la loi spinetta - esa : formation en assurance – bts...
TRANSCRIPT
2
Remerciements
C’est ma deuxième année dans le monde de l’assurance, et ma formation
chez Marsh S.A s’est révélée être une expérience très enrichissante et bien
plus formatrice que ma précédente année.
J’ai eu la chance d’être acceptée au sein du service Construction et Risques
Techniques, me permettant ainsi d’acquérir des connaissances théoriques et
pratiques extrêmement utiles pour la poursuite de mon cursus et de mon
avenir professionnel.
Je tiens à remercier les personnes avec qui j’ai eu la chance de travailler
cette année, de leur gentillesse, du temps qu’ils m’ont accordé au cours de
mon apprentissage ; notamment le responsable de l’équipe avec qui j’ai eu le
plaisir de travailler, Monsieur Calixte MOMPELAT-THOREL, ainsi que mes
différents collaborateurs et collaboratrices du service Construction.
Naturellement, je remerciements ma responsable et tutrice, qui a été
toujours disponible et à mon écoute cette année Madame Tania REVA.
Je souhaite exprimer ma gratitude envers Monsieur Patrice-Michel
LANGLUME, qui s’est montré disponible dans la construction et réalisation
de cette thèse professionnelle.
Enfin un ultime remerciement à l’Ecole Supérieure d’Assurances et
l’ensemble de ses intervenants pour leur gentillesse et disponibilité envers
notre classe de M.B.A « Audit et Risques d’Entreprises ».
3
Tables des matières
INTRODUCTION 6
1. LE PILIER DU DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION : LA LOI
SPINETTA DE 1978 9
1.1 L’AVANT SPINETTA ET SON EVOLUTION LEGALE 9
1.1.1 LE CODE CIVIL 10
1.1.2 LOI DU 3 JANVIER 1967 11
1.2 LE 4 JANVIER 1978, SOUS LA PRESIDENCE DE MONSIEUR
SPINETTA 13
1.2.1 LES RAISONS DE LA REFORMES 13
1.2.2 PRINCIPES (AVANT MODIFICATION) 14
1.2.2.1 Un Régime de responsabilité adapté aux données nouvelles de
la construction 14
1.2.2.2 Des mécanismes d’assurance originaux 15
1.2.2.3 La réforme du contrôle technique des ouvrages de
bâtiment 15
1.2.3 LES REFORME POSTERIEURES 16
2. LA LOI SPINETTA: APPORTS, DECEPTIONS ET NOUVELLES
REFORMES… 19
2.1 25 ANS APRES ? L’HEURE DU BILAN! 19
2.1.1 LES BIENFAITS DE LA LOI SPINETTA 19
2.1.1.1 Une meilleure protection du consommateur final 20
2.1.1.2 La réduction des délais de règlement 20
2.1.1.3 La généralisation de l’assurance décennale à tous
les constructeurs 21
4
2.1.2 LES « RATES » DE LA LOI 22
2.1.2.1 La gestion en capitalisation du système 22
2.1.2.2 La jurisprudence et le problème d’interprétation 23
2.1.2.3 La loi Spinetta : une « Sécurité sociale » du bâtiment 24
2.2 LES REFORMES TOUJOURS PLUS NOMBREUSES 25
2.2.1 L’ORDONNANCE DE 2005 26
2.2.2 LES REFORMES DES LIMITES FINANCIERES 29
2.2.3 L’ARRETE DE 2009 31
3. LA LOI SPINETTA CONFRONTEE AUX IMPERATIFS DE NOTRE
SOCIETE ACTUELLE 33
3.1 LA LOI SPINETTA FACE AUX EXIGENCES EXTERIEURES 33
3.1.1 LE PROBLEME DE « L’EUROPEANISATION » ET DE LA LOI
SPINETTA 34
3.1.2 LA REMISE EN CAUSE DE SPINETTA PAR LA « GRENELLISATION »DE
LA CONSTRUCTION 37
3.2 LOI SPINETTA ET LES DIFFICULTES AU SEIN DE SA NATION : LE
PROBLEME DES POLICES DO, CNR OU CCRD EN
RENOUVELLEMENT 2012 39
SYNTHESE DU PROJET 44
CONCLUSION PERSONNELLE 46
BIBLIOGRAPHIE 48
ANNEXES 49
6
INTRODUCTION
Tout en suivant des études en MBA « Audit et risques d’entreprises »,
je conforte ma formation au sein d’un grand cabinet de courtage, Marsh S.A.
au sein du service « Construction et risques techniques ». Ce cabinet de
courtage, est spécialisé dans le conseil en gestion de risque dans divers
domaine, tels que l’agroalimentaire, l’automobile, l’aéronautique,
l’aérospatial, la construction ….
Ma mission est de prendre en charge et d’assister la gestion des sinistres
intervenant sur des constructions en fin d’achèvement. Ces œuvres sont
réalisées pour le compte de grandes entreprises à la fois constructeurs et
promoteurs, ou pour des chantiers publics ou privées (les hôpitaux,
cliniques, gendarmeries…). L’ensemble des acteurs, contribuant, de près ou
de loin, à l’élaboration de ces constructions.
Les secteurs de la construction et de l’immobilier représentent une
composante essentielle de l’économie nationale. En perpétuelle évolution,
elles subissent des risques constants notamment d’un point de vue légal.
Aussi, dans notre métier de courtier, la recherche de sécurité juridique est
un fondement et une préoccupation majeure, voire indispensable. Le droit de
la construction n’y fait pas exception. Pour autant le droit des assurances ni
consacre qu’un petit chapitre. Et la part de l’assurance ne figure qu’en 5ème
position, avec une cotisation de 2,3 millions d’euros (avec une variation de +
1% face à 2010), après l’automobile, la multirisque habitation, dommages
des biens des professionnels, responsabilité civile générale. (Référence de la
FFSA, pour l’année 2011, sur les cotisations par branches principales)
Malgré cette petite place dans la législation, le droit de la construction
dispose d’une grande diversité. Comment s’explique-t-elle ? D’abord dans le
type de bâtiments (installations industriels, travaux publics et génie urbain,
immeubles d’habitations…), puis dans les différents intervenants devant
collaborer ensemble et allant de la personne physique (particuliers) à la
7
personne morale de droit privé comme les sociétés mais aussi de droit public
comme l’Etat. Cette diversité est donc liée à la transversalité du droit de la
construction, qui se juxtapose au droit civil et parfois, malheureusement, au
droit pénal.
Au cours de cette thèse professionnelle, je m’attarderai essentiellement sur
le chapitre de la construction lié au droit de l’assurance. Ce droit s’appuie
principalement sur la « loi Spinetta » de 1978, née le 4 janvier 1978. Elle a
été créée dans le but de palier certaines failles dont disposait le droit (qui
était principalement civil) dans ce domaine et de permettre ainsi une
évolution cohérente avec celle de la société.
Le choix de mon sujet ne s’est pas fait au hasard. Il résulte de
l’omniprésence de cette loi « Spinetta » dans le cadre de mon alternance et
dans ma formation. Ce thème s’est à la fois relevé comme une évidence mais
aussi une difficulté car le texte législatif a sans cesse bougé, et malgré une
période « plus creuse » ces dernières années, l’évolution constante de la
jurisprudence met les courtiers, assureurs, constructeurs et particuliers
dans une constante interrogation. Mais comme le dit la maxime « Nul ne peut
ignorer la loi », c’est donc un devoir pour chacun de s’informer régulièrement
des changements du texte.
Mon analyse, que j’espère objective, sur une législation purement « franco-
français » faisant débat actuellement et depuis de nombreuses années car
jugée « trop » obsolète.
La loi Spinetta devait être la « solution » du droit de la construction. Grâce à
elle, de nombreux aspects positifs s’y sont dégagés, mais malheureusement,
avec l’usage, des inconvénients également. Depuis quelques années, avec le
rapport Mercadal, des propositions sont faites pour tenter d’améliorer les
failles. Pour autant, ne devons-nous pas considérer tous ces multiples essais
d’amélioration, de discussions, comme vains ?
Notre société, est désormais tournée vers l’extérieur. L’heure n’est plus au
nationalisme mais à l’internationalisme ; les gouvernements veulent
améliorer notre « trace de passage » sur Terre. La « Grenellisation » de la
8
construction est en plein « boum ». Et malgré les essais plus ou moins
concluants d’évolution, la loi Spinetta est aujourd’hui plus que jamais
source de débat.
Devons-nous alors considérer que cette loi n’est pas devenue « trop »
dépassée pour les besoins actuels de notre société ?
