kamala investissement harris

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diplomat Investissement Magazine de la diplomatie et des affaires Septembre-Octobre 2020 DISTRIBUTION CIBLÉE Allemagne, Belgique, Brésil, Canada, Chine, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Inde, Japon, Malaisie, Sénégal, Suisse, BCEAO, Banque mondiale, Banque islamique, Banque africaine de développement, CEDEAO, FMI, OIF, ONU, Représentations diplomatiques, Union européenne, Union africaine, UEMOA. www.diplomatinvestment.com KAMALA HARRIS GRAND INGA Les enjeux se jouent maintenant INVESTISSEMENT L'Afrique pourrait voir son revenu augmenter de 450 milliards de dollars grâce à l'accord de libre-échange continentale En route vers la vice-présidence des États-Unis

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Page 1: KAMALA INVESTISSEMENT HARRIS

diplomatInvestissementMagazine de la diplomatie et des affaires

Septembre-Octobre 2020

DISTRIBUTION CIBLÉE

Allemagne, Belgique, Brésil, Canada, Chine, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Inde, Japon, Malaisie, Sénégal, Suisse, BCEAO, Banque mondiale, Banque islamique, Banque africaine de développement, CEDEAO, FMI, OIF, ONU, Représentations diplomatiques, Union européenne, Union africaine, UEMOA.www.diplomatinvestment.com

KAMALAHARRIS

GRAND INGALes enjeux se jouent maintenant

INVESTISSEMENTL'Afrique pourrait voir son

revenu augmenter de 450milliards de dollars grâce à

l'accord de libre-échangecontinentale

En route vers la vice-présidencedes États-Unis

Page 2: KAMALA INVESTISSEMENT HARRIS

ÉLECTRICITÉ POUR TOUS

PROJET GRAND INGA

Une solution pour éclairer (enfin) l’Afrique

Agence pour le développement et la promotion duGrand Inga (ADPI )

Au service du développement de la RDC

Page 3: KAMALA INVESTISSEMENT HARRIS

EN BREF

Saviez-vous que… 3

ÉDITORIAL

L’avenir de l’Afrique passe par l’électron 5

POLITIQUE

Joe Biden: Officiellement candidat, Biden promet la«lumière» après les "ténèbres" de l'ère Trump 6Donald Trump: Investi candidat par le Parti républicainet affirme que Biden sera le fossoyeur de «la grandeurde l’Amérique» 10

JOE BIDEN

Officiel lement candidat,Biden promet la «lumière»après les "ténèbres" de l'èreTrump.

RELATION INTERNATIONALE

Accord "historique" de normalisation entre les Émiratset Israël 13Yoshihide Suga, le nouveau Premier ministre japonaissymbole de continuité 14

DIPLOMATIE DES AFFAIRES

Entretien entre les ambassadeurs des États-Unis et de laChine 15

INVESTISSEMENT

L'Afr ique pourra i t vo i r son revenu augmenter de450 milliards de dollars grâce à l'accord de libre-échangecontinental 17

FINANCE

COVID-19 : sans aide, les pays en développement à faiblerevenu risquent de perdre une décennie 22

COMMERCE ET ÉCONOMIE

Comment juguler la pandémie de COVID-19 et relancer enmême temps l'économie ? 33

REPORTAGE

IBEX 54 & CANLEAD : Deux entreprises canadiennes auservice de l'enrichissement de l'Afrique 35

DOSSIERKamala Harris : en route vers la vice-présidence des États-Unis 41

DOSSIER SPÉCIALLes enjeux du GRAND INGA se jouent maintenant 51

DÉVELOPPEMENTTLa Chine devient pour la première fois le premier partenairecommercial de l'Union européenne 80

RÉFLEXION

La pandémie de COVID-19 souligne l’urgence de développerdes solutions énergétiques durables dans le monde entier 90

3

Sommaire

XI JINPING

La Chine est en train de détrô-ner les Américains en devenantle premier joueur économique

DIPLOMAT INVESTISSEMENTSeptembre - Octobre 2020

www.diplomatinvestissement.com

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KAMALA HARRISEn route vers la vice-présidence desÉtats-Unis

DONALD TRUMP

Investi candidat par le Partirépublicain et affirme queBiden sera le fossoyeur de«la grandeur de l ’Amé-rique»

Diplomat Investissement septembre-octobre 2020 3

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4 septembre-octobre 2020 Diplomat Investissement

Saviez-vous que…• L'Organisation mondiale de la santé (OMS) espèreque la crise du coronavirus pourra être vaincue enmoins de deux ans, a déclaré son directeur, TedrosAdhanom Ghebreyesus. Il avait fallu deux ans pouréradiquer la grippe espagnole, qui était apparue en1918, a-t-il rappelé. "Notre situation aujourd'hui, avecplus de technologies et bien sûr plus d'interconnexions,accroît la possibilité de propagation du virus, il peut sedéplacer rapidement", a-t-il dit. "Dans le même temps,nous avons les technologies et les connaissances pourl'arrêter." Plus de 22,8 millions de personnes dans lemonde ont été infectées par le nouveau coronavirus et800.382 sont mortes du COVID-19, selon un décomptede Reuters.

• L’Afrique, un marché d’avenir pour l’énergie ditepropre. Selon un rapport de Bloomberg, les investisse-ments dans l’énergie «dite propre» ont atteint 333,5 mil-liards de dollars USD. L’énergie solaire et l’énergie éo-lienne arrivent en tête avec 161 et 107 milliards USDd’investissements, notamment en Asie (187 milliards),en Amérique (78 milliards) et en Europe (69 milliards).

Dans la course vers ce nouveau marché, l’Afrique«suit» la tendance mais reste loin derrière. Le rapportBloomberg, qui place la Chine en tête, avec 40% des in-vestissements (132,6 milliards USD) ne lui réserve deplace que dans la rubrique «autres», alors que des paysleaders, comme les États-Unis (59 milliards), le Japon(23,6 milliards), l’Allemagne (10 milliards), l’Australie(9 milliards) et le Mexique (6 milliards) essaient de sui-vre la cadence imposée par Pékin.

• Les perspectives pour 2020–21 sont nettement plusdéfavorables qu’attendu et font l’objet d’une grande in-certitude. Selon les dernières projections, l’activité éco-nomique devrait subir cette année une contraction dequelque 3,2 %, du fait de la dégradation de l’environ-nement extérieur et des mesures visant à endiguer l’épi-démie de COVID-19. La croissance devrait se redresserà 3,4 % en 2021 si l’assouplissement progressif des res-trictions qui a débuté ces dernières semaines se pour-suit et, surtout, si la région échappe à la dynamique épi-démique à l’œuvre ailleurs. Les autorités nationales ontpris rapidement des mesures pour soutenir leur écono-mie, mais leurs efforts se sont heurtés à la baisse des re-cettes et à un espace budgétaire limité.

• Accès à l'électricité : Depuis 2010, plus d'un milliardde personnes supplémentaires ont été raccordées àl'électricité. Ainsi, en 2018, 90 % de la population de laplanète y avait accès. Cependant, 789 millions de per-sonnes vivent toujours dans le noir et, malgré les pro-grès rapides de ces dernières années, la cible relative àl'accès universel à l'horizon 2030 ne semble guère sus-ceptible d'être atteinte, surtout si la pandémie deCOVID-19 perturbe gravement les efforts d'électrifica-tion. Les disparités régionales n'ont pas disparu.L'Amérique latine et les Caraïbes, ainsi que l'Asie del'Est et du Sud-Est se rapprochent de l'accès universel,mais l'Afrique subsaharienne est à la traîne, avec 70 %du déficit mondial.

• Dans plusieurs grands pays de la région, le taux decroissance de l'électrification ne suit pas la croissancedémographique. Le Nigéria et la République démocra-tique du Congo (RDC) accusent les déficits les plus

marqués, avec respectivement 85 millions et 68 millionsde personnes privées d'électricité. L'Inde arrive troi-sième en termes de déficit, avec 64 millions de per-sonnes sans accès à l'électricité, bien que son tauxd'électrification soit supérieur à sa croissance démogra-phique. Parmi les 20 pays présentant les déficits d'ac-cès les plus importants, le Bangladesh, le Kenya et l'Ou-ganda sont ceux qui ont connu la p lus for teamélioration depuis 2010, avec un taux de croissanceannuel de l'électrification supérieur à 3,5 points depourcentage. C'est en grande partie le résultat d'une ap-proche globale de l'électrification associant réseau,mini-réseau et solaire hors réseau.

• Près de trois milliards de personnes, principalementen Asie et en Afrique subsaharienne, n'ont toujours pasaccès à des combustibles et des technologies de cuissonnon polluants. Sur la période 2010-2018, la situation n'aguère évolué, le taux de croissance de l'accès à desmoyens de cuisson propres ayant même ralenti depuis2012 dans certains pays, et affichant un rythme infé-rieur à celui de la croissance démographique. Entre2014 et 2018, 82 % de la population mondiale dépour-vue d'accès à des moyens de cuisson non polluants setrouvaient dans 20 pays. Ce problème continue d'avoirde lourdes conséquences sur le plan de l'égalitéhommes/femmes, de la santé et du climat, qui se réper-cutent non seulement sur la réalisation de la cible 7.1,mais aussi de plusieurs autres ODD connexes. Au vudes politiques en place et programmées, 2,3 milliardsde personnes n'auront toujours pas accès à des techno-logies et des combustibles de cuisson non polluants en2030.

• En 2017, la part des énergies renouvelables dans lebouquet énergétique mondial a atteint 17,3 % de laconsommation finale d'énergie, contre 17,2 % en 2016 et16,3 % en 2010. La consommation d'énergies renouve-lables (+2,5 % en 2017) augmente plus rapidement quela consommation mondiale d'énergie (+1,8 % en 2017),poursuivant une tendance qui se confirme depuis 2011.L'essentiel de la croissance des énergies renouvelablesconcerne le secteur de l'électricité, à la faveur de l'ex-pansion rapide de I'éolien et du solaire, favorisée parun appui politique constant et une baisse des coûts.Dans le même temps, le recours aux énergies renouve-lables pour le chauffage et le transport est à la traîne.Or il devra être intensifié dans tous les secteurs si l'onveut atteindre la cible 7.2. On ne connaît pas encoretoutes les conséquences de la crise du coronavirus surles énergies renouvelables.

• Les financements publics internationaux destinés auxpays en développement pour soutenir les énergies pro-pres et renouvelables ont doublé depuis 2010, pour at-teindre 21,4 milliards de dollars en 2017. Ces flux mas-quent d'importantes disparités, puisque en 2017, seuls12 % ont bénéficié à ceux qui en avaient le plus besoin(pays les moins avancés et petits États insulaires en dé-veloppement). Pour accélérer le déploiement des éner-gies renouvelables dans les pays en développement,il est nécessaire de renforcer la coopération interna-tionale, y compris à travers une participation accrue dessecteurs public et privé, afin que les flux financierss'orientent davantage vers ceux qui en ont le plus be-soin, et ce a fortiori dans un monde post-COVID. n

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Diplomat Investissement septembre-octobre 2020 5

ÉditorialDIPLOMaT

Diplomat Investissement s’adresse aux décideurs politiques,diplomatiques, financiers et aux investisseurs. Magazined’informations diplomatiques et économiques, il donne laparole à ceux qui prennent des décisions et fait la promo-tion de la nouvelle diplomatie axée sur les affaires et lesinvestissements.

Président-éditeur: Jean Telé UdimbaDirecteur général : Viviane DéguyRédacteur en chef par intérim : Henri Tambwe

ADMINISTRATIONFatouma MuhiyaLiliane Aneka

DÉVELOPPEMENT DES AFFAIRESRelations avec les Gouvernements: Telé WemboluaRelations avec les secteurs privé et public: BaronTeteRelations avec les institutions: BaronTeteDéveloppement des affaires: Ignace LumumbaDirecteur de projets: Dominique GagnonChargé de mission: Sylla Naby Laye

DIRECTION INTERNATIONALERelations diplomatiques et consulaires: André OkitoPromotion du commerce et des investissements: AnacletMutomboRelation avec les pays du Golfe et Arabe: Souleyman KelleyYounous

MARKETING ET PUBLICITÉMarketing et relations d’affaires: Elodie RukizaMarketing et Publicité : Sylla Aminata

RÉDACTIONChef rubrique: Dominique GagnonChef réviseur: Dominique GagnonCorrespondants: Jacques Fani, Dominique Martens, LambertOpula, Jacques Malu, Joseph Smith, Azize Fouad, EricKouassi, Camara Lemine, Kakoyi Yaya Mahamat.Reportage: Henriette Edju Omeonga

STAGIAIRES

Cherifa Abdramane Ali

PRODUCTIONDirecteur de production: Jean TeléPhotos & Illustrations: Jean-Jacques OmeongaImpression: GULogistique: Mutombo Kahozi

COLLABORATION ET SOUTIEN LOGISTIQUEWABC

DISTRIBUTIONDistribution ciblée: WABC

PUBLICATION ET DIFFUSION

Ont également collaboré à ce numéro: Lohaka Yemba,Alphose Noah, Richard Martin, André Lalonda, Jean-LouisSasseville, Ph.D., Nlombi Kibi, Ing. F., M.B.A., Ph.D, AndréTurmel, Associé Fasken, Karim Maalioun Associé Fasken,Youssef Fichtali, Avocat, FaskenConsultant et Chargé des projets: Lambert Opula Ph.D. Notre politique de distribution: Il nous arrive de communiquerà nos partenaires les besoins de nos annonceurs afin de lesintéresser à leurs produits ou services. Bon nombre d’entre euxapprécient cette méthode de distribution ciblée. Cependant sivous ne voulez pas ce genre de service, faites-le savoir à notre administration. Droits d’auteur et droit de reproduction.Dépôt légal : Bibliothèque nationale du CanadaISSN: 1205-9757

Magazine Diplomat Investissement1111 Boulevard Dr. Frederik-Philips, suite 626Saint-Laurent, QC H4M 2X6Tél. : +(1) 514 655-1008 - Télécopieur : +(1) 579 641-1797 Courriel : [email protected]

Toute demande de reproduction doit être adressée à l’admi-nistration du magazine.

Magazine de la diplomatie et des affairesInvestissement

Richard Martin*

C’est par l’électron, cette manifestation de l’infiniment petit, que passe l’avenir de la pla-nète entière, et surtout de l’Afrique. L’électron représente le futur pour deux raisons. Pre-mièrement, l’électron c’est la particule qui incarne l’énergie électrique. Si l’Afrique et la

planète doivent continuer de s’enrichir, l’électricité sera la manière privilégiée d’en alimenter lesbesoins énergétiques. L’électricité est propre et salubre. Sa production peut être centralisée pourtirer parti des investissements majeurs que représentent les centrales hydro-électriques. Si lesconditions sont réunies, les centrales éoliens et solaires peuvent aussi contribuer à la production,quoique d’une façon moins stable. Il existe même des études sur la possibilité de construire d’im-menses satellites en orbite autour de la Terre qui capteraient le flux lumineux du Soleil pour en-suite le convertir en énergie électromagnétique qui serait transmis vers des antennes à la surfacede la planète d’où l’électricité serait distribuée par un réseau planétaire intégré, géré par l’intel-ligence artificielle. En plus, la technologie des batteries et des piles se développe à la vitesseGrand V, tandis que les emplois de l’électricité courante et stockée se multiplient. Nous n’avonsqu’à penser au foisonnement de modèle de voitures électriques et d’appareils électroniques ali-mentés par l’électricité.

Ceci amène à signaler la deuxième raison que l’avenir passe par l’électron : l’électronique.Au fait, les appareils électroniques ne sont que des ordinateurs numériques associés à des ma-chines de plus en plus sophistiquées et performantes. Les machines électriques, les ordinateurs,les instruments de transmission radio et téléphoniques, les capteurs et les calculateurs sont tousalimentés en électricité. Mais en plus, ils emploient les électrons mêmes pour faire le travail del’humain. Les électrons ainsi exploités multiplient la rapidité, l’exactitude, le pouvoir et la por-tée de l’esprit et de l’intelligence humains. La République Démocratique du Congo arrive à unmoment charnière de son existence. Une décision doit être prise quant à la nature de l’investis-sement dans l’exploitation du potentiel hydro-électrique du Grand Inga. Fort d’un potentiel degénération hydraulique de 44 000 MW, le Grand Inga nécessite des investissements qui dépas-sent de loin la capacité interne du pays. Ce n’est qu’en invitant des partenaires étrangers à four-nir des capitaux et du savoir-faire que la pleine puissance énergétique du fleuve Congo peutêtre transformée en richesse. Pour ce faire, il faut planifier et exécuter les investissements et lescapitaux intelligemment pour atteindre la plus grande efficacité et efficience possible. Considé-rons à titre d’exemple la prochaine phase du projet Grand Inga, soit Inga 3. Deux propositionssont sur la table. Une première, visant à construire un barrage haut produisant plus de 11 050MW est à l’étude depuis plus de cinq ans. Le consortium pour la maîtrise d’œuvre est pour toutefin pratiques en place, le financement par capitaux étrangers est assuré et le modèle d’investis-sement et d’opération en mode BOT a déjà fait ses preuves.

De l’autre côté, il y a une proposition plutôt mal ficelée, qui n’en n’est qu’aux balbutie-ments et qui ne vise qu’à construire un barrage bas générant en deçà de 5 000 MW et ce, moyen-nant un investissement de capitaux presqu’aussi important que le premier. Quelle est la déci-sion la plus logique et la plus bénéfique ? Certains croient que la demande d’électricité en RDCn’est pas suffisante pour justifier la construction d’un barrage de plus de 5 000 MW. Le problèmeavec cette vision c’est que l’histoire démontre sans équivoque que la demande énergétique, etsurtout électrique, se manifeste lorsque l’offre se présente. À preuve, les pays africains seraientdéjà prêts à acheter l’entière production du projet Inga 3 ! Il faudra en garder pour les consom-mateurs de la RDC.

Il ne suffit de constater à quel point l’approvisionnement en électricité de la capitale, Kins-hasa, est instable et défaillante pour réaliser qu’une énorme demande inassouvie interne et ex-terne existe bel et bien. S’il y a une chose qui a été démontrée durant la pandémie du COVID-19, c’est que l’électricité et l’électronique sont essentielles au bien-être de la population et de sonéconomie. Sans électricité et sans appareils électroniques, où en serions-nous à l’heure actuelle?Par ailleurs, les besoins de communication, de consultation, de transmission de données et departage des connaissances et de l’information nécessitent la présence et le développement d’uneinfrastructure de télécommunications et de computation à l’échelle mondiale. Les besoins pourles échanges vidéo et par voix, pour la transmission et le traitement électronique des données,pour les conférences et réunions virtuelles sont énormes. Quand les frontières sont fermées etles déplacements de personnes sont aussi restrictives qu’ils le sont devenus au plus fort du confi-nement, ce sont les télécommunications et les transmissions et traitements électroniques des don-nées qui ont permis à tous de continuer de fonctionner, tant bien que mal. Ainsi, l’électron estbel et bien l’avenir de la planète. Si les pays d’Afrique et les Africains veulent participer à cetemballement et profiter de la manne qui en résultera, il faut absolument investir afin de pro-duire l’électricité, tout en cherchant par tous les moyens à maintenir la connectivité et l’intercon-nexion de l’Afrique avec le reste de la planète. (*) Richard Martin, Président de CANLEAD n

*L’avenir de l’Afrique passe par l’électron

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________________________Emile Gagnon

Je vous donne ma parole: si vous mefaites confiance avec la présidence, jetirerai le meilleur de nous, pas lepire", a-t-il poursuivi lors de son dis-

cours d'investiture comme candidat duParti démocrate pour l'élection présiden-tielle. "Je suis un candidat démocratemais je serai un président américain", a-t-il déclaré. "C'est le travail d'un président.Nous représenter tous, pas seulement no-tre base électorale ou notre parti", a-t-ilassuré. Le discours de Joe Biden, pro-noncé depuis un stade pratiquement videde Wilmington dans le Delaware, la villeoù il réside, marque le nouveau point cul-minant d'une carrière politique longue deprès de cinq décennies.

Au terme de la quatrième et ultime soi-rée de la convention démocrate, unique-ment virtuelle à cause de la crise sanitaire,l'ancien sénateur et vice-président de Ba-rack Obama a décrit la période actuellecomme l'une des plus importantes del'histoire, sur fond d'épidémie de corona-virus, de récession, d'éveil sur les ques-tions raciales et de lutte pour l'environne-ment.FRONT UNI DES DÉMOCRATESJoe Biden a promis de représenter tous lesAméricains et de travailler "tout aussi

Politique

JOE BIDENJoe Biden a accepté sa nomination par le Parti démocrate en vue de l'élection présidentielle du 3novembre prochain et promis, dans son discours de clôture de la convention nationale démocrate,de guérir un pays frappé par la pandémie en cours et ses répercussions économiques, et profondé-ment divisé par les quatre ans de présidence de Donald Trump. "Le président actuel a plongé l'Amé-rique dans les ténèbres depuis bien trop longtemps. Trop de colère. Trop de peur. Trop de division",a-t-il dit.

6 septembre-octobre 2020 Diplomat Investissement

Officiellement candidat, Biden promet la«lumière» après les "ténèbres" de l'ère Trump

ÉLECTIONS AMÉRICAINES

CONVENTION DÉMOCRATE USA 2020

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Diplomat Investissement septembre-octobre 2020 7

dur" pour ceux qui ne le soutiennent pas,dessinant un contraste implicite avec lerépublicain Donald Trump, qui s'est mon-tré peu enclin à plaire en dehors de sonélectorat de base.

Plusieurs démocrates ayant pris part àla course pour l'investiture du parti - dontles sénateurs Bernie Sanders, ElizabethWarren, Amy Klobuchar et Cory Booker -ont salué dans des témoignages pré-enre-gistrés l'empathie et le leadership de JoeBiden. Un autre ex-rival, le milliardaire etancien républicain Michael Bloomberg, a

déclaré que Donald Trump avait échouétant comme homme d'affaires que commeprésident. Tout au long de la convention,les principales figures du Parti démo-crate, ses étoiles montantes et même despersonnalités républicaines ont successi-vement apporté leur soutien à Joe Bidenet souligné l'urgence de mettre fin aux tu-multes de la présidence de DonaldTrump. Avant que Biden ne prenne la pa-role dans la soirée, deux événements ontoffert matière supplémentaire à la cam-pagne Biden pour dénoncer ce qu'elle dé-

crit comme un mandat chaotique de Do-nald Trump. Steve Bannon, l'un des archi-tectes de la victoire de Trump en 2016, aété arrêté pour des accusations de détour-nement de fonds (), tandis qu'un juge fé-déral new-yorkais a déclaré que le prési-dent sortant ne pouvait pas empêcher latransmission à la justice de huit années dedéclarations de revenus."Solidaire de nos alliés" -Promettant d'être "solidaire" des alliés del'Amérique, il a estimé que "le temps desflirts avec les dictateurs" était révolu."Sous une présidence Biden, l'Amériquene fermera pas les yeux si la Russie pro-pose des primes sur les têtes des soldatsaméricains. Et ne tolérera pas une ingé-rence étrangère" dans les élections, a-t-ilpoursuivi en promettant de défendre les"droits humains et la dignité".

Dans son intervention, qui devait êtresuivie par des dizaines de mill ionsd'Américains, ce vieux routier de la viepolitique américaine a évoqué les dramespersonnels qui ont jalonné sa vie. Suivantle discours à la télévision depuis la Mai-son Blanche, Donald Trump a réagi surTwitter en temps réel: "En 47 ans, Joe n'afait aucune des choses dont il parle. Il nechangera jamais, que des mots"! A deuxmois et demi de l'élection, les Américainsinterrogés par les sondeurs ont majoritai-rement perdu confiance en Donald Trump

L'ancien vice-président Joe Biden, candidat démocrate à la présidentielle, deuxième à gauche, son épouse Jill Biden, à gauche, la sénatrice Kamala Harris, candidatedémocrate à la vice-présidence, deuxième à droite, et son mari Douglas Emhoff au Chase Center pendant la convention Nationale du partie Démocrate à Wilmington

À Kenosha, Joe Biden avait prononcé un discours fortement empreint d'optimisme à l'église luthérienne deGrace

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PolitiquePolitique

8 septembre-octobre 2020 Diplomat Investissement

pour sa gestion du pays, en particulier dela pandémie de Covid-19. Toute la se-maine, c'est d'ailleurs l'angle qu'ont choisiles démocrates, qui ont peu parlé de leurprogramme, pour pilonner le présidentsortant. Le réquisitoire de Barack Obamacontre son successeur fut le plus sévèrequ'il ait prononcé en quatre ans. "J'ai es-péré, pour le bien de notre pays, que Do-nald Trump puisse montrer l'envie deprendre son rôle au sérieux, qu'il puisseressentir le poids de la fonction", a affirméM. Obama. "Mais il ne l'a jamais fait", aajouté le premier président noir des Etats-Unis, et troisième ex-président démocrateà soutenir Joe Biden à la convention,après Bill Clinton et Jimmy Carter.

La candidate à la vice-présidence, Ka-mala Harris, a dénoncé dans son proprediscours d'investiture mercredi "le chaospermanent" , l ' " incompétence" et la"cruauté" du milliardaire. "Nous méritonsbeaucoup mieux!", a aussi déclaré la séna-trice de Californie, 55 ans, qui pourrait le3 novembre écrire un nouveau chapitrede l'histoire américaine en devenant lapremière femme à accéder à la vice-prési-dence. Cette position pourrait la placeridéalement sur orbite, si, comme nombred'observateurs le pensent, Joe Biden, plusvieux candidat à la Maison Blanche ja-mais investi par un grand parti, ne faitqu'un seul mandat. Joe Biden, âgé de 77ans, devance dans les sondages DonaldTrump, 74 ans, qui sera formellement dé-signé la semaine prochaine candidat du

Parti républicain. Mercredi, la sénatriceKamala Harris a officiellement accepté sanomination comme colistière de Joe Bidenet est devenue la première femme de cou-leur à figurer sur un "ticket" présiden-tiel.Donald Trump a tenu durant la se-maine différents événements à travers lepays pour proposer un contre-pro-gramme, une rupture avec la tradition se-lon laquelle les candidats réduisent leursactivités durant la convention du partiadverse.JOE BIDEN : LA «LUMIÈRE» CONTRELES «TÉNÈBRES»Le candidat démocrate à la présidencea promis de sortir l'Amérique des «ténè-bres» et offert un discours solide en clô-ture de la convention de son parti. Aprèstrois campagnes présidentielles, près dequarante ans au Sénat et huit ans de vice-

présidence, c'était sans doute le discoursle plus important de sa carrière. Joe Bidenavait trois objectifs très précis, hier soir,devant la convention démocrate. Il devaittout d'abord prouver qu'à 77 ans, il n'in-carnait pas la caricature du papy gâteuxque Donald Trump et les républicains sesont rapidement plu à diffuser.Missionaccomplie pour Biden : il a rassuré sesélecteurs en montrant qu'il avait toute satête et était capable de prononcer un longdiscours cohérent, sans trop trébucher.Au moins temporairement. L'exercicen'était pas facile, s'adressant à une sallevide, dépourvue des applaudissements etdes cris habituels des partisans. Surtout,il arrivait après toute une série d'orateursbrillants, dont son ancien patron, BarackObama, qui a placé la barre très haut.«Le président actuel a enseveli l'Amé-rique dans les ténèbres depuis troplongtemps»Joe Biden se devait ensuite d'offrir une vi-sion optimiste de l'Amérique alors que lepays est dévasté par la pandémie, uneénorme crise économique, une explosiondes problèmes raciaux… «Le présidentactuel a enseveli l'Amérique dans les té-nèbres depuis trop longtemps… Trop decolère, trop de peurs, trop de divisions »,a déclaré Biden, avec des accents quasiobamiens. «Je vous le promets, si vous mefaites confiance et me confiez la prési-dence, je ferai ressortir le meilleur denous, pas le pire. Je serai un allié de la lu-mière et pas des ténèbres.»

Il devait enfin se livrer à un numérod'équilibriste, cajoler à la fois l'aile gauchedu Parti et lui promettre des réformes surle réchauffement climatique ou la ques-tion raciale sans effaroucher les modérés,y compris les républicains déçus du trum-pisme. Il a invoqué Franklin Roosevelt etson New Deal, à la suite de la crise de

Le candidat démocrate à la présidence Joe Biden et sa colistière, la sénatrice Kamala Harris

Joe Biden

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Diplomat Investissement septembre-octobre 2020 9

Politique

1929, au cours de laquelle le présidentavait mis en place toutes sortes de me-sures révolutionnaires pour l'époque,mais il est resté vague sur son pro-gramme. Au final, l'ancien vice-présidenta prononcé un discours solide, sérieux ettrès mordant, loin de l'image du Bidensouriant et débonnaire qui visait à souli-gner le contraste avec Donald Trump. Ils'est beaucoup exprimé sur les échecs duprésident, notamment en matière de coro-navirus. C'est sans doute la stratégie qu'ilva adopter dans la dernière ligne droitede la campagne. « Notre président actuela manqué à son devoir le plus basique en-vers la nation : il a échoué à nous proté-ger », a-t-il dit. « Il a échoué à protégerl'Amérique et à protéger mes compa-triotes. C'est impardonnable. Si je suisélu, je vous fais la promesse de protégerl'Amérique. Je vous défendrai contretoutes les attaques, visibles et invisibles,toujours, sans exception, à chaque fois. »Un discours salué par… Fox NewsCe discours lui attirera-t-il de nouveauxélecteurs ? Depuis des années, les conven-tions ont de moins en moins d'impactdans la campagne électorale et il resteplus de deux mois avant le scrutin. Maisles commentateurs sur Fox News se sontmontrés, une fois n'est pas coutume, trèsélogieux. C'est un discours « énormémentefficace », a dit l'un d'eux, qui «porte uncoup» aux tentatives de Donald Trump deprésenter son adversaire comme un vieil-lard sénile.

Biden soutenu par des démocrates unisLes démocrates américains ont présentéun front uni pour désigner, au termed'une convention virtuelle inédite, Joe Bi-den candidat à l'élection présidentielleaméricaine contre Donald Trump, qui re-prendra lundi la vedette pour sa propreconvention.

Joseph Robinette Biden Jr., ancienvice-président de Barack Obama, a clô-turé jeudi soir les quatre jours de laconvention démocrate en promettant auxAméricains un mandat de réconciliationet d'unité nationale pour tourner la pagedes quatre années Trump. "L'actuel prési-dent a drapé l'Amérique dans les ténèbresbien trop longtemps. Trop de colère, tropde crainte, trop de divisions", a déclaréJoe Biden, 77 ans, dans un discours pluscourt que lors d'une convention normale:25 minutes seulement. "Ici et maintenant,je vous le promets: si vous me faitesconfiance et me confiez la présidence, jeferai ressortir le meilleur de nous, pas lepire. Je serai un allié de la lumière et pasdes ténèbres".L'unité du camp démocrate est cimentéepar sa détestation de Donald Trump, quile lui rend bien. "Les démocrates ont organisé la conven-tion la plus sombre, colérique et lugubrede l'histoire américaine", a réagi vendredile président. "Là où Joe Biden voit des té-nèbres américaines, je vois la grandeuraméricaine". Toute la semaine, il a donnéle ton de la riposte, tentant de faire de

l'association de "Sleepy Joe" à BarackObama un désavantage, et de le dépein-dre tour à tour comme un symbole de l'es-tablishment, une marionnette de l'ex-trême gauche et un laquais de Pékin. "LaChine veut vraiment que Joe Bidengagne" le 3 novembre, a-t-il martelé.

La veille, l'ancien vice-président de Ba-rack Obama avait affirmé, en parlant deséquipements de protection contre le nou-veau coronavirus, que les États-Unis "neseraient plus jamais à la merci de la Chineet de pays étrangers". - Sanders élogieux - Son investiture est le couronnement d'unecarrière pol i t ique entamée en 1973comme sénateur du Delaware. Joe Bidenavait échoué deux fois auparavant auxprimaires démocrates, et avait été repêchéen 2008 par Barack Obama pour l'accom-pagner comme numéro deux à la MaisonBlanche. L'année 2020 fut la bonne: mal-gré un renouvellement exceptionnel etplus de 25 autres candidats aux pri-maires, "Joe" s'était imposé en quelquesjours en mars, au tout début de la pandé-mie, et définitivement avec le retrait de lacourse de Bernie Sanders début avril.Contrastant avec les primaires fratricidesde 2016, à l'issue desquelles Hillary Clin-ton et Bernie Sanders peinèrent à faire lapaix, l'unité autour de Joe Biden s'est faitesans accroc public, conformément à sonimage de personnage modéré, rassem-bleur et débonnaire.

"Bernie", le vieux sénateur socialiste,était d'ailleurs tout sourire pour fairel'éloge de M. Biden jeudi soir lors d'unediscussion virtuelle entre sept ancienscandidats des primaires diffusée par laconvention, qui ont chacun raconté desanecdotes bienveillantes sur l'ancien sé-nateur et vice-président.

"Joe Biden est un être humain pleinde compassion, honnête et respectable, cequi est, en cette période particulière del'histoire américaine, mon Dieu, unechose dont ce pays a absolument besoin",a dit M. Sanders. Une autre rivale des pri-maires, Kamala Harris, l'a rejoint dans leticket démocrate comme première candi-date noire et d'origine indienne à la vice-présidence. Les circonstances extraordi-naires de la campagne électorale ontsemblé bénéficier jusqu'à présent à Joe Bi-den, qui respecte un protocole sanitairestrict et ne fait pas campagne sur le ter-rain, tout en gardant une avance nettedans les sondages. "Cela se passe mieuxque ce que je pensais", a jugé sur MSNBCvendredi Hillary Clinton, candidate mal-heureuse de 2016. n

Joe Biden et sa femme, Jill Biden

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Politique

10 septembre-octobre 2020 Diplomat Investissement

Le président Donald Trump a affirméque son rival démocrate à la prési-dentielle, Joe Biden, serait le fos-

soyeur de «la grandeur de l’Amérique» s’ilétait élu. Selon le candidat investi ce mêmesoir par le Parti républicain, l’élection du 3novembre se jouera entre «le rêve améri-

cain» et un « programme socialiste de des-truction du précieux destin » des États-Unis. «Joe Biden n’est pas le sauveur del’âme de l’Amérique, il est le destructeurdes emplois de l’Amérique », a ajouté M.Trump, en référence à une expression sou-vent employée par l’ancien vice-président

de Barack Obama.«Si on lui en offre l’occa-sion, il sera le fossoyeur de la grandeur del’Amérique», a résumé Donald Trump, quiavait plus tôt accepté la nomination de sonparti comme candidat à un second mandat« avec un cœur plein de reconnaissance etun optimisme sans limites». «Nous allonsreconstruire la plus forte économie del’Histoire», a promis le président républi-cain, s’exprimant à un pupitre installédans les jardins de la Maison-Blanche, faceà une assemblée de quelque 1500 invités.

L'image est saisissante de provocationsur la forme. Se moquant d'utiliser ouver-tement l'institution présidentielle pour sapropre campagne, Donald Trump clôt seulla convention républicaine depuis la Mai-son Blanche, avec derrière lui une rangéeimpressionnante de drapeaux étoilés. «Mes compatriotes, ce soir, avec un cœurplein de reconnaissance et un optimismesans limite, j'accepte cette nominationpour la présidence des États-Unis », lancele président devant un parterre d'un mil-lier d'invités, non masqués pour la plu-part, après un discours de sa fille etconseillère, Ivanka Trump.

Selon le candidat du Parti républicain,l'élection du 3 novembre se jouera entre«le rêve américain» et un «programme so-cialiste de destruction du précieux destin »des États-Unis. «Joe Biden n'est pas le sau-veur de l'âme de l'Amérique, il est le des-tructeur des emplois de l'Amérique»,ajoute Donald Trump Trump, en référenceà une expression souvent employée parl'ancien vice-président de Barack Obama.«Si on lui en offre l'occasion, il sera le fos-soyeur de la grandeur de l'Amérique», ré-sume le président milliardaire.Taxe sur les entreprises qui délocalisent«Nous allons reconstruire la plus forte éco-nomie de l'Histoire », promet aussi DonaldTrump. S'il est réélu en novembre, son ad-

CONVENTION RÉPUBLICAINE USA 2020

DONALD TRUMP Investi candidat par le Parti républicain,Trump affirme que Biden sera le fossoyeur de«la grandeur de l’Amérique»

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Politique

Diplomat Investissement septembre-octobre 2020 11

ministration imposera des taxes à toute en-treprise qui quitterait les États-Unis pourcréer des emplois à l'étranger. « Nous al-lons nous assurer que nos entreprises etnos emplois restent dans notre pays,comme j'ai commencé à le faire.»Et de se déchaîner à nouveau contre son ri-val démocrate : « Le programme de Joe Bi-den est "fabriqué en Chine" (made inChina). Mon programme est "fabriqué auxÉtats-Unis".»Contre le Covid-19, «un vaccin avant lafin de l'année»«Personne ne sera en sécurité dans l'Amé-rique de Biden », poursuit le le locataire dela Maison Blanche dans un contexte de su-perposition de crises - sanitaire, écono-mique, sociale - et de tensions raciales quirendent l'issue du scrutin du 3 novembreimprévisible. Dans un discours combatif,mais pas aussi sombre que celui prononcéil y a quatre ans, il vante longuement sonaction face au Covid-19 et prédit la fin pro-chaine de la pandémie. « Nous produironsun vaccin avant la fin de l'année, et peut-être même plus tôt !», lance-t-il dans uneallusion à une possible annonce de tailleavant le scrutin présidentiel où il brigueraun second mandat de quatre ans. «Nousvaincrons le virus, mettrons fin à la pandé-

mie et émergerons plus forts que jamais»,assure encore le 45e président américain,

très critiqué pour ses atermoiements face àla pandémie dont il a longtemps promisqu'elle disparaîtrait par «miracle».

Les Américains n'apprécient guère la fa-çon dont Donald Trump gère cette crise sa-nitaire sans précédent, qui a fait plus de180 000 morts aux États-Unis. Selon lamoyenne des sondages établie par le siteFiveThirtyEight, 58,2 % désapprouvent saréponse face à la pandémie (38,7 % ap-prouvent).Manifestation anti-Trump devant la Mai-son BlanchePeu avant ce discours d'investitutre, descentaines de manifestants antiracistesétaient rassemblés jeudi devant la MaisonBlanche et criaient leur colère, exigeant ledépart de Donald Trump. Non loin de cerassemblement antiraciste, les partisans deDonald Trump se sont aussi réunis sur leNational Mall, immense esplanade où sedressent musées et monuments officiels àWashington.

À moins de 60 jours de l’élection, le dis-cours du président américain clôture uneconvention républicaine organisée sousforme de « spectacle Trump », largementvirtuel en raison de la COVID-19.

Il intervient dans un contexte de super-position de crises – sanitaire, économique,sociale – et de tensions raciales qui rendent

Le président américain Donald Trump et sa famille à l'issue de son discours à la clôture de la conventionrépublicaine à la Maison Blanche le 28 août 2020

Le président Trump et le vice-président Pence au premier jour de la Convention

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Politique

12 septembre-octobre 2020 Diplomat Investissement

l’issue du scrutin du 3 novembre d’autantplus imprévisible. Depuis plusieurs jours,la petite ville de Kenosha (Wisconsin), oùun jeune Afro-Américain, Jacob Blake, aété grièvement blessé par des policiers, estl e t h é â t re d e m a n i f e s t a t i o n s e t d eviolences. «Je suis le seul rempart entre lerêve américain et l’anarchie, la folie et lechaos» : si l’on se fie à ses déclarations deces derniers jours, le 45e président de l’his-toire devrait dresser le sombre tableaud’une Amérique sous la menace d’une pré-sidence «socialiste». Et se saisir du dossierpour attaquer son adversaire démocrate.«La semaine dernière, Joe Biden n’a pas ditun mot sur la violence et le chaos dans les-quelles plongent des villes à travers lepays », a lancé mercredi soir, en guise deprélude, le vice-président Mike Pence de-puis Baltimore.«Huile sur le feu»Le candidat démocrate a par avance dé-noncé ce qu’il estime être une exploitationcynique d’évènements tragiques de la partdu président. «Il voit cela à travers leprisme des bénéfices politiques qu’il peuten retirer», a-t-il affirmé sur MSNBC. «Ilespère plus de violence, pas moins. Il metde l’huile sur le feu». Cette nouvelle mobi-lisation contre les violences policières et leracisme soulève cependant des questionsdélicates pour l’ancien sénateur. Il devratrouver le ton juste, sur fond de pressionscontradictoires venues de sa droite et de sagauche au sein de son propre parti. S’il a

condamné les «violences inutiles», il aaussi exprimé sa solidarité avec les mani-festants et dénoncé une nouvelle fois le «racisme généralisé» qui mine la sociétéaméricaine. Largement devancé dans lessondages nationaux, donné battu dans denombreux États-clés, Donald Trump ré-

pète que les enquêtes d’opinion ne reflè-tent pas l’état d’esprit de l’Amérique et sedit convaincu qu’il créera la surprise,comme en 2016. Sur les trois jours écoulés,la grand-messe républicaine a largementpassé sous silence la pandémie qui a faitquelque 180 000 morts aux États-Unis. Orles Américains n’apprécient guère la façondont Donald Trump gère cette crise sani-taire sans précédent.

Selon la moyenne des sondages établiepar le site FiveThirtyEight, 58,2 % désap-prouvent sa réponse face à la pandémie(38,7 % approuvent). Le sujet sera au cœurde l’intervention de Kamala Harris, colis-tière de Joe Biden, qui sera chargée de me-ner la contre-offensive côté démocrate. Elles’exprimera quelques heures avant le dis-cours de Donald Trump.

Le choix de la Maison-Blanche, bâti-ment fédéral chargé en symboles, pour undiscours éminemment politique, au ser-vice d’un seul parti, a fait grincer desdents. Mais l’ancien homme d’affaires deNew York, qui a balayé d’un revers demanche les questions éthiques soulevéespar ses détracteurs, est ravi de sonchoix.«C’est un lieu où je me sens bien,c’est un lieu où le pays se sent bien». Unfeu d’artifice viendra clôturer cette soiréedont le président espère faire un tremplinvers la victoire. n

Donald Trump et sa femme Melania Trump

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Relations internationales

Diplomat Investissement septembre-octobre 2020 13

Accord "historique" de normalisation entre lesÉmirats arabes unis et l’Israël

___________________________Jacques San

L'établissement de relations diploma-tiques entre Israël et les alliés desEtats-Unis au Moyen-Orient, y com-

pris les riches monarchies du Golfe, est unobjectif clé de la stratégie régionale de M.Trump pour contenir la République isla-mique d'Iran, ennemi intime de Washingtonet de l'Etat hébreu. Depuis sa fondation en1948, Israël a de son côté eu des relations tu-multueuses avec le monde musulman etarabe, et la signature de cet accord, dénoncépar l'Autorité palestinienne de MahmoudAbbas, ferait des Emirats le troisième paysarabe seulement à entretenir des liens diplo-matiques avec lui, après les traités de paixconclus avec l'Égypte (1979) et la Jordanie(1994).- "Nouvelle ère" -Pour Benjamin Netanyahu, il s'agit d'un"jour historique", d'un accord qui représenteune "nouvelle ère" pour le monde arabe etIsraël.

A cette heure, cette annonce constitue aussiun accomplissement majeur en politique

étrangère pour M. Trump, alors que la cam-pagne pour sa réélection en novembre s'an-nonce difficile. Dévoilé en janvier, un plande M. Trump pour le Proche-Orient, immé-diatement rejeté par les Palestiniens et criti-qué par la communauté internationale,avait offert à Israël la possibilité d'annexerdes territoires et colonies juives de Cisjorda-nie, considérées comme illégales au regarddu droit international.Aux yeux des Emirats, en échange de cet ac-cord, Israël a accepté de "mettre fin à lapoursuite de l'annexion des territoires pales-tiniens".

"C'est une avancée pour les relationsentre Israël et les pays arabes", a-t-il ajouté,soulignant que l'accord "préserve l'optionde deux Etats (israélien et palestinien), dé-fendue par la Ligue arabe et la communautéinternationale". Dans le même sens, le mi-nistre d'Etat aux Affaires étrangères desEmirats, Anwar Gargash, a souligné quel'accord ouvrait la voie à l'option de deuxEtats. "La plupart des pays y verront une

Les Emirats arabes unis et Israël ont convenu de normaliser leurs relations, dans le cadre d'un accord historique négo-cié par les Etats-Unis et qui, une fois signé, ferait d'Abou Dhabi la troisième capitale arabe seulement à suivre cechemin depuis la création de l'Etat hébreu. Annoncé en premier par le président américain Donald Trump sur Twitter,cet accord verra Israël mettre fin à ses récents projets d'annexion en Cisjordanie occupée, selon les Emirats. Mais le Pre-mier ministre israélien Benjamin Netanyahun'a pas confirmé, loin de là: l'annexion de pans de ce territoire palestinienoccupé est "reportée" mais Israël n'y a "pas renoncé", a-t-il précisé. "Une ENORME avancée", a de son côté tweeté M.Trump, qui a loué un "accord de paix historique" entre "deux GRANDS amis" de Washington.

Cheikh Mohammed ben Zayed Al-Nahyane, prince héritier et ministre de la défense d'Abou Dabi

Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou

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Relations internationales

_________________________Jacques Sana

Yoshihide Suga, élu le 16 septembrenouveau Premier ministre du Japonpar le Parlement, est un fils d'agri-

culteur réputé impénétrable mais qui a suincarner l'expérience, le pragmatisme et lacontinuité politique pour succéder àShinzo Abe, dont il était un fidèle lieute-nant.

Dès l'annonce fin août par M. Abe deson intention de démissionner pour desraisons de santé, la plupart des grandesfactions du Parti libéral-démocrate (PLD)ont choisi de soutenir M. Suga, politicienchevronné de 71 ans qui était la chevilleouvrière du gouvernement sortant.

Il avait le profil idéal pour faire consen-sus au sein de son parti: "Il a toujours étéune sorte de solitaire silencieux au sein duPLD, capable de s'entendre avec presquetout le monde, sans afficher une ambitionpersonnelle ou des convictions politiquesfortes", selon Yongwook Ryu, universitairede Singapour expert des politiques en Asiede l'Est. M. Suga a loyalement servi etconseillé M. Abe pendant des années. Ilavait notamment joué un rôle déterminantdans son retour au pouvoir fin 2012, aprèsl'échec de son premier mandat de Premierministre en 2006-2007. M. Abe l'avait ré-compensé en le nommant secrétaire géné-ral du gouvernement, un poste hautementstratégique.

Endossant le rôle de coordinateur dela politique entre les ministères et les nom-breuses agences de l'État, M. Suga a acquis

une réputation d'habile tacticien, parve-nant à mettre au pas la complexe et puis-sante bureaucratie japonaise pour exécuterles politiques clé du gouvernement."Les gens pensent que je fais peur, surtoutles bureaucrates. Mais je suis bienveillant(...) avec ceux qui travaillent sérieuse-ment", a assuré M. Suga lors d'un récentdébat public.- Petits boulots -Sous le mandat de M. Abe, il a notammenttravaillé à l'assouplissement des restric-tions sur le travail des étrangers dans unpays en manque de main-d’œuvre et porté

diverses initiatives, comme la mise enplace d'un crédit d'impôt pour soutenir lesrégions rurales et la réduction des tarifsdes opérateurs mobiles.

Assurant aussi la fonction de porte-pa-role du gouvernement, M. Suga était de-venu le visage de l'administration Abe,tout en se montrant peu loquace, et parfoiscassant avec les journalistes posant desquestions embarrassantes. Ses origines ru-rales, qu'il met volontiers en avant dansses discours, détonnent au sein d'un PLDdominé par des héritiers de grandes fa-milles politiciennes. Fils d'un cultivateurde fraises et d'une enseignante de la régiond'Akita (nord), M. Suga a lui-même fi-nancé ses études à Tokyo en enchaînantdes petits boulots, dans une usine de car-tons ou comme manutentionnaire augrand marché aux poissons de la capitale,selon son site internet officiel.

