la vie associative | n°11 | le financement des associations

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 É tat de s l i e ux du financem en tasso ci ati f  P age 4 F i na nce m e nt: qu e l s e nj e uxa ctue l s? P age1 6 P erspe cti ve s du f i na ncemen ta sso ci ati f  P age3 2 Desexpe r tsde l ’économ i edéba ttent Page4 6 V i e Associative Conférence permanente des coordinations associatives  Bulletin de la Conférence permanente des coordinations associatives N°1 1 septembre 2008 L a L ef i n a nce m e n t de sa ss o c i a ti o ns

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Le magazine de la Conférence Permanente des Coordinations Associatives (CPCA). n°11. Septembre 2008. Le financement des associations

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tat des lieux du financement associatif Page 4

Financement : quels enjeux actuels ? Page 16

Perspectives du financement associatif Page 32

Des experts de lconomie dbattent Page 46

La

Bulletin de la Confrence permanente des coordinations associatives N 11 septembre 2008

VieAssociativeLe financementdes associations

Confrence permanente des coordinations associatives

La Vie associative N 11 Septembre 2008

PerspectivesDirecteur de la publication : Jacques Henrard Responsable de la rdaction : Hubert Allier (vice-prsident de la CPCA en charge des relations contractuelles et de lconomie sociale) Rdaction : Julien Adda, Emmanuel Gagnerot (CPCA) Hlne Spoladore (La Pirogue) Ont particip ce numro : Erik Lavarde, Virginie Ro Illustrations : Flow Maquette : Stphane Prvt Publication dite par la CPCA : 28, place Saint-Georges 75010 Paris Tl. 01 40 36 80 10 [email protected] www.cpca.asso.fr ISSN : 1761-9149 Dpt lgal : septembre 2008 Prix du numro : 5 dite en 3 000 exemplaires Impression : Expressions II, Scop-Sarl 10 bis, rue Bisson 75020 Paris Publication ralise avec le soutien de de la Caisse des dpts (dpartement de lconomie sociale et solidaire). Nos partenaires, le Crdit Coopratif, le Groupe Chque Djeuner, Chorum et la Maif, nous soutiennent au titre du mcnat dentreprise pour le dveloppement dun mouvement associatif organis, autonome et dintrt gnral. Vous pouvez commander ce numro par mail : [email protected] ou en tlchargeant le bon de commande sur le site de la CPCA , www.cpca.asso.fr, ou en y tlchargeant librement le PDF de cette publication. Exemplaire papier (frais de port inclus) : 1 exemplaire : 5 2 exemplaires : 8 3 exemplaires : 10 Jacques Henrard, prsident de la CPCA

ditorial Largent est prfrable la pauvret, ne serait-ce que pour des raisons financires. Cette citation de Woody Allen rsume assez bien la longue histoire du monde associatif depuis les bonnes uvres - dimension caritative jusqu la gestion dactivits conomiques gnrant aujourdhui 1,7 million demplois. Elle rsume aussi ltat desprit actuel des responsables associatifs. Ce numro est consacr aux besoins de financement des associations. Il sappuie sur une enqute indite ayant sollicit lavis et le tmoignage de 1 150 responsables associatifs. Elle est complte par les analyses sectorielles de sept coordinations membres de la CPCA. Les rsultats sont sans appel : pour les responsables des structures associatives, les besoins de financement sont de plus en plus importants. Ils sont mettre en perspective avec laccroissement des besoins sociaux, quantitatifs et qualitatifs, auxquels doivent faire face les associations. Or leurs incertitudes ne sont plus lies une conjoncture mais bien aux remises en question diffrentes selon les secteurs des modles de financement qui prvalaient jusque-l. Nous constatons toujours plus dassociations mais les analyses montrent une concurrence de plus en plus forte pour laccs aux financements. Dans ce contexte, les collectivits ne pourront plus compenser le dsengagement de ltat. Les financements privs, en augmentation, resteront concentrs sur un nombre restreint dassociations Ces prvisions ne sont pourtant pas fatalistes : pour consolider les relations financires avec les pouvoirs publics tout en dveloppant laccs aux ressources prives, des solutions existent et sont dj exprimentes. Nous avons choisi de donner, en toute libert, la parole des acteurs associatifs, des experts, des universitaires et des lus pour quils tmoignent de ce moment cl de lhistoire associative. Ces donnes et ces analyses montrent la complexit du sujet. Il impose une vision globale notamment de la part des pouvoirs publics pour la mise en uvre de solutions concrtes, souvent dj connues, en faveur dun nouvel ge du dveloppement de la vie associative dans notre pays. En octobre prochain, nous esprerons des pistes lgislatives du rapport de la mission parlementaire sur le financement et la gouvernance des structures associatives . Pour la fin danne, nous attendons que la Confrence nationale de la vie associative, sous lgide du prsident de la Rpublique, prenne en compte les propositions du monde associatif organis.La Vie associative n 11 Septembre 2008

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Sommaire5Financement associatif : tat des lieuxEnqute CPCA : quels constats ? Les apports de lenqute Matisse CNRSInterview de Viviane Tchernonog, Centre dconomie de la Sorbonne CNRS

Patrick Viveret, grand tmoin

Ce magistrat la Cour des comptes et essayiste apporte, au fil du numro, son clairage sur le financement des associations. En janvier 2002, la demande du secrtaire dtat lconomie solidaire, il ralise un rapport intitul Reconsidrer la richesse . Il est galement lorigine du projet SOL, un systme de monnaie complmentaire, et animateur de LObservatoire de la dcision publique.

Quand ltat se dsengage RGPP une affaire dtat ? Financement privInterview dAndr Hochberg, prsident de France Gnrosits. Interview de Jean-Michel Lucas, Universit Rennes 2

Fonds structurels 2007-2013 : expertise et accompagnement

Utilit sociale

Les propositions de la CPCA Quels usages du modle amricain de la philanthropie ?

16Financements : quels enjeux actuels ?Des collectivits relais ?Interview de Sylvie Mathieu, Uriopss Lorraine Interview de Colas Amblard, ISBL Consultants

Interview de Hlne Trouv, Centre dconomie de la Sorbonne CNRS

32Perspectives du financement associatifL alternative bancaire ?Interview de Guillaume Legaut, Finansol

46conomie et financement des associations : regard croissInterview de Denis Clerc, Michle Debonneuil, Lim Hoang Ngoc, Jean-Claude Grau.

Trop de contrle ?

Accompagner pour consolider

Verbatim

Lun des objectifs de lenqute CPCA sur le financement des associations consistait recueillir les tmoignages des acteurs associatifs partir de la question suivante : selon vous, quelle mesure/solution rpondrait au mieux aux besoins du financement des associations ? . Quelques-unes des rponses jalonnent ce numro.

51Prospectives

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Constats de lenqute CPCA sur les besoins de financement des associationsLa CPCA a ralis, entre septembre 2007 et janvier 2008, une enqute sur les besoins de financements des associations. Sept coordinations membres de la CPCA ont contribu la ralisation de cette consultation1. Au total, 1 150 personnes ont rpondu au questionnaire. Lchantillon obtenu reprsente essentiellement des associations disposant de ressources conomiques significatives. Financer son projet associatif est source dinquitude quel que soit le secteur et la taille des associations. Cest le principal constat qui ressort de cette initiative. Trop souvent lexpertise sur le financement des associations provient dacteurs externes au mouvement associatif. Il tait ncessaire que le secteur associatif produise lui-mme, via la CPCA, des donnes pour tre partie prenante du dbat. Telle est lexplication donne par Jacques Henrard, prsident de la CPCA, sur les motivations de cette enqute interassociative. Pour la CPCA, ctait une premire. Cest la raison pour laquelle Viviane Tchernonog, du laboratoire Matisse (CNRS), a t sollicite pour appuyer la mise en uvre de lenqute ainsi que son traitement statistique.

Perception sur le financement associatif en gnral Question : Concernant le financement des associations en gnral, diriez-vous que vous tes ?Confiant(e) (12,8 %)

Pessimiste (20,5%) Optimiste (1,7 %) Ne sais pas (6,5 %)

Inquiet(e) (58,5 %)

Des associations territoriales avec des activits conomiquesCette enqute est avant tout reprsentative des associations issues du mouvement associatif organis. 72 % des5

La Vie associative n 11 Septembre 2008

Comparaison des chantillons CPCA et Matisse-CNRS chantillon CPCA Comparaison CPCAEchantillon Matisse chantillon Matisse (CNRS) (CNRS)

Budget en 2006Infrieur 1000 Entre 1000 et 10 000 Entre 10 000 et 50 000 Entre 50 000 et 200 000 Entre 200 000 et 500 000 Entre 500 000 et 1 million Suprieur 1 million 6% 20% 20% 21% 13% 7% 12% Infrieur 1000 Entre 1000 et 10 000 Entre 10 000 et 50 000 Entre 50 000 et 200 000 Entre 200 000 et 500 000 Suprieur 500 000 15% 47% 25% 7% 3% 2%

associations ayant rpondu au questionnaire appartiennent en effet un regroupement associatif (fdration, coordination, collectif). Les associations rpondantes sont principalement des structures employeuses puisque 65 % emploient au moins un salari de faon permanente. Par ailleurs, la majorit des associations situent leurs actions dans les territoires : 86 % interviennent au niveau local, dans les rgions et dans les dpartements. La majeure partie des rpondants se situe dans la tranche des moyennes associations , cest--dire celles qui avaient un budget en 2006, compris entre 50 000 et 200 000 euros (pour 21 % des rpondants). Par comparaison, dans lchantillon recueilli par Viviane Tchernonog, la part de ce type dassociation slve 7 % (Cf. tableau ci-dessus). En matire de financement, la principale ressource financire demeure la subvention publique pour 40 % des rpondants. Dune manire gnrale, de lindpendance la dpendance, les diffrentes relations des associations au financement public sont plutt bien reprsentes. Pour le tiers des rpondants, la part des financements publics dans les budgets est infrieure 25 %. Pour le quart des rpondants, cette part reprsente entre 25 et 50 %. Enfin, pour 22 % des rpondants, cette proportion est suprieure 75 %.

