la contribution de la commission des nations unies pour le droit
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UNIVERSIT DE BOURGOGNE UFR DROIT ET SCIENCE POLITIQUE
THSE
Pour lobtention du grade de
Docteur de lUniversit de Bourgogne
(Droit priv)
par
Guillaume VIEILLARD
Prsente et soutenue publiquement le 14 mars 2014
La contribution de la Commission des
Nations Unies pour le droit commercial
international (CNUDCI) lharmonisation
et luniformisation du droit commercial
international
Directeur de thse : Professeur Eric LOQUIN
Co-directrice de thse : Professeur Laurence RAVILLON
JURY :
Monsieur Eric LOQUIN Professeur lUniversit de Bourgogne, Directeur de thse.
Madame Laurence RAVILLON Professeur lUniversit de Bourgogne, Co-directrice de thse.
Monsieur Jean-Michel JACQUET Professeur Emrite de lInstitut de hautes tudes internationales et du dveloppement de
Genve, Rapporteur.
Monsieur Arnaud MONTAS Matre de confrences HDR lUniversit de Bretagne Occidentale, Rapporteur.
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A Blandine et Gabriel,
mes parents.
Au Professeur Jol-Pascal BIAYS,
In Memoriam.
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Le contenu ainsi que les opinions exprimes dans cette thse
nengagent que leur auteur et ne sauraient en aucune manire
engager lUniversit de Bourgogne, la Facult de droit et de
science politique de Dijon, lOrganisation des Nations Unies
et le Secrtariat de la CNUDCI.
Thse jour au 15 dcembre 2013.
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Avant-propos
Cette thse de Doctorat, loin dtre un aboutissement, constitue au contraire un jalon dans le
cheminement intellectuel dun juriste. Des bords du canal de Bourgogne ceux du Danube et du Nil,
elle fut un projet de longue haleine, initi en Egypte un soir dIftar1 dans la pnombre dun bureau
dsert de luniversit. Les nombreux souvenirs se bousculent encore. Reprenant les mots dAlain
PEYREFITTE : Je me mfie de la mmoire : elle flanche comme dit la chanson. Je me mfie des
Mmoires : ils reconstruisent le pass leur faon. Invitablement, ils remodlent les souvenirs en
fonction de ce qui tait alors un avenir inconnaissable, mais qui est devenu entre-temps un pass trop
prsent 2.
Souvent tourment au gr des alas, le travail de recherche et dcriture fut nanmoins men avec un
indfectible enthousiasme. Loin dtre un parcours commun, il laisse son auteur face ses doutes. La
motivation fut insuffle par cette incursion dans le monde universitaire dcouvert sur le tard lorsque
du jour au lendemain ltudiant dijonnais devenait charg de travaux dirigs et denseignement
lInstitut de droit des affaires internationales (IDAI) de la facult de droit de lUniversit du Caire
(Egypte). De ces deux annes seront gards jamais en mmoire la rencontre avec des enseignants
venus de toute la France, la curiosit des tudiants gyptiens et trangers ainsi que lengagement sans
commune mesure de mes collgues investis dans cette mission de service public comme aimait le
rappeler avec imptuosit le directeur de lpoque le Professeur Jol-Pascal BIAYS. Mission noble
que celle dtre dsign pour assurer la coopration internationale et porter le droit franais au-del de
ses frontires naturelles. Il faut le vivre et le partager. Preuve en est aujourdhui : lamiti encore
existante et les retrouvailles rgulires avec danciens collgues et tudiants, tous devenus des amis.
En 2006, suite une candidature au programme des Jeunes Experts Associs (JEA) du Ministre des
Affaires Etrangres, je suis retenu pour la Commission des Nations Unies pour le droit commercial
international (CNUDCI) avec laquelle je vais travailler jusquen 2009. Lessentiel de mon activit a
consist participer aux sessions du Groupe de travail VI (Srets) recherches juridiques, suivi des
sessions, rdaction des rapports et lassistance technique mise jour du Recueil de jurisprudence
CLOUT3, rdaction de fiches techniques pour la mise en uvre des textes de la CNUDCI destination
des Etats demandeurs.
Cette thse de Doctorat entirement consacre aux travaux et aux instruments de la CNUDCI ne peut
tre et ne se veut pas exhaustive. Elle invite, en revanche, poursuivre et enrichir la rflexion sur le
droit commercial international.
Je souhaite prolonger cet avant-propos, au-del des remerciements qui vont suivre, par une pense aux
tudiants, collgues et amis croiss ici et l. Le Droit demeure lcole de la socit. Aujourdhui, je ne
peux que rendre un humble hommage cette communaut universitaire qui ma permis de vivre une
exprience professionnelle enthousiasmante.
G.V.
Vienne, le 15 dcembre 2013
1 LIftar (en arabe : dsigne le repas marquant chaque soir la rupture du jeune au cours du mois du (
Ramadan. Cest loccasion de retrouvailles en famille et entre amis.
2 PEYREFITTE Alain, Ctait de Gaulle, Paris, Gallimard, Coll. Quarto, 2002, Prologue la premire dition,
Chapitre premier, Les foucades du Gnral.
3 Case Law on UNCITRAL Texts (CLOUT).
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Remerciements
Je vais tentretenir de moindres aventures,
Te tracer en ces vers de lgres peintures ;
Et si de tagrer je nemporte le prix,
Jaurai du moins lhonneur de lavoir entrepris .
Jean DE LA FONTAINE4
Je tiens remercier :
Le Professeur Eric LOQUIN, pour avoir accept dencadrer cette thse et mavoir transmis son
intrt pour le droit priv.
Le Professeur Laurence RAVILLON, pour avoir t prsente tout moment et en toutes
circonstances, pour ses lectures minutieuses ainsi que ses conseils aviss et pour avoir t dun soutien
sans faille.
Je souhaite galement remercier mes anciens collgues de la CNUDCI, commencer par :
M. Renaud SORIEUL, Directeur de la Division du droit commercial international et Secrtaire de la
CNUDCI, dont jai bnfici des prcieux conseils,
ainsi que :
M. Spyridon V. BAZINAS, Juriste hors classe, Secrtaire du Groupe de travail VI (Srets),
Mme Corinne MONTINERI, Juriste, Secrtaire du Groupe de travail II (Arbitrage et Conciliation),
M. Cyril EMERY, Juriste et Bibliothcaire,
Mme Laureline ROTHMAYER, Assistante du Secrtaire de la CNUDCI,
Mme Lucia SCHEIDL-KORNIS, Assistante.
Que ces quelques mots soient le reflet de ma reconnaissance et de mon profond respect.
Enfin, cette thse naurait jamais pu voir le jour sans le soutien moral indfectible de mes
parents, de ma famille et de mes amis. Quils en soient chaleureusement remercis.
4 DE LA FONTAINE Jean, Fables, 1668, Livre I, Prologue : Ddicace Monseigneur le Dauphin, Louis de
France, fils de Louis XIV, galement appel le Grand Dauphin .
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Liste des principales abrviations
A.F.D.I. : Annuaire franais de droit international
Arch. phil. du droit : Archives de philosophie du droit
Ass. Pln. : Assemble plnire (Cour de cassation)
Bull. civ. : Bulletin civil
C.A. : Cour dappel
C.E : Conseil dEtat
Cass. : Cour de cassation
Com. : Arrt de la chambre commerciale de la Cour de cassation
J. O. : Journal officiel
J.D.I. : Journal de droit international, Clunet
L.G.D.J. : Librairie gnrale de droit et de jurisprudence
P.U.F. : Presses Universitaires de France
R.C.A.D.I. : Recueil des cours de lAcadmie de droit international
R.D.A.I. : Revue de droit des affaires internationales
R.T.D. civ. : Revue trimestrielle de droit civil
R.T.D. com. : Revue trimestrielle de droit commercial
Rev. Arb. : Revue de lArbitrage
Rev. crit. D.I.P. : Revue critique de droit international priv
Rev. dr. unif. : Revue de droit uniforme
Rev. int. de dr. comp. : Revue internationale de droit compar
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Rsum Abstract
La contribution de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international
(CNUDCI) lharmonisation et luniformisation du droit commercial international
La Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), organe juridique
principal de lOrganisation des Nations Unies vocation universelle, a reu de lAssemble gnrale
de lONU pour mandat dharmoniser, duniformiser et de coordonner le droit commercial
international. Plus de quarante-cinq annes aprs sa cration, la CNUDCI poursuit son uvre dans les
domaines les plus importants du droit commercial international tels que larbitrage commercial
international, la vente internationale de marchandises, le droit des srets, linsolvabilit, les
paiements internationaux, le transport international de marchandises, le commerce lectronique, la
passation de marchs et le dveloppement des infrastructures. En adoptant divers instruments
juridiques par le biais dun processus de ngociation intgrant les Etats ainsi que certaines
organisations intergouvernementales et non gouvernementales, la CNUDCI met la disposition de la
communaut internationale des marchands les outils juridiques ncessaires permettant de faciliter et de
scuriser les oprations du commerce mondial. La prsente thse analyse la manire dont la CNUDCI
contribue au renforcement du droit commercial international en adoptant un ensemble de rgles
juridiques sur les oprations commerciales internationales.
Mots-cls : CNUDCI, droit commercial international, harmonisation, uniformisation, coordination,
comptence normative.
The contribution of the United Nations Commission on International Trade Law (UNCITRAL) to
the Harmonization and the Modernization of International Trade Law
The United Nations Commission on International Trade Law (UNCITRAL) is recognized as the core
legal body of the United Nations system in the field of international trade law, and has a mandate
from the UN General Assembly to harmonize, modernize and coordinate rules on international
business. Since its inception over forty-five years ago, UNCITRAL has continued to pursue these aims
in the key areas of international trade law such as international commercial arbitration and
conciliation, international sales of goods and related transactions, security interests, international
payments, international transport of goods, electronic commerce, procurement and infrastructure
development. By adopting various legal instruments through a negotiation process involving relevant
States and some intergovernmental and non-governmental organizations, UNCITRAL provides legal
tools to the international merchant community to facilitate and secure transactions in global trade.
This thesis analyzes how UNCITRAL contributes to strengthening international trade law by
formulating rules on international commercial transactions.
Keywords: UNCITRAL, international trade law, harmonization, modernization, coordination,
normative action.
