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LAPPROCHE COMPORTEMENTALE DE LEVALUATION DES SYSTEMES DINFORMATION : THEORIES ET TAXONOMIE DES MODELES DE RECHERCHE Serge BAILE Professeur agrégé en sciences de gestion à lUniversité de Toulouse 1. Professeur à lESC Toulouse. Président de lAssociation Information & Management. Résumé Lapproche comportementale de lévaluation des Systèmes dInformation (SI) est mise en oeuvre, depuis trois décennies et avec de nombreux modèles danalyse, dans un cadre déterministe de prédiction du succès de lutilisation des technologies de linformation. Elle mobilise des théories, dont lorigine se trouve en SI, en psychologie et en sociologie, ayant trait au comportement des utilisateurs en relation avec lutilisation, lintention et la stratégie dadoption des TI. Ce papier fait état des contributions successives des théories couramment utilisées dans ces trois grands domaines et formule, pour conclure, un cadre général de recherche destiné à leur utilisation et à leur unification. Mots-Clés : Système dInformation (SI), Technologies de lInformation (TI), Modèle Comportemental, Présence Sociale, Richesse de Médias, Interactionnisme, Symbolique, Influence Sociale, Intention dUtilisation, Modèle dAcceptation de la Technologie (MAT), Théorie de lAction Raisonnée (TAR), Théorie du Comportement Planifié (TCP), Théorie de la Diffusion de lInnovation (TDI), Théorie Socio-Cognitive (TSC), Théorie de lAlignement Tâche-Technologie (TATT). Abstract Behavioral approach of Information System (IS) is implemented, since three decades by many models, in a deterministic prediction success framework of the Information Technologies (IT) use. It mobilizes many theories with roots in IS, psychology and sociology, which concern the three areas of the IT users behavior, relating to the use, the intention and adoption strategy. This paper present the successive contributions of the theories usually used in these fields, and formulates, to conclude, a general design aiming to their use and their unification. Key-Words : Information System (IS), Information Technology (IT), Behavior Model, Social Presence, Media Richness, Symbolic Interaction, Social Influence, Usage Intention, Technology Acceptance Model (TAM), Theory of Reasoned Action (TRA), Theory of Planned Behavior (TPB), Innovation Diffusion Theory (IDT), Social Cognitive Theory (SCT), Task-Technology Alignment Theory (TTAT). 1

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Page 1: L’APPROCHE COMPORTEMENTALE DE L’EVALUATION ......travaux visant, dune part, à expliciter, décrire et expliquer lutilisation, par les m anagers, de nouveaux outils de traitement

LrsquoAPPROCHE COMPORTEMENTALE DE LrsquoEVALUATION DES SYSTEMES DrsquoINFORMATION THEORIES ET TAXONOMIE DES MODELES DE RECHERCHE Serge BAILE Professeur agreacutegeacute en sciences de gestion agrave lrsquoUniversiteacute de Toulouse 1 Professeur agrave lrsquoESC Toulouse Preacutesident de lrsquoAssociation Information amp Management

Reacutesumeacute Lrsquoapproche comportementale de lrsquoeacutevaluation des Systegravemes drsquoInformation (SI) est mise en oeuvre depuis trois deacutecennies et avec de nombreux modegraveles drsquoanalyse dans un cadre deacuteterministe de preacutediction du succegraves de lrsquoutilisation des technologies de lrsquoinformation Elle mobilise des theacuteories dont lrsquoorigine se trouve en SI en psychologie et en sociologie ayant trait au comportement des utilisateurs en relation avec lrsquoutilisation lrsquointention et la strateacutegie drsquoadoption des TI Ce papier fait eacutetat des contributions successives des theacuteories couramment utiliseacutees dans ces trois grands domaines et formule pour conclure un cadre geacuteneacuteral de recherche destineacute agrave leur utilisation et agrave leur unification Mots-Cleacutes Systegraveme drsquoInformation (SI) Technologies de lrsquoInformation (TI) Modegravele Comportemental Preacutesence Sociale Richesse de Meacutedias Interactionnisme Symbolique Influence Sociale Intention drsquoUtilisation Modegravele drsquoAcceptation de la Technologie (MAT) Theacuteorie de lrsquoAction Raisonneacutee (TAR) Theacuteorie du Comportement Planifieacute (TCP) Theacuteorie de la Diffusion de lrsquoInnovation (TDI) Theacuteorie Socio-Cognitive (TSC) Theacuteorie de lrsquoAlignement Tacircche-Technologie (TATT) Abstract Behavioral approach of Information System (IS) is implemented since three decades by many models in a deterministic prediction success framework of the Information Technologies (IT) use It mobilizes many theories with roots in IS psychology and sociology which concern the three areas of the IT userrsquos behavior relating to the use the intention and adoption strategy This paper present the successive contributions of the theories usually used in these fields and formulates to conclude a general design aiming to their use and their unification Key-Words Information System (IS) Information Technology (IT) Behavior Model Social Presence Media Richness Symbolic Interaction Social Influence Usage Intention Technology Acceptance Model (TAM) Theory of Reasoned Action (TRA) Theory of Planned Behavior (TPB) Innovation Diffusion Theory (IDT) Social Cognitive Theory (SCT) Task-Technology Alignment Theory (TTAT)

