la prise en soin institutionnelle de l’enfant et les
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Institut de Formation en
Soins Infirmiers de Savoie
ETELLIN Gabriel
La prise en soin institutionnelle de l’enfant
et les répercussions sur son développement psychosocial
Mémoire de fin d’études présenté en vue de la validation de l’UE 5.6 S6
« Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles »
Promotion 2019 6 mai 2019 Guidante de mémoire : Mélissande Balezeaux
PRÉFET DE LA RÉGION AUVERGNE-RHONE-ALPES
Direction régionale et départementale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRDJSCS) Siège : 245 rue Garibaldi - 69422 Lyon cedex 03 - Standard : 04 78 60 40 40 Site Clermont-Ferrand : Cité administrative, 2 rue Pélissier - 63034 Clermont-Ferrand cedex 1 Site Rhône : 33 rue Moncey - 69421 Lyon cedex 03 www.auvergne-rhone-alpes.drdjscs.gouv.fr
C H A R T E A N T I - P L A G I A T D E L A D R D J S C S A U V E R G N E - R H O N E - A L P E S
La Direction Régionale et Départementale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale délivre sous l’autorité du préfet de région les diplômes paramédicaux et du travail social. C’est dans le but de garantir la valeur des diplômes qu’elle délivre et la qualité des dispositifs de formation qu’elle évalue, que les directives suivantes sont formulées. Elles concernent l’ensemble des candidats devant fournir un travail écrit dans le cadre de l’obtention d’un diplôme d’État, qu’il s’agisse de formation initiale ou de parcours VAE. La présente charte définit les règles à respecter par tout candidat, dans l’ensemble des écrits servant de support aux épreuves de certification du diplôme préparé (mémoire, travail de fin d’études, livret2).
Il est rappelé que « le plagiat consiste à reproduire un texte, une partie d’un texte, toute production littéraire ou graphique, ou des idées originales d’un auteur, sans lui en reconnaître la paternité, par des guillemets appropriés et par une indication bibliographique convenable »1. La contrefaçon (le plagiat est, en droit, une contrefaçon) est un délit au sens des articles L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle.
Article 1 : Le candidat au diplôme s’engage à encadrer par des guillemets tout texte ou partie de texte emprunté ; et à faire figurer explicitement dans l’ensemble de ses travaux les références des sources de cet emprunt. Ce référencement doit permettre au lecteur et correcteur de vérifier l’exactitude des informations rapportées par consultation des sources utilisées.
Article 2 : Le plagiaire s’expose à des procédures disciplinaires. De plus, en application du Code de l’éducation2 et du Code de la propriété intellectuelle3, il s’expose également à des poursuites et peines pénales.
Article 3 : Tout candidat s’engage à faire figurer et à signer sur chacun de ses travaux, deuxième de couverture, cette charte dûment signée qui vaut engagement : Je soussigné(e) …………………………………….. atteste avoir pris connaissance de la charte anti-plagiat élaborée par la DRDJSCS Auvergne-Rhone-Alpes et de m’y être conformé(e) Je certifie avoir rédigé personnellement le contenu du livret/mémoire fourni en vue de l’obtention du diplôme suivant : Fait à …………………………Le…………………………. Signature
1 Site Université de Nantes : http://www.univ-nantes.fr/statuts-et-chartes-usagers/dossier-plagiat-784821.kjsp 2 Article L331-3 : « les fraudes commises dans les examens et les concours publics qui ont pour objet l’acquisition d’un diplôme délivré par l’Etat sont réprimées dans les conditions fixées par la loi du 23 décembre 1901 réprimant les fraudes dans les examens et concours publics » 3 Article L122-4 du Code de la propriété intellectuelle
pg. 1
Note aux lecteurs
Ce travail d’initiation à la recherche est le fruit d’une réflexion personnelle et ne peut en
aucun cas faire l’objet d’une publication en tout ou partie sans l’accord de son auteur.
pg. 2
« L’éducation consiste à comprendre l’enfant tel qu’il est,
sans lui imposer l’image de ce que nous pensons qu’il devrait être. » Jiddu Krishnamurti (1895-1986)
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Table des matières
1. Introduction .............................................................................................................. 3
a. Présentation du thème et raisons ayant conduit à ce choix ............................................. 3
b. Les repères nécessaires .................................................................................................... 3
c. Présentation du questionnement initial ........................................................................... 4
2. Phase 1 : « Enquête exploratoire » ........................................................................... 4
a. Présentation des connaissances préalables...................................................................... 4
b. Compte rendu du premier entretien libre ........................................................................ 5
c. Questionnement .............................................................................................................. 6
d. Mots-clés .......................................................................................................................... 7
e. Synthèse des éléments théoriques découverts ................................................................ 7
f. Compte rendu du second entretien libre.......................................................................... 8
g. Retour sur le questionnement initial .............................................................................. 10
h. Problématiques .............................................................................................................. 10
i. Réévaluation des mots-clés ............................................................................................ 11
j. Complétion des connaissances ....................................................................................... 11
3. Phase 2 : Approfondissement de l’enquête ............................................................. 12
a. Méthodologie de la phase d’approfondissement de l’enquête ...................................... 12
b. Synthèse et analyse des éléments recueillis lors des entretiens .................................... 13 1. L’identité professionnelle : ...................................................................................................... 14 2. Les enfants : ............................................................................................................................ 14 3. L’exercice ................................................................................................................................ 17 4. Les problématiques ................................................................................................................. 18 5. La pratique .............................................................................................................................. 21 6. La communication ................................................................................................................... 24
4. Conclusion ............................................................................................................... 28
5. Problématique / question de recherche .................................................................. 31
pg. 2
6. Évolution du titre de mon travail de fin d’étude ..................................................... 31
a. Version initiale : ............................................................................................................. 31
b. Version intermédiaire, suite à la phase exploratoire ...................................................... 31
c. Version finale ................................................................................................................. 31
Bibliographie .................................................................................................................. 33
Annexe I : guide d’entretien utilisé ................................................................................. 35
Annexe II : pyramide de la motivation et des besoins d’Abraham Maslow .................... 37
Annexe III : guide santé .................................................................................................. 38
Annexe IV : schéma de la communication de Roman Jakobson (version simplifiée) ...... 39
Annexe V : livre éducatif sur le thème des émotions ...................................................... 40
Annexe VI : traduction française du modèle de Denver .................................................. 41
pg. 3
1. Introduction
a. Présentation du thème et raisons ayant conduit à ce choix
Afin de choisir un thème à explorer pour ce travail d’initiation à la recherche j’ai effectué la
rétrospective de mes trois années d’étude au sein de l’IFSI de Savoie. Je me suis consacré
plus particulièrement à mes stages et aux analyses de situations qui en ont été extraites. Bien
que je puisse me replonger dans chacune d’entre elles pour en compléter l’analyse, je me
suis rendu à l’évidence qu’une situation singulière continuait à m’interroger plus que les
autres.
Au cours de mon stage en santé mentale extrahospitalière de deuxième année, je me suis
confronté à des difficultés dans l’accompagnement d’une jeune femme adulte en proie à des
affections psychiatriques non stabilisées : troubles qui l’affectaient depuis l’enfance et qui
pouvaient prendre racine dans les problématiques psychiatriques et les difficultés sociales
existant dans toutes les générations de sa famille. En résumé, le grand père, la mère et la
patiente sont tous trois schizophrènes, avec pour chacun des difficultés socio-économiques
de différents niveaux.
Il m’a semblé pertinent de m’intéresser à l’accompagnement que l’infirmier pouvait mettre
en place auprès des enfants. Comment minimiser l’impact des pathologies psychiatriques de
leurs parents ou de leurs difficultés sociales afin que cela ait la moindre influence négative
quant au développement même de l’enfant et à sa construction d’adulte ?
b. Les repères nécessaires
Avant de commencer il me semble important d’exposer quelques simples définitions de
l’accompagnement qui, selon le dictionnaire (Larousse, 2018), est l’action d’« être avec
quelqu’un ». Dans un contexte de soin, Béatrice Birmelé1 déclare : « accompagner est un
verbe actif, signifiant agir et faire avec celui qui est accompagné, agir pour lui mais aussi
lui restituer sa capacité d’agir, à son rythme, vers là où il veut aller. » (Birmelé, 2018).
Michel Fontaine2 rappelle dans son étude « L’accompagnement, un lieu nécessaire des soins
infirmiers » (Fontaine, 2009) que l’accompagnement n’a pas un lien obligé avec une
pathologie. Il dit : « ce point est très important à rappeler car il nous permet de nous
1 Béatrice Birmelé : médecin néphrologue au Centre Hospitalier Universitaire de Tours, docteur en sciences de la vie et docteur en philosophie. 2 Michel Fontaine : infirmier, docteur en sciences sociales à la Haute École de Santé La Source à Lausanne (Suisse).
pg. 4
représenter la dimension du soin dans une perspective de santé et non plus dans le registre
limitatif de la maladie ».
c. Présentation du questionnement initial
Lorsque j’ai fait le choix de consacrer ce travail de fin d’étude au sujet de l’accompagnement
infirmier des enfants ayant des problématiques parentales je me suis posé les questions
suivantes :
• Qui sont les intervenants qui œuvrent auprès des enfants ayant des
problématiques parentales (maladie psychiatrique, difficultés sociales) ?
• Dans quelles structurent travaillent-ils ? En quelle qualité ?
• Existe-il une place à l’accompagnement infirmier auprès des enfants qui ne
sont pas malades, mais dont les parents le sont ?
• Est-ce que tous les âges de l’enfance s’accompagnent de la même manière ?
• Les pathologies mentales et/ou difficultés sociales des parents ont-elles une
influence sur le développement psychoaffectif de l’enfant ?
• Si oui, cela aura-t-il un retentissement à l’âge adulte ?
2. Phase 1 : « Enquête exploratoire »
a. Présentation des connaissances préalables
J’ai choisi de travailler sur un thème de mémoire qui part d’observations de situations
rencontrées lors de mes stages et d’interrogations que je me suis posées, particulièrement
dans le domaine de la santé mentale.
Je me suis demandé à quel point la maladie de l’un ou des parents pouvait influer sur le
développement et la construction de l’enfant, et quel pouvait être le rôle (propre) infirmier,
comme des autres intervenants médicaux-sociaux, auprès de lui, de sa famille et de la
relation parentale aux premiers instants de la vie. « La psychose est susceptible d’affecter la
fonction parentale et d’avoir une incidence sur le développement de l’enfant. » (Holzer,
2013).