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Sommaire
Avant-propos
Remerciements
Liste des principales abrviations
Rsum - Abstract
Introduction
Premire partie : La CNUDCI, force rvlatrice du droit commercial international
Titre I : Linstitutionnalisation de la fonction normative de la CNUDCI
Chapitre 1 : La qute de luniversalit
Chapitre 2 : La qute du consensus
Titre II : Les caractristiques de la fonction normative de la CNUDCI
Chapitre 1 : Vers une formulation de la notion de droit commercial international ?
Chapitre 2 : Vers une mutation des normes sources du droit commercial international ?
Deuxime partie : La CNUDCI, force rnovatrice du droit commercial international
Titre I : Le renouvellement du droit commercial international par la CNUDCI
Chapitre 1 : La CNUDCI et la langue du droit commercial international
Chapitre 2 : La CNUDCI et le contenu du droit commercial international
Titre II : Le renforcement du droit commercial international par la CNUDCI : illustrations
Chapitre 1 : La Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de
marchandises (Vienne 1980) : llaboration dun droit commun
Chapitre 2 : La Loi type de la CNUDCI sur larbitrage commercial international (1985
version amende en 2006) : la contribution lautonomie de la justice arbitrale
Annexes :
A. Lexique des termes juridiques de la CNUDCI
B. Rsolution 2205 (XXI) de lAssemble gnrale Cration de la Commission des Nations
Unies pour le droit commercial international
C. Structure et systme de lOrganisation des Nations Unies
D. Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises
(Vienne 1980)
E. Loi type de la CNUDCI sur larbitrage commercial international (1985 amende en 2006)
Bibliographie
Glossaire
Table des matires
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Introduction
Leffet naturel du commerce est de porter la paix 5
Charles-Louis DE SECONDAT,
Baron DE LA BREDE ET DE MONTESQUIEU
Connu sous le nom de MONTESQUIEU
1. LHomme et le commerce sont indissociables. Dabord envisages dans une approche
purement interne, les activits commerciales ont rapidement dpass les frontires naturelles
des Etats. Quil sagisse, pour ne citer que des exemples de cette expansion, des routes dites
des Indes, des Garamantes, des Limes, du Nil, du sel ou de la soie, les grandes artres
commerciales de lhistoire ont t non seulement un important facteur de dveloppement
conomique international mais ont galement contribu aux rapprochements politiques et
culturels6. Des milliers de transactions sont ainsi effectus quotidiennement dans des pays
diffrents avec des partenaires trangers par lintermdiaire de contrats, de procdures de
paiement et de transports internationaux, pour ne mentionner que les oprations juridiques les
plus courantes, participant ainsi lexpansion de lconomie mondiale et, plus gnralement,
de la socit entire7.
5 MONTESQUIEU, De lesprit des lois, Paris, GF Flammarion, 1979, 4
me partie, Livre XX (Des lois, dans le
rapport quelles ont avec le commerce, considr dans sa nature et ses distinctions), Chapitre II (De lesprit du
commerce,).
6 V. pour une tude densemble : Les routes commerciales, Le Courrier de lUNESCO, Juin 1984, n 6, 36 pp.
7 V. JACQUET Jean-Michel, DELEBECQUE Philippe et CORNELOUP Sabine, Droit du commerce
international, Paris, Dalloz, Coll. Prcis droit priv, 2010, 2me
d., par. 1.
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2. Si ces activits commerciales internationales sont gouvernes de facto par les
principes conomiques8, elles sarticulent galement sur des mcanismes juridiques. Ces
derniers, du fait de linternationalit des oprations, ne parviennent pas toujours tre
apprhends de manire satisfaisante par les droits nationaux. Le risque principal est en effet
pour les parties de ne pas recevoir toute la scurit juridique quelles entendent lgitimement
recevoir dans le cadre de leurs relations commerciales internationales. Celles-ci ont dailleurs
tendance se dtacher de plus en plus de tout lien avec un droit tatique en prvoyant des
droits et des obligations, dont lintensit juridique peut varier, par le jeu notamment des
clauses de rvision ou de modification, mais aussi par la volont de voir le contentieux de
leurs oprations chapper aux juridictions nationales. Cette situation met en exergue un
dcalage entre la ralit conomique ainsi que les intrts des oprateurs du commerce
international dun ct, et de lautre, le besoin vident de scurit juridique. Face cela, Jean
CARBONNIER observe une une baisse considrable de la pression juridique 9. En effet,
les transactions commerciales internationales ont longtemps relev du droit interne de chaque
Etat au travers des rgles de droit international priv10
. Par llaboration de rgles de conflits
de juridictions et de conflits de lois, ceux-ci ont dvelopp des mcanismes permettant de
dterminer leur comptence et la manire dont ils doivent rgir lopration en question. Mais
cette situation est loin dtre satisfaisante car le notent M. DAVID et Mme JAUFFRET-
SPINOSI, deux consquences fcheuses en dcoulent, limprvisibilit des solutions et le
risque de contrarit de dcisions tranchant un mme problme 11
. Le droit international
priv ne peut rsoudre de manire compltement satisfaisante ces divergences surtout dans le
cadre de la mondialisation juridico-conomique, entranant un dcalage entre mouvement
conomique et apprhension juridique.
3. Fort de ce constat, le dlgu des Pays-Bas dclare en 1965 au cours de la runion de
la Sixime Commission (questions juridiques) de lAssemble gnrale de lONU que les
8 V. par ex. : GENEREUX Jacques, Introduction lconomie, Paris, Seuil, 2001, 3
me d., 178 pp.
9 CARBONNIER Jean, Flexible droit, Paris, L.G.D.J., 2001, 10
me d., p. 21.
10 V. pour la typologie des mthodes de droit international priv : BATIFFOL Henri, Le pluralisme des
mthodes en droit international priv , R.C.A.D.I., 1973, Vol. 139, II, p. 73 et suiv. : lauteur met en avant les
rgles de conflit, les lois de polices et les rgles matrielles de droit international priv.
11 DAVID Ren et JAUFFRET-SPINOSI Camille, Les grands systmes de droit contemporains, Paris, Dalloz,
2002, 11me
d., par. 7.
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Nations Unies sont dj parvenues mi-chemin de la Dcennie du dveloppement [] et la
Confrence des Nations Unies sur le commerce et le dveloppement a dj amorc un
ambitieux programme de coopration pour le dveloppement conomique et lexpansion du
commerce international. Il est donc important que le dveloppement du droit ne soit pas en
retard sur le progrs technique et les ralisations pratiques 12
. Droit et conomie doivent
donc se dvelopper de la mme manire car cette mondialisation conomique entrane
invitablement un autre phnomne : la mondialisation juridique. Ce mouvement se retrouve
notamment dans la doctrine amricaine dite Law and Economics dont lobjectif est de
donner aux principes d'conomie librale un quivalent sur le plan juridique. Elle est dcrite
par MM. CARREAU et JUILLARD dans le cadre des ngociations commerciales
multilatrales du GATT de la manire suivante : la source de tout rapport juridique se
trouve dans le contrat, parce que cest le contrat qui permet de formaliser les relations entre
les divers agents conomiques. Mais lexigence de rationalit veut que le contrat permette
aux agents conomiques de raliser le plus grand profit : elle interdit donc que le droit
sanctionne limmuabilit du contrat, parce que cette immutabilit pourrait exposer les
agents conomiques des pertes que condamne la rationalit conomique 13
. Le mode
contractuel vient donc au soutien de lconomie. Ce que confirme M. BOUTROS-GHALI en
dclarant que luniformisation du droit [est] insparable de la coopration conomique
internationale et donc des progrs sur la voie du dveloppement 14
et, dune manire
gnrale, M. TERR en considrant dans le cadre conomique que [le mcanisme
contractuel] traduit effectivement un comportement permettant le recours utilitaire un
instrument dont lefficacit se relie la comprhension et au choix dun itinraire
dtermin 15
. Mme MUIR WATT observe que le premier apport dun raisonnement
inspir de Law and Economics consiste identifier lexistence, dans les situations
12 V. Documents officiels de lAssemble gnrale, vingt session, Sixime Commission, 896
me sance, 1965, par.
13 ; cit galement dans le Rapport SCHMITTHOFF : Rapport du Secrtaire gnral, Dveloppement progressif
du droit commercial international, in Documents officiels de lassemble gnrale, vingt-et-unime session,
Annexes, point 88 de lordre du jour, Document A/6396, par. 216, note de bas de page n 89.
13 CARREAU Dominique et JUILLARD Patrick, Droit international conomique, Paris, Dalloz, 2013, 5
me d.,
par. 340 : les auteurs dcrivent cette doctrine plus particulirement dans le cadre du cycle de lUruguay (1986-
1993).
14 BOUTROS-GHALI Boutros, Discours douverture , in Le droit commercial uniforme au XXIe sicle, Actes
du Congrs de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international, New York, 18-22 mai
1992, New York, Publication des Nations Unies, 1995, Numro de vente F.94.V.14, p. 2.
15 TERR Franois, Introduction gnrale au droit, Paris, Dalloz, Coll. Prcis droit priv, 2012, 9
me d., par. 43.
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internationales, dun risque conomique li la diversit des lois 16
. Si, en revanche, la
doctrine amricaine susmentionne conduit par un raisonnement analogique un rejet de la
primaut du droit international sur le droit interne ainsi que de tout rglement des diffrends
ayant un caractre contraignant, conomie et droit interagissent entre eux dune manire
significative.
4. Mais le droit est lui-mme galement en mouvement. Llaboration dun cadre
juridique propre au commerce international fut lobjet de nombreuses proccupations au cours
des sicles. Dans une quasi-dualit, droit interne et droit international se font face, temprs
par le droit international priv propre chaque Etat. Le premier dcoule des pouvoirs
rgaliens des Etats et semble constituer la source premire du droit rgissant les activits
conomiques tandis que le second tente de porter un compromis au prix de sacrifices des
Etats. Face linsuffisance de ces droits rguler de manire satisfaisante les relations
commerciales aussi bien des Etats que des particuliers, un droit intermdiaire sest
progressivement mis en place17
. On a ainsi pu parler de droit transnational ou de droit
anational, illustrant ainsi lexistence dun ensemble de rgles ntant ni stricto sensu du droit
national ni du droit international mais inspir de ceux-ci : la loi des marchands, la Lex
mercatoria.
