poursuivi l’enquête sur la sémiologie. Nous ne pouvons pas oublier ici Nino Albarosa, Alberto Turco, Luigi Agustoni, Johannes Berchmans Göschl, Giacomo Baroffio, Columba Kelly, Robert M. Fowells et beaucoup d’autres personnes.

Est-il possible d’interpréter le chant grégorien sans l’aide de la théorie de Dom Cardine? Bien sûr, et d’ailleurs plusieurs chœurs préfèrent ne pas utiliser la sémiologie. Mais je pense qu’il est très important de l’utiliser parce que les signes, lorsqu’on les considère avec des yeux sémiologiques, fournissent plus d’informations pour une bonne interprétation du chant, ils aident les artistes à approfondir la compréhension de la façon dont la mélodie "habille" le texte. En effet, c’est la grande intuition de Dom Cardine: pourquoi les anciens notateurs passaient du temps à faire de différentes manières le même neume? Parce qu’ils veulent nous en dire plus à propos de l’interprétation et des nuances, ils veulent communiquer un "geste écrit". C’est une façon de regarder plus profondément dans l’âme du chant. Nous pouvons dire que la sémiologie est un outil exégétique, qui fournit plus d’indications sur la pièce que la chorale va effectuer. L’espoir est que, sur le chemin de la liberté, les découvertes éclaireront de plus en plus la voie de ceux qui continuent à considérer le chant non pas comme une relique du passé, mais comme une tradition vivante.

RÉFÉRENCES• Agustoni L., Göschl J.B. (2006). Introduction to the

Interpretation of Gregorian Chant (Columba Kelly, Trans.). Lewiston , NY (USA): Edwin Mellen Press (Original publié en 1987).

• Albarosa N. (1974). La scuola gregoriana di Eugène Cardine. Rivista Italiana di Musicologia IX, 269-297.

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• Albarosa, N., Porfiri A. (2008). Ad Te Levavi Animam Meam. On the way to discovering Gregorian Chant (Lazina Gheyselinck, Trans.). Pohlheim (Allemagne): Edition Music Contact.

• Cardine, E. (1982). Gregorian Semiology (Robert M. Fowells, trans.). Brewster, MA (USA): Paraclete Press (Original publié en 1968)

• Combe, P. (2003). The Restoration of Gregorian Chant. Solesmes and the Vatican Edition (Theodore Marier & William Skinner, Trans.). Washington (USA): The Catholic University of America Press (Original publié en 1969).

• Mocquereau, André (1908). Le Nombre Musical Grégorien ou Rythmique Grégorienne. Tournai (France): Desclée & Cie.

• Porfiri, A. (2003). Canto Gregoriano e Polifonia. Liturgia, n.176.

• Turco, Alberto (1991). Il Canto Gregoriano. Corso Fondamentale. Rome (Italie): Torre d’Orfeo.

Traduit de l’anglais par Elodie Caille, France •

L’art de chanter - faire partie d’un ensembleUne suite d’entrevues occasionnelles pour l’ICB (p 72)Jeffrey Sandborg, Directeur des activités chorales et professeur de musique Wade au Collège de Roanoke

Le Hilliard Ensemble:Entrevue avec David James et Gordon Jones

Jeffrey Sandborg: Êtes-vous, tous deux, membres fondateurs?David James: Des quatre membres d’origine, je reste seul. Gordon Jones: Quant à moi, je fais partie du groupe depuis 1990 - Ça fait maintenant plus de 20 ans.

JS Le Hilliard Ensemble est-il votre travail à temps plein?GJ On n’a pas le temps de faire autre chose.DJ En tant que groupe, nous donnons parfois des "masterclasses", et d’autres activités de ce genre. Aucun d’entre nous n’a d’autre emploi: c’est notre gagne-pain.GJ Nous donnons jusqu’à cent concerts par an, plus les enregistrements ainsi que d’autres projets, tout en tenant à jour le site Web.

JS Outre ce calendrier de concerts bien rempli, à quelle fréquence répétez-vous?DJ Bonne question!.... Nous n’avons pas de calendrier de répétitions: nous répétons quand nous en avons besoin.GJ C’est très bien, pour nous: rien de pire que répéter quand on n’en a pas besoin. Nous devons apprendre beaucoup de musique composée pour nous, alors nous organisons des répétitions pour cela. Cependant, si pendant un certain temps nous chantons

notre répertoire courant et n’avons rien de neuf à apprendre, alors nous n’avons pas besoin de beaucoup répéter. C’est aussi simple que cela. DJ Nous ne disons pas "il faut répéter cette semaine": nous chantons tellement de concerts, et passons tellement de temps à voyager ensemble, que nous faisons l’apprentissage et les répétitions en chemin: nous trouvons qu’en général ça suffit, de sorte qu’entre les voyages nous tâchons de limiter au minimum les répétitions.

JS Combien de programmes différents utiliserez-vous en alternance, pour cette centaine de concerts?GJ Nous avons un bon nombre de programmes réguliers, établis. Il y a au moins dix programmes que nous donnons régulièrement, peut-être davantage. Mais en outre, il y a plusieurs programmes qu’on ne fait qu’une fois, lors de festivals ou d’autres événements autour d’un thème donné. Et quand une oeuvre majeure est écrite à notre intention, c’est une tout autre sorte de programme. Au total, nous travaillons une quantité considérable de répertoire.

JS Vous qui commandez tellement de répertoire nouveau, comment décririez-vous votre façon d’apprendre une œuvre nouvelle?GJ Notre mot d’ordre est: "peu, mais souvent". Je crois que nous sommes plus heureux d’apprendre une nouvelle pièce en tournée, parce que nous pouvons lui consacrer environ une heure chaque jour dans une chambre d’hôtel, plutôt que d’essayer de nous rencontrer, disons, à Londres. Car dans ce cas, pour qu’une répétition en vaille la peine, il faudrait travailler trois heures, et trois heures sur une oeuvre nouvelle c’est trop. Nous trouvons que les choses tombent beaucoup mieux en place à petites doses.DJ C’est extraordinaire, la façon dont ça fonctionne; et si vous demandiez "pourquoi ça marche? ", je ne saurais pas vous répondre. Il me semble qu’un court laps de temps est excellent en termes d’apprentissage musical. Quelque chose que nous avons regardé pendant une heure hier semblera plus facile aujourd’hui. Étonnamment, c’est presque toujours le cas.GJ Très souvent, nous rencontrons une difficulté dans une nouvelle oeuvre chorale. Il y aura, peut-être, un seul accord qui ne marche pas, et on ne peut passer de A à C via B parce que B n’est pas en place. Parfois, nous nous battons pendant un certain temps avec cela: il n’est pas toujours évident laquelle de cerner laquelle des voix doit s’ajuster.

JS Quand je vous ai entendus en concert avec Garbarek, j’ai pensé: "et si la pièce baissait d’un quart de ton, et que le saxophone entre ensuite sur ce qui est pour lui la note juste?". Cela vous arrive-t-il?GJ Il faut parfois négocier avec lui, par exemple quand ses anches se comportent mal. Vous l’entendrez jouer très doucement, et vous vous demanderez: a-t-il un problème de justesse?DJ La plupart du temps, nous arrivons à rester dans le ton. Nous savons quelles sont, dans les harmonies, les notes importantes à garder absolument justes. Et Rogers (Covey-Crump) a une oreille vraiment fantastique pour la justesse. On sait que si on se base sur ce qu’il chante, ça ira. Je me répète que le tout est d’écouter, de savoir comment un accord sonne quand il est juste.GJ Je dois admettre que nous avons une préférence pour certaines tonalités: nous ne sommes pas très à l’aise dans les tonalités chargées en dièses. Je ne sais pas pourquoi, mais nous préférons certaines tonalités.

32Aurelio Porfiri est directeur des activités chorales et compositeur à l’école Santa Rosa de Lima (Macao, Chine), directeur des activités musicales de l’école pour filles de Notre-Dame de Fatima (Macao, Chine), chef d’orchestre du Département d’éducation musicale du Conservatoire de Shanghai (Chine), directeur artistique du Porfiri & Horvath Publishers (Allemagne). Ses compositions sont publiées en Italie, en Allemagne et aux USA. Il a contribué à plusieurs publications de plus de 200 articles sur des sujets liés à la musique chorale et à l’Église. Il est l’auteur de 5 livres. Courriel: [email protected]

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JS Quand vous travaillez une oeuvre que vous avez commandée, faites-vous participer le compositeur à la démarche?DJ Pas très souvent. D’ordinaire, ils ne sont pas dans les parages. Et nous trouvons que ça marche mieux quand nous travaillons par nous-mêmes. Peut-être en approchant de la date du concert, et alors ils pourront faire un commentaire ou un ajustement. Dans l’ensemble, nous trouvons meilleure cette façon de travailler: ils nous font confiance, nous allons faire tout le possible, et ça pourrait les satisfaire complètement. Si nous avons quelque scrupule que ce soit, nous pouvons toujours les joindre par téléphone ou par courriel.GJ Parfois, après avoir regardé la partition, nous sommes déroutés parce que les choses ne sont pas tout de suite évidentes. Il y a, peut-être, des notes que nous n’arrivons tout simplement pas à chanter. Avant le début du projet, nous envoyons par écrit l’information sur nos tessitures, et c’est étonnant comme de nombreux compositeurs n’en tiennent pas compte.DJ Et nous restons perplexes quand nous recevons une partition très annotée, avec des indications de nuances à chaque mesure: cela laisse bien peu à décider par les interprètes.

JS Alors quand vous recevez la partition, personne ne s’arrête à l’analyser, à prendre des décisions, à préparer une répétition? Vous lancez , tout simplement?DJ D’habitude, oui. Quand nous recevons la partition, nous en chantons tout ce que nous pouvons en répétition. Dès ce premier contact, on peut évaluer assez bien le temps que ça nous demandera, jusqu’à quel point c’est difficile, et comment nous allons devoir l’aborder.

