investissements hôteliers, les conséquences de la loi du 2 ... · | | gérant-mandataire...

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i : les conséquences de la loi du 2 août 2005 en faveur des PME sur les mandats de gestion La loi en faveur des PMEa codifié le statut des gérants-mandataires afin d'offrir aux gérants personnes physiques un cadre législatif précis. Mais le champ d'application de cette loi s'avère beaucoup plus large qu'initialement prévu puisqu'elle vise en pratique tous les mandats de gestion et en particulier les mandats de gestion conclus par des investisseurs institutionnels avec des opérateurs hôteliers. Ce faisant, la loi soulève de nombreuses interrogations sans y apporter de réponses. I I a « loi Dutreil » ! a codifié Se statut de i \ | | gérant-mandataire d'hôtels. -1 11 ressort des travaux parlementaires que ce statut a été spécialement conçu afin de protéger le gérant-mandataire personne physique 2 . Toutefois, les dispositions des nouveaux arti- cles L 146-1 et suivants du Code de commerce couvrent un champ d'application extrêmement large puisqu'elles visent les «personnesphysiques ou morales qui gèrent un fonds de commerce ou un fonds artisanal, moyennant le versement d'une commission proportionnelle au chiffre d'affaires » (C corn., art L146-1). Qu'en est-il ainsi des mandats de gestion hôte- liers confiés par des investisseurs immobiliers institutionnels à de grands groupes hôteliers qui à la lecture de l'article L 146-1, rentrent dans le champ d'application de la loi ? Ce nouveau cadre législatif est-il adapté à ce type de mandats et, dans le cas contraire, est-il possible d'y déroger ? Cet article 19de la loi Dutreil résulte directement d'une jurisprudence dite «jurisprudence Accor » aux termes de laquelle plusieurs gérants person- nés physiques d'hôtels Accor (principalement dans l'hôtellerie économique) avaient vu leur contrat de gestion requalifié en contrat de travail au motif que le contrat de gestion ne constituait qu'un salariat déguisé 3 » C'est une solution plus proche du droit civil et du droit commercial que du droit du travail qui a finalement été retenue par la loi Dutreil. La gérance-mandat se définit ainsi comme un contrat par lequel le propriétaire d'un fonds de commerce en confère l'exploitation à un gérant- mandataire. Les principales caractéristiques du contrat de gérance-mandat sont les suivantes : - les missions du gérant-mandataire sont fixées par un contrat cadre qui gérant toute latitude pour gérer limites du cadre ainsi tracé ; is laisser au à son exploitation ; - le gérant-mandataire doit être immatriculé au registre du commerce et des sociétés et le contrat doit être mentionné à ce registre et faire l'objet d'une publication dans un journal d'an- nonces légales ; - le mandant doit fournir au gérant avant la conclusion du contrat dans des conditions défi- nies par décret toutes informations nécessaires sur sa mission (C. com., art. L146-2) ; - le contrat cadre doit mentionner le montant de la commission minimale garantie versée au étant, ceiie-ci étant Tixee a aeraut a accord par le ministre chargé des petites et moyennes entre- prises (C, com., art, L146-3) ; - le contrat peut prendre fin à tout moment dans les conditions fixées par les parties. Toutefois, en cas de résiliation par le mandant, la loi rend obli- gatoire, sauf faute grave du gérant, le versement par le mandant à celui-ci d'une indemnité qui doit être égale, sauf conditions contractuelles plus favorables, au montant des commissions garan™ tie pendant les six mois précédant la résiliation contrat si elle a été inférieure à six mois (C. com., A défaut de dispositions particulières dans la loi, ces dispositions sont applicables depuis la date de son entrée en vigueur, soit le 4 août 2005. Toutefois, leur mise en oeuvre est subordonnée à la publication du décret devant préciser l'obli- gation d'information du mandataire, décret non encore paru à ce jour. La loi n'étant pas rétroactive, elle n'est donc pas applicable aux contrats de gestion hôteliers conclus avant son entrée en vigueur. Toutefois, tous les nouveaux contrats signés depuis îe 4 août 2005 doivent respecter les dispositions des articles L. 146-1 et suivants du Code de commerce. Certes, la loi Dutreil a eu pour objectif d'encadrer un statut très spécifique, celui des gérants-man- dataires de petits établissements hôteliers faisant partie d'un réseau structuré et organisé du type réseaux d'hôtellerie économique. Toutefois, la loi est applicable à toutes lesper- sonnes (physiques ou morales) ayant conclu un mandat de gestion répondant aux caractéristi- ques de l'article L 146-1, c'est-à-dire en pratique à tous les mandats de gestion hôteliers. En effet, un investisseur institutionnel proprié- taire des murs d'un hôtel, ayant conclu un bai! commercial avec une de ses filiales, qui elle-même confie l'exploitation de l'hôtel à une enseigne internationale par le biais d'un contrat de gestion, est soumis aux dispositions de la loi Dutreil. Or, l'équilibre contractuel exis- tant dans ce type de mandat ne peut être com- paré à celui principalement concerné par la loi Dutreil. Les gérants-mandataires visés par la loi gèrent un hôtel dans le cadre d'un réseau qu'ils doivent intégrer et dont ils doivent respecter les caractéristiques. Bien au contraire, c'est le gérant-mandataire auquel un investisseur institutionnel va faire appel qui va apporter son expertise de grand groupe hôtelier et qui va gérer l'hôtel conformé™ ment à ses propres pratiques commerciales. 132 i Décideurs : Stratégie, Finance & Droit - 15 janvier-15 février 2006