Lors de l’étude des dossiers des patients que j’avais en soins, je me suis rendu compte que
pour un grand nombre d’entre eux il existait des antécédents familiaux de maladies
psychiatriques. Dans les familles qui m’ont servi à nourrir ma réflexion il est généralement
pg. 5
décrit des maladies psychiatriques dans l’ensemble des fratries. Caroline Demily3, dans son
article de recherche « Génétique de la schizophrénie », constate que « Le risque pour les
frères et sœurs… et les enfants… de patients atteints de schizophrénie est dix fois supérieur
à celui de la population générale » (Demily, 2018). M’appuyant sur ces réflexions existantes
je m’interroge sur les pratiques infirmières existantes et l’accompagnement infirmier auprès
des enfants de 0 à 6 ans : âges au cours desquels se déroulent les quatre premiers stades de
développement psychoaffectif de Sigmund Freud4 (oral, anal, phallique et œdipien). Je
tenterai de les mettre en lien avec les fonctions maternelles décrites par Donald W.
Winnicott5 (object-presenting, holding, handling).
b. Compte rendu du premier entretien libre
Pour mener mon premier entretien libre j’ai fait le choix de rencontrer l’infirmière diplômée
d’état d’une structure d’accueil d’enfants mineurs (sera citée comme infirmière 1). IDE
depuis 2013, elle est spécialisée en puériculture depuis deux ans. En l’interviewant, j’ai
souhaité comprendre si la substitution des figures naturelles d’attachement avait un impact
sur le développement de ces enfants et quels pouvaient être les rôles des professionnels de
santé et éducatifs.
J’ai pour cela recueilli les propos d’une conversation sans support entre l’infirmière du
service et moi-même au cours d’un entretien enregistré d’une demi-heure environ.
Au cours de cet échange j’ai appris qu’il existait depuis 2013 une étude française nommée
« Étude Saint-Exupéry » qui mesure l’impact d’un placement en institution sur le devenir
personnel et professionnel des enfants issus de familles défaillantes (socialement,
psychologiquement…) (Fanello, et al., 2013).
Cette étude de cohortes a été menée sur une période de 19 ans avec deux populations ; un
groupe d’enfants substitués aux familles et placés en institutions et/ou familles d’accueil et
un groupe d’enfants suivis dans leurs familles respectives. Elle a été présentée aux
professionnels des structures socio-éducatives début 2018 à Paris.
Conformément à ce que je pouvais penser, il parait exister une corrélation entre les difficultés
sociales et/ou les maladies psychiatriques qui se déclarent chez la population d’enfants suivis
dans cet établissement et les vécus de leurs parents.
3 Caroline Demily : docteur, responsable du service Génopsy au Centre Hospitalier Le Vinatier à Bron. 4 Sigmund Freud (1856-1939) : médecin neurologue, principal théoricien de la psychanalyse. 5 Donald Woods Winnicott (1896-1971) : pédopsychiatre et psychanalyste.
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En effet l’étude citée montre que, sur les 128 sujets pris en charge par les services éducatifs
visés par l’étude, 116 enfants présentent des troubles psychiatriques à leur entrée dans le
dispositif. L’infirmière m’a confirmé qu’ « il y a souvent un retard de développement
d’origine psychogène […], nous on le constate, les enfants arrivent avec des retards du
langage […] qui se rétablissent derrière en général ».
J’ai interrogé l’infirmière sur la représentation des différentes classes sociales des enfants
qu’elle a à prendre en soin. Même si elle confirme que toutes les catégories socio-
professionnelles peuvent se retrouver confrontées à une situation de substitution temporaire
ou définitive de leurs enfants, elle affirme qu’il existe une plus forte propension d’enfants
issus « de familles vivant dans la précarité, avec des parents relevant de pathologies
psychiatriques, suivis et bénéficiaires d’allocations adultes handicapés […] ou dans
l’errance ».
En effet, l’infirmière m’explique que pour soustraire les enfants des institutions, les parents
peuvent être conduits à user et abuser de déménagements, ce qui a pour effet de majorer les
difficultés de construction d’environnements sécures dont ont besoin les enfants lors de leur
construction psychique personnelle. Nous concluons ce premier entretien en faisant la
constatation que, non seulement soumis aux problématiques sociales et psychiatriques, les
enfants sont issus de « familles généralement décomposées et recomposées ». Il est donc
souvent nécessaire « de faire avec les enfants des arbres généalogiques » qui permettent de
leur rendre plus lisibles les réponses aux questions qu’ils se posent.
c. Questionnement
Ce premier entretien mené dans une institution éducative m’a permis de comprendre que la
santé mentale des parents n’est pas l’unique facteur influant sur la construction et le
développement de l’enfant. Cela se joue, à priori, plutôt dans les processus d’attachement,
la sécurisation de l’environnement, la reconnaissance de l’enfant en tant qu’individu dans la
famille ou auprès de figures externes. L’ensemble des contextes sociaux et culturels est à
prendre en compte.
Dans la conclusion de son article, Rafael Rojas6 parle des enfants placés en institutions dont
les parents sont atteints de troubles psychiatriques : « Pour certains l’avenir peut être
compromis en termes de santé psychique, mais ils ne sont pas tous voués à être atteints de
ces mêmes pathologies. » (Rojas, 2012)
6 Rafael Rojas : psychologue clinicien à Joinville-Le-Pont.
pg. 7
À ce stade je me demande, compte-tenu de mes recherches et de mon premier entretien, s’il
est possible de s’intéresser uniquement aux problématiques d’éducation de parents atteints
de maladies psychiatriques. Est-ce dissociable des problématiques de développement de
l’enfant acquis dans une famille dont la défaillance serait sociale, financière ? Quelle place
l’infirmier peut-il avoir dans un projet de soin sans être uniquement le coordinateur des
intervenants médico-sociaux ?
d. Mots-clés
Accompagnement infirmier, stades de développement psychoaffectif, enfants, parents
relation parents/enfants et parentalité, maladie, psychiatrie.
e. Synthèse des éléments théoriques découverts
Afin de me familiariser avec la période de l’enfance que je souhaitais étudier pour la
réalisation de ce travail de recherche, j’ai dans un premier temps pris le soin de revoir les
conceptualisations des différents stades de développement psychoaffectif et psychomoteur
de l’enfant selon Freud, Piaget7, Winnicott (ordre alphabétique) pour ne citer que les plus
référencés.
Dans un second temps, j’ai repris les enseignements théoriques dispensés au cours du
semestre 2 de la formation en soins infirmiers dans l’unité d’enseignement 2.6 (Processus
psychopathologiques) de David Legrand (Legrand, 2017).
J’ai ensuite amorcé un travail de recherche sur les éventuels retentissements
développementaux que peuvent avoir les traumatismes psychiques sur les enfants de 0 à 6
ans, population étudiée (Benoit de Coignac, et al., 2011).
Ces lectures m’ont permis de faire le constat que, quelle que soit la nature du traumatisme
vécu et/ou ressenti par l’enfant, il n’est pas réaliste de proposer un accompagnement à
l’enfant, qu’il soit infirmier ou pluri-professionnel, sans prendre en considération ses figures
d’attachement, son environnement.
J’ai choisi de réaliser mon second entretien libre auprès de l’infirmière psychiatrique d’un
foyer d’accueil mère-enfants (sera citée comme infirmière 2). Cette jeune professionnelle
s’est, à la sortie du diplôme, spécialisée en puériculture et a travaillé trois ans en PMI8.
Préalablement à cette rencontre, j’ai fait le choix de ne pas préparer de questions précises
7 Jean William Fritz Piaget (1896-1980) : biologiste, psychologue et logicien, reconnu pour ses travaux sur la psychologie du développement. 8 PMI : Protection Maternelle et Infantile ; système de protection de la mère et de l’enfant créé en 1945.
pg. 8
afin de ne pas tomber dans une facilité qui aurait pu être de faire des raccourcis au lieu de
faire des liens.
f. Compte rendu du second entretien libre
Je me suis rendu à l’entretien avec, en tête, les thèmes qui me semblaient nécessaires
d’aborder avec l’infirmière, l’objectif étant de comprendre les aspects concrets de
l’accompagnement proposé et de lister les actions mises en place. Je me suis rapidement
aperçu qu’il ne serait pas possible de synthétiser les problématiques d’accompagnement des
mères avec leurs enfants rencontrées dans ce foyer d’accueil dans un schème simplifié qui
permettrait d’en déduire un accompagnement adéquat et généralisable. La pluralité des
parcours de vie bien souvent chaotiques, adjointe aux traumatismes physiques et
psychologiques auxquels sont soumis les enfants, font qu’une réflexion soignante infirmière
ne peut se faire que si elle s’inscrit dans une démarche pluri-professionnelle et pluri-
institutionnelle. En effet, l’infirmière interrogée, qui est de formation infirmière
puéricultrice, met l’accent sur l’inefficacité qu’auraient des actions qui seraient mises en
place de façon isolée dans la prise en soin globale des mères et de leurs enfants. Elle tente
d’attirer mon attention sur un point qu’elle considère comme très important et qui peut,
parfois, être le point de départ de tout développement de troubles futurs chez l’enfant. Elle
souligne la nécessité de la verbalisation auprès de l’enfant. Je la cite :
« La verbalisation… pour l’enfant… en général… dans la problématique, il y a très
peu de choses qui lui sont dites. Ce qui fait que l’enfant peut vivre les choses
complétement différemment et avoir du mal à se les approprier, dans le sens où, les
informations sont tellement violentes, sont tellement non dites […] qu’il doit se
protéger. »
Cependant, et conformément aux propos tenus par la première IDE interrogée et aux résultats
de l’étude « Saint Exupéry », l’infirmière note que « pour éviter les troubles » des enfants
de 0 à 6 ans, il est primordial que la prise en charge pluridisciplinaire soit initiée le plus tôt
possible.
Au sein de la structure dans laquelle travaille cette professionnelle, l’équipe soignante est
centralement composée d’infirmiers, d’éducateurs, de psychologues, de psychiatres et de
psychomotriciens. L’accompagnement mis en place est basé sur une analyse, parfois subtile,
pg. 9
des comportements des enfants, des mamans (des parents9) et des enfants avec leur maman
ou vice versa. Mon interlocutrice me donnera comme exemple les problématiques de holding
qu’elle peut décrire dans ses comptes rendus d’entretiens avec les mères « lors de l’entretien,
madame porte son enfant de manière contenante ». Afin de conclure cet entretien nous
faisons le point sur les notions importantes qu’il faut retenir afin de proposer un
accompagnement infirmier de qualité. Je souhaite me concentrer sur celles qui apparaissent
principales :
• Observer l’enfant : les réponses aux sollicitations sont-elles adaptées ? Sont-elles
révélatrices de carences ? De traumatismes ?
