la dette dans tous ses États

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Financité magazine Ensemble, changeons la finance NUMéRO 28 UNE PUBLICATION DU RéSEAU FINANCEMENT ALTERNATIF DéCEMBRE 2012 TRIMESTRIEL BUREAU DE DéPôT : 6000 CHARLEROI La dette dans tous ses États Pour une autre finance Épargnez ensemble avec les CAF p.12 Finance halal et solidaire ? p.14 La dette publique de A à Z p.4 Annuler sa dette, bonne ou mauvaise idée ? p.8 © Dudarev Mikhail / Shutterstock.com

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Le Financité Magazine vous dit tout sur la dette publique et son corollaire actuel, la crise de la dette.

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Page 1: La dette dans tous ses États

FinancitémagazineEnsemble, changeons la finance

Numéro28uNe publicatioN

du réseau FiNaNcemeNt

alterNatiF

Décembre 2012

trimestriel

bureau de dépôt : 6000 charleroi

La dette dans tous ses États

Pour une autre financeÉpargnez ensemble avec les CAF p.12

Finance halal et solidaire ? p.14

La dette publique de A à Z p.4

Annuler sa dette, bonne ou mauvaise idée ? p.8

© Dudarev Mikhail / Shutterstock.com

Page 2: La dette dans tous ses États

Mon argent

propre !

aujourd’hui, les banques n’ont aucun devoir de transparence vis-à-vis de leurs clients. en plaçant votre argent à la banque, vous ne savez pas à quoi il est utilisé, ni quel est son impact.

Financitémagazine

Donner du sens à vos placements, c’est possible !

bernarD bayot, directeur du réseau Financement alternatif

Dans sa déclaration de politique générale du mercredi 21 novembre 2012, le gouverne-ment annonce qu'il créera un cadre fiscal favorable pour l’émission par les banques

de prêts-citoyens thématiques : « ces dépôts à long terme permettront de financer des projets à finalité socio-économique et/ou sociétale qui ne trouvent que difficilement un financement aujourd’hui ».

certes, notre société a un énorme besoin de finan-cement. La transition vers une société pauvre en carbone, la transformation de nos systèmes de pro-duction et de consommation demandent d'immenses investissements en recherche et développement. Le vieillissement de la population suppose des besoins supplémentaires pour le logement, les soins à domi-cile et la santé. or les banques se tiennent trop à l'écart de ces domaines. on ne peut donc que par-tager l'objectif poursuivi par le gouvernement. mais que penser de la méthode ?

D'abord, les détails de la mise en œuvre de ces « prêts-citoyens thématiques » ne sont pas encore arrêtés et il est donc trop tôt pour les analyser. mais l'histoire récente regorge d'exemples d'incitants fis-caux que d'ingénieux ingénieurs fiscalistes ont réus-si à détourner de leur finalité première... Il faudra donc s'assurer que cet incitant permet effectivement de stimuler les projets visés et ne crée pas un nouvel effet d'aubaine.

ensuite, il existe dans notre pays des coopératives de financement de l'économie sociale qui, depuis plusieurs dizaines d'années, financent des projets comme ceux que vise le gouvernement. Pourquoi dès lors priver celles-ci, alors qu'elles disposent d'une expertise reconnue en la matière, de la capacité de bénéficier de ce cadre fiscal favorable et réserver ce-lui-ci aux banques qui, elles, rechignent aujourd’hui à financer ces projets ?

La troisième réflexion découle de la deuxième : fondamentalement, la mesure envisagée résulte de l'incapacité du secteur bancaire à remplir ses mis-sions essentielles, au premier rang desquelles figure le financement de l’économie locale. Plutôt que de faire un nouveau cadeau fiscal, les pouvoirs publics n'ont-ils pas la responsabilité d'assurer la défense de l'intérêt général par une organisation et un enca-drement adéquat de ce secteur ? La belgique bat déjà tous les records de capitaux placés sur les comptes d'épargne (230 milliards d'euros), le problème n'est donc pas d'attirer de nouveaux capitaux mais de s'assurer de leur bonne utilisation par les banques.

Deux pistes. D'abord, si l'on veut améliorer l’impact sociétal de l'activité bancaire, pourquoi ne pas condi-tionner l'avantage fiscal accordé pour les comptes d'épargne au respect de critères précis de réinvestisse-ment aux profit de projets à finalité socio-économique et/ou sociétale ? ensuite, le modèle de la banque com-merciale qui ne vise que sa rentabilité à court terme sans se soucier du financement de l'économie réelle n'est pas une fatalité. Il existe des institutions finan-cières qui inscrivent dans leurs missions la fourniture de services d'intérêt économique général. Pourquoi ne pas leur accorder une reconnaissance et un soutien structurels et spécifiques ?

la belgique décide d'offrir un avantage fiscal à des fonds dédiés à des projets à finalité socio-économique et/ou sociétale actuellement sous-financés. un objectif certes louable, mais une méthode qui

pose question.

ACtuALitÉS FinancitéÉDito Financité

la saint-Nicolas des banques

Une banque vous répond...

Non-occupy Wall street

Un an déjà et un bilan en demi-teinte pour le mouvement citoyen occupy Wall Street. Souve-nez- vous, en septembre 2011, des milliers de citoyens campaient devant la célèbre place boursière pour dénoncer les dérives de la démocratie américaine et du capitalisme. Plus

de douze mois plus tard, on peut (malheureusement) considérer qu'occupy Wall Street a échoué dans la plupart de ses objectifs. Son cheval de bataille, soit amender la constitution pour renver-ser la décision citizens United, un projet de loi visant à donner la liberté d'expression aux per-sonnes morales et donc à autoriser les entreprises à financer à souhait les campagnes électorales, n'a rien donné. La majorité des campements, devenus entre-temps de véritables centres d'actions sociales plus que politiques, ont été vidés. mais le mérite reste là : avoir rappelé que le peuple américain est prêt à se faire entendre quand il s'agit de défendre sa démocratie.

epiii déçoit banktrack

Six ans après une deuxième version et suite de quinze mois de discussion, une première ébauche de la troisième ver-

sion des Principes de l’équateur (ePIII) a été publiée. Les principes de l’équateur ont été signés en 2003 par plusieurs grandes banques internationales, ils impliquent la prise en compte des critères environnementaux, so-ciaux et sociétaux dans les projets de finan-cement. D'après l'organisation néerlandaise banktrack, « s'il y a des progrès par rapport à la deuxième version, ils ne sont pas encore as-sez significatifs ». banktrack reproche notam-ment l'absence de tout engagement significatif dans la lutte contre le changement climatique. « Malheureusement », précise l'organisation, « les principes de l’Équateur contribuent à son approfondissement en continuant à au-toriser les investissements dans le pétrole, les centrales de gaz ou l'extraction du charbon ».

www.banktrack.org

Entre septembre 2011 et octobre 2012, vous avez eu l'occasion de dire aux banques ce que vous souhaitez réellement qu'elles fassent avec votre épargne via la pétition « Mon argent propre ». Nous vous avions promis d'envoyer vos réponses aux établissements concernés. ING Belgique, Belfius Banque (ex-Dexia Banque) et BNP Paribas Fortis, auxquelles vous vous êtes

adressés en majorité, ont donc reçu un cour-rier regroupant vos doléances. Une des trois vous a répondu... BNP Paribas Fortis explique notamment comment elle finance l'économie réelle ou s'engage en matière de responsabilité sociale et environnementale. Convaincant ou pas ? À vous d'en juger, l'intégralité du texte est disponible sur www.financite.be.

les awards de l'économie sociale

Les prix de l'économie sociale qui récom-pensent les projets d'économie sociale développés en régions wallonne et de

bruxelles-capitale ont fêté leur 20 ans d'exis-tence. chaque année, plusieurs entreprises et asbl reçoivent des bourses de différents montants pour continuer à développer leurs projets. au cru 2012 dévoilé en novembre dernier, on compte trois bruxellois dont la Fobagra, une asbl spécialisée dans la pédago-gie des tIc avec le prix entreprise confirmée bruxelloise, La ferme Nos pilifs, entreprise de travail adapté avec le prix du Développement durable et Mr Camille Meyer qui a reçu le prix édition pour son mémoire sur le banco Pal-mas au brésil. retrouvez l'ensemble des lau-réats sur www.prixdeleconomiesociale.be.

Page 3: La dette dans tous ses États

Financité Inscrivez-vous à la Dépêche électronique via www.financite.bemagazine

TrIMEsTrIEl No 28 · Décembre 2012

editeur responsable : Bernard Bayot

ont collaboré à ce numéro : Antoine Attout, Bernard Bayot, olivier Bonfond, Annika Cayrol, Amandine Cloot, lise Disneur, Antoine Fain, Martin Hernalsteen, olivier Jérusalmy, Georges Karras, Jean-Denis Kestermans, Nathalie lemaire, Damien Millet, laurence roland, Éric Toussaint.

Graphisme et mise en page : louise laurent (www.louiselaurent.be)

llustration : Mabi (www.lesitedemabi.eu)

impression : Imprimerie rémy roto (www.remyroto.be)

le réseau Financement Alternatif est une association de promotion et de recherche sur la finance responsable et solidaire. Il est formé de plus de 90 membres associatifs dont la liste peut être consultée sur www.financite.be, rubrique recherche/membresrFA.

Financité magazine est une publication du réseau FiNaNcemeNt alterNatiF.

édité à 100 000 exemplaires, son but est de faire connaître la finance solidaire à un public le plus large possible. il est réalisé grâce au soutien de la région wallonne

rédaction et abonnement :

rue Botanique, 75 – 1210 BruxellesTél : 02 / 340 08 60Fax : 02 / 706 49 06

www.financite.be

pour vous abonner à Financité magazine, il suffit de verser 10 € (4 n° par an)

sur le compte BE29 0011 0106 3164 (BIC : GEBABEBB).

Initiative du député écologiste européen, Philippe Lamberts, « Les sept péchés ca-pitaux des banques », un site internet pro-

posant une mise à nu des pratiques bancaires abusives, mérite plus d'un clic. en passant en revue, non sans humour, les sept péchés des grandes banques actives en belgique, le pro-pos est double : rendre la finance accessible à tous et dénoncer les pratiques bancaires abusives. chaque péché, de la toxicomanie à l'imprudence, est argumenté, chiffres à l'ap-pui, pour chacun des établissements, et as-sorti d'une solution des Verts. Un classement éthique des banques est également présenté en guide de conclusion. Vous pouvez, par exemple, clairement distinguer une banque qui finance l'économie réelle ou celle qui spé-cule, etc. Un outil pédagogique en français, bientôt disponible en néerlandais.

www.pechesbancaires.eu

les sept péchés des banques

Vers une banque de dépôt indépendante ?

Dans son discours de politique géné-rale de novembre dernier, le Pre-mier ministre elio Di rupo, a réitéré

sa volonté de scinder les grandes banques actuelles, en séparant banques de dépôt et banques d'affaires. « C’est une évidence, les banques doivent à nouveau se concentrer sur leur métier de base : récolter des dépôts et octroyer des crédits à l’économie réelle. Elles ont trop souvent négligé ces activités, par le passé, pour se lancer dans des activi-tés spéculatives d’une complexité inouïe ». Il précisait que l'accord de gouvernement prévoit une série de mesures pour tenter de mettre fin à ses dérives et que la matière était actuellement discutée à la commission euro-péenne suite aux propositions du groupe de travail Liikanen. elio Di rupo a également mentionné « un projet de loi pour l'été 2013 sur la politique de rémunération des établis-sements financiers qui reçoivent un soutien exceptionnel des pouvoirs publics ».

