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Jésus, l’homme et le fils de Dieu
Michel QUESNEL
Paris, Flammarion, 2004, 231p
Résumé par Lucien Lemieux
Publié du 19 décembre 2010 au 27 février 2011
Introduction Tout change en ce qui concerne un personnage tel que Jésus. Des documents
nouvellement mis à jour permettent de se faire une idée inédite du judaïsme au Ier
siècle de notre ère. À une histoire événementielle se substitue une histoire des cultures
et des mentalités. Les critères d’historicité, utilisés pour dessiner les traits du
personnage de l’an 30, ne sont plus ce qui était mis encore en valeur en 1995. Et
pourtant le fait de se référer mondialement à la présumée date de naissance de Jésus
pour le calendrier actuel, habitude prise au VIIe siècle dans les îles britanniques et
répandue progressivement par la suite, n’est-il pas un signe de l’importance de ce
personnage?
1. Approche historique
1.1 Les sources chrétiennes
Des sources littéraires chrétiennes ressortent les vingt-sept livrets de la Bible, dits ceux
de la Nouvelle Alliance. Entre la plus proche de Jésus : l’épître de Paul aux
Thessaloniciens en l’année 50 et la plus éloignée : la seconde épître attribuée à Pierre
entre 125 et 130, s’insère l’Évangile quadriforme, particulièrement centré sur Jésus.
Marc, disciple de Pierre, aurait rédigé son texte à Rome vers l’année 70. Il fait
ressortir Jésus comme Christ, c’est-à-dire le Messie d’Israël, et comme Fils de
Dieu.
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Matthieu s’est adressé, entre 80 et 85 à un milieu judéo-chrétien, c’est-à-dire à
des chrétiens d’origine juive. « Il distribue l’essentiel de l’enseignement de Jésus
en cinq grands discours », rappelant le pentateuque, les cinq premiers livrets de
l’Ancienne Alliance.
Luc, à la même époque que Matthieu, a écrit l’histoire du christianisme des
années 30 à 60 en deux tomes, le second étant les Actes des apôtres. Juif
hellénisé, compagnon de saint Paul, il a composé son texte évangélique en Asie
Mineure ou en Grèce.
Jean, pas nécessairement l’un des Douze, a terminé sa présentation de
l’Évangile à Éphèse ou à Patmos vers 90-95; il révèle l’intimité de Jésus avec
Dieu.
Des textes évangéliques apocryphes dans lesquels n’a pas été reconnue « la règle de la
foi », incluent des documents du IIe siècle : l’Évangile selon Pierre, selon Thomas, des
Nazaréens, des Hébreux, des Ébionites. D’autres sont plus tardifs. Ce qui les caractérise,
c’est la description de certains événements relatifs à Jésus, incluant sa résurrection,
souvent de façon imaginative sinon fantaisiste. Il importe d’ajouter une seconde vague
littéraire chrétienne, postérieure ou concomitante aux livrets de la Nouvelle Alliance,
c’est-à-dire entre 95 et 150 : l’épître de Clément de Rome aux Corinthiens en 95, la
Didache (Instruction des Apôtres) vers 100, sinon vers 150, les épîtres attribuées à
Ignace d’Antioche; il n’y est cependant fait qu’allusion à Jésus le Christ, car il est plutôt
question de sujets d’actualité ecclésiale.
1.2 Les sources non chrétiennes
L’historien juif Flavius Josèphe (+100) dans son livre Antiquités judaïques, XVIII, 63-64,
fait allusion à Jean le Baptiste, à Jésus et à Jacques, frère de Jésus. Comme le texte
original n’a pas été trouvé, il s’agit de citations rapportées ultérieurement par des
auteurs chrétiens;, ces derniers ont sans doute coloré l’original en faveur de Jésus et de
sa résurrection. Trois auteurs latins de religions dites païennes : Pline le Jeune, Tacite et
Suétone ont écrit entre 110 et 120 à propos du christianisme. Ce mot est dit procéder
du Christ, « livré au supplice par le procurateur Ponce Pilate sous le principat en Tibère
». Il y est ajouté que cette « superstition d’origine orientale n’a guère eu la faveur des
intellectuels ni des patriciens romains ». Des découvertes archéologiques, tels les restes
d’un crucifié du début du Ier siècle, nommé Johanan, à Jérusalem en 1968, une barque
en bois d’il y a vingt siècles, retrouvée en 1986 au nord-ouest du lac de Tibériade, un
ossuaire du Ier siècle, trouvé en 2000 à Jérusalem et portant le nom de « Jacques, fils de
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Joseph et frère de Jésus », mots ayant pu cependant être écrits plus tard, ajoutent une
certaine crédibilité aux écrits évangéliques.