• Faire un état des lieux des problématiques sociales, psychologiques et psychiatriques
des parents : cet environnement met-il en danger l’intégrité physique de l’enfant ?
• Proposer un accompagnement objectivable réaliste : « être capable de verbaliser des
propos à l’enfant de manière calme et contenue afin de le rassurer », « arriver à
faire les soins de manière autonome sans être intrusive » (exemples donnés par
l’infirmière du foyer d’accueil).
• Verbaliser et expliquer à l’enfant, même à celui qui n’est pas en âge de s’exprimer,
ce qu’il est en train de vivre, les questionnements et/ou les décisions qui le concernent
afin que des mots soient mis sur des ressentis qu’il peut avoir.
• Prendre en compte la culture.
L’infirmière interrogée tient à ce que ces deux derniers points soient bien entendus et sent
que je suis touché par ces deux aspects de la prise en soins. Elle souhaite développer, je lui
demande alors de m’expliquer chacun de ces concepts en une phrase.
Au sujet de la verbalisation à l’enfant elle dit « l’infirmier, l’infirmière […] son rôle c’est
d’être auprès de l’enfant et de verbaliser… c’est vraiment important, c’est la base de sa
prise en charge. »
À propos de la prise en compte de la culture, elle dit :
« L’inconsidération et le non-respect de la culture peuvent conduire à la
décompensation psy (sic) d’un patient […] d’autant plus s’il est en état de choc, avec
9 Les pères sont bien souvent absents de ces accompagnements, même si à priori les mentalités tendent à une plus grande implication des pères lorsqu’ils le souhaitent.
pg. 10
des parents qui sont dans des problématiques sociales ou psychiatriques, dans un
contexte de violence conjugale […] dans un parcours d’errance. »
g. Retour sur le questionnement initial
Au terme de ce second entretien il m’apparait évident que l’infirmier a bel et bien un rôle à
jouer dans l’accompagnement des enfants de 0 à 6 ans nés de parents touchés par des
problématiques sociales et/ou psychiatriques. Son rôle de coordinateur des interventions des
professionnels médico-sociaux qui se dégageait de mon premier entretien n’en est qu’une
des nombreuses facettes. Je prends conscience de la finesse du jugement clinique dont doit
faire preuve l’infirmier, qu’il soit spécialisé ou non, afin de repérer les éventuels
dysfonctionnements qui peuvent être le fondement du développement de comportements
sociaux inadaptés et/ou de pathologies psychiatriques invalidantes au cours de la vie de
l’individu. L’accompagnement pluri-professionnel s’il n’apporte pas toujours LA solution à
TOUTES les problématiques a, à minima, le mérite de soulager, au moins partiellement, les
maux des enfants, des mères (des parents) et de proposer des solutions de soutien et
d’accompagnement aux familles. La place des pères, qui toutefois tend à être de plus en plus
prise en compte dans les accompagnements, reste tout de même très en retard. La seconde
infirmière interrogée précise que « il est évident pour nous que quand les pères sont là, et
qu’ils sont étayants, ils sont pour nous d’un grand soutien. »
Les situations vécues par les enfants accueillis dans ces dispositifs sont complexes et pas
toujours expliquées. Suite à mes deux premiers entretiens il me semble nécessaire de
m’interroger sur la place que l’on donne à la verbalisation de l’information à l’enfant surtout
lorsque l’intégration des mots abstraits au langage oral n’en est qu’à ses prémices. Catherine
Billard10 donne comme repères dans son étude « Développement et troubles du langage oral
chez l’enfant » les âges de 5 ou 6 ans pour l’apparition de la « production de phrases
complexes, presque toutes relatives, [où l’enfant] raconte une histoire ordonnée, connaît les
principaux mots abstraits » (Billard, 2014).
h. Problématiques
Au terme de ces deux premiers entretiens, je peux dégager de nouvelles problématiques :
10 Catherine Billard : neurologue, pédiatre et neuropsychologue au Centre Hospitalier Universitaire de Bicêtre à Kremlin-Bicêtre. Elle consacre sa pratique clinique à la lutte contre les troubles d’apprentissages de l’enfant.
pg. 11
• Comment adapter sa communication aux enfants pour leur expliquer les situations
dans lesquelles ils se trouvent, et ce afin de limiter le stress psychique ?
• Comment mesurer le stress psychique chez l’enfant dépourvu de la phraséologie
complexe de l’adulte, du soignant ?
• Quels sont les liens existants entre stades de développement psychoaffectif et
techniques de communication ?
• La culture a-t-elle un impact sur les aspects de la communication à mettre en place
auprès d’enfants ?
• Malgré de nets progrès ces dernières années, la place du père est-elle suffisamment
questionnée dans l’attachement sécure des enfants ?
i. Réévaluation des mots-clés
Accompagnement infirmier, stades de développement psychoaffectif, enfants, parents
relation parents/enfants, maladie, psychiatrie, communication.
j. Complétion des connaissances
Au terme de cette phase exploratoire il me semble important de me pencher sur la définition
de la communication au sens du soin. Comme le rappelle Gilbert Gasparutto11 dans son
ouvrage « L’infirmière et la communication : des outils d’aujourd’hui, des atouts pour
demain », l’étymologie du mot en latin : communicare signifie « mettre en commun »
(Gasparutto, 1990). Ceci fait écho pour moi à la notion de « consentement libre et éclairé »
(Article L1111-4 du Code de la santé publique, 2016). Ce concept me permet de me
questionner quant à la place de la verbalisation à l’enfant des problématiques vécues par lui
et sa famille afin de prévenir des problématiques ultérieures. Comme l’explique Annette
Watillon-Naveau12, si aucune explication n’est donnée à l’enfant, le réflexe normal que
celui-ci aura est de penser qu’il est lui-même la cause dans les problématiques qu’il vit :
« C’est un réflexe assez normal parce que l’enfant a tendance à se croire le centre du
monde » (Watillon-Naveau, La nécessité de parler aux bébés, 2015).
11 Gilbert Gapsarutto : Directeur des Ressources Humaines d’un hôpital parisien. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages professionnels de référence sur le monde infirmier. 12 Annette Watillon-Naveau : pédopsychiatre et psychanalyste. Pour les bébés elle est l’initiatrice, en Belgique, de la pratique clinique par son observation.
pg. 12
3. Phase 2 : Approfondissement de l’enquête
a. Méthodologie de la phase d’approfondissement de l’enquête
Mon objectif, pour mener à bien la seconde phase de mon travail, est de rencontrer trois
professionnels infirmiers exerçant auprès d’enfants. J’ai souhaité y ajouter une contrainte.
Ces professionnels doivent travailler dans une structure d’accueil familial, ou tout du moins
dans un contexte familial, sans que l’enfant soit un sujet de soin « technique ». J’ai pour cela
exclu les services de pédiatrie purs pour prospecter auprès de la P.M.I.13 et de structures
d’accueil mère-enfants. Au préalable, j’ai construit un guide d’entretien que j’ai pu présenter
aux trois infirmières qui ont répondu favorablement à ma demande. Elles seront
respectivement citées dans la suite de mon travail comme : infirmières 3, 4 et 5.
Les professionnelles avec lesquelles j’ai pu m’entretenir sont :
3. Une infirmière de 59 ans, diplômée d’État. Elle est infirmière puéricultrice depuis
1982, avec une qualification Enfance Jeunesse et Famille et P.M.I. Après avoir
travaillé 22 ans en pédiatrie et 7 ans en tant que référente de liaison hospitalière-
P.M.I., elle exerce en P.M.I. depuis 2011 dans un Centre Polyvalent d’Action Sociale
(C.P.A.S.) du Conseil Départemental. Afin d’initier la phase d’approfondissement
de mon travail de fin d’étude et avant d’interroger des professionnels exerçant en
institution, il était pour moi indispensable d’avoir, dans le cheminement
chronologique de la prise en charge des enfants (et des familles), le point de vue d’un
infirmier pouvant faire le lien entre un lieu de résidence privé et les institutions
d’accueil.
4. Une infirmière de 47 ans, diplômée d’État depuis 1996. Elle exerce auprès d’enfants
depuis 2001 et se spécialise comme infirmière puéricultrice en 2002. De 2005 à 2011
elle travaille dans un C.M.P.14 enfant. Depuis, cette infirmière exerce dans un centre
d’hébergement mère-enfants. Dans l’organisation de mon travail, je souhaitais
questionner cette professionnelle en dernier car, en suivant la chronologie de la prise
en charge mère-enfants, l’institution dans laquelle elle exerce intervient en dernier.
Nos impératifs d’agendas respectifs ont fait que nous nous sommes rencontrés en
second.
13 PMI : Protection Maternelle et Infantile. Système de protection de la mère et de l’enfant créé en 1945. 14 CMP : Centre Médico-Psychologique.
pg. 13
5. Une infirmière de 54 ans, diplômée d’État et infirmière puéricultrice depuis 1988.
Après quelques mois de contrats courts, elle exerce depuis dans le même centre
d’accueil spécialisé mère-enfants. La diversité des missions et leurs évolutions lui
ont permis de travailler sur différents postes d’infirmiers. Comme expliqué
précédemment, j’ai choisi de rencontrer cette professionnelle car l’établissement
dans lequel elle travaille suit logiquement le parcours de la prise en charges des
enfants (et donc des familles). N’ayant pas eu l’opportunité de la rencontrer plus tôt,
j’ai donc conclu mes entretiens avec cette professionnelle.
Ces trois entretiens ont été menés sur le temps de travail de ces professionnelles. Elles ont
chacune pu m’octroyer une heure de leur temps afin de répondre aux 29 questions de mon
guide d’entretien (annexe I). Les entretiens se sont déroulés sur un temps dédié, dans leur
bureau, au calme, j’en ai réalisé des enregistrements audio (avec l’accord préalable de mes
interlocutrices). J’ai choisi de les réaliser sous la forme d’entretiens semi-directifs et dont
les questions étaient ouvertes dès l’élaboration de mon guide. Elles portent sur 6 items :
• L’identité professionnelle,
• Les enfants,
• L’exercice professionnel,
• Les problématiques,
• La pratique infirmière au quotidien,
• La communication.
b. Synthèse et analyse des éléments recueillis lors des entretiens
Afin d’introduire mon entretien auprès de ces trois infirmières, je leur ai à chacune fait part
du thème sur lequel j’avais choisi de consacrer mon travail de fin d’étude. Je leur ai expliqué
comment, suite aux deux entretiens de ma phase exploratoire, j’avais fait le choix de
m’intéresser aux aspects de la communication avec les enfants, dans un contexte familial,
en institution. Je leur ai expliqué ce que j’avais pu comprendre des enjeux de la parentalité.