JS Avez-vous un répétiteur, ou une autre paire d’oreilles objectives qui puissent vous donner un avis sur la façon dont le groupe sonne?GJ Non. Parfois je crois que je pourrais en voir l’intérêt, mais à d’autres moments, je crois que ça n’aurait pas de sens. Nous avons notre "style maison", à nous quatre.DJ Nous pensons que pour la justesse, Rogers suffit. Et pour l’a cappella, ce ne serait pas utile. Nous sommes très fluides dans ce que nous faisons, de sorte qu’une personne de l’extérieur ne nous aiderait pas vraiment: à chaque concert nous commencerions par nous rappeler ce qu’elle nous a dit, et nous perdrions notre sentiment de liberté.

JS Je vois, sur plusieurs de vos enregistrements, qu’il vous arrive d’élargir l’ensemble vers un certain répertoire. Quelle est la plus grande dimension que pourraient atteindre les Hilliard?GJ Huit au maximum. Nous avons un groupe d’amis, des chanteurs fabuleux, qui sont très heureux de se joindre à nous quand nous avons besoin d’eux. Nous ne sortons pas vraiment de ce cercle, parce que nous aimons chanter avec des gens qui savent comment nous chantons. Comme nous n’avons pas de chef de choeur, quelqu’un qui ne connaît pas notre façon de travailler pourrait devenir assez inquiet et se demander: "qu’est-ce qui se passe, ici? ". Nous ne leur montrons pas comment ça se passe: il faut le ressentir.DJ Il faut aux gens un peu de temps pour s’habituer à travailler ainsi. Les nouveaux venus sont souvent très mal à l’aise à la première répétition: nous attendons d’eux qu’ils fassent ce qu’ils ont envie de faire, et nous réagissons.

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JS Qu’arrive-t-il si, pendant une tournée, l’un d’entre vous tombe malade et ne peut pas chanter?GJ Nous avons quelques programmes d’urgence à trois voix, en fonction de la voix manquante.

JS À propos de ces pièces que vous donnez avec le saxophoniste Jan Garbarek depuis le projet "Officium": d’où cela est-il venu?GJ C’est venu de notre société d’enregistrement, ECM, qui a toujours encouragé les collaborations entre ses artistes. Dans notre cas, pour une telle collaboration, Jan était la bonne personne. Un instrument à vent sonne beaucoup plus "vocal" que le piano, avec lequel il nous est difficile de travailler. D’abord, le piano est un instrument à percussion; ensuite, parce que s’accorder avec lui est dément, pour nous.DJ Bien sûr, nous avions des appréhensions à la première rencontre - on ne savait pas à quoi s’attendre. Je suis sûr que c’était pareil pour Jan. Heureusement, ce que nous avions en commun est devenu clair dès la première rencontre. Il a compris comment nous chantions, s’est senti à l’aise de s’y joindre, et réciproquement. Ça ne semblait pas si différent de ce que nous faisons; donc, dès le départ, les deux parties étaient assez à l’aise.

JS Il semble y avoir pas mal de ce genre d’impro (improvisation autour d’oeuvres chorales à sons fixes) en Suède et en Norvège, et aussi l’utilisation de l’espace de façon créative en s’y déplaçant. Garbarek a-t-il apporté ces idées de Norvège?GJ En fait, les déplacements pourraient bien être venus de nous.DJ Je crois qu’au début, il a fallu un certain temps pour que Jan s’habitue à l’idée qu’il pouvait se déplacer, d’autant plus qu’il avait toujours été sur scène avec son groupe. Soudain, il s’est dit: "Sapristi, dans le bon édifice, ceci est bon parce que je peux créer différentes couleurs".GJ Et alors nous avons essayé de repousser les limites pour voir jusqu’à quel point nous pourrions nous éloigner les uns des autres et continuer de chanter la même pièce.DJ Aux premières séances d’enregistrement, Manfred Eicher, le producteur chez ECM, a dit "les gars, si vous alliez aux quatre coins de la chapelle et chantiez face aux murs? " Nous avons pensé: "ce type est complètement fou! ". Mais ça a marché - encore l’écoute. C’est comme apprendre quelque chose de nouveau: maladroit au début, et normal quand on l’a fait un certain temps. GJ Heureusement, ce n’était que le prolongement de ce que nous faisions déjà, puisque nous travaillons entièrement par l’écoute. Il s’agissait seulement d’avoir la confiance de chanter avec quelqu’un à vingt mètres de distance.

JS Pourquoi, d’après vous, l’auditoire réagit-il si fort à cette musique qui se déplace dans l’espace?DJ Les gens sont particulièrement pris lorsque nous nous déplaçons pour aller chanter parmi eux. Ils n’arrivent pas à croire ce qui se produit. Évidemment, cela suppose un lieu approprié. Les gens sentent soudain qu’ils sont dans la musique. Je m’étonne que cette pratique ne soit pas plus répandue.

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JS D’où vient tout ce répertoire, et comment vous en tirez-vous avec l’édition de musique si rarement chantée? Faites-vous vos propres éditions?GJ En général, nous n’éditons pas de musique; mais parfois, nous n’avons pas le choix. Il y a toutes sortes de façons de se procurer les partitions. La musique arménienne que nous avons chantée à notre dernier concert nous a été envoyée d’Arménie, parce qu’ils préparaient une nouvelle édition complète de la musique religieuse de Comitas (1869-1935) et ils voulaient que nous en chantions. Ce fut donc un cadeau. Je peux trouver des choses dans les bibliothèques, sur Internet et à toutes sortes d’endroits bizarres. Quelque chose que j’ai chanté seul l’autre soir est écrit en notation de Kiev. C’était la seule version disponible: alors il a fallu que je trouve comment la transcrire.

JS Vous arrive-t-il de chanter des choses comme, par exemple, Brahms?GJ Ça devient très difficile, parce que dans une pièce pour quatre voix de Brahms, on aura une voix élevée, une voix un peu plus grave, puis une plus grave, et la basse. Dans notre groupe, nous avons une voix élevée, deux voix intermédiaires de même hauteur et la basse: ATTB. Brahms demande donc une combinaison très différente de la nôtre. Pour faire du Brahms, il faudrait qu’un des ténors se prenne pour un alto, et il faudrait probablement transposer le chant parce que l’autre ténor se retrouverait trop bas.

JS La musique ancienne est-elle appropriée à votre effectif ATTB?GJ Il y en a beaucoup, mais pas tout. Il y a un tas de musique sacrée anglaise pour d’autres formations, pour des voix aiguës de garçons, par exemple.DJ Une bonne partie du choix est déterminée par notre façon de chanter. Nous tâchons de chanter un son très droit, la plupart du temps, et cela convient bien au Moyen-Âge et à la Renaissance, je pense. Nos voix ne conviennent pas aussi bien à la période romantique.

JS Qu’est-ce qui guide votre programmation en ce moment? Les enregistrements? Les commandes? Le marché?GJ Très souvent, cela va avec une nouvelle découverte. Nous pourrions recevoir une pièce, écrite pour nous, qui est si belle que nous voyons la possibilité de bâtir un bon programme autour d’elle. Un de nos programmes récents a été fait de cette façon: nous avions une nouvelle oeuvre de Roger Marsh, sur des vers de Dante, et j’ai élaboré un programme entièrement italien pour l’accompagner. C’est devenu un mélange de musique ancienne et contemporaine avec thème italien. De temps à autres, nous trouverons qu’il faut faire une certaine musique, ou alors il y a quelque chose que nous voulons enregistrer.DJ Ce qui détermine notre programmation, c’est surtout les choses que nous aimons faire. Nous ne nous basons pas sur le marché. Et nous ne cherchons pas les anniversaires à souligner: ça n’est pas du tout notre manière.

JS Comment la musique ancienne est-elle devenue votre spécialité?DJ J’ai commencé à chanter en sortant de Magdalen (Oxford). Le mouvement pour la musique ancienne n’avait pas vraiment commencé quand je me suis joint brièvement à un groupe, The Early Music Consort of London, dirigé par un type du nom de David Munrow (1942-1976). David explorait une nouvelle avenue. Au début, c’est la musique instrumentale ancienne qui a éveillé son intérêt. Par la suite seulement, la musique vocale a

suivi. Il fut le premier à dire à quelques gars: "Dites, si on essayait quelques-uns de ces chants? ". On m’a invité à en être, et Rogers aussi, comme par hasard.David était formidable. Il s’est vite aperçu que la voix n’allait pas très bien avec les instruments, alors il s’est dit: "Et si on essayait a cappella?". Nous avons essayé quelques chansons de la Renaissance, et ce fut une révélation: nous avons été complètement renversés. Malheureusement, la vie de David s’est terminée tragiquement moins de six mois après ces débuts, ce qui nous a laissés avec un grand vide.

JS Le groupe a-t-il grandi à l’intérieur du mouvement pour la musique ancienne pour ensuite déborder vers la musique nouvelle?GJ Nous avons fait de la musique nouvelle dès le début.DJ Dès le tout premier concert, en fait; à l’époque, les compagnies d’enregistrement n’étaient pas prêtes à prendre de risque avec la musique contemporaine, de sorte que même si nous en faisions en concert, ça n’a pas été mis sur disque. La première fois que nous avons atteint la conscience du public, c’était avec Arvo Pärt, par l’intermédiaire d’ECM.GJ Le Hilliard Ensemble a créé son Stabat Mater.

JS Quels projets avez-vous en perspective?DJ Nous trouvons qu’il y a toujours des défis à relever dans le petit monde où nous travaillons.GJ Et plusieurs œuvres nouvelles sont en train d’être composées pour nous.DJ Il y a des pièces soit avec petit orchestre de chambre ou avec grand orchestre, ce qui est très stimulant. D’ici deux ans, nous aurons aussi un très beau projet de collaboration avec un ensemble de violes, Fretwork.Nous chanterons The Cries of London [Les cris de Londres] d’Orlando Gibbons, et nous avons commandé à un jeune compositeur une œuvre sur le même texte. C’est le genre de chose que nous faisons. Mais il n’y a pas de nouvel Officium en perspective!GJ Nous travaillons aussi à un projet théâtral, une pièce intitulée I Went to the House but Did Not Enter [Je suis allé à la maison, mais ne suis pas entré] de Heiner Goebbels. Nous avons souvent donné ce spectacle musical à travers l’Europe.

