la calotte crânienne de l’homo erectus de kocabaş (bassin de denizli, turquie)

34
Article original La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabas ¸ (Bassin de Denizli, Turquie) The Homo erectus skullcap from Kocabas ¸ (Denizli Bassin, Turkey) Amélie Vialet a, * , Gaspard Guipert b , Mehmet Cihat Alçiçek c , Marie-Antoinette de Lumley d a Département de préhistoire du Muséum national d’Histoire naturelle, UMR 7194, Institut de paléontologie humaine, 1, rue René-Panhard, 75013 Paris, France b Antenne de l’Institut de paléontologie humaine, CEREGE, Technopôle de l’Arbois, bâtiment Villemin, BP 80, 13545 Aix-en-Provence, France c Department of Geology, Pamukkale University, 20070 Denizli, Turquie d Institut de paléontologie humaine, Fondation Albert 1 er , Prince de Monaco, 1, rue René-Panhard, 75013 Paris, France Disponible sur Internet le 26 fe ´vrier 2014 Résumé En 2002, une calotte crânienne fragmentaire a été découverte dans le bassin de Denizli, localité de Kocabas ¸, dans le sud-ouest de la Turquie (Kappelman et al., 2008). Elle a été attribuée à un Homo erectus sur la base de la parenté morphologique et métrique observée avec les fossiles chinois de Zhoukoudian L-C (Vialet et al., 2012). Sur la base d’une nouvelle reconstitution 3D de ce fossile, dont seul l’os frontal et des fragments d’os pariétaux sont conservés, une analyse morphologique et morphométrique (2D et 3D) plus approfondie a été menée à bien. Les résultats confirment que le spécimen de Kocabas ¸, par la morphologie de son os frontal, sa conformation et ses dimensions, se distingue nettement des Homo habilis-Homo georgicus d’une part et des Homo heidelbergensis-Néandertaliens d’autre part. En revanche, il partage avec les Homo erectus, tant africains (KNM-ER3733, OH9, Daka-Bouri) qu’asiatiques (crânes de Zhoukoudian L-C, Nankin 1, Sangiran 17), des caractères métriques, une constriction post-orbitaire marquée, un torus supra- orbitaire bordé postérieurement par un sulcus supra-toral et présentant inférieurement, une incisure et un tubercule supra-orbitaires, des lignes temporales en position moyennement hautes délimitant une zone infra-temporale au bombement net. Cependant, Kocabas ¸ se différencie par les proportions de son os frontal (considéré hors torus supra-orbitaire), qui est court et large, des Homo erectus asiatiques, chez qui l’écaille frontale est plus longue. Il partage cette disposition avec les Homo erectus africains. De ce fait, le fossile turc se positionne comme un intermédiaire entre les Homo erectus d’Afrique et d’Asie, tant d’un point de vue www.em-consulte.com Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com ScienceDirect L’anthropologie 118 (2014) 74107 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Vialet). 0003-5521/$ see front matter # 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.anthro.2014.01.003

Upload: marie-antoinette

Post on 03-Jan-2017

212 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

Article original

La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabas(Bassin de Denizli, Turquie)

The Homo erectus skullcap from Kocabas (Denizli Bassin, Turkey)

Amélie Vialet a,*, Gaspard Guipert b, Mehmet Cihat Alçiçek c,Marie-Antoinette de Lumley d

a Département de préhistoire du Muséum national d’Histoire naturelle, UMR 7194,Institut de paléontologie humaine, 1, rue René-Panhard, 75013 Paris, France

b Antenne de l’Institut de paléontologie humaine, CEREGE, Technopôle de l’Arbois,bâtiment Villemin, BP 80, 13545 Aix-en-Provence, France

c Department of Geology, Pamukkale University, 20070 Denizli, Turquied Institut de paléontologie humaine, Fondation Albert 1er, Prince de Monaco,

1, rue René-Panhard, 75013 Paris, France

Disponible sur Internet le 26 fevrier 2014

Résumé

En 2002, une calotte crânienne fragmentaire a été découverte dans le bassin de Denizli, localité deKocabas, dans le sud-ouest de la Turquie (Kappelman et al., 2008). Elle a été attribuée à un Homo erectus surla base de la parenté morphologique et métrique observée avec les fossiles chinois de Zhoukoudian L-C(Vialet et al., 2012). Sur la base d’une nouvelle reconstitution 3D de ce fossile, dont seul l’os frontal et desfragments d’os pariétaux sont conservés, une analyse morphologique et morphométrique (2D et 3D) plusapprofondie a été menée à bien. Les résultats confirment que le spécimen de Kocabas, par la morphologie deson os frontal, sa conformation et ses dimensions, se distingue nettement des Homo habilis-Homo georgicusd’une part et des Homo heidelbergensis-Néandertaliens d’autre part. En revanche, il partage avec les Homoerectus, tant africains (KNM-ER3733, OH9, Daka-Bouri) qu’asiatiques (crânes de Zhoukoudian L-C,Nankin 1, Sangiran 17), des caractères métriques, une constriction post-orbitaire marquée, un torus supra-orbitaire bordé postérieurement par un sulcus supra-toral et présentant inférieurement, une incisure et untubercule supra-orbitaires, des lignes temporales en position moyennement hautes délimitant une zoneinfra-temporale au bombement net. Cependant, Kocabas se différencie par les proportions de son os frontal(considéré hors torus supra-orbitaire), qui est court et large, des Homo erectus asiatiques, chez qui l’écaillefrontale est plus longue. Il partage cette disposition avec les Homo erectus africains. De ce fait, le fossile turcse positionne comme un intermédiaire entre les Homo erectus d’Afrique et d’Asie, tant d’un point de vue

www.em-consulte.com

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

ScienceDirect

L’anthropologie 118 (2014) 74–107

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (A. Vialet).

0003-5521/$ – see front matter # 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.http://dx.doi.org/10.1016/j.anthro.2014.01.003

Page 2: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

anatomique que géographique. Étant donné les nouvelles datations proposées, au-delà de 1,1 Ma, pour cefossile (Lebatard et al., 2014a, b ; Khatib et al., 2014 ; Boulbes et al., 2014), il contribue, avec OH9 (1,4–

1,5 Ma) et Daka-Bouri (1 Ma), à combler une lacune paléoanthropologique, se situant entre KNM-ER3733(1,78 Ma) et les fossiles chinois de Zhoukoudian L-C, Sangiran 17 (plus récents que 0,78 Ma) et Nankin 1(environ 0,63 Ma). Cette étude, portant essentiellement sur l’os frontal, incite à considérer Homo erectuscomme une espèce à vaste répartition géochronologique et forte variabilité morphométrique.# 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Os frontal ; Reconstitution 3D ; Morphométrie 2D et 3D ; Homo habilis ; Homo georgicus ; Homoheidelbergensis ; Néandertal

Abstract

In 2002, a fragmentary skullcap was discovered in Denizli basin, in the locality of Kocabas, in thesouthwest of Turkey (Kappelman et al., 2008). The skullcap was ascribed to Homo erectus on the basis ofmorphological and metric similarities with the Chinese fossils from Zhoukoudian L-C (Vialet et al., 2012).An in-depth morphological and metric analysis (2D and 3D) was carried out on a new 3D reconstruction ofthe fossil, made up of the frontal bone and parietal fragments. The results confirm that the morphology of thefrontal bone, the conformation and the dimensions of the Kocabas specimen, clearly differentiate it fromHomo habilis-Homo georgicus, on one hand, and Homo heidelbergensis-Neanderthal, on the other. Itdisplays similar metric characteristics to African (KNM-ER3733, OH9, Daka-Bouri) and Asian (skulls fromZhoukoudian L-C, Nankin 1, Sangiran 17) Homo erectus, a marked post-orbital constriction, a supraorbitaltorus bordered posteriorly by a supratoral sulcus and showing, on its inferior border, a supraorbital notch andtuber, temporal lines in a medium high position delimiting an infratemporal frontal zone with a clear bulge.However, the proportions of the short and large Kocabas frontal bone (without the supraorbital torus)differentiate it from Asian Homo erectus, which present a longer squama frontalis. This feature is alsopresent on African Homo erectus. Consequently, the Turkish fossil appears to be intermediary between theHomo erectus from Africa and Asia, both from an anatomic and geographic point of view. In the light of thenew dates advanced for this fossil, at least 1.1 Ma (Lebatard et al., 2014a, b; Khatib et al., 2014; Boulbeset al., 2014), it contributes, along with OH9, to bridging a palaeoanthropological gap between KNM-ER3733 (1.78 Ma) and the Chinese fossils from Zhoukoudian L-C, Sangiran 17 (earlier than 0.78 Ma) andNankin 1 (approximately 0.63 Ma). This study, which mainly concerns the frontal bone, implies that Homoerectus is a species with a vast geochronological distribution and marked morphometric variability.# 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Frontal bone; 3D reconstruction; 3D morphometric geometry; Homo habilis; Homo georgicus; Homoheidelbergensis; Neandertal

1. Introduction

Le fossile fragmentaire découvert, en 2002, par l’un d’entre nous (M.C.A.) dans le bassin deDenizli, localité de Kocabas, dans le sud-ouest de la Turquie, a fait l’objet de plusieursdescriptions (Alçiçek et al., 2006 ; Kappelman et al., 2008 ; Vialet et al., 2012) et de plusieursreconstructions (Guipert et al., 2011 ; Nachman et al., 2010 ; Vialet et al., 2011, 2012).

L’étude préliminaire du fossile a conduit à son attribution à un Homo erectus (Alçiçek et al.,2006 ; Guipert et al., 2011 ; Kappelman et al., 2008 ; Vialet et al., 2011, 2012). Il partage en effetde nombreux caractères avec les crânes chinois de la grotte de Zhoukoudian Lower-Cave à partirdesquels cette espèce a été définie. Provenant de Turquie, il constitue le représentant le plusoccidental des Homo erectus asiatiques.

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–107 75

Page 3: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

Jusqu’alors considéré comme relevant du Pléistocène moyen selon l’âge estimé des dépôtsdont il provient, le fossile de Kocabas pourrait être plus ancien comme le suggèrent les résultatsdes datations obtenues récemment par la méthode des nucléides cosmogéniques Al/Be, lepaléomagnétisme et la bio-stratigraphie (Lebatard et al., 2014a, b; Khatib et al., 2014; Boulbeset al., 2014).

Une analyse plus approfondie, utilisant la morphométrie 2D et 3D, a été réalisée afin de mieuxsituer le fossile turc dans la variabilité humaine, à travers l’ancien monde, depuis le Pléistocèneinférieur. Étant donné l’état de conservation du spécimen, une reconstitution préalable a éténécessaire et l’analyse comparative a été limitée à l’os frontal.

2. Description

Le fossile provient des carrières du Bassin de Denizli où il est apparu au cours du débitage dutravertin en dalles de carrelage de 3,5 cm d’épaisseur. Les lames de la scie ont tranché la calotteselon deux plans parallèles (Fig. 1) :

� le plan supérieur a sectionné la partie sommitale de l’écaille frontale, a amputé la partie gauchedu torus supra-orbitaire et en a abrasé, à droite, la face supéro-médiale ;� le plan inférieur passe, parallèlement, 3,5 cm au-dessous, à la base de l’os frontal, au travers de

la voûte bipariétale.

De ce fait, il ne subsiste du crâne que la zone antérieure constituée de 3 fragments : un ospariétal droit fragmentaire, une partie droite de l’os frontal et, à gauche, les restes du frontal et dupariétal encore en connexion (Fig. 2).

Le pariétal droit est conservé sur une plus grande surface que le gauche (60 mm de long et82 mm de large), correspondant probablement au tiers antérieur de l’os original. La suturecoronale n’est conservée qu’entre le bregma et le coronion. Le fragment gauche est plus court,mesurant 52 mm sur 64 mm.

La portion droite de l’os frontal inclue la face infra-temporale (sur 19 mm de long) et uneportion du torus supra-orbitaire droit jusqu’à l’incisure supra-orbitaire. Le plafond orbitaire estpréservé dans sa moitié antérieure.

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–10776

Fig. 1. Plans de coupe de la calotte crânienne de Kocabas par les lames des machines de débitage du travertin.Cutting planes left on the Kocabas skull by the blades of the machine in the travertine quarry.