5. Si lon fait traditionnellement rfrence larticle de Berthold GOLDMAN paru en
1964 aux Archives de philosophie du droit voquant la renaissance de la Lex mercatoria18
,
celle-ci est voque en ralit bien avant par le mme auteur dans un article paru au journal
Le Monde en 1956. A cette occasion, lauteur apporte un clairage nouveau sur une situation
juridique particulire dans le contexte de la nationalisation de la Compagnie universelle du
canal de Suez par lEtat gyptien19
. Les activits de la Compagnie, personne morale de droit
16 MUIR WATT Horatia, Law and Economics : quel apport pour le droit international priv , in Le contrat au
dbut du XXIe sicle Etudes offertes Jacques GHESTIN, Paris, L.G.D.J., 2001, p. 693.
17 MANIRUZZAMAN Abul F.M., The Lex Mercatoria and International Contracts: A Challenge for
International Commercial Arbitration ? , in American University International Law Review, 1999, Vol.14, Issue
3, pp. 657-734.
18 V. GOLDMAN Berthold, Frontires du droit et Lex mercatoria , in Arch. phil. du droit 1964, pp. 177 et
suiv.
19 V. GOLDMAN Berthold, La Compagnie de Suez, socit internationale , in Le Monde, 4 octobre 1956, p.
3 : le 26 juillet 1956, lEtat gyptien nationalise la Compagnie universelle du canal maritime de Suez de manire
arbitraire et unilatrale provoquant lmoi dans la communaut internationale qui y voyait non seulement une
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21
priv malgr sa mission de service public international, sont certes localises en Egypte mais
le capital de celle-ci est dtenu par la France et le Royaume-Uni20
. Lauteur observe en effet
que les critres traditionnels pour dterminer la nationalit dune socit ne peuvent donner
une solution justifiant lacte unilatral de lEgypte, savoir l incorporation inspire du droit
anglo-saxon (la nationalit de la socit dcoule de la loi de lEtat qui rgit sa formation et sa
structure : en lespce, les statuts ont t dposs Paris), le sige social du droit continental
(loi de lEtat o celui-ci se trouve : conseil dadministration et assemble gnrale sont
Paris) et la notion de contrle qui complte la notion de sige social (application de la loi de
lEtat dont les ressortissants dtiennent la majorit du capital social : la moiti du capital
social est dtenue par les Franais)21
. Lensemble de ces lments permettant de qualifier a
contrario la Compagnie comme ne pouvant tre de nationalit gyptienne. Toutefois, lauteur
considre que celle-ci ne peut galement ni tre franaise, ni anglaise, ni mme mixte. La
particularit de la composition de son capital, de ses organes de gestion, de lobjet et de
limpact de ses activits suffisent justifier que lon est en prsence non dune socit
nationale mais plutt d une socit internationale, relevant directement de lordre juridique
international 22
. Autrement dit, en suivant lanalyse de Berthold GOLDMAN, la Compagnie
ne relve pas dun droit priv exclusif mme si la formation et le fonctionnement rpondent
ncessairement un droit en particulier mais bien dun droit transnational gnraliste qui se
violation du droit international par lEgypte mais galement une atteinte la Compagnie en tant que personne
morale. Si la neutralit du canal avait t proclame par la Convention de Constantinople du 29 octobre 1888
notamment par larticle premier qui dispose que le Canal Maritime de Suez sera toujours libre et ouvert, en
temps de guerre comme en temps de paix, tout navire de commerce ou de guerre, sans distinction de pavillon
(violation du droit international public), lauteur sinterroge sous un angle diffrent, celui de la nationalit de la
Compagnie et par consquent de la violation des droits de la Compagnie en tant que personne morale. Suite la
nationalisation, ladministration et la grance du canal de Suez ont t confies la Suez Canal Authority,
tablissement public de droit gyptien dont le sige social est Ismalia (Egypte).
20 Le Royaume Uni a rachet auprs de lEtat gyptien des parts en 1875. Lobjectif tait avant tout politique car
il s'agissait pour le Royaume Uni de retrouver une place de premier rang dans le commerce li la route des
Indes.
21 Les trois critres noncs sont les principaux que lon retrouve en matire de conflit de lois lorsquil sagit de
dterminer la nationalit dune nationalit ; pour une tude approfondie de la notion de nationalit des socits
en droit du commerce international, v. JACQUET Jean-Michel, DELEBECQUE Philippe et CORNELOUP
Sabine, op. cit., par. 256-281.
22 V. GOLDMAN Berthold, La Compagnie de Suez, socit internationale , in Le Monde, 4 octobre 1956, p.
3.
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veut porteur du caractre universel de la socit en question23
. Berthold GOLDMAN dessine
les contours de cette thorie devenant celle dune loi des marchands en voquant lmergence
dune Lex mercatoria contemporaine. Elle englobe un certain nombre de rgles de droit issues
de la pratique dont les critres sont les suivants : elles sont issues de la pratique des affaires,
elles ont un caractre transnational voire anational, elles ont t cres spontanment par les
oprateurs du commerce international, elles forment un ensemble cohrent24
. Elle constitue
par consquent une sorte de rgles de niveau intermdiaire entre la non-existence de rgles et
le droit national. Mais constitue-t-elle une source de droit suffisamment autonome pour
remplacer les droits nationaux.
6. La thorie de la Lex mercatoria nest pas nouvelle en elle-mme. Berthold
GOLDMAN avait prcis en effet que Lex mercatoria is a venerable old lady who has twice
disappeared from the face of the earth and twice been resuscitated 25
( la Lex mercatoria
est une vnrable vieille dame qui a disparu deux fois de la surface de la Terre et qui a
ressuscit deux fois 26
). Pour remonter lorigine, on retrouve les premires rgles
commerciales "internationales" sous lAntiquit, avec notamment lexemple de la loi
rhodienne du jet la mer qui concerne les modalits de la contribution aux pertes selon
lesquelles le capitaine doit sacrifier une partie de la cargaison afin de sauver le navire, cette
rgle tant lorigine de la rglementation sur les avaries communes27
. Un cadre juridique
aux contrats et aux oprations financires apparait lpoque romaine mme si lon ne parle
pas encore de droit commercial au sens strict du terme28
. Mais les auteurs saccordent pour
23 V. ibid., p. 3 : lauteur prend galement lexemple de la Banque des rglements internationaux et la Croix-
Rouge internationale.
24 GOLDMAN Berthold, Frontires du droit et Lex mercatoria , op.cit., page 177 ; v. aussi : La Lex
mercatoria dans les contrats et larbitrage internationaux : Ralit et perspectives , J.D.I., 1979, p. 475.
25 GOLDMAN Berthold, Lex mercatoria , in Forum Internationale on Commercial Law and Arbitration,
November 1983, n 3, p. 3.
26 Traduction non officielle.
27 V. MESTRE Jacques, PANCRAZI Marie-Eve, ARNAUD-GROSSI Isabelle, MERLAND Laure et
TAGLIARINO-VIGNAL Nancy, Droit commercial Droit interne et aspects de droit international, Paris,
L.G.D.J., 2012, 29me
d., par. 5 ; v. aussi un article, certes ancien mais dont lintrt scientifique reste intact, sur
la question : DARESTE Rodolphe, La Lex Rhodia , in Nouvelle Revue Historique de droit franais et
tranger, 1905, pp. 429-448.
28 Le cautionnement par exemple : v. MESTRE Jacques, PANCRAZI Marie-Eve, ARNAUD-GROSSI Isabelle,
MERLAND Laure et TAGLIARINO-VIGNAL Nancy, op.cit., par. 5.
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dire que cest sous le Moyen ge que se dveloppe un vritable droit destin aux
professionnels et oprations du commerce qui sera dj lbauche dune Lex mercatoria
dimension internationale29
. Cest en effet lmergence et lavnement de grands lieux de
commerce en Europe30
qui entraine un vaste mouvement dlaboration de rgles juridiques en
matire de droit des contrats31
. Lbauche dun systme de comptabilit et de socit32
fait
ainsi son apparition toute comme des juridictions spcialises en matire commerciale et qui
auront pour mission de trancher les litiges entre commerants33
. Cependant, ce mouvement
ralentit compter du XVIIme sicle dans la mesure o le systme de corporations va
concentrer le commerce estompant le caractre international du commerce34
. Cest dans les
annes 1950/1960 que les thoriciens du droit vont constater un mouvement de rsurgence de
ce troisime droit . Car il sagit bien de renaissance et non de cration comme on vient de
ltudier du point de vue historique. Lexistence dune Lex mercatoria au sens contemporain
du terme a fait et continue parfois de faire lobjet de nombreux de dbats doctrinaux non
seulement sur son existence mais aussi, quand celle-ci est reconnue, sur son contenu. Il est fait
rfrence cette Loi dite des marchands entendue au sens contemporain du terme dont la
similitude avec celle dveloppe au cours du Moyen Age nest pas indissociable35
. Les
29 RACINE Jean-Baptiste et SIIRIAINEN Fabrice, Droit du commerce international, Paris, Dalloz, Coll. Cours,
2011, 2me
d., par. 91-102 ; v. aussi MANIRUZZAMAN Abul F.M., The Lex Mercatoria and International
Contracts: A Challenge for International Commercial Arbitration ? , op. cit., pp. 657-734 ; v. galement dans la
littrature juridique anglo-saxonne : BAKER John H., The Law Merchant and the Common Law Before
1700 , in The Cambridge Law Journal, 1979, Vol. 38, n 2, pp. 295-322 ; TRAKMAN Leon E., The
Evolution of the Law Merchant: Our Commercial Heritage , in Journal of Maritime Law and Commerce, 1980,
Vol. 12, n 1, pp. 153 et suiv.
30 V. MESTRE Jacques, PANCRAZI Marie-Eve, ARNAUD-GROSSI Isabelle, MERLAND Laure et
TAGLIARINO-VIGNAL Nancy, op.cit., par.. 6 : les auteurs recensent les grandes villes de commerce qui se
trouvent principalement en Italie du Nord (Gnes, Milan, Pise, Florence, Venise), en Flandres (Bruges, Gand,
Anvers, Amsterdam, Bruxelles), en Allemagne (Leipzig, Francfort, Brme, Lbeck) et en Champagne (Troyes,
Provins).