1.3 Traitement des sources
Toutes les sources mentionnées dans le semainier de dimanche dernier sont des
interprétations de la réalité. Il est heureux que depuis le XVIe siècle la Bible fasse l’objet
de notes marginales placées à côté du texte, en même tempos qu’elle fut peu à peu
traduite en langues vernaculaires. L’avènement de l’histoire critique ne viendra que
dans la seconde moitié du XIXe siècle. Après une « première quête » qui se déroule
jusqu’au début du XXe siècle, une deuxième est apparue en 1920, l’accent étant mis sur
les genres littéraires des 46 livrets de l’Ancienne Alliance. Depuis 1980, une troisième
quête de sens concerne la figure historique de Jésus, grâce à une approche du « cadre
juif qui fut celui de sa vie. »
La recherche historique exige d’abord une critique textuelle, puis une étude
comparative des sources, avant que l’on ne procède à l’écriture d’un texte amélioré.
Ainsi, une vie de Jésus en ressort renouvelée, pour autant que l’on prenne en compte
les critères d’historicité suivants :
le nombre de fois qu’une expression est employée, par exemple « les premiers
seront les derniers »; plus elle est répétée, plus elle peut être véridique;
la cohérence ou la convergence d’évènements; par exemple à propos de
l’attention aux personnes exclues, souvent mentionnée;
la dissemblance ou la dimissilitude, par exemple le fait que Jésus ne sache pas
quand va arriver la fin du monde, ce qui est un aveu de son ignorance qui
s’oppose à l’omniscience de ressuscité entretenue par ses disciples quarante ans
après sa mort; c’est plus réaliste;
la plausibilité, par exemple la contestation de Jésus par rapport au sabbat, ce qui
montre de sa part une certaine proximité avec les pharisiens, et ce contre les
sadducéens et les grands-prêtres; les événements rapportés dans l’Évangile sont
alors analysés à partir de leurs liens avec le milieu historique de Jésus.
Grâce à la combinaison de ces critères, une personne spécialisée en histoire dispose
d’outils assez fiables pour écrire la vie de Jésus, tout en se rappelant que l’histoire n’est
pas une science rigoureusement exacte.
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1.4 Un Galiléen du Iersiècle
Jésus a été un homme de son temps. À cette époque, la date de la mort était la plus
importante à retenir. À part quelque roi ou prince, la naissance de quiconque n’était pas
consignée. Comme les calendriers étaient multiples et souvent locaux, il est opportun de
se fier sur le fait que Jésus n’aurait pas été crucifié le jour même de la Pâque juive, par
attention à cette plus grande fête religieuse en judaïsme. Par prudence, il était
préférable que ce soit la veille, donc le vendredi 14 nisan (le nom d’un mois du
calendrier juif), ce qui correspondrait au vendredi 7 avril de l’an 30 selon le calendrier de
notre ère, et ce après de nombreux calculs appropriés. Ainsi la Cène a eu lieu jeudi,
l’avant-veille de la pâque juive, (un samedi, le jour du sabbat).
Le lieu de la naissance de Jésus demeure pour sa part douteux. Les évangélistes
Matthieu et Luc mentionnent Bethléem, mais il peut s’agir de la portée symbolique de
cet endroit, car elle était la ville de David et de son clan. Au VIIe siècle avant Jésus, le
prophète Michée avait écrit : « Bethléem… de toi sortira celui qui doit gouverner Israël
». Pour sa part, selon l’évangéliste Jean, Jésus serait Galiléen de naissance (Jn 7, 41-42 et
1, 45-46).
Si l’on doute du lieu de naissance, il est sûr que Jésus est né cinq ou six ans avant l’ère
en cours, dite chrétienne. L’historien juif Flavius Josèphe situe le recensement en l’an 6
de notre ère, soit une dizaine d’années après la mort d’Hérode le Grand. Ainsi, Jésus
serait décédé à 24 ans. Matthieu et Luc mentionnent clairement que Jésus est né au
temps d’Hérode, ce qui est le plus vraisemblable. La principale erreur est celle du moine
Denys le Petit (+545), qui fut le premier à faire un calendrier à partir de la naissance de
Jésus. En optant pour le mois de décembre de l’an 753 après la fondation de Rome, il le
faisait naître trois ans après la mort d’Hérode le Grand, ce qui est contradictoire avec
une naissance qui aurait eu lieu quelques années avant le décès de ce dernier, donc en
747 ou 748 du calendrier julien. De toute façon, le nombre de 33 ans n’est
historiquement confirmé d’aucune façon; Jésus serait plutôt décédé à 35 ou 36 ans.
Seul Jean, pourtant l’évangéliste le plus spirituel, laisse entendre que Jésus aurait
commencé sa mission en public à l’automne de l’année 27 de notre ère, ayant donc 33
ou 34 ans, ce qui coïnciderait avec Luc : « Jésus avait environ trente ans » (3, 23), le mot
« environ » étant le plus important. Jésus serait allé à Jérusalem lors de la pâque de
l’année 28, alors qu’il aurait rencontré Nicodème (Jean 3, 1-21). La multiplication des
pains aurait eu lieu avant la pâque de 29. À la fin de décembre 29, Jésus serait monté à
189 Jérusalem pour la fête de la Dédicace. Puis, il serait revenu pour la pâque de l’an 30.
Ainsi, Jésus a beaucoup plus circulé en Palestine que ne le laisse entendre Luc, qui ne
relate qu’un voyage principal entre la Galilée et la Judée, en mentionnant à peine un
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arrêt en Samarie, jugée hérétique et schismatique par les Juifs des deux autres
contrées.
