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Bulletin de liaison interne Dépôt légal à la parution LES AMIS DE JEAN MABIRE AAJM. 15 rte de Breuilles 17330 Bernay Saint Martin [email protected] E n septembre 2005, le Musée National des Arts et Traditions Populaires du Palais de Chaillot fermait définitivement ses portes au public, enfin à celui qui avait encore une notion de ses racines et l’Amour de son pays. Lorsqu’il fut créé en 1937, ce fut l’expression de la vie des régions que Georges Henri Rivière vou- lait lui donner, des régions qui formaient encore une Nation homogène. C’était bien un Musée de « socié- té », mais la société d’hier, celle qui était cohérente, celle d’aujourd’hui étant désirée internationale. C’est pourquoi, dans quelques temps, ce qui restera de ce patrimoine revu et corrigé, sera amalgamé à un ensemble dit européen et méditerranéen dans un nou- veau musée au sein de notre plus ancienne ville cosmo- polite : Marseille, tout un symbole ! A la disparition du Musée du Palais de Chaillot Jean Mabire s ‘était révolté à travers un article paru dans « terre et peuple », car il sentait bien qu’au delà du fait de faire évolué ce lieu de culture, existait une volonté politique de l’amalgame avec les traditions européennes ou africaines. Il savait que ce qui était unique à Paris serait noyé à Marseille. Élevé dans l’amour viscérale de son pays, le par- courant dans tous les sens : des Flandres aux Causses de Lozère, de la Normandie à la Provence, des Alpes à la Bretagne. Il s’enivrait des odeurs de sa terre il s’éblouissait de ses richesses naturelles, il entendait les voix des mégalithes, il respectait le paysan et s’enrichissait de ses coutumes, il vivait simplement sa France en ses provinces, en ses pays et l’Ile de France ne fut pas oubliée non plus. Jean nous a communiqué ce culte des traditions. Dès l’après soixante huit, il s’était rendu compte du danger de désagrégation que notre peuple risquait de connaître, l’une des raisons sans doute de rédiger avec Pierre Vial ; Les Solstices, Histoire et actualité, qui reste pour nous « la référence », le lien le plus profond avec nos racines ancestrales tout en étant message d’espoir en des temps nouveaux. Jean était un paysan au sens propre du terme et aimait à se comporter comme tel. Possédant le bon sens terrien, il saura toute sa vie en faire profiter les générations qu’il accompagna. On trouve peu de traces de l’ethnologie dans ses ouvrages principale- ment consacrés à l’histoire, par contre il consacre un nombre impressionnant d’articles s’y rapportant dans les différents journaux ou revues, notamment les revues normandes, auxquels il collabora. Le passage des tra- ditions reflétait pour lui une très grande importance puisqu’à l’image de Nicolas GRUNDTVIG, il créera les Hautes Écoles Populaires. C’est à nous aujourd’hui de continuer le combat qu’il n’a jamais cessé de mener. Si combat déplaît à certain comme terme, on peut le rem- placer par action, mais c’est bien d’un combat dont il est question car qui dit combat, dit ennemi et les Dieux savent combien nous en avons ! Pourtant, dans ce magnifique pays de France, com- bien peut-il être doux de vivre pour celui qui le désire, combien il est agréable de parcourir ses chemins, com- bien ses hommes et ses femmes recèlent de qualités, de savoir-faire et de culture. Un combat ne se gagne pas par des retraites ou dérobades, un combat est offensif. Celui que Jean Mabire a toujours mené, celui qui a guidé sa vie, celui dont il nous a montré la direction reste la Fidélité, de quelque façon que cette valeur soit déclinée. Un com- bat peut se mener seul, le notre concerne un peuple, c’est pourquoi notre union est indispensable. Marcher! Tel était le secret de la découverte pour Jean Mabire. Aujourd’hui, si nous désirons entretenir sa mémoire, nécessaire est l’effort d’entraîner derrière nous, nos enfants et au bout d’un long parcours, pou- voir poser momentanément le sac, se regarder, regar- der le paysage et se dire : « Qu’est ce qu’on est bien ici ! ». N’est ce pas Jean ? Bernard Leveaux • Photographie, colonne de gauche : Jean Mabire, lors d’une grande marche dans les Causses en août 2002 Jean Mabire et les arts et traditions populaires « Nous ne changerons pas le monde, il ne faut pas se faire d’illusions, ce n’est pas nous qui allons changer le monde, mais le monde ne nous changera pas. » Jean Mabire, La Notion de Communauté 12 e Haute École Populaire – août 1997. St Bonnet-le-Courreau en Forez NOUVELLE ADRESSE !

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Page 1: Jean Mabire et les arts et traditions populaires...2008/07/02  · Jean Mabire s ‘était révolté à travers un article paru dans « terre et peuple », car il sentait bien qu’au

Bulletin de liaison interneDépôt légal à la parution

— —LES AMIS

DE JEAN MABIRE— —

AAJM. 15 rte de Breuilles17330 Bernay Saint [email protected]

— —

En septembre 2005, le Musée National des Arts etTraditions Populaires du Palais de Chaillot fermait

définitivement ses portes au public, enfin à celui quiavait encore une notion de ses racines et l’Amour deson pays. Lorsqu’il fut créé en 1937, ce fut l’expressionde la vie des régions que Georges Henri Rivière vou-lait lui donner, des régions qui formaient encore uneNation homogène. C’était bien un Musée de « socié-té », mais la société d’hier, celle qui était cohérente,celle d’aujourd’hui étant désirée internationale. C’estpourquoi, dans quelques temps, ce qui restera de cepatrimoine revu et corrigé, sera amalgamé à unensemble dit européen et méditerranéen dans un nou-veau musée au sein de notre plus ancienne ville cosmo-polite : Marseille, tout un symbole !

A la disparition du Musée du Palais de ChaillotJean Mabire s ‘était révolté à travers un article parudans « terre et peuple », car il sentait bien qu’au delàdu fait de faire évolué ce lieu de culture, existait unevolonté politique de l’amalgame avec les traditionseuropéennes ou africaines. Il savait que ce qui étaitunique à Paris serait noyé à Marseille.

Élevé dans l’amour viscérale de son pays, le par-courant dans tous les sens : des Flandres aux Caussesde Lozère, de la Normandie à la Provence, des Alpesà la Bretagne. Il s’enivrait des odeurs de sa terre ils’éblouissait de ses richesses naturelles, il entendait lesvoix des mégalithes, il respectait le paysan ets’enrichissait de ses coutumes, il vivait simplement saFrance en ses provinces, en ses pays et l’Ile de Francene fut pas oubliée non plus.