En 1956, Donald W. Winnicott disait, au sujet de la préoccupation maternelle primaire, que
la femme pouvait entrer dans un état de dissociation psychique et qu’elle devait être en bonne
santé pour atteindre cet état (Winnicott, La Mère suffisamment bonne, 2006).
Je me suis questionné sur les bienfaits que pouvait avoir l’étayage institutionnel des familles
dont les mères, les pères, pouvaient être défaillants.
pg. 14
En me basant sur leurs propos, je vais mesurer les écarts et/ou pointer les similitudes dans
l’exercice de ces professionnelles. Puis, en m’appuyant sur la littérature professionnelle, les
articles scientifiques ou les articles de recherches, je construirai ma réflexion et pourrai ainsi
formaliser ma question de recherche.
1. L’identité professionnelle :
Au cours de ma première année à l’institut de formation en soin infirmier, avec les autres
étudiants, nous avons dû nous questionner sur l’identité professionnelle. Avec nos
formateurs, nous avions pu conclure que celle-ci se construisait sur la base de nos valeurs
mais également sur l’interaction que nous avons avec nos pairs.
Afin d’analyser les réponses de façon objective, il m’était nécessaire de savoir comment
s’étaient construites les carrières professionnelles de mes interlocutrices. Cela me permettait
de poser un regard à travers leur propre prisme d’exercice. Les infirmières, qui se sont
avérées de spécialité puéricultrice, m’ont toutes trois confirmé qu’elles exerçaient auprès
d’enfants par choix. D’abord confiés aux institutrices, les soins aux enfants deviennent une
spécialité médicale en 1871 (Huard & Laplane, 1981). Le 13 août 1947, afin de répondre à
un besoin de santé publique en faveur de l’enfant et de la famille, un décret est publié et créé
un Diplôme d’État de puériculture (Décret n°47-1544 du 13 août 1947 instituant un diplôme
d'Etat de puéricultrice, 2005). L’infirmière 5 me dit être « devenue infirmière dans le but
d’être puéricultrice. ». J’observe, à postériori, que chacune de ces professionnelles, dès lors
qu’elle a fait le choix d’exercer auprès d’enfants, ne souhaite pas ré-exercer dans des filières
de soins conventionnelles : que ce soit en pédiatrie ou non.
2. Les enfants :
Je me suis dans un premier temps intéressé aux notions qui concernent les enfants et qui sont
issues des pratiques quotidiennes que les infirmières pouvaient m’apporter. Je souhaitais
m’éloigner de la description littéraire des stades de développement psychoaffectifs ou
psychomoteurs que j’avais pu trouver dans mes recherches.
À la question « adaptez-vous votre pratique à l’âge de l’enfant ? » les infirmières sont
unanimes. L’infirmière 5 me dit « Forcément et obligé, nous nous adaptons à l’âge de
l’enfant » mais elle précise « ma pratique et mes objectifs restent identiques ; quels que
soient les âges ».
pg. 15
Afin de détailler les différents âges repérés lors de sa pratique, l’infirmière 3 me dit qu’avant
les 6 mois de l’enfant son rôle en termes de communication sera d’observer l’enfant, mais
aussi les interactions qu’il a avec sa mère, ses parents, les professionnels et son
environnement. C’est à cet âge que l’observation clinique de l’infirmière permet de voir
apparaitre les premiers retards. « Est-ce que l’enfant commence à émettre des sons ? Le
babille. » Vers 1 an, « Je vais observer si les parents sont plus à limiter la motricité, s’ils
ont peur ». Cette période d’observation de la communication non verbale s’étend jusqu’au
18 mois de l’enfant pour l’infirmière 5. Elle me donne cet âge comme indicateur fort à
l’apparition des « nouvelles acquisitions, entre autres l’expression et la communication ».
L’infirmière 4 dit que « Pour les enfants de 0 à 3 ans, nous allons beaucoup travailler avec
la maman […] ensuite, à l’âge scolaire, nous allons être plus attentifs à ce que les enfants
nous disent. C’est aussi eux qui vont constater les difficultés ». Elle me précise que son
travail consiste également à travailler sur la séparation « qui est parfois problématique pour
l’enfant, comme pour la mère ». Mais plus que des âges ou des périodes précises, l’infirmière
3 insiste sur « l’observation des écarts avec les connaissances du développement normal de
l’enfant », elle dit « À un moment donné, nous avons des clignotants vis-à-vis de ce qui ne
se passe pas bien ; par exemple la marche trop tardive ».
Je souhaite revenir sur le thème de la communication, l’infirmière me donne un nouvel
exemple : « On voit tout de suite si le bébé ou le jeune enfant a été nourri dans un bain de
langage ou pas suffisamment, si à 9 mois il ne double pas les syllabes ! » Cependant les trois
professionnelles insistent sur le fait que, s’il existe des repères issus de la littérature
professionnelle, ils sont tous utilisés au quotidien de façon individualisée pour s’adapter à
chaque enfant. Comme j’ai pu l’observer dans la littérature, les retards de développement du
langage peuvent être à la fois le signe d’une trop grande fusionalité de l’enfant avec sa mère
mais également la marque d’un environnement carencé, dans lequel l’enfant n’est pas
stimulé, où il présente une fragilité du narcissisme primaire. Cependant, dès lors que ce
symptôme s’associe à un retrait relationnel, il peut être le premier signe d’un trouble du
développement.
Lorsque j’interroge les infirmières sur les spécificités de leur travail avec les enfants, elles
me répondent unanimement qu’elles ne sont pas principalement dans le soin comme nous
l’entendons au sens commun, bien qu’elles ne renient pas cet aspect du travail. Comme le
dit l’infirmière 4 : « Je fais tout ce qui est suivi staturo-pondéral, je dispense les conseils
hygiéno-diététiques appropriés à l’âge de l’enfant, je surveille les vaccinations ainsi que les
pg. 16
rythmes veille-sommeil. Je peux accompagner chez le médecin traitant ou l’adresser à la
P.M.I. ». Elles notent chacune la place du parent, souvent de la mère, qu’il ne faut pas
négliger. L’infirmière 5 pense « qu’il faut faire très attention à ce que l’on va dire au parent
devant l’enfant. Je ne relèverai pas les défaillances de sa maman devant lui. Cela peut avoir
un impact négatif. ». L’infirmière 3 précise qu’il est important « d’observer aussi le parent,
de l’écouter à travers son propre prisme ».
J’ai souhaité m’intéresser aux aptitudes professionnelles nécessaires aux infirmiers pour
exercer auprès d’enfants. Après avoir noté l’importance qu’elles donnent à l’observation de
l’enfant, les professionnelles m’ont détaillé les concepts appris en cours et qu’elles mettent
à profit sur le terrain, chaque jour. Pour l’infirmière 3, les aptitudes indispensables pour cet
exercice sont celles « de la communication bienveillante, positive, empathique » qui se base
sur la méthodologie des entretiens infirmiers comme « l’écoute active, la reformulation » et
que cette professionnelle met en place en suivant les recommandations de bonnes pratiques
« en créant un espace qui donne à l’enfant une liberté de son expression ». L’infirmière 4
met l’accent sur les prérequis qu’elle pense indispensables comme « une part de
connaissances et d’expérience en somatique […], il faut aussi une partie psy pour
comprendre les pathologies des mères, leurs traumatismes ». Comme je l’ai relevé plus tôt,
elle note le concept de non-jugement quand elle dit « Il faut savoir venir sans juger, car nous
allons devoir pointer des travers, mais nous le faisons sans culpabiliser les mères ». Elle
donne des exemples de situations qui sont notables à ses yeux mais qui paraissent anodines
pour les mères concernées « laisser son enfant sur la table à langer pendant que sa mère va
éteindre l’eau qui bout sur la plaque dans la cuisine ou laisser une mère donner du
paracétamol toutes les heures à son bébé ». Ces connaissances sont à compléter des
acquisitions de référence nécessaires que soulignent l’infirmière 5. « Les stades de
développement psycho-socio-affectif, pour tout de même s’y référer » mais elle précise « Je
n’aime pas mettre des grilles mais il faut les avoir à l’esprit. Ça, il faut que ce soit acquis ! ».
Afin de compléter ces outils, cette infirmière m’informe qu’elle est formée au massage de
l’enfant qui est pour elle un outil qui lui sert vraiment, mais aussi au portage en écharpe pour
lequel elle dit « Cela aide la relation mère-enfant, il vise le bien-être de l’enfant. » et conclut
par « En réalité, tout le relationnel on l’apprend en exerçant son métier et pas seulement à
l’école. »
pg. 17
3. L’exercice
Afin de comprendre les objectifs des prises en soins des professionnelles interrogées, je me
suis intéressé aux situations qui amenaient ces professionnelles, et plus largement les
institutions dans lesquelles elles sont en exercice, à prendre en soin les enfants.
Afin de construire chronologiquement ma réflexion, j’ai fait le choix de rencontrer
l’infirmière 3, qui est la seule à travailler hors d’un lieu d’accueil, en premier. Elle prend en
soin les enfants de manière préventive principalement. L’une de ses missions est de réaliser,
à 4 ans, les bilans de santé en école maternelle. Ceux-ci sont centrés sur l’aspect sensoriel et
sont de bons indicateurs quant au développement normal de l’enfant. À propos de son
exercice, elle dit : « Nous faisons du soutien à la parentalité, avant ou tout juste après la
naissance ». Son service réceptionne tous les avis de naissance du département et tente de
rencontrer chaque famille. En lien avec la liaison hospitalière-P.M.I. elle met en action des
surveillances supplémentaires pour répondre à des critères de vulnérabilité qu’elle repère.
C’est également dans ce service que sont réceptionnées les Informations Préoccupantes (I.P.)
D’après l’infirmière, le C.R.I.P.15, qui dépend de ce service, « est le chef de file de la
protection de l’enfance ». Cette fonction est dévolue au Président du Conseil Départemental.
