la périchole - boosey & hawkes · 2005. 6. 15. · d’aller chez les petites femmes...
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La PéricholeOpéra-bouffe en 2 actes
Paroles de Henri Meilhac et Ludovic Halévy
Livret de censureParis 1868
– Première édition provisoire –
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© 2003 Boosey & Hawkes · Bote & Bock, Berlin.Eigentum für alle Länder: Boosey & Hawkes · Bote & Bock
ISMN M-2025-3101-3 ISBN 3-7931-3101-7
La Périchole – Livret de Censure (1868) 1
©2003 Boosey & Hawkes · Bote & Bock, Berlin. ISMN M-2025-3101-3 ISBN 3-7931-3101-7
La Périchole 10 1868
Opéra Bouffe en 2 actes
Personnages
PiquilloDon AndresPanatellas – 1er auditeurDon Pedro – gouverneur
2 Notaires2 BuveursUn huissierLa PéricholeGuadalena }Berginella } les 3 CousinesMastrilla }MannelitaFraspinellaBrambillaNinetta
Acte 1er
Le cabaret des Trois cousines
Scène 1ère
Guadalena, Berginella, Mastrilla, le chœur(Au lever du rideau, grande foule et grandmouvement. Buveurs. Jongleurs. Parmi lesPeruviens et Peruviennes quelques Indiens.)
ChœurDu vice-roi c’est aujourd’hui la fêteCélébrons-laD’autant que nous sommes à tant par têtePayés pour çaOn nous a dit : soyez gaisCriez ; si vous criez bienPour le jour vous boirez fraisSans qu’il vous en coûte rien.
(Les Trois Cousines pendant le chœur vont etviennent versant à boire.)
Couplets
1.GuadalenaPromptes à servir la pratiqueNous sommes trois cousines quiAvons ouvert cette boutiquePour y vendre du ruquiquiQui donc en veut ? buvez ! buvez.
ChœurA nous, à nous ! versez ! versez !
GuadalenaIl n’est pas dans tout le PerouNi dans les nations voisinesIl n’est pas de cabaret oùL’on fasse plus gaiment glouglouQu’au cabaret des Trois Cousines
ChœurAh ! qu’on y fait gaiment glou glouAu cabaret des Trois Cousines.
Mastrilla
2.Adressez-vous à la deuxièmeSi la première n’est pas là.En manque-t-il deux ? la troisième !La troisième vous serviraQui veut du vin ? buvez ! buvez !
ChœurA nous, à nous ! versez ! versez !
Berginella
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Quand elles sont jeunes, aimablesOn ne sait pas en véritéDe quoi trois femmes sont capablesAvec un peu d’activitéQui veut du vin ? buvez ! buvez !
ChœurAh ! qu’on y fait gaiment glou glouAu cabaret des trois cousines.
(Entre Don Pedro de Hinoysa, gouverneur de Lima.)
Scène 2e
Les mêmes, D. Pedro
D. PedroUn mot les trois Cousines.
Toutes les troisComment ?
D. PedroIngrates, vous ne me reconnaissez pas ?
GuadalenaLe Seigneur Don Pedro de Hinoysa.
BerginellaLe Gouverneur de Lima
MastrillaSous ce costume.
D. PedroLui-même. Mais dites-moi, s’amuse-t-on ici ? Fait-on du bruit comme il faut ?
GuadalenaMais pas mal, pas mal.
D. PedroC’est aujourd’hui la fête du Vice-Roi. Il faut que laville de Lima soit gaie. Si la ville de Lima n’est pasgaie … On pensera que la ville de Lima est malgouvernée, et moi qui la gouverne je perdrai maplace.
MastrillaLa ville de Lima est gaie.
D. PedroL’est-elle vraiment ?
BerginellaElle l’est, on rit
MastrillaOn boit.
GuadalenaOn chante !
D. PedroJ’ai fait donner à tous les jongleurs, escamoteurs etchanteurs ambulants la permission de jongler,escamoter et chanter dans tous les carrefours. Envient-il ici ?
BerginellaTous les cinq minutes … il en vient.
D. PedroC’est bien, alors, c’est très bien, mais ne figeons pas… renouvelons, les Trois cousines, renouvelons …Les peuples sont des enfants ; quand ils voient qu’ons’amuse à côté d’eux, ils s’imaginent qu’ils ont sujetd’être gais : quand ils voient qu’on dépense del’argent, ils s’imaginent qu’ils sont riche, doncdépensons de l’argent et soyons gais. Du vin danstous les verres. les Trois Cousines et chantons afinde donner aux autres l’idée de chanter.
D. Pedro et le chœurDu vice-roi c’est aujourd’hui la fête.CélébronsCélébrez }la.D’autant que { nous sommes }à tant par tête. vous êtesPayés pour ça.On nous vous }a dit : soyez gaisCriez, si vous criez bienPour le jour vous boirez fraisSans qu’il vous en coûte rien.
Scène 3e
Les mêmes, Panatellas
PanatellasPains au beurre qui en veut ? qui veut des petitspains au beurre ?
D. PedroMoi Excellence.
PanatellasVous m’avez reconnu ?
D. PedroNe pas reconnaître le Seigneur comte de Panatellas,conseiller chef conservateur de la couronne ! à quoidonc me servirait d’avoir sous mes ordres toute laPolice de Lima ?
PanatellasNous voilà bien fier avec votre police. Je pariecependant ce qui s’est passé il y a une demi-heuredans le palais du Vice Roi
D. Pedro
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Pardonnez-moi, Excellence ; il y a une demi-heure,un homme est sorti furtivement du Palais par lapetite porte des cuisines.
PanatellasAprès ?
D. PedroCet homme vêtu d’un costume de Docteur
PanatellasBien ?
D. PedroN’est autre que Don Andres de Ribeira vice roi duPérou et notre grâcieux maître.
PanatellasTrès bien !
D. PedroVous êtes content, Excellence ?
PanatellasSi content que je vous permets une demi-familiarité.Appelez-moi tout simplement Monseigneur, etcausons comme une paire d’amis. Dans quel butpensez-vous que son Altesse se soit avisée de couriraujourd’hui les rues de Lima ?
D. PedroEh ! eh ! eh !
PanatellasMais encore.
D. PedroIl est toujours gaillard, ce cher Vice Roi. La petitemaison qui est là lui appartient. Avant de sortir il aeu grand soin d’en mettre la clef dans sa poche, et jepense que, ce soir, après le feu d’artifice, il ne seraitpas fâché d’y conduire quelque sémillante Manola.
PanatellasBon ! Mais croyez-vous que ce soir pour celaseulement
D. PedroJe crois aussi que le Vice-Roi se flattant de ne pasêtre reconnu profitera de l’occasion pour adresseraux gens quelques questions … comme ça sans avoirl’air, afin de savoir un peu par lui-même ce que l’onpense de son gouvernement administration.
PanatellasEt cela ne vous inquiète pas ?
D. PedroPas du tout.
Panatellas
Vous avez tort : il y a toujours peut y avoir desinconvéniants, et il suffirait que son Altesses’adresse à un de ces mécontents.
D. PedroMonseigneur ne m’entend pas … Je veux dire que jesuis un peu inquiet parce que j’ai pris mesprécautions.
PanatellasAh ! ah ! Et quelles précautions, s’il vous plaît ?
D. PedroCette maison, je vous l’ai dit, appartient au ViceRoi. C’est ici qu’il viendra d’abord … il s’arretera àce cabaret et c’est à ses gens, que vous voyez là,hommes et femmes. Combien pensez-vous qu’il y enait à moi ?
PanatellasMais.
D. PedroTrois cent vingt deux … vous m’avouerez qu’ilfaudrait vraiment avoir du malheur.
PanatellasComment tous ces gens là ?
D. PedroPresque tous, ils sont prévenus. Ils savent ce qu’ilsont à dire, et si le son Altesse Vice Roi les interroge,ils lui répondront de la bonne manière.
PanatellasQu’est-ce que c’est que ça ?
D. PedroOn m’annonce que le Vice Roi est à cent pas d’ici… bien … Il en est à cinquante pas maintenant.
Panatellas ça ?
D. PedroCe n’est rien … Ce n’est rien, j’annonce à meshommes que le son Altesse Vice Roi est en vue etqu’elle va paraître … Les voyez-vous, les gaillards ?… Attention, mes amis, mais n’ayons pas l’air,n’ayons pas l’air.
Voix dans la foule pas peur … soyez tranquille.
PanatellasC’est renversant
D. PedroMonseigneur est content ?
Panatellas
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Tellement content que je te permets une familiaritécomplète. Appelle-moi Miguel et tape-moi dans lamain
D. PedroEt là - jamais ?
PanatellasSois fidèle et nous verrons … Ecoute un peumaintenant … Ecoute, hinoysa, que je te fasse partd’une idée qui vient de me venir …
Scène 4e
D. Andres, les Trois Cousines, le chœur
ChœurC’est lui, c’est notre Vice Roi !Ne bougeons pas, tenons nous coi.Nous le reconnaissons très bien.Mais il faut qu’il n’en sache rien.
D. Andres1.Sans en rien souffler à personnePar une porte du jardinLaissant là-bas sceptre et couronneJe me suis sauvé ce matinMaintenant je vais par la villeLe nez caché dans mon manteauJe vais je viens je me faufileIncognito.
ChœurAh ! ah ! le bel incognito !
D. AndresAh : qu’un monarque s’ennuieraitSi, pour se distraire, il n’avaitL’incognito !
ChœurRespectons son incognito !
D. Andres2.Je ne puis me le dire à moi même,Aussitôt que je suis lâchéCe que j’aime là, ce que j’aimeMon Dieu … ce n’est pas un péchéC’est de prendre la taille aux damesEn fringant comme un diabloteauD’aller chez les petites femmesIncognito.
ChœurAh ! ah ! le bel incognito !
D. AndresAh ! qu’un monarque s’ennuieraitSi pour se distraire il n’avaitL’incognito.
ChœurRespectons son incognito.
D. Andres (à Guadalena)Un verre de chicha par la dessus, hé ! la belle enfant,allez me chercher un verre de chicha.
Guadalena (en riant)Oui, monsieur le Docteur.
D. AndresElle est gaie. (à Berginella) Restez un peu, vousn’avez pas besoin de vous mettre deux pour aller mechercher … restez un peu et causons. Voulez-vous.
Berginella (en riant)Je veux bien, monsieur le Docteur.
D. AndresElle aussi ! Eh ! bien. Dites-moi, c’est vous quitenez ce cabaret ?
BerginellaCe cabaret
D. AndresOui
BerginellaOui, c’est moi qui le tiens … avec mes deuxcousines.
D. AndresAh ! c’est très bien, et la commerce consommation ?
BerginellaLa commerce consommation ?
D. AndresOui, cela va-t-il un peu la commerceconsommation ?
BerginellaSi ça va, monsieur le Docteur.
D. AndresAh ! ça mais …
BerginellaAh ! ma foi, demandez cela à ma cousine Mastrilla.Quant à moi je ne peux plus. (Elle s’éloigneMastrilla)
D. AndresTiens, c’est la troisième cousine.
MastrillaOui, Guadalena … n’a pas osé revenir … parceque.
D. AndresC’est de la famille.
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MastrillaParcequ’elle avait peur déclarer au nez de
D. AndresAu nez de
MastrillaAu nez de monsieur le Docteur.
D. AndresTenez et laissez-moi tranquille toutes les trois
MastrillaMais, monsieur le Docteur
D. AndresIl n’y a pas moyen de causer sérieusement avec cesperonnelles. Mon Dieu, qu’on a de peine à savoir lavérité ! après cela, si elles sont gaies … Si tout lemonde est gai, c’est que les affaires ça va bien,n’est-ce pas monsieur ? C’est que l’on n’a pas trop ase plaindre du gouvernement de
1 BuveurVive le Vice-Roi.
D. AndresVraiment monsieur ?
1 BuveurVive le Vice-Roi.
D. AndresAh ! vive le Vice-Roi ! C’est très bien, mais enfin, iln’y a rien de parfait en ce monde où l’on pourraitsans doute trouver bien des choses à redire.
1 BuveurVive le Vice-Roi ! Je ne connais que ça, moi. Vivele vice-roi ! et je casse les reins à ceux qui ne sontpas de mon avis (à D. Andres) Voulez-vous que jevous casse les reins, monsieur le Docteur
D. AndresMais non, mais non.
1 BuveurAyez pas peur. C’est pour de rire. Vive le vice Roi !
D. AndresHum ! hum ! Cet homme a de bons sentiments, et unbel organe. A en juger par son costume, il est de laville. A en juger par le vôtre, vous, monsieur, vousêtes de la campagne.
2 BuveurAvec respect.
D. AndresVous dites ?
2 BuveurJe suis, moi, de la province de Lampa.
D. AndresBelle province … célèbre par ses moutons. Vousêtes éleveur
2 BuveurPar obéissance.
D. AndresComment ?
2 BuveurEh ! bien, oui … je suis … ce que vous venez dedire. J’ai des moutons, quoi.
D. AndresEt cela, va-t-il un peu les affaires moutons ?
2 BuveurÇa ne va pas mal … ça ne va pas mal … Seulementpas assez de gratifications.
D. AndresComment pas aseez de.
2 BuveurEh ! non … parceque les chefs, voyez-vous, unesupposition qu’on leur demande de l’argent.
D. AndresAh ! ça mais … vous n’êtes donc pas éleveur ?
2 BuveurSi fait … je suis … j’ai des moutons, quoi …
D. AndresMais alors, si vous êtes éleveur
2 BuveurAh ! mais … vous savez … faut pas me pousser. Jedis comme ça ce qu’on m’a dit de dire mais la véritévraie, c’est que je suis ici pour … chaufferl’enthousiasme
D. AndresAh ! mon Dieu, qu’on a de peine à savoir la vérité(au 2e buveur) Et ce monsieur avec qui j’ai causétout à l’heure, est-ce qu’il est aussi, lui pour …
2 BuveurQui ça ? Lecoq ? … un peu qu’il en est
D. AndresAh ! ça, mais … tout le monde, alors ? Alors,comme ça, ici vous vous connaissez tous ?
2 BuveurNon …; pas tout le monde ! voilà un particulier …que je ne connais pas.
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D. Andres voilà mon affaire … à moi, chef deux mots.
L’IndienQue demande le visage pâle a son frère le visagerouge ?
D. AndresUn verre veux-tu ?
L’IndienNon, pas de ça.
D. AndresAh ! oui … je sais … l’eau de feu … passion fatale… hé la fille … deux eaux de feu.
L’IndienTout de suite, grand chef De la vieille.
GuadalenaTout de suite, grand chef
L’IndienL’homme pâle a l’air bon. Il a l’air bon, l’hommepâle
D. Andres (inquiet)Comment l’entends-tu ?
L’IndienSi l’homme pâle a des ennemis, il n’a qu’à medonner leur adresse. J’irai les voir … (il boit) Et jeles mangerai.
D. Andres (à part)C’est très singulier, ce chef a une façon de boire lespetits verres, qui me rappelle le conseiller chefconservateur de ma couronne. (entre D. Pedro)
L’IndienVeux-tu ?
D. AndresMais tu me le diras au moins.
L’IndienQuoi donc ?
D. AndresLa vérité
L’IndienSi je ne te la dis pas tu me mangeras
D. AndresViens alors … après tout je ne suis pas mécontent dece que j’ai observé dans ce quartier … je veux voirsi dans les autres
L’IndienMarchons … mais d’abord
D. AndresEh ! bien ! Eh ! bien ! …
L’IndienRien ! Le visage pâle a des cheveux d’une si jolinuance que, dans le premier moment, le visagerouge n’a pu s’empêcher … tu sais … affaired’habitude … mais n’aie pas peur … ça nem’arrivera plus. Remets ton chapeau et marchons.
D. PedroEt allez donc ! il est en bonnes mains. Et maintenant,mes amis, ma dernière tournée.
Le chœurDu Vice-Roi, c’est aujourd’hui la fête.Célébrons laD’autant que nous sommes à tant par têtePayés pour ça.
Scène 5e
Piquillo, La Périchole (chanteurs ambulants), lesTrois cousines, le chœur
Piquillo (à une des cousines)Vous permettez, n’est-ce pas.
GuadalenaMais très volontiers, mon garçon, très volontiers.
PiquilloMerci, ma bonne demoiselle, ma bonne demoiselle,je vous remercie bien. Espérons que nous allonsfaire ici plus que nous n’avons fait jusqu’à présent
La PéricholeDis-moi, Piquillo ?
PiquilloQoui ? …
La PéricholeDécidément, bien décidément … tu tiens à faire laquête toi même
PiquilloOui, j’y tiens.
La PéricholeC’est bon, alors.
PiquilloEt si j’y tiens, c’est que j’ai mes raisons pour y tenir… J’ai très bien remarqué que lorsque tu passesentre les tables
La PéricholeC’est bon, je te dis … mais je sais ce qui nousattend.
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PiquilloJe l’ai très bien remarqué et ça ne va pas. Tu y es ?
La PéricholeJ’y suis
Piquillo (à la foule)L’Espagnol et la jeune Indienne.
Piquillo1.Le conquérant dit à la jeune IndienneTu vois, Fatma, que je suis ton vainqueurMais ma vertu doit respecter la tienneEt ce respect arrête mon ardeurVa dire, enfant, a ta tribu sauvageQue l’étranger, qui foule ici son solA pour devise : abstinence et courageOn a du cœur quand on est Espagnol.