Deuxime constat : la centralit du financement dtatComment expliquer ce dcalage entre une perception pessimiste et une ralit budgtaire globalement la hausse ? Lhypothse suivante peut tre faite : la rponse est chercher du ct de lvolution des financements dorigine tatique ces dernires annes. En effet, 46 % des personnes interroges estiment que les financements dtat sont en baisse, contre 20 % seulement qui les estiment la hausse. Cette tendance ncessite dtre complte par les rsultats de la dernire enqute Matisse : entre 1999 et 2005, les financements dtat en direction des associations ont dcr de 5 %, alors que ceux des conseils gnraux augmentaient de 20 % 2. Ds lors, une source dinquitude se devine en filigrane : cette restructuration des financements publics parviendra-t-elle assurer un financement de qualit aux 37 000 associations qui se crent chaque anne ? La remise en cause, quantitative ou qualitative, des financements dtat pourrait donc faire partie des variables explicatives de cette vision largement pessimiste. Il ne faut pas oublier quils peuvent faire office deffet levier pour mobiliser dautres financements et quils assurent bien souvent la prise en charge de frais de fonctionnement. ce titre, ltat nest pas un bailleur comme les autres : il reprsente la scurit financire et assure la reconnaissance du caractre dutilit sociale des activits dveloppes. Deux critres essentiels pour permettre aux acteurs associatifs de se projeter dans lavenir et de mener bien leurs missions.

Premier constat : une forte inquitudeLe moral des responsables associatifs est loin dtre au beau fixe. Tel est le premier grand constat de la consultation. Trois pourcentages massifs rvlent une perception particulirement pessimiste : 85 % des rpondants ont le sentiment que pour mener bien leurs missions, leurs ressources financires sont insuffisantes ; 79 % sont inquiets et pessimistes pour lvolution du financement du secteur associatif : 70 % partagent cette perception quant lvolution de leurs ressources financires publiques. Ce dernier chiffre peut interpeller au regard du nombre limit (15 %) de personnes qui constatent une diminution de leur budget entre 2005 et 2006.

Troisime constat : un besoin daccompagnementL accompagnement est faiblement mobilis par les associations rpondantes. 68 % des associations interroges dclarent ainsi ne jamais avoir eu recours un accompagnement en matire de recherche de financement ou daide la gestion. Dans un contexte de restructuration des financements publics et dune concurrence accrue pour laccs aux financements en gnral, il est fort probable que ce constat ne favorise pas la constitution de res-

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sources permanentes pour lassociation. Dans le mme ordre dide, la relation bancaire semble peu exploite puisque 74 % dclarent ne pas avoir fait de demande de prt au cours des trois dernires annes, 7 % seulement affirment avoir recours lemprunt bancaire et 3 % la garantie bancaire.

La solution contractuelle ?

L des objectifs de lenqute consistait perun mettre aux acteurs associatifs de proposer des dos la Charte des engagements rciproques, signe en 2001, solutions pour rpondre au besoin de financement des associations. La question pose tait entre ltat et le mouvement associatif organis. Ce document tait ouverte et un tri a t opr pour regrouper les rponses. Arrive en tte la scurisation et la fond sur la co-construction et la co-responsabilit. Aujourdhui, simplification des relations contractuelles entre associations et pouvoirs publics (pour nous sommes dans une logique dinstrumentation et de pauprisa36 % des rpondants). Aujourdhui encore, le partenariat contractuel financier entre acteurs tion des associations et, plus globalement, des acteurs publics. associatifs et pouvoirs publics peine effectivement se moderniser et se scuriser. Sur ce Cette logique est en contradiction totale avec les engagements pris point, indpendamment des mesures techniques, nul doute que la volont politique soit loccasion du Grenelle de lEnvironnement qui font des associale seul moteur susceptible de relancer ce dossier datant dune dizaine dannes. tions des opratrices cls du dveloppement durable. Au-del des rsultats et de leur interprtation, cette enqute tmoigne galement de limportance de lobservation pour les regroupements associatifs quels quils soient. Faute dune vritable prise besoins daccompagnement et dviter de se voir presen compte par la statistique publique, les donnes concer- crire ex nihilo des solutions inadaptes. Cette dmarche nant le secteur sont parses et difficiles consolider. Ce permet galement de mieux se connatre afin de mieux vide laisse ainsi une place aux expertises les plus diver- contribuer aux politiques publiques concernant la vie ses et aux orientations les plus varies. Que ce soit dans associative. En rsum, il sagit de mieux observer pour une logique plaidoyer ou dans un objectif de connais- mieux proposer des solutions reprsentatives des ralits sance, lobservation de leurs ralits par les associations associatives. elles-mmes permet notamment didentifier de rels

Le point de vue de Patrick Viveret Le pessimisme des associations ayant rpondu

lenqute CPCA est justifi. La politique actuelle tourne en effet le

Dveloppement du mcnat et du financement priv Des outils bancaires et financiers 5% adapts aux spcificits associatives 6% Aide au poste et professionnalisation 8% Politiques conomiques et fiscales davantage favorables au secteur associatif 9% Simplification de lorganisation administrative pour la vie associative 11 % Besoin daccompagnement et dune meilleure information 12 % Scurisation et simplification des relations contractuelles entre associations et pouvoirs publics 36 %

Ce travail denqute a mobilis les coordinations associatives suivantes : le CELAVAR (dveloppement rural), le CNAJEP (jeunesse et ducation populaire), le CNOSF (sport), la COFAC (culture et communication), Coordination SUD (solidarit internationale), la Ligue de lenseignement (jeunesse et ducation populaire), lUNIOPSS (sant, social et mdico-social). 2 Viviane Tchernonog, Le paysage associatif franais 2007, mesures et volutions, ditions Juris associations/Dalloz.

1

Meilleure (re)connaissance de lapport et des spcificits financires des associations 13 %

Les solutions aux besoins de financement des associations Question : Selon vous, quelle mesure/solution rpondrait au mieux aux besoin des associations ?

Pour consulter lintgralit du rapport denqute Le financement (public) des associations : une nouvelle donne, de nouveaux besoins , rendez-vous sur www.cpca.asso.fr, rubrique tudes et documents.

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Interview

La baisse des financements de ltat ne peut tre compense par les collectivits locales. Viviane Tchernonog, chercheuse au CNRS au sein de lquipe Matisse du Centre dconomie de la Sorbonne, a fait des associations son objet dtudes. Sa dernire enqute1, parue en 2007, dresse un premier tat statistique complet du paysageViviane Tchernonog, Centre dconomie de la Sobonne CNRS, Universit Paris 1 www.matisse. univ-paris1.fr

associatif (poids conomique et social, secteurs dactivit, sources de financement, identit des dirigeants, etc.) grce une enqute scientifique de prs de trois ans.Les chantillons des enqutes CPCA et CNRS prsentent des diffrences : les associations qui rpondent celle de la CPCA sont plus riches, plus employeurs, plus fdres, plus conventionnes. Y a-t-il toutefois des convergences ? Les deux chantillons (CPCA et CNRS) ont certes t construits de faon diffrente, mais ils nont pas les mmes objectifs : lenqute du CNRS a lobjectif de dcrire et de mesurer le secteur associatif franais ; elle doit donc viser, autant que possible, une reprsentativit de son chantillon. Ltude de la CPCA cherche valuer les difficults financires rencontres par les associations de faon faire des propositions pour en amliorer les modalits. Il tait donc important que les associations qui ont particip cette enqute soient en priorit des structures qui sappuient sur des ressources montaires pour conduire leur action, cest-dire sur des financements publics ou privs, tout en tant reprsentatives de la diversit des associations, de manire reprer la varit des problmes quelles peuvent rencontrer. Les deux enqutes sont complmentaires ; lenqute CNRS a tent de cadrer les questions relatives au financement et lenqute CPCA apporte pour la premire fois des donnes prcises sur les difficults de financement des associations. Sur les thmes qui leur sont communs, et notamment sur la question de lvolution des financements, les deux enqutes prsentent des rsultats convergents. Elles montrent que les financements des associations, et notamment les financements publics, sont globalement en hausse, contrairement aux ides rpandues et que leur augmentation rsulte dun double phnomne de contraction des budgets de ltat et de croissance des financements publics locaux. Lenqute de la CPCA fait dabord apparatre linquitude des dirigeants quant lavenir de leurs ressources. Comment lexpliquer ? L inquitude des dirigeants associatifs est le produit de plusieurs facteurs. La baisse des financements de ltat contribue bien sr linscurit ressentie des responsables associatifs. En ralit, les financements de ltat ne concernent que relativement peu dassociations de grande taille. Mais ils ont une dimension symbolique : la baisse annonce de ces financements est souvent comprise comme celle de lensemble des financements publics ; or ceux-ci reprsentent tout compris (subventions, commandes) la moiti des budgets associatifs : les associations se sentent donc trs dpendantes de ces financements publics et redoutent les consquences de cette baisse. Cette inquitude tient aussi sans doute pour une grande part aux phnomnes de concurrence entre associations. Le nombre dassociations augmente un rythme deux fois plus rapide que celui des financements et 2,5 fois plus vite que celui des seuls financements publics : elles sont donc en concurrence pour laccs toutes les ressources publiques, prives (dons, mcnat, ressources des usagers), mais aussi pour laccs au travail salari ou bnvole. Les responsables associatifs ont donc le sentiment dune rarfaction des ressources. Un autre facteur peut aussi contribuer leur inquitude : les associations sont trs fragiles au niveau de la trsorerie comme le montre trs bien ltude de la CPCA. Certaines associations disparaissent pour des problmes de trsorerie et de financement court terme car elles nont pas russi stabiliser rapidement leurs financements et bien que que leurs projets soient viables sur un plus long terme.

1

Viviane Tchernonog, Henry Nogus et Muriel Tabaris (collab.), Le paysage associatif franais, mesures et volutions, Editons Dalloz & Juris Associations, 2007.