Page 4: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

Le fragment gauche de l’os frontal, encore en connexion avec le pariétal gauche, correspondprincipalement à la partie supérieure de la face infra-temporale, la région ptérique n’étant pasconservée (comme à droite), et à une portion latérale de l’écaille frontale allant de la dépressionsupra-torale à la suture coronale (70 mm de long sur 26 mm de large au maximum). Une portion(18 mm) du plafond orbitaire gauche est préservée. De ce côté, le torus supra-orbitaire n’est pasconservé.

La région glabellaire a été altérée. Ne subsiste que la partie supra-glabellaire. La zone centralede l’écaille frontale a été « tranchée » par les lames des machines de débitage de la pierre, laissantapparaître le diploé.

3. Reconstitution

Pour préserver le fossile original et en limiter les manipulations, la remise en connexionanatomique des 3 éléments osseux a été effectuée par imagerie 3D après acquisition numériqueréalisée au moyen du scanner (Philips helical) de l’Hôpital Universitaire Pamukkale à Denizliselon les paramètres suivants : épaisseur des coupes : 0,8 mm ; espace entre les coupes de0,4 mm ; FOV : 20 cm ; matrice de 512 � 512 ; 175 mA ; 120 kV.

La modélisation de chaque fragment a été réalisée au moyen du logiciel Mimics 13.1(Materialise1), les fragments étant articulés via les logiciels Avizo 7 et Geomagic Studio 2012.

Les 3 fragments ont été articulés en tenant compte des sutures sagittales et coronalesconservées, des empreintes endocrâniennes, ainsi que du plan dans lequel le fossile a été découpémécaniquement. La partie gauche du torus supra-orbitaire a été reconstituée par image miroir dela partie droite selon un axe de symétrie sagittale. Les points de repères sagittaux servant à définirle plan de symétrie ont été sélectionnés de manière à être les plus distants possibles (Guipert etMafart, 2008). La connexion avec la partie gauche préservée de l’os frontal a été réalisée en

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–107 77

Fig. 2. Les trois fragments crâniens constituant le fossile de Kocabas – vue supérieure.The Kocabas skull is composed by three fragments – superior view.

Page 5: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

ajustant la ligne temporale présente sur les deux fragments pour assurer un tracé continu. Larégion glabellaire, intégralement détruite, n’a pas pu être reconstituée.

Un nouvel examen du fossile a conduit à modifier légèrement la première reconstruction(Vialet et al., 2012) en avançant le fragment de frontal droit, créant ainsi un hiatus de 5 mm auniveau de la suture coronale. En effet, tant sur le frontal que sur le pariétal, la partie droite de lasuture coronale est érodée. Cet ajustement permet de réduire la légère dissymétrie que présentaitla première reconstruction. C’est cette deuxième reconstitution qui est utilisée dans cette étude(Fig. 3).

4. Âge individuel

Pour appréhender l’âge individuel du crâne fragmentaire de Kocabas, nous avons observé ledegré de développement des sinus frontaux. Les cavités sinusales de l’os frontal ont étémodélisées à partir des données numériques, coupe par coupe, en vue d’obtenir leur dispositionainsi qu’un volume minimal.

Nettement présentes, elles sont asymétriques. Le sinus droit est presque complètementconservé tandis que le gauche est altéré dans sa partie latérale, ouverte vers l’extérieur. La cavitésinusale droite est oblique et s’étend dans le tiers du torus supra-orbitaire jusqu’au niveau del’incisure supra-orbitaire. La cavité sinusale gauche dépasse légèrement l’axe sagittal matérialisépar la crête frontale (Fig. 4). Sa hauteur maximale est supérieure à celle de la cavité de droite. Elleest aussi plus profonde selon l’axe antéro-postérieur. Le septum inter-sinusien est étroit. Levolume cumulé des deux cavités est de 2220 mm3.

Le développement des sinus frontaux s’étend de l’âge de 3 ans et demi (Lang, 1989 ; Wolfet al., 1993) à la puberté (Caffey, 1993). Son extension est nette sur le crâne de Kocabas dont le

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–10778

Fig. 3. Deuxième reconstitution du fossile de Kocabas utilisée dans cette étude – vue supérieure.Second reconstruction of the Kocabas fossil used in this study – superior view.

Page 6: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

torus supra-orbitaire est par ailleurs bien formé. D’autre part, le diploé de l’os est développé et iln’y a pas de trace, dans la zone où elle serait observable, de suture métopique. La suture sagittalen’est pas synostosée, c’est pourquoi les deux fragments de pariétaux sont détachés. La partiedroite de la suture coronale n’est pas soudée. En revanche, sa partie gauche est synostosée sur saface inférieure, conservant en connexion le frontal et le pariétal gauches. Enfin, sur la face internedes pariétaux, des petits trous (granulations de Pacchioni) sont observables. Leur nombre semblelié à l’âge (Barber et al., 1995).

En observant l’ensemble de ces caractères, nous considérons que le crâne de Kocabas est celuid’un jeune adulte.

5. Matériel et méthodes

Pour mener à bien l’analyse comparative, les fossiles d’Afrique, d’Asie et d’Europe, les pluscomplets du Pléistocène inférieur, moyen et supérieur, ont été considérés (Tableau 1). Il s’agitessentiellement de moulages provenant de la collection de l’Institut de Paléontologie Humaine.Le Tableau 1 présente les fossiles attribués à Homo habilis-rudolfensis, Homo georgicus, Homoantecessor. Il regroupe les fossiles africains sous l’appellation Homo ergaster/erectus etdistingue les Homo erectus venant des sites chinois et indonésiens (Java). Le groupe des Homoheidelbergensis rassemble tous les fossiles européens compris entre Homo antecessor et lesNéandertaliens. Le groupe des Homo sapiens fossiles a été pris en compte comme population deréférence.

Six mesures ont été considérées permettant le calcul de quatre indices. Il s’agit de :

� M9(1) : la largeur frontale minimale réelle mesurée sans tenir compte des lignes temporales ;� M9 : la largeur frontale mesurée au niveau des lignes temporales, entre les fronto-temporaux ;� M10 : la largeur maximale de l’os frontal prise entre les coronions ;� M10b : la largeur mesurée entre les lignes temporales supérieures sur la suture coronale

(stephanions) ;� M43 : la largeur du torus supra-orbitaire entre les points fronto-malaires temporaux ;� Post-gl - b : la longueur entre le point postérieur à la dépression supra-glabellaire et le bregma ;� M9(1)/M10 : indice de divergence de l’os frontal ;

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–107 79

Fig. 4. Fragment droit de l’os frontal du fossile de Kocabas et modélisation des sinus frontaux – vue antérieure.Right fragment of the Kocabas fossil and 3D reconstruction of the frontal sinuses – anterior view.

Page 7: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

� M9/M10b : indice de divergence des lignes temporales ;� M9(1)/M43 : indice de constriction post-orbitaire ;� M9(1)/Post-gl - b : indice de proportion de l’os frontal.

Les mesures ont été prises directement au pied à coulisse sur les fossiles (originaux etmoulages). Certaines ont été relevées dans la littérature : Dmanissi, D2280, D2282 et D2700(Lumley et al., 2006), Yunxian II R (Vialet et al., 2005), Daka-Bouri (Asfaw et al., 2008), ATD6-15 (Arsuaga et al., 1999), Arago 21R (Guipert et al., 2014) et Sima de los Huesos 3, 4, 5 et 6(Arsuaga et al., 1997).

Pour les analyses de morphométrie géométrique 3D, les coordonnées tridimensionnelles desdifférents points de repères craniométriques ont été acquises de deux manières : soit sur desmodélisations tridimensionnelles générées à partir de données tomographiques ; soit directementsur les fossiles (originaux et moulages) au moyen d’un digitaliseur portable Microscribe3DX1.Les superpositions Procrustes ont été réalisées par la méthode des moindres carrés (GLS,Generalized Least-Squares) et utilisées pour générer les analyses en composante principale avecle logiciel Morphologika2 v2.5 (O’Higgins et Jones# 2006).

Le choix des points a été fait de manière à rendre compte de la conformation de l’os frontal et àpouvoir comparer Kocabas avec le plus grand nombre de fossiles possibles. Lorsqu’un ou deuxpoints de repères craniométriques latéraux n’étaient pas conservés, leurs coordonnées ont étéobtenues par symétrisation sagittale des points homologues. Cette opération a été réalisée entenant compte de l’emplacement des points sagittaux disponibles pour limiter les erreurs desymétrisation (Guipert et Mafart, 2008).

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–10780

Tableau 1Liste des fossiles utilisés pour les analyses morphométriques 2D et 3D. Il s’agit essentiellement de moulages. Nous avonsconsidéré les crânes reconstitués de Yunxian II R (Vialet et al., 2005), d’Arago 21R (Guipert et al., 2014) et de Nankin 1(Vialet et al., 2010).List of the fossils considered in this study for the morphometric 2D and 3D analysis. Most of them are casts. We integratedthe reconstruction of Yunxian II R (Vialet et al., 2005), Arago 21R (Guipert et al., 2014) and Nankin 1 (Vialet et al., 2010).

Groupes n Fossiles

1 KocabasHomo habilis-rudolfensis 2 ER1813, ER1470Homo georgicus 4 Dmanisi D2280, D2282, D2700, D3444Homo ergaster/erectus africains 7 WT 15000, ER 3733, ER 3883, OH 9, Daka-Bouri, Bodo 1, KabweHomo erectus chinois 8 Yunxian II R, Zhoukoudian L-C 3, 10, 11 et 12, Nankin 1 restauré, Dali,

HexianHomo erectus indonésiens (Java) 7 Sangiran 17, Sambungmacan 3, Ngandong 5, 6, 7, 10 et 12, Ngawi 1Homo antecessor 1 ATD6-15Homo heidelbergensis (Europe) 7 Arago 21R restauré, Ceprano, Sima de los Huesos 3, 4, 5 et 6, Petralona.Néandertaliens 8 Amud 1, Guattari 1 (Circeo), La Chapelle-aux-Saints, La Ferrassie 1, La

Quina H5, Neandertal, Saccopastore 1, Teshik-Tash.Homo sapiens fossiles 26 Jebel Irhoud 1, Jebel Irhoud 2, Hotu Cave 2, Skhul 5, Qafzeh 9, Zuttiyeh;

Brno II, Brno III, Mladec 5, Pavlov I, Predmost III, Markina Gora;Chancelade, Cro-Magnon 1, Cro-Magnon 3, Obercassel, Pataud ; AreneCandide, Barma Grande 1, 3, 4, 5, Cavillon restauré (Barma delCaviglione 1), Grotte des Enfants 4, 5, 6.

Total 72

Page 8: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

Les différents points de repères craniométriques (12 au total ; Tableau 2 ; Fig. 5) correspondent àdes points définis par Martin et Saller (1957) et aux deux premiers types définis par Bookstein(1991), points à homologie rigoureuse situés à l’intersection d’éléments architecturaux (type I) ousitués à la terminaison des structures ou à la courbure maximale (type II).

Les deux points sagittaux ont été sélectionnés pour modéliser l’extension antéro-postérieurede l’écaille frontale. Les dix points bilatéraux permettent d’étudier la conformation générale del’os frontal (torus, constriction post-orbitaire, position des lignes temporales) (Tableau 2).

5.1. Les caractères anatomiques

Étant donné l’état de conservation du fossile de Kocabas, nous nous sommes concentrés sur lamorphologie de l’os frontal : la région torale et supra-torale, les lignes temporales et la partieinfra-temporale. Ainsi, ont été appréciés :

� le développement général du torus supra-orbitaire et de ses parties latérales, sa transition avecle plafond de la cavité orbitaire et la présence d’incisure et de tubercule supra-orbitaires ;� le développement d’un sulcus supra-glabellaire et supra-toral latéral ;� le développement des lignes temporales sur l’os frontal ;� la morphologie de la zone infra-temporale (fosse temporale antérieure et convexité de la zone

postérieure).

Sur les pariétaux, ce sont les lignes temporales, les éventuels reliefs sagittaux et le dessin de lasuture sagittale qui ont été observés.