La Périchole, PiquilloOn a du cœur quand on est Espagnol.
PiquilloMessieurs, mesdames, je vous prie, donnez pour leschanteurs, pour la jolie chanteuse. (personne nedonne, furieux)Panés - va !
La PéricholeQu’est-ce que je t’avais dit ?
PiquilloAllons à ton tour !
La PéricholeDeuxième couplets
La Périchole2.A ce discours, la jeune indienne émueVers son vainqueur soulève ses beaux yeux.Elle palit et chancelle à sa vueCar il lui plait, ce soldat généreuxUn an plus tard, gage de leur tendresseUn jeune enfant dort sous un parasolEt ses parents chantent avec ivresseIl grandira, car il est Espagnol.
Piquillo, La PéricholeIl grandira car il est Espagnol.
La PéricholeA mon tour, je t’en prie
PiquilloEh ! bien va … mais je ne te perds pas de vue
La PéricholeTu devrais … je t’assure.
PiquilloÇa ne me serait pas possible.
La PéricholeAllons, soit. Mais tache au moins d’être raisonnableet de ne pas tout casser, si tu t’aperçois qu’on me ditdes douceurs … (elle commence la quête) Allons,messieurs, un peu de courage à la poche mes bonsmessieurs !
Un gros buveurDis moi la belle
PiquilloAttends un peu, toi … le gros là bas.
La PéricholeEncouragez les petits chanteurs … allons, messieurs.
Un buveur maigreMais je ne demande pas mieux, quant à moi
PiquilloEh ! le petit grélé … qui a la barbe en pointe, attendsun peu.
La PéricholeAh ! si c’est comme cela.
PiquilloEh ! bien … Tu vois …
La PéricholeÇa ne peut pas compter, mon ami … je t’en prie …chantons quelque chose encore … quelque chose devif … et après, laisse-moi faire la quête … encoreune fois … mais laisse moi la faire comme jel’entends.
Piquillohum !
La PéricholeEt tu verras.
PiquilloEnfin.
La PéricholeLe muletier et la jeune personne : Segueville poursoirées
PiquilloVous a-t-on dit souventEcoutez-moi, la fille,Vous a-t-on dit souventQue vous êtes gentille.
La PéricholeOn me l’a dit souventMille fois plutôt qu’uneOn me l’a dit vraimentBien des fois à la brume
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PiquilloSi l’on vous le disaitEn promettant merveilleSi l’on vous le disaitFermiriez vous l’oreille
La PéricholeMonsieur, ça dépendrait.On dit tout quand on cause.Monsieur, ça dépendraitD’une certaine chose.
Ensemble
PiquilloEn avant vite ! vite !Va, ma mule, va grand train !Sur cet air, la petite,On doit faire du chemin
La PéricholeEh ! là, non, pas si vite.Ne courons pas si grand trainSur cet air la, petite.Tu feras trop de chemin.
PiquilloSi l’on te promettaitDieu ! comme je m’engage !Si l’on te promettait,Le joli mariage ?
La PéricholeOui, ce mot suffirait,Si l’offre était sincère,
Oui, ce mot suffirait,Cela pourrait se faire.
PiquilloAlors, embrassons nous.O ma belle andalouse.Alors, embrassons nous,Dès demain je t’épouse.
La PéricholeTout doux ! … eh ! là ! … tout doux !Monsieur, pas de bêtiseTout doux ! Eh ! la ! tout doux !Car j’y fus déjà prise !
EnsembleEn avant, vite, vite …Eh ! la ! non … pas vite.etc etc etc
La PéricholeLa maintenant tu vas voir.(au moment où elle va faire la quête, lessaltimbanques passent au fond)
Les Saltimbanques
Levez-vous et prenez vos rangsPour venir voir les chiens savants
Le chœurLevons-nous et prenons nos rangsPour aller voir les chiens savants.
Scène 6
La Périchole, Piquillo
PiquilloLes voilà bien !
La PéricholeNous quitter pour courir après des chiens savantspour aller écouter une musique de saltimbanques
PiquilloTandis que nous qui représentons l’art
La PéricholeL’art sérieux
PiquilloOn nous laisse là … seuls tous les trois
La PéricholeComment tous les trois
PiquilloEh ! bien, oui toi, moi, et l’art
La PéricholeAh !
PiquilloPauvre art ! … après ça tu sais … de nous trois, c’estencore lui le moins à plaindre … Car enfin … l’art… il est immortel. Et alors, n’est-ce pas ? Etantimmortel, il n’a besoin ni de déjeuner, ni de souper.Tandis que nous … qui en avons besoin, nousn’avons pas déjeuné nous
La PéricholeEt quant à souper nous nous en passerons.
PiquilloC’est probable.
La PéricholeQu’est-ce que tu as, toi ?PiquilloMoi, je n’ai rien.
La PéricholeCe n’est pas assez.
PiquilloEt toi, qu’est-ce que tu as ?
La Périchole
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Moi j’ai … je commence à avoir un peu d’appetit
PiquilloC’est trop
La PéricholeJe le sais bien que c’est trop, mais ce n’est pas mafaute.
PiquilloÔ mon amante.
La PéricholeÔ mon amant
PiquilloTu m’aimes au moins
La PéricholeOui, je t’aime !
PiquilloPuisqu’il ne nous reste plus l’un à l’autre que toi àmoi, et moi à toi … Dis le moi encore que tum’aimes.
La PéricholeEh ! oui … je t’aime
PiquilloParce que vois-tu … tout ça au fond, ca me seraitencore bien égal, si je n’avais pas là une idée qui metracasse.
La PéricholeQuelle idée ? voyons …
Piquillo (avec conviction)J’ai peur que ça ne t’ennuie de ne jamais rien avoir àmanger
La PéricholeMoi par exemple
PiquilloOui, j’ai peur qu’à la longue
La PéricholeIl n’y a pas de danger.
PiquilloVrai - ça ne t’ennuie pas ?
La PéricholeAu contraire, mon ami, au contraire.PiquilloA la bonne heure, et cette parole me donne ducourage. En avant la Périchole en avant
La PéricholeEt où ?
PiquilloEh ! bien, mais … nous sommes chanteurs … alorsallons chanter autre part puisqu’ici on ne nous a riendonné.
La PéricholeVa chanter si tu veux … quant à moi je n’ai pas laforce de bouger
PiquilloQue fais-tu alors vas-tu faire alors ?
La PéricholeVoici le soir qui vient. Je vais m’étendre là … ettâcher de dormir un peu … qui dort … on le ditdu moins
PiquilloEt tu vas essayer de cette cuisine la ?
La PéricholeJ’en aimerais mieux une autre … mais puisque …
PiquilloÔ mon amante !
La PéricholeÔ mon amant
PiquilloMa Périchole adorée
La PéricholeMon cher Piquillo !
PiquilloSi encore nous étions mariés
La PéricholeQu’est-ce que ça y ferait ?
PiquilloJ’aurais le droit de te prendre un baiser … au moins… et ça nous ferait prendre patience. Mais vas tepromener ! … nous ne le sommes pas mariés
La PéricholeAlors
PiquilloÇa coute quatre piastres pour se marier … quatrepiastres … Le gouverneur n’a pas honte d’exiger …chien de pays.
La PéricholeFichue gouvernement époque !
PiquilloTu m’aimes au moins.
La PéricholeJe te l’ai déjà dit
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PiquilloC’est vrai … mais tu sais … c’est cette diable d’idéequi me tracasse
La PéricholePuisque je t’assure.
PiquilloÇa ne fait rien, dis le moi encore une fois que tum’aimes
La PéricholeJe t’adore …
PiquilloAh ! je vais chanter, alors, et tâcher de recolterquelques
La PéricholeC’est cela, va chanter, moi, je vais dormir
Piquillo (s’éloigne)Il a perdu son alèneLe pauvre cordonnierIl est bien dans la peineIl n’ pourra plus fair’ de soulier
Scène 7e
La Périchole s’endormant, D. Andres, L’Indien(Panatellas)
D. AndresC’est bien vrai, au moins, tout ça ?
PanatellasLe visage rouge n’a jamais menti
D. AndresOn est content ?
PanatellasOn est enchanté
D. AndresIl suffit, et la récompense due à ta franchise ne sefera pas attendre. Le Vice-Roi te nomme Chevalierde ses ordres. (il lui tend une arrête de poisson)Passe-toi cela dans le nez …
PanatellasQu’est-ce que c’est que ça ?
D. AndresC’est une arrête.
PanatelleasEt vous voulez que je ?
D. AndresTu hésites ?
PanatellasMais
D. AndresTu n’es donc pas un chef Indien ? Si tu n’es pas unchef Indien, qui donc es-tu ? (il lui frotte la figureavec son mouchoir) le reconnaissant) Le conseillerconservateur chef de ma courronne … C’est à luique depuis une demi heure je demande desrenseignements
PanatellasAltesse !
D. AndresMon Dieu ! qu’on a de peine à savoir la vérité !
PanatellasJe vous en prie, Altesse
D. AndresRetirez-vous, monsieur, vous avez fait du mal àvotre bon maître. Vous lui avez fait beaucoup demal. Allez, votre bon maître n’a pas autre chose àvous dire, pour le moment. Allez, vous débarbouiller(Panatellas sort)
Scène 8e
D. Andres, La Périchole (endormie)
D. AndresAndante maestosoVérité ! vérité ! tu fuis à mon approchePrends pitié du meilleur de tous les Vices-RoisPa … mon gouvernement si quelque chose clocheFais du fond de ton puits monter vers moi ta voixVérité ! vérité !
La Périchole (dormant à moitié)Chien de pays !
D. AndresQu’entends-je ?
La PéricholeFichue gouvernement époque !
D. AndresJe ne me trompe pas. Serait-ce elle enfin ?(s’approchant) C’est une femme, elle est jeune, elleest belle. Elle paraît être dans une position defortune voisine de l’indigence
La PéricholeDécidément, on a beau dire … Dormir et dîner. Cen’est pas la même chose. J’aimerais mieux dîner.
D. Andres (trébuchant)Ah ! mon Dieu ! qu’est-ce qui m’arrive donc, àmoi ?
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La Périchole (s’écriant)Eh bien ! Eh bien ?
D. AndresCe n’est rien, c’est ce que les poètes appellent lecoup de foudre. Me voilà amoureux
La PéricholeVous ne vous êtes pas fait mal.
D. AndresNon, je vous remercie. Ça y est, je suis pris, c’estune passion. Votre nom ?
La PéricholeLa Périchole
D. AndresTout à l’heure je vous écoutais. J’ai cru d’abord quevous étiez la vérité.
La PéricholeLa vérité.
D. AndresC’était une erreur, sans doute. Et cependant tout meporte à croire que si vous daigniez en prendre lecostume.
La PéricholeDes libertés !
D. AndresPardon ! je plaisantais.
La PéricholeOh ! je suis en humeur
D. AndresEn effet, vous seule, au milieu de cette ville en fête,semblez triste. Confiez les moi
La PéricholeQuoi donc ?
D. AndresVos chagrins.
La PéricholeA quoi bon !
D. AndresQui peut savoir ?
La Périchole (à part)Et Piquillo … Piquillo … qui ne revient pas … ilparaît que cette fois encore la recette.
D. Andreshein ? quoi ? je n’ai pas entendu. Encore quelqueméchancété. Vous n’étiez pas gentille, tout à l’heure.
La PéricholeComment ?
D. AndresCa pauvre gouvernement, vous tapiez dessus
La PéricholeOh ! vous savez, je suis ennuyée. Alors, je trouveque tout va mal, mais si je n’étais pas ennuyée, jetrouverais que tout va bien.
D. AndresVraiment, vous n’avez pas d’autres griefs ?
La PéricholeEh ! non !
D. AndresMais alors !
La PéricholeQuoi donc ?
D. AndresRien - continuez, donnez moi des détails, parlez-moide vous. Votre famille ?
La PéricholeObscure.
D. AndresVotre état ?
La PéricholeChanteuse !
D. AndresMusicienne ?
La PéricholeJe le suis aussi
D. AndresMariée ?
La PéricholeNon !
D. AndresEh ! mon Dieu ! c’est cela qui est important. Je faisla demande et, en attendant la réponse, je tremble.Pas d’amoureux ?
La PéricholeQu’est-ce que cela peut vous faire ?
D. AndresCe que cela peut me faire ! Eh bien ?
La PéricoleNon, pas d’amoureux
La Périchole – Livret de Censure (1868) 12
©2003 Boosey & Hawkes · Bote & Bock, Berlin. ISMN M-2025-3101-3 ISBN 3-7931-3101-7
D. AndresAh ! réjouissez-vous alors, tous vos maux vont finir,je vous amène
La PéricholeOù cela ?
D. AndresA la cour. Dans le Palais du Vice Roi.
La PéricholeQu’est-ce que j’aurai à faire ?
D. AndresVous serez demoiselle.
La PéricholeDe compagnie.
D. AndresNon, d’honneur … demoiselle d’honneur de la ViceReine
La PéricholeDe la Vice Reine !
D. AndresJe comprends votre étonnement. Le Vice Roi a eneffet la douleur de la perdre, mais il a tenu à garderquelque chose qui lui rappelait celle qu’il avait tantaimée et alors il a gardé j’ai gardé le service desdemoiselle d’honneur
La PéricholeVous avez dit j’ai gardé … Vous seriez donc ?
D. AndresC’est vrai je me suis trahi
La péricholeAh !
D. AndresJe me suis trahi … mais je ne le regrette pas, pourque toi, tu me promettes de ne jamais …
La PéricholePas si vite. Il ne manque pas de gens sur le pavé deLima, qui, pour se moquer d’une pauvre jeune fille,s’amusent à lui dire : Je suis le Vice Roi … Et puisaprès ils se mettent à rire et ils disent : Je suis toutbonnement Velasquez ou Perez, ou …
D. AndresVous doutez ?
La PéricholeUn brin.
D. AndresVous voudriez des preuves ?
La PéricholeÇa ne pourrait pas faire de mal.
D. Andres (tirant une piastre)Eh bien, regardez
La PéricholeQu’est-ce que c’est que ça ?
D. AndresVous ne savez pas ?
La PéricholeJ’ai bien, comme une idée vague, mais …
D. AndresC’est une piastre.
La PéricholeUne piastre ! voilà donc ce que c’est qu’une piastre !
D. AndresEt la … vous voyez, ce profil.
La PéricholeEh bien ?
D. AndresEh bien. Vous ne me reconnaissez pas.
La PéricholeC’est vrai, ma foi, vous êtes très flatté, mais c’estvous.
D. AndresComment, je suis flatté.
La PéricholeOh ! oui, et ferme.
D. AndresOh ! la vérité ! la vérité !
La PéricholeEt qu’est-ce que vous avez la dedans, dans lescheveux ?
D. AndresQuelques fleurs.
La PéricholeAh !
D. AndresEh bien, doutez-vous, maintenant ?
La Périchole (à part)Mon Dieu … Piquillo ! la misère avec lui -toujours ! pour lui-même ne vaudrait-il pas mieux ?D’un autre côté, l’abandonner - ah ! quellesituation ! s’il venait au moins, s’il venait
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D. AndresVous avez la manie de lui parler vous parler à vousmême. Doutez-vous, je vous ai demandé ?
La PéricholeMais pourquoi ne douterais-je pas ? un homme peutavoir des piastres dans sa poche, un homme peutressembler au Vice Roi sans être pour cela.
D. AndresEh ! bien, une preuve encore … Viens et crie avecmoi
La PéricholeQue je crie ?
D. AndresOui, crie avec moi à bas le Vice-Roi !
La PéricholeJe veux bien !
La Périchole, D. AndresA bas le Vice-Roi, à bas le Vice-Roi.
Scène 9
Don Andres, La Périchole, Panatellas, Don Pedro
PanatellasEh bien ? Eh bien ? Quel est l’insolent qui se permet
D. AndresC’est moi !
PanatellasVous Altesse !
D. PedroIl n’y avait que vous a qui l’idée pût venir de faireune pareille farce, Altesse.
La PéricholeAltesse.
D. AndresEtes-vous convaincue, mon enfant ?
La PéricholeOui, maintenant.
D. AndresEt vous me suivez ?
La PéricholeQue voulez-vous, puisqu’il n’y a pas moyen de faireautrement … oui, mais d’abord, vous avez destablettes sur vous
D. AndresLes voici.
La PéricholeDonnez les moi, une lettre à écrire, avant de voussuivre, une lettre à écrire à quelqu’un
D. AndresA qui donc ?
La PéricholeA une vieille parente
D. AndresTu m’as fait peur ! tu ne sauras jamais comme tum’as fait peur.
PanatellasAh ! mais dites donc, Altesse, ah ! mais dites donc !
D. AndresQu’y a-t-il messieurs ?
D. PedroCette femme ?
D. AndresEh bien ! messieurs ?
PanatellasNous nous proposons donc de l’installer dans notrepetite maison ! he !
D. AndresMieux que cela, messieurs, je l’emmène au Palais
D. PedroAh ! en titre, alors ?
D. AndresEn titre. Elle occupera le petit appartement dutroisème
PanatellasCelui qu’occupait autrefois la jeune duchesse deMontifiore d’Acapulco.