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Page 1: Investissements hôteliers, les conséquences de la loi du 2 ... · | | gérant-mandataire d'hôtels. • -1 11 ressort des travaux parlementaires que ce statut a été spécialement

i :

les conséquences de la loi du2 août 2005 en faveur des PME sur les mandats de gestionLa loi en faveur des PME a codifié le statut des gérants-mandataires afin d'offrir auxgérants personnes physiques un cadre législatif précis. Mais le champ d'applicationde cette loi s'avère beaucoup plus large qu'initialement prévu puisqu'elle vise enpratique tous les mandats de gestion et en particulier les mandats de gestion concluspar des investisseurs institutionnels avec des opérateurs hôteliers. Ce faisant, la loisoulève de nombreuses interrogations sans y apporter de réponses.

I I a « loi Dutreil »! a codifié Se statut dei \

| | gérant-mandataire d'hôtels.• -1 11 ressort des travaux parlementairesque ce statut a été spécialement conçu afinde protéger le gérant-mandataire personnephysique2.Toutefois, les dispositions des nouveaux arti-cles L 146-1 et suivants du Code de commercecouvrent un champ d'application extrêmementlarge puisqu'elles visent les «personnesphysiquesou morales qui gèrent un fonds de commerce ouun fonds artisanal, moyennant le versement d'unecommission proportionnelle au chiffre d'affaires »(C corn., art L146-1).Qu'en est-il ainsi des mandats de gestion hôte-liers confiés par des investisseurs immobiliersinstitutionnels à de grands groupes hôteliers qu ià la lecture de l'article L 146-1, rentrent dans lechamp d'application de la loi ? Ce nouveau cadrelégislatif est-il adapté à ce type de mandats et,dans le cas contraire, est-il possible d'y déroger ?

Cet article 19 de la loi Dutreil résulte directementd'une jurisprudence dite «jurisprudence Accor »aux termes de laquelle plusieurs gérants person-nés physiques d'hôtels Accor (principalementdans l'hôtellerie économique) avaient vu leurcontrat de gestion requalifié en contrat de travailau motif que le contrat de gestion ne constituaitqu'un salariat déguisé3»C'est une solution plus proche du droit civil etdu droit commercial que du droit du travail qui afinalement été retenue par la loi Dutreil.La gérance-mandat se définit ainsi comme uncontrat par lequel le propriétaire d'un fonds decommerce en confère l'exploitation à un gérant-mandataire. Les principales caractéristiques ducontrat de gérance-mandat sont les suivantes :- les missions du gérant-mandataire sont fixées

par un contrat cadre quigérant toute latitude pour gérerlimites du cadre ainsi tracé ;

is laisser au

à son exploitation ;- le gérant-mandataire doit être immatriculéau registre du commerce et des sociétés et lecontrat doit être mentionné à ce registre et fairel'objet d'une publication dans un journal d'an-nonces légales ;- le mandant doit fournir au gérant avant laconclusion du contrat dans des conditions défi-nies par décret toutes informations nécessairessur sa mission (C. com., art. L146-2) ;