Quant à la vie antérieure de Jésus, qui peut être certain de la connaitre? La bourgade de
Nazareth n’est jamais mentionnée dans les 46 livrets de l’Ancienne Alliance et un
chercheur récent a laissé entendre qu’elle n’existait pas encore au temps de Jésus. De
toute façon, la Galilée, région dont fait partie le présumé hameau, est alors considérée
de bas étage par les habitants de la Judée, au sud, là où se trouve Jérusalem. « De
Nazareth… peut-il sortir quelque chose de bon? » (Jn 1, 46). En Galilée, terre de passage
pour toutes sortes de commerçants, les adeptes du judaïsme sont influencés par des
pharisiens, traditionnellement fort respectueux des principales règles de la pureté
physique. Cependant, le fait d’être loin de Jérusalem leur permettait d’être distants des
grands-prêtres du temple de Jérusalem et des sadducéens, qui pensaient tout savoir,
alors que le passage d’étrangers les ouvrait à d’autres peuples et cultures. Il semble bien
que Jésus a appartenu à une famille d’artisans. Il pouvait travailler, à l’occasion, dans sa
région selon les besoins, par exemple à Sepphoris et à Tibériade. La Galilée était
relativement paisible à cette époque, car Hérode Antipas y fut souverain de l’an 4 avant
notre ère à 39 après. Jésus fréquentait sans doute la synagogue. Bien que parlant
quotidiennement l’araméen, il y entendait les lectures en langue hébraïque officielle.
Comme le grec, en son dialecte koinh, était la langue populaire de l’empire romain dont
faisait partie la Palestine, Jésus en saisissait probablement certains mots. Selon certains
livrets de la Nouvelle Alliance, Jésus aurait eu quatre frères : Jacques, Joseph, Simon et
Jude. Les noms de ses sœurs ne sont pas mentionnés. Trois interprétations subsistent :
ils seraient des cadets de Jésus et enfants de Marie et de Joseph, ce qui est
retenu en Église protestante;
ils seraient des enfants de Joseph, nés d’un mariage antérieur, ce qui est retenu
en Église orthodoxe;
ils seraient des cousins et des cousines de Jésus, ce qui est retenu en Église
catholique romaine.
Ce qui est sûr, c’est que Jésus a été éduqué dans un milieu familial élargi et non dans le
cadre d’un couple avec un enfant.
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4. Un Prédicateur remarqué L’évangéliste Jean termine ainsi son texte : « Jésus a fait encore bien d’autres choses : si
on les écrivait une à une, le monde entier ne pourrait, je pense, contenir les livres qu’on
écrirait » (Jn 21, 25). C’est beaucoup laisser entendre.
Il est hors de tout doute que Jésus a été baptisé par Jean dans le Jourdain, à une
époque où de nombreux baptistes se manifestaient en terre juive, par exemple un dé-
nommé Bannus dont l’historien Flavius Josèphe se fit temporairement le disciple. Ils
prêchaient tous « un baptême de repentir pour le pardon des péchés » (Mc 1,4 ou Lc
3,3). Ce rite d’eau, comme signe de conversion, contestait les sacrifices de pardon au
Temple de Jérusalem, d’ailleurs de plus en plus perçu comme un lieu ritualiste aux
mains du milieu sacerdotal sadducéen. D’ailleurs, jamais Jésus n’est montré comme
offrant un sacrifice au temple; au paralysé de Capharnaüm, une fois guéri, il a ajouté
qu’il était aussi pardonné, sans qu’il ait eu à offrir le sacrifice prescrit en judaïsme. «
Jésus fut d’abord disciple de Jean » le baptiste. Puis, il prit à son tour la tête d’un petit
groupe de disciples recrutés dans l’entourage de Jean. Jésus a peut-être été baptiste à
son tour, mais l’évangéliste Jean laisse cette possibilité dans l’ombre, de peur que des
gens identifient le baptême chrétien d’après la Pentecôte avec le rite que Jésus aurait
lui-même posé. C’est pourquoi il écrit : « À vrai dire, Jésus lui-même ne baptisait pas,
mais ses disciples » (4,2). Ce qui ressort de l’Évangile, c’est plutôt le Jésus prédicateur,
donc différent de Jean le baptiste. D’ailleurs, Jésus circulait plutôt dans les villages et les
villes qu’au désert. Il mangeait et buvait, alors que Jean était un ascète.