Ainsi, comme les deux autres professionnelles que j’ai pu rencontrer, elle travaille également
à la protection de l’enfant. Cependant, ces deux dernières interviennent, quant à elles, dans
le quotidien des mères. Elles les accueillent avec leur(s) enfant(s) dans les conditions
suivantes :
• Mères victimes de violences conjugales,
• Placements administratifs (principalement pour des mères mineures) ou judiciaires,
• Mères avec des fragilités psychiatriques,
• Mères atteintes de déficiences mentales,
• Mères en errance, en grande précarité sociale, en carences éducatives,
• Mères en situation irrégulière,
• Expulsions locatives.
• …
L’infirmière 4 précise que peu importent les raisons qui mènent ces mères à être prises en
charge avec leur(s) enfant(s), il y a souvent des défaillances éducatives. « Elles viennent
pour avoir un étayage et être guidées au quotidien […], nous faisons de l’éducation
15 CRIP : Cellule de Recueil des Informations Préoccupantes.
pg. 18
thérapeutique, mais nous pouvons aussi proposer des périodes de répit ; nous pouvons
également soustraire temporairement l’enfant en cas de danger immédiat. ». Elle me précise
que son rôle est de « créer un échange entre la mère et le bébé ou de recréer un attachement
qui a pu s’effilocher. » Quand elle prend son poste le matin, l’infirmière 5, dit « Je dois
veiller au bien-être global [de l’enfant] ; assurer son bien-être, je suis garante de ça. ». Elle
m’explique que chacune des mères est informée que sa place dans ce foyer est une alternative
au placement de l’enfant et que le projet qui est mis en place est validé et doit être suivi.
4. Les problématiques
Lorsque j’évoque la question des difficultés qui peuvent être généralisées chez les enfants
pris en soin, les trois infirmières me répondent unanimement que « Étonnement, nous avons
des enfants qui vont très bien, en apparence, avec des mères qui vont très mal » pour
l’infirmière 4 ; « On peut avoir des enfants sans trouble, que nous soyons clairs » pour
l’infirmière 5, mais qui me précise « Mais bien souvent, ce sont des enfants qui ont besoin
d’une attention particulière. Nous avons des enfants que nous sauvons de troubles. On s’en
rend compte chez les bébés qui présentent des fuites du regard. »
Des problématiques, même si elles ne peuvent être généralisées comme j’aurai pu l’entendre
lors de mon interrogation, peuvent apparaitre. Si je fais la synthèse des éléments recueillis,
il apparait clairement que les enfants montrent en majorité des troubles du sommeil et de
l’alimentation qui sont vite corrigés lorsque la mère et le(s) enfant(s) entrent dans un foyer
disposant d’un cadre organisationnel. Cependant, d’autres troubles, moins visibles, sont mis
en évidence par l’observation clinique des professionnelles et leurs connaissances
théoriques. En effet, l’infirmière 3 explique que dans les soins au bébé « S’il y a de la
discontinuité, si le parent n’est pas constant et fiable, cela se ressent car l’enfant est souvent
en hyper-vigilance ou complétement en retrait. » Ce que l’infirmière 4 décrit comme une
hyper-adaptation. Elle donne comme exemple des enfants qui peuvent continuellement
sourire, qui veulent plaire, même lorsqu’ils sont tout petits. Elle dit « Ils n’appellent pas !
Car il n’y a pas de réponse… ou alors c’est qu’ils ont peur de cette réponse. On dit d’eux
que ce sont des enfants commodes ». L’infirmière 3 explique que ce comportement hyper-
adapté provient du fait que « Le bébé est en état de stress, et que le parent n’y répond pas ».
Cela se manifeste également chez les enfants par des retards de parole et le plus souvent par
des difficultés de socialisation. Ce peut être des enfants fuyants, qui ne proposent pas de
sourire-réponse ou qui présentent des troubles de déficit de l’attention/hyperactivité. Ils
peuvent être très agressifs, intolérants au groupe. L’infirmière 5 note que « Lorsque nous
pg. 19
baignons ici [dans ce foyer], nous pouvons avoir tendance à oublier comment se comportent
les enfants dits classiques, comment ils se développent ». Pour elle, les deux premiers
niveaux, que sont les besoins physiologiques et les besoins de sécurité, de la pyramide de la
motivation et des besoins (annexe II) d’Abraham Maslow16 ne sont pas satisfaits : « Ce sont
des enfants qui à la base n’ont pas de stabilité, ils n’ont pas de toit […], souvent les mères
ne peuvent pas transmettre la stabilité affective si elles ne l’ont pas elles non plus ».
Les enfants pris en soin sont généralement violents. « Souvent ils mordent ou ils tapent en
arrivant. Mais au bout de trois mois, ce sont des enfants qui s’apaisent » me dit l’infirmière
4, qui travaille dans un foyer d’hébergement. Elle l’explique par le fait que ces mères et ces
enfants trouvent dans la collectivité, dans l’institution, une contenance, voire de la sécurité.
Elle dit : « Ces familles n’ont pas de rythme, nous le restaurons ». Il m’est précisé par
l’infirmière 4 que dans le foyer concerné « Les femmes n’ont pas de difficulté pour manger,
nous avons mis en place une banque alimentaire ». Cela permet de satisfaire l’un des besoins
physiologiques et de réduire l’anxiété.
Il me semblait important, avant mes entretiens, de différencier les particularités entre les
difficultés induites chez l’enfant par les troubles psychiatriques et/ou les problématiques
sociales des parents. Cependant, il apparait difficile de les catégoriser si distinctement.
L’infirmière 3 explique qu’il existe une généralité qui est délétère à l’enfant : la disponibilité.
Je la cite :
« Quand le parent est pris dans des problématiques [qu’elles soient sociales ou
psychiatriques], il n’est pas disponible pour l’enfant ; alors que nous savons qu’il
est très important dans la construction du lien d’attachement qu’il y ait cette
disponibilité, cette proximité, cette sensibilité, cette réciprocité de relation. Si tout
cela n’est pas là, il y aura des effets négatifs sur l’attachement, sur son
développement et sur sa future sécurité d’adulte ».
Dans son travail, l’infirmière 4 est rarement confrontée à la prise en soin d’enfants dont les
mères ont des troubles psychiatriques importants : « Ces enfants sont déjà placés ». En effet,
la structure dans laquelle elle exerce n’accueille pas les mères dont les pathologies ne sont
pas stabilisées. Cependant, elle témoigne que ces enfants « sont très négligés. Ils vont
16 Abraham Harold Maslow (1908-1970) : psychologue humaniste, théoricien de la pyramide de la motivation et des besoins.
pg. 20
manifester des signes d’abandonisme. Principalement après 6 ans, ils peuvent alors
surinvestir un autre. Ils vont aller vers tout le monde ».
L’infirmière 5 me donne des exemples : « Il est très difficile pour un enfant d’avoir une mère
en grande dépression, avec une réelle perte de l’élan vital ». Elle m’explique que dans ce
cas, il incombe généralement à l’enfant de « réveiller » sa mère ; et cela dès le plus jeune
âge, dès la naissance parfois. Ce comportement est cliniquement étudiable avec l’expérience
de la « still face »17. Dans le livre « La nécessité de parler aux bébé », l’expérience montre
que l’enfant, après avoir été sollicité par des échanges de sourires et de lallations, va dans
un premier temps essayer de relancer l’interaction lorsque sa mère adopte un visage
inexpressif. Peu à peu il perd courage, il arrête de sourire, et après avoir pleuré il ne regarde
plus sa mère (Watillon-Naveau, La nécessité de parler aux bébés, 2015). Un autre exemple
est celui de mères qui auraient des dysmorphophobies : « Quand il y a des troubles de
l’intégrité du corps, les mères ont du mal à se représenter l’enfant hors d’elles. Il est alors
difficile de le toucher ». De plus, elle précise que l’enfant peut être source de persécution au
cours de l’allaitement. Il mord le sein.
Malgré l’environnement sécurisé et l’accompagnement mis en place, du fait de la vie en
collectivité, les professionnelles soulignent une problématique ayant des conséquences
négatives sur les enfants. L’infirmière 4 me rappelle que même si elles l’acceptent, les
femmes n’ont pas vraiment d’autre choix que de vivre dans le foyer. Cela génère des conflits.
Et comme le dit l’infirmière 5 : « Ce sont des femmes qui bien souvent ont les codes de la
rue, elles n’ont pas de filtres, ; elles peuvent lancer aux autres comme à leur enfant des : tu
me fais chier, je vais te tuer ».
En conclusion, et comme je le relève plus tôt, que les problématiques soient psychiatriques
et/ou sociales, celles-ci ont des répercussions sur le développement de l’enfant. L’infirmière
4 dit à ce sujet que « L’enfant va manquer de stabilité ou de repères ». D’après
l’infirmière 3 : « Le tout petit a besoin que l’on réponde à ses signaux de façon sécure. Sinon
cela met en péril son développement psychoaffectif ». L’infirmière 5 confirme que « Les
enfants peuvent être éteints. Ils s’adaptent ».
Les bébés, les enfants, vont dormir énormément. Ils ne veulent pas, et souvent ne peuvent
pas, déranger leur parent. Ils apprennent à leurs dépens à être patients. « Dans un bain trop
17 Still Face : figure inexpressive.
pg. 21
long qui devient trop froid, l’enfant ne va pas rouspéter, il ne manifestera même pas la
sensation de froid » donne comme exemple l’infirmière 5. Elle cite également l’apparition
de troubles alimentaires, principalement chez les enfants « qui ont été forcés, gavés, de
manière très intrusive ».
Lorsque je fais la synthèse de ces éléments recueillis en entretiens, il ressort que les grandes
perturbations sur le plan du développement psychosocial de l’enfant sont à mettre en lien
avec les Troubles du Spectre Autistique (T.S.A.). Les principales manifestations
s’exprimeront au travers des enfants par des fuites du regard, une prostration avec des
altérations de la qualité des interactions interpersonnelles. Les enfants présentent le plus
souvent des angoisses majeures, de perte, de séparation.
D’après les professionnelles rencontrées, les principales conséquences à l’âge adulte se
traduiraient par des Troubles Envahissants du Développement (T.E.D.), grande classe dont
dépendent les T.S.A. et qui « se manifestent par des difficultés comportementales et
relationnelles », (Del Alamo, 2014) .