- le contrat cadre doit mentionner le montantde la commission minimale garantie versée au

étant, ceiie-ci étant Tixee a aeraut a accord par leministre chargé des petites et moyennes entre-prises (C, com., art, L146-3) ;- le contrat peut prendre fin à tout moment dansles conditions fixées par les parties. Toutefois, encas de résiliation par le mandant, la loi rend obli-gatoire, sauf faute grave du gérant, le versementpar le mandant à celui-ci d'une indemnité quidoit être égale, sauf conditions contractuellesplus favorables, au montant des commissions

garan™

tie pendant les six mois précédant la résiliation

contrat si elle a été inférieure à six mois (C. com.,

A défaut de dispositions particulières dans la loi,ces dispositions sont applicables depuis la datede son entrée en vigueur, soit le 4 août 2005.Toutefois, leur mise en oeuvre est subordonnéeà la publication du décret devant préciser l'obli-gation d'information du mandataire, décret nonencore paru à ce jour.

La loi n'étant pas rétroactive, elle n'est doncpas applicable aux contrats de gestion hôteliersconclus avant son entrée en vigueur. Toutefois,tous les nouveaux contrats signés depuis îe4 août 2005 doivent respecter les dispositionsdes articles L. 146-1 et suivants du Code decommerce.

Certes, la loi Dutreil a eu pour objectif d'encadrerun statut très spécifique, celui des gérants-man-dataires de petits établissements hôteliers faisantpartie d'un réseau structuré et organisé du typeréseaux d'hôtellerie économique.Toutefois, la loi est applicable à toutes les per-sonnes (physiques ou morales) ayant conclu unmandat de gestion répondant aux caractéristi-ques de l'article L 146-1, c'est-à-dire en pratiqueà tous les mandats de gestion hôteliers.En effet, un investisseur institutionnel proprié-taire des murs d'un hôtel, ayant conclu unbai! commercial avec une de ses filiales, quielle-même confie l'exploitation de l'hôtel àune enseigne internationale par le biais d'uncontrat de gestion, est soumis aux dispositionsde la loi Dutreil. Or, l'équilibre contractuel exis-tant dans ce type de mandat ne peut être com-paré à celui principalement concerné par la loiDutreil. Les gérants-mandataires visés par la loigèrent un hôtel dans le cadre d'un réseau qu'ilsdoivent intégrer et dont ils doivent respecterles caractéristiques.

Bien au contraire, c'est le gérant-mandataireauquel un investisseur institutionnel va faireappel qui va apporter son expertise de grandgroupe hôtelier et qui va gérer l'hôtel conformé™ment à ses propres pratiques commerciales.

132 i Décideurs : Stratégie, Finance & Droit - 15 janvier-15 février 2006

Page 2: Investissements hôteliers, les conséquences de la loi du 2 ... · | | gérant-mandataire d'hôtels. • -1 11 ressort des travaux parlementaires que ce statut a été spécialement

Par SOPHIE TouHADlAN-GlELY, Avocat sous la direction de PATRICK JAÏS, Avocat Associé.

dbres et déjà connues mais soulève également

! • , • " * •

mandat, le propriétaire du fonds devra fournir au

mandataire un certain nombre d'informations

par décret L'article L 146-2 du Code de com-

merce institue ici un formalisme qui n'existait pas

jusqu'à présent et qui fait penser au formalisme

préalable à la conclusion d'un contrat defranchise

prévu par l'article L. 330-3 du Code de commer-

ce Ce formalisme introduit des contraintes sup-

plémentaires dans la négociation de ce type de

tsons à fournir reste inconnue tant que le décret

d'application n'est pas paru. En outre, il est prévu

que le contrat doit faire l'objet d'une publication

mais quel sera le contenu de cette publication ?

Celle-ci devra-t-elle décrire ses principales carac-

- Le contrat doit prévoir une

maie garantie. Cette commission mini-

doit tenir

modalités de son exploitation » (G corn., art L.