31 V. ibid. : sont notamment mis en place un systme de lettre de change permettant ainsi dviter les transactions
financires dans des lieux peu scuriss et un systme de faillite afin de sanctionner le dbiteur peu scrupuleux.
32 V. ibid. : selon les auteurs, ce systme va permettre dchapper la prohibition canonique du prt intrt :
au lieu de prter, le capitaliste constitue une socit avec un commerant qui a besoin dargent et, se trouvant
associ tant aux bnfices quaux pertes, obtient une rmunration moins critiquable de son apport .
33 V. ibid. : titre dexemple, on peut mentionner les Consules Mercatorum Florence et les juridictions
consulaires en France (Lyon en 1419, Toulouse en 1549, Paris en 1563).
34 V. ibid., par. 7.
35 CORNU Grard (dir.), Vocabulaire juridique, Paris, P.U.F, Coll. Quadrige, 2007, 8
me d. revue et augmente,
v Lex mercatoria, pp. 545-546 : une rfrence la Lex mercatoria telle que dveloppe au Moyen ge est
faite ; v. aussi Jean-Baptiste RACINE et Fabrice SIIRIAINEN, op. cit., par. 91-102.
-
24
auteurs ont mis en avant la spontanit de ce droit36
utilis de plus en plus par les oprateurs
conomiques comme base juridique de leurs relations commerciales internationales dfaut
dobtenir des solutions satisfaisantes de leurs droits nationaux. Ce mouvement est sans aucun
doute n de la volont des oprateurs conomiques davoir leur disposition un cadre
juridique favorisant les changes de manire concrte. Toutefois, la thorie de la Lex
mercatoria ne remporte pas ladhsion de lensemble de la doctrine, et ce pour deux raisons
principales. Tout dabord, les rgles regroupes sous celle-ci sont pas ncessairement
cohrentes, tout au plus constituent-elles un enchevtrement de rgles37
. Il ny aura pas de
liens logiques entre celles-ci. En matire darbitrage commercial international, Lord
MUSTILL tablit une liste comprenant vingt principes que lon pourrait regrouper sous la Lex
mercatoria mais pour lesquels il conclue this list, incomplete as it may be, seems rather a
modest haul for 25 years of international arbitration 38
( la prsente liste, aussi incomplte
soit-elle, semble tre un rsultat plutt modeste pour 25 ans darbitrage international 39
).
On citera dans les vingt principes noncs notamment la rfrence faite Pacta sunt servanda
(Rgle 1), au concept dabus de droit (rgle 3), la bonne foi (rgle 5), la force majeure
( God clause/Act of God ) et la clause de rvision dite de hardship (rgle 10). Ensuite,
les oprateurs du commerce international ne sont pas assez identifiables en tant que catgorie
distincte40
. Lide ainsi dfendue serait celle selon laquelle un droit national garde sa primaut
sur toute autre source de droit et que par consquent la Lex mercatoria ne peut en rien la
supplanter. Malgr les rticences ainsi voques, il nous semble que le dbat, lheure
actuelle, ne porte plus tant sur la notion mme mais sur le contenu. De plus, la Lex mercatoria
se retrouve dans la doctrine, sans doute par un effet de mode juridico-terminologique ,
36 DEUMIER Pascale, Le droit spontan, Paris, Economica, 2002, 477 pp.
37 LAGARDE Paul, Approche critique de la Lex mercatoria , in Le droit des relations conomiques
internationales, Mlanges offerts Berthold GOLDMAN, 1982, p. 125 ; v. aussi lanalyse faite par un auteur issu
de la Common law : MUSTILL Michael, The New Lex Mercatoria: The First Twenty-five Years , in Liber
Amicorum for Lord WILBERFORCE, Oxford, University Press, 1987, pp. 149-183.
38 MUSTILL Michael, ibid.
39 Traduction non officielle.
40 LAGARDE Paul, Approche critique de la Lex mercatoria , op. cit., p. 125 ; v. aussi MAYER Pierre et
HEUZ Vincent, Droit international priv, Paris, Montchrestien, Coll. Domat droit priv, 2010, 10me
d., par.
24.
-
25
confronte lexistence dune Lex maritima41
ainsi qu lmergence dune Lex electronica42
et dune Lex economica43
.
7. Face linternationalisation fulgurante de lconomie mondiale et limpulsion
donne par la communaut internationale des marchands, les Etats ont pris conscience de la
ncessit et de lurgence dlaborer un ensemble cohrent dinstruments et de normes qui
constituerait un cadre juridique efficace pour les activits du commerce international. Il sagit
alors de moderniser les nombreuses rglementations nationales et rgionales qui rgissaient
jusqualors les changes internationaux au travers dun organe suffisamment reprsentatif et
de nature permanente capable de relever ce dfi. LONU, organisation internationale
universelle, est le choix idal44
. Lvocation de la cration dun organe juridique charg
dharmoniser et duniformiser le droit commercial international au sein de lONU se
concrtise en 1964. Le rapport SCHMITTHOFF note qu il nexiste lONU aucun organe
qui soit techniquement comptent dans ce domaine ou qui puisse consacrer suffisamment de
temps une tche aussi complexe et daussi longue haleine 45
. La Hongrie propose dinscrire
lordre du jour de lAssemble gnrale de lONU la question du dveloppement progressif
du droit international priv afin de favoriser le commerce international46
. Il est ds lors
41 V. DELEBECQUE Philippe, Droit du commerce international et droit maritime , in Mlanges en lhonneur
du Professeur Jean-Michel JACQUET, Le droit des rapports conomiques internationaux conomiques et
privs, Paris, LexixNexis, 2013, pp. 171-180, plus spc. pp. 171-172.
42 V. par ex. JACQUET Jean-Michel, DELEBECQUE Philippe et CORNELOUP Sabine, op. cit., par. 488.
43 ABDELGAWAD Walid, Arbitrage et droit de la concurrence, Contribution ltude des rapports entre ordre
spontan et ordre organis, Paris, L.G.D.J., Coll. Bibliothque de droit priv, 2001, Tome 346, par. 940-974.
44 V. QUOC DINH Nguyen, DAILLIER Patrick, FORTEAU Mathias et PELLET Alain, Droit international
public, Paris, L.G.D.J., coll. Traits, 2009, 8me
d., par. 374 : les auteurs indiquent que les premiers
rapprochements institutionnels entre des socits politiques et civils remontent au cours des VIme et Vme
sicle avant JC avec les Ligues, souvent vocation militaire, et les Amphictionies, vocation religieuse, de la
Grce antique. Il sagissait pour lun et pour lautre de se regrouper afin de dfendre des objectifs communs. Les
auteurs voquent notamment, titre dexemple, la Ligue de Dlos (490 avant JC) et la Ligue de Corinthe (337
avant JC). La premire, institue la suite des guerres Mdiques, avait pour vocation regrouper plusieurs cits
grecques avec pour objectif de crer une arme en commun afin de contrer dventuelles attaques de la Perse. La
seconde tait une alliance qui tait au dpart un trait de paix qui donna la Macdoine une emprise qui se
durcira plus tard sur la Grce. On notera cependant quelle prvoyait un certain nombre dinterdiction concernant
toute utilisation de la force ou de conflits ainsi que des garanties notamment sur la libert de navigation.
LAmphictyonie est, quant elle une ligue, dans laquelle des reprsentants des cits taient envoys afin
dadministrer les sanctuaires.
45 Rapport SCHMITTHOFF, Dveloppement progressif du droit commercial international, Rapport du Secrtaire
gnral, in Documents officiels de lassemble gnrale, vingt-et-unime session, Annexes, point 88 de lordre du
jour, document A/6396, par. 225.
46 A/5728, Mmorandum du 9 dcembre 1964.
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26
suggr dinverser la tendance en proposant non plus des traits internationaux contenant des
rgles de conflit de lois, mais plutt dunifier le droit international priv lui-mme et plus
spcialement dans le domaine du droit commercial international47
. Lannonce de cette
cration est nanmoins accueillie avec un certain tonnement. En effet, comme le note M.
LEMONTEY : il est peu de dire que la proposition de la Hongrie lAssemble gnrale
des Nations Unies dexaminer les mesures prendre en vue du dveloppement progressif du
droit international priv, particulirement en favorisant le commerce international , et la
rsolution 2102 du 20 dcembre 1965 qui sen est suivie, ont jet stupeur et consternation
dans les organisations vocation universelle (la Confrence de La Haye et lUNIDROIT) ou
rgionale (le Conseil de lEurope et la C.E.E), dj charges de cette mission 48
. Certes, le
positionnement de cet organe juridique dans un environnement dj encombr conditionnera
son efficacit mais limpulsion ainsi donne reflte la volont des Etats de surmonter les
obstacles du commerce mondial.
8. La Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI)
est officiellement cre par la Rsolution 2205 (XXI) du 17 dcembre 1966 de lAssemble
gnrale des Nations Unies49
. Lacronyme, voire mme l trange borborygme 50
,
CNUDCI na cess de susciter de la curiosit51
, parfois de la mfiance ou au contraire de
lintrt salvateur depuis cette date. Elle reoit pour mission principale dharmoniser,
duniformiser et de coordonner le droit commercial international. Mais cette cration sinscrit
dans un contexte particulier quil convient de rappeler. En effet, aprs lchec des deux
conventions internationales adoptes par lInstitut international pour lunification du droit
priv (UNIDROIT) la Convention portant loi uniforme sur la vente internationale des objets
47 YANKOV Alexander, La contribution de la Commission des Nations-Unies pour le droit commercial
international l'harmonisation et l'unification du droit commercial international (particulirement dans les
rapports Est-Ouest) , in Rev. int. de dr. comp., 1985, Vol. 7, p. 382 : lauteur mentionne comme exemples de
domaines uniformiser lunification du droit de la vente internationale de marchandises ou le droit des contrats.
48 LEMONTEY Jacques, Les dbuts de la CNUDCI et lexprience franaise , in La Commission des Nations
Unies pour le droit commercial international : propos de 35 ans dactivit, Petites Affiches, 18 dcembre
2003, n 252, pp. 19-20.
49 CNUDCI, Annuaire, Vol. I, 1968-1970, p. 92.
50 LE TOURNEAU Philippe, Rapport de synthse , in La Commission des Nations Unies pour le droit
commercial international : propos de 35 ans dactivit, Petites Affiches, 18 dcembre 2003, n 252, p. 88.
