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JEAN‐LUC GODARD
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Je ne sais pas raconter des histoires. J’ai envie de tout restituer, de tout
mêler, de tout dire en même temps.
Jean‐Luc Godard, en 1966
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GODARD COLLAGE
Jean‐Luc Godard est certainement l’un des cinéastes les plus importants de la fin du
XXe siècle. Dès son premier film, A bout de souffle, il bouscule les conventions
cinématographiques. Enfant de la Cinémathèque d’Henri Langlois, critique pour Les
Cahiers du Cinéma, il est l’auteur français qui déclencha le plus de commentaires et de
polémiques. Visionnaire et expérimentateur pour les uns, charlatan et usurpateur
pour les autres, Jean‐Luc Godard ne laissa jamais indifférent. D’une œuvre
extrêmement riche, nous avons réuni ici, 19 films. Ils couvrent une partie de la
carrière de Jean‐Luc Godard, de ses débuts jusqu’à nos jours. Ils témoignent de son
évolution aussi bien artistique qu’intellectuelle. Ils s’inscrivent tous dans une époque
et en sont le parfait reflet. Ils anticipent souvent sur les évolutions de la société
française voire internationale ; ce qui semble confus ou incohérent sur le moment se
révèle quelques années après comme particulièrement clairvoyant. Ainsi, il nous a
semblé intéressant de réunir des extraits d’articles, dans nos revues de presse, afin de
se rendre compte de la virulence et la persistance de certaines attaques dans le temps.
Ainsi à la façon d’un collage très « godardien » vous pouvez vous faire une opinion
sur ses films et voir cette collection de 19 titres en VOD et en téléchargement sur http://www.imineo.com/
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SOMMAIRE
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PIERROT LE FOU…………………………………………………………………...……109
Slogans pour Pierrot par Jean‐Luc Godard………………………………………….….110
Synopsis…………………………………………………………………………………….111
Fiche technique et artistique……………………………………………………..……….112
Pierrot le Fou, extrait du découpage………………………………………………...……113
Revue de presse……………………………………………………………………………122
PIERROT LE FOU
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SLOGANS POUR PIERROT par Jean‐Luc Godard
PIERROT LE FOU c’est :
CʹEST STUART HEISLER REVU PAR RAYMOND QUENEAU
LE DERNIER FILM ROMANTIQUE
LE TECHNISCOPE HÉRITIER DE RENOIR ET SISLEY
LE PREMIER FILM MODERNE DʹAVANT GRIFFITH
LES PROMENADES DʹUN RÊVEUR SOLITAIRE
LʹINTRUSION DU CINÉ‐ROMAN POLICIER DANS LE TRAGIQUE DE LA CINÉ‐
PEINTURE.
PIERROT LE FOU c’est :
LE PREMIER FILM NOIR EN COULEURS
LE DEUXIEME BELMONDO‐KARINA
LE TROISIEME BELMONDO SERIEUX
LE QUATRIEME GODARD SERIEUX
LE CINQUIEME GODARD SCOPE
LE SIXIEME KARINA‐GODARD
LE SEPTIEME FESTIVAL DE BEAUREGARD
LE HUITIEME ROMAN FRANÇAIS DEPUIS 45
LE NEUVIEME FESTIVAL DE GODARD
LE DIXIEME COUTARD‐GODARD
PIERROT LE FOU c’est :
UN PETIT SOLDAT QUI DECOUVRE AVEC MEPRIS QUʹIL FAUT VIVRE SA VIE,
QUʹUNE FEMME EST UNE FEMME, ET QUE DANS UN MONDE NOUVEAU, IL
FAUT FAIRE BANDE A PART POUR NE PAS SE RETROUVER A BOUT DE
SOUFFLE.
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SYNOPSIS
Ferdinand vient de perdre son travail. Il décide de refaire sa vie avec une jeune
étudiante, Marianne, quʹil a jadis aimée.
Marianne lui annonce pour commencer quʹil faut se débarrasser du cadavre qui se
trouve dans la pièce à côté, un trafiquant appartenant à une organisation il mi‐
chemin entre la politique et le gangstérisme. Ils sʹenfuient.
Ferdinand a du mal à démêler le vrai du faux dans ce que lui raconte Marianne. On
comprend quʹil existe deux bandes : lʹune dirigée par le frère de Marianne, qui a
placé sa soeur dans lʹautre bande pour espionner.
Le signalement du couple est donné.
Bientôt, Ferdinand est utilisé dans un hold‐up parfaitement réussi qui permet en
même temps de supprimer la bande rivale.