Jean nous a communiqué ce culte des traditions.Dès l’après soixante huit, il s’était rendu compte dudanger de désagrégation que notre peuple risquait deconnaître, l’une des raisons sans doute de rédiger avecPierre Vial ; Les Solstices, Histoire et actualité, qui restepour nous « la référence », le lien le plus profond avecnos racines ancestrales tout en étant message d’espoiren des temps nouveaux.

Jean était un paysan au sens propre du terme etaimait à se comporter comme tel. Possédant le bon

sens terrien, il saura toute sa vie en faire profiter lesgénérations qu’il accompagna. On trouve peu detraces de l’ethnologie dans ses ouvrages principale-ment consacrés à l’histoire, par contre il consacre unnombre impressionnant d’articles s’y rapportant dansles différents journaux ou revues, notamment les revuesnormandes, auxquels il collabora. Le passage des tra-ditions reflétait pour lui une très grande importancepuisqu’à l’image de Nicolas GRUNDTVIG, il créera lesHautes Écoles Populaires. C’est à nous aujourd’hui decontinuer le combat qu’il n’a jamais cessé de mener. Sicombat déplaît à certain comme terme, on peut le rem-placer par action, mais c’est bien d’un combat dont ilest question car qui dit combat, dit ennemi et les Dieuxsavent combien nous en avons !

Pourtant, dans ce magnifique pays de France, com-bien peut-il être doux de vivre pour celui qui le désire,combien il est agréable de parcourir ses chemins, com-bien ses hommes et ses femmes recèlent de qualités, desavoir-faire et de culture.

Un combat ne se gagne pas par des retraites oudérobades, un combat est offensif. Celui que JeanMabire a toujours mené, celui qui a guidé sa vie, celuidont il nous a montré la direction reste la Fidélité, dequelque façon que cette valeur soit déclinée. Un com-bat peut se mener seul, le notre concerne un peuple,c’est pourquoi notre union est indispensable.

Marcher ! Tel était le secret de la découverte pourJean Mabire. Aujourd’hui, si nous désirons entretenirsa mémoire, nécessaire est l’effort d’entraîner derrièrenous, nos enfants et au bout d’un long parcours, pou-voir poser momentanément le sac, se regarder, regar-der le paysage et se dire : « Qu’est ce qu’on est bienici ! ». N’est ce pas Jean ?

Bernard Leveaux

• Photographie, colonne de gauche : Jean Mabire, lorsd’une grande marche dans les Causses en août 2002

Jean Mabire et les arts et traditions populaires

« Nous ne changerons pas le monde, il ne faut pas se faire d’illusions, ce n’estpas nous qui allons changer le monde, mais le monde ne nous changera pas. »

Jean Mabire, La Notion de Communauté12e Haute École Populaire – août 1997. St Bonnet-le-Courreau en Forez

NOUVELLE ADRESSE !

Page 2: Jean Mabire et les arts et traditions populaires...2008/07/02  · Jean Mabire s ‘était révolté à travers un article paru dans « terre et peuple », car il sentait bien qu’au

En lisant les témoignages d’amis concer-nant l’action de Jean Mabire à Europe-

Jeunesse, je revoyais ces premiers camps où,assis de part et d’autre d’une table improviséeavec deux planches, nous préparions lesveillées et les textes destinés au journal (quoti-dien, s’il vous plaît !) du camp. Nous étionsvite tombés d’accord sur les thèmes majeurs àmettre en valeur, sous différents éclairages. Aupremier rang desquels le droit des peuples etle rôle déterminant, à travers le temps etl’espace, des identités ethniques. C’est ainsique plusieurs promotions de filles et garçonsd’Europe Jeunesse découvrirent les récits fon-dateurs de l’imaginaire européen, ses mythes,ses héros, ses forces divines immergées dansles eaux, les arbres, les pierres dressées ettoutes les formes de la vie au sein de la natu-re. C’est autour des feux de camp d’EuropeJeunesse que naquit l’idée d’un livre à faire surles solstices.

Jean Mabire ethnologue ? Certes, et aumeilleur sens du terme. C’est à dire quelqu’unqui ne fait pas de l’étude des peuples un sujetacadémique, un peu poussiéreux et réservé àquelques spécialistes, mais bien plutôt un outilpour l’action. Une action permanente, au ser-vice de la cause des peuples.

Jean était un passionné et c’était l’une deses grandes qualités. Il fallait voir ses yeuxbriller, avec l’ardeur de l’éternel jeune hommequ’il était, lorsqu’il parlait des arts et traditionspopulaires. Je lui suis infiniment reconnaissantde m’avoir transmis ce précieux virus. Ils’amusait beaucoup lorsque, se disant passion-né de vexillologie, il voyait l’incompréhensionnaître sur le visage d’un interlocuteur sedemandant désespérément de quoi ils’agissait… Et Jean, avec une patience aussiamicale qu’infinie, entreprenait d’expliquer enquoi la connaissance des drapeaux, éten-dards, fanions et enseignes permettait de com-prendre l’âme des peuples. Quelle était lafonction traditionnelle (c’est à dire le travail detransmission) des couleurs, des symboles.Parmi les grands projets éditoriaux qu’il n’eutpas le temps de réaliser figuraient en bonneplace des travaux de vexillologie, préparésavec l’immense conscience professionnelle quil’a toujours guidé.

L’héraldique était, du coup, une passionvoisine de la vexillologie. Il arrivait parfois àJean de consulter le médiéviste que je suis surtelles ou telles armes, car les blasons familiauxconstituent un domaine quelque peu labyrin-thique. Et c’était toujours une grande joie quede communier dans l’identification des tracesde notre longue mémoire (comme ces runesapparaissant sur les façades des maisons dediverses régions d’Europe).