Quant au développement psychomoteur, seule l’infirmière 4 témoignera de cas rares, mais
dont elle a connaissance, d’enfants touchés par du nanisme psychosocial. Historiquement
observé chez des enfants roumains abandonnés et placés en isolement sensoriel, il est
désormais étudié biologiquement sur des animaux. Boris Cyrulnik18 explique qu’avec
parfois un poids et une taille 50 % inférieurs à la norme, la restauration se fait dès que
l’enfant est sécurisé. L’architecture de son sommeil se régularise, la sécrétion de l’hormone
de croissance redevient normale pour l’âge et la morphologie suit (Cyrulnik, 2010). Ce
phénomène est une réaction exacerbée du concept de l’« hospitalisme » qui est défini par
René Spitz19 en 1946 (Rousseau & Duverger, 2011) comme « une évolution vers un état de
marasme, physique et psychique ».
5. La pratique
J’ai souhaité m’intéresser au cadre légal de la pratique des infirmières rencontrées.
L’infirmière 3 qui travaille dans un C.P.A.S. exerce dans le cadre des missions de la P.M.I.
Celles-ci sont régies par le Code de l’Action Sociale et des Familles. Si l’infirmière a notion
d’un danger, elle peut s’autosaisir et ainsi mettre en place des dispositifs d’aides et
18 Boris Cyrulnik : animateur d’un groupe de recherche d’éthologie clinique. Il est reconnu pour la vulgarisation du concept de « résilience ». 19 René Spitz (1887-1974) : psychiatre et psychanalyste américain.
pg. 22
d’orientations. Également, son service peut proposer aux mères un accompagnement P.M.I.
renforcé. Il a pour but de mettre en lien les familles avec un psychologue et un infirmier
puériculteur. Pour les enfants plus grands, il sera proposé une aide éducative préventive. Elle
précise « nous faisons des préconisations, en présence des parents. S’ils sont d’accord, nous
les orientons vers les professionnels concernés (ex. : S.A.S.E.P.20, C.M.P., etc) ».
Les deux autres professionnelles, elles, prennent en soin les mères et les enfants à la suite
d’une audience qui donne droit à une décision qui peut être :
• Administrative, et nécessite le consentement des parents,
• Judiciaire, par le biais du Juge des Enfants. L’enfant est pris en charge par les services
de la protection de l’enfance.
Dans les deux cas, l’hébergement de l’enfant (des enfants) auprès de la mère dans un foyer
mère-enfants est une alternative au placement en famille d’accueil ou en établissement. Ce
projet est prononcé dans l’intérêt de l’enfant. Il est révocable à tout moment, par la mère,
par l’équipe pluridisciplinaire du centre d’hébergement ou par les instances administratives
ou judiciaires. L’intérêt de ces séjours, d’une durée moyenne de 6 mois, est de permettre aux
mères un départ en autonomie, ou du moins permettre l’accès à un logement plus autonome,
tout en s’assurant de la sécurité physique et psychologique des enfants.
Généralement, le premier demandeur est un service social. Ce peut être celui de la maternité,
la P.M.I. ou celui de secteur. L’infirmière 4 me précise que « Dans le cadre d’un C.H.R.S.21,
nous pouvons accueillir les mères sur leur propre demande, mais parfois sur demande de la
gendarmerie. Nous passons généralement par le 11522 ».
Il était également important pour moi de connaitre la place du consentement de l’enfant au
sein des projets d’accompagnement. L’infirmière 4 m’a répondu que celui-ci « ne lui est pas
demandé. Pour le projet d’accompagnement en tout cas. On ne prend pas tellement en
compte son avis […], l’enfant n’est jamais questionné ! » L’infirmière 5 ajoute que « C’est
un peu dur [d’obtenir le consentement de l’enfant], mais dans tous les cas nous partons
toujours de SES besoins pour SON projet ». L’infirmière 3 dit « Dès que l’enfant est en âge
20 SASEP : Service d'Accompagnement Social et Éducatif de Proximité. 21 CHRS : Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale. 22 115 : numéro de téléphone du samu social, c’est un ensemble d'associations non gouvernementales qui aident les personnes démunies.
pg. 23
de s’enquérir, bien entendu, dès 5 ou 6 ans, on peut lui demander. Mais on passe par le
parent ».
Lorsque j’interroge l’infirmière 3 sur le consentement de la famille et la possibilité de refuser
la prise en soin elle m’explique que « Oui bien sûr, la famille est libre de ne pas accepter.
Mais cela vient généralement d’un déni. C’est un mécanisme que nous rencontrons tous les
jours. Les parents ne voient pas les difficultés ».
Comme le souligne l’infirmière 5 : « Le consentement de la famille est primordial. Tout ce
qui est écrit est lu à la famille. Tout ce que l’on observe est dit. Depuis la note d’arrivée,
jusqu’à l’observation à la sortie ». Cela est d’ailleurs protocolisé, pour l’infirmière 4 : « [les
femmes] lisent tous les écrits. Nous travaillons toujours en transparence avec elles ».
Dans ma pratique professionnelle, il me sera nécessaire de m’intéresser aux droits de l’enfant
dans les soins, surtout lorsque sa décision éclairée va à l’encontre de celle de son (ses)
parent(s), alors qu’il est légalement sous leur autorité.
Les professionnelles rencontrées ne travaillent pas véritablement sur protocole. Néanmoins,
elles respectent des normes de bonnes pratiques. L’infirmière 3 cite en exemple, pour le suivi
médical, les recommandations vaccinales, mais aussi les actions de prévention primaire :
« Les méthodes de couchage du bébé mais aussi toute la prévention autour du bébé secoué ».
Une liste plus exhaustive m’est donnée par l’infirmière 4 qui cite les axes travaillés avec
l’A.R.S.23, tels que les recommandations alimentaires en fonction de l’âge de l’enfant. Elle
aborde également les ateliers de prévention sur les dangers des ondes et des écrans, sur les
accidents domestiques ou sur les gestes qui sauvent. Elle me fournit un « guide santé »
(annexe III) édité par le foyer d’hébergement dans lequel elle travaille. Ce document interne
reprend les bases de gestes du quotidien en termes de santé de l’enfant. Je souhaite en donner
quelques exemples :
• Ce que doit contenir votre armoire à pharmacie,
• Comment prendre la température rectale,
• Conseils alimentaires en cas de constipation
• …
23 ARS : Agence Régionale de Santé.
pg. 24
Il apparait que dans la plupart des situations d’accueil, les équipes pluridisciplinaires
éducatives et soignantes doivent bâtir ou consolider des savoirs qui peuvent paraitre
élémentaires mais dont les mères peuvent faire défaut. La complexité de l’accompagnement
réside dans la transférabilité des savoirs et des pratiques à mettre en œuvre afin de répondre
au plus près du besoin, en partant de la situation dans laquelle se trouve la famille. Les
professionnels doivent faire preuve d’une acceptation inconditionnelle de l’autre, en
respectant ce qu’il est, en considérant sans jugement ses difficultés. Il doit s’appuyer sur les
ressources personnelles internes et externes qui font que les familles atteindront les objectifs
qui sont fixés.
6. La communication
Au terme des entretiens réalisés lors de la phase exploratoire de mon travail, en tenant
compte des éléments recueillis, il me semblait important d’étudier les aspects de la
communication à l’enfant au sens du soin. J’ai pour cela choisi de consacrer le dernier item
de mon questionnement à ce sujet. Je souhaitais mesurer la place de la verbalisation à
l’enfant des problématiques vécues par lui et sa famille.
Il apparait aux yeux des professionnelles rencontrées que la communication est l’outil
d’accompagnement primordial de l’exercice infirmier. L’infirmière 5 confirme que « Pour
nous [les professionnels], l’enfant est au cœur du projet, nous faisons le lien entre la mère
et l’enfant ». Lorsque je l’interroge sur l’adaptation de sa communication avec les enfants
exempts de la parole elle me précise qu’elle emploie ses mots propres. Elle me donne des
phrases dont elle se sert au quotidien en exemple :
• « Là, je suis inquiète pour toi » ;
• « Nous sommes en difficulté avec ta mère » ;
• « Nous trouvons que tu es souvent malade » ;
• « Nous cherchons le meilleur pour toi ».
Elle complète en m’informant que la verbalisation d’information se fait même si l’enfant
n’est encore que bébé. L’infirmière 4 soulève un autre aspect de la communication qui
s’inscrit dans une relation triangulaire avec la (les) mère(s). S’il existe des déficits de
communication entre la mère et son enfant ou si le message est mal interprété, l’infirmière
se substituera à l’émetteur. Le schéma de la communication (annexe IV) de Roman
pg. 25
Jakobson24 montre qu’il existe de nombreux paramètres qui peuvent aboutir à une mauvaise
compréhension d’un message ; parfois, c’est le canal utilisé qui est à questionner, à remettre
en question. Cette infirmière se positionne souvent en tant que l’émettrice à la place de la
mère. « Nous allons expliquer à l’enfant les gestes que la maman ne va pas verbaliser » dit-
elle. Elle explique que le plus souvent possible : « Nous allons le faire en s’adressant
directement à l’enfant. Nous allons également essayer de soutenir le regard ».
Au cours de mon 3ème entretien, je pense avoir été trop imprécis dans mon questionnement.
Mon interlocutrice ne me répondra pas sur la verbalisation comme je viens de la décrire.
Cependant, cette infirmière aborde l’aspect non verbal de la communication avec les enfants.
Elle me dit que la communication passe avant tout par l’observation : « C’est notre cœur de
métier l’observation. Cela passe par les connaissances que nous avons du développement
psychomoteur de l’enfant, de sa croissance ou de son degré de langage et de
sociabilisation ». Elle précise que ces connaissances servent de support pour dire si un enfant
semble avoir été entravé dans ses apprentissages et ce qu’il est dans l’incapacité de réaliser.
Elle me précise que le bilan médical à l’école est un outil formidable qui permet de rediriger
l’enfant vers de la rééducation. Je m’interroge par contre sur l’avenir des enfants qui jusqu’à
lors n’étaient pas scolarisés avant 6 ans ? Comme annoncé par Jean-Michel Blanquer25 aux
Assises de l’école maternelle de mars 2018 (Ministère de l'Éducation nationale, 2018),
l’école sera obligatoire pour les enfants de 3 ans à partir de la rentrée 2019 en France.
Chacune des infirmières précisera que la communication passe également de façon très
concrète par le contact physique. L’infirmière 3 dit se baser sur « le regard, le langage. Mais
que cela se joue aussi dans le toucher et dans tout ce qui est sensoriel ». Régulièrement,
pour que les mères travaillent ces aspects-là, l’infirmière les oriente vers des professionnels
qui dispenseront des formations de massage du bébé, ou sur les bases de l’enveloppement.