Mais Ferdinand se rend compte quʹon lʹa joué, quʹon sʹest servi de lui.
La mort, la sienne comme celle de Marianne et de son frère est pour lui la solution de
lʹabsurde.
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PIERROT LE FOU Fiche artistique & technique
Un film de Jean‐Luc Godard
Produit par Georges de Beauregard
pour Rome Paris Films ‐ SNC (Paris)
Dino De Laurentiis Cinematografica (Rome)
Scénario & dialogues Jean‐Luc Godard
d’après Obsession de Lionel White
Prises de vue Raoul Coutard
Musique Antoine Duhamel
Montage Françoise Colin
Son René Levert – Antoine Bonfanti
Décors Pierre Guffroy
Procédé Couleurs (Eastmancolor) Techniscope
Durée 114 minutes
Tournage mai‐juillet 1965
Première 29 août 1965 au Festival de Venise
Sortie France 3 novembre 1965
Distribution (France en 1965) SNC Impéria
Visa de contrôle n° 29397 Tous publics
Pays d’origine France ‐ Italie
Distribution
Ferdinand Griffon « Pierrot » Jean‐Paul Belmondo
Marianne Renoir Anna Karina
La femme de Ferdinand Graziella Galvani
Un gangster Roger Dutoit
L’homme du port Raymond Devos
Fred le frère de Marianne Dick Sanders
Samuel Fuller,Jean‐Pierre Léaud, Lazlo Szabo
Découpage de Pierrot le Fou, G.M. Polnovski
pour L’Avant‐Scène Cinéma n° 171/172
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PIERROT LE FOU Découpage
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PIERROT LE FOU Découpage
Séquence Générique – Séquence 1 & 2
Générique
Deux cartons successifs portent : « Visa de contrôle cinématographique n° 29 397 », et
sur fond du sigle SNC : « René Pignères et Gérard Beytout présentent ». Puis
apparaissent sur fond noir (début musique), à un rythme régulier et dans lʹordre
alphabétique, des lettres rouges et bleues qui finissent par composer :
JEAN‐PAUL BELMONDO
ET
ANNA KARINA
DANS
PIERROT LE FOU
UN FILM DE
JEAN‐LUC GODARD
Seul « Pierrot le Fou » est inscrit en bleu. Le reste du titre disparaît, puis « le », puis
toutes les lettres sauf deux O, qui, à leur tour, sʹéteignent successivement.
Parc ensoleillé ‐ extérieur jour
Face à nous, une jeune femme joue au tennis sur un court (plan américain).
FERDINAND (off).
Vélasquez, après cinquante ans,
ne peignait plus jamais une chose définie.
Il errait autour des objets avec lʹair et le crépuscule,...
Contrechamp sur lʹensemble du court
où 2 jeunes femmes se renvoient la balle.
... il surprenait dans lʹombre et
la transparence des fonds les palpitations colorées
dont il faisait le centre invisible
de sa symphonie silencieuse.
Il ne saisissait plus dans le monde...
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Librairie ‐ extérieur jour
Ferdinand, en plan américain, entre les présentoirs de livres devant la librairie « Le
Meilleur des Mondes» (Il sʹagit dʹune librairie parisienne du quartier latin, qui était
au 1 rue de Médicis), tient une pile de livres à la main, dont un album des Pieds
Nickelés (La bande des Pieds Nickelés 1908‐1912. L. Fortan). Il choisit encore un livre et
pénètre dans la boutique.
FERDINAND (off)
.... que les échanges mystérieux,
qui font pénétrer les uns
dans les autres les formes et les tons,
par un progrès secret et continu
dont aucun heurt, aucun sursaut
ne dénonce ou nʹinterrompt la marche.
Lʹespace règne...
Port ‐ extérieur nuit
Quelques lumières se reflètent dans lʹeau. A lʹhorizon les lueurs rouges du couchant
(début musique).
FERDINAND (off).
... Cʹest comme une onde aérienne qui glisse sur les surfaces,
sʹimprègne de leurs émanations visibles
pour les définir et les modeler,
et emporter partout ailleurs comme un parfum,
comme un écho dʹelles quʹelle disperse
sur toute lʹétendue environnante en poussière impondérable...
Fin musique.
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Appartement de Ferdinand ‐ intérieur nuit
Gros plan fixe de Ferdinand qui, dans son bain, fume une cigarette et lit à voix haute
un livre de poche (il s’agit de L’histoire de l’art d’Elie Faure. L’Art Moderne. Tome 1.