D. AndresCela vous gêne, monsieur le Conseiller ?
PanatellasOui, cela me gêne un peu, parceque cet appartementétait vacant, n’est-ce pas ? j’avais pris l’habitude d’yfourrer un tas de choses … mais ce n’est pas de celaqu’il s’agit
D. PedroDu règlement.
D. AndresLe règlement, mais il ne me défend pas, je suppose…
Panatellas
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Certainement, non, il ne vous défend pas, je supmais enfin, il met certaines restrictions.
D. PedroVotre Altesse étant veuf !
PanatellasVeuve.
D. PedroJ’aime mieux, veuf.
PanatellasUne Altesse, il faut dire veuve.
D. PedroMais lui … puisqu’il est, lui, du genre masculin.
PanatellasQu’est-ce que ça fait ?
D. PedroJe croyais que ça faisait quelque chose.
PanatellasAllez donc apprendre l’Espagnol … Votre Altesseétant veuve et se trouvant dans l’âge où il est le plusaisé de faire une sottise que de frapper le toreauentre les deux épaules, il a été décidé par lerèglement que votre Altesse ne pourrait sous louer lepetit appartement du troisème qu’à une femmemariée !
D. PedroElle est mariée ?
D. AndresNon, elle ne l’est pas
D. PedroEh ! bien, alors ?
La PéricholeEh ! là bas ! Eh ! le Vice-Roi !
PanatellasA vous, on vous appelle.
D. AndresMon amour. Eh bien ! cette lettre ?
La PéricholeElle est écrite, mais je ne serais pas fâchée de faireparvenir en même temps … Vous n’auriez pas survous, par hasard, un petit sac tout plein de ces jolisportaits que vous me montriez tout à l’heure ?
D. AndresSi fait, là, dans cette maison qui est à moi et danslaquelle, j’espère que vous me ferez le plaisir, dedîner avec moi, tout à l’heure.
La PéricholeDîner …
D. AndresVous voulez bien
La PéricholeOui, je veux bien
D. AndresJ’ai là ce que vous me demandez, je le vais quérir etje vous l’apporte (à Panatellas) En effet, messieurs,elle n’est pas mariée et le règlement exige qu’ellesoit, je vous remercie de me l’avoir rappelé. Je vouscharge, vous, monsieur le conseiller conservateur dema couronne, de trouver au plus vite quelque pauvrediable qui consente à épouser ; vous monsieur legouverneur de la ville de trouver un notaire quiconsente à bacler immédiatement ce mariage. Et sidans deux heures tout n’est pas fini, j’accepterai ladémission de tous vos emplois, charges et dignités,sans oublier les appointements. Oh ! les vilains.
D. PedroQue faire, Miguël ?
PanatellasObéir, Don Pedro.
D. PedroAlors, j’entre là. Il y a ici un notaire, je vais tâcherde le décider.
PanatellasEt je vais moi tâcher de trouver un mari.
Scène 10
La Périchole puis Les Trois Cousines et D. Andres
La PéricholePiquillo … pauvre Piquillo ! que vas-tu dire quandtu recevras cette lettre
MorceauO mon cher amant je te jureQue je t’aime de tout mon cœurMais vrai, la misère est trop dureEt nous avons trop de malheurTu dois le comprendre toi mêmeQue cela ne pourrait durerEt qu’il vaut mieux nous séparerCrois-tu qu’on puisse être bien tendreAlors que l’on manque de painA quels transports peut on s’attendreEn s’amusant quand on meurt de faimJe suis faible, car je suis femmeEt j’aurais rendu quelque jourLe dernier soupir ma chère âmeCroyant en pousser un d’amourCes paroles là sont cruellesJe le sais bien, mais que veux-tu ?
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Pour les choses essentiellesTu peux compter sur ma vertuJe t’adore. Si je suis faibleCar de toi … compte la dessusEt je signe : la PéricholeQui t’aime mais qui n’en peut plus.
D. AndresEt me voilà, moi !
La PéricholeAvec les ?
D. AndresAvec les petits portraits
La PéricholeC’est très bien - appelez maintenant, faites venirquelqu’un
D. Andreshola - hé … les Trois cousines
GuadalenaNous voici monsieur le Docteur, nous voici.
D. AndresC’est à madame qu’il faut parler
BerginellaC’est très bien, monsieur le Docteur
D. AndresQu’est-ce que vous avez à rire, à la fin.
MastrillaMais rien, monsieur le Docteur … rien absolument.
La PéricholeTenez, voici une lettre (à D. Andres) Je présume quevous allez me faire le plaisir de ne pas écouter.
D. AndresJe m’éloigne … mon amour … je m’éloigne.
La PéricholeTenez, voici une lettre que vous remettrez à ce grandbeau garçon qui tout à l’heure a chanté avec moi …Tenez, vous lui remettrez en même temps
D. AndresA présent si nous allions dîner
La péricholeOh ! maintenant encore, s’il revenait, mais puisqu’ilne revient pas, allons dîner, pusiqu’il ne revient pas.
Scène 11
Les Trois cousines puis Piquillo
Guadalena
On nous a chargées de remettre une lettre et l’onnous a donné un sac d’argent. Comment entendez-vous cela mes cousines
BerginellaMais il me semble que c’est très simple
MastrillaIl n’y a pas deux façons d’entendre la chose. Il fautremettre la chose très exactement
GuadalenaSans doute
BerginellaEt quant au sac d’argent
MastrillaIl faut le garder pour la commission.
GuadalenaVoilà
Piquillo (entrant)Deux maravedis … en tout ! Deux maravedis etencore il y en a un qui a une façon de donner. PauvrePérichole. Est-ce bien la peine de la reveiller pourlui dire … Tiens … ou donc est elle
BarginellaBeau chanteur
MastrillaNous avons une lettre pour vous, beau chanteur.
PiquilloUne lettre
GuadalenaOui, une lettre qu’une dame qui était ici tout àl’heure nous a priées de vous remettre
Piquillo (après avoir lu)Ah ! mon Dieu ! Eh bien ! il ne manquait plus quecela
MastrillaDites nous beau chanteur si vous avez envie deconsommer quelque chose.
BerginellaNe vous gênez pas
GuadalenaEt vous savez, pour le prix, nous n’en parlerons pas.
PiquilloJe vous remercie bien de votre honnêteté … mais làvrai pour l’instant, je n’ai pas le cœur à laconsommation. Çasera pour une autrefois, si vous le voulez bien, cesera pour une autre fois.
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Scène 12
PiquilloJe t’adore si je suis folleC’est de toi compte la dessusEt je signe : la PéricholeQui t’aime mais qui n’en peut plus.C’est très bien … Et je pense que maintenant lepauvre Piquillo a chanté sa dernière chanson.Pour les chose sessentiellesTu peux compter sur ma vertuMais certainement j’y compte … et tu vas bien voircomme j’y compte … Ah ! Périchole ! Périchole !Un clou … c’est très bien. Une corde. Voici ce quien tiendra lieu. Maintenant un escabeau. Là j’ai toutce qui me faut (il monte sur l’escabeau) Maintenantun coup de pied dans l’escabeau, il n’y a plus qu’adonner un coup de pied … ça a l’air tout simple etc’est justement la chose délicate … c’est comme aubillard … le dernier carambolage … tous lesamateurs vous diront que c’est le plus difficile …allons.
(entre Panatellas il donne un coup de pied dansl’escabeau Piquillo se trouve pendu le cordon casseet Piquillo tombe)
Scène 13
Panatellas, Piquillo, Les Trois cousines
PiquilloAh ! mon Dieu ! ah ! mon Dieu !
Panatellashola ! quelqu’un … à moi. Cet homme était en trainde se pendre
GuadalenaAh ! ce n’est pas de notre faute Seigneur, nous luiavons offert
PanatellasBien, bien … un mot seulement es-tu marié
PiquilloNon.
PanatellasEmmenez-le chez vous … alors … et faites lerevenir à lui. Donnez lui à boire. J’irai lui parler toutà l’heure.
PiquilloQui est ce qui a donne un coup de pied dansl’escabeau. Ça n’est pas moi, ça n’est pas moi
Scène 14
D. Andres, Panatellas, D. Pedro, Les Trois cousines
D. AndresDu Malaga vite la fille … apportez-nous du Malaga.
MastrillaOui, monsieur le Docteur.
D. AndresEh bien ! comte … avez-vous trouvé ?
PanatellasMais oui, j’espère
D. AndresAh ! mon ami … cette femme c’est un ange … uneréserve, une distinction … et un appetit par exemple,quand je lu ai proposé de la marier, elle a refusé toutnet … mais j’espère la décider avec deux ou troisverres de Malaga
PanatellasJe ne perds pas de temps. Alors, et je vais, moi,tacher de décider mon homme.
D. AndresEn même temps, je vous en prie dites donc a cettefille de se dépêcher avec ce Malaga.
D. PedroDu Porto tout de suite, du Porto
D. AndresEh ! bien, monsieur le Gouverneur, ce notaire ?
D. PedroJ’ai eu du bonheur … Altesse … celui qui demeurelà était chez lui et je l’ai trouvé en train de jouer unepetite partie avec un de ses collègues
D. AndresQuel heureux hasard
D. PedroJe leur ai proposé l’affaire … mais ils font un tasd’objections ils disent que c’est aujourd’hui jour defête et qu’alors … avec du Porto j’en viendrai à bout
MastrillaLe Malaga demandé
D. PedroJe vous en prie, la belle, ayez la bonté de me fairedonner du Porto à moi
MastrillaTout de suite, monsieur. Du Porto pour monsieur leGouverneur
GuadalenaVoilà, voilà
D. AndresMaintenant venez vite.
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Panatellashola ! quelqu’un - on ne peut plus donc trouverpersonne dans cette maison
D. PedroA qui en avez-vous Miguël
PanatellasS’il est Dieu possible, d’imaginer des chosespareilles, un homme qui ne demande pas mieux quede se pendre … je lui propose de se marier et il faitdes façons … heureusement avec du Madère …Mademoiselle je vous en prie, envoyez moi duMadère
MastrillaOui, monsieur.
GuadalenaPour où ça, le Porto … pour où ça ?
D. PedroPour ici, mademoiselle pour ici.
PanatellasTout ce que vous avez de plus fou comme Madère,n’est-ce pas ? Tout ce que vous avez de plus fou
D. AndresDu Xerès, je vous en prie … je ne serais pas fâchéd’avoir un peu de Xérès
PanatellasEh ! bien, Altesse ?
D. Andres (un peu )Eh ! bien, ça va, mon ami … ça va très bien,pourtant elle a encore des scrupules … des toutpetits … des scrupules pas plus grands que ça …aussi avec quelques biscuits … trempés dans duXérès … mademoiselle je vous en prie du Xérès
GuadalenaTout de suite, monsieur.
D. AndresVous savez si ça peut vous aider à décider votrehomme, annoncez lui qu’en se mariant il devientcomte de Puentez marquis du Mançanarès, baron deTabago.
PanatellasJe n’y manquerai pas, Altesse.
D. AndresAnnoncez lui ça … Si ça ne fait pas de bien ça nepeut pas faire de mal.
MastrillaVoici le Madère
GuadalenaVoici le Xérès
D. AndresPar ici le Xérès
D. PedroDe l’alicante maintenant. Il paraît que le collègueaime mieux l’alicante.
Berginella (paraissant)Monsieur veut ?
D. PedroDe l’alicante, la belle enfant
BerginellaTout de suite, monsieur (elle sort)
D. PedroÇa ne va pas du tout là dedans. Figurez-vouscousine, que ça ne va pas du tout … ils boivent toutce qu’on veut, mais, quant à consentir a ce que jeleur demande va te promener. Ils prétendent quejamais mariage ne s’est fait dans de pareillesconditions. Moi, je leur dis ! buvez. Ils boivent … et,pour les faire boire, je bois … et alors, je suis peutêtre un peu.
GuadalenaJe le vois bien, monsieur
D. PedroSavez-vous, cousine, que vous êtes fort jolie
GuadalenaJe le sais bien monsieur
D. PedroCertes, je le suis un peu … mais pas trop, je pourraissi je le voulais l’être encore bien davantage.
BerginellaAlicante, monsieur.
D. PedroVenez, alors, venez vite.
D. AndresEh bien, mon ami ?
PanatellasEh ! bien, Altesse ?
D. AndresElle consent, mon ami, elle consent, mais j’ai eu dumal.
PanatellasTout à fait décidé. Seulement, pour venir à bout desscrupules de ce drole, il a fallu livrer si belle bataille,que je le declare incapable de faire dix pas.
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D. AndresN’est-ce que cela ? Le mariage aura lieu ici.
PanatellasIci ?
D. AndresIci même. Annoncez cela à vos amis etconnaissances, mademoiselle la cabaretière, et ditesleur que, si ça les amuse de voir un mariage, unmariage pour de bon, ils n’ont qu’a venir tout àl’heure
BerginellaJe vais le leur dire, monsieur le Docteur
D. AndresEh ! bien, ces notaires
PanatellasEh ! bien, monsieur
D. PedroPardonne, moi, Miguël, j’en mourrais d’envie !
Finale
ChœurOh la hé … hola de là basVenez vite … pressez le pasOn dit que pour nous amuserDeux personnes vont s’épouserEt qu’à leur santé on boiraSans avoir payé pour çaOh ! la … de la bas venez tousBoire à la santé des époux.
1 CousineVoici les notaires … paix laLes deux notaires les voila
2 CousinesAccompagnés de leurs deux clers
3 CousineAh ! comme ils marchent de travers
Les 3 cousinesAh ! comme ils marchent de travers
Le chœurAh ! comme ils marchent de travers
Les 2 notaires (entrant, à Pedro)Tenez nous bien par le brasEt ne nous remuez pas
1 NotaireLe Xérès était fort vieux
2 Notaire
Le Malaga valait mieux
1 NotaireQue dites vous du madère
2 NotaireUn rude vin mon confrère.
1 NotaireL’alicante était fort sec
2 NotaireJ’ai pris des biscuits avec
1 NotaireEt le Porto quel régal
2 NotaireOui, mais il me fait du mal
Les Notaires (à Pedro)Tenez nous bien par le brasEt ne nous remuez pas
D. PedroAllons messieurs quittez mes brasEt prenez les bras de vos clercs
Les CousinesAh ! comme ils marchent de travers
Le chœurAh ! comme ils marchent de travers
D. AndresEh bien ! êtes vous prets
D. PedroIl ne manque plus rien
D. AndresVoici la fiancée
Le chœurVoici la fiancée
D. AndresElle est un peu lancéeMais ça lui va fort bien
La PéricholeAh ! quel dîner, je viens de faireEt quel vin extraordinaireJ’ai bu tant mais tant et tantQue je crois bien que maintenantJe suis un peu griseMais chutFaut pas qu’on le diseChut
2Si ma parole est un peu vague
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Si tout en marchant je zigzagueEt si mon œil est égrillardIl ne faut s’en étonner carJe suis un peu griseMais chutFaut pas qu’on le diseChut !
D. AndresC’est un ange, messieurs
La PéricholeDites-moi, je vous prieCe qu’il faut que je fasse
D. AndresEnfant, je te marie
La PéricholeMoi, jamais de la vie
D. AndresVous vouliez tout à l’heure
La PéricholeOui, lorsque j’avais faim. J’ai dîné, maintenant …Seigneur, c’est autre chose
D. AndresA votre souverainVous osez résister
La PéricholeJe l’ose
PanatellasNous la déciderons
D. AndresExhibons le mari
PedroLe voici ! le voici
ChœurAh ! les autres étaient bien grisMais il l’est tant, celui là grisQu’à lui tout seul il est plus grisQue tous les autres n’étaient gris
La PéricholeC’est lui … c’est Piquillo
D. AndresVous dites chère enfant
La PéricholeNe soyez plus faché … je consens maintenant
PiquilloMessieurs, je vous salue et d’abord je diraiJe ne sais pas pourquoi, mais je suis assez gai
Pour avoir bien bu, j’ai bien buFaut maintenant payer mon dûFaut se marier et ma foiNe sais a qui ne sais à quoiDonc, où diable est ma femme
Les CousinesElle est là bas au bout
PanatellasNe la voyez vous pas ?
PiquilloJe ne vois rien du toutEtes-vous là ?
La PéricholeJ’y suis
PiquilloPourrais-je vous prierD’écouter quelques mots dits en particulier
1Je dois en prévenir madame.En bon épouxQue j’aime fort une autre femmePas du tout vousN’ayant pour vous, soyez en sûreRien dans le cœurJe vous tromperai, je vous jureAvec bonheur
La PéricholeComme vous ferez, je feraiSi vous me trompez, je vous le rendrai
PiquilloMe tromper, vous !
La PéricholeVous venez, ça !
EnsembleAllons y ! qui vivra verra !
Piquillo2Je n’ai pas un bon caractèreC’est la mon tortEt quand je me mets en colèreJe tape fortSi la peur d’une tripotéeNe vous fait rienAllons, mais vous serez frottéeSongez y bien.