Jean ne supportait pas l’idée qu’on puisseconsidérer les arts et traditions populairescomme de vieilles choses poussiéreuses qu’onpeut – et même qu’on doit, au nom du dieu

Progrès – envoyer à la poubel-le. Il m’avait alerté sur le com-plot monté par d’incultes tech-nocrates manipulés par desidéologues bien conscients,eux, des enjeux, dont le butétait l’assassinat du MuséeNational des Arts et TraditionsPopulaires installé au bois deBoulogne (après l’avoir été aupalais de Chaillot). Assassinatprogrammé pour, ainsi, faireplace libre à un Musée Natio-nal des Civilisations del’Europe et de la Méditerra-née, destiné à exalter les « cultures urbainesinterethniques », représentant des « patri-moines de plus en plus hybrides ». En clair :détruire la conscience ethnique des Européenspour les amener à accepter de se fondre dansle grand métissage mondialiste. Il nous fallaitvoir une dernière fois, avant l’assassinat, ceconservatoire des pays de France et de lariche diversité de civilisations paysannesimmémoriales, enracinées des Alpes àl’Atlantique, de la Mer du Nord aux Pyrénées.Quel beau souvenir, à jamais gravé dans mamémoire, que cette visite où, accompagnésd’un ami fidèle et de la petite-fille de Jean,nous parcourûmes à pas lents, ponctués delongues haltes, ces salles où la moindre desvitrines abritait des trésors inestimables : outils,habits, meubles qui furent si longtemps lecadre quotidien de nos Anciens. Il y avaitbeaucoup d’émotion dans la voix de Jean lors-qu’il attirait mon attention sur tel ou tel détail,

insignifiant pour le visiteurlambda mais chargé, pournous, de tant de réminis-cences… comme, entre tantd’autres témoignages, cescroix basques gravées sur lestombes – telles qu’on peutencore les voir dans les villagesd’un pays basque fidèle à sesracines. Nous publiâmes, dansle numéro 25 de Terre et PeupleMagazine, un dossier intitulé« Scandale : les arts populairesà la poubelle ». Jean y écrivit,sous son nom, un bel hommage

à un père fondateur des arts et traditions popu-laires, Georges-Henri Rivière. Celui-là mêmequi rédigea, dans les années trente, un articleintitulé « Rallumons les feux de la Saint Jean »(nous avons essayé d’accomplir ce vœu…).

Et, sous un vieux pseudonyme (Henri Lan-demer), Jean publia un texte, « Del’enracinement au métissage », que je considè-re comme un nécessaire bréviaire pour toutmilitant de l’identité ethnique.

Jean nous a laissé bien des pistes à suivre,pour nous qui voulons mettre nos pas dans lessiens. L’une des plus riches d’espérance estcelle des arts et traditions populaires. En lesfaisant vivre dans l’esprit, le cœur et l’âme desfilles et garçons de nos peuples, nous seronsfidèles au testament spirituel de Maît’Jean. Ilen sera, je le sais, profondément heureux.

Pierre Vial

Jean Mabire, ethnologue ?par Pierre Vial

À lire

Solstices, Imbolc et fête des chandelles, fête de la Communauté,fête de l’Empire, Ostara, Beltaine et fête du Mai, Lugnasad,

Fête de la moisson et du vin, Samain… Le païen, c’est à direl’homme enraciné, vit en fonction d’une conviction très simple :quand on a conscience d’être un élément, parmi tant d’autres, ausein de l’univers, on comprend que l’équilibre et la sérénité, danssa vie quotidienne, sont le fruit d’un respect des lois naturelles.Autrement dit, chacune et chacun doit s’insérer dans le cycle vitalde la nature, rythmé par le déroulement des saisons. Ce rythmesaisonnier, éternel retour, est marqué par des fêtes ancestrales, tra-ditionnelles, qui sont autant de rappels que, dans la vision païen-ne du monde, le sacré est sans cesse omniprésent dans la vie detous les jours et doit donc être pris en compte, respecté et célébré. Vous voulez savoir de quel trèslointain passé surgissent les fêtes païennes des quatre saisons ? Quelles sont leur signification, leurhistoire ? Vous voulez savoir comment, aujourd’hui, perpétuer ces fêtes, en respectant leur sens pro-fond tout en les adaptant à notre temps ?

Cet ouvrage, abondamment illustré – notamment avec des dessins de Jean MABIRE – est des-tiné à unir la connaissance historique et les conseils pratiques, pour faire vivre concrètement, dansle cadre familial et communautaire, l’héritage des ancêtres.

• FÊTES PAÏENNES DES QUATRE SAISONS sous la direction de Pierre Vial. 336 pages - 210 x297 mm - Dessins de Jean Mabire. Prix de Vente : 34 euros (FRAIS DE PORT INCLUS). Comman-der à : Les Editions de la Forêt – 87, montée des Grapilleurs – 69380 St-Jean-Des-Vignes

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Ce qui me lie à Jean Mabire, que je regrettede n'avoir pas mieux connu, c'est son atta-

chement à ce qui rend plus fort, plus volontaireet, par là, soustrait au règne de l'insignifiant etdu futile. La tâche de constituer une œuvre en cesens, éducatrice, exemplaire, fut certainementpeu évidente pour lui dans le milieu de l'éditionqui a bien souvent fait rimer bien-pensance etobéissance. Il a considérablement rehaussé,avec talent mais aussi détermination, une visionplus authentique de la vie en faisant référenceaux valeurs inexorables qui sont nôtres et quinous rassemblent. A quoi il faut ajouter uneouverture d'esprit par laquelle il encourageait àtravailler à l'union des forces vives plutôt qu'às'égarer dans des querelles de clocher commebeaucoup y excellaient hélas jusque dans sonentourage.

On a souvent mis en avant ses racines nor-mandes, mais Jean, en Européen convaincu, nes'arrêtait pas à cette appartenance. Il me touchede savoir que nous avons des attaches com-munes en Cévennes. Son grand-père maternel,Gustave Cord, était originaire d'Ispagnac. Il acontribué à la découverte de nombreux avens etgrottes dont ce pays n'est pas avare. Avocat deprofession, il a rédigé en 1899 une thèse sur lapropriété spéléologique. De ce côté explorateur– ça se dit ''inventeur'' dans le jargon des spé-léos – Jean a sans doute aussi hérité. Il aimait entout cas arpenter les vastes landes des causses etsurtout les pentes du mont Lozère où, il n'y aencore pas si longtemps, sommeillaient des cen-taines de menhirs, couchés dans les herbes etaux détours des champs. Ils ont depuis été rele-vés pour marquer la deuxième concentration demégalithes en Europe après Carnac.

Je lui envoyais régulièrement les numéros dema revue Parcours d'Europe, un trimestriel sous-titré ''action, connaissance, écologie''. J'ai sudès les premiers numéros, par l'intermédiaire denotre ami commun Philippe Randa, qu'il trouvaitle ton de la revue ''très très bon''. J'en fus évi-demment honoré et je m'appliquai par la suite àce qu'il continuât de l'apprécier. Parcoursd’Europe traitait essentiellement de philosophiepanthéiste dans une optique indo-européenne,avec des rubriques telles que : randonnées,chants de veillées, fiches survie, bonnes lectureset bonnes musiques. Il y avait des accents''wandervogeliens'' qui ne pouvaient que le tou-cher, lui qui a compté parmi les fondateurs dumouvement Europe Jeunesse.