La loi Spinetta ne fut pas construite en un jour, car bien avant son arrivée,
la construction se voyait régie par le droit Civil. Puis quelques temps après
son entrée en vigueur, le législateur a commencé à y faire des améliorations
afin de palier certains problèmes (1). Après examen des apports mais aussi
des lacunes, celui-ci a alors continué ce perfectionnement avec de nouvelles
lois (2). Mais il convient d’admettre que malgré cela, la loi Spinetta continue
encore à poser problème, qui est du notamment à l’évolution de notre société
(3).
9
1. LE PILIER DU DROIT DE
L’ASSURANCE CONSTRUCTION : LA
LOI SPINETTA DE 1978
Depuis la nuit des temps, l’homme a toujours voulu laisser une trace
de son passage sur Terre. La construction est justement l’une de ces
« traces » que l’on peut encore admirer aujourd’hui, et qui démontre toute
une organisation à la fois sociale, économique et culturelle. De ces édifices,
naissent forcément des incidents qui révèlent la responsabilité des différents
acteurs. Aux temps les plus reculés déjà, on mettait en avant la
responsabilité des artisans, avec notamment le Code de « Hammourabi »
datant aux environs de 1750 avant Jésus Christ. L’architecte pouvait voir sa
responsabilité mise en avant (et sa vie !) ; la mort du maître de l’ouvrage (du
propriétaire donc) entraînait de plein droit la mort de l’architecte.
La loi du Talion n’ayant plus cours aujourd’hui, les hommes se sont mis à
réglementer la responsabilité de chacun des acteurs d’une construction.
Dans cette première partie, nous verrons succinctement cette évolution avec
d’abord, la réglementation avant l’arrivée de la loi Spinetta (1.1), puis en
toute logique, avec la loi (1.2).
1.1. L’AVANT SPINETTA ET SON
EVOLUTION LEGALE
La « Coutume de Paris » avec son article 114 fait naître les prémices
de la réglementation à la construction, avant d’être remplacé par le Code
Civil de 1804 (1.1.1). Mais à l’usage, les difficultés naissant des quelques
articles de celui-ci entraîneront la promulgation de la Loi du 3 janvier 1967
(1.1.2).
10
1.1.1. Le Code Civil
Le Code civil consacre d’abord quatre articles sur le droit à la
construction avec :
- l’article 1779 « Il y a trois espèces principales de louage
d'ouvrage et d'industrie : le louage de service ; celui des
voituriers, tant par terre que par eau, qui se chargent du
transport des personnes ou des marchandises ; celui des
architectes, entrepreneurs d'ouvrages et techniciens par suite
d'études, devis ou marchés. »
- l’article 1787 « Lorsqu'on charge quelqu'un de faire un
ouvrage, on peut convenir qu'il fournira seulement son travail
ou son industrie, ou bien qu'il fournira aussi la matière »
- l’article 1799 « Le maître de l'ouvrage qui conclut un marché
de travaux privé visé au 3° de l'article 1779 doit garantir à
l'entrepreneur le paiement des sommes dues lorsque celles-ci
dépassent un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat. […] »
- l’article 1792 « Tout constructeur d'un ouvrage est
responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de
l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui
compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans
l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments
d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle
responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les
dommages proviennent d'une cause étrangère. »
L’article 1792 dans sa version de 1804, met déjà en avant une responsabilité
du maître d’œuvre envers le maître d’ouvrage, même si on ne parle pas
encore d’une obligation. On parle alors d’un régime dérogatoire. Le fait qu’à
l’époque, les ouvrages de constructions étant éparses, le législateur n’impose
aucune obligation envers les différents acteurs et préfère miser sur une
volonté d’autonomie de chacun. Au fur et à mesure du temps, les
opérations de constructions se sont accrues, et pour éviter des chantiers
11
sauvages et la protection légale du maître de l’ouvrage. Comme le présente
Jean-Bernard AUBY et Hugues PERINETS-MARQUET. « Une très forte
demande de construction entraîne des risques d’offres peu sérieuses de la
part des constructeurs. La défaillance involontaire du constructeur ou du
promoteur choisi est fréquente. Le constructeur peut, pour des raisons
d’économie ou d’incompétence, livrer un bâtiment dont la solidité ou les
caractéristiques ne correspondent pas à l’attente légitime de celui qui va en
bénéficier. Pire, les travaux commencés sont susceptibles de n’être jamais
achevés, en raison de la déconfiture de l’entreprise. Ces risques ont conduit le
législateur à mettre en place un régime impératif, complet et lourd en matière
de construction ».
C’est donc dans ce contexte législatif et économique que la loi du 3 Janvier
1967 est promulguée.
1.1.2. Loi du 3 janvier 1967
Créée et promulguée pour palier aux problèmes suscités par les
différents articles du Code Civil, celle-ci a offert la possibilité d’un recours
au maître d’ouvrage.
Avant cette réforme, la présomption de responsabilité était obtenue
uniquement pour des bâtiments qui subissaient un effondrement total ou
partiel et des « marchés au forfait ». Pour les autres cas, la faute des
constructeurs devait être prouvée, et le maître ou l’acquéreur d’ouvrage ne
disposait que d’un laps de temps très court pour agir en raison de la théorie
« vices cachés ».
Durant la période d’après-guerre, la responsabilité décennale (des
constructeurs) a posé des problèmes, car durant cette étape de
reconstruction, les sinistres sur les bâtiments se sont accrus. C’est à cette
même période, qu’un arrêt de la Cour de Cassation (Cass. 1re civ., 5 avr.
1965 : Bull. civ. 1965, I, n° 242 ; JCP G 1965, II, 14261. – G. Liet-Veaux : JCP
G 1965, I, 1918) a exonéré les architectes de la présomption de
responsabilité dictée par l’article 1792 du Code Civil. Cette décision a
12
engendré la réforme de 1967. Mais d’abord revenons à une analyse de cette
loi.
La loi de 1967 s’étudie sous deux points différents :
1. D’abord pour l’assurance, car la garantie décennale s’applique
pour les constructeurs non réalisateurs. L’assurance construction
se propage, même si pour autant les garanties sont limitées
puisque ces règles sont imposées par des groupements d’assureurs
constituant des monopoles quasi absolus. En parallèle, la pérennité
décennale n’est pas assurée car les règlements de sinistres se font
sous huit ans en moyenne pour 75 % des cas, le reste a un délai
pouvant aller jusqu’à vingt ans. On rentre alors dans une période
de crise, puisqu’assureurs et constructeurs reportent leurs pertes
techniques les uns sur les autres, ce qui a pour effet d’augmenter
de manière significative la sinistralité. De ce fait, le niveau des
primes s’accroît de manière exponentielle.
2. L’autre point est la responsabilité. Deux articles sont ici mis en
avant :
- l’article 1792 énonce « si l’édifice périt en tout ou partie par le
vice de la construction, même par le vice du sol, les architectes,
entrepreneurs et autres personnes liés au maître d’ouvrage par
un contrat de louage d’ouvrage en sont responsables pendant
dix ans ».
- l’article 2270 notifie quant à lui que «les architectes,
entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l'ouvrage
par un contrat de louage d'ouvrage sont déchargés de la
garantie des ouvrages qu'ils ont faits ou dirigés, après dix ans
s'il s'agit de gros ouvrages, après deux ans pour les menus
ouvrages ».
Après citation de ces deux articles, on peut déjà relever le problème qui
découlait de la rédaction : l’un parlant d’un « édifice » et l’autre « d’un
ouvrage ».
Face à cela, on peut tout de même noter que le maître d’ouvrage peut se
prévaloir de deux manières, d’abord par la présomption de responsabilité qui
13
se prescrit au bout de dix ans à compter de la réception et la responsabilité
du droit commun qui s’abroge au bout de trente ans.
Si cela reste une protection « intéressante » elle est de tout de même
insuffisante et elle montre l’impuissance de la loi quant à la protection de
particulier. C’est dans ce contexte qu’est intervenue la loi Spinetta.
1.2. LE 4 JANVIER 1978, SOUS LA
PRESIDENCE D’ADRIEN SPINETTA
De nombreuses raisons vont venir justifier l’évolution du droit de la
construction avec la promulgation de la loi de 1978 (1.2.1) : le marché de
l’assurance s’est progressivement libéré avec l’assurance de chose, dite
assurance « dommages-ouvrages », puis avec l’assurance de responsabilité
décennale. Ce changement est opéré pour atteindre différents objectifs qui
ont créés plusieurs principes incohérents entre eux (1.2.2 et 1.2.3).
1.2.1. Les raisons de la réforme
Les modalités d’intervention de l’assurance dans le domaine de
la construction ne permettaient jusqu’ici de réaliser ni une protection
suffisante de l’usager, ni une prévention satisfaisante des sinistres.
- Une meilleure protection de l’usager
A ce moment là, il n’existe pas d’obligation de s’assurer pour les
professions qui participent à l’acte de construire, sauf les architectes
avec la loi de 1940. Aussi la sous-assurance de ce secteur est-elle
importante : elle atteint 50 % dans l’ingénierie, 40% dans l’entreprise
du bâtiment, 90% chez les fournisseurs notamment.
