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246 GENNARO AULETTA von allem überhaupt, so wohl was da íst, ais was moglich ist; denn da die Moglichkeit überhaupt gewiB nothwendig ist, so ist alsdenn daíS, •was den Grund enthá'lt, auch also » (Kant, cii., XVII 252, nr. 3712). Da questo passo é chiaro che per un certo Kant precritico la pos- sibilitá incondizionata (überhaupt) e necessaria, il che corrisponde alia prima delle due ipotesi sviluppate piü sopra. JEAN FERRARI Université de Dijon LA CRITIQUE KANTIENNE PE J.A- PREUVE ONTOLOGIQUE, « DÍTE CARTÉSIENNE », DE L'EXISTENCE DE DlEU De la critique kantienne de l'argument ontologique, il ne reste souvent, dans les manuels et dans les mémoires, que l'image des cent thalers que Hegel jugeait odieuse. Or cette réfutation d'une preuve de l'existence de Dieu, qu'il attribue la plupart du temps a Descartes, est présente dans les premiers travaux de Kant et jusque dans ses dernieres réflexions. A l'évidence, il s'agit la d'un théme de la métaphysique classique sur lequel il est revenu le plus souvent, non seulement dans ses ouvrages publiés, mais aussi dans le Nachlass, dans ses lecons sur la métaphysique ""et"Ta"pKílos"ópriié"He íá religión"' Í'O'pus"po'Stumum'"dont une"récente~édi-~ tioa en írancais' permet de mieux cerner les interrogations, montee bien l'importance qu'en ses dernieres pensées Kant donnait encoré á l'argu- ment ontologique. Or cela est d'autant plus étonnant que, des la nova dilucidado (1755), il avait établi le principe d'une réfutation quasi défi- nitive mais qu'il reprendra inlassablement comme si, malgré la forcé ir- recusable des arguments qu'il luí opposait, la preuve ontologique, en laquelle il voyait la racine de toutes les autres preuves de l'existence de Dieu, exigeait toujours et á nouveau qu'on la réduise comme une tenta- tion permanente et irrépressible de la raison humaine. * * * Dans le premier texte2 en effet oü il evoque l'argument ontologique 1 KANT, Qpus Postumum, traduction, présentation et notes par Fran^ois Marty, P.U.F., Paris, 1986. 2 KANT, Nouvelle explication des premiers príncipes de la connaissance meta- pbysique, in Oeuvres philosophiques, Bibliothéque de la Pléiade, trad. Jean Fetrari, tome 1, Paris, Gallimard, 1980, pp. 109-163.

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  • 246 GENNARO AULETTA

    von allem berhaupt, so wohl was da st, ais was moglich ist; denn dadie Moglichkeit berhaupt gewiB nothwendig ist, so ist alsdenn daS,was den Grund enth'lt, auch also (Kant, cii., XVII 252, nr. 3712).

    Da questo passo chiaro che per un certo Kant precritico la pos-sibilit incondizionata (berhaupt) e necessaria, il che corrisponde aliaprima delle due ipotesi sviluppate pi sopra.

    JEAN FERRARIUniversit de Dijon

    LA CRITIQUE KANTIENNE PE J.A- PREUVE ONTOLOGIQUE, DTE CARTSIENNE , DE L'EXISTENCE DE DlEU

    De la critique kantienne de l'argument ontologique, il ne reste souvent,dans les manuels et dans les mmoires, que l'image des cent thalers queHegel jugeait odieuse. Or cette rfutation d'une preuve de l'existencede Dieu, qu'il attribue la plupart du temps a Descartes, est prsentedans les premiers travaux de Kant et jusque dans ses dernieres rflexions.A l'vidence, il s'agit la d'un thme de la mtaphysique classique surlequel il est revenu le plus souvent, non seulement dans ses ouvragespublis, mais aussi dans le Nachlass, dans ses lecons sur la mtaphysique

    ""et"Ta"pKlos"prii"He religin"''O'pus"po'Stumum'"dont une"rcente~di-~tioa en rancais' permet de mieux cerner les interrogations, montee bienl'importance qu'en ses dernieres penses Kant donnait encor l'argu-ment ontologique. Or cela est d'autant plus tonnant que, des la novadilucidado (1755), il avait tabli le principe d'une rfutation quasi dfi-nitive mais qu'il reprendra inlassablement comme si, malgr la forc ir-recusable des arguments qu'il lu opposait, la preuve ontologique, enlaquelle il voyait la racine de toutes les autres preuves de l'existence deDieu, exigeait toujours et nouveau qu'on la rduise comme une tenta-tion permanente et irrpressible de la raison humaine.