51 A titre dexemple, le moteur de recherches http://www.google.fr recense 72 400 rsultats en 2010 et 116 000
en 2013 pour le mot CNUDCI ; de mme 361000 en 2010 et 845 000 en 2013 pour lacronyme anglais
UNCITRAL .
http://www.google.fr/
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27
mobiliers corporels (La Haye 1964) et la Convention portant loi uniforme sur la formation
des contrats de vente internationale des objets mobiliers corporels (La Haye 1964)52
, la
mfiance des pays en dveloppement est telle quune mention expresse de leur participation
pleine et active est incluse dans le mandat de la CNUDCI qui prvoit une pleine
participation des pays en dveloppement . Les leons ont t tires : il sagit plus dune
approche limite lconomie et au droit mais galement tendue au politique. La CNUDCI
se doit dintgrer ceux-ci dans un contexte historique de sortie de guerre et dmergence de
nouveaux Etats. La relation nest plus seulement Est-Ouest mais aussi Nord-Sud. Elle est
devenue, par son mode de fonctionnement et son rle de productrice dinstruments
juridiques, rapidement un organe majeur lorigine de textes de premier plan en droit du
commerce international. Le dfi tait double : laborer des textes dans un environnement
largement occup par dautres organisations ayant reu la mme tche et confier
lharmonisation ainsi que lharmonisation et luniformisation dune branche de droit priv
lOrganisation des Nations Unies qui, par nature, aurait plutt vocation proposer des
instruments dans le domaine du droit public. Les Etats se sont aligns partiellement ou
intgralement au cadre juridique propos par la CNUDCI sur des questions diverses et
souvent complexes du droit commercial international. En 1985, M. YANKOV avait jug que
seulement vingt annes dexistence de la CNUDCI ne pouvaient donner un recul suffisant
pour analyser son impact sur les oprations conomiques et plus largement sur le droit du
commerce international en lui-mme53
. Nanmoins, Berthold GOLDMAN avait dj soulign
cette mme poque quau cours des dix premires annes dexistence de la CNUDCI la
moisson en est dj de grande ampleur, tonnante si lon considre le temps bien plus long
que dautres organisations, gouvernementales ou non, mettent pour laborer des textes
duniformisation ou de coordination des droits internationaux 54
. Les auteurs affirment le
52 V. pour le texte intgral des deux conventions de La Haye (1964) : www.unidroit.org
53 V. YANKOV Alexander, La contribution de la Commission des Nations-Unies pour le droit commercial
international l'harmonisation et l'unification du droit commercial international (particulirement dans les
rapports Est-Ouest) , op. cit., pp.379-394.
54 GOLDMAN Berthold, Les travaux de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial
international , in J.D.I. (Clunet), 1979, p. 747 ; citation emprunte YANKOV Alexander, La contribution de
la Commission des Nations-Unies pour le droit commercial international l'harmonisation et l'unification du
droit commercial international (particulirement dans les rapports Est-Ouest) , op. cit., p. 380.
http://www.unidroit.org/
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28
rle majeur que joue la CNUDCI dans cette uvre dharmonisation et duniformisation du
droit commercial international55
.
9. La lgitimit de la CNUDCI provient du fait que les normes sont ngocies par des
experts et des reprsentants des Etats sous les auspices de lOrganisation des Nations Unies
mais aussi du fait que les instruments sont reconnus comme efficaces par les oprateurs du
commerce international56
. Les sujets dtude sont nombreux par une vision large du domaine
du droit du commerce international de larbitrage linsolvabilit en passant par le
commerce lectronique, le droit des srets, la proprit intellectuelle, linsolvabilit, la
passation de marchs publics et le droit des transports , mais sont aussi novateurs, voire en
avance sur leur temps. En effet, alors que les lgislateurs nationaux peinent entamer des
dbats sur le rgime juridique de certains domaines, la CNUDCI se montre parfois en avance
sur ces derniers. Cest le cas par exemple du commerce lectronique qui fait lobjet ds 1985
dun instrument juridique. Mais la tche accomplir est encore longue car certains Etats ont
du mal reconnatre lexistence dune loi uniforme et se montre encore hsitante la
considrer comme une loi potentiellement applicable la relation des parties, quand mme
ceux-ci y ont fait rfrence57
. Pourtant, les obstacles juridiques entravant le commerce
international demeurent. Afin de lever ces dernires, la CNUDCI recourt aux techniques de
lharmonisation qui se dfinit comme une [] opration consistant unifier des ensembles
lgislatifs diffrents par laboration dun droit nouveau empruntant aux uns et aux autres.
Dsigne parfois un simple rapprochement entre deux ou plusieurs systmes juridiques 58
et
de luniformisation qui consiste en une modification de la lgislation de deux ou plusieurs
pays tendant instaurer dans une matire juridique donne une rglementation identique 59
.
Cette dernire se rapproche de la notion dunification qui, tant dfinie comme
l uniformisation du Droit applicable une matire juridique donne dans un ou plusieurs
55 V. par ex. : STEWARD David P., Private International Law, the Rule of Law, and Economic Development
, in Villanova law review, 2011, pp. 607-630.
56 KELLY Claire, The Politics of International Economic Law: Legitimacy and the UNCITRAL Working
Methods , in Brooklyn Law School Legal Studies Research Paper Series, 2009, n 140, 33 pp.
57 Cest le cas par exemple des tribunaux grecs : v. BREKOULAKIS Stavros, The Impact of Uniform Law on
Greek National Law: Limits and Possibilities , in Revue hellnique de droit international = Hellenic Review of
international law, 2011, n 64, Athnes, pp. 797- 831.
58 CORNU Grard (dir.), op. cit., v Harmonisation, p. 455.
59 CORNU Grard (dir.), op. cit., v Uniformisation, p. 942.
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pays, mode dintgration plus pouss que lharmonisation, la coordination ou le
rapprochement des lgislations 60
, se veut dune intensit juridique plus extrme. Les deux
premires techniques voques sont ainsi celles retenues par la CNUDCI et constituent
lessence mme de ses travaux et des instruments qui en dcouleront, mettant ainsi la
disposition de la communaut internationale des marchands les outils juridiques contribuant
rpondre leurs attentes et scuriser leurs oprations. A cela sajoute une fonction de
coordination qui est lensemble de dmarches qui, tenant compte de la diversit des
systmes juridiques sur le plan interne comme international et des difficults qui en rsultent
dans les relations prives, tendent en attnuer les effets [] 61
. Lensemble de ces
fonctions forme un cadre cohrent dans lequel la CNUDCI tablit sa fonction normative.
10. Aujourdhui, aprs plus de quarante-cinq ans dexistence et un total de quarante-six
instruments juridiques62
, le moment est venu de porter un regard analytique sur les travaux et
les instruments de la CNUDCI ainsi que sur son impact dans le droit commercial
international. Car il est vrai que le dbat reste ouvert entre les convaincus et les sceptiques
quil sagisse de la CNUDCI ou plus gnralement de toute autre organisation mondiale ou
rgionale63
. Le cadre dans lequel elle se trouve est particulirement original. En effet, il sagit
de mettre en place un mcanisme dharmonisation, duniformisation et de coordination du
droit commercial international dans un mouvement capable de constituer une vritable force
juridique. Les notions de force et de norme sont partages entre un caractre indissociable et
celui antinomique dans ce contexte particulier. En effet, voquer la force ou la puissance,
60 CORNU Grard (dir.), op. cit., v Unification, p. 942.
61 CORNU Grard (dir.), op. cit., v Coordination (2- int. Priv.), p. 242.
62 Au 15 dcembre 2013.
63 V. par ex. pour une organisation rgionale telle que lOHADA : pour une vision optimiste de lorganisation et
de ses travaux, v. TO Jean Yado, La problmatique actuelle de lharmonisation du droit des affaires par
lOHADA , in Rev. dr. unif. 2008, pp. 23-37 : si lauteur constate un ralentissement dans llaboration de textes
OHADA, celui-ci le considre davantage comme une accalmie dans un domaine o lOHADA a fait preuve
defficacit en laborant un certain nombre dactes uniforme. Contra, v. BOUREL Pierre, A propos
de lOHADA : libres opinions sur lharmonisation du droit des affaires en Afrique , in Recueil Dalloz, 2007, n
14, pp. 969-972 : lauteur se montre plutt pessimiste quant la relle efficacit des Actes duniformisation
labors dans le cadre de lOHADA. Si ceux-ci ont t pris dans un mouvement dindpendance par rapport au
droit hrit du temps de la colonisation et dans lobjectif dliminer les divergences lgislatives entre les Etats
membres de lOHADA, le systme rvle une forte influence notamment du droit franais limitant ainsi
lmergence dun vritable droit OHADA affranchi de tout mimtisme juridique. A titre dexemple, lActe
uniforme relatif au droit commercial gnral (1997) et lActe uniforme relatif aux socits commerciales (1997)
reprennent les dispositions du droit franais dans ces domaines.
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30
cest se rfrer des concepts qui incluent une forme de contrainte sur les destinataires de la
rgle : le caractre obligatoire des droits et obligations, les sanctions en cas dinexcution et la
contrainte. Base de tout droit quel quil soit. On peut galement se demander si lon doit
parler de force, voire de puissance normative, lorsque lvoque la CNUDCI. Comme le
souligne M. LADI : dans un monde globalis, chacun a intrt ce que les normes
reconnues lchelle mondiale soient les plus proches de ses intrts ou de sa vision puisquil
devient difficile de se protger par les moyens classiques. Do limportance dcisive des
normes dans la rgulation des affaires du monde64
. La force des normes se conceptualise65
.
Cette force est telle que Ren David avait propos un mcanisme donnant aux conventions de
la CNUDCI une application obligatoire, sauf refus exprs des Etats66
. Mais, linverse, ce
mouvement, certes idaliste, se heurte aux dbats que lon retrouve aussi entre les
mercatoristes et les anti-mercatoristes , comme les dsigne M. GAILLARD, dans le
cadre de la Lex mercatoria67
. Plus gnralement, M. VOGEL se demandait si lunification
du droit, ternel rve des comparatistes, est [] vraiment ncessaire 68
. De toute vidence,
le droit issu des systmes juridiques, des Etats, de la Lex mercatoria et celui de la CNUDCI
sentremlent dans un vaste mouvement de domestication des oprations commerciales
mondiales.