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La Vie associative n 11 Septembre 2008

Interview

La moiti des associations rpondant lenqute CPCA disent que leur budget est en augmentation, 15 % en baisse. Ce qui laisserait penser que la baisse des crdits de ltat na pas tant dimpact. Que penser de cette apparente contradiction ? Il ny a pas vraiment de contradiction : le budget total cumul du secteur associatif est certes en croissance, mais cette croissance nest pas due au dveloppement des associations existantes, mais larrive de nouvelles. Les associations dont les budgets augmentent sont souvent les plus jeunes, investies dans des crneaux porteurs et en dveloppement, alors que les associations plus anciennes ont en moyenne des budgets en baisse. Et les associations qui ont disparu, notamment en raison de difficults de financement, ne sont plus l pour tmoigner En outre, les budgets associatifs sont trs concentrs dans quelques grandes associations, les mmes, pour partie, qui reoivent les financements de ltat (sant, ducation, culture). Vraisemblablement, les 15 % dassociations qui indiquent que leurs budgets sont en baisse sont de grosses structures qui vivaient du financement de ltat, quand de nombreuses petites associations de membres (culturelles ou autres) voient leur budget augmenter. La croissance du financement des collectivits territoriales est forte. Peut-elle relayer le dsengagement de ltat ? Chaque niveau de collectivit publique finance les associations en fonction de ses comptences mme si certaines collectivits ont vocation tre plus gnralistes que dautres, comme ltat ou les communes. Dans les faits, ltat finance pour lessentiel les grosses associations daction sociale, dducation, culturelles et sportives. Les rgions financent essentiellement des associations grandes et moyennes dans le secteur de la formation et de lducation ; les conseils gnraux rservent lessentiel de leurs financements aux grandes associations qui mettent en application leurs politiques sociales, enfin les communes sont le seul acteur public soutenir les petites associations sans salari et elles rservent une grande partie de leurs financements lanimation sociale, culturelle ou

sportive locale. En dfinitive les financements des collectivits locales peuvent compenser les baisses de financements de ltat, mais seulement de faon partielle et pour quelques types dassociations. Face la contraction prvisible des budgets publics, lune des rponses pourrait tre la diversification des sources de financement (financements privs, ressources dactivits). Est-elle perceptible ? Les associations ont de tout temps cherch diversifier leurs ressources ; les enqutes nous montrent que, dans la priode rcente, les financements privs ont augment deux fois plus vite que les financements publics. Mais cette logique de diversification prsente des limites. La premire tient la cohrence et ladquation des financements aux projets associatifs. Toutes les associations nont pas vocation recevoir tous types de ressources : les dons bnficient pour lessentiel aux associations humanitaires ou de dfense des causes par exemple ; les associations daction sociale nont pas vocation percevoir de cotisations des bnficiaires au contraire des associations sportives qui vivent principalement de ces cotisations Lautre limite tient aux ressources susceptibles dtre tires de la gnrosit prive et du mcnat. Les appels en direction des associations pour leur suggrer dtre plus ouvertes et plus actives dans la recherche de mcnat, sont de plus en plus nombreux ; il est vrai que les marges de manuvre sont plus grandes en France que chez nos voisins. Nanmoins, elles ne sont pas aussi importantes quon le croit : les dons des particuliers et le mcnat ne reprsentent ensemble que 5 % du financement total du secteur associatif. Mme une forte croissance de ces ressources ne parviendra pas rsoudre une baisse de financements publics qui alimentent plus de la moiti des budgets associatifs. En ralit la vritable marge de manuvre dans ce domaine consistera augmenter la participation des usagers au service rendu, ce qui ne sera pas sans incidence sur la nature du projet des associations puisque cette perspective risque de les conduire orienter progressivement certaines de leurs actions en direction de publics plus solvables.

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Financement associatif : tat des lieux10

Depuis 5 ans, la baisse des financements de ltat (administration centrale et services dconcentrs) est avre. Les travaux du laboratoire Matisse (CNRS) rvlent ainsi une diminution de ces crdits de 5 % entre 1999 et 2005. Et les premires annonces sur le budget 2009 laissent penser que le mouvement se poursuivra, voire mme sera acclr. Les signaux donns dans le cadre de la Revue gnrale des politiques publiques (RGPP) et de quelques rapports parlementaires (dont le rapport Lambert sur les relations tat-collectivits territoriales) ne sont pas faits pour rassurer le secteur associatif. Si le soutien de ltat se maintient en faveur des structures portant des services dintrt gnral, ce nest pas sans remettre en question la libert dinitiative des acteurs associatifs. Au-del de la baisse des financements tatiques, les tmoignages recueillis font apparatre une crainte de voir ltat se dsengager de ses missions dintrt gnral.

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Quand ltat se dsengageSi par le pass, la baisse des crdits dtat pouvait tre compense par les crdits des collectivits, tout laisse penser que la dynamique de dcentralisation ne permettra plus cet quilibre.dans un contexte de concurrence accrue, la difficult de faire financer le fonctionnement de la structure vais relais mdiatiques. Dans ce contexte, comment esprer arrter le dsengagement de ltat ? , prcise Yann Lasnier. Alors que le prsident de la Rpublique stait engag mieux doter le secteur sportif, force est de constater quon est bien loin des objectifs annoncs (3 % du budget de ltat) : en 2008, le sport ne bnficiera que de 0,2 % de ce budget et si on retranche la part alloue aux sportifs de haut niveau et professionnels, il reste bien peu pour les fdrations sportives... Selon Bernard Amsalem, prsident de la Fdration franaise dathltisme1, le mouvement ne devrait pas sinverser en 2009 puisque la rduction des subventions aux fdrations et ttes de rseaux est annonce dans la RGPP, de mme que la suppression de nombreux postes mis disposition. Rien qui ne puisse rassurer un secteur pourtant sollicit ..

Des secteurs plus ou moins touchs Dans le champ de lducation populaire, le budget 2009 risque dtre difficile, une lettre de cadrage annonce une baisse des crdits de Jeunesse et Sports. Plus que jamais, les dirigeants vont devoir se transformer en chasseurs de primes et de nombreux projets risquent dtre en pril ; tel est le constat amer de Yann Lasnier, secrtaire gnral du Cnajep, sur un secteur dducation populaire dj particulirement touch par les coupes claires dans les budgets prcdents (baisse de 6 % des crdits dans le budget 2007). Le secteur de lducation populaire souffre de sa dsunion, de son incapacit se mobiliser et de ses trs mau-

Une inquitude protiformeSi la baisse des financements de ltat ne touche pas uniformment tous les secteurs (cf. rsultats de lenqute), linquitude prdomine : 79 % des personnes interroges se disent inquites et pessimistes quant au financement de la vie associative en gnral. Et si certains secteurs observent une certaine stabilit, voire une hausse de leur budget, ils sont unanimes ( plus de 80 %) reconnatre que les aides publiques ne sont pas la hauteur des besoins sociaux quils tentent de couvrir. Le niveau des financements nest pas seul en cause. Et les dirigeants interrogs de citer ple-mle les modalits daccs des fonds publics et la tendance au financement sur projet ou sur prestation, la qualit du dialogue avec leurs interlocuteurs dans les diffrentes administrations, lexigence de professionnalisation sans financement en retour, le manque de prise en considration des spcificits associatives

RepresDonnes statistiques consolides : un enjeuLes diffrentes recherches du laboratoire Matisse-CNRS (fondes sur des chantillons reprsentatifs) et les tudes menes en rgion par lInsee et les chambres rgionales dconomie sociale (Cres) permettent de dresser un tat des lieux de lconomie associative. Celui-ci reste affiner notamment par lanalyse de budgets construits selon le plan comptable associatif, qui permettrait la valorisation du bnvolat. Depuis des annes, les revendications et prconisations en faveur de la statistique associative se multiplient. Mesurer la participation des associations au PIB dans les diffrents secteurs permettrait de valoriser leur contribution lconomie et la socit. Avec une telle valorisation, cest toute la comptabilit publique qui serait bouscule. Il sagit en effet de lintgration du non lucratif dans les comptes de ltat. Un tel changement permettrait pourtant de donner voir en quoi le financement du secteur associatif nest pas synonyme de dpense mais dinvestissement public. La cration dun compte satellite des institutions sans but lucratif permettrait une vritable visibilit statistique sur le long terme. Un autre enjeu est galement perceptible : lobservation des finances associatives par le secteur lui-mme. Ce principe est la base de lenqute CPCA. Des fdrations comme la Fdurok ou la Fdration nationale des Foyers ruraux pratiquent dj lobservation participative sur cette thmatique.

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.. dans le cadre des nouvelles politiques dinsertion dans les quartiers dfavoriss. Lexclusion nest pas une priorit affiche du gouvernement, constate Maryse Bastin, directrice dun

ministre du Budget et des Comptes publics, et de Christine Lagarde, ministre de lconomie, dans une lettre en date de mars 2008 : Le redploiement des crdits au dtriment des associations prsente un

Nos associations sont dans la prcarit pour accompagner des personnes en situation prcaire ! Association dinsertion par lactivit conomique, Puy de Dme.CHRS. Les associations sont chroniquement sous-dotes. Si bien que le secteur de la lutte contre lexclusion est toujours en tension et lquilibre budgtaire de nombreuses associations dpend de bouts de ficelle . Lengagement de ltat sur certains sous-secteurs ( de droit commun personnes handicapes et personnes ges o chacun peut se projeter ) explique sans doute que lopinion des associations daction sociale soit ce point partage entre celles qui parlent de baisse, de stagnation ou daugmentation. Il nen reste pas moins que 88 % pensent que leur budget est insuffisant pour remplir leur mission dans un contexte o la demande sociale est croissante et o elle se complexifie (logement, emploi, autonomie, etc.). Dans le domaine culturel, la suppression des subventions des DRAC aux petites associations et lorientation du ministre sur le financement des seules grandes institutions culturelles ne peuvent quinquiter les associations engages dans ce secteur. Elles se demandent si les associations sont encore des partenaires des pouvoirs publics dans la mise en place des politiques culturelles. Et le manque de concertation entre coordinations associatives et ministre ne laisse rien prsager de bon. Autant de raisons qui ont pouss les fdrations du secteur se mobiliser au dbut de lanne. Mobilisation relaye par le prsident de la CPCA, Jacques Henrard, auprs dEric Woerth,12La Vie associative n 11 Septembre 2008

Verbatim

certain nombre de risques : dmantlement du maillage artistique et culturel, renforcement des ingalits territoriales, confinement des populations loffre unique et globale des industries du divertissement, etc.

reconnu comme un gage de scurisation des ressources associatives. Dans certains secteurs, il est mme remis en cause : le CNOSF, lors de son assemble gnrale du 21 mai dernier, sest ainsi lev contre lannonce du secrtaire dtat aux Sports de rduire de 7 % le nombre de conventions dobjectifs prvues en 2008. Les fdrations sportives ont ainsi vu leurs subventions baisser de 10 30 % en pleine anne olympique ! Jai bien peur que les CPO 20062008 aient t une parenthse de lhistoire, explique Yann Lasnier dans le secteur de lducation populaire. Nous ne sommes pas du tout assurs quelles soient renouveles en 20092011. Les CPO pourraient galement tre supprimes en 2008 dans le secteur culturel. Mawenn LHostis (Uniopss), propos des CPO, parle de davantage de contrles a posteriori et plus tt, et dun systme trs contraignant (plus de 50 pages dposer), alors que le dialogue avec les services de gestion est rompu. L tat veut allger les procdures en mettant en place un systme de pluriannualit budgtaire