JS Qu’entendez-vous par "spectacle musical"?GJ C’est mis en scène avec costumes, par seulement nous quatre.DJ C’est superbe. Il l’a écrit exprès pour nous, alors nous avons travaillé avec lui dès le début. Nous avons participé à toute la démarche de création. Goebbels vient du théâtre, mais il s’est énormément intéressé à la musique et il a un goût phénoménal, universel pour tous les types de musique et de théâtre. C’est un visionnaire: il sait voir des choses que bien peu de gens peuvent imaginer. Et il peut voir ce qui fonctionne, et comment mettre des choses ensemble: c’est ce qu’il a fait avec nous.

JS Cela a-t-il été enregistré?DJ Un DVD devrait paraître un de ces jours...

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Fondé en 1974, le Hilliard Ensemble a toujours été à l’avant-garde du mouvement pour la musique ancienne, tout en interprétant et en commandant des œuvres nouvelles. Ses nombreux enregistrements ont donc révélé au public et aux chefs un important répertoire. Formé de quatre voix d’hommes (David James, haute-contre, les ténors Rogers Covey-Crump et Steven Harrold, et Gordon Jones, baryton) l’ensemble Hilliard maintient la cadence ambitieuse d’une centaine de concerts par an. La renommée de l’ensemble s’est étendue grâce à son disque très populaire Officium (1994) avec le saxophoniste Jan Garbarek. Officium associait des motets du Moyen-Âge et de la Renaissance et de l’improvisation; la collaboration toujours féconde entre ces artistes a produit plus récemment Officium Novum, lancé en 2010. Les Hilliards travaillent en étroite collaboration avec bon nombre de compositeurs vivants, dont Arvo Pärt. En plus d’être une riche source d’information additionnelle, le site Internet de l’ensemble propose [en anglais] des articles instructifs de Rogers Covey-Crump sur l’intonation.Le site: http://www.hilliardensemble.demon.co.ukLes articles: http://www.hilliardensemble.demon.co.uk/Tuning.pdf

Traduction de l’anglais par Christine Dumas, Canada •

Grande musique chorale dans un petit pays: conversation avec le compositeur lituanien Vytautas Miškinis (p 77)Cara Tasher, chef de chœur et enseignante

Cara Tasher: À quoi cela ressemblait-il, de grandir en Lituanie ?Vytautas Miškinis: Enfant je vivais dans le joli village de Zervynos, dont la moitié des habitants étaient de la famille de ma mère. C’était une vie tout à fait ordinaire, si ce n’est les responsabilités que j’occupais en étant si jeune. C’est là que je suis allé à l’école, avant de commencer ma seconde année dans la capitale, Vilnius. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé le chant; peu importait le lieu et l’heure: pendant les repas, dans la forêt, dans la salle de bains… Mes parents ont très vite remarqué mon intérêt et m’ont inscrit dans le chœur pour garçons; c’est à partir de là que mon éducation musicale a officiellement commencé. J’ai réussi facilement les classes, ce qui a attiré l’attention du chef. C’est lui, M. Perelstein, qui m’a orienté et guidé le long de cette route et auprès de qui j’ai acquis toutes mes connaissances musicales. Je me sentais fier de prendre des cours particuliers de musique, tout comme l’avaient fait les grands Mozart, Bach, Bruckner et Elgar. En fait, la plupart des choses que j’ai apprises et réalisées musicalement parlant, c’est sous la direction de Perelstein dont la personnalité m’a beaucoup impressionné. À 17 ans j’ai intégré l’Académie de Musique et suis devenu le chef assistant, et à l’âge de 21 je suis devenu le deuxième chef du chœur régional officiel de Kaunas. Plus tard, 25 ans après, j’ai occupé le poste de Directeur artistique du chœur de garçons après que mon prédécesseur Perelstein ait quitté la Lituanie pour les États-Unis. Peu après, j’ai fondé l’école de musique d’Azuoliukas. Tout ce qui est relaté ci-dessus a l’air d’une biographie simple; pourtant l’environnement insulaire dans lequel nous avons vécu était vraiment très complexe: nous avons été interdits de représentations à l’étranger par le gouvernement, et la diffusion d’informations musicales était très restreinte. Il y avait des manuels musicaux politisés, et l’étude d’une langue étrangère était l’un des seuls moyens de se former à la littérature musicale d’autres cultures.

Critiques à part, l’enseignement et la formation professionnelle liées à la musique constituaient pour le gouvernement une priorité. La pyramide de l’apprentissage professionnel fonctionnait bien: école de musique, collège musical (équivalent de l’actuel Conservatoire), École Supérieure de musique (actuel Académie). En ce temps-là on garantissait à un diplômé de l’Académie le droit au travail, tandis qu’aujourd’hui c’est une question de chance personnelle. A l’époque aussi les vacances d’été des enfants étaient prises en charge par l’État et les parents qui travaillaient pouvaient se permettre d’envoyer leur enfant dans les premiers stages du genre, bien équipés, où soins, nourriture, logement, sports et loisirs assuraient repos et vacances. Malheureusement vu les coûts actuels pour l’enseignement, ces stages estivaux sont trop onéreux pour de nombreuses familles et sont souvent considérés comme un luxe. Avec la disparition de ce réseau de stages organisés par l’État, j’ai la fierté d’organiser des sessions qui accueillent chaque été 130 jeunes garçons choristes; la durée des stages est toutefois moindre, et le prix demeure moins abordable

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Jeffrey Sandborg occupe la chaire d’enseignement de la musique Naomi Brandon and George Emery Wade au Collège de Roanoke [Virginie, U.S.A], où il est depuis 1985 directeur des activités chorales. Sous sa direction, l’orchestre symphonique de Roanoke a présenté des œuvres majeures comme le Requiem de Verdi, la Grande Messe en Do mineur de Mozart et le Messie de Handel. Il a aussi dirigé la Société chorale et l’orchestre de la Vallée de la Roanoke dans le Hodie de Vaughan Williams, la Messe en Si mineur de J. S. Bach, le Requiem de Joonas Kokkonen et celui d’Andrew Lloyd Webber. Sandborg continue d’agir comme conférencier, membre de jury, harmonisateur, compositeur et chercheur dans le domaine choral Il est l’auteur d’English Ways: Interviews with English Choral Conductors [Entrevues avec des chefs de choeur anglais] ainsi que de nombreux articles sur le répertoire choral et vocal, sur la pratique du chant et sur celle du chant choral. Courriel: [email protected]

Composers' Corner

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pour de nombreuses familles. Cependant, ne prenez pas mes mots pour de la nostalgie du temps passé: nous vivons dans une société "moderne" où la richesse dépend de la rentabilité économique. Pour terminer, je souhaite citer une phrase romaine antique: "Si vous ne connaissez pas la musique, vous êtes plébéien". La musique est devenue de plusieurs manières l’objet de besoins hédonistes, plutôt que de faire partie de l’enseignement de l’esthétique. Quelle tristesse! Aujourd’hui l’enseignement est moins subventionné et la participation aux activités chorales en milieu scolaire n’est plus obligatoire! Ainsi, la loi stipule que le Ministère de l’Éducation et des Sciences régit les programmes et les écoles sont financées et entretenues, mais les municipalités contrôlent leurs fonctions. Tels sont les changements à l’ère du capitalisme.

CT Parlez-nous de votre nouvelle approche de la musique après 1990, si nouvelle approche il y a eu: a musique chorale et l’enseignement musical ont-ils changé?VM Par le passé il n’existait pas de budget pour l’enseignement de la musique chorale pour prouver la supériorité du système d’éducation soviétique par rapport aux normes occidentales, puisqu’il s’agissait de secteurs où l’approche politique pouvait être appliquée : il était plus facile de contrôler les masses qu’une seule personne. Aussi, la participation de masse à des chœurs et à l’enseignement musical était fortement encouragée, et il y avait même un poste officiel de coordonnateur du développement de l’art et de la culture de masse. Comme vous le savez peut-être, outre l’art professionnel beaucoup d’attention était portée à l’entretien et au développement des arts amateurs. Sous le pouvoir soviétique, un large réseau d’écoles de musique pour enfants s’est développé et a fonctionné entièrement par les fonds publics. Généralement, la participation des travailleurs était encouragée et financée par des sociétés dans les chœurs, des groupes de danse, des groupes folkloriques ou des orchestres, et quelques lieux de travail créaient leurs propres centres culturels. La participation à la musique et à l’enseignement étaient considérés comme obligatoires.

Heureusement, en marge du régime soviétique beaucoup de choses positives ont émergé. Par exemple l’enseignement musical était dispensé de l’école maternelle à l’enseignement secondaire, et il était obligatoire pour les écoles d’avoir un chœur, un orchestre ou un groupe de danse. Malheureusement, après le retour à l’indépendance de la Lituanie, le réseau d’enseignement musical a été anéanti, non seulement en raison du manque de fonds pour l’entretien de tous les établissements d’enseignement culturels, mais également afin d’effacer et de détruire tout souvenir du régime soviétique. Assez tristement, aujourd’hui encore des concepts tels que "le système soviétique de l’enseignement", "l’héritage soviétique" ou "le réseau soviétique" sont en partie associés à l’art, en grande partie parce que le réseau d’art amateur a été entièrement sponsorisé par les anciens syndicats. Malheureusement, avec le retour de l’indépendance, ils ont été détruits pour des raisons politiques.

Quand la Lituanie est devenue membre de l’Union européenne, étonnamment, le soutien partiel des structures fortement développées et saines est maintenant de nouveau régénéré. Ceci semble paradoxal alors que des normes européennes s’adaptent et assortissent le système éducatif lituanien, sans compter le développement culturel de la Lituanie au niveau national et individuel. Malheureusement, les modèles de vie

"modernisés" actuels sont intégrés selon les normes globalement modelées de l’UE..De même, le puzzle principal d’identité culturelle semble être: comment protéger et conserver les éléments traditionnels qui ont fait leurs preuves au fil du temps?