11. Ce droit concourt sriger en source du droit commercial international. Une
distinction est faite entre source du droit et source de droits (ou dobligations). La premire
est une dfinition que lon peut qualifier dobjective et fait rfrence aux forces do surgit
le Droit 69
. Cette dfinition tablit les lments factuels extrieurs quel que soit leur nature
(conomique, sociale, politique et mme morale) comme provoquant la cration de rgles
64 LADI Zaki, La norme sans la force. Lnigme de la puissance europenne, Paris, Presses de la Fondation
Nationale des Sciences Politiques, 2008, 2me
dition, 158 pp.
65 V. ltude collective sur ce sujet : THIBIERGE Catherine (et alii), La force normative. Naissance dun
concept, Paris, L.G.D.J., 2009, 912 pp.
66 V. DAVID Ren, Les avatars dun comparatiste, Paris, Economica, 1982, pp. 152-153 ; pour une analyse plus
approfondie ; v. aussi dans la prsente thse : 1re
Partie, Titre 2, Chapitre 2.
67 GAILLARD Emmanuel, Emmanuel, Trente ans de Lex Mercatoria, Pour une application slective de la
mthode des principes gnraux du droit , J.D.I. 1995, n 1, par. 35.
68 VOGEL Louis, Droit global , in Unifier le droit, le rve impossible ?, Paris, Ed. Panthon-Assas, 2001, p.
8.
69 CORNU Grard (dir.), op.cit., v Source, p. 878.
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31
juridiques. Celles-ci peuvent tre entendues au sens large comme la loi, la coutume, voire
mme si cela peut tre contest selon les systmes juridiques la coutume et la juridique. La
seconde dfinition est subjective puisquil sagit de tout lment gnrateur de droit
subjectif ou dengagement (notion de responsabilit), vertu cratrice propre des actes et des
faits juridiques ou de lautorit seule de la loi 70
. La dtermination des rgles de droit peut
se percevoir au travers de larticle 38 du Statut de la Cour Internationale de Justice. Il
conviendra ds lors de sinterroger sur la capacit de la CNUDCI devenir source du droit et
source de droits du commerce international. En effet, il ne sagit pas seulement dlaborer des
instruments et des normes de droit commercial international mais galement de les doter de
force normative.
12. La CNUDCI sengage ds lors activement dans ce vaste mouvement dharmonisation,
duniformisation et de coordination du droit commercial international. En institutionnalisant
sa fonction normative dans le cadre de lONU, elle entreprend llaboration dinstruments et
de normes destins rationaliser le droit commercial international afin de rpondre aux
besoins et aux intrts de la communaut internationale des marchands. Ce processus est la
fois original et complexe. Il sagit en effet de prendre en compte non seulement les attentes
concrtes de cette dernire mais aussi dintgrer lensemble des acteurs du commerce
international. Lobjectif est ainsi simple : proposer un droit commercial harmonis et
uniformis. Nous en arrivons la question suivante : la CNUDCI contribue-t-elle
lharmonisation et luniformisation du droit commercial international ? Il sagit ds
lors dtudier comment la CNUDCI constitue une force rvlatrice du droit commercial
international (1re
partie) puis danalyser comment la CNUDCI est galement devenue une
force rnovatrice du droit commercial international (2me
partie).
1re
partie : La CNUDCI, force rvlatrice du droit commercial international.
2me
partie : La CNUDCI, force rnovatrice du droit commercial international.
70 Ibid.
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32
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33
1re
partie : La CNUDCI, force rvlatrice
du droit commercial international
13. Dans un vaste lan de modification des rapports conomiques et juridiques, la
communaut internationale des marchands met en avant la ncessit de mettre en place un
cadre juridique qui soit non pas un obstacle pour eux mais qui, au contraire, favorise et
scurise les relations transnationales. Le cloisonnement national a explos laissant place la
globalisation des oprations conomiques. Si la thorie de la Lex mercatoria illustre
lmergence dun droit spontan ou tout du moins dun ensemble de rgles , la CNUDCI
est cre et investie en 1966 dune fonction normative dans ce mme mouvement de
rationalisation des rapports juridiques au travers de lharmonisation, de luniformisation et de
la coordination du droit commercial international. Le dfi est loin dtre ngligeable : en
institutionnalisant un organe charg dadopter des instruments juridiques destins
rglementer les transactions commerciales tout en prenant en compte les besoins ainsi que les
intrts des participants celles-ci, la CNUDCI srige en force rvlatrice du droit
commercial international dans son essence mme. Afin de dmontrer cette constatation, il
convient tout dabord dtudier comment la fonction normative de la CNUDCI est
institutionnalise (Titre 1) puis den dgager les principales caractristiques (Titre 2).
Titre 1 : Linstitutionnalisation de la fonction normative de la CNUDCI
Titre 2 : Les caractristiques de la fonction normative de la CNUDCI
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34
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Titre 1 : Linstitutionnalisation de la
fonction normative de la CNUDCI
La loi est lexpression de la volont gnrale
Extrait de la Dclaration des droits de lHomme et du citoyen (1789)71
14. Llaboration du droit international est le rsultat dun processus se caractrisant par
deux lments fondamentaux : luniversalit et le consensus. Si ce constat semble vident, il
demeure en ralit plus complexe. En effet, en assurant une vritable reprsentativit des
participants ce processus qui soit conforme aux aspirations de la communaut internationale,
les instruments juridiques et les normes ainsi labors ne trouveront leur vritable force
normative quau travers de leur adoption par un rel consensus. Aussi, linstitutionnalisation
de la CNUDCI est-elle confronte ces lments qui, ports leur paroxysme, contribuent
lgitimer le processus normatif dans lequel elle se veut tre le moteur. Il sagit ds lors
danalyser comment la qute de luniversalit (Chapitre 1) ainsi que celle du consensus
(Chapitre 2) permettent linstitutionnalisation effective de la CNUDCI.
Chapitre 1 : La qute de luniversalit
Chapitre 2 : La qute du consensus
71 Article 6, Dclaration des droits de lHomme et du citoyen (1789) ; le texte intgral est disponible en ligne
ladresse suivante : http://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Constitution/Declaration-des-Droits-de-l-
Homme-et-du-Citoyen-de-1789.
http://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Constitution/Declaration-des-Droits-de-l-Homme-et-du-Citoyen-de-1789http://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Constitution/Declaration-des-Droits-de-l-Homme-et-du-Citoyen-de-1789
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Chapitre 1 : La qute de luniversalit
15. Demble se pose la question de la signification et des implications du mot
universalit lorsquil sagit dharmoniser, duniformiser et de coordonner le droit
commercial international. Thoriquement, la Lex mercatoria sen veut le reflet : elle est
lexpression de la volont gnrale de la socit internationale des marchands telle que la
dcrite Berthold GOLDMAN72
. Concrtement, la CNUDCI sen veut lillustration : elle est
linstrument de la volont gnrale de lensemble des participants au processus dlaboration
de ses instruments et de ses normes. Luniversalit constitue ainsi un pralable indispensable
pour tout organe lgislatif, quel quil soit, dont lobjectif est de mettre en place des normes
qui seront soumises ladhsion de ceux pour qui elles sont labores. Luniversalit dcoule
donc de la volont gnrale exprime lors de ce processus. Consacre plusieurs reprises par
des textes juridiques majeurs comme la Dclaration des droits de lHomme et du Citoyen puis
plus tard par lONU elle-mme par la Dclaration universelle des droits de lhomme73
,
luniversalit lgitime non seulement les textes juridiques au moment de leur adoption mais
contribue leur acceptation en tant que rgle de droit tablie par et pour tous les individus.
72 GOLDMAN Berthold, Frontires du droit et Lex mercatoria , op. cit., pp. 177 et suiv.
73 Adopte par la rsolution 217 A (III) de lAssemble gnrale (ONU) Genve le 10 dcembre 1948. Le texte
intgral est disponible ladresse suivante : http://www.un.org/fr/documents/udhr. Sajoutent galement le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits conomiques, sociaux
et culturels entrs en vigueur en 1976 ; ainsi que le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif
aux droits civils et politiques (1966) et le Deuxime protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, visant abolir la peine de mort (1989). Ces textes ont largement inspir
lONU qui a labor de nombreux textes regroups sous la dnomination instruments internationaux des droits
de lHomme et instruments universels des droits de lHomme : pour la liste complte de ces textes, v. le
site internet suivant : http://www2.ohchr.org/french/law/.
http://www.un.org/fr/documents/udhrhttp://www2.ohchr.org/french/law/
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Cela reprend dailleurs lide que Jean-Jacques ROUSSEAU avait exprime : tant que
plusieurs hommes runis se considrent comme un seul corps, ils nont quune seule volont
qui se rapporte la commune conservation et au bien-tre gnral. Alors tous les ressorts de
ltat sont vigoureux et simples, ses maximes sont claires et lumineuses il na point dintrts
embrouills, contradictoires, le bien commun se montre partout avec vidence, et ne demande
que du bon sens pour tre aperu 74
. On peut toutefois sinterroger, certes navement, dune
telle rcurrence de cette notion qui devrait pourtant simposer naturellement dans toute
relation juridique et encore plus spcialement dans tout processus normatif que celui-ci soit
national ou international. Mais la tche semble rude car il dcoule de la volont gnrale de
ses auteurs issus, dans le cadre international, de systmes juridiques diffrents. Encore faut-il
que ces auteurs en question soient suffisamment reprsentatifs pour reprsenter cette volont
gnrale. Le terme universel se dfinit dune manire large comme reprsentant le fait
dtre admis dans tous les pays ; mondialement reconnu ou ayant vocation ltre 75
. On
peut ds lors se demander comment, en institutionnalisant la CNUDCI, cette dernire restitue
cette notion au travers du droit commercial international.