Livre de poche, 1964, pages : 167, 168,171 et 173).
Derrière lui, les murs clairs de la salle de bains, et sur le rebord de la baignoire, on
aperçoit un cendrier et un paquet de cigarettes.
FERDINAND (lisant).
Le monde où il vivait était triste.
Un roi dégénéré, des infants malades,
des idiots, des nains, des infirmes,
quelques pitres monstrueux vêtus,
en princes qui avaient pour fonction
de rire dʹeux‐mêmes et
dʹen faire rire des êtres hors la loi
vivante étreints par lʹétiquette,
le complot, le mensonge, lié,
par la confession et le remords.
Aux portes, lʹAutodafé, le silence,...
(il tourne une page et se tourne vers lʹécran)
Ecoute ça, petite fille !
(la caméra recule
et une petite fille vient sʹasseoir de profil
à côté de le baignoire,
les mains posées sur le rebord.
Elle écoute attentivement. Lisant.)
Un esprit nostalgique flotte
mais on ne voit ni la laideur,
ni la tristesse, ni le sens funèbre et
cruel de cette enfance écrasée.
(il tourne une page)
Velazquez est le peintre des soirs,
de lʹétendue et du silence.
Même quand il peint en plein jour,
même quand il peint dans une pièce close,
même quand la guerre ou
la chasse hurlent autour de lui.
Comme ils ne sortaient guère aux heures de la journée
où lʹair est brûlant, où le soleil éteint tout,
les peintres espagnols communiaient avec les soirées
(bruits de fond off; il se tourne vers sa fille).
Cʹest beau ça, hein, petite fille !
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Elle fait oui de la tête.
SA FEMME (off).
Tu es fou de lui lire des choses comme ça !
Elle entre de dos dans le champ, vêtue dʹune robe rose. Elle prend un objet derrière
lui et ressort, suivie par sa petite fille que Ferdinand renvoie.
FERDINAND.
Allez ! Au pieu les petits vieux !...
Au fond dʹune chambre à coucher sombre, arrive la petite fille qui sort de la salle de
bains et quitte lʹécran, suivie de sa mère, en plan moyen, qui sʹarrête devant le miroir
de la porte pour rajuster son rouge à lèvres. On aperçoit au chevet dʹun grand lit, sur
un petit meuble, une lampe allumée et un téléphone.
FERDINAND (off).
Pourquoi Odile les a pas encore couchés ?
SA FEMME (avec un très fort accent italien).
Parce que le « Monsieur » lui a permis dʹaller
pour la troisième fois au cinéma cette semaine.
Ferdinand apparaît dans lʹencadrement de la porte, à côté de sa femme, et serre son
peignoir. Puis, prenant une serviette passée autour de son cou, il se sèche les pieds.
FERDINAND
(contrefaisant lʹaccent de sa femme).
« Pour la troisième fois au cinéma».
Evidemment, on joue Johnny Guitar en bas.
(elle sort)
Faut bien quʹelle sʹinstruise !
On commence à vivre un peu trop
dans un monde dʹabrutis.
Elle repasse devant lui.
SA FEMME (agacée).
Allez, allez ! Dépêche‐toi !
Frank et Paola vont arriver.
Il sʹassied sur le lit, passe sa serviette de bain sur ses épaules, tournant le dos à sa
femme assise de lʹautre côté du lit face à nous.
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FERDINAND.
Jʹy vais pas ! Jʹy vais pas !
Finalement, je reste avec les enfants.
SA FEMME (agacée).
Oh ! écoute, non ! Frank mʹa dit quʹil amène sa nièce.
Elle sʹoccupera dʹeux
(elle se lève)
jusquʹà ce quʹon revienne.
Cʹest une étudiante a sempre questo.
Elle fait le tour du lit, lui jette sa chemise sur les épaules et sort.
FERDINAND.
Depuis quand il a une nièce ?
Tel que je le connais, ça doit être une call‐girl.
(il prend un livre sur la table de nuit)
Jʹy vais pas.
SA FEMME (elle revient).
Tu feras ce quʹon te dira.
Il y aura le directeur de la Standard Oil
que papa te présentera.
Elle lui jette ses chaussettes sur les épaules, se dirige vers le fond de la pièce, fouille
dans un placard.
FERDINAND.
Tiens ! je leur ferai un procès à la Télé
pour mʹavoir foutu à la porte.
SA FEMME.
Oh, no ! Tu le feras oui, mais tu le perdras.
(elle revient vers lui)
Et quand on te trouve du travail,
tu seras gentil de lʹaccepter.