CT Comment les traditions de la musique chorale lithuanienne ont-elles pu demeurer vivantes?VM Pour être tout-à-fait franc, l’opposition ouverte au pouvoir soviétique n’a jamais été frontale puisque c’était dangereux, risqué ou simplement impossible. Le festival national de chant et de danse offrait l’opportunité de préserver une tradition de l’héritage culturel du pays. Quant au répertoire du festival, personne n’osait remettre en cause son contenu: en général, tout ce qui ne s’opposait pas à l’idéologie du système soviétique était accepté. Le chant et la danse folkloriques étaient particulièrement appréciés car ils venaient en support de l’identité nationale; le répertoire devait cependant être internationalement varié, il consistait souvent en de la musique lituanienne, russe, lettone, estonienne ou toute autre musique étrangère exécutée dans sa langue d’origine, puis traduite en russe et en lituanien. Comme la Lituanie était un pays bilingue, le russe et le lituanien étaient obligatoires et le lituanien était toujours une priorité pour les autochtones dont c’était la langue maternelle: on l’enseignait à l’école, on l’utilisait en public, et il était considéré à plusieurs titres comme la langue maternelle. Les Soviétiques avaient peur et refusaient le modernisme car qu’il était associé à l’influence occidentale, ce qui pour les Soviétiques signifiait le capitalisme – un grand mal qui s’opposait aux principes de la société et de l’idéologie communistes.

En dépit de toutes les tentatives communistes pour limiter ou ignorer l’influence occidentale, il se développa rapidement sous la forme de déclaration réelle une pensée "cachée" illustrée principalement par la musique instrumentale. Sous la forme d’une quantité croissante de musique symphonique composée, de forts messages tacites ou d’idées non exprimées étaient ressentis comme cachés profondément dans la musique. En même temps, les idées communistes et l’éloge du régime aux termes des règles et des règlements établis étaient ouvertement énoncés et encouragées. L’art populaire lituanien n’opposait pas d’obstruction; de plus, il était toléré et même développé. En attendant, les intellectuels ont trouvé certains éléments de résistance nationale dans l’héritage ethnoculturel et ont facilement noté quelques éléments de résistance puisque le verbe est un outil puissant pour diffuser un message clair; les textes des chansons ont exploité l’ambiguïté ou les éléments du langage d'Esope… Par exemple, dans la chanson populaire arrangée par M.K. Čiurlionis "Oh, vole, vole" le texte dit: "Oh, les cygnes volent, volent pour défendre la mère patrie et pour appeler les frères afin de….". Mais les censeurs des chansons populaires lituaniennes n’ont rien trouvé de spécifique à critiquer dans le texte, alors qu’il y était fait référence plus généralement aux idées cachées entre les lignes ou dans des ambiguïtés. Et si un compositeur satisfaisait le régime en composant au moins une chanson à la louange du système soviétique, il pouvait faire de la musique plus librement, car les censeurs ont favorisé ces compositeurs qui avaient démontré la loyauté du gouvernement et ont contrôlé moins sévèrement leurs travaux.

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CT Votre élégance et votre fluidité, quel que soit le style, méritent d’être soulignés. De laquelle de vos œuvres êtes-vous la plus fière?VM J’ai écrit un grand nombre de chansons de genres et de styles divers ainsi que près de 800 œuvres chorales, et je suis particulièrement fier de mes ouvrages pour enfants sans compter les compositions de musique sacrée. Je suis tout spécialement satisfait de ma petite Messe pour deux pianos et trio de jazz que j’ai récemment arrangée pour orchestre. Puis de mon conte musical pour enfants "le conte sur la tendresse" dont le texte est basé sur le livre de l’auteur américain Steiner. J’arrange actuellement en allemand l’Évangile de la Passion selon St-Jean pour la cathédrale de Graz en Autriche [rôles de l’Évangéliste (ténor), de Pierre (ténor), de Jésus (basse), de la Servante (soprano) et chœur SATB a cappella (35 minutes)]. J’ai également écrit une version d’une heure, en latin, pour orgue et orchestre. Parmi les chefs européens, on me surnomme "Monsieur Cantate Domino" pour une raison simple : Cantate Domino est mon œuvre la plus fréquemment jouée et l’éditeur Carus Verlag la considère comme un best-seller. Je suis fier d’avoir écrit quelques chansons, et n’imagine même pas composer un morceau qui me discréditerait en tant que compositeur. En conséquence, je suis extrêmement prudent dans la publication de mes œuvres : au cas où mon travail deviendrait sans intérêt pour le public, je sauterais le pas de ne plus décevoir un auditeur par une nouvelle composition.

CT Votre production est très prolifique, pour un compositeur contemporain. Merci de nous parler de votre processus de composition et de ce qui vous inspire.VM Ce qui ne cesse de m’inspirer, c’est la poésie. Je lis toujours beaucoup de textes poétiques, particulièrement des poésies pour enfants. Parfois le texte "m’illumine" spontanément, alors que d’autres fois je lui suis indifférent. C’est plus difficile avec les commandes, surtout lorsque le texte est donné et que le style est décrit. Heureusement, je suis assez rapide dans la composition, parce que je vis chaque minute de ma vie avec la musique dans la tête, dans mes pensées, et parfois dans mes rêves. J’essaye de noter ce dont j’ai rêvé avant que la vision ne s’estompe. Je tends à utiliser chaque minute de temps libre que je possède: autrement, je ne parviendrais pas à faire beaucoup de choses. J’écris en attendant l’avion, à bord d’un avion, dès que j’ai du temps libre au conservatoire, quand un étudiant ne vient pas à son cours de direction, à la maison, au travail, tout simplement partout. En 2012 j’ai reçu dix commandes chorales auxquelles je ne m’attendais pas. Je crée beaucoup sans but et direction précis, ce qui est utile pour exprimer mon individu personnel au travers de la musique. Les idées viennent parfois alors que je suis au volant : je m’arrête alors et je m’empresse de les coucher sur le premier bout de papier qui me tombe sous la main, puis je me précipite à la maison pour les exprimer en musique. Par exemple, j’ai créé de cette manière Cantate domino et plusieurs autres compositions. J’adore la nature: elle me recharge et dégage mon esprit de toutes les pensées négatives qui abondent dans nos vies. Quand je me sens triste, j’ai des chances de composer de la musique gaie. Quand je suis optimiste, de la musique nostalgique ou mélancolique me vient à l’esprit. Qui sait, peut-être ceci se produit-il en raison de l’équilibre dans la nature animale aussi bien que dans la nature humaine. Après la pluie, vous attendez que le soleil brille tandis que vous vous languissez, des moments de joie suivent la tristesse, et l’euphorie se calme tandis que le temps passe.

CT Lors des nombreux festivals choraux lituaniens, vous rencontrez les musiciens les plus doués de votre pays. La riche tradition chorale de la Lituanie a-t-elle aidé le pays à gagner la reconnaissance du monde entier?VM La Lituanie regorge réellement de talents : notre héritage ethnoculturel est très riche et abondant. Parmi les trois millions d’habitants, il y a un nombre significatif de chœurs et d’artistes professionnels dans beaucoup de domaines. Le mouvement choral est l’un des plus puissants qui existe: le chant a aidé les Lituaniens à résister aux vingt ans de pression de l’armée soviétique, et à attendre l’indépendance de leur pays. Ce n’est pas étonnant que l’on appelle révolution par le chant le phénomène selon lequel une chanson peut être plus puissante qu’une arme. Nous n’oublierons jamais la tradition des gigantesques festivals baltiques de chant que l’UNESCO a fièrement identifiés, en 2006, comme une pratique culturelle jugée "chef d’œuvre de l’humanité". J’ai eu l’honneur de participer à l’élaboration, en 2008, d’une loi pour la pérennité du festival lituanien de chant. Le fait que trois chœurs lituaniens soient les lauréats du Grand Prix Européen est plus fort que des mots. Soit, nous admettons que nous avons aussi des problèmes, mais si nous comparons notre situation aux nombreux pays où le chant choral est moins promu, j’ose affirmer que notre situation est jusqu’ici assez bonne. Je me sens légitime pour faire des comparaisons puisque le Conseil choral mondial (World Choir Council), où j’ai l’honneur de représenter la Lituanie, étudie ces problèmes à l’échelle planétaire.

Nous avons beaucoup d’artistes intéressants de tous les genres: pop, jazz, et musique classique. Nous avons également beaucoup de compositeurs intéressants. Mais comment pourrions-nous faire connaître au monde leurs noms? Le problème est qu’après avoir vécu pendant cinquante années derrière le "rideau de fer", nous étions inconnus pour la plupart des autres pays. Et comment pourrions-nous trouver un éditeur étranger qui croirait dans le talent d’un compositeur et souhaiterait promouvoir la musique lituanienne à l’étranger?

Je suis très déçu de la situation actuelle; pourtant, j’en suis une heureuse exception: les meilleurs chœurs au monde jouent mes œuvres et me demandent de travailler pour eux. C’est un grand honneur et une grande joie, et dans le même temps, c’est une grande responsabilité que de représenter l’art lituanien.

CT Pour terminer, on vous a attribué en 2006 le prix du Lituanien Éclairé. Décrivez-nous le chemin parcouru vers cet éclaircissement, et dites-nous-en davantage.VM On m’a octroyé ce titre pour mon travail avec les jeunes garçons. Je suis directeur artistique du plus grand chœur de garçons et de jeunes dans toute l’Europe, un ensemble composé de 450 chanteurs. J’aime plaisanter en appelant mes choristes "le chœur sexy 100% masculin!". L’ensemble comprend 8 groupes d’âges variés et 10 chefs assistants. C’est un ensemble complet avec un cycle d’études de huit ans où ils apprennent le solfège, l’histoire de la musique, la direction, et où ils travaillent leur propre voix ainsi qu’un instrument de musique de leur choix. Le chant choral est l’enseignement principal. La récompense accordée est la plus grande évaluation de ma capacité à favoriser l’intérêt pour la musique chez un si grand nombre de garçons qui consacrent leur temps à l’enseignement musical. En 2002 j’ai été nommé "meilleur auteur de l’année et compositeur dont les œuvres sont fréquemment exécutées à l’étranger"; en outre, ces dix dernières années, trois de mes œuvres ont été classées comme les pièces les plus souvent jouées par des chœurs en Europe. Le fait que je sois intéressant pour quelqu’un me rend heureux.