Un cadre contractuel pas si cadrLe conventionnement pluriannuel, bien que raffirm dans plusieurs circulaires des Premiers ministres, nest pas encore gnralis. Il est pourtant

RepresSolidarit internationale : un cas partBien que ltat ne contribue qu hauteur de 9 % des ressources totales des ONG, il reste un bailleur important car cest le seul qui leur est accessible , prcise Franois Fiard de Coordination SUD. Et cest le bailleur qui jusqu aujourdhui respecte le mieux le droit dinitiative [cest--dire que les projets soumis au financement public sont conus par lassociation] . Il est vrai que le secteur prsente cette particularit de voir ses financements encadrs par un vademecum construit paritairement avec le MAE, qui garantit le respect du droit dinitiative et la pluriannualit de la plupart des financements, un outil essentiel en termes de visibilit moyen terme . Mais Franois Fiard remarque galement que, depuis 2004, les appels proposition cibls sur une zone gographique et sur des thmatiques prcises (assainissement, droits de lhomme) se sont multiplis. La part des financements contraignants pour le droit dinitiative tend donc crotre trs fortement. Il sagit l dune volution proccupante ; la tentation de traiter les ONG comme des prestataires de service et non comme des partenaires est de plus en plus vidente , sinquite Franois Fiard. Si le partenariat est jug globalement positif, avec un bon degr de concertation (que certains parlementaires ont pu critiquer), si le budget a augment en volume (mais reste encore en-de des annonces et des moyennes des autres pays europens et de lUE), la prudence est de mise.

volontaire, les CPOM (conventions dobjectifs pluriannuelles moyennes). Nous suivons de prs ces chantiers visant restructurer le secteur mais nous manquons encore de recul pour les juger. Pour ce qui est de lapplication des dispositions attaches au CPO (versement de 50 % du montant des subventions la fin du premier trimestre notamment), le constat de Maryse Bastin est sans appel : elles ne sont jamais respectes sur le terrain. L enqute de la CPCA rvle que seulement 16 % des rpondants qui bnficient dun tel dispositif affirment que la mise en uvre des CPO permet effectivement une avance sur financement alors que cette disposition est bien inscrite dans les circulaires des Premiers ministres ; le versement de laide date fixe nest inscrit que dans 22 % des conventions. On ne compte dailleurs plus les tmoignages dassociations sur les dlais de versement des subventions quand bien mme elles seraient encadres par des CPO. La plupart constatent un versement la fin du projet alors que les actions finances ont dj dmarr. Si ce constat pose la question de la faiblesse des fonds de roulement des associations, il ne saurait ddoua-

Le point de vue de Patrick ViveretCe dsengagement ne peut tre expliqu par le fait que les

caisses de ltat sont vides. Il sagit avant tout dun choix politique. Sinon, comment aurait-on trouv les 13 milliards deuros lis au paquet fiscal ? Au niveau international, des choix ont t clairement faits : 11 000 milliards de dollars pour les paradis fiscaux, 1 200 milliards consacrs larmement, etc. On ne peut laisser dire que les caisses sont vides.

Quand la demande de subvention devient appel doffresUne association dducation populaire du Poitou-Charentes rend galement compte du passage l'appel d'offres et la subvention sur projet o les associations sont rabaisses au rang de sous-traitantes . Ce constat est partag dans de nombreux secteurs.

Toute association doit mettre en oeuvre les activits lui permettant de trouver les fonds dont elle a besoin. Le recours exclusif ou majoritaire aux aides publiques est une erreur. Association danimation socioculturelle, Meurthe-et-Moselle.ner ltat de ses responsabilits en la matire. Dans le cadre du plan Espoir banlieue, le gouvernement sest engag dbloquer les petites subventions aux associations relevant de la politique de la ville dans les 48 heures. Mais il ne semble pas quun tel engagement soit tendu aux autres secteurs et pour des sommes plus importantes. Et comme le dit un rseau parisien dassociations daide aux migrants : Il est temps de sortir de la logique du tout projet dans lattribution des subventions qui s'apparente une logique de course aux marchs. Il faudrait permettre aux associations d'assurer les frais lis au fonctionnement de la structure pour qu'elles puissent raliser les actions qu'elles souhaitent entreprendre, et non pas quelles collent

Verbatim

leurs activits un appel projet pour survivre. Le mme constat est fait par une autre association dducation populaire poitevine : Les appels d'offres, les subventions sur projets ne permettent pas aux associations d'avoir une vritable identit et libert. Un responsable dune fdration du mme secteur remarque en outre que cette logique et cette pratique peuvent savrer dangereuses sur des activits particulirement solvables o la concurrence des entreprises commerciales se fait de plus en plus forte.

Au-del des faits, le symboleAutre problme pos par le dsengagement de ltat : ses financements sont structurants. Ils sont souvent ncessaire la participation dautres bailleurs publics. Il nest pas rare que le retrait de ltat entrane celui des autres partenaires publics. Le financement tatique est aussi celui qui permet de reconnatre la contribution de lassociation lintrt gnral. Si le relais sur les financements a t pris par les collectivits territoriales, on peut lgitimement sinterroger sur leur capacit se substituer une nouvelle tape du dsengagement de ltat au moment o le gouvernement envisage une rforme des finances publiques locales. De plus, le relais desLa Vie associative n 11 Septembre 2008

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collectivits territoriales ne pourra pas tre garanti sur certaines des lignes budgtaires assures actuellement par ltat (appui aux ttes de rseaux dans leurs fonctions dinformation et de formation, projets denvergure nationale) du fait du principe dintrt local qui conditionne le subventionnement ; Nous ne pouvons, de par notre caractre national, tre soutenu par une collectivit locale , remarque ainsi une fdration culturelle. Face ces volutions, les conclusions de la mission parlementaire dinformation sur le financement et la gouvernance des associations sont attendues pour octobre. Cette mission se prononcera-t-elle sur ce sujet ? La CPCA a dores et dj fait connatre au prsident de cette mission, le dput Pierre Morange, quune proposition de loi visant dfinir la notion de subvention contribuerait scuriser le financement des associations, prcisment au moment o les financements dtat sont en baisse. n Bernard Amsalem pousse un cri d'alarme concernant l'avenir du sport franais , Le Nouvel Observateur, 17 mai 2008.1

Le point de vue de Patrick ViveretLa proposition de dfinition de subvention est

mettre en lien avec la manire dont on considre la richesse aujourdhui. La vision centre sur la seule richesse montaire nest plus tenable. Jespre que la commission Stiglitz ira dans ce sens. Avec cette proposition lgislative, il y a loccasion pour la vie associative de montrer en quoi sa contribution sociale la richesse du pays est positive. La proposition de scurisation des financements publics par la gnralisation des contrats de financement pluriannuels est en accord avec lesprit de la Charte des engagements rciproques de 2001.

Represlections prsidentielles 2007 : les propositions des candidatsLe 20 janvier 2007, cinq candidats l'lection prsidentielle sont venus prsenter leurs projets pour le monde associatif devant 1 000 personnes runies au Palais Brongniart. Cet vnement sinscrivait dans le cadre de la campagne de la CPCA intitule : 2007-2012 : que serait la vie sans les associations ? . Tour d'horizon de leurs principales propositions concernant le financement des associations. m Franois Bayrou (MoDem) : Il faut, pour les associations, une visibilit de leur avenir. Cela ne peut se faire que dans le cadre des conventions pluriannuelles . - Adoption d'une dfinition lgislative de la notion de subvention ; - Mise en de place de CPO avec valuation. m Marie-George Buffet (PCF) : Il faut viter la fragilisation des associations par le recours systmatique la concurrence avec le secteur lucratif. - Budget du ministre en charge de la vie associative quivalent 1 % du PIB ; 14

- Gnralisation du conventionnement pour scuriser les relations contractuelles et favoriser le financement du projet de l'association. m Sgolne Royal (PS) : Je propose de donner aux engagements pris par ltat () une force juridique quivalente celle des marchs publics. - Gnralisation du conventionnement ; - Remplacement des subventions par des contrats d'intrt gnral. m Nicolas Sarkozy (UMP), reprsent par Claude Malhuret : La politique des conventions pluriannuelles dobjectifs, maintes fois affiche depuis plus de dix ans () doit devenir effective. - Gnralisation des CPO au sein des services de l'Etat grce une animation interministrielle ; - Clarification des relations contractuelles entre les pouvoirs publics et les associations. m Dominique Voynet (les Verts) : Il est ncessaire de donner aux associations des moyens pour conduire des expriences. - Scurisation et prennisation des financements via les CPO. Lesquelles distingueront crdits d'investissement et crdits de fonctionnement.