6. Résultats

6.1. Analyse anthropométrique

Le Tableau 3 présente les valeurs mesurées sur les fossiles pour M9(1) : la largeur frontaleminimum, M9 : la largeur frontale au niveau des lignes temporales, M10 : la largeur maximale de

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–107 81

Tableau 2Liste et abréviation des points de repères craniométriques étudiés (d’après Martin et Saller, 1957) et type de point selon laclassification de Bookstein (1991).List of the craniometric landmarks used (from Martin and Saller, 1957) classified following Bookstein (1991).

Points derepères

NuméroFig. 8

Abréviations Définitions de Martin et Saller, 1957 Classificationde Bookstein

Bregma 1 B Intersection des sutures coronale et sagittale IStephanion 2 et 12 St Intersection de la ligne temporalte avec la suture

coronaleI

Coronion 3 et 11 Co Point le plus latéral sur la suture coronale IISphenion 4 et 10 Sph Point de rencontre du frontal, du pariétal et du sphénoïde IFronto-temporal 5 et 9 Ft Point le plus en avant et en dedans de la crête temporale

frontale, dans le prolongement de l’os zygomatiqueII

Fronto-malaire-temporal

6 et 8 Fmt Point le plus externe de la suture fronto-malaire sur laface latérale du processus zygomatique

I

Supra-glabellaire 7 Sg Point le plus profond de la fosse supra-glabellaire dans leplan sagittal médian

II

Page 9: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

l’os frontal (aux coronions), M10(b) : la largeur frontale entre les stephanions, M43 : la largeur dutorus supra-orbitaire, la longueur de l’os frontal du sulcus supra-glabellaire au bregma et lesindices mettant en relation M9(1) et M10, M9 et M10(b), M9(1) et M43, M9(1) et la longueur del’os frontal.

D’une façon générale, les individus semblent classés selon des valeurs croissantes. Comme lataille augmente au cours de l’évolution, le classement par ce dernier critère est cohérent avecl’attribution chronologique des spécimens, du plus ancien au plus récent.

La croissance et la sénescence semblent influer sur les valeurs des largeurs et longueur de l’osfrontal sachant qu’elles sont plus faibles sur les fossiles de Dmanissi, D2700, D2282 etD3444 qui sont respectivement des individus adolescent, adulte jeune et adulte vieux que surD2280 qui est un adulte (Lumley et al., 2006). De même pour le crâne 3 de Zhoukoudian L-C quiest un jeune sujet dont les valeurs sont plus faibles que celles des crânes d’adultes 11 et 12(Weidenreich, 1943).

La largeur frontale minimale réelle M9(1) permet de distinguer deux groupes :

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–10782

Fig. 5. Localisation des 12 points craniométriques sélectionnés sur la calotte crânienne de Kocabas. a : vue faciale ; b : vuesupérieure ; c : vue latérale droite ; d : vue latérale gauche. En gris : reconstitution de la zone frontale par image miroir.Location on the Kocabas skull of the 12 craniometric landmarks considered in this study. a: frontal view, b: superior view,c: right lateral view, d: left lateral view. In grey: the reconstructed part of the frontal bone by mirror imaging technique.

Page 10: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–107 83

Tableau 3Mesures de l’os frontal (en italique : les mesures estimées, D : Dmanissi, Géorgie, ER : East-Rudolph, Kenya, OH : OlduvaiHominid, Tanzanie, ZKD : Zhoukoudian Lower-Cave, Chine, Sang : Sangiran, Java, Sm : Sambungmacan, Java, Ng :Ngandong, Java, AT-SH : Sima de los huesos, Espagne, LF1 : La Ferrassie 1, France, LCAS : La Chapelle-aux-Saints, France).Measurements of the frontal bone (in italic: estimated measurements, D: Dmanissi, Georgia, ER: East-Rudolph, Kenya, OH:Olduvai Hominid, Tanzania, ZKD: Zhoukoudian Lower-Cave, China, Sang: Sangiran, Java, Sm: Sambungmacan, Java, Ng:Ngandong, Java, AT-SH: Sima de los huesos, Spain, LF1: La Ferrassie 1, France, LCAS: La Chapelle-aux-Saints, France).

Spécimen M9(1)l F min

M9ft-ft

M10 M10bst-st

M43 Longueuros F

IndM9(1)/M10

IndM9/M10b

IndM9(1)/M43

IndM9(1)/Lg

Koçabas 2 94 88 106 82 118 80 89 107 80 118KNM-ER 1813 70 66 88 65 93 64 80 102 75 109KNM-ER 1470 79 70 90 71 106 78 88 99 75 101D3444 78 70 94 73 105 75 83 96 74 104D2280 86 74 106 65 114 86 81 114 75 100D2282 80 67 91 72 105 78 88 93 76 103D2700 77 67 90 67 97 71 86 100 79 108KNM-ER3733 92 83 109 77 116 77 84 108 79 119KNM-ER3883 87 81 108 86 115 87 81 94 76 100KNM-WT15000 – 85,8 97,5 86,1 106 – – 100 – –

OH9 98 84 105 84 130 84 93 100 75 117Daka-Bouri 95 89 105 101 124 75 90 88 77 127Yunxian R 106 102 136 127 130 74 78 80 82 143Nankin 1 90 83 101 65 110 80 89 128 82 113ZKD 3 88 81 105 78 109 90 84 104 81 98ZKD 10 94 89 110 – – 91 85 – – 103ZKD 11 94 84 106 81 111 90 89 104 85 104ZKD 12 95 91 110 95 119 97 86 96 80 98Sang 17 96 96 115 90 119 94 83 107 81 102Hexian 100 96 116 104 111 76 86 92 90 132ATD6-15 – 95 – 100 – – – 95 – –

Arago 21 R 109,1 109,1 113,1 113 123 92 96 97 89 119AT-SH 3 – 102,1 115 113,5 – – – 90 – –

AT-SH 4 – 117 126 119,5 – – – 98 – –

AT-SH 5 106 106 118 111 129 – 90 95 82 –

AT-SH 6 – 100 – 116 111 – – 86 – –

Ceprano 110 108 120 130 130 – 92 83 85 –

Petralona 108 108 120 100 130 92 90 108 83 117Kabwe 102 98 117 108 133 105 87 91 77 97Bodo 108 103 115 104 136 – 94 99 79 –

Dali 108 103 121 101 123 101 89 102 88 107Sm 3 100 99 110 110 112 93 91 90 89 108Ng 5 103 100 121 101 116 97 85 99 89 106Ng 6 103 101 115 113 – 86 90 89 – 120Ng 7 104 104 119 119 – 98 87 87 – 106Ng 10 108 102 121 108 121 99 89 94 89 109Ng 12 107 103 117 110 123 95 91 94 87 113Ngawi 1 – 98,2 111,3 99,4 107 – – 99 – –

LCAS 106 106 129 114 118 89 82 93 90 119LF1 110 108 126 112 120 92 87 96 92 120Saccopastore 1 101 101 116 105,8 114 – 87 95 89 –

La Quina H5 103 100,2 105 105,8 113 – 98 95 92 –

Guattari 1 109,9 109,9 127 120 120 – 87 92 92 –

Neanderthal 110 108 125 – 122 88 – – – –

Amud 1 113,5 113,5 124 117,5 123 – 92 97 93 –

Page 11: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

� les individus les plus anciens qui sont de petite taille. Kocabas se situe parmi les valeurs fortesde ce groupe, proche d’ER3733, Daka-Bouri, Sangiran 17 et des adultes de Zhoukoudian L-C ;� les individus plus récents qui sont de grande taille : spécimens indonésiens, chinois, européens

et africains du Pléistocène moyen et Néandertaliens.

La largeur maximale de l’os frontal (M10) distingue Kocabas de ER1813 et des fossiles deDmanissi (D2280 mis à part). Sa valeur est proche de ce dernier ainsi que de Daka-Bouri, OH9, lecrâne 11 de Zhoukoudian L-C. Elle est légèrement plus faible que les crânes 10 et 12 du mêmesite, ER3733 et ER3883 et nettement inférieure à celle des fossiles plus récents.

Pour la largeur du torus supra-orbitaire (M43), OH9 et Daka-Bouri sont, cette fois, parmi lesplus larges. Kocabas reste dans le groupe des individus de petite taille, avec une valeur qui se situeparmi les plus fortes, entre ER3733, le crâne 12 de Zhoukoudian L-C et Sangiran 17.

6.1.1. Largeur frontale minimale M9 et largeur frontale minimale réelle M9(1)Kocabas présente une largeur frontale minimale (M9) entre les points fronto-temporaux

(Fig. 6) et une largeur frontale minimale réelle M9(1) (Fig. 7) supérieures à celles des Homohabilis-rudolfensis, des Homo georgicus et des Homo ergaster. La première (M9) est comprisedans la variation des Homo erectus anciens d’Afrique (OH9 et Daka-Bouri) et chinois deZhoukoudian L-C. La seconde (M9.1), toujours dans la variation des fossiles chinois, est plusfaible que les valeurs des Homo erectus africains anciens et récents.

Pour ces deux variables, le fossile turc est de plus petite dimension que Kabwe, Bodo, Hexian,Yunxian II R, les Homo erectus d’Indonésie et les homininés européens du Pléistocène moyen etsupérieur.

Le graphique (Fig. 8) mettant en relation la largeur frontale minimale M9 sur les lignestemporales, au niveau des fronto-temporaux, et la largeur frontale minimale réelle (M9.1),distingue trois groupes :

� les individus, les plus anciens (ER1813 et Dmanissi), qui présentent un frontal étroit et deslignes temporales en position haute ;

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–10784

Fig. 6. Largeur frontale minimale (M9) de Kocabas comparée à celles d’homininés du Pléistocène inférieur, moyen etsupérieur.Minimum frontal width (M9) for Kocabas, compared to Lower, Middle and Upper Pleistocene hominins.

Page 12: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

� ER3733, OH9, Sangiran 17, Nankin 1 et les fossiles de Zhoukoudian L-C avec une dispositionintermédiaire. Dans ce groupe, Kocabas est proche de Daka-Bouri et du crâne 12 deZhoukoudian L-C. Ils présentent une disposition légèrement plus basse des lignes temporales,relativement à ER3733, aux crânes 3 et 11 de Zhoukoudian L-C et à Nankin 1, chez qui lavaleur de M9.1 est moindre, présentant des lignes temporales plus hautes ;

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–107 85

Fig. 7. Largeur frontale minimale réelle M9(1) de Kocabas comparée à celles d’homininés du Pléistocène inférieur,moyen et supérieur.Real minimum frontal width M9(1) for Kocabas, compared to Lower, Middle and Upper Pleistocene hominins.

Fig. 8. La largeur frontale minimale réelle (M9.1) et la largeur frontale minimale (M9) entre les lignes temporales (D :Dmanissi, Géorgie, ER : East-Rudolph, Kenya, OH : Olduvai Hominid, Tanzanie, ZKD : Zhoukoudian Lower-Cave,Chine, Sang : Sangiran, Java, Sm : Sambungmacan, Java, Ng : Ngandong, Java, SH : Atapuerca-Sima de los huesos,Espagne, LF1 : La Ferrassie 1, France, LCAS : La Chapelle-aux-Saints, France).Real minimum frontal breadth (M9.1) and minimum frontal width (M9) between the temporal lines (D: Dmanissi, Géorgie,ER: East-Rudolph, Kenya, OH: Olduvai Hominid, Tanzania, ZKD: Zhoukoudian Lower-Cave, Chine, Sang: Sangiran,Java, Sm: Sambungmacan, Java, Ng: Ngandong, Java, SH: Atapuerca-Sima de los huesos, Espagne, LF1: La Ferrassie 1,France, LCAS: La Chapelle-aux-Saints, France).

Page 13: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

� les spécimens plus récents d’Indonésie, d’Europe et les Néandertaliens chez qui le frontal estplus large et les lignes temporales plus basses.

Notons la dispersion au sein des séries de fossiles de Dmanissi et de Zhoukoudian L-C. Dansles deux cas, les différences peuvent être liées à l’âge des individus. Au sein des premiers, seulD2280 est un adulte mature, les autres sont des jeunes et D3444 est un individu âgé. Au sein desseconds, le crâne 3 est celui d’un jeune, les deux autres sont des adultes.

6.1.2. Largeur maximale du frontal M10Par la largeur maximale du frontal (M10), Kocabas se distingue des Homo habilis-rudolfensis

par une forte valeur, ainsi que des Homo georgicus, le spécimen D2280, avec lequel il estconfondu, mis à part (Fig. 9).