Le fonds coopératif de microfinance, Incofin, et la Gimv, société d'investis-sement européenne, agrandissent leur

partenariat, noué en 2010. Les deux entre-prises ont en effet injecté chacune 1 million d'euros dans Incofin Investement manage-ment, gestionnaire de fonds équitables qui touche déjà, plus de 6 millions de petits entrepreneurs dans le monde. Un partena-riat qui permettra à Incofin de bénéficier du professionnalisme de la Gimv. et à la Gimv de se positionner vers des investissements durables.

un samedi sans crédit

Le 24 novembre dernier s'est tenue la 8e « Journée sans crédit » autour, cette fois, du slogan « Ne tuez pas votre

épargne, ne tuez pas le cochon ». Le but de ce samedi particulier : rappeler, en cette période de consommation extrême que sont les fêtes de fin d'année, que les crédits faciles sont également les plus dangereux, sensibiliser aussi le grand public à la néces-sité de se constituer une épargne. en 2011, près de 320 000 personnes étaient fichées à la banque nationale.

www.journeesanscredit.be

incofin et la Gimv investissent ensemble

Ces obligations à 5, 10, 15 ou 20 ans permettent au Réseau Financement Alternatif de financer une partie de l'achat d'une emphytéose pour de nouveaux bureaux à Bruxelles.

Date limite de souscription : 31/12/12

Obligation Financité Bota

Un placement solidaire rentable

dexia toujours en israël

Depuis juillet dernier, richard Falk, rap-porteur indépendant de l'onU mène une croisade contre les entreprises

impliquées dans les violations des droits de l'homme sur les territoires palestiniens occu-pés. Il appelle aujourd'hui clairement au boy-cott de l'ensemble des sociétés ayant financé ou ayant participé à des constructions illégales en Palestine... au nombre desquelles Dexia Sa, mais aussi Hewlett Packard, caterpillar ou encore motorola. Il n'est pas le premier à dénoncer l'entreprise belge puisque la plate-forme « Palestine occupée – Dexia impliquée » regroupant 83 associations a commencé à plai-der en 2008 déjà pour un retrait de Dexia Sa d'Israël. malgré l'ensemble des pressions et à présent, celle de l'organisation des nations Unies, force est de constater que Dexia Sa n'a pas encore fait le moindre pas vers un éventuel retrait.

www.intal.be

Page 4: La dette dans tous ses États

Financitémagazine

Distribuez le Financité magazine dans votre quartier.

DoSSieR

LA Dette DAnS touS SeS ÉtAtS

le b.a.-ba de la dette publiqueun budget en équilibre ? le rêve de tous, y compris des états. ces derniers ont pourtant souvent du mal à joindre les deux bouts et empruntent de l'argent

ailleurs.

depuis toujours, états et autres collectivités locales empruntent pour investir, mener leur pays vers plus de richesses et apporter davantage de bien-être à leurs habitants. depuis peu pourtant, on constate comme un dérapage...la dette publique et surtout la crise de la dette sont devenus les sujets casse-têtes du moment. il est désormais mal vu de dépenser sans compter, place à l'austérité et à la stabilité. mais la dette à quelles conditions et pour quels objectifs ? et si, finalement, une bonne dette était celle qui mène le pays sur la piste d’un développement durable au profit des géné-rations futures plutôt que celle assortie du meilleur taux d’intérêt pour les spéculateurs ou du taux le plus bas pour les états ?

en bref les états empruntent pour financer

leurs politiques. ils vendent leurs dettes sur les

marchés financiers et aux particuliers. l'arrivée de l'euro a internationalisé

la dette.

LaUrence roLanD

toute entité privée, que ce soit une entreprise, un ménage… peut avoir besoin d’emprunter de l’argent pour faire face à des dépenses inatten-

dues, développer de nouvelles activités ou – bien qu'à titre privé, ce soit un mauvais calcul – rembourser une autre dette. Le crédit est souscrit pour une durée déterminée. Si, à un moment donné, l'emprunteur se retrouve dans l'incapacité de payer, il sera déclaré en faillite. Ses biens ou ceux de son entreprise pourront être revendus pour rembourser ses créan-ciers. contrairement aux particuliers, un état ne connaît pas de fin. Les entités publiques (états, collectivités, communes…) ne peuvent donc juridiquement être mises en faillite.

revenons aux dettes souveraines, celles qui sont émises par un état. chaque année, les états établissent un budget (le budget fédé-ral de la belgique a été discuté et négocié du-rant tout le mois de novembre). L’objectif est de trouver un équilibre entre les recettes (les taxes, les impôts…) et les dépenses (les dé-penses sociales, de santé, liées à l’éducation, la sécurité, mais aussi le paiement des inté-rêts de la dette, le sauvetage des banques...). ces budgets sont très souvent déficitaires et nécessitent d’emprunter. ce déficit est parfois assumé (l’état estime que les dépenses sont

nécessaires à la réalisation de ses poli-tiques) mais le plus souvent, en période

de crise, subi. en belgique, la dette s’élevait, fin juin 2012, à 372 milliards d’euros, soit 95 % du produit intérieur brut (PIb). en 1993, elle s'élevait à 137 % du PIb.

commeNt les états se FiNaNceNt-ils ?

avant 1992, date du traité de maastricht, les états pouvaient emprunter auprès des banques centrales. aujourd’hui, les états ne peuvent plus se financer qu'auprès des marchés finan-ciers. Pour ce faire, ils émettent des titres qui peuvent être achetés sur le marché primaire par les banques commerciales qui elles-mêmes les revendent à des institutionnels (fonds de pension, collectivités...) ou même à la banque centrale européenne (bce) en échange de liqui-dités. Le financement des états par les banques centrales est donc indirect.

Les titres de la dette que les états émettent peuvent prendre différentes formes. en bel-gique, l’agence de la dette1 émet chaque année à la même période de nouvelles oLo : des obli-gations linéaires émises à long terme (5 ou 10 ans). elle émet également des certificats de trésorerie dont l’échéance est d'un an maxi-mum ainsi que des bons au trésor. Les oLo représentent plus de 75 % de la dette belge. Les particuliers possèdent 12,2 % de cette dette en 2011.

ce taux a fortement augmenté (il n'était que de 1,16% auparavant, suite à l'émission des bons d’état Leterme fin 2011 qui étaient assortis d'un taux plus élevé que d'habitude). cette émission a permis de récolter plus de 5,7 milliards d'euros, soit plus de 70 fois le montant habituel de 70 à 80 millions d'euros.

L’intérêt de ces titres (des obligations oLo par exemple) est fixé suivant le risque que

pensent prendre les investisseurs en ache-tant ces produits. Plus le risque est élevé (ou semble l’être), plus le taux d’intérêt est élevé (voir encadré p.7) et plus la charge de la dette – les intérêts à payer – augmente. en belgique, elle s'élevait à 12,307 milliards d'euros en 20102.

la dette belGe aux belGes ?

avant l’arrivée de l’euro en 1992, ce sont les institutions belges (les banques) qui déte-naient la majeure partie de la dette fédérale (plus de 80 %). Depuis, la dette est partie aux mains des étrangers. Le risque de change ayant disparu, les banques belges ont préféré diversifier leurs actifs. en même temps, l’état fédéral a tout fait pour attirer des investis-seurs étrangers.

aujourd’hui, les investisseurs étrangers possèdent plus de 55 % des obligations à long terme et 90 % des titres à court terme.

Pour certains, aller chercher des capitaux sur les marchés étrangers est positif. cela permet d'élargir le panier d’investisseurs potentiels (plutôt que les 40 ou 50 existants sur le territoire belge) et de réussir à lever plus de fonds. Pour d'autres, cela reste inu-tile. avec les 227 milliards que détiennent les épargnants belges, il y aurait de quoi financer une bonne partie de la dette publique belge.

1. l'agence de la dette fait partie du service public fédéral Finances. elle est responsable de la gestion financière de la dette publique. 2. http ://fr.wikipedia.org/wiki/dette_publique_de_la_belgique#cite_note-3 ; rapport 2011, bNb, 08/02/2012, p. 136 sur 161 du fichier. consulté le 2 mars 2012.

Depuis l'introduction des bons d'État Leterme,

12,2 % de la dette belge sont détenus par des particuliers.

Page 5: La dette dans tous ses États

Financitémagazine

Les petites épargnes solidaires font les grandes rivières.

la dette, puissant mécanisme de dominationloin d’être un simple mécanisme financier, la dette est aujourd’hui un redoutable

instrument de domination des populations du sud et un outil de captation des richesses qu’elles produisent.

Le DoSSieR Financité

en bref les pays du sud ont remboursé

plusieurs fois leurs dettes. pour ce faire, ils ont dût massive-

ment exporter et diminuer les dé-penses liées à la santé et à l'éducation.

la dette profite surtout aux pays du Nord et aux potentats locaux.

DamIen mILLet – erIc toUSSaInt 1

Dans les années 1960 et 1970, l’en-dettement du tiers-monde explose sous l’action combinée de trois acteurs. Les banques occidentales,

qui regorgent de liquidités (eurodollars, puis pétrodollars après le choc pétrolier de 1973), incitent les pays du Sud à emprunter grâce à des taux d’intérêt bas et à de rondelettes commissions pour les potentats locaux. Dès la récession mondiale des années 1973-75, les états du nord prêtent aux pays du Sud à condition qu’ils utilisent l’argent prêté pour acheter les marchandises du pays prêteur. enfin, la banque mondiale s’attache à contre-carrer l’influence soviétique et les velléités in-dépendantistes, en soutenant les alliés straté-giques des états-Unis (souvent des dictatures comme au Zaïre, en Indonésie, au chili, au brésil, en argentine...). La dette est multipliée par 11 entre 1968 et 1980.

le sud étraNGlé

Pour se procurer les devises nécessaires au remboursement, les pays du Sud doivent privi-légier les productions pour l'exportation (café, cacao, thé, coton,…) et réduire les cultures vivrières. Ils exportent également pétrole et minerais. ces produits deviennent vite sura-bondants et les cours s’effondrent au début des années 80. Simultanément, les etats-Unis décident d'augmenter les taux d’intérêt : les intérêts à rembourser triplent. Les pays endet-tés sont étranglés financièrement.

Quand la crise de la dette éclate en 1982, les créanciers se réfugient derrière le Fonds mo-nétaire International qui consent à prêter aux pays surendettés à des conditions drastiques inscrites aux programmes d’ajustement structurel : suppression des subventions aux produits de base, privatisations, ouverture totale au marché mondial (ce qui augmente la concurrence face à laquelle les producteurs locaux sont désarmés), fiscalité aggravant les inégalités, forte baisse des budgets sociaux, suppression du contrôle des changes et des mouvements de capitaux (ce qui augmente la fuite des capitaux).

La dette est devenue un instrument de do-mination très adroit, dissimulant racket et pillage. elle ponctionne les richesses du tiers-monde pour les envoyer vers les riches créan-ciers du nord, les élites du Sud prélevant leur commission au passage. entre 1985 et 2010, les pouvoirs publics du Sud ont remboursé 530 milliards de dollars de plus qu’ils n’ont reçu en nouveaux prêts. Dans le même temps, les fonds manquent pour garantir l’accès uni-versel à l’éducation primaire, aux soins de santé de base, à l’eau potable et à une alimen-tation décente. La dette est largement odieuse car souvent contractée par des régimes auto-ritaires et corrompus.

pour uN audit citoyeN

Les initiatives d’allègement de la dette de la part des institutions internationales ne règlent en rien le problème car elles se contentent d’écrémer la partie supérieure sans toucher au mécanisme lui-même. Pour chan-ger réellement de cap, l’annulation totale de la dette extérieure publique du tiers-monde et l’abandon des politiques d’ajustement struc-turel sont indispensables. cette annulation doit se prolonger par la constitution de fonds de développement nationaux démocratique-ment contrôlés par les populations locales et alimentés par différentes mesures (expro-priation des biens mal acquis par les élites du Sud et rétrocession aux peuples, taxe sur la spéculation financière et les bénéfices des transnationales, impôt mondial exceptionnel sur les grosses fortunes...).

ce mécanisme du surendettement déli-béré est clairement une source majeure de domination des populations, d’appauvrisse-ment massif, de corruption exponentielle et

de perte de souveraineté, le tout au profit de riches créanciers et de dirigeants complices. Les failles dans le développement humain sont béantes. Pour construire une alternative, un audit citoyen de cette dette doit être réa-lisé, ainsi qu’une redistribution massive des richesses. Parallèlement, une nouvelle archi-tecture financière internationale doit émerger avec le remplacement du FmI et de la banque mondiale par de nouvelles institutions dont les missions seraient centrées sur la garantie des droits fondamentaux.