La PéricholeComme vous ferez, je feraiSi vous me battez, je vous le rendrai
Piquillo
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Me battre vous
La PéricholeVous verrez ça
EnsembleAllons y qui vivra, verra
D. AndresMon Dieu, que de cérémonieQu’on se hâte et qu’on le marie
La PéricholeDonnez moi la main, cher Seigneur
PiquilloJe vous la donne de grand cœur
La PéricholeVous me paraissez un peu gris
PiquilloBel ange, c’est que je le suis
D. AndresElle est à lui de par la loiPar conséquent elle est à moi
PanatellasEncourageons sa passionPour sauver ma position
D. PedroAh ! puisse cet événementMe valoir de l’avancement
Les NotairesMarions les vite … après çaIl est probable qu’on boira
Les 3 CousinesMariez les vite, après çaNous vous promettons qu’on boira
ChœurLe beau mariageQue nous voyons làLe joli mariageQue cela feraQue la vie est belleQuand le vin est bon.J’ai dans la cervelleDes airs de chanson.
1 NotaireRépondez nous … vous le mariVous prenez madamePour femme
PiquilloOui … oui … oui … oui …
ChœurOui … oui … oui … oui …
2 NotaireRépondez nous aussi, madameVous prenez monsieur pour mari
La PéricholeOui … oui … oui … oui …
ChœurOui … oui … oui … oui …
Les NotairesC’est fini mes petits amisAu nom de la loi, vous êtes unis
ChœurAu nom de la loi, vous êtes unis
RepriseDonnez moi la main cher Seigneuretc
D. AndresEt maintenant separons lesEt qu’on les conduise au palais
PanatellasSéparément
D. AndresCertainement
RepriseLe beau mariageetc
PiquilloUn peu plus tard, gage de leur tendresseUn jeune enfant dort sous un parasol
La PéricholeEt ses parents chantent avec ivresseIl grandira car il est espagnol
EnsembleIl grandira car il est Espagnol
RepriseLe beau mariageetc
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Acte 2ème
Une salle d’été dans le palais du Vice Roi
Scène 1ère
Le Marquis de Tarapote, Mannelita, Quinetta,Brambilla, Fraspinella. Dames de la Cour.(Trapote évanoui sur un fauteuil. Des Damess’empressent autour de lui et essaient de le tirer desa léthargie)
ChœurCher seigneur, revenez à vous.Ah ! rouvrez par pitié pour nousCet œil rempli d’intelligenceÇa nous met sens dessus dessous.De vous voir là sans connaissanceCher seigneur, revenez à vous.
Mannelita (passant un flaçon à une autre dame)Vite des sels … Tenez, ComtesseJ’en ai sur moi fort à propos.
FraspinellaAvez-vous une clé, DuchessePour la lui fourrer dans le dos.
BrambillaVoyez, il rouvre la prunelleIl en rouvrira bientôt deux.
QuinettaCette grimace n’est pas belleMais elle prouve qu’il va mieux.
Reprise du chœurCher seigner, revenez à vous.Etc.
(Pendant le chœur, Tarapote revient tout à fait à lui)
TarapoteUne saltimbanque, mesdames, une saltimbanque !…
QuinettaExpliquez-vous, Tarapote.
TarapoteCette nuit, celles d’entre vous qui ont le sommeilléger, n’ont elles pas été réveillées par un refrainétrange …
BrambillaOn chantait, n’est-ce pas ?
FraspinellaQu’est-ce donc que l’on chantait ?
Tarapote
Il grandira …
Les DamesIl grandira …
Les Dames et TarapoteIl grandira car il est Espagnol.
TarapoteEt en entendant cette poésie, entre deux et troisheures du matin, vous ne vous êtes rien dit …
FraspinellaJ’ai cru, moi, que c’était un rêve.
QuinettaMoi, je pensais à autre chose.
MannelitaJ’ai supposé que c’était quelqu’employé du châteauqui rentrait après s’être grisé en ville …
TarapoteC’était la nouvelle favorite …
MannelitaLa nouvelle favorite.
TarapoteOui, c’était la baronne de Tabago, marquise deMançanrès, qui faisait son installation. Encompagnie du baron de Tabago, marquis deMançanarès son illustre mari …
BrambillaElle est mariée …
Tarapote (montrant la droite)A preuve qu’il est là, ce mari.
Les DamesLà ? …
TarapoteOui, il est là … Encore endormi sans doute … car ilétait dans un état lorsqu’il est arrivé ici …
FraspinellaAh ! il est là … Et la Marquise ?
TarapoteElle n’est pas là, bien entendu elle est là bas. Toutlà-bas, dans le petit appartement …
MannelitaDéjà ! …
TarapoteAh ! notre gracieux maître ne perd pas de temps …mais je ne l’en crois pas plus avancé pour cela, et sij’osais vous raconter …
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QuinettaQuoi donc, Tarapote, quoi donc …
TarapoteVous n’en parlerez pas, au moins …
BrambillaN’ayez pas peur …
TarapoteEh bien, cette nuit, une heure environ aprèsl’installation … je ne dormais pas. Vous comprenez… le saisissement, l’indignation … l’idée me vientd’aller faire un tour dans le couloir du troisièmeétage … Pourquoi ça ? - je ne saurais le dire au juste… un peu de curiosité peut-être …
Les DamesAprès … après …
TarapoteJe venais donc d’entrer dans ce couloir quandj’entendis quelque chose qui ressemblait fort à unedispute … Voilà qui vous apprendra … disait unevoix de femme, et v’lan, un magnifique soufflet …puis une porte s’ouvrit et je vis sortir brusquementun homme qui d’une main tenait son bougeoir et del’autre se tenait la joue.
QuinettaEt cet homme ?
TarapoteC’était notre gracieux maître. Je n’eus que le tempsde m’effacer et de faire une révérence respectueuse… c’est un ange, me dit-il, en passant devant moi, etil rentra dans son appartement. Je redescendis dansle mien.
FraspinellaCe pauvre Vice-Roi.
TarapoteVoilà …
BrambillaC’est bien fait …
MannelitaCela lui apprendra à mieux placer ses affections …Comme s’il n’avait pas autour de lui …
TarapoteBien, ma nièce ! …
MannelitaMais, mon oncle …
TarapoteTrès bien …
Mannelita
Vous ne me comprenez pas.
TarapoteJe comprends que tu es indignée, que vous êtestoutes indignées, et que je le suis, moi, plus que voustoutes ensemble. Mais patience … si, comme jel’espère, la Cour est avec nous, cette plaisanterie nedurera pas longtemps. Le Vice-Roi ne se doute pasde ce qui l’attend. Nous allons lui faire des misères…
QuinettaSérieusement ? …
TarapoteVous verrez et nous lui en ferons tant qu’il sera bienforcé de la laisser partir, la Dulcinée … et si cela luifait trop de peine …
MannelitaOn tâchera de le consoler …
TarapoteBien, ma nièce !! …
MannelitaMais mon oncle …
TarapoteTrès bien, ma nièce, très bien.
MannelitaJe vous assure, mon oncle, que vous ne mecomprenez pas …
TarapoteJe comprends que ton cœur est bon et cela me réjouitparce que je suis ton oncle. Monte sur une chaise etembrasse-le, ton gros brave homme d’oncle qui al’air d’une boule …
(Entre Piquillo se détirant, se frottant les yeux)
Scène 2eLes mêmes, Piquillo
Ah ça …; où suis-je ici ? … que m’est-il arrivé …on ne m’ôtera de la tête que depuis hier il s’est passédans ma vie des choses extraordinaires … Quelleschoses par exemple ? … voilà ce qu’il me seraitimpossible pour le moment … des dames - soyonspoli … Cela m’engage à rien n’est-ce pas, soyonspoli … mes dames, je vous salue …
MannelitaQu’est-ce que c’est que ça ?
TarapoteC’est le mari …
QuinettaAh ! …
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PiquilloMesdames, je vous salue derechef.
BrambillaIl ose nous saluer …
FranspinellaFaisons lui sentir notre mépris, voulez-vous …
MannelitaJe ne demande pas mieux (à Piquillo) Madame vabien ? …
PiquilloMadame ? …
FrespinellaEh ! oui, la baronne de Tabago, marquise deMançanarès …
TarapoteVotre femme, enfin …
PiquilloMa femme … Ah ! c’est vrai … voilà ce dont je nepouvais pas arriver à me souvenir … je suis marié !…
Mannelita1.On vente partout son sourireSon pied, sa taille et son maintienEst-ce à tort, veuillez nous le direPeut-être n’en savez-vous rien ?
ChœurEt bonjour monsieur le mariQu’avez-vous fait de votre femmeSi vous la voyez aujourd’huiBien des compliments à madame.
2.On la dit d’humeur douce et tendreEt rêveuse quand vient le soirEst-ce vrai ? mais pour nous l’apprendreIl faudrait d’abord le savoir.
ChœurEt bonjour monsieur le mariEtc.
Frespinella3.On dit encor bien autre choseMais demander même tout basSi c’est exact, monsieur je n’oseD’ailleurs, vous ne le savez pas.
ChœurEt bonjour, monsieur le mariEtc.
Brambilla4.Tout ça, le diable vous emporteMonsieur, si vous en savez rienMais ce que l’hymen vous rapportePour cela vous le savez bien.
ChœurEt bonjour, monsieur le mariEtc.
(Elles sortent avec Tarapote en faisant à Piquillo degrandes révérences)
Scène 3e
PiquilloC’est de l’ironie … si peu d’éducation que j’aie reçuje m’aperçois très bien que c’est de l’ironie … Maisça ne fait rien, j’aurais tort de me fâcher … c’est enécoutant comme ça les personnes … et en lesécoutant sans me fâcher que j’arriverai peu à peu àme rappeler les choses … et à me rendre compte dela situation si je les arrêtais, les personnes, et si jeleur demandais qu’est-ce que je fais ici. Toutbêtement j’aurais l’air d’une bête, tandis qu’en nedemandant rien et en écoutant … voyons un peu,voyons. - Je sais déjà que j’ai épousé une femme …c’est très bien, qu’elle est cette femme, je n’en saisrien … mais d’ici à peu de temps sans doute, jerencontrerai des gens qui me le diront.
(Musique - entrée de Courtisans. Jeu de scène. Ilsentourent Piquillo sans rien lui dire)
Scène 4e
Piquillo, les Courtisans
Ah ! ah ! … Des messieurs maintenant (pendant queles Courtisans se placent un a un en rond autour delui) Qu’est-ce qu’ils vont me faire ? … s’ils n’étaientque quatre, je croirais qu’ils veulent jouer … maisils sont plus de quatre … Alors, c’est qu’ils désirentque je leur chante quelque chose … je vais leurchanter quelque chose, hum ! hum ! … (Au momentoù il va ouvrir la bouche pour chanter, les Courtisansentonnent)
Les CourtisansQuel marché de bassesseC’est trop fort, sur ma foi.
PiquilloNon … il paraît que c’est eux … écoutons alors.
Les CourtisansEpouser la maîtresseLa maîtresse du Roi.
Piquillo
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Quand je le disais que je ne tarderais pas à savoir …Je le sais, maintenant … je sais que j’ai épousé lamaîtresse … la maîtresse du roi ! … Ah ! mais ilfaut au moins que je leur explique …
Les CourtisansFaut pas tant de finessePour deviner pourquoiEpouser la maîtresseLa maîtresse du roi ! …
PiquilloMessieurs, messieurs …
Les CourtisansQuelle indélicatesseElle échappe à la loi ! …Epouser la maîtresseLa maîtresse du roi ! …
PiquilloMessieurs, je vous en prie …
Les CourtisansPour avoir la richesseOn fait n’importe quoi …Epouser la maîtresse …La maîtresse du roi ! …
PiquilloAh ! mais … ils à la fin …
Scène 5e
Les mêmes, Panatellas, D. Pedro
Panatellas (aux Courtisans)Eh ! bien, messieurs … qu’est-ce que cela veutdire ? …
D. PedroVoulez-vous bien laisser ce pauvre garçontranquille.
PanatellasVous serez donc toujours les mêmes, et dès qu’ilarrivera un nouveau.
Un CourtisanMais, Excellence …
PanatellasPas un mot, monsieur … Et d’abord, qu’est-ce quevous faites ici ?
Les CourtisansNous venons pour la présentation … pour lafameuse présentation.
PanatellasIl n’est pas l’heure encore. Allons, circulez.
D. PedroCirculez, messieurs, circulez ! …
(Les Courtisans circulent. Panatellas et D. Pedrodescendent et viennent se placent l’un à droite etl’autre à gauche de Piquillo)
Piquillo (à Panatelles)Ah ! ah ! - Vous voilà, monsieur …
PanatellasMe voilà.
PiquilloJe vous ai très bien reconnu malgré votre bel habittout neuf (montrant Don Pedro) Et monsieur … il estavec vous, un ami peut-être …
PanatellasDon Pedro de Hinoysa, gouverneur de la ville.
PiquilloBien flatté, monsieur …
PanatellasEt nous arrivons pour vous défendre, comme vousvoyez …
PiquilloC’est bien le moins, monsieur, c’est bien le moins …car enfin, c’est vous qui hier avez profité de maposition misérable pour me forcer à accepter …
PanatellasDes reproches !
D. PedroIl n’oserait pas …
PiquilloJe n’oserais pas ! …
D. PedroNon …
PiquilloAh ! je n’os … Eh bien non là, voyons … je ne vousferai pas de reproches. J’allais me pendre, vousm’avez offert de me marier. Vous m’avez ditqu’après le mariage je recevrais une bonne somme etque je pourrais planter là ma femme et m’en aller audiable … Cette proposition m’a séduit, parce que j’aipensé qu’avec la grosse somme je parviendrais bienà retrouver certaine femme que j’aimais, qui m’aabandonné, et que j’aime cent fois davantage depuisqu’elle m’a …
D. Pedro (sentimental)Je vous comprends …
PiquilloN’est-ce pas …
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D. Pedroà votre place je serais comme nous …
PiquilloN’est-ce pas. Pendant que nous sommes là tous lestrois, franchement, entre nous, n’est-ce pas que c’estbon les femmes !
PanatellasAh !
PiquilloEt qu’il n’y a que ça encore …
Panatellas et D. PedroIl n’y a que ça …
PiquilloEt là, maintenant que nous sommes seuls ettranqilles tous les trois,Pourquoi, messieurs les gentilshommes,Dirions-nous pas à pleine voix :Les femmes, il n’y a que ça !Tant que le monde durera,Tant que la terre tournera,Il n’y aura que ça !
Voyez, messieurs, comme ils sont tristes,Les gens qui rêvent le pouvoir.Nous sommes gais, nous, les artistes,Et c’est ce qui nous fait avoirDes femmes … il n’y a que ça !etc.
J’aime un chimiste qui travailleJe fais cas d’un mécanicien ;Mais que ce qu’ils inventent vailleUn baiser … moi, je n’en crois rien.Les femmes, il n’y a que ça !etc.
PiquilloEh bien, alors, c’est très bien. J’ai fait ce que vousvouliez … j’ai épousé … (avec amertume) J’aiépousé là … ces messieurs me l’ont chanté tout-à-l’heure. Comme j’ai un fond d’honnêteté je ne mesoucie pas qu’ils me le chantent une seconde fois.Donc, bonjour. (il fait un mouvement pour s’enaller)
PanatellasDoucement …
PiquilloQuoi encore …
PanatellasUne formalité … une petite formalité de rien du tout.Cette femme que vous avez épousée, il faut que vousla présentiez …
PiquilloQue je la présente … et à qui …
D. PedroMais à la Cour … au vice-Roi …
PiquilloComment, moi, le mari, il faut que je présente mafemme …
D. PedroVous êtes surpris …
PiquilloUn peu, mais j’ai tort. Chaque pays a ses usages …et comme cela au moins je ne partirai pas d’ici sansl’avoir vue, ma femme ! …
D. PedroAh ! Elle est jolie …
PiquilloVraiment ?
PanatellasElle est très jolie. Vous verrez ça tout à l’heurequand elle entrera. Vous la prendrez par la main etvous la présenterez à son altesse en disant : Altesse,je vous présente la Marquise. Son altesse vousrépondra : Bien obligé …
PiquilloEt ce sera tout ? …
PanatellasCe sera tout. Vous serez libre.
PiquilloEt je pourrai courir après la femme que j’aime …
D. PedroTant qu’il vous plaira.
PiquilloDépêchons-nous alors. Est-ce bientôt, cetteprésentation ?
PanatellasC’est tout de suite. Voici son altesse, et tout-à-l’heure votre femme …
Piquillo (riant)Ma femme …
D. PedroElle entrera tout-à-l’heure par cette porte ! …
PiquilloÇa me fait tout de même quelque chose de la voir …pas grand chose, mais quelque chose !
(Entre la Cour)
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Scène 6e
Les mêmes, Les dames de la Cour, Tarapote, DonAndres de Ribeira, puis la Périchole
ChœurNous allons donc voir un mariPrésenter sa femme à la CourCette fête revient iciUn peu plus souvent qu’à son tour.
Andres (à Piquillo)Comte. Bonjour.
PiquilloBonjour altesse.
AndresDonc vous allez, monsieur, présenter la Comtesse
Le chœur (goguenard)Ah ! la Comtesse
AndresOui la Comtesse.
Le chœurah ! ah ! ah ! ah ! ah ! ah !Elle est bien bonne celle-là.
Andres (tristement à Panatellas)Mon ami le respect s’en va …
Panatellas (levant les bras au ciel)Que pouvons-nous faire à cela ?
Le chœurAh ! ah ! ah ! ah ! ah ! ah !Elle est bien bonne celle-là !