    * * *

    Dans le premier texte2 en effet o il evoque l'argument ontologique

    1 KANT, Qpus Postumum, traduction, prsentation et notes par Fran^ois Marty,P.U.F., Paris, 1986.

    2 KANT, Nouvelle explication des premiers prncipes de la connaissance meta-pbysique, in Oeuvres philosophiques, Bibliothque de la Pliade, trad. Jean Fetrari,tome 1, Paris, Gallimard, 1980, pp. 109-163.

  • fc.F248 JEAN FERRARI

    qu'il attribue Descartes,3 et qui constitue sa thse d'habilitation, Kantdistingu le principe d'identit qui s'applique - l'ordre des possibles, et_le principe de raison determinante ou de causalit dont dpendent, dansleur intelligibilit, les existences concretes. Et il lu parait absurde qu'onpuisse imaginer, autrement qu'en idee, de passer du possible au rel, qu'onaffirme d'un tre, mme s'il s'agit de Dieu, qu'il est cause de lui-mmeou encor que son existence est con tenue dans son concept. Mais ilpropose une autre preuve qui constitue un renversement de la premireen ce qu'elle affirme l'existence d'un tre chez lequel Pexdstence precedel'essence: l'existence de Dieu n'est pas dduite de son concept, elleest au contraire la raison predeterminante de celui-ci.4

    La rfutation de l'argument ontologique et la preuve esquisse icisont reprises et dveloppes avec une forc nouvelle dans Vnique fon-dement possible d'une dmonstration de l'existence de Dieu (1763).5Kant y oppose nouveau logique et existence et donne une dfinitionforte de l'existence qui exclut qu'on puisse jamis la considrer commeun simple complment de l'essence. L'existence, crit-il, est la positionabsolue d'une chose .6 II en resulte qu'elle ne saurait.tre une per-fection sans laquelle l'ide de Dieu, ainsi que l'affirment les tenants de

    3 Je trouve dans les affitmations des philosophes modernes cette sentence,souvent rpte, que Dieu contient en lui-mme la raison de sa propre existence;mais je ne puis les approuver. II parait assez difficile ees esprits distingues derefuser a Dieu, c'est--dire au principe suprme et absolu des raisons et de causes,la raison de soi-mme; aussi, puisqu'il n'est pas possible de lui reconnaitre unecause extrieure, ils affirment que cette cause se trouve cachee en lui-mme; etpourtant, il serait difficile de trouver affirmation plus loigne de la droite raison.Lorsqu'on est parven remonter la chane des raisons jusqu' un principe, ilfaut videmment s'arrter, et la rponse complete abolit entirement la question.Je sais bien que ees philosophes font appel la notion mme de Dieu, dans laquelleils postulen! que l'existence divine se determine elle-mme, mais il est facile devoir que cette opration se produit idalement, et non dans la ralit. On se formeune notion d'un certain tre en qui se trouve la plnitude de la ralit; par ceconcept, il le faut avouer, on est obliga d'accorder mme l'existence cet tre.Telle est done l'argumentation: si dans un tre quelconque toutes les ralitsont t runies sans distinction de degr, cet tre existe. Mais si elles sont seule-ment concues comme runies, alors cet tre lui-mme n'existe qu'en idee. II valaitdone mieux raisonner ainsi: en formant pour nous la notion d'un tre que nousappelons Dieu, nous l'avons dtermine de telle sorte que l'existence s'y trouveincluse. Si done cette notion prconcue est vraie, il est vrai aussi que Dieuexiste. Cela dit pour ceux qui admettent l'argument de Descartes. Op. cit.,pp. 124-125.