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CT Merci de nous avoir permis de vous découvrir. Nos remerciements vont aussi tout particulièrement à notre collègue et ami Darius Polikaitis, directeur artistique de la chorale lituanienne Dainava à Chicago, pour avoir traduit ces échanges et nous avoir fourni un guide de prononciation fort utile.VM Mes remerciements sincères à l’ICB pour m’avoir donné la chance de partager mes pensées. Naturellement, je reçois beaucoup d’emails avec un grand nombre de questions, et dans la plupart des cas il s’agit de s’enquérir d’où trouver ma musique. On peut consulter des informations sur mes œuvres sur le site Web www.mic.lt dans la section des compositeurs. L’information concerne seulement mes ouvrages imprimés par des maisons d’édition étrangères: Carus Verlag, Editions Ferrimontana, Schott Verlag, Allemagne; A Cœur Joie, France; CMEdiciones Musicales, Espagne; Astrum, Slovénie; Musica Baltica, Lettonie; earthsongs, Laurendale Associates, Santa Barbara, Etats-Unis. Des informations sur le chœur peuvent être visualisées sur www.azuoliukas.lt et mon courriel personnel est [email protected].

Traduit de l’anglais par Barbara Pissane, France •

Répertoire d’Amérique Latine et des Caraïbes pour chœur à voix égales (p 89)Cristian Grases, professeur et membre du Conseil d’administration de la FIMC  Choisir un répertoire pour un chœur reste une des choses

les plus difficiles qui soit dans le métier de la direction, mais c’est essentiel pour le fonctionnement et le

développement du groupe. Dans son livre, Les répétitions chorales, James Jordan explore le sujet et établit que

“les décisions que nous prenons concernant la musique que nous choisissons d’enseigner, de répéter et de vivre sont quelques-unes des plus importantes décisions que nous faisons pour la santé vocale, le progrès musical et l’épanouissement humain de nos ensembles.”

Ce processus n’est jamais simple. Il y a beaucoup de critères d’après lesquels un chef choisit son répertoire : les capacités vocales de l’ensemble, les difficultés musicales présentes dans la partition, les objectifs pédagogiques qui permettront de développer la musicalité du groupe, la durée de la pièce, le thèmes du programme (avec parfois des périodes ou des styles très différents), la dynamique générale du programme (lent ou a tempo, triste ou joyeux, a cappella ou accompagné, etc.), la durée du concert, l’acoustique du lieu de concert, les goûts personnels, et même la composition du public. Tous ces critères sont cependant soumis à une réalité commune: le chef a besoin d’avoir un grand nombre d’œuvres en stock pour pouvoir sélectionner la pièce appropriée. Plus nous nous familiarisons avec des partitions, plus notre répertoire choral personnel s’agrandit, et notre sélection se fait ainsi à partir d’une source de plus en plus large et riche. En d’autres termes, chaque chef doit vivement chercher des opportunités de connaître plus de répertoire puisque cela lui permet de choisir dans une collection plus étoffée.

L’objectif de cet article est d’offrir à nos lecteurs la possibilité de se familiariser avec une sélection de travaux publiés, originaires dans ce cas d’Amérique Latine et des Caraïbes, et écrits pour chœurs à voix égales. L’Argentine est en Amérique Latine un des pays qui produit le plus de musique chorale de ce type. Le catalogue le plus important est détenu par les Éditions GCC (www.gcc.org.ar). Elles ont plus de 55 arrangements de musique populaire de toute l’Amérique Latine, écrits spécialement pour voix égales par quelques-uns des compositeurs les plus en vue du pays. De plus, leur catalogue d’œuvres originales pour de tels ensembles est très riche et offre une musique de différents niveaux. Quelques-unes de mes œuvres favorites ont été écrites par Antonio Russo (Canción de las Siete Doncellas, Venite Exultemus Domino, Canto al Sol et Cuatro Canciones para Niños). Russo a la capacité d’écrire de la musique de différents niveaux de difficulté. Pedronianas de Marcelo Valva et Cuatro Alondras de Dante Andreo sont de belles suites de quatre chants, pas trop difficiles, et qui saisissent l’ambiance de la région. Récemment, les Éditions GCC ont publié les œuvres récompensées de María Paula Gómez, Oscar Llobet et Federico Neimark. Aux États-Unis, Neil A. Kjos

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Formée par des expériences significatives et métamorphosantes dans des ensembles tels que le chœur symphonique d’Atlanta, le chœur symphonique de Chicago, le Conspirare, le chœur d’enfants Glen Ellyn, le Chœur de la Trinité, le Chœur de Jeunes de la Ville de New York, Cara Tasher a effectué ses études à l’université de Cincinnati-CCM, à l’Université du Texas à Austin, à La Sorbonne, et à la Northwestern University. Son calendrier comprend des concerts, des récitals dans des festivals et des ateliers, et la préparation d’ensembles professionnels aux Etats-Unis ainsi qu’à l’étranger, cette année aussi avec le chœur de l’orchestre symphonique de Jacksonville. Ses groupes ont effectué une tournée dans cinq pays auxquels s’ajoute l’Afrique du Sud en échange avec le chœur NMMU de Junita Van Dijk en mai 2012. Elle vit à Jacksonville, où elle est directrice des activités chorales à l’université de la Floride du nord. On l’a vue récemment en direct sur CNN diriger l’ouverture du débat national républicain 2012 en Floride. Courriel: [email protected]

World of Children's and Youth Choirs

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En parlant des Caraïbes, Jamaican Market Place de Larry Farrow (Gentry Publications) reste un chant classique et chéri des Antilles. Boosey & Hawkes (www.boosey.com) ont publié Chanflín et l’entraînant El Pambiche Lento de Tony Guzmán, originaire de la République Dominicaine, ainsi que quelques pièces de Francisco Nuñez, natif lui de Puerto Rico, Misa Pequeña Para Niños, Cantan et Four Spanish Lullabies. Le jeune compositeur haïtien Sidney Guillaume, très actif dans les années passées, a composé sept pièces pour voix égales; notamment Koudjay, Plakatap et la remarquable pièce, La Providence. Enfin Cuba possède un mouvement choral très dynamique et une production chorale très importante, écrite par quelques-uns des compositeurs les plus fins de l’Amérique latine. Malheureusement, l’accès à ces œuvres est très limité. Les seules publications que je connaisse sont Cinq Chansons Folkloriques D’Guadeloupe de Eleco Silva, éditée par Kjos et les arrangements de Carlos Abril El Mambi, et Ogguere publiées par World Music Press (www.worldmusicpress.com).

Avec le temps, je pense que le monde de la musique chorale aura de plus en plus accès au répertoire de qualité d’Amérique Latine et des Caraïbes. En attendant, j’espère que cette liste apportera au lecteur de nouvelles ressources, et de nouvelles pièces qui pourront enrichir leur programme dans les années à venir. 

Traduit de l’anglais par Solweig Higel, Belgique •

ICB Textes Français

Music Company (www.kjos.com) a publié quelques pièces pour voix égales dans ses séries latino-américaines éditées par Oscar Escalada. Libertango et Guachi Torito sont deux des arrangements les plus populaires d’Escalada.

Le Venezuela est un autre pays ayant une production de musique chorale significative. Là-bas, le compositeur Alberto Grau a s’est énormément investi pour créer un nouveau catalogue complet des pièces pour chœurs à voix égales avec différents niveaux de difficultés. Son travail est publié par les Éditions GGM (http://alberto.fundacionscholacantorum.org.ve/Obras) et distribué par Earthsongs (www.earthsongschoralmusic.com). Parmi ses nombreux arrangements et compositions pour chœur à voix égales je recommanderais Cruje-Silba, Como Compongo Poco, Yo ‘Toy Loco, Rumex Crispus, Kasar Mie La Gaji (ssaa version), A un Panal de Rica Miel, La Flor de la Miel, La Balada del Retorno avec orchestre et Como Tú, œuvre complexe et énergique. Il a également publié trois suites importantes : Opereta Ecológica en Cuatro Actos, Los Duendes et El San Pedro. Et ses compositions écrites sur des textes de Jesús Rosas Marcano sont particulièrement adaptées aux chœurs d’enfants. Enfin, la maison d’édition française A Cœur Joie (http://edacj.musicanet.org) a publié Pata Pa´ca, résultat d’une collaboration entre Alberto Grau et Cristian Grases. Grases a publié quelques arrangements populaires chez Earthsongs (María Pancha et Los Dos Gavilanes), Walton Publications (www.waltonmusic.com/index.php) (La Paloma) et Pavane Publishing (www.pavanepublishing.com) (Canto de Pilón) ; avec Gentry Publications (http://gentrypublications.com) il a récemment créé une série latino-américaine incluant son amusant Tottoyo. D’autres pièces importantes vénézuéliennes figurent dans la série María Guinand de chez Earthsongs; les importantes sont Mata del Anima Sola d’Antonio Estévez, Duerme Negrito de Emilio Solé et El Romantón de Francisco Muro arrangée par Miguel Astor. Enfin je profite de cette opportunité pour mentionner l’important catalogue d’arrangements et de compositions pour chœur d’enfants de Modesta Bor, catalogue qui n’a malheureusement pas encore été publié.

Le Brésil est un pays de longue tradition chorale, possédant de nombreux chœurs à voix égales. As Costureiras de Heitor Villa-Lobos, œuvre classique de la musique brésilienne pour chœur à voix égales, est publiée chez G. Schirmer (www.schirmer.com). Sine Nomine et Sine Sensu ainsi que Salmo 150 d’Ernani Aguiar, remarquables pièces pour ensembles plus avancés, sont publiées par Earthsongs qui propose aussi le charmant arrangement de Carlos Alberto Pinto Fonseca, Muie Rendera. De même Santa Barbara Music Publishing (www.sbmp.com) édite les arrangements de J. Edmund Hughes, Eu e Voce. Enfin je souhaiterais mentionner le compositeur Eduardo Lakschevitz qui travaille à Rio de Janeiro et qui propose de nombreux arrangements dont celui du très populaire Sambalele, malheureusement pas encore publié. Sur la côte pacifique, le colombien Julián Gómez Giraldo a publié quelques-unes de ses œuvres chez Hal Leonard (www.halleonard.com). Maquerule, Maximina, Juego a Que Me Quemo et A Belén Pastores sont des pièces drôles, et remplies de l’esprit chaloupé des Caraïbes.