(elle lui prend son livre des mains et le jette sur le lit)
Allez ! Basta !
Elle sʹasseoit.
Il se retourne vers elle, pendant quʹelle fouille dans son sac.
Il saisit un jupon rose pâle étalé sur le lit.
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FERDINAND.
Tʹas rien sous ta robe ?
Tʹas pas mis ton jupon ?
SA FEMME.
Non.
(elle lui tend un magazine, lʹair triomphant)
Jʹai mon nouveau « Scandale» qui se voit pas.
Insert sur une page de publicité que la caméra décrit de haut en bas, représentant le
dessin dʹune jeune femme souriante vêtue dʹun pantalon rouge. Lʹimage sʹarrête un
instant sur les fesses de la femme et une petite photo noir et blanc montrant les fesses
dʹune femme portant la panty de Scandale (Sous le slogan proclamé par Ferdinand,
on peut lire : « LIBRE ! En week‐end, je veux me sentir libre en pull‐over et pantalon.
Depuis que j’ai découvert LIBRE GALBE, la nouvelle panty de SCANDALE, je porte
le pantalon sans complexe, je suis sûre de ma ligne ! J’ai constaté, j’ai vérifié que
LIBRE GALBE de SCANDALE n’est pas une panty ordinaire. Elle n’écrase pas, elle
sépare, elle soutient tout en restant invisible et en amincissant les cuisses !)
FERDINAND (off).
« Sous mon nouveau pantalon: Scandale ! Ligne jeune ! »...
(la caméra remonte jusqu’au visage de la jeune femme)
Il y avait la civilisation athénienne,
il y a eu la Renaissance, et maintenant,
on entre dans la civilisation du cul.
Plan moyen large de lʹentrée de lʹappartement.
Précédée dʹun petit garçon au volant dʹune voiture de plastique que pousse son petit
frère, la femme de Ferdinand entre par le fond de la pièce, menant par la main sa
petite fille en robe blanche. Elle passe devant Frank à gauche, fumant une cigarette,
debout derrière Paola assise dans un fauteuil devant un guéridon, à côté de la porte
dʹentrée, puis arrive devant Marianne assise à droite. Celle‐ci porte un blazer bleu
marine, ses cheveux sont roulés en macarons sur ses tempes, et elle joue avec un petit
basset en peluche (On sʹapercevra plus tard quʹil sʹagit de son sac à mains, dont elle
ne se séparera pas un instant durant presque tout le film).
FEMME.
Venez, je vais vous montrer.
Elle passe.
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FRANK.
Elle adore les enfants.
Marianne se lève et la suit.
FEMME.
Et sʹil y a quelque chose,
vous pouvez nous appeler...
(à Frank) A quel numéro ?
FRANK (off).
225‐70‐01.
Panoramique vers la gauche pour suivre les deux femmes qui entrent de dos dans
une autre pièce, face è Ferdinand qui va en sortir.
FEMME (à Ferdinand).
Oh ! voilà la nièce de Frank.
FERDINAND.
Ah, oui ?
Ils se croisent,
se retournent pour se regarder et se serrent la main.
Bonsoir.
Panoramique inverse
pour suivre Ferdinand qui vient saluer Frank.
Salut !
FRANK.
Salut !
Ils se serrent la main. Ferdinand prend sa veste sur un fauteuil.
FERDINAND.
225 ! Tu peux pas dire Balzac ?
(il enfile sa veste)
Tu connais pas Balzac ? Et César Birotteau ?
(il prend une cigarette dʹun paquet
qui traînait sur le guéridon)
Et les trois coups de la Cinquième Symphonie
qui frappaient dans sa pauvre tête !
Il se dirige vers la porte dʹentrée.
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FRANK (interloqué).
Mais quʹest‐ce qui te prend ?
Début musique (Il s’agit des premières mesures
de la Cinquième Symphonie de Beethoven).
FERDINAND.
Allez !
(il ouvre la porte)
Allons‐y, Alonzo !
Il sort, Frank le suit; la femme de Ferdinand rentre dans le champ de dos.
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PIERROT LE FOU Revue de presse
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PIERROT LE FOU POUR CONTRE
LES LETTRES FRANÇAISES
Pendant que jʹassistais à la projection de Pierrot, jʹavais oublié ce quʹil faut, parait‐il,
dire et penser de Godard. Quʹil a des tics, quʹil cite celui‐ci et celui‐là, quʹil nous fait la
leçon, quʹil se croit ceci ou cela... enfin quʹil est insupportable, bavard ou moralisateur
(ou immoralisateur) : je ne voyais quʹune chose, une seule, et cʹest que cʹétait beau.