La revue a cessé de paraître en 2000, fautede lecteurs et de moyens. Lui a succédé le titreMontségur, consacré à l'identité occitane et aurégionalisme, qu'il recevait aussi. La petite équi-pe de la revue travaillait dans le sens du rétablis-sement de ces patries charnelles chères à Saint-Loup. Nous entretenions des contacts avec lesprincipaux mouvements de résistance identitaire(normands, bien entendu, mais aussi bretons,alsaciens, catalans, lombards, serbes,...). Uncombat que Jean ne négligeait pas (lire notam-ment son petit livre sur Patrick Pearse). Dans unnuméro de la revue Le journal de l'insolite, un demes textes sur l'Ardèche des templiers voisineavec un des siens consacré à Montségur. Jeanétait aussi préoccupé par le pays ariégeois. Lecasque de l'hoplite spartiate, choisi pour repré-senter le mouvement Europe Jeunesse, témoigneégalement de son attachement à ce Grand Midiessentiel aux Européens de conviction.

Je me souviens avoir demandé des nouvellesde Jean à Pierre Vial alors que ça n'allait plustrès fort. Nous randonnions du côté du Pont du

Gard et la présence de ce solide monument évo-quait pour nous les glorieuses entreprises dupassé que ''Maît'Jean'' affectionnait aussi. Pier-re ne me dissimula pas ses craintes sur l'état desanté de son ami. Mais il ajouta que son coura-ge dans l'épreuve était en tous points remar-quables. Ce que maintenant nous savons tous.

Je l'ai vu pour la dernière fois à la journéeannuelle de Terre et Peuple, déjà malade, maisje n'ai pu l'approcher tellement il était sollicité.Je suis certain qu'il a été reçu dignement parmiles Grands Anciens.

Il nous reste à travers ses livres. C'est cela,la force de la littérature. Lorsque les disparusvous parlent encore, comment croire qu'ils nesont plus ? J'ai toujours à portée de main sonThulé, où il rapporte la fin d'un grand rêve, àmoins qu'il ne dispense quelques pistes pour enreprendre le fil. Ainsi que Commando de chassequ'il m'a dédicacé. C'était peut-être ce roman,constitué de ''souvenirs romanesques où lesHors-la-loi ne furent pas d'un seul côté'' (égale-ment le préféré de Pierre Gillieth, autre de sesnombreux amis), qui le représentait le mieux. Lehors-la-loi est une espèce qui n'appartient pas àun pays ou à une ethnie en particulier parcequ'elle relève avant tout d'un état d'esprit. Cetétat d'esprit, cette disposition, cette posturedevant la vie, participaient pour Jean d'un choixfondamental. Et c'est aussi sous le vibrant soleildu Grand Midi nietzschéen (celui de Léonidas,du Cid Campeador, de Roland ou des combat-tants des Aurès) qu'il s'exerça à tenir son rôled'éveilleur par lequel il invitait les femmes et leshommes de bonne et grande volonté à démante-ler les hauts murs d'un monde accablé par la lai-deur et la médiocrité.

Bruno FAVRIT

L'homme du Grand Midipar Bruno Favrit

Appel à cotisation 2008

La nouvelle équipe du Bureau del’Association des Amis de Jean Mabire afait un tour de piste avec vous. Votre sou-tien lors de ce « re-lancement » a étéprofondément réconfortant et toutel’équipe vous en remercie une nouvellefois.

Maintenant que le rythme est pris, nous voussolliciterons chaque mois de mars – Jean

nous ayant quitté le 29 de ce mois – afin que vousrenouveliez tous à la même période votre adhé-sion pour une année. Outre le symbole que revêtce choix, cela simplifiera grandement notre travail.

Pour cette année, la cotisation restera à10 €uros et nous espérons qu’elle vous inciteratous à la renouveler et à faire connaître l’A.A.J.M.autour de vous, vers d’autres Amis de Jean Mabi-re pour qu’ils nous rejoignent.

Nous vous remercions par avance de votreFidélité et de votre soutien dans notre entreprise.

Bernard Leveaux (Président),Fabrice Lesade (Secrétaire)Sébastien Colin (Trésorier)

et toutel’équipe du conseil d’administration.

Envoyez votre chèque à l’ordre de l’A.A.J.M.à notre trésorier : Sébastien COLIN

6, impasse de Scilly. 29810 PLOUARZHEL

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Je commencerai, « Noblesse de terroir obli-ge », par les arts populaires totalement

ancrés. C'est-à-dire que la vie quotidienne delabeur et de loisir se vit artisanalement et artis-tiquement globalement par des gens du Pays.Dans ce cas je vous parle du Cotentin, il fau-dra donc relire la revue Viking, en sespages 46, 47, 48 et 49 où il vous est contécomment :

« Ici chante et danse la jeune Normandie »

Je souhaite bien évidemment que la page« paroles et musique de Madame AlphonseHAMEL » soit reproduite ainsi que le refrain.Qu’on ne s’étonne pas si le dessous de pageest illustré par la Poterie de Saint-Jacques deNéhou, ce n’est pas un hasard car ce morceaumusical - à chanter à danser à travailler -s’appelle « les sept potyirs d’Mourot ».

Oui en ces années de reconstruction pourla Normandie, les jeunes couples ruraux, ins-pirés par Louis Beuve, décident de continuer à« prêchi » dans leur langue, d’appeler leursenfants Erik, Walfrid, Oswald ou Wilfried – ce

qui est le cas de la famille HAMEL en atten-dant la petite sœur qui naîtra plus tard – decréer des groupes artisanaux et artistiquesappelés notamment « Triolettes et Potiers », carsi l’on y chante et l’on y danse, on y « pote »aussi, de purs chefs d’œuvre avec la meilleureterre qui soit, celle de Néhou. C’est donc unfolklore vivant et un travail issu d’une ancestra-le tradition « qui peuvent faire ressusciter toutun village… qui s’éveillera à partir de cemoment là quant la terre de Moûrot ferarevivre les potiers ».

Ce sont les mots de Marthe Hamel, qui avecson mari, ses amis villageois fera revivre tout unpays, si l’on peut dire jusqu’à sa mort. Jeunemère de famille à l’époque, elle accueillera dansla douceur de son foyer, même si la vie est biendure, le jeune Jean Mabire quand il était seul àCherbourg, combien de fois, voulant aller passerla soirée à Saint Jacques de Néhou, après le tra-vail, – ce qui n’était pas la porte à côté, mêmeà bicyclette – notre jeune Jean, dans la brumedense, ce qui arrive souvent à certaines périodesde l’année, se perdait et faisait le triple de che-min !!!