1. porte-parole du cadtm France et président du cadtm belgique (www.cadtm.org), coauteurs de aaa, audit, annu-lation, autre politique, le seuil, paris, 2012. 2. http ://cadtm.org/imG/pdf/les_chiffres_de_la_dette_2011_def.pdf

Les pouvoirs publics des pays en voie de développement ont

remboursé l’équivalent de 98 fois ce qu’ils

devaient en 1970 mais entre-temps leur dette a

été multipliée par 32.les chiffres de la dette 20112

(damien millet, daniel munevar, éric toussaint)

les fonds vautourslorsque le marché secondaire de la dette a été créé dans les années 80, permettant aux

banques qui avaient prêté de l'argent à des pays débiteurs de vendre à des opérateurs privés des titres de ce type de dette sous forme d'actions ou d'obligations, les « fonds vautours » ont vu là une opportunité de « faire de l’argent ».

les fonds vautours sont des fonds spéculatifs rachetant à bas prix les dettes d’États très endettés auprès des créanciers (les banques) qui, de leur côté, sont bien contents de se dé-barrasser de ces dettes – même à perte – pour pouvoir en retirer quelque chose. Ensuite, ils intentent une multitude d'actions en justice dans plusieurs pays jusqu'à ce qu'un juge condamne le pays débiteur à rembourser la dette (souvent largement majorée) et autorise la saisie de certaines recettes. Il peut s'agir d'une aide accordée par un autre pays dans le cadre de ses accords de coopération au développement ou du paiement de factures d'un État pour un service rendu. C'est ainsi qu'un juge sud-africain a ordonné que tous les paiements que l'Afrique du sud devait verser à la rDC pour la fourniture d'électricité soient automati-quement saisis pendant 15 ans ! l'Argentine, quant à elle, renoue avec les années noires. Fin novembre, le pays vient d'être condamné par un juge new yorkais à verser 1,33 milliard de dollars à des fonds vautours. Alors que l'Argentine avait renégocié sa dette avec plusieurs de ses créanciers, quelques pourcents ont été rachetés par des fonds spéculatifs... les fonds vautours récupèrent donc souvent plusieurs fois leur mise et refusent systématiquement de

participer à toute renégociation de la dette entre États créditeurs et créanciers. Consultez le rapport complet sur les fonds vautours sur www.cncd.be.

TrIMEsTrIEl No 28 · Décembre 2012

Illustration de Titom, mise à disposition selon la licence Creative Commons by-nc-nd 2.0 be - www.titom.be

Page 6: La dette dans tous ses États

1. En 2007, des crédits de mauvaise qualité, les sub-primes, sont vendus aux investisseurs institutionnels (et aux banques) partout à travers le monde. À la suite de l'éclatement de la bulle immobilière aux États-Unis, ces crédits perdent toute leur valeur. les banques qui en possèdent voient la valeur de leur bilan chuter.

2. Ne sachant pas ce que les autres banques détiennent, les banquiers deviennent méfiants les uns envers les autres et cessent de se prêter de l'argent. les banques ont donc des problèmes de li-quidités. Pour éviter que le système ne s'effondre, les États leur fournissent des sommes colossales.

3. la crise touche ensuite l'économie réelle et les finances publiques. les États doivent emprunter sur les marchés pour renflouer le système financier et essayer de relancer la machine écono-mique. Ils émettent davantage d'obli-gations de dettes souveraines. Ce sont les banques (pri-vées) qui détiennent la majeure partie des dettes des États (par l'achat d'obliga-tions).

4. Comme les dettes d'État sont deve-nues un titre comme un autre, leur valeur est évaluée par les agences de nota-tion. si la notation est mauvaise, la va-leur des obligations chute, entraînant une baisse du bilan de la banque. les banques se méfient à nouveau les unes des autres et aug-mentent leur taux d'intérêt lorsqu’elles se prêtent de l'argent entre elles, ce qui entraîne de nouveaux problèmes de liquidités, une baisse des crédits accordés dans l'économie réelle et une demande vers les États pour être à nouveau recapita-lisées.

Le DoSSieR Financité

Financitémagazine

et si on commençait par mieux répartir les ressources ?

d'une crise à une autre la crise de la dette a plongé certains pays de la zone euro dans un marasme économique sans précédent. d'aucuns rejettent la faute sur ces états qui ont « jeté l'argent par les fenêtres ». pourtant « dette publique » ne rime pas

toujours avec « crise économique ».

d'austérité mises en place par le gouverne-ment, l'espagne est considérée comme un pays en crise.

Son endettement, comparé à la moyenne de la zone euro (qui atteint 87 %) est, pourtant, re-lativement faible. mais, comme le secteur ban-caire espagnol est important, les conséquences budgétaires pour le sauver sont significatives et altèrent la santé financière de l'état, obligé d'emprunter pour recapitaliser ses institu-tions bancaires. Une aide européenne pour-rait relâcher la tension en espagne, mais, pour l'heure, le gouvernement espagnol semble vou-loir repousser l'échéance.

au JapoN

À l'opposé se situe le cas du Japon. Le pays du Soleil levant a traversé une grave crise économique boursière dans les années 90. aujourd’hui, le pays s'en est remis et n'est pas considéré comme étant un état en crise.

Son taux de chômage est très faible (4,6 %) et son pouvoir d'achat est l'un des plus élevés des pays de l'ocDe2, ce qui fait du Japon, la troisième puissance économique mondiale après les états-Unis et la chine. en revanche, sa dette publique s'élevait à 212 % du PIb en 20113, mais à la différence d'autres pays (dont la belgique), cette dette est « domestique » : 95 % appartiennent aux organisations et épargnants nippons. La dette publique japonaise n'est donc que peu menacée par les attaques spéculatives lancées par les institutions financières, et se soustrait à l'influence des notations déli-vrées par les agences privées. Pourtant, ce protectionnisme est plutôt perçu comme une menace pour la santé économique du Japon par les experts, qui estiment que plu-sieurs secteurs ne sont pas assez dérégulés. D'un autre côté, force est de reconnaître que cette posture a protégé le pays d'investisse-ments dans les produits toxiques.

le cycle de la crise

4

ÉtAt

BAnqueSsubprimes

BAnqueS

PARtiCuLieRSentRePRiSeS

Vendent des crédits pourris

se méfient(ou prêtent à des

taux élevés)

ont des problèmes de liquidités, ne prêtent plus

d'argent

Prête pour renflouer les

banques

Prêtent pour permettre à l'État

de renflouer les banques

1

22

3

3

en bref l'espagne a un faible

taux d'endettement. le Japon est

extrêmement endetté. les deux pays ont réagi

différemment à la crise.

annIka cayroL1

le cas de l'espaGNe

Jusqu'en 2007, tout allait bien pour l’espagne. Les taux d'intérêt peu élevés stimulaient la consommation des ménages et les incitants fiscaux en matière de construction permet-taient à ce secteur de tirer toute l'économie du pays.

mais en 2008, la bulle spéculative immobi-lière éclate. Les banques se retrouvent avec de nombreux crédits hypothécaires de biens immobiliers surévalués que plus personne ne veut acheter. Faute d'acquéreurs, les pro-priétaires n'ont pas les moyens de rembour-ser leur crédit. Le système bancaire espagnol s'effondre. Parallèlement, la dette publique passe, en quatre ans seulement, de 36 à 67 % du produit intérieur brut (PIb). avec un taux de croissance du PIb qui peine à atteindre les 0,4 % en 2011, un taux de chômage à la même période de presque 22 % et des mouvements sociaux qui protestent contre les mesures

© Julien lagarde

Page 7: La dette dans tous ses États

Financitémagazine

Sur www.financite.be, je choisis... où va mon argent !

Le DoSSieR Financité

À qui profite le crime ?les agences de notation mesurent le risque d'insolvabilité d'une entité quelconque (un produit, un fonds, une municipalité, un État...) à un moment donné. Elles attribuent une note qui ne constitue pas une recommandation d'achat ou de vente. Pourtant, elles font la pluie et le bon temps sur les mar-chés financiers et les États tremblent avant la publication de leurs résultats.

Une faible note pour un État signifie que le risque de ne pas pouvoir rem-bourser sa dette est grand, ce qui entraîne une difficulté à trouver des in-vestisseurs et donc, automatiquement, une envolée des taux. Car les inves-tisseurs qui prendront le risque exigeront, en contrepartie, une rentabilité élevée.

or, aujourd'hui, lorsqu'un État a besoin d’argent pour financer ses poli-tiques, renflouer son système bancaire, payer des intérêts..., il se finance sur les marchés financiers. les institutions qui achètent ces titres de dette ont, bien entendu, besoin, avant de le faire, de connaître le risque (de non-rem-boursement) qu'elles prennent. C’est pour cette raison qu'elles consultent les notes émises par les fameuses agences de notation financière.

Pourtant, ces dernières ne sont pas à l'abri d'erreurs d'estimation. Pour rappel, elles avaient donné aux subprimes, – ces produits dérivés par lesquels la crise est arrivée – la meilleure note, soit un triple A. De la même manière, lehman Brothers était encore notée AAA par standard & Poors deux jours avant que la banque d'investissement ne fasse faillite.

Mais voilà ! les agences de notations sont aujourd'hui encore considérées par les investisseurs comme les mieux informées et les seules, vu la com-plexité de la tâche, aptes à attribuer une telle note.

Bref, tout le monde s'accorde à dire que le système de notation par agence spécialisée n'est pas parfait, mais les alternatives se font rares !

l'austérité pour répoNdre À la crise

La chronologie globale des événements mon-diaux montre qu'il existe des liens entre crise financière et crise de la zone euro (cf. graphe). Jusqu'à présent, la solution propo-sée a été de passer à l'austérité : réduire au maximum les dépenses de santé, d'éduca-tion, d’investissement dans les infrastruc-tures, des pensions, de la sécurité sociale, etc. et ce, dans le but de rassurer les mar-chés financiers. résultat, la machine éco-nomique a encore ralenti. À tout le moins, ces politiques se sont jusqu'à présent avé-rées inefficaces. en effet, les citoyens ont moins de pouvoir d'achat, les recettes de l’état diminuent encore et la part relative aux dépenses augmente. aujourd'hui, même des économistes dont les arguments font autorité semblent faire marche arrière et ne prônent plus l'austérité à tous crins.

TrIMEsTrIEl No 28 · Décembre 2012

la spéculation sur la detteVoici quelques années, les rende-ments boursiers s'envolaient allègre-ment. Face à de tels rendements, la rentabilité des bons de caisse faisait pâle figure.

C’était bien sûr une autre époque et, désormais, certaines obligations d’État – comme celles de la Grèce – sont estampillées par les agences de notation comme investissements hautement risqués. Parallèlement, la spéculation sur la dette grecque a souvent été pointée comme un évé-nement aggravant et néfaste pour les finances du pays.