Dʹune beauté surhumaine. Physique jusque dans l’âme et lʹimagination. Ce quʹon voit
pendant deux heures est de cette beauté qui se suffit mal du mot beauté pour se
définir : il faudrait dire de ce défilé dʹimages quʹil est, quʹelles sont simplement
sublimes. Mais le lecteur dʹaujourdʹhui supporte mal le superlatif. Tant pis. Je pense
de ce film quʹil est dʹune beauté sublime. Cʹest un mot quʹon nʹemploie plus que pour
les actrices et encore dans le langage des coulisses. Tant pis. Constamment dʹune
beauté sublime. Remarquez que je déteste les adjectifs.
Louis Aragon
CANDIDE
Son film est dʹabord un film sur lʹamour, lʹamour fou avec ce que cet amour‐là
comporte de déraisonnable, de tragique et de foudroyant, de poignant et de
dérisoire, de tendre et de dévasteur. Ferdinand aime Marianne qui ne lʹaime plus.
Elle en mourra et il en mourra aussi... Cʹest encore un hymne à la lumière à la douce
lumière qui caresse les corps, à la lumière brutale dʹun beau mois dʹaoût, un hymne à
la mer et au soleil, aux champs de blé, aux forêts et aux rivières et lʹon songe à
Renoir, à Pissara, à Cézanne et à Van Gogh... Je tiens Pierrot le Fou pour le plus beau
film de Jean‐Luc Godard.
Michel Aubriant
COMBAT
… Cʹest la plus passionnante ambition du cinéaste : filmer non pas la vie à fleur de
peau, ni lʹagitation immédiate et concrète des corps, mais toutes les images dʹun
mécanisme mental, lʹespace dʹune seconde, celle où le rêve traverse lʹesprit, comme
un éclair... Pierrot le Fou nʹest rien dʹautre que le film de cette seconde : un film en
chute libre, le plus dense, le plus singulier, le plus poétique, mais aussi le plus court
de lʹhistoire du cinéma... Le cinéma de Jean‐Luc Godard fait trop partie de nous
même pour quʹon puisse lʹignorer.
Henry Chapier
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LES NOUVELLES LITTERAIRE
Avec Pierrot le Fou, Godard vient dʹécrire son premier poème, dont les strophes
seraient des séquences et les blancs entre les strophes, les citations écrites...
A lʹintérieur de ces strophes irrégulières sʹordonnent en couleur, les fameux éléments
de collages qui, fondus dans le moule dʹun style fiévreux et provocateur en perdent
jusquʹau souvenir de leur origine étrangère.
Pierre Ajame
L’HUMANITE
Pierrot le Fou est une date dans lʹhistoire du cinéma. Aussi importante que ce jour de
la fin du siècle où une erreur de prise de vues transforma un omnibus à chevaux en
corbillard, place de lʹOpéra, sur un film quʹenregistrait le père Méliès. Le cinéma
devinait quʹil pouvait tout faire. Jean‐Luc Godard soixante‐dix ans plus tard nous en
donne une preuve bouleversante.
Samuel Lachize
ARTS
Je ne sais pas si Godard aime Virginia Woolf et je mʹen moque. Mais incurablement
littéraire, en cet admirable film tendre et cruel, terrible et drôle, ou chante surtout ce
qui existe entre les actes et compose le tissu même de la vie, jʹapplaudis en
mʹémerveillant, un film profondément woolfien.
Jean‐Louis Bory
IMAGE ET SON
Film laborieux qui tombe constamment à plat en versant parfois dans lʹodieux
(évocation en pantomime amusée de la guerre du Vietnam)...
Il ne reste que ce mélange de masochisme et de mépris, qui révèle les faiblesses dʹun
cinéaste dont lʹinvention tourne à vide.
Michel Ciment
LE JOURNAL DE GENEVE
On aura compris quʹil est vain de chercher dans ce cinéma essentiellement aventurier
les rudiments dʹune morale que Godard nʹa pas encore inventée et quʹil nʹinventera
peut‐être pas, il poursuit des recherches désordonnées et profondément sincères,
nʹen doutons pas, dans des régions quʹil est le seul à avoir repérées sur la carte, en
parfait individualiste. Les visites sont admises, cependant, Jean‐Luc Godard fait des
films.
Pierre Bines
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KinoScript eRevue de cinéma
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Conseiller à la rédaction : François Moulin
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Dépôt légal – 1er édition : 2012, février
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