    4 Ibid., pp. 125-126.5 KANT, Oeuvres pbilosophiques, op. cit., traduction Silvain Zac, pp. 317-435.6 Op. cit., p. 327.

    LA CRITIQUE KANTIENNE DE LA PREUVE ONTOLOGIQUE 249

    la preuve ontologique, serait pour ainsi dir imparfaite.7 Priv de sasubstance, l'argument s'effondre, entranant avec lui les autres preuvestraditionnelles de l'existence de Dieu qui reposaient sur lui. Pas plusqu'il n'est possible de dduire du concept d'un tre ncessaire l'existencejicessaire de cet tre, on ne peut conclure, par exemple des existencescontingentes, l'affirmation d'un tre ncessaire qui supposerait la vali-dit du premier argument. Ce rejet de toute dmonstration de l'exis-tence de Dieu souffre une exception laquelle Kant demeurera quelquetemps attach, celle des possibles,8 mme s'il en a senti la fragilit, lui quiaffirme la fin de l'opuscule: II est absolument ncessaire que Tonsoit convaincu de l'existence de Dieu, mais il n'est pas aussi ncessairede la dmontrer .9

    Dans la Critique de la Raison pur au contraire, la lumiere desconclusions auxquelle_^jiael^^outirj^jnthpde transendantale, au-cune voie tnorqu'ne permet_p_hs_d'aboutir "Tffikration_cjue__pieuexiste. La rfutation de l'argument ontologique, l'intrieur de l'IdaletaJRaisoi-lwre,w sans remettre en question ce qui a t jusque-lla racine de la dmonstration kantienne, c'est--dire l'irrductibilit del'existence au concept, repcse_jtsramais_jui_ja_na|ure_^toejcle_notteconnaissance, telle qu'elle a t tablie par VEsthtigue et ['Analytiquetrscendantale, et la distinctonjpute_nou7dle_efl|ce la Raison et rIn=te3m"tr"L'entendement, donta~prrT de joute_essibilit, forme des_ synthses qui sont ei._

    7 Nous avons cependant une preuve clebre, qui repose sur ce fondement,je veux dir la preuve dte cartsienne. On concoit par la pense l'ide d'une chosepossible dans laquelle on se reprsente que toutes les vraics perfections sontrunies. On admet ensuite que l'existence est aussi une perfection des choses. Onconclu, enfin, de la possibilit de l'Etre le plus parfait, son existence. Mais decette fafon on pourrait tout aussi bien, lorsqu'il s'agit de n'importe quelle chose,pourvu qu'on se la reprsente comme la plus parfaite de son genre par exemplesi l'on concoit le monde le plus parfait conclure de son concept son existence.Mais sans m'engager dans une rfutation dtaille de cette preuve, rfutation qu'ontrouve deja chez d'autres, je me refere seulement ce qu'on a deja elucid audebut de cet oeuvre, savoir que l'existence n'est pas du tout un prdicat, etpar consquent, pas un prdicat de la perfection. II en resulte que, d'une dfini-tion, o l'on runit arbitrairement des predicis diffrents, afin de former leconcept d'une chose possible quelconque, on ne peut jamis conduire l'exdstencede cette chose, ni done non plus l'existence de Dieu. Ibid., pp. 428-29.

    8 Ibid., p. 332 et s.9 Ibid., p. 435.10 Oeuvres philosopbiques, op. cit., trad. Alexandre J.L. Delamarre et Francois

    Marty, p. 210 et s.