16. Pour remplir pleinement ses fonctions, la CNUDCI doit tre en effet intrinsquement
suffisamment reprsentative et universelle pour tre lgitimement en mesure de proposer des
instruments et des normes de droit commercial international, donnant de la mme manire
que la thorie de la Lex mercatoria la dmonstration quil existe des destinataires
spcifiques pour intervenir en droit commercial international, ceux de la communaut
internationale des marchands. La CNUDCI se structure de faon reprsenter de manire
universelle cette communaut. Par consquent, le choix de la CNUDCI comme organe
de lOrganisation des Nations Unies nest pas anodin. Le rapport SCHMITTHOFF avait en
effet not en 1965 qu tant une organisation mondiale et ayant une autorit mondiale,
lONU offrirait un cadre idal pour la runion de confrences internationales charges
dadopter des conventions 76
. La communaut des marchands tant internationale, la
74 V. ROUSSEAU Jean-Jacques, Du contrat social, Livre IV, Chapitre 4.1, Que la volont gnrale est
indestructible, 1re
dition en 1762.
75 CORNU Grard (dir.), op. cit., v Universel-elle, p. 945 : il nest retenu ici que la dfinition gnrale ; sont
donc cartes les dfinitions du mot universel telles quutilises dans une approche civiliste notamment
(comme par exemple, le titre universel, le legs universel, la communaut universelle, etc.).
76 V. le Rapport SCHMITTHOFF : Rapport du Secrtaire gnral, Dveloppement progressif du droit
commercial international, in Documents officiels de lassemble gnrale, vingt-et-unime session, Annexes,
point 88 de lordre du jour, document A/6396, par. 217-218.
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CNUDCI, au travers de lONU, reoit donc implicitement la position qui lui assure toute
lgitimit.
17. Car cest bien duniversalisme quil sagit et non d imprialisme comme il avait
t parfois voqu par certains commentateurs lorsque les deux Conventions de La Haye de
1964 adoptes sous les auspices dUNIDROIT la Convention portant loi uniforme sur la
vente internationale des objets mobiliers corporels et la Convention portant loi uniforme sur la
formation des contrats de vente internationale des objets mobiliers corporels avaient t
ostensiblement ignores par les pays en dveloppement ny voyant que des instruments
labors pour les seuls intrts juridiques des pays dvelopps77
. Dans ce phnomne de
globalisation juridique et conomique, si lEtat a vu son rle diminu voire critiqu78
, le droit
international se fragmente peu peu dans la mesure o les organes internationaux producteurs
de droit non seulement se multiplient mais aussi se spcialisent. Ce cadre universel presque
idalis, pour ne pas dire utopique rvle en ralit que celui-ci est la base premire et
indispensable tout processus lgislatif visant regrouper des normes dans un domaine
particulier et lui donner une force normative. Mieux rassembler pour mieux lgifrer telle
est la mission que la CNUDCI a reue dans son mandat. Il sagit ds lors danalyser comment
le mandat de la CNUDCI prend en compte les besoins et les intrts du commerce
international de manire universelle (section 1) et comment la composition de la CNUDCI
tend reflter luniversalit de la communaut internationale des marchands (section 2).
Section 1 : Le mandat de la CNUDCI : la prise en compte universelle des
besoins et des intrts du commerce international
18. LAssemble gnrale, dans sa rsolution 2205 (XXI), donne la CNUDCI pour
mandat gnral de promouvoir lharmonisation et luniformisation progressives du droit
77 V. par ex. : LEMONTEY Jacques, Les dbuts de la CNUDCI et lexprience franaise , op. cit., pp. 19-20.
78 LOQUIN Eric et RAVILLON Laurence, La volont des oprateurs vecteur dun droit mondialis , in La
mondialisation du droit, Paris, Litec, 2000, Vol. 19, sous la direction de LOQUIN Eric et KESSEDJIAN
Catherine, Universit de Bourgogne, CNRS, Travaux du centre de recherche sur le droit des marchs et des
investissements internationaux, pp. 91-95.
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commercial international afin de prendre en compte de manire universelle les besoins et les
intrts du commerce international79
. Donnant ainsi une vritable impulsion, il suit en ralit
le mme objectif que celui dcrit dans le cadre de la Lex mercatoria : laborer un ensemble de
rgles adaptes aux besoins et aux intrts du commerce international80
. Aussi, le mandat de
la CNUDCI pose-t-il les fondements de cette dmarche. Il faut donc se rfrer la Charte des
Nations Unies, acte fondateur de lONU. On retrouve en effet des concepts repris du
prambule. La rfrence est faite au maintien de la paix et de la scurit au niveau
international ainsi quau fait de favoriser le progrs conomique et social. Lensemble des
instruments est ainsi regroup sous le chapitre X (Conseil conomique et social) de la Charte
des Nations Unies. Le mandat de la CNUDCI tient donc non seulement sa lgitimit mais
aussi sa force juridique de la Charte des Nations Unies, acte suprme de lorganisation telle
que reconnue et accepte par tous les Etats membres81
. Le lien conducteur entre ce mandat et
la Charte provient des rsolutions prises annuellement par lAssemble gnrale.
19. Compos dun prambule et dun corpus de douze paragraphes, le dispositif de la
rsolution 2205 de lAssemble gnrale des Nations Unies en date du 17 dcembre 1966,
dans sa puissante simplicit, demeure le texte de rfrence , comme le souligne M.
SORIEUL82
. Il est vrai que la brivet du texte peut surprendre de prime abord. Il nexiste pas
de rgle en la matire et le nombre darticles ne constitue pas, selon nous, un critre qualitatif
en soi. A titre de comparaison, on compte 22 articles pour le statut organique dUNIDROIT83
,
79 Documents officiels de lAssemble gnrale, vingt-et-unime session, Annexes, Point 88 de lordre du jour,
Documents A/6396 (Annuaire de la CNUDCI, volume I : 1968-70 (A/CN.9/SER.A/197), Publication des
Nations Unies, p. 70. Le texte intgral est disponible sur internet ladresse suivante : http://daccess-dds-
ny.un.org/doc/RESOLUTION/GEN/NR0/006/24/IMG/NR000624.pdf?OpenElement (page consulte le 15
juillet 2013).
80 GOLDMAN Berthold, Frontires du droit et Lex mercatoria , op. cit., pp. 177 et suiv.
81 V. par ex. pour lONU : art. 4, par. 1
er, Charte des Nations Unies : peuvent devenir Membres des Nations
Unies tous autres Etats pacifiques qui acceptent les obligations de la prsente Charte et, au jugement de
lOrganisation, sont capables de les remplir et disposs le faire . Autrement dit, cela signifie que lacceptation
des principes de la Charte des Nations Unies constitue une condition sine qua non pour devenir membre de
lONU.
82 SORIEUL Renaud, Le mandat de la CNUDCI : une lecture volutive , in La Commission des Nations
Unies pour le droit commercial international : propos de 35 ans dactivit, Petites Affiches, 18 dcembre
2003, n 252, pp. 5-18.
83 V. UNIDROIT, Statut organique comportant lamendement larticle 6, paragraphe 1, entr en vigueur le 26
mars 1993 : disponible sur internet en anglais et en franais ladresse suivante :
http://www.unidroit.org/french/presentation/statute-main.htm.
http://daccess-dds-ny.un.org/doc/RESOLUTION/GEN/NR0/006/24/IMG/NR000624.pdf?OpenElementhttp://daccess-dds-ny.un.org/doc/RESOLUTION/GEN/NR0/006/24/IMG/NR000624.pdf?OpenElementhttp://www.unidroit.org/french/presentation/statute-main.htm
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16 articles pour le statut de la Confrence de La Haye de droit international priv84
, 97 articles
pour la Convention de 1907 pour le rglement pacifique des conflits internationaux rvisant
les 61 articles de la Convention de 1899 du mme nom instituant la Cour permanente
darbitrage (CPA) de La Haye85
et 62 articles pour le trait instituant lOHADA86
, voire
jusqu 111 articles pour la Charte des Nations Unies.
20. Du mandat proprement parler de la CNUDCI, le huitime paragraphe contient
lessence mme des fonctions de celle-ci et dont on reproduira in extenso celui-ci87
: La
Commission encourage lharmonisation et lunification progressives du droit commercial
international : a) en coordonnant les activits des organisations qui soccupent de ces
questions et en les encourageant cooprer entre elles ; b) en favorisant une participation
plus large aux conventions internationales existantes et une acceptation plus gnrale des lois
types et des lois uniformes existantes ; c) en prparant de nouvelles conventions
internationales et des lois types et lois uniformes nouvelles ou en encourageant ladoption de
tels instruments, ainsi quen encourageant la codification et une acceptation plus gnrale
des termes, rgles, usages et pratiques du commerce international, en collaboration, chaque
fois que cela est appropri, avec les organisations qui soccupent de ces questions ; d) en
recherchant les moyens dassurer linterprtation et lapplication uniformes des conventions
internationales et des lois uniformes dans le domaine du droit commercial international ; e)
en rassemblant et en diffusant des informations sur les lgislations nationales et sur
lvolution juridique moderne, y compris celle de la jurisprudence, dans le domaine du droit
commercial international ; f) en tablissant et en maintenant une troite collaboration avec la
Confrence des Nations Unies sur le commerce et le dveloppement ; g) en assurant la liaison
avec dautres organes des Nations Unies et des institutions spcialises qui sintressent au
commerce international ; h) en prenant toutes autres mesures quelle juge utiles
84 V. Confrence de La Haye de droit international priv, Statut, entr en vigueur le 15 juillet 1955 suite son
adoption le 31 octobre 1951 au cours de la septime session de la Confrence de La Haye de droit international
priv ; des amendements ont t adopts au cours de la vingtime session le 30 juin 2005, puis approuvs le 30
septembre 2006 par les membres et sont entrs en vigueur le 1er
janvier 2007 ; disponible sur internet ladresse
suivante : http://www.hcch.net/index_fr.php?act=conventions.text&cid=29 (page consulte le 11 juillet 2013).
85 Le texte intgral des deux conventions fondatrices de la CPA est disponible ladresse suivante :
http://www.pca-cpa.org/showpage.asp?pag_id=1203.
86 V. Trait du 17 octobre 1993 relatif lharmonisation du droit des affaires en Afrique, J.O. OHADA n 4,
01/11/97, pp. 1 et suiv.
87 V. dans la prsente thse pour le texte intgral du mandat de la CNUDCI : Annexe B.
http://www.hcch.net/index_fr.php?act=conventions.text&cid=29http://www.pca-cpa.org/showpage.asp?pag_id=1203
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laccomplissement de ses fonctions . La dimension universelle de la CNUDCI transparat par
consquent travers deux lments : ltablissement dun organe la fois permanent capable
de dfendre les intrts du commerce international (I) et spcialis pouvant rpondre aux
besoins et aux intrts du commerce international (II).