Spéculer sur la dette consiste, par exemple, à acheter des produits déri-vés de ces titres de dette. Les pro-duits dérivés, on le rappelle, ne sont pas nocifs en soi. ils représentent une assurance contre les hausses ou baisses des cours. Ainsi, on trouve normal qu’un boulanger s’assure contre la hausse du prix de la farine. il est important, voire capital pour ses affaires, qu’à tout moment de l'année, il puisse acheter la matière première au même prix pour ne pas devoir réduire sa marge bénéficiaire sur la vente du pain ou vendre son pain d’un jour à l’autre beaucoup plus cher, ce qui, à coup sûr, nuirait à ses affaires.

Ce qui pose problème lorsque l'on spécule sur la dette, c’est que les détenteurs de produits dérivés ne sont pas les mêmes que ceux qui possèdent le produit auquel ils sont adossés (les obligations). Dans l’exemple de notre boulanger, c’est comme si le voisin s’assurait sur la hausse du prix de la farine du bou-langer. Résultat, quand le prix de la farine augmente, le voisin gagne de l’argent ! notez que dans cet exemple, le voisin aurait aussi pu s’enrichir s’il avait spéculé à la baisse, c.-à-d. si le prix de la farine du boulanger avait diminué. Si l’on comprend aisément l’utilité économique des produits dé-rivés pour les affaires du boulanger, on la comprend moins pour le voisin. Son intérêt n'est pas économique,

mais strictement financier.

La crise a fortement déséquilibré les budgets des états. Face à la baisse des recettes, la part des dépenses publiques augmente. Pour avoir un budget à l'équilibre et pouvoir payer toutes leurs dépenses (dont le sauvetage des banques), les états se voient contraints d'emprunter sur les marchés privés. or, plus le pays est endetté, plus sa note est mauvaise, et plus le prix pour se financer (le taux d'intérêt) est élevé.

Une solution serait de créer une entité supra-nationale en mesure d'aider les banques do-mestiques. De cette manière, la banque pourrait renforcer la solidité de son bilan et poursuivre ses activités sans que l'état n'ait à intervenir. Le cercle vicieux serait alors interrompu.

1. d'après une analyse de cayrol, a., portraits économiques de l'espagne et du Japon – comparaison avec la belgique disponible sur www.financite.be / rubrique « bibliothèque ». 2. organisation de coopération et de développement économiques. 3. À titre de comparaison, le pacte de stabilité européen recommande un endettement maximal de 60 % du pib.

Noter les états autrement Plutôt que de noter la dette des États sur la base de leur solvabilité à court et à moyen terme, des experts de la société de Bourse oddo ont analysé leur durabilité en tenant compte des critères EsG (environnementaux, so-ciaux, de gouvernance).

Pas de bouleversement au niveau des têtes de liste puisque les pays scandinaves et océaniens, connus pour leur équilibre social, démo-cratique et leur bonne tenue éco-nomique, remportent les meilleurs ratings. Par contre, les États-Unis, le royaume-Uni et le luxembourg, qui jouissent tous trois d'un rating clas-sique solide, ont été mis « sous sur-veillance négative EsG ». D'après ces experts, la gestion environnementale, sociale et de bonne gouvernance de ces pays pourraient peser sur la sou-tenabilité de leur dette à long terme. la Belgique se situe au même niveau que l'Estonie, juste en deçà de la moyenne des pays dits « à opportu-nités ». Comme quoi, les risques ne sont pas toujours là où on les attend.

Plus d'infos sur www.oddo.fr

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Page 8: La dette dans tous ses États

Financitémagazine

réveillez le cochon qui dort sur vos idéaux !

Le DoSSieR Financité

Faut-il payer ses dettes ? plutôt que de rembourser leur dette, certains pays ont préféré consacrer ce budget à leurs politiques sociales et au redressement économique. solution géniale ou

fausse bonne idée ?

en bref l’équateur refuse de payer

pour une ancienne dictature. l’islande refuse de payer pour

les erreurs d'une banque privée. ce n'est pas toujours un calcul

à somme nulle.

antoIne FaIn1

est-il envisageable de ne plus payer ses dettes et de faire table rase du passé ? Quelques pays ont en effet fait le choix unilatéral de ne pas

rembourser les leurs.

la dette odieuse

en 2007, lorsque le président équatorien rafael correa prend ses fonctions, le pays consacre 32 % de son budget au rembourse-ment de sa dette et 12 % seulement au secteur de la santé.

cette dette, initialement contractée pen-dant les dictatures des années 1970, n'a cessé d'augmenter jusqu'en 2007. Pour y faire face, le pays a alors reçu l'aide du Fonds monétaire international (FmI) et de la banque mondiale (bm) en contrepartie de réformes structu-relles : austérité budgétaire, privatisation des entreprises publiques et, dès 2002, instaura-tion d'un Fonds de stabilisation, investisse-ment et réduction de l'endettement public. ce fonds avait pour but d'allouer 70 % des béné-fices issus de l'exploitation pétrolière au ser-vice de la dette.

Quand il accède au pouvoir, correa met en place une « commission pour l'audit intégral

de l'endettement public ». Le but : évaluer la légalité et la légitimité de la dette publique équatorienne (1976-2006) afin de distinguer la part des dettes qui doit être honorée par l'état et celle qui ne doit pas l'être. Le comité équatorien conclut que 70 % de la dette pu-blique n'ont pas été contractés dans l'intérêt du peuple et qu'il ne revient donc pas aux ci-toyens de la payer. L'économie de 7 milliards ainsi réalisée a permis d'augmenter les dé-penses sociales de 12 à 25 % du budget et de diminuer la part allouée au remboursement de la dette de 32 à 15 %.

Désormais, le pays n'est plus coté par les agences de notation et, depuis 2006, jouit d'un taux de croissance de 4 %. Il ne peut plus retourner sur les marchés des capitaux, mais n'a pas eu à le faire grâce aux apports alterna-tifs, notamment de la chine et d'institutions financières d'amérique du Sud.

L'annulation pure et simple des dettes est une solution radicale prônée par nombre d'organi-sations de défense des droits sociaux. D'après elles, les créanciers n'ont de toute façon aucun recours. en outre, cela permet aux pays d'inves-tir dans des politiques de relance plutôt que de se soumettre aux politiques d'austérité exigées par des organismes internationaux tels que le Fonds monétaire International.

reFus citoyeN

L'Islande a longtemps été citée en exemple par les économistes. Le secteur financier y tournait à plein, largement soutenu par les politiques qui garantissaient les investisse-ments des institutions bancaires.

mais, en 2006, l'agence de notation Fitch dégrade la note de l'une des trois grandes banques du pays au motif qu'ensemble, ces trois institutions opèrent au-delà de la capacité de la banque centrale islandaise à les soutenir. Les investisseurs deviennent méfiants. Pour les attirer à nouveau, la banque Landsbanki lance Icesave, une caisse d'épargne en ligne, propo-sant des conditions très attractives. rapide-ment, des centaines de milliers de particuliers ainsi que de gros clients institutionnels sont attirés par les rendements offerts par ce place-ment, particulièrement des investisseurs origi-naires d'angleterre et des Pays-bas.

La crise de 2008 oblige l’état islandais à nationaliser ces trois grandes banques pour leur éviter la faillite. Icesave devient pro-priété de l’état. Ses dettes envers les épar-gnants (3,7 milliards d'euros : 50 % du PIb islandais !) – principalement anglais et hol-landais – deviennent publiques. en cas de faillite, elles seront à charge du contribuable islandais (100 euros par habitant par mois à payer pendant 8 ans2). Le FmI propose alors une aide de 2,1 milliards, conditionnée au dédommagement des clients de Icesave et à des coupes budgétaires, notamment sociales, importantes.

mais les Islandais refusent de prendre en charge la dette bancaire. Le nouveau gouver-nement choisit alors de laisser Icesave tom-ber en faillite. La banque n'est donc plus en capacité de rembourser ses épargnants et doit seule assumer ses dettes. aujourd’hui, les états anglais et hollandais se sont portés ga-rants pour leurs épargnants et se retournent contre l'Islande pour se faire rembourser.

après cet événement, l'Islande fut présen-tée comme le pays qui refusait de courber l'échine devant son système financier.

mais tout le monde a-t-il gagné pour autant ? Le point commun entre ces deux exemples est peut-être la nature de la dette. La première est jugée odieuse, car contractée par un gouvernement dictatorial, tandis que la seconde est non éthique car elle résulte de risques insensés pris par une banque privée. Dans les deux cas, le refus de payer la dette a permis d'éviter l'aide d'organisations inter-nationales, conditionnée à la mise en place de politiques d'austérité.

cela étant, dans le cas de l'Islande en tout cas, la dette est reportée sur les gouverne-ments anglais et hollandais qui, à leur tour, devront la faire porter sur leurs propres contribuables. et les épargnants islandais qui avaient cru dans le projet de Icesave ont, quant à eux, perdu leur épargne.

1. d'après une analyse de Fain, a., la dette publique : petite leçon de démocratie, www.financite.be, rubrique bibliothèque 2. d'après une estimation de la journaliste du Figaro, stéphanie Kovacs. article disponible en ligne sur www.lefigaro.fr/international/2010/03/08/01003-20100308artFiG00013-les-islandais-rejettent-l-accord-icesave-.php>, consulté le 31/10/2012.

les dettes jamais rembourséesLes emprunts russesÀ la fin du XIXe siècle, la France et la russie se rapprochent. À partir de 1888, Moscou émet des emprunts sous la bénédiction des pouvoirs publics français. En 1914, 1,6 million de porteurs ont prêté 12 milliards de francs-or à la russie. Mais la révolution de 1917 coupera net les espoirs des épargnants de récupérer un jour leur mise. Deux mois plus tard, lénine décide de ne plus reconnaître les dettes de l'ancien régime. Depuis lors, les déceptions n'en finissent pas de prendre le pas sur les espoirs de remboursement. Plusieurs fois, lénine a proposé de rembourser les coupons aux Français mais, à chaque fois, en échange d'une nouvelle aide financière. En 1990, Gorbatchev a proposé de mettre un terme à cette attente et de rembourser les 400 000 descendants des épargnants de 1914. Quelques remboursements ont eu lieu de-ci, de-là, jusqu'en 2010, année au cours de laquelle le président de l'association française chargée de défendre les intérêts des porteurs français reçoit une lettre du président de la Fédération de russie annonçant un refus d'indemniser les détenteurs français d'obligations de l’État russe.

une dette vieille de 400 ans réclamée à l'espagneEn septembre dernier, un député polonais a réclamé à l'Espagne le remboursement d'une dette de 57,4 millions d'euros, l'équivalent de 430 000 ducats en or, empruntés au XVIe siècle par le roi Phi-lippe II d'Espagne auprès de la reine de Pologne pour couvrir les dépenses de la guerre entre l'Espagne et la France. Des juristes,

cités par les médias polonais, restent cependant sceptiques quant à la possibilité de recouvrer la dette !

L'annulation pure et simple des dettes est une solution radicale prônée par nombre d'organisations de défense des droits sociaux.

Page 9: La dette dans tous ses États

Financitémagazine

La finance solidaire existe, je l’ai rencontrée.

Le DoSSieR Financité

crise et finances publiques : le pire est à venir alors que les banques continuent de spéculer à leur guise, de nouvelles crises et donc de nouvelles injections de capi-taux sont à prévoir. une véritable bombe à retardement

pour les finances publiques belges.

pas sorti de l’auberGe

malgré les nombreux discours prononcés depuis quatre ans sur la nécessité de réguler le secteur financier, aucune mesure probante n’a été prise. Les comportements spéculatifs restent la règle et les produits toxiques conti-nuent de se développer au sein des institu-tions financières. avec des actifs de 60 000 mil-liards de dollars fin 2011 à l’échelle mondiale, le « Shadow Banking System », mécanisme qui permet aux banques de gérer des opéra-tions bancaires très risquées hors bilan et en dehors de toute régulation publique, montre à quel point une nouvelle crise financière de grande ampleur est parfaitement possible.