Des points communs existent entre les esséniens et les chrétiens : distanciation du
Temple et des sadducéens, attente apocalyptique et eschatologique prochaine,
organisation communautaire selon un style de vie un peu semblable, croyance en la
résurrection des morts, proximité géographique de Jean le baptiste et de Jésus au
désert avec Qumran, lieu de retraite des esséniens près de la Mer Morte. Mais de
nombreuses différences ressortent clairement : le groupe essénien est sectaire, ce qui
s’oppose à la morale et au style de vie promus par Jésus, la pureté rituelle des esséniens
et le laisser-aller de Jésus à ce propos. Si Jésus a fait partie de la mouvance essénienne,
il en a été vite dissident. Ce qui est possible, c’est que des esséniens, après la
destruction de leur établissement autour de 70 par des légions de l’Empire romain, se
soient intégrés à des communautés chrétiennes. En ce sens, l’évangéliste Jean aurait été
attentif à eux, en utilisant l’opposition entre lumière et ténèbres, qui leur était
coutumière.
Le Jésus prédicateur est un Jésus prophète. Premièrement, il constate ceci : « le temps
est accompli et le règne de Dieu est proche ». Puis, l’évangéliste Marc ajoute : «
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convertissez-vous et croyez à l’Évangile » (1,14-15); c’est un appel. Luc rapporte qu’un «
grand prophète s’est levé parmi nous » (7,16) et Matthieu rapporte les propos de la
foule : « C’est le prophète Jésus » (21,11). Par ailleurs, Jésus était proche des maîtres
pharisiens de la Galilée, sa région d’origine, qui enseignaient « une pensée théologique
ouverte »; elle incluait une interprétation de la Thora écrite selon une tradition orale
empreinte de souplesse. On prenait en compte le contexte historique, d’écrits (même
des dix commandements) et de la vie de tous les jours. Mais quand des pharisiens,
surtout de la Judée, entretenaient un radicalisme littéral des écrits, Jésus se rebiffait à
chaque fois. Le fossé entre le dire et le faire, entre le devoir et la réalité, faisait Jésus
sortir de ses gonds. Quand Jésus envoie ses disciples en mission, il les invite à proclamer
la conversion et l’approche du règne de Dieu; cela relève plus de la prophétie que de la
sagesse. Jésus n’est d’ailleurs pas un maître de la sagesse pharisienne. Il s’intéresse
d’ailleurs aux gens laissés pour compte et il parle en paraboles, ce qui le distingue des
scribes.
Jésus est présenté évangéliquement comme un thaumaturge. L’évangéliste Jean parle
de « signes » (2,11) plutôt que de miracles. « Il serait illusoire de prétendre à
l’objectivité historienne », spécialement dans ce domaine. Premièrement, il s’agit de
différents types d’événements : guérissons, exorcismes, reviviscences (plutôt que
résurrections), contrôle des forces ou des réalités physiques, visions. Deuxièmement,
selon le contexte culturel de l’époque, des interventions divines se manifestaient
quotidiennement, de façon directe. Troisièmement, les gens de l’époque de Jésus
n’étaient tout de même pas « des naïfs crédules ». Reconnaissons cependant qu’ils ont
perçu Jésus « comme exorciste et guérisseur ».
L’espérance messianique était vive chez les Juifs du premier siècle. Elle se manifestait de
façons diversifiées. Un groupe organisé se constitua au milieu de ce siècle, donc vingt
ans après la mort de Jésus, sous l’influence « du mouvement des sicaires ou zélotes ».
En ce sens, l’un des Douze n’était pas Simon « le zélote », mais Simon le zélé (un
zélateur de la foi). Jésus ne fut pas un prétendant politique, qui aurait voulu établir « un
règne messianique terrestre ». Se serait-il considéré comme le messie des Juifs, au sens
qu’il lui appartenait d’établir un règne de justice et de paix, dont l’avènement aurait été
proche? Personne ne le sait et ne peut le savoir. Que des disciples postérieurs, croyant
en sa résurrection, l’aient présenté comme tel, il n’y a pas de doute. Même durant la vie
publique de Jésus, des disciples ont cru que Jésus était le messie attendu et que le
royaume annoncé adviendrait bientôt sur terre; ils escomptaient même « y occuper une
bon place » (Mc 10, 35-40). Mais cette perception, entretenue durant la dernière année
de Jésus sur terre, fut réduite à néant par la mort abjecte de ce dernier.
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5. Mise à mort politique Les seules sources détaillées de la mise à mort de Jésus sont les quatre textes
évangéliques. Les auteurs ont eu tendance à « charger les chefs juifs et à excuser le
gouverneur romain Ponce Pilate… Cette charge exagérée contre les Juifs est le reflet
d’une situation de la fin du Ier siècle, où l’Église, enrichie de nombreux membres
d’origine païenne, polémiquait contre le judaïsme renaissant » après la destruction du
temple de Jérusalem en 70 par l’armée romaine. Or les écrits évangéliques se situent
entre 70 et 100, à une époque où les adeptes du judaïsme se regroupent, s’identifient
davantage et se délestent des adeptes du christianisme.