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Interview

Les associations auraient tout intrt mutualiser leurs moyens pour solliciter la gnrosit. Les financements lis au mcnat, donations, etc., ne reprsentent que 5 % des ressources associatives. Le dispositif dincitations fiscales est-il en cause ? Non, il est largement suffisant, cest lun des meilleurs dEurope. Le problme tient ce quil est mal connu du public. Or ce manque de communication peut difficilement tre pris en charge par les associations si elles ne veulent pas brouiller leur message vis--vis des donateurs (avoir du cur/bnficier dexonrations fiscales). Du ct des entreprises, limpact de la loi de 2003 sur le mcnat a t rel. Pourtant seules 28 % des entreprises de plus de 200 salaris sont mcnes. Dans ces deux cas, une campagne vigoureuse est essentielle. Outre la faiblesse de la communication, il y a un handicap majeur au recours au mcnat : les rticences culturelles aller chercher de largent priv, dautant que la plupart des associations pensent que cest ltat de les soutenir sur des projets relevant de lintrt gnral. Comment expliquer que les entreprises ne semparent pas plus du mcnat ? Les entreprises fonctionnent par retour sur investissement, ce que le mcnat ne fait pas directement apparatre. Pourtant, elles y ont un intrt en termes dimage vis--vis de lextrieur mais galement, et de plus en plus, en interne ; elles ont aujourdhui besoin de mobiliser leurs salaris, de crer une unit autour de leurs valeurs. Le mcnat peut tre mobilis pour y parvenir et de fait, celui de comptences est en pleine croissance. Si on ajoute les encouragements du gouvernement, il y a une opportunit que les associations doivent saisir. Toutefois, le mcnat nest pas sans risque : une entreprise peut dcider du jour au lendemain de ne plus soutenir une association ; il est donc prfrable de rpartir ce risque entre diffrents mcnes. Un autre risque est de devoir tordre son projet pour entrer dans les critres de slection de lentreprise. Mais cest aussi le cas pour nombre de subventions sur projet ou pour les programmes europens. Les dons des particuliers peuvent-ils tre un autre levier de financement ? Cest la ressource la plus importante, la plus dsintresse aussi. Elle reprsente un grand volume et une grande inertie : les dons sont extrmement stables dune anne sur lautre. Mais les petites associations, mme si elles sont les premires prendre en charge les besoins locaux, ont du mal capter les dons des particuliers. Elles auraient tout intrt se regrouper pour mutualiser les fonds, mettre en commun leurs moyens pour solliciter la gnrosit. Cette mutualisation peut se faire autour dune cause ou dun projet (personnes ges, environnement, etc.). Cest sans doute le seul moyen pour les nouvelles associations daccder cette ressource. La gnrosit est-elle un palliatif au dsengagement de ltat vis--vis des associations ? Il est fondamental que ltat assume sa part de financement qui marque sa responsabilit dans lintrt gnral. On sait pourtant qu lavenir, son engagement financier sera moindre, ce qui le contraint faire des choix fondamentaux. Lunit nationale se fait autour de certaines valeurs (sant, ducation, solidarit, galit des chances, culture) qui dfinissent des domaines cls du soutien de ltat. Il est plus que ncessaire de redfinir les priorits face des besoins qui augmentent et se diversifient. Il y a pourtant une inertie considrable des pouvoirs publics dans lattribution des subventions. Ils nont que rarement une vraie stratgie de subventionnement, plutt des habitudes. On ne peut plus se contenter du saupoudrage et de la reconduction des acquis. Si linertie peut sembler le meilleur garant de la vie associative, ce nest pas forcment dans lintrt du public. Les besoins auxquels les associations doivent rpondre ne cessent dvoluer. Il leur est ncessaire de trouver des moyens pour innover et de diversifier les risques. Do limportance de la gnrosit du public. En 2009, nous souhaitons donc que toutes les gnrosits soient dclares grande cause nationale.

Andr Hochberg, prsident de France Gnrosits

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Quel enjeux pour les financements ?

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Les collectivits territoriales sont des partenaires de longue date des associations qui interviennent

Des colleLes collectivits peuventelles, en plus de leur soutien traditionnel aux associations de leur financements de ltat ? Cest tout lenjeu que posent le dsengagement de ltat et la rorganisation des politiques et services publics au gr de la dcentralisation.

massivement lchelon local. Les lois de dcentralisation ont toutefois chang la donne en confiant aux collectivits territoriales la mise en uvre (et la responsabilit ?) de politiques publiques forcment une parfaite compensation financire. tel point que le financement accord par les collectivits est devenu un enjeu majeur pour les associations, plus encore dans un contexte de dsengagement de ltat. Autre enjeu, le contrle exerc par les pouvoirs et les bailleurs publics sur leurs partenaires associatifs. Quand les autorits disent efficience , les associations disent instrumentalisation ou poids des contraintes . Avec la mise en place de la LOLF, qui mesure lefficacit des politiques publiques, dlgues ou non aux associations, laune dindicateurs de performance souvent quantitatifs, et plus encore avec la Revue gnrale des politiques publiques (RGPP), les associations sinterrogent sur la ralit du partenariat.

longtemps portes par ltat, sans quil y ait territoire, relayer les

L

es collectivits territoriales sont les premiers bailleurs publics des associations, les municipalits et les communauts de communes (EPCI) en premier lieu. Mais il sagit bien dans ces cas-l de soutenir des associations locales pour leurs activits sur un teritoire donn. Les choses sont diffrentes quand les associations reoivent des financements publics au titre des politiques publiques nationales, transfres aux collectivits (laction sociale notamment).

Un espace naturel dintervention63 % des associations entretiennent des relations financires avec les communes, 22 % avec le conseil gnral (49 % des asociations employeurs)1.

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ctivits relais ? La deuxime tape de la dcentralisation a depuis acclr ce processus , remarquait la CPCA loccasion du colloque organis le 19 janvier dernier2, en rformant en profondeur laction publique en direction des associations. Entre 1999 et 2005, si les aides de ltat destination des associations baissent de 5 %, celles des conseils gnraux augmentent de 20 %, celles des communes de 6 % et celles des conseils rgionaux de 40 %. Des quartiers dfavoriss aux zones rurales, les associations sont des acteurs cls des territoires. Leurs activits de proximit jouent un rle essentiel en termes de lien social, puisquelles sont bien souvent le dernier service dintrt gnral restant. Leur prsence constitue un enjeu capital de lamnagement du territoire, mais les moyens dbloqus ne sont pas la hauteur de cet enjeu , regrette Michel Montagne, dlgu gnral de la CPCA Midi-Pyrnes. des ingalits territoriales dans la prise en charge des publics. Des garde-fous doivent tre mis en place. Pour Mawenn LHostis de lUniopss, les collectivits sont plutt lcoute, mais les grandes masses financires se dcident ailleurs. Et le prcdent du RMI nous incite la prudence. Ce que confirme Yann Lasnier, secrtaire gnral du Cnajep : Ltat reporte ses dpenses (et ses logiques) sur les collectivits, ce qui renforce leur fragilit. En outre, du fait du principe de lintrt public local, certains financements de ltat ne pourront pas tre relays par les collectivits territoriales, les subventions aux ttes de rseaux nationales notamment. Et Yann Lasnier de conclure : Pour les associations non gestionnaires, le changement de paradigme risque dtre meurtrier.

Garantir lgalit de traitementAvec la rarfaction des ressources, la rationalisation des dpenses devient obligatoire dans les collectivits : Cest une question defficience , reconnat Michel Montagne. Elle pose clairement la question de la concurrence. Pour les lus locaux, il est souvent difficile de dterminer quelle association sera la mieux mme de porter un projet dintrt gnral. La reconnaissance de leur utilit sociale serait ncessaire , plaide Yann Lasnier, surtout dans un contexte de multiplication des associations de membres De nombreuses collectivits ont donc mis en place des procdures dattribution et de suivi de leurs concours aux associations. Hamou Bouakkaz, adjoint au maire de Paris, charg de la vie associative et de la dmocratie locale explique : La Ville a ..

Un transfert partiel de ressources?Quelle que soit leur couleur politique, les conseils gnraux se plaignent de linsuffisance de la compensation financire quils devaient toucher dans le cadre de la dcentralisation du RMI et dautres services sociaux. Cette donne limite dautant plus la prise en charge des secteurs de linsertion, du sanitaire et du social, et de laction sociale en gnral. Pour Maryse Bastin, directrice dun CHRS du Rhne, Passer lchelon local est plutt positif puisque lorgane de dcision se rapproche du terrain, mais la seule condition quil y ait contrepartie financire. Ce processus nest pas sans poser la question

Verbatim un partenaire territorial sur la Un contrat clair avecbase d'une convention pluriannuelle (3 ou 5 ans) assurant le fonctionnement gnral. Cette convention devrait comprendre des indicateurs d'valuation. La prcarit des financements tant la principale source d'puisement de l'engagement associatif. Quand on stabilise cette question, on dmultiplie les potentialits des bnvoles pour se consacrer au projet associatif. Association du secteur sanitaire, social et mdico-social, rgion lyonnaise.

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Interview

Le dbat autour de la commande publique doit tre pos dans les territoires. Sylvie Mathieu plaide en faveur dune commande publique concerte avec les pouvoirs publics et respectueuse desSylvie Mathieu, ancienne prsidente de la CPCA Lorraine et directrice de lUriopss Lorraine projets et des activits. Ce dbat interassociatif doit avoir lieu avant dengager le dialogue avec les lus. Cest un pralable pour mettre les associations au service du dveloppement des territoires. Ces enjeux sont capitaux pour la vie, voire la survie, des associations. Quelles sont les conditions pour une commande publique respectueuse des spcificits associatives ? Pour viter de tomber dans le strict registre de la prestation, lgalit dans le traitement et la coconstruction avec les pouvoirs publics sont de bons garde-fous. En Lorraine, rgion o jai exerc mon mandat de prsidente de CPCA rgionale, il existe une vraie collaboration entre tat, conseil rgional et mouvement associatif. Nous avons ainsi gr ensemble lexprimenta2 tion du CDVA . Les rgles ont t dfinies de manire collgiale. chaque euro investi par ltat, le conseil rgional contribue la mme hauteur. Cette co-construction sest prolonge 3 dans la mise en place dun C2RA et dun fonds de garantie, Lorraine Active. Sans ce dialogue et cette concertation, les associations peuvent voir leurs activits devenir de simples prestations. Quelles peuvent tre les consquences de ces enjeux financiers pour les usagers des associations ? La dlgation de service public pose, en filigrane, la question de lexclusion des publics de certains services de proximit ports par les associations. Pour bien grer une crche ou un service domicile, la subvention est un levier permettant, pour les familles, dabaisser les cots daccs aux services. Par exemple, dans un tablissement priv dhbergement des personnes ges, les usagers vont payer un tarif plus lev en comparaison avec une structure associative subventionne. Si la subvention ne vient plus attnuer les cots, quen sera-t-il de la cohsion et de la mixit sociale ? Encore une fois, le dbat autour de la commande publique doit tre pos dans les territoires, au sein du secteur associatif et avec les pouvoirs publics. Dans ce cadre, les associations doivent collectivement montrer la plus-value de leurs apports dans une politique publique.

spcificits associatives. Daprs elle, un tel dbat pose aussi la question du cot des services de proximit dlivrs aux publics fragiles1.