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    parce qu'elles sont ralises suivant des principes universels et nces-saires. Dans les Analpgies de Vexpnence, Pexprience n'est possible quepar la reprsentation d'une liaison ncessaire des perceptions, et les Postu- -lats de la pense empirique en general dfinissent l'existence comme cequi s'accorde avec les conditions matrielles de l'exprience. Des lors ilest tout fait inconcevable que, de l'ide de Dieu, qui est celle de l'unitabsolue de la condition de tous les objets de la pense en general ideeforge a priori par la raison qui tend l'inconditionn ou la synthsetotale des conditions sans jamis pouvoir atteindre la ralit de ce qu'ellevise, puisqu'il n'y a plus la de matire ou de donne sensible on puisseconclure, par quelque moyen que ce soit, l'existence de l'objet qu'elledesigne. La preuve ontologique est sans doute la tentative la plus subtile,mais en mrne temps la plus vaine, pour lier ce qu'un ablme separe: leconcept d'un objet et l'existence de cet objet. Si l'on s'en tient au con-cept, il n'y a aucune diffrence entre cent thalers imaginaires et centthalers rels. Le concept de Dieu est le mme, que Dieu existe ou qu'iln'existe pas. Ceux qui affirment son existence partir de son concept sontsemblables un marchand qui croirait s'enrichir en faisant figurer enrecette, sur son livre de compte, une somme de cent thalers qu'il ne pos-sderait pas. L'existence de Dieu ne saurait tre tire analytiquement deson concept que par un procede comparable et aussi draisonnable. L'im-possibilit d'une preuve ontologique de l'existence de Dieu est donetablie la lumire des principes mmes de la critique de la raison pur.Le concept de Dieu est une simple idee de la raison dont la ralitobjective ne saurait tre prouve puisque son objet ne correspond aucune exprience possible. La ncessit qu'il comporte est purementnomnale comme l'est celle du concept de triangle. Penser un triangle,c'est ncessairement penser une figure trois cotes, penser Dieu, c'estpenser un tre inconditionnellement ncessaire, mais la ncessit in-conditionne des jugements n'est pas la ncessit absolue des dioses ."

    Toutefois on comprendrait mal le soin que Kant prend le rfutercomme la place qu'il lu donne dans ses oeuvres majeures si l'argumentcartsien n'tait qu'une pur tautologie, sans signification philosophique.La lecture de lefons, de rflexions d'poques diffrentesn montre sa

    11 Op. tit., p. 1211.12 Voir par exemple: Si parmi les diffrents predicis qui peuvent tre

    attribus une chose, l'existence pouvait tre compte comme l'un d'eux, alorscertainement aucune preuve ne pourrait tre trouve qui soit la fois plus conciseet plus claire que la preuve cartsienne de l'existence de Dieu. Rfl., n 3706sur la mtaphysique (1760-1764), AK 17 240 07, et Si cette preuve tait entie-rement juste, elle serait la plus magnifique, car elle me montre la ncessit del'existence de Dieu, l'unit de Dieu et le concept entier de Dieu, ce Dieu au-dessusduquel il n'y a ren. Danzger Rationaltheologie (1783-1784), AK 28 1245 10.

    LA CKITIQUE KANTIENNE DE LA PREUVE ONTOLOGIQUE 251

    considration l'gard d'une preuve qui, si elle n'a pas de valeur d-monstrative, correspond un besoin de la raison. Une note de l'opuscule:Qu'est-ce que s'orienter dans la pense? (1786) est particulirementclairante ce sujet. Kant y rapproche l'argument ontologique des preuvesque Mendelssohn a dveloppes l'anne precedente dans les Morgen-stunden et il ajoute: Ces preuves ne sont pas pour autant dpourvuesd'utilit. Car, sans parler de la belle occasion que ees dveloppementsd'une extreme sagacit sur les conditions subjectives de l'usage de notreraison offrent pour la connaissance complete de cette facult qui est lantre, perspective dans laquelle ils ont valeur d'exemples permanents,l'adhsion partir de fondements subjectifs de l'usage de notre raisonquand nous manquent les fondements objectifs, alors mme que noussommes dans l'obligation de juger, revt, quoi qu'il en soit, une grandeimportance... .13 Si la dmarche suppose de l'argument manque son but,elle revele pourtant une exigence fundamntale de la raison humaine dont,certes, la Dialectique transcendantale a tabli l'illusion, mais qui demeureen nous invincible. Ainsi l'chec mme de l'argument cartsien prouverl'existence de Dieu constitue une preuve supplmentaire de la vrit desanalyses de l'esprit humain que propose le criticisme.