Pour l’anecdote historique, c’est Marthequi lui donna en premier, en ce temps là, letitre de Maît’Jean, nous savons ce qu’il en estadvenu. Jean fit alors partie de la famille.

Marthe n’a jamais changé de toute sa vie,femme de grand caractère, sa vivacité, sesactivités, ses créations importantes en tousgenres, chant, danse, musique, recueils detoutes les traditions, son authenticité surtout,sont reconnus de tous. Louis Beuve fut pour elleen quelque sorte un parrain qui la guida, desurcroit elle œuvra dans l’art d’être Potier deNéhou, métier de la « pote » que lui apprit sonmari Alphonse qui se voulait potier de père enfils… jusqu’à…

Je me souviendrai toujours de notre pre-mière rencontre car c’est sa famille que Jeanme fit rencontrer en premier, prétextant qu’ilme fallait connaître ce qu’était une famille etun atelier de Potiers en Cotentin, j’ai eu lachance de connaître Alphonse LE POTIER DENEHOU, qui nous quitta hélas quelques moisplus tard. Mais déjà Marthe avec ses yeuxtransparents, m’attira immédiatement dansl’atelier et plus loin près du four, et me tint

immédiatement ce langage :« Vous êtes faite pour Jean,

pourquoi ne le voyez vous pas ?Comme il est fait pour vous ! surtoutne le faites pas languir, il tient plusque tout à vous, ce sera pour tou-jours »…

Je m’en suis souvenue… ellesavait avant moi… Nous sommesdevenues amies… Elle me contait,elle me contait. Elle était toujoursalerte aux assemblées normandes,je crois que la dernière qu’ellevécut fut à Saint Sauveur le Vicom-te, elle faisait sa jeunette dans sonbeau caraco et la photo est bienbelle. Est-ce le hasard, passantinopinément dans le Cotentin, nousapprîmes qu’elle avait été transpor-tée à l’hôpital de Cherbourg, nousnous y rendîmes immédiatement.En bonne normande, elle ne seplaignait pas, minimisant son état,voulant « caqueter et prêcher à sonaise parce que c’était nous », trou-vant que le temps passait trop viteet laissait trop peu de forces. Maison se rattrapera, cachant ses gri-maces de douleur sous des sou-rires, voulant se tenir droite dansson lit.

Quelques heures plus tard ellen’était plus. Mais nous étions touslà pour elle parmi ses enfants, safamille, ses amis et dans la tradi-tion normande.

Je regarde toujours tendrementla magnifique cafetière en poterievernissée de terre de Néhou, der-

Arts et traditions populaires en Normandie ou la Normannité appliquée de Jean Mabire par Katherine HENTIC

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Arts et traditions populaires en Normandie ou la Normannité appliquée de Jean Mabire par Katherine HENTIC

nière œuvre que fit Alphonse, pour notremariage, et qu’il ne put nous offrir. Cette terrede Mourôt restera pour moi toujours vivante,ceci est la normannité du terroir.

Je poursuivrai « Noblesse de cœur oblige »par la Normandie choisie pour exprimer l’Artpopulaire ressenti et exprimé :

Je vous parlerai donc maintenant du grandPeintre naïf Simon Ségal, né en Russie en1898, mort à Arcachon en 1969, portraitiste,illustrateur, mosaïste, ses marines et paysagessont aussi appréciés, d’où une grande variétédans l’expression picturale.

Il est de notoriété publique que son œuvreculmine au cours de la période, ni bleue, nirose mais dite de la Hague, c'est-à-dire de1946, date de son installation à 1953 date deson départ pour d’autres contrées. Après sesexpositions à Paris, Jean savait, lui qui avaitdécidé de quitter Paris pour la Hague, ce qu’iladviendrait, que Simon repartirai vers la Capi-tale, mais toujours, en critique il donna desnouvelles dans Viking et dans la Presse de sesexpositions.

C’est au début de la création de la revueViking que Jean fit sa connaissance – ilsétaient tous les deux des illustrateurs et despeintres et immédiatement entre eux deux cefut une grande histoire d’amitié jamais démen-tie, faite de cafés brulants, de don, de contre-don, et toujours dans l’amour de la Haguechoisie, et des beaux-arts appliqués.

Quand je parle d’amitié et que je disdeux, je devrais dire trois… en ce temps là,Jeannine la fiancée de Jean devenue sa femmeen 1952, était bien présente. Hélas, elle décé-dera au début de l’année 1974. Elle étaitdiplômée de l’Ecole Supérieure des Métiersd’Arts et des Arts Appliqués, avait beaucoupœuvré aussi, pour Viking : sans elle, cetterevue ne serait pas ce qu’elle est au niveaupictural.

Elle aussi avait un remarquable talent depeintre et ses œuvres furent trop rares, mais àl’époque tous les trois étaient heureux de seretrouver quasiment en communauté spirituelleet villageoise de peintres, là-haut au plus hautdu pays haguais, pourquoi ces artistes étaient-ils venus créer dans la Hague ? Au pays deMillet, et je ne parlerai pas du peintre du cruGoubert, plus âgé, comme Ségal que Jean etJeannine. Goubert, méconnu dans son proprepays qu’il servait pourtant si bien, et extrême-ment modeste, a trouvé la reconnaissance deson œuvre grâce aux articles de critique deJean. Jusqu’à sa mort, il ne l’oublia pas.

Simon SEGAL lui était venu de sa lointaineRUSSIE, les autres de moins loin. De PARISpour un retour aux sources, ces trois là – si

j’ose dire – avaient un même regard, leursyeux en transparence lisaient les paysages, lesgens et les choses pour mieux les retranscriredans leur pureté, dans leur naïveté originelle,le témoignage de cette grande amitié existe…

Je n’ai pas eu le temps de demander àLucie la fille de Segal – sa lumière –l’autorisation de reproduire une œuvre de sonpère, je vous conseille vivement, donc, d’allersur la page de l’association des amis deSimon Segal (http://simonsegal.com), qui pré-sente son autoportrait et certaines de sesœuvres ; mais je vous propose des extraits del’article de Jean sur :

S. Segal peintre de la Hague.

Paru dans VIKING et par un tour de forceà l’époque, imprimé en rouge, où tout est ditsur la Normannité, côté choix, en ce début desannées 50 :

« Mais il fallait sans doute à SEGAL unNord plus riche et plus sauvage. Et Il choisit laHague. Ou bien la Hague le choisit »

« Segal habite à Herqueville une maisonde paysans. En quittant Jobourg, son extraor-dinaire église on descend chez lui par des sen-tiers bordés de murets de pierres sèches » (jecite précisément cette phrase car ce lieumythique a certifié leur amitié).