La commande publique est un mode spcifique de financement des associations. Elle induit les notions de gestionnaire et de prestataire. Quels en sont les enjeux pour un acteur associatif ? En premier lieu, on peut sinterroger sur la place des bnvoles dans la commande publique. Comment articuler le bnvolat avec des logiques de prestation et de gestion ? Dans la mme ide, la commande publique peut mettre mal les capacits dexprimentation et dinnovation sociales des projets associatifs. Au sein du secteur lui-mme, ce mode de financement peut mettre les acteurs associatifs en situation de concurrence les rgles de concurrence au sein du mouvement associatif sont nettement moins claires que celles propres au march. La concurrence associative peut en effet parfois tre froce ! Cette situation risque de porter prjudice au secteur lui-mme. Les acteurs du mouvement associatif ont la responsabilit de sunir notamment au sein de la CPCA pour dmontrer leur capacit dpasser le statut gestionnaire. Ils ne peuvent subir des appels doffres strictement conomiques. Nous devons dmontrer lintrt de la contribution associative pour la cohsion des territoires. En ce sens, les enjeux de mutualisation interassociative sont extrmement forts. Pour prendre lexemple de laccueil extrascolaire, le rseau Uniopss est en concurrence avec la Ligue de lenseignement. Il y aurait pourtant matire co-construire ensemble des

Cette interview est une retranscription de lintervention de Sylvie Mathieu lors de lvnement CPCA du 19 janvier 2008 : Municipales et cantonales 2008 : les associations sengagent ! . 2 Conseil national du dveloppement de la vie associative : instance de gestion de crdits permettant de financer essentiellement la formation des bnvoles. 3 Centre de ressources rgional danimation.

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.. tabli des modles de conventions types, qui portent sur une dure annuelle ou pluriannuelle, et qui concernent aussi bien le fonctionnement que l'quipement. () Dans certains secteurs de l'action munici-

procdures dvaluation. Ce quadmet Elie Leport (conseiller municipal Auvers-sur-Oise) : Le contrle prend parfois le pas sur lvaluation.

lisation croissante. Mais laccusation dinstrumentalisation, les collectivits rpondent par le consumrisme des associations. Pour Josiane Ricard, prsidente du Crajep Languedoc-Roussillon : instrumentalisation et consumrisme sont les deux facettes dune mme ralit. La premire mesure lassociation laune des services rendus, la seconde sexplique par cette contrainte faire toujours plus avec toujours moins, au dtriment du projet associatif. Un processus qui aboutit ncessairement au consumrisme () Financer le fonctionnement de lassociation la rendrait certainement moins consumriste.

Travailler avec les associations comme des partenaires et non comme des prestataires de service rpondant une commande. Association dinsertion par lactivit conomique, Puy-de-Dme.pale (crches et haltes-garderies par exemple), ces conventions sont devenues quasiment la rgle. Dans les autres, elles encadrent aujourdhui la majorit des partenariats mairie/ associations. En outre, la mairie a profit de la dmatrialisation des procdures administratives pour introduire plus de simplification et de transparence dans les relations des associations avec la ville de Paris. Si elle continue de privilgier les subventions de fonctionnement, Hamou Bouakkaz admet que les subventions lies des actions spcifiques tendent toutefois se dvelopper, notamment dans certains secteurs qui s'y prtent particulirement (la politique de la ville par exemple) . De nombreuses associations remarquent ainsi que la distinction entre contrle de lutilisation des fonds publics et contrle de la gestion de lassociation est souvent mince. Gilles Garnier, vice-prsident du conseil gnral de Seine-Saint-Denis, reconnat que les objets associatifs sont souvent fragiliss quand il sagit de rpondre des appels projets. Certains sinterrogent dailleurs sur la notion de libert statutaire des associations et parlent dinstrumenta-

Verbatim

Appels doffresSi on en croit les tmoignages des associations, les appels doffres, distinguer (encore ?) des appels projet, augmentent alors que les rformes du Code des marchs publics nont fait que complexifier la capacit des associations intervenir sur les marchs concurrentiels. Ce que confirme Mawenn lHostis de lUniopss : Dans certains secteurs

RepresPolitique de la ville : le Rhne innovePour la programmation 2008 des contrats urbains de cohsion sociale (Cucs), le prfet dlgu lgalit des chances du Rhne, charg des crdits Acs, a dcid dacclrer les procdures dinstruction des dossiers et surtout de versement des subventions aux associations retenues. Il rpondait ainsi une revendication rcurrente des porteurs de projet : disposer des fonds au dmarrage et non au terme de la programmation. Ds juillet 2007, le prfet demandait aux lus signataires dun Cucs de lancer leur appel projet. En octobre, prfets, lus et associations se runissaient dans un comit de pilotage pour dfinir les grandes orientations de la programmation. Le montant de lenveloppe alloue aux communes quelles pouvaient inclure dans leur propre budget tait galement fix. Ds la fin de lanne 2007, les bnficiaires de subventions de moins de 3 000 euros taient dsigns, puis ceux de subventions de moins de 15 000 euros, les versements seffectuant ds la fin du mois de janvier 2008. En fvrier, taient tudis les dossiers dpassant les 15 000 euros et ceux ncessitant un conventionnement. Les associations ont reu leur notification de subvention dans la foule et les versements ont dbut ds le mois de mars Une bonne pratique diffuser. Cf. La Lettre de la DIV n 117, avril 2008. 19

Instrumentalisation vs consumrismeCette tendance la contractualisation et la formalisation croissantes des relations, sous limpulsion des normes europennes et des obligations lgales de transparence, sajoute aux difficults repres par la Fonda dans son travail denqute sur laccompagnement des associations : multiplication des chelons (et des interlocuteurs), segmentation des services, fragmentation du champ social par lappareil dtat. Michel Montagne remarque : On frle parfois le ridicule dans les termes et les

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de laction sociale (personnes ges, petite enfance, aide domicile), la concurrence joue plein. La commande publique passe de plus en plus par les appels doffres. Or, les associations ne sont pas toujours bien armes pour y rpondre et elles ont souvent du mal faire valoir leurs spcificits auprs des collectivits territoriales. Michel Montagne apporte un autre clairage. Lors dun appel doffres du conseil rgional de Midi-Pyrnes pour laccompagnement de structures bnficiaires demplois associatifs, les ttes de rseaux associatives ont t cartes au prtexte quelles taient dj bnficiaires demplois aids. Les services de la rgion ont fait valoir le risque juridique. La volont politique sefface parfois derrire la prminence du technique. Une remarque que pourrait confirmer le tmoignage de Christophe Durand, conseiller gnral du Val-dOise : Le conseil gnral a d passer par un appel doffres sans mise en concurrence pour appuyer le club de foot. a peut paratre une aberration, mais la subvention tait impossible puisque le conseil gnral demandait en contrepartie des billets pour les jeunes du Val-dOise.

Verbatim interlocuteur unique pour la La mise en place d'ungestion des demandes de subvention au plan national, rgional et dpartemental. Il aurait la forme d'un centre de traitement faisant appel tous les financements possibles pour une action donne. Association sportive, Ardche.Plusieurs spcialistes pointent la faible mobilisation par les services juridiques des collectivits territoriales des clauses sociales du Code des marchs publics, qui permettent aux associations de rpondre aux appels doffres tout en faisant valoir leurs spcificits et leur plus-value sociale. Sur ce point, si un vade-mecum sur la distinction entre subvention et march public a t ralis par lAdministration suite la premire Confrence nationale de la vie associative, force est de reconnatre quil na pas t, ce jour, largement diffus et anim dans les territoires. n Donnes de Viviane Tchernonog, op.cit. 2 Municipales, cantonales : les associations sengagent ! . Plusieurs tmoignages dlus locaux et de responsables associatifs sont extraits de leur intervention lors de ce colloque.1

RepresPlan banlieue 2008 : ltat minimal ou ltat garant ?Le rapport dAlain Lambert sur les relations financires tat collectivits (dcembre 2007), conduit dans le cadre de la RGPP, citait au nombre des clarifications ncessaires, le recentrage de ltat sur ses fonctions rgaliennes dans les quartiers dfavoriss plutt que de subventionner lui-mme le secteur associatif dont lchelle est celle de la commune . Objet de contractualisation entre tat et collectivits (qui assument nanmoins la plus grosse part des financements), la politique de la ville et les associations qui la mettent en application sur le terrain ont souffert ces dernires annes de constantes rorientations politiques (pour ne pas dire revirements) au gr des turbulences sociales dans les quartiers. Dsignes comme des acteurs de premier plan dont on attend beaucoup, les associations nen restent pas moins une variable dajustement budgtaire et de simples oprateurs des politiques publiques faute de concertation. Il faudra suivre lapplication du Plan banlieues 2008 pour mesurer la ralit des volutions annonces.

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Interview

Les associations sexposent un risque de requalification du mode de financement initial. Colas Amblard revient sur les propositions de la CPCA (cf. p. 42) pour consolider et scuriser leColas Amblard, docteur en droit, directeur de ISBL consultants et prsident de la commission droit des associations du barreau de Lyon. www.isblconsultants.fr ceurs publics (tat, collectivits locales) ; deuximement, scuriser le recours ce mode de financement, actuellement en perte de vitesse. La CPCA demande dautre part une nouvelle rglementation pour gnraliser et renforcer le financement par conventions pluriannuelles. quoi correspond cette proposition ? Les associations expriment rgulirement le besoin dinscrire leur engagement dans la dure pour prenniser leurs actions. Tout engagement associatif, aussi louable soit-il, ncessite de reposer sur un modle conomique stable. La contractualisation des rapports associations financeurs publics permet de co-construire dans le temps des relations fondes sur la rciprocit et lchange. Les collectivits ne doivent plus se comporter en matres douvrage des projets associatifs et les associations ne peuvent plus considrer ces mmes collectivits comme des guichets uniques que lon sollicite une fois par an seulement. Quels sont les enjeux europens des relations contractuelles en France entre associations et pouvoirs publics ? Favoriser davantage laccs des associations la commande publique est lenjeu majeur de cette question. Aucune disposition spcifique ne permet en effet de distinguer les activits des oprateurs associatifs non lucratifs de celles mises en uvre par le secteur marchand. Tant que la rglementation europenne naura pas pris en compte cette diffrence, il est peu probable que les associations soient pleinement reconnues comme des oprateurs spcifiques des politiques publiques.

financement des associations. Le renforcement du cadre juridique franais et la reconnaissance des spcificits associatives au sein de la rglementation europenne lui semblent indissociables.Quels sont les fondements juridiques de la proposition de la CPCA visant dfinir par la loi la notion de subvention ? Il existe bien, en droit, des textes pars permettant de cerner relativement prcisment la notion juridique de subvention. Rcemment, les difficults rencontres par certaines collectivits locales en matire doctroi de subvention ont offert aux juridictions administratives lopportunit de prciser les contours juridiques de ce mode de financement. Mais aucune dfinition juridique nest actuellement comprise et admise par tous. Ce vide juridique laisse place une confusion entre les diffrents modes de financement public du monde associatif : la subvention, la dlgation de service public et le march public. Personne ny trouve son compte : les associations, le plus souvent instrumentalises, sloignent progressivement de leur objet statutaire initial pour rpondre aux exigences imposes par le financeur public. Elles sexposent ainsi un risque de requalification du mode de financement initial qui peut aller jusqu lobligation de reversement de la subvention. De leur ct, les personnes publiques peuvent craindre de lourdes sanctions pnales (articles 432-12 et 432-14 du Code pnal). La proposition de la CPCA rpond ainsi une double ncessit : premirement, clarifier les relations financires entre associations et finan-

Partenariat CPCA - ISBLLa CPCA et ISBL Consultants ont sign, en mars 2008, une convention de mcnat de comptence. Les professionnels dISBL apportent leur expertise juridique afin danalyser les propositions de la CPCA au regard de l'actualit lgislative et rglementaire associative.