Il est également très proche des Homo erectus africains anciens (OH9, Daka-Bouri). Salargeur, supérieure à celle de WT 15000, est inférieure à celle des Homo ergaster adultes(ER3733 et 3883), de Kabwe et Bodo.

Elle est plus forte que celle de Nankin 1 et le crâne 3 de Zhoukoudian L-C et de même valeurque le crâne 11, inférieure à celles des crânes 10 et 12 et des fossiles indonésiens, chinois eteuropéens plus récents. La faible valeur relevée sur La Quina H5 peut être liée à la déformationdu fossile.

L’expansion du bord coronal de l’os frontal de Kocabas est donc plus importante que celle dugroupe Homo habilis-rudolfensis, Homo georgicus et moindre que celles des Homo ergasteradultes et des Homo erectus récents d’Afrique, des crânes 10 et 12 de Zhoukoudian L-C et desHomo erectus récents de Chine, de Sangiran 17 et, plus généralement, des spécimens plusrécents.

6.1.3. Divergence postérieure du frontalLe graphique mettant en relation la largeur minimale réelle M9(1) et maximum M10 de l’os

frontal distingue trois groupes (Fig. 10) :

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–10786

Fig. 9. Largeur maximale du frontal (M10) de Kocabas comparée à celles d’homininés du Pléistocène inférieur, moyen etsupérieur.Maximum width (M10) of Kocabas, compared to Lower, Middle and Upper Pleistocene hominins.

Page 14: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

� les spécimens à frontal étroit : ER1813 et les crânes de Dmanissi (D2280 mis à part) ;� les spécimens à frontal large : fossiles du Pléistocène moyen et supérieur d’Afrique (Kabwe),

d’Europe (Arago 21R, AT-SH5, Petralona et les Néandertaliens) et d’Asie (Sambungmacan 3,Ngandong 5 et 12) ;� les spécimens dont les valeurs sont intermédiaires : D2280, fossiles africains (ER3733, OH9,

Daka-Bouri) et asiatiques (crânes de Zhoukoudian L-C, Nankin 1 et Sangiran 17). Kocabas faitpartie de ce groupe et, parmi ces spécimens, il présente les mêmes valeurs que le crâne 11 deZhoukoudian L-C. Il est proche de Daka-Bouri et peu éloigné du crâne 12 de Zhoukoudian L-C, ER3733 et OH9. Le crâne 3 de Zhoukoudian L-C et Nankin 1 sont moins larges tandis queSangiran 17 a des valeurs plus fortes pour les deux variables.

La divergence postérieure du frontal peut être évaluée par l’indice comparant la largeurfrontale minimale (M9.1) avec (M10) la largeur maximale du frontal (Fig. 11). Il varie de 78 à100. Plus il est faible, plus la divergence est forte.

La divergence du frontal de Kocabas est plus atténuée que celle observée chez les Homohabilis-rudolfensis et les Homo georgicus, d’une part, et chez les Homo erectus de Chine (Nankin1 et le crâne 11 de Zhoukoudian L-C mis à part), les fossiles indonésiens et certainsnéandertaliens, d’autre part.

Son degré de divergence, proche de celui présenté par Nankin 1 et le crâne 11 de ZhoukoudianL-C, reste important comparé à Daka-Bouri, OH9, Bodo, Ceprano et Arago 21R, chez qui ladivergence est faible du fait, notamment d’une forte largeur frontale antérieure.

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–107 87

Fig. 10. La largeur frontale minimale réelle M9(1) et la largeur frontale maximale (M10), entre les coronions (D :Dmanissi, Géorgie, ER : East-Rudolph, Kenya, OH : Olduvai Hominid, Tanzanie, ZKD : Zhoukoudian Lower-Cave,Chine, Sang : Sangiran, Java, Sm : Sambungmacan, Java, Ng : Ngandong, Java, SH : Atapuerca-Sima de los huesos,Espagne, LF1 : La Ferrassie 1, France, LCAS : La Chapelle-aux-Saints, France).Real minimum frontal width M9(1) and maximum frontal breadth (M10), between the coronions (D: Dmanissi, Georgia,ER: East-Rudolph, Kenya, OH: Olduvai Hominid, Tanzania, ZKD: Zhoukoudian Lower-Cave, China, Sang: Sangiran,Java, Sm: Sambungmacan, Java, Ng: Ngandong, Java, SH: Atapuerca-Sima de los huesos, Spain, LF1: La Ferrassie 1,France, LCAS: La Chapelle-aux-Saints, France).

Page 15: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

6.1.4. Largeur bi-stéphanique M10bLa largeur M10b rend compte de l’écart entre les lignes temporales au niveau de la suture

coronale entre les stephanions (Tableau 3).La largeur bi-stéphanique de Kocabas est supérieure à celles des crânes du groupe Homo

habilis-rudolfensis et à la majorité des Homo georgicus. Proche des valeurs mesurées surER3733, OH9, les crânes 3 et 11 de Zhoukoudian L-C, elle est plus faible que celle de Sangiran17, Daka-Bouri et Zhoukoudian 12.

La largeur bi-stéphanique du fossile turc est nettement inférieure à celle mesurée sur lesfossiles plus récents chez qui les lignes temporales sont plus basses.

6.1.5. Divergence des lignes temporalesL’indice comparant la largeur frontale antérieure, entre les lignes temporales (M9), à la

largeur frontale postérieure, entre les stephanions (M10b), exprime la divergence des lignestemporales. Lorsque la valeur de l’indice est supérieure à 100, les lignes temporales sontconvergentes postérieurement. C’est le cas pour Kocabas dont l’indice est de 107 (Fig. 12).

Parmi les différents groupes pris en compte, seuls quelques fossiles présentent des lignestemporales convergentes : ER1813, D2280 et D2700 pour les Homo georgicus, ER3733 et WT15000 pour les Homo ergaster, OH9 pour les Homo erectus d’Afrique, Nankin 1 et les crânes 3 et11 de Zhoukoudian L-C pour les Homo erectus de Chine, Sangiran 17 pour les Homo erectusd’Indonésie et Petralona pour les fossiles européens.

Sur les fossiles de Yunxian R, Hexian et le crâne 12 de Zhoukoudian L-C en Chine, d’une part,et sur la majorité des fossiles plus récents d’Europe, d’Indonésie et d’Afrique, les lignestemporales sont divergentes.

Ce caractère est associé à l’expansion de l’écaille frontale qui est de plus en plus marquée aucours de l’évolution. Chez les formes les plus anciennes, elles peuvent être convergentes, puischez certaines formes plus évoluées elles sont parallèles avant de diverger nettement chez lesHomo erectus évolués et les hommes actuels.

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–10788

Fig. 11. Indice de divergence de l’écaille frontale ((M9(1)/M10) � 100) de Kocabas, comparée à celles d’homininés duPléistocène inférieur, moyen et supérieur.Index of divergence of the frontal squama ((M9(1)/M10) � 100) of the Kocabas frontal, compared to Lower, Middle andUpper Pleistocene Hominids.

Page 16: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

6.1.6. Largeur du torus supra-orbitaire M43Le torus supra-orbitaire de Kocabas est plus large que celui des fossiles attribués à Homo

habilis-rudolfensis, Homo georgicus et Homo ergaster (Fig. 13). Proche de Sangiran 17 et ducrâne 12 de Zhoukoudian L-C, il est également plus large que sur Nankin 1, les crânes 3 et 11 deZhoukoudian L-C et Hexian mais moins développé que sur les Homo erectus africainscomprenant OH9 et Daka-Bouri et la majorité des fossiles plus récents.

En considérant la largeur du torus supra-orbitaire (M43), relativement à la largeur frontaleminimale (M9.1), les individus se répartissent des fossiles les plus anciens, avec un torus étroit,aux plus récents, avec un torus large (Fig. 14). OH9 et Daka-Bouri présentent une largeurparticulièrement importante tandis que celle des spécimens indonésiens de Sambungmacan 3 etNgandong 5 est nettement plus faible. Kocabas est proche du crâne 12 de Zhoukoudian, deSangiran 17 et il n’est pas très éloigné d’ER 3733.

6.1.7. Constriction post-orbitaireC’est l’indice, mettant en relation la largeur frontale minimale (M9.1) et la largeur du torus

supra-orbitaire (M43), qui permet d’apprécier le degré de constriction post-orbitaire (Tableau 3).Deux groupes se distinguent :

� les spécimens dont la constriction post-orbitaire est forte (indice inférieur à 80) attribués auxHomo habilis-rudolfensis, Homo georgicus, Homo ergaster et Homo erectus africains (OH9,Daka-Bouri et Kabwe). Kocabas fait partie de ce groupe ;� pour tous les autres spécimens (Nankin 1, les fossiles de Zhoukoudian L-C et Sangiran

17 compris), la constriction post-orbitaire est moins forte.

6.1.8. Longueur post-glabellaire de l’os frontalToujours relativement à la largeur frontale minimale M9(1), la longueur de l’os frontal (le

torus supra-orbitaire mis à part) détermine deux groupes (Fig. 15) :

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–107 89

Fig. 12. Indice de divergence des lignes temporales ((M9/M10b) � 100) de Kocabas comparé à celui d’homininés duPléistocène inférieur, moyen et supérieur.Divergence index ((M9/M10b) � 100) for the Kocabas temporal lines, compared to Lower, Middle and Upper Pleistocenehominins.

Page 17: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

� les fossiles les plus anciens (sauf ceux de Zhoukoudian L-C et Sangiran 17) qui présentent unos court ;� les fossiles plus récents (ainsi que les crânes de Zhoukoudian L-C et Sangiran 17) qui

présentent un os plus long.

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–10790

Fig. 14. La largeur frontale minimale réelle M9(1) et la largeur du torus supra-orbitaire (M43), entre les coronions (D :Dmanissi, Géorgie, ER : East-Rudolph, Kenya, OH : Olduvai Hominid, Tanzanie, ZKD : Zhoukoudian Lower-Cave,Chine, Sang : Sangiran, Java, Sm : Sambungmacan, Java, Ng : Ngandong, Java, SH : Atapuerca-Sima de los huesos,Espagne, LF1 : La Ferrassie 1, France, LCAS : La Chapelle-aux-Saints, France).Real minimal frontal breadth M9(1) and supra-toral width (M43), (D: Dmanissi, Georgia, ER: East-Rudolph, Kenya, OH:Olduvai Hominid, Tanzania, ZKD: Zhoukoudian Lower-Cave, China, Sang: Sangiran, Java, Sm: Sambungmacan, Java,Ng: Ngandong, Java, SH: Atapuerca-Sima de los huesos, Spain, LF1: La Ferrassie 1, France, LCAS: La Chapelle-aux-Saints, France).

Fig. 13. Largeur du torus supra-orbitaire (M43) de Kocabas comparée à celles d’homininés du Pléistocène inférieur,moyen et supérieur.Width of the suoratoral torus (M43) for Kocabas, compared to Lower, Middle and Upper Pleistocene Hominins.

Page 18: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

Par cette disposition, Kocabas est proche de Nankin 1. Il n’est pas très éloigné de ER3733 etDaka-Bouri dont l’os frontal est plus court et de OH9 qui est légèrement plus long. En revanche,Kocabas se distingue des fossiles de Zhoukoudian L-C et de Sangiran 17 avec qui il partage parailleurs de nombreux caractères (largeur frontale minimale, largeur du torus supra-orbitaire,degré de constriction post-orbitaire et position des lignes temporales).

L’indice mettant en relation ces deux variables, la longueur et la largeur M9(1) de l’os frontal(Tableau 3) distingue également deux groupes :

� les individus dont l’os frontal est de forme rectangulaire (valeurs comprises entre 79 et 88) :Kocabas, ER3733, OH9, Daka-Bouri, Petralona, Arago 21R et les néandertaliens de LaChapelle-aux-Saints et de La Ferrassie 1 ;� les individus dont l’os frontal tend vers la forme carrée (valeurs supérieures à 89) : ER1813, les

fossiles de Dmanissi, Nankin 1, les spécimens indonésiens (Sangiran 17, Sambungmacan 3,Ngandong 5 et 12), Dali et Kabwe. Les 3 crânes de Zhoukoudian font partie de ce groupe. Ilsprésentent un os frontal légèrement plus long que large.