146-3). Ces dispositions viennent restreindre la

liberté contractuelle des parties dans la mesure

où il est fréquent que les contrats de gestion

hôteliers conclus avec de grands groupes inter-

nationaux ne prévoient pas de commission mini-

male garantie

- Enfin, l'indemnité minimale de résiliation fixée

par l'article L. 146-4 peut également soulever

des difficultés. En effet, cette indemnité est due

par le mandant, sauf faute grave du mandataire,

dans tous les cas de résiliation par ce dernier, en

ce compris les cas de résiliation prévus par le

contrat Son montant minimum est fixé par le

Code et peut s'avérer relativement important si

le contrat ne prévoit pas de commission minima-

le garantie (montant des commissions acquises

durant les six derniers mois). La seule dérogation

au paiement de l'indemnité réside dans la corn™

mission d'unefaute grave parle mandataire. Laencore, il s'agitd'une notionrelat ivementsubjective quidevra, pour offrir

ique, être

le contrat degestion.

Au regard de la pratique des contrats de gestion

hôteliers, les dispositions des articles L 146-1 et

suivants du Code de commerce semblent ainsi

soulever beaucoup de questions et ne pas y

réponses

insi:

non respect du formalisme d'information préala-

ble du co-contractant prévu par l'article L 146-2

du Code de commerce et le décret à paraître ?

S'agira-t-il d'un cas de vice du consentement

permettant par la suite la résiliation ou l'annu-

lation du contrat voire d'une infraction pénale

comme c'est le cas dans le domaine de la fran-

chise (contravention de cinquième classe) ?

- Qu'en est-t-il des salariés affectés à la ges-

tion de l'hôtel ? Dans la pratique, ceux-ci sont

normalement des salariés du fonds hôtelier

et concluent à ce titre des contrats de travail

avec le mandant, bien qu'ils demeurent sous

la subordination du mandataire pour l'exécu-

tion de leur contrat Or, l'article L146-1 intro-

duit un risque de confusion en précisant que

le mandataire dispose de toute latitude dans

sa mission afin de déterminer ses conditions

de travail et « d'embaucher du personnel ».

Dans fesorit de la loi et de la nratiouf1 IP Derson-I * § 1 ! I

nel de l'hôtel devrait donc demeurer le person-

nel du mandant, celui-ci assumant les risques

liés à l'exploitation du fonds. Toutefois, ce point

nécessiterait d'être précise

- Et plus généralement, quelle est la nature des

dispositions des articles L 146-1 et suivants

du Code de commerce ? En effet, s'agit-il de

dispositions impératives d'ordre public qui ne

permettent pas d'y déroger contractuellement ?

La question se pose tout particulièrement pour

l'indemnité de résiliation fixée par les parties qui

selon les textes ne peut être que plus favorable

que l'indemnité légale Dans ce cas précis, il

semble bien s'agir d'une disposition impéra-

tive à laquelle les parties ne peuvent déroger

contractuellement.

Dans la pratique des contrats de gestion conclus

par des investisseurs immobiliers avec de grands

groupes hôteliers, et en l'absence de publication

du décret d'application de cette loi, les nouvelles

dispositions sur la gérance-mandat introduites

par la loi Dutreil ne manqueront pas de soule-

ver dans les mois qui viennent de nombreuses

interrogations que les praticiens du secteur doi-

vent anticiper pour les futures négociations de

contrats de gestion,

1 Article 19 de la loi n°2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites

et moyennes entreprises

4 Voir notamment Rapport Chatel au nom de la Commission des

affaires économiques, de l'environnement et du territoire sur le

projet de loi, adopté par le Sénat, après déclaration d'urgence

(n°2381), en faveur des petites et moyennes entreprises (n°2429),

29 juin 2005.

3 Voir notamment CA Paris, 7 juin 2001, n°00-39465 : BRDA19/01

lnf.1.

un statut codifié

un champ d'application très large : la loi est applicable à laplupart des contrats de gestion hôteliers

des dispositions peu adaptées à l'économie des contrats degestion conclus avec de grands groupes hôteliers

un statut soulevant de nombreuses interrogations notammenten l'absence de publication du décret d'application

Le bureau de Paris de Fried Frank est l'un desleaders en fusions acquisitions et droit boursier.SophieTouhadian-Giely intervient à la fois surdes opérations de fusions acquisitions quesur des opérations de capital investissementet conseille régulièrement de grands groupeshôteliers, aussi bien dans le cadre d'opérationsde fusions acquisitions que dans le cadre deleur pratique opérationnelle hôtelière.

Décideurs : Stratégie, Finance & Droit - 15janvier-15 février2006 j 1 3 3