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Quels enjeux pour les financements ?

Financement des associations : Trop de contrle ?Ces dernires annes, les contrles sur les financements publics se sont accrus. Si les associations reconnaissent la lgitimit dune telle dmarche, elles font galement le constat que les contrles psent, parfois lourdement, sur leurs propres ressources. Pour assurer une veille lgale et rglementaire, et rpondre aux contraintes imposes par la lgislation, les contrles mobilisent un personnel de plus en plus professionnalis. Dans un tel contexte, quels temps et moyens restent-il au projet associatif ?Lors de son audition par la mission parlementaire sur le financement et la gouvernance des structures associatives , prside par Pierre Morange, dput des Yvelines, la CPCA rappelait quen 1996, Grard Sousi, matre de confrences Lyon III, avait relev pas moins de 70 contrles lgaux potentiellement applicables aux associations. Or, si on en croit les tmoignages de bon nombre dacteurs associatifs, la tendance na fait que salourdir depuis une quinzaine dannes. Lenqute de la CPCA est une enqute dopinion. Ds lors, on peut sinterroger sur le dcalage entre la ralit des contrles existants et la perception des rpondants. Force est de constater que les associations sont soumises de multiples procdures et dispositifs de contrle manant des services de l'tat, des services techniques des collectivits territoriales et des organismes parapublics, auxquels sajoutent ceux des expertscomptables, des commissaires aux comptes ou dautorits administratives indpendantes. Le contrle appropri de lusage qui est fait des fonds publics est assur par our 25 % des associations interroges par la CPCA, la principale difficult de gestion tient aux poids des contrles et/ou des contraintes croissantes imposs par les pouvoirs publics.

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Un poids fantasm ?

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lInspection gnrale des finances. Sy ajoute le contrle de la Cour des comptes et des chambres rgionales

biais de campagnes nationales. Dune manire globale, le sociologue Vincent de Gauljac a concep-

Il faudrait imposer un sminaire de formation sur les associations tous ceux russissant un concours de la fonction publique et qui seront, un jour ou lautre, des interlocuteurs dassociations. Association culturelle, Doubs.

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des comptes. Enfin, lorsque les subventions sont verses par des collectivits territoriales, la loi prvoit un contrle des lus et des administrs1. Dans la plupart des cas, il sagit dun contrle a posteriori de leffectivit des aides accordes et de lutilisation des subventions en conformit avec lobjectif invoqu dans la demande de financement. Lassociation doit fournir un compte rendu financier annuel (mme dans le cadre des CPO depuis la circulaire du 16 janvier 2007). Mais dans le cas des financements europens, les modalits de contrle changent ce quexplique Franois Fiard, de Coordination SUD : Il sagit de contrle en amont (ex ante) selon la mthode du cadre logique : lONG doit prouver tre en capacit de mener le projet. Une mthode que certains bailleurs publics verraient bien tendue dautres types de financement. Au contrle financier sajoutent des contrles lis lactivit, notamment lorsque lassociation gre un service public, quelle bnficie dun agrment ou dun statut particulier (RUP), quelle exerce une activit particulire (fdrations sportives, ducation, sanitaire et social) ou une activit conomique, quelle emploie des salaris (services fiscaux, Urssaf) ou quelle fasse appel la gnrosit du public par le

tualis cette invasion du contrle chiffr sous le terme de quantophrnie

ment (allongement des dlais dinstruction et de paiement, changements des procdures, des interlocuteurs et des modalits de dcision) et la gestion des financements acquis (accroissement du nombre de contrles financiers, de la complexit des rapports financiers et dactivit, changements frquents des rglements financiers, des contrats types, des pices produire). Or, quil sagisse daccder ou de grer des financements publics, ou de rpondre aux contraintes rglementaires, cest autant de ressources humaines, de temps de formation, de veille lgale, de suivi des dossiers, etc., quil faut mobiliser. Ce qui pose clairement la question de la capacit des associations y rpondre dans un contexte de rduction et de prcarit des financements. Franois Fiard fait ce constat : La gestion des conventions de financement est un travail part entire ! rendu plus complexe par les changements frquents de procdures : Les rglements financiers et les contrats standard de lUnion europenne sont rviss tous les deux, trois ans ! Si les grosses associations peuvent y consacrer une partie ..

Un boulot part entire Pour les dirigeants associatifs, audel du niveau des financements, cest bien la difficult les mobiliser qui est source dinquitude. Les contraintes voques sont alors de deux ordres : laccs au finance-

RepresFinancements privs : quand les associations se donnent des rglesCertaines associations se sont dotes doutils de contrle supplmentaires, garants de leur bonne conduite, de la transparence de leurs comptes ou de leur bonne gouvernance. Les membres de Coordination SUD ont ainsi mis en place un Guide Synergie Qualit. Le Comit de la Charte du don en confiance, organisme d'agrment et de contrle des associations faisant appel la gnrosit du public, a labor une Charte de dontologie quune soixantaine dorganismes sengagent aujourdhui respecter. 150 points sont ainsi vrifis par des auditeurs bnvoles qui tiennent au fonctionnement statutaire et la gestion dsintresse, la rigueur de gestion, la qualit de la communication des actions de collecte de fonds ou la transparence financire. Le contrle porte sur la mise en place de procdures internes, la slection rigoureuse des prestataires, laffectation des dons conformment au souhait du donateur (ce qui a pu poser problme lors du tsunami), la prudence des placements, la conformit au plan comptable associatif

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Un renforcement des exigences d'valuation des projets associatifs en contrepartie d'une scurisation contractuelle par le dveloppement des conventions pluriannuelles d'objectifs. Dans les textes, cest une ralit. Dans les faits, peu de projets financs sont valus. Association dinsertion professionnelle, Drme.de leur RH, ce nest pas forcment possible pour les petites associations qui doivent assumer une prise de risque juridique. Mawenn lHostis, de lUniopss de confirmer : Suivre les changements rglementaires est devenu un enfer ; en 2006, on comptait quasiment deux nouveaux textes par semaine qui constituaient autant dobligations pour les tablissements ! Ces exigences ont un cot au moment mme o nous subissons des pressions pour baisser les ntres. Dans ce secteur aussi, le poids des contraintes et des contrles a pu tre lourd de consquences. Un directeur dun centre daccueil pour adultes handicaps remarque galement quen 15 ans, la gestion a pris une place prpondrante par rapport laccompagnement mdico-social, pour pouvoir faire face aux demandes croissantes des administrations de contrle. loppement de lagriculture biologique dans la Drme ou par Maryse Bastin, directrice dun CHRS du Rhne : La rationalisation lextrme, intervenue en 2001-2002 avec les indicateurs de la LOLF, prend un temps infini. Nous navons mme pas le temps de demander des

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subventions annexes (du FSE par exemple). La moiti de mon travail est maintenant consacre de la bureaucratie. Certaines structures ont d ddoubler les postes pour que des directeurs adjoints puissent se consacrer au projet associatif force dexigence de conformit, poursuit Maryse Bastin, on peut se demander ce quil reste du projet associatif, de notre libert de manuvre. Cest oublier ce que lutilit sociale, au cur du projet, signifie en termes de paix et de rgulations sociales. Trop de contrles tuent linnovation.

Enjeux commerciaux, enjeux politiques autour du contrle associatifMalgr le nombre lev doutils de contrle lgaux et rglementaires, et des dmarches de certains collectifs

Quand le projet sefface derrire les contrlesComme le dit le prsident dune association bretonne dinsertion par lactivit conomique : Le temps pass constituer le dossier et justifier des dpenses est totalement inadapt nos structures. On finit par passer plus de temps dans le travail administratif qu'en oprationnel sur les projets ! La mme remarque est faite par une association de dve24La Vie associative n 11 Septembre 2008

Le point de vue de Patrick ViveretIl faut bien faire la diffrence entre la culture du

contrle et la culture de lvaluation. Lvaluation doit tre coconstruite par lensemble des partenaires. partir de l, elle porte en elle une fonction dmocratique. Dans lvaluation, la quantification doit tre au service dun dbat sur la qualit des politiques publiques, sinon on risque de tomber dans lobsession du chiffre. De ce point de vue, la LOLF reprsentait une avance dmocratique. Il est regrettable quelle soit compltement dtourne de son esprit pour en rester une logique quantitative.

associatifs (cf. encadr p. 23), des revendications sont apparues, notamment de la part dorganismes privs, pour encore les multiplier. On peut citer le label Afaq Afnor2 relatif la gouvernance qui se prsente comme un outil de mesure de lactivit associative et de contrle par la certification de cabinets daudit spcialiss. La CPCA et, derrire elle, les coordinations associatives se sont opposes une dmarche quelles estiment commerciale, lui prfrant un dispositif dvaluation labor en concertation avec le gouvernement et/ou les parlementaires. On pourrait galement citer ici le rapport de Cour des comptes, paru en 20053, qui visait particulirement les associations de dveloppement et de solidarit internationale, juges trop libres (notamment du fait du droit dinitiative reconnu aux associations par le ministre des Affaires trangres), peu contrles, avec des pratiques sujettes caution On peut stonner, avec Yann Lasnier, secrtaire gnral du Cnajep, de cette tendance la criminalisation des associations auxquelles on impose des exigences qui ne sappliquent pas au secteur commercial . Dans un tel contexte, la tendance au financement sur projet selon des orientations fixes par les pouvoirs publics inquite de nombreux acteurs associatifs qui y voient une nouvelle forme de contrle. On peut souhaiter que la mission parlementaire conduite par le dput Pierre Morange, sur les relations contractuelles entre pouvoirs publics et associations, dissipe ces craintes. n Art. 10 de la Loi n 2000-321 du 12 avril 2000 et dcret du 6 juin 2001. 2 Interview de Jacques Henrard, Certifi associatif , Associations mode demploi n 95, janvier 2008. 3 Fonds octroys aux organisations non gouvernementales (ONG) franaises par le ministre des Affaires trangres, Rapport d'information n 46 (2005-2006) de M. Michel Charasse, fait au nom de la commission des finances, dpos le 25 octobre 2005.1