6.2. Analyse Procrustes

La somme des trois premiers axes de l’ACP (Fig. 16) représente 53,3 % de la variance totale(premier axe : 28,8 % ; deuxième axe : 17 % ; troisième axe : 7,5 %).

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–107 91

Fig. 15. La largeur frontale minimale réelle M9(1) et la longueur de l’os frontal sans considérer le torus supra-orbitaire,mesurée entre le point post-glabellaire et le bregma (D : Dmanissi, Géorgie, ER : East-Rudolph, Kenya, OH : OlduvaiHominid, Tanzanie, ZKD : Zhoukoudian Lower-Cave, Chine, Sang : Sangiran, Java, Sm : Sambungmacan, Java, Ng :Ngandong, Java, SH : Sima de los huesos, Espagne, LF1 : La Ferrassie 1, France, LCAS : La Chapelle-aux-Saints,France).Minimun frontal breadth M9(1) and length of the frontal bone without considering the supraorbital torus, measeuredbetween the post-glabellar landmark and bregma (D: Dmanissi, Georgia, ER: East-Rudolph, Kenya, OH: OlduvaiHominid, Tanzania, ZKD: Zhoukoudian Lower-Cave, China, Sang: Sangiran, Java, Sm: Sambungmacan, Java, Ng:Ngandong, Java, SH: Atapuerca-Sima de los huesos, Spain, LF1: La Ferrassie 1, France, LCAS: La Chapelle-aux-Saints,France).

Page 19: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

L’os frontal de Kocabas, avec �0,093 sur l’axe 1, fait partie des plus faibles valeurs obtenues.Il correspond à une conformation crânienne caractérisée par :

� une écaille frontale courte ;� un écartement postérieur des lignes temporales faible ;� une forte largeur entre les apophyses orbitaires externes ;� une forte constriction post-orbitaire.

Le fossile turc partage cette conformation avec les Homo georgicus (D2280, D2282) et lesHomo erectus anciens et récents d’Afrique (KNM-ER3733, ER3883, OH9, Bodo et Kabwe) se

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–10792

Fig. 16. Analyse en composantes principales – 54 individus, 12 points de repère, 3D. Homo georgicus : 1, D2280 ; 2,D2282. Homo ergaster : 3, KNM-ER3733 ; 4, KNM-ER3883. Homo erectus d’Afrique : 5, OH9 ; 6, Bodo 1 ; 7, Kabwe.Homo erectus de Chine : 8, Zhoukoudian 3 ; 9, Zhoukoudian 11 ; 10, Zhoukoudian 12 ; 11, Dali ; 12, Nankin 1. Homoerectus d’Indonésie : 13, Sangiran 17 ; 14, Ngandong 7 ; 15, Ngandong 6 ; 16, Sambungmancan 3 ; 17, Ngawi 1. Homoerectus d’Europe (Homo heidelbergensis) : 18, Arago 21R ; 19, Ceprano ; 20, Sima de los Huesos 5 ; 21, Petralona. Homoneanderthalensis : 22, Saccopastore 1 ; 23, La Chapelle-aux-Saints 1 ; 24, La Quina H5 ; 25, Guattari 1 ; 26, La Ferrassie1 ; 27, Neandertal ; 28, Teshik Tash ; 29, Amud 1. ^ : Homo sapiens.Principal component analysis – 54 individuals, 12 landmarks, 3D. Homo georgicus: 1, D2280; 2, D2282. Homo ergaster:3, KNM-ER3733; 4, KNM-ER3883. African Homo erectus: 5, OH9; 6, Bodo 1; 7, Kabwe. Chinese Homo erectus: 8,Zhoukoudian 3; 9, Zhoukoudian 11; 10, Zhoukoudian 12; 11, Dali; 12, Nankin 1. Indonesian Homo erectus: 13, Sangiran17; 14, Ngandong 7; 15, Ngandong 6; 16, Sambungmancan 3; 17, Ngawi 1. European Homo erectus (Homoheidelbergensis): 18, Arago 21R; 19, Ceprano; 20, Sima de los Huesos 5; 21, Petralona. Homo neanderthalensis:22, Saccopastore 1; 23, La Chapelle-aux-Saints 1; 24, La Quina H5; 25, Guattari 1; 26, La Ferrassie 1; 27, Neandertal;28, Teshik Tash; 29, Amud 1. ^: Homo sapiens.

Page 20: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

distinguant des Homo erectus de Chine (Nankin 1 mis à part), d’Indonésie et des homininés duPléistocène moyen et supérieur d’Europe.

L’os frontal de Kocabas présente une valeur positive selon l’axe 2 (0,021). Il correspond à uneconformation crânienne caractérisée par :

� un frontal relativement large et court dans son ensemble ;� un bord sphénoïdal moyennement allongé ;� une faible expansion de la portion postérieure du frontal.

En conclusion, le graphique de l’Analyse en Composantes Principales des superpositionsrapproche Kocabas des Homo ergaster (ER3733 et ER3883) et des Homo erectus africains (OH9,Bodo, Kabwe).

6.3. Caractères anatomiques

Sur le fossile de Kocabas, le torus supra-orbitaire, au sein duquel les arcades orbitaire etsourcilière sont confondues, est large et proéminent. Son épaisseur paraît constante sur la portionconcernée (entre 13 et 14 mm).

Étant donné son altération, il n’est pas possible de connaître l’aspect de la région glabellaire.Il n’y a pas d’épaississement latéral ou trigone. L’extrémité latérale du torus supra-orbitaire

(processus zygomatique du frontal) est très courte et s’incurve légèrement.La face exocrânienne du torus rejoint le plafond de l’orbite selon une convexité régulière.Dans son tiers médial, une incisure supra-orbitaire, courte et profonde, est bordée d’un

tubercule proéminent et arrondi.La dépression supra-glabellaire est marquée, formant une gouttière qui suit la base du

bombement de l’écaille frontale. Latéralement, l’espace, quasiment triangulaire, bordé par laligne temporale et le bord postérieur du torus supra-orbitaire est nettement déprimé.

Les lignes temporales, moyennement hautes, forment sur l’os frontal un bourrelet uniquedélimitant la zone infra-temporale composée d’une fosse antérieure courte et profonde et d’uneportion postérieure convexe verticalement dans le plan coronal.

La voûte bipariétale présente une convexité régulière sans reliefs sagittaux. Les lignestemporales, peu marquées sur le pariétal, se divisent en un faisceau supérieur et inférieur. Lasuture sagittale, non synostosée, est composée d’indentations courtes et épaisses.

6.3.1. Comparaisons avec Homo habilis, georgicus, ergaster

Par rapport aux Homo habilis-rudolfensis (KNM-ER1813 et ER1470), Kocabas (Tableau 4)présente un torus supra-orbitaire plus large et de hauteur constante alors qu’il est étroit et arquéau-dessus de chaque orbite sur ER1813. À l’inverse de ce dernier, le processus zygomatique dufrontal, court, n’est pas individualisé sur le fossile turc chez qui un tubercule et une incisuresupra-orbitaires sont nettement développés alors qu’ils sont absents sur les Homo habilis.Kocabas se différencie également de ces derniers par une position avancée du point fronto-temporal et une dépression supra-totale latérale bien marquée. Ensemble, ils partagent l’absencede trigone, le développement de la fosse infra-temporale et de sa convexité postérieure.

Par rapport aux Homo georgicus, Kocabas (Tableau 4) se distinguepar les caractères suivants :

� le développement net d’un sulcus supra-glabellaire (atténué voire absent chez H. georgicus) ;� la position antérieure du point fronto-temporal (qui est postérieure chez H. georgicus) ;

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–107 93

Page 21: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

� le faible développement des lignes temporales sur le pariétal (plus marquées sur H. georgicus) ;� l’absence de reliefs sagittaux sur la voûte bipariétale (nets sur H. georgicus).

Ensemble, ils partagent :

� la présence d’un tubercule et d’une incisure supra-orbitaires ;� l’absence de trigone ;� la présence d’un sulcus supra-toral latéral ;� la morphologie de la zone infra-temporale composée d’une fosse marquée et d’un bombement

postérieur.

Parmi les fossiles de Dmanissi, Kocabas est plus proche de l’adulte D2280 par les caractèressuivants :

� une largeur importante du torus supra-orbitaire dont la hauteur est constante ;� un processus zygomatique de l’os frontal court et peu individualisé ;� un bord inférieur du torus supra-orbitaire mousse et arrondi.

Par rapport aux Homo erectus anciens d’Afrique (Homo ergaster), Kocabas (Tableau 4)est très proche de KNM-ER3733 et ER3883, par la morphologie de son torus supra-orbitairecaractérisé par :

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–10794

Tableau 4Comparaison des caractères anatomiques de Kocabas et des Homo habilis-rudolfensis, des Homo georgicus, Homo

ergaster et Homo erectus anciens d’Afrique.Comparisons between the anatomical features of Kocabas and those on Homo habilis-rudolfensis, Homo georgicus,Homo ergaster and archaic Homo erectus from Africa.

Spécimen Kocabas ER1813 ER1470 D2280 D2282 D2700 ER3733 ER3883 OH9 Daka-Bouri

Largeur tso Large Étroit Étroit Large Étroit Étroit Étroit Large Très large Très largetso rectiligne/arqué Rectiligne Arqué Rectiligne Arqué Absent Rectiligne Rectiligne Rectiligne ArquéDév. du trigone Absent Absent Absent Absent Absent Absent Absent Absent PrésentProcess Z du F

court/indivCourt Individualisé Court Court Individualisé Individualisé Individualisé Individualisé Individualisé

Bord inf tsoaigu/mousse

Mousse Aigu Aigu Mousse Aigu Aigu Aigu Mousse

Incisure supra-orbit A/P

Présente Absente Présente Présente Présente Absente Absente Présente

Tubercule supra-orbit A/P

Présent Absent Présent Présent Présent Présent Absent Présent

Sulcus supra-glabellaire A/P

Présent Présent Absent Absent Présent Absent Présent Présent Présent Présent

Sulcus supra-orbit lat A/P

Présent Absent Absent Présent Présent Présent Présent Présent Présent Présent

Dév. LT surfaible/fort

Fort Fort Faible Fort Fort Fort Fort Fort Fort Fort

Dév. LT surP faible/fort

Faible Fort Faible Fort Fort Fort Fort Faible Fort

Position ftant/post

Antérieure Postérieure Postérieure Postérieure Postérieure Postérieure Postérieure Postérieure Postérieure

Dév. fosseinfra-tempfaible/fort

Fort Fort Fort Fort Fort Fort Fort Fort Fort

Convexitéinfra-temppost A/P

Présente Présente Présente Présente Présente Présente Présente Présente Présente

Reliefs sag surP A/P

Absent Présent Absent Présent Présent Présent

Page 22: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

� sa largeur ;� sa hauteur constante ;� l’absence de trigone ;� la présence d’un sulcus supra-glabellaire et d’un sulcus supra-toral latéral.

Et par la disposition de la zone infra-temporale composée d’une fosse antérieure marquée et,postérieurement, d’un bombement de la paroi de l’os frontal.

Seules l’individualisation du processus zygomatique du frontal et la position postérieure dupoint fronto-temporal distinguent les Homo ergaster du fossile turc.

Les mêmes différences sont notables avec le crâne OH9 chez qui, de plus, le torus supra-orbitaire est nettement plus large avec un trigone développé.

Sur Daka-Bouri, le torus supra-orbitaire est également plus large que sur Kocabas et lamorphologie de la zone infra-temporale est différente (sans bombement sur le fossile africain).

6.3.2. Par rapport aux Homo erectus anciens de Chine et de JavaLa conservation de Yunxian II R ne permet pas une comparaison approfondie avec le fossile

turc mais quelques différences sont notables : l’absence de convexité dans la zone infra-temporale postérieure et la plus grande largeur du torus supra-orbitaire de Yunxian II R quicorrespond à un individu de grande taille (Tableau 5).

Les fossiles chinois plus récents, notamment Nankin 1 et le crâne 3 de Zhoukoudian L-C,présentent une morphologie frontale proche de celle de Kocabas. Les individus adultes deZhoukoudian L-C se distinguent cependant par un torus supra-orbitaire arqué au-dessus de

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–107 95

Tableau 5Comparaison des caractères anatomiques de Kocabas et des Homo erectus anciens de Chine et de Java.Comparisons between the anatomical features of Kocabas and those on archaic Homo erectus from China and Java.