14
Même dans les cas où une assurance est souscrite, celle-ci ne permet
pas d’offrir un règlement des sinistres dans un délai raisonnable, car
elle est paralysée par la recherche préalable des responsabilités.
- Une prévention améliorée des sinistres
Les difficultés à promouvoir à cette période là une réelle politique de
prévention sont reflétées par un accroissement de la charge des
sinistres sensiblement supérieur à celui du coût de la construction ;
elles ont eu pour conséquences une augmentation rapide du taux des
primes. Le rapport entre la charge des sinistres et le montant des
travaux a connu sur dix ans un taux de croissance annuel moyen de
15 %.
L’insuffisance de la prévention a eu également pour conséquence
d’affaiblir l’incitation au progrès technique, en particulier en ce qui
concerne la recherche de la qualité. A partir de ce constat, le
législateur a défini trois orientations principales :
• La tendance de la dégradation de la qualité de
la construction peut-être enrayée par une
prévention efficace ;
• Le système de la garantie et de responsabilité
doit être remodelé pour être mieux adapté aux
évolutions technologiques récentes, ou
prévisibles, du secteur de la construction ;
• La protection de l’usager doit s’exercer
conformément à l’évolution des mœurs et de
la jurisprudence.
1.2.2. Principes (avant modification)
1.2.2.1 Un Régime de responsabilité adapté aux données
nouvelles de la construction
15
Les articles 1792 et 2270 du Code Civil maintiennent les responsabilités
biennale et décennale, mais modifient leurs champs pour mieux l’adapter à
l’évolution technologique. C’est ainsi que la soumission à un régime de
responsabilité répond non plus à un critère de taille de l’ouvrage, mais sur
un critère fonctionnel, qui permettra de mieux situer l’importance du
sinistre.
1.2.2.2 Des mécanismes d’assurance originaux
La réforme des mécanismes d’assurance s’inspire de deux principes
essentiels qui sont d’abord l’institution d’une obligation d’assurance qui
s’applique à tous les participants à l’acte de construire. Le second est la
distinction de la réparation matérielle, qui doit être aussi rapide que possible
et de la détermination précise des responsabilités des divers intervenants
dans la construction de l’ouvrage, qui exigent généralement des délais plus
importants.
1.2.2.3 La réforme du contrôle technique des ouvrages
de bâtiment
Les textes nouveaux établissent une nouvelle déontologie du contrôle
technique des ouvrages de bâtiment. Ils définissent la mission de contrôle
(prévention des aléas techniques) ; ils consacrent son intervention au seul
profit du maître de l’ouvrage.
Le contrôleur technique est désormais soumis à la présomption de
responsabilité.
Son activité est subordonnée à un agrément donné, dans des conditions
fixées par un décret particulier, par le ministre chargé de la construction et
des entreprises d’assurance.
Cet agrément tient compte de la compétence technique, de la moralité
professionnelle et, en particulier, d’un certain nombre d’incompatibilités. Le
16
respect de tous ces éléments est destiné à garantir l’indépendance des
contrôleurs techniques.
Enfin le contrôle technique est rendu obligatoire pour certaines
constructions, présentant des risques particuliers susceptibles de mettre en
cause la sécurité des personnes.
La réglementation de cette profession et de son intervention doit
permettre, pour le maître d’ouvrage faisant appel à un contrôleur
technique, de réduire sensiblement le coût de l’assurance.
De plus, l’article 1792-6 consacre une garantie de parfait achèvement
dont la jurisprudence avait déjà commencé à énoncer les bases.
- La responsabilité décennale : cette responsabilité est mise
en jeu en cas d’atteinte à la solidité de l’ouvrage lui-même
(article 1792), ou d’un des éléments d’équipements si celui-ci
est indissociable, mais encore en cas d’atteinte à la
conformité de l’ouvrage quant à sa destination (article 1792).
La présomption pèse sur le constructeur, qui ne peut
s’exonérer qu’en apportant lui-même la preuve d’une cause
étrangère. Cette loi ne touche pas les sous-traitants.
- La garantie biennale : l’article 1792-3 prévoit que les
éléments d’équipement dissociables du corps de l’ouvrage
font l’objet d’une garantie de bon fonctionnement d’une durée
de deux ans à compter de la date de réception.
- La garantie de parfait achèvement : cette garantie oblige
l’entrepreneur, dans un délai de un an, à réparer tous les
désordres signalés par le maître de l’ouvrage, lors de la
réception.
1.2.3. Les réformes postérieures
17
Par la suite, diverses réformes sont venues se greffer à la loi de 1978
en vue d’optimiser le système déjà en place. Dans certains cas, la loi va être
retouchée, parfois ce sont les clauses types.
S’agissant des modifications de la loi, la réforme de 1982 a concerné
notamment la précarité, dans le temps, de l’assurance décennale, non
maîtrisée en 1978. L’assurance responsabilité devient une gestion en
capitalisation pour pouvoir fournir au terme du contrat, les prescriptions
prévues. A l’inverse, la gestion en répartition consiste à « collecter des primes
pour les reverser au cours d’un exercice à ceux qui subissent un risque ».
Cette assurance de responsabilité garantit désormais pendant dix ans
(maximum !) les ouvrages assurés. Un fond d’indemnisation, alimenté par
une taxe, fut créé pour épurer la sinistralité attachée au l’immobilier sous
garantie décennale existant alors.
La réforme de 1989 concerne principalement l’assurance « dommages-
ouvrages ». L’obligation d’assurer est abrogée pour les grands risques et le
secteur public, sauf pour les bâtiments d’habitations. La procédure de
règlement des sinistres est enrichie et les franchises interdites.
En matière d’assurance de responsabilité, on peut évoquer l’arrêté du 27
décembre 1982 limitant l’assurance aux dommages matériels avec une
garantie acquise au bout de 10 ans.
En matière d’assurance « dommages-ouvrage », l’arrêté du 16 août 1984
remanie le mécanisme de désignation de l’expert dans le cadre d’une
procédure de règlement amiable des sinistres, instaure une possibilité de
récusation de l’expert et en prolonge les délais d’instruction et de règlement ;
L’arrêté du 13 juillet 1990, faisant suite aux modifications du 31 décembre
1989 des dispositions de l’article L 242-1 du Code des assurances met à jour
les « clauses types ».
L’arrêté du 30 mai 1997 modère les clauses types et rectifie l’annexe II de
l’article L 243-1 du Code des assurances sur la (définition des éléments
18
constitutifs de la déclaration d’assurance et de la dispense de l’expertise
amiable).
L’arrêté du 7 février 2001 qui modifia l’annexe II de l’article A 243-1 du
Code des assurances.
Dans notre législation, la création de la Loi Spinetta a bouleversé le droit de
l’assurance et a permis de faire évoluer l’assurance construction,
notamment la protection des différents acteurs. Pour autant, toutes ces
améliorations ne s’avèrent pas suffisantes, d’autant qu’elles engendrent des
failles. De nouvelles mesures vont alors voir le jour.
19
2. LA LOI SPINETTA: APPORTS,
DECEPTIONS ET NOUVELLES
REFORMES…
Mon activité au sein du service « gestion sinistres construction » m’a
permis de me familiariser avec la loi Spinetta. En étudiant son contenu ; de
sa genèse à ses récentes réformes, il est plus facile de s’apercevoir des
évolutions importantes que ce système législatif de la loi Spinetta a généré
face à l’ancien régime. Cependant, malgré ce travail, restent des lacunes
(2.1), qui vont être, par la suite, comblées par les récentes réformes (2.2).
2.1 25 ANS APRES, L’HEURE DU BILAN !
La loi du 4 janvier 1978, appelé également « loi Spinetta » du nom de
son créateur Adrien SPINETTA, avait pour principal but de pallier les
insuffisances relevées dans le système antérieur et qui n’apportait pas, d’un
point de vue assurantiel, une protection optimale.
Vingt cinq ans après sa création, le bilan fut mitigé d’aspects positifs (2.1.1)
mais aussi de « ratés » (2.1.2)
2.1.1 Les bienfaits de la Loi
SPINETTA
En analysant la « première ébauche » de la loi Spinetta, peuvent être
mis en exergue les points positifs majeurs qui ont permis aux assurées
d’obtenir une amélioration de leur protection (2.1.1.1), une amélioration des
délais de règlements (2.1.1.2) et surtout, le caractère obligatoire de
l’assurance décennale (2.1.1.3).