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Introduction La place de lrsquoapproche comportementale pour eacutevaluer les Systegravemes drsquoinformation Lrsquoapproche comportementale de lrsquoeacutevaluation des SI srsquoinscrit depuis trois deacutecennies dans une perspective de recherche deacuteterministe destineacutee agrave mieux comprendre comment le comportement humain est associeacute au succegraves ou agrave lrsquoeacutechec de lrsquoutilisation des TI Plus preacuteciseacutement les nombreux travaux qursquoelle supporte srsquointeacuteressent au fait que les sciences dites du comportement permettraient de saisir certains meacutecanismes et facteurs humains essentiels qui facilitent lrsquointeraction des individus avec les technologies de lrsquoinformation et conditionnent de la sorte la performance du systegraveme drsquoinformation De tregraves nombreuses recherches empiriques ont ainsi permis depuis les tous premiers travaux de lrsquoEcole du Minnesota (Lucas 1973 1978 Dickson et al 1977 Swanson 19821988 Bailey et Pearson 1983) de deacutevelopper des modegraveles taxonomiques et de preacutediction capables drsquoisoler les facteurs organisationnels (structure organisationnelle transformation de processus qualiteacute du management culture technologiquehellip) fonctionnels ou de groupe (valeur et culture professionnelle satisfaction des usagers hellip) individuels (attitudes motivation satisfaction implication participationhellip) et environnementaux (politiques eacuteconomiques technologiques sociaux et culturels) pouvant aider agrave isoler les obstacles et expliquer le comportement des utilisateurs finals Les perspectives theacuteoriques drsquoeacutevaluation se sont multiplieacutees drsquoabord avec une vue socio-cognitive de lrsquointeraction hommemachine mettant lrsquoaccent sur les diffeacuterences individuelles et les technologies deacutecisionnelles puis avec une vision organisationnelle et strateacutegique (Banker et Kauffman 2004) du deacuteveloppement des SI eacutetendu agrave lrsquoorganisationnel aux processus drsquoaffaires et agrave la strateacutegie de lrsquoentreprise Ces perspectives nrsquoont pas abouti cependant agrave la construction drsquoun veacuteritable meacuteta-modegravele utilisable pour expliquer lrsquoutilisation des TI Lrsquoimage qui eacutemerge aujourdrsquohui de ces travaux est celle drsquoun nœud complexe de facteurs contributifs dans un contexte theacuteorique riche permettant drsquoutiliser des cadres theacuteoriques diffeacuterencieacutes selon la strateacutegie drsquointervention neacutecessiteacutee pour promouvoir lrsquousage drsquoune TI (Kukafka et al 2003) Ce constat est actuellement agrave lrsquoorigine drsquoune interrogation sur lrsquoapport des theacuteories jusqursquoici mobiliseacutees sur leur reacuteelle contribution agrave lrsquoeacutetude des pheacutenomegravenes sous-jacents agrave la valorisation des SI dans une optique drsquoefficience organisationnelle et par voie de conseacutequence sur la meilleure utilisation des capaciteacutes offertes par les TI tant au niveau individuel (poste de travail ou utilisateur final) que collectif (projet ou groupe de tacircche) Cette interrogation est importante autant pour le chercheur qui se trouve confronteacute agrave des choix theacuteoriques lors de la deacutefinition de sa probleacutematique de recherche que pour les praticiens et consultants qui deacuteveloppent souvent des outils drsquoenquecircte et des meacutetriques drsquoeacutevaluation souffrant drsquoune absence manifeste de reacutefeacuterentiels conceptuels Ainsi dans le contexte de laquo lrsquoaudit social raquo lrsquoapproche comportementale de lrsquoeacutevaluation des SI reacutepond agrave cette double exigence dans une organisation sociale de lrsquoentreprise baseacutee la place de plus en plus importante des SI et sur un usage sans cesse croissant des TI destineacutees aux utilisateurs drsquoune part de vaincre les difficulteacutes de mesure (inheacuterentes agrave la multitude drsquoimpacts des SITI sur le deacuteveloppement des organisations) et drsquoautre part de tenter de concevoir agrave terme un schegraveme theacuteorique drsquoeacutevaluation de lrsquoimpact des SITI (destineacute agrave creacuteer un environnement de travail pour lrsquoheure inexistant) Cette approche comportementale de lrsquoeacutevaluation des SI est agrave la diffeacuterence de lrsquoapproche eacuteconomique reacutepondant agrave ces principes de gouvernance technologique (Baile 2005) drsquoune richesse theacuteorique sans aucune mesure de par son eacutevolution historique et la varieacuteteacute des concepts qursquoelle manipule Elle a fermenteacute dans le contexte anglo-saxon de lrsquoOB (Organizational Behavior) et des MIS (Management Information System) de tregraves nombreux

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travaux visant drsquoune part agrave expliciter deacutecrire et expliquer lrsquoutilisation par les managers de nouveaux outils de traitement de lrsquoinformation et de communication et drsquoautre part de preacuteconiser et mettre en œuvre de bonnes pratiques de management neacutecessitant de nouvelles meacutethodes et regravegles de travail Cette approche se reacutefegravere largement aux concepts fondamentaux de la sociologie des organisations de la psychologie cognitive ou sociale et de la strateacutegie Elle se deacutecline dans ce papier selon les trois objets de recherche courants en management des systegravemes drsquoinformation relatifs drsquoune part au laquoprocessus de communication humain mettant en œuvre des TI raquo drsquoautre part agrave laquolrsquointention de les utiliser dans les tacircches de management raquo enfin agrave laquo leur adoption en tant que nouvelles technologies support agrave innovation dans les processus intra~inter organisationnels raquo Cette taxonomie des theacuteories et modegraveles vise agrave contribuer agrave lrsquoeacutetude des modaliteacutes et des principes par nature diffeacuterents mais quelquefois compleacutementaires utiliseacutees par les chercheurs pour traiter les probleacutematiques (1) drsquoadaptation des individus agrave toute modification drsquoenvironnement de leur travail occasionneacutee par lrsquousage de TI (