Spécimen Kocabas Yunxian II R Nankin 1 ZKD3 ZKD10 ZKD11 ZKD12 S17

Largeur tso Large Très large Large Large Large Large Largetso rectiligne/arqué Rectiligne Arqué Rectiligne Arqué Arqué Arqué ArquéDév. du trigone Absent Présent Absent Présent Présent Présent PrésentProcess Z du F

court/indivCourt Court Individualisé Individualisé

Bord inf tsoaigu/mousse

Mousse Mousse Mousse Aigu Mousse Aigu

Incisure supra-orbit A/P

Présente Présente Présente Absente Présente Présente Présente

Tubercule supra-orbit A/P

Présent Présent Absent Présent Présent Présent Absent

Sulcus supra-orbitglabellaire A/P

Présent Présent Présent Présent Présent Présent Présent Présent

Sulcus supra-orbitlat A/P

Présent Présent Présent Présent Présent Présent Absent

Dév. LT sur FFaible/Fort

Fort Faible Faible Faible Faible Faible Faible Fort

Dév. LT sur PFaible/Fort

Faible Faible Faible Faible Faible Faible Faible Fort

Position ft ant/post Antérieure Antérieure Antérieure Antérieure Antérieure Antérieure PostérieureDév. fosse infra-temp

faible/fortFort Faible Fort Fort Fort Fort Fort Fort

Convexité infra-temppost A/P

Présente Absente Présente Présente Présente Présente Présente Présente

Reliefs sag sur P A/P Absent Absent Présent Présent Présent Présent Présent

Page 23: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

chaque orbite et la présence d’un trigone, bien développé, aux extrémités latérales. Sur le frontal,les lignes temporales sont peu marquées et un bombement sagittal est perceptible sur le pariétal,ce qui n’est pas le cas sur le fossile turc.

Par rapport aux individus plus anciens considérés précédemment (Homo habilis, Homoergaster, Homo georgicus), le point fronto-temporal est, sur tous les Homo erectus, en positionantérieure. Chez les fossiles anciens, le torus supra-orbitaire est plus gracile et étroit, le trigoneest peu développé, les lignes temporales sont plus marquées et le point fronto-temporal est enposition postérieure.

Comme les fossiles de Zhoukoudian L-C (notamment le crâne 12), Sangiran 17 se distingue deKocabas par un torus supra-orbitaire arqué au-dessus de chaque orbite, avec un trigone développéà chaque extrémité où le processus zygomatique du frontal est bien individualisé. Sur le fossileindonésien, le point fronto-temporal est en position postérieure et un bombement sagittal estperceptible dans la région bregmatique, ce qui diffère de Kocabas.

6.3.3. Par rapport aux Homo erectus récents de JavaLes fossiles de Sambungmacan, Ngandong et Ngawi (Tableau 6) se distinguent de Kocabas

par un épaississement du torus supra-orbitaire dans ses extrémités latérales (trigone) présentantdans leur continuité un processus zygomatique du frontal bien individualisé. Si un sulcus supra-toral est présent latéralement, il est le plus souvent absent au niveau supra-glabellaire. Comme

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–10796

Tableau 6Comparaison des caractères anatomiques de Kocabas et des Homo erectus récents de Chine et de Java.Comparisons between the anatomical features of Kocabas and those on recent Homo erectus from China and Java.

Spécimen Kocabas Ng 5 Ng 6 Ng 7 Ng 12 Hexian Dali

Largeur ts o Large Très large Large Très largetso rectiligne/arqué Rectiligne Arqué Arqué Arqué Arqué Arqué ArquéDév. du trigone Absent Présent Présent Présent Présent Présent AbsentProcess Z du F

court/indivCourt Individualisé Individualisé Individualisé

Bord inf ts oaigu/mousse

Mousse Mousse Mousse Mousse Mousse Mousse

Incisure supra-orbit A/P

Présente Présente Présente Présente Présente Présente Absente

Tubercule supra-orbit A/P

Présent Présent Présent Présent Présent Absent Absent

Sulcus supra-glabellaire A/P

Présent Absent Absent Absent Absent Présent Présent

Sulcus supra-orbitlat A/P

Présent Présent Présent Présent Présent Absent Présent

Dév. LT sur Ffaible/fort

Fort Fort Fort Fort Fort Faible Fort

Dév. LT sur Pfaible/fort

Faible Fort Fort Fort Fort Faible Fort

Position ft ant/post Antérieure Postérieure Postérieure Postérieure Postérieure Antérieure AntérieureDév. fosse infra-

temp faible/fortFort Faible Faible Faible Faible Faible Faible

Convexité infra-temp post A/P

Présente Présente Présente Présente Présente Absente Absente

Reliefs sag surP A/P

Absent Présent Présent Présent Présent Absent Présent

Page 24: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

sur le fossile turc, le tubercule et l’incisure supra-orbitaires sont présents et les lignes temporalessont marquées sur le frontal. Elles sont également développées sur le pariétal, à la différence deKocabas dont les crânes indonésiens se distinguent également par la position postérieure du pointfronto-temporal, le développement d’un bombement sagittal et le faible creusement de la fosseinfra-temporale. En revanche, celle-ci délimite une nette convexité postérieurement.

6.3.4. Par rapport aux Homo erectus récents de ChineKocabas (Tableau 6) se distingue des fossiles chinois récents, Hexian et Dali, par la

morphologie du torus supra-orbitaire et de la zone infra-temporale qui, chez les seconds, neprésente ni fosse antérieure très marquée ni convexité postérieure.

6.3.5. Par rapport aux homininés du Pléistocène moyen d’Europe et d’AfriqueLe torus supra-orbitaire est large, non constant dans sa hauteur, et présente un trigone bien

développé dans ses extrémités latérales, ce qui est différent de la disposition observée surKocabas (Tableau 7). À part sur Arago 21R, le processus zygomatique du frontal est bienindividualisé sur les fossiles plus récents. Ces derniers, Kabwe mis à part, ne présentent pas defosse infra-temporale marquée et, postérieurement, de forte convexité de la paroi de l’os frontal.En revanche, comme sur Kocabas, une incisure supra-orbitaire est généralement présente et, surtous, un sulcus tant supra-glabellaire que supra-toral latéral est bien marqué. Le tubercule supra-orbitaire, quand il est présent, est faiblement marqué.

6.3.6. Par rapport aux NéandertaliensIls présentent un torus supra-orbitaire plus large et arqué au-dessus de chaque orbite, ce qui

diffère de Kocabas (Tableau 7). Comme sur ce dernier, le trigone n’est pas développé et les sulcusglabellaire et supra-orbitaire sont marqués, mais, chez les Néandertaliens, aucun tubercule etincisure supra-orbitaires ne sont observables et le processus zygomatique de l’os frontal est bienindividualisé. Enfin la zone infra-temporale, dont la fosse antérieure est peu marquée et laconvexité postérieure absente, est bien différente de la morphologie observée sur le fossile turc.

En résumé, par la morphologie de son os frontal, le crâne de Kocabas se distingue nettementdes fossiles du Pléistocène moyen et supérieur. Il est proche des spécimens du Pléistocène

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–107 97

Tableau 7Comparaison des caractères anatomiques de Kocabas et des homininés du Pléistocène moyen et supérieur d’Europe etd’Afrique.Comparisons between the anatomical features of Kocabas and those on Middle and Upper Pleistocene hominins from Europeand Africa.

Spécimen Kocabas Arago 21 R Petralona Kabwe LCAS LF1 Guattari 1 Neanderthal

Largeur tso Large Très large Très large Très large Large Très large Très large Très largetso rectiligne/arqué Rectiligne Arqué Arqué Arqué Arqué Arqué Arqué ArquéDév. du trigone Absent Présent Présent Présent Absent Absent Absent AbsentProcess z du F court/indiv Court Court Individualisé Individualisé Individualisé Individualisé Individualisé IndividualiséBord inf ts o aigu/mousse Mousse Mousse Mousse Mousse Aigu Mousse Mousse AiguIncisure supra-orbit A/P Présente Présente Présente Présente Absente Absente Absente AbsenteTubercule supra-orbit A/P Présent Présent Absent Présent Absent Absent Absent AbsentSulcus supra-glabellaire A/P Présent Présent Présent Présent Présent Présent Présent PrésentSulcus supra-orbit lat A/P Présent Présent Présent Présent Présent Présent Présent PrésentDév. LT sur F faible/fort Fort Fort Fort Fort Fort Fort Faible FaibleDév. LT sur P faible/fort Faible Fort Faible Fort Fort Faible Faible FaiblePosition ft ant/post Antérieure Antérieure Postérieure Antérieure Antérieure Antérieure Antérieure AntérieureDév. fosse infra-temp faible/fort Fort Faible Faible Fort Faible Faible Faible FaibleConvexité infra-temp post A/P Présente Absente Absente Présente Absente Absente Présente PrésenteReliefs sag sur P A/P Absent Présent Présent Absent Absent Absent Absent

Page 25: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

inférieur dont l’os frontal se caractérise par de faibles dimensions, des lignes temporales hautesdélimitant une zone infra-temporale caractérisée par une fosse antérieure marquée et une netteconvexité postérieure, un torus supra-orbitaire bordé postérieurement par un sulcus supra-toral etprésentant, inférieurement, une incisure et un tubercule supra-orbitaires. Parmi ces fossiles, c’est,d’une part, des Homo ergaster (ER3733 et ER3883) et, d’autre part, des Homo erectus chinois(Nankin 1 et le crâne 3 de Zhoukoudian L-C) dont il est le plus proche. Tout en présentantquelques différences anatomiques, il n’est pas éloigné des crânes de Dmanissi, Daka-Bouri etOH9. Avec aucun cependant, il ne partage l’aspect court de son processus zygomatique, caractèrequi semble lui être propre.

6.4. Endocrâne

6.4.1. Impressions vasculairesLe rameau bregmatique antérieur de l’artère méningée moyenne est nettement visible, avec

des sillons profonds (environ 2 mm). Il est localisé 8 mm en arrière de la suture coronale et sedivise, 9 mm au-dessus du bord temporal de l’os pariétal, en deux branches collatérales, uneantérieure et une postérieure. Après avoir eu un trajet oblique et antérieur sur 31 mm, lacollatérale antérieure se retrouve sur la suture coronale qu’elle suit sur 24 mm jusqu’au niveau del’endo-bregma. 17 mm après le point de divergence, la collatérale postérieure se subdivise endeux nouvelles collatérales orientées vers le haut et l’arrière sur 38 mm (Fig. 17).

Les impressions laissées par le rameau postérieur (dirigé vers l’obélion) sont peu profondes(1 mm de profondeur) et plus étroites que celles du rameau bregmatique. Ce rameau postérieur

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–10798

Fig. 17. Les impressions vasculaires sur la face endocrânienne des pariétaux de Kocabas (Impression en frittage depoudre polyamide d’après les données tomographiques du spécimen original).The vascular impressions on the endocranial surface of the fragmentary parietals of Kocabas (3D printing from the CTdata of the original specimen).

Page 26: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

est situé 14 mm en arrière du point d’origine du rameau bregmatique et n’est préservé que sur22 mm de longueur.

Sur la surface endocrânienne du pariétal gauche, seule la division du rameau bregmatique endeux collatérales, l’une antérieure et l’autre vers l’arrière, sont observables, 17 mm en arrière dela suture coronale. La branche antérieure s’étire sur 35 mm jusqu’à atteindre la suture coronale.La branche postérieure mesure 34 mm, le long du plan de coupe du pariétal.

Sur les deux os pariétaux de Kocabas le sinus longitudinal supérieur n’est pas visible le long dela suture sagittale.

La disposition des vaisseaux méningés antérieurs, localisés dans le tiers antérieur des ospariétaux, et leur orientation vers le bord sagittal, observées sur le neurocrâne de Kocabas sontdes caractères communs chez les homininés anciens (Grimaud-Hervé, 1997).

6.4.2. Impressions céphaliquesLa fosse ethmoïdo-frontale qui peut être observée sur la surface endocrânienne de l’os frontal

est profonde chez Kocabas. La crête frontale forme une crête marquée et pointue.Ces deux caractères impliquent la présence d’un bec frontal. Ce dernier, reconstitué, est formé

par l’extension de la première et de la deuxième circonvolution frontale entre les cavitésorbitaires.