    On pourrait ici s'interroger sur le bien-fond de l'expression preuvecartsienne par laquelle Kant designe le plus souvent l'argument qu'ilappela, le premier, ontologique. Parfois, dans une reflexin ou une legn,il suggere la gnalogie de la preuve, en rappelle l'origine chez SaintAnselme, en marque la spcificit chez Leibniz.14 Mais alors mme que,

    13 Oeuvres philosophiques, Op. di., tome II, trad. Fierre Jalabert, p. 535.14 Par exemple:a) Anselme a efe le premier vouloir prouver partir de purs concepts la

    ncessit d'un tre Suprme, partir du concept de l'ens realissimum . Religions-lehre Politz. (1783-84), AK 28 1003 17.

    b) Thologie transcendantale - 1) La preuve anselmienne ou cartsienne.Danziger Rationaltheologie, (1784), AK 28 1243 19. Du concept d'ens realissi-mum Anselme, puis aprs lui Descartes, ont tir l'argument ontologique, il esttres facile, si seulement il tait juste; le voici: Vens realissimum est ce dont leconcept comporte ncessairement toute ralit.... Et aprs avoir montre commentLeibniz en tablit la possibilit, Kant continu: Descartes accepte galement queVens realissimum soit possible, a son concept appartient ainsi toute ralit. Parmitoutes les ralits, l'existence (Dasein) en est une, ainsi l'existence (Existenz) doittre ncessairement attribue a Vens realissimum. II en resulte qu'un tel tre existe .Metaphysik Volckmann (1784-85). AK 28 455 02.

    c) L'argument ontologique doit prouver qu'il existe vraiment un ens meta-physice perfectissimum (i.e. realissimum). Anselme, un scolastique Paris, le donnad'abord, ensuite Descartes et Leibniz l'arrangrent. II s'nonce ainsi: l'tre le plusparfait doit possder toute ralit, done aussi l'existence car, sans elle, il luimanquerait une ralit.... Metaphysik K2 (1794-1795), AK 28 782 32.

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    :

    presque toujours, celle-ci est attribue Descartes, nulle part Kantn'entre dans l'ordre cartsien des raisons, nulle part il ne fait allusion son propos, par exemple, la thorie cartsienne des idees innes quilui aurait permis de comprendre que, chez Descartes, l'ide de Dieu n'estpas un pur concept fabriqu par la raison, mais une vraie et immuablenature, que son existence n'est pas transcendantale, mais qu'elle estvritablement de l'tre comme le prouve la thse de la cration desvrits ternelles. La preuve n'est jamis examine dans l'originalit deses dveloppements, mais elle est voque dans le schma abstrait d'unedmarche qui saute indment d'une essence 1'affirmation de l'exis-tence de l'objet design par cette essence, retenant, selon les cas, l'idede perfection ou celle de ncessit; il ne s'agit plus que d'un nonccommun dont on discutadt la validit dans les acoles, qu'on trouvait dansles histoires de la philosophie de l'poque et dont Descartes, parmid'autres, avait donn la formule.

    Cette formule et sa rfutation demeurent presentes jusque dans lesdernires mditations de l'extrme vieillesse de Kant. L'Opus postumumqui, dans la perspective de la constitution d'une thologie transcendantale,s'attache definir l'ide de Dieu, fait apparatre plusieurs reprises, enparticulier dans la liasse I qui, chronologiquement, est la dernire, lapreuve dte cartsienne de l'existence de Dieu. A cote d'une dfinitionrelevant d'un point de vue thicopratique, dveloppe dans les liassesprecedentes, Kant retrouve ici les affirmations de la thologie ration-nelle sur l'ens summum, la summa intelligentia, le summumbonum mais qu'il rattache toujours un concept cre par la raisonhumaine, objet pens comme celui du monde dont nous sommes subjectivement autocrateurs .16 Des lors le problme de la philo-sophie transcendantale demeure non rsolu: Y-a-t-il un Dieu? .17 Peut-on passer du concept de Dieu ainsi dfini 1'affirmation de son exis-tence? Est-il concevable que Kant soit ici conduit reconnatre la vali-dit de l'argument ontologique qu'il a si tt critiqu et d'une manieresi continu? Dans les notes sa remarquable dition francaise de l'Opuspostumum, Francois Marty le laisse entendre plusieurs reprises.18