20
2.1.1.1 Une meilleure protection du consommateur final
En effet, la nouvelle rédaction de l’article 1792 du Code Civil a permis
d’étendre le champ des personnes concernées, qu’elles soient particulier ou
professionnel. Ils ont alors la possibilité d’avoir la responsabilité du
constructeur pour une durée de dix ans, lors de l’achat d’un bâtiment ou
d’une construction. Quant au maître d’œuvre, il est couvert par la
responsabilité des désordres qui « compromettent la solidité de l’ouvrage ou
qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs, le rendent impropre à
sa destination ». Le propriétaire d’une maison par exemple, subissant des
désordres tels qu’ils entraînent une impossibilité de l’habiter, peut ainsi
effectuer un recours. Cela prévaut également pour les professionnels :
l’impossibilité d’utiliser des locaux achetés, car des sinistres rendent l’œuvre
impropre à sa destination, peuvent faire valoir la garantie.
Une fois ces désordres constatés, la loi a permis de réduire les délais de
règlements qui parfois pouvaient durer jusqu’à vingt-cinq ans !
2.1.1.2 La réduction des délais de règlement
Au cours de mon activité, j’ai pu être confrontée à cette spécificité des délais.
Afin d’aider à mieux comprendre le mécanisme, un schéma est présenté ci-
après.
Avant tout, il y a la réception de l’ouvrage par l’acquéreur. Si celui-ci n’émet
aucune réserve, le délai de la garantie décennale commence alors à courir.
Au moment de l’apparition du désordre, l’acquéreur doit faire une
déclaration de sinistre qui, par la suite, envoyée à son assureur. C’est ici que
la loi Spinetta joue un rôle important. Elle oblige qu’un expert soit mandaté
dans un délai de 60 jours à compter de la réception de la déclaration, puis
30 jours supplémentaires (si la garantie est prise en compte) pour qu’il y ait
une offre de la part de l’assureur. Si l’offre est acceptée par l’assuré, son
assureur a alors 15 jours pour payer l‘indemnité.
En somme, grâce à la loi Spinetta, le règlement d’un sinistre peut s’effectuer
maintenant dans un délai de 105 jours maximum.
21
Auparavant, le délai de règlement pouvait durer jusqu’à (en moyenne) 25
ans !
En améliorant parallèlement protection des assurés et réduction des délais
de traitement des sinistres, la loi a permis d’encadrer la gestion des
sinistres, de la fluidifier et par voie de conséquence, d’en minimiser les
coûts.
Cet encadrement a été une réelle avancée.
2.1.1.3 La généralisation de l’assurance décennale à
tous les constructeurs
La loi Spinetta a eu aussi le mérite de permettre la généralisation d’une
assurance décennale à tous les constructeurs. La globalisation de cette
notion de « constructeur » évite ainsi les défauts d’interprétation, ne laissant
place qu’à une application stricto sensu de la loi, et par voie de conséquence,
évite le report de la charge d’un sinistre d’un constructeur vers un autre,
étant par défaut plus ou moins solvable que le premier. Ce type de
condamnation est considéré comme « in solidum ».
Réception de la Déclaration de sinistre par l'assureur Acceptation de l'offre par l'assuré
Expertise mandatée par l'assureur D.O.
60 jours maxi.
90 jours maxi.
Paiement de l'indemnité par l'assureur D.O.
Acceptation de la garantie par l'assureur D.O.
Offre d'indemnité par l'assureur D.O.
Recours contre le ou les assureurs R.C. décennale en fonction du barème de l'expertise unique
15 jours
maxi
22
A quel moment intervient la condamnation in solidum ? Elle se produit
quand plusieurs personnes sont tenues chacune responsables pour le tout
envers un assuré, à la différence de l’obligation solidaire. Cette obligation est
d’origine jurisprudentielle.
2.1.2 Les « ratés » de la loi
Deux points importants mettent notamment en jeu l’équilibre de cette
loi, révélant pourtant des avantages certains. Le régime, géré en
capitalisation peut dénoter comme une source de problème à long terme.
Enfin, on retrouve dans l’article la notion de « travaux de bâtiment ». Celle-ci
peut être considérée, de manière objective, comme imprécise, risquant de
provoquer une jurisprudence dense et extensive. De plus, la non-
différenciation, dans la loi Spinetta, d’un particulier ou d’un professionnel a
posé aussi le souci d’une « impression de Sécurité sociale » de l’assurance
décennale.
2.1.2.1 La gestion en capitalisation du système
Avant tout, il est important de comprendre ce qu’est la gestion en
capitalisation, régissant le système de la garantie décennale.
Le principe consiste en un paiement de prime unique payée par l’assuré, à
l’ouverture du chantier. En contrepartie, l’assureur gère toutes ces
cotisations et doit assurer le paiement des sinistres qui surviendront à
compter de la réception du chantier, et cela, pour dix ans.
Il n’y aura pas de cotisations supplémentaires dans n’importe quel cas,
notamment la résiliation du contrat d’assurance ou la défaillance du
constructeur.
A la différence, le système de gestion en répartition, consiste pour l’assureur
à indemniser les victimes grâce aux paiements des cotisations de l’ensemble
des assurés. C’est un système de cotisations par années, donc le paiement
des cotisations d’une année X sert à l’indemnisation des sinistrés de cette
même année.
23
Le système par capitalisation semble le plus avantageux, a contrario du
système par répartition.
Pour autant, nous devons tenir compte de notre environnement économique
actuel, qui est à la fois, risqué et très fluctuant. Face à un chantier
important qui s’avère souvent lourd, complexe et donc coûteux, le constat
est de voir que les assureurs peuvent devenir alors méfiants. Cela permet
d’expliquer notamment la hausse des primes et les rares assureurs présents
sur le marché de la construction de grands chantiers. Au sein de Marsh,
nous avons un champ réduit d’assureurs. A la différence des secteurs
d’assurance automobile ou des personnes, la construction peut parfois être
considérée comme trop périlleuse.
2.1.2.2 La jurisprudence et le problème d’interprétation
Dans le texte de la loi Spinetta, plusieurs notions, peuvent être
interprétées de manière subjective et donc, peuvent poser problème lors du
litige.
Prenons l’exemple des « travaux de bâtiment » (article L. 241-1) soumis à une
assurance obligatoire : cette dénomination bien trop générale est confrontée
à des difficultés d’interprétation précise, augmentant ainsi la jurisprudence.
En effet, la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 9 avril 1991,
définissait cette notion en « tous les travaux faisant appel aux techniques
des travaux du bâtiment ». Selon moi, ce terme, peut être employé pour une
construction d’immeuble, mais aussi pour une une station d’épuration, ou
encore un cours de tennis ; autrement dit, une formule qui peut s’appliquer
à n’importe quelle superposition de pierres maçonnés… Et donc tous ceux-là
étant soumis au régime obligatoire d’assurance, cela à, je pense, dépassait,
largement l’esprit et le but que c’était fixé la loi.
Une autre notion peut aussi poser problème, celle de « bâtiment ». Un
bâtiment est traditionnellement défini comme " un lieu où l'homme peut
s'abriter et se mouvoir " passant peu à peu à " lieu construit grâce à des
techniques de travaux de bâtiment " selon la décision du Conseil d’Etat le 30
24
novembre 1979. Il est vrai que la distinction peut paraître inoffensive mais
elle peut s’avérer lourde de conséquences pour les assureurs, car des primes
émises originellement pour un bâtiment spécifique, se retrouveront à payer
des indemnisations sur des désordres qui non couverts au départ.
2.1.2.3 La loi Spinetta : une « Sécurité sociale » du
bâtiment
A la différence de l’assurance automobile par exemple, où il est possible de
récompenser le conducteur sans accident par une baisse de sa prime
d’assurance, en assurance construction, cela n’existe pas.
La rigidité du système d’assurance construction est telle, que la prime émise
pour des constructeurs ou les autres acteurs du chantier, ne souffre
d’aucune remise en cause par leurs qualités ou leurs comportements à
risques.
Cela m’apparaît l’un des grands points faibles de cette loi, car les primes du
secteur de l’assurance construction sont de plus en plus coûteuses du fait
de chantiers toujours plus imposants et importants les uns que les autres,
et donc par définition, chers d’un point de vue assurantiel.
On a donc Le sentiment donné par que la loi Spinetta est d’avoir créé créé
une sorte de « sécurité sociale » de l’assurance construction : « On s’assure
pour répondre à l’obligation… ».
Tous les acteurs paient proportionnellement le même niveau de primes, que
les chantiers soient risqués ou non, sans tenir compte des comportements
risqués et non solvables de certains constructeurs, à contrario de valoriser
les entreprises plus consciencieuses.
A travers l’analyse critique de la loi Spinetta que j’ai tenté de faire un point
est avéré : tous les aspects traités précédemment entraînent inévitablement
une conséquence, l’augmentation du coût du système de l’assurance
décennale.