La courbure régulière des lobes frontaux et du bec frontal de Kocabas semble proche de cellesdes homininés anciens (Grimaud-Hervé, 1997 ; Grimaud-Hervé et al., 2006). De plus, la fissureinter-hémisphère qui divise en deux parties droite et gauche le bec frontal de Kocabas est large,tout comme chez les homininés archaïques.

6.5. Paléopathologie

Sur la face endocrânienne, au niveau de la fosse crânienne antérieure droite, la présence denombreuses granulations de petite taille, plus ou moins arrondies avec une surface plane ont étéattribuées à une tuberculose de type Leptomeningitis tuberculosa (Kappelman et al., 2008). Lesauteurs attribuent cette réaction inflammatoire à un déficit en vitamine D qui serait dû à un faibleensoleillement au cours de migrations dans des zones situées plus au nord de l’Afrique.

D’autre part, ils considèrent que la peau noire des populations originaires de l’Afrique (Homoerectus) serait une barrière aux bienfaits du soleil, d’où une plus grande sensibilité aux agressionsmicrobiennes.

Pour les auteurs, ces hypothèses sont essentiellement basées sur l’attribution chronologiquedu fossile au MIS 13 (0,5 Ma). D’après les récents travaux magnétostratigraphiques,géochronologiques et biochronologiques, le site peut être daté de plus de 1,1 Ma.

L’Homme de Kocabas vivait alors sous un climat tempéré. Le déficit d’ensoleillement n’estdonc pas argumenté ni par la végétation ni par la faune contemporaine.

Une analyse anatomo-pathologique est à envisager pour préciser le diagnostic de l’étiologiedes lésions éventuelles.

7. Place de la calotte crânienne de Kocabas parmi les homininés fossiles

Le fossile de Kocabas présente un double intérêt :

� il atteste la présence d’une forme d’Homo erectus très ancienne sur la péninsule anatolienne,proche des Homo ergaster ;

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–107 99

Page 27: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

� situé dans une zone carrefour, entre l’Afrique et l’Eurasie, il apparaît comme un intermédiaireau niveau géographique, mais également chronologique, entre les représentants africains etasiatiques de cette espèce.

Afin de situer la calotte crânienne de Kocabas, dénommée Homme de Denizli, découverte ennovembre 2002 par Mehmet Cihat Alçiçek datée d’un peu plus de 1,1 Ma, parmi l’ensemble deshomininés fossiles d’Afrique, d’Europe et d’Asie, nous avons procédé à des études anatomiques,métriques et morphométriques avec Analyse en Composantes Principales et méthode Procruste.

7.1. Comparaisons avec le groupe Homo habilis-rudolfensis, Homo georgicus, Homo

antecessor

Dans un premier temps, Kocabas peut être comparé à des formes graciles telles que le groupeHomo habilis-rudolfensis, (de 2,5 à 1,2 Ma), et Homo georgicus (1,8 Ma) liées à des culturespréoldowayennes et oldowayennes, portées par des peuples charognards qui, après leur sortied’Afrique, ont progressivement occupé les rivages méditerranéens de l’Europe. Pour Homoantecessor (0,8 Ma) les données sont trop incomplètes pour être comparées en détail.

Par certains caractères la calotte crânienne de Kocabas peut être rapprochée de ce groupe par :

� une disposition haute des lignes temporales à direction faiblement convergente ;� une disposition anguleuse du passage de l’écaille frontale à la face infra-temporale ;� une face infra-temporale légèrement convexe ;� un rétrécissement post-orbitaire marqué.

Néanmoins, Kocabas se différencie du groupe Homo habilis-rudolfensis, Homo georgicus,Homo antecessor par :

� ses proportions générales, une taille plus grande ;� une expansion de l’écaille frontale plus marquée ;� un torus supra-orbitaire individualisé à alignement coronal avec un processus zygomatique

court et peu incurvé ;� un sulcus supra-toral marqué, continu et plus accusé latéralement ;� une position plus antérieure du point fronto-temporal qui traduit une disposition plus dégagée

des muscles temporaux en relation avec une expansion de l’écaille frontale plus nette.

7.2. Comparaisons avec les Homo ergaster

Kocabas peut être comparé avec les Homo ergaster ER3733 (1,8 Ma), ER3883 (1,6 Ma) etWT 15000 (1,6–1,5 Ma), les plus anciens homininés auteurs des industries à bifaces portées pardes peuples chasseurs.

Par beaucoup de caractères la calotte de Kocabas peut être rapprochée de ces Homo ergaster,principalement des deux adultes ER3733 et ER3883 :

� certaines largeurs sont proches : largeur frontale minimale, largeur bi-stéphanique, largeur bi-orbitaire externe ;� une constriction post-orbitaire marquée ;� une dépression supra-torale profonde ;

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–107100

Page 28: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

� des insertions du muscle temporal convergentes postérieurement ;� une écaille frontale courte et large ;� l’Analyse en Composantes Principales des résidus Procrustes à partir de 12 points de repères

craniométriques rapprochent Kocabas des Homo ergaster, en particulier de l’individu ER3883.

Cependant, Kocabas en diffère par :

� un torus supra-orbitaire plus massif sur Kocabas ;� une divergence postérieure de l’écaille frontale, moins marquée sur Kocabas.

7.3. Comparaisons avec les Homo erectus africains

Il y a lieu de distinguer parmi les Homo erectus africains, les plus anciens OH9 (1,4–1,2 Ma),Daka-Bouri (1 Ma) et les plus récents, Bodo (0,6 Ma) et Kabwe (Broken-Hill) (0,3 à 0,125 Ma).

L’Analyse en Composantes Principales rapproche Kocabas de l’ensemble des Homo erectusafricains.

C’est avec celle des Homo erectus d’Afrique les plus anciens, OH9 et Daka-Bouri que lacalotte de Kocabas a le plus d’affinités, en particulier :

� la présence d’un torus supra-orbitaire saillant surmonté d’une dépression supra-torale nette ;� la largeur maximale de la portion supérieure de la face (M43) ;� une forte constriction post-orbitaire ;� une largeur semblable de la portion postérieure du frontal.

Des différences peuvent être mises en évidence avec ces formes anciennes d’Homo erectusafricains. Il est possible de noter :

� une largeur maximale du torus supra-orbitaire moins marquée sur Kocabas ;� Sur OH9, les apophyses zygomatiques, longues et individualisées se projettent en arrière et

sont nettement incurvées vers le bas sur Daka-Bouri ;� des crêtes temporales moins marquées sur le pariétal de Kocabas ;� la face infra-temporale est plus convexe sur Kocabas que sur Daka-Bouri. La verticalité de cette

face sur Daka-Bouri est vraisemblablement liée aux forts ancrages des muscles temporaux. SurKocabas les muscles temporaux paraissent moins puissants.

7.4. Comparaisons avec les Homo erectus européens (Homo heidelbergensis)

Les Homo erectus européens actuellement connus, tels que Arago 21R (0,45 Ma), Ceprano(0,4 Ma), Sima de los Huesos (0,35 Ma), Petralona (0,2 Ma ?), beaucoup plus récents queles Homo erectus plus anciens d’Afrique correspondent à des peuples chasseurs porteursd’une industrie acheuléenne à bifaces qui ont peuplé l’Europe méridionale, il y a un peu plus de0,6 Ma.

Ils correspondent vraisemblablement à une deuxième grande vague du peuplement del’Europe méridionale.

Kocabas présente peu de caractères communs avec ces populations :

� un torus supra-orbitaire saillant.

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–107 101

Page 29: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

Et il s’en différencie par :

� des dimensions du frontal inférieures sur Kocabas ;� des lignes temporales situées plus haut ;� une face infra-temporale oblique sur Kocabas ;� une très forte constriction post-orbitaire ;� un os frontal plus court ;� une fissure inter-hémisphérique du bec encéphalique, visible sur la reconstruction de

l’encéphale plus large sur Kocabas.

Par ces caractères, la calotte de Kocabas paraît plus archaïque que les Homo erectuseuropéens.

7.5. Comparaisons avec les Homo erectus de Chine

Deux populations d’Homo erectus peuvent être prises en compte en Chine. Les plus anciennestelles que l’Homme de Lantian (1 Ma environ), Yunxian (0,936 Ma). Les formes plus récentes,telles que Zhoukoudian L-C (entre 0,45 et 0,20 Ma), Hexian (0,40–0,20 Ma) et Nankin 1 (0,50–

0,20 Ma).Kocabas est globalement différent des Homo erectus de Chine. Comme sur les formes plus

anciennes (Yunxian), Kocabas présente :

� un torus supra-orbitaire bien individualisé.

Il s’en différencie par :

� des dimensions inférieures : longueur, largeur ;� une dépression supra-torale plus profonde sur Kocabas ;� des crêtes temporales plus haut situées est plus anguleuses ;� une fosse infra-temporale plus profonde.

Avec les Homo erectus de Chine plus évolués, comme ceux de Zhoukoudian L-C, Hexian etNankin 1 qui constituent une population assez homogène, la calotte de Kocabas présentequelques ressemblances :

� un torus, d’épaisseur continue en particulier sur Zhoukoudian L-C et Nankin 1 ;� un processus zygomatique court, mal individualisé sur Nankin 1 comme sur Kocabas ;� une dépression supra-torale nette ;� un renflement de la portion infra-temporale net ;� les petites dimensions globales de Kocabas le rapprochent dans certains cas du crâne 3 de

Zhoukoudian L-C qui est lui-même de petite taille et attribué à un adolescent.

En revanche, Kocabas se différencie nettement de ces Homo erectus chinois récents par :

� un torus plus massif sur Kocabas ;� un processus zygomatique court, peu individualisé ;� un frontal plus court sur Kocabas ;

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–107102

Page 30: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

� une constriction post-orbitaire plus marquée sur Kocabas ;� des crêtes temporales plus marquées sur le frontal de Kocabas et plus convergentes

postérieurement ;� une plus faible expansion de l’écaille frontale, moins divergente sur Kocabas.

7.6. Comparaisons avec les Homo erectus de Java

Comme pour les Homo erectus de Chine, il y a lieu de distinguer deux populations. La plusancienne regroupe de nombreuses calottes d’hommes fossiles, dont Sangiran 17 (0,75 Ma),Trinil. Les formes les plus récentes sont représentées par Sambungmacan (0,50 Ma), Ngandong(0,25–0,07 Ma), Ngawi (0,1 Ma). Kocabas est très différent de l’ensemble des Homo erectus deJava.

Néanmoins, il peut être rapproché de Sangiran 17 par quelques caractères :

� un torus supra-orbitaire bien individualisé ;� des crêtes temporales, hautes, convergentes, comme sur Sangiran 17.

D’autre part, sur quelques fossiles tels que Nangdong 10 et 12 :

� présence d’un processus zygomatique court, peu individualisé.

Kocabas se différencie de Sangiran 17 :

� par sa petite taille générale et en particulier par ses largeurs plus faibles,� l’absence de carène sagittale antérieure,� une dépression supra-torale plus nette sur Kocabas,� absence de processus zygomatique individualisé sur Kocabas ;� une facette infra-temporale oblique et convexe sur Kocabas.

Comparé aux Homo erectus de Java plus récents, Sambungmacan, Ngandong, Nagwi, lesdifférences sont nombreuses. Kocabas se différencie par :

� un torus supra-orbitaire de hauteur constante avec un trigone peu saillant sur Kocabas ;� une dépression supra-torale plus marquée ;� un frontal moins long et moins large ;� une constriction post-orbitaire plus forte sur Kocabas ;� un frontal très divergent chez Kocabas.

7.7. Comparaisons avec les Néandertaliens

La calotte crânienne de Kocabas, par ses caractères morphologiques et morphométriques, esttrès éloignée des crânes néandertaliens.