« Le vert des champs, le gris des pierres, lebleu de la mer, l’azur du ciel et les tâchesjaunes des « bouai-jan ». Voila la palette deSEGAL. Il y plante des chevaux et des moutons,tâches d’ocre ou de blanc. Parfois l’éclairrouge du béret de sa femme. Et le soleil hurled’amour dans un coin de la toile »

« SEGAL habite une des dernières terres delégendes de notre vieil Occident »

« La maison est ouverte au bord du che-min… seules décorations sur les murs blanchisà la chaux… et trois ou quatre naïfs et mer-veilleux dessins d’enfant épinglés au mur parde grosses punaises de bazar… La petite fillede SEGAL travaille bien elle aussi » (je pensebeaucoup à la fille du peintre devenue unefemme en pleine maturité qui maintenant entre-tient la mémoire de son père).

Poursuivons la lecture de l’article de Jean :« Ce qui frappe d’abord chez Segal, ce

sont les yeux. Ils luisent clairs et luttent avec lebleu-marine de son gros chandail »

« C’est une tête étrange – étrangère - danssa pâleur… elle nous ramène chez les slaves.En cette si grande et froide Russie… ». Jean medisait qu’il lui rappelait aussi quelque part, enplus brut, mais surtout en plus pur, le grandLion, ce Joseph KESSEL dans la famille duquelJean était entré, en quelque sorte, par effrac-tion… mais cela est une autre histoire, une his-toire sympathique de REBELLES à raconter…Une autre fois.

Jean terminait par :« Un peintre normand, il y a cent ans, quit-

tait son village de Gréville pour venir conqué-rir Paris. Aujourd’hui un peintre d’originerusse vient habiter Herqueville à quelques kilo-mètres à peine. Dans toute l’ivresse du prin-temps la Hague renait chaque année. Seuls lespurs peuvent la fixer sur leurs toiles et larecréer dans toute sa rudesse et sa majesté.Segal – comme Millet – est de ceux là ».

Et c’est signé Jean de la Huberdière…Oui pour ce genre d’article, Jean signait

de son ancien nom, du temps où les Mabireétaient ancrés sur leur territoire normand etqu’ils s’appelaient Nicolas ou bien Jean… dela Huberdière ou Mabire de la Huberdière.

A travers la dénomination des arts popu-laires et des traditions, il nous faut donc dou-blement méditer sur la Normannité appliquéede Jean Mabire à travers ses amitiés indéfec-tibles pour ceux qui sont ancrés depuis tou-jours quelque part sur leur terre : MartheHamel, et pour ceux qui décident de jeterl’ancre ou de s’ancrer en servant un paysqu’ils ont choisi : Simon Segal.

Oui, Jean, ton esprit est toujours parmiNous, mais toi tu es là bas, et pas tout seul,près de Gréville et de Herqueville, dans tachère Hague avec… le vert des champs, legris des pierres, le bleu de la mer, l’azur duciel et les tâches jaunes des « bouai-jan ».

Katherine Hentic

Autoportrait, années 50. © www.simonsegal.com

Paysage de La Hague, pastel et crayolor, 1947.© www.simonsegal.com

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Ah, quelle aventure et quelle réussi-te… esthétique !

En ces premières années 50, notre petite com-munauté de jeunes gens – la "Communauté

de Jeunesse" comme l'avait baptisée Jean Mabi-re – était partie randonner, comme des OiseauxMigrateurs mais l'Idée de traduire WanderVogel n'avait pas encore été adoptée car il y aun sens différent entre voyager et migrer. C'étaitun copain franco-belge, d'une famille de grandsamateurs des broderies de Frise, qui nous avaitindiqué ce village abandonné, pas trop loin deParis mais cependant accessible par un intermi-nable voyage en car, debout !

Nous bavardions entre nous, j'avais un peujoué d'Harmonica pour accompagner mes amisqui chantaient au grand plaisir des voyageurspuis, regardé longuement le paysage qui main-tenant n'était vraiment plus l'Ile de France, etj'étais un peu absent, distrait par une captivanteblondinette qui, oscillant de droite à gauche (çam'est resté), me souriait chaque fois que nosmains s'effleuraient en glissant sur la barred'appuis…

Mais, les freins crissant longuement rompi-rent le charme en me ramenant sur terre : « Nousvoilà rendus », dit quelqu'un avec l'accent dech'Nord.

Nous allions enfin nous dégourdir et respirerautre chose que cette buée puant le tabac. Lapetite Walkyrie s'éloignait en sens inverse, nonsans se retourner deux ou trois fois : l'ai-je vrai-ment regrettée à défaut d'ypenser souvent ? Grand timide,va !

Une bonne marche enchantant comme toujours, çaaide, bientôt récompensée parun "coup de foudre" comme ily en à peu… et unanime, c'estrare ! Les Druides le saventbien : « Il est des lieux… oùsouffle l''Esprit ! » : Marque-mont, à la limite du Vexin fran-çais et du Vexin normand, jus-tement là où le plateau s'arrêtesur un éboulis boisé, commel'archaïque falaise dominantune mer à faire rêver un géo-logue…

Un village abandonné,d'un charme certain maisdevenu de pauvres ruines quenous aurions tellement aiméacheter pour en faire un pen-dant à cet Eze de Provencemaritime que Nietzsche aimaittant ! Mais, la fortune d'unebande de grands "ados" sor-tant d'une impitoyable guerre,vous n'y pensez pas !

Quelques pas encore lelong de la ruelle et, tout aubord du plateau, prête à rece-

voir les rayons du Solstice d'Été, sur-tout ceux du couchant qui indiquent ladirection de la Terre Mère Originelle,une toute petite église gothique dont lanef avait perdu voute et toiture, écrou-lées sur les bancs pourris, tout celaéparpillé sur le pavage !