    Si l'on s'attache au seul paragraphe qu'il juge cet gard le pluspertinent,19 une ligne en latin entre paranthses donne effectivement laformule de l'argument ontologique, mais elle ne resume pas la pense deKant qui precede. Un jugment synthtique a priori, a partir de con-

    15 Op. ctt., p. 199.16 Ibid., p. 200.17 Ibid., p. 204.18 Ibid., cf. par ex. p. 354.19 Ibid., p. 244.

    LA CRITIQUE KANTIENNE DE LA PREUVE ONTOLOGIQUE 253

    cepts, qui postule done l'existence d'un tre, et prcisment de l'treunique (qui saisit en lui l'Un et le tout) est assurment seulement uneidee, mais qui doit subjectivement tre pense comme la regle de laperfection suprme d'un tre (comme Ens a priori omnmodo determi-natum cujus Essentia per ipsum sui conceptum involvit existentiam) .

    Deux termes, entre autres, indiquent pourtant ici qu'il s'agit pourKant de tout autre chose, conformment l'ensemble de la doctrine, celuide postuler qui renvoie la Critique de la Raison pratique: postularn'est pas conclure, c'est jeter un filet, incertain d'un point de vue tho-rique, mais indispensable d'un point de vue pratique sur un domainequi chappe la connaissance rationnelle. Le second est subjective-ment qui renvoie la dfinition que Kant donne de la foi par opposi-tion la science et l'opinion dans le Canon de la raison pur. Si lacrance n'est suffisante que subjectivement et qu'en mme temps elle esttenue pour objectivement insuffisante, elle s'appelle foi .20

    Or ce n'est pas un ideal pens subjectivement qui constitue laconclusin de l'argument ontologique, mais Dieu pos comme existantpar une preuve qui a valeur objective et universelle. Tout s'oppose donedans ce texte crditer Kant d'un passage de l'ide l'tre qui serait entotale contradiction avec la perspective dveloppe maintes reprisesdans ees derniers feuillets. Le jugment synthtique a priori est constitue partir de concepts issus de la raison rflchissant sur sa propre activit.L'impratif catgorique est un fait de la raison et ce qui est postul,c'est une regle de perfection et non l'existence de Dieu pos dans sonabscondit et son infinit. Si, au contraire, l'argument ontologique permet ceux qui l'noncent de passer de l'ide l'tre, c'est que l'ide estdeja de l'tre. Elle n'est pas congue par l'intelligence humaine, maisdpose par Dieu dans l'esprit de l'homme, dpositaire de l'infinit divine.Telle n'est jamis la dmarche de Kant. II y a Dieu, dit-il, non commeame du monde dans la nature, mais comme principe personnel de la raisonhumaine... .21 Et lorsque, par une analyse rflexive et non transcendantale,il s'efforce de dcrire ce qu'il appelle cette disposition intrieure inexpli-cable rvle par l'impratif catgorique, il crit ce texte tonnant: II y a un tre en moi, distinct de moi, qui a pouvoir sur moi (agit, jacit,operatur], dans le rapport causal d'efficadt (nexus effectivus), qui, tantlui-mme libre, c'est--dire sans tre dpendant de la loi de la naturedans l'espace et le temps, me dirige intrieurement (justifie ou condamne);et moi, 1'homme, je suis moi-mme cet tre, et celui-ci n'est pas, parexemple, une substance hors de moi, et ce qui est le plus trange: la

    20 Op. cu., p. 1377.21 Op. cu., p. 205.

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    causalit est cependant une dtermination l'action en libert (non comrnencessit de nature) .22 Dix fois, vingt fois Kant revient sur la questionde l'existence pour la considrer sans objet. Dieu n'est pas une chosesubsistant hors de moi mais ma propre pense. U est dplac de se deman-der s'l y a un Dieu .23 ... partir de l'ide que nous-mmes pensonsde Dieu, on ne peut assurment pas conclure l'existence d'un tel Etre,mais cependant argumenter comme s'il existait... .24 Toutefois laquestion renat sans cesse, malgr des affirmations qui auraient d rnettrefin au dbat: Ist ein Goti?.