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Cristian Grases a obtenu son Master en direction de chœur sous l’enseignement d’Alberto Grau et de María Guinand à Caracas, (Venezuela), et son doctorat de direction de chœur à l’université de Miami. Compositeur actif et récompensé, il est également invité en tant que chef, clinicien, juré ou pédagogue en Amérique du Nord, du Sud, en Europe et en Asie. Il est membre du Conseil d’administration de la FIMC et président du Comité des perspectives ethniques et multiculturelles pour l’ACDA (Association Américaine des Chefs de Chœur), Division Occident. Il est actuellement professeur assistant à l’University of Southern California de Los Angeles, Etats-Unis. Courriel: [email protected]

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Contribution Raffinée: Exploration des arrangements de musique chorale sacrée par des compositeurs féminins du Nord de l’Europe (p 93)T.J.Harper, DMA

Tout au long de l’histoire les activités les plus complexes ont été définies et redéfinies : là comme masculines, là comme féminines, parfois mettant à contribution égale les dons des deux sexes à la fois. Lorsqu’une activité à laquelle chacun aurait pu contribuer… est limitée à un sexe, l’activité elle-même y perd en qualité en se privant de la richesse de la différence1.

Margaret Mead

Dans cette déclaration, l’anthropologue culturelle Margaret Mead (1901-1978) parle d’un challenge universel affectant tous les peuples, dans toutes les

disciplines. En musique chorale, la "riche qualité différentiée" de Mead a été historiquement absente à la fois de la composition de musique chorale et des performances qui en découlent. Bien qu’il y ait eu un certain nombre de femmes compositrices ayant beaucoup contribué au répertoire choral au fil des siècles, la plus grande partie de la musique chorale actuellement composée, étudiée et présentée reste écrite par les hommes. En 1880 déjà, le critique musical George P. Upton affirmait, "Il semble que la femme ne soit jamais à l’origine de la musique dans ses formes harmoniques les plus admirables et les plus épanouies. Elle sera toujours destinataire et interprète, mais il y a peu d’espoir qu’elle soit créatrice."2 C’est aux musiciens de chorales que revient la responsabilité de prôner le changement, en recherchant des compositions chorales écrites tant par les femmes que par des hommes.

Durant ces dernières décennies, le nombre de femmes compositrices a considérablement augmenté à travers le monde. Quoiqu’il soit exagéré d’affirmer que la tradition de composition chorale progresse du simple fait qu’il y ait davantage de compositeurs femmes, aucun doute ne subsiste: il existe bien, dans ce domaine, une tendance vers l’égalité. Trois femmes sont à l’avant-garde de ce mouvement, et enrichissent de leur vision unique le paysage de la composition chorale sacrée: Kristina Vasiliauskaitë (Lithuanie), Agneta Sköld (Suède) et Maija Einfelde (Lettonie). L’authenticité qu’exprime la musique de ces compositrices prend sa source dans une foi personnelle clairement définie, et fait suite aux épreuves sociopolitiques dont elles ont été les témoins dans leurs pays respectifs. Ces compositrices apportent et représentent un ensemble émergeant de musique chorale sacrée considérable, qui apporte sa contribution à cette "riche qualité différentiée" de l’art choral.

1 Margaret Mead, Male & Female : A Study of the Sexes in a Changing World, (New York: William Morrow & Company, 1949), pp. 345-346.

2 Carl E. Seashore, “Why No Great Women Composers?” Music Educators Journal, March 1940: 21, 88; and George P. Upton, Woman in Music (Boston: James R. Osgood, 1880)

Kristina VasiliausKaitė (née en 1956, Vilnius, Lithuanie)Kristina Vasiliauskaitë vient d’une grande famille de musiciens,

et est apparue comme une des compositeurs les plus prolifiques de musique chorale sacrée en Lithuanie. Elle étudia la musicologie à l’Académie de Musique Lithuanienne avec Jadvyga Čiurlionyte (1974-1975) et la composition avec Eduardas Balsys (1975-1980). Une fois diplômée de l’Académie, Kristina Vasiliauskaitë a été nommée éditeur de la programmation musicale pour le réseau de Radio-Télévision Lituanienne (1980-1983). Elle enseigna à l’École d’Art M.K. Čiurlionis, et, en 1993 elle fut nommée responsable du programme de piano à l’École de Musique Ąžuoliukas de Vilnius, où elle commença aussi, en 1996, à enseigner la composition. En 1998 elle reçut le titre de Professeur Senior de Lituanie.

La qualité unique de son style de composition a fait de Kristina Vasiliauskaitë l’un des compositeurs leaders de sa génération. Á ce titre, elle a été mise à l’honneur pour l’excellence de ses compositions Porcupine’s Home, A Breath, Snowflakes Talk, Let’s Sing Alleluïa, et From Your Hands. En 2001, elle acquit une notoriété internationale avec son Magnificat, qui reçut le premier prix au "4ème Concours Annuel Juozas Naujalis de Composition de Musique Sacrée".

La musique chorale de Kristina Vasiliauskaitë est unique pour sa chaleur lyrique qui vient du soin apporté à un style harmonique accessible et à de riches textures. Rolandas Aidukas décrit ainsi sa musique :

"Le style musical de Vasiliauskaitë est une alternance entre des modes diatoniques et différents détours chromatiques et modulations. La délicate et translucide texture musicale de ses compositions produit une très belle mélodie [sic] imprégnée d’émotion romantique. Les partitions sont esthétiquement agréables et s’emparent de l’oreille et de l’attention d’une grande variété d’auditeurs d’âges différents. Ses compositions vocales révèlent un lien étroit entre le texte liturgique et la musique, une capacité d’imagination naturelle et une clarté de forme."3

Cette "capacité d’imagination naturelle" est clairement observée tout au long de l’arrangement en cinq mouvements du Magnificat qui est orchestré pour chœur mixte, hautbois, trompette et orgue. Dans le premier mouvement, Vasiliauskaitë utilise les tons majeurs, un tempo tranquille (moderato maestoso), et une mobilité tonale de valeurs égales qui confère à la mélodie "noblesse et stabilité" comme Daiva Tamosaitytë le note avec justesse. Une énergie accrue est là pour accompagner chaque

3 Rolandas Aidukas, Musica Sacra: Sacred Choral Works by Kristina Vasiliauskaitë, Notes transcrites à partir d’une jaquette de CD, traduites par Vytenis M. Vasyliunas, présentée par Atlieka choras “Vilnius”, disque compact.

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Repertoire

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séquence montante des phrases ascendantes en demi-ton, qui en conséquence élargit le paysage tonal jusqu’à la fin du mouvement assurant un espace suffisant pour le texte joyeux, "My soul doth magnify the Lord." (Illustration 1)

Compositions sélectionnéesStabat Mater (2006) – SATB, fl, vln, va, vc, db, org, manuscript*Magnificat (2005) – SATB, fl, ob, tp, org, manuscript*Nine Motets of the Good Friday (2005)– SATB, manuscript*Mass in Honour of St. Cecilia (2003) – SATB a cappella, manuscript*The Canticle of the Sun by St. Francis of Assisi (1997) – SATB double choir a cappella, manuscript*Missa Brevis in Honorem Beatae Mariae Virginis (1992) – SATB a cappella, SBMP 265-268*Disponible en prêt à la Lithuanian Music Information www.mic.lt/en/classical/persons/works/139

agneta sKöld (née en 1947, Västeras, Suède)Issue aussi d’une famille de musiciens, Agneta Sköld, est très

largement reconnue comme membre du Mouvement Liturgique Suédois contemporain. Elle étudia au Collège Royal de Musique de Stockholm et obtint son diplôme avec spécialisations en éducation musicale, organiste concertiste et musique chorale. De 1967 à 1976, elle chanta professionnellement dans le Chœur de la Radio Suédoise et dans le Chœur de Chambre d’Eric Ericson. En 1991, après avoir enseigné la Théorie Musicale au Collège de Musique à Ingesund en Arvika (Suède), elle fut nommée directeur de Mariakören et l’Organiste Assistante de la Cathédrale de Västeras. En 1998, elle fut honorée du titre de Chef du Chœur Suédois de l’Année. En 2006, Sköld a été nommée Directeur de Musique et Organiste de la Cathédrale de Västeras.

Dans sa recherche visant une plus grande compréhension et appréciation de son art, Agneta Sköld reçut de nombreuses bourses et récompenses. En l’honneur de sa réussite en tant que compositeur, elle a reçut des prix prestigieux dont la Médaille Johannes Norrby en 2003, et la Médaille Royale du 8ème Grade des mains de Sa Majesté, le Roi Carl-Gustav XVI.

Gloria est une expression de joie et de foi, qui donne au compositeur un sentiment d’espoir lors d’une période personnelle difficile. Cette œuvre à l’intensité soutenue est marquée par d’authentiques conviction et expressivité. Sköld utilise une technique texturale de superposition motivique, qui accompagnée de la 16ème note ostinato ascendante entraîne la musique vers une intensité progressive à la fois en texture et en rythme. (Illustration 2)

Compositions sélectionnéesCorpus Christe Carol (2004) – SATB, Gehrmans musikförlag, 10623, StockholmThere is no Rose (2004) – SATB, Gehrmans musikförlag, 10553, StockholmMagnificat (1998) – SSAA, harp or piano/cello, Sveriges Körförbund/Gehrmans musikförlag, SK877, StockholmKyrie/Gloria (1990) – SSAA, piano, Sveriges Körförbund/Gehrmans musikförlag, SK 656, Stockholm, Walton, USAGo Crystal Tears – SSAATTBB, Gehrmans musikförlagJubilate Deo – SATB, Gehrmans musikförlag, 10624, Stockholm

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Illustration 1. Vasiliauskaitė, Magnificat, mvt. 1, Lithuanian Music Information www.mic.lt

Illustration 2. Sköld, Gloria, Walton Music HL08500321

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Maija einfelde (née en 1939, Valmiera, Lettonie)Maija Einfeilde fut initiée très jeune à la musique. Son père

construisait des orgues et sa mère était organiste d’une église locale. Elle commença son éducation musicale à Cesis, à l’Ecole de Musique Alfreds Kalnins, puis au Collège de Musique Jazeps Medins à Riga. Elle étudia la composition avec Janis Ivanov au Conservatoire Public où elle obtint son diplôme en 1966. En 1968, elle commença à enseigner la composition et la théorie musicale à l’École de Musique Alfreds Kalnins de Cesis, au Collège de Musique Jazeps Medins, à l’École de Musique Emils Darzins et à l’Ecole Musicale du soir de Ridze.