Plus de vitraux, certes, mais elleavait eu la bonne idée de nous conser-ver, malgré une petite fissure, la croi-sée d'ogive avec sa clé de voûte qui, telle laCroix de Taranis (X), supportait son clocher ! Res-tait aussi son chœur - cœur - que j'imagine,maintenant que j'en sais un peu plus, recouvrantun ancien temple* gallo-romain circulaire avectrois portes, cardo et decumanus obligent, lui-même installé sur l'antique Nemeton gaulois oule Vê du Hag norois ancestral avec, pourquoipas un menhir astronomique* (c'est, là, un pléo-nasme) puisque, dans toute l'Europe*, tout cesbâtiments ecclésiaux quelque peu exotiquesfurent installés sur Nos anciennes, profondes etindéracinables "Racines" tels l'Irminsul, l'Arbredu Monde des Nordiques…

S'installer dessus… pour, dans un premiertemps, conserver ces observatoires solaires etastraux avec les fenestrons de visées du chœur,seuls calendriers et horloges cosmiques querévéraient depuis bien longtemps nos lignées,mais aussi pour les dénaturer peu à peu aurisque de caricaturer le Grand Œuvre Cosmiquesans comprendre l'absurdité qu'il y a à critiquerainsi le travail de ce qu'ils nomment leur Créa-teur !

Mais revenons à notre découver-te. Après une rapide explo des alen-tour et du petit bois – l'idée d'y fairenotre annuelle cérémonie solaire quimarque le "passage" du soleil à sonzénith annuel – Soleil Roi – notre pro-jet prit rapidement corps et les idéesfusèrent : plan sommaire des lieux,photos (tiens, au fait, qui les a conser-vées : Philippe, Robert ?), établir un

calendrier/planning rapide des travaux, rassem-bler outils et brouette pour nettoyer la nef, cou-per des arbres morts dans le petit bois, c'est pasce qui manquait, et monter les troncs pour enfaire des bancs, tailler le bois moyen pour la tourlégèrement pyramidale, inviter des amis et lesdeux troupes scouts Bleimor de Perrick Keroad(Scouts Bretons d'île de France), louer deuxépées flammées pour les gardiens du feu lors ducérémonial, convoquer quelques bénévoles enplus de « la Communauté de Jeunesse » essen-tiellement pour les travaux harassants,…

"Comme le temps passe ! "… Déjà le tempsde reprendre la route, et même au pas redoublé,un car n'attend pas et, le lendemain, reprise desétudes en essayant d'appliquer le planning.

Ainsi fut fait… pendant plusieurs W-E ! Nousne nous connaissions que depuis quelquesannées, quelques semaines pour certains, maisnous agissions comme un seul homme : n'étaitchef pour un moment que celui qui avait unebonne idée, immédiatement exécutée ! De trèscourts instants de détente, le repas par exemple,assis respectueusement sur le bord de ces

tombes qui appartenaient àquelque parisien négligeant.On partageait tout, ce quinous faisait 15 entrées, 15plats de résistance, 15 froma-ge et 15 desserts… chacun !

Enfin, le Grand Jour – litté-ralement ! Les invités, parents etamis, arrivaient, chacun selonses moyens et tous allaient"baguenaudant" par cette jour-née magnifique. Deux cars spé-cialement affrétés amenèrentles Bleimor qui s'égayèrentdans le petit bois d'où, bientôt,montèrent des airs de "pea-brock" car eux aussi avaientabandonné le binou coz(l'ancien) qui ne porte pas bienloin à la différence de la corne-muse écossaise. Mais ilsavaient eux aussi conservé lesbombardes sur les conseils demon ami Polik Montjaret, le"patron" des Sonneurs de Bre-tagne… Puis ce fut le pique-nique du soir où les nouvellesamitiés se nouaient. Il fallut traî-ner un peu car notre affaireavait besoin de la nuit. Nuitétoilée, magnifique! Gage de

réussite de notre "veillée"…

Le Solstice de Marquemont par Tristan Mandon

« Deux frères » à ski : Jean Mabire et Tristan Mandon.

Drapeau du Vexin

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C'était évidemment Jean qui, avec déjà sesgrandes connaissances littéraires et son espritartistique, mais décidé – il n'avait rien du bohè-me, oh non – en fut le Maître d'œuvre (déjà !) etmoi, son "frère", comme il le disait aux gens qu'ilestimait, j'émettais quelques critiques, quelquesfois passionnées mais toujours amicales (lafougue de la jeunesse !) en insérait tous les néces-saires détails matériels, en "bon petit éclaireur"(scout) que j'avais été – "toujours prêt, B. A.,rendre service" ! (Quand on y croit… çamarque !)

Le Thème : "La Jeunesse marche, toujours !"Car on sortait de la guerre. Quelques engagés…des deux camps, étaient parmi les invités etentendaient se rassembler pour construire uneEurope fraternelle alors que ce n'était pas encorela mode et encore moins celle de cette « bureau-crassie » prétentieuse et dévoyée de Bruxelles (jene sais plus lequel d'entre nous avait dit« L'Europe est dans les choux ! », Helmuth, Grafvon Kahlemburg peut-être…)

La succession des chants (merci Philippe)mélangés de citations (merci Jean) débutait pardes chants guerriers, certes, mais non haineux ourevanchards, intemporels. Nous avions choisipour cela des chants de Lansquenets et, aprèsavoir atteint un sommet accompagnés du haut-tambour, évoquant les combats fratricides, unprogressif retour au calme et à la paix s'installaavec des chants ou danses chantées des divers"Pays" de notre "Europe* aux cent drapeaux" !

Et finalement, ce furent des chants de veillée,des "bergeries" quand le feu ne fut plus que brai-se…

Revenons un peu sur cette mise à feu qui futmagnifique : une longue langue de feu s'était éle-vée rapidement et lécha la clef de voûte un courtinstant, puis elle baissa et la tour prit alors feu departout avec des craquements caractéristiques etdes gerbes d'étincelles dignes de la voie lactée.

Il faut s'imaginer la scène : le crépusculeavait effacé lentement le jour et, à droite et àgauche de la Tour du Solstice, on ne voyaitpresque plus les deux Chevaliers appuyés de leurbras croisés sur la garde de leurs gigantesquesépées flammées. À tour de rôle, l'un ou l'autredes membres de la Communauté* s'avançaitdans le léger pinceau de lumière d'une lampe depoche, devant la traditionnelle couronne solaire,croix celtique en paille ornée de Runes*, pournous donner un extrait en rapport ou en transitionentre deux chants : c'est là que Jean, qu'on allaitjudicieusement appeler Maît'Jean, avait donnétoute sa mesure !