Jean le Baptiste « avait payé de l’emprisonnement, puis de sa tête, ses dénonciations »
contre la cour d’Hérode Antipas, tétrarque de Galilée. Jésus, qui s’était alors éloigné de
Jean le Baptiste et qui commençait à « prendre la tête d’un groupe autonome », fut lui
aussi menacé (Lc 13, 31). Après les succès populaires de la première année de la vie
publique de Jésus, son groupe d’adeptes diminua, à mesure qu’il contestait la
médiocrité, qu’il critiquait « toute autorité hautaine », qu’il promouvait le royaume de
Dieu.
Certains partisans de Jésus, dont Pierre est dit se faire le porte-parole (Mc 8,31), le
reconnaissent comme le Messie. Il devenait un personnage « à haute stature politique
et religieuse ». Il pouvait mettre « en péril la situation de tous les responsables en place
», pas tellement en Galilée où Hérode Antipas était sûr de son pouvoir autonome, mais
certes à Jérusalem. Jésus s’y était déjà fait remarquer. Mais, accompagné d’un groupe
de partisans, entrant triomphalement dans la ville quelques jours avant la Pâque de l’an
30, saccageant le matériel des vendeurs du temple, il alarma les pouvoirs publics : les
grands prêtres et le gouverneur romain Ponce Pilate. Ceux-ci furent complices et Judas,
le traître, les aida dans leur entreprise. « Les principaux responsables de la mort de
Jésus sont d’abord Pilate, qui donna l’ordre de l’exécution, et ensuite les membres de
l’aristocratie sacerdotale » du judaïsme, appartenant au parti sadducéen.
La crucifixion est le supplice le plus humiliant inventé par les êtres humains. Innové par
les Parthes d’origine iranienne, il a pu être pratiqué par des Juifs. Les Romains le
faisaient subir aux condamnés de basse classe sociale. Le cadavre d’un crucifié n’était
pas nécessairement jeté à la fosse commune. Il pouvait recevoir une sépulture
individuelle, ce qui semble avoir été le cas pour Jésus.
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6. Le Seigneur Jésus Christ Durant les jours et les semaines, qui ont suivi la mort de Jésus, ses disciples, à peine
quelques centaines à cette époque, témoignèrent « l’avoir vu vivant ». La foi en Jésus
ressuscité de la part de ces personnes fonde l’Église qui se réclame de lui, le discours
tenu sur lui, le comportement qui s’inspire de ses actes et de ses paroles, la religion qui
l’intègre à son culte et à sa prière. La résurrection de Jésus, différente de la reviviscence
de la fille de Jaïre, du fils de la femme de Naïn et de Lazare (car eux, ils sont morts par la
suite) n’est pas un fait historique établi selon des méthodes scientifiques de spécialistes
en histoire, mais est un fait événementiel : des personnes « ont affirmé l’avoir vu vivant
après sa mort ». Il s’agit d’une forme de vie autre que celle qu’il avait connue avant sa
crucifixion, d’une vie glorieuse et éternelle ». Les récits d’apparition expriment qu’il
s’agit d’une manifestation surprenante. « De telles expériences sont de l’ordre de
l’indicible ». Les récits « du tombeau ouvert » et non « du tombeau vide » gagnent à
être compris selon la dimension symbolique du langage employé.
En judaïsme, depuis quelques siècles avant Jésus, par respect pour le mot Yahveh, on
attribuait à Dieu le mot hébreu Adonaï (mon Seigneur), traduit en grec ho Kyrios (le
Seigneur). Dans le psaume 110,1; Dieu invite le roi « à s’asseoir à ses côtés », en le
dénommant Seigneur. Cette imagerie seigneuriale est attribuée « par les premiers
chrétiens » à Jésus ressuscité, assis à la droite du Père.
La foi en la résurrection de Jésus les a amenés aussi à le dénommer Fils de Dieu, ce qu’a
écrit saint Paul à la communauté chrétienne de Rome dès 57 : « établi, selon l’Esprit
Saint, Fils de Dieu avec puissance par sa résurrection d’entre les morts, Jésus Christ
notre Seigneur » (1, 2-4). Le mot Christ, mot venant du grec Christos, traduction du mot
hébreu mashiah (oint, messie), donc le Messie, lui est aussi attribué. Il s’agit du Messie
d’Israël, celui qui était attendu en judaïsme, perçu grâce à sa résurrection, non plus
comme un messie terrestre et politique, mais comme un messie spirituellement sauveur
et de son peuple et de toute l’humanité. L’expression Fils de l’homme est plus
complexe, puisqu’elle comporte une double connotation : un Jésus vulnérable et un
juge universel, celui qui est mort et ressuscité.
L’emploi de ces divers noms attribués à Jésus ressuscité laisse poindre à travers les 27
livrets de la Nouvelle Alliance, écrits entre 51 et 120 environ, une christologie, c’est-à-
dire une réflexion théologique sur Jésus le Christ. En 56, saint Paul le met ainsi en
relation avec Dieu : « La grâce du Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu et la
communion du Saint-Esprit soient avec vous » (II Co 13, 13). L’évangéliste Matthieu vers
80 termine son texte en mettant dans la bouche de Jésus une invitation de baptiser « au
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nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit » (28,19). Pour sa part, l’évangéliste Jean vers
95-100 lui fait dire : « Moi et le Père, nous sommes un » (10,30).