Si elle présente quelques ressemblances avec celles des Néandertaliens par :

� la présence d’un torus supra-orbitaire dont la région glabellaire ne peut être observée surKocabas.Elle présente néanmoins de grandes différences :

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–107 103

Page 31: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

� le torus supra-orbitaire présente une épaisseur plus régulière sur Kocabas que chez lesNéandertaliens ;� le processus zygomatique du frontal est peu développé sur Kocabas ;� la constriction post-orbitaire est très forte sur Kocabas alors qu’elle est moins marquée chez les

Néandertaliens ;� la face infra-temporale est moins verticale et plus convexe chez Kocabas que chez les

Néandertaliens ;� l’os frontal est plus court et plus étroit que celui des Néandertaliens ;� l’écaille frontale est anguleuse au niveau de l’intersection de la suture coronale avec les lignes

temporales ;� les crêtes temporales sont plus hautes et plus marquées sur Kocabas.

En conclusion de l’étude comparée de la calotte crânienne de Kocabas avec les autreshomininés fossiles, celle-ci apparaît plus évoluée que celles du groupe gracile des Homohabilis-rudolfensis, Homo georgicus et plus archaïque que celles des Homo erectus européens

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–107104

Fig. 18. Situation chronologique relative des homininés du Pléistocène inférieur et moyen d’Afrique, d’Europe et d’Asie.Chronological position of the Lower and Middle Pleistocene hominids from Africa, Europe and Asia.

Page 32: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

(Homo heidelbergensis) : Arago 21R, Ceprano, Sima de los Huesos, Petralona, et celles desHomo neanderthalensis (Fig. 18).

Par sa morphologie, Kocabas est proche des Homo ergaster et des Homo erectus d’Afrique etd’Asie. Il se distingue des asiatiques par les proportions de son écaille frontale, plus restreintes, etune constriction post-orbitaire plus marquée.

8. Conclusion

Par ses caractères anatomiques et morphométriques, la calotte crânienne de Kocabas, datéed’un peu plus de 1,1 Ma, paraît très proche des Homo erectus africains anciens contemporains,tels que Daka-Bouri et OH9.

Différent des formes graciles d’Homo habilis-rudolfensis, Homo georgicus, Homo antecessor,Kocabas présente de nombreuses ressemblances avec les formes d’Homo ergaster.

Kocabas se caractérise par une écaille frontale courte présentant une expansion de sa partieantérieure. Néanmoins, sa portion postérieure reste étroite, inférieure à la largeur mesurée surHomo ergaster. Le faible développement des lignes temporales observé sur le pariétal deKocabas pourrait résulter d’une faible sollicitation musculaire.

Quelques similitudes ont été relevées entre Kocabas et les formes graciles des Homo erectuschinois qui se discrimine par ailleurs par une proportion générale de l’écaille plus courte et uneconstriction post-orbitaire plus forte (sur Kocabas).

Les résultats de cette étude permettent de situer le fossile de Kocabas entre les formes les plusanciennes d’Homo erectus-ergaster et les Homo erectus asiatiques et africains. Kocabas peut êtreconsidéré comme le représentant d’une population peu connue en Eurasie. Elle est mieuxdocumentée en Afrique (Olduvai, Daka-Bouri, Buia) et présente une diversité biologiquecertaine.

Kocabas paraît s’intégrer au sein de cette variabilité. Il partage les proportions et ledegré d’expansion de l’écaille frontale de Daka-Bouri. Il faut cependant reconnaitre unedifférence au niveau du torus supra-orbitaire qui est moins développé sur Kocabas que surl’africain Daka-Bouri. De plus, la convexité infra-temporale est absente sur Daka-Bouri et lalongueur de l’écaille est légèrement plus faible que sur Kocabas. Il serait tentant d’attribuerces différences morphologiques à une différence de contrainte musculaire. Chez Kocabas,aux reliefs musculaires plus atténués, la contrainte paraît moins marquée que sur Daka-Bouri.Sur OH9, les proportions du frontal sont comparables à celles de Kocabas avec néanmoinsune différence nette dans la largeur de la partie antérieure du frontal (plus importante surOH9). De plus, le torus supra-orbitaire est très développé chez le fossile africain.

Ces trois fossiles (Kocabas, Daka-Bouri, OH9), à peu près contemporains, présentent desproportions identiques mais des différences notables dans la partie antérieure du frontal et de sasuperstructure.

Situé dans une zone carrefour, entre l’Afrique et l’Eurasie, le fossile turc apparaît comme unintermédiaire, au niveau géographique mais également chronologique, entre les représentantsasiatiques et africains de cette espèce. Il comble une lacune paléontologique et constitue unargument tangible concernant l’extension depuis l’Afrique des Homo erectus à travers l’AncienMonde, à partir de 1,8 Ma.

Kocabas paraît appartenir à une population d’Homo erectus porteuse d’une cultureacheuléenne à bifaces, sortie d’Afrique entre 1,4 Ma (Ubeydia, Israël) et 1,1 Ma qui aurait faitsuite aux populations graciles porteuses des industries préoldowayennes et oldowayennes.

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–107 105

Page 33: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

Remerciements

Le programme de recherche portant sur le fossile de Kocabas dans la région de Denizli estcoordonné par l’Institut de Paléontologie Humaine, en France, en partenariat avec l’universitéPamukkale, en Turquie. Il bénéficie du soutien du programme TUBITAK-CNRS (financementno 110Y335), TUBITAK no 105Y280 et de l’Académie des Sciences de Turquie pour la« Outstanding Young Scientist Award » (TUBA-GEBIP). La société Pernod-Ricard en Turquie aégalement apporté son soutien financier aux missions réalisées sur le terrain, qu’elle en soit icivivement remerciée.

Références

Alçiçek, M.C., Kazanci, N., Sen, S., Kappelman, J., Ozkul, M., 2006. Türkiye’deki en eski hominin buluntusu (The oldestTurkish hominin). In: 59th Annual Geological Congress of Turkey, 20–24 March, Ankara, p. 468.

Arsuaga, J.L., Martinez, I., Gracia, A., Lorenzo, C., 1997. The Sima de los Huesos crania (Sierra de Atapuerca Spain). Acomparative study. Journal of Human Evolution 33, 219–281.

Arsuaga, J.L., Martinez, I., Lorenzo, C., Gracia, A., Muñoz, A., Alonso, O., Gallego, J., 1999. The human cranial remainsfrom Gran Dolina Lower Pleistocene site (Sierra de Atapuerca, Spain). Journal of Human Evolution 37, 431–457.

Asfaw, B., Gilbert, W.H., Richards, G.D., 2008. Homo erectus cranial anatomy. In: Gilbert, W.H., Asfaw, B. (Eds.), Homoerectus Pleistocene Evidence from the Middle Awash, Ethiopia. University of California Press, 458 p.

Barber, G., Shepstone, L., Rogers, J., 1995. A methodology for estimating age at death using arachnoid granulationcounts. American Association of Physical Anthropology (Suppl. 20) 61.

Bookstein, F.L., 1991. Morphometric a and Biology. Cambridge University Press, Cambridge.Boulbes, N., Mayda, S., Titov, V.V., Alçiçek, M.C., 2014. Les grands mammifères du Villafranchien supérieur des

travertins du Bassin de Denizli (Sud-Ouest Anatolie, Turquie). L’Anthropologie, http://dx.doi.org/10.1016/j.anthro.2014.01.001.

Caffey, J., 1993. Caffey’s pediatric X-ray Diagnosis, 9th edition (F.N. Silverman et J.P. Kuhns, Eds) Mosby Yearbook, StLouis, MO.

Grimaud-Hervé, D., 1997. L’évolution de l’encéphale chez l’Homo erectus et l’Homo sapiens. Les cahiers dePaléoanthropologie. Éditions du CNRS, Paris, 405 p.

Grimaud-Hervé, D., de Lumley, M.-A., Lordkipanidze, D., Gabounia, L., 2006. Étude préliminaire des endocrânes deDmanissi : D2280 et D2282. L’Anthropologie 110, 732–765.

Guipert, G., Mafart, B., 2008. Medial sagittal plan of human cranium and virtual reconstitution by mirroring. AnnualMeeting of the American Association of Physical Anthropologists, Columbus, USA. American Journal of PhysicalAnthropology (Suppl. 46) 110.

Guipert, G., Vialet, A., Alçiçek, M.C., 2011. The Homo erectus from Kocabas in Turkey and the first settlements inEurasia. Annual Meeting of the American Association of Physical Anthropologists, Minneapolis, USA. AmericanJournal of Physical Anthropology (Suppl. 52) 151.

Guipert, G., de Lumley, M.-A., de Lumley, H., 2014. Restauration virtuelle d’Arago 21. C. R. Palevol 13 (1) 51–59, http://dx.doi.org/10.1016/j.crpv.2013.07.004.

Kappelman, J., Alçiçek, M.C., Kanzanci, N., Schultz, M., Özkul, M., Sen, S., 2008. Brief communication: First Homoerectus from Turkey and implications for migrations into temperate Eurasia. American Journal of PhysicalAnthropology 135 (1) 110–116.

Khatib, S., Rochette, P., Alçiçek, M.C., Lebatard, A.E., Demory, F., Saos, T., 2014. Études stratigraphique, sédimento-logique et paléomagnétique des travertins de Kocabas, Bassin de Denizli, Anatolie, Turquie, contenant des restesfossiles quaternaires. L’anthropologie, http://dx.doi.org/10.1016/j.anthro.2014.01.005.

Lang, J., 1989. Clinical Anatomy of the Nose, Nasal Cavity and Paranasal Sinuses (Trans. P.M. Stell) Thieme, New York.Lebatard, A.E., Alçiçek, M.C., Rochette, P., Khatib, S., Vialet, A., Boulbes, N., Bourlès, D.L., Demory, F., Guipert, G.,

Mayda, S., Titov, V.V., Vidal, L., de Lumley, H., 2014a. Dating the Homo erectus bearing travertine from Kocabas(Denizli, Turkey) at at least 1.1 Ma. Earth and Planetary Science Letters 390, 8–18, http://dx.doi.org/10.1016/j.epsl.2013.12.031.

Lebatard, A.E., Bourlès, D.L., Alçiçek, M.C., 2014b. Datation des travertins de Kocabas par la méthode des nucléidescosmogéniques 26Al/10Be. L’Anthropologie, http://dx.doi.org/10.1016/j.anthro.2014.01.002.

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–107106

Page 34: La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie)

de Lumley, M.-A., Gabounia, L., Vekua, A., Lordkipanidze, D., 2006. Les restes humains du Pliocène final et du début duPléistocène inférieur de Dmanissi, Géorgie (1991–2000). I – Les crânes, D 2280, D 2282, D 2700. L’Anthropologie110, 1–110.

Martin, R., Saller, K., 1957. Lehrbuch der Anthropologie. Gustav Fischer Verlag, Stuttgart, vol. 1/7, 661 p.Nachman, B.A., Akyar, S., Alçiçek, M.C., Kappelman, J., Kazanci, N., 2010. A 3D reconstruction of the first Homo

erectus specimen from Turkey. Proceedings of the Annual Meeting of the AAPA. American Journal of PhysicalAnthropology (Suppl. 50) 175.

Vialet, A., Li, T., Grimaud-Hervé, D., de Lumley, M.A., Liao, M., Feng, X., 2005. Proposition de reconstitution dudeuxième crâne d’Homo erectus de Yunxian (Chine). Palevol 4, 265–274.

Vialet, A., Guipert, G., He, J., Feng, X., Lu, Z., Wang, Y., Li, T., de Lumley, M.-A., de Lumley, H., 2010. The Homoerectus from the Yunxian and Nankin Chinese sites. Anthropological improvements by using 3D virtual imagingtechnique. C. R. Palevol. 9, 331–339.

Vialet, A., Guipert, G., Alçiçek, M.C., 2011. Reconstitution 3D et etude de l’Homo erectus de Kocabas, en Turquie.Bulletins et mémoires de la Société d’Anthropologie de Paris (Suppl. 23) 38.

Vialet, A., Guipert, G., Alçiçek, M.C., 2012. Homo erectus still further west. Reconstruction of the Kocabas cranium(Denizli, Turkey). C. R. Palevol. 11 (2–3) 89–95.

Weidenreich, F., 1943. The skull of Sinanthropus pekinensis; a comparative study on a primitive hominid skull.Palaeontologia Sinica D19, 1–486.

Wolf, G., Anderhuber, W., Kuhn, F., 1993. Development of the paranasal sinuses in children: implications for paranasalsinus surgery. Annals of Otology, Rhinology and Laryngology 102, 705–711.

A. Vialet et al. / L’anthropologie 118 (2014) 74–107 107