L’infirmière 4 précise que le toucher est un moyen de communication très intéressant à
mettre en œuvre auprès des enfants qui n’ont pas accès à la parole. Pour l’infirmière 5, ces
temps de relation mère-enfant sont également un moyen de continuer l’observation clinique
infirmière indispensable à la prise en soin de ces familles. Cela lui est doublement profitable.
À l’intention de la mère, elle « met l’enfant en parole. Par exemple : là, je vois que tu as
froid ou le fait parler » et lui verbalise les gestes de la mère ou ses propres gestes.
24 Roman Osipovich Jakobson (1896-1982) : penseur et linguiste russe. 25 Jean-Michel Blanquer : ministre de l’Éducation national et de la Jeunesse de 2017 à 2018.
pg. 26
Ces temps de communication permettent un « véritable » échange. L’infirmière 3 me dit que
cela sert à être au plus proche de l’enfant dans son développement propre. Pour l’infirmière
4 « Cela permet d’évaluer sa confiance ». Elle m’explique que, si l’enfant émet des réserves
à rentrer en communication, cela peut être un signal d’alerte. Mais cette communication est
aussi pour l’infirmière 5 un outil qui sert à dire à l’enfant qu’il est entendu, qu’il est compris,
et « qu’il existe ».
Dans leur exercice, les infirmières puéricultrices interrogées me répondent sur le fond de la
communication en commençant par rappeler quelques prérequis sur la forme. L’infirmière
4 précise que lors des échanges en présence des enfants, il ne sera pas question d’aborder les
problématiques qui pourraient avoir un impact négatif sur lui, souvent celles des adultes que
l’enfant n’est, à priori, pas en mesure de critiquer. Elle ajoute : « Dans les entretiens, nous
ferons attention à ne dire à l’enfant que ce qui est bon à entendre pour lui » et me prévient
que, lors des entretiens les plus difficiles, les enfants ne sont pas là. Cependant, elle avoue
ne pas trop leur parler directement. Elle considère « peut-être à tort » qu’il n’est pas toujours
nécessaire de le faire et que la communication peut passer par la mère. Elle précise répondre
aux questions des enfants lorsqu’ils en ont, et qu’ils parlent, à la différence de l’infirmière 5
qui communique en permanence avec eux. Elle m’informe qu’elle adapte naturellement sa
prosodie, qu’elle « gagatise » et exagère volontairement les traits de son visage. Cependant,
elle me dit : « Je ne dirais pas dada pour parler du cheval ». Tout cela est réalisé dans le but
de montrer aux mères, qui sont inexpressives ou alors de façon monotone, que la relation
avec leur enfant passe aussi dans leurs manières d’humaniser la communication.
Lorsqu’il existe des difficultés, l’infirmière 3 donnera des conseils aux parents, ce qui leur
permettra d’initier ou de maintenir des interactions parents-enfants idéales. Elle me donne
en exemple les marionnettes, les comptines ou des images simulant les émotions. Dans
certains cas, par exemple au moment des couchers, elle demandera aux parents de s’appuyer
sur des outils. Ils pourront utiliser des livres pour aider l’enfant à exprimer et comprendre
des émotions qu’il ne peut verbaliser. L’infirmière me donne l’exemple de la maison
d’édition Pourpenser26 qui est spécialisée dans la publication de livres éducatifs comme
« Sans les soucis, c’est bien aussi ! » (annexe V) ou « Jalousie, par ici la sortie ! ».
26 Pourpenser suoıʇıpǝ : société d’édition installée à Cholet qui se définit comme le « premier éditeur de livres d’épanouissement personnel pour les enfants ».
pg. 27
Je me suis alors interrogé sur les formations qui pouvaient être suivies par les professionnels
pour adapter au mieux la communication à l’enfant. Ayant réalisé mes trois entretiens avec
des infirmières puéricultrices, celles-ci m’ont toutes répondu que l’observation était le socle
de leur spécialité. Cependant, elles tiennent à préciser que la communication, elle, ne
s’apprend pas. C’est un ensemble de techniques et de « feelings » qui s’acquiert avec le
temps et la pratique. La formation continue sur le développement de l’enfant permet, par
contre, de donner des repères. L’infirmière 5 me dit « Il faut prendre le temps, au sujet de la
communication, nous apprenons énormément de nos observations ».
L’interculturalité n’est pas le sujet de ma recherche et je ne savais pas comment l’intégrer à
mon guide d’entretien. Je la savais néanmoins importante et liée à la communication, à la
verbalisation. J’ai alors simplement demandé aux professionnelles de me renseigner sur leur
pratique en interculturalité, car il me semblait important d’aborder sa prise en compte. Que
ce soit pour des questions d’interprétariat ou d’us et coutumes, je souhaitais aborder les
pratiques des professionnelles rencontrées. Dans mon guide d’entretien, cette question était
mal préparée, trop simpliste, voire réductrice : Comment prenez-vous en compte la culture ?
L’intégralité d’un travail de recherche pourrait être consacré à cette thématique.
Je vais extraire les informations principales transmises par les trois infirmières.
Celles-ci sont unanimes et disent, comme l’infirmière 4, « être obligée de la prendre en
compte [la culture] ». L’infirmière 5 précise qu’elle pense « que nous entrons principalement
en communication par la culture » et que dans son travail « C’est aussi en entrant en relation
avec des mères par leur culture que nous pouvons avoir accès à leurs enfants ». Elle
m’interpelle sur le fait que dans tous les cas, une famille qui attend des papiers et qui serait
donc en situation irrégulière sur le territoire français, donne un caractère supplémentaire de
précarité aux situations de prise en charge. Celles-ci provoquent « une insécurité qui peut
mettre à mal les prises en charge et faire avorter les projets mis en place ». Pour l’infirmière
3, qui parle de situations pérennes ; la prise en compte de la culture passe aussi par
l’interprétariat « Pour que le parent puisse dire ce qu’il pense, sans être entravé par la
langue et sans que nous interprétions selon nos références ». Dans certains cas, des
associations telles que l’A.D.D.C.A.E.S.27 peuvent être les médiateurs culturels. Les
interprètes de l’association peuvent traduire des propos, mais ils sont aussi disponibles et
27 ADDCAES : Association départementale pour le Développement et la Coordination des Actions auprès des Étrangers de Savoie.
pg. 28
formés pour replacer des attitudes dans des contextes culturels. Cependant ce service est
onéreux et est donc réservé à des situations très problématiques.
Quand elle parle de la famille, l’infirmière 5 ajoute qu’il faut également l’intégrer « à une
culture française, car ces familles vivent en France, et que nous ne pouvons pas tout
accepter ». L’exemple qu’elle me donne rejoint celui cité par l’infirmière 4 qui me dit « Nous
faisons attention à ce que nos préjugés peuvent renvoyer. Dans la culture africaine, par
exemple, il est difficile de se représenter la nécessité de la présence d’un adulte. En Afrique,
la prise en charge des enfants est familiale et collective ». L’infirmière 4 dit, à ce sujet :
« Nous ne souhaitons pas qu’elles [les mères] se déchargent de trop. Elles doivent
généralement être responsabilisées à ce sujet. »
Dans un second exemple, cette infirmière explique que dans la culture maghrébine « Les
enfants ne sont pas intégrés dans les conversations d’adultes, et donc qu’ils doivent jouer
dans une autre pièce ». Elle m’explique qu’elle a déjà pu entendre des mères justifier des
comportements en évoquant le fait que l’enfant « ne comprend rien » et que c’est pour cette
raison que peu de limites sont fixées car « [l’enfant] ne peut pas les intégrer ». De plus, dans
sa pratique au quotidien, elle me dit observer des différences marquées entre les relations
des mères avec leurs enfants s’ils sont des garçons ou des filles. L’infirmière me dit que
« cela empreint les enfants et que ces différences se répercutent sur la répartition de leurs
rôles et sur leurs manières de communiquer. »
Pour finir, l’infirmière 5, me dit qu’auprès des enfants de tous horizons elle utilise des
chansons et des comptines de tous les pays. Elle précise que « Pour les enfants, la culture,
la langue ou la couleur de peau n’ont aucune importance. »
4. Conclusion
Au terme de ce travail de fin d’études, je peux affirmer que l’initiation à la recherche et plus
généralement la recherche infirmière apparait dorénavant comme étant un exercice à part
entière du métier d’infirmier. Cette spécificité est pour moi un élément essentiel de
l’émancipation professionnelle vers une reconnaissance de la discipline et une
professionnalisation de ses pratiques. En tant qu’étudiant, j’ai choisi de traiter le thème de
« L’accompagnement infirmier des enfants de 0 à 6 ans nés de parents ayant des
pg. 29
problématiques sociales ou psychiatriques ». Avec près d’un an de recul et la rencontre de
cinq professionnelles ; avec la lecture de quantité d’articles et d’extraits de livres qui traitent
de sujets plus ou moins en lien avec mon travail, je sais maintenant reconnaitre ce qui a été
aidant ou pénalisant dans la réalisation de ce travail.
En effet, le choix d’un thème très, trop, précis a conditionné mon questionnement sur des
aspects pas toujours en lien avec la pratique quotidienne des professionnels soignants. J’ai
appris à me laisser guider lors de mes entretiens vers une vision métacognitive qui a remis
en cause ce que je savais ou pensais savoir. Il me semble que, comme l’indiquait l’une des
professionnelles rencontrées, il faut savoir prendre du recul sur soi, sur sa vision d’un sujet
et les hypothèses que l’on porte dessus. Je remercie les professionnelles qui ont su me guider
pour étendre ma réflexion à des problématiques basées sur la pratique. Je mettrais à profit
ces enseignement afin d’auto-analyser ma pratique en complément des supervisions qui me
seront proposées lors de mon exercice. Je pourrai alors me défaire de mes représentations.
Je saurai également interroger les professionnels et aurai la capacité d’analyser et de
synthétiser les ressources documentaires professionnelles qui me permettront d’améliorer
ma pratique et la pratique infirmière en général.
Étant moi-même père de deux jeunes enfants, ce travail m’a permis de me détacher de mes
représentations quant à la parentalité, de ce qui est bien ou non pour l’enfant et sa
construction. Je note tout de même que, s’ils ne sont pas oubliés, les pères paraissent peu
présents dans les situations qui ont nourrit ma réflexion. Je me questionnerai donc sur la
place du père dans le développement de l’enfant et sa construction d’adulte. La notion de
tiercéité dans la relation mère-enfant introduit plusieurs niveaux de la fonction paternelle.