Après des études de droit, il est ra-pidement saisi par le virus de la politique.Il travaille comme assistant parlementaired'un élu de Yokohama, puis devient à 28ans élu du conseil municipal de cettemême grande ville, voisine de Tokyo. Neufans plus tard, en 1996, il décroche un siègede député de Yokohama, qu'il détient tou-jours.- Sobriété -Cet homme marié et père de trois enfantsest resté jusqu'à présent très discret sur savie privée, avec une passion déclarée pourdes loisirs ordinaires - pêche et marche àpied notamment - et son abstinence d'al-cool. n

14 septembre-octobre 2020 Diplomat Investissement

Yoshihide Suga, le nouveau Premier ministre japonaissymbole de continuité

initiative courageuse pour garantir une so-lution à deux Etats, à l'issue de négocia-tions", a-t-il déclaré en conférence de presse.Il n'a pas voulu donner de date précise pourl'ouverture d'ambassades entre Abou Dhabiet Israël, précisant toutefois que cela inter-viendrait "prochainement". L'option dedeux Etats a été ignorée jusqu'ici par le pré-sident Trump dont le plan de paix ne com-porte aucune référence à un Etat palestinienvivant aux côtés d'Israël. Et M. Netanyahua tenu un autre discours que les dirigeantsémiratis jeudi soir: "J'ai apporté la paix, jeréaliserai l'annexion", a-t-il proclamé.- "Continuation du déni" - Pour sa part, lesecrétaire d'État américain, Mike Pompeo, asalué "un pas en avant significatif pour la

paix au Moyen-Orient". "Les Etats-Unis es-pèrent que cette étape courageuse sera lapremière d'une série d'accords qui mettrontfin à 72 ans d'hostilités dans la région", a dé-claré M. Pompeo, ajoutant que l'accord se-rait signé à la Maison Blanche à une date ul-térieure.

De son côté, le président égyptien, AbdelFattah al-Sissi, dont le pays est un allié desEmirats et des Etats-Unis, a sobrement saluél'accord, et estimé lui aussi que cela empê-cherait une annexion de pans de la Cisjor-danie. Mais l'Autorité palestinienne deMahmoud Abbas a, elle, qualifié de "trahi-son" l'accord de normalisation et a appelé àune "réunion d'urgence" de la Ligue arabepour le dénoncer. En guise de protestation,

elle a aussi ordonné le rappel "immédiat" del'ambassadeur palestinien à Abou Dhabi."Les dirigeants palestiniens rejettent ce queles Emirats arabes unis ont fait. Il s'agitd'une trahison de Jérusalem et de la causepalestinienne", a indiqué dans un communi-qué la direction palestinienne appelant àune "réunion d'urgence" de la Ligue arabepour dénoncer le projet soutenu par lesEtats-Unis. Le Hamas palestinien l'a aussicondamné.

Cet accord "ne sert pas la cause palesti-nienne mais est considéré comme une conti-nuation du déni des droits du peuple pales-tinien", a dit à l'AFP Hazem Qassem,porte-parole du mouvement islamiste aupouvoir dans la bande de Gaza. n

Le nouveau Premier ministre japonais, YoshihideSuga

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Diplomatie des affaires

Diplomat Investissement septembre-octobre 2020 15

_________________________Jacques Sana

La rencontre entre les ambassadeursHarry Harris et Xing Haiming a eulieu à la résidence de l'envoyé amé-

ricain au centre de Séoul plus tôt dans lajournée, a déclaré un responsable de l'am-bassade américaine. La réunion a duréenviron une heure.

«Bonne rencontre avec l'ambassa-deur de la RPC en Corée du Sud, S.E.Xing Haiming. Nous avons discuté del'importante relation entre les Etats-Uniset la RPC», a écrit Harris sur son compteTwitter. RPC est l'abréviation de la Répu-blique populaire de Chine. C'était leurpremière rencontre en tête-à-tête depuisl'entrée en fonction de Xing fin janvier.

«L'ambassadeur Harris a déclaré parla suite qu'il avait apprécié la discussionproductive avec l'ambassadeur Xing surun large éventail de questions diploma-tiques», a déclaré un porte-parole del'ambassade américaine sous anonymat.Selon une déclaration du site web del'ambassade de Chine à Séoul, Xing a dé-claré que le développement stable des re-

lations sino-américaines ne sert pas seu-lement les intérêts fondamentaux de laChine et des Etats-Unis, mais est aussi« l ' e s p o i r c o m m u n d e s p e u p l e s d umonde». Xing a ajouté que la Chine n'a«aucune intention de se substituer auxEtats-Unis» tout en exprimant l'espoirque les Etats-Unis respecteront les «inté-rêts fondamentaux» de la Chine. Harris adit que Washington espère renforcer la

coopération avec Pékin sur la question dela péninsule coréenne, a déclaré l'ambas-sade de Chine. Un porte-parole de l'am-bassade chinoise a précisé qu'il s'agissaitd'une visite de courtoisie de Xing, qui estdevenu ambassadeur en Corée du Sud audébut de cette année, et que les deuxhommes ont discuté de diverses ques-tions, y compris des sujets d'intérêt mu-tuel. n

Entretien entre les ambassadeurs des États-Unis et dela Chine

L'ambassadeur Xing HaimingL'ambassadeur HarryHarris

Démission de l’ambassadeur des États-Unis à Berlin

L’ambassadeur des États-Unis à BerlinRichard Grenell, un fidèle de Donald

Trump qui a suscité de nombreuses crispa-tions en Allemagne par ses critiques en-vers le gouvernement, a démissionné deses fonctions, a-t-on appris mardi auprèsde l’ambassade.

«L’ambassadeur Grenell a démissionnéde son poste […] le 1er juin», a indiqué àl’AFP le porte-parole de l’ambassade Jo-seph Giordono-Scholz, ajoutant qu’il seraitremplacé par la numéro deux Robin Qui-ville jusqu’à la nomination d’un rempla-çant. M. Grenell reste envoyé spécial duprésident Trump pour le dialogue Serbie-Kosovo, a-t-il précisé. Âgé de 53 ans, cetancien porte-parole des États-Unis àl’ONU occupait le poste d’ambassadeur enAllemagne depuis avril 2018. Son départétait pressenti depuis plusieurs semaines.En février, Donald Trump lui avait confiél’intérim de la direction du renseignementaméricain. Mais M. Grenell avait poussévers la sortie plusieurs responsables du

renseignement dont la loyauté envers M.Trump était jugée douteuse. Il avait an-noncé des réorganisations sans en infor-mer le Congrès préalablement comme il

aurait dû le faire, ce qui lui a valu de nepas être confirmé à ce poste. Dès son arri-vée en Allemagne, il s’était distingué parses prises de position tranchées, via no-tamment le réseau social Twitter, qu’il uti-lise abondamment comme le présidentaméricain.

Il avait notamment menacé le gouver-nement et des entreprises allemandes desanctions dans différents dossiers. Il s’étaitélevé pêle-mêle contre l’insuffisance selonlui des dépenses militaires allemandes, laparticipation au chantier du gazoduc russeNord Stream 2, ou encore l’intégration del’équipementier chinois Huawei à la miseen place de la future 5G.

Il avait aussi appelé dès son entrée enfonction à un retrait d’Iran des entreprisesallemandes. Des députés allemands duparti de gauche Die Linke avaient étéjusqu’à réclamer un débat parlementairesur un éventuel renvoi de cet ambassa-deur, accusé de s’immiscer dans les af-faires intérieures allemandes. n

L’ambassadeur Richard Grenel

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Diplomatie des affaires

________________________Denis Masalaki

Après deux tournées européennesdu Secrétaire d’État américainMike Pompeo, essentiellement en

Europe de l’Est, c’était au tour de Pékind’envoyer ses émissaires à travers le "VieuxContinent", en amont du sommet virtuelChine-UE le 14 septembre. L’objectif pour laChine est de convaincre les Européens de nepas s’aligner avec les Américains, au nomde valeurs communes comme le multi-latéralisme. Mais au lieu de resserrer desliens distendus, ces visites ont plutôt illustréle fossé qui sépare Pékin de plusieurs capi-tales européennes.

Italie, Pays-Bas, Allemagne... FrancePour son premier voyage en Europe

depuis le début de la pandémie, le ministredes Affaires étrangères chinois Wang Yi, s’enrendu tour à tour en Italie, aux Pays-Bas, enFrance, en Norvège (non membre de l’UE)et en Allemagne. Il a été suivi de près par lechef de la diplomatie chinoise et membre duPolitburo Yang Jiechi en Espagne et enGrèce. Réputé pour ne pas mâcher ses mots,Wang Yi était chargé de mener une offensivede charme agrémentée de "saluts du coude".Cependant, plusieurs sujets sensibles sesont invités à sa tournée. Avec l’aide des Ital-iens, Wang accepta une rencontre à Romeavec son homologue canadien, dont le prin-cipal sujet a été l’arrestation de la directricefinancière de Huawei en décembre 2018,suivie de celle de deux ressortissants cana-diens en Chine. Depuis lors, les relations en-tre Pékin et Ottawa sont glaciales et les ren-contres se font rares…Le dossier de Hong KongPuis ce fut au tour du dossier hongkongais

de resurgir: au moment où Wang Yi s’en-tretenait avec son homologue italien, l’ac-tiviste Nathan Law, ayant fui l’ex-coloniebritannique après le passage de la loi desécurité nationale, prenait la parole devantle ministère aux côtés de l’ancien ministredes Affaires étrangères et d’un sénateur. In-terrogé lors d’une conférence de presse àOslo, Wang Yi a prévenu que la Chine ver-rait d’un très mauvais œil l’attribution duNobel de la Paix aux manifestants hongkon-gais. Pour mémoire, l’attribution de ce prixau dissident Liu Xiaobo avait conduit à sixans de gel des relations entre la Norvège etla Chine e t un boycot t du saumonnorvégien. À Paris, le ministre chinois avaiteu l’honneur d’être reçu par le PrésidentMacron, qui en profita pour souligner que la5G en France serait de technologie "eu-

ropéenne" (Nokia, Ericsson). L’Allemagnereste donc le dernier grand marché eu-ropéen à ne pas avoir tranché sur la ques-tion de Huawei…Justement, c’est à Berlinque la visite de Wang dérailla, lorsqu’ilproféra des menaces à l’encontre du prési-dent du Sénat tchèque Milos Vystrcil, envoyage à Taïwan – des propos immédiate-ment condamnés en conférence de pressepar son homologue allemand Heiko Maas.

Menace non militaire contre la ChineHasard du calendrier, le même jour, l’Insti-

tut Australien de Stratégie Politique (ASPI)publiait un rapport intitulé "la DiplomatieCoercitive du PCC", identifiant huit typesde menaces "non militaires" que la Chineutilise auprès d’autres pays afin de les in-

citer à changer leur comportement: menacesformulées par ses médias d’État, ses diplo-mates ou ses ambassades (la fameuse diplo-matie du "loup combattant"); restrictionsaux voyages officiels; et détentions arbi-traires et exécutions de ressortissants desnations ciblées. Les chercheurs recensentaussi des sanctions économiques; des re-strictions aux investissements; des aver-tissements aux voyageurs; et des boycottspopulaires orchestrés par les médias et re-layés par les réseaux sociaux. Selon la méth-ode de "la carotte et du bâton", le pendantde cette diplomatie coercitive s’exprime àtravers celle du "carnet de chèques", consis-tant à des promesses d’aides et d’investisse-ments en guise de récompense. Les sujets decontentieux sont variés: Covid-19, 5G, Xin-jiang, Hong Kong, Taïwan, bouclier antimis-siles THAAD, Dalaï-lama, Nobel de la Paix,mer de Chine du Sud… tous touchant auxintérêts fondamentaux du Parti.

Excuses publiques à la ChineCes dix dernières années, l’institut a com-

pilé une liste (non exhaustive) de 100 cas de"diplomatie coercitive" chinoise auprès de28 pays étrangers: les pays européens ar-rivent n°1, suivis de l’Australie et de la Nou-velle-Zélande, puis des États-Unis et duCanada. Les 52 autres cas visent des entre-prises étrangères, qui se sont pliées à des ex-cuses publiques dans 4 cas sur 5. Les au-teurs notent une forte accélération de cestactiques depuis 2018 – correspondant audébut de la guerre commerciale sino-améri-caine – avec un regain de "menaces" durantla pandémie, "faute de pouvoir mettre enpratique d’autres moyens de coercition".Selon l’ASPI, ces tactiques ne s’arrêtent que

lorsque la Chine obtient ce qu’elle veut.Officiellement, Pékin se défend d’employerde telles méthodes, "dont l’Occident a l’a-panage". Il est vrai que la Chine n’est pas lapremière puissance à utiliser ce type demoyens de pression afin de protéger ses in-térêts.

Mais la stratégie chinoise est unique dansle sens où elle ne limite pas à une approched’État à État, et ne reconnaît pas officielle-ment le lien entre les sanctions qu’elledécrète et ses intérêts, préférant ainsi don-ner des prétextes (non-respect des règlessanitaires ou des problèmes d’étiquetagepour les restrictions aux importations parexemple)… Evidemment, les pays étrangerssont tiraillés quant à l’attitude à adopter:céder ou tenir tête? D’après les chercheurs,seule une mobilisation coordonnée entredifférents pays, au sein d’entités et blocs in-ternationaux (UE, ASEAN, "Fives Eyes", G7,G10…) peut faire la différence. n

Offensive de charme manquée de la Chine en Europe

16 septembre-octobre 2020 Diplomat Investissement

Le ministre chinois des affaires étrangères Wang Yi et Jean-Yves Le Drian, ministre, français de l’Europe etdes Affaires étrangères

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Investissement

INVESTISSEMENT

______________________Alphonse Bongala

Selon un nouveau rapport de la Banquemondiale, la Zone de libre-échangecontinentale africaine (ZLECAf) repré-

sente une véritable occasion de stimuler lacroissance, de réduire la pauvreté et d'élar-gir l'inclusion économique dans cette ré-gion. En effet, s'il est pleinement mis en œu-vre, cet accord commercial pourrait

accroître le revenu régional de 7 % — soit450 milliards de dollars —, accélérer l'aug-mentation de la rémunération des femmeset sortir 30 millions de personnes de l'ex-trême pauvreté d'ici 2035.

Le rapport indique en outre que l'ob-tention de tels résultats sera particulière-ment importante au regard des consé-quences économiques de la pandémie deCOVID-19 (coronavirus) qui devrait entraî-ner jusqu'à 79 milliards de dollars de pertes

de production en Afrique en 2020. La pan-démie a déjà provoqué des perturbationsmajeures dans les échanges commerciauxsur le continent, notamment pour des biensessentiels tels que les fournitures médicaleset les denrées alimentaires.

Les mesures de réduction des freins bu-reaucratiques et de simplification des pro-cédures douanières au sein de la ZLECAfdevraient être à l'origine de la plus grande

part de la hausse des revenus. La libéralisa-tion des tarifs douaniers, de même que laréduction des barrières non tarifairescomme les quotas et les règles d'origine,permettrait d'augmenter les revenus de2,4 %, soit environ 153 milliards de dollars.Les 292 milliards de dollars restants pro-viendraient de mesures de facilitation ducommerce qui limitent les formalités admi-nistratives, abaissent les coûts de mise enconformité pour les sociétés commerciales

et facilitent l'intégration des entreprisesafricaines dans les chaînes logistiques mon-diales. La mise en œuvre réussie de la ZLE-CAf contribuerait à amortir les effetsnégatifs du coronavirus sur la croissanceéconomique, en soutenant le commerce ré-gional et les chaînes de valeur grâce à la ré-duction du coût des échanges. À plus longterme, l'accord continental ouvrirait auxpays africains des possibilités d'intégration

et de réformes favorables à la croissance. Enremplaçant la mosaïque d'accords régio-naux, en rationalisant les procédures auxfrontières et en donnant la priorité aux ré-formes commerciales, la ZLECAf pourraitaider les pays africains à renforcer leur ré-silience face à de futurs chocs économiques.«La Zone de libre-échange continentaleafricaine a la capacité d'accroître les possi-bilités d'emploi et les revenus, ce qui contri-bue à élargir les perspectives de tous les

L'Afrique pourrait voir son revenu augmenterde 450 milliards de dollars grâce à l'accord delibre-échange continental

Diplomat Investissement septembre-octobre 2020 17

Donald Trump et Liu He

Photo de famille des chefs d'État et de gouvernement de l'Union africaine (UA) lors du lancement de la Zone de libre-échange continentale (ZLEC) en Afrique.

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Investissement

Africains, souligne Albert Zeufack, écono-miste en chef de la Banque mondiale pourl'Afrique. Elle devrait permettre de sortir dela pauvreté modérée environ 68 millions depersonnes et de rendre les pays africainsplus compétitifs. Néanmoins, la réussite desa mise en œuvre sera primordiale et ilconviendra notamment de suivre attentive-ment ses effets sur tous les travailleurs —femmes et hommes, qualifiés et non quali-fiés — dans tous les pays et secteurs afin degarantir que l'accord porte pleinement sesfruits. »

Le rapport précise également que laZLECAf pourrait permettre de réorganiserles marchés et les économies de la région,entraînant la création de nouvelles indus-tries et l'expansion de secteurs clés. Lesgains économiques d'ensemble seraient va-riables, les plus importants bénéficiant auxpays qui supportent actuellement des coûtsd'échanges élevés. Ainsi, la Côte d'Ivoire etle Zimbabwe, où les coûts commerciauxsont parmi les plus lourds de la région, en-registreraient les résultats les plus favora-bles avec une augmentation de 14 % des re-venus dans chaque pays. La ZLECAf

stimulerait également de manière significa-tive le commerce africain, en particulier leséchanges intrarégionaux dans le secteurmanufacturier. Les exportations intraconti-nentales augmenteraient de 81 %, tandisque la progression vers les pays non afri-cains serait de 19 %.

La mise en œuvre de l'accord entraîne-rait également des hausses de salaire plusimportantes pour les femmes que pour les

hommes d'ici à 2035, avec des augmenta-tions respectives de 10,5 % et de 9,9 %. Ellepermettrait également d'augmenter de10,3 % le salaire des travailleurs non quali-fiés et de 9,8 % ceux des travailleurs quali-fiés. La publication de ce rapport a pour butd'aider les pays africains à mettre en œuvredes politiques susceptibles de maximiserles bénéfices potentiels de l'accord tout enminimisant les risques. La création d'unmarché à l'échelle du continent exigera uneaction volontariste pour réduire tous lescoûts commerciaux.

Il faudra pour cela adopter des législa-tions permettant aux marchandises, aux ca-pitaux et aux informations de circuler libre-ment et facilement à travers les frontières.Les pays qui y parviendront pourront atti-rer les investissements étrangers et stimulerla concurrence, facteurs d'augmentation dela productivité et de l'innovation des entre-prises nationales. Enfin, les gouvernementsdevront aussi préparer leur main-d'œuvre àtirer parti des nouvelles opportunités grâceà de nouvelles réformes destinées à réduireles coûts liés aux réorientations profession-nelles. n

18 septembre-octobre 2020 Diplomat Investissement

La Chine est en train de détrô-ner les Américains en devenantle premier joueur économique. _______________________Pierre Tekilana

Donald Trump répète partout queles États-Unis sont la premièrepuissance économique du monde

et que la Chine est deuxième. C’est laChine qui est la première puissance écono-mique mondiale. Et l’écart augmente d’an-née en année en sa faveur. Cette nouvellepuissance change le monde.

Il faut calculer l’importance de laChine en parité de pouvoir d’achat. C’estce que dit la CIA elle-même. En parité depouvoir d’achat, le PIB annuel de la Chinereprésente environ 28 000 milliards de dol-lars, soit à peu près 20 % de l’économie dela planète. Les États-Unis arrivent au se-cond rang, avec environ 21 000 milliardsde dollars. Ça entre et ça sort La Chine est aussi le premier pays expor-

tateur au monde. Elle exporte chaque an-née pour 2500 milliards. Les États-Unissont deuxièmes, avec des exportations de1600 milliards. Contrairement à ce que l’onpourrait croire, la Chine est aussi un grandpays importateur. Elle reçoit de l’étrangerpour 2100 milliards de produits, ce qui enfait le second plus important marché aumonde, juste derrière les États-Unis, avecdes importations de 2400 milliards. Grand investisseur Les investissements mondiaux de laChine s’élèvent à plus de 3000 milliards. Ils investissent surtout en Europe (396 G$),en Afrique subsaharienne (306 G$) et enAsie de l’Ouest (294 G$). Le Canada est lecinquième pays qui reçoit le plus d’inves-tissements chinois (56 G$), derrière lesÉtats-Unis, la Grande-Bretagne, la Suisseet le Brésil. La Chine investit surtout dansles infrastructures de transport, les mines,

Albert Zeufack, économiste en chef de laBanque mondiale pour l'Afrique

Président chinois Xi Jinping

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Investissement

Diplomat Investissement septembre-octobre 2020 19

l’agriculture et les entreprises de hautetechnologie et de finance. Consequences incalculable Grâce à sa nouvelle puissance écono-mique, la Chine devient l’exemple à suivrepour beaucoup de pays. Les États-Unis, aucontraire, sont de plus en plus perçuscomme un contre-exemple. Si la Chinecontinue sur sa lancée, sa monnaie va sup-planter le dollar américain comme mon-naie de référence. Avec des résultats catas-trophiques sur les États-Unis, qui nepourront plus financer leur dette aussi fa-cilement ni résister aussi aisément auxcrises mondiales. Comment la Chine achète le mondeDepuis le lancement en grande pompe, en2013, des « nouvelles routes de la soie »,destinées officiellement à connecter laChine au reste du monde, Pékin a étenduson influence économique sur les cinqcontinents à coups de milliards d’investis-sements. Cette nouvelle ambition chinoiseapparaît de plus en plus comme une me-nace pour de nombreux petits pays – enAsie, en Afrique mais aussi en Europe –qui se sentent pris en otage d’une stratégiehégémonique derrière laquelle se cachentdes ambitions militaires.

«Nous traitons nos amis avec du bonvin mais pour nos ennemis nous avons desfusils», a déclaré, lundi 2 décembre, l’am-bassadeur de Chine en Suède à la presselocale. Six ans après le lancement, à Pékin,du méga-projet des «nouvelles routes de lasoie », continentales et maritimes, qui pré-tendait incarner «l’émergence pacifique »de la Chine, le discours a changé. Il est de-venu plus arrogant, sinon menaçant.

La construction d’infrastructures dansles pays en développement et les liens dedépendance que cela engendre envers Pé-kin sont de plus en plus problématiques,

avertissent plusieurs experts. Depuis 2013,la Chine est chaque fois plus présente unpeu partout dans le monde avec son pro-jet de nouvelles routes de la soie, aussi ap-pelées «Une ceinture, une route» (Nou-velle route de la soie en anglais Belt andRoad Initiative, BRI), qui comprend unepartie continentale et une autre maritime.Dans le cadre de ce projet pharaonesque,les Chinois ont signé des ententes avec 125pays afin d’y construire des infrastructurestelles que des ports, des autoroutes, des aé-roports et des chemins de fer, mais aussides pipelines, des centrales hydroélec-triques et des réseaux de fibre optique.Les entreprises chinoises ont mis enbranle quelque 3000 projets depuis lelancement de la BRIDu Pakistan au Panama, en passant par leNigeria et la Grèce, la Chine aurait déjà in-vesti au moins 70 milliards de dollars amé-ricains pour encourager ces pays à lui ou-

vrir leurs marchés, à faciliter les échangeset à connecter leurs marchés financiers auxmarchés chinois.

La BRI va cependant bien au-delà desinfrastructures, de l’accès aux marchés, dela sécurisation des routes commerciales etde l’approvisionnement énergétique.«C’est un projet qui se base en partie sur laconstruction d’une infrastructure de trans-port, d’énergie, de télécommunications,etc., mais qui a en fait beaucoup de dimen-sions», explique Nadège Rolland, cher-cheuse au Bureau national de la recherchesur l’Asie à Washington (National Bureauof Asian Research). C’est un projet qui apris des dimensions mondiales et qui re-flète le désir de Pékin d’étendre son in-fluence politique et géostratégique sur unegrande portion du monde. Nadège Rolland,chercheuse au Bureau national de la recherchesur l’Asie à Washington.Objectif 2049Les Chinois ne s’en cachent pas : la BRI de-vrait leur permettre, d’ici le centenaire dela Révolution, en 2049, d’atteindre le statutde première puissance mondiale.«Contrai-rement aux déclarations officielles chi-noises qui insistent sur un projet bénéfi-ciant à la communauté internationale, denombreux facteurs de realpolitik guidentle projet », soutient Tanguy Struye deSwielande, professeur à l ’École desSciences politiques et sociales de l’Univer-sité catholique de Louvain, en Belgique, etchercheur au Centre d'étude des crises etdes conflits internationaux. Les résistanceset les critiques se multiplient un peu par-tout dans le monde. La Chine s’est réveil-lée, elle s’est également révélée commeune menace dans un nouvel ordre

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20 septembre-octobre 2020 Diplomat Investissement

mondial qu’elle veut maîtriser. Le grand« rêve chinois » de Xi Jinping est en trainde se transformer, pour de nombreux payspartenaires, en cauchemar.Les chanties chinois dans le monde À coups de slogans chocs, «inclusifs»,«gagnants», «convergents» ou « pacifiques» et d’un budget annoncé de 1 000 mil-liards de dollars, la Chine a voulu se pla-cer au cœur d’un nouveau système mon-dial qu’elle est en train de restructurer. «Comment refuser une telle invitation auxéchanges et à la croissance ?», s’interrogentles auteurs Sophie Boisseau du Rocher etEmmanuel Dubois de Prisque, dans un li-vre référence, La Chine e(s)t le monde,paru en 20191.

D’emblée la Chine tisse sa toile dansses sphères historiques voisines, l’Asie duSud-Est, ciblant les «maillons faibles»comme le Cambodge et le Laos, tout enrenforçant sa présence en Birmanie, enThaïlande, en Malaisie et en Indonésie.Le Cambodge a ouvert ses portes aux in-vestisseurs chinois – 5 milliards de dollarslors des cinq dernières années – pour laconstruction d’infrastructures routières etaéroportuaires, mais aussi dans l’immobi-lier et le foncier. Même schéma avec le SriLanka.

La Chine cible également l’Afrique et…l’EuropePlus loin, au Pakistan, le port de Gwadarsur la mer d’Arabie va accueillir près de 54milliards de dollars d’investissementspour devenir la porte de sortie des pro-

duits venus de Chine, mais aussi un futur«comptoir militaire » où pourra se ravitail-ler la flotte chinoise en route vers Djibouti.L’expansion chinoise en Afrique (plus de200 milliards) s’enracine depuis dix ans,avec en tête l’Angola, l’Éthiopie, le Sou-dan, le Kenya et la RD-Congo.

En Europe en crise, la Chine a lancé sonoffensive depuis cinq ans, pour acquérir lagestion partielle ou totale d’une douzainede ports (Rotterdam, Marseille, Le Havre,Valence, Zeebruges…), soit plus de 10 %

des capacités portuaires européennes. LePirée, en Grèce, escale clé de ces « nou-velles routes de la soie » en Europe, est en-tre les mains des Chinois. Une réalité quicommence à inquiéter Bruxelles, non seu-lement à cause du déficit commercial de

175 milliards d’euros de l’UE vis-à-vis dela Chine, mais aussi à cause de la cohésioneuropéenne fragilisée.

La Hongrie, la Pologne et la Répu-blique tchèque ne cessent de se rapprocherde Pékin, qui investit dans chacun de cespays, intégrés dans le réseau des «routesde la soie». La nouvelle Commission euro-péenne, entrée en fonction dimanche 1erdécembre 2019, semble consciente du dan-ger, qualifiant la Chine de «rival systé-mique». LES NOUVELLES ROUTES DE LA SOIEUn projet lancé dès 2013. Le leader chinoisXi Jinping annonce en 2013, année de sonaccession à la présidence, ce projet gigan-tesque qui désigne un ensemble de voiesferroviaires, routières et maritimes – exis-tantes ou en projet – à travers le continenteurasiatique et vers l’Afrique.

Un nombre de partenaires doublé. Lespays partenaires étaient au départ unetrentaine. En six ans, leur nombre a dou-blé, se concentrant en particulier autour decorridors économiques visant à connecterl’Asie, l’Europe et l’Afrique.

De nouvelles voies. Outre l’inclusiondu Nigeria, en Afrique de l’Ouest, ou de laBolivie et du Panama, en zone latino-amé-ricaine, ces voies concernent aussi les nou-velles routes de l’Arctique et la conquêtespatiale chinoise.

Un financement par la dette. Le coûtévalué de l’ensemble pourrait excéder les1 000 milliards de dollars. La Chine n’en fi-nance directement qu’une partie. Déjà, elleoctroie des prêts à de nombreux pays inca-pables de les rembourser, pris au piège dela dette chinoise. n

(1) La Chine e(s)t le monde, Éd. Odile Jacob 2019,295 p., 23,90

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Diplomat Investissement septembre-octobre 2020 21

«L’investissement de la Chine en Afriquedu Nord et au Moyen-Orient est devenuspectaculaire»Selon Sébastien le Belzic. les grandsgroupes d’État chinois investissent massi-vement dans les projets d’infrastructuresde ces deux régions, Égypte en tête, dé-crypte notre chroniqueur.

En 2018, les investissements de laChine hors de ses frontières ont baissé de110 milliards de dollars (98,5 milliardsd’euros) par rapport à l’année précédente,ramenant le total des investissements de2018 au niveau de ceux de 2014-2015. Lenombre de pays membres des «nouvellesroutes de la soie» à beau augmenté chaqueannée, le flux d’investissements est restéstable avec même une baisse significativeau dernier trimestre 2018.

En 2018, la région MENA (pour MiddleEst and North Africa) est devenue ladeuxième zone dans laquelle investit Pé-kin, juste derrière l’Union européenne,avec 28,11 milliards de dollars. On parle làdes investissements directs hors « routesde la soie». A titre de comparaison,l’Afrique subsaharienne a reçu, en 2018toujours, 21,34 milliards de dollars d’in-vestissements chinois. En trois ans, laprogression de la région MENA est specta-culaire. Il s’agit pour l’essentiel d’investis-sements dans les infrastructures via lesgrands groupes d’Etat chinois. Les troisquarts sont allés à l’Egypte, les Emiratsarabes unis et l’Arabie saoudite. Trois paysqui font partie de ce que les économistesappellent le «club des 20 milliards», c’est-à-dire les pays ayant reçu plus de 20 mil-liards de dollars d’investissements chinoisces quinze dernières années. A noter éga-lement dans ce club la présence de l’Iran etde l’Algérie.

«Club des 20 milliards»En Égypte, c’est surtout la construction dela nouvelle et ambitieuse capitale quiconcentre les investissements. Ce sont eneffet les entreprises chinoises qui bâtissentcette ville nouvelle de plus de 6 000 hec-tares coûtant 58 milliards de dollars. C’estla Chine qui en tire l’essentiel des béné-fices avec la construction d’un réseau ferréentre Le Caire et cette nouvelle capitale etla construction du quartier des affaires parChina State Construction EngineeringCorp (CSCEC), soit 21 gratte-ciel, dont leplus haut d’Afrique, qui comptera 85étages. Un projet aussi stratégique pourl’Egypte que pour la Chine qui souhaiteconforter son rôle de bâtisseur du conti-nent. Une zone économique spéciale au-tour du canal de Suez va compléter ce pha-raonique projet sino-égyptien.

Car Pékin a évidemment compris l’im-portance stratégique de cette zone à la foiscomme base pour exporter ses marchan-dises via le port de Dubai et le canal deSuez, mais surtout pour ses importationsde pétrole et de gaz naturel. Les importa-

tions chinoises augmentent à un rythmerégulier depuis cinq ans dépassant de loinmaintenant la consommation américaine,et rien ne devrait remettre en cause cetteboulimie d’or noir venu des pays du Golfeet de l’Afrique. La dépendance de la zoneMENA à son principal client chinois expli-quant en retour l’importance des investis-sements chinois dans les infrastructuresrégionales. Afshin Molavi estime que lesexportations d’hydrocarbures en prove-nance de la région MENA comme de l’en-semble de l’Afrique vont encore croîtrevers la Chine alors qu’elles diminuent versles Etats-Unis et l’Europe. La géopolitiquedu pétrole continue d’aiguiller les investis-sements chinois vers le continent africaincomme dans le Golfe. A l’échelle mondiale,ces investissements sont cinq fois plus im-portants dans le secteur de l’énergie quedans celui de l’agriculture et vingt foisplus que dans celui de la santé. Deuxsecteurs, dont l’Afrique notamment, apourtant cruellement besoinsituent à leurplancher effectif ou en sont proches, et quela politique monétaire est entravée. n

La future capitale égyptienne, aussi connue sous le nom de Wedian, est une ville en construction depuis2016, devant à terme devenir la capitale de l'Égypte. Ce sont les entreprises chinoises qui bâtissent cette ville

nouvelle. Le chantier est situé à environ 45 kilomètres à l'est du Caire, en plein désert.

Les membres du Comité permanent du Politburo du Parti communiste chinois (de gauche à droite) : Han Zheng,Wang Huning, Li Zhanshu, le dirigeant chinois Xi Jinping, le premier ministre Li Keqiang, Wang Yang et Zhao

Les leaders chinois à la conquête du monde

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22 septembre-octobre 2020 Diplomat Investissement

________Daniel Gurara, Stefania Fabrizioet Johannes Wiegand*

Pendant que la crise de la COVID-19répand des ondes de choc dans lemonde entier, les pays en dévelop-

pement à faible revenu (PDFR) se trouventen position particulièrement difficile poury réagir. Durement touchés par des chocsextérieurs, les PDFR subissent de fortescontractions intérieures causées par la pro-pagation du virus et par les mesures deconfinement destinées à le contenir. Enmême temps, le peu de ressources et la fai-blesse des institutions limitent la capacitéde nombreux gouvernements des PDFR àsoutenir l’économie de leur pays. La crois-sance des PDFR devrait tomber au pointmort cette année, alors qu’elle atteignait 5

% en 2019. En outre, faute d’un effort in-ternational soutenu pour venir en aide àces pays, des séquelles permanentes ris-quent de nuire à leurs perspectives de dé-veloppement, d’exacerber les inégalités etd’anéantir une décennie de progrès en ma-tière de réduction de la pauvreté.De nombreux chocs débilitantsLes PDFR sont entrés dans la crise de CO-VID-19 en position déjà vulnérable : parexemple, la moitié d’entre eux souffraientd’une dette publique élevée. Depuis mars,les PDFR sont touchés par une confluenceexceptionnelle de chocs extérieurs : fortecontraction des exportations réelles, baissedes prix à l’exportation (notamment dupétrole) et diminution des entrées de capi-taux, des envois de fonds et des recettestouristiques. Prenons l’exemple des envois

de fonds, qui dépassaient 5 % du PIB dans30 PDFR (sur un total de 59) en 2019. En-tre avril et mai, ils ont diminué de 18 % auBangladesh et de 39 % au Kirghizistan parrapport à l’année précédente. Les réper-cussions devraient se faire largement sen-tir dans les pays où les envois de fonds

constituent la principale source de revenuspour de nombreuses familles pauvres.

Quant à l’impact au niveau national,même si la pandémie a évolué plus lente-ment dans les PDFR que dans d’autres ré-gions du monde, elle fait maintenant peserun lourd handicap sur l’activité écono-mique. De nombreux PDFR ont agi rapide-ment pour maîtriser la propagation. Dès lami-mars, lorsque les infections signaléesétaient encore peu nombreuses, ils ont misen place des mesures de confinement, dontle contrôle des voyages internationaux, la

fermeture d’écoles, l’annulation de mani-festations publiques et la limitation desrassemblements.

La mobilité, indicatrice de l’activité éco-nomique intérieure, a aussi fortement di-minué et a continué à se détériorer à lasuite de l’extension des mesures compre-nant les fermetures de lieux de travail, lesordonnances de confinement à domicile etles restrictions aux déplacements internes.Depuis fin avril/début mai, les mesures deconfinement se sont progressivement relâ-chées et la mobilité a repris, mais sans re-venir aux niveaux d’avant la crise.Des compromis difficiles avec des res-sources limitéesLa plupart des PDFR ne peuvent pasmaintenir longtemps des mesures deconfinement strictes, étant donné que de

grands segments de la population viventprès du niveau de subsistance. L’impor-tance de l’économie informelle, la faiblessedes institutions et les registres incompletsdes personnes pauvres rendent difficilel’accès aux personnes dans le besoin. Enoutre, les États ne disposent que de res-sources budgétaires limitées pour leur ve-nir en aide.

Des enquêtes récentes menées dans 20pays africains révèlent que plus de 70 %des personnes interrogées risquent detomber à court de nourriture pendant unconfinement de plus de deux semaines.Face à de telles contraintes, la mise enplace rapide mais brutale du confinementdans sa phase initiale a permis d’atteindreun objectif essentiel : aplatir la courbe desinfections tout en donnant le temps de ren-

COVID-19 : sans aide, les pays en développement àfaible revenu risquent de perdre une décennie

Daniel Gurara est économiste au département de lastratégie, des politiques et de l'évaluation du FMI.

Stefania Fabrizio est chef d’unité adjointe audépartement de la stratégie, des politiques et de

l'évaluation du FMI.

Johannes Wiegand est chef de l’unité chargée desquestions de développement au département de la

stratégie, des politiques et de l'évaluation du FMI.

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Diplomat Investissement septembre-octobre 2020 23

forcer les capacités du secteur de la santé.De nombreux PDFR ont adopté cette stra-tégie ; bien qu’ils aient accordé à leur éco-nomie un soutien budgétaire moins im-portant que celui des pays avancés ou despays émergents, la part des dépenses sup-plémentaires affectée à la santé a été plusgrande.

Comme il devient difficile de mainte-nir un confinement généralisé, les PDFRdevraient adopter des mesures plus ci-blées, notamment la distanciation phy-sique et le traçage des contacts ; le VietNam et le Cambodge en sont de bonsexemples. Le soutien à la politique écono-mique devrait se concentrer sur l’aide auxplus vulnérables, y compris les personnesâgées, et sur la limitation des retombées àlong terme de la crise sanitaire.

Par exemple, il est essentiel de proté-ger l’éducation pour éviter que la pandé-mie ne crée une «génération COVID péna-lisée sur le plan scolaire et dont les chancesseraient compromises de façon perma-nente», comme l’a souligné un groupe depersonnalités éminentes dans une lettre ré-cente adressée à la communauté interna-tionale. Là où existe l’infrastructure néces-saire, il est parfois possible d’exploiter latechnologie de manière innovante. Parexemple, pour limiter la propagation duvirus, le Rwanda utilise son infrastructurefinancière numérique afin de découragerl’utilisation de l’argent liquide. Le Togo

utilise la base de données duregistre des électeurs pourcanaliser l ’aide vers lesgroupes vulnérables.Une décennie de progrèsmenacéeMalgré les meilleurs effortsdes pouvoirs publics desPDFR, des dommages dura-bles semblent inévitables enl’absence d’un plus grandsoutien international. Desséquelles économiques àlong terme, sous la formed’une perte permanente decapacités de production,sont une perspective parti-culièrement inquiétante.

Les pandémies précé-dentes ont déjà laissé detelles séquelles : mortalité,affaiblissement de la santé etde l’éducation qui plombeles revenus futurs, épuise-ment de l’épargne et des ac-tifs qui oblige à fermer des

entreprises — surtout les petites qui n’ontpas accès au crédit — et provoque des per-turbations irréductibles de la production,et poids excessif de la dette qui réduit lesprêts au secteur privé. Par exemple, à lasuite de la pandémie de virus Ebola en2013, l’économie de la Sierra Leone n’a ja-mais retrouvé son rythme de croissanced’avant la crise.

Ces séquelles compromettraient gra-vement le développement des PDFR, no-tamment en anéantissant les progrès réali-sés dans la réduction de la pauvreté aucours des 7 à 10 dernières années et en exa-cerbant les inégalités, y compris entre lessexes. Les objectifs de développement du-

rable (ODD) seront donc encore plus diffi-ciles à atteindre.Les PDFR ne peuvent pas s’en tirer sansaideLe soutien de la communauté internatio-nale est essentiel pour permettre auxPDFR de lutter contre la pandémie et dereprendre vigueur. Les priorités sont lessuivantes : 1) assurer les fournitures sani-taires essentielles, y compris les remèdeset les vaccins lorsqu’ils auront été décou-verts ; 2) protéger les chaînes d’approvi-sionnement critiques, surtout pour les ali-ments et les médicaments ; 3) éviter lesmesures protectionnistes ; 4) veiller à ceque les pays en développement soient enmesure de financer leurs dépenses essen-tielles à l’aide de subventions et de finan-cements concessionnels ; 5) veiller à ce queles besoins en liquidités internationalesdes PDFR soient satisfaits, ce qui supposedes institutions financières internationalesdotées de ressources suffisantes ; 6) re-structurer la dette pour en rétablir le caséchéant la viabilité, ce qui pourrait, dansde nombreux cas, nécessiter un allégementcomplémentaire à l’initiative du G 20 enmatière de suspension du service de ladette ; 7) garder à l’esprit les objectifs dedéveloppement durable des NationsUnies, notamment en réévaluant les be-soins lorsque la crise s’atténuera.

La pandémie de COVID-19 ne seravaincue que si elle et ses conséquences so-cio-économiques sont éliminées partout.Une intervention urgente de la commu-nauté internationale peut sauver des vieset préserver des moyens de subsistancedans les PDFR. Le Fonds monétaire inter-national fait sa part : entre autres mesuresde secours, le FMI a procuré un finance-ment d’urgence à 42 PDFR depuis avril. Ilest prêt à augmenter son soutien et à aiderà concevoir des programmes économiquesà plus long terme en vue d’assurer une re-prise durable. Le présent billet, qui s’ins-pire d’un travail collectif de Rahul Giri,Saad Quayyum et Xin Tang, a bénéficié duconcours de Carine Meyimdjui. n

(*) Daniel Gurara est économiste au département dela stratégie, des politiques et de l'évaluation du FMI. (*) Stefania Fabrizio est chef d’unité adjointe au dé-partement de la stratégie, des politiques et de l'éva-luation du FMI. (*) Johannes Wiegand est chef de l’unité chargée desquestions de développement au département de lastratégie, des politiques et de l'évaluation du FMI.

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24 septembre-octobre 2020 Diplomat Investissement

__________________Kristalina Georgieva*

Lors de la dernière réunion des minis-tres des Finances et des gouverneursde banque centrale des pays mem-

bres du G-20 en avril, le monde était plongédans le Grand Confinement imposé parl’épidémie de COVID-19. Alors qu’ils seréunissent par écran interposé cette se-maine, de nombreux pays rouvrent peu àpeu leur économie, malgré la persistance dela pandémie.

Une nouvelle phase de la crise a mani-festement débuté : les pouvoirs publics de-vront continuer de faire preuve de sou-plesse dans leurs interventions afin depermettre une reprise durable et partagée.Le mois dernier, le FMI a fait état d’une dé-gradation des perspectives économiques eta prévu une contraction de 4,9 % de l’éco-nomie mondiale cette année. Sur une noteplus positive, l’activité économique mon-

diale, qui avait reculé d’une manière inéditeau début de cette année, a commencé à seraffermir progressivement. Une reprise par-tielle devrait se poursuivre en 2021. Les me-sures exceptionnelles prises par de nom-breux pays, dont ceux du G-20, à savoir uneriposte budgétaire de quelque 11 000 mil-liards de dollars et des injections massivesde liquidités par les banques centrales, ontlimité le déclin de l’économie mondiale. Ilne faudrait pas sous-estimer cet effort sansprécédent.

Mais nous ne sommes pas encore tirésd’affaire. Une deuxième vague du virus àgrande échelle dans le monde pourrait êtreà l’origine de nouvelles perturbations del’activité économique. Parmi les autresrisques figurent les valorisations tenduesdes actifs, la volatilité des cours des pro-duits de base, la montée du protection-nisme et l’instabilité politique. Du côté po-sitif, des avancées en termes de vaccins etde traitements pourraient renforcer laconfiance et l’activité économique. Ces au-tres scénarios soulignent que l’incertitudereste exceptionnellement élevée.

De nombreux pays seront fortement tou-chés par les séquelles économiques de cettecrise. Un profond bouleversement des mar-chés du travail constitue une préoccupationmajeure. Dans certains pays, il y a eu plusd’emplois perdus en mars et en avril qued’emplois créés depuis la fin de la crise fi-nancière internationale.

Les fermetures d’écoles réduisent aussila capacité de participer au marché du tra-vail, surtout pour les femmes. Même si,heureusement, certains emplois ont revu lejour depuis, la part de la population en âgede travailler qui travaille effectivement estbien plus faible qu’au début de 2020. Parailleurs, les effets sur le marché du travailsont probablement bien plus marqués, carle nombre d’heures ouvrées est réduit pourbon nombre de travailleurs.Les faillites deviennent aussi plus fré-quentes car les entreprises épuisent leursvolants de liquidités.Le capital humain est de surcroît menacé :l’éducation de plus d’un milliard d’appre-nants dans 162 pays a été perturbée, parexemple.En conclusion, la pandémie risque d’accroî-tre la pauvreté et les inégalités, ce qui met-

La prochaine phase de la crise : redoubler d’effortspour permettre une reprise résiliente

Kristalina Ivanova Gueorguieva, directrice généraledu Fonds monétaire international

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tra en évidence de manière encore pluscriante les carences des systèmes de santé,la précarité du travail et la difficulté pourles jeunes d’accéder à des perspectives pro-fessionnelles qui font cruellement défaut.Pour que la reprise soit plus inclusive et vi-goureuse, il faudra redoubler d’efforts dansdeux domaines principaux : 1) les poli-tiques nationales et 2) l’action collective.1. Les politiques nationales : maintenir lesdispositifs de secours ciblésLes pays se situent à différents stades de lapandémie, et leurs ripostes varieront aussi.Comme l’a souligné le FMI, les pays émer-gents et les pays en développement serontles plus durement touchés par cette crise. Ilssont en proie à des difficultés plus grandeset doivent procéder à des arbitrages pluscomplexes que les pays avancés, si bienqu’ils auront besoin de plus de soutien pen-dant plus longtemps. Cela étant, plusieursimpératifs de politique nationale sont vala-bles partout.

Protéger les personnes et les travailleurs.À travers le monde, les pays ont renforcé lesdispositifs de secours en faveur des per-sonnes et des travailleurs. Ces dispositifs deprotection doivent être préservés si néces-saire et, dans certains cas, étoffés : du congéde maladie payé pour les foyers de condi-tion modeste à l’accès à l’assurance santé etchômage en passant par des transferts mo-nétaires et en nature plus larges pour lestravailleurs de l’économie informelle, lesoutils numériques étant souvent les meil-leurs canaux de transmission. Fait encoura-geant, les pays affichant des inégalités plusfortes ont consacré un pourcentage plusélevé des aides aux ménages, y compris auxgroupes vulnérables. Dans le même temps,

de nombreux emplois qui ont été suppri-més ne reverront jamais le jour, la crise mo-difiant durablement les habitudes de dé-penses. Il faudra donc continuer à soutenirles travailleurs, notamment par le recy-clage, et les aider à s’éloigner des secteursqui se contractent pour se tourner vers dessecteurs en plein essor.

Soutenir les entreprises. Les personneset les travailleurs sont aussi aidés lorsqueles dispositifs de secours concernent aussiles entreprises viables. Dans les pays du G-20, davantage d’entreprises ont été soute-nues grâce à des allégements d’impôts oude cotisations de sécurité sociale, à des sub-ventions et à des bonifications d’intérêts.Une part importante des aides a été oc-troyée à des petites et moyennes entreprises(PME), ce qui est d’autant plus importantque celles-ci constituent un moteur essen-tiel de l’emploi. D’après une analyse desservices du FMI, sans ces aides, les faillitesde PME pourraient tripler et passer d’unemoyenne de 4 % avant la pandémie à 12 %en 2020, ce qui risque d’accroître le chô-mage et de dégrader les bilans des banques.