De fait, la christologie va se préciser lors des premiers conciles généraux du IVe au VIIe
siècle, alors que beaucoup de distinctions seront apportées pour ce qui a trait aux
natures humaine et divine de l’unique personne qu’est Jésus. Malgré les divergences
entre les Églises chrétiennes actuelles, toutes
s’entendent sur le Je crois en Dieu, dit le symbole des conciles Nicée-
Constantinople, daté de 381,
emploient les mots Trinité, Incarnation, Rédemption (salut), - trouvent
nécessaire de poursuivre la recherche théologique sur Jésus le Christ,
spécialement sur ce qui concerne la Rédemption et la place du Christ dans la
pluralité des religions. Ces deux champs de recherche font ressortir d’une part
l’importance de la croix, en laquelle se conjuguent abaissement et exaltation, et
d’autre part la médiation de Jésus le Christ entre Dieu et l’ensemble de
l’humanité, dans le respect du pluralisme religieux et sans tendance à la
récupération.
7. Dans la tradition
7.1 En liturgie
« La principale originalité du christianisme est celle-ci : le Christ est à la fois vrai Dieu et
vrai homme ». En judaïsme du temps de Jésus, « on est prêtre de naissance », c’est-à-
dire en étant de la descendance de Lévi, un fils de Jacob. Jésus ne l’était pas, puisqu’il
était né dans la tribu de Juda, un autre fils de Jacob. « Les célébrations chrétiennes ne
sont pas un culte au sens biblique du terme », comme cela se faisait au temple de
Jérusalem, le seul lieu de culte en judaïsme. En christianisme, Jésus Christ est considéré,
comme le seul prêtre en tant que médiateur entre Dieu et l’humanité. Lors des
célébrations liturgiques, les adeptes du christianisme « s’associent au culte unique que
Jésus a rendu à Dieu par sa vie et sa mort ». Il est intéressant de noter que les
célébrations eucharistiques du début de l’Avent jusqu’à l’Ascension se rythment à la vie
de Jésus sur terre. Puis, le reste de l’année liturgique est celui de l’Église, originant de la
Pentecôte, qui poursuit l’œuvre de Jésus sur terre, en s’y ressourçant et en continuant
de « prier le Christ », mais surtout « avec le Christ ».
À ce propos, le repas rituel, dénommé l’eucharistie ou la cène selon les Églises, est « la
reprise, à la lumière de la Résurrection, d’un geste accompli par Jésus la veille de sa
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mort ». « Jésus ressuscité se donne comme nourriture ». Dans la Bible, il ne s’agit nulle
part d’un sacrifice. Dans les Églises orthodoxes et l’Église catholique romaine, l’on a
retenu cette interprétation sacrificielle à partir d’un livret dénommé la Διδαχη δώδεκα
αποςτολων, la Didaché (Doctrine des douze apôtres). Écrit vers 150 par un auteur
inconnu, ce texte, d’origine syrienne, est une sorte de manuel de religion chrétienne. Ce
qui est théologiquement certain, c’est que l’officiant de toute célébration liturgique
n’est pas le prêtre; il peut cependant être considéré comme le signe sensible du prêtre
unique qu’est Jésus le Christ, se tournant vers le Père au nom de l’humanité. En histoire
du christianisme, la représentation imagée de Dieu, incluant Jésus, a fait problème,
particulièrement pour ce qui a trait aux icônes en Église orientale lors des VIIIe et IXe
siècles et aux statues lors de la réforme dite protestante en Europe occidentale du XVIe
siècle. Il est vrai que pendant des siècles la représentation réaliste de l’être humain
Jésus n’était pas de mise, encore moins celle de Dieu, même en Orient. Leurs figures
étaient plutôt sous forme symbolique, par exemple celle du bon pasteur, ou nimbées de
gloire. En ce sens, les icônes sont fort acceptables. Mais en Europe occidentale, à partir
du courant franciscain du XIIIe siècle, le corps de Jésus pendu à la croix et tout le reste
ont exacerbé les réformateurs du XVIe siècle. En catholicisme l’art baroque a accentué
l’imagerie religieuse, jusqu’à représenter Dieu « sous les traits d’un vieillard barbu
souvent couronné d’une tiare ».
7.2 En spiritualité
Jésus fut un homme de prière, donc un homme en relation avec Dieu. Le Notre Père,
selon l’évangéliste Luc est probablement la plus proche des termes mêmes de Jésus »,
même si l’on a retenu en Église la formule plus longue de Matthieu. Le christianisme «
n’est pas d’abord une morale, mais l’union à une personne, Jésus Christ : union
spirituelle, nourrie par la prière et nourrissant l’existence dans ses différentes
dimensions ». Saint Paul a bien exprimé cette spiritualité, centrée sur le Christ, le Dieu
fait homme, dans l’épître aux Philippiens (2,6-11) : « Lui, de condition divine… devenant
semblable aux êtres humains… devenu Seigneur » ou, dans l’épître aux Colossiens (1,15-
20) : « Premier né de toute créature…Tête du Corps, c’est-à-dire de l’Église ». Ces deux
hymnes font référence à la mort et à la résurrection de Jésus.