I. Ltablissement dun organe permanent : dfendre les intrts et les
besoins du commerce international
21. Sinterroger sur les besoins et les intrts du commerce international, cest
comprendre lessence mme du droit commercial international, sa raison dtre. Il sagit donc
tout dabord de les identifier afin de pouvoir les apprhender. Seul le choix dun organe
permanent permet cette analyse afin dintervenir de manire efficace dans le domaine du droit
commercial international. Pour cela, il sagit tout dabord didentifier dune manire gnrale
les intrts et les besoins du commerce international (A) auxquels le mandat de la CNUDCI,
se caractrisant notamment par une certaine flexibilit, tente dapporter une rponse (B).
A. Les besoins et les intrts du commerce international
22. Dune manire gnrale, lorsquon voque la notion d intrts , celle-ci fait
rfrence ce qui est utile aussi bien concrtement (argent, proprit, etc.) que moralement
(affection, honneur, etc.) et pour laquelle elle est un sujet de proccupation (cause ou motif)
pour la personne concerne88
. La notion de besoin englobe quant elle llmentaire ou
lindispensable89
. Si ces notions ont leurs dtracteurs, comme M. HEUZ qui ny voit
qu un slogan, qui traduit la dsapprobation que les solutions du droit positif inspirent
ceux qui lemploient 90
, les besoins et les intrts du commerce international sont bien une
ralit, pour ne pas dire, selon nous, une quasi-vidence. Si M. LEBOULANGER constate
que la notion d intrts se retrouve particulirement dans larbitrage91
, Mme NAJJAR va
88 V. CORNU Grard (dir.), op. cit., v Intrt, pp. 506-507.
89 V. CORNU Grard (dir.), op. cit., v Besoin, p. 113.
90 V. HEUZ Vincent, La rglementation franaise des contrats internationaux, Etude critique des mthodes,
Paris, GLN, Joly, 1990, note 35, p. 102.
91 LEBOULANGER Philippe, La notion d intrts du commerce international, Rev. arb., 2005, n 2,
pp.487-506.
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mme jusqu voquer dans sa thse sur larbitrage dans les pays arabes, non pas les besoins
et intrts mais plutt les exigences du commerce international92
. Lexplosion des activits
commerciales mondiales a trs vite montr les faiblesses dun droit qui, en se fragmentant,
peine apprhender celles-ci93
. Mme ZANOBETTI relve que le dveloppement
conomique, la libralisation des changes, la circulation des capitaux, bref, en un mot, la
globalisation, ne peuvent se raliser sans un environnement lgal qui en assure le
droulement dans un cadre de scurit juridique 94
. M. LEBOULANGER considre que le
recours [aux intrts] est fond sur le postulat que, pour pouvoir satisfaire les besoins du
commerce international, les contrats internationaux doivent tre librs des prohibitions de
lordre juridique interne 95
. Philippe FOUCHARD sest interrog propos de ces intrts en
se demandant sil sagit simplement du dveloppement des changes conomiques ou bien sil
faut ltendre la notion de dveloppement durable, cest--dire un commerce international
au service de lessor et bien-tre des populations mondiales96
. Ces besoins et intrts ne
peuvent donc pas tre carts ni mme ignors car finalement la cration de la CNUDCI, et la
volont dobtenir des instruments dharmonisation et duniformisation du droit commercial
international, est une consquence de cette constatation qui est galement partage par les
tribunaux tatiques. Aussi, par exemple, larrt Messageries maritimes rendu le 24 juin 1950
par la premire chambre civile de la Cour de cassation franaise entend-il reconnatre et
protger les intrts du commerce international en appliquant directement une rgle de droit
transnational97
. Dans cette affaire, des clauses montaires, censes protger les parties, avaient
92 NAJJA Nathalie, Larbitrage dans les pays arabes faces aux exigences du commerce international, Paris,
L.G.D.J., Bibliothque de droit priv, 2004, 640 pp.
93 V. BERG Jean-Sylvestre, FORTEAU Mathias, NIBOYET Marie-Laure et THOUVENIN Jean-Marc (dir.),
La fragmentation du droit applicable aux relations internationales, Regards croiss dinternationalistes privatistes
et publicistes, Paris, Pedone, Coll. Cahiers internationaux, n 27, 2010, 208 pp.
94 ZANOBETTI Alessandra, La scurit juridique des transactions internationales dans un monde global ,
Rev. dr. unif., 2010, p. 930.
95 LEBOULANGER Philippe, La notion d intrts du commerce international, op. cit., p. 487.
96 V. FOUCHARD Philippe, La CNUDCI et la dfense des intrts du commerce international , in La
Commission des Nations Unies pour le droit commercial international : propos de 35 ans dactivit, Petites
Affiches, 18 dcembre 2003, n 252, p. 36.
97 V. Civ. 1
re, 21 juin 1950 : Rev. Crit. DIP 1950, 609, note BATIFFOL H., D 1651. 749, note HAMEL J., S.
1952 1.1., note NIBOYET J.-P., JCP 1950. II. 5812, note LEVY J. Ph.; v. aussi ANCEL Bertrand et
LEQUETTE Yves, Les grands arrts de la jurisprudence franaise de droit international priv, Paris, Dalloz,
2006, 5me
d., n 22. V. aussi LEREBOURS-PIGEONNIERE Paul, A propos du contrat international , J.D.I.,
1951, pp. 4 et suiv. : dans cet article, lauteur conclut le reconnaissance par la Cour de cassation dune rgle de
jus gentium du fait de la coexistence de deux ordres juridiques en droit international franais.
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t insres par une socit franaise dans des contrats internationaux (Canada et Pays-Bas).
Or, celles-ci ntaient pas reconnues valables par certaines lois. Si la Cour de cassation
franaise, saisie de cette affaire, dbute par une approche traditionnaliste selon laquelle
attendu que, si tout contrat international est ncessairement rattach la loi dun Etat
[] (loi du for), elle constate que la clause montaire prise en application du droit franais
(loi du 25 juin 1928) est valable sur le motif que celle-ci tait en conformit avec la notion
franaise de lordre public international . Aussi la cour vient-elle reconnatre expressment
lexistence dintrts non plus seulement nationaux mais galement internationaux. On peut
tenter de dresser les grandes lignes rgissant les besoins et les intrts du commerce
international, savoir celle de la libert du commerce international et celle de la scurit
juridique.
23. Afin de faciliter les relations conomiques mondiales, Philippe FOUCHARD sest en
effet interrog sur lopportunit dinstaurer un principe gnral de libert de circulation aussi
bien pour les marchandises que pour les services, les capitaux, les individus ou les entreprises,
voire mme dencourager la mondialisation dune manire gnrale98
. Cette question
dmontre avant tout la rticence des Etats librer leur march national souvent par souci de
protection. Philippe FOUCHARD rajoute dailleurs cette constatation que la mthode des
conflits de lois ne fait quaggraver la situation, en niant le particularisme des relations
conomiques internationales 99
. Si les travaux de lOrganisation mondiale du commerce
(OMC) tendent libraliser le commerce des marchandises et des services ainsi que la
proprit intellectuelle au travers daccords applicables ses Etats membres100
, la CNUDCI a
reu pour mission de lever ces obstacles en droit priv avec une insistance particulire sur le
principe de la libert contractuelle. Toutefois, la libralisation des changes de biens et de
services au niveau mondial vient invitablement bouleverser le cadre juridique traditionnel
dvolu aux oprations internes relevant des rgles de droit dun seul Etat remettant en cause la
scurit juridique de celles-ci.
98 FOUCHARD Philippe, La CNUDCI et la dfense des intrts du commerce international , op. cit., p. 36-
42.
99 Ibid., p. 40.
100 V. le site internet de lOMC disponible ladresse suivante : www.wto.org ; titre dillustration, on citera les
principes gnraux de lOMC savoir lAccord gnral sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT),
lAccord gnral sur le commerce des services (AGCS) et les Aspects des droits de proprit intellectuelle qui
touchent au commerce (ADPIC).
http://www.wto.org/
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45
24. Le besoin de scurit dans le commerce international est alors primordial101. Il sagit
pour les oprateurs conomiques de savoir quelles seront les consquences juridiques dun
acte ou dun fait. Or, dans un contexte international, cette scurit peut tre rapidement remise
en cause par la simple mconnaissance des rgles juridiques dun autre Etat, mais aussi par
leur variabilit, leur validit et leur interprtation. Il est dautant plus justifi quil sexplique
par le fait que les parties ou les services se trouvent dans une situation plus complexe que
celle de droit interne. M. LOQUIN sinterroge sur le commerce international comme tant
potentiellement une activit risque102
. En effet, aux difficults lies au fait quelles se
trouvent dans des Etats diffrents (avec parfois des systmes juridiques et/ou conomiques
diffrents) sajoute lvolution invitable de la socit (notamment lre de llectronique
entranant la dmatrialisation de certaines relations). Ce risque peut tre surmont partir du
moment o sinstaure une vritable prvisibilit notamment quant au for comptent mais aussi
concernant les jugements et les sentences arbitrales au plan international, le droit applicable
ainsi que les lois de polices applicables. En ayant recours la technique contractuelle et
larbitrage, les parties peuvent elles-mmes scuriser leur opration. Mais celle-ci peut avoir
des limites, parfois lies aux maladresses de parties non spcialistes en droit commercial
international. La scurit et la transparence passent donc par la ncessit dlaborer un cadre
juridique qui puisse accrotre la prvisibilit juridique.
B. Les rponses apportes par le mandat de la CNUDCI
25. La dfense des intrts et des besoins du commerce international constitue, nos sens,
la justification mme de lexistence de la CNUDCI. Face ce dfi ambitieux, son mandat,
instrument juridique constitutif, se devait de reflter cette fonction. Pour cela, il est
indispensable dtablir un organe ayant un mandat la fois permanent (1) et suffisamment
souple (2).
101 V. pour une tude densemble : BOY Laurence, RACINE Jean-Baptiste et SIIRIAINEN Fabrice (dir.),
Scurit juridique et droit conomique, Bruxelles, Larcier, Coll. Droit, conomie, internatio