Face à la multiplication des faillites, lespouvoirs publics devront opérer des choixdifficiles et décider s’il convient d’aider lesentreprises et comment. Une analyse rigou-reuse de leurs perspectives en termes de li-

quidité et solvabilité pourra contribuer àéclairer ces choix. La fourniture de liquidi-tés pourrait suffire pour les secteurs danslesquels les pertes de recettes sont tempo-

raires par exemple, tandis que des injec-tions de capitaux pourraient s’avérer néces-saires pour certaines entreprises insolvablesqui jouent un rôle essentiel dans la luttecontre la pandémie ou dont dépendent demultiples existences et moyens de subsis-tance.

Les coûts budgétaires de ces aides sontconsidérables et les niveaux d’endettementcroissants sont très préoccupants. Toutefois,à ce stade de la crise, les coûts d’une sup-pression prématurée sont plus élevés queceux d’un soutien prolongé là où il s’im-pose. Il va de soi que les mesures doiventêtre ciblées et les budgets évalués sans per-dre de vue le rapport coût-efficacité et laviabilité de la dette à moyen terme.

Préserver la stabilité financière. Les sup-pressions d’emplois, les faillites et les re-structurations sectorielles pourraient se ré-véler très problématiques pour le secteurfinancier, y compris les pertes sur prêts su-bies par les établissements financiers et lesinvestisseurs.

Les autorités de réglementation et decontrôle devraient encourager l’utilisationsouple des volants existants de fonds pro-pres et de liquidités dans le respect desnormes internationales, ce qui faciliteraitl’octroi continu de crédit aux entreprisesviables. La politique monétaire devrait res-

ter accommodante là où les écarts de pro-duction sont importants et où l’inflation estinférieure à l’objectif, comme cela est le casdans de nombreux pays durant cette crise.

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26 septembre-octobre 2020 Diplomat Investissement

Des politiques budgétaires pour un monde en transfor-mation__________Vitor Gaspar et Gita Gopinath*

L’actuelle pandémie de COVID-19 adéjà donné lieu à une riposte budgé-taire sans précédent, à hauteur de

près de 11 000 milliards de dollars à tra-vers le monde. Toutefois, comme le nom-bre de cas de contamination et de décèsconfirmés continue à augmenter rapide-ment, les dirigeants devront veiller à ceque les mesures de santé publique restentleur priorité numéro un tout en conser-vant des mesures budgétaires de soutiensouples et en se préparant à une transfor-mation économique.

Face à une réduction brutale de la pro-duction mondiale, une riposte budgétairemassive s’est révélée nécessaire pour ren-forcer les capacités sanitaires, compenserla perte de revenu des ménages et éviterdes faillites de grande ampleur. Néan-moins, sous l’effet des mesures prises parles pouvoirs publics, la dette publiquemondiale a aussi atteint son plus haut ni-veau historique, à plus de 100 % du PIBmondial, dépassant ainsi les pics enregis-trés après la Seconde Guerre mondiale.

D’après la base de données du Moni-teur des finances publiques sur les me-sures budgétaires prises par les pays enréaction à la pandémie de COVID-19, quicouvre un échantillon représentatif de

plus de 50 pays, l’aide budgétaire mon-diale totale se répartit pour le moment demanière presque équitable entre les me-sures ordinaires, qui ont un impact directsur les recettes et sur les dépenses comme

Une priorité importante pour les autoritésnationales est de veiller à ce que les mar-chés monétaires, les marchés des changes etles marchés des titres puissent fonctionnerefficacement. Dans cette optique, une coor-dination entre les banques centrales et unsoutien adapté des institutions financièresinternationales resteront aussi essentiels.2. L’action collective : saisir les occasionspour bâtir un avenir meilleurLa coopération internationale est indispen-sable pour écourter la crise et permettre unereprise résiliente. Les domaines dans les-quels l’action collective est capitale sont no-tamment les suivants :• Garantir des fournitures médicales suffi-santes : la coopération en matière de pro-duction, d’achat et de distribution équitablede traitements et vaccins efficaces, y com-pris à l’échelle internationale.• Éviter de nouvelles défaillances dans lesystème commercial mondial : les pays de-vraient tout mettre en œuvre pour que leschaînes d’approvisionnement mondialesrestent ouvertes, que les initiatives visant àréformer l’OMC s’accélèrent et qu’un ac-cord global soit trouvé sur la fiscalité numé-rique.

• Veiller à ce que les pays en développe-ment puissent financer leurs besoins de dé-penses essentiels et régler leurs problèmesde viabilité de la dette : il est particulière-ment important de continuer à progressersur le front de l’initiative de suspension duservice de la dette du G-20.• Renforcer le dispositif mondial de sécu-rité financière : envisager de prolonger lesaccords de swap et de renforcer l’utilisationdes droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI.Pour sa part, le FMI a réagi à cette crised’une manière sans précédent, notammenten débloquant des financements d’urgencepour 72 pays en trois mois. Avec l’appui denos 189 pays membres, nous ambitionnonsde faire encore plus au cours de cette pro-chaine phase cruciale.

Nous pouvons nous inspirer de cette ci-tation du grand poète libanais Khalil Gi-bran : « Pour connaître le cœur et l’espritd’une personne, ne regardez pas ce qu’ellea déjà accompli mais ce à quoi elle aspire ».Malgré les douleurs et les souffrances infli-gées par la pandémie, je pense que nouspouvons aspirer à transformer notremonde. Nous avons une possibilité qui seprésente une fois par siècle de construire un

avenir meilleur : un monde plus juste etplus équitable ; plus vert et plus durable ;plus intelligent et, surtout, plus résilient.Pour saisir cette occasion et devenir plus ré-silient, il est nécessaire 1) d’investir dansl’humain — l’éducation, la santé, la protec-tion sociale et des mesures qui évitent laforte hausse des inégalités que cette crisepourrait causer ; 2) de favoriser une crois-sance sobre en carbone et résiliente face auchangement climatique, notamment en af-fectant intelligemment les dépenses pu-bliques ; et 3) de tirer parti de la transfor-mation numérique, en utilisant davantageles plateformes électroniques des adminis-trations publiques pour accroître l’effi-cience et la transparence tout en réduisantles lourdeurs administratives, ou en recou-rant davantage à l’apprentissage en ligneou au travail à distance.

Les dirigeants des pays du G-20, et noustous ensemble, devons saisir l’occasion deconcrétiser cet avenir. n

(*) Kristalina Ivanova Gueorguieva, directrice géné-rale du Fonds monétaire international

Vitor Gaspar est directeur du départementdes finances publiques du Fonds monétaire inter-

national

Gita Gopinath est la conseillère économique etdirectrice du département des études du Fonds

monétaire international

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Diplomat Investissement septembre-octobre 2020 27

l’ajournement d’impôts et les transfertsmonétaires, et les mesures extraordinaires,qui englobent les prêts au secteur public,les injections de capitaux et les garantiesde l’État.La politique budgétaire pour la réouver-ture progressive après le Grand Confine-mentL’action budgétaire restera nécessaire parla suite puisque nous ne sommes pas tirésd’affaire. Au moment où de nombreuxpays sortent timidement du Grand Confi-nement, en l’absence d’une solution à lacrise sanitaire, de grandes incertitudessubsistent quant à la trajectoire de la re-prise.

La santé publique demeure la prioriténuméro un. Les mesures qui atténuent lesrisques sanitaires contribuent fortement àrétablir la confiance, ce qui s’avère béné-fique pour l’activité économique et l’em-ploi et réduit les tensions sur les financespubliques.

À plus long terme, les méthodes d’en-diguement précoces et ciblées auront uncoût économique et budgétaire nettementplus faible, par comparaison avec unconfinement généralisé. Il est indispensa-ble de disposer de statistiques précises,ponctuelles et globales sur les résultats sa-nitaires et socioéconomiques pour surveil-ler les poussées épidémiques et y réagirrapidement et pour rassurer la populationsur la capacité à affronter de futuresvagues de contaminations. Deuxième-ment, il faudra continuer à mener une po-litique budgétaire de soutien souple en at-

tendant qu’une sortie de crise sûre etdurable soit trouvée. Alors que ladette publique pourrait s’accroître da-vantage dans un scénario défavora-ble, un rééquilibrage des finances pu-bliques plus précoce que la situationne le justifie comporte un risque en-core plus grand de faire capoter la re-prise, avec à la clé une hausse des fu-turs coûts budgétaires. Les dirigeantsdevraient élaborer des plans d’ur-gence aménageables pour gérer lesrisques sanitaires, économiques etbudgétaires de poussées épidémiquesrépétées. Afin d’éviter des retardsdans l’octroi d’aides ciblées, une nou-velle génération de stabilisateurs au-tomatiques pourrait s’imposer.

Troisièmement, la crise sera por-teuse de transformations. Beaucoupdes emplois détruits par la crise ris-quent de ne pas être recréés par lasuite. Il sera nécessaire de faciliter letransfert de ressources entre des sec-teurs qui peuvent subir une contrac-

tion en permanence, comme le transportaérien, et des secteurs qui connaîtront unessor, à l’instar des services numériques.

Les aides ne devraient plus être consa-crées à la préservation des emplois maisprivilégier le soutien aux personnes qui sereconvertissent ou changent de secteur

d’activité. Il faudra établir une distinctionentre les entreprises qui sont illiquidesmais solvables et celles qui sont insolva-bles. Les pouvoirs publics pourraientprendre d’autres mesures, par exemple re-courir à des obligations convertibles et in-jecter des capitaux dans des entreprisesstratégiques et d’importance systémique(voire les nationaliser temporairement).De nombreux pays devront aussi prendredes mesures rapides et résolues pour amé-liorer les mécanismes juridiques afin derégler les problèmes de surendettement etd’éviter des stigmates économiques à longterme.Conserver des niveaux d’endettementviablesLe besoin d’une aide budgétaire durableest manifeste mais cela soulève la questionde savoir comment les pays pourront la fi-nancer sans que la dette ne devienne nonviable. En 2020, par rapport à l’édition dejanvier 2020 des Perspectives de l’écono-mie mondiale, les déficits budgétaires de-vraient être multipliés par plus de cinqdans les pays avancés et par plus de deuxdans les pays émergents, d’où un accrois-sement sans précédent de la dette pu-blique, de respectivement 26 et 7 points depourcentage du PIB.

De nombreux pays profiteront de coûtsd’emprunt qui se situent à leurs plus bas

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28 septembre-octobre 2020 Diplomat Investissement

niveaux historiques et devraient s’y main-tenir pendant longtemps sachant que lacrise provoque une augmentation del’épargne de précaution et freine la de-mande d’investissement. En outre, commeles pays devraient opérer en deçà de leurpotentiel pendant un moment, les tensionsinflationnistes resteront modérées, toutcomme la nécessité pour les banques cen-trales de relever leurs taux d’intérêt. Ladette publique devrait se stabiliser en 2021

(hormis aux États-Unis et en Chine), sousl’effet des taux d’intérêt bas et d’un soliderebond de l’activité économique prévudans le scénario de référence.

Pour autant, la prudence est de mise.Les niveaux d’endettement et les capacitésde financement varient énormément d’unpays à l’autre et une grande incertitudeentoure les prévisions. Les coûts d’em-prunt peuvent vite augmenter, notam-ment pour les pays émergents et préémer-gents, comme cela fut le cas en mars. Ilsera en outre essentiel de permettre le re-tour à des soldes budgétaires viables dansles pays qui affichaient déjà un endette-ment élevé et une croissance faible au dé-but de cette crise.

Les autorités devront mettre en œuvreun plan budgétaire crédible à moyenterme qui s’appuie sur une hausse des re-cettes, y compris à travers une réductionde l’évasion fiscale, une meilleure progres-sivité de l’impôt dans certains cas, la tari-fication du carbone et une plus grande ef-ficience des dépenses (par exemple ensupprimant les subventions aux combus-tibles fossiles).

Une communication transparente au-tour d’un éventuel plan contribuera à li-miter la volatilité potentielle des marchésde la dette souveraine durant la transition.Par ailleurs, les institutions internatio-nales doivent faire en sorte que l’accès auxliquidités internationales ne soit pas per-turbé par une panique des marchés quis’autoalimente.

La communauté internationale doitaussi veiller à ce que les pays en dévelop-pement à faible revenu vulnérables qui nedisposent pas des ressources pour finan-cer les systèmes de santé et entretenir lesréseaux vitaux aient accès à des finance-ments concessionnels et, dans certains cas,à des dons. Soixante-douze pays ont déjàreçu une aide d’urgence du FMI; néan-moins, un soutien bilatéral et multilatéralbeaucoup plus important sera nécessaire.Les pays plus pauvres auront peut-être be-soin d’un allégement prolongé de leurdette, y compris par le biais de l’Initiativede suspension du service de la dette duG-20.Les politiques budgétaires après la CO-VID-19Une fois que des vaccins et traitements ef-ficaces contre la COVID-19 seront accessi-bles à tous, nous basculerons dans lemonde post-COVID et échapperons véri-tablement au Grand Confinement. Cela

sera possible uniquement si la solidaritéinternationale permet l’accès aux traite-ments et aux vaccins pour tous, dans lespays développés comme dans les pays endéveloppement. À ce stade, les pouvoirspublics devraient réorienter la politiquebudgétaire vers une croissance vigou-reuse, durable et inclusive.

Les dirigeants devraient s’attaquer à lamontée de la pauvreté et des inégalitésainsi qu’aux carences structurelles misesen évidence par la crise afin de mieux sepréparer aux futurs chocs. Cela supposed’investir dans des systèmes de santé plussolides, dans des dispositifs de protection

sociale mieux dotés et dans le développe-ment du numérique. Les autorités de-vraient financer activement des investisse-ments sans incidence sur le climat quifavorisent une croissance plus verte, richeen emplois et tirée par l’innovation. La po-litique budgétaire doit aussi lutter contreles inégalités grâce à des dépenses ciblantun accès universel à la santé et à l’éduca-tion et à une fiscalité progressive.

Il n’est pas possible de prévoir avecune grande certitude ce à quoi ressem-blera le monde d’après la COVID-19. Lestransformations seront assurément pro-fondes. Quoi qu’il en soit, il faudra menerdes politiques budgétaires souples qui fa-cilitent les changements structurels, fontface aux inégalités et appuient la transi-tion vers un avenir plus écologique. n

(*)Vitor Gaspar, est directeur du département des fi-nances publiques du Fonds monétaire international. (*) Gita Gopinath est la conseillère économique et di-rectrice du département des études du Fonds moné-taire international (FMI).

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Commerce et économie

_______Martin Kaufman et Daniel Leigh*

Le monde a été frappé par la pandé-mie de COVID-19 alors qu'il présen-tait des déséquilibres extérieurs per-

sistants. La crise a entraîné une forteréduction des échanges commerciaux et defortes variations des taux de change, maisune réduction limitée des déficits et excé-dents des transactions courantes à l'échellemondiale. Les perspectives restent très in-certaines, car les risques de nouvellesvagues de contagion, d'inversion des fluxde capitaux et de nouvelle diminution deséchanges internationaux se profilent tou-jours à l'horizon.

Selon la dernière édition de notre Rap-port sur le secteur extérieur, les déficits etles excédents des transactions courantes sesituaient juste au-dessous de 3 % du PIBmondial en 2019, soit à un niveau légère-ment inférieur à celui de l'année précé-dente. D'après nos dernières prévisionspour 2020, ils ne devraient diminuer qued'environ 0,3 % du PIB mondial, soit unebaisse plus modeste que celle enregistréeaprès la crise financière mondiale d'il y adix ans.

Les priorités immédiates consistent àapporter une aide d'urgence et à promou-voir la reprise économique. Une fois que lapandémie se sera atténuée, les pays excé-dentaires comme les pays déficitaires de-vront consentir un effort collectif de ré-forme pour réduire les déséquilibresextérieurs de l’économie mondiale. Denouveaux obstacles au commerce ne se-ront pas efficaces à cet égard.Pourquoi les déséquilibres importent-

ils ?Les déficits et les excédents extérieurs nesont pas nécessairement source de préoc-cupation. De bonnes raisons justifient queles pays les utilisent à certains moments.Cela dit, les pays qui empruntent trop ettrop rapidement à l'étranger, en enregis-trant des déficits extérieurs, peuvent deve-nir vulnérables à un arrêt soudain des fluxde capitaux. Les pays courent également lerisque d'investir une trop grande partie deleur épargne à l'étranger alors que des be-soins d’investissement se font sentir sur leplan intérieur. La difficulté consiste à dé-terminer quand les déséquilibres sont

excessifs ou présentent un risque. Notredémarche est axée sur le solde des transac-tions courantes global de chaque pays etnon sur ses balances commerciales bilaté-rales avec ses divers partenaires, car cesdernières résultent davantage de la répar-tition internationale du travail que de fac-teurs macroéconomiques.

Nous estimons qu'environ 40 % desdéficits et des excédents des transactionscourantes à l'échelle mondiale étaient ex-cessifs en 2019 et, comme ces dernières an-nées, concernaient surtout les pays avan-cés. Les soldes des transactions courantessupérieurs aux niveaux appropriés ont étéprincipalement enregistrés dans la zoneeuro (sous l'impulsion de l'Allemagne etdes Pays-Bas), tandis que ceux inférieurs àces niveaux ont surtout été relevés au Ca-nada, aux États-Unis et au Royaume-Uni.La position extérieure évaluée de la Chineest restée, comme en 2018, globalementconforme aux paramètres fondamentauxet aux politiques souhaitables, en raison dela compensation des écarts de politiqueéconomique et des distorsions structu-relles.

Dans notre rapport, nous présentonsdes évaluations des déséquilibres exté-rieurs et des taux de change pour les 30plus grandes économies. Au fil du temps,

ces déséquilibres se sont accumulés : lesencours d'actifs et de passifs extérieurs ontatteint des sommets historiques, ce quipeut être source de risques tant pour lespays débiteurs que pour les pays créan-ciers. La persistance des déséquilibresmondiaux et la perception croissante d'uneinégalité des conditions de concurrencesur le plan commercial ont attisé les velléi-tés protectionnistes, ce qui a entraîné unemontée des tensions commerciales entreles États-Unis et la Chine. Dans l'ensemble,de nombreux pays présentaient des fac-teurs de vulnérabilité préexistants et desdistorsions subsistantes lorsque la crise adébuté.COVID-19 : un choc extérieur brutalDans un contexte où l'économie mondialeest toujours aux prises avec la crise de laCOVID-19, les perspectives extérieuressont très incertaines. Même si nous pré-voyons une légère réduction des déséqui-libres mondiaux en 2020, la situation varied'un pays à l'autre. Les pays qui dépen-dent de secteurs gravement touchés,comme le pétrole et le tourisme, ou sonttributaires des envois de fonds, pourraient

voir leur solde des transactions couranteschuter de plus de 2 % du PIB. Des chocsextérieurs aussi sévères pourraient avoirdes effets durables et nécessiter des ajuste-

Diplomat Investissement septembre-octobre 2020 29

Déséquilibres de l’économie mondiale et crisede la COVID-19

Davide Furceri est chef de division adjoint audépartement des études du FMI

Davide Furceri est chef de division adjoint audépartement des études du FMI

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Commerce et économie

ments économiques considérables. Selonnos prévisions, la réduction des soldes destransactions courantes au niveau mondialsera moindre par rapport à celle observéeaprès la crise financière mondiale d'il y adix ans, ce qui s'explique en partie par lefait que les déséquilibres mondiauxd'avant la crise sont cette fois-ci moinsmarqués que lors de la flambée des prixdes logements et des actifs au milieu desannées 2000.

Au début de la crise de la COVID-19,le resserrement des conditions de finance-ment extérieur a provoqué des sorties sou-daines de capitaux, qui se sont traduitespar une forte dépréciation monétairesdans de nombreux pays émergents et enpays en développement. Les mesures ex-ceptionnellement énergiques prises sur leplan budgétaire et monétaire, en particu-lier dans les pays avancés, ont depuis lorsfavorisé un regain de confiance chez les in-vestisseurs mondiaux, ce qui a permis decalmer les fortes fluctuations des taux dechange observées dans un premier temps.Toutefois, de nombreux risques subsistent,notamment de nouvelles vagues de conta-gion, des séquelles économiques et une re-crudescence des tensions commerciales.

Comme nous le soulignons dans le cha-pitre analytique de cette année, de nou-velles tensions financières au niveau mon-d i a l p o u r r a i t d é c l e n c h e r d ' a u t re sretournements des flux de capitaux, géné-rer des pressions monétaires et accroîtreencore le risque d'une crise extérieure pourles pays présentant des facteurs de vulné-rabilité préexistants, notamment des défi-cits des transactions courantes élevés, unepart importante de la dette en devisesétrangères et de faibles réserves internatio-

nales. Une aggravation de la pandémie deCOVID-19 pourrait également déstabiliserles échanges et les chaînes d'approvision-nement mondiaux, réduire les investisse-ments et entraver la reprise économiquemondiale.Apporter une aide et rééquilibrer l'écono-mie mondialeÀ court terme, les efforts des pouvoirs pu-blics devraient continuer d'être axés sur lamise en œuvre de dispositifs d'urgence etla promotion de la reprise économique.Les pays dont les taux de change sont sou-ples gagneraient à continuer de les laisser,dans la mesure du possible, s'adapter auxconditions extérieures.

Les interventions sur le marché deschanges, lorsqu'elles sont nécessaires etlorsque les réserves sont suffisantes, pour-raient contribuer à réduire l’instabilité desmarchés. Pour les pays qui subissent despressions ayant des effets perturbateurssur leur balance des paiements et qui n'ontpas accès à des financements extérieursprivés, les financements officiels et leslignes de crédit réciproque peuvent contri-buer à soutenir l'économie et à préserverles dépenses de santé essentielles. Ilconvient d'éviter les obstacles tarifaires ounon tarifaires aux échanges, notamment en

ce qui concerne les équipements et fourni-tures médicales, et de lever les nouvellesrestrictions commerciales récemment im-posées. Le recours aux droits de douanepour cibler des balances commercialesbilatérales est préjudiciable au commerceet à la croissance, et déclenchent générale-ment des fluctuations monétaires compen-satoires. En règle générale, ces droits sonten outre inefficaces pour réduire les dés-équilibres extérieurs excessifs et les désali-

gnements des taux de change, pour les-quels il faut s'attaquer aux distorsions ma-croéconomiques et structurelles pro-fondes. Il faudrait moderniser le systèmecommercial multilatéral fondé sur des rè-gles et renforcer les règles relatives auxsubventions et au transfert de technolo-gies, notamment en élargissant l'ensembledes règles relatives aux services et au com-merce électronique et en assurant le bonfonctionnement du système de règlementdes différends de l'OMC.

À moyen terme, les pays excédentaireset les pays déficitaires devront unir leursefforts pour réduire les déséquilibres ex-cessifs de l'économie mondiale. Étantdonné que les distorsions économiques etautres qui ont précédé la crise de la CO-VID-19 pourraient persister ou s'aggraver,il conviendra de procéder à des réformesadaptées à la situation particulière dechaque pays.

Dans les pays où les déficits excessifsdes transactions courantes d'avant la crisetraduisaient des déficits budgétaires plusélevés que les niveaux appropriés (commeaux États-Unis) et où de tels déséquilibrespersistent, un assainissement des financespubliques à moyen terme favoriserait laviabilité de la dette, réduirait l'écart desolde courant excessif et faciliterait laconstitution de réserves internationales sinécessaire (comme en Argentine). Dans lespays qui connaissent des problèmes decompétitivité à l'exportation, des réformesvisant à accroître la productivité seraientsouhaitables.

Dans les pays où l’excédent excessif dusolde courant qui existait avant la crisepersiste, il convient de donner la prioritéaux réformes qui encouragent l'investisse-ment et découragent une épargne privéeexcessive. Dans les pays disposant encored'un espace budgétaire, une politique bud-gétaire axée sur la croissance renforceraitla résilience de l'économie et réduirait l'ex-cédent excessif du solde courant. Dans cer-tains cas, des réformes visant à découragerune épargne de précaution excessive peu-vent également se justifier (comme enThaïlande et en Malaisie), notamment enélargissant le dispositif de protection so-ciale. n

(*) Martin Kaufman est sous-directeur au départe-ment de la stratégie, des politiques et de l’évaluationdu FMI. (*) Daniel Leigh est chef de division adjoint au dé-partement Hémisphère occidental du FMI.

30 septembre-octobre 2020 Diplomat Investissement

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Commerce et économie

Diplomat Investissement septembre-octobre 2020 31

La Banque mondiale suspend la publication de sonrapport «Doing Business»L'institution va d'abord enquêter sur des irrégularités dans les données visant à favoriser plusieurs pays. L'heure pourl'Afrique de prendre du recul ? C'est une première : la publication du rapport « Doing Business» de la Banque mon-diale a été suspendue à la suite «d'irrégularités». C'est l'institution de Bretton Woods elle-même qui en a fait l'annoncedans un communiqué publié jeudi 27 août : «Un certain nombre d'irrégularités ont été signalées concernant des modi-fications apportées aux données des rapports Doing Business 2018 et Doing Business 2020, lesquels ont été publiés res-pectivement en 2017 et 2019. Ces modifications n'étaient pas cohérentes avec la méthodologie Doing Business.» Lancéen 2002, le rapport annuel Doing Business est devenu indicateur influent pour évaluer l'environnement des affaires etla compétitivité relative des pays.

_______________________Robert Menard

Tout au long de ses 17 années de pa-rution, le rapport Doing Business aété un outil précieux pour les pays

soucieux de mesurer le coût de l’activitééconomique. Les indicateurs et la métho-dologie Doing Business sont conçus indé-pendamment des pays, mais bien dans lebut de contribuer à l’amélioration du cli-mat général des affaires.

Un certain nombre d’irrégularités ontété signalées concernant des modificationsapportées aux données des rapports DoingBusiness 2018 et Doing Business 2020, les-quels ont été publiés respectivement en2017 et 2019.

Ces modifications n’étaient pas cohé-rentes avec la méthodologie Doing Busi-ness.L’intégrité et l’impartialité de nosdonnées et analyses étant capitales, nousengageons immédiatement les actions sui-vantes :•Nous procédons à un examen et une éva-luation systématiques des modificationsapportées aux cinq derniers rapportsDoing Business après le processus institu-tionnel d’examen des données.•Nous demandons à la fonction indépen-dante d’Audit interne du Groupe de laBanque mondiale de réaliser un audit desprocédures de collecte et d’examen desdonnées aux fins du rapport Doing Busi-ness ainsi que des mesures de contrôle des-tinées à préserver l’intégrité des données.

En fonction des résultats de ces actions,nous corrigerons rétrospectivement lesdonnées des pays les plus concernés parces irrégularités. La situation a été exposéeau Conseil des Administrateurs de laBanque mondiale, ainsi qu’aux autoritésdes pays les plus touchés. La publicationdu rapport Doing Business sera interrom-

pue pendant la durée de l’évaluation.«Doing Business» un indicateur influentEn effet, ces dernières années, nombred'États du continent se sont emparés de cedocument pour mener à bien plusieurs ré-formes clés. Sa publication annuelle a éga-lement fait de cet indicateur un facteur demotivation pour les gouvernements. Unpays qui progresse dans le classement atendance à stimuler l'investissement directétranger. En 2019, 294 réformes ont étémises en œuvre en un an dans le mondepour améliorer le climat des affaires. Et lecontinent africain n'était pas en reste. De-puis une dizaine d'années, l'Afrique subsa-harienne est même devenue la région laplus réformatrice du monde. «Un entre-preneur peut enregistrer une société en 20jours ou moins dans 26 des 48 économiessubsahariennes, alors qu'il y a dix ans celan'était possible que dans trois pays », met-

tait en exergue la Banque mondiale dans saprécédente édition. «C'est un énorme aveude la Banque mondiale avec des implica-tions de grande portée», a déclaré JanuaryMakamba, membre du Parlement et ancienvice-ministre en Tanzanie. «Un grandnombre de recommandations et de pres-criptions politiques, et de jugements surl'orientation des IDE… dans les pays endéveloppement ont été basés sur ce rap-port », a-t-il ajouté sur Twitter.

«Pourquoi ne suis-je pas surpris par cetaveu», lui répond un internaute tanzanien,avant de conclure «il est grand temps qu'ilssuspendent le rapport ». Certains gouver-nements africains sont immédiatementmontés au front, comme le Sénégal. « En2013, le gouvernement du Sénégal avait at-tiré l'attention de la Banque mondiale surles procédures de validation des données.Le Sénégal avait posé cette question de

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Commerce et économie

32 septembre-octobre 2020 Diplomat Investissement

bien réauditer les processus de validationdes réformes», a fait savoir Lamine Bâ, di-recteur de l'Environnement des affaires ausein de l'Agence pour la promotion des in-vestissements et grands travaux (Apix) duSénégal. Répondant aux questions de nosconfrères de IGFM, il a tenu à rassurer enaffirmant que «les États ne font pas de ré-formes pour des besoins de classement».«Nous faisons des réformes pour faciliterla vie des entreprises au Sénégal afin decréer plus de valeur ajoutée et d'emplois»,indique-t-il. Le Sénégal figure parmi lespays les plus attractifs en Afrique subsaha-rienne pour les investisseurs. Une positionqui ne cesse de s'améliorer sous l'impul-sion de l'Apix, une structure ad hoc char-gée justement d'encadrer les investisse-ments et qui lui a permis d'augmenter sonrang dans le classement de la Banque mon-diale.Des irrégularités dans deux des plus ré-cents rapportsMais aucun pays africain n'est concernépar ces nouvelles « irrégularités ». Officiel-lement, les quatre pays les plus touchéspar les irrégularités dans lesrapports 2020 et 2018 sont laChine, l'Arabie saoudite, lesÉmirats arabes unis et l'Azer-baïdjan, a indiqué la Banquemondiale. Par exemple, il y acinq ans, la Chine se classait90e dans le rapport, l'annéedernière, l'empire du Milieuest remonté à la 31e place. Sielles sont confirmées, les don-nées révisées pourraient affec-ter le classement de ces pays.Ce n'est pas la première foisque la publication phare de laBanque mondiale se retrouvedans au cœur de suspicions.En juin, l'institution de Bret-ton Woods a nommé CarmenReinhart comme nouvelle éco-nomiste en chef.

Ses deux prédécesseurs,Penelope Koujianou Goldberget Paul Romer, ont démis-sionné en moins de deux ansd'exercice dans leur fonction.Plus préoccupant encore, en2018, Paul Romer, avait dé-claré que les données du rap-port étaient susceptibles d'êtremanipulées. Il a spécifique-ment allégué que les donnéesconcernant le Chili semblaientavoir été manipulées pourdescendre le pays dans le clas-

sement (rétrogradé de la 44e à la 55e place)et montrer une détérioration de l'environ-nement des affaires alors que le pays étaitdirigé par la socialiste Michelle Bacheletentre 2014 et 2017. Paul Romer avait dé-missionné après avoir dénoncé des moti-vations politiques derrière les évolutionsdu classement. Ses allégations avaient pro-voqué un tollé en interne et au Chili. Unaudit avait aussitôt été mené mettant en lu-mière un changement de méthodologie.«Les changements au fil du temps dans lesclassements Doing Business ne sont pasparticulièrement significatifs.

Ils reflètent en grande partie les chan-gements de méthodologie et d'échantillons– que la Banque mondiale fait chaque an-née, sans corriger les chiffres antérieurs –et non les changements de la réalité sur leterrain », ont expliqué des chercheurs duCenter for Global Development en février2018 dans un article intitulé «Le pouvoirdu classement : l'indicateur Doing Business et le comportement réglemen-taire mondial».Une réputation entachée ?

Pour écarter toute polémique, l'institutionva procéder à un examen approfondi desdonnées sur les cinq derniers rapports etmènera un audit indépendant pour véri-fier le processus de collecte et d'examendes données. Ceci afin de garantir l'inté-grité des données. «Nous agirons sur labase des résultats et corrigerons rétrospec-tivement les données des pays les plus tou-chés par les irrégularités», a indiqué laBanque mondiale. Le conseil des adminis-trateurs de la Banque mondiale a été in-formé de la situation, tout comme les auto-rités des pays les plus touchés par lesirrégularités des données. La suspensionde la publication restera en vigueur letemps de l 'évaluation, a souligné laBanque mondiale, sans en préciser la du-rée.

Cela fait des années que le Doing Bu-siness génère de profonds conflits d'inté-rêts. Pour Carlos Lopes, professeur d'éco-nomie à l'université du Cap et ancien chefde la Commission économique des Na-tions unies pour l'Afrique, l'intégrité desdonnées n'est pas le seul problème. Inter-

rogé par le Wall Street Journal,il explique comment l'accentmis par les investisseurs mon-d i a u x s u r l ' i n d i c e d e l aBanque mondiale a encouragéles pays à donner « la prioritéà la création d'environne-ments à faible fiscalité et à fai-ble réglementation, parfois audétriment de considérationsmacroéconomiques». «Celafait entrer les pays dans unesorte de nivellement par le bascontre l'espoir qu'ils seront ré-compensés par plus d'IDEalors qu'en fait ce qui comptele plus pour les investisseursest la stabilité, la prévisibilitéet la clarté de la réglementa-tion», a-t-il ajouté.

Sur le continent, le dernierrapport, publié l'année der-nière, classait le Togo et le Ni-geria parmi les 10 pays quiavaient le plus progressé et re-présentaient «un cinquièmede toutes les réformes enregis-trées dans le monde». Aucunrapport n'indique que lesscores de l'un ou l'autre paysaient été falsifiés. Dans le rap-port, seules deux économiessubsahariennes, Maurice et leRwanda, se classaient parmiles 50 premières. n

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Commerce et économie

Diplomat Investissement septembre-octobre 2020 33

Comment juguler la pandémie de COVID-19 etrelancer en même temps l'économie ?__________________Mari Elka Pangestu*

La pandémie de coronavirus (COVID-19) est la crise mondiale la plusaiguë de notre époque ; elle expose

les faiblesses structurelles et exacerbe lesinégalités. Alors que les pays doivent faireface aux conséquences de la pandémie, lesresponsables politiques cherchent des so-lutions efficaces et équilibrées pour répon-dre à la fois aux enjeux de santé publiqueet aux besoins de la relance économique. Quelles sont les approches qui ont portéleurs fruits dans certains pays et commentd'autres pourraient-ils s’en inspirer ?

Pour le savoir, nous avons organiséune rencontre avec des responsables pu-blics d'Afrique du Sud, de Colombie, duGhana, du Viet Nam et de Vénétie (Italie).L’objectif : tirer des leçons de leur expé-rience dans la conception, la promotion etla mise en œuvre de stratégies destinées àatténuer la crise de santé publique tout enposant les bases de la reprise économique.Peter Piot et Carmen Reinhart, expertsmondiaux en santé et en économie, ontpartagé leurs points de vue sur l'équilibrecomplexe mais nécessaire entre santé pu-blique et besoins économiques. La discus-sion a montré que les pays et les parte-naires de développement continuentd'apprendre tout en mettant en œuvre desmesures d'atténuation des risques.Quelques points importants se sont déga-gés de la conversation :• Il est crucial d'agir rapidement et avecvigueur. Les interventions réussies face àla pandémie ont en commun une actionprécoce et une stratégie de test à grandeéchelle, de recherche des contacts et d’iso-lement physique des malades, doubléesd’une capacité à s'adapter avec souplesseà une situation en évolution rapide.• Les autorités doivent instaurer laconfiance et communiquer en toute honnê-teté. Il faut pour cela faire preuve d’ouver-ture et collaborer avec les partenaires et lespopulations afin d’aider les individus àfaire face à la pandémie et à prendre lesprécautions qui s'imposent.• La crise offre l'occasion d'améliorer laqualité et l’accès aux services essentiels,non seulement en matière de soins mais

aussi dans le champ de la protection so-ciale, avec par exemple le développementdes paiements numériques pour atteindreles populations vulnérables qui travaillentdans l'économie informelle ou ne dispo-sent pas de compte bancaire. Nous n'ensommes encore qu'aux débuts de cettepandémie, ont souligné les intervenants,en mettant l’accent sur la nécessité d’uneréponse fondée sur une coordination etune coopération étroites tant au sein despays qu'entre eux, et sur l’utilisation detoute la palette d'outils disponibles et desolutions possibles.

Plusieurs raisons ont contraint le VietNam à agir rapidement et à mobiliser leshabitants face à la menace épidémique :des ressources sanitaires limitées, une po-pulation nombreuse et une forte densitéurbaine, ainsi que la circulation du virusdans les pays frontaliers. Selon le Dr DangQuang Tan, du ministère vietnamien de laSanté, la stratégie nationale a reposé surun dépistage rigoureux aux points d'en-trée, une pratique massive de test et de re-cherche des contacts et une politique demise en quarantaine. Les autorités ontcommuniqué par le biais de divers médiaset travaillé localement avec les popula-tions pour lutter contre le virus. L’ensem-ble de ces mesures sont le fruit de l'expé-

rience acquise avec de précédentes épidé-mies, notamment le SRAS et la grippeH1N1. À ce jour, l'impact sanitaire de CO-VID-19 est relativement faible au VietNam, et l'activité économique est large-ment revenue à la normale.

Certes plus riche, l’Italie est aussi unpays âgé, ce qui l'a rendu plus vulnérableau coronavirus. Elle est dotée d'un sys-tème de santé décentralisé et avait étémoins touchée par d'autres épidémies ré-centes. La Vénétie s'en est mieux sortie quede nombreuses autres régions du nord dupays. Le Dr Andrea Crisanti, conseiller ré-gional, a détaillé les mesures prises sanstarder :tests précoces, recherche descontacts, isolement et surveillance pour ef-fectuer un suivi de la propagation, en par-ticulier parmi les travailleurs essentiels, lespersonnes âgées et d'autres groupes vulné-rables, et confinement rapide de la ville oùa été détecté le premier foyer infectieux.Cette stratégie a permis d'éviter que leshôpitaux ne soient débordés ou ne devien-nent des foyers de transmission.

La Vénétie innove également en aidantles entreprises à dépister leurs salariésgrâce à l'intelligence artificielle afin d’éva-luer leur profil de risque en fonction dunombre de contacts et de leur mobilité, desorte qu'elles puissent tester plus réguliè-rement les personnes présentant un risqueplus élevé.

Le Ghana a réagi rapidement à la pan-démie en fermant les aéroports, en dé-ployant des agents de santé communau-taires pour tester et rechercher les contacts,et en isolant les cas positifs, tout en aug-mentant la capacité de production localed’équipements de protection individuelleet d'autres fournitures médicales. Unconfinement a été décrété dans les deuxplus grandes villes du pays, a expliqué leDr Anthony Nsiah-Asare, conseiller duprésident de la République, et la transmis-sion du virus a pu être ralentie grâce à lapromotion des gestes barrières : lavage desmains, distanciation physique et port dumasque. «Nous savons comment faire re-vivre l’économie, pas les morts», a déclaréle président ghanéen, en se faisant lui-même le porte-voix des messages de pré-vention. Ces efforts, qui reposent sur des

Mari Elka Pangestu, Directrice générale de laBanque mondiale pour les politiques de développe-

ment et les partenariats

Banque mondiale

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systèmes solides, ont freiné la propagationdu virus et permis à certains secteurs del'économie de rouvrir prudemment, touten apportant un soutien aux activités qui,à l’instar du tourisme, n'ont pas encore re-pris.

L'Afrique du Sud a pour sa part im-posé un confinement et fait appel à desagents de santé communautaires pour ef-fectuer des tests, en s'appuyant sur l'expé-rience acquise dans la lutte contre le VIHet la tuberculose. Trudi Makhaya, conseil-lère économique du président sud-afri-cain, a évoqué les difficultés à obtenir suf-fisamment de kits de dépistage, à gérer lesrisques dans les transports publics et àmaîtriser rapidement les foyers d’infec-tion. La crise exacerbant les inégalités,l'Afrique du Sud s'est concentrée sur ladistribution de fonds d'aide sociale pouratteindre une plus grande proportion de lapopulation et, surtout, pour éviter que lesindividus ne sombrent encore plus dans lapauvreté . Le pays a échelonné les jours deversement des aides afin d’éviter la

congestion dans les points de paiement oules zones commerciales. Les autorités sou-tiennent par ailleurs le secteur des travauxpublics dans le but de créer des emplois. Àl'avenir, l'objectif sera de combler les défi-cits budgétaires, tout en s'orientant versune économie plus verte et une plusgrande intégration régionale pour soutenirle redressement économique.

La Colombie a également été confron-tée à des capacités de test insuffisantes,ainsi qu’à la difficulté d'atteindre et d'aiderles 50 % de sa population qui travaillentdans l'économie informelle. Pour LuisGuillermo Plata Páez, qui a dirigé les ef-forts nationaux de lutte contre la pandé-mie, il n'y a pas à choisir entre sauver desvies et sauver l'économie : les deux sontnécessaires, et le renforcement du dépis-tage peut accélérer la réouverture de l'éco-nomie. Les autorités ont travaillé en étroitecollaboration avec le secteur privé, ce quia conduit des dizaines d'entreprises à setourner vers la fabrication d'équipementsde protection individuelle et de respira-

teurs. La crise a également accéléré le re-cours aaux nouvelles technologies et la nu-mérisation, ouvrant la voie à un avenirplus prospère pour tous les Colombiens.

Le message est clair : aux yeux des res-ponsables politiques, santé publique et re-prise économique sont étroitement liées. Etparce qu’ils maîtrisent mieux les solutionsen mesure d’atténuer au maximum l’im-pact sanitaire et économique de la pandé-mie, les pays seront désormais mieux ar-més pour faire face à une nouvelle vague.Comme l'a résumé le modérateur MartinWolf, «nous sommes entrés [dans la pan-démie] ensemble et nous en sortirons en-semble. La plupart des pays auront du malà se rétablir complètement si le monde en-tier ne guérit pas». Nous en sommes pro-fondément convaincus. n(*) Mari Elka Pangestu, Directrice générale de laBanque mondiale pour les politiques de développe-ment et les partenariats.

Le métal rouge, thermomètre de l’écono-mie mondiale, se négocie aujourd’hui à

plus de 6 500 dollars la tonne, soit un rebondd’environ 50 % par rapport à mars, observe

Laurence Girard, journaliste au «Monde».Matières premières. Un retour en fanfare…Le cours du cuivre bénéficie, depuis avril, dusouffle chaud de la spéculation. Il se négocieaujourd’hui à plus de 6 500 dollars (5 700 eu-ros) la tonne, soit un rebond de près de 50 %comparé à son trou d’air de mars. Il dépassemême son niveau de début d’année. Le cui-vre, métal brûlant… Pourtant, la vente à lacriée du London Metal Exchange (LME) esttoujours muette. Le « Ring », cette institutionlondonienne où les opérateurs donnent de lavoix pour négocier aluminium, cuivre ou co-balt, et dont l’activité n’avait jamais été inter-rompue depuis la seconde guerre mondiale,a mis la sourdine, lundi 23 mars. La crise liée

au Covid-19 a contraint les vendeurs à neplus s’époumoner et à basculer vers destransactions entièrement numérisées. Et si, le4 juillet, les Britanniques ont retrouvé le che-min des pubs, la vente à la criée du LME,elle, n’est toujours pas déconfinée.

Il n’empêche. Même mezza voce, lesacheteurs se sont fait entendre et le cours ducuivre a été regonflé. Or, le métal rouge estconsidéré comme un thermomètre de l’éco-nomie mondiale, du fait de ses multiplesusages industriels, du bâtiment à laconstruction automobile. Est-ce à dire que lacrise due au coronavirus est passée sans lais-ser de trace dans les entreprises ? Que lepouls de l’économie bat sans baisse de ré-gime ? Une telle extrapolation serait exces-sive, voire aurait valeur de vœu pieu.

Les mines contraintes de tourner au ralentiEn fait, les spéculateurs ont misé moins surune demande en forte croissance du métalrouge – même si la Chine a remis en marcheses usines avec un temps d’avance et reprisses emplettes de métaux à un rythme sou-tenu – que sur une baisse de l’offre. La dif-fusion du virus en Amérique du Sud, en par-ticulier au Chili, dont les sous-sols livrent unquart des ressources mondiales de ce mine-rai, a fait surgir des craintes. n

«Le cuivre, métal brûlant chauffé par laspéculation»

"Baisse sans précèdent" duPIB de la zone OCDE de-9,8% au 2e trimestre 2020Suite aux mesures de confinement liées au CO-VID-19 dans le monde depuis mars, le produitintérieur brut (PIB) réel dans la zone de l'Orga-nisation de coopération et de développementéconomiques (OCDE) a accusé "une baisse sansprécédent" de -9,8% au deuxième trimestre de2020. "Il s'agit de la plus forte baisse jamais en-registrée pour la zone OCDE, nettement supé-rieure aux -2,3% enregistrés au premier trimes-tre de 2009, au plus fort de la crise financière",a indiqué l'OCDE.

Parmi les sept principales économies de lazone, le PIB a chuté de façon spectaculaire auRoyaume-Uni avec -20,4%. En France, le PIB areculé de -13,8% après une baisse de -5,9% autrimestre précédent. Le PIB a également forte-ment baissé en Italie, au Canada et en Alle-magne au deuxième trimestre avec -12,4%, -12,0% et -9,7% . Aux États-Unis, où denombreux États ont introduit des mesures de"maintien au foyer" à la fin mars, le PIB s'est lé-gèrement moins contracté avec -9,5% contre -1,3% au trimestre précédent. Au Japon, où lesmesures de confinement ont été moins strictes,le PIB s'est contracté de -7,8 % au deuxième tri-mestre de 2020 contre -0,6 % au trimestre précé-dent. Dans la zone euro et dans l'Union euro-péenne, le PIB a reculé de -12,1% et -11,7%respectivement, contre des baisses de -3,6% et -3,2% au trimestre précédent. Parmi les septprincipales économies de la zone, les États-Unisont enregistré une croissance annuelle de -9,5%tandis que le Royaume-Uni a enregistré la plusforte baisse annuelle avec -21,7%. n

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Reportage

Diplomat Investissement septembre-octobre 2020 35

_______________________Richard Martin*

Si tous s’entendent que l’Afrique a desbesoins énormes pour assurer son dé-veloppement, il appert évident que

les plus grands manques sont les capitaux,la compétence et, pour couronner le tout,le leadership stratégique et opérationnel.Deux entreprises canadiennes basées àMontréal au Québec s’unissent pour offrirdes services de très haut niveau dans cestrois domaines névralgiques.

Aux besoins généralisés du continent,s’ajoutent d’énormes occasions d’affairesrésultant des grands projets d’investisse-ment, qu’ils soient privés, publics, ou dif-férentes combinaisons des deux. Considé-rons à titre d’exemple le méga projet duGrand Inga en République Démocratiquedu Congo. La prochaine phase de dévelop-pement de cette gigantesque ressource hy-draulique au potentiel ultime de 44 000MW nécessitera des investissements d’aumoins 15 milliards USD sur 5 ou 6 anspour créer un haut barrage générant plusde 11 050 MW ! Pour ce faire, les maîtresd’œuvre devront assurer un pourcentageélevé de sous-traitance locale afin de res-pecter les lois de la RDC.

Ainsi, des entreprises congolaises au-ront la chance de se prouver afin de rece-voir des mandats de sous-traitance. Nouspouvons donc envisager des occasionsdans les domaines du transport et de la lo-gistique, de l’approvisionnement, du gé-nie, des communications, du recrutement,de financement, de services bancaires etjuridiques de tous genres et de services en-vironnementaux. Mais pour exploiter cettemanne, les entreprises congolaises doiventêtre aussi performantes que leurs pen-dants internationaux. Elles devront se qua-

lifier selon les normes internationales enmatière de qualité, d’environnement, desanté et sécurité au travail, de gestion derisque, et bien d’autres. Les occasions se-ront là, mais est-ce que les entreprisescongolaises – si l’on parle du Grand Inga –et Africaines seront au rendez-vous. Voilàl’importance des services offertes par lesdeux entreprises canadiennes qui mettentleur expertise et leur modèles d’affairesparticuliers à la dispositions des décideursdu continent de l’avenir qu’est l’Afrique.