RepresLe cas du Qubec Mmes revendications, mmes rsultats ?Le Rseau qubcois de laction communautaire autonome (RQACA) existe depuis 12 ans. Il reprsente environ 4 000 associations sur un total de 8 000 au Qubec. Il est linterlocuteur privilgi du gouvernement provincial pour la politique associative. linstar de la Charte franaise des engagements rciproques signe loccasion du centenaire de la loi de 1901, cest en 2001 que le gouvernement qubcois engage un plan pour lAction communautaire autonome (ACA) faisant office de rfrentiel pour une vingtaine de ministres. Daprs un responsable du RQACA, ce nest pas une politique prescriptive et contraignante, les ministres ont le choix (...) Tout comme en France, le jeu dacteurs au sein des gouvernements limite luniversalit de lapplication de cette politique transversale . Si le mouvement associatif a t associ la rdaction de ce document, il ne la pas co-sign au motif que cest un document dtat. Le secrtariat lAction communautaire autonome et aux Initiatives sociales (SACAIS) tait charg de sa rdaction. 25 millions de dollars canadiens (15 M) ont t dbloqus pour sa mise en uvre sur 5 ans. Force est de constater que la Charte franaise des engagements rciproques na jamais fait lobjet dune telle valuation bien quelle tait prvue dans son titre V (valuation confie au CNVA et prsente au Parlement). Le cas du Qubec est intressant si on le compare au reste du Canada, de culture anglo-saxonne, o le financement du fonctionnement de lassociation dans le cadre dun projet dintrt gnral a disparu au profit de la seule soumission (ndlr : cette expression renvoie lappel doffres). La CPCA se reconnat pleinement dans les trois principes fondamentaux soutenus par le mouvement qubcois : a) Le respect de lautonomie des organismes daction communautaire autonome face aux objectifs de ltat ; b) Lapplication transversale de cette politique dans tout lappareil gouvernemental, notamment pour gnraliser lapplication du dispositif de soutien financier ; c) La reconnaissance, le soutien et la promotion des pratiques daction communautaire autonome, notamment au regard des bnfices socitaux gnrs. Pour lire le rapport dvaluation du plan pour lAction communautaire autonome : http://www.evalprsac.com/.

Pour aller plus loin : m www.comitecharte.orgLettre de la CPCA n 73 ONG : les dmarches collectives autour de la transparence, de lthique et de la qualit des actions sont les meilleurs gages de fiabilit .

m www.coordinationsud.org : le GuideSynergie Qualit (cf. encadr p. 23) est librement tlchargeable sur ce site.

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Quels enjeux pour les financements ?

RGPP : une affaire dtat ?Avec la mise en place de la Revue gnrale des politiques publiques (RGPP), bon nombre dassociations, responsables de leur mise en uvre sur le terrain, disent leur inquitude.a refonte de certains services de ltat, partenaires traditionnels des associations, et la rvision des modalits de laccs au financement public selon des rgles souvent qualifies de purement gestionnaires, posent la question de la concertation et de lavenir du cadre partenarial.

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Le prcdent de la LOLFLa rforme des finances publiques institue par la Loi organique des lois de finances (LOLF)1, fonde sur une culture des rsultats (et non plus des moyens), posait dj la question de la concertation entre autorits publiques

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et associations, pourtant responsables de la mise en application de politiques publiques sur le terrain. Deux aspects taient particulirement sensibles : lintroduction dune culture de la contractualisation (qui contraint les associations inscrire leurs projets dans les objectifs fixs par ltat) et la mise en place dindicateurs dvaluation de la performance de lemploi des fonds publics, particulirement prcis. Dans la grande majorit des cas, les associations ont t cartes de la dfinition de ces indicateurs. La Cofac2 dnonce le refus du ministre de la Culture de [co-construire] les finalits, les objectifs, et les programmes daction et dvaluation . Dautres parlent dinefficience, voire dabsurdit de certains indicateurs. On a vu apparatre des ratios qui ne prenaient pas du tout en compte les diffrences de projet , tmoigne Maryse Bastin, directrice dun CHRS. Yann Lasnier, secrtaire gnral du Cnajep, parle de surenchre du quantitatif . Il aurait fallu quil y ait coproduction de ces critres. Malheureusement, les associations ne sont pas les plus proactives dans ce domaine. Une opinion galement partage par Jean-Michel Lucas (cf. interview page 29). Ct associatif, force est de constater que la culture partenariale nest pas encore un rflexe. Dans les rgions, combien dassociations ont crit au prfet pour participer la construction des budgets oprationnels de programmes (BOP) ?

tions via des cabinets privs daudits, sous limpulsion du gouvernement. Ce dernier a dit entendre le besoin de concertation avec les partenaires responsables de la mise en uvre de ces politiques publiques sur le ter-

avec ce que cela implique de concertation, d'interministriel, nous en serions 5 % du chemin parcouru. Le message est clair : la RGPP est une affaire dtat.

Verbatim (non pas aveuglment) la Il faut faire confiancecomptence associative. partir de cette posture, d'autres critres d'valuation que ceux lis l'obligation de moyens peuvent voir le jour... Association de dveloppement et de communication sociale, le-de-France.rain, les associations notamment. Or, si on en croit les tmoignages des reprsentants associatifs, il nen a rien t ou si rarement, et avec des succs incertains. Le problme pos par la RGPP est la qualit de la concertation, reconnat ainsi Mawenn lHostis. Si lUniopss est un interlocuteur reconnu, on peut douter quil soit cout au niveau national et plus encore dans le cadre de la RGPP. Franois Fiard de Coordination SUD nuance : Nous avons d attendre longtemps avant de pouvoir tre auditionns. Mais nous avons pu rencontrer lauditeur RGPP et le ministre concerns auxquels nous avons pu prsenter nos propositions. Reste voir sil y aura application sur le terrain et surtout si le droit dinitiative, particularit du secteur, sera respect. Et au moment o le ministre des Affaires trangres est pris dans les remous de sa rorganisation, difficile de savoir quelles logiques vont lemporter... Claude Guant, directeur de cabinet du prsident de la Rpublique, sest justifi rcemment de cette critique dabsence de concertation (Acteurs Publics, 27 juin 2008) : Si nous avions adopt des mthodes classiques de prparation de la dcision

Moins dinterlocuteurs sur le terrain ?Cest lautre question souleve par la RGPP : la rorganisation des services et des administrations centrales et dconcentres. Le mot dordre de la RGPP est de ne pas dpenser un euro de plus en rduisant notamment le nombre de fonctionnaires, ce qui risque court terme, davoir une incidence sur les associations, craint Mawenn lHostis. On peut dj sinquiter de la rorganisation des DDASS et des DRASS, et de la diminution du nombre dagents sur le terrain. Des inquitudes identiques sexpriment dans le secteur sportif qui devra en outre subir la baisse des subventions accordes aux fdrations sportives et le retrait des postes mis disposition. Au nombre des mesures annonces dans le cadre de la RGPP : la fusion des DDJS et DRDJS dans des directions plus globales, la disparition de lchelon dpartemental du Centre national pour le dveloppement du sport (CNDS) et de nouvelles orientations. Le secteur sportif dplore en outre le manque de concertation sur laccompagnement ducatif ..La Vie associative n 11 Septembre 2008

Une concertation rduite peau de chagrinMais la Rvision des politiques publiques (RGPP) est encore plus emblmatique de limposition de choix tatiques dfinis en dehors de toute concertation. La LOLF (et les lois de finances) est une loi et donc soumise au vote des parlementaires. Il peut donc y avoir dbat, annuellement, sur ses modalits dapplication. Il nen est pas de mme de la RGPP confie aux services techniques des ministres et administra-

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.. Dun autre ct, la rorganisation de ltat venir laisse prsager un renforcement de lchelon administratif rgional. Cest le cas pour les directions dpartementales du travail amenes disparatre au profit dun renforcement de la direction rgionale. Cette configuration peut jouer en faveur du mouvement associatif dont la reprsentation lchelle rgionale est davantage structure. Dans certains domaines, la RGPP pourrait ainsi tre une occasion pour le secteur de retrouver en rgion un vis--vis tatique relgitim. On pourrait galement voquer la rvision gnrale des politiques publiques conduite au Canada entre 1994 et 1998. Appele Revue des programmes, elle faisait suite l'engagement du gouvernement, en 1993, de rduire le dficit de 5,9 % 3 % du PIB en 3 ans par une diminution des dpenses. Or, dans la province du Qubec, la concertation na jamais cess entre les gouvernements et le mouvement de laction communautaire. Dbut 2000, le mouvement ngociait un plan daction cens reprsenter un cadre de rfrence pour tous les fonctionnaires provinciaux travaillant avec les associations (voir encadr p. 25). Ce plan, assorti de moyens, a t mis en uvre, valu et fait aujourdhui lobjet de nouvelles ngociations pour les 5 prochaines annes.

La position de la CPCALa place des associations dans la modernisation de ltatLes rsultats de la RGPP aboutiront trs certainement un profond renouvellement de laction publique qui pourrait limage des pays qui ont dj suivi cette dmarche recourir de faon accrue aux associations pour la mise en uvre dactivits dintrt gnral. Si une telle volution est source dinnovations, elle porte en elle le risque dune fragilisation des associations qui ne peuvent tre rduites de simples prestataires des pouvoirs publics. Le partenariat entre tat et associations a vocation se consolider. Pour mettre en place les conditions techniques, conomiques et politiques de cette consolidation, la CPCA plaide en faveur : a) dune meilleure mesure de la richesse cre par les associations grce une animation interministrielle dans le cadre de la RGPP du dossier Vie associative, b) dune concertation nationale entre reprsentants de ltat et reprsentants associatifs visant un tat des lieux du poids et des modalits de partici