25
Face à un système si rigide, complété par un problème de notions bien trop
« floues » pour une loi, en découle une surhausse des primes. Les problèmes
d’interprétations des lois ou un champ d’action imprécis engendrent par
voie de conséquence, une évolution des déclarations de sinistres. J’ai pu
faire ce constat grâce à ma formation en tant que gestionnaire de sinistres
chez un Courtier d’assurance. Malgré tout, la loi améliorée par certaines
réformes reste encore, par endroit, imprécise, et conduira donc
inévitablement à un dossier classé sans suite. Même s’il n’y a pas de frais
engagés, le coût d’administration et d’expertise reste quand même très
importante pour une « opération blanche ».
Disposant encore de trop nombreux handicaps, la loi Spinetta subit une
nouvelle fois, à partir de 2005, une série de réformes, sensée améliorer son
contenu.
2.2 DES REFORMES TOUJOURS PLUS
NOMBREUSES
Le système de la loi Spinetta du 4 janvier 1978, a fait l’objet de
modifications notables relatives au champ d’application de l’assurance
obligatoire. L’ordonnance n°25-658 du 8 juin 2005 a porté sur les limites
financières de l’assurance obligatoire d’une part (2.2.1), puis la loi n°2006-
1771 du 30 décembre 2006 entrant en application en 2008 par décret
(2.2.2), et enfin, la loi du 28 juillet 2008 (2.2.3) et l’arrêté de 2009 (2.2.4).
26
2.2.1 L’ORDONNANCE DE 2005
La crise du secteur de l’assurance construction, due notamment aux
problèmes d’interprétation des textes, comme nous avons pu l’analyser
précédemment, prétexte dès 1997, une réunion de professionnels concernés,
ayant pour objectif de « proposer toutes solutions permettant de circonscrire
l’obligation d’assurance ». Cela aboutira par un comité de trois juristes,
présidé par le Professeur Périnet-Marquet et un rapport dont l’ordonnance
de 2005, proposera une réforme de la responsabilité des constructeurs.
Le but est notamment l’éradication de la notion de « bâtiment », « travaux de
bâtiments »… Il convient aussi de limiter aussi clairement que possible
l’obligation d’assurance des dommages causés aux existants.
Outre la suppression de toute référence à la notion de « travaux de
bâtiments », la réforme de l’assurance construction a consisté à délimiter le
champ d’application de l’assurance obligatoire suivant le principe du « tout
sauf », c’est-à-dire du principe selon lequel tous les ouvrages sont soumis à
l’assurance obligatoire, sauf ceux expressément désignés par la loi.
27
o ARTICLE L243-1-1
I - Ne sont pas soumis aux obligations d'assurance édictées par les
articles L. 241-1, L. 241-2, et L. 242-1 les ouvrages maritimes, lacustres,
fluviaux, les ouvrages d'infrastructures routières, portuaires,
aéroportuaires, ferroviaires, les ouvrages de traitement de résidus
urbains, de déchets industriels et d'effluents, ainsi que les éléments
d'équipement de l'un ou l'autre de ces ouvrages.
Les voiries, les ouvrages piétonniers, les parcs de stationnement, les
réseaux divers, les canalisations, les lignes ou câbles et leurs supports,
les ouvrages de transport, de production, de stockage et de distribution
d'énergie, les ouvrages de télécommunications, les ouvrages sportifs non
couverts, ainsi que leurs éléments d'équipement, sont également exclus
des obligations d'assurance mentionnées au premier alinéa, sauf si
l'ouvrage ou l'élément d'équipement est accessoire à un ouvrage soumis
à ces obligations d'assurance.
II - Ces obligations d'assurance ne sont pas applicables aux ouvrages
existants avant l'ouverture du chantier, à l'exception de ceux qui,
totalement incorporés dans l'ouvrage neuf, en deviennent techniquement
indivisibles.
Comme on peut l’observer dans l’article ci-dessus, le paragraphe I comporte
deux alinéas :
- Le premier vise une liste d’ouvrages qui « ne sont pas soumis
aux obligations d’assurances » ; les ouvrages figurant dans
cette liste constituent des « exclusions absolues »
- Le second précise une autre liste d’ouvrages qui sont
également « exclus des obligations d’assurances »
mentionnées au premier alinéa mais apporte une condition
d’exclusion avec pour motif « si l'ouvrage ou l'élément
28
d'équipement est accessoire à un ouvrage soumis à ces
obligations d'assurance. »
Selon moi, cette réforme a pour conséquence de revenir à « l’esprit de la loi »
de 1978 De ce fait, le souhait était d’éviter toute concordance entre le champ
de la responsabilité décennale et celui de l’assurance obligatoire de la
responsabilité. Donc vont être rejetées les solutions jurisprudentielles
rendues à la référence de « travaux de bâtiment ».
En d’autres termes, on peut penser que ce qui a été qualifié autrefois par la
jurisprudence « d’ouvrage » relevant de l’assurance obligatoire au motif qu’il
aura été un ouvrage de bâtiment, sera, me semble-t-il, encore considéré par
la jurisprudence comme étant un ouvrage relevant de l’application des
articles 1792 et 1792-2 du Code Civil ; sans pour autant que l’ouvrage en
question entre dans le champ d’application de l’assurance obligatoire. En
somme, si celui-ci ne figure pas dans la liste des exclusions de l’alinéa 1 et 2
du texte précité, il sera alors un « accessoire » d’un ouvrage, lui-même
soumis à obligation d’assurance. Le schéma conditionnel ci-après résume
clairement les principes de l’article L243-1-1.
29
2.2.2 LES REFORMES DES LIMITES
FINANCIERES
La décision de la Cour de Cassation du 25 mai 1992 considère qu’
« était illicite le plafond de garantie dans les polices de responsabilités civiles
décennales, puisque contraire à la finalité de la garantie obligatoire, et donc
inopposable au tiers lésé ». La jurisprudence ne prévoit pas de limitation à la
garantie de responsabilité civile décennale, à la différence d’ailleurs de ce qui
est prévu en matière d’assurance dommages-ouvrages aux mêmes clauses
types.
Les réformes financière se font à partir de la loi du 30 décembre 2006 pour
les assurances de responsabilité civile décennale, puis la loi du 28 juillet
2008 pour celles de dommages-ouvrages, l’article L 243-9 du code des
assurances
30
o ARTICLE L. 243-9.
« Les contrats d’assurance souscrits par les personnes assujetties à
l’obligation d’assurance de responsabilité en vertu du présent titre
peuvent, pour des travaux de construction destinés à un usage autre
que l’habitation, comporter des plafonds de garantie. »
Cet article va ainsi permettre le plafonnement des contrats d’assurances
dans les conditions énoncées ci-dessus.
Cette légalisation des plafonds sera votée en urgence sur proposition du
sénateur Michel MERCIER. Elle s’inscrira dans la réflexion déjà initiée par le
rapport de l’inspection générale des finances et du Conseil Général des ponts
et chaussées sur l’assurance construction d’octobre 2006, rendu public en
2007.
Cette même légalisation sera provoquée par l’incapacité du marché de
l’assurance à garantir des projets de construction ambitieux. Je fais
référence ici au Musée des Arts premiers, et notamment au musée du Quai
Branly… Ceci seront dénommés « opérations de construction difficilement
assurables ».
Le constat est alors qu’il va exister dorénavant trois régimes :
- Le premier est applicable aux contrats d’assurances conclus
avant le 1er janvier 2009, date d’entrée en vigueur du décret
de 2008 (en application de la loi du 30 décembre 2006).Celui-
ci prévoit de continuer à faire application de la jurisprudence
précitée auparavant, réputant inopposable et illicite toute
limitation de garantie.
- Le deuxième régime prévoit pour les contrats conclus ou
renouvelés depuis le 1er janvier 2009, date de l’entrée en
vigueur du décret du 22 décembre 2008. Ici le plafond de
garantie devient illicite pour les constructions à usage
d’habitation. La lecture de l’article 243-9 se lit désormais a
contrario.
- Le troisième et dernier régime prévoit la licité du plafond de
garantie pour les constructions autres qu’à usage
31
d’habitation. Le décret de 2008, applicable aux contrats
d’assurance conclus aux ouvertures de chantiers intervenues
dès le lendemain de sa publication, dans le secteur hors
habitation, confirme le principe de licité d’un plafond de
garantie pour les polices de dommages-ouvrages (DO) et de
responsabilité Civile décennale (RCD), égal « au coût total de
la construction déclarée par le maître d’ouvrage ». Mais s’y
trouvent deux exceptions : la première concerne les chantiers
dont le coût est supérieur à 150 millions d’euros. Dans ce
cas, le montant des garanties stipulées dans la police
d’assurances RCD et DO peut être plafonné au même
montant. La seconde exception est relative aux chantiers
dont le coût est inférieur à 150 millions d’euros et pour
lequel le montant des garanties stipulées dans les polices de
RCD et DO peut être plafonné en-dessous du coût total de la
construction.