Les Entreprises Biashara Global inc.,fondée par Richard Martin et Jean TeleUdimba, a comme mission de mettre en re-lation les investisseurs et sociétés cher-chant des opportunités en Afrique avec lesentreprises, entrepreneurs, promoteurs etmaîtres d’œuvre cherchant des partenairesd’affaires ou des investisseurs, prêts àfournir des capitaux de toutes les enver-gures pour le développement de projetsd’affaires et d’investissement. Nous y re-viendrons plus loin dans ce reportage. n

IBEX 54 & CANLEADDeux entreprises canadiennes au service de l'enrichissement de l'AfriqueAvec un marché combiné de plus de 1,2 milliard de personnes et un PIB de 2,5 billions de dollars, la Zone de libre-échangecontinentale africaine (ZLECAf) pourrait faire de l’Afrique la plus grande zone de libre-échange au monde. En effet, s'il estpleinement mis en œuvre, cet accord commercial pourrait accroître le revenu régional de 7 %, soit de 450 milliards de dollars,accélérer l'augmentation de la rémunération des femmes et sortir 30 millions de personnes de l'extrême pauvreté d'ici 2035.Dans ce contexte, IBEX54 est une plateforme qui présente un guichet unique pour accéder à un continent d’opportunités etqui vise donc à être un « Marché mondial d’investissements et d’affaires d’Afrique ». Cette plateforme pourrait devenir un ou-til indispensable au cœur du développement économique de l’Afrique. De l'autre côté, CANLEAD sera mis à la dispositiondes dirigeants et cadres des secteurs privés et publics en Afrique pour l’expertise et le renforcement des capacités en matièrede développement du leadership et du capital humain dans le but d’aider à mieux rencontrer les défis du développement éco-nomique, de la modernisation, de la mondialisation, de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption en Afrique.

Richard Martin, président-directeur général, IBEX54 et CANLEAD

SEM André Panzo et M.Y Zhang, President de Saltt Group lors d’un séminaireorganisé par CANLEAD

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Reportage

Pour sa part, l’Académie canadiennede leadership et développement ducapital humain inc., (Académie

CANLEAD – www.canlead.org) a commemission de mettre à la disposition des di-

rigeants et cadres des secteurs privés etpublics en Afrique l’expertise canadienneen matière de développement du leader-ship et du capital humain dans le butd’aider à mieux rencontrer les défis du dé-veloppement économique, de la moderni-sation, de la mondialisation, de la bonnegouvernance et de la lutte contre la corrup-tion.

Les lecteurs du Magazine Diplomat in-vestissement connaissent déjà très bienl’Académie CANLEAD, car cette entre-prise a fait l’objet de nombreux reportagesdans ce magazine depuis le début 2018.CANLEAD consacre met les efforts princi-palement sur le développement et le per-fectionnement professionnel des diri-geants et cadres supérieurs de nombreuxgouvernements africains, notamment enRépublique Démocratique du Congo, enRépublique Gabonaise, en Côte d’Ivoire,en Guinée et en Angola. L’offre de CAN-LEAD pour les clients gouvernement seconcentre dans la formation en leadershipstratégique et opérationnel, en gestion et

planification étatique, en lutte contre lacorruption et en gestion des programmeset grands projets d’investissement.L’expertise de CANLEAD dans le secteurétatique provient de la qualité et de

l’expérience de cesexperts-formateurs.En effet, ceux-ci sontt o u s d e s l e a d e r schevronnés ayantfait leurs preuves du-rant des carr ièresdistingués en tantque députés, minis-t res , cadres supé-rieurs desfonctionspubliques internatio-

nale, fédérale, provinciales ou munici-pales. CANLEAD compte parmi ses colla-borateurs d’anciens juges, d’anciensofficiers militaires, des policiers à la re-traite et des cadres supérieurs

retraités de la fonction publique et de so-ciétés d’État. Ces experts ont tous l’expé-rience terrain pour diriger des séminairesde grande qualité, répondre aux questionsles plus pointues et formuler des exemples

Académie CANLEAD – Le triangle Leadership-Net-working-Business

Plusieurs dizaines de diplomates, investisseurs, entrepreneurs, cadres et professeurs lorsd’un séminaire du CANALEAD

Le Consul général Honneur de la République de Côted’Ivoire à Montréal, M. André Vannérum félicite etremet le certificat de qualification à M. Bertin Koffi

pour avoir non seulement complété avec succès lecursus du séminaire mais également d’être le premier

africain à recevoir cet honneur de l’Académie.

Page 37: KAMALA INVESTISSEMENT HARRIS

Reportage

et études de cas basés sur la réalitéconcrète de la clientèle. Ce sont des profes-sionnels de très haut niveau qui aident lescadres et leaders africains qui veulent seperfectionner et atteindre les sommets deleur profession.

Cela dit, CANLEAD n’est pas en restepour ce qui concerne l’expertise pertinenteaux entreprises privées. CANLEAD necherche pas à reprendre ce qui est déjà en-seigné dans les grandes écoles de stratégieet de management des affaires. CAN-LEAD concentre plutôt son expertise dansles domaines où les besoins immédiats deséconomies et entreprises africaines sont lesplus criants.

Nous parlons ici de leadership straté-gique des entreprises, d’équipes de venteset de développement d’affaires, desgrands projets d’investissement, durisque, de la logistique et de la sous-trai-tance. Ainsi, les experts-formateurs del’Académie CANLEAD sont tous des en-trepreneurs ou cadres d’entreprises ayantréussi dans le libre marché canadien ou in-ternational. Ils connaissent les principes et

les techniques nécessaires pour réussir enaffaires partout au monde. Par contre, ilsont aussi l’expérience et les connaissancespour préparer les participants aux sémi-naires pour les dures réalités de la concur-rence et les écueils qui peuvent faire obs-tacle au succès commercial.

Que ce soit pour le secteur public ouprivé, la vision de CANLEAD – et ce quila distingue – c’est la particularité de com-biner non seulement le développement ducapital humain pour atteindre son pleinpotentiel, surtout en ce qui concerne le lea-dership, mais bien plus la possibilité d’en-treprendre le réseautage (networking) afinde découvrir et générer des opportunitésd’affaires. Le diagramme qui suit illustre leconcept unique de CANLEAD, intégrantformation au leadership, réseautage et oc-casions d’affaires.

CANLEAD offre la possibilité de sui-vre des séminaires soit en Afrique ou auCanada. Les séminaires au Canada intè-grent la formation avec le networking etles rencontres ciblées. Par ciblé, il estentendu qu’il s’agit de rencontrer et

d’échanger avec des entreprises, entrepre-neurs et investisseurs canadiens intéresséset motivés à trouver des partenaires afri-cains ou à investir leur capital et savoir-faire dans des pays africains. CANLEADpeut aussi incorporer des visites terrain se-lon les objectifs et besoins précis desclients. Il va sans dire que ces séminairesau Canada, intégrant formation au leader-ship, réseautage, rencontres ciblées et vi-sites terrains sont de très haut niveau et neconcernent que des clients hautement mo-tivés et prêts à mettre le temps et les res-sources nécessaires pour venir au Canada.

Cela dit, CANLEAD possède des ac-tivités en Afrique. Ainsi, l’Académie offrela possibilité de suivre des séminairespour dirigeants et cadres des secteurs pu-blics et privés en Afrique, soit en personne,avec le déplacement des experts versl’Afrique, ou en exploitant les technologiesde pointe sous-tendant la formation à dis-tance.

Cette option de formation à distance afait ses preuves en Amérique du Nord eten Europe. Avec la crise sanitaire du CO-VID-19 et ses confinements et restrictionsaux déplacements, ce sont les technologiesde rencontres et de formation virtuellesqui ont permis aux écoles supérieures, auxgouvernements et aux entreprises à main-tenir des opérations malgré le confinementet les restrictions.

En somme, le virtuel c’est la façond’exploiter la révolution des télécommuni-cations pour le plus grand bienfait des po-pulations. Le diagramme qui suit illustreles trois niveaux d’interaction possibles. Ilest indiqué en plus la possibilité d’obtenirle soutien des experts de CANLEAD sousforme de services-conseil en personneainsi que le coaching de cadre personna-lisé à distance sur une période prolongée.n

Jean Tele Udimba (C), vice-président exécutif de l’Académie échange avec les participants lors d’unséminaire organisé par CANLEAD

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Reportage

38 septembre-octobre 2020 Diplomat Investissement

Les Entreprises Biashara Global inc. – Une plateformepour l’investissement et les échanges d’affaires

Comme l’indique le message en têtede la page d’accueil de son site,www.ibex54.com, la société Bias-

hara présente un guichet unique pour ac-céder à un continent d’opportunités ! Etcela, autant pour les entreprises et investis-seurs étrangers que les entrepreneurs, so-ciétés et investisseurs africains.

Biashara signifie « business » ou « com-merce » en swahili. Comme mentionnédans l’introduction, l’Afrique a besoin deleadership, de compétences et de capitaux.Le site ibex54.com vise donc à être un«Marché mondial d’investissements etd’affaires d’Afrique». En effet, le sigle«ibex54» vient de l’anglais, «Investmentand Business Exchange Africa» où 54 signi-fie les 54 pays du continent africain.Il vasans dire que pour attirer les investisseursavec leurs capitaux et leur savoir-faire, ilfaut que ces derniers sachent ce qui est pos-sible et disponible comme opportunitésd’affaires. Le problème est que les occa-sions d’investissement et de partenariatsd’affaires sont trop souvent des « secrets

trop bien gardés ». Les grands projets sontconnus de tous, car ils font l’objet d’articles

et de reportages dans les médias, d’appelsd’offres, de missions de prospection depart et d’autre. Hélas, ce n’est pas le caspour la majorité des opportunités et pro-jets.

Comment est-ce que les entrepriseset entrepreneurs africains peuvent accéderaux sources de capitaux et aux opportuni-tés d’affaires de l’étranger ? Trop souvent,ils doivent s’en remettre au réseau deconnaissances déjà existant. Ce qu’il fautplus que tout, c’est une façon de mettre enévidence les projets d’investissement, lesdemandes et offres de partenariat, les of-fres de produits et services, etc. De cette fa-çon, les investisseurs et entreprises, nonseulement internationaux, mais aussi afri-cains, pourront afficher leurs besoins, leurs

projets, leurs offres et demandes. Il y a déjàénormément de capital, de savoir-faire etd’entrepreneurs en Afrique. Ils ne deman-dent que la possibilité d’accéder à toute

cette information, sans quoi le potentiel ducontinent restera inexploité, que ce soit au

IBEx 54

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Reportage

Diplomat Investissement septembre-octobre 2020 39

niveau local, national, sous régional, oucontinental. Par ailleurs, comme il est sou-ligné dans un autre article dans ce numéro,intitulé «Le développement économiqueaccéléré nécessite l’ouverture et la libertééconomique», le développement écono-mique dépend directement des capitaux etdu savoir-faire de l’étranger. Le potentieléconomique de l’Afrique ne se transfor-mera jamais en richesse et en prospérité gé-néralisées sans cet apport vital de l’étran-ger. Les capitaux sont là, mais il faut mettreen valeur les occasions d’affaires du conti-nent, tant privées que publiques, pourqu’ils puissent démontrer leur intérêt.

Biashara Global inc. envisage donc lesite ibex54.com comme une plaque tour-nante vitale pour le développement écono-mique , f inancier e t commerc ia l del’Afrique. Le diagramme qui suit présentela page d’accueil du site ibex54.com. La lec-ture des cases donne une idée de l’enver-gure de ce que pourra contenir la base dedonnées qui en sera le moteur. Un nombreénorme d’entreprises, de gouvernements,d’investisseurs, d’entrepreneurs, de maî-tres d’œuvre et de projets de tous genres etde toutes envergures y seront répertoriés,classés et catégorisés. Moyennant des fraisd’accès ou d’abonnement, les entreprises,donneurs d’ordre, investisseurs, financierset autres pourront consulter la base de don-ner afin, par exemple, voir et téléchargerdes documents de projets, tels que termesde références, plans d’affaires, offres de ca-pital de risque, ou appels d’offres. Voyons

comment cela fonctionnera en reprenantl’exemple du méga projet du Grand Ingaen RDC. Les maîtres d’œuvres étrangersdevront trouver des fournisseurs et sous-traitants congolais. Grâce à la plateformeibex54.com de Biashara, ils pourront y met-tre leurs appels d’offres avec tous les docu-ments de spécification.

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En même temps, les entreprises et or-ganisations africaines doivent reconnaîtrequ’ils doivent être compétentes et perfor-mantes pour se qualifier pour les marchésinternationaux et la sous-traitance aux par-tenaires et investisseurs internationaux.Les sociétés Académie canadienne de lea-dership et développement du capital hu-main inc. – CANLEAD – et les EntreprisesBiashara Global inc. – avec sa plateformeibex54.com – se tiennent prêts à servir tousles partenaires qui veulent brasser des af-faires en Afrique tout en propulsant leurleadership, leurs compétences et leur po-tentiel d’enrichissement pour les années àvenir. n

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KAMALA HARRISEntrée dans l'histoire en acceptant la nomination du partidémocrate pour la vice-présidence des États-Unis, devenant lapremière femme noire se présentant sur le ticket présidentield'un des deux grands partis politiques américains.

Son nom ne vous dit peut-êtrerien, mais c'est tout un symboleaux États-Unis. Kamala Harris,fille d’un professeur d’économiejamaïcain et d'une oncologiste in-

dienne, a été choisie comme colistière parJoe Biden, le candidat démocrate à la Mai-son-Blanche. À 55 ans, la sénatrice de Ca-lifornie pourrait devenir la toute premièrefemme vice-présidente des États-Unis. Unchoix très symbolique donc, mais aussi po-litique, puisqu'il permet à Joe Biden des'engager sur le boulevard de la victoire,selon Jean-Éric Branaa, spécialiste desÉtats-Unis et maître de conférences à l'uni-versité Assas-Paris II."Ticket gagnant""Il s’agit forcément un ticket gagnant. Do-nald Trump n’a pas compris, ni vu venir ladimension symbolique de ce ralliementqui va transcender la candidature de JoeBiden", assure l’universitaire au microd’Europe 1. "On dit que Joe Biden est unhomme sans charisme. En réalité, c’est unhomme qui aime rester dans l’ombre. Dés-ormais, il a à ses côtés une femme charis-matique, avec un poids symbolique",pointe Jean-Éric Branaa. "La légende Ka-mala Harris va se construire et boostercette candidature, pour la porter jusqu'au3 novembre."

Pour le spécialiste, la décision de JoeBiden de faire de Kamala Harris sa colis-tière revêt une véritable dimension histo-rique, sans atteindre toutefois à celle del’élection de Barack Obama en 2008, pre-mier Afro-Américain à occuper la Maison-Blanche. "Désormais, les minorités, qu’ils’agisse des Afro-Américains ou des Asia-tiques, mais également les Hispaniques,vont se sentir transcender, vont voir qu’ilsparticipent au rêve américain, et qu’ilspeuvent eux-aussi devenir un jour vice-président ou président des États-Unis",

Jacques Picali

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souligne Jean-Éric Branaa. "C’est un vraichangement dans le roman national",conclut-il. Joe Biden a choisi la sénatriceKamala Harris pour défier avec lui DonaldTrump le 3 novembre À 55 ans, la sénatricede Californie est aussi la première per-sonne d’origine indienne à briguer la vice-présidence des États-Unis. «En route pourla victoire», a tweeté Joe Biden, 77 ans,dans la soirée, après une avalanche deréactions positives chez les grands nomsdémocrates mais aussi les sportifs, avecLeBron James, ou les célébrités commeTaylor Swift. L’ex-procureure s’est dite «honorée » de cette décision, qui donne uncoup de fouet à une campagne largementparalysée par la pandémie de COVID-19. Joe Biden et Kamala Harris s’exprimerontensemble mercredi après-midi à Wilming-ton, dans l’État du Delaware, où vit le can-didat démocrate.Donald Trump a vite donné le ton deséchanges à venir.«Joe le mou et Kamala l’imposture, faitspour être ensemble, mauvais pour l’Amé-rique», dénonce une vidéo tweetée par leprésident américain. En conférence depresse, il s’est dit «surpris» par cette déci-sion, en taclant la nouvelle colistière pourses performances « médiocres » à la pri-maire démocrate.

«Elle a eu de très mauvais résultatsaux primaires. Et ça, c’est comme un son-dage», a ajouté le président républicain.Malgré des débuts en fanfare, KamalaHarris avait jeté l’éponge dès décembredans la course à l’investiture présiden-tielle, avant même le premier scrutin, fautede bons résultats et de moyens, puis s’étaitralliée derrière Joe Biden en mars.«Rassembleur»«J’ai l’immense honneur d’annoncer quej’ai choisi Kamala Harris, combattante dé-vouée à la défense courageuse des classespopulaires et l’une des plus grands servi-teurs de l’État, comme ma colistière» :C’est par ce tweet que Joe Biden, ancienvice-président de Barack Obama, a finale-ment dévoilé le secret après des jours desuspense. « Lorsque Kamala était procu-reure générale (de Californie), elle a tra-vaillé en étroite collaboration avec Beau »Biden, son fils décédé d’un cancer en 2015dont il était très proche, a écrit M. Biden. «J’ai observé comment ils ont défié lesgrandes banques, aidé les travailleurs, etprotégé les femmes et enfants face auxmauvais t ra i tements . J ’ é ta i s f i e r àl’époque, et je suis fier désormais de

l’avoir comme partenaire pour cette cam-pagne.» Kamala Harris a réagi en em-ployant l’image de « rassembleur » sur la-quelle fait campagne le candidat à laMaison-Blanche.«Joe Biden peut rassem-bler les Américains car il a passé sa vie àse battre pour nous. Et quand il sera prési-dent, il construira une Amérique à la hau-teur de nos idéaux», a-t-elle tweeté. Fille d’immigrés jamaïcain et indienne,Kamala Harris accumule déjà les titres depionnière. Après deux mandats de procureure à SanFrancisco (2004-2011), elle avait été élue,deux fois, procureure générale de Califor-nie (2011-2017), devenant alors la premièrefemme, mais aussi la première personnenoire, à diriger les services judiciaires del’État le plus peuplé du pays. Puis en jan-vier 2017, elle avait prêté serment au Sénatà Washington, s’inscrivant comme la pre-mière femme originaire d’Asie du Sud etseulement la seconde sénatrice noire dansl’histoire américaine. Mme Harris a aussipassé une partie de sa jeunesse à Montréal,dans les années 1970. Sa mère, spécialiséedans la lutte contre le cancer du sein, a étéprofesseure à l’Université McGill et cher-cheuse à l’Hôpital général juif de Mont-

réal. Les appels pour que Joe Biden choi-sisse une colistière noire se multipliaientdepuis le mouvement de protestation his-torique contre le racisme et les violencespolicières provoqué aux États-Unis par lamort de George Floyd fin mai. Il avait pro-mis dès mars qu’il choisirait une femme. Barack Obama s’est réjoui de cette décision«en plein dans le mille». Elle qui rêvait debriser le plafond de verre en devenant lapremière femme présidente des États-Unis, Hillary Clinton, candidate malheu-reuse en 2016, s’est dite « ravie » de cettevoir ce duo «historique».

À 78 ans en janvier, Joe Biden serait leplus vieux président américain à prendreses fonctions s’il remportait l’élection. Il alaissé entendre qu’il ne ferait qu’un man-dat et sa vice-présidente devrait donc ap-paraître en dauphine désignée pour l’élec-tion de 2024, voire être appelée à leremplacer en cas de grave souci de santé,ou de décès. Si elle est proche du candi-dat, qu’elle appelle «Joe» en public, Ka-mala Harris avait surpris en l’attaquantavec virulence lors de leur premier débatdémocrate, en 2019. Et certains électeursprogressistes lui reprochent son passé deprocureure à la réputation dure envers les

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minorités. Mais son expérience de procu-reure lui avait aussi valu les applaudisse-ments des démocrates, et les critiques desrépublicains, lors de son interrogatoire cin-glant du candidat controversé à la Coursuprême Brett Kavanaugh en 2018. DonaldTrump l’a redit jeudi : elle fut selon lui «laplus méchante, la plus horrible, la plusméprisante de tout le Sénat américain».Maintes fois pionnière, Kamala Harris serêve en première vice-présidente noireForte d’un parcours brillant, digne dumeilleur rêve américain malgré des chapi-tres controversés, la sénatrice de 55 ans quirêvait de devenir la première présidentenoire des États-Unis tentera finalement ennovembre, à ses côtés, de devenir la pre-mière femme vice-présidente.

Mais avec toujours, sans doute, un œilsur la présidentielle de 2024 et l’espoir debriser, alors, l’ultime plafond de verre.

«Ma mère me disait souvent : Kamala,tu seras peut-être la première à accomplirde nombreuses choses. Assure-toi de nepas être la dernière», aimait à répéter Ka-mala Harris lors de sa campagne malheu-reuse pour l’investiture démocrate. Depuisles débuts de sa carrière, cette fille d’unpère jamaïcain et d’une mère indienne ac-cumule les titres de pionnière. Après deuxmandats de procureure à San Francisco(2004-2011), elle avait été élue, deux fois,procureure générale de Californie (2011-2017), devenant alors la première femme,mais aussi la première personne noire, à

diriger les services judiciaires de l’État leplus peuplé du pays. Puis en janvier 2017,elle avait prêté serment au Sénat à Wash-ington, s’inscrivant comme la premièrefemme originaire d’Asie du Sud et seule-ment la deuxième sénatrice noire dansl’histoire américaine.SexismeKamala Harris connaît bien le candidat dé-mocrate à la Maison-Blanche, qu’elle ap-

pelle parfois simplement «Joe » en public,car elle était proche de son fils Beau Biden,décédé d’un cancer en 2015. Mais elleavait surpris en l’attaquant avec virulencelors du premier débat démocrate, en 2019,sur ses positions passées concernant lespolitiques de déségrégation raciale dansles années 1970. En racontant comment,petite fille, elle était dans l’un des bus ame-nant les écoliers noirs dans les quartiersblancs, elle avait ému, et bondi dans lessondages. Mais malgré des débuts de cam-pagne en fanfare, elle était vite retombée,peinant à définir clairement sa candida-ture. Après avoir finalement abandonné laprimaire avant les premiers votes, KamalaHarris s’était ralliée à Joe Biden en mars. Certains alliés de l’ancien vice-présidentne lui avaient pas pardonné de ne pasavoir montré de «remords» après ses cri-tiques lors du débat, et avaient mis engarde le vieux lion de la politique contreune colistière trop «ambitieuse». De quoi faire bondir les soutiens de Ka-mala Harris, qui ont crié au sexisme. Forte d’expériences dans les branches lé-gislative, judiciaire et exécutive du pou-voir, et d’une personnalité mêlant éclats derire communicatif et interrogatoires serrésd’ex-procureure, elle a finalement vaincuces doutes. Reste à voir si elle parviendradésormais à mobiliser cet électorat poten-tiellement clé pour entrer, aux côtés de JoeBiden, à la Maison-Blanche.

Joe Biden et Kamala Harris promettent de «reconstruire» l'Amérique post-Trump

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Présidentielle US : Joe Biden choisit Ka-mala Harris pour l'aider à gagnerLe candidat démocrate a choisi KamalaHarris comme colistière pour défier aveclui Donald Trump lors de l'élection prési-dentielle le 3 novembre 2020. La sénatricede Californie pourrait ainsi devenir la pre-mière vice-présidente en cas de victoire ducandidat démocrate. Joe Biden, le candidatdémocrate à l'élection présidentielle amé-ricaine de novembre, a choisi mardicomme colistière la sénatrice Kamala Har-ris, étoile montante du parti et détractricede la politique migratoire du président ré-publicain Donald Trump, lequel a qualifiéHarris d'"irrespectueuse".

Alors que des manifestations contre lesdiscriminations raciales secouent les Etats-Unis depuis des mois, Joe Biden faisaitface à une pression accrue pour choisir unefemme de couleur comme "binôme". Enchoisissant Kamala Harris, 55 ans, pre-mière femme noire à avoir été élue séna-trice de Californie, il a trouvé une politi-cienne expérimentée et déjà rompue auxjoutes de la campagne électorale. Harriss'était présentée aux primaires démocratesavant de jeter l'éponge et d'apporter sonsoutien à Biden, 77 ans, ancien vice-prési-dent de Barack Obama.

S'exprimant sur Twitter, Joe Biden a dé-crit sa colistière comme une "combattanteintrépide" et "l'une des meilleurs servi-teurs publics du pays". Harris a tweeté

pour sa part que Biden pouvait "unifier lepeuple américain parce qu'il a passé sa vieà se battre pour nous". Le duo doit pren-dre part mercredi à un événement à Wil-mington, dans le Delaware, ville natale deBiden, a fait savoir son équipe de cam-pagne. Barack Obama, qui demeure proba-blement la personnalité la plus populairedu Parti démocrate, a fait les louanges deKamala Harris.

"Elle a passé sa carrière à défendre no-tre Constitution et à se battre pour desgens ayant besoin d'un traitement équita-ble", a déclaré sur Twitter l'ancien prési-dent. Les républicains ont immédiatementtenté de décrire Harris comme une "radi-cale" prônant des réformes d'extrêmegauche, dont une refonte totale de la po-lice.

Au cours d'un point de presse à laMaison blanche, Donald Trump a qualifiéKamala Harris de sénatrice "la plus mé-chante, la plus horrible, la plus irrespec-tueuse" et "la plus libérale". Le présidentrépublicain s'est dit surpris du choix deson rival démocrate "parce qu'(Harris) aprobablement été plus vicieuse envers Bi-den que ne l'a été 'Pocahontas' (le surnomque Trump donne à la sénatrice ElizabethWarren, NDLR)" lors des débats des pri-maires démocrates. Joe Biden s'était publi-quement engagé en mars à nommer unefemme comme colistière. Après les mani-festations provoquées à travers le pays par

la mort de George Floyd le 25 mai, il s'estessentiellement entretenu avec des candi-dates de couleur. Biden doit être officielle-ment investi comme candidat du Parti dé-mocrate lors de la convention nationalequi débute lundi, et Harris être confirméecomme sa colistière. Élue pour la premièrefois au Sénat en 2016, Kamala Harris est lafille de parents nés en Jamaïque et en Inde.Elle s'est forgée une image nationale lorsdes audiences houleuses de confirmationde Brett Kavanaugh, choisi par DonaldTrump pour siéger à la Cour suprême.

Les principales réactions au choix deKamala Harris Voici les principales réac-tions aux États-Unis à l'annonce, par lecandidat démocrate à la Maison-BlancheJoe Biden, du choix de la sénatrice noireKamala Harris comme colistière.Donald Trump Le président américain Donald Trumps'est dit «surpris» par la décision de son ri-val Joe Biden de choisir comme colistièrela sénatrice noire Kamala Harris, dont il ajugé les performances «médiocres». Peuaprès l'annonce, il avait publié sur soncompte Twitter une vidéo descendant enflèche la sénatrice.

«Kamala Harris a fait campagne pourdevenir présidente en se précipitant dansles bras de la gauche radicale», commencecette vidéo, qui l'accuse également d'avoirappelé à de nouveaux impôts à hauteur deplusieurs «milliers de milliards». La vidéo,également publiée par l'équipe de cam-pagne du président-candidat, se conclutainsi: «Joe le mou et Kamala l'imposture,faits pour être ensemble, mauvais pourl'Amérique».Barack Obama «Je connais la sénatrice Harris depuislongtemps. Elle est plus que prête pour leposte», a salué le 44e président des États-Unis dans un communiqué. «C'est un beaujour pour notre pays. Maintenant en routepour la victoire.»Bill et Hillary Clinton Kamala Harris «a déjà prouvé qu'elle étaitune incroyable dirigeante et servante de lacause publique», a tweeté Hillary Clinton,candidate malheureuse à la présidenceaméricaine en 2016. «Elle sera une parte-naire forte pour Joe Biden», a-t-elle ajouté,en parlant d'un «ticket démocrate histo-rique». Son mari, l'ancien président BillClinton, a salué un «formidable choix».Mike Pence«Mon message à la candidate démocrate àla vice-présidence: félicitations. Rendez-vous à Salt Lake City», a dit lors d'un dis-

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cours le vice-président actuel, Mike Pence,qui affrontera la sénatrice californiennelors d'un débat télévisé dans cette ville le7 octobre. Bernie Sanders «Félicitations à Kamala Harris, qui feral'histoire en tant que notre prochaine vice-présidente», a écrit son ancien rival lors dela primaire démocrate Bernie Sanders.«Elle sait ce que cela nécessite de s'éleverpour défendre la classe ouvrière, se battrepour un système de santé universel, etmettre fin à l'administration la plus cor-rompue de l'histoire», a-t-ilsalué. «Mettons-nous au tra-vail et gagnons.» Susan Rice «La sénatrice Harris est unedirigeante tenace et nova-trice», a salué l'ex-conseillèreà la sécurité nationale de Ba-rack Obama, qui était égale-ment parmi les favorites pourêtre désignée comme colis-tière.«J'ai confiance que le ticket

Biden-Harris se révélera ga-gnant», a-t-elle déclaré.Le mouvement Time's Up»«C'est seulement la troisièmefois dans l'histoire des États-Unis qu'une femme sera lacandidate désignée par unparti majeur pour être vice-présidente. Nous ne laisse-rons pas les attaques poli-tiques sexistes des médiasdémolir Kamala Harris outoute autre femme candidate»a lancé dans une lettre ouvertele mouvement «Time's Up»,qui lutte contre le harcèlementet les abus sexuels dans l'in-dustrie du divertissement. Megan Rapinoe«#BidenHarris2020 allons-yputain !!!!!!», a applaudi surTwitter la vedette du soccerféminin, qui milite depuis longtemps pourla défense des droits des femmes et desLGBTQ. LeBron James «Félicitations à la sénatrice Kamala Harris,c'est bien mérité!! J'adore voir ça et la sou-tenir», a écrit sur Twitter la vedette du bas-ketball, accompagnant son message d'unémoticône d'un poing noir fermé. Bidenprésente Kamala Harris, la «bonne per-sonne» pour l’aider à «reconstruire lepays»

Joe Biden et Kamala Harris font leur pre-mière apparition publique en tant quecolistiersC’est avec un ton solennel, dans une sallepresque vide à cause de la pandémie, queJoe Biden a présenté officiellement mer-credi sa colistière dans la course à la Mai-son-Blanche, la sénatrice noire KamalaHarris, en promettant de «reconstruire» lesÉtats-Unis s’ils battent Donald Trump ennovembre. «J’avais le choix, mais je n’aiaucun doute d’avoir choisi la bonne per-sonne» pour cette élection «vitale pour ce

pays», a déclaré l’ancien vice-président deBarack Obama, 77 ans, après le long pro-cessus de sélection de sa colistière.

«J’ai hâte de travailler avec elles toutespour reconstruire le pays», a-t-il ajouté.Avec Kamala Harris, Joe Biden fait unchoix déjà historique: cette fille d’immi-grés jamaïcain et indienne est la premièrecolistière noire et d’origine Asie du Sudd’un grand parti. Elle deviendrait la pre-mière femme vice-présidente des États-Unis s’ils remportaient l’élection du 3

novembre. Sous le regard de Kamala Har-ris, qui l’écoutait assise sur une simplechaise sur l’estrade, Joe Biden a alors évo-qué les «petites filles», notamment «les pe-tites filles de couleur qui se sentent si sou-vent oubliées et sous-estimées». Mais«aujourd’hui, peut-être, elles se voient dif-féremment pour la première fois: avecl’étoffe d’un président ou d’un vice-prési-dent», a-t-il déclaré devant plusieurs dra-peaux américains. Puis l’ex-procureure apris la parole avec un ton tout aussi sé-rieux, dans un discours pourtant entre-

coupé de sourire lorsqu’ils ontévoqué leurs familles et la mé-moire du fils du candidat,Beau Biden, décédé en 2015,qu’e l le connaissa i t b ien .«L’Amérique est en manquecriant d’un dirigeant. Et pour-tant nous avons un présidentqui se préoccupe plus de luique de ceux qui l’ont élu», a-t-elle lancé. «Tout ce qui nousimporte --notre économie, no-tre santé, nos enfants, le genrede pays dans lequel nous vi-vons-- tout ceci est en jeu» le 3novembre, a-t-elle souligné.«Nous sommes en plein exa-men de conscience face au ra-cisme et à l’injustice générali-sée», a ajouté la sénatrice deCalifornie.«Pleurnicheries»L e s a t t a q u e s d e D o n a l dTrump visant Kamala Harrisn’avaient pas tardé : «La plusméchante, la plus horrible, laplus méprisante de tout le Sé-nat américain». Et l’équipeTrump d’épingler «Kamalal’imposture», venue de la«gauche radicale». En retour,Joe Biden a taclé le président,habitué des «pleurnicheries»:«Ça étonne quelqu’un queDonald Trump ait un pro-

blème avec une femme forte, ou lesfemmes fortes en général?» Signe destemps, les candidats et leurs époux sont ar-rivés masqués sur scène, et ont maintenules distances de précaution.

Ils ont dénoncé la gestion par le prési-dent de la pandémie et la profonde criseéconomique qui frappe les États-Unis.«Donald Trump ne cherche qu’à soufflersur les flammes avec ses politiques tiréesd’un discours raciste, et provoque les divi-sions», a poursuivi Joe Biden. Le nouveau

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tandem part avec un avantage: Joe Bidendevance Donald Trump, 74 ans, d’unemarge confortable dans la moyenne dessondages nationaux (+7,3 points de pour-centage selon la moyenne du site Real-ClearPolitics), mais aussi dans plusieursÉtats-clés. Élue deux fois procureure à SanFrancisco (2004-2011) puis à deux reprisesprocureure générale de Californie (2011-2017), Kamala Harris est critiquée par cer-tains progressistes pour avoir eu des posi-tions trop dures à cette époque. Elle fut lapremière femme, mais aussi la premièrepersonne noire, à diriger les services judi-

ciaires de l’État le plus peuplé du pays. Enjanvier 2017, elle avait prêté serment au Sé-nat à Washington, s’inscrivant comme lapremière femme originaire d’Asie du Sud

et seulement la seconde sénatrice noiredans l’histoire américaine. «J’ai été élevéepour agir. Ma mère savait qu’elle élevaitdeux filles noires qui seraient traitées dif-féremment à cause de leur apparence», araconté la sénatrice. Alors qu’il avait pro-mis dès mars de choisir une femme pourcolistière, Joe Biden faisait face à une pres-sion accrue pour choisir une candidatenoire depuis la mort de George Floyd, finmai. D’autant que l’ancien vice-présidentdoit en partie sa nomination aux électeursnoirs qui lui avaient offert une victoireéclatante en Caroline du Sud lors de la pri-

maire. Reste que le candidat et sa colistièreont connu des moments tendus pendant laprimaire, lorsque cette dernière l’avait at-taqué sur ses positions passées face à la sé-

grégation. Mais le fait qu’il l’ait justementchoisie en dépit de cet accrochage a été sa-lué chez les démocrates, qui y voient unbon signe sur sa capacité à diriger. «J’ai demandé à Kamala de (...) toujoursme dire la vérité», a d’ailleurs confié JoeBiden. «Car c’est comme cela que nousprenons les meilleures décisions pour lepeuple américain».Le « Harvard noir »C’est un choix important pour KamalaHarris, qui, estime le Washington Post, «agrandi dans un univers majoritairementblanc», mais qui veut alors «être entouréed’étudiants noirs, de culture noire et detradition noire dans la plus fameuse desuniversités historiquement noires» d’ail-leurs surnommée «le Harvard noir». Lejournal souligne que « quand quelqu’unremet en cause son identité noire, elle faittoujours référence aux quatre annéesqu’elle a passé à la Howard University ».Kamal Harris étudie ensuite le droit. Elleest reçue au barreau de Californie en 1990et gravit les échelons : elle est élue procu-reure du district de San Francisco en 2003,et en 2010 procureure générale de Califor-nie, l’État le plus peuplé du pays – 40 mil-lions d’habitants, elle sera réélue en 2014.Kamala Harris se lie alors d’amitié avec leprocureur général du Delaware, Beau Bi-den, le fils aujourd’hui décédé de Joe Bi-den. Le candidat démocrate explique ques’il a décidé de prendre Kamala Harriscomme colistière, c’est parce qu’il l’a vutravailler à l’époque avec son fils et a puobserver «comment ils ont défié lesgrandes banques, aidé les travailleurs etprotégé les femmes et les enfants face auxmauvais traitements».Une procureure progressiste ?Kamala Harris elle-même se qualifie de «procureure progressiste ». Mais tout lemonde ne garde pas un aussi bon souve-nir de ses mandats.« En Californie, KamalaHarris avait la réputation d'une procu-reure qui attendait plutôt qu'elle ne mon-trait le chemin, qui ne bougeait sur les su-jets polémiques que lorsqu'elle voyaitqu'ils étaient politiquement viables », assé-nait en juin dernier le quotidien Sacra-mento Bee. Procureure de San Francisco,elle décide de poursuivre les parents desenfants qui manquent trop l’école - ce quiaffecte surtout les foyers défavorisés issusde minorités noires et hispaniques. Elle estalors étiquetée comme une «dure». Procu-reure de Californie, elle ne prend pasposition sur la proposition de loi visant àrendre systématiques les enquêtes indé-

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pendantes pour tout incident meurtrierimpliquant un policier –des affaires danslesquelleslà aussi ce sont les populationsnoire et hispanique qui sont les plus affec-tées. Certains ne lui ont toujours pas par-donné. Pour autant, d’autres initiatives deKamala Harris ont été bien accueillies parles réformateurs : son programme «BackOn Track», de retour sur les rails, offrantaux primo-délinquants d’abandonner lespoursuites s’ils suivent une formation pro-fessionnelle et décrochent un diplôme ; ouencore la formation contre les discrimina-tions et autres arrestations «au faciès»qu’elle a imposée à toutes les forces de l'or-dre californiennes. Son plus grand succès,

aussi bien selon lesmilitants des droitsciviques que les poli-ciers, reste la créationd’un portail internetproposant de nom-breuses données judi-ciaires, en particuliersur les violences com-mises par la policelors d'arrestations,pour rétablir la réalitédes faits. «Ça a vrai-ment beaucoup aidénotre mouvement»,souligne Melina Ab-dullah, co-fondatricedu Black Lives Matterde Los Angeles , «parce qu'avant cela iln'y avait aucun en-droit où l'on pouvaittrouver les chiffres ».Une sénatrice pu-gnaceEn 2017, avant la finde son second man-dat, elle décide de de-venir sénatrice deCalifornie. Soutenuepar Barack Obama etJoe Biden, elle rem-p o r t e l a r g e m e n tl’élection dans 54 des58 comtés de l’État.P r e m i è r e f e m m eoriginaire d’Asie duSud et la deuxièmefemme noire à deve-nir sénatrice de l’his-toire des États-Unis,Kamala Harris donneraison à sa réputationd’étoile montante duparti démocrate.

Elle se fait remarquer au Sénat lorsqu’ellepasse sur le grill, lors des auditions séna-toriales, Brett Kavanaugh, le candidat deDonald Trump à la Cour suprême, et Wil-liam Barr, qu’il nomme procureur généraldes États-Unis. Ses interrogatoires (« Ré-pondez par oui ou par non ») mettent lesdémocrates en joie, mais agacent les répu-blicains : pour eux Kamala Harris instru-mentalise ces auditions pour préparer sacandidature à la présidentielle.

De fait la sénatrice se présente à la pré-sidentielle en janvier 2019, le jour anniver-saire de la naissance de Martin LutherKing, pour défendre « la vérité », « la dé-cence » et « l’égalité ».

Elle tente de mettre en avant un bilande procureure progressiste, mais se faittraiter de « flic » par certains de ses alliés.Ses hésitations sur la question de la cou-verture santé la desservent aussi. Sa cam-pagne est brièvement relancée lorsqu’à lasurprise générale elle attaque durementJoe Biden lors du premier débat des pri-maires - mais elle finit par jeter l’éponge etapporter son soutien à l’ancien vice-prési-dent de Barack Obama, qui gagnera fina-lement la primaire.UN TICKET GAGNANT ?Kamala Harris revient alors au premierplan, en redoublant ses attaques tous azi-muts contre Donald Trump : coronavirus,immigration, racisme. Son nom apparaîtimmédiatement lorsqu’en mars Joe Bidenannonce sa décision de prendre unefemme comme colistière. Et au mois demai, après la mort de George Floyd, cetAfro-Américain tué par un policier lors deson arrestation, de nombreux démocratesdemandent à Joe Biden de choisir une afro-américaine.

Son choix s’est donc porté sur KamalaHarris, malgré les critiques de l’ailegauche du parti dénonçant un manque deprogressisme de sa part lorsqu’elle était

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Dossier

48 septembre-octobre 2020 Diplomat Investissement

procureure (à l’opposé des républicainsqui la présentent déjà comme une dange-reuse gauchiste). Joe Biden compte peut-être justement sur ces réserves au sein desdémocrates pour rallier les électeurs indé-cis qui feront peut-être la différence le 3novembre prochain.

KAMALA HARRIS, UNCHOIX QUI PLAITSelon un récent sondage, 54 % des Améri-cains sont satisfaits du choix de KamalaHarris comme colistière de Joe Biden. Uneproportion qui augmente à 86 % chez lesdémocrates. À chaque cycle électoral auxÉtats-Unis, les choix de colistiers génèrentleur lot de spéculation et font couler beau-

coup d’encre. Après plusieurs semainesd’attente, Joe Biden a annoncé la semainedernière que Kamala Harris, sénatrice del’État de la Californie, serait sa colistière.Cette annonce a été faite juste avant le dé-but du congrès national du Parti démo-crate, qui a été lancé lundi soir à Milwau-kee, dans l’État clé du Wisconsin, et quiculminera avec la nomination de l’ancienvice-président Joe Biden comme candidatà l’élection présidentielle de novembreprochain. Kamala Harris, 55 ans, a com-mencé sa carrière politique comme procu-reure de district à San Francisco, puis a étéélue comme procureure générale de la

Californie en 2010. Élue au Sénat en 2016,elle s’est ensuite portée candidate à l’in-vestiture démocrate pour 2020 où elle s’estfait remarquer par sa participation mus-clée aux premiers débats. Elle s’est toute-fois retirée de la course avant le début des

primaires pour enfin appuyer la candida-ture de Joe Biden en mars dernier. Un son-dage ABC News/Washington Post a étépublié en début de semaine pour prendrele pouls des électeurs américains par rap-port à cette décision. À la question : «Êtes-

vous satisfait du choix de Kamala Harriscomme colistière de Joe Biden ?», une ma-jorité d’électeurs, soit 54%, ont répondupar l’affirmative :

Seulement 29 % des répondants affir-ment ne pas être satisfaits de ce choix, cequi, considérant la polarisation actuelle dupays, est une proportion remarquablementbasse. La stratégie des démocrates pourcette élection historique n’est manifeste-ment pas de convaincre les électeurs répu-blicains pro-Trump de changer de camp(ce qui serait hautement improbable), maisbien de consolider leur base et d’amenerles électeurs indépendants à joindre leurcamp, ce qu’Hillary Clinton n’avait pasréussi en 2016. Or, lorsque nous prenonsles résultats de ce sondage et isolons les

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Dossier

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électeurs démocrates, nous remarquonsque Kamala Harris fait presque l’unani-mité :Au total, 86 % des électeurs démocrates sedisent satisfaits du choix de Kamala Har-ris, contre seulement 9 % d’insatisfaits.L’aile progressiste du parti — qui n’étaitpas particulièrement enchantée de la no-mination d’Hillary Clinton en 2016 —pourrait potentiellement se rallier au ticketBiden-Harris avec beaucoup moins de ré-ticence que ce fut le cas du ticket Clinton-Kaine en 2016, si on se fie au fait que Ber-nie Sanders a publiquement applaudi lechoix de Kamala Harris comme colistièrede Biden peu avant le début du congrès.Selon un reportage de Bloomberg, KamalaHarris était le choix préféré de Sanders au-poste de vice-présidente parmi les candi-dates pressenties par l’équipe de Biden.

Toujours selon le sondage ABCNews/Washington Post, près de la moitiédes électeurs indépendants, soit 52 %, af-firment être satisfaits du choix de KamalaHarris, contre seulement 29 % d’insatis-faits : Même chez les électeurs blancs, dontTrump avait remporté le vote par unemarge de 15 points en 2016, le choix de Ka-mala Harris est accueilli plutôt favorable-ment. Près de la moitié d’entre eux, soit 46%, se disent satisfaits, contre 34 % d’insa-tisfaits :Chez les électeurs issus des minorités visi-bles, le taux de satisfaction grimpe à 68 %,contre seulement 22 % d’insatisfaits :

Certes, nous sommes encore loin desdébats et du jour du vote. Toutefois, le pre-mier test de Joe Biden a vraisemblable-ment été réussi : son choix de colistièrepourrait potentiellement consolider suffi-samment d’appuis et ainsi augmenter sesprobabilités de victoire en novembre. Ilreste à voir comment Mme Harris se tirerad’affaire lors de cette campagne présiden-tielle qui s’annonce déchirante et forte-ment polarisée.USA: Harris, officiellement colistière deBiden, dénonce les défaillances deTrumpKamala Harris, qui a formellement acceptémercredi lors de la convention nationaledu Parti démocrate sa nomination commecolistière de Joe Biden, a appelé les Améri-cains à élire l'ancien vice-président et a ac-cusé Donald Trump de défaillances ayantcoûté des vies durant la crise sanitaire ducoronavirus. La sénatrice de Californie,fille d'immigrés venus d'Inde et de Ja-maïque, est entrée dans l'histoire des Etats-Unis en devenant, à 55 ans, la premièrefemme de couleur à figurer sur un "ticket"

pour une élection présidentielle. S'expri-mant en clôture de la troisième soirée de la

convention démocrate, qui prendra finjeudi, elle a lancé un appel à la commu-nauté afro-américaine et aux autres élec-teurs considérés cruciaux par les démo-crates pour battre Donald Trump ennovembre. "Le chaos permanent nouslaisse à la dérive. L'incompétence nous faitnous sentir apeurés. L'insensibilité nousfait nous sentir seuls. C'est beaucoup. Maisvoilà: nous pouvons faire mieux et nousméritons beaucoup plus", a déclaré Ka-mala Harris. "Nous devons élire un prési-dent (...) qui nous unira tous - noirs,blancs, latinos, asiatiques, indigènes - pour

réaliser le futur que nous voulons collecti-vement. Nous devons élire Joe Biden", a-t-elle ajouté depuis un centre de conférenceà Wilmington, dans le Delaware, ville oùréside Joe Biden. Kamala Harris a dit quele leadership conflictuel de Donald Trumpavait entraîné les Etats-Unis à un "pointd'inflexion". «Nous méritons beaucoupmieux!», a lancé, déterminée, la sénatricede Californie, 55 ans, qui pourrait le 3 no-vembre écrire un nouveau chapitre del’histoire américaine en devenant la pre-mière femme à accéder à la vice-prési-dence. Dénonçant «le chaos permanent »,l’« incompétence» et la « cruauté », cetteancienne procureure générale, fille d’unpère jamaïcain et d’une mère indienne, aappelé à la mobilisation pour éviter unnouveau revers, après celui — inattendu— d’Hillary Clinton en 2016. «L’absencede leadership de Donald Trump a coûtédes vies» au pays, a-t-elle lancé, évoquantla pandémie de COVID-19 qui a fait plusde 170 000 morts aux États-Unis.

«Il n’y pas de vaccin pour le racisme,nous devons faire le travail », a-t-elleajouté dans un discours truffé d’anecdotespersonnelles, avant qu’un Joe Biden toutsourire ne vienne la rejoindre sur scène-enrespectant la distanciation physique.Laconvention démocrate, organisée cette an-née totalement en ligne en raison de la CO-VID-19, doit s’achever jeudi avec le dis-cours de Joe Biden, qui, à 77 ans, près d’undemi-siècle après son entrée politique,brigue la présidence de la première puis-sance mondiale. n

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Dossier

50 septembre-octobre 2020 Diplomat Investissement

Qui est Kamala Harris

Kamala Harris est née en 1964 enCalifornie, aux États-Unis, d’unpère jamaïcain, le professeur d’éco-

nomie John Harris, et d’une mère spécia-liste du cancer du sein, Shyamala Gopalan.

Elle fut le premier procureur généralnoir de Californie, la première femme à oc-cuper le poste, et la première femme origi-naire d’Asie du Sud à être élue au Sénataméricain. Choisie mardi comme colistièrepar le candidat démocrate à la présiden-tielle Joe Biden, la femme politique de 55ans cherche aujourd’hui à devenir la pre-mière femme vice-présidente des États-Unis.

Kamala Harris est la fille de DonaldHarris, économiste et professeur émérite àl'université Stanford, originaire de la Ja-maïque, venu aux États-Unis en 1961 pourfaire un doctorat à l'université de Califor-nie à Berkeley, et de Shyamala Gopalan,oncologiste spécialiste du cancer du sein,originaire du Tamil Nadu en Inde et venueaux États-Unis en 1960 pour faire un doc-

torat d'endocrinologie à la même univer-sité. Elle grandit à Oakland. Ses parents seséparent lorsqu’elle a sept ans et Kamalavit à Montréal de 1976 à 1981, avec sa sœuret sa mère, cette dernière ayant obtenu unposte à l'Hôpital général juif et un emploid'enseignante à l'université McGill.

Elle poursuit ses études primaires dansune école francophone, puis entame desétudes secondaires au Canada à la West-mount High School à Westmount, Québec,où elle obtient un diplôme de fin d'étudesen 1981. Elle revient aux États-Unis, àWashington, où elle intègre un cursus en

science politique à l'université Howardsuivi d'une inscription à l'École de droitHastings de l'université de Californie. Elleintègre le barreau de Californie en 1990.Débuts et premières élections comme pro-cureure dans la région de San FranciscoKamala Harris est adjointe au procureurde district du comté d'Alameda de 1990 à1994En 1994, elle est nommée par le présidentde l'Assemblée de l'État de CalifornieEn 1998, elle est choisie par le procureurdu district de San Francisco Terence Hal-linan En 2000, elle est engagée par la mairie de

San Francisco, pour épauler l'avocate de laville de Louise Renne. En 2003, elle est élueprocureure du district de San Franciscoface à Terence Hallinan

En 2010, elle est élue procureure géné-rale de Californie et réélue en 2014 pour unsecond mandat. «Kamala Harris a passétoute sa carrière à lutter pour des réformesdu système de justice pénale et à en re-pousser les limites afin de protéger les jus-ticiables et de leur apporter équité et res-ponsabilité»

En février 2016, Kamala Harris obtientle soutien du Parti démocrate de Califor-nie, en réunissant 78 % des suffragesparmi les délégués du parti réunis enconvention. Le 7 juin, elle arrive largementen tête de la primaire avec 39,9 % des voix,suivie par la représentante démocrate Lo-retta Sánchez (18,9 %) qu'elle affronte ennovembre lors de l'élection générale. 34candidats de divers partis participent à laprimaire. Pour la première fois, aucun can-

didat républicain ne participera à l'électionsénatoriale de novembre : Duf Sundheim,qui fait le meilleur score parmi les républi-cains, étant arrivé troisième de la primaireavec 7,8 % des suffrages. En juillet 2016,après la primaire, elle obtient les soutiensdu président Barack Obama et du et vice-président Joe Biden, auquel s'ajoute, en oc-tobre, c'est-à-dire vers la fin de la cam-pagne, celui de sa prédécesseure BarbaraBoxer et celui de l'autre sénatrice de Cali-fornie Dianne Feinstein

En novembre 2016, elle remporte l'élec-tion avec 61,6 % des voix et arrive en têtedans 54 des 58 comtés de l'État. KamalaHarris prête serment en tant que sénatricedes États-Unis le 3 janvier 2017, devant levice-président (et donc président du Sé-nat) Biden et sa famille. Elle devient la pre-mière sénatrice américaine d'origine indo-américaine et la deuxième sénatriceafro-américaine après Carol Moseley-Braun. Le 21 janvier 2019, elle annonce sacandidature à l'investiture démocrate.

Cette déclaration entraîne une hausse forteet rapide des intentions de vote en sa fa-veur Le 11 août 2020, Joe Biden confirmequ'il l'a désignée pour être sa colistière.Elle est la troisième femme (après la démo-crate Geraldine Ferraro en 1984 et la répu-blicaine Sarah Palin en 2008) candidate à lavice-présidence de l'un des deux grandspartis américains, ainsi que la premièrepersonne afro-américaine et la premièrepersonne asio-américaine. Elle devientaussi le premier candidat sur un ticket duparti démocrate à représenter un État del'ouest des États-Unis. n

La mère de Kamala Harris, Shyamala Gopalan etson père, Donald Harris

Kamala Harris

Kamala Harris et son mari, Douglas Emhoff

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Dossier spécial

Les enjeuxdu GRAND INGAse jouent maintenant

Sommaire dossier spécial :- FASKEN MARTINAEAU : «La production d’hydroélectricité avec Inga III servira à accélérer l’électrification de la RDC ainsi que le développement durable

des industries du pays»Propos recueillis par Jean Tele Udimba

- PROJET INGA III : La RDC et l’Afrique sont confortées à un énorme déficit d’énergie, mais, seul un homme pourrait encore faire sauter le verrou : le PrésidentFelix Antoine TshisekediPar Prof. Lambert Opula Ph.D.

- Les Chutes d’Inga : Un projet dont l’heure est venuPar Prof. Jeffrey SACHS

- Grand Inga : Attention aux châteaux en Espagne !Par Richard Martin

- La mise en valeur du potentiel hydroélectrique du site INGA : Des choix stratégiques complexes et urgents pour le développement et la modernisation de la RDCONGOPar Prof. Jean-Louis Sasseville, Ph.D. et Nlombi Kibi, Ing. F., M.B.A., Ph.D.

- Producteurs indépendants d’électricité, Covid-19 et enjeux contractuelsPar André Turmel, Karim Maalioun et Youssef Fichtali, Fasken Martineau

- Vers une mise en valeur stratégique du potentiel hydroélectrique du site INGA dans le cadre du Développement Durable : Le projet Grand Inga est-il enfin prêt à être lancé ?Par Nlombi Kibi, Ing. F. M.B.A., Ph.D.

Sous la direction du Prof. Lambert Opula*

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Énergie: Grand Inga

52 septembre-octobre 2020 Diplomat Investissement

La République démocratique du Congo (RDC) abrite le plusgrand potentiel hydroélectrique en Afrique avec les chutesd’Inga, situées à environ 150 km de l’embouchure du fleuveCongo. En 2013, grâce à un financement de la Banque africainede développement, des études de faisabilité ont été rendues pu-bliques en vue du développement intégral et optimal du site hy-droélectrique d’Inga en six phases supplémentaires et dont IngaIII est la première phase du Projet Grand Inga.

Le projet Inga III, qui vise la mise en valeur des chutes d’Ingapour la production d’hydroélectricité, s’inscrit dans le cadre de lapolitique énergétique de la RDC et de l’agenda 2063 de l’Unionafricaine visant à transformer l’Afrique en puissance mondiale del’avenir. La production d’hydroélectricité avec Inga III servira no-tamment à accélérer l’électrification de la RDC ainsi que le déve-loppement durable des industries du pays. Avec l’accession deSon Excellence Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo à la prési-dence du pays l’an dernier, la RDC a relancé avec vigueur IngaIII qui évoluait trop lentement par rapport aux attentes des

populations. André Turmel, avocat associé et Co-Chef du GlobalEnergy Group au sein du cabinet d’avocats Fasken Martineau, etson équipe internationale d’avocats chevronnés en énergie etressources naturelles, environnement et financement de projetscollaborent avec la République démocratique du Congo etl’Agence pour le Développement et la Promotion du ProjetGrand-Inga (ADPI) afin de contribuer à structurer l’ensemble desprochaines étapes de ce projet de développement hydroélectriqued’envergure. Le magazine Diplomat Investissement s’est entre-tenu avec Maître Turmel pour recueillir ses commentaires surl’avancement du projet Inga III à la suite de la tenue d’atelierstechniques virtuels du 22 au 29 juin 2020, dans le cadre de laconférence panafricaine sur le projet Grand Inga et l’hydroélectri-cité en RDC, placée sous le Haut Patronage de Son ExcellenceMonsieur Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo avec l’Unionafricaine, en vue de la préparation des assises de la Réunion desChefs d’États africains prévues en octobre 2020.

FASKEN MARTINAEAU«La production d’hydroélectricité avec Inga III servira à accélérer l’électrifica-tion de la RDC ainsi que le développement durable des industries du pays»

Diplomat Investissement: MaîtreAndré Turmel, vous étiez invitéainsi que vos collègues du cabi-

net Fasken à prendre part aux atelierstechniques virtuels dans le cadre de laconférence panafricaine sur le projetGrand Inga. Pouvez-vous nous expliquerdans quel cadre l’équipe de Fasken ainsique vous même étiez présents et avezparticipé à cette rencontre?Maître André Turmel: J’ai été formelle-ment invité avec l’équipe de Fasken1 àparticiper aux ateliers techniques virtuelsdu 22 au 29 juin 2020 après ma rencontreavec Son Excellence le Président de la RDCFélix Antoine Tshisekedi Tshilombo etl’Agence pour le Développement et laPromotion du Projet Grand Inga (ADPI-RDC) pour donner notre perspective deconseillers juridiques expérimentés dansle cadre de grands projets d’infrastructuresrequérant une expertise de tout premierplan avec différentes parties prenantes et,en particulier, avec les bailleurs de fonds.L’ADPI-RDC détermine le cadre du projet,le suivi, le contrôle de qualité des études etdes travaux de chaque phase du projet, lasélection des partenaires privés ainsi quela gestion des concessions. Fasken est uncabinet d’avocats en droit des affaires depremier plan, originaire du Canada, avec

L'un des plus importants cabinets d'avocats en droit des affaires au Canada

Propos recueillis par Jean Tele Udimba

André Turmel, avocat associé et Co-Chef du Global EnergyGroup au sein du cabinet d’avocats Fasken Martineau

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Énergie: Grand Inga

Diplomat Investissement septembre-octobre 2020 53

plus de 750 avocats et membres répartissur quatre continents. Les différents bu-reaux de Fasken permettent la mise encommun d’experts évoluant dans deszones géographiques différentes, avec desparties prenantes différentes (gouverne-ments, régulateurs, investisseurs, etc.),mais avec comme point commun de per-mettre la concrétisation de projets d’infra-structures énergétiques structurants pourles communautés locales.

En effet, plusieurs membres de notreéquipe ont agi comme conseillers juri-diques pour certains des plus importantsprojets hydroélectriques au monde dès ledébut des années 1970-1980 avec le projetde la Baie-James au Canada qui était consi-déré comme le plus grand projet au mondeà cette époque 15 000 MW ). Depuis,Fasken a contribué au développement deprojets majeurs d’hydroélectricité, tel quele Site C de la centrale de BC Hydro’s, unprojet de 8 milliards de dollars et de 1100MW, et le projet Nalcor Energy, un projethydroélectrique et de transport d’électri-cité de 12 milliards de dollars et de 825MW, représentant la première phase d’unprojet de 2800 MW. Nalcor Energy, uneentreprise de Terre-Neuve et une sociétéd’État du Labrador, a concrétisé la centralehydroélectrique de Muskrat Falls, unecentrale électrique et une ligne de trans-mission reliant le Labrador et Terre-Neuve, ce projet représentant le plusimportant financement d’infrastructuresde l’histoire du Canada.

Fasken possède également une vasteexpérience de travail à l’international,notamment en infrastructures énergé-

tiques sur le continent africain, en Guinée,en RDC, au Rwanda, en Tanzanie, au Bu-rundi, au Cameroun et au Tchad et a colla-boré tant avec des gouvernements natio-naux et des développeurs privés qu’avecdes institutions internationales de premierplan telles que la Banque mondiale et laBanque de développement africain pour ledéveloppement de projets d’infrastructureet d’énergie renouvelable. C’est donc fortede cette grande expérience que l’équipe deFasken a participé à l’analyse des besoinsjuridiques et réglementaires du gouverne-ment congolais pour la réalisation de tous

les aspects du projet Inga III. Conséquem-ment, l’équipe de Fasken s’est jointe auxateliers techniques en juin dernier où lesgrands axes du projet Grand Inga ont étédiscutés en vue de la réunion des Chefsd’États africains cet automne et poursuitun dialogue depuis.Pouvez-vous expliquer plus spécifique-ment en quoi consistaient les atelierstechniques virtuels des experts sur leGrand Inga? Quel bilan faites-vous desconférences et ateliers auxquels vous etvotre équipe avez participé?Comme mentionné, la Conférence panafri-caine se déroule en deux étapes, la pre-mière étant les ateliers techniques virtuelsdes experts en juin 2020, et la deuxièmeétant la Réunion des Chefs d’États afri-cains en octobre 2020.

Les ateliers techniques virtuels réunis-saient les principaux acteurs des secteurspublics et privés africains et internatio-naux spécialisés dans le secteur de l’éner-gie en général et de l’hydroélectricitéen particulier, ainsi que certains décideurspolitiques. Les objectifs des atelierstechniques visaient à présenter lesopportunités actuelles et futures du projetGrand Inga, promouvoir le potentielhydroélectrique de la RDC et encouragerla manifestation d’intérêt pour l’achatd’énergie à produire au cours des étapesfutures du projet. Pour ce faire, les ateliersservaient en particulier (i) à établir undialogue en vue d’ une collaborationsolide entre les entrepreneurs publics etprivés et les instances politiques et écono-

Son Excellence Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, Président de la République et André Turmel, avocatassocié et Co-Chef du Global Energy Group au sein du cabinet d’avocats Fasken Martineau

Le Chef de l’État Son Excellence Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, reçoit Monsieur Nicola Simard,ambassadeur du Cana en RDC et Maitre André Turmel

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Énergie: Grand Inga

54 septembre-octobre 2020 Diplomat Investissement

miques de la RDC et du continent africain,(ii) à proposer des recommandationsconcrètes pour renforcer et élaborer unprogramme d’investissements innovantdans le secteur de l’énergie en RDC, (iii) àrenforcer la coopération et l’intégrationrégionale en matière de développementd’énergie durable et (iv) à formaliserdes recommandations pour guider sonExcellence monsieur le Président de laRDC dans les décisions à prendre en vuede la préparation de la Réunion des Chefsd’États africains.

Au cours de la semaine d’atelierstechniques, différents thèmes ont été abor-dés par des panels d’experts internatio-naux. Tout d’abord, les participants ontabordé l’intégration régionale et le marchécontinental de l’électricité. Ces derniersont réitéré, à l’unanimité, l’importance ducaractère intégrateur du Grand Inga et dumarché africain de l’électricité. Rappelonsque plusieurs marchés régionaux d’électri-cité existent ou sont en voie d’être créés.Ensuite, les thèmes de la production et dutransport de l’électricité vers les centres dedemande sous régionaux et continentauxont également été abordés par les partici-pants qui ont insisté sur l’importance dumarché cont inental de l ’é lectr ic i téen Afrique et les défis de l’intégrationrégionale au travers des interconnexionsélectriques.

Par ailleurs, les experts se sont pen-chés sur les options de financement pourle développement du projet Grand Inga etd’autres projets énergétiques. Ils ont no-tamment procédé à une présentation desdifférents modes de financement desgrands projets d’infrastructures en généralet des projets hydroélectriques. À l’unani-mité, les participants ont privilégié la voiedu financement et du développement duprojet Inga III en partenariat public-privé(PPP), spécialement en « Build-Operate-Transfer » (BOT). Il faut dire que ce modèlea largement fait ses preuves.

D’autres modèles de développementpour les infrastructures de production, detransport et de distribution d’énergieont également été analysés aussi bienau niveau national que continental. Lesparticipants ont privilégié une solutioncons is tant à arrê ter la capac i té deproduction d’Inga III à 11 050 MW malgréle fait que certains intervenants estimaientqu’une première tranche de 4 800 MWpouvait suffire. L’ensemble des partici-pants se sont par ailleurs arrêtés longue-ment sur les impacts environnementaux etsocio-économiques que pouvait engendrerle projet Inga III sur les communautés, la

faune et la flore ainsi que certaines me-sures d’atténuation concrètes à envisager.À l’unanimité, les participants ont estiménécessaire de faire réaliser des études com-plémentaires afin de bien cerner la naturedes risques et les mesures adéquates demitigation, en particulier compte tenu dusouhait exprimé de mettre en service11 050 MW.

Les aspects « corporate» et, notam-ment, la gouvernance de la société de pro-jet ont été abordés en particulier sousl’angle du processus de développementdu projet et de sélection des développeurs.Ils ont recommandé que ce processus sefasse par le biais d’un appel d’offres. Pourla mise en œuvre du projet, plusieurs par-ticipants ont souhaité la constitution d’unesociété de gestion de projet de droit congo-lais avec un capital mixte (public et privé)(société d’économie mixte), national etinternational. La RDC et les développeursen feraient partie ainsi que certains Étatssouverains engagés fermement dans leprojet Inga III. Finalement, le cadre poli-tique et juridique nécessaire pour soutenirle développement du projet Grand Inga etles autres projets d’électricité a été discuté.Une analyse du cadre réglementaire etjuridique existant et à mettre en place auniveau national et continental pourfaciliter et promouvoir l’intégration dumarché électrique africain a également étéprésentée.À votre avis, quelles prochaines étapesdevraient prendre place pour assurer quele projet sera prêt dans les délais prévus?Premièrement, il est important de rappelerque plusieurs étapes préliminaires ont étéréalisées à ce jour avec succès, notammentla sélection du consortium Chine de IngaIII, avec pour leader le groupe ThreeGorges International Corporation et leconsortium Pro-Inga composé des sociétésespagnoles Cobre et AEE Power qui serontles développeurs exclusifs du projet.Pendant le déroulement des atelierstechniques virtuels, les intervenants ontreconnu que des études d’impact environ-nementales complémentaires devaient être

réalisées, compte tenu de l’augmentationde la capacité du projet Inga III de 4 800MW à 11 050 MW.

Entretemps, nous pensons que cer-taines activités parallèles peuvent démar-rer ou être continuées afin de gagner dutemps. À titre d’exemple, il serait oppor-tun de continuer à travailler le cadre régle-mentaire, légal et contractuel pour parfairel’environnement local et ainsi mettre lesinvestisseurs dans un cadre juridico-contractuel protecteur afin de leur permet-tre de financer le projet le plus rapidementpossible une fois la structure d’investisse-ment déf ini t ivement arrêtée . Nouscroyons que la RDC a désormais tous lesoutils requis, une bonne connaissance desacteurs et une idée claire et rigoureuse dela direction à prendre pour mettre à profitson leadership dans le succès tant attendude ce projet d’envergure. À votre avis, quel type de leadership doitexercer la présidence du pays pour menerà terme ce projet d’envergure?Depuis l’arrivée de son Excellence FélixAntoine Tshisekedi Tshilombo à la prési-dence de la RDC l’an dernier, nous sentonsune réelle volonté de faire avancer le pro-jet et d’assurer sa mise en œuvre dans uneoptique de développement durable dupays, et ce, conformément aux objectifs del’Agenda 2063 de l’Union africaine pour lacroissance et le développement écono-mique et durable de l’Afrique. Nouscroyons que le leadership exercé et dé-montré par le Président depuis l’an der-nier doit continuer de transparaître dans lagestion efficace des prochaines étapes duprojet.

Nous serons donc attentifs aux pro-chaines annonces et aux développementsqui prendront place cet automne lors de laRéunion des Chefs d’États africains, réu-nion à laquelle Fasken a également été in-vitée à participer. n(1) Membres de l’équipe Fasken Inga : André

Turmel, Alexandre Vaillant, Félix Gutierrez, Kadia-tou Sow, Youssef Fichtali, Pierre-Olivier Charlebois,Mélina Cardinal-Bradette, Jean-Philippe Therriault,Karim Maalioun et Lara Bezuidenhoudt.

De gauche à droite : M. Jean Tele Udimba, Président de Diplomat Investissement; Son Excellence,Monsieur Nicolas Simard, Ambassadeur du Canada; Son Excellence, Monsieur Félix Tshisekedi,

Président de la République, Me André Turmel, associé chez Fasken Montréal; et Me Peter Kazadi,Conseiller spécial du Président

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Énergie: Grand Inga

PROJET INGA IIILa RDC et l’Afrique sont confortées à un énormedéficit d’énergie, mais, seul un homme pourraitencore faire sauter le verrou : le Président FelixAntoine Tshisekedi

Les chefs d’État et des gouverne-ments des pays africains inté-ressés au projet de constructiondu barrage hydro-électriqued’Inga III, se réuniront en octo-

bre 2020, à Kinshasa, sur fond d’espoir : enlever des options essentielles. Ils devraientainsi annoncer, entre autres, des engage-ments en faveur de la réalisation de ce mé-gaprojet éminemment stratégique pour lecontinent africain tout entier.

Si les études techniques de ce projetsont déjà au point et les pistes de finance-ment bien identifiées, il n’en serait pas demême des choix stratégiques du pouvoird’État. Devant des changements inces-sants d’orientation qui donnent à penserque le projet s’en irait à vau-l’eau, ilconvient dès lors d’examiner dans quellemesure la rationalité humaine risque d’af-fecter profondément les caractéristiquesde cet important projet d’infrastructure.Un forum pour s’assurer et assurerLes retombées de ces assises pourraientdonc être considérables sur les perspec-tives de développement économique et so-cial du continent. En effet, après avoir étélongtemps handicapés par un triple obsta-cle l ié à la dépréciation des termesd’échanges, à la rupture des équilibres ma-croéconomiques et ipso facto aux exi-gences d’ajustement structurel sans crois-sance, et par les effets de la crise financièreinternationale, et de son corollaire, la crisede la dette extérieure, plusieurs pays afri-cains rentrent déjà avec succès sur le mar-ché des capitaux. De puissantes sources al-ternatives de financement rivalisent avecdes fonds de financement conventionnel.

Lambert Opula Ph.D.*

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Énergie: Grand Inga

Enfin, de nombreux pays émergents pro-posent de nouveaux modèles de finance-ment sans impact critique sur l’endette-ment extérieur. Aussi, plusieurs paysd’Afrique tirent déjà profit de ces opportu-nités nouvelles dans tous les divers sec-teurs économiques. C’est donc une ère denouvelles opportunités de développementpour le continent.S o u s - é q u i p e m e n t : d e s f a c t e u r sendogènes d’aggravation ?Les retournements incessants qui retar-dent le lancement de la construction de ceprojet s’expliqueraient-ils par «l’opposi-tion entre les intérêts des pays de l’OCDEet ceux du Sud» ou par des contradictionsinternes qui s’observent au cours de nosprocessus décisionnels ? Qu’est-ce qui se-rait à cause dans cette situation, la capacitéde pilotage d’un mégaprojet par les tech-nocrates congolais ou une sorte de sagaliée aux dividendes que procurerait lepouvoir de renégocier les contrats de cemégaprojet? Les luttes d’influence entraî-neraient le recul des échéances relatives àcette centrale dont dépendent la croissanceet le développement économiques duCongo et de l’Afrique.

Au regard des effets cumulés de déve-loppements asymétriques qui retardent ledécollage économique du continent afri-cain depuis les indépendances, Kinshasarisquerait d’opposer une douche froide àses pairs africains à cause des forces cen-trifuges qui noyautent les cercles de déci-sion, si les intérêts individuels prennenttoujours demeurent plus importants queceux des économies et populations congo-laises et africaines?

On se rappellera que l’idéal libérateurissu de la Conférence de Bandoeng de 1956visait, entre autres à récupérer le retardéconomique des pays du Sud par l’indus-trialisation, afin de servir le bien-être despopulations. Patrice Lumumba devait en-chérir en annonçant le rêve de l’Afrique in-dépendante qui, pour lui, était de : «mon-trer au monde, ce que peut faire l’hommenoir, lorsqu’il travaille dans la liberté1.»

Le Congo et l’Afrique ont, certes, long-temps enregistré des contre-performancesen matière de développement. Mais, de-puis plus d’une décennie, la vie écono-mique se redresse et on escompte une cer-taine transformation du destin de nospopulations par l’industrialisation, la mo-dernisation de l’agriculture et le dévelop-pement social. Dès lors, la mise en œuvredes équipements éminemment structu-rants devient une nécessité urgente, nonplus pour rattraper le retard qui s’est

considérablement accumulé depuis Ban-doeng, mais cette fois pour, d’une part, en-railler le déclin, et d’autre part, accélérerl’émergence économique de la RDC et del’Afrique.

Infrastructure de production d’éner-gie de dimension supranationale, Inga IIIconstitue-t-il un projet de prédilectionpour le redéploiement dans l’ensemble ducontinent, des manufactures et des unités

de production agro-alimentaire; de conso-lidation de la nouvelle économie axée surles services tertiaires, de gestion en lignedes programmes gouvernementaux enligne, d’informatisation intégrale des com-mandes de production et services, inté-grant la gestion de la population, des fi-nances publiques, des douanes et assisesainsi que de tous autres domaines de ma-nagement, le tout dans la perspective desintégrations économiques nationale, régio-nale et continentale.

Construire Inga III, c’est donc ouvrirs’assurer de l’ouverture de l’Afrique à lamodernité, voire tendre vers la postmo-dernité.Le schéma d’Inga III : une opportunitééconomique ?Pour la première fois depuis le début degestation du projet de construction du bar-rage d’Inga III, l’unanimité était ressortieen 2018 sur des orientations essentiellesdes travaux à entreprendre, notammentsur :• le schéma technique d’aménagement enhuit étapes dont Inga III constituera lapremière2, et dont aucun ouvrage anté-rieur ne pourrait être affecté par l’aména-gement des phases ultérieures du projet;• la nécessité pour les Congolais et lesAfricains d’assumer, à travers une struc-ture appropriée, leur leadership dans laréalisation de ce projet stratégique de va-lorisation d’une ressource de premier plandans le monde;

Lambert OPULA, Coordinateur des projets àl’Agence de développement économique du Congo

(ADEC); Professeur d’entrepreneuriat.

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• le ciblage, à la fois, des énormes besoinsde consommation domestique d’électri-cité, avec ceux des miniers et des marchésrégionaux africains;• l’obtention des évidences des consom-mateurs solvables pour justifier des enga-gements financiers que requiert un projetde cette ampleur au titre d’investissement.Toutes ces conditions ont été réunies,d’abord, par la conclusion d’une solideétude de faisabilité, la signature de l’Ac-cord de développement exclusif du projetInga III entre l’Agence pour le développe-ment et la promotion du projet d’Inga(ADPI/RDC) et les consortiums ChinaInga III de la Chine et Pro Inga d’Espagne,ensuite, à travers les ententes partenarialesqui lient le gouvernement de la RDC àceux de plusieurs pays de la région.Vers un schéma technique de réalisationdu projetEn 2003, à la fin de la 2e guerre de l’Est, laRDC avait décidé de réactiver le projetInga III. Un accord fut conclu rapidementavec le Western Power Corridor (Westcor),un consortium d’entreprises nationalesdes pays d’Afrique australe et centrale3

pour la construction du barrage4 et la dis-tribution de l’électricité. Mais, un désac-cord apparut survint tout aussi rapide-ment, la RDC, propriétaire de la ressourceayant rejeté en 2009, l’offre d’une positionminoritaire dans le capital de la future so-ciété d’exploitation. Elle décida de faire ca-valier seul en lançant des appels d’offrepour le développement du projet avec lesecteur privé.

La minière internationale BHP Billitonremporta l’appel d’offre, à cause de sa pro-position de construction d’une fonderied’aluminium de 2 000 MW à proximité dela centrale hydroélectrique.

BHP Billiton se retira à son tour de’accord en 2012 et la RDC commanda uneétude complémentaire de faisabilité au-près de la Banque africaine de développe-ment (BAD) à hauteur de 73 million dedollars. Celle-ci a été réalisée conjointe-ment par deux firmes, la canadienneAECOM et la française EDF. À la diffé-rence du schéma technique antérieur dedéveloppement sur quatre étapes, l’étudede 2012 en retenait huit.

Ce nouveau schéma proposait laconstruction sur le site d’Inga III, d’uneusine haute chute de 4 800 MW qui consti-tuerait la première étape de la constructiondu Grand Inga. Ces travaux produiront,certes, des retombées environnementales,à savoir : l’immersion de 17023 km2 desterrains, néanmoins, l’effectif des popula-

tions qui seraient forcées de se déplacer seplafonne à 37 500, à cause de la faible den-sité de peuplement du site.

Par ailleurs, la BAD et la BM auraientdû mobiliser 12 milliards de dollars pourla construction d’une centrale, mais évo-quant des problèmes de gouvernance, laBM se retira du projet en 2016, alors quel’énergie annoncée était attendue impa-tiemment par les miniers au sud-ouest duKatanga et par les manufacturiers sud-africains confrontés à un énorme déficiténergétique.

Dans sa recherche des sources alterna-tives de financement, l’Agence de déve-loppement du projet d’Inga (ADPI) crééeen 2012, s’affranchit de la tutelle de bail-leurs des fonds conventionnels des paysde l’OCDE en lançant un appel d’offredouble, à la fois technique et financier. Auterme du processus subséquent, deuxconsortiums présélectionnés furent invitésà fusionner leurs propositions pour dépo-ser une offre unique : la « China-Inga III »pour la firme Trois Gorges Corporation5 et

Pro-Inga conduit par Cobra Instalaciones yServicios, filiale du groupe de BTP espa-gnol ACS. Un accord de développementexclusif signé avec les Espagnols vise àaménager une centrale de 11 050 MW aucoût de 14 milliards de dollars, contre4 800MW pour le projet BAD-BM. Ce mon-tant s’élèverait à 18 milliards si on incluaitle coût de construction des lignes interré-gionales de transport d’électricité. La réa-lisation de ce schéma aurait pour effetd’accroitre la capacité de production de4 800 MW à 11 050 MW dont 6 000 MW

prévus pour les besoins internes, soit 3 000MW pour l’électrification des populationset 3 000 restant pour les industries mi-nières et de l'aluminium. Cela dégagerait5050 MW pour un marché régional, dontla demande déjà officiellement exprimées’évalue à environ 13 000 MW sur un mar-ché potentiel total de 17 500 MW.Concernant le leadership congolais dansle pilotage du projet d’Inga III. La rupture des négociations entre la RDCet l’Afrique du Sud par le groupe Westecorfut suivie de l’élargissement de ce partena-riat à la Chine. L’expertise de la firme TroisGorges qui dispose déjà d’une longue ex-périence dans la construction des ou-vrages hydroélectriques fut sollicitée.Mais, ce deuxième partenariat échouapour la même raison : la position de laRDC dans le consortium.

Enfin, la RDC dût prendre ses respon-sabilités de deux mains, en effet, pouraffirmer le leadership de la plus haute au-torité de l’État sur ce grand projet straté-gique, l’ordonnance présidentielle n°

15/079 porta création de l’Agence pour leDéveloppement et la Promotion du ProjetGrand Inga (ADEPI-RDC) . En tantqu’agence spécialisée rattachée à la Prési-dence de la République. Cette ordonnancea été complétée par une autre, soit celleportant le n° 18/004, du 09 janvier 2018 re-lative au statut, à l’organisation et au fonc-tionnement de l’ADPI-RDC à laquelle estlégalement confiée la responsabilité degestion du projet. Entre 2013 et 2015,d’énormes progrès furent accomplis dansles négociations entre la RDC, la Banque

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mondiale (BM) et la BAD, sous la houlettede l’ADPI, dans l’espoir de parvenir aulancement des travaux de construction.Mais, la BM qui avait annoncé son soutienen vue de «doubler le taux d’accès à l’élec-tricité en RDC», se désengagea subitementen 2016, en évoquant des questions degouvernance, au moment même où uneautre agence du système estimait qu’il fal-lait de l’énergie «si réellement on doit dé-velopper l’Afrique. ..... Et cette énergie,c’est le Congo [RDC] à travers Inga….nousavons cette lourde charge (et)…..on nepeut rien faire sans électricité.»Évidences sur une clientèle solvable Dans ce chapitre, deux pays d’Afriqueaustrale avaient confirmé officiellementleurs besoins, à savoir : 5000MW deman-dés par le biais d’une lettre officielle dugouvernement angolais et, 5 000 MW dont2500MW garantis par un traité commercialconclu avec l’Afrique du Sud qui est cour-tisée par la Russie avec une offre concur-rente de construction d’une centrale nu-cléaire. Par ailleurs, le Nigéria avait déjàintroduit une requête pour l’importationde 3 000 MW, quant à l’Égypte, elle négo-cie la possibilité de de s’ériger en réparti-teur de l’électricité d’Inga dans le Ma-ghreb; enfin, le Kenya et d’autres pays del’Afrique de l’Est expriment leur intentionde négocier l’achat d'électricité. La Guinéea , de son cô té , expr imé le souhai td’acheter 7 500 MW.

Enfin, en rapport avec la demande in-térieure, en sus des besoins domestiquesprévisionnels à 3000 MW pour les popula-tions (SNEL) et 3000 MW pour les opéra-teurs miniers et les industries du pays.

Sélection des développeursUn appel d’offre lancé en 2013, avait per-mis de sélectionner deux consortiums : En

premier lieu, Chine de Inga III, avec pourleader le groupe Chinois «China ThreeGorges International Corporation(CTGI)»,et le consortium Pro-Inga composé essen-tiellement des sociétés espagnoles «Cobra» et «AEE Power».

Le projet lui-même revêtait les carac-téristiques ci-après : la puissance à instal-ler : 11 050 MW pour une durée des tra-vaux de construction de 6 à 7 ans ; un coûtd’investissements de 13,9 milliards deUSD; tandis que la demande de la clientèlelocale s’élevait à 6000 MW.

Un mode de financement en partena-riat public-privé (PPP), spécialement en«Build-Operate-Transfer» (BOT), l’assis-tance technique prévue consistait en ungroupement de conseillers, notamment –juridique (Cabinet Orrick), financier(Banque Lazard) et technique (BureauTractebel) – dans le processus de sélectiond’un développeur, financée par la BAD.Enfin, un accord de développement exclu-sif a été signé le 16 octobre 2018. Selon ce-lui-ci, le développeur s’engageait à finan-cer les études d’exécution du projet, à lesfinancements pour toutes les phases duprojet Grand Inga, de patronner la créationde la société de projet d’Inga, négocier lecontrat de concession et entreprendre la re-cherche de développeurs pour la construc-tion des lignes de transports. Ainsi, pour lapremière fois depuis que ce projet est engestation, la RDC réunissait presque lesatouts majeurs pour sa matérialisation.Jeu d’influence sur le pilotage du projetDepuis l’alternance démocratique de 2019,une vive compétition a surgi autour de lagestion du projet. En effet, en février 2020,

le ministre congolais en charge des res-sources hydrauliques et électricité sollicitaofficiellement le mandat de pilotage de «ce

grand projet intégrateur et continental quipermettra …. de jouer un rôle moteur dansle processus de développement du Conti-nent6».

Par ailleurs, un conflit de leadershipdevint perceptible à partir des travauxd’Abidjan. Quatre institutions gouverne-mentales se sont érigées en pôles d’in-fluence7sur le pilotage du projet, à savoir :l’ADPI, qui en est l’autorité légale deconception et de développement; le minis-tère de l’énergie en sa qualité de chef dudépartement en charge des politiques dusecteur; et enfin le ministère des financesqui veille sur l’harmonie entre les retom-bées financières attendues du projet et lesengagements à prendre.

L’enjeu principal étant le pouvoir de né-gocier, des propositions alternatives de dé-veloppeurs succédèrent les unes à d’au-tres, les perspectives du projet sontdevenues instables. Celle patronnée par laBAD gagna les faveurs de certains cerclesdu pouvoir, au moment même où cette ins-titution fut dénoncée par la Banque mon-diale pour corruption des cadres des Étatsmembres et de pratiques qui alourdissentl’endettement extérieur de ces pays8.Guerre des alternatives et paralysie duprojetDès l’aube de l’alternative politique de jan-vier 2019, la RDC et la BAD ont tenu unesérie d’ateliers, à Abidjan, sur la stratégiede relance de ce projet. Le retrait momen-tané du groupe espagnol ACS du consor-tium constitué avec China-Inga III, a servide prétexte pour faire marche-arrière surles processus du projet. La RDC et la BADdécidèrent, en effet, de revenir au schéma

de 2013 qui prévoyait une centrale de 4800MW, au coût de 9 milliard de dollars, alorsque celui de 2018 tablait sur une centrale

GROUPE BTP ESPAGNOL ACS ESPAGNOL TROIS GORGES CHINE

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de 11050 MW au coût de 14 milliards dedollars. La BAD s’engagea à en mobiliserle financement sous forme de dette exté-rieure, sans en envisager un échéancier.Aussi, le lancement des travaux étaitconditionné à la réalisation d’une étude defaisabilité complémentaire, dont elle de-vait assurer le financement.

Ce recul posait en soi, un triple pro-blème, à savoir : celui de la compétitivitécommerciale de l’électricité d’Inga III, ducaractère stratégique de son offre de ser-vice et enfin de la crédibilité politique dupouvoir d’État congolais.

Au plan de la compétitivité, le coût dukilowattheure dû à cette dernière varianteest 2,9 fois plus élevé que celui de la va-riante adoptée par l’ADPI en 2018. Face àla prolifération des sources alternativesd’énergie, la meilleure alternative c’estcelle qui propose aux consommateurs sol-vables une offre ayant des avantages decouts et de quantité.

Sur le plan stratégique, l’attentisme àl’égard de l’électricité d’Inga III a déjàéprouvé plusieurs de nos partenaires ré-gionaux potentiels. Ainsi, des pays commel’Afrique du Sud, pourraient tourner ledos définitivement à ce projet en optantpour le nucléaire. De même, si l’acceptabi-lité sociale de l’électricité d’Inga est encorebonne aujourd’hui, il n’est pas acquisqu’elle demeure à ce niveau à moyen oulong terme. Ce serait donc plus stratégiquede valoriser cette ressource naturelle natio-nale aujourd’hui, parce que ça risqued’être plus difficile à surmonter la résis-tance des milieux environnementalistesdans quelques années.

Enfin, la prolongation de l’échéancierdu projet entamera la confiance de la po-pulation congolaise dont 90% n’a pas accèsà l’électricité et également des chefsd’États et de gouvernement des pays de larégion à qui le Chef de l’État congolaisavait réitéré ses assurances pour la fourni-ture de l’électricité.

La conclusion d’une nouvelle entente(fusion) entre les consortiums Chine-IngaIII et ProInga, sur un schéma techniqueunique et le financement des travaux,ayant recrée une opportunité jusqu’iciunique de lancer à brève échéance laconstruction du barrage d’Inga III, par unautre accord de partenariat exclusif entrela RDC et les deux consortiums, l’espoiraurait dû être permis, cependant, la guerredes alternatives de développement conti-nue. Un autre groupe invité par les nou-veaux pôles de lobbying est allé faire des

annonces sans lendemain, en RDC. Ainsi,une firme chinoise, la State Power Invest-ment Corporation (SPIC), devait-elle an-noncer récemment des initiatives dont denouveaux besoins en énergie s’élèveraientà 10 000 MW. La demande globale d’élec-tricité devrait ainsi être portée à 22 000MW, ce qui conduirait à une modificationtrès notable, alors que les économiescongolaise et africaine attendent impa-tiemment cette électricité.

Par ailleurs, la firme américaine Gene-ral Electric (GE) qui lorgne une place lais-sée vacante à la suite du retrait momen-t a n é d u g ro u p e e s p a g n o l A C S d uconsortium avec Trois Gorges, annonça le12 mars 2020, avoir conclu un accord avecla RDC sur la construction, en trois ans,des infrastructures électriques d’une capa-cité de 1 000 MW, dans ce gigantesquecomplexe hydroélectrique9.

Le ministre en charge de l’énergie dé-clara à cette occasion que, «la présenceaméricaine dans le projet Inga III (était) labienvenue et ne présent (ait) aucun obsta-cle pour les autres partenaires qui vou-draient bien accompagner ce projet.» Mal-heureusement, la partie américaine neconfirma point, ni ne revint sur cette ques-tion.

Un groupe d’«investisseurs» alle-mands a aussi visité le site d’Inga III le 13août 2020, avant d’annoncer son intentiond’investir 48 milliards d’euros10 pour la re-lance du projet au coût de 13 milliards

d’euros, celui de la production de l’hydro-gène liquide (12 milliards d’euros) et dansla construction et réhabilitation des che-mins de fer en RDC (23 milliards d’euros).La mise en œuvre d’un investissement detelle ampleur demanderait des nouvellesétudes de faisabilité avec des incidencesmajeures, non seulement sur l’échéanciermais également sur le risque pays, le cli-

mat des affaires et la stabilité politiquepour s’assurer du retour sur les investisse-ments consentis.Cependant, le profil de ce groupe a étélargement vilipendé dans la presse qui afait état des profits douteux des prétendusinvestisseurs sur leurs capacités de mobi-liser les 48 milliards d’euros et de convain-cre le gouvernement allemand de prendrele risque sur ces investissements colos-saux.

À la différence des Chinois qui dispo-sent des fonds considérables, s’engagentsouvent sans discussion sur les questionsde droits de l’homme ni ne s’offusquentdes risques politiques des pays hôtes, lesAllemands sont connus pour être tatillonssur ces questions.

Enfin, les Chinois sont prêts à partagerles risques financiers, politiques, commer-ciaux et stratégiques qui sont énormesavec n’importe quel groupe.En somme, tout ce qui précède nous faitpenser qu’il règnerait aujourd’hui, un cli-mat de désordre, voire même de doute,parmi les observateurs, sur la capacité depilotage voire même, si le Président de larépublique n’assumait pas un leadershipfort sur la conduite de ce projet.Leadership du pouvoir d’État sur leprojetPremier responsable de la politique écono-mique du pays, le Chef de l’État profite detoute tribune en rapports avec le mondedes affaires pour réaffirmer sa détermina-

tion à résoudre le problème de déficit cri-tique d’énergie électrique. En créant uncontexte de stabilité à l’ADPI, par le main-tien à son poste de l’ancienne équipe degestion, il marque sa volonté de mobiliserles acquis expérientiels des professionnelsnationaux hautement qualifiés. Dans sondiscours d’ouverture des ateliers tech-niques virtuels de la conférence panafri-

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caine du 22 au 29 juin 2020, sur le projetGrand Inga et l’hydroélectricité en RDC leChef de l’État a déclaré que c’est «Grace àl’action de l’ADPI que la RDC, avec l’ap-pui de la Banque Africaine de Développe-ment a fait avancer la préparation tech-nique, commerciale, environnementale etle processus de sélection des développeursqui ont permis de susciter des nombreusesmanifestations d’intérêt pour acheterl’énergie du Projet Grand Inga, à commen-cer par celle d’Inga III».

Par ailleurs, la science n’ayant plus defrontières, en sus de sa grande considéra-tion envers l’expertise nationale, le prési-dent congolais a aussi pris en son compteles recommandations de l’expertise exté-rieure lors du forum international sur leprocessus de développement du projet11

d’Inga III. les experts se sont tous pronon-cés en faveur du schéma technique de2018, autrement dit, une centrale de 11050MW au coût de 14 milliard de dollars, cequi a conduit le Chef de l’État à confirmerdevant tous les participants, l’intentionde la RDC d’opter pour cette variante duprojet.

La remise en selle du consortiumChine-Inga III et ProInga, ainsi que le dé-pôt d’une proposition double, technique etfinancière, ont recréée une opportunité,jusqu’ici unique, de lancer à brèveéchéance les travaux de construction dubarrage d’Inga III et ainsi relancer les au-tres étapes du projet à savoir : la signaturedu contrat de collaboration exclusif, la mo-bilisation des fonds des études complé-mentaires et d’exécution (dont le consor-tium Chine-Inga III & ProInga s’apprête àdisponibiliser 80 millions USD pour dé-marrer les études complémentaires et lestravaux d’ouverture des chantiers) , lacréation de la société de gestion, la réalisa-tion des travaux préparatoires, la signa-ture de contrat de concession, et la réalisa-t i o n d e s o u v r a g e s h y d r a u l i q u e e tmécanique pour commencer l’industriali-sation du pays, amorcer un processus demodernisation de la vie socioéconomiquedes communautés urbaines, et de recon-necter l’arrière-pays aux flux d’échangesenfin, répondre à la demande régionaled’énergie.

Compte tenu des écarts importants en-tre les coûts et les objectifs des variantes al-ternatives, tout choix porté sur une autrevariante entrainera un retard considérabledans la conduite de ce projet, qui date deplus d’un siècle, et dont les effets sont at-tendus impatiemment, aussi bien en RDC

qu’en Afrique. Il faudrait passer par troisétapes, notamment : le financement desautres études de préfaisabilité, des étudesde faisabilité et enfin, des études avant-projet détaillées appelées aussi étudesd’exécution. La réalisation de toutes pour-rait être retardée d’autant d’années.

Par ailleurs, la direction du groupeTrois Gorges Corporation a annoncé sonouverture à l’entrée d’autres acteurs dans

le projet, ce qui permettrait de négocieravec d’autres firmes, notamment les inté-rêts des groupes américains, allemands etautres qui sont derrières les nouvelles va-riantes du projet. De même, au regard desperspectives de croissance démogra-phique et économique dans l’ensemble despays intéressés au projet d’Inga III, le pou-voir d’État de la RDC aurait pu attirer l’at-tention de nouveaux groupes, plus versl’étape Inga IV ou vers divers sous-projetsd’interconnexion régionale et de construc-tion des lignes de transport en haute ten-sion.

Pour couronner tous ces efforts, le Pré-sident de la République a convoqué uneconférence devant réunir tous ses col-lègues de la région, au mois d’octobre pro-chain, dans le but de lever les orientations

et prendre les engagements des parties,ensemble, ce qui permettrait au projet deprendre sa route. De même, tout retard re-lance le cycle de conditionnalités etd’échéances successives. Ainsi, si le Prési-dent Félix-Antoine Tshisekedi tient à bri-ser la règle de non-achèvement d’initia-t i v e 1 2 e t e n t re r d a n s l ’ h i s t o i re d el’économie congolaise et africaine, devrait-il mettre de l’avant l’accord de partenariat

exclusif signé avec les groupes TroisGorges et ACS et éviter toute autre va-riante sur ce projet de la ci-haute impor-tance.ConclusionÀ la suite de ce qui précède, il est permisde penser qu’il existe actuellement une op-portunité unique de rattraper d’un coup leretard de la RDC en taux d’électrification.Les acquis des négociations entre ce payset le consortium Chine-Inga III & ProInga,sous les auspices de l’ADPI, sont les plusavancés. Arrivant en point nommés pourla demande des miniers et des pays émer-gents de la région, ils constituent la solu-tion la plus stratégique, tout en offrant lesavantages les plus compétitifs en termesde rapports disponibilité-coûts. Toutefois,la situation de ce projet risque d’être affec-

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tée par des contingences simplement hu-maines. Le contrôle du pouvoir de négo-cier ne résidant pas seulement au choix en-tre les variantes du schéma techniqued’Inga III, les nouveaux lobbies pourraientmieux servir la république en négociantsur un double objectif : l’attraction d’au-tres investissement et la planification duprojet Inga IV, sinon, travailleraient-ils surla construction des lignes de transportd’énergie à haute tension vers l’intérieur.

Le président congolais qui a jusqu’ici mon-tré son efficacité devrait mettre rapide-ment l’ordre dans le pilotage de ce méga-projet pour fa ire du Grand Inga lalocomotive du développement de la RDCet l’Afrique.

Le président de la République démo-cratique du Congo, Félix Antoine Tshise-kedi Tshilombo qui présidera aux desti-nées de l’UA en 2021, on s’attend sous leleadership de M. Tshisekedi, que la RDC

misera sur la Zone de libre-échangeafricain (Zlec) qui vise à créer un marchéunique continental pour les biens et lesservices avec la libre circulation des biens,des personnes et des investissements per-mettra au Président Tshisekedi d’utiliserde sa présidence de l’UA pour mettre leprojet Grand Inga au cœur de l’intégrationafricaine et de l’industrialisation du conti-nent.

Nous avons choisi de clôturer cette ré-flexion par un extrait de l’intervention duprofesseur Jeffrey Sachs, représentant duSecrétaire général des Nations-Unies, enmars dernier, lors de l’atelier de Kinshasasur le projet d’Inga III :

«La Chine est essentiel pour ce pro-jet….(elle) aidera rapidement à construireà faible coût un ensemble des barrages trèsperformants dans les chutes d’Inga….(Elle) est vraiment le seul pays à l’échellequi peut aider l’Afrique à faire ce mégasaut dans les infrastructures…… J’insistesur ce point parce que les chutes d’Ingasont à l’ordre du jour depuis 60 ans, maisles pays occidentaux n’ont pas aidé la RDCà réaliser ce projet…..trop de pays ontsoutenu le pillage de la RDC et non le dé-veloppement.» n

(*) Lambert OPULA, Coordinateur des projets àl’Agence de développement économique du Congo(ADEC); Professeur d’entrepreneuriat.

1. Discours de Patrice Lumumba à la cérémonie de proclamation de l’indépendance du Congo, au Palais de la nation, à Léopoldville (actuel Kinshasa), le jeudi 30 juin 1960, vers 11h35. 2. Compte non tenu des ouvrages d’importance locale dénommés Inga I (1972) et Inga II (1982).3. Comprenant cinq pays : l’Angola, le Botswana, la Namibie, l’Afrique du Sud et la RDC). 4. Le projet hydroélectrique du Grand Inga, TongaAfrique, https://www.internationalrivers.org/fr/campaigns/leprojet-hydroelectrique-d’inga3 5. Une firme spécialisée dans la construction des ouvrages de génie hydroélectrique, qui est gestionnaire du gigantesque barrage des Trois-Gorges en Chine.6. Compte-rendu de la réunion du Conseil des ministres, tenu à la présidence de la république, le 07 février 2020. 7. Inga 3 : Le gigantesque projet hydraulique sur une voie de garage ?», La Libre Belgique; Le Soir et MCP, via mediacongo.net, le 22 janvier 2020.8. African Development Bank Rebuts World Bank President’s comments on Africa’s debt profile, 13 janvier 2020.9. Stanis Bujakera Tshiamala, Avec General Electric - les capitaux américains font leur grand retour en RDC, 17février 2020. 10. Jean-Noel Ba-Mwenze, Des investisseurs allemands pour relancer Inga III en RDC, www.dw.com, le 13 août 2020. Voir aussi la vidéo :https://www.facebook.com/paul.tshimanga.5/videos/275661231457063811. Celui-ci a réuni, entre autres, des milieux d’universitaires, des représentants des institutions financières et, qui a réuni, entre autres, un prix Nobel d’économie.12. Le 13 novembre 1957, le gouvernement belge fit une annonce officielle de sa décision de réaliser la mise en valeur du site d’Inga par la construction de vastes barrages et de centraleshydroélectriques. Dans son discours au cours de cette même cérémonie officielle, le Roi Baudouin fit savoir que : «l’importance et la valeur économique de l’énergie disponible font un devoirà la Belgique d’en assurer la mise en œuvre….» RDC : Barrage d'Inga, 199 ans d’une longue et riche histoire, Home» ÉCO / TECH», Monday, August 19, 2019, Kongo-Time, Source :http://www.afrique.kongotimes.info/eco_tech/102 25-rdc-barrage-inga-longue-riche-histoire-grand-espoir-pour-congo-afrique-site.html. Après les premières études qui portèrent sur lanature, la portée et la rentabilité des aménagements à réaliser, seules deux phases de capacité modeste ont été mises en œuvre : Inga I en 1972 et Inga II en 1982. Depuis lors, de nombreusesétudes se sont succédées, mais le projet peine à se concrétiser.

Le premier échec remonte à l’initiative de la puissance coloniale belge en 1957, lorsque le roi Baudouin annonça la décision du gouvernement colonial d’entreprendre la construction d’ungrand barrage hydroélectrique sur le site d’Inga dans le cadre du premier plan décennal d’équipement du territoire. Enlisé à la suite de l’exigence des évidences d’une clientèle solvable, ladécolonisation interviendra sans que le projet ait enregistré la moindre avancée. De même, le président Joseph Kasa-Vubu décidera en 1961 de construire l’ouvrage tant souhaité. Jusqu’à sondépart du pouvoir en 1965, les bailleurs de fonds se perdaient encore en conjectures. Si, par contre, le président Mobutu Sese Seko, un proche des milieux géostratégiques américains avaitréussi à aménager deux étapes d’importance mineure, Inga I en 1972 et Inga II en 1982, néanmoins, depuis le début des années 1990, les firmes congolaises et sud-africaines de production,de distribution et de commercialisation de l’électricité, la SNEL et l’ESKOM avaient-elles multiplié, en vain, des rounds de négociation pour ce même projet de construction d’Inga III.

Notes

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62 septembre-octobre 2020 Diplomat Investissement

Énergie: Grand Inga

Jeffrey David Sachs est un économisteaméricain. Il dirige et enseigne à l'In-stitut de la Terre de l'université Co-lumbia à New York. Il est Conseiller

spécial du secrétaire général des Nationsunies Antonio Guterres.

Il est connu pour ses travaux commeconsultant économique auprès des gou-vernements des États-Unis d’Amérique,du Canada, d’Amérique, d'Europe de l'Est,d'ex-Yougoslavie, d'ex-Union soviétique,d’Asie, et d’Afrique. Il a proposé unethérapie de choc comme solution auxcrises économiques vécues en Bolivie, enPologne et en Russie. Il est aussi connu àtravers sa coopération avec des agencesinternationales sur les thèmes de la réduc-tion de la pauvreté, l’annulation de ladette, et le contrôle épidémiologiquenotamment du VIH/SIDA, COVID-19dans les pays en voie de développement.Il est le seul universitaire à avoir figuréplusieurs fois au classement des person-nalités les plus influentes du mondepublié par le magazine américain TimeMagazine. Nous vous présentons sesanalyses et son point de vue sur le Grandprojet Inga présenté lors des atelierstechniques consacrés sur le projet Inga III.

Jeffrey David Sachs : C’est un grand hon-neur de participer à cette discussion etd’aider à promouvoir cet investissemente x t r a o r d i n a i r e m e n t i m p o r t a n t e tstratégique des chutes du Grand Inga. Ils’inscrit dans le cadre plus large du conti-nent, comme le souligne S.E Rallia Odin-ga, pour le développement l’infrastructureénergique de l’Afrique et, en fait del’ensemble de ses infrastructures mod-ernes du 21e siècle. Les chutes d’Inga sontun projet qui s’inscrit au cœur de cette vi-sion plus large. Je voulais faire rapidementquelques remarques clés.

Tout d’abord, l’analyse technique de ceprojet a été bien faite récemment par l’or-ganisa t ion de coopérat ion pour ledéveloppement de l’interconnexion én-ergétique mondiale «GEIDCO». Et ce queces analyses montrent que le potentiel deschutes d’Inga est de l’ordre de 60GW d’hy-droélectricités très économique dans lecadre d’un développement encore pluslarge au sein du bassin du Congo de110GW d’hydroélectricité de haute qualité.Celle-ci peut produite à un coût d’environUS$1 par KiloWatt d’hydroélectricité. End’autres termes, cette énergie est très effi-cace et constitue sans aucun doute un

énorme retour économique pour l’Afriquecentrale, dans le cadre d’un réseau africaininterconnecté.

Le deuxième point est que les conditionsdu marché mondial des capitaux sont trèsfavorables. Aujourd’hui, les inter spreadsmondiaux sont extrêmement bas, les tauxde prêts sont très favorables. Nous avonsun caillot d’épargne qui a été exacerbé, enfait par la pandémie de la COVID-19. Ils’agit donc d’un projet absolument fi-nançable. Lorsque l’on regarde le coût del’électricité de ce projet, on parle de US$0.015 à US$0.03 dollar par kWh, une én-ergie à un coût vraiment extraordinaire-ment bas. Et avec les institutions finan-cières publiques et privées, et le contextemondial de faibles taux d’intérêt, c’est lemoment de construire ce projet.

Le troisième point que je veux men-tionner est que dans une mesure très im-portante. Ce développement spécifique del’énergie dans les chutes d’Inga devraitêtre utilisé par la RDC et, si au-delà de laRDC, alors l’Afrique centrale. Bien que jesois un fervent partisan d’un réseau inter-connecté en Afrique, l’idée ici n’est pas, àmon avis, de développer l’énergie qui estexpédiée en Afrique du Sud ou ailleurs,

LES CHUTESD’INGAUn projet dont l’heure est venu

Par Prof. Jeffrey SACHS*

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Diplomat Investissement septembre-octobre 2020 63

Énergie: Grand Inga

car l’Afrique centrale a besoin d’électricité.La situation actuelle de l’électrification enRépublique démocratique du Congo esttout simplement désastreuse, comme l’afait remarquer S.E.M. le Président de laRépublique, il y a très peu d’électrification

et pourtant c’est un pays immense avecune population en croissance rapide qui abesoin de développement économique et iln’y a pas de développement sans électrifi-cation. En 2020, la RDC comptera 120 mil-lions d’habitants. Si vous combinez leursbesoins énergétiques et le potentiel d’in-dustrialisation de la RDC dans les secteursminier et métallurgique, et dans d’autresindustries, 60GW ne semble pas beaucoup.L’idée ne devrait pas être que la majeurepartie de cette énergie soit expédiée en de-hors de la RDC, mais plutôt utilisée enRépublique démocratique du Congo. Sivous regardez l’Afrique centrale, plusgénéralement, il aura 240 millions de per-sonnes à partir de 2030. Donc, là encore60GW est une quantité d’énergie très mod-este. L’Afrique du Sud, L’Afrique de l’Est,L’Afrique du Nord, Dieu merci, ont leurpropre et riche approvisionnement en én-ergie, mais nous devons considérer leschutes d’Inga, bien qu’elles répondent engrande partie aux besoins dramatiques enélectricité de la RDC elle-même et del’Afrique centrale.

Le quatrième point que je veux men-tionner vient d’être utilement mis en évi-dence par M. WANG Yu. La Chine est es-sentielle pour ce projet. La Chine sait etaidera rapidement à construire à faiblecoût un ensemble de barrages très perfor-

mants dans les chutes d’Inga. La Chine estvraiment le seul pays à l’échelle qui peutaider l’Afrique à faire ce méga saut dansles infrastructures. La chine l’a fait aucours des 40 dernières années et elle estprête à aider l’Afrique à faire de même.

J’insiste sur ce point parce que, franche-ment, les chutes d’Inga sont à l’ordre dujour depuis 60 ans, mais les pays occiden-taux n’ont pas aidé la RDC à réaliser ceprojet. Malheureusement, la vérité est quetrop de pays occidentaux ont soutenu lepillage de la RDC et non le développementde la RDC et nous avons vraiment besoindu développement de l’Afrique main-tenant. Les ressources de l’Afrique, les in-frastructures de l’Afrique, les hommes del’Afrique ont besoin de se développer etcela nécessite le déploiement à grandeéchelle d’infrastructures dont dans notremonde actuel, la Chine est l’exemple et jepense qu’il est important de le dire.

Maintenant le cinquième point est : Nerendez pas ce projet trop compliqué. N’enfaites pas un projet trop compliqué. Desdizaines d’institutions, publiques, privéesou de Wall Street. Ce n’est pas nécessaire.Ce n’est pas si compliqué à financer $60milliards de dollars investis au cours de laprochaine décennie. Ce n’est pas beaucoupd’argent. C’est une somme modeste. C’estun grand projet du point de vue de laRDC, c’est un grand projet du point de vuede l’Afrique, mais il ne nécessite pas desdizaines d’acteurs, des multiples consult-ants, des structures et une gouvernancecompliquée. Ce n’est pas un si grand pro-jet pour cela. En effet, plus on fait appel à

ces derniers, plus le projet risque mal-heureusement d’être retardé. Il faut restersimple avec quelques acteurs stratégiquesclés, en reconnaissant que les $60 milliardsde dollars pas tous en une fois mais étapepar étape, ne sont pas une grosse sommedans ce monde. Surtout pour un projetaussi merveilleux.

Le sixième point est que cela doit êtrecombiné avec un programme de connec-tivité du dernier kilomètre. Il ne suffit pasde produire de l’électricité, il faut l’ap-porter aux ménages. Et le Kenya, par ex-emple, a fait un excellent travail en matièrede connectivité du dernier Kilomètre. LaRDC aura besoin d’une stratégie de con-nectivité du dernier kilomètre. Bien sûr, ilfaudra aussi connecter l’électricité à unenouvelle stratégie industrielle et au secteurminier qui a un potentiel phénoménal.

Le septième point : il doit y avoir unplan d’investissement progressif. Peut-êtrepour atteindre une puissance de 30GW d’i-ci 2030 et un autre de 30GW d’ici 2040 etainsi de suite. Bien entendu, il s’agit d’uneplanification technique détaillée ainsi qued’une planification financière. Mais il s’ag-it d’un ensemble d’investissements éche-lonnés.

Le dernier point que je peux faire val-oir est que cela fait effectivement partie del’inter connectivité de l’Afrique. L’Afriquedispose de ressources énergétiquesphénoménales : en Guinée, en Afrique cen-trale, dans le Sahel avec un potentiel so-laire énorme, en Afrique de l’Est avec lepotentiel hydroélectrique et solaire, avecl’énergie éolienne dans certaines partiesdu large, en particulier en Afrique duNord. La mise en place d’un ensemble in-terconnecté de pools énergétiques ré-gionaux reliés par un courant continu àhaute tension est un objectif qui peut êtredéployé. C’est la vision que le HautReprésentant a énoncée et je crois que c’estune vision qui sera réalisée en partenariatavec la Chine, la BAD et la Banque eu-ropéenne d’investissement. Mais faites ensorte que cela ne soit pas si compliqué etne laissez pas passer une autre soixantained’années. C’est un projet qui peut démar-rer maintenant et qui peut être financé demanière réaliste dès maintenant.

j’ai hâte de contribuer à ce merveilleuxprojet, en tout cas en ma qualité de mem-bre des Nations Unies et de toute autremanière. n(*) Jeffrey David Sachs , économiste américain de l'u-niversité Columbia à New York et Conseiller spécialdu secrétaire général des Nations unies AntonioGuterres.

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Énergie: Grand Inga

GRAND INGA Attention aux châteaux en Espagne !Le Grand Inga représente un potentiel hydroélectrique énorme : environ 44 000 MW selon les estimations courantes. Lemégaprojet Inga 3 à lui seul pourra générer plus de 11 050 MW. Et après, il y aura les Inga 4, 5, 6, etc. Le jour de lance-ment d’Inga 3 approche à grands pas. En effet, si tout continue comme il est prévu, le Président de la République dé-mocratique du Congo, Son Excellence Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, signera une entente d’investissement et deconstruction avec le consortium sino-espagnol qui a remporté le marché public grâce à un appel d’offres exécuté dansla transparence et selon la règle de l’art par l’Agence de Promotion et Développement du Grand Inga en 2018.

______________________Richard Martin*

En d’autres mots, si les consortiumsChine d'Inga III" (Chine) et le"consortium Pro-Inga" (Espagne) ont

gagné le marché, c’est parce qu’ils ont ré-pondu à l’appel d’offres de l’ADPI avec sa-tisfaction et ont rencontré les critères fi-nanciers et techniques du projet. Le contratsera signé et l’entente scellée prochaine-ment. Enfin… si la RDC et l’ADPI main-tiennent le cap.

Il faut dire que le projet Inga 3 a dûfranchir des obstacles considérables de-puis que l’ancien président de la Répu-blique, Son Excellence Joseph Kabila, s’estentendu de façon préalable avec les diri-geants du consortium sino-espagnol. Or,ces obstacles n’étaient nullement de naturefinancière ou technique. Il s’agissait plutôtdes nombreux prétendants qui se sont pré-sentés tardivement à la danse.

Tout au long de l’année 2019, lesbonzes de la Banque mondiale et del’Union Européenne se sont évertués àfaire fléchir la présidence de la RDC pourfavoriser leurs joueurs. Les visites ministé-rielles se sont multipliées et les maîtres desinstitutions multilatérales ont fait miroiterdes visions de milliards qui pleuvraientsur la RDC si elle se mettait dans leurcamp plutôt que celui des Chinois. Malgrécette offensive diplomatique, la présidencea maintenu le cap et a préféré continuer enorganisant les ateliers virtuels en collabo-ration de l’Union Africaine avec la partici-pation des experts venus des quatre coinsde la planète dont le consortium sino-es-pagnol qui avait remporté le marché pu-blic.

Depuis le début de l’année 2020, les ten-tatives d’influence se sont renouvelées,cette fois-ci pas seulement de l’Europe ou

des États-Unis. Il y eu d’abord cette propo-sition de méga-mégaprojet par le concoursde la State Power Investment Corporation(SPIC), un consortium chinois qui est laplus ambitieuse, prévoit une capacité de22 000 MW grâce à un Inga 3 renouvelé aucoût de plus de 25 milliards de dollarsdont l’objectif est d’utiliser l’électricité engrande partie pour raffiner la bauxite enlingots d’aluminium pour l’exportation.Études de faisabilité à l’appui ? Certaine-ment pas… mais beaucoup de belles pro-messes. La présidence et l’ADPI maintien-nent le cap et continuent la danse avec leconsortium sino-espagnol qui a remportéle marché public. Vient ensuite en avril etmai une offensive de la part de la Banque

Africaine de Développement. Si celle-ciavait préalablement financé les études defaisabilité ayant mené au marché public etl’appel d’offres, elle proposait néanmoinsde financer la construction d’un ouvragepouvant générer… 4 800 MW ! Selon lesexperts et l’Agence Bloomberg ont estimé,comme les Chinois, que la variante réduiteà 4.800 MW du projet Inga III ne serait pasviable économiquement. En effet, la BADmettait en doute les études techniques etfinancières qu’elle avait elle-même finan-cées précédemment pour revenir en ar-rière d’au moins 5 ans sur l’échéancier !Convocation d’urgence d’une conférenceen juin 2020, virtuelle cette fois-ci, eu égardà la pandémie du Covid-19. Encore une

64 septembre-octobre 2020 Diplomat Investissement

Richard Martin, PDG de CANLEAD

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Énergie: Grand Inga

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fois, la présidence et l’ADPI maintiennentle cap et continuent le tango avec leconsortium sino-espagnol ayant remportéle marché public. Le lecteur commenceracertainement à déceler des caractéristiquescommunes à tous ces assauts contre la dé-cision de procéder avec un projet Inga 3générant 11 050 MW sous l’égide duconsortium sino-espagnol. En premierlieu, les prétendants tentent de mettre endoute la crédibilité des études précédenteset de renverser la décision d’octroyer lemandat aux gagnants du marché public

par appel d’offres. Deuxièmement, selonnos sources certains conseillers à la prési-dence de la République prétendants, enfaisant miroiter soit des milliards addition-nels en investissement (ou en capacité degénération), soit en semant le doute quantà la faisabilité du projet tel qu’actuelle-ment conçu. Troisièmement, ces nouvellespropositions cherchent toutes à passer ou-tre ou défaire les progrès qui ont été réali-sés dans le dossier Inga 3 depuis au moins5 ans.

Qui plus est, où étaient tous ces pré-tendants quand il était le moment de ré-pondre à l’appel d’offres il y a 5 ans ? Qua-trièmement, et c’est sûrement l’aspect leplus important, c’est que les propositionsde ces nouveaux prétendants ne sont nul-lement validées par des études de faisabi-lité indépendantes. Elles sont toutes desproduits de l’esprit des promoteurs. Si lesprojets commencent toujours comme un

produit de l’esprit, une vision vague et ins-pirante, elles doivent quand même fran-chir quelques étapes cruciales avant d’êtreconsidérés comme étant réalistes… et réa-lisables. C’est pourquoi je qualifie ces nou-velles propositions toujours plus embal-lantes (ou menaçantes, selon le cas)comme des « châteaux en Espagne ». Cen’est pas qu’elles sont mauvaises en soi,c’est qu’elles viennent bousiller les plansactuels, plans qui sont autrement mieux fi-celés, validés et avancés. C’est justementle cas pour le dernier venu des nouveaux

prétendants pour Inga 3. Cette fois-ci ils’agit d’un consortium allemand qui faitmiroiter la somme mirobolante de 50 mil-liards USD en investissements pour réali-ser le projet Inga 3, reconstruire toutes leslignes ferroviaires de la RDC et utiliserl’électricité générée pour produire de l’hy-drogène liquide pour exportation à partirdu port de Banana. Encore une fois, nousne mettons pas en doute la viabilité tech-nique et financière d’une telle vision.

Mais nous nous posons des questionsdans un pays ou le risque politique, juri-dique, économique et climat d’aires esttrès élevé comment les investisseurs alle-mands peuvent-ils prendre un tel risquealors du côté chinois ils veulent partagerles risques financiers, politiques, commer-ciaux et stratégiques qui sont énormesdans un pays post conflit. Par contre, ils’agit d’un nouvel obstacle qui vient sedresser devant la présidence et l’ADPI

pour contrecarrer les efforts du passé etdétrôner le consortium sino-espagnol quia remporté le marché public en bonne etdue forme.

Fait à noter, ce même consortium sino-espagnol se dit ouvert à toute propositionde partenariat ou de participation. Tousceux qui ont voulu faire dérailler le résul-tat du marché public, effectué après un ap-pel d’offres transparent et public il y amaintenant plusieurs années, plutôt quede renforcer leur crédibilité, ne font que laminer. En effet, comment se fier à des pro-positions non validées et qui semblentfaire abstraction des études et critèrespréalables ?Qui plus est, quelle crédibilité aurait laRDC dans le monde de l’investissementinternational si elle décide de renier sespromesses et danser avec un nouveauprétendant ?Les investisseurs internationaux doiventréaliser que la RDC est entrée dans unenouvelle ère, celle de la transparence, del’état de droit et de la crédibilité internatio-nale. Par ailleurs, les occasions et besoinsen investissement en RDC sont énormes.N’oublions pas qu’après le lancement dumégaprojet Inga 3, d’autres phases duGrand Inga seront initiées. Et que dire desautres opportunités industrielles, commer-ciales, agro-alimentaires, etc.

Il est temps de cesser de rêver aux châ-teaux en Espagne ou aux visions allé-chantes des prétendants de dernière mi-nute. Si quelqu’un veut investir en RDC,qu’il le fasse selon les règles de jeu qui sontétablis en transparence par la présidence,le gouvernement et les maîtres d’ouvrage.Qu’il monte des dossiers bien ficelés etqu’il réponde aux appels d’offres qui necesseront de venir.

La RDC est un grand pays qui regorged’opportunités. Que ses dirigeants aient lecourage de maintenir le cap et d’honorerses promesses. Qu’ils se dotent de straté-gies claires et transparentes pour faireconnaître les besoins du pays. Que les in-vestisseurs et autres prétendants respec-tent la souveraineté et les processus dupays et de son marché afin d’exploitertoutes les occasions actuelles et futures.Que ces derniers ne craignent pas de pro-poser des idées et des visions nouvelles,tout en respectant ce qui a déjà étédécidé. n

(*) Richard Martin, Président-directeur général etcofondateur de l’Académie canadienne de leadershipet développement du capital humain

La cérémonie de la signature de l’Accord de développement exclusif du projet Inga III. De gaucheà droite :José Alfonso Neporera, co-président du consortium espagnol «Pro-Inga», José AngelGonzalez, co-président

du consortium espagnol «Pro-Inga», Bruno Kapandji Kalala, le chargé demission du Chef de l’État en chargede l’ADPI/RDC et Chi Zhenbo, président du consortium chinois «China Inga III»

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Énergie: Grand Inga

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_________________________Richard Martin*

Voici le choix confrontant la RDCpour lancer le développement duGrand Inga (désigné comme Inga

3) : un méga projet ambitieux visant à créerune puissance installée de plus de 11 050MW; ou un projet plus «conservateur» selimitant à 4 800 MW, pour ensuite voir cequi peut être développé plus tard. Un pro-jet «conservateur» peut, à prime abord,paraître plus réalisable et moins risqué, dumoins dans le court terme. Mais un mégaprojet de 11 050 MW a des avantages mar-qués comparé à un projet se limitant à4 800 MW.

En effet, il faut prendre en considéra-tion les retombées potentielles en termesde capital humain, technique, administra-tive et financière. Le fait de développerInga 3 avec une capacité de 11 050 MWserait un levier structurant pour ledéveloppement du capital humain et ledéveloppement stratégique de l’hydro-électricité en RDC.

Cet article propose une approche per-mettant à la RDC d’utiliser le développe-ment d’Inga 3 à 11 050 MW pour propulserla croissance et le perfectionnement ducapital humain dans les domaines de l’in-vestissement, de l ’ ingénierie, de larecherche, des finances et de la gestion desgrands projets structurants. En particulier,la RDC peut exploiter ce méga projet pourcréer une capacité de développementéconomique à long terme, ce qui position-nerait la RDC comme leader mondial dudéveloppement et de la production depuissance hydro-électrique de très grandecapacité.ProblématiqueLa RDC travaille d’arrache-pied pour met-tre en place les institutions et cadres poli-tiques, économiques, techniques et sociauxpour assurer le succès du projet GrandInga, et particulièrement de sa phase Inga3, actuellement en étape de lancement. Parcontre, la RDC, comme la majorité despays d’Afrique, doit combler un énormedéficit de compétences en capital humainet institutionnel dans les domaines tech-niques (incluant le génie), administratifs et

financiers avant de pouvoir prendre la di-rection entière d’Inga 3 à la fin de la péri-ode de concession en BOT (Build-Operate-Transfer). En plus, la RDC pourraitdévelopper la capacité de lancer, dévelop-per et exécuter avec succès des grands pro-jets structurants pour l’économie et la so-ciété congolaise.FinalitéQue la RDC et ses entités privées et éta-tiques soient en mesure d’assurer la relèvetechnique (incluant l’ingénierie), finan-cière et administrative à la fin de la péri-ode de BOT sur Inga 3 et soient aussi enposition de lancer et élaborer d’autres pro-jets hydro-électriques structurants pourl’économie et la société congolaise.Objectifs1. Exploiter le projet Grand Inga pour fa-voriser le développement des capacitéstechniques (incluant le génie), administra-tives et financières des entités privées etétatiques de la RDC, ainsi que leursdirigeants, cadres, experts, ingénieurs,techniciens et autres spécialistes.2. Développer la capacité congolaise d’ini-tier et de mener à bien d’autres projets degrande envergure et d’agir ainsi commeleader financier, technique et adminis-tratif.Modèle de développement des capacitésLa figure 1 illustre les grandes étapes duprojet Inga 3 et comment la RDC peututiliser cette opportunité inédite pourdévelopper son capital humain et institu-tionnel pour :

• Prendre en main avec assurance le pro-jet Inga 3 à la fin de la période de conces-sion en BOT aux consortiums interna-tionaux; et• Étendre ces capacités à d’autres projets

de grande envergure.Phase 1 : Préparation durant la période deconstruction• Sélection des cadres et dirigeants des en-tités congolaises• Développement d’un programme de for-mation et de perfectionnement profession-nel et technique (incluant génie)• Développement d’un programme dedéveloppement et perfectionnement duleadershipPhase 2 : Formation des cadres, ingénieurset experts techniques, administratifs et fin-anciers• Formation continue• Sélection continue• Programme de coaching et de mentoratpar les cadres et experts étrangers et jume-lage avec les cadres, ingénieurs et expertscongolais• Suivi et évaluation continuePhase 3 : Période de transition• Passer de la prépondérance de l’exper-tise technique (incluant génie), financièreet administrative entre les étrangers et lescongolais• Maintien des programmes de sélection,formation, perfectionnement et jumelagePhase 4 : Consolidation de l’expertise et duleadership par les Congolais• Maintien des programmes de sélection,

Le méga projet Inga 3 à 11 050 MW pourbâtir le capital humain et propulser l’auto-

nomie énergétique de la RDC

Figure 1 - Modèle de développement basé sur Inga III

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Énergie: Grand Inga

Diplomat Investissement septembre-octobre 2020 67

formation, perfectionnement et jumelage• Cession de la concession par les consor-tiums en BOT aux autorités congolaises etprise en charge par des entités congolaisesdes opérations Inga 3Développement du leadershipSi le développement du capital humain etdes capacités techniques, financières et ad-ministratives sont au cœur du développe-ment et de l’enrichissement de la RDC, ledéveloppement du leadership est encoreplus crucial. Sans leadership efficace,toutes les bonnes intentions resteront lettremorte.Inga 3 comme tremplin vers le GrandIngaEn plus du modèle illustré à la figure 1 etdécrit précédemment, nous croyons que leprojet Inga 3 peut être un tremplin vers lemégaprojet Grand Inga.

En effet, Inga 3 à 11 050 MW nereprésente qu’environ un quart du poten-tiel hydro-électrique du Grand Inga. Inga3 présente donc une occasion rêvée pourpasser à un niveau supérieur de capacitétechnique, administrative et financièrepour devenir un leader mondial dans ledéveloppement hydro-électrique et ausside mégaprojets d’envergure nationale,voire même continentale et intercontinen-tale. La question fondamentale est desavoir si la RDC saura prendre l’occasiono ff e r t e p a r l e G r a n d I n g a p o u r s epropulser à l’avant-plan comme puissanceéconomique, scientifique et techniqueafricaine et même – pourquoi pas – mon-diale. D’autres pays et états l’ont fait : laChine (Trois Gorges), les Émirats arabesunis (pétrole, mais aussi exploitation sa-vante de sa position stratégique uniquedans le golfe Arabo-Persique), le Québec(avec Hydro Québec, surtout ChurchillFalls dans les années 60 et la Baie Jamesdans les années 70 et 80), et bien d’autres.La figure 2 illustre comment Inga 3 pour-rait être utilisé comme un tremplin et unmoteur pour accélérer le développementéconomique et social de la RDC.Le choix de réaliser Inga 3 à 11 000 MWprésente aussi une immension occasionde développement scientif ique ettechnique pour les CongolaisLes études indiquent que la RDC disposede plus de 100.000 MW de potentiel na-tional hydroélectrique, dont 10.050 MWpropices aux ouvrages micros, mini et pi-co-hydroélectriques répartis sur 780 sitessitués dans 145 territoires et 76.000 vil-lages. Cet énorme potentiel hydroélec-

trique doit être combiné avec les autresavantages que compte la RDC, notammentses ressources en lithium, qui représentent60 pour cent des réserves mondiales. Lecouplage lithium-hydroélectricité pourraitfaire de la RDC une puissance mondiale deproduction et de stockage de l’électricité.La réalisation de ce potentiel nécessite no-

tamment la mise en place d’un programmede recherche et développement dans cesdomaines. Par exemple, la RDC pourraits’inspirer de l’exemple d’Hydro-Québecau Canada en mettant sur pied un Centred’excellence en électrification des trans-ports et en stockage d’électricité. Un telcentre positionnerait la RDC comme pôled’innovation de classe mondiale dans ledomaine des matériaux de batterie pourles véhicules électriques et autres applica-tions de stockage d’énergie, tant station-naires que mobiles. Dans un mondebranché dont les besoins en énergie necessent de croître, les batteries deviennent

de plus en plus omniprésentes, que ce soitdans les applications à petite échellecomme les appareils de communicationmobile ou dans les réseaux électriques detoute envergure. La RDC étant le premierproducteur au monde de lithium, le centred’excellence consacrerait ses efforts nonseulement aux domaines de la productionet du transport de l’électricité, mais aussisur les technologies avancées de stockagepar batteries au lithium. Son savoir-faire,son important patrimoine de propriété in-tellectuelle et ses installations de pointesusciteraient l’intérêt du monde entier eten feraient un partenaire incontournablede tous les grands acteurs de l’industriequi se consacrent au développement destechnologies destinées aux batteries de de-main.

L’Académie canadienne de leadershipet développement du capital humain(CANLEAD) propose de travailler enétroite collaboration avec l’ADPI et touteautre autorité congolaise sur le développe-ment et l’exécution d’un programme deformation et de perfectionnement auleadership pour les dirigeants et cadresimpliqués dans les projets Grand Inga etInga 3. L’Académie CANLEAD peut aussitravailler sur le développement et la miseen place d’un programme intégral dedéveloppement et perfectionnement ducapital humain dans les trois volets insti-tutionnels, soient technique, financier etadministratif, ainsi que leur intégrationavec le volet leadership. (*) Richard Martin,président, Académie canadienne de leadership et développe-ment du capital humain n

Figure 2 - Vision post-Inga III

Lithium

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Énergie: Grand Inga

68 septembre-octobre 2020 Diplomat Investissement

LA MISE EN VALEUR DU POTENTIELHYDROÉLECTRIQUE DU SITE INGA :Des choix stratégiques complexes et urgents pour ledéveloppement et la modernisation de la RD CONGO________________Prof. Jean-Louis Sasseville,Ph.D. et Nlombi Kibi, Ing. F., M.B.A., Ph.D.*

Introduction

La République Démocratique duCongo bénéficie d’un potentiel hy-droélectrique évalué à environ 110

GW, soit 37 % du potentiel africain et prèsde 6 % du potentiel mondial. Environ 44 %de ses potentialités hydroélectriques sontconcentrés au seul site des chutes d’Ingadans la province du Kongo Central, avecau moins 44 GW harnachables à 150 km del’embouchure du fleuve Congo. Ce gigan-tesque potentiel énergétique fait au-jourd’hui de la côte Atlantique de proxi-mité un enjeu stratégique de la plus hauteimportance avec la construction d’un porten eau profonde à Banana et des hypo-thèses d’implantation d’une usine de pro-duction d’hydrogène liquide, le carburantpar excellence du 21ème siècle. À cetteénergie verte sur laquelle s’appuie la RDCpour son développement, il faut ajouter 60GW de potentiel hydroélectrique répartisur 800 sites dispersés dans le bassin duFleuve Congo et de ses nombreux af-fluents.

Avec son potentiel hydraulique uniqueau monde, la RD Congo pourrait fournirune part importante de la demande d’élec-tricité en Afrique, une contribution pou-vant aller, selon les estimations de laBanque Mondiale, jusqu’à 40 % de la de-mande d’énergie, et ce, à un prix compéti-tif et de manière pérenne. D’ailleurs, leprojet Grand Inga occupe maintenant ausommet de l’Agenda 2063 de l’Union Afri-caine (UA) et du Programme de dévelop-pement des infrastructures en Afrique -Projets d’actions prioritaires (PIDA-PAP). Paradoxalement, cependant, en dépit deson gigantesque potentiel énergétique quisuscite un intérêt mondial, le taux d’élec-trification du pays n’est que de 1 % dansle milieu rural et de 30 % en milieu urbain,ceci avec une moyenne nationale de 6 %.Ce sous-développement énergétiqueconstitue une préoccupation grandissantepour le gouvernement qui voit dans les

chutes d’INGA le moyen de corriger cettesituation. Pour enclencher l’exploitationde cette énergie et maximiser ses retom-bées sur l’économie du pays, le Gouverne-ment a mis en place une politique d’ouver-ture axée sur la libéralisation du secteurénergétique1.

Cette politique vise à favoriser les in-vestissements étrangers et nationaux dansle cadre de partenariats Privé-Privé, Pu-blic-Public ou Public-Privé. C’est cette ou-verture qui a donné lieu au projet « GrandInga », un programme d’investissementmultiphase avec la construction en succes-sion de barrages donnant lieu aux projetsINGA 3 à INGA 7, une stratégie datant de2012 et issue des études de faisabilité réa-lisées par le Groupement AECOM-RSWIet EDF avec un financement de la BanqueAfricaine de Développement (BAD). Suiteà la décision du Gouvernement de la RDCongo de porter la production de INGA 3de 4 800 MW originalement prévue à 11050 MW, amenant ainsi la valeur de l’in-vestissement à plus de 18 milliards $ US(dont 4 milliards pour la construction deslignes de transport), la mise en œuvre duProjet INGA 3 est maintenant entrée dansun processus de non-retour. À ce chapitre,

le Gouvernement table sur deux proposi-tions de mise en œuvre :• à l’issue d’un appel d’offres, les proposi-tions du consortium chinois (Chine d’IngaIII) sous la direction par Three Gorges Cor-poration (gestionnaire du barrage desTrois-Gorges en Chine) et du consortiumespagnol (Pro-Inga) dont les participantssont réunis sous les auspices de Cobra Ins-talaciones y Servicios, filiale du groupe deBTP espagnol ACS, maintenant intégrée enun seul projet (INGA Chine-Espagne), • de manière spontanée, la propositiond’un groupe d’investisseurs privés alle-mands qui offre de réaliser le projet INGA3 (INGA Allemagne), jumelé à la produc-tion d’hydrogène liquide à Moanda sus-ceptible de consommer une tranche im-portante d’électricité qui sera produite .Le processus de mise en œuvre est ainsiengagé. Cet article fait état de lieux de la com-plexité inhérente au positionnement de laRDC dans la maîtrise d’un projet extrême-ment coûteux et complexe, aux exigencestechnologiques, économico-financières etenvironnementales surpassant les capaci-tés du pays, aux outputs énergétiques àtrès haute valeur stratégique, non seule-

Prof. Jean-Louis Sasseville

Nlombi Kibi, Ing. F., M.B.A., Ph.D

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Énergie: Grand Inga

ment pour le continent africain, mais aussipour le marché mondial de l’énergie verte. 1. La position de la RDCConsciente de ce potentiel inexploité, dèsles années 2000, la RDC s’est fixé trois ob-jectifs énergétiques destinés à propulserson développement en apportant l’énergieélectrique 1) aux populations de villes etleurs industries, 2) aux populations ruraleset 3) aux industries lourdes, notammentpar la réhabilitation des barrages et laconstruction de nouvelles infrastructures.A ce titre, la RDC a lancé un vaste pro-gramme intégré de développement dansdivers secteurs par rapport à des poli-tiques et programmes qui dépendent de

l’approvisionnement en énergie électriquedestinés : • à fournir aux populations rurales desservices de base (eau courante, centres desanté modernes) ;• à développer la micro et petite industrie(moulin, conservation et transformation

des produits locaux provenant de l’agri-culture, la pêche et la chasse). De manièreplus générale, il s’agit de programmes vi-sant la réduction de la pauvreté et l’amé-lioration des conditions de vie des popula-t i o n s r u r a l e s a f i n d e f a v o r i s e r l asédentarisation des populations et de ré-duire l’exode rural.Sur cette lancée, etconsidérant son grand potentiel en énergiehydroélectrique, la RDC veut jouer un rôlede déclencheur de l’industrialisation del’Afrique, avec les objectifs :1. de combler le déficit énergétique natio-nal (villes, campagnes et industries) ;2 . d ’off r i r suff i samment d ’énergieélectrique pour soutenir l’industrialisationde la sous-région ;

3. de servir de centre de stabilisa-tion/compensation/équilibrage despôles énergétiques continentaux in-terconnectés.

Notons que les déficits énergé-tiques de la RDC et des pays envi-ronnants dépassent aujourd’hui 20000 MW. La réserve énergétique duFleuve Congo au Site INGA est à elleseule de 44 000 MW, une réserve quioffre au pays une exceptionnelle op-portunité de dynamiser son écono-mie et d’enclencher des processussocioéconomiques porteurs de bien-être. Ainsi, tel que décrit dans l’en-cart2 , les axes de développementsont orientés vers la population ru-rale et en milieu urbain, la petite in-dustrie, l’industrie manufacturière,de transformation et d’extraction. Et,considérant les réserves énergé-

tiques de plus de 43 000 MW du FleuveCongo harnachables aux chutes d’Inga,une situation avantageuse unique aumonde, le programme de transformationde l’économie du pays s’est orienté vers ladynamisation de l’économie continentaleet la participation au réseau international

de transport et de distribution. Ce projetdépasse considérablement les capacités dela RDC, tant au plan financier qu’au plantechnique, mais certainement pas celles dela communauté internationale qui y voitune opportunité d’affaires sans précédentpour substituer l’énergie électrique àl’énergie fossile… une source d’énergienon renouvelable… et dont l’usage encoreessentiel pour soutenir les économies en-gendre des problèmes qui compromettentle futur de tous. Voilà le légitime engage-ment des autorités du pays qui rend com-plexe et unique le positionnement de laRDC dans la maîtrise d’œuvre de l’exploi-tation de son énergie hydraulique.2. Le projet INGA Chine-EspagneDes accords ont été s ignés entre leGouvernement de la RDC, « le consortiumC h i n e d ’ I n g a I I I » ( C h i n e ) e t l e «consortium Pro-Inga » (Espagne). Leconsortium chinois (Chine d’Inga III) estemmené par Three Gorges Corporation(gestionnaire du barrage des Trois-Gorgesen Chine) et avec le consortium espagnol(Pro- Inga) conduit par Cobra Instala-ciones y Servicios, filiale du groupe de BTPespagnol ACS. Sur recommandation duGouvernement de la RDC, les deuxconsortiums ont créé un consortiumunique et confirmé la construction d’unbarrage d’une capacité de 11.050 MW. Lecoût de ce projet est de 18 milliards de dol-lars, dont 4 milliards pour la constructiondes lignes de transport.

Selon les informations fournies parl’ADEPI, la mise en œuvre du Projet INGA3 est susceptible d’être réalisée dans unavenir proche, les coûts d’investissementétant mobilisés par le nouveau consor-tium. On prévoit que le projet démarreraavec les études techniques, notamment laréalisation de l’étude d’Impact Environne-mental et Social de la construction du bar-rage sur les milieux, physique, biologiqueet humain. Ces études mettront en évi-dence les stratégies d’atténuation des im-pacts négatifs et de bonification des im-pacts positifs et déboucheront sur un Plande Gestion Environnementale et Sociale(PGES). On y traitera en priorité du Pland’Action de Réinstallation des Populationsaffectées par le projet (PAR) et d’un ensem-ble d’instruments techniques et organisa-tionnels de suivi et contrôle.

Dans cette configuration de projet,l’Afrique du Sud s’est engagé à acheter5 000 MW, engagement dans le cadre du-quel les parlements sud-africains et congo-lais ont approuvé une convention d’achatsde 2500 MW, alors que le Nigeria s’enga-gerait à acheter 3 000 MW, l’Angola, 5 000MW, les sociétés minières et les industries

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de la RDC, 3 000 MW, le restant, c’est-à-dire, 3 000 MW, serait destiné à la Sociéténationale d’électricité de la RDC (SNEL),alors que la Guinée a, de son côté, expriméle souhait d’acheter 7 500 MW.

Le projet se développe dans le cadred’un Partenariat Public-Privé en modeBOT, c’est-à-dire que le partenaire privé ala charge de financer la construction de lacentrale, l’exploiter et restituer la gestion àl’État congolais selon des échéances quisont à négocier. Dans ce type de projet, il ya une part minimale du budget qui pro-vient des membres du Consortium, mais laplus grande partie du financement pro-vient des banques affiliées qui leur sont af-filiées.3.Le projet Inga-AllemagneLe projet INGA-Allemagne est une initia-tive d’un groupe d’hommes d’affaires alle-mands qui projette d’investir dans la miseen œuvre du projet d’une centrale hydro-électrique de 12 000 MW dans le cadre dela configuration connue du projet INGA 3.Le projet prévoit de construire des infra-structures de production d’hydrogène àpartir de l’eau du fleuve Congo. Peu d’in-formations sont cependant disponiblespuisque la proposition allemande ne dateque de moins d’un mois. Selon les commu-nications3 du groupe d’investisseurs, avecles projections de la production d’hydro-gène liquide, l’Allemagne compte faire dela RD Congo le premier pays fournisseurde l’hydrogène pour l’Union européenne4.Les initiateurs affirment en effet que leprojet bénéficierait de toutes les garantiesfinancières du gouvernement allemand.Un protocole d’accord serait signé la RDCongo et l’Allemagne prochainement. Selon les promoteurs de ce nouveau pro-jet, la RD Congo et l’Allemagne pourraientbâtir ensemble un partenariat énergétiquequi verrait le pays d’Afrique centrale four-nir l’énergie hydraulique capable de pro-duire de l’hydrogène vert pour le pro-gramme allemand de décarbonisation. Letout par le truchement d’un projet de coo-pération de 20 milliards d’Euros financépar l’Union européenne qui assureraitainsi un accès à une source d’énergie diteverte.

Selon les promoteurs du projet, l’hy-drogène vert produit à partir de sourcesd’énergie renouvelable joue un rôle clédans les plans de transition énergétique del’Allemagne et est considéré comme unmoyen efficace de stocker l’énergie renou-velable et de la mettre à la disposition dessecteurs difficiles à décarboner, commel’industrie lourde ou l’aviation. Le gouver-nement allemand vise à lancer une indus-

trie européenne complète de l’hydrogènepour atteindre le leadership technologiquedans le domaine et a entamé des discus-sions avec plusieurs pays du monde entierpour évaluer les projets de coopérationpossibles pour l’importation d’hydrogènevert à l’avenir5. 4. Le défi stratégiqueCes deux projets se complémentent l’unl’autre… Ils apportent expertise, capacitéde réalisation, financement et marché, etça, selon une approche respectueuse de lapopulation et de ses aspirations. Toutefois,il faut bien l’admettre d’entrée de jeu, cepotentiel énergétique sera et devra être re-distribué vers ses marchés, et ces marchésse définissent selon la capacité de payerdes divers types de consommateurs.

C’est ici que se pose le problème de po-sitionnement de la RDC qui souhaite fairedu potentiel énergétique des chutes d’Ingaun moteur, sinon le moteur principal deson développement, un développementdurable dans un monde en transforma-tion. La stratégie de positionnement de laRDC dans l’exploitation de son potentielénergétique aux fins de son propre déve-loppement n’est pas évidente. Elle doitêtre issue d’une démarche multiforme ri-goureuse, nécessitant la prise en comptedu renforcement de ses capacités tech-niques, de ses limites financières, des re-tombées en matière de réinvestissementdans l’électrification urbaine et rurale et dela transformation de son économie quis’en suivra. Comment donc se positionner entre lesforces du marché, les exigences du capitalet l’obligation de remettre au pays unepart suff i sante des bénéf ices pourpropulser son développement ?

Il n’y a pas aujourd’hui de réponseclaire à cette problématique. Toutefois, onconnaît assez bien les enjeux du dévelop-pement durable. Il est en effet bien démon-tré dans la littérature que le développe-ment durable est le résultat de l’ensembledes décisions et initiatives qui harmoni-sent les rapports existants entre les indivi-dus, la société et leur environnement. Cesdécisions sont prises en milieu turbulentoù les événements se bousculent, pertur-bant sans cesse les champs information-nels, autrefois bien circonscrits et stables,faisant ainsi appel à des savoirs straté-giques, scientifiques et technologiques deplus en plus poussés. Les initiatives de dé-veloppement durable qui en découlentexigent le plus souvent de repenser nosconcepts et modèles de base et de mieuxconnaître les facteurs qui favorisent leursuccès, ces succès qui, porteurs d’écono-

mie et de bien-être, apaisent les tensionssociales, préviennent les conflits et annon-cent un avenir meilleur pour tous.

Les initiatives de développement dura-ble se fondent sur les capacités nouvellesqu’offrent les potentialités des technolo-gies d’information et de communication,la force de la synergie qu’apporte la colla-boration entre les acteurs du développe-ment et la haute valeur du cumul des sa-vo i r- fa i re sc ient i f ique , t echnique ,organisationnel et populaire qui caractéri-sent le nouveau millénaire. Les projetsporteurs de Développement durable doi-vent mettre en valeur les nouvelles idéespolitiques, scientifiques et technologiquesqui naissent de la recherche du bien-être,d’une plus grande solidarité entre les gé-nérations, les cultures et les peuples etd’une plus grande harmonie dans nos rap-ports avec la nature et le patrimoine hu-main.

Le défi stratégique est, avant touteforme d’engagement irrévocable, de met-tre en place une perspective politique etadministrative respectant l’éthique du dé-veloppement durable du pays et de propo-ser des solutions assujetties aux obliga-tions de performances économiques etsociétales qui s’imposent aujourd’hui ets’imposeront encore davantage dans unfutur proche. Dans cet ordre de chose, il estimportant de mettre de l’avant les réseauxd’actions internes du pays, ainsi que de sescapacités créatives en matière de dévelop-pement, de financement, de mise en œuvreet de gestion d’initiatives nouvelles capa-bles de justifier, d’absorber et de mettre envaleur la partie du potentiel énergétiquequi revient de droit à la population congo-laise. Il ne faut toutefois pas se leurrer…les nombreux problèmes qu’il faut résou-dre pour enclencher un véritable proces-sus de développement durable à partir desprojets de mise en valeur du potentiel hy-draulique du Fleuve Congo sont nou-veaux, difficiles à cerner et complexes à ré-soudre :• Comment maximiser les retombées stra-tégiques, sociales et financières des projets,tenant compte des impératifs de leur miseen valeur ?• Comme configurer les projets de ma-nière à établir les conditions permettant deréduire les risques et de faciliter leur finan-cement ? • Comment intégrer les objectifs de déve-loppement durable de la RDC aux objectifsde performances des parties prenantes ?• Comment favoriser la collaboration en-tre l’ensemble des parties aux objectifs di-vergents ?

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Diplomat Investissement septembre-octobre 2020 71

Énergie: Grand Inga

• Comment inclure les autorités gouverne-mentales dans le processus de finance-ment de projet et le contrôle de la qualitéde l’exécution ?• Etc.

Il faut s’y attaquer en exploitant les ser-vices scientifiques et techniques des ac-teurs clés du développement et en les met-tant au défi de créer et de mener à termede nouvelles initiatives tant publiques etque privées. 5. La contribution de la diaspora congo-laiseIl y a bien sûr l’expertise congolaise qu’ilfaut solliciter et engager dans ce processus.Toutefois, il est critique de ne pas négligerl’apport de la diaspora congolaise dans larecherche et la mise en œuvre des straté-gies les plus efficaces pour propulser le dé-veloppement à partir de ces deux projets.En effet, à l’instar de plusieurs pays del’Asie du Sud qui n’ont pas hésité à solli-citer les membres de leur Diaspora pouravoir un nouvel élan dans le développe-ment, l’industrialisation et la modernisa-tion de leurs pays, la RD Congo tirerait denombreux avantages à exploiter lesconnaissances se sa propre diaspora pourmaximiser les retombées de ces projets.

Au Canada et aux U.S.A., notamment,il y a plus de 1500 ingénieurs civils, méca-niciens, électriciens, géotechniciens, géo-logues, économistes, environnementalisteset autres spécialistes qui œuvrent dans lesentreprises de Génie-Conseil, des universi-tés, la fonction publique et maîtrisent lestechnologies, la gestion de projets et autressavoir-faire dans les secteurs de l’énergie,de l’eau et du génie civil de manière plusvaste. Ils détiennent de vastes connais-sances dans les sciences politiques, sur lesmécanismes de gestion des opérations degrandes organisations publiques et pri-vées. Ils maîtrisent les aspects de la straté-gie et de la gestion opérationnelle incluantles plans stratégiques et directeurs, les pro-cessus d’affaires corporatifs et le supportaux niveaux technique et financier, sur leplan des infrastructures, de l’environne-ment, du commerce et du droit. Ils ont un

accès privilégié à un réseau de contacts dehaut niveau, influent et décisionnel. Ilsmontrent une aisance à cerner les enjeuxdu marché mondial et à recentrer en consé-quence les offres potentielles sur les mar-chés nationaux bien ciblés. Ils ont démon-tré leur capacité dans la conception destratégies opérationnelles et leur mise enplace efficace, efficiente dans une perspec-tive de développement durable. Enfin, ilsont une feuille de route impeccable en ma-tière de transformation d’affaires, de mon-

tages financiers, de développement demarchés, de montage et négociation decontrats, de gestion et supervision degrands projets.6. Une retombée directe : l’industrie del’électricitéLa mise en œuvre des mégaprojets INGA3 , INGA 4 et plus offre l’opportunité à laRD Congo de développer son industrie del’électricité6 . Il s’agit d’un marché de plu-sieurs dizaines de milliards de dollarspouvant entrainer la création de milliersd’entreprises offrant plus de 100 000 em-plois directs dans des secteurs aussi variésque la production (production de l’énergieélectrique à l’aide de différents moyenscomme les barrages hydroélectriques, lescentrales hydroélectriques, le pétrole, legaz naturel, la géothermie, capteur solaire,biomasse ou éolienne), le transport (ex-ploitation et gestion de réseaux de trans-port de l’électricité des installations deproduction jusqu’aux installations de cen-tralisation de la distribution) ainsi que ladistribution (gestion des installations et ré-seaux de distribution de l’électricité jusquechez les clients résidentiels, commerciaux,institutionnels ou industriels).

Par ailleurs, la production de l’hydrogèneliquide faisant partie intégrante du projetsoutenu par des promoteurs allemandsconstituerait également un incitatif impor-tant à la création d’entreprises satellites of-frant des débouchés de carrière pour lesingénieurs, techniciens et autres expertscongolais. ConclusionLe projet hydroélectrique d’INGA, quel’on envisageait déjà d'entreprendre àl’époque coloniale, se trouve aujourd’hui àun jalon décisif de son développement etde sa mise en œuvre.

C’est dans ce climat d’impatience etd’urgence que le Gouvernement de RDCongo cherche à enclencher sa mise enœuvre, conscient qu’il s’agit du plus grandprojet hydroélectrique au monde, et qu’ilest la clé de l’exploitation de l’immensepotentiel hydroélectrique du reste dupays. Toutefois, son positionnement straté-gique dans le projet, c’est-à-dire sa capa-cité d’assurer des retombées suffisantespour en faire un moteur de l’économiecongolaise, est loin d’être assurée face auxobligations de performances financièresdu projet si on laisse agir les facteurs éco-nomiques qui traditionnellement s’impo-sent à ce type de projet.

Il faut au contraire aborder cette ques-tion suivant un angle nouveau, avec l’au-dace du propriétaire de la source d’éner-gie, le réalisme des options économiquesqui sont sous-jacentes aux deux projets,INGA 3, à mettre en œuvre par les consor-tiums chinois-espagnols et INGA 4 par lespromoteurs allemands. Les deux projetssont complémentaires pour le développe-ment socio-économique et la modernisa-tion de la RD Congo tant attendus pour lesprochaines décennies, dans le but de ren-contrer les attentes de la population, la vi-sion d’un futur à fabriquer pour le pays etla fierté de contribuer de manière signifi-cative au futur de la planète. n

(*) Prof. Jean-Louis Sasseville, Ph.D., EGIDD inc(*) Nlombi Kibi, Ing. F., M.B.A., Ph.D., CIMAGLOBAL et EGIDD Inc

1. La loi libéralisant le secteur de l’électricité en RD Congo, votée au parlement en 2013, offre l’opportunité aux privés de devenir des opérateurs dans ce secteur. Elle casse ainsi le monopolede la Société nationale d’électricité (SNEL). La SNEL en tant qu’opératrice publique négociera avec la nouvelle société de gestion d’Inga 3 et pourra bénéficier des avantages mais seraconfronté avec la concurrence privée. Pour éviter cette problématique, le gouvernement a soumis au parlement un projet de loi sur Inga et a créé deux agences : l’Autorité de Régulation dusecteur de l’électricité et de l’Agence nationale d’Électrification et des Services énergétiques. 2. GRAND INGA EN QUELQUES MINUTES © ADPI- RDC SEPTEMBRE 20193. Voir la vidéo : https://www.facebook.com/watch/?v=249462182693863 4. World’s largest hydro dam 'could send cheap green hydrogen from Congo to Germany'. https://www.rechargenews.com/transition/worlds-largest-hydro-dam-could-send-cheap-green-hydrogen-from-congo-to-germany/2-1-8710595. Toutefois, il est souhaitable de noter que le coût de production de l’hydrogène par électrolyse est aujourd’hui de 2 à 3 fois supérieur à celui obtenu par reformage du gaz naturel et qu’il estnécessaire d’avoir accès à de l’électricité à faibles coûts pour rendre « l’hydrogène vert » compétitif. Cette condition explique en bonne partie l’intérêt des promoteurs allemands et impose defortes contraintes sur le volume minimal de la demande en électricité qui sera nécessaire pour rentabiliser à la fois la production d’énergie électrique et la production d’hydrogène que prévoitle projet.6. La production d’électricité à l’aide de diverses sources d’énergie et technologies, la transmission sous haute tension d’électricité et la distribution de l’électricité aux utilisateurs finaux.Diplomat Investissement septembre-octobre 2020 71Diplomat Investissement septembre-octobre 2020 71

Notes

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Énergie et Covid-19

_____________André Turmel, KarimMaalioun et Youssef Fichtali*

Au plan opérationnel

Les centrales à gaz sont directementtouchées notamment en raison del'approvisionnement plus difficile

et plus long en gaz naturel liquéfié.L'industrie solaire photovoltaïque est, elleaussi, touchée en raison notamment de lasuspension de plusieurs unités de fabrica-tion en Chine (qui, certes, reprennentdepuis graduellement) et d'une augmenta-tion des prix en raison de défis auxquelschacun des acteurs de la chaîne de valeurdevra répondre. L'industrie éolienne a vubon nombre de ses travailleurs rapatriésdans leurs pays d'origine suite à l'arrêt decertains projets de centrales en construc-tion. L'effondrement du prix du baril depétrole a entraîné, par ailleurs, une baissedu coût de livraison de l'électricité sur lemarché intérieur et donc une baisse del'importation de certains produits commenous avons pu l'observer en Chine, parexemple, avec une baisse de ses importa-tions de charbon à partir de l'Australie.

Sachant que la demande d'électricitédonne un indicateur important del'activité économique, la baisse de laconsommation constatée dans de nom-breux pays ne laisse rien présager de posi-tif sur les marchés mondiaux des énergieset incidemment sur les producteursindépendants d'électricité.Au plan juridiqueLa crise de la COVID-19 impacte toutesles parties prenantes du secteur del'électricité. La notion de Force Majeure,évènement imprévisible, irrésistible etextérieur, est sur toutes les lèvres, maisencore faut-il que cette notion et ses con-séquences soient effectivement prévuesdans le contrat ou dans la loi applicableaux contrats en jeu. Ci-dessous, quelquesexemples de situations pouvant êtreappréhendées comme un évènement deForce Majeure et dont les conséquencesdevront être appréciées au cas par cas.

Dans le contrat d'achat d'énergie (le CAE) Quel type de Force Majeure invoquer, parqui et pour quoi faire? S'agissant des pro-jets de centrale en construction, est-ce quela société de projet peut invoquer laCOVID-19 pour justifier une absence depersonnel sur site, et plus généralement, ladésorganisation totale de la chaîne devaleur sans risque? S'agissant des projetsen exploitation dans des pays en voie dedéveloppement, dans l'hypothèse où lerisque lié à l'approvisionnement est prispar le producteur, comment continuer àfinancer cet approvisionnement et la four-niture d'énergie sans avoir la certitude,pour le producteur indépendant, derecevoir les paiements adéquats de son

client, ce dernier rétorquant que ses pro-pres usagers ne sont pas en mesured'honorer les factures d'électricité? Enthéorie, une telle situation pourraitentraîner une mise en état de cessation despaiements du producteur indépendant. Enpratique, la réalité devrait être toute autreà condition de savoir où sont les effets delevier avec le ou les cocontractants, qu'ilssoient contractuels, opérationnels, voirepolitiques.

Dans le contrat de construction (EPC) etd'exploitation et maintenance (O&M)À l'instar du CAE, l'indisponibilité des tra-vailleurs sur site et la fermeture de cer-taines unités industrielles de fabricationd'équipements ont des conséquences nonnégligeables tant sur les coûts associés auprojet que sur l'impossibilité d'effectuerdes maintenances programmées ou non,risquant ainsi d'altérer la performance dela centrale à court ou moyen terme.Dans le cadre des retards dans l'octroi despermis, autorisations ou licencesLa fermeture des agences ou autoritéscompétentes rendant indisponible le per-sonnel fonctionnaire entraîne indéniable-ment le retard dans l'instruction et ladélivrance des permis, licences et autorisa-tions ce qui repoussera la date effective demise en service des centrales.Le contrat de raccordement au réseau detransport et le contrat de distributiond'électricitéLà encore, l'indisponibilité des personnelset des équipements entraîne des retardsdans le raccordement des centrales auréseau de transport et les processus dedistribution d'électricité en particulierpour les nouveaux projets désireux de seconnecter au réseau.En matière de financement de projet L'absence de revenus pour les producteursd'électricité en exploitation et l'indisponi-bilité de certaines centrales, si des précau-tions préalables ne sont pas prises,risquent de conduite les producteursindépendants à une impossibilité d'honor-er le service de leur dette contractée dansle cadre du financement de leur actif én-ergétique.Au plan financier En sus des conséquences opérationnelleset juridiques qui découlent de la COVID-19, il existe un certain nombre d'évène-ments de défaut, dans la documentationde financement, qu'il convient d'analyseravec la plus grande rigueur. Ces évène-ments de défaut peuvent, éventuellement,être aussi considérés comme tels vis-à-vis

Producteurs indépendants d’électricité, Covid-19 etenjeux contractuelsLa crise de la COVID-19 nous rappelle le rôle crucial des producteurs indépendants d'électricité à une période de notreexistence où, plus que jamais, il convient d'en sécuriser sa disponibilité. Au Québec, par exemple, la production[l'approvisionnement], le transport et la distribution d'énergie ont été reconnus comme des services [publics] prioritairesdevant être assurés et maintenus par le Gouvernement[1]. C'est également le cas en Ontario[2] ou dans l'État de NewYork[3] par exemple. Et pourtant, bien que prioritaires, les producteurs d'électricité et toute l'industrie faisant partie dela chaîne de valeur ont et vont devoir répondre à de nombreuses incertitudes tant sur plan opérationnel, que juridiqueet financier.

André Turmel, avocat associé et Co-Chef du GlobalEnergy Group au sein du cabinet d’avocats Fasken

Martineau

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Énergie et Covid-19

de l'ensemble des parties prenantes quesont les entreprises de construction, leclient, l'exploitant, l'assureur, etc. Ci-dessous quelques exemples d'évènementsde défauts à appréhender en raison de lasituation actuelle de la COVID-19 :Retard dans l'exécution du projetL'absence de mise en service industriellede la centrale avant une date agrééec o n s t i t u e , s o u v e n t , u n é v è n e m e n tde défaut. Les retards pris du fait del'absence de fourniture d'équipementse t l ' i n d i s p o n i b i l i t é d e s e m p l o y é sconstitueront vraisemblablement unévènement de défaut.Le non-service de la dette et la prise demesures pour éviter l'état de cessationdes paiementsS'agissant des producteurs indépendantsen exploitation, le défaut ne pourra êtrematérialisé que dans l'hypothèse où lepaiement dû au titre du principal et desintérêts n'intervient pas à la date effectivede paiement. Cela étant dit, il est vraisem-blable que ces producteurs aient à répon-dre de nombreuses demandes d'informa-tion pour anticiper la disponibilité des fluxde trésorerie et ainsi éviter le défaut.

Les producteurs doivent égalementmesurer les conséquences de la crise de laCOVID-19 sur leurs engagements finan-ciers pour déterminer si un évènement dedéfaut pourrait en découler. Outre l'évène-ment de défaut, il est aussi possible de ten-ter de limiter les risques de redressementou liquidation judiciaire en recherchanttoutes les mesures de protection du pro-ducteur indépendant d'électricité débiteurvis-à-vis de ses créanciers et en particulierde son ou ses créanciers bancaires.Les actions gouvernementalesDans les financements de projets interna-tionaux et notamment impliquant les paysen voie de développement, les contrats deprêts incluent souvent, comme évènementde défaut, l'octroi de délais ou moratoirespour le paiement des sommes garantiespar l'État et dues au titre du contrat d'achatd'énergie. Malgré le fait que beaucoup depays en voie de développement ontdemandé des aides auprès notamment duFonds Monétaire International, les sociétésde projet ont fort à faire entre gérer les re-lations avec le client, l'État garant et lesprêteurs pour éviter l'accélération du rem-boursement du prêt et la paralysie dufonctionnement de la centrale dont noussavons tous qu'elle constitue un actifstratégique clé pour les communautéslocales. Un effort de solidarité de toutes lesparties prenantes devra être fait en cette

période, mais comme toujours, les abus entout genre devront être évités. Bien lesanticiper implique l'élaboration d'unestratégie globale et une communicationadéquate avec toutes les parties prenantes.Quelques conclusions et recommanda-tions

À la lumière des difficultés et enjeuxénoncés ci-haut, voici quelques conclu-sions et recommandations qui nous appa-raissent sages et pratiques :• Dans les relations contractuelles entre lesparties, la crise de la COVID-19 permet, àne pas douter, d'apprécier la bonne foi descocontractants. En effet, il est fondamentalde bien comprendre la notion de Force Ma-jeure et déterminer comment et par quielle peut être invoquée. La crédibilité decelui qui invoque la Force Majeure et sesconséquences seront appréciées trèsrigoureusement avec, comme risque, encas d'abus, de voir sa bonne foi et sa répu-tation altérées significativement pendantet après la crise de la COVID-19;• La Force Majeure n'est pas un concept àsens unique, car celui qui l'invoquerapourra mettre son cocontractant dans unesituation délicate vis-à-vis de ses propressous-traitants. Communiquer clairementet mesurer les conséquences réciproquesde l ' invocation de la Force Majeureparticipe de la parfaite relation d'affaireset de l'effort de solidarité requis afind'éviter des situations dramatiques, enparticulier lorsque des petites et moyennesentreprises sont impliquées;• Examiner scrupuleusement les contratsde financement afin de circonscrire les aviset notifications à effectuer, les évènementsde défaut, les demandes de renonciation

(waivers) éventuelles et travailler de con-cert avec les cocontractants de l'emprun-teur (notamment les assureurs) et les prê-teurs pour trouver des solutions pérenneset mutuellement bénéfiques en vue depréserver l 'actif énergétique, éviterl'accélération du remboursement du prêtet limiter, autant que faire se peut, lespertes de profits;• Bien analyser les clauses de changementde législation, de règlementation, lesordonnances, directives ou codes applica-bles et apprécier leur pertinence par rap-port aux clauses de Force Majeure. Eneffet, les clauses de changement de loispeuvent s'avérer plus adéquates que lesclauses de Force Majeure. La rédaction deces clauses doit être scrutée minutieuse-ment et, quoi qu'il en soit, l'analyse croiséedes clauses de Force Majeure avec celles dechangements de lois pourrait produire desrésultats intéressants;• Si cela n'a pas déjà été fait au cours decrises précédentes, effectuer un exercice,

très important pour le futur, consistant àfaire une analyse des «leçons apprises» dela crise de la COVID-19 en les modélisantpour pouvoir les diffuser en interne etainsi envisager des scénarios de réponsepour la prochaine crise… qui sait? Il estévident que cette crise historique sansprécédent marquera un avant et un après.Les contrats tels que nous les rédigeonsa u j o u rd ' h u i d e v ro n t s ' e n t ro u v e rsubstantiellement modifiés.

Une clause « COVID » devra proba-blement être intégrée et sera vraisem-blablement analysée comme un réel risqueopérationnel pour les exploitants dont les

Karim Maalioun, Associé, Fasken

Youssef Fichtali Avocat, Fasken

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Énergie et Covid-19

conséquences juridiques devront être con-signées minutieusement dans les contrats;• Au fond, la situation créée par laCOVID-19 doit renforcer les liens entre lescocontractants et non pas les distendre.Chacun se souviendra du comportementde « l'autre » pendant cette période et seulerestera la confiance qui aura soit disparuintégralement soit aura été renforcée.

Nous allons sans doute voire un grandnombre d'entreprises disparaître et un ren-forcement des relations d'affaires avec lespartenaires qui auront su mettre de côté un« égoïsme exacerbé » au profit de l'effortcommun de solidarité requis pour limiter

les effets négatifs liés à la crise de laCOVID-19;• De cette crise, personne n'en sortiraindemne que ce soit en amont, les sociétésen exploitation, les différents acteurs dumarché ou en aval, les clients finaux, con-sommateurs d'énergie.

Dans une analyse plus globale, c'est bi-en une remise en question plus générale denos modes de consommation et de noshabitudes qu'il faudra remettre en ques-tion avec de nouveaux moyens con-tractuels et de nouvelles normes règlemen-taires à mettre en avant, tel que des modesd'exploitation respectueux des normes

sanitaires strictes et une mise en place designaux d'alerte en cas de renouvellementde ce type de pandémie;• Plus que jamais, « Gouverner, c'estprévoir », cette devise politique s'appliqueaussi naturellement aux entreprises. Il esturgent de repenser nos règles, indicateurset cultures pour anticiper les effets de crisede la COVID-19 et ceux de la prochainecrise.

Nous sommes disponibles pour vousaccompagner dans tous les défis auxquelsvous faites face en lien avec les enjeuxénoncés plus haut. n

(*) André Turmel concentre sa pratique en droit de l’énergie,des ressources naturelles et en droit des changements clima-tiques et il travaille aussi sur les enjeux juridiques reliés àl’électrification des transports ainsi qu’à la mobilité durable.

Des clients nationaux et internationaux sollicitentl’expertise d’André dans le cadre d’occasions d’affaires néesde nouvelles technologies vertes et d’énergies renouvelables.Grâce à ses connaissances approfondies des marchés del’énergie, André rédige, révise et négocie diverses ententescontractuelles en matière de construction, d’approvisionne-ment, de production et de transport d’énergie pour des pro-ducteurs d’énergie renouvelable au Canada et à l’étranger. Ilreprésente un clientèle diversifiée composée de sociétésactives dans tous les secteurs de l’économie qui cherchent àcontrôler leurs coûts d’énergie et à réduire leur empreinteenvironnementale.Mandaté également par les gouvernements et des produc-teurs privés au Canada, en Afrique et en Asie, André joueun rôle clé dans le cadre de réformes institutionnelles dansles domaines de l’énergie, de l’électrification des transportset de l’eau.André est un avocat et un conférencier recherché sur lessujets de l’énergie, des changements climatiques et del'électrification des transports. Il est d’ailleurs auteur denombreux ouvrages et articles portant sur ces sujets.

(*) Karim Maalioun est un avocat parisien, basé depuis plu-sieurs années à Londres, et spécialisé en développement et entransactions dans le secteur de l’énergie et des ressources na-turelles. Il conseille des entreprises multinationales, des inves-tisseurs en fonds propres ou en dette (fonds d’infrastructures),des institutions financières de développement, les Gouverne-ments, les sponsors de projets, les « utilities » et toutes les par-ties prenantes aux projets de production, transport et distribu-tion d’électricité, conventionnelle et/ou renouvelable, ainsi quedans le secteur des ressources naturelles. Karim Maalioun adéveloppé une vraie expertise de conseils juridiques et straté-giques auprès des gouvernements et institutionnels désireuxde développer une politique énergétique durable, au meilleurcoût et adaptée aux besoins de leurs citoyens.

Son domaine d’expertise comprend tous les aspects juri-diques de ces projets et notamment (i) les opérations de fusionset acquisitions, (ii) les opérations de développement, deconstruction et de financement de projets de centralesélectriques (Greenfield et Brownfield), (iii) les contrats deconcession, les contrats d’achat-vente d’électricité, les contratsde raccordement au réseau, les contrats de transport, de distri-bution et d’interconnexion d’électricité ; (iv) les contrats deconstruction (EPC/O&M) de centrales électriques et de lignesde transmission et (v) les contrats conclus avec les Gouverne-ments et entités locales ayant le monopole de la génération, dutransport et de la distribution d’énergie. Fort de ses compé-tences financières, Karim Maalioun conseille également sesclients sur tous les aspects fiscaux qu’impliquent ce type detransactions. Karim Maalioun a par ailleurs, une expériencenotoire en droit minier, qu’il s’agisse du financement, de la mo-bilisation de capitaux, de l’achat, la vente ou du développe-ment d’un projet,

(*) Youssef Fichtali est un avocat d’affaires basé à Montréal,spécialisé dans les secteurs de l’énergie et des ressources na-turelles et particulièrement actif dans les pays émergents.Soucieux de réaliser des projets qui bénéficieront non seule-ment à ses clients, à leurs actionnaires, mais aussi aux dif-férentes parties prenantes, tant sur le plan économique, so-cial et du développement, Youssef accompagne ses clientspour construire une stratégie de croissance durable et créerde la valeur à long terme. Il conseille des entreprises multi-nationales, des fonds d'investissement, des gouvernements,des institutions financières de développement, des banqueset des sponsors sur la structuration et la négociation detransactions complexes et transfrontalières.

Dans le secteur de l’énergie, Youssef participe à des opé-rations de développement, de construction (EPC/O&M) etde financement de projets. Il rédige et négocie des contratsde concession, des contrats d’achat-vente d’électricité, descontrats de raccordement au réseau, des contrats de trans-port, de distribution ou d’interconnexion d’électricité.

Dans le secteur des ressources naturelles, Youssef parti-cipe à des opérations d’émission de titres dans le cadre d’ap-pels publics à l’épargne ou de placements privés ainsi quesur des inscriptions à la bourse des valeurs au Canada. Parailleurs, il rédige et négocie également des contrats d’acqui-sition de droits miniers, des conventions d’option, descontrats de coentreprise, des accords de redevances, desconventions minières et autres ententes commerciales. Yous-sef conseille également des gouvernements sur la rédactionet la réactualisation de leur cadre législatif, notamment dansle secteur de l’énergie et des mines.

Il fait partie des comités Afrique, Amérique Latine etMoyen-Orient du cabinet.

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Énergie: Grand Inga

Vers une mise en valeur stratégique du potentielhydroélectrique du site INGA dans le cadre duDéveloppement Durable : Le projet Grand Inga est-il enfin prêt à être lancé ?_____Nlombi Kibi, Ing. F. M.B.A., Ph.D.*

Introduction

La RD Congo regorge d’importantesressources énergétiques susceptiblesde favoriser le développement et

l’implantation de plusieurs formes d’éner-gies, notamment les énergies hydraulique,éolienne, solaire, biogaz, biocarburant, etc.Dans le cas spécifique de l’énergie hydrau-lique, la RD Congo est dotée d’un poten-tiel hydroélectrique évalué à environ 110GW, soit 37% du potentiel total africain etprès de 6% du potentiel mondial. Environ44% des potentialités hydroélectriquessont concentrés au seul site des chutesd’Inga dans la province du Kongo Central,avec au moins 44 GW, situé à environ 150km de l'embouchure du fleuve Congo, auniveau de l’Océan Atlantique, qui com-mence à être de plus vu comme le pointstratégique, avec la construction d’un porten eau profonde à Banana et pourquoi pasle projet d’implantation d’une usine deproduction d’hydrogène liquide, le carbu-rant par excellence, du 21 siècle avec latechnologie allemande, par les européens.Aussi, la RD Congo possède aussi plus de60 GW de potentiel hydroélectrique ré-parti sur environ 800 sites à travers toutson territoire.

Dans le cadre du développement du-rable et de la sauvegarde des écosystèmesfragiles mondiaux, avec son potentiel hy-draulique, la RD Congo pourrait fournirune part importante, pouvant aller, selonles estimations de la Banque Mondialejusqu’à 40% de la demande d’électricité enAfrique à un prix compétitif et de manièrepérenne. Invraisemblablement, le tauxd’électrification nationale reste encore fai-ble, ceci constituant une grande préoccu-pation pour les autorités de la RD Congoet surtout un grand handicap pour son dé-veloppement socio-économique de cegéant africain.

Pour accroître la production de l’éner-gie, le Gouvernement a mis en place unepolitique d’ouverture axée sur la libérali-sation du secteur énergétique. Cette poli-

tique vise à inciter et à faciliter les investis-sements étrangers et nationaux dans unestratégie de partenariats Privé-Privé, Pu-blic-Public ou Public-Privé. C’est cette ou-verture qui a donné lieu à la venue du pro-je t Grand Inga, avec le concept dephasages INGA 3 à INGA 7, résultats da-tant de 2013, issus des études de faisabilitéréalisées par le Groupement AECOM-RSWI et EDF avec un financement de laBanque Africaine de Développement(BAD).

L’initiative datant depuis l’époque co-loniale, le projet hydroélectrique d’INGAse trouve aujourd’hui à un tournant straté-gique et décisif de son développement etde sa mise en œuvre.

C’est dans cette perspective que le Gou-vernement de RD Congo cherche à accé-lérer la mise en oeuvre du projet GrandInga, qui est le plus grand projet hydro-électrique proposé au monde, en mêmetemps que l’immense potentiel hydroélec-trique du reste pays.

Il est donc grand temps de mettre enexergue les efforts continentaux et mon-diaux pour renforcer la coopération et l'in-tégration régionales en tant que catalyseur

pour la réalisation des projets d'hydroélec-tricité renouvelable et des investissements.En raison de son impact majeur au niveaucontinental, le projet Grand Inga est unprojet prioritaire de l'Agenda 2063 del’Union Africaine (UA) et ses différentescomposantes font également partie duProgramme de développement des infra-structures en Afrique – Projets d'actionsprioritaires (PIDA-PAP).

Actuellement, le Gouvernement de laRD Congo a sur la table deux propositionsde projets pour le Grand INGA.(1) Proposition A : c’est celle du consor-tium chinois (Chine d'Inga III) mené parThree Gorges Corporation (gestionnairedu barrage des Trois-Gorges en Chine) etle consortium espagnol (Pro- Inga )conduit par Cobra Instalaciones y Servi-cios, filiale du groupe de BTP espagnolACS. Les deux consortiums, issus d’unprocessus d’appels d’offres, viennend’êtret obligés par le gouvernent de la RDCongo de former un seul Groupe.(2) Proposition B : c’est celle d’un grouped’investisseurs privés allemands qui pro-pose de réaliser le projet INGA 3 de 12000MW, jumelé à la production d’hydro-gène liquide à Moanda, susceptible deconsommer une tranche importanted’électricité qui sera produite ainsi que laréhabilitation et la construction chemin defer de 10 000 Km reliant l’Est et l’Ouest dela RDC

L’objectif de cet article est de donnerun point indépendant d’un groupe d’ex-perts canadiens dans le but d’aider le gou-vernement de la RD Congo à prendre unedécision éclairée dans le cadre d’un pro-cessus d’aide à la décision basée sur le Dé-veloppement durable.. Nous tenons à pré-ciser ici que la décision finale revient duGouvernement de la RD Congo. L’article est divisé en sept parties :• Les tenants et aboutissants de la propo-sition A• Les tenants et les aboutissants de la pro-position B• Processus de choix du meilleur projetpour le développement socio-économiquede la RD Congo

Nlombi Kibi, Ing. F. M.B.A., Ph.D., DirecteurTechnique de l’Agence de Développement du Congo

(ADEC)

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Énergie: Grand Inga

• Les enjeux du lancement simultané dedeux projets dans le cadre du développe-ment durable• Retombés de deux projets dans le déve-loppement et la modernisation de la RDCongo• La place de la Diaspora congolaise dansla mise en œuvre de deux projets• Conclusions1. Les tenants et les aboutissants de laproposition 1La proposition 1 porte sur la réalisation duprojet INGA 3 par le Consortium Chined'Inga III" (Chine) et le "consortium Pro-Inga" (Espagne).

Selon les informations fournies parl’ADEPI, il appert que suite à la décisiondu Gouvernement de la RD Congo de por-ter la production de INGA 3 de 4 800 MWà 11 050 MW amenant ainsi la valeur del’investissement à plus de 18 milliards $US(dont 4 milliards pour la construction deslignes de transport), la perspective de miseen œuvre du Projet INGA 3 est susceptibled’être réalisé dans un avenir proche.

Selon le programme en cours de finali-sation, le projet démarrera avec les étudestechniques complémentaires, notammentla réalisation de l’étude d’Impact Environ-nemental et Social liée à la construction dubarrage et d’autres infrastructures sur lesmilieux, physique, biologique et humain,en mettant en exergue que les impacts né-gatifs seront atténués et les impacts posi-tifs seront bonifiés par le truchement d’unPlan de Gestion Environnementale et So-ciale (PGES) et évidemment , l’élaborationet la mise en œuvre la mise du Plan d’Ac-tion de Réinstallation des Populations af-fectées par le projet (PAR). Il sera aussiquestion de mettre en panoplie d’instru-ments de suivi et contrôle.Les coûts d’investissement seront mobili-sés par le consortium. Dans cette configuration de projet ,l’Afrique du Sud s’est engagé à acheter 5000 MW dont les parlements sud-africainset congolais ont approuvé une conventiond’achats de 2500 MW, le Nigeria 3 000 MW,l’Angola 5000 MW, les sociétés minières etles industries de la RDC 3000 MW et lereste 3000 MW pour la Société nationaled’électricité de la RDC (SNEL)(total6000MW pour la RDC) , alors que la Gui-née a exprimé le souhait d’acheter 7 500MW. Quelle est la limite de l’accord de la RDCongo avec le consortium ? L'accord a été signé entre le Gouverne-ment de la RDC, "le consortium Chine

d'Inga III" (Chine) et le "consortium Pro-Inga" (Espagne).

Le consortium chinois (Chine d'Inga III)est emmené par Three Gorges Corporation(gestionnaire du barrage des Trois-Gorgesen Chine) et avec le consortium espagnol(Pro- Inga ) conduit par Cobra Instala-ciones y Servicios, filiale du groupe de BTPespagnol ACS.

Sur recommandation du Gouvernementde la RDC, les deux sociétés, espagnole etchinoise se sont mises d'accord pour créerun consortium unique. Elles ont confirméla construction d'un barrage d'une capa-cité de 11.050 MW. Le coût de ce projet: 18milliards de dollars" dont 4 milliards pourla construction des lignes de transport.

La RDC et les deux consortiums sont entrain de préparer le contrat de collabora-tion exclusive qui va permettre d'allerchercher des financements auprès du gou-vernement chinois et des partenaires pri-vés.

Le projet se développe dans le cadred’un Partenariat Public -Privé en modeBOT c-à-d que le partenaire privé a la

charge de financer la construction de lacentrale, l’exploiter et restituer la gestion àl’État congolais selon les échéances qui se-ront négociées. Dans notre analyse, noustenons à signaler qu’il est primordial decomprendre comment se transige le déve-loppement des projets en Partenariat Pu-blic-Privé (PPP). Il y a toujours la part mi-nimale du budget qui provient des entitéspropres et la plus grande part provient desbanques affiliées à chaque consortium.Ces consortiums ont déjà leurs banquesdédiées pour le financement du projet etelles sont prêtent à mobiliser leurs proprespart.

Toutefois, le consortium sino-espagnolen mode BOT PPP pourrait s’adjoindred’autres partenaires comme financiers ouacheteurs de l’énergie produite.

À titre de rappel, les étapes de l’Accord seprésente de la manière suivante : • Un Accord de développement exclusif aété signé entre la RD Congo et les deuxconsortiums en 2018; • Les deux consortiums viennent de s’uniret s’apprêtent à disponibilité la somme de80 millions $ USD pour démarrer lesétudes complémentaires et les travauxd’ouverture des chantiers. • Négociation et signature de l’Accord deCollaboration Exclusive et présentation depreuve de mobilisation des financementspour la réalisation des travaux (à venir); • Signature du Contrat de Concessionavec les Co‐développeurs. La RDC mettrala concession en adjudication et concluraun contrat de concession avec les dévelop-peurs(à venir); • Création d’une société de gestion d’Inga3 entre les deux consortiums, la RDC etl’Afrique du Sud entant qu’investisseur (àvenir); • Pose de la première pierre et lancementdes travaux préparatoires (à venir); • Exécution des travaux (à venir).

Comment le consortium montera-t-il sonfinancement pour les études?

Étant donné que l'accord a été signé parla RD Congo, "le consortium Chine d'IngaIII" (Chine) et le "consortium Pro-Inga"(Espagne), les deux développeurs ontl’obligation de mobiliser le financementnécessaire pour réaliser les études complé-mentaires.Quelles sont les retombés du Projet INGA3 sur la RD Congo et sa population ? Les questions susceptibles d’être poséespar les observateurs avertis sont les sui-vantes. Y-a-t-il un engagement de la SNELet quelle en serait l’entente entre le promo-teur du projet, à savoir le Consortium surl’engagement de la SNEL (ainsi que desautres pays)? OU encore, comment le gou-vernement de la RD Congo voit-il le rôle

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Énergie: Grand Inga

de la SNEL ? Comme un acheteur del’Électricité résiduelle ?

En effet, La loi libéralisant le secteur del'électricité en RD Congo, votée au parle-ment en 2013, offre l'opportunité aux pri-vés de devenir des opérateurs dans ce sec-teur. Elle casse le monopole de la Sociéténationale d'électricité (SNEL). La SNEL en-tant qu’opératrice publique négociera avecla nouvelle société de gestion d’Inga 3 etpourra bénéficier des avantages mais seraconfronté avec la concurrence privée. Pouréviter cette problématique, le gouverne-

ment a soumis au parlement un projet deloi sur le projet Inga. Aussi le gouverne-ment a créé deux agences : l’autorité de ré-gulation du secteur de l’électricité et del’agence nationale d’électrification et desservices énergétiques.

Il faut signaler que l’autorité de régula-tion du secteur de l’électricité est un éta-blissement public doté d’une personnalitéjuridique et d’une autonomie administra-tive et financière dont la mission est d’or-ganiser et de veiller à la promotion de lacompétitivité et la participation du secteurprivé dans toutes les activités de l’électri-cité. Comment alors la surprime à ce niveau ?Deux éléments sont à considérer ici en rap-port avec la SNELa) Dans notre entendement, la SNEL nedoit pas acheter et revendre l’électricité,elle doit prélever l’électricité (sans frais) etla revendre selon un plan stratégique d’ac-célération du développement.

b) L’électricité vendu doit s’accompagnerd’un tarif compensatoire payable à uneagence de RDC d’électrification et de re-construction des barrages (cette agencepourrait être une filiale de la SNEL). Le ta-rif compensatoire est la facturation du coûtà la RDC pour relancer sa productiond’énergie, économisant ainsi les prélève-ments internationaux de l’énergie [Afriquedu SUD, Nigeria… Europe et Amérique(hydrogène verte)…]

L’idée est de structurer un raisonnementde DD et de collaboration économique.

2. les Tenants et les aboutissants du pro-jet des développeurs AllemandsLa composante 2 est une initiative d’ungroupe d’hommes d’affaires allemandsqui projette d’investir dans la mise en œu-vre du projet d’une centrale hydro-élec-trique de 12 000 MW dans le cadre de laconfiguration connue du projet INGA 3.Cependant très peu d’informations sontdisponibles, puisqu’elle ne date que demoins d’un mois.

Le projet prévoit aussi de construiredes infrastructures de production d’hydro-gène à partir de l’eau du fleuve Congo.

Selon les informations du groupe d’in-vestisseurs, avec les projections de la pro-duction d’hydrogène liquide, l’Allemagnecompte faire de la RD Congo le premierpays fournisseur de l’hydrogène pourl’Union Européenne. Les initiateurs affir-ment que le projet bénéficierait de toutesles garanties financières du gouvernementallemand.

Un protocole d’accord serait signé entemps et lieu entre le Gouvernement de laRD Congo et l’Allemagne très prochaine-ment. Selon les promoteurs de ce nouveau pro-jet, la RD Congo et l’Allemagne pourraientbâtir ensemble un partenariat énergétiquequi verrait le pays d’Afrique centrale four-nir l’énergie hydraulique capable de pro-duire de l’hydrogène vert pour les plansallemands de décarbonisation. Le tout parle truchement d’un projet de coopérationde 20 milliards d’Euros financé parl’Union européenne qui assurerait ainsi unaccès à une source d’énergie dite verte.

Selon d’autres informations fournis parles promoteurs du projet, l’hydrogène vertproduit à partir de sources d’énergie re-nouvelables joue un rôle clé dans les plansde transition énergétique de l’Allemagneet est considéré comme un moyen efficacede stocker l’énergie renouvelable et de lamettre à la disposition des secteurs diffi-ciles à décarboner, comme l’industrielourde ou l’aviation.

Le gouvernement allemand vise à lan-cer une industrie européenne complète del’hydrogène pour atteindre le leadershiptechnologique dans le domaine et a en-tamé des discussions avec plusieurs paysdu monde entier pour évaluer les projetsde coopération possibles pour l’importa-tion d’hydrogène vert à l’avenir.3. Processus de choix du meilleurprojet pour le développement socio-économique de la RD Congo Principe de choixLe processus de choix est une démarchemultiforme rigoureuse, nécessitant la priseen compte des aspects techniques, écono-miques, socio-économiques, stratégiques,environnementaux et autres.

Étant donné que le projet INGA 3 estl’un de projets susceptibles de favoriser ledéveloppement socio-économique de laRD Congo et permettrait aussi à plusieurspays africains de combler leurs déficitsénergétiques, nous suggérons aux autori-tés de la RD Congo de cadrer le choix duprojet à réaliser sur dans le schéma pro-posé par les résultats des études de faisa-bilité réalisées par le Groupement AE-COM-RSWI et EDF avec un financementde la Banque Africaine de Développement(BAD) en 20103, à savoir un développe-ment intégral et optimal du site d’Inga en6 phases supplémentaires dont Inga 3 est

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Énergie: Grand Inga

la première phase (voir Figure ci-dessous)La question qui se pose actuellement enRD Congo et ailleurs, quel pourrait être lemeilleur choix en les deux projets. Propo-sition indépendante : le Lancement simul-tané des projets INGA 3 et INGA 4En 2013, les résultats des études de faisa-bilité réalisées par le Groupement AE-COM-RSWI et EDF avec un financementde la Banque Africaine de Développement(BAD) ont proposé le développement inté-gral et optimal du site d’Inga en 6 phasessupplémentaire, à savoir Inga 3, Inga 4,Inga 5, Inga 6 et Inga 7 (voir Figure ci-des-sous).

Notre proposition de suggérer au Gou-vernement de la RD Congo d’aller del’avant avec les deux projets, à savoir d’oc-troyer au Consortium Sino-Espagnol deréaliser INGA 3 et aux promoteurs alle-mands de réaliser le projet INGA 4, enplus de projet de production d’hydrogèneliquide. Dans le cas du groupe des promo-teurs allemands, l’érection du projet INGA4, le processus devrait impérativement dé-marrer avec la réalisation des études com-plémentaires du projet INGA 4. Le projetde production de l’hydrogène liquide àpartir de l’eau du fleuve Congo nécessiterala réalisation d’une étude de faisabilité se-lon les normes. Dans le cas de deux projets l’accent devraitêtre mis sur le développement durable.4. Les enjeux du lancement simultané dedeux projets dans le cadre du Développe-ment DurableIl est bien démontré dans la littérature quele développement durable est le résultatde l’ensemble des décisions et initiativesqui harmonisent les rapports existants en-tre les individus, la société et leur environ-nement. Ces décisions sont prises en mi-lieu turbulent où les événements sebousculent, perturbant sans cesse leschamps informationnels, autrefois biencirconscrits et stables, faisant ainsi appel àdes savoirs stratégiques, scientifiques ettechnologiques de plus en plus poussés.Les initiatives de développement durablequi en découlent exigent de repenser nosconcepts et modèles de base et de mieuxconnaître les facteurs qui favorisent leursuccès, ces succès qui, porteurs d’écono-mie et de bien-être, apaisent les tensionssociales, préviennent les conflits et annon-cent un avenir meilleur pour tous.

Les initiatives de développement dura-ble se fondent sur les capacités nouvelles

qu’offrent les potentialités des technolo-gies d’information et de communication,la force de la synergie qu’apporte la colla-boration entre les acteurs du développe-ment et la haute-valeur du cumul des sa-vo i r- fa i re sc ient i f ique , t echnique ,organisationnel et populaire qui caractéri-sent le nouveau millénaire.

Les projets porteurs de Développementdurable doivent mettre en valeur les nou-velles idées politiques, scientifiques ettechnologiques qui naissent de la re-cherche du bien-être, d’une plus grandesolidarité entre les générations, les cul-tures et les peuples et d’une plus grandeharmonie dans nos rapports avec la natureet le patrimoine humain.

Il est recommandé d’adopter dans lesprojets à mettre en place une perspective

respectant l’éthique du développementdurable et propose des solutions assujet-ties aux obligations de performances éco-nomiques et sociétales qui s’imposent par-tout aujourd’hui.

Dans le principe de Développementdurable, il est important de mettre del’avant les stratégique et technologique,des ses réseaux d’actions ainsi que de sescapacités créatives en matière de dévelop-pement, de financement, de mise en œuvreet de gestion d’initiatives nouvelles capa-bles de relever le défi du développementdurable.

Les nombreux problèmes qu’il faut ré-soudre pour enclencher un véritable pro-cessus de développement durable sontnouveaux, difficiles à cerner et complexesà résoudre. Il est recommandé de s’atta-quer à certains problèmes rencontrés en of-frant les services scientifiques et tech-niques aux acteurs clés du développementafin de créer et mener à terme de nouvellesinitiatives, publiques et privées. Elle ap-porte ainsi des solutions durables dans desdomaines tels la gestion intégrée des res-sources naturelles et des biens publics, les

transferts de savoir-faire et le renforce-ment de capacités, la collaboration straté-gique et la vision commune entre les ac-teurs du développement, l’intégrationinterculturelle et la cybergouvernance.

Pour assurer le succès des projets plusavancés et qui nécessitent d’être intégrés etprofilés à leurs contextes local, nationalet international, il est possible de circons-crire de façon intelligente les éléments sui-vants : • maximiser les retombées stratégiques,sociales et financières des projets,• configurer les projets et établir les condi-tions permettant de réduire les risques etde favoriser leur financement, • organiser des ateliers de mobilisationdes intervenants stratégiques et tech-niques,• organiser des rencontres des parties pre-nantes autour d’une problématique; • développer et mettre en place une struc-ture, ainsi que des outils informatiques fa-vorisant la collaboration et l’efficacité,• gérer le processus de financement deprojet, incluant la production de la docu-mentation bancable et la présentation desprojets auprès des autorités compétentes, 5. Retombés de deux projets pour le dé-veloppement et la modernisation de laRD CongoLa mise en œuvre simultanée des méga-

projets INGA 3 et INGA 4 représenteune grande opportunité pour la RD

Congo de se lance dans ce qui est com-munément appelé l’industrie de l’élec-tricité. Une fois bien planifiée et mise

en œuvre, l'industrie de l'électricitépourrait constituer l'une des plus impor-tantes industries dans le cadre du déve-loppement et de la modernisation de la

RD Congo. C'est un marché de plusieurs dizaines

de milliards de dollars susceptibles d’êtregénérés par quelques milliers d'entreprises(producteurs, distributeurs, manufactu-riers, grossistes, détail lants, f irmesconseils, entreprises de services). Ellepourrait fournir plus de 100 000 emploisdirects et indirects au sein d'entreprisesfournissant certains services ou produits àcette industrie. L'industrie congolaised'électricité serait très bien placée pourfournir des expertises dans ce domaine.Cette industrie regroupera l'ensemble desintervenants en électricité : la production(production de l'énergie électrique à l'aidede différents moyens comme les barrages

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Diplomat Investissement septembre-octobre 2020 79

Énergie: Grand Inga

hydroélectriques, les centrales hydroélec-triques, le pétrole, le gaz naturel, la géo-thermie, capteur solaire, biomasse ou éo-lienne), le transport (exploitation etgestion de réseaux de transport de l'élec-tricité des installations de productionjusqu'aux installations de centralisation dela distribution), ainsi que la distribution(gestion des installations et réseaux de dis-tribution de l'électricité jusque chez lesclients résidentiels, commerciaux, institu-tionnels ou industriels).

Dans le cas notamment des projets hy-droélectriques permettent de générer denombreux emplois dans l'industrie de laconstruction du génie civil , dans laconstruction des lignes de transport et dedistribution d’électricité.

La production de l’hydrogène liquidefaisant partie intégrante du projet soutenupar des promoteurs allemands constitue-rait également une grande opportunité decréation des entreprises satellites et de dé-bouchés pour les ingénieurs, techniciens etautres experts congolais.6.La place des experts et ingénieurs de laDiaspora congolaise dans la mise en œu-vre de deux projets

À l’instar de plusieurs pays de l’Asiedu Sud et d’ailleurs qui ont profité demembres de leurs Diaspora pour avoir unnouvel élan dans le développement, l’in-dustrialisation et la modernisation deleurs pays, la RD Congo a l’obligation,dans le cadre de la mise en œuvre de cesdeux projets de grande portée de faire ap-pel à sa diaspora. Au niveau du Canadaet des U.S.A, notamment, il y a plus de 250ingénieurs civils, mécaniciens, électriciens,géotechniciens, géologues, économistes,environnementalistes et autres spécialistesqui œuvrent dans les entreprises de GénieConseil, des universités , la fonction pu-blique et maîtrisent les technologies, lagestion de projets et autres savoirs-fairedans les secteurs de l’énergie, de l’eau etdu génie civil de manière plus vaste. Ces experts détiennent :

Une vaste connaissance de politiques,de mécanismes de gestion et d’opérationsde grandes organisations publiques et pri-vées ; ils maîtrisent parfaitement les as-pects de la stratégie et de la gestion opéra-tionnelle incluant les plans stratégiques etdirecteurs, les processus d’affaires corpo-ratifs et le support aux niveaux technique,financier, infrastructures, environnement,commercial, juridique et tarifaire. Une expertise technique approfondie dessecteurs retenus et une maîtrise de la dy-namique des marchés acquises au fil des

années passées au Canada et aux U.S.A:un accès privilégié à un réseau de contactsde haut niveau, influent et décisionnel.Une aisance à cerner les enjeux du marchémondial et à recentrer en conséquence lesoffres potentielles sur les marchés natio-naux bien ciblés. Une capacité démontréedans la conception de stratégies opération-nelles et leur mise en place efficace, effi-

ciente dans une perspective de développe-ment durable.Une feuille de route impeccable en ma-

tière de transformation d’affaires, de mon-tages financiers, de développement demarchés, de montage et négociation decontrats, de gestion et supervision degrands projets.En matière de Services-Conseils et deSoutien- Assistance à la conception, à la planifica-tion, au développement, à la mise en œu-vre et à la surveillance des processus d'or-ganisation et de gouvernance et des plansstratégiques, d'affaires et d'actions; - Stratégies d'investissements et de cofi-nancement de projets avec des Partena-riats Publics-Privés (PPP), BOT, PPI ;- Gestion des actifs;- Gestion et atténuation des risques;- Organisme de règlementation, intercon-nexions régionales et marchés dans les sec-teurs de l’énergie, des Mines, de l’eau, desInfrastructures; de l’Agriculture et TI- Soutien aux équipes de gestion de grandsprojets d'infrastructures et de supervision,comprenant les projets dans les domainesretenus.- Renforcement des capacités humaines,institutionnelles et opérationnelles.Renforcement des capacités • Identification des problèmes et des man-quements

• Identifications des besoins de formationet de renforcement des capacités• Évaluation, sélection et formation surmesure ou à identifier• Préparation des plans stratégiques, d’af-faires et d’actions• Programmes de formation (existants etnouveaux) au Canada et au pays bénéfi-ciaireÉtudes, Contrôle et Surveillance des tra-vaux- Fournir des conseils et un soutien pour laréalisation d'études de pré-faisabilité, defaisabilité; des études techniques deconception- Développer, revoir les règlementationstarifaires, charge et audits tarifaires;- Soutenir les évaluations environnemen-tales;- Réaliser des études d'impact Environne-mental et social;- Exercer une diligence raisonnable pourles investissements en installations nou-velles et les projets d'acquisition;- Effectuer des vérifications opération-nelles et financières des projets en cours dedéveloppement ou en exploitation.- Prester dans le contrôle et surveillancesde travaux d’envergue en génie civil, cen-trales hydroélectriques, lignes et postes detransports et de distributions d’électricité,etc, Gestion de projetsForts de leurs expériences diversifiéesdans les domaines précis et grâce à leurconnaissance des affaires, plusieurs mem-bres de la Diaspora se trouvent dans despositions idéales afin de s'assurer que lesprojets contribuent directement à la réali-sation des objectifs identifiés dans les do-maines suivants :- Outils de gestion de projets d'infrastruc-tures;- Structuration de projets de partenariatspublics-privés (PPP);- Conseils sur le financement et le cofinan-cement de projets;- Investissement et acquisition de diligenceraisonnable;- Audit opérationnel et financier des pro-jets mis en œuvre ou en fonctionnement;- Utilisation d'outils de gestion de projetset formation des utilisateurs;- Soutien au porteur de projet (développe-ment, financement, achèvement de grandsprojets d'infrastructures), y comprisl'appui au processus d'appel d'offres inter-national. n(*) Nlombi Kibi, Ing. F. M.B.A., Ph.D., DirecteurTechnique de l’Agence de Développement du Congo(ADEC)

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80 septembre-octobre 2020 Diplomat Investissement

Développement

______________________Jacques Tambwe

Les dernières données d'Eurostatmontrent que la Chine est devenuepour la première fois le premier

partenaire commercial de l’Union eu-ropéenne, dépassant les États-Unis de 5,2milliards d'euros. De janvier à juillet, leséchanges entre la Chine et l’Union eu-ropéenne ont augmenté de 2,6% pour at-teindre 328,7 milliards d'euros, malgrél’épidémie de COVID-19.

Selon Eurostat, la Chine est désormaisla plus grande source d'importations del’Union européenne, représentant 21,9%de ses importations totales, et le troisièmemarché d'exportation avec 10,3%. Lesdeux partenaires ont des réseaux bi-latéraux étroits de production, d'innova-tion, de commerce, d'investissement et definancement, et au cours des dernières an-nées, la Chine a pris de nombreusesmesures pour s'ouvrir de la fabrication aux

industries de services et financières, ce quia créé de meilleures conditions pour lacoopération sino-européenne en matièred'investissement, a de son côté noté le 18septembre Xu Hongcai, directeur adjointde la commission de politique économiquede l'Association chinoise des sciences poli-tiques.

Les liens entre la Chine et l'Europe serenforcent et sont devenus plus solides cesdernières années. Depuis le déclenche-ment de l'épidémie, les dirigeants chinoisont étroitement interagi avec les dirigeantseuropéens et ont activement mené une «diplomatie en nuage », et la Chine a égale-ment continué à soutenir les pays eu-ropéens dans la lutte contre le COVID-19.Le 14 septembre dernier, les dirigeants chi-nois, allemand et européens se sont ren-contrés lors d’un sommet virtuel, réaffir-mant leur souhait de renforcer encore leurcoopération, allant du commerce au con-trôle de l'épidémie. Cette rencontre a en-voyé un signal, celui que les deux partiesrestent déterminées à poursuivre un en-gagement pragmatique plutôt que de seconcentrer sur leurs différences, et à don-ner également un élan à l'économie mon-diale.

Les dirigeants ont annoncé la signaturede l'accord Chine-Union européenne surles indications géographiques. Ils sontégalement convenus d'établir un dialoguede haut niveau Chine-Union européennesur l'environnement et le climat et un dia-logue de coopération numérique de hautniveau Chine-Union européenne, et def o r g e r d e s p a r t e n a r i a t s v e r t s e tnumériques Chine-Union européenne. Cesrésultats, ont déclaré des experts chinois,montrent que les deux partenaires sontrestés les plus grandes économies dumonde dans un contexte de tensions com-merciales créées par un gouvernement

La Chine devient pour la première fois lepremier partenaire commercial de l'UnioneuropéenneSelon les dernières données d’Eurostat, la Chine est devenue pour la première fois le plus grand partenaire commercialde l’Union européenne, soulignant combien les liens économiques du partenariat stratégique global étroit entre la Chineet l’Union européenne sont étroitement interconnectés à la chaîne industrielle l’une de l'autre. Ces chiffres discréditentégalement certains rapports des médias selon lesquels les espoirs de Beijing de faire de l'Europe un contrepoids auxÉtats-Unis ont faibli, alors que dans le même temps la Chine ferait face à une colère croissante face à ses politiques et àson comportement, notamment en matière de commerce. Les experts chinois estiment pour leur part que ce bruit n'auraaucun impact sur les relations commerciales saines entre les deux économies.

Mariana Kotzeva is Directrice-Générale d’Eurostat

Le président chinois Xi Jinping et la chancelière allemande Angela Merkel

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Diplomat Investissement septembre-octobre 2020 81

Développement

américain de plus en plus destructeur.Cependant, un certain bruit continue defaire surface, du fait que les États-Unischerchent à se mêler des relations Chine-Europe, affirmant même qu'il y a un mé-contentement croissant en Europe à l'é-gard des politiques de la Chine.

Ainsi, selon un article du New YorkTimes publié le 17 septembre, la Chine faitface à une colère et à une frustration crois-santes en Europe, du commerce aux droitsde l'homme, et même Pavel Novotny, lemaire d’un district de Prague connu poursa franchise, a qualifié les Chinois de «clowns impudents, irréfléchis et grossiers» et a exigé des excuses après que le min-istre chinois des Affaires étrangères WangYi a adressé des reproches au président duSénat tchèque Milos Vystrcil pour sa visitedans la province chinoise de Taïwan cemois-ci.

Le mois dernier, le secrétaire d'Étataméricain Mike Pompeo s'est rendu en Eu-rope pour ce que certains experts chinoisont appelé un voyage alimenté par lesmensonges et la peur au sujet de la Chine.Selon des experts chinois, de toute évi-dence, les États-Unis cherchent à semer letrouble dans les re lat ions s ino-eu-ropéennes, car ils voient bien qu'il existe

des points de vue différents sur les rela-tions entre la Chine et l’Union européenne,mais l’Union européenne est politique-ment mature ; ils ont également soulignéque les États-Unis sont englués dans descrises allant de l'éclosion du COVID-19aux turbulences sociales, alors que dans lemême temps la Chine et l’Union eu-ropéenne adoptent des moyens plus pra-tiques pour se remettre du choc du

COVID-19. « Il est normal que les politi-ciens utilisent les médias pour exagérer lathéorie de la "menace chinoise". Mais lefait que les deux partenaires avancent en-semble devient plus clair et plus stable, etle bruit n'arrêtera pas la coopération entreles deux économies », a déclaré le 18 sep-tembre Zhao Junjie, chercheur à l'Institutd'études européennes de l'Académie chi-noise des sciences sociales. n

Renforcer la gouvernance des projets d’infrastru-ctures pour ne plus gaspiller l’argent public___________Gerd Schwartz, Manal Fouad,Torben Hansen et Geneviève Verdier*

Les populations, les entreprises et lessystèmes économiques du mondeentier subissent de plein fouet les ef-

fets de la COVID-19. À l’heure où les éco-nomies tournent au ralenti et où l’endette-ment atteint des sommets inédits, les paysont multiplié les mesures d’urgence vitalesà destination des individus et des entre-prises, mais ils éprouveront d’immensesdifficultés à se relever de la pandémie.

L’investissement public dans les infra-structures jouera un rôle essentiel dans leredressement économique. Mais les res-sources se font rares ; aussi les États doi-vent-ils dépenser l’argent public à bon es-cient en finançant les projets qui en valentla peine. Pour ce faire, les pays doiventêtre pourvus de solides régimes de gou-vernance des infrastructures, c’est-à-dire

d’institutions et de dispositifs robustes quiencadrent la planification, la répartition etla réalisation d’infrastructures publiquesde qualité. Notre récent ouvrage montrecomment les pays peuvent mettre au pointde solides régimes de gouvernance des in-frastructures. Les investissements publicsaccouchent trop souvent d’infrastructures

onéreuses, de piètre qualité et peu utilesaux populations et à l’activité économique.Il s’agit souvent de projets de long terme,complexes et de grande envergure, quiconstituent un terrain propice à la corrup-tion, aux retards et aux dépassements decoûts. Il est indispensable de disposer derégimes solides de gouvernance des infra-

Manal Fouad dirige la division de la gestion desfinances publiques (GFP) II du département

des finances publiques du FMI.

Gerd Schwartz est directeur adjoint du départe-ment des finances publiques du FMI.

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82 septembre-octobre 2020 Diplomat Investissement

Développement

structures pour limiter ce gaspillage desdeniers publics.

D’après nos travaux, certains dysfonc-tionnements conduisent les pays à gaspil-ler en moyenne un tiers de leurs dépensesd’infrastructures. Dans certains pays à fai-ble revenu, cette proportion atteint des ni-veaux vertigineux, jusqu’à 50 %. Ces res-sources mal employées représentent unpotentiel considérable que les pays doi-vent exploiter pour redresser leurs écono-mies sinistrées par la pandémie. Fort heu-reusement, la gabegie et les dépensesinutiles dans des projets d’infrastructuresne sont pas une fatalité. D’après nos esti-mations, la consolidation des régimes degouvernance des infrastructures pourraitpermettre d’éviter plus de la moitié de cespertes.Un pont vers l’avenirLe redressement économique qui doit suc-céder à la crise de la COVID-19 est pour lespays l’occasion ou jamais de lancer unpont vers l’avenir en concevant et en

construisant des infrastructures publiquesde qualité.

Bien réalisée, la relance de la demandeglobale par l’investissement public peutfavoriser une croissance plus inclusive, ré-duire les inégalités et donner à chacun lesmoyens de la réussite économique. Les in-vestissements dans les systèmes de santéet les infrastructures vertes et numériquespeuvent améliorer le niveau de vie des po-pulations, relier différents marchés, et aug-menter la capacité d’adaptation des paysau changement climatique et à de futurespandémies. Les pays devront égalementaugmenter leurs investissements publicspour atteindre les Objectifs de développe-ment durable (ODD) ; il faudra que les

pays avancés modernisent leurs infra-structures vieillissantes, comme les routes,les ponts et les systèmes de santé.Pour autant, chaque denier doit être dé-pensé à bon escient : si les pays décidentd’investir davantage dans les infrastruc-tures, ils doivent aussi réfléchir à la ma-nière la plus judicieuse de dépenser l’ar-gent public pour que les investissements

en question contribuent le plus possibleau bien commun. Notre ouvrage s’ap-puie sur les analyses du FMI et sur sesactivités dans le domaine du dévelop-pement des capacités, et notamment surles évaluations de la gestion des inves-tissements publics (EGIP) menées dansplus de 60 pays ; il propose une feuillede route pour aider les pays à « passerdes aspirations à l’action » en menant àbien des projets d’infrastructures utileset en s’assurant que l’économie et la so-ciété profitent pleinement des investis-sements publics.

Ce livre décrit les bases indispensa-bles d’une gouvernance robuste des in-frastructures et présente des pratiquesinnovantes dans des domaines essen-tiels. Nous y recensons des exemples

de méthodes qui permettent de luttercontre la corruption dans les projets d’in-frastructures, de maîtriser les risques bud-gétaires, d’intégrer la planification et lebudget, et d’adopter de bonnes pratiquesen amont du cycle d’investissement pu-blic, ainsi que pendant la phase d’évalua-tion et de sélection des projets (domaineoù beaucoup de pays n’obtiennent pas derésultats satisfaisants).

Le Chili, par exemple, a mis au pointun régime complet de gouvernance des in-frastructures qui a permis de réduire lescoûts. En Corée, l’ouverture d’un guichetunique national des marchés publics a per-mis d'améliorer la transparence et l’inté-grité de la commande publique.

L’ouvrage porte également sur certains as-pects nouveaux de la gouvernance des in-frastructures, comme la nécessité d’assurerla bonne gestion et l’entretien régulier desinfrastructures existantes et de s’adapteraux effets du changement climatique.L’Afrique du Sud a ainsi adopté des lignesdirectrices et des normes concernant l’en-tretien des infrastructures publiques, afinde prévenir la détérioration de biens pu-blics tels que des routes ou des ponts.

Le livre souligne à quel point les dispo-sitifs de gouvernance des infrastructuressont souvent séduisants en théorie, maisassez peu opérants en pratique. Il ne suffitdonc pas de se doter d’une bonne architec-ture de gouvernance : encore faut-il s’assu-rer qu’elle fonctionne correctement dans lapratique. La grande leçon tirée de tous cesexemples est claire : les pays peuvent évi-ter les investissements publics ruineux etconstruire une infrastructure de qualité enprenant des mesures concrètes de nature àaméliorer la gouvernance dans ce do-maine. Cela sera plus nécessaire que ja-mais pour reconstruire les économies aulendemain de la pandémie de COVID-19.Le Moniteur des finances publiques d’oc-tobre 2020 se penchera plus avant sur lesanalyses et les recommandations du FMIconcernant les meilleures manières d’in-vestir dans les infrastructures pour favori-ser le redressement durable des écono-mies. n

(*) Gerd Schwartz est directeur adjoint du département desfinances publiques du FMI. Il supervise les activités du dé-partement en matière de gestion budgétaire, et notammentde gouvernance des infrastructures. (*) Manal Fouad dirige la division de la gestion des financespubliques (GFP) II du département des finances publiquesdu FMI.(*) Torben Hansen est chef adjoint de la division GFP I dudépartement des finances publiques du FMI(*) Geneviève Verdier est chef de division au départementMoyen-Orient et Asie centrale du FMI.

Torben Hansen est chef adjoint de la division GFP I du

département des finances publiques du FMI

Geneviève Verdier est chef de division audépartement Moyen-Orient et Asie centrale du

FMI.

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Développement

_________Andrew Dabalen, Pierella Paci*

Av e c e n v i r o n 1 0 0 0 0 5 4 c a sconfirmés et 21 724 décès au moisd’août, les chiffres sur la préva-

lence et la mortalité du coronavirus(COVID-19) (a) en Afrique paraissent rela-tivement bas par rapport au reste dumonde. Cependant, alors que la pandémieest toujours là et que l’ampleur des con-taminations est sujette à caution du fait dunombre limité de tests de dépistage, denombreuses questions restent encore sansréponse. Nous nous pencherons ici surdeux interrogations : combien de person-nes supplémentaires vont-elles basculerdans la pauvreté ? que faut-il faire poursortir plus fort de la crise ?

Bien que nécessaires, les mesures rapi-des et drastiques prises par plusieurs gou-vernements africains pour contenir la mal-adie sont lourdes de conséquenceséconomiques. L'Afrique subsaharienneconnaîtra en 2020 sa première récessiondepuis 25 ans. Les prévisions régionalesindiquent actuellement une baisse de troisà cinq points de pourcentage de la crois-sance du produit intérieur brut (PIB) parhabitant. Selon nos estimations, un reculde 3 % du PIB par habitant (d’après le scé-nario le plus optimiste) entraînera13 millions d’africains sous le seuil inter-national de pauvreté (fixé à 1,90 dollar parjour en parité de pouvoir d’achat de 2011).

Ils seront encore bien plus nombreuxsi les mesures de confinement perdurent etque la récession se prolonge ou s’aggrave :un déclin de 5 % du PIB par habitantrisque de faire régresser la région aux tauxde pauvreté enregistrés en 2011, et ce sontalors 50 millions d’habitants qui devien-dront pauvres. Il s’agirait d’un reversdésastreux pour les progrès obtenus dehaute lutte dans la réduction de la pau-vreté depuis plusieurs années.

Derrière ces chiffres, il y a des familleset des individus en proie à des situationsirréductibles à l’évolution des grandeurséconomiques. Les services essentiels ontsubi une désorganisation générale. Desmillions d'enfants sont privés de classe.On ne sait pas quand les établissementsscolaires pourront rouvrir, et certainsélèves ne reprendront jamais le chemin del’école. Il faut craindre aussi un surcroît de

mortalité maternelle et infantile lié à desmaladies évitables mais non traitées en rai-son du coronavirus. Soit autant de reculsmassifs qui mettent en péril des années deprogrès dans l'amélioration du capital hu-main en Afrique subsaharienne.

Fermetures d’entreprises, perturba-tions des marchés et suppressions d’em-plois : les mesures de confinement con-duisent à d’immenses pertes de revenus.Selon une enquête téléphonique réaliséeen Éthiopie, 45 % des ménages urbainsinterrogés et 55 % des foyers ruraux ontsubi une baisse de leurs revenus due à lacrise sanitaire. Au Nigéria, 79 % des per-sonnes sondées ont fait état de pertes derevenus et 42 % ont indiqué avoir perduleur emploi. Parce que la pandémie frappede plein fouet les migrants internationaux,mais aussi ceux de l’intérieur installés

dans les zones urbaines, on assiste aussi àun tarissement des transferts d'argent lo-caux et de l’étranger. Ces chocs ont plusdurement touché les zones urbaines, où lesrépercussions initiales des mesures de con-finement ont été plus fortement ressenties.Les pertes de revenus ont été plus élevéespour les travailleurs pauvres et du secteurinformel, qui occupent généralement desemplois qui ne peuvent s’exercer à dis-tance : hôtellerie, commerce de détail, dis-tribution, etc. Comme on pouvait s’y at-tendre, les caractéristiques des « nouveauxpauvres » en Afrique subsaharienne dif-fèrent sensiblement du profil de ceux quivivaient déjà sous le seuil de pauvreté.Ainsi, la proportion de pauvres vivant enmilieu urbain est passée de deux à trois surdix avant et après la pandémie, soit uneaugmentation de dix points de pourcent-

age. L’ampleur du défi posé par le coron-avirus et les incertitudes entourant la mal-adie ont conduit à la préconisation (etsouvent à l’adoption) de nombreuses ac-tions destinées à sauver des vies etprotéger les moyens de subsistance : trans-ferts monétaires, distribution de nourrit-ure, allègements fiscaux, etc. Or, ces inter-ventions ne parviendront probablementpas à atteindre la majorité des nouveauxpauvres, qui vivent pour la plupart en mi-lieu urbain. Dans ces conditions, commentsortir plus fort de la crise ? Nous pro-posons deux solutions à court terme ettrois pistes de réflexion pour le moyenterme. Dans l’immédiat, les décideurs

Quelles seront les conséquences de la pandémie duCOVID-19 sur la pauvreté en Afrique ?

Andrew Dabalen, Directeur de la pratique mon-diale de la pauvreté et de l'équité, Banque mon-

diales

Diplomat Investissement septembre-octobre 2020 83

Pierella Paci, Responsable de la pratique mondialede la pauvreté et de l'équité, Banque mondiale

Figure 1 : Le taux de pauvreté en Afriquesubsaharienne augmentera de plus de deux points depourcentage en 2020

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Développementpublics pourraient exploiter des donnéesnon officielles mais néanmoins riches d’in-formations pour venir en aide aux nou-veaux pauvres, comme par exemple lesbases de données des groupes d’entraidecommunautaires et des coopératives, ouencore les relevés d’appels des compag-nies de télécommunications. Les pays de-vraient par ailleurs investir dans des ob-servatoires (a) chargés d’assurer un suivitrès régulier des répercussions de lapandémie sur les familles, afin d’apporterdes aides appropriées. À moyen terme, lesresponsables de l’action publique de-

vraient réfléchir à l’utilité de constituer desbases de données universelles, sachantqu’il sera plus facile de cibler des groupesspécifiques à partir de ce type de registre. Deux autres mesures seront nécessairespour mieux résister aux prochains chocsmondiaux, qu’il s’agisse d’une autrepandémie, d’une crise climatique ou d’unconflit de grande ampleur. La premièreconsiste à investir dans les infrastructuresnumériques afin de les rendre moins coû-teuses et accessibles à tous, en les consid-érant en quelque sorte comme des servic-es aussi essentiels que l’accès à l’électricité

et à l’eau. La seconde vise à encourager laproduction industrielle sous-régionale.Beaucoup de pays africains n’étant passuffisamment grands pour consentir à euxseuls ces investissements à un coûtraisonnable, nous appelons de nos vœuxune mobilisation urgente en faveur d’unerésilience sous-régionale (si ce n'est ré-gionale). n

(*) Andrew Dabalen, Practice Manager, Poverty andEquity Global Practice, World Bank (*) Pierella Paci, Practice Manager, Poverty andEquity Global Practice, World Bank

84 septembre-octobre 2020 Diplomat Investissement

France: ITER, le projet nucléaire censé imiter le Soleil, est lancé

Le colossal chantier de l'ITER, unréacteur nucléaire censé imiter lefonctionnement du cœur du Soleil, a

débuté le 28 juillet en France. Lancé il yplus de 15 ans par plus de 30 pays, les es-poirs placés dans cette nouvelle technolo-gie sont immenses.

Initié il y a 15 ans, le projet ITER (réac-teur thermonucléaire expérimental inter-national) a connu un avancement le 28 juil-let, avec le début de son assemblage.

Un grand jour pour tous ceux qui, àcommencer par le président français Em-manuel Macron, voient dans cette expéri-mentation nucléaire l’avenir. Lors du lan-cement de ce projet de réacteur derecherche civil à fusion nucléaire, le chefde l'État français a salué «une promesse deprogrès, de confiance dans la science» quiest «d’ores et déjà une prouesse scienti-fique et technologique». « Imaginez quel’expérience soit concluante, qu’elle puissetrouver demain des applications indus-trielles.

Nous aurons mis au point une énergienon polluante, décarbonée, sûre et prati-quement sans déchets qui permettra tout àla fois de répondre au besoin de toutes leszones du globe, de relever le défi clima-tique et de préserver les ressources natu-relles», a vanté Emmanuel Macron. De soncôté, le président sud-coréen, Moon Jae-Ins’est réjoui du lancement du «plus grandprojet scientifique de l’histoire de l’huma-nité» et le «rêve partagé de créer une éner-gie propre et sûre d’ici à 2050».

Un rêve «partagé» ? Oui. Car ce projeta été initié en 2006 par un traité ne regrou-pant pas moins de 35 pays : l’Union euro-péenne (avec le Royaume-Uni), la Suisse,la Russie, la Chine, l'Inde, le Japon, la Co-rée du Sud et les États-Unis. Tous rêventde voir un jour cette nouvelle technologie,

censée imiter le fonctionnement du cœurdu Soleil, alimenter leur nation en énergie.Alternative aux déchets nucléairesSi ce projet nucléaire rassemble tant d’es-poir et d’acteurs, c’est parce qu’il est déjàannoncé comme révolutionnaire. Fonc-tionnant à l’inverse d’une centrale nu-cléaire, dans laquelle l’énergie est crééepar la fission de deux atomes, ITER, lui,génèrera de l’énergie grâce à la fusion desatomes. Le même processus de fusion del’hydrogène qui se produit au cœur des

étoiles. Pour résumer, au lieu de briser degros atomes, le réacteur thermonucléaireva au contraire tenter de fusionner, sousune température avoisinant les 150 mil-lions de degrés, deux petits atomes – dudeutérium et du tritium, deux dérivéslourds de l’hydrogène – en un plus gros :l’hélium, provoquant ainsi une réactions’accompagnant d’une formidable énergie.Mais si la technologie fait rêver ses promo-teurs, c’est surtout le bilan environnemen-tal de cette installation qui provoque un telengouement pour le projet. Si la fusion, àl’instar de la fission, produira tout demême des déchets nucléaires, ils seront de«bien plus faible activité», précise-t-on ducôté de l'Institut de radioprotection et desûreté nucléaire (IRSN). Un thermoréac-teur ITER ne produit pas de déchets de

haute activité à vie longue (HAVP), en re-vanche, il produit tout de même des dé-chets à faible et moyenne radioactivité,qu'il faudra stocker pendant une centained'années. De plus, les conséquences poten-tielles d'une dispersion du tritium (l'undes deux isotopes de l'hydrogène) dansl'environnement seraient «beaucoup plusfaibles qu'avec un réacteur nucléaire », se-lon l'IRSN qui rappelle «qu'il convient deconsidérer cette voie de rejets dans l'envi-ronnement dès la conception».

Il va toutefois falloir être patient pourvoir ce projet alimenter nos villes. Le pro-jet ITER est uniquement expérimental etn’a pas vocation à être relié au réseau élec-trique. S'il devrait atteindre sa pleine puis-sance en 2035, il faudra attendre au mini-mum 2060 pour qu’un réacteur de cettetechnologie fournisse de l’électricité.«Un gigantesque gouffre financier»Estimé en 2001 à 5 milliards d’euros, lecoût de l’ITER dépasse désormais les 20milliards. «Un gigantesque gouffre finan-cier», selon l’association Sortir du Nu-cléaire, pour laquelle «les mêmes sommesdépensées dans les énergies renouvelableset les économies d’énergie créeraient bienplus d’emplois durables». Depuis 2019,entre 2 000 et 3 000 personnes sont mobili-sés pour les travaux de construction etd'assemblage de la machine.

Mais surtout, ce projet «ne répond pasdu tout à l'urgence climatique», explique àRFI Martial Château, membre du réseau etprofesseur de physiques appliquées.Même son de cloche chez Greenpeace. Se-lon l’ONG, le calendrier qui ne prévoit «pas de projets de fusion nucléaire avant2050, dans le meilleur des cas » est « in-compatible » avec l'urgence climatique.trer que «grâce à la science, demain peutêtre meilleur qu’hier». n

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Diplomat Investissement septembre-octobre 2020 85

Au cœur du développementdes pays émergents

MGAEngineering Inc.

Nous avons forgé au fil des ans des rela-tions commerciales stratégiques avec lamajorité des grands fabricants mondiauxdes équipements cités ci-haut. Plus de 70pour cent des projets complétés par MGAau cours des trois dernières décennies ontété entrepris à l’extérieur du Canada. No-tre empreinte couvre l’Amérique du Nord,l’Amérique du Sud, les Antilles, l’Afriqueet l’Asie, notamment : les États-Unis, l’Ar-gentine, Aruba, l’Australie, le Chili,l’Égypte, la Mongolie, le Pérou, le Vene-zuela et le Yémen.

Au niveau du bâtiment, MGA terminesix années de travail acharné sur laconception et la construction du grandcomplexe commercial American DreamMeadowlands, un énorme chantier de 4milliards USD dans l’état du New Jerseyaux États-Unis. Nous sommes aussi àl’étape de conception d’un complexe com-mercial similaire en Floride ainsi qu’un

terminal multimode et multifonction pourautobus et trains en Équateur. Qui sont vos différents clients ?Les clients de MGA proviennent des sec-teurs privé et public et comptent proprié-taires et opérateurs des équipements, so-ciétés d’ingénieurs-conseils, fabricants, etgouvernements nationaux. Les plus im-portants sont Antofagasta Holdings, BHPBilliton, Canadian Natural Resources Ltd,Coastal Aruba, Compania Minera DonaInes de Collahuasi, La Coop Fédérée, Im-perial Oil Resources Limited, IvanhoeMines, Minera Alumbera, Shell Canada,Suncor Corp, Syncrude, Teck Resources, etVale S.A.Tous les observateurs sont unanimespour reconnaitre que l’Afrique est uncontinent d’avenir et qu’elle est en passede se positionner comme la locomotivede l'économie mondiale au cours du 21e

siècle. Rien que pour le secteur des infra-

L’équipe de rédaction s’est entrete-nue avec M. Steven J. Keays,M.A.Sc., P.Eng., Vice-présidentOpérations de MGA.

Diplomat investissement : Pourriez-vousnous présenter votre entreprise, samission et ses principaux domaines d’ex-pertise ?Steven Keays : Avec plaisir ! MGA estmaître en conception de structures sta-tiques et mécaniques de grandes enver-gures, déployées mondialement dans lessecteurs des mines, des installations por-tuaires, et des bâtiments commerciaux etindustriels. Fondée en 1996, MGA a sonsiège social à Calgary (Alberta) et opèreses bureaux régionaux au Québec, au NewJersey et en Floride (É.U.), ainsi qu’enÉgypte.

Historiquement, nous nous sommesconcentrés sur les équipements de manu-tention de matériaux en vrac (minerais,grains et céréales, liquides, granules, etc.) ;les installations auxiliaires de surface (en-trepôts, silos, édifices administratifs etd’entretien, infrastructures civiles) ; ainsique le génie du bâtiment de grande enver-gure, tel que les centres commerciaux, lescomplexes sportifs, les parcs d’amuse-ments et les édifices professionnels et com-merciaux.

Depuis 2019, MGA élargit ses champsd’action en offrant à ses clients des solu-tions clé-en-main pour la réalisation glo-bale de grands projets d’infrastructure telsque des installations portuaires, desmines, et des grands centres commerciaux.Ces projets sont complémentés par des in-frastructures routières, ferroviaires et éner-gétiques, par l’entremise de consortiums àmajorité canadienne, avec l’apport finan-cier des organismes d’investissement dugouvernement fédéral canadien (p. ex.CCC, EDC).MGA est l’un des chefs de file et leadercanadiens dans les services d’ingénierie.Quelles sont les réalisations et l’implica-tion de votre entreprise au Canada et àl’international ?

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Une nouvelle force canadienne en gestion de grands pro-jets et en génie-conseil prend d’assaut l’Afrique, l’Asie etl’Amérique latine.

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Chef de file

structures, ce marché présente une oppor-tunité de 250 milliards de dollars et plusdurant les 15 prochaines années. Quellesera la stratégie de MGA pour conquérirce marché ?L’Afrique est au cœur de la stratégie deMGA. Nous sommes déjà actifs dans l’ex-ploration d’opportunités civiles, d’infra-structures, de ports, de mines et de bâti-ments en République Démocratique du

Congo, en Angola, au Gabon, au Sénégal,en Tanzanie, au Kenya, et en Égypte. Noustravaillons en collaboration avec les am-bassades canadiennes sur le continent,ainsi qu’avec l’Académie canadienne deleadership et développement du capitalhumain (CANLEAD) et Biashara GlobalEnterprises Inc.

Notre approche se veut aussi collabora-tive avec les acteurs commerciaux privés

et publics de chaque pays, motivée parl’objectif d’établir avec eux des partena-riats durables et mutuellement bénéfiques,et avec une volonté de contribuer au déve-loppement du capital humain là où lesprojets nous mèneront.

Dans chaque cas, MGA entend offrir àqui appartient le projet l’expertise cana-dienne pour tous les aspects de dévelop-pement, de financement, de formation, et

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d’opération, par l’entremise d’une struc-ture d’excution de consortium, permettantainsi aux grands décideurs du paysd’obtenir un ensemble d’expertise declasse mondiale sans toutefois encourir lescoûts ordinairement excessifs des multina-tionales.Pour terminer, comment vous voyezl’avenir du continent dans les années àvenir et quels types de partenariats re-cherchez-vous avec les pays africains ?À court et à moyen terme, MGA considèrele continent Africain comme une destina-tion commerciale clé au niveau mondial.Le potentiel humain, économique, indus-triel, énergétique, et technologique del’Afrique est tout simplement brillant.MGA ose espérer pouvoir jouer un rôleconstructif dans le succès de l’Afrique, encollaboration avec les Africains.

Le partenaire idéal pour MGA se déclineen deux types : l’organisme gouvernemen-tal chargé d’un projet, et le pourvoyeur do-mestique en expertise de fabrication, deconstruction, et de génie. Pour le premier,nous espérons œuvrer comme chef d’exé-cution du projet, au nom du maître d’œu-vre et en plus lui offrir notre expertise entant que conseiller indépendant. Pour lepourvoyeur domestique, nous espéronslui offrir nos champs d’expertise techniqueet administrative en complément de sespropres domaines d’expertise.Monsieur Keays, merci de vous entrete-nir avec nous et bonne chance pour vosstratégies de croissance mondiale.Je vous en prie et merci de cette opportu-nité. n

Chef de file

Maged Ghali cumule plus de 45 ansd’expérience dans les projets d'in-

génierie multidisciplinaires de grande en-vergure. M. Ghali est fondateur de MGAEngineering Inc., chef de file canadien re-connu mondialement dans les secteurs del’infrastructure commerciale, industrielle,minière, maritime, pétrolière et gazière.

M. Maged a une feuille de routelongue et impressionnante dans des do-maines variés de gestion des grands pro-jets : infrastructures; bâtiments et struc-tures spécialisés; interactions entre sols etstructures métalliques; ingénierie des in-cendies structurels; analyse dynamique;exploitation minière et manutention dematériaux en vrac.M. Maged détient un Baccalauréat en gé-nie civil de l’Université McGill à Mont-réal et une maitrise en génie civil del’Université de Calgary, à Calgary,

Canada. M. Maged a participé à laconception et à la réalisation de nom-breux grands projets internationaux par-tout dans le monde. Il a aussi participé àla conception de l’un des plus grandsstades au Canada, soit le Stade olym-pique de Montréal. M. Maged est un ex-pert reconnu mondialement dans laconception de structures et de fondationsd'équipement et de la préparation de spé-cifications pour la construction.

Ce palmarès impressionnant de tra-vaux comprend notamment la réparationet la reconstruction de structures por-tuaires en béton, dont un brise-lames me-surant 1 400 mètres, des quais de charge-ment général et de transbordementd’urée d’une longueur de 600 mètres,ainsi que des plateformes d’appontementpermettant le chargement et décharge-ment d’ammoniac, de méthanol et denaphthe. Ces travaux comprenaient éga-lement la mise à niveau des chargeurs denavires à urée, des bras de chargementdes produits marins, de la protectioncontre les incendies et des dispositifsd'amarrage et d'accostage.

M. Maged possède une connaissancedes spécifications et de la conception del'acier et du béton, y compris les codes etnormes CSA, ACI, ASCE, AISC, NBC etIBC applicables.

M. Maged a œuvré dans plusieurspays, notamment, la Libye, l’Égypte, leCanada, le Chili, Aruba, les États-Unis, lePérou et le Brésil.Langues : Anglais, Français et Arabe n

Maged Ghali, M.Eng. P.Eng. Ingénieur principal /Président et PDG

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Chef de file

Steven J. Keays possède plus de 34 ansd'expérience en génie et en gestion de

grands projets, dont près de 20 ans commeentrepreneur et 18 ans comme gestion-naire de projets d’immobilisations. Il a œu-vré dans les secteurs suivants : industriemanufacturière; aérospatial; défense; éner-gie; industrie lourde; manutention de ma-tériaux en vrac; navigation maritime, hy-drocarbures; et minier.

Diplômé en Génie mécanique du Col-lège militaire royal du Canada et en Méca-nique des fluides de l’Université d’Ot-tawa, M. Keays est en plus doctorant enMécanique des milieux continus à l’Uni-versité de Calgary. M. Keays a obtenu sa li-cence d’Ingénieur professionnel agréé enAlberta (APEGA), en Colombie-Britan-nique (APEGBC), en Saskatchewan(APEGS) et en Ontario (PEO).

Steven J. Keays cumule des fonctionsimportantes dans plusieurs institutionsprivées et publiques :• Fondateur et chef de la direction de l’Ins-titute of Advanced Management à Calgaryen Alberta, un cabinet de perfectionne-ment professionnel offrant une formationavancée, du mentorat et des audits de per-formance en exécution et gestion de pro-jets d'immobilisations, en entrepreneuriatet développement technologique et numé-rique;• Fondateur et chef de la direction depuis2001 de Naiad Company Ltd, de Calgaryen Alberta, un cabinet de conseil en pres-tation de projets axé sur l'ingénierie et laconception, les simulations et les analyses,le développement de produits et la R-D, la

vérification de la conformité aux codes etla gestion de projets d'immobilisations.Actif dans les secteurs de l'aérospatiale, dela défense, de l'énergie, de la fabrication etdu pétrole et du gaz;•Depuis octobre 2019, Vice-président Opé-rations, MGA Engineering Inc. à Calgaryen Alberta, firme de génie conseil focali-sant sur des projets d’envergure, responsa-ble de l’établissement et de la gestion detrois nouveaux groupes d'exploitation ausiège social (développement des affaires,fabrication et consultation pétrolière et ga-zière), élargir l'orientation traditionnellede l'entreprise, ancrée à l'ingénierie struc-turelle et mécanique de projets d'immobi-lisations complexes à haut risque dans dessolutions de conception-construction etclés en main pour l'exploitation minière,les sables bitumineux, la manutention de

matériaux en vrac, les installations por-tuaires, les bâtiments commerciaux et lesinfrastructures commerciales, extension del'empreinte commerciale au Canada, auMoyen-Orient, en Amérique du Sud et enAfrique. M. Keays a travaillé dans plu-sieurs pays, notamment le Canada, lesÉtats-Unis, les Pays Bas et Singapour.

Au Canada, M. Steven J. Keays a été Of-ficier adjoint du génie des aéronefs CF-18,dans le grade de capitaine, avec à chargedes projets valant jusqu’à 110 M $ ainsi quela direction de près de vingt sous-officiersspécialisés en ingénierie, maintenance, lo-gistique et navigabilité des opérations dela flotte des CF-18 en Canada et Europe. Ila fait partie de l'équipe de mise en œuvrede Canadair en tant qu'entrepreneur prin-cipal en soutien technique, a dirigé desprogrammes de recherche avec MBB, Ca-nadair et la NASA pour développer desméthodes de réparation des composites,l'outillage modulaire des avions, le déca-page au jet de peinture et le système de dé-givrage par impulsions électrolytiques.

Gestion de projets d'immobilisations -Pipelines Tidewater Midstream et gestion-naire de projet d'infrastructure (contratNAIAD) août 2018 – Chef de projet(contrat NAIAD) oct. 2014 - janv. 2015 Ex-pansion du réseau de pipelines Transmis-sion Sud Projet TIC: 3,5 G $ Augmenter lacapacité de la ligne de transmission sud de900 km (entre Fort St-John et Huntingdon)de 500 mms cfd au T2 2019.

Projet de pipeline Coastal GasLink TIC:4 G $ Ingénierie détaillée du pipeline de650 km de long, 48 po de diamètre exté-rieur, 13 375 kPag NG de Dawson Creek àKitimat, C.-B. Gestionnaire de projet en Al-berta, en Colombie-Britannique et au Ja-pon (contrat NAIAD) Mai - Septembre2014 Projet d'usine de GNL de Shell Ca-nada - Développement du site et infra-structure Projet TIC: 26 G $ D'ALIMENTA-TION - LAV. Réalisation de l'ingénierie deconception et de test pour le roulement detourelle principal de LAV (à Delco SystemsOperations, Santa Barbara, CA). A créé desplans d'implantation et d'installation pourl'autoroute à péage électronique 407 del'Ontario sur AutoCAD 12. ADGA SystemsInternational, Ottawa (Ontario) Consul-tant en ingénierie des systèmes de février1991 à décembre 1993 Consultant en ingé-nierie des systèmes pour les programmesd'avions militaires.

M. Steven J Keays a publié plusieurs li-vres et articles liés au génie civil, ingénie-rie, gestion des grands projets, construc-tions et investissement.Langues : Anglais, Français n

Steven J. Keays, M.A.Sc., P.Eng., Vice-présidentaux opérations

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Chef de file

Savoir faire canadien

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Réflexion

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_____________________Daniel Mtilik

Malgré l’accélération desprogrès au cours de ladernière décennie, la com-

munauté internationale doit intensi-fier considérablement ses efforts sielle veut permettre à tous de d’ac-céder des services énergétiques fi-ables, durables et modernes, à uncoût abordable, à l'horizon 2030.C'est ce que révèle le dernier rapportde suivi consacré aux avancées del'Objectif de développement durablen° 7 (a) et publié aujourd'hui par l’A-gence internationale de l’énergie(AIE), l’Agence internationale pourles énergies renouvelables (IRENA),la Division de statistique de l’ONU(UNDESA), la Banque mondiale etl’Organisation mondiale de la santé(OMS).

Selon le rapport, différents vo-lets de l'Objectif de développementdurable n° 7 (ODD 7) avaient enreg-istré des progrès significatifs avantla crise liée au coronavirus (COVID-19). Parmi ceux-ci, une réduction no-table du nombre de personnesprivées d'accès à l'électricité dans lemonde, un essor soutenu des éner-gies renouvelables pour la produc-tion d'électricité et des améliorationssur le front de l'efficacité énergé-tique. Mais les efforts restent insuff-isants à l'échelle planétaire pour at-teindre les principales cibles del'ODD 7 d'ici à 2030. Le nombre depersonnes sans accès à l'électricitéest passe de 1,2 milliard à 789 mil-lions entre 2010 et 2018. Comptetenu des mesures en place ou pro-grammées avant le début de la crisedu coronavirus, on estime que 620millions de personnes n’auront tou-jours pas accès en 2030, dont 85 % enAfrique subsaharienne. L'ODD 7

appelle à un accès universel à l'én-ergie d'ici à 2030. D'autres com-posantes importantes de cet objectifrisquent de manquer leur cible. En2017, près de 3 milliards de person-nes étaient privées d'accès à desmoyens de cuisson non polluants,principalement en Asie et en Afriquesubsaharienne. La stagnation desprogrès depuis 2010 cause chaqueannée des millions de décès dus àl'inhalation de fumées de cuisson.Par ailleurs, la part des énergies re-nouvelables dans le bouquet énergé-tique mondial ne progresse quelentement, malgré la croissancerapide de l'éolien et du solairedans la production d'électricité.

Pour se rapprocher de la cible del'ODD 7, le développement des éner-gies renouvelables doit être accélérédans tous les secteurs, notammentdans le chauffage et le transport oùles avancées sont très en dessous deleur potentiel. Après des progrèssubstantiels en matiere d’efficacitéénergétique entre 2015 et 2016, le ry-thme marque le pas au niveau mon-dial. Le taux d’amélioration requiertune forte augmentation, de 1,7 % en2017 à au moins 3 % dans les annéesà venir.

Pour accélérer la cadence des pro-grès dans toutes les régions et tousles secteurs, il faudra un engage-ment politique plus résolu, uneplanification énergétique à longterme, un financement public etprivé accru, ainsi que des incitationspolitiques et budgétaires appro-priées qui stimulent un déploiementplus rapide des nouvelles technolo-gies. Il faudra aussi s’attacher da-vantage à « ne laisser personne decôté », étant donné la forte propor-tion de la population qui est privéed'accès à l'énergie dans les commu-

nautés reculées, rurales, pauvres etvulnérables. L'édition 2020 du rap-port introduit un nouvel indicateur(7.A.1), qui s'intéresse aux flux fin-anciers internationaux qui soutien-nent les énergies propres et renouve-lables et qui sont destinés aux paysen développement. Même si ces fluxont doublé depuis 2010 , pours'établir à 21,4 milliards de dollarsen 2017, seuls 12 % ont bénéficié auxéconomies les moins avancées, quisont aussi les pays les plus éloignésdes cibles fixées par l'ODD 7.

Le rapport est le fruit de lacollaboration des cinq organismesdépositaires de l'ODD 7, qui ont étéchargés par la Commission statis-tique des Nations Unies de compileret de vérifier les données nationales,ainsi que les agrégats régionauxet mondiaux, en re lat ion avecles progrès accomplis dans la réali-sat ion des c ibles de l ’ob ject i f .La publication fournit aux respons-ables publics et aux partenaires dedéveloppement des données mondi-ales, régionales et nationales qui per-mettront d'éclairer les décisions etd'identifier les priorités au serviced'une reprise post-COVID placéesous le signe du développementd’une énergie abordable, fiable,durable et moderne.

Cette collaboration souligne unefois de plus l'importance de donnéesfiables pour guider l'élaboration despolitiques ainsi que la possibilitéd'améliorer la qualité des donnéesgrâce à la coopération internationaleen vue de renforcer encore les capac-ités nationales. Les organismes dé-positaires ont transmis le rapport auSecrétaire général des Nations Uniesafin qu'il contribue a la revue an-nuelle du Programme de développe-ment durable à l’horizon 2030. n

La pandémie de COVID-19 souligne l’urgence dedévelopper des solutions énergétiques durables

dans le monde entier

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Rien n’à dire...

Cadillac