Principalement axée sur la création d’œuvres pour chœurs et ensembles de chambre, Maija Einfelde a reçu de nombreuses distinctions et récompenses. En 1997, elle gagna le «Concours de Composition de la Fondation Barlow» pour At the Edge of the Earth. En 1999, elle reçut le Prix de la Culture de la République de Lettonie. En 2000, elle reçut la Copyright’s Infinity Award de l’Union des Auteurs Lettons. Elle réussit avec distinction l’"UNESCO International Music Council’s Competition, Rostrum" pour son œuvre, Maija Balade (Balade de Mai), pour quatre clarinettes et chœur mixte de 8 voix.

Le style de Maija Eifelde comporte un aspect brutal qui va au-delà de la simple dissonance et de la violence. Au contraire, sa musique semble être renseignée par l’acceptation et la reconnaissance toujours présente de la souffrance et de la peine que tous doivent supporter. En écrivant pour le quotidien national letton, Diena (Le Jour), Inese Lüsina synthétisa ainsi la musique de Maija Einfelde:

"Depuis l’enfance, la vie difficile du compositeur s’est matérialisée en art de grande valeur caractérisé par une douleur aigüe ressentie jusqu’à la moelle, du type de celle à laquelle un occidental, s’attendant à un certain niveau de confort européen, ne sera pas habitué. C’est un rêve lumineux portant sur de petites choses, qu’un maestro gâté par la vie et par un environnement délicat ne sera même pas à même de découvrir. Elle révèle une qualité lettone [sic] qui jamais ne se montre primitive. En principe, c’est une autre approche de la voix humaine, qui assurément démontre un raffinement qui n’est pas simplement académique."4

At the Edge of the Earth fut composée en 1996. Ecrite en quatre parties, cette œuvre se base sur le texte de la pièce Prometheus

4 Inese Lūsina, Maija Einfelde: Latvian Composers. Notes retranscrites d’une jaquette de CD. Musica Baltica, Compact Disc

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Bound d’Eschyle, dramaturge grec du 5ème siècle. L’ouverture de Pie Zemes Täläs est saisissante. Le contrepoint discret, qui en fait crée de l’élan, ne trahit jamais la gravité menaçante du texte d’Eschyle: "Nous avons atteint ici la région la plus éloignée de la terre, le repaire des Scythes, une étendue sauvage sans empreinte." (Illustration 3)

La toute dernière composition d’Einfelde, Lux aeterna, procure un aperçu de ce qui peut être considéré comme le départ notable de "la vie difficile" d’un compositeur qui dit, à un moment: "La vie n’est pas belle, pour que je sois capable d’écrire de la belle musique."5 Dans ce nouveau morceau, qui est pris à la section Communio de la Missa pro Defunctis, ou Requiem Mass, Einfelde fait preuve d’un niveau d’équilibre et de retenue qui répond au message unificateur et communautaire de cette section du Requiem Mass. Á la fin de la première section chorale, la texture s’ouvre à 12 parties, au "…quia pius es", et l’universalité du texte se double à largo d’une augmentation rythmique ondoyante qui

5 Baiba Jaunslaviete, 20th Century and the Phenomenon of Personality in Music, 39th Baltic Musicological Conference: Selected Papers. Riga: Latvijas Komponistu savientba, Musica Baltica, 2007, pp. 19-28

Illustration 3 Einfelde, Pie zemes täläs (At the Edge of the Earth)

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Compositions sélectionnéesLux Aeterna (2012) – manuscriptCikls ar Friča Bārdas dzeju (Three Poems by Fricis Bārda) (2003) – SATB a cappella, Musica Baltica MB0061Ave Maria (1998) – SATB, org, Musica Baltica MB0059Psalm 15 (1998) – SSAAATTBBB a cappella, Musica Baltica MB0564Pie zemes tālās (At the Edge of the Earth) (1996) – SSSAAATTTBBB a cappella, Musica Baltica MB0356Ave Maria (1995) – SSAA, org, Musica Baltica MB0060

Traduit de l’anglais par Chantal Elisène-Six, France •

ICB Textes Français

fait référence à "l’attirance particulière pour la mer"6 d’Einfelde, comme le rappelle le musicologue Baiba Jaunslaviete. Le texte est traité avec soin, mais la profondeur de ce qui est exprimé est indéniable. (Illustration 4)

6 ibid.

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ICB Textes Français

Illustration 4. Einfelde, Lux aeterna (manuscrit)

T.J. Harper est Directeur des Activités Chorales et supervise le programme d’Éducation Musicale secondaire au Collège de Providence à Providence, Rhode Island. Il dirige les ensembles de trois chorales de même que les cours en Direction, en Méthodes chorales secondaires, en Direction appliquée, et en Voix appliquée. Dr Harper a reçu le diplôme de «Docteur en Arts Musicaux» de l’Université de Californie du Sud, d’où il est sorti avec les honneurs. Ses centres d’intérêt l’ont conduit vers une recherche complète de l’influence Nazi sur la musique chorale allemande et la musique d’Hugo Distler. Sa thèse intitulée, Hugo Distler and the Renewal Movement in Nazi Germany, se concentre sur la juxtaposition des croyances personnelles de Distler et de ses obligations professionnelles politiques envers le Parti nazi. Dr. Harper contribue aussi en tant qu’auteur à Student Engagement in Higher Education: Theoretical Perspectives and Practical Approaches for Diverse Populations (Routledge) récemment publiés. Courriel: [email protected]

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Pour plus d’informations, voir le site internet:http://www.gracesvoices.comEt pour écouter des extraits de musique : https://itunes.apple.com/it/album/graces-voices-mysterium-crucis/id529445318

Souhaitez-vous que nous fassions un article sur l’un de vos CD dans ce journal ?Merci de me contacter à l’adresse suivante: [email protected]

Traduit de l’anglais par Anne-Laure Pitici, France •

Choix du critique... 2"Australian Voices" (Warner Classics 0825646548606)Gordon Hamilton, chef de chœur (p 101)Analyse de David Swinton, chef de chœur, organiste et directeur du "Trinity Boys Choir, London"

 Australian Voices se produit depuis plus de vingt ans à travers le monde; mais leur récent phénomène sur YouTube Toy Story 3 = Awesome! The Facebook Song

leur a acquis de nombreux nouveaux adeptes branchés. Cet enregistrement présente un répertoire éclectique, et la technique du groupe ainsi que son sens de sa propre identité y sont mis en valeur. Son héritage culturel particulier se trouve au cœur de son travail. C’est évident dans la remarquable chanson qui ouvre leur album "Kalkadunga Yurdu". On en doit le texte et la musique à William Barton, et le chef du chœur Gordon Hamilton a travaillé avec lui sur cet arrangement, contribuant sans doute à créer les impressionnantes imitations vocales du "didgeridoo" et les exemples impressionnants de chant diaphonique. L’œuvre la plus forte et émouvante, pour moi, est "We Apologise" de Robert Davidson. Ce traitement électro-acoustique des excuses aux aborigènes australiens pour leurs souffrances passées,

Jonathan Slawson est diplômé en musicologie à Westminster Choir College et prépare actuellement un master de management des organisations à but non lucratif à New School University. Ses intérêts professionnels l’attirent vers des domaines aussi variés que l’éducation artistique, la politique et le management. Après avoir effectué un stage au sein de l’administration et des relations publiques du Lincoln Center, il travaille aujourd’hui en tant qu’assistant au développement au Bravo Lincoln Center Campaign, la structure chargée de récolter des fonds pour le redéveloppement du Lincoln Center. Il a écrit pour le magazine In Tune Monthly produit par Disney, pour lequel il était éditeur du guide des professeurs. Il a travaillé aux New World Stages (les Scènes du Nouveau Monde) et au Théâtre Mc Carter. Il a enseigné la musique à l’école primaire Maureen M. Welch, et aux Centres des Arts Vivants de New Jersey et de Stagestruck. Il est membre du bureau de la Blair Academy et a reçu en 2009 le prix du Président de l’Université Chorale de Westminster, la plus haute distinction de cette institution.

Critic's Pick

Choix du critique…1Graces & Voices: Mysterium CrucisRondeau Production ROP6067 (p 99)Jonathan Slawson, Journaliste

Ensemble féminin, Graces & Voices a été fondé par Adrija Čepaitė et Antanina Kalechyts en 2010. Ses membres sont originaires d’Autriche, de Biélorussie, de Lituanie

et de Singapour. Chacune de ses membres est une musicienne professionnelle accomplie, diplômée soit en chant grégorien, soit en direction chorale, en musique religieuse ou en orgue, flute à bec, violon ou chant. Sa composition internationale (7 jeunes femmes de 4 pays) fonctionne parfaitement et illustre l’universalité d’un type d’art choral transcendant.

Graces & Voices explore un répertoire écrit originalement pour l’église. Elles travaillent avant tout des chants grégoriens et des polyphonies sacrées, mais aussi de la musique contemporaine et instrumentale.  Cet ensemble relativement nouveau est une étoile montante de la communauté chorale, tout en continuant à chercher et à développer sa voix musicale collective.

En 2012, elles ont été officiellement reconnues au festival international de chant grégorien de Watou, en Flandre-Occidentale (Belgique). La même année, elles ont participé au festival international de chant de Bratislava, en Slovaquie. L’ensemble est heureux d’entreprendre en 2013 deux tournées européennes.