D. Andres (s’assied sur un fauteuil et se relevantbrusquement - parlé)Qui est-ce qui a fourré des noyaux de pêche dansmon fauteuil de cérémonie … Il était déjà assez dur.
Tarapote (aux femmes bas)Ce sont les misères qui commencent.
(Il tire de sa poche une petite et envoie uneboulette à Don Andres)
Andres (recevant la boulette dans l’œil)Qu’est-ce que c’est encore ça ?
D. Andresfaites entrer
Un huissier (annonçant parlé)Madame la baronne de Tabago. Marquise dumancanarès …
Chœur (pendant l’entrée de la Périchole qui arrivesomptueusement vêtue)Nous allons donc voir un mariPrésenter sa femme à la CourCette fête revient iciUn peu plus souvent qu’à son tour.
Panatellas (à Piquillo)De tout ce que j’ai dit vous souvenez-vous bien
PiquilloJe m’en souviens
PanatellasAllez donc et n’oubliez rien
PiquilloVous allez voir (il approche de la Périchole)Venez madame.
La PéricholeJe viens, monsieur.
PiquilloBien ! Cette voix(la reconnaissant)La Périchole.
La PéricholeEh ! oui !
PiquilloComment c’est toi, ma femme.
La PéricholeEh ! oui, c’est moi.
PiquilloQu’est-ce que j’entrevois
La PéricholeTais-toi, tu sauras tout.
PiquilloAh ! j’en sais bien assez.Car je saisCoquine, que c’est vous la maîtresse du roiEt qu’alors, je suis moi
La Périchole (à Piquillo qui l’a prise par le bras et latient à ses pieds)Tais toi, tais toi, tais toi.
Le chœurAh ! ah ! ah ! ah ! ah ! ah !Elle est bien bonne celle-là
D. AndresVous attendiez-vous à cela.
PanatellasFaut voir ce que ça deviendra.
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Le chœurah ! ah ! ah ! ah ! ah ! ah !Elle est bien bonne celle-là !
La Périchole (à Andres)C’est un malentendu … mais je vais le calmerNe craignez rien je saurai l’apaiser …(à Piquillo)Ecoute un peuEt ne bouge pas, de par Dieu.
1.Qu’est-ce que c’est que ces colèresEt ces gestes de mauvais ton.Tout ce là, monsieur, les manièresQu’on doit avoir dans un salon ! …Troubler ainsi l’éclat des fêtesDont je prends ma part pour ton bienNigaud, nigaud, tu ne comprends donc rienMon Dieu que les hommes sont bêtes …2.Comment, tu vois que j’ai la chanceEt tu veux tout brouiller chériManquerais-tu de confianceC’est un défaut chez un mariLaisse les donc finir ces fêtesEt puis après tu verras bien …Nigaud, nigaud tu ne comprends donc rienMon Dieu que les hommes sont bêtes ! …
PiquilloC’est vrai, j’ai tort de m’emporterVenez, je vais vous présenter ! …(à Andres)Ecoute, ô roi, je te présenteA la face de tous ces gensLa femme la plus séduisanteEt la plus fausse en même temps …Prends garde à la calinerieDe sa voix et de son regardEn elle tout est menterieJe m’en aprçois mais trop tard ! …Elle te dira qu’elle t’aimePauvre vieux et tu la croirasComme je la croyais moi-mêmeVoyez, qui ne la croirait pas ? …Puisque tu la veux pour maîtresseGarde là … mais veille dessusGarde la bien, je te la laisseEt m’en vais car je n’en veux plus.Ecoute ô roi, je te présenteA la face de tous ces gensLa femme la plus séduisanteEt la plus fausse en même temps ! …
Andres (exaspéré)Sautez dessusSautez dessus.
Les Courtisans.Sautons dessus
Sautons dessus.
La PéricholeA ! ma foi oui sautez dessusGens de la fêteSautez dessusCar moi non plus je n’en veux plusIl est trop bêteSautez dessus ! …
ChœurSautons dessusSautons dessus !
Panatellas, D. Pedro (sautant sur Piquillo)Nous le tenons !
PiquilloAh ! les brigands.
Tarrapote, Pantellas et D. PedroNous le tenons !
PiquilloLes mécréants !
Tarapote, Panatellas, D. PedroEt maintenant pour vous plaireQue faut il en faireGrand roiQue faut il en faire ?
D. AndresConduisez le, bons CourtisansEt que cet exemple serveDans le cachot qu’on réserve.aux maris réaux maris cal.aux maris ciaux maris trantsaux maris récalcitrants ! …
Ensemble
ChœurConduisez le, bons CourtisansEtc.
PiquilloConduisez moi donc CourtisansEtc.
Piquillo (à la Périchole)(parlé) Viens un peu !Dans son palais ton roi t’appellePour te couvrir de honte et d’orSon amour te rendra plus bellePlus belle et plus infâme encor.
RepriseConduisez le, bons CourtisansEtc. Etc.
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(On entraîne Piquillo, les Courtisans sortent derrièrelui, La Périchole et D. Andres restent seuls)
Scène 6e
La Périchole, D. Andres
La PéricholeLe misérable ! Dites avec moi que c’est unmisérable !
D. AndresOui mon amour, c’est un coquin.
La PéricholeVous avez entendu ce qu’il a osé me dire en face.
AndresJ’ai entendu.
La PéricholeQu’en moi tout était fausseté, menterie.
D. AndresEt que vous me trompiez.
La PéricholeIl a dit cela ?
D. AndresIl l’a dit et il m’a appelé pauvre vieux.
La PéricholeMais vous le punirez.
D. AndresJe crois bien que je le punirai. On doit être en trainmaintenant de le plonger dans le cachot. Des marisré …
La PéricholeUn cachot … la belle affaire.
AndresVous voudriez mieux ?
La PéricholeOui … mieux … beaucoup mieux .
AndresQue ne le disiez-vous tout de suite … n’ayez paspeur. Vous serez vengée de la bonne façon il va poursonner et s’arrête. Ah ! tenez … avant d’appeler etpendant que nous sommes là, tous les deux … jeveux vous mettre aucourant de mes petites habitudes, puisque noussommes destinés à vivre l’un près de l’autre …mieux vaut que vous sachiez tout de suite (montrantle timbre) Quand j’ai envie de faire venir quelqu’un,je sonne sur ce timbre … Deux fois pour leConseiller chef de ma Couronne. Trois fois pour le
Gouverneur de la ville, quatre fois pour le Marquisde Tarapote. Et ainsi de suite jusqu’à mon tailleurpour lequel je sonne quinze cent quatre vingt deuxfois.
La PéricholeQuelle organisation !
D. AndresL’Europe nous envie ! (froidement) pour vous jesonnerai une fois.
La PéricholePour moi …
D. AndresOui, quand je voudrais vous faire venir, je sonneraiune fois seulement. C’était le Chiffre de la Duchessede Montefiore d’Acapulco … Là, et maintenant quevous voilà au courant de mes petites habitudes, jevais sonner … deux fois … pour appeler Panatellas… et lui recommander monsieur votre mari.
La PéricholeBien, mais qu’est-ce que vous allez lui faire ?
D. AndresN’ayez pas peur, vous dis-je vous serez vengée, etvous n’aurez pas perdu pour attendre.
Scène 7e
Les mêmes, Panatellas
PanatellasAltesse.
D. AndresAvez-vous trois hommes dont vous soyez sûr …
PanatellasTrois hommes.
D. AndresOui, monsieur.
PanatellasDame … Vous savez … quand il s’agit de faire unebêtise … on en trouve toujours plus qu’il n’en faut.
D. AndresBien, alors. Vous prendrez ces trois hommes et vousvous rendrez avec eux, dans le cachot du prisonnier,une fois là.
La PéricholeUne fois là, vous verrez, s’il ne manque de rien.
D. AndresComment ?
La Périchole
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S’il a faim, vous lui donnerez un excellent repas …vos trois hommes le serviront.
PanatellasMais …
La Périchole (à Panatellas)Faites ce que j’ai dit, monsieur, allez voir leprisonnier et tout ce qu’il demandera ayez soin de lelui accorder. Ah ! pourtant, s’il vous demandait …
PanatellasS’il me demandait ? …
La PéricholeS’il vous disait qu’il a par la ville quelqu’arrièrecousine … ou quelque nièce à la mode de catalogueet qu’il désire la voir … il faudrait refuser, vousentendez, il faudrait refuser absolument.
PanatellasPas de femmes … enfin …
La PéricholeVous l’avez dit maintenant … laissez-nous …
D. AndresMais mon amour …
La PéricholeLaissez-nous.
D. AndresAh !
(Panatellas s’incline et sort)
Scène 8e
La Périchole, Don Andres
D. AndresVous avez changé d’avis il paraît …
La PéricholeMoi pas du tout.
D. AndresCependant …
La PéricholeN’allez pas croire au moins que j’aie cessé d’êtrefurieuse contre ce Piquillo. Je suis toujours furieuse,et je veux toujours me venger, mais autrement …
D. AndresNe nous occupons plus de lui. Laissons le bientranquillement dans son cachot et …
La PéricholeDans son cachot …
D. AndresEh oui …
La PéricholeVoilà ce que je ne souffrirai pas justement … et sivous étiez bien gentil …
D. AndresQu’est-ce que je ferais si j’étais bien gentil …voyons … Dites-le tout de suite … si j’étais biengentil, qu’est-ce que je ferais ? …
La PéricholeVous donneriez l’ordre de le mettre en liberté …
D. AndresJe m’y attendais …
La PéricholeVous voulez bien, dites : vous voulez bien donnerl’ordre …
D. AndresComme ça tout de suite … Eh ! bien non : laissonslui au moins le temps de faire honneur à l’excellentrepas qu’on va lui servir de votre part … Et puisquenous avons un moment à nous, permettez moi decontinuer à vous mettre au courant de mes petiteshabitudes manies.
La PéricholeEncore …
D. AndresJ’en ai un tas … aussi, tenez par exemple, j’aimebeaucoup à jouer …
La PéricholeVous êtes joueur …
D. AndresEh non. J’aime à jouer … à de petits jeux comme lesenfants. a mon âge, on ne se douterait pas … c’estcomme cela pourtant, et si vous voulez …
La PéricholeMais … Piquillo …
D. AndresDans un instant, je vous dis, nous nous occuperonsde lui dans un instant, jouons d’abord ? … vousverrez, c’est très amusant.
La PéricholeA quoi jouerons nous ?
D. AndresA un jeu qui est de mon invention
La PéricholeEt qui s’appelle ?
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D. AndresCela s’appelle la jolie femme et le marchand …Vous êtes la jolie femme, moi je suis le marchand.
La PéricholeEt qu’est-ce que vous vendez ?
D. AndresMais je vends … de ceci (Il étale des pierreries sur latable)
La PéricholeAh !
D. AndresDoucement. Doucement … comme ça le jeu seraittout de suite fini.
La PéricholeLaissez-moi y toucher ! …
D. AndresOui … oui … mais tout à l’heure, il faut commencerpar le commencement … vous êtes la jolie femmequi se promène par la ville en regardant lesboutiques.
La PéricholeTiens c’est drôle ça …
D. AndresJe suis, moi, le marchand … le vieux marchand …Vous allez voir comme je fais bien le vieuxmarchand … Pichus … Pichus … qui feut les cholispichus … pichus a feutre …
La PéricholeDites encore …
D. AndresPichus a feutre, cholis pichus …
La PéricholeAh ! mais … vous avez raison … ça peut devenirtrès amusant, ce jeu là …
D. AndresAlors vous voulez bien …
La PéricholeJe veux bien, je suis moi la jolie femme qui sepromène
D. AndresEt je suis moi le marchand.
Duo
La PéricholeMonsieur le marchand qu’avez-vousQu’avez-vous dans votre boutique ?
D. AndresJ’ai de quoi plaire à la pratique
La PéricholeJe voudrais voir quelque bijoux ! …
D. AndresVoyez cela, voyez ceciRegardez, n’est-ce pas joli ?
La PéricholeOui c’est joli …C’est très
Ensemble
D. AndresC’est très joliC’est fort joli
La PéricholeOui, c’est joliC’est très joli
La PéricholeAh ! que j’aime les diamantsCe joli caillou qui scintilleQui miroite, flamboie et brilleAvec tous ces reflets charmantsPierres d’amour, chères petitesLaissez moi vous embrasser, ditesAh ! ah !Ah ! que j’aime les diamants.Ah ! que j’aimes les diamantsJe voudrais ainsi qu’une reineEn avoir une caisse pleineEt plonger mes deux bras dedans …Les faire tomber en cascadeEt rire à m’en rendre malade(En riant)Ah ! ah !Ah ! que j’aime les diamants ! !
D. AndresElle est à moi c’est bien certainMon stratagème est très malin ! …
La PéricholeMonsieur le marchand, s’il vous plaîtCombien coûte ce bracelet ?
D. AndresRien qu’un regard la belle enfantMais il faudra payer comptant
La PéricholeRien qu’un regard.
D. AndresRien qu’un regard, un doux regardTombant sur le pauvre vieillard …
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La PéricholeUn doux regard
D. AndresUn doux regard
La PéricholeDonnez, donnez à ce prix làJ’en prendrai tant qu’il vous plaira
D. AndresN’allons pas si vite en affaireCela coûte un peu plus, soit dit sans vous déplaîre !
La PéricholeCombien donc, monsieur le marchand …
D. AndresRien qu’un baiser la belle enfant …Mais il faudra payer comptant
La PéricholePeste un baiserUn doux baiserSavez vous ce que c’est qu’un baiser
D. AndresUn seul baiserRien qu’un baiser
La PéricholeNon, décidément, un baiserC’est trop cher, veuillez m’excuser.
D. AndresRegardez donc la marchandise
La PéricholeAu moins ferez-vous la remise ?
D. AndresVoyez comme c’est fait, voyez avec quels soinsJe ne saurais vraiment vous le passer à moins
La PéricholeAh ! que j’aime les diamantsQui vous dira combien ces flammesOnt décidé de pauvres femmesOnt décidé de pauvres femmesA désobliger leurs amants ? … (bis)Je suis sûre de moi sans doutePourtant on me parle … et j’écouteAh ! ah !Ah ! que j’aime les diamants !
Scène 9e
Les mêmes, Piquillo
PiquilloJe vous dérange …
La PéricholePiquillo … je l’avais oublié.
PiquilloSi je vous dérange … vous savez …
D. AndresVous ne nous dérangez pas précisément … maiscomment êtes vous ici ?
PiquilloJe vais vous dire … ce monsieur … vous savez cemonsieur qui hier a abusé de ma position critique …il est venu dans mon cachot tout à l’heure, et il m’ainvité à dîner … ça ne m’a pas étonné de sa part, jecommence à connaître son procédé et puis, il m’a ditqu’il avait ordre de m’accorder tout ce que jedemanderait … tout absolument.
La PéricholeExcepté des femmes.
Piquillo (à part)Misérable ! (haut) Oui, tout excepté des … alors, j’aidemandé à sortir de mon cachot et à venir ici.
D. AndresEt on vous a laissé venir
PiquilloEt on m’a laissé venir.
D. AndresAh ! … Eh bien, ça se trouve à merveille … j’aijustement à vous parler.
PiquilloC’est bien de l’honneur.
D. AndresOui, j’ai à vous gronder … vous avez été d’un goûtdéplorable ce matin.
PiquilloSi ça ne vous fait rien, altesse, je vous supplieraisd’ôter ces lunettes … vous ne pouvez pas vousimaginer comme ça me gêne.
D. AndresQuelles lunettes ? …
La PéricholeEh bien, oui … Pichus ! … jolis pichus ! … lemarchand de lorgnettes.
D. AndresAh ! c’est vrai. (il ôte ses lunettes) Qu’est-ce que jedisais ? … ah ! … que tout à l’heure, à cetteprésentation, vous avez été d’un goût désagréable …Ah ! vous avez été d’un bourgeois
Piquillo
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Que voulez vous altesse ? … Pour ces choses là ilfaut avoir été pris tout petit
D. AndresJe ne vous dis pas le contraire … mais enfin il mesemble que moi à votre place, si j’avais été chargéde présenter une dame et si je m’en étais assez maltiré, ça exciterait mon amour-propre.
La Périchole (à Piquillo)A ta place, moi, je donnerais à recommencer.
PiquilloMisérable !
D. AndresIl est évident que cela arrangerait tout … nousrecommencerions … là tout à l’heure après mondîner.
PiquilloVous plaisantez, j’aime à croire, vous plaisantez.
D. AndresMais alors, s’il est toujours dans les mêmesdispositions, qu’est-ce qu’il est venu faire ici ? … Jem’en vas le faire r’emmener.
La PéricholeJe pense qu’il est venu pour faire une scène. Laissezmoi seule avec lui, je me charge, moi, de le rendreraisonnable et de le décider.
D. AndresSeule avec lui ?
La PéricholeIl n’y a pas d’autre moyen.
D. AndresAh ! … alors il n’y a pas a hésiter … dans cinqminutes je vous enverrai Tarapote et vous me ferezsavoir le résultat de l’entretien.
La PéricholeOui, oui, allez …
D. AndresCe n’est pas par méfiance … C’est tout bonnementpour qu’il me reste de quoi jouer une autre fois …Pichus à feutre. Cholis, cholis Pichus ! (il sort)
Scène 10
La Périchole, Piquillo
PiquilloMisérable !