En histoire de la spiritualité chrétienne, des textes d’Ignace d’Antioche (IIe siècle),
d’Augustin (Ve siècle), de Luther et de Calvin (XVIe siècle), de jansénistes (XVIIe siècle)
insistent sur le sacrifice de sa vie, sur l’aspect pécheur et tragique de la condition
chrétienne, ce qui a entraîné une propension à l’ascèse et à l’austérité. D’autres adeptes
du christianisme, tels Thomas More (1478-1535) et Philippe Neri (1515-1595), font
ressortir la joie chrétienne. Plus récemment, la spiritualité se nourrit davantage de
l’Évangile. Ainsi, Jésus demande de l’eau à la Samaritaine et engage la conversation; il
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écoute la femme qui le touche et la guérit; il laisse venir à lui les enfants; il s’invite à la
table de Zachée; il s’émerveille de la foi du centurion; il rassure le bon larron sur la croix;
il demande à Pierre : m’aimes-tu; il dit : Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce
qu’ils font. Il s’agit d’une spiritualité, selon laquelle Dieu est présent dans la personne
côtoyée.
Conclusion
Ainsi, « le christianisme considère que le culte véritable n’est pas la célébration
liturgique, mais la vie dans ses aspects les plus quotidiens, lorsque l’amour de Dieu et
l’amour du prochain l’habitent ».
8. Vivre de Jésus Christ au XXIe siècle Une personne chrétienne est « d’abord et avant tout une personne croyante » en Dieu.
Reconnaître être sous le regard de Dieu implique une attitude de vérité vis-à-vis de soi-
même et des autres. Les êtres humains sont dès lors perçus comme des personnes, non
des personnages. Quelqu’un de croyant a aussi l’humilité d’entrer en relation avec Dieu
par la prière, « dans ta chambre la plus retirée… à ton Père qui est là dans le secret »
(Mt. 6,6). « La vérité de la prière et la vérité de la personne sont complémentaires chez
la personne croyante ».
La personne croyante, en christianisme, reconnaît Jésus le Christ, comme étant la «
parole de Dieu et « l'image du Dieu invisible », en langage biblique. Ces deux termes,
utilisés de façon métaphorique (où l'on passe du concret à l'abstrait), ont ceci en
commun : « en Jésus Christ, le Père se révèle tel qu'il est ». Ainsi, est-il « le chemin, la
vérité, la vie » Jn 1 4,6).
La Bible, à l'encontre du Coran en islam, n'est pas la Parole de Dieu; elle n'est que l'un
des moyens d'accès à sa Parole incarnée, qui est Jésus Christ. Le christianisme n'est pas
« une religion du livre », car la Bible ne peut être lue que selon une interprétation
adéquate. Par exemple, comment ne pas laisser place à celle-ci, lorsqu'on lit l'Évangile,
rapporté de quatre façons, entre 40 et 80 ans après la mort de Jésus, écrit en araméen
palestinien, langage sémitique diversifié selon l'époque et le milieu? Et que dire des
traductions subséquentes souvent entachées d'anachronismes? La critique biblique des
dernières décennies, grâce à des exégètes scientifiques, permet heureusement une
approche désormais plus sûre des textes originaux, mais la Parole de Dieu ne demeure
pas moins quelqu'un qui a agi et non seulement parlé.
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Il est le chemin de Dieu vers l'être humain et le chemin de ce dernier vers Dieu. Dans
aucune religion en histoire de l'humanité, si ce n'est en christianisme, Dieu se fragilise
autant et se compromet autant « avec le monde qu'il a créé ». « Nous prêchons un
Messie crucifié, scandale pour les juifs, folie pour les païens » (I Co 1, 23), comme l’a
écrit saint Paul.
En christianisme, nous le disons sauveur. De quoi sauve-t-il? Du péché? Qu'est-ce que
cela veut dire à notre époque? Ne vaudrait-il pas mieux dire « du non-sens apparent du
monde »? «Vanité des vanités, tout est vanité », n'est-ce pas ce qui est ressenti à l'heure
actuelle, comme par l’Ecclésiaste (1,1) en Ancienne Alliance? En situation de détresse («
no future ») l'annonce d'un salut peut avoir de la portée. Certes, cela peut être utilisé
de façon fanatique, souvent financièrement bien appuyé, ce qui fait vivre de nombreux
gourous d’Églises chrétiennes éparpillées. Mais le vrai salut, apporté au monde par Jésus
Christ, « résulte de sa mort et de sa résurrection ».