Mysterium Crucis, enregistré au Sommerrefektorium des Stiftes Rein de Steiermark, en Autriche, revisite l’Invention cruces et l’Exaltatio cruces, chants grégoriens pour les deux Fêtes de la Croix Glorieuse. L’auditoire se réjouit de voir un groupe de chanteuses professionnelles si talentueuses devenir sous ses yeux un véritable ensemble. Sur ce CD on peut entendre de nombreux unissons d’une uniformité exceptionnelle, comme il se doit dans le plain-chant. Le public est impatient d’observer leurs progrès tandis qu’elles se produisent actuellement à travers le monde, cherchant leur voix collective, et de découvrir ce qui, au-delà de leur pluralité d’origines, les rend uniques au sein de la communauté chorale. Il a le sentiment d’être témoin de l’émergence d’un ensemble au potentiel sans limites.

Mysterium Crucis est dénué d’élégance et comporte trop de nuances de musique stylisée. Son style brut est certainement plus approprié aux chants religieux. Ici dans un contexte d’enregistrement musical, l’ensemble a peut-être cherché à obtenir non seulement un son proche de la perfection et un unisson riche et chaleureux, mais également une ligne musicale plus développée, ou une interprétation vocale originale du texte. Une des façons les plus connues en musique vocale pour parvenir à une direction cadentielle est d’accentuer la note pénultième de chaque cadence, permettant ainsi un “atterrissage en douceur” de chaque phrase musicale. Ceci est assez rare ici, mais lorsque c’est exécuté, c’est absolument magnifique.

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par l’ex-premier ministre australien Kevin Rudd, est basé sur l’enregistrement de son discours: la version audio originale a été ralentie 250 fois; ce que les chanteurs imitent, et cette version enregistrée est continuellement répétée, en doublant la vitesse à chaque fois répétée jusqu’à ce qu’émerge la voix originale de Rudd: c’est renversant, et magnifique! J’ai également apprécié les compositions de Hamilton, en particulier celles de son œuvre theâtro-chorale "MOON", qui a reçu à l’"Edinburgh Festival Fringe" un succès remarquable. C’est clair: Hamilton sait comment écrire pour la voix, mais il est aussi exigeant envers ses chanteurs: les voix forment des accords ravissants; chacune doit avoir une tessiture étendue, et elles ne se contentent pas d’articuler le texte mais créent des couleurs. Sa “Facebook Sang” est sans aucun doute un délice; mais il s’agit certainement là d’une conclusion parfaite de concert, et personne ne songerait à chicaner sur son inclusion dans la polyphonie atonale à huit voix de Peter Clarck "Pessoa Chorus". De nombreux auditeurs feront l’impasse sur la piste de Clark, mais on doit faire l’éloge d’Hamilton pour avoir présenté ce texte un peu excentrique de "Pessoa", qui mérite plusieurs écoutes. Outre ces œuvres contemporaines virtuoses, on trouve quelques œuvres chorales comme le "Bogoroditse Devo" de Rachmaninov. Ce CD, sorti en 2012 sous le label Warner Classics, est une compilation de plusieurs concerts dans différents lieux: les pistes peuvent sembler bien différentes les unes des autres. C’est regrettable, alors que le chant est excellent sur l’ensemble du CD et que la valeur du répertoire est élevée: le chant choral australien a vraiment atteint sa maturité.

Traduit de l’anglais par Serdane Baudhuin, Belgique •

Choral Book Review

ICB Textes Français

The Cambridge Companion to Choral MusicEdité par André de QuadrosNew York: Cambridge University Press, 2012 (p 102)Commentaires de Debra Shearer-Dirié, chef de chœur et pédagogue

André de Quadros, l’éditeur, a convié quelques brillants spécialistes de divers domaines de la musique chorale à lui apporter leur contribution. La présente publication

comporte 19 chapitres abordant plusieurs thèmes essentiels de l’art choral, souvent délaissés dans des ouvrages similaires. On y trouve trois sections: ‘La musique chorale: histoire et contexte’, ‘La musique chorale à travers le monde’ et ‘La philosophie chorale, pratique et pédagogie’. Plusieurs publications antérieures ont traité ces thèmes de manière dispersée, mais The Companion les rassemble en un seul volume.

Après une brève préface de John Rutter, de Quadros définit tout d’abord ce que l’on entend par musique chorale. Il fixe ensuite ses trois objectifs : replacer la musique chorale dans une perspective historique, présenter et célébrer la grande diversité de la musique chorale dans le monde, ainsi que mettre en valeur l’activité chorale et contribuer à son développement.

Les spécialistes qui ont contribué à la Section 1 sont Andrew Parrott, Chester L. Alwes, Nick Strimple et Paul Hiller. Ces quatre premiers chapitres décrivent l’essor et la formation des ensembles vocaux, en mentionnant les principaux compositeurs et genres, des centres géographiques importants, des personnalités politiques ou historiques et des événements affectant l’évolution de la musique chorale.

Alwes introduit le troisième chapitre consacré à la musique chorale dans la culture du XIXème siècle, en explorant les moteurs philosophiques du XVIIIème siècle, y compris ‘Les Lumières’ et la ‘Révolution Industrielle’, une époque au cours de laquelle des penseurs tels que René Descartes, John Locke, Isaac Newton et Jean-Jacques Rousseau ont pris position.

Dans le quatrième chapitre, Strimple, nous emmène jusqu’à l’ère moderne avec ‘La musique chorale des XXème et XXIème siècles’, couvrant le développement de la polytonalité, l’impressionnisme, l’éclectisme, le dodécaphonisme et le nationalisme. Il conclut en passant à la loupe certains progrès qui apparaissent à la fin du XXème siècle, et décrit comment la musique de contrées telles que la Mongolie et divers pays africains est progressivement devenue plus accessible.

Dans le chapitre 5, ‘La nature du chœur’, Hillier nous invite à reconsidérer ce qui motive les gens à pratiquer le chant d’ensemble. Son récit est comme un voyage en train, tandis qu’il s’arrête pour visiter des endroits où l’on rencontre des chanteurs, en se penchant au passage sur les chœurs d’opéra et d’oratorio, les chœurs d’église, les groupes folkloriques et chœurs de concert. C’est peut-être le chapitre le plus provocateur, et il incite le lecteur à se demander ce que l’avenir pourrait bien nous réserver.

La seconde section, couvrant les chapitres 6 à 13, est dédiée aux activités chorales à travers le monde. Chaque auteur, spécialiste d’une région particulière, adopte un point de vue légèrement différent. Les chapitres les plus intéressants sont peut-être ceux qui sont consacrés à la musique des peuples indigènes, et la façon dont celle-ci a favorisé ou influencé le cours de la musique chorale là où ils vivent. On y trouve également certaines données statistiques des centiles de population participant à la vie

David Swinson fut choriste principal du Magdalen College de l’Université d’Oxford, avant d’étudier le piano et l’orgue au Royal College of Music et ensuite la musique en tant qu’organiste au Jesus College de Cambridge. Parmi les distinctions musicales qu’il a obtenues à cette période, on peut citer cinq prix RCM, une bourse du Countess of Munster Musical Trust, et un poste au Royal College of Organists. Depuis qu’il a terminé ses études, David mène une carrière active d’enseignant, de chef de chœur et d’organiste. Il a joué de nombreux récitals d’orgue en Europe et aux États-Unis, et comme chef il a travaillé avec l’Orchestre Symphonique de Bournemouth, le "Sinfonietta" de Bournemouth et les "London Mozart Players". David a été Chef de Musique à la Trinity School de Croydon, chef du "Trinity Boys Choir" depuis 2001 avec lequel il a participé à diverses émissions télévisées et à plusieurs enregistrements. Courriel: [email protected]

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chorale. En outre, tous les ensembles de premier plan, de même que d’importants centres de musique chorale, sont repris avec une attention toute particulière pour la diffusion de la musique chorale proprement dite.

Les auteurs de la dernière section de l’ouvrage, intitulée ‘La philosophie chorale, pratique et pédagogie’, sont Francisco Núnez, Mary Goetze, Cornelia Fales, Wolodymyr Smishkewych, Doreen Rao, Mike Brewer, Liz Garnett, Ann Howard Jones et Simon Carrington. Il s’agit d’études de cas, traitant soit de divers aspects de la pratique ou de la pédagogie, soit des deux. L’élargissement du public et la diversité des ensembles y sont abordés. La question est de savoir comment les chanteurs peuvent idéalement avoir accès à un répertoire qui requiert un autre timbre vocal que celui du bel canto. La formation des futurs chefs de chœur au XXIème siècle est également traitée, tout comme l’idée de l’individualité dans nos ensembles, dont Brewer et Garnett livrent une analyse intéressante en la décrivant avec justesse comme un "microcosme de la vie sociale des hommes".

De Quadros et tous ses collaborateurs méritent d’être félicités pour ce recueil complet d’articles. On peut parler ici d’un ouvrage incontournable pour tous les chefs de chœur, les comités et conseils des associations musicales, les programmes tertiaires de musique, ainsi que les chanteurs. 

Traduit de l’anglais par Cécile Dupont, France •

Debra Shearer-Dirié est diplômée de l’Institut Kodàly de Kecskemét en Hongrie, et titulaire d’un Master d’Education musicale et d’un Doctorat en musique spécialisée dans la direction chorale de l’université d’Indiana aux Etats-Unis. Aujourd’hui, elle habite Brisbane en Australie et a enseigné la direction chorale et les études phonétiques à l’université de Queensland, aux cours d’été de l’ACCET, et à l’école d’été internationale de chefs de chœurs en Nouvelle-Zélande. Le Dr Shearer-Dirié est désormais l’Editrice des publications de l’Association Nationale des chœurs Australiens, et la représente au Conseil National. Elle est la Directrice Musicale du ‘Brisbane Concert Choir’ (Chœur symphonique de Brisbane), du Chœur de chambre ‘Vox pacifica’, de ‘Fusion’ et de ’Vintage Voices’. Courriel: [email protected]

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