La PéricholeMon Piquillo.
PiquilloAh ! misérable ! … misérable !
La PéricholeMais elle t’aime, cette misérable, elle est folle de toi… tu n’as donc pas lu ma lettre.
PiquilloSerais-tu ici si tu m’aimais ? Si tu étais folle de moiest-ce que tu aurais consenti ?
La PéricholeEh bien. Et toi, est-ce que tu n’y est pas ici ?
PiquilloMoi !
La péricholeJe la trouve un peu forte, celle là … Est-ce que toutcomme moi tu n’as pas consenti à ce mariage.
PiquilloTiens, c’est vrai.
La PéricholeIl y a cette différence entre nous deux que moi aumoins que je savais qui j’épousais … car je t’avaisreconnu … tandis que toi … ose un peu dire que tum’avais reconnue, ose un peu.
PiquilloJe ne dirai pas cela attendu que j’étais un brin …
La PéricholeTu vois bien. Tu croyais en épouser une autre et tuépousais … donc c’est moi qui ai quelque chose àpardonner … je pardonne, n’en parlons plus
PiquilloAttends un peu … attends un peu … voilà où je terepince ! Pourquoi est-ce que je me mariais, moi ?parceque avec la somme qui m’avait été remise,j’espérais courir après toi, te retrouver, te reprendre.
La PéricholeEh ! bien, et moi …
PiquilloToi !
La PéricholeEst-ce que tu peux croire qu’en acceptant ce mariagece n’est pas à mon Piquillo que je pensais, à monPiquillo chéri.
PiquilloTouchez pas
La Périchole (gentiment)Pourquoi ça ?
Piquillo
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Parceque … touchez pas … enfin
La PéricholeEt si je voulais moi, puisque je suis ta femmemaintenant
PiquilloEh bien, puisque tu es ma femme, puisque tum’aimes, soyons invraisemblables … Sortons d’iciles mains nettes et retournons comme autrefois
La Périchole (avec élan)Ah ! ça, par exemple, jamais de la vie
PiquilloMisérable
La PéricholeJe serai franche, ô mon Piquillo. Tu es le seulhomme que j’aime au monde, et je t’aime vraimentd’une façon qui m’étonne, mais la fortune, lesvêtements somptueux, la bougie à la place de lachandelle et les diamants … Ah ! les diamantssurtout … hier, je ne savais pas ce que c’est … maisaujourd’hui … non la … vois-tu renoncer à toutcela, je ne pourrais pas … que veux-tu … Je suisfemme … Et ne le suis pas à moitié … aimer toutesces jolies choses me paraît aussi naturel que d’aimermon amant
PiquilloC’est bien alors.
La PéricholeOù vas-tu ?
PiquilloJe m’en vais … Seul, puisque tu ne veux pas
La PéricholeT’en aller. Tu oublies donc que tu m’aimes, toi aussitu oublies donc que si la Périchole ne peut pas vivresans Piquillo, Piquillo, lui non plus ne saurait vivresans sa Périchole adorée.
PiquilloVoyons, laisse-moi …
La PéricholeT’en aller. Mais je ne te donne pas deux heure pourrevenir tourner autour du palais, inquiet comme unchien qui a perdu son maître, et glissant ton regarddans la fente des portes pour tacher d’apercevoir lecoin de ma jupe.
PiquilloC’est bien possible, mais …
La PéricholeEt pourquoi ne veux tu pas rester, à la fin ?
Piquillo
Pourquoi ?
La PéricholeOui.
PiquilloElle le demande … quand tout à l’heure encore cePolichinelle marchand de lorgnettes … il a bien faitde s’en aller … il a bien fait
La PéricholeMais tu n’as pas donc pas lu ma lettre, décidément,tu n’as donc pas lu ma lettre.
PiquilloQu’est-ce qu’il y avait dans ta lettre.
La PéricholePour les choses essentielles tu peux compter sur mavertu.
PiquilloAh !
La PéricholeNous serions si heureux si tu voulais.
PiquilloNon.
La PéricholeEt je t’aimerais tant.
PiquilloÔ femmes, femmes, femmes ; c’est avec de tellesparoles que vous venez à bout des plus fierscourages.
La PéricholeEh ! bien.
PiquilloNon la vraiment, je ne peux pas … à cause descamarades … ils se ficheraient trop de moi …
La PéricholeLes camarades, quels camarades ?
PiquilloEh bien donc, les musiciens, mes confrères … il y ale gros Pedrillo qui joue du tambour de basque … sije le rencontrais. Et je le rencontrerai car, il estpartout, cet animal là … on ne peut pas arriver dansma cour
La PéricholeTu songes encore au passé
PiquilloEh ! oui, j’y songe … Certainement commemusicien, j’avais une position modeste.
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La PéricholeTrès, très modeste.
PiquilloMais honorable … honorable, je le répète, je faisaisde l’argent
La PéricholeComment dis-tu ça ?
PiquilloJe dis que quand nous chantions je faisais de l’argent
La PéricholePas toi, moi.
PiquilloAh ! oh ! … toi
La PéricholeOui … moi …
PiquilloVoilà bien l’amour-propre … Disons tout de suiteque je n’avais pas de talent alors !
La PéricholeJe ne dis pas ça - il est incontestable que commeguitariste
PiquilloEt comme tenor, madame, et comme tenor !
La PéricholeIl ne s’agit pas de talent … mais voyons, bête, est-ceque ce sont jamais les hommes qui font l’argent. Est-ce que ce sont jamais les hommes …
PiquilloSans compter qu’on ne connaissait qu’une partie demoi même … on ne connaissait que l’exécuteur, sion n’avait connu le compositeur ! Si on avait jouéma musique, mais on ne la jouait pas
La PéricholeOn la jouerait maintenant
PiquilloOn la jouerait ?
La PéricholeEh ! sans doute, si tu voulais être raisonnable on lajouerait ta musique et bientôt sur tous les murs tupourrais lire : Première représentation de ladécouverte du ou les égarements d’une jeunepersonne à travers les forêts vierges ! Opéra en cinqactes, par …
PiquilloAh ! si quelque chose pouvait me décider. Leurmontrer à tous que je suis un maître et que j’aiquelque chose la …
La PéricholeNe fais pas la bête, Piquillo, ne fais pas la bête, et ceque tu as là tout le monde le verra bientôt
PiquilloEh la !
La PéricholeQu’est-ce qui te prend.
PiquilloComment l’entendez-vous s’il vous plaît ? ce quej’ai là dites vous.
La PéricholeAh ! l’horreur !
PiquilloMais enfin
La PéricholeComment peux-tu supposer que dans un pareilmoment je fais d’aussi bêtes de plaisanteries. (EntreTarapote)
Scène 11e
La Périchole, Piquillo, Tarapote
TarapoteJe viens par ordre de mon maître et avec unerépugnance que j’essaierais vainement dedissimuler, vous demander, le résultat de l’entretien.
La PéricholeC’est bien gros père, allez dire à votre maître.
TarapoteGros père.
La PéricholeAllez dire à votre maître que monsieur consent
PiquilloMais pas du tout
La Périchole (lui mettant la main sur la bouche)Tais toi, laisse moi parler. Dites que cetteprésentation, qui n’a rate pas marché ce matin auraderechef lieu ce soir, et ce soir ça marchera raterapas.
TarapoteOh !
PiquilloLaisse donc.
La Périchole (Ne dis rien te dis-je et viens …
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PiquilloMais laisse donc … pour la présentation je veuxbien. Seulement je te dirai comment j’entendsqu’elle se fasse.
La PéricholeOui, oui, tu me diras, mais viens.
PiquilloJe viens, je viens.
La Périchole (elle et s’arrête au fond)Ce que je ne comprends pas, c’est que tu prétendesque c’était toi qui faisait de l’argent !
PiquilloEt mon répertoire, alors, ça n’était donc rien du tout,mon répertoire. (Elle l’emmène et sortent tous deuxpar le fond)
Scène 12eTarapote puis Panatellas, D. Pedro, Ninetta,Brambilla, Mannella, Frasquinella
TarapoteAh ! par exemple elle est trop forte celle la.(il tourne contre Panatellas)
PanatellasQu’est-ce qu’il y a ?(Tarapote sonne entre Pedro)
PedroQu’est-ce qui se passe(Tarapote sonne entre Mannelita)
MannelitaQu’arrive-t-il ?(Tarapote sonne entre Brambilla)
BrambillaQu’avez-vous à nous dire ?(Tarapote sonne entrent Ninetta et Fraspinella)
Ninetta FraspinellaQu’est-ce qu’il y a ? qu’est-ce qu’il y a ?
Scène 12eTarapote, Panatellas, Don Pedro
TarapoteAh ! par exemple, elle est trop forte, celle -là !
PanatellasOn peut entrer ?
TarapoteOui, oui, entrez vite.
D. PedroQuelles nouvelles ?
TarapoteDéplorable, les nouvelles. Cette femme, ce ménagedont je croyais que nous allions être débarrassés …
D. PedroEh bien ?
TarapoteEh bien, nous n’en sommes pas débarrasés du tout,ils se cramponnent.
PanatellasElle reste alors ?
TarapoteElle reste.
PanatellasQu’allons-nous devenir ?
TarapoteNotre position est perdue.
PanatellasA elle tous les honneurs !
D. PedroA elle tout le pouvoir !
TarapoteA elle tout l’argent !
PanatellasC’est elle qui va tout mener ici, et ne vous y trompezpas, messieurs, c’est una gaillarde !
TarapoteElle aura l’œil sur nous.
D. PedroIl va falloir lui montrer nos livres.
PanatellasComment, nous ne trouverons pas un moyen … il nevous est pas venu une idée à vous, le malin ?
TarapoteIl m’en est venu une.
PanatellasA la bonne heure, je me disais aussi …
D. PedroSi le malin a une idée, nous sommes tranquilles.
PanatellasVoyons l’idée.
D. PedroParlez, malin parlez.
Tarapote
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Je me place sur le passage de la favorite, et je laregarde de façon à lui donner de l’amour.
D. Pedro et PanatellasAllez, allez.
TarapoteJe lui donne de l’amour.
D. Pedro et PanatellasAllez, donc.
TarapoteQuand je lui ai donné de l’amour, je m’arrange demanière à la faire pincer … à nous faire pincer par leVice-roi. - Voilà !
D. PedroAh ! fichtre !
PanatellasAh ! Diable !
D. PedroC’est ça, l’idée ?
TarapoteOui, mais attendez … je n’ai pas tout dit. - Elle nevaut rien, l’idée, et je vais vous dire pourquoi elle nevaut rien. - C’est parceque la favorite n’est pas unefemme de la haute société, et que moi, en faitd’amour, je ne suis sûr de mon affaire qu’avec lesfemmes de la haute société.
PanatellasEnfin, l’idée ne vaut rien. Cherchons autre chose,alors.
D. PedroCherchons, mais ne soyons pas nerveux.
TarapoteC’est une idéeQu’en ce moment il nous faudrait.De cette passe hasardéeCe qui, messieurs, nous sauverait,C’est une idée !
EnsembleC’est une idée !
Un huissierLe couvert de son Altesse !
PanatellasAllons prendre nos places, messieurs, et je vous diraice que je crois que nous devons faire.
(Ils sortent et rentrent après le chœur)
Scène 13e
Les mêmes, Toute la cour, puis Don Andres, ensuitePiquillo et la Périchole
MannelitaJ’ai compris mon oncle.
L’huissier (anonçant)Les entrées pour le couvert de son altesse, grandcouvert, messieurs grand couvert ! (Entre le chœur ettoute la cour)
ChœurSon altesse à l’heure ordinaireVa dîner nous venons la voirPour son repas qu’a-t-on pu faireQuel est le menu de ce soir.
(Pendant ce chœur on dresse au milieu de la scèneune petite table pour le vice roi, avec une chaise unpeu haute comme pour les enfants)
L’huissierLe potage de son altesse. La viande de son altesseles légumes de son altesse, le dessert de son altesseson altesse.
Après chaque annonce entrent sur une marche, despages qui apportent les objets indiqués quand on aannoncé son altesse - Don Andres entre et le chœurreprend.
ChœurSon altesse à l’heure ordinaireEtc. Etc.
(Don Andres se place a une petite table. Tout lemonde en demi cercle, parfaitement rangé autour delui)
D. AndresBonjour, mesdames … Bonjour messieurs, voilà unpotage qui a bonne mine (en riant) après cela, il n’ya rien d’étonnant a ce qu’au Pérou, un potage ait unebonne mine (à part) Eh bien, qu’est-ce qu’ils ont …ils ne rient pas (haut) au pérou une bonne mine (laCour ne bronche pas) Décidément ils ont quelquechose … J’en ai fait très souvent qui ne valaient pascelui-là … et ils se tordaient (il regarde autour delui)
TarapoteVotre altesse, semble chercher quelque chose.
D. AndresEn effet, je n’aperçois ni le Marquis … ni laMarquise du Mancanares.
TarapoteIls vont venir, altesse.
D. AndresAh ! ah !
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TarapoteLe Marquis m’a même prié de dire à votre altessede ce matin ayant raté manqué cet d’unQua la présentation de ce matin ayant raté manqué,il désirait nous présenter à nouveau sa femme.
D. Andres (ravi)Et moi qui le soupçonnais ! …
PanatellasDans le cas ou votre altesse ne permettait pas, ilserait facile …
D. AndresComment, dans le cas où je ne permettrais pas …mais je permets au contraire, je permets avec le plusvif plaisir.
MannelitaVotre altesse, je crois, aurait mieux fait de ne paspermettre.
D. AndresQu’est-ce à dire ?
Tarapote (aux Courtisans)Murmures, messieurs.
Les Courtisans (font hou, hou, comme des collégiensqui se révoltent)Hou ! hou !
D. AndresEh bien, qu’est-ce que c’est ?
D. AndresQuoi donc ?
D. AndresVous n’avez pas entendu.
D. PedroJe n’ai rien entendu, altesse.
D. AndresAh ! ah ! je me suis trompé alors (à la 1ère damed’honneur)Eh ! bien, mademoiselle, quand vous voudrez.
MannelitaQuand je voudrai, quoi ? …
D. AndresLa serviette.
MannelitaVoilà une heure que je vous attends, avec la serviette… je pensais que vous ne vouliez pas dîneraujourd’hui.
D. Andres
Mademoiselle, ce n’est pas ainsi que l’on répond.(La 1ère dame d’honneur l’étrangle à moitié en luimettant sa serviette) Mademoiselle, ce n’est pasainsi que l’on doit.
Tarapote (aux Courtisans)Murmures plus violents, messieurs.(les Courtisans murmurent)
D. AndresDécidément ils ont quelque chose (il avale sonpotage de travers) aie ! … je m’étrangle.
PanatellasEnlevez le potage ! …
D. AndresMais je n’ai pas fini.
PanatellasÇa ne me regarde pas, moi, je ne connais que mondevoir. Quand votre altesse remet sa cuiller dans sonassiette, mon devoir est de faire enlever le potage.Enlevez le potage.(on enlève le potage)
D. Andres (furieux)Eh bien, soit, monsieur, découpez.(il brandit le couteau et il s’approche de Don Andresen roulant des yeux terribles et en faisant de grandsgestes)
Tarapote (aux Courtisans)Agitation, messieurs, agitation prolongée.(Les Courtisans s’agitent et Panatellas revient deplus en plus menaçant D. Andres paraît inquiet)
D. AndresNon, décidément, merci, je n’en prendrai pasaujourd’hui.
PanatellasEnlevez le gigot.(On enlève le gigot. D. Andres se sert des légumes.Panatellas D. Pedro, Tarapote et les damesd’honneur viennent regarder ce qu’il mange)
D. PedroDis donc Miguel …
PanatellasEh ! bien.
D. PedroEst-ce que tu mangerais de ça toi …
PanatellasDe ça?
D. PedroOui …
Panatellas
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J’aimerais mieux ne manger de la vie que de mangerde ça.
TarapoteQu’est-ce que ça peut être ?
MannelitaC’est une sorte de salsifis, il me semble.
TarapoteJe ne comprends vraiment pas que l’on en mange. Ettoi, ma nièce, est-ce que tu comprends ?
MannelitaMoi, si j’étais amoureuse d’un homme, et si je levoyais manger de ça, jamais je ne lui reparlerais.
(D. Andres qui est sur le point de manger, s’arrête àchaque parole et finit par repousser les légumes)
D. AndresC’est bien, je mangerai mon dessert !
Panatellas (bondissant et rebondissant son couteau)Ah ! à moi le dessert … passez moi les pommes ! …
D. Andres (épouvanté)Non, non, je ne mangerai pas de dessert … moncafé.
L’huissierLe café de son altesse.
D. Andres (mangeant son pain tout sec, pendantqu’on apporte le café)Ils ont quelque chose décidément. Ils ont quelquechose … (on a apporté le café à Tarapote) Sucrez-moi, monsieur.
TarapoteA mon tour (il prend un tout petit morceau de sucrele montre au public le nez dans la tasse de D.Andres)
D. AndresEh bien, Mr ?
TarapoteJe trouve, moi qu’il y en a assez.
D. AndresMonsieur.
TarapoteJe trouve moi, que lorsqu’on est sur le point dedépenser de l’argent avec les femmes, c’est bien lemoins qu’on fasse des économies sur les morceauxde sucre.