Or la résurrection elle-même pose question à notre époque, ce qui est compréhensible,
compte tenu de tout ce qui a été historiquement colporté sur le paradis à la fin de nos
jours. Les représentations oratoires et artistiques de la fin des temps ont marqué
l’imaginaire des gens et ont ouvert la voie à toutes sortes d'issues autres que
chrétiennes, entre autres la réincarnation, déjà envisagée avant le christianisme comme
voie d'avenir après la mort. Selon saint Paul, la résurrection de Jésus est le signe de la
résurrection de tous les êtres humains. Bien plus, il s'agit d'une résurrection salutaire de
toute la collectivité humaine, dans le respect de la liberté de chaque personne. Aucun
pessimisme n'est compatible avec la foi en Jésus Christ ».
Ainsi, il est bibliquement fondé, selon une perspective chrétienne, que tous les êtres
humains peuvent être dits frères et sœurs, Jésus étant « le premier-né d'une multitude
de frères et de sœurs » (Rm 8,29). Cette fraternité, plus fondamentale que la parenté
charnelle, « s'enracine dans la paternité de Dieu et dans l'humanité partagée avec le
Christ ». «Vous êtes tous frères et sœurs... vous n'avez qu'un seul Père », a dit Jésus (Mt
23, 8-9). Ainsi, une fois baptisé, un enfant a ses parents comme frère ou sœur, plus que
père ou mère, et l'enfant devient leur frère ou sœur.
Cette primauté de la fraternité, tout imprégnée d'une dimension relationnelle, «
entraîne le primat de l'amour »; « quiconque qui dit aimer Dieu et qui n'aime pas son
frère est un menteur » (I Jn 4, 20). Cet amour dépasse les sentiments; il est très radical.
Conséquemment, « le pardon fait partie de l’être chrétien », même si c'est exigeant.
S'engager à aimer quelqu'un jusqu'au pardon ou encore pour toute la vie sur terre, telle
que c'est proposé en mariage chrétien, est à la fois un des plus beaux défis qui soit et un
témoignage d'une grandeur spirituelle la plus élevée qui soit, mais « rien n'est
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impossible à Dieu » (Lc 1, 37). Cette fraternité fondamentale est signifiée en une Église,
dont Jésus le Christ est comparé à une tête et les fidèles à l'ensemble des membres d'un
corps. Malgré les faiblesses et les erreurs de l'institution ecclésiale, elle ne peut être
considérée comme totalement distincte du Christ. Que serait une tête sans corps?
9. Liberté évangélique et paraboles « L’époque dans laquelle nous vivons raffole des témoignages. L’inconvénient de ce type
d’écriture ou d’intervention, c’est qu’il met le lecteur ou l’auditeur à trop grande
distance des sujets abordés, autrement dit qu’il n’est pas suffisamment objectivant ». «
Le christianisme est la religion de la vraie liberté ». Et cela est mis en valeur par la forme
verbale ou littéraire de la parabole. Jésus, selon l’Évangile quadriforme, « a porté ce
procédé pédagogique à son plus haut niveau ». Une cinquantaine de paraboles (dans
certains cas on peut dire des comparaisons) parsèment l’Évangile. D’origine grecque, le
mot παραβαλλείν veut dire « lancer à côté ou jeter le long de ». C’est une forme de
discours selon laquelle on utilise un biais, une voie latérale. La personne intervenante
s’adresse à la personne auditrice ou lectrice « au second degré ». Celle-ci est amenée,
sans d’abord s’en rendre compte, « à déplacer son propre point de vue ». Comme elle
n’est pas mise en cause directement, elle « n’a pas les mêmes réserves de principe ». «
La parabole est une forme de discours qui respecte pleinement la liberté des
destinataires ». « Les paraboles rapportent des histoires fictives ». Déjà, il s’en trouvait
dans l’Ancienne Alliance. Cette histoire est aussi vraie que celle de Jésus dans l’Évangile.
Ces événements sont bien réels. L’approche par le biais des paraboles ne consiste
aucunement en « un regroupement d’injonctions dictant aux êtres humains ce qu’ils
doivent faire ». Ils restent « libres de s’identifier » à tel ou tel personnage des paraboles.
Il est d’ailleurs heureux que l’on ait conservé en Église entre la fin du IIe siècle et le IVe
siècle, non pas un, mais quatre textes évangéliques ce qui donne en quelque sorte un
choix aux destinataires.
La remarque a été faite que, selon ces textes, Jésus « ne rit jamais », ce qui n’exclut pas
l’humour de Dieu. « Il s’est incarné en un homme dépourvu de moyens de puissance,
vulnérable au point de se laisser mettre à mort et considérant inutile de rédiger son
testament spirituel ». Bien plus, ce qu’il a dit et fait en la personne de Jésus a été
rapporté de façon telle que les exégètes ne cessent d’en faire toutes sortes
d’interprétations. Est-ce que cela ne veut pas dire qu’il ne faut jamais prendre « les
formulations de la foi chrétienne trop au sérieux »? Les dogmes ne proviennent pas de