Le père peut être un autre investissement que celui de la mère ; il peut également avoir un
rôle dans la représentation de l’interdit œdipien et dans la structuration de la représentation
de la différence des générations. À l’inverse, il peut être investi comme « objet d’amour » et
d’identification.
Lorsque j’analyse les données récoltées au cours de mon travail de recherche, aussi bien
dans la littérature professionnelle que lors de mes entretiens, je m’aperçois qu’il me reste
des questions qui n’ont pas trouvé de réponses. En effet, je m’interroge sur le concept de
proxémie dans le soin avec des enfants. La distance relationnelle avec un enfant est-elle
différente de celle d’un adulte ? J’investiguerai les mécanismes de transfert et contre-
pg. 30
transfert lorsque nous sommes soignants et parents. Réfléchir sur cela me permettra de mieux
comprendre les enjeux relationnels dans mon futur exercice professionnel auprès d’enfants.
Je m’interroge également sur l’hérédité des problématiques lorsque les vies sont bousculées
depuis la plus petite enfance : Comment l’enfant peut-il déconstruire un schéma familial non
favorisant pour se construire en tant que futur adulte ?
Toutes ces interrogations feront l’objet de recherches à postériori qui serviront ma réflexion
personnelle et la construction du professionnel que je suis en passe de devenir.
Cependant, je peux dégager des questionnements qui me paraissent nécessaires et pertinents
pour l’élaboration de ma problématique.
La Haute Autorité de Santé fait une priorité, dans ses dernières recommandations datant de
2018, de systématiser le diagnostic précoce des T.S.A. par une équipe pluridisciplinaire en
associant l’enfant à un projet de soin. Dans un article de recherche qui analyse 22 essais
cliniques contrôlées randomisées, et publié avec le titre « Evidence-Based Comprehensive
Treatments for Early Autism28 » (Rogers & Vismara, 2008), les auteures montrent que la
plasticité cérébrale des enfants de moins de 3 ans pourrait permettre une modification de la
trajectoire développementale si des actions correctrices sont mises en place de façon
précoce, voire prodromique.
Il existe au niveau national un plan autisme. Dans sa 3ème version (2013-2017), il établissait
les actions et moyens mis en œuvre pour favoriser les apprentissages des enfants scolarisés
entre 3 et 6 ans. La 4ème version de celui-ci (2018-2022), dévoilée le 4 avril 2018, réitère
l’intérêt du diagnostic précoce et crée un « forfait intervention précoce », applicable depuis
le 1er janvier 2019, qui facilite le dépistage des T.S.A. par les différents professionnels de
santé et leurs prises en charges financières.
En poursuivant mes recherches, j’ai pu découvrir qu’en France « des unités pilotes »
proposent une prise en soin adaptée aux plus jeunes suivant le modèle de Denver (J. Rogers
& Dawson, 2013) (annexe VI) (Early Start Denver Model29). Ces initiatives privées sont peu
nombreuses et comme le souligne Valérie Bonnard-Couton30 « Le coût économique
28 Evidence-Based Comprehensive Treatments for Early Autism : Traitements globaux basés sur les preuves dans la prise en charge précoce de l’autisme. 29 ESDM : programme d’intervention précoce théorisé dans les années 80 par Sally J. Rogers et Géraldine Dawson, chercheuses en psychologie du développement et de l’enfant. 30 Valérie Bonnard-Couton : pédopsychiatre aux Hôpitaux Pédiatriques du Centre Hospitalier Universitaire Lenval à Nice.
pg. 31
engendré par ces modèles d’intervention individuelle peut difficilement être supporté par
les structures sanitaires » (Bonnard-Couton, 2018).
En me basant sur l’organisation actuelle de la prise en soin des enfants dans des situations
familiales dans un cadre institutionnel et en considérant les conséquences sur le
développement qu’a cette prise en charge, je suis en mesure de formuler une problématique
qui me semble pertinente.
5. Problématique / question de recherche
En quoi l’étayage institutionnel précoce de la famille peut-il favoriser la régression des
Troubles du Spectre Autistique chez l’enfant, voire prévenir leur apparition ?
6. Évolution du titre de mon travail de fin d’étude
a. Version initiale :
L’accompagnement infirmier des stades de développement des enfants nés de parents
atteints de maladies psychiatriques.
b. Version intermédiaire, suite à la phase exploratoire
L’accompagnement infirmier des enfants de 0 à 6 ans nés de parents ayant des
problématiques sociales ou psychiatriques.
c. Version finale
La prise en soin institutionnelle de l’enfant et les répercussions sur son développement
psychosocial.
pg. 32
« Tout groupe humain prend sa richesse dans la communication,
l'entraide et la solidarité visant à un but commun :
l'épanouissement de chacun dans le respect des différences. »
Françoise Dolto (1908-1988)
pg. 33
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Winnicott, D. W. (2006). La Mère suffisamment bonne. Paris: Payot Rivages.
pg. 35
Annexe I : guide d’entretien utilisé
L'accompagnement infirmier des enfants nés de parents avec des problématiques psychiatriques et/ou sociales :
1
Guide pour les entretiens semi-dirigés (enfants de moins de 6 ans) :
L’identité professionnelle :
1. Quelle est votre métier/profession ? 2. Quel âge avez-vous ? 3. Depuis quand exercez-vous ce métier ? 4. Avez-vous une spécialité, si oui laquelle ? 5. Depuis combien de temps exercez-vous auprès d’enfants ? Est-ce un choix personnel ? 6. Depuis combien de temps exercez-vous dans ce service ?
Les enfants :
7. Adaptez-vous votre pratique en fonction de l’âge de l’enfant ? 8. Si oui, pouvez-vous détailler les différents âges ?
9. Quelles sont les spécificités du travail avec les enfants ? 10. Quelles sont les aptitudes professionnelles nécessaires ?
L’exercice professionnel :
11. Dans quelles situations êtes-vous amené(e) à prendre en soin des enfants ? 12. Quelles sont les situations de vie prévalentes rencontrées lors de votre exercice ?
Les problématiques :
13. Chez les enfants, existe-il des difficultés généralisables, qu’elles soient induites par des troubles psychiatriques et/ou des problématiques sociales ?
14. Quelles sont les particularités des difficultés induites par les troubles psychiatriques ? 15. Quelles sont les particularités des difficultés induites par les problématiques sociales ? 16. En quoi les troubles psychiatriques du (des) parent(s) et/ou les problématiques sociales
peuvent-elles influencer le développement psycho-affectif de l’enfant ?
La pratique infirmière au quotidien :
17. Quel est le cadre légal de votre activité auprès d’enfants ? 18. Qui fait la demande de prise en charge ? (personne physique, morale, institution) 19. Le(s) soin(s) et le projet d'accompagnement, sont-il réalisés avec le consentement de
l’enfant ? De la famille ? 20. Les parents (ou tuteurs) peuvent-ils refuser la prise en soin ? Sous quelles conditions ? 21. Existe-il des recommandations (OMS, HAS, ARS, PMI) ou des protocoles de service ?
0 6
pg. 36
L'accompagnement infirmier des enfants nés de parents avec des problématiques psychiatriques et/ou sociales :
2
La communication : 22. Comment adaptez-vous votre communication aux enfants exempts de la parole (âge,
troubles du développement) ? 23. Quelle est (sont) votre (vos) intention(s) lors de ces temps de communication ? 24. En plus de la forme, le fond est-il adapté à l'âge de l’enfant ? 25. Si oui, comment ? 26. Êtes-vous formé(e) à la communication avec les enfants ? 27. Si oui, par qui sont dispensées ces formations ? 28. Comment intégrez-vous le(s) parent(s) ou tuteur(s) ? 29. Comment prenez-vous en compte la culture ?
pg. 37
Annexe II : pyramide de la motivation et des besoins d’Abraham
Maslow
(Maslow’s hierarchy of needs)
(Van De Vall, 2013)
pg. 38
Annexe III : guide santé
Guide santé, quelques conseils pour votre santé et celle de vos enfants (anonymisé)
FEV
Guide Santé
Quelques pour votre santé et celle de vos enfants{
CEOS
pg. 39
Annexe IV : schéma de la communication de Roman Jakobson
(version simplifiée)
Schéma de la communication // Schéma de Jakobson
(Vaillancourt, 2013)
pg. 40
Annexe V : livre éducatif sur le thème des émotions
Sans les soucis, c’est bien aussi ! (Édition Pourpenser)
(De Pétigny, 2017)
pg. 41
Annexe VI : traduction française du modèle de Denver
L’intervention précoce en autisme : le modèle de Denver pour jeunes enfants
(Collection : Les Ateliers du praticien ; édition Dunod)
(Sally J. Rogers et Géraldine Dawson, 2013)
La prise en soin institutionnelle de l’enfant
et les répercussions sur son développement psychosocial.
Résumé :
Dans ce travail de fin d’étude, je m’intéresse à la prise en soin des enfants dans un contexte
d’accompagnement institutionnel. J’ai commencé par me préoccuper de la question de la
verbalisation à l’enfant des problématiques vécues par lui ou sa famille. J’avais comme idée
de mesurer l’impact des problématiques sociales et/ou psychiatriques des parents sur le
développement de l’enfant. Cependant, lors de ma phase exploratoire, la rencontre de deux
infirmières œuvrant pour la protection de l’enfance a permis d’orienter ma réflexion vers
une idée plus globale de l’accompagnement infirmier de l’enfant au sein de familles
défaillantes.
Dans la phase d’approfondissement de mon travail, j’ai mené mon questionnement sur la
communication des enfants volontairement auprès de trois infirmières puéricultrices
exerçant en protection de l’enfance. Après avoir analysé les éléments recueillis et les avoir
mis en lien avec la littérature, j’ai pu conclure qu’une majorité des enfants accueillis arrivait
dans les structures d’hébergement mère-enfant avec des altérations qualitatives des relations
interpersonnelles et/ou du langage. Elles prennent généralement leur source dans un
attachement trop peu sécure de l’enfant. Il apparait qu’une prise en soin pluridisciplinaire
précoce de cette symptomatologie, associée à la mise en place d’un cadre sécurisant pour
l’enfant, sont des éléments qui permettent une régression des Troubles du Spectre Autistique,
voire une prévention de leur apparition.
Je m’interrogerai donc sur le bénéfice que peut avoir la mise en place d’un accompagnement
institutionnel précoce sur le développement psychosocial de ces enfants.
Mots-clés :
Troubles du Spectre Autistique, développement psychosocial, enfants, parents, prise en soin
institutionnelle, protection de l’enfance.