2.2.3 L’ARRETE DE 2009
Le Ministère de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi, a pris le 19
novembre 2009, un arrêté applicable aux contrats conclus ou reconduits
postérieurement à sa publication, c’est-à-dire aux contrats conclus ou
32
renouvelés depuis le 28 novembre 2009. Son application annule et remplace
les précédentes clauses-types de l’article A. 243-1 du Code des Assurances,
tout en les complétant pour les adapter tant à l’ordonnance du 8 juin 2005
qu’aux lois de 2006 et du 28 juillet 2008.
Dans cet arrêté, on constate une innovation majeure. D’abord et pour
rappel, les annexes I et II étaient consacrées aux clauses-types en
Responsabilité Civile Décennale (I) et aux clauses-types en Dommages-
Ouvrages (II).
Une troisième annexe est dorénavant ratifiée sur les clauses-types
applicables aux contrats collectifs de responsabilité décennale.
Comme nous l’avons vu ci-dessus, la possibilité de plafonner les assurances
obligatoires au « coût total de la construction déclaré par le maître d'ouvrage
ou à 150 millions d'euros », a provoqué la légalisation sur les polices
collectives de responsabilité civile décennale. Désormais le montant
d'assurance requis peut être atteint par l'addition des polices de première
ligne et d'une police collective.
Le constat est de voir que la troisième annexe vient cadrer ces polices,
permettant ainsi de sécuriser les acteurs. Comme les deux premières
annexes, l’ensemble est impératif et il est interdit de les limiter. On peut en
revanche insérer des garanties plus larges que celles prescrites.
Je me rends compte, à travers cette analyse et description des aspects
positifs et négatifs ayant entraîné par la suite, une nouvelle série de
réformes, que toutes ces mesures ont permis d’améliorer grandement la Loi
Spinetta.
Cependant, comme nous allons le voir dans la troisième et dernière partie, la
loi Spinetta subit les impératifs de notre société actuelle, et le nombre de
débats prolifère sur ses textes et sur son caractère obsolète.
33
3. LA LOI SPINETTA CONFRONTEE
AUX IMPERATIFS DE NOTRE
SOCIETE ACTUELLE
Depuis le XXe siècle, notre société a subi des évolutions fulgurantes.
Aujourd’hui, elle s’est engagée, notamment vers une externalisation de ses
services, une évolution de son économie mais aussi de ses mœurs…
La législation n’y a pas fait exception et se doit de suivre sa société.
Dorénavant, nos lois nationales proviennent de réglementations et
d’ordonnances communautaires. Face à cette mutation toujours plus
importante, la loi Spinetta, de sang exclusivement franco-français,
commence à ne plus trouver ses marques dans cette société qui se veut
ouverte vers l’extérieur (3.1), mais aussi à l’intérieur de sa propre patrie
(3.2).
3.1. LA LOI SPINETTA FACE AUX EXIGENCES EXTERIEURES
Notre société française a, depuis plusieurs années, choisi de s’ouvrir
vers l’extérieur afin d’aller dans la suite logique des évolutions de notre
siècle. De ce souhait est notamment né l’espace « Schengen » qui a permis à
la fois la libre circulation des hommes, des capitaux et des services sans la
contrainte des frontières à chaque pays formant la Communauté
Européenne. Dans cette logique qui se veut de plus en plus vers un « tout
Europe », la loi Spinetta a dû mal à faire face à cette contrainte (3.1.1).
En s’ouvrant au monde, la France a vu notamment ses obligations sur la
protection de l’environnement augmenter, cause d’une Terre de plus en plus
en souffrance de l’impact que nous lui infligeons. De plus en plus de lois
34
régissent cette protection et encore une fois, la loi Spinetta trouve des
difficultés à s’imposer comme une loi de référence dans la construction et le
Grenelle de l’environnement (3.1.2).
3.1.1 LE PROBLEME DE
« L’EUROPEANISATION » ET DE LA
LOI SPINETTA
De par ma formation au sein du service Construction et Risques
techniques, j’ai eu la chance d’apercevoir de nouveaux défis, notamment
celui de la construction via l’Europe et la loi Spinetta. En effet le service
Risques techniques ? Prend en charge les sinistres se produisant sur le sol
français pour des constructeurs étrangers et à l’étranger avec des
constructeurs français. Nous allons nous intéresser à la première forme.
Nous devons d’abord rappeler un point important qui est celui de la Libre
Prestation de Services (LPS) via la directive européenne 2002/83/CE. Cette
directive a permis de montrer en quoi notre législation sur la construction
est unique et originale.
Durant ma formation, j’ai remarqué qu’en matière de dommages-ouvrages
et de responsabilité civile décennale (RCD), dans le domaine international, le
35
nombre d’acteurs et notamment d’assureurs se réduit de plus en plus,
souvent dû à un risque de sinistralité bien trop fort. Le risque de sinistralité
est tellement important que peu d’assureurs veulent courir le risque de
couvrir cela.
Pour autant, la réduction du nombre d’assureurs ne prévaut pas la faiblesse
de l’offre car c’est dans ce secteur que de nouvelles offres apparaissent sur le
marché. (Ex. Axa pour 2012).
Pour autant, pléthore d’offres ne prévaut pas qualité.
Pourquoi ?
Les règles de la Libre Prestation de Services (LPS) sont rédigées de manière à
ce que les intervenants qui construisent en France soient en principe, tenus
de respecter les lois françaises en matière de provisionnement des primes
capitalisées sur dix ans. Parallèlement, il revient à l’autorité du pays
d’origine de l’assureur d’effectuer les contrôles. Un avis de réserve peut être
émis sur la pertinence du contrôle exercé par les autorités du pays étranger,
par définition, peu familiarisées avec les astuces de notre droit et de notre
langue, d’où un risque important ou du moins certain sur la solvabilité à
long terme des assureurs en question.
Par ces différents points énumérés et rencontrés au cours de mon activité,
on peut redouter un déséquilibre en matière financière entres différents
acteurs de plusieurs pays qui, à terme, pourrait nous faire redouter des
effets dévastateurs sur les primes d’une année qui financent dix ans de
sinistres ; tout cela au détriment des acteurs exerçant sur le territoire
national.
Bien entendu, c’est ici une image « stéréotypé » car en soi, tous les contrats
d’assurance ne se terminent pas par un sinistre. La compagnie d’assurance
investit ces fonds qui lui rapportent et en plus les primes d’assurance sont
calculées en fonction du rapport Sinistre /Fréquence. On imagine qu’il y a
un roulement des fonds entre les primes capitalisées sur une année et les
fonds d’indemnisation. Mais j’ai tenu montrer «le « pire » afin de comprendre
le mécanisme
36
A travers la gestion de mes dossiers, un autre problème relatif au champ de
la « mixité » et la « qualité » s’est imposé à moi. Sur différentes analyses de
risques, nombreux sinistres posent des complications. En effet de nouveaux
acteurs venus d’Extrême-Orient sont entrés en lice depuis quelques années
et se hissent au premier rang en tant intervenants dans le domaine de la
construction. En effet les matériaux utilisés dans le domaine de la
construction, proviennent bien souvent de la même région du monde. Avec
cette arrivée massive de nouveaux concurrents on peut alors se préoccuper
de notre système d’assurance qui aura un nouveau défi ; la hausse de
concurrence (constructeurs, sous-traitants, fabricants) va influer sur les
prix, qui va donc en toute logique baisser et qui ne conduira pas à un cercle
vertueux, puisque elle engendrera une non-qualité généralisée et probable.
De cela, on peut alors craindre pour les garanties constructions sur dix
années.
Autre point important mis en avant : « l’européanisation » de l’assurance face
à la construction. Le nombre d’assureurs avec qui j’ai l’opportunité de
travailler sur des dossiers de constructions Dommages-ouvrages, sont
majoritairement des assureurs européens (Allianz, Generalli, Albingia…).
Cependant, il convient de constater que la réglementation française en
matière assurances construction ne trouve pas son équivalent européen.
Quel est le souci de cette singularité « franco-française » ?
Avec l’ouverture européenne et la directive sur la LPS, cette particularité
devient un vrai tracas (de nombreux débats en attestent), avec notamment le
souci des constructions transfrontalières. Quelles législations assurantielles
choisir ? En effet le législateur, assureur et assuré ont tous le souci de la
sécurité en termes de besoins et de garanties. Choisir entre sa législation
(pour celle de l’assuré) ou de l’assureur qui se trouve en France ? Le souci
reste constat et aucune solution n’a pour l’heure était trouvé. Donc la
question est de savoir, si nous décidons de passer en LPS, il faut s’assurer
que ces services non aucunes incohérence entre pays ou ne privilégie pas un
utilisateur plutôt qu’un autre. Car dans la finalité c’est la sécurité financière
de société ou d’utilisateurs qui peut devenir périlleuse.