Le lendemain, on croisait des invités encore

tout ahuri par ce spectacle participatif et cetteincroyable réussite. Leurs dithyrambes nousgênaient un peu, mais nous apportaient unpeu de cette énergie qu'il faut pour conti-nuer. Souvent, après de grands enthou-siasmes, le lendemain est quelque peu nos-talgique à ceux qui ne sont guère engagéset qui n'ont pas, comme nous quelque nou-veau projet en tête ! Nous, nous avions larevue interne Flamme à étoffer et certainsdonnaient leur art ou leur temps au projetde la – célèbre – revue Viking dont les 16premiers numéros furent "tournés", à lamanivelle, par votre serviteur. Quand àJean, à nouveau Maître d'œuvre pleind'invention, nous seulement il tapait tous lestextes à la machine mais encore, rappelez-vous,ou revoyez-les : le drakkar que dessinait les lettresdu texte, sur stencil, incroyable invention bienavant les facilités de l'ordinateur ! Je passe sur laqualité des textes de nos aînés qui firent une véri-table "révolution culturelle" à l'époque où, peut-être, moins de dix Normands connaissaient vrai-ment leurs ancêtres Vikings et encore moins lemurmure de leurs Runes* secrètes !

"Mais ceci est une autre histoire" qu'il nem'appartient pas de vous conter : ancien ouvrierboulanger et étudiant en électronique à cetteépoque, j'étais bien incapable d'écrire quoi quece soit à l'époque…

En mémoire de notre compagnon !Votre ami Tristan…

Tristan Mandon

Jean Mabire :réflexions sur un Coutancaisméconnu : Drieu La Rochelle

Il existe des passions éphé-mères et des passions de

toute une vie. Jean Mabire adécouvert très jeune PierreDrieu La Rochelle et cette pas-sion le dévora jusqu’à ce 29du mois de mars 2006, où il acertainement décidé d’allerenfin discuter avec Drieu, cetami qu’il n’avait jamais ren-contré, mais pour qui il s’étaitbrûlé les mains pour sauverses livres du feu…

Il commença ses recherches sur PierreDrieu La Rochelle dès 1959 et publia, en1961, dans la Revue du Département de laManche, les deux articles qui forment lecorps principal de cet ouvrage : Drieu, laNormandie et le nordisme, et Drieu et letempérament cotentinais. En 1963, son pre-mier livre n’est autre que ce Drieu parminous qui fait toujours référence. Par la suite,il rédigera de nombreux articles pour diffé-rentes revues.

Jean Mabire dédicaçait bien souvent decette façon son ouvrage sur Drieu : "un écri-vain normand que nous n’avons pas le droitd’oublier". C’est peut-être parce qu’il étaitnormand comme lui et plus encore cotenti-nais que Jean Mabire s’est rapproché deDrieu. C’est sans doute parce que ces deuxécrivains-guerriers avaient connu "ce coupledivin du courage et de la peur", qu’il existaitune sorte de connexion entre ces deux Nor-mands. L’un existait encore par la passionde l’autre. C’est ainsi que certains d’entrenous ont découvert Drieu, grâce à celui quel’on appelle Maît’Jean. Ces deux articlessont l’aboutissement d’une enquête et d’unerecherche approfondie. Jean Mabirem’expliqua en me les transmettant qu’ilsavaient marqués un tournant dans sa vie.

Ceux qui ont connu Maît’Jean se sou-viennent encore du moment exceptionnel deleur rencontre, une découverte et bien sou-vent un tournant au cours de leur propreexistence. Chacun cultivait avec lui un inté-rêt spécifique parce qu’il était ouvert à tousles sujets, s’intéressait à tout. L’esprit mabi-rien serait de ne pas se limiter à un seulregistre, de ne pas se cantonner à un seulaspect de son œuvre.

Cette collection, Mabire parmi nous,aura pour vocation d’être fidèle à Maît’Jeanet de permettre à ceux qui l’ont connu de leretrouver au fil des lectures et aux plusjeunes de découvrir un écrivain que nousavons le devoir de ne jamais oublier.

Virginie Binet

• Éditions d’Héligoland. 2008, ISBN : 978-2-914874-36-6, 1 volume 16 x 24, 168pages. Édition normale : 20,00 € (vente parcorrespondance : 25 € franco). EDH, BP 2,27 290 Pont-Authou.http://racines.traditions.free.fr : Le site internet de notre ami Tristan

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Stand de l’A.A.J.M. à la 6ème journéenormande du Hôme Varaville (Calvados) ledimanche 18 mai 2008.

Benoît D. membre du Bureau de l’AAJM et Benoît B. unadhérent dévoué ont tenu le stand de notre associa-

tion lors de la 6ème édition de la journée normande duHôme Varaville.

Malgré un début de journée et une installation sousdes trombes d’eau, cette fête dédiée au patrimoine nor-mand a été un grand succès.

Merci à nos deuxamis pour avoircontribué à faireconnaître l’œuvrede Maît’ Jean etnotre association.

A l’année pro-chaine !

ADHÉREZ !

À remplir soigneusementen lettres capitales.

Cotisation annuelle de 10 €

Nom : ___________________________________________Prénom : ________________________________________Adresse : ________________________________________________________________________________________

Ville : ___________________ ________________________Te l .___ .___ .___ .___ .___Fax.___.___.___.___.___E. mail : __________________@____________________.___Profession : ______________________________________

ConceptionLes Éditions d’HéligolandLes Éditions d’HéligolandBP 2 — 27290 Pont-Authouwww.editions-heligoland.fr

[email protected]

Ecrit en seulement trois jours par deux hommes ayantl’ardente volonté de faire vivre à nouveau nos tradi-

tions européennes et festives, Les Solstices publié pourla première fois en 1975 a animé tant de générationset illuminé un si grand nombre de familles que sa réédi-tion nous a semblés primordiale.

Nous sommes fiers de vous proposer cette toutenouvelle édition préfacée par l’un de ses protagonistes,Pierre Vial.

Cette nouvelle version augmentée et actualisée estillustrée par une riche iconographie et agrémenté d’unemultitude de textes d’écrivains et poètes de la VieilleEurope. Cet ouvrage constitue LA référence de l’histoiredes solstices d’été et d’hiver, fêtes célébrées del’Atlantique à l’Oural pour reprendre cette célèbre for-mule.

Un livre à transmettre à nos enfants et qui nous révè-le que « l’homme de l’avenir est celui qui a la pluslongue mémoire ».

• Les éditions du Lore – 236 pages – 24 €. Imprimé surun luxueux papier glacé 115 gr/m². Commandez-le àl’A.A.J.M. en envoyant votre chèque de 30 € (24 € +6 € de port) à l’ordre de l’association.

Les Solstices, histoire et actualitéde Pierre Vial et Jean Mabire

Vie de l’association