D. AndresAh ! ah ! voilà le grand mot lâché … Les femmes …Et si vous me faites la vie que vous me faites depuis
une demi heure, c’est pour me décider à renvoyercelle que j’aime, n’est-ce pas ?
TousAltesse.
D. AndresEt si vous tenez à ce que je la renvoie, c’est pour meforcer à faire des économies. Eh ! bien, soit,économisons, je ne demande pas mieux, vousmessieurs, à partir d’aujourd’hui, vous ne recevrezplus que le tiers de vos traitements (à la Cour) Quantà vous le fretin, qu’est-ce que vous aviez par jour. 7francs 50. Vous aurez quarante sous.
TousAltesse ! … altesse ! …
D. AndresAh ! ah ! parceque j’ai eu l’air bon enfant … vousvous êtes imaginé que j’étais devenu tout à faitJe vous montrerai qu’il n’en est rien et que je suistoujours le maître. (à Tarapote) Sucrez moimonsieur.(Tarapote consterné verse dans la tasse tout lecontenu du sucrier)
ChœurMotus, tenons nous bienCar il est en colèreEt quand on l’exaspèreIl ne connait plus rien.
L’huissierLe Baron et la Baronne de Tabago, Marquis etMarquise de Mancanares.
D. AndresQu’ils entrent et gare à celui ou celle qui lesregardera de travers.
ChœurAh ! quelle surpriseLes voilà tous deux !Marquis et marquiseMis comme des gueux !(Ils entrent tous deux comme au 1er acte étalant lepetit tapis jeu de scène du 1er acte)
Piquillo (à D. Andres)Vous permettez.
D. Andres (ahuri)Mais sans doute … sans doute …
PiquilloEh bien, la Périchole … j’espère que voilà un publicque nous allons nous distinguer.
La PéricholeCes pas par … Piquillo es pas pas …
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PiquilloY es-tu ?
La PéricholeJ’y suis … mais tu me laisses faire la quête.
PiquilloOui.
La PéricholeEt comme je l’entends …
PiquilloC’est convenu …
Complainte
PiquilloAu temps jadis deux amoureuxS’aimaient comme on ne s’aime guèreL’amour n’est pas fait pour les gueux.
La PéricholeAussi fallait-il se quitterCar il leur vient tant de misèreQu’ils ne la purent supporter.
PiquilloChacun par un beau soir d’étéN’ayant plus à manger ni boireChacun tira de son côté.
EnsembleEt si vous voulez savoir ouSe passe cette belle histoireAllez y voir, c’est au Pérou !
ChœurAllez y voir, c’est au Pérou !
La PéricholeUn monarque passa par làIl trouva la femme jolieDans son palais il l’emmena.
PiquilloMais craignant le qu’en dira-t-onHolà dit-il, qu’on la marieAvec un mari de carton.
La PéricholeCe mari fut précisémentVoilà le difficile à croireFut précisément son amant.
EnsembleEt si vous voulez savoir ouEtc.
ChœurAllez y voir, c’est au Pérou
3.PiquilloOn les conduisit à la CourLà chacun se sentit reprendreDe plus belle pour son amour
La PéricholeTout l’or qu’on leur avait donnéIls se hatèrent de le rendreOn en eu l’air fort étonné
(Pendant que la Périchole chante les 3 vers Piquillorend à D. Andres la bourse qu’il avait recu au 1eracte pour se marier)
PiquilloTous les deux sans plus de façonsDédaigneux d’une vaine gloireRetournèrent à leurs chansons
(Pendant que Piquillo chante ces trois vers laPérichole rend ses diamants)
EnsembleEt si vous voulez savoir oùEtc.
ChœurAllez y voir, c’est au Pérou
(après le morceau pendant que Piquillo racle de saguitare la Périchole fait la quête)
D. Andres (l’appelant)Par ici, la Périchole, par ici …
La PéricholeAltesse …
D. AndresDon Andres de Ribeira n’a pas pour habitude dereprendre ce qu’il a donné … gardez tout … votreconduite me cause tant d’admiration que si je ne meretenais pas je pleurerais comme une bête …
Piquillo (à la Périchole)Eh bien, tu vois …
La PéricholeNous voilà riches.
PiquilloEt note encore. Note que nous voilà mariés sansqu’il nous en coute rien.
La PéricholeC’est vrai, ma foi.
PiquilloAlors, ô mon amante.
La Périchole
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Ô mon amant.
Finale
Reprise
Allez y voir c’est au Pérou
Fin
Variétés
La Périchole
Acte 3e
2e Tableau
Acte 3e
4e Tableau
Scène 1e
Berginella, Guadalena, Mastrilla
MastrillaQue se passe-t-il donc ? tout le monde a peur, tout lemonde se sauve
BerginellaOn dit que trois prisonniers viennent de s’échapper.
GuadalenaEt toutes les milices de la ville sont sur pied pour lesrattraper … ah !(Elle regagne vivement la porte de l’auberge)
ChœurEn avant, en avant soldatsPressons le pas … pressons le pas.
Don PedroD’un pied léger d’un pas d’aigleVisitant les moindres quartiersNous parcourons toute la villePour rattraper les prisonniers.
ChœurOù sont-ils ? mon Dieu ! … où sont-ils ?Où sont-ils ? où peuvent-ils bien être ?Ils ne sont pas ici … Ils sont là peut-êtreNon s’ils étaient là, il en sont partisOù sont-ils ? mon Dieu ! où sont-ils ?
(A peine la patrouille est elle sortie que Piquilloparaît traînant la Périchole à moitié morte defrayeur)
PiquilloNe vous trahissez pas. Mes bonnes demoiselles, nevous trahissez pas.
(Ils vont pour sortir par la gauche, apercevant lapatrouille de Panatellas, ils traversent la scène etsortent par la droite. Entre Panatellas à la tête de sapatrouille)
Deuxième Patrouille
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En avant … en avant soldatsPressons le pas … pressons le pas.
PanatellasLa foule nous suit gouailleuseEt riant de notre embarrasNous chante de sa voix railleuseL’attrap’ra ! rattrap’ra pas !
ChœurOù sont-ils ? mon Dieu ! où sont-ils ? Etc.
(Après ce chœur sortent Panatellas et sa patrouille.Dès qu’ils sont sortis les trois cousines se risquent denouveau. Le vieux prisonnier s’élance, il embrasseles trois cousines, vont sortir par la gauche aperçoitune patrouille ; veut sortir par la droite, aperçoitencore une patrouille, revient, hésite et finit parsortir à gauche au premier plan. Dès qu’il est sortirentrent les deux patrouilles)
Chœur GénéralOù sont-ils ? mon Dieu ! où sont-ils ?Où sont-ils ? où peuvent-ils être ?Ils ne sont pas ici … ils sont là peut-être.Non, s’ils étaient là ils en sont partis.Où sont-ils ? mon Dieu ! où sont-ils ?
(Entre le Vice Roi, avec ses demoiselles d’honneuret suivi de sa garde)
Scène 2e
Les mêmes, Don Andres
Don AndresIls sont pris n’est-ce pas ?
PedroAltesse.
D. AndresIls sont pris, ils sont arrêtés !
PanatellasOn est sur leurs traces, altesse, on est sur leurstraces.
D. AndresSur leurs traces … ah ! je la connais celle la, je saisce que ça veut dire.
PanatellasMais altesse, ça veut dire …
D. AndresQue vous n’avez rien trouvé, que vous ne savezrien ! ainsi deux misérables auront osé porter la mainsur mapersonne sacrée, ils l’auront ficelée comme unsaucisson ma personne sacrée, puis ils se serontsauvés, en se moquant de moi et quand je vous
demande à vous qui êtes gouverneur de ma ville deLima, à vous qui êtes premier gentilhomme de machambre, si ces deux misérables sont arrêtés, vouspensez qu’il vous suffira de me répondre : on est surleurs traces, altesse, on est sur leurs traces !
D. PedroJ’ai fouillé les palais, altesse et j’ai fouillé lesbouges … j’ai fouillé les boutiques, j’ai fouillé lesbazars, j’ai fouillé les cabarets, j’ai fouillé les hôtelsgarnis, j’ai fouillé
Don AndresEt vous Panatellas
PanatellasMoi, Altesse, j’ai fouillé les habitants.
D. AndresEt vous n’avez rien trouvé.
PanatellasPas grand chose altesse.
D. AndresVous dites ça parce que vous avez peur que je nevous demande ma part … avancez un peu les troiscousines
BerginellaAltesse !
D. AndresVous la connaissiez vous, cette Périchole demalheur. Vous le connaissiez, ce Piquillo.
MastrillaOui, altesse, mais …
D. AndresVous les avez vus sans doute.
GuadalenaNon … altesse … non … n’est-ce pas que nous neles avons pas vus ?
D. AndresVous vous troublez, faites y attention, les troiscousines … Je vous ferai battre de verges si vous neme dites pas la vérité … vous entendez, je vous feraibattre de verges, après vous avoir préalablementdeshabillées jusqu’à la ceinture. (murmuresdans la foule) Eh ! eh ! ah ! ah !
D. AndresÇa vous amuse ça … vous autres.
PanatellasDame, altesse.
D. Andres
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©2003 Boosey & Hawkes · Bote & Bock, Berlin. ISMN M-2025-3101-3 ISBN 3-7931-3101-7
Eh bien, ça n’aura pas lieu. En chasse, messieurs, enchasse ! … Je rattraperai ceux qui m’ont ficelé,dussé-je pour les rattraper demolir la moitié de laville ! … En chasse ! … en chasse ! …
Voix (dans la foule)Les voilà ! … les voilà ! …
D. AndresQui ça ?
D. PedroLa Périchole … Piquillo.
D. AndresIls se livrent à la bonne heure.(Entrent la Périchole et Piquillo. Entrée absolumentpareille à celle du premier acte )
Scène 3e
Les mêmes, Piquillo, La Périchole puis Le VieuxPrisonnier
Piquillo (aux trois cousines)Vous permettez n’est-ce pas ?
Les cousinesMais très volontiers … très volontiers.
PiquilloMerci, mes bonnes demoiselles, mes bonnesdemoiselles, je vous remercie bien. (Tapis étendus,cahiers de musique, soucoupe pour la quête) Envoilà un public, hein, La Périchole … il s’agit denous distinguer
La PéricholeEt il faut espérer que les gens qui nous écoutentseront généreux très généreux
D. AndresTu verras bien.
La PéricholeY es-tu ?
PiquilloJ’y suis.
La PéricholeLa clémence d’auguste.
D. Andres (flatté)Ça c’est délicat.
La PéricholeLa clémence d’auguste … ou les coupablesrecompensés quand ils auraient dû être punis.
Piquillo
Complainte brillante … (Paraît le vieux Prisonnierportant un orgue de barabarie)
D. AndresQue vois-je le Marquis de Santarem ! (Pour touteréponse le Marquis de Santarem attaque sur sonorgue la ritournelle de la complainte suivante)
Complainte
La PéricholeEcoutez, peup’ d’Amérique,De l’Espagne et du PérouEcoutez … ça n’coût’ qu’un souL’histoire très véridiqueDe deux amants malheureuxQui finir’nt par être heureux
ChœurDe deux amants malheureuxQui finir’nt par être heureux.
PiquilloCe couple se composaitD’un artiste et d’une artisteLui était un guitaristeQuant à elle elle étaitTell’ment bell’ que le vic’roiSe dit : Il m’la faut pour moi.
ChœurTellement bell’ que le vic’roiSe dit : Il m’la faut pour moi.
La PéricholeLe vic’roi qui avait du viceLa fit venir à la courEt il offra son amourA la belle cantatriceCell’ci devinant son butSourit, et lui répondit : zut !
ChœurCell’ci devinant son butSourit, et lui répondit zut.
PiquilloLe vice Roi en colèreLes fit comme de raisonMettre tous deux en prison.Heureusement ils s’évadèrentGrace à un vieux prisonnierQui de l’orgue savait jouer.
ChœurGrâce à un vieux prisonnierQui de l’orgue savait jouer
La Périchole et PiquilloOn les traque … on les repinceOn va les percer de coupsMais ils tombent aux genoux
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©2003 Boosey & Hawkes · Bote & Bock, Berlin. ISMN M-2025-3101-3 ISBN 3-7931-3101-7
Aux genoux de leur bon princeQui les accable tous deuxSous un pardon généreux.
ChœurQui les accable tous deuxSous un pardon généreux
La PéricholeEt maintenant laisse-moi faire la quête et laisse moila faire comme je l’entends (à Don Andres)Reprenez vos diamants altesse, reprenez votre or,tout ce que nous vous demandons, c’est de ne pasnous faire pendre.
PiquilloEt de ne pas nous reclamer les quatre piastres …vous savez pour notre mariage.
D. AndresDon Andres de Ribeira n’a pas pour habitude dereprendre ce qu’il a donné, gardez tout, votreconduite me cause tant d’admiration que si je ne meretenais pas, je pleurerais comme une bête …approchez Santarem. Qu’aviez-vous donc fait pourêtre mis en prison ?
Le Vieux PrisonnierJe n’en sais rien.
D. AndresC’est fâcheux, j’aurais aimé à vous pardonner maispuisque vous ne savez rien, qu’on le reconduise dansson cachot.
Le Vieux PrisonnierÇa m’est égal, j’ai mon petit couteau.
D. AndresVous deux, vous êtes libres.
La PéricholeTu l’entends … nous sommes libres.
PiquilloEt riches.
La PéricholeTu vois quand c’est moi qui fais la quête !
PiquilloO mon amante !
La PéricholeÔ mon amant !
3e Tableau
Le cachot des maris récalcitrants
Au lever du rideau, la scène est vide. Une trappes’ouvre, le vieux prisonnier paraît. Decor de la Tourde Nesle - Deux anneaux de fer, l’un à droite, l’autreà gauche.
Scène 1re
Le Vieux prisonnierJe suis en train de m’évader … y parviendrai-je,toute la question est là ! (avec fureur) il y a douzeans que je suis enfermé dans cette prison … (avecsentiment) Il y a douze ans que je n’ai embrassé unefemme … c’est bien long. Ces douze années, je lesai employées à percer le mur de mon cachot - avecun petit couteau que j’ai là - et j’ai pu arriverjusqu’ici … (regardant autour de lui) Douze ansencore pour percer cet autre mur, et je serai libre …ne perdons pas une minute … (au moment de sortirde la trappe, il s’arrête) J’entends du bruit, il mesemble … rentrons vite … En matière d’évasion l’onne saurait montrer trop de prudence !
Scène 2e
Le Geôlier, Pedro, Piquillo, Panatellas
Le GeolierC’est ici, messieurs ; nous sommes arrivés …
PanatellasC’est ici le cachot des maris récalcitrants ?
Le GeôlierOui, Monseigneur
PedroIl est très propre
Le GeôlierIl est tout neuf, il n’a encore servi à personne
PiquilloAinsi l’on me fourre en prison parce que je n’ai pastrouvé bon que ma femme ?
PedroOn vous fourre en prison parce que vous avez été ré…
PanatellasParce que vous avez cal …
PedroParce que vous avez été ci …
PanatellasParce que vous avez étét trant.
Tous les deuxParce que vous avez été récalcitrant.
Piquillo
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C’est ce que je disais … on me fourre en prisonparce que je n’ai pas voulu me laisser faire. Eh bien… voilà de ces choses … je n’ai pas quant à moid’opinions subversives, mais je suis obligé de vousle dire, messeigneurs … voilà de ces choses qui fontcomprendre les révolutions …
Les CourtisansOh ! oh !
PedroQu’est-ce qu’il a dit ?
PiquilloElles ne les excusent pas, mais elle les fontcomprendre …
PanatellasTaisez-vous, mon ami …
PedroN’aggravez pas votre position.
Panatellas lui serrant la mainAu revoir, mon ami, au revoir
PiquilloVous allez ma laisser là, tout seul ?
PedroIl le faut bien, la fête continue là haut
PanatellasMais nous ne vous quitterons pas sans vous avoir ditce que nous pensons de votre admirable conduite
PedroSous le joug courbant la têteTous les maris de LimaTremblaient … vous seul, âme honnêteAvez crié : halte là !
Tous les deuxCette fureur généreuseEst flatteusePour la corporationRecevez donc, excellenceL’assuranceDe notre admiration
PanatellasJe vous croyais l’âme vileJe me trompais lourdement ;Vous n’êtes qu’un imbécileJe vous en fais compliment
Tous les deuxVotre fureur généreuseEst flatteusePour la corporationRecevez donc, ExcellenceL’assurance
De notre admiration
Reprise par tout le mondeVotre fureur généreuseEtc
(Tout le monde sort. Les courtisans font en sortantde grands saluts à Piquillo. Pedro et Panatellas luidonnent des poignées de main quand il n’y a pluspersonne, le geôlier s’approche de Piquillo commes’il voulait lui parler, ne trouvant rien à dire, il secontente de lui serrer la main avec effusion et il s’enva)
Scène 3e
PiquilloIl est ému … qui ne le serait pas à l’aspect d’unepareille infortune ? … ces messieurs aussi étaientémus … Ces messieurs qui viennent de sortir … jeles ai parfaitement reconnus … ce sont les mêmesqu’il y a une demi-heure formaient le rond autour demoi et qui me chantaient :Epouser la maîtresseLa maîtresse du Roi …(avec orgueil) Maintenant ils chantent sur un autreair … ça me prouve que j’ai reconquis laconsidération publique … c’est une consolation …malheureusement elle est insuffisante ; comme laplupart des consolations du reste … (prenant lapaille de son cachot et l’examinant) la voilà donc lacouche de l’honnête homme … de la paille ! je vaisdormir sur la paille, tandis que si j’avais été unecanaille, je dormirais sous le duvet … Eh bien, voilàde ces choses … je ne veux pas dire de mal de laProvidence, mais enfin voilà de ces choses … ça faitdu tort, on a beau dire, ça fait du tort …
On me proposait d’être infâmeJe fus honnête et me voilà …C’est triste … mais qu’est-c’ que ma femmePeut bien fair’ pendant ce temps là ?Qu’est-c’ qu’elle peut fair’ ? qu’est-c’ qu’elle peutfaire ?J’y pense et ne pense qu’à çaPendant que je fais d’la misèreQu’est-c’ qu’ell’ fait, ell’, pendant c’temps là ?