À ce montant de 32,5 milliards d’euros liés aux sauvetages de 2008 et 2011, il faut main-tenant ajouter 2,9 milliards d’euros pour le troisième sauvetage de Dexia. et ce n’est sans doute pas fini, puisque, dans son rapport d’avril 2012, le FmI cite la belgique comme l’un des pays de la zone euro où le secteur bancaire est le plus fragile2. De nouvelles re-capitalisations sont donc à prévoir.

Les garanties accordées aux banques en difficulté constituent également un risque de grande ampleur pour les finances publiques belges. Le 18 octobre 2011, le gouvernement en affaires courantes décidait, via un arrêté royal, de garantir pour les 20 années à venir les emprunts de Dexia Sa pour un montant de 54,45 milliards d’euros, soit 15 % du PIb belge. concrètement, si Dexia tombe, on peut se de-mander comment l’état belge pourra assumer un tel montant. en lien avec ce risque, mais aussi parce que cet arrêté viole plusieurs dis-positions fondamentales du droit belge, plu-sieurs associations ont introduit un recours en annulation devant le conseil d’état. affaire à suivre3.

le cercle Vicieux de la dette

en plus de plonger dans la récession, tous les états de l’Ue qui ont appliqué l’austérité jusqu’à présent se retrouvent avec des résul-tats inverses de ceux escomptés, c’est-à-dire des déficits et une dette en augmentation. La belgique ne fait pas exception et les consé-quences de la rigueur appliquée en 2012 n’ont pas tardé à se faire sentir. La croissance sera nulle en 2012, les faillites vont atteindre un nombre record et le chômage augmente inexo-rablement.

Un changement radical d’orientation est donc nécessaire et urgent. Le secteur financier doit être mis au pas et retrouver sa fonction première : être un outil au service de l’écono-mie et de l’intérêt général. Les responsables de cette catastrophe économique et sociale, à savoir les gros actionnaires, les gestionnaires et les autorités publiques de contrôle, doivent par ailleurs assumer leurs responsabilités. Jusqu’à aujourd’hui, au nom du réalisme, le courage politique a été totalement absent. Pourtant, la réalité est celle-ci : rassurer les marchés et se soumettre aux intérêts de la fi-nance ne marche pas. c’est l’inverse qu’il faut faire, et vite. Faute de quoi, dans un avenir plus ou moins proche, une très grave crise des finances publiques et de la dette belge pour-rait survenir, avec des conséquences sociales dramatiques.

1. soit 27 milliards assumés par l’état fédéral et 5,5 mil-liards assumés par les entités fédérées. pour plus d’infos sur la ventilation des coûts : oliVier boNFoNd, et si on arrêtait de payer ? , editions aden, juin 2012. 2. l’écho, 18 avril 2012 (www.lecho.be/actualite/economie_politique_international/ bientot_45_000_chomeurs_sup-plementaires_en_belgique_selon_le_Fmi.9182569-3501.art) 3. pour plus d’infos, voir : www.sauvetage-dexia.be/spip.php ?rubrique1

en bref les sauvetages bancaires ont

alourdi la dette publique belge. pourtant, de nouvelles

recapitalisations sont à prévoir. il en va de l'intérêt général de

changer d'orientation.

oLIVIer bonFonD

combieN a coûté la crise FiNaNcière eN belGique ?

après des années de spéculation financière insensée, en 2008 puis en 2010, les pouvoirs publics ont massivement injecté des capitaux dans les banques belges pour les sauver de la faillite. ces sauvetages bancaires, dont le coût total s’élève à 32,5 milliards d’euros1, soit en-viron 9 % du PIb belge, ont été intégralement financés via l’émission de titres de la dette publique sur les marchés financiers, c’est-à-dire via l’endettement public.

Le coût de la crise financière sur les finances publiques ne se résume cependant pas aux sauvetages bancaires : la crise financière a provoqué un ralentissement de l’activité éco-nomique, ce qui a fortement aggravé les défi-cits publics, via une diminution des recettes fiscales et une augmentation des dépenses so-ciales. c’est ainsi que la dette publique belge est passée de 282,1 milliards d’euros (84,1 % du PIb) en 2007 à 362,3 milliards d’euros (98,6 % du PIb) en 2011.

TrIMEsTrIEl No 28 · Décembre 2012

La dette publique belge est passée de 282,1 milliards d’euros (84,1 % du PIB) en 2007 à 362,3 milliards d’euros (98,6 % du PIB) en 2011.

le troisième sauvetage de dexia

a coûté 2,9 milliards à la belgique.

© le Mat

Page 10: La dette dans tous ses États

chaque fois que vous placez de l'argent dans un produit financier solidaire et que vous choisissez une association bénéficiaire, celle-ci reçoit de la banque un pourcentage de ce montant, lui permettant de développer ses

activités. Vous pouvez choisir des associations comme celles présentées ci-contre. cf. liste des produits financiers solidaires p. 15.

Financitémagazine

L’argent n’a pas d’odeur, nous avons des valeurs.

J’inVeStiS Éthique et SoLiDAiRe

J’inVeStiS Éthique et SoLiDAiRe

médecins du monde fournit des soins de santé à ceux qui en ont besoin. mais l'association refuse de travailler uniquement dans l'urgence. une action

qui dure plus qu'un hiver.

qui a conscience de la nécessité pour quelqu'un qui a vécu en dehors du système d'être à nouveau préparé au monde extérieur ? pas grand monde. heureusement, des associations comme adeppi gèrent

le problème.

un plan d'hiver permanent

des prisons plus instruites

Vous avez dit « finance solidaire » ?

A quoi sert mon argent ?

en bref 3000 consultations l'hiver dernier. réinsérer les exclus du système

de santé.

amanDIne cLoot

médecins du monde, ce sont deux terrains d'action : la belgique et le reste du monde. À côté des programmes menés dans notam-

ment plusieurs pays d'afrique, chaque hiver, 300 bénévoles assurent des soins à bruxelles et à anvers aux personnes en situation pré-caire, souvent des sans-abris. en 2011, ce sont plus de 3000 consultations qui ont été don-nées de novembre à mars. « De plus en plus de

MÉDeCinS Du MonDe rue de l’Eclipse, 6 1000 Bruxelles Tél. : 02/648.69.99 [email protected]

ADePPi 303, Chaussée d'Alsemberg1190 BruxellesTél. : 02/[email protected]

personnes vivent dans la rue aujourd'hui en Belgique. Nous les soignons dans l'ur-gence. L'hiver est la période durant laquelle elles ont le plus besoin de nous, mais aussi une des seules occasions d'établir un contact avec elles », explique Pierre Verbeeren, direc-teur général de l'association. car le directeur insiste : la mission des bénévoles ne s'arrête pas à l'aide d'urgence mais va bien jusqu'à la construction de plaidoyers destinés à faire réagir les pouvoirs publics et à donner la possibilité à des exclus de bénéficier de notre système de soins de santé. « Nous n'essayons pas de construire un système de santé paral-lèle. Nous avons clairement une mission d'ac-compagnement social et administratif ». Les soins sont donnés, oui, mais c'est possible les bénévoles de médecins du monde tentent d'effectuer en amont un véritable travail de

réinsertion sociale avec mutuelles, cPaS, ou encore autorités de l'immigration. Un inves-tissement impératif : l'hiver dernier, la moi-tié des patients n'avaient pas de couverture santé !

la VioleNce de la rue

« Il faut vraiment avoir conscience du fait que personne ne choisit de vivre dans la rue », insiste Pierre Verbeeren. « La violence y est terrible, violence physique, violence du stress, violence des maladies. C'est pourquoi il est urgent de réagir ». À l'heure actuelle, nous traversons une triple crise : celle du lo-gement, celle de la structure sociale, celle de la finance. Fatalement, le nombre de SDF aug-mente constamment. on compte actuellement à bruxelles, 1 sans-abri sur 1000 personnes. « C'est inacceptable ». on l'aura compris, la mission de médecins du monde en belgique s'étale plus que sur un hiver par an.

des actioNs corrélées

Le fait d'être présent dans plusieurs pays aide médecins du monde à être plus efficace. « Si nous sommes en mission à Kaboul en Afghanistan ou en Belgique avec des mi-grants afghans, nous agissons auprès de la même catégorie de personnes mais il n'est pas rare également de travailler avec les mêmes personnes ». De fait, ce lien entre les différentes missions améliore sensiblement la qualité du travail de l'association. De plus, les bénévoles collaborent toujours avec des partenaires locaux, ce qui permet également un véritable enrichissement pour les deux parties. médecins du monde travaille sans cloisonnement sur plusieurs fronts et sur le long terme avec un leitmotiv chaque hiver un peu plus fort : on peut soigner à la rue, mais pas guérir à la rue.

en bref humaniser la vie à l'intérieur

de la prison des ateliers culturels pour

changer le quotidien. des formations avant de

retourner « dehors ».

amanDIne cLoot

adeppi travaille à l'intérieur des prisons en instruisant des déte-nus depuis 30 ans. Un anniversaire et une bonne occasion de s'attar-

der sur un sujet très peu médiatisé : la vie en milieu carcéral et la préparation à la vie après la prison. « Le détenu est un individu. Il a droit au respect et puis il faut partir du principe que tout le monde peut s'améliorer. De là, bien sûr, le propos de notre travail », explique Philippe Gilsoul, formateur à la prison de St-Gilles. concrètement, l'associa-tion emploie 33 personnes, à temps plein et

partiel, réparties dans 11 prisons. Les cours donnés vont de l’alphabétisation à la forma-tion qualifiante selon le niveau du groupe.

le déteNu décide

contrairement à beaucoup de choses dans le milieu carcéral, suivre des cours n'est pas obligatoire. La démarche doit venir du détenu même. Une fois la volonté manifes-tée, les autorités de la prison décident s'il pourra participer ou non à une formation. Si la réponse est positive, c'est là qu'adep-pi, parmi d'autres associations, entre en jeu. « Nous rencontrons la personne pour dis-cuter avec elle des meilleures solutions, de son parcours de formation, de ses souhaits. Quelqu'un d'incarcéré est en manque de contact humain, à ce niveau-là, bien sûr, notre intervention est importante ». adeppi a mis en place des cours de remise à niveau en français et en calcul ainsi que des classes de néerlandais, d'anglais et d'informatique. aux détenus qui ne parlent pas notre langue,

une consultation donnée par un bénévole.

© Frédéric pauwels

Page 11: La dette dans tous ses États

Financité Le réseau Financement alternatif vous intéresse ? Devenez membre !

J’inVeStiS Éthique et SoLiDAiRe

la coopérative alterfin mobilise du capital dans le Nord pour permettre à des agriculteurs et petits entrepreneurs de se construire un avenir durable dans le

sud depuis 18 ans.

18 ans de développement durable dans le sud

en bref alterfin double son capital social

et le nombre de coopérateurs en trois ans.

alterfin finance environ 37.000 agriculteurs et petits producteurs à travers le monde.

GeorGeS karraS

ALteRFin SCRL Chaussée de Haecht 1591030 BruxellesTél. : 02 538 58 [email protected]/Alterfin

des programmes de lecture et d'écriture du français sont proposés.

À côté des actions d'éducation permanente, la culture est également au cœur de la dé-marche de l'association via la mise en place d'ateliers de théâtre, de peinture, de musique et d'écriture. et pour ceux qui le souhaitent et qui ont le niveau requis, adeppi travaille éga-lement en partenariat avec des écoles de pro-motion sociale. Les formations données sont dites alors qualifiantes.

« Donner la possibilité au détenu de suivre une formation qui lui fournira l'accès à une profession est primordial. Plus tard à sa sor-tie, un cours de gestion pourra par exemple lui permettre d'ouvrir un commerce. Bref, on est ici vraiment dans le concret. »

la réiNsertioN comme FiNalité

« La prison est un monde à part, mais qui n'échappe pas aux dérèglements du monde actuel, au contraire ». Surpopulation et dé-

gradation des conditions de vie en milieu carcéral sont en effet de réels débats. « Il faut comprendre que pour le détenu qui n'évolue que dans cet univers fermé, où la promiscuité est constante, il est difficile de trouver une véritable motivation ». D'où des conditions de travail difficiles pour les for-mateurs. « Nous devons être extrêmement flexibles dans un milieu qui ne l'est pas du tout. Mais si nous existons depuis 30 ans, ce n'est pas pour rien, nous croyons en ce que nous faisons ». Les formateurs d'adeppi suivent certains détenus pendant plusieurs mois et les progrès sont souvent significatifs. « Nous rencontrons quotidiennement des personnes totalement exclues de la société, il faut bien que quelqu'un les maintienne à flot ».

en maintenant ces détenus à flot, adeppi rend la réinsertion possible à la sortie. et à ceux qui ne seraient pas d'accord, l'associa-tion pose une question : n'est-il pas également dans l'intérêt de tous que d'anciens détenus réussissent leur retour à la vie normale ?

Nous ciblons les personnes marginalisées, c’est pourquoi nous vérifions toujours que les organisations que nous soutenons, tra-vaillent effectivement en faveur de ces per-sonnes, explique Hugo couderé, directeur d’alterfin. L’impact social de nos activités est primordial, poursuit ce dernier. c’est ainsi qu’alterfin soutient environ 37.000 personnes dans 23 pays du Sud dont deux-tiers d’entre elles sont des femmes qui vivent majoritaire-ment dans des zones rurales.

La force d’alterfin se trouve dans son lien avec ses partenaires dans le Sud. Grâce à ces liens étroits, nous avons une bonne connais-sance du terrain et pouvons mieux analyser la situation sociale et économique, insiste Hugo couderé. L’équipe d’alterfin est au-jourd’hui composée de douze personnes dont six gestionnaires de crédit spécialisés par zone géographique qui rencontrent au moins une fois par an les partenaires financés.

L’organisation a continué sa croissance exceptionnelle en 2012 portée par une dis-position fiscale favorable aux fonds de dé-veloppement opérationnelle depuis 2010. Les chiffres sont frappants, en trois ans le nombre de coopérateurs et le capital ont doublé et le volume des crédits a quant à lui triplé (voir encadré).

Continuer à augmenter le capital social d’Alterfin est essentiel pour nous permettre de financer un maximum de personnes dans le Sud et d’intensifier l’impact social de nos activités. C’est ainsi qu’en 2012, parmi nos nouveaux partenaires, nous comptons une organisation d’une centaine de producteurs de cannes à sucre au Paraguay et une ins-titution de microfinance en Amazonie équa-torienne qui octroie des micro-crédits prin-cipalement à des petits producteurs de café, plantains et fruits exotiques, déclare Hugo Couderé.

placement éthique aux avantages fiscauxDepuis décembre 2010, les particu-liers qui souscrivent à des actions de la coopérative Alterfin bénéficient d’une réduction d’impôt de 5% sur leur inves-tissement, pour autant que les parts soient détenues 5 ans. la mise minimale pour bénéficier de cet avantage doit être de 375 euros (soit 6 actions Alterfin à 62,50 euros). Cette réduction est plafon-née à 310 euros (soit un investissement de 6.250 euros ou 100 actions Alterfin) par contribuable belge. A noter encore, Alterfin a distribué en 2011 un dividende de 3,75% brut, exonéré de précompte

mobilier jusqu’à 180 euros pour les particuliers.

un producteur de cannes à sucre au para-

guay financé par alterfin.

© oxfam Wereldwinkels

Jacqueline rousseau a fondé adeppi il y a 30 ans. ici avec des élèves en prison.

TrIMEsTrIEl No 28 · Décembre 2012

sept. 2009 sept. 2012

Capital social (en euros)

9.982.188 22.203.188

Portefeuille (en euros)

7.432.851 22.590.979

Nombre de coopérateurs

1.227 2.736

Nombre de collaborateurs

8 12

en chiffres

L’objectif d’alterfin est de développer un réseau financier accessible aux personnes socialement et économi-quement défavorisées dans les pays en

voie de développement. La coopérative inter-vient auprès d’associations de petits produc-teurs agricoles qui s’inscrivent dans le cadre du commerce équitable, ou au travers d’institu-tions rurales de microfinance qui elles-mêmes accordent des crédits aux agriculteurs.

Page 12: La dette dans tous ses États

Les groupes Financité

changent la finance !

Financitémagazine

choisissez le projet que vous voulez soutenir.

J’AGiS ReSPonSABLe et SoLiDAiRe

1001 façons de découvrir ou promouvoir la finance

solidaire !

participez

communautés autofinancées, les caF encouragent l'épargne et les crédits collectifs. Focus sur le groupe raci.

épargnez ensemble !

La caF racI a démarré il y a quelques mois, conséquence du programme pi-lote de micro-épargne mené l'année

dernière par le rFa en collaboration avec la Fecbe, la Fédération des équatoriens de belgique. en espagnol, racI signifie « red de ahorros y creditos del inmigrante », soit « réseau d'épargne et de crédit pour les mi-grants ».

Les caF sont nées en espagne en 2004. Leur but ? Partager un nouvel outil d'épargne. Le principe ? L'épargne des membres permet d'accorder de petits crédits à l'intérieur du groupe. Les intérêts collectés par le crédit sont ensuite redistribués aux membres en fonction de l'épargne qu'ils y ont placée, pour autant que personne ne prenne le pou-voir économique et ne joue le seul rôle de créancier. Une innovation sociale qui per-met de construire petit à petit une relation de confiance par le biais de l'argent, alors que généralement ce dernier est plutôt syno-nyme de méfiance des uns envers les autres. La solidarité très forte au sein du groupe, l'apprentissage mutuel et la répartition des responsabilités constituent l'autre pilier qui sous-tend les actions.

Grâce à la caF, le groupe racI a acquis une certaine forme d'autonomie et une plus grande responsabilité pour la gestion d'une épargne collective. Principalement constitué de migrants d'amérique latine, racI a pour ambition d'être un levier d'action pour cette communauté installée en belgique depuis plusieurs années, peu importe le pays d'ori-gine. après avoir discuté et négocié les statuts internes de fonctionnement, le premier mi-cro-crédit a pu être octroyé et les réunions se déroulent dans une ambiance très conviviale. Les membres ont décidé que les fonctions

Rejoignez le mouvement FinancitéDepuis 2010, les groupes locaux Financité continuent de fleurir un peu partout en Belgique. réponses citoyennes à la crise financière, ils se sont développés chacun à leur manière, mais toujours autour des mêmes thématiques : la finance responsable et solidaire, les monnaies complémentaires, l'épargne et le crédit. le réseau Financement Alternatif (rFA) soutient ces groupes de citoyens qui veulent comprendre et agir afin de proposer des alternatives concrètes à la crise économique et sociale. Comment ? le rFA vous apporte un soutien logistique, humain, informatif et... financier.

Participer à une CAF vous intéresse ?retrouvez toutes les infos sur les caF sur la page Groupes locaux du site financite.besi vous avez envie de vous informer, de participer à une caF existante ou d'en créer une, écrivez-nous à [email protected] ou appelez le 02/340 05 63.

www.financite.be

FinancitéGroupes locaux

Le 21 janvier 2013 : État des lieux sur la dette publique.comment et pourquoi les états sont-ils endettés ? retour sur les causes de l'accroissement des dettes publiques lié au sauvetage du système financier et sur ses consé-quences : les mesures d'austérité imposées à toutes les populations d'europe. analyses des mécanismes et des acteurs qui interviennent dans l'accumulation et le financement de la dette.

Le 18 fÉvrier 2013 : Les enjeux de la dette publique belge. avec un intervenant du cadtm.recapitalisation des banques, garanties astronomiques accordées à Dexia par l'état belge, et demain la faillite ? De nombreux collectifs réclament aujourd'hui un audit de la dette publique belge afin de valider la légitimité de celle-ci : qu'en est-il exactement ?

Le 18 mars 2013 : solde restant dû ?avec un intervenant du cadtm.Les pays dits du Sud ont déjà remboursé plusieurs fois leurs dettes. mécanisme de domination ou dette légitime ? ana-lyse également sur l'état des dettes dites « odieuses » dans le monde. Les fonds vautour, ces fonds spéculatifs qui pillent le Sud. Pourquoi et comment est-ce possible ?

les formations ont lieu de 12h30 à 14h à l’adresse bruxelloise du réseau (rue du botanique, 67-75 à 1210 bruxelles). la participation à ces ateliers est gratuite, mais l’inscription est vivement recommandée. Venez partager votre sandwich avec nous, les boissons vous sont offertes.

Pour vous inscrire, téléphonez au 02/340 08 60 ou envoyez un courriel à [email protected].

midis formations à la finance responsable et solidaire un livre édité par le Réseau

Financement Alternatif

« Crise financière et modèles bancaires »

Vidéo sur financite.be

essentielles, à savoir Président-trésorier- caissier, seraient distribuées de manière rotative afin que tout un chacun participe à la prise de responsabilités. Grâce au soutien d'un animateur du rFa, le groupe se familia-rise petit à petit à la méthodologie de base indispensable pour assurer un suivi correct des entrées et sorties d'argent.

Une expérience encourageante qui a été menée par le rFa autour d'une douzaine de groupe de micro-épargne. aujourd'hui, aux vues des résultats positifs, il est possible d'aller plus loin et d'encourager de nouvelles formes de solidarité et de participation. avec pour leitmotiv, l'épargne comme outil d'émancipation !

ContACteZ-nouS : www.financite.be - section groupes locaux 02/340 08 63 - [email protected]

Disponible sur www.financité.be et en librairie

au prix de 15 euros

Page 13: La dette dans tous ses États

Financitémagazine

Financer une multinationale ou un projet social ?

le Financité Magazine est une publication trimestrielle distribuée à 100 000 exemplaires et destinée à mieux faire connaître la finance responsable et solidaire en Belgique.

Abonnez-vous : vous recevrez chaque trimestre dans votre boîte aux lettres votre précieux magazine ; vous serez informé des dernières nouvelles sur la finance responsable et solidaire ; vous contribuerez ainsi à mieux faire connaître la finance éthique et solidaire.

Pour vous abonner, il vous suffit de verser 10 € (avec la mention Abonnement Financité + votre nom ) sur le compte BE29 0011 0106 3164 du réseau Financement Alternatif. Envoyez-nous par courriel ou par courrier postal une confirmation de l’adresse postale du ou des destinataires à [email protected] ou au réseau Financement Alternatif, rue Botanique, 75 – 1210 Bruxelles.

teNeZ Votre eNtouraGe iNFormé !En distribuant le Financité Magazine autour de vous, vous contribuez à sensibiliser le grand public à une pratique plus responsable de l'argent. C'est pourquoi, à partir d'une diffusion de 25 Financité Magazine, nous vous fournissons gratuitement.Contactez-nous au 02 340 08 62 ou via [email protected]. N’hésitez pas à nous proposer d’autres façons de faire passer le message : organisation d’une conférence sur la finance éthique et solidaire dans votre commune, lien depuis votre site Internet, etc.

deVeNeZ membre du réseau FiNaNcemeNt alterNatiFVous donnerez plus de poids à tous ceux qui soutiennent que la rentabilité de l’argent peut être non seulement économique, mais aussi sociale, environnementale et humaine. Pour devenir membre, il suffit de verser 25 € sur le compte 001-1010631-64 du réseau Financement Alternatif avec la mention « membre rFA ».

aVaNtaGes réserVés aux membresVous soutenez un groupe local Financité. 15 € de votre

cotisation leur sont directement versés.

Vous recevez gratuitement le Financité Magazine chez vous.

Vous recevrez gratuitement le Financité Hebdo (les news du réseau) et la Dépêche Financité (l'actu de la finance responsable et solidaire).

Vous avez accès à tous les documents de la bibliothèque du réseau Financement Alternatif.

Vous participez aux assemblées générales du réseau où vous aurez un droit de vote sur toutes les décisions concernant le réseau.

Vous recevez 10 % de réduction sur les services et publications du réseau.

Vous aussi...

souteNeZ Votre maGaZiNe : aboNNeZ-Vous !

Financitémagazine

Ensemble, changeons la fi nance

Finance en

eaux troubles

Pour une autre fi nance

Des résistances citoyennes émergent de par le

monde. Elles visent à réorienter la politique de

l'eau vers l’intérêt général, pp.8-9

Finance-la-Neuve interpelle l'Europe, p.12

L'eau : bien commun ou source de profi t ? p.4

Face à la privatisation du secteur, quels rôles

peuvent encore jouer nos élus ? pp.5-7

NUMÉRO 25

UNE PUBLICATION

DU RÉSEAU

FINANCEMENT

ALTERNATIF

MARS 2012TRIMESTRIEL

BUREAU DE DÉPÔT :

6000 CHARLEROI

© Jens Grossmann/laif

FinancitémagazineEnsemble, changeons la finance

Numéro26uNe publicatioN

du réseau FiNaNcemeNt alterNatiF

Juin 2012

trimestriel

bureau de dépôt : 6000 charleroi

Épargnez-vous votre banquier

Pour une autre financeL’Épi, la nouvelle monnaie en Lorraine belge, p.12

Plus de relance, moins d'austérité, p.14

Le monopole des banques commerciales est récent en Belgique, p.4

Des milliers de personnes épargnent et investissent sans passer par les banques, pp.5-8

© Reporters/Isabel Grosse Holtforth

la deuxième édition des états généraux de la finance responsable et solidaire s'est déroulée en octobre dernier.

un succès : vous étiez près de 500 à avoir répondu à l'invitation.

TrIMEsTrIEl No 28 · Décembre 2012

après-midi débat aux états généraux de la finance responsable et solidaire.

Vers une finance plus responsable et solidaire

a l'occasion de ses 25 ans et après quinze jours de débats et d'anima-tions partout à bruxelles et en Wallo-

nie pour mieux faire connaître les initiatives citoyennes en matière de finance responsable, le réseau Financement alternatif organisait la deuxième édition des états généraux de la finance responsable et solidaire où près de 500 personnes, citoyens, représentants des mondes associatif, académique et politique ont répondu présents. Le public a rencontré les acteurs de la finance solidaire, participé à des ateliers pour découvrir d'autres modèles économiques comme celui des coopératives (avec ses principes de démocratie participa-tive et de limitation des dividendes) ou encore pris part au débat autour du thème « crise financière et modèles bancaires ».

du chaNGemeNt !

Le réseau Financement alternatif plaide pour une finance responsable et solidaire, celle qui investit directement dans l’économie réelle plutôt que dans des produits financiers, une finance qui œuvre à l’intérêt général et qui permet d'investir dans des projets utiles à l’homme et à l’environnement. c’était ce vi-sage-là de la finance que les participants aux états généraux étaient venus rencontrer, grâce notamment aux nombreux stands d'associa-tions membres du rFa ou encore des groupes locaux Financité. en conclusion à cette jour-née, bernard bayot appelle les citoyens que nous sommes tous à nous engager en parti-cipant individuellement et collectivement, au débat politique, en accordant, individuelle-ment et collectivement, nos choix d'utilisa-teurs de services financiers avec les principes que nous voulons défendre, en se rassemblant dans nos quartiers, dans nos communes mais aussi au niveau global, pour renforcer un mouvement citoyen pour une finance respon-sable et solidaire.

bonne année 2013 !

Page 14: La dette dans tous ses États

Financitémagazine

Investisseur solidaire ? Dites-le à vos amis !

LA FinAnCe Éthique et SoLiDAiRe en PRAtique

Finance islamique et solidaire ?déjà entendu parler de finance halal ? un secteur qui pèse notamment 14 milliards d'euros au royaume-uni. et qui sur certains points convergent pas mal avec celui de finance

solidaire.

en bref la finance islamique suit la charia. elle interdit toute forme d’intérêt. elle est fondée sur des critères

extrafinanciers et éthiques.

amanDIne cLoot1

Pour bien comprendre la finance isla-mique, il vous faudra d'abord oublier les principes inhérents à la finance classique. Ici, c'est la charia, ou l'en-

semble des interprétations du coran et de la Sunna qui définit les règles du jeu. Sa prin-cipale caractéristique est d'ailleurs celle qui surprend le plus : en finance halal, tout forme d'intérêt, fixe ou prédéterminé, est interdite. autre principe fondamental : toute manœuvre purement financière non liée à une activité économique est prohibée.

les rèGles de la charia

Une spéculation, une transaction financière qui n'est motivée que par elle-même, est donc interdite en finance islamique. chaque mou-vement financier devra en outre provenir d'ac-tivités non illicites, ou non haram. La charia interdit en effet aux musulmans le commerce des produits suivants : l'industrie porcine, l'alcool, le tabac, la pornographie, les armes, ou encore les jeux de hasard et le cinéma. Si un pourcentage jugé acceptable des bénéfices liés à un projet provient d'activités haram, la transaction pourra être tolérée mais soumise au principe de purification des revenus. cette opération consiste à reverser les bénéfices générés par une activité illicite à une œuvre de bienfaisance. enfin, au sein d'une banque islamique, c'est le sharia board, un conseil réunissant des théologiens qui en principe ont suivi une formation en économie ou en finance, qui prend les décisions. Il vérifie la conformité des actions prises par la banque avec la charia et octroie également un certifi-cat sharia compatible aux fonds d'investisse-ment halal.

des critères extra-FiNaNciers

Pour décider d'investir ou non dans un projet, le sharia board procède à un double filtrage. Le premier est un filtre extra-financier. Il faudra en effet vérifier que l'entreprise ne s'adonne pas à des activités haram. À titre d'exemple, les secteurs de l'hôtellerie et de l'aviation sont normalement exclus. Pourquoi ? Parce que ces industries ont l'habitude de servir de l'alcool. La vente d'alcool ne sera tolérée que si les bénéfices retirés sont compris entre 5 à 15 % selon les sharia boards. et comme expliqué plus haut, l'argent récolté grâce à ces activités sera pu-rifié en étant reversé à des œuvres caritatives.

Le second filtre, financier lui, est surtout destiné à juger de l'endettement d'une société. Le sharia board tiendra compte du pourcen-tage de deux ratios : le ratio de la dette sur la capitalisation boursière et le ratio des liqui-dités et titres porteurs d'intérêts détenus par l'entreprise sur la capitalisation boursière. Qui dit dette, dit en effet riba (intérêt) et est donc considéré suspect par la loi islamique.

quels iNVestissemeNts ?

Deux grandes catégories de produits d'inves-tissement sont à distinguer en finance isla-mique : les portefeuilles de titres conformes à la charia et les financements de projets. La première catégorie est légèrement moins ré-gulée que la seconde car il est bien sûr diffi-cile pour la banque, alors actionnaire parmi d'autres du fonds, de dialoguer avec les dif-férentes entreprises le composant. a contra-rio, lorsqu'une banque islamique finance un projet dans sa quasi-totalité, le sharia board sera très strict et exigera une conformité to-tale des actions du projet avec les préceptes de la charia.

pas si diFFéreNtes...

Vous l'aurez sans doute remarqué au fil de la lecture, la finance islamique présente quelques similitudes avec la finance responsable. on notera premièrement l'origine religieuse : la finance socialement responsable a été fondée sur des considérations religieuses également, réprouvant ce qui est nuisible pour l'homme et la société. À l'heure actuelle cependant, la majorité des fonds ISr se basent sur des cri-tères environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance. À ce niveau d'ailleurs, les deux types de finance divergent. Si la finance isla-mique est clairement conduite par certains critères éthiques, elle n'accorde pas d'impor-tance dans sa sélection aux critères environ-nementaux et sociaux. Les critères éthiques dont elle tient compte se résument à éviter les secteurs interdits par la loi islamique. La purification des revenus impurs est un autre point de comparaison. cette démarche n'est en effet pas très éloignée de celle des produits financiers avec partage solidaire, qui consiste à reverser une partie des bénéfices tirés d'un investissement à une association. mais dans le cas d'un investissement solidaire, l'inves-tisseur a souvent le droit de choisir à qui seront reversés ses bénéfices. en finance isla-

? ?

mot à mot !

SiGniFiCAtion :des économies mesquines ou insignifiantes.

oRiGine :À l'époque, le personnel qui travaillait dans les habitations bourgeoises avait pour habitude de réunir les restes de chandelles, le suif non brûlé, et de les revendre à un cirier pour qu'il en fasse de nouvelles. cette coutume de récupération était perçue comme ridicule et mesquine par les familles bourgeoises

et l'économie correspondante comme insignifiante. ce qui explique les deux manières de connoter l'expression.

« Des économies de bout de chandelle »

le précédent numéro du Financité Ma-gazine (FM 27) traitait des moyens dont disposait la Banque centrale européenne (BCE) pour financer les États (Pourquoi les États n'empruntent pas à la banque centrale européenne ?).

Franco Carminati, membre du GT Monnaie et d'Attac, a réagi à cet article qui, selon lui, apporte de l'eau au moulin du discours dominant, là où il faudrait le contester.

En substance, voici les arguments avancés : sur une fausse perception de la créa-

tion monétaire : il est faux de prétendre que la BCE finance indirectement les État : sa seule aide consiste à prendre en pension en quantité plus importante qu’elle ne l’aurait fait par le passé des bons d’État devenus « douteux » sur les marchés pour éviter que les taux d’inté-rêt ne montent trop fort pour les États concernés.

sur le dumping monétaire : il est souvent argumenté que si un État gar-dait le pouvoir de dévaluer sa monnaie, il fausserait les équilibres économiques et pratiquerait un dumping monétaire déloyal vis-à-vis de ses partenaires com-merciaux. (…) là où une modification des taux de change aurait permis de corriger la donne, la monnaie unique interdit ces ajustements. Nous sommes loin d’une situation vertueuse et collaborative !

sur la peur irrationnelle de la « planche à billets » : la BCE s’est rendue à l’évidence qu’elle ne pouvait contrôler l'inflation (contrairement à la mission qui lui est assignée). Depuis plusieurs années, ce critère n’est plus central pour la BCE. Il est surprenant que nombre de progressistes en soient encore restés à cette vision monétariste !

retrouvez le texte complet sur www.financite.be, dans le dossier de ce magazine. si, vous aussi, vous voulez réagir aux articles du Financité Magazine, écrivez-nous ! Nous ne

manquerons pas de publier vos textes. [email protected]

Du côté des lecteurs

mique, il s'en référera à la politique de la banque ou

du fonds. entre similitudes et diffé-

rences, se distingue une conver-gence fondamentale entre finances is-

lamique et solidaire : la prise en considération des critères extra-financiers pour contribuer à une finance plus responsable, non tournée exclusivement vers le profit. Une finance qui, dans les deux cas de figure, redevient l'outil des entrepreneurs et non des spéculateurs.

1. d'après une analyse de hernalsteen, m., la finance islamique : vous avez dit investissement halal ?, www.financite.be, rubrique bibliothèque.

Page 15: La dette dans tous ses États

Financitémagazine

besoin de plus d’infos ? consultez www.financite.be

LA FinAnCe Éthique et SoLiDAiRe en PRAtique

doNNeZ du seNs À Votre arGeNtprêt À placer uNe partie de Votre arGeNt daNs des proJets À plus-Value sociale,

eNViroNNemeNtale ou culturelle ? Faites Votre choix.

iNVestissemeNt solidaire collectiF

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Et aussi toute l'actualité de la finance responsable et solidaire, des analyses d'éduca-tion financière, des jeux pour mieux comprendre la finance, mais aussi des vidéos, des témoignages, ... Grâce à sa bibliothèque en ligne, financite.be est également devenu une référence en matière d'ouvrages et de réflexion sur la finance responsable et solidaire. Près de 3 000 documents sur la finance y sont accessibles en quelques clics.

investissez chez un financier solidaire

Vous confiez votre argent à d'autres organismes financiers éthiques qui, à leur tour, l'investissent dans les projets à plus-value sociale, environnementale ou culturelle.

CoopÉrativesalterfin ( www.alterfin.be ) : finance des institutions de microfinance et des associations de petits producteurs liés au commerce équitable dans le sud.

Crédal ( www.credal.be ) : finance des projets, des entreprises belges d’économie sociale ou actives dans la lutte contre l’exclusion et octroie des microcrédits en Belgique.

eltys ( www.eltys.org ) : investit dans des projets de petite et moyenne taille respectant une charte éthique sociale, écologique et économique.

incofin ( www.incofin.be ) : finance des petites entreprises dans les pays en développement et en transition via des institutions de microfinance durables.

oikocredit-be ( www.oikocredit.be ) : finance des projets solidaires dans les pays en voie de développement.

asBLL’aube, La Bouée, Les ecus Baladeurs, La fourmi solidaire, Le pivot financent des associations belges à visée locale.

BanquesCompte d'épargne triodos (www.triodos.be) : investit dans l’environnement ( 40 % ), l’économie sociale ( 23 % ), la culture

et le non-marchand ( 35 % ) et dans d’autres secteurs durables ( 2 % ).

investissez dans le projet qui vous importe

Vous choisissez directement l'entreprise, la banque ou le projet dans lequel vous investissez, pour soutenir une économie sociale et respectueuse de l'environnement.

CoopÉratives* et asBLagricovert (www.agricovert.be) :[parts] distribue des produits agricoles bio (par le biais de circuits courts) et aide les exploitants à s’installer et maintenir une agriculture paysanne familiale.

emissions Zéro ( www.emissions-zero.coop ) : [parts] investit dans la production d'énergie renouvelable.

espace Kegeljan ( www.espacekegeljan.be ) : [parts] s’occupe de l’éco- et la biorénovation d’un bâtiment à Namur destiné à héberger des associations.

Lucéole ( www.luceole.be ) : [parts] réalise des investissements durables dans le domaine des énergies renouvelables à Habay.

Les tournières ( www.lestournieres.be ) : [parts] réhabilite des bâtiments dans la région de liège pour en faire des habitations sociales ou les louer à des associations.

nosse moulin ( www.nossemoulin.org ) :[parts] investit dans la production d'énergie renouvelable.

réseau financement alternatif (www.financite.be) : [obligations] promeut la finance responsable et solidaire.

vins de Liège : [parts] développe une activité viticole respectueuse de l'environnement sur les hauteurs de liège.

BanquesBanque triodos ( www.triodos.be ) : [certificats d'action] investit dans le capital de la banque Triodos, qui soutient l'économie réelle.le dividende des coopératives agréées varient entre 0 et 6 %. le montant minimum à investir dépend du

produit. Pour les coopératives présentées, il varie entre 60 et 500 €.

Soutenez une association Vous placez votre argent dans des produits financiers qui investissent dans des entreprises éthiques cotées en Bourse. Le Réseau Financement Alternatif se charge de reverser une partie des bénéfices réalisés sur le produit à une association bénéficiaire de votre choix**. Plus vous investissez, plus l'association reçoit de l'argent !

Comptes D'ÉpargneCompte d'épargne Cigale de Bnp paribas fortis ( www.bnpparibasfortis.be ) : investit 25 % dans des projets à plus-value sociétale et 75 % dans des entreprises cotées en Bourse respectant les critères éthiques, sociaux et environnementaux. la banque cède 0,23 % de l'encours à une association au choix de l'épargnant**. Celui-ci, en outre, peut également lui céder ses propres intérêts.

fonDs De pLaCementaltervision Balance europe ( www.bnpparibasfortis.be ) : investit dans des entreprises cotées en Bourse respectant les critères éthiques, sociaux et environnementaux. la banque cède 60 % des droits d'entrée à une association au choix de l'épargnant**.

evangelion ( www.degroof.be ) :investit dans des entreprises cotées en Bourse respectant les critères éthiques, sociaux et environnementaux. la banque cède 60 % des droits d'entrée à la Fondation saint-Paul.

**Depuis 25 ans, le réseau Financement Alternatif ( rFA ) soutient des associations grâce aux mécanismes du partage solidaire. l'association est à choisir parmi les 90 membres du réseau Financement Alternatif, actifs dans l’économie sociale, l’environnement, la lutte contre l’exclusion, l’éducation et la formation, la paix et les droits de l’homme, les relations Nord-sud ... la liste de

nos membres est disponible sur www.financite.be ( rubrique rechercher / membres rFA ).

TrIMEsTrIEl No 28 · Décembre 2012

Page 16: La dette dans tous ses États

Financitémagazine

Souscrivez des produits solidaires via www.financite.be

LA tRiBune Financité

le solidaire à la françaisedepuis 2010, sophie des mazery dirige Finansol, association regroupant les acteurs de la finance solidaire en France. chez nos voisins, beaucoup de changements dans le secteur sont en marche, notamment au niveau des

pouvoirs publics.

Sop

hie

des

Ma

zery

Donc, on peut parler d'une véritable conscience solidaire en France ?en tout cas, il y a du progrès. nous en sommes même à un vrai tournant. La crise que l'europe est en train de traverser est terrible, dévastatrice. mais a aussi un effet de catalyseur sur la conscience des gens : la grande majorité de la population ne veut plus que son argent serve à n'importe quoi, pire, qu'il aille contre l'intérêt général. Les gens veulent désormais savoir précisément où va leur épargne. on remarque aussi que parmi les différents secteurs de la finance solidaire, tout ce qui touche aux besoins sociétaux directs des Français est la première source d'investissement. Investir par exemple dans une société qui créera de l'emploi ou des lo-gements sociaux en France. À contrario, les investissements à destination des pays du Sud baissent, mais heureusement le secteur est soutenu par un noyau militant.

Au niveau politique aussi, il y a du changement....Le nouveau gouvernement est bien plus sen-sible à notre cause. La preuve directe : nous avons désormais un ministre de l'économie sociale et solidaire, une nouveauté. et sur-tout ce ministre est directement rattaché au ministère de l'économie et des Finances, preuve aussi que la matière intéresse, que la finance solidaire est vue comme un secteur en croissance, générateur d'argent égale-ment. benoît Hamon, l'actuel ministre, tra-vaille pour plus de visibilité. Une loi-cadre est prévue pour le premier semestre 2013, c'est une avancée incroyable. nous pour-rons disposer de vraies statistiques. en défi-

nissant clairement la finance solidaire, elle pourra mieux se développer, s'organiser, car ce qui ne se compte pas ne compte pas, mal-heureusement.

Finansol a organisé en novembre dernier, comme chaque année, la Semaine de la finance solidaire. Vos impressions sur cette édition ?ce fut une très belle semaine. nous avions prévu un impact communicationnel fort, avec une campagne relayée dans un maximum de médias et beaucoup d'événements, notam-ment, les Grands Prix de la finance solidaire organisés en partenariat avec Le monde. et oui, mon impression est très positive, nous en sommes à un tournant !

Et vos souhaits pour 2013, alors ?notre message pour 2013, il est valable en France, mais aussi partout en europe. nous voulons que 1 % du patrimoine des euro-péens soit investi dans des entreprises aux plans sociétaux forts, nous voulons, entre autres, que les jeunes motivés qui pensent solidaire, qui pensent durable puissent obte-nir le financement nécessaire à leur projet. actuellement, 0,1 % du patrimoine est investi en finance solidaire1. La progression devra donc être forte sur le moyen terme, mais en même temps qu'est ce que c'est que 1 % ? cela nous paraît accessible. Il est temps que tous les épargnants se disent qu'une partie de leur épargne peut avoir une vocation sociale.

1. en belgique, l'encours de produits solidaires au 31 décembre 2012, s'élève à près de 5 milliards d'euros, soit 1,19 % des investissements totaux.

entretien réalisé par amanDIne cLoot

Financité : Finansol en quelques mots, pour les lecteurs qui ne vous connaissent pas ?Finansol est une association qui regroupe les acteurs de la finance solidaire, des établisse-ments financiers qui proposent des produits solidaires et des entreprises à fortes acti-vités sociales ou environnementales. notre mission au sens large consiste à développer et à promouvoir la finance et l'épargne soli-daire. nous menons, dans ce but, différentes actions : des actions de communication, un suivi de la situation via des analyses et en-fin une sensibilisation des pouvoirs publics. nous avons aussi créé un label de produits financiers solidaires. À l'heure actuelle, le portefeuille en contient 122, tous sélection-nés d'après deux critères : une transparence totale et la solidarité. Une partie de l'argent engrangé par ces produits doit impérative-ment être reversée à des entreprises à fort impact social ou environnemental.

Y-a-t-il une définition de la finance solidaire à la française ?Il faut surtout distinguer chez nous l'ISr (investissement socialement responsable) de la finance solidaire. L'ISr, d'un côté, sélec-tionne des entreprises cotées sur les mar-chés d'après des critères eSG (environne-mentaux, sociaux et de bonne gouvernance). La finance solidaire, de l'autre, finance des entreprises choisies en fonction de leur uti-lité effective comme la lutte contre l'exclu-sion, la cohésion sociale ou encore le déve-loppement durable. ces entreprises ne sont pas cotées en bourse. cependant, nous avons un point de convergence avec les oPVcm, organismes de placement collectif. Si l'épar-gnant place son argent dans un oPcVm soli-

daire, 10 % de son épargne est affecté au financement de projets solidaires.

Les 90 % restant (composés de titres cotés classiques)

doivent eux être obliga-toirement affecté à des

fonds ISr.

Et au niveau historique ? La finance soli-daire a été créée en France, il y a un peu moins de 30 ans, par

des militants asso-ciatifs. Puis il y a eu

un véritable tournant dans les années 2000.

en France, une entre-prise est obligée de reverser

un pourcentage de ses bénéfices à ses employés via l'épargne. en 2003, une loi est passée obligeant toutes les sociétés à proposer au moins un fonds d'épargne soli-daire à leurs employés. L'épargne solidaire a alors connu une très forte progression. en 10 ans, son encours a été multiplié par 12. Je pense qu'en finance, c'est sans doute l'une des meilleures performances jamais enregis-trées, non ?

En 2003, une loi est passée obli-geant toutes les sociétés à propo-ser au moins un fonds d'épargne solidaire à leurs employés. L'épargne soli-daire a alors connu une très forte progression.

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TrIMEsTrIEl No 28 · Décembre 2012