37
3.1.2 LA REMISE EN CAUSE DE
SPINETTA PAR LA
« GRENELLISATION »DE LA
CONSTRUCTION
En 2007, Christian FERRAIS, Directeur des opérations d’Assurances à
l’Auxiliaire, précisait que « les assureurs ne peuvent détecter le caractère
innovant d’un chantier ».
Le Grenelle de l’environnement, en date du 25 octobre 2007, a provoqué de
forts débats, notamment dans le secteur du bâtiment. En effet, cette
branche, fortement « énergivore », a dû se mettre à « l’éco construction » afin
d’encourager les économies d’énergies souhaitées et débattues par les
Pouvoirs Publics. L’éco construction consiste à « créer des bâtiments dotés
de technologies leur permettant de respecter au mieux l’environnement et
l’Ecologie, en cherchant à s’intégrer le plus respectueusement possible dans
un milieu par utilisation de ressources naturelles et locales ». In fine, on
peut donc parler ici d’innovation, car l’éco construction se traduit par
l’installation, la commercialisation voire la conception de produits et
matériaux nouveaux dans le domaine de la construction. Ces techniques
38
innovantes sont soumises à l’appréciation des assureurs constructions, afin
qu’au final, elles puissent être garanties.
Dans un processus d’assurance, les clauses énumèrent les différents
évènements qui seront couverts en cas de réalisation d’un risque. Dans
l’essence même du droit, le risque doit être « licite, incertain dans sa
réalisation, futur, et dont la survenance est indépendante de la volonté de
l’assuré ». Toutes ces caractéristiques sont déterminantes dans la prise de
risque assurable. Avec l’utilisation croissante de techniques et/ou de
matériaux nouveaux, cités auparavant, les assureurs s’interrogent de plus
en plus sur l’assurabilité du risque innovant. Celui-ci s’avère difficilement
mesurable en raison du manque de recul sur la solidité, la durabilité ou
encore la technicité d’utilisation ou de construction de tous ces nouveaux
éléments. A fortiori, il est aisé de comprendre le scepticisme, voire la frilosité
des assureurs et des courtiers, à répondre aux besoins d’assurance des
clients.
Je me suis alors demandée comment l’activité d’assurance, dont les facteurs
prévention et information sont essentiels par nature, peut-elle être
conciliable avec un risque dont le potentiel de sinistres est difficilement
mesurable ?
Cette question peut paraître insurmontable, car le système d’assurance
français dispose de carences préjudiciables à l’assurabilité de l’innovation.
La qualité préjudiciable des nouvelles constructions, a créé des lacunes
persistantes sur les bâtiments qui engendrent leur non-assurabilité, sur le
marché du système d’assurance français.
En 2006 déjà, la conclusion du rapport MERCADAL rédigé par l’auteur du
même nom, faisait état d’une qualité de constructions sérieusement touchée
par la non-influence du système d’innovation. Aujourd’hui encore, j’ai pu
me rendre compte que, malgré les six ans couvrant cette période, le constat
est toujours d’actualité. Les sinistres « constructions » sont identiques et les
déficiences sont récurrentes (infiltrations aux toitures, fenêtres, fissures sur
façades de bâtiments). Pourquoi ne trouve-t-on pas une amélioration
significative face à des sinistres qui, au XXIe siècle, ne devraient plus être
39
nombreux en construction. Le problème vient du dispositif de l’assurance
décennale en soi, à savoir l’indemnisation rapide, qui empêche quasiment
les maîtres d’ouvrage d’endurer les effets financiers de leur mauvais choix
d’entrepreneurs. D’autre part, en travaillant notamment sur des contrats de
« dommages-ouvrages » et en côtoyant les contrats de responsabilité civile
décennale, qui sont tous les deux obligatoires en raison de la LOI SPINETTA,
ce cadre réglementaire a aussi un effet déresponsabilisant pour les
constructeurs car ils ne sont pas encouragés à la maîtrise de leurs sinistres
et empêche les assureurs de faire une sélection de risques du fait de
l’obligation d’assurance.
La CRAC (Convention de Règlement de l’Assurance Construction), peut, me
semble-t-il, avoir le même effet. Le système du « ticket modérateur »
provenant de la CRAC, fait supporter à l’assureur l’ensemble des prestations
qu’il met en jeu et celui-ci doit prendre en charge la totalité des coûts des
sinistres n’excédant pas 1500 €. On peut donc alors considérer qu’il y a un
allègement du coût financier subi pour les constructeurs.
3.2 LA LOI SPINETTA ET LES
DIFFICULTES AU SEIN DE SA
NATION : LE PROBLEME DES
POLICES DO, CNR OU CCRD EN
RENOUVELLEMENT 2012
Après la refonte des clauses-types provenant de l’arrêté du 21
novembre 2009, et de ses recommandations de la Fédération Française des
Sociétés d’Assurances, la rédaction de nouveaux textes de polices
Dommages-ouvrages, de constructeur non réalisateur et de contrats
collectifs de responsabilité décennale, s’est imposée.
40
Les recommandations de la FFSA préconisait de faciliter la mise en place des
contrats collectifs de responsabilité décennale (CCRD), quand le coût total
des travaux et honoraires est supérieur à 150 millions d’euros (HT),
l’assureur qui délivre ce CCRD ne doit pas exiger les montants de garantie
des contrats individuelles qui sont supérieurs à 10 millions d’euros pour les
traitants directs ayant des marchés et gros œuvres, 6 millions d’euros pour
les autres traitants directs et enfin 3 millions pour les traitants directs non
réalisateurs.
La nouvelle rédaction de ces polices, m’a fait constater que la « sanction par
aggravation du risque », définie par l’article L 113-2-3, risque de remettre en
cause le principe des garanties dommages-ouvrages décennales.
Il est important de rappeler que les polices sont souscrites pour une durée
non négociable de dix ans, avec une prime basée sur un taux fixe au
moment de la souscription, majorée d’éventuelles surprimes négociables
dans des hypothèses déterminées. A cela on écarte la survenance d’une
véritable aggravation des risques au sens de l’article L 113-2-3 du Code des
assurances.
- « L'assuré est obligé :
1° De payer la prime ou cotisation aux époques convenues ;
2° De répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notam-
ment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur
l'interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de
nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge ;
3° De déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui ont
pour conséquence soit d'aggraver les risques, soit d'en créer de nouveaux et
rendent de ce fait inexactes ou caduques les réponses faites à l'assureur,
notamment dans le formulaire mentionné au 2° ci-dessus.
41
L'assuré doit, par lettre recommandée, déclarer ces circonstances à
l'assureur dans un délai de quinze jours à partir du moment où il en a eu
connaissance ;
4° De donner avis à l'assureur, dès qu'il en a eu connaissance et au
plus tard dans le délai fixé par le contrat, de tout sinistre de nature à
entraîner la garantie de l'assureur. Ce délai ne peut être inférieur à cinq jours
ouvrés.
Ce délai minimal est ramené à deux jours ouvrés en cas de vol et à
vingt- quatre heures en cas de mortalité du bétail.
Les délais ci-dessus peuvent être prolongés d'un commun accord entre
les parties contractantes.
Lorsqu'elle est prévue par une clause du contrat, la déchéance pour
déclaration tardive au regard des délais prévus au 3° et au 4° ci-dessus ne
peut être opposée à l'assuré que si l'assureur établit que le retard dans la
déclaration lui a causé un préjudice. Elle ne peut également être opposée dans
tous les cas où le retard est dû à un cas fortuit ou de force majeure.
Les dispositions mentionnées aux 1°, 3° et 4° ci-dessus ne sont pas
applicables aux assurances sur la vie. »
A ce système que je viens d’énumérer, les assureurs voudraient en
substituer un autre, qui serait de résilier la police ou d’imposer de manière
unilatérale des surprimes avec un taux non discuté auparavant.
Il y a selon moi, deux raisons qui me font penser cela :
1. La première porte sur le non respect de certaines normes par les
constructeurs. Pour rappel, l’article L 243-8 du code des assurances
prévoit que « les restrictions contractuelles qui visent à ajouter des
exclusions ou des conditions par rapport au texte des clauses types
(article 243-1) prévoyant des garanties pour une durée de dix ans sont
réputées non écrites ».
42
Les assureurs veulent revenir sur la pérennité des garanties pour les
polices DO, CNR et CCRD dans l’hypothèse où le constructeur ne lève
pas les réserves du contrôleur technique à la fin d’un chantier ou s’il
ne respecte pas certaines conclusions d’un rapport d’étude.
A contrario de ce qu’on pourrait penser, la notion « d’aggravation de
risque » ne peut pas être considérée comme un « libre-choix ». Comme
je l’ai précisé au-dessus, la notion est dirigée par des dispositions
d’ordres publiques de l’article L113-2. Dans cet article, celui-ci prévoit
que seule une réponse à une question posée par l’assureur fait office
de déclaration de risque ou déclaration non pré rédigée ou spontanée.
Donc, sauf si on considère que l’assuré s’est engagé par condition de «
l’assuré déclare » sur son sérieux et sa qualité de travail, qui a été fait
par des entreprises techniques et que cela constitue une réponse, les
conditions de réalisation de travaux par une entreprise ne seront pas
considéré comme une aggravation de risque justifiant alors l’utilisation
de sanctions citées dans les articles L 113-4 et L 113-9 du Code des
Assurances. L’assureur pourra alors modifier le taux de surprimes et
de résilier son contrat.
De plus il est important de rappeler que la recommandation 90-02 de
la « Commission des Clauses Abusives de 1989 » interdit formellement
ce genre de clauses.
2. Pour rappel, les polices de Dommages-Ouvrages, peuvent être
résiliées, quand la variation de la hausse des coûts d’une construction
est supérieure à 10 %. Ainsi prévue aux articles L 113-4 et L 113-9,
cela peut entraîner la résiliation pour aggravation de risque ou
l’application d’une surprime.
Il semblerait que les assureurs veulent appliquer ce système aux
polices de Responsabilités Civiles Décennales Collectifs. En effet,
quand le cas d’évolution de la hausse est supérieure à 10%, ceux-ci
considèrent que, comme en DO, les CCRD sont résiliables. Aussi, pour
éviter de se retrouver engagés à la hauteur du coût d’un ouvrage non
plafonné, ils font un renvoi sur les sanctions d’aggravation du risque.
43
3. Enfin, avec les nouvelles conditions générales et particulières 2011,
certains assureurs se croient autorisés à renvoyer aux sanctions
d’aggravation des risques, le manque de certaines attestations de
Responsabilités Civiles, dans les contrats de DO, CCRD et CNR. Pour
autant, ce manquement de l’obligation de « faire » ne peut être puni
comme une telle sanction, qui devrait plutôt être censuré par une
surprime.
En somme, même si cela ne regroupe pas l’ensemble des débats, les points
que je viens de vous énumérer et de présenter, semble me faire dire que la
Loi Spinetta, malgré ses multiples améliorations plus ou moins avérées,
continue toujours à poser problème et à faire débat.
En somme, même si cela ne regroupe pas l’ensemble des débats, les points
que je viens de vous énumérer et de présenter, semble me faire dire que la
Loi Spinetta, malgré ses multiples tentatives d’améliorations, continue
toujours à poser problème et à faire débat.
44
SYNTHESE DU PROJET
Le dilemme, c’est ce qui pourrait ressortir de cette thèse
professionnelle. Le droit de la construction et celui des assurances
souscrites par les différents intervenants à l’acte de construire et par le
maître d’ouvrage, connaissent, depuis la création de la loi Spinetta, une
évolution perpétuelle. Cela provient du fait de l’importance financière du
secteur du bâtiment, mais aussi de l’importance symbolique et
psychologique qu’attachent les maîtres de l’ouvrage à la réalisation de leur
projet.
La présentation de la Loi Spinetta, son bilan avant et après les nouvelles
réformes, nous ont montré une chose : cette loi, grande Révolution du siècle
dernier, a permis au secteur de l’assurance construction de se développer,
de protéger les différents acteurs intervenants dans le cadre d’une ouvrage
du bâtiment.
Mais, nous pouvons constater que, malgré les tentatives d’améliorations de
cette loi, divers débats sont présents dans notre société, à la fois, sur des
problèmes liés aux nouvelles réformes, comme on a pu le voir avec les
clauses types, mais aussi d’un point de vue international avec notre désir de
plus en plus croissant de nous soucier de notre environnement. Il est
important de rappeler qu’effectivement, le secteur de la construction est
extrêmement gourmand en énergie, et qu’il devenait indispensable, voire
urgent, de se préoccuper de cela. Le Grenelle de l’environnement a été créé
pour cela. Seulement, le constat est de voir les soucis causés par la loi
Spinetta, qui n’avait pas prévu d’évaluer des risques innovants.
Le problème de l’ouverture de notre société de plus en plus croissante, voire,
je dirai, indispensable, pose des problèmes à notre chère loi, franco-
française, qui ne semble pas adaptée à nos désirs d’ouverture du secteur de
la construction à l’extérieur de nos frontières.
45
Enfin, nous pouvons citer un autre problème sous-jacent, celui des « projets
d’ouvrages de grandes hauteurs, à caractère mixte de bureaux et
d’habitations » comme y fait notamment référence l’Argus.
En effet la réforme voulue de la loi du 30 décembre 2006 et du décret du 22
décembre 2008, créée à la hâte, porte des stigmates importants, car on a
écarté le secteur de l’habitation, pour ne pas effrayer les consommateurs. De
cela, l’obligation d’assurance dans ce domaine et la sanction pénale sont
applicables à tous les acteurs et à n’importe quel coût des travaux. Mais, les
initiés n’avaient prévu la montée en puissance des projets de tours mixant
habitat et bureaux, dont les coûts allaient excéder les capacités du marché
de l’assurance obligatoire.
En clair et selon moi, notre « bonne vieille » Loi Spinetta, ne semble peut-être
pas complètement obsolète, mais il devient important, voire urgent, de
remédier aux problèmes de notre temps qui s’accumulent. Nous ne pouvons
pas continuer à évoluer en laissant à la traine notre législation, qui garantit
notre protection. Pour autant, nous sommes en droit de nous demander
jusqu’à quand et surtout à quelle hauteur de performance.
46
CONCLUSION PERSONNELLE
D’un point de vue personnel, ce projet s’est avéré être à la fois très
enrichissant mais aussi extrêmement difficile.
D’abord, le fait de travailler dans un service de gestion de sinistres chez un
courtier m’a permis d’avoir une connaissance très approfondie sur le
mécanisme de l’assurance, avec un point de vue extérieur, puisque mon
apprentissage s’est fait, non pas avec un assureur ni un assuré, mais grâce
à un intermédiaire d’assurance.
La loi régissant l’assurance construction, était, à mon entrée chez Marsh
S.A, approximative, l’ayant vue et étudiée de manière succincte aux cours de
mes études. Le choix de l’analyser de manière plus approfondie dans le
cadre d’une thèse professionnelle, m’est apparue comme une idée judicieuse,
puisqu’ elle serait pour moi, la possibilité d’y être confrontée à la fois de
manière pratique (grâce à mon travail de gestionnaire sinistre construction)
mais aussi théorique. Le fait de travailler sur ce sujet m’a permis de
comprendre la Loi Spinetta dans son ensemble, et de ne pas me cantonner à
un seul article, que je me sers dans mon travail.
Pour autant, ce travail de thèse professionnelle, m’a été assez compliqué. En
effet, la loi Spinetta, du fait de sa notoriété, m’a donné des difficultés car le
nombre impressionnant de documentation n’est pas forcément une aide,
mais plutôt un problème car le tri du bon ou mauvais devient très
important.
J’ai rencontré beaucoup d’obstacles pour remonter à des statistiques
anciennes, notamment sur les périodes pré et post Spinetta. La FFSA ne
regroupe que des statistiques plus ou moins intéressantes de ces cinq
dernières années.
Et puis, le nombre de réformes et la compréhension des textes parfois ardue
m’a rendu le travail difficile. Mais je pense que cela poserait problème aux
47
profanes, pour qui notre législation nous met en garde que « nul n’est censé
ignorer la loi ».
Malgré que cette thèse ne rentre pas stricto sensu dans le cadre de ma
formation de l’audit et gestion de risques d’entreprise, je pense que mon
travail m’a été et me sera extrêmement bénéfique pour poursuivre la
formation que je suis au sein du groupe Marsh.
48
Bibliographie
PRESSES
• L’argus de l’Assurance : « Les nouveaux défis de l’assurance
construction » 29 octobre 2010
• L’argus de l’Assurance : « Renouvellement 2012 : les polices DO, CNR ou CCRD sont-elles résiliables ? » 18 novembre 2011
LIVRES
• « Droit de la construction : responsabilité et assurances » L.
KARILA et C. CHARBONNEAU
• « Droit de l’urbanisme et de la construction » J-B. AUBY, R.
NOGUELLOU, H. PERINET-MARQUET
DOSSIERS
• « La garantie décennale » Euro-Info-Consommateurs
• « Actes colloques, 25 ans de la loi Spinetta » Colloque de la
S.M.A.B.T.P
• « La responsabilité des biens et de responsabilité » Rapport annuel
2009 de l’Assurance française