Je suis moi sur la paille humideJe gémis … je pousse des : Eh là ! …Je ferme les poings … La perfideQue fait-elle pendant c’temps là ?Elle est près du roi, l’infidèle ! …Le roi lui dit : ceci celaQu’elle est belle et puis qu’elle est belleQu’est-c’ qu’ell’ peut fair’ pendant c’temps là ?Bast, à quoi bon la jalousieQuand on en est où me voilà ?(Il se couche sur sa botte de paille)Mieux vaut dormir … qui dort oublieMais qu’est-c’ qu’ell’ fait pendant c’temps là ?J’ai toujours ce tourment dans l’âme
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Jamais le sommeil ne viendra.Ma femme, ma petite femmeQue fais-tu pendant ce temps là ?(Il s’endort en répétant d’une voix qui s’éteint)Qu’est-c’ qu’ell’ peut fair’ pendant c’temps là ?Pendant c’temps là - pendant c’temps là ?(Il dort. Entrent la Périchole et le Geôlier)
Scène 4e
Piquillo endormi, la Périchole, Le Geôlier
La PéricholeEst-il lié de manière à ce que je puisse m’approcherde lui sans crainte ?
Le GeôlierIl n’est pas lié, madame, mais si vous y tenez, je puisle faire attacher à l’un de ces anneaux
La PéricholeC’est inutile, mais tenez-vous là et, au moindre crijetez-vous sur lui avec vos hommes !
Le GeôlierBien madame (Il sort)
Scène 5e
Piquillo, La Périchole
(La Périchole s’approche de Piquillo et lui donnedeux ou trois petits coups de pied. Piquillo se borned’abord à changer de position, puis il se réveille)
PiquilloQui va là ? … Qui est là ?
La PéricholeMoi.
PiquilloQui ça, toi …
La PéricholeLa Périchole
Piquillo se levantLa Périchole !
La PéricholeEst-ce que tu ne t’attendais pas à me voir ?
PiquilloJe n’y comptais pas … Je ne pouvais pas croire quetu aurais l’imprudence … (retroussant ses manches)Mais puisque tu l’as eue, cette imprudence.
La PéricholeEh bien ?
Piquillo terrible
Tu vas voir …
La Périchole tranquilleUn pas de plus et j’appelle. Si j’appelle le geôlierentre avec six de ses hommes ; on se jette sur toi etl’on t’attache à l’un de ces deux anneaux …maintenant fais ce que tu voudras.
PiquilloC’est sérieux, ce que tu dis là ?
La PéricholeOn ne peut plus sérieux.
PiquilloC’est bon alors … Tu as été moins imprudente queje ne le supposais, voilà tout.
La Périchole se rapprochantPas de bêtises, tu sais …
PiquilloC’est bon, je te dis … Du moment que je sais que jene serais pas le plus fort.
La PéricholeA la bonne heure … Causons maintenant … Tupenses bien que je ne serais pas venue si je n’avaispas eu un motif.
Piquillo amerJe le connais, ton motif …
La PéricholeQuel est-il, voyons ?
PiquilloFemme de toutes les voluptés ! !
La PéricholeC’est possible, après ?
PiquilloTu as tenu à être sûre que j’étais mal couché ! Ehbien sois satisfaite … je suis couché aussi mal qu’onpeut l’être … la voilà la couche de l’honnêtehomme, c’est pourquoi tu es venue
La PéricholeNon, ce n’est pas cela, mon ami …
PiquilloAh ! ah !
Duo
La PéricholeDans ces couloirs obscurs, sous cette voûte sombrePiquillo, Piquillo, ne devines-tu pasQuel but mystérieux m’a conduite dans l’ombreEt vers ce noir cachot a dirigé mes pas.
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PiquilloCe but mystérieux se devine aisémentTu viens pour te ficher de moi
La PéricholeNon, cher amantJe viens pour te parler
PiquilloPour cela seulement ?
La PéricholeOui, je t’assureJe te le jureSeulement pour cela, mon gentil Piquillo !
PiquilloEh bien, soit ! Parlez-moi, comtess’ de Tabago.
La PéricholeTu veux bien ?
PiquilloJe veux bien
La PéricholeEcoute alors, écoute et ne dis rien !
1Tu n’es pas beau, tu n’es pas richeTu manques tout à fait d’espritTes gestes sont ceux d’un godicheD’un saltimbanque dont on ritLe talent, c’est une autre affaireTu n’en as guère, de talentDe ce qu’on doit avoir pour plaireTu n’as presque rien et pourtant
PiquilloEt pourtant ?
La PéricholeEt pourtantJe t’adore, brigand, j’ai honte à l’avouerJe t’adore et ne puis vivre sans t’adorer !
2Je na hais pas la bonne chère …On dinait chez ce vice-roiTandis qu’avec toi, pauvre hère,Je mourais de faim avec toi !J’en avais chez lui de la joieJ’en pouvais prendre tant et tantJ’avais du velours, de la soieDe l’or, des bijoux et pourtant
PiquilloEt pourtant ?
La PéricholeEt pourtantJe t’adore, brigand, j’ai honte à l’avouer,
Je t’adore et ne puis vivre sans t’adorer !
PiquilloC’est la vérité, dis ?
La PéricholeC’est la vérité même.
PiquilloTu m’aimes.
La PéricholeJe t’aime.
PiquilloTu m’aimes.
La PéricholeJe t’aime
PiquilloO joie extrême !
La PéricholeBonheur suprême
EnsembleEt cœtera ! Et cœtera !Felicita ! Felicita !
Piquillo avec passionMon bonheur serait complet siJe le goûtais ailleurs qu’ici !
La PéricholeTu m’aimes
PiquilloJe t’aime
La PéricholeTu m’aimes.
PiquilloJe t’aime
La péricholeO joie extrême.
PiquilloBonheur suprême
EnsembleEt cœtera ! Et cœtera !Felicita ! Felicita !
PiquilloAh ! oui Felicita, Felicita la Catarina !
La PéricholeMon Piquillo
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PiquilloTu m’aimes ?
La PéricholeA ce point que la fortune m’est devenueinsupportable dès que tu n’as plus été là pour lapartager avec moi - j’ai tout quitté pour venir teretrouver
PiquilloMais comment se fait il, au fait, que tu aies puvenir ?
La PéricholeJ’ai demandé l’autorisation au Vice-Roi
Tous les troisEt tin tin tin, et tin tin tinDu matin au soir, du soir au matin
La PéricholeIl est gentil, ça va aller tout seul … Venez un peu ça,petit geôlier
Don AndresEt tin, tin, tin, et ti, tin, tin
La PéricholeQu’est-ce que c’est ?
Don AndresEt tin tin tin, et tin tin tin
La PéricholeEn voilà assez (lui montrant des diamants) Savez-vous ce que c’est que ça ?
Don AndresParfaitement. Ce sont des diamants que le vice roivous a donnés
La PéricholeEh bien - mon ami - ces diamants sont à vous si vousconsentez à favoriser son évasion
PiquilloC’est beaucoup peut être de lui donner tout ça. Enfin…
Don AndresEt si je consens à favoriser son évasion, qu’est-ceque vous ferez, vous ?
La PéricholeJe partirai avec lui
D. AndresAvec lui ?
PiquilloSans doute, avec moi … Il est gentil, mais il est bête
D. Andres à partTu verras ça tout à l’heure, toi, si je suis bête. (haut)Eh bien, et ce vice-roi, ce pauvre vice-roi, vous leplantez là.
La PéricholeNet !
D. Andres dissimulant son émotionIl vous adore pourtant
La PéricholeQu’est-ce que ça me fait
D. AndresSi vous l’aimiez, ça vous ferait quelque chose
La PéricholeOui … mais comme je ne l’aime pas …
D. AndresPas même un brin ?
La PéricholePas une miette.
PiquilloC’est moi qu’elle aime.
La PéricholeOui, c’est lui … je l’aime (elle passe) Il m’aime,nous nous aimons ; nous voulons vivre l’un pourl’autre … et c’est sur vous, petit geôlier, que nousavons compté pour nous procuré cette satisfaction.
D. AndresC’est sur moi que vous avez compté ?
PiquilloOui, honnête petit geôlier, c’est sur vous.
D. AndresEh bien … vous n’avez pas eu tort … car cettesatisfaction je vous la procurerai et pluscomplètement que vous ne pouvez croire. A moi,vous autres.
(Entrent des gardes)
Piquillo et La PéricholeOh !
D. Andres montrant les anneauxL’homme à droite, la femme à gauche. Ne faites pasde mal à la femme, mais vous bousculeriez un peul’hommeque je n’y verrai pas d’inconvéniant. (On attachePiquillo à l’anneau de droite et la Périchole àl’anneau de gauche) Là ! C’est bien. Laissez-nousmaintenant.
(Les gardes sortent)
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La PéricholeDon Andres !
PiquilloLe vice-Roi !
D. AndresOui. Le Vice-Roi qui n’est pas aussi bête que vouspensiez, monsieur, le vice-Roi à qui une minute asuffi pour se venger de vos dédains, madame. Vivrel’un près de l’autre, disiez-vous. Eh ! bien, vous yêtes l’un près de l’autre … restez-y donc et parlez-vous d’amour si cela vous fait plaisir
PiquilloOui, tyran, nous nous en parlerons …
La PéricholeNous nous en parlerons à ton nez, à ta barbe
D. Andres avec dignitéVous faites erreur, madame. Cette barbe n’est pas àmoi. (Il la retire)
Trio
Piquillo et La PéricholeOui, nous nous aimons, canaille,Cartouche, Mandrin, brigand !Nous nous aimons, rien qui vaille,Nous nous aimons, sacripant !Roi pas plus haut qu’une botteSinge, nous nous adoronsMarron sculpté, vil despote,Entends-tu, nous nous aimons.
Don AndresLa jalousie et la souffranceDéchirent mon cœur tour à tourJ’ai la fortune et la puissanceTout cela ne vaut pas l’amour
Ensemble
Piquillo, La PéricholeLa jalousie et la souffranceDéchirent son cœur tour à tourIl a tout, fortune et puissanceLe gueux, mais il n’a pas l’amourNous, nous avons l’amour.
Don AndresLa jalousie et la souffranceDéchirent mon cœur tour à tourJ’ai la fortune et la puissanceTout cela ne vaut pas l’amourMoi, je n’ai pas l’amour
D. AndresQu’elle est belle(Il va vers la Périchole)
PiquilloLe bandit s’approche d’elleQu’est-ce qui va s’passer ? veux-tu bien t’en aller !
La Périchole se défendant comme elle peutVeux-tu t’en aller ! … veux-tu t’en aller !
D. Andres à la PéricholeTout bas, laisse-moi te parler !
PiquilloQue dit-il ?
D. Andres bas à la PéricholeSi plus tard tu deviens raisonnableEt tu te montres plus traitableFredonne un de ces airs que tu chantes si bien.Je serai là - chut, ne me réponds rien !
La PéricholeMisérable !
PiquilloQu’est-ce qu’il dit, le misérable ?
Reprise de l’Ensemble
Piquillo, la PéricholeLa jalousie et la souffranceEtc
D. AndresLa jalousie et la souffranceEtc
(Don Andres sort à la fin du trio)
D. Andres à la Périchole en sortantJe serai là !
Scène 7e
La Périchole, Piquillo
PiquilloQu’est-ce qu’il t’a dit tout à l’heure, le vice-Roi
La PéricholeQuand ça ?
PiquilloQuand il t’a parlé bas
La PéricholeIl ne m’a rien dit.
PiquilloPourquoi t’a-t-il parlé bas, alors ? Quand on ne ditrien, on n’a pas besoin de parler bas.
La Périchole
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Tu m’ennuies … tu vois que ça me crispe d’êtreattachée par le milieu du corps, et tu viens encoreavec tes bêtes de question.
PiquilloEn voilà une nuit de noces … Car enfin, en ypensant, c’est notre nuit de noces.
La PéricholeC’est vrai, pourtant.
PiquilloComme c’est agréable de la passer de cette façon là… (en riant) heureusement que nous, pas bêtes …
La PéricholePlait-il, monsieur ?
PiquilloRien … je sais ce que je veux dire … il sembleraitque nous avions prévu ça, vraiment, il sembleraitque nous avions prévu ça.
La PéricholeTais-toi.
PiquilloQu’est-ce qu’il y a ?
La PéricholeIl me semble que j’entends.
PiquilloMoi aussi. (Le vieux prisonnier passe sa tête par latrappe et leur fait signe de se taire)
Le Vieux prisonnierChut.
Scène 8e
Les mêmes, le vieux prisonnier
Piquillo et la PéricholeQu’est-ce que c’est que ça ?
Le vieux PrisonnierTaisez-vous, c’est la liberté que je vous apporte.
La PéricholeLa liberté !
Le vieux prisonnierJ’ai mis douze ans à percer ce mur de mon cachotavec ce petit couteau. Douze ans encore pour percerce mur de votre cachot à vous et nous sommeslibres.
EnsembleDans douze ans.
Le vieux prisonnier
Oui, ne perdons pas une minute
La PéricholeJ’ai peut être un moyen plus rapide. Vous l’avez survous, votre petit couteau
Le vieux prisonnierLe voici
La PéricholeEh bien, servez-vous en d’abord pour me couper lescordons qui me font du mal.
Le vieux prisonnierA votre service.(Il saute sur la Périchole et avant de la délivrer ill’embrasse avec fureur une demi-douzaine de fois)
La Périchole se débattantEh bien ! Eh bien !
Le Vieux PrisonnierPardonnez-moi, il y avait douze ans - il y avaitdouze ans, mes amis, il y avait douze ans (coupant lacorde de la Périchole) Là, vous êtes libre.
La PéricholeA la bonne heure
(Le vieux prisonnier va délivrer Piquillo)
Piquillo lui serrant la mainC’est bon, je ne vous en veux plus.
La PéricholeMaintenant, écoutez-moi. Le vice Roi m’a dit tout àl’heure.
PiquilloTu vois bien qu’il t’a dit quelque chose
La Périchole haussant les épaulesLe vice-roi m’a dit tout à l’heure que si çam’ennuyait trop de passer la nuit accrochée à cetanneau, je n’aurais qu’à chanter une des chansonsque je chante si bien. (avec modestie) Ce n’est pasmoi qui parle, c’est le vice-roi.
Le Vieux PrisonnierOh ! Madame
La PéricholeIl a dit qu’il serait là, que lorsqu’il m’entendraitchanter il reviendrait … Alors vous comprenez …Toi Piquillo tu vas te remettre près de ton murcomme si tu étais toujours attaché, vous, bonvieillard, vous allez vous cacher derrière ce pilier …moi je vais chanter … le vice roi viendra … et dèsqu’il sera à portée …
Le Vieux PrisonnierNous sautons sur lui
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PiquilloNous le ficelons, nous lui chipons ses clefs.
La PéricholeEt nous décampons, y sommes-nous.
Le Vieux prisonnierNous y sommes.
La Périchole la tête tournée vers la porteJe t’adore, si je suis folleC’est de toi, compte là dessusTra la la la la.
(Entre Don Andres)
Scène 9e
Les mêmes, Don Andres
Don AndresElle m’adore … J’ai bien entendu … tu m’adores. Jepeux compter là dessus
La PéricholeC’est vous, Don Andres.
Don AndresOui c’est moi. Eh bien, vous êtes devenueraisonnable.
La PéricholeTout à fait raisonnable
D. AndresEt vous m’adorez !
La PéricholeEt je vous adore
Piquillo et le Vieux Prisonnier qui se sontrapprochés et qui se jettent sur luiTu vas voir comme elle t’adore, tu vas voir
(On s’empare de lui, on l’attache à l’un des anneaux)
Don AndresA moi … à moi … mais je suis fou … il n’y apersonne, on ne m’entendra pas … (une fois attaché)Ah ! les femmes ! les femmes.
La PéricholeTu as raison, Don Andres, les femmesQu’est-c’qui, dans un tas d’circonstancesFait aux Rois comme aux vice-roisCommettre une foule d’imprudencesDont plus tard ils se mord’nt les doigtsLes femmes, les femmesEtc
(Reprise du refrain)
(Les prisonniers se sauvent)
Scène 10e
Don Andres seul et attachéEh bien, elle a raison après tout : les femmes, il n’y aque ça ! à moi ! à moi !
Rideau