    L'existence de Dieu sur laquelle porte ici l'interrogation kantiennene saurait tre celle d'un objet transcendantal, corrlat indispensable denotre connaissance dont il assurerait l'unit, mais bien celle visee parl'argument ontologique. L'Opus postumum ne fait que raffirmer l'im-possibilit d'une pareille conclusin sur laquelle pourtant il ne cesse des'interroger. Mais l'immanence constructiviste de la dernire philosophiede Kant ne pouvait que la conduire rejeter plus fortement un argumentqu'il appelle justement ontologique, non seulement parce qu'il prtendnous conduire la transcendance absolue de l'Etre absolu, mais parce que,par son origine et son dveloppement mmes, il suppose un ralisme del'intelligible que Kant a toujours rejet.

    Certes Kant n'est point de ees insenss qu affirment dans leur coeur: U n'y a point de Dieu . Mais pas plus que sa non-existence, l'existencede Dieu ne saurait se prouver. Dieu ne se demontre pas mais se pensecomme le sujet de l'impratif catgorique des devoirs ,2S non commeune substance hors de moi, mais comme le principe moral suprme enmoi ,26 comme la raison thico-pratique se donnant elle-mme la loi .27Parce que la connaissance humaine est limite aux phnomnes, parcequ'il n'est pas capax entis, l'esprt de l'homme pour Kant ne saurait trecapax Dei. Fait de la raison, faite par la raison, l'ide de Dieu, rvlepar la loi morale, ne peut nous conduire qu' l'affirmation de son existencepur en tant qu'ide. Jamis elle ne permet, aux yeux de Kant, ce sautmortel que prtend fare l'argument ontologique, du concept l'affirma-tion d'une existence, posee dans sa transcendance infinie.

    22 Ibid., p. 211.23 Ibid., p. 256.24 Ibid., p. 207.25 Ibid., p. 209.26 Ibid., p. 248.27 Ibid., p. 249.

    .

    JOSEF SIMNUniversitat Bonn

    DIE BERDEHNUNG DER METAPHYSIKKANTS KRITIK DES ONTOLOGISCHEN ARGUMENTSIM SYSTEM SEINER KRITISCHEN PHILOSOPHIE

    Die Kantische Kritik des ontologischen Arguments besteht in ihremKern in der Aussage, Seta sei offenbar kein reales Pradikat .* EineAuseinandersetzung mit dieser Kritik muB also bei dieser Aussage ansetzen.Sie geht offensichtlich von einer bestimmten metaphysischen Voraussetzungaus, namlich von der Unterscheidung zwischen Essenz, Wesen, undExistenz, Sein. Fr Heidegger besteht die Metaphysik geradezu in dieserUnterscheidung, die sie selbst nicht mehr in Frage stellen kann, ohneaufzuhren, die Metaphysik zu sein, die das europaische Denken seit denGriechen bestimmf.2 Im folgenden sol ausgefhrt werden, daB Kant ineiner berdehnung dieser Unterscheidung nicht nur die Grenzen metaphy-sischen Denkens aufweist, sondern aller Ontologie ihre Grundlage nimmt,einschliefilich einer Ontologie der Erfahmng , ais die er seine eigenetranszendentale Philosophie versteht.

    Kant versteht sich selbst ais Kritiker der Metaphysik. Sie ist nach ihmnur soweit mglich, wie synthetische Urteile a priori m'glich sind. Diesist nach Kant berhaupt nur im Finblick auf mogliche Erf ahrung' derFall, und auch hier nur dann, wenn wir sagen : Die Bedingungen derMoglichkeit der Erf ahrung berhaupt sind zugleich Bedingungen der Mog-lichkeit der Gegenstande der Erf ahrung .3 Zweierlei ist an diesem ober-sten Grundsatz bemerkenswert: Erstens wird Metaphysik in ihrer Moglich-

    1 KANT, Kritik der reinen Vernunft (KrV), rweite Auflage (B) 626.2 HEIDEGGER, Ntetzsche II, Pfullingen 1961, 401 ff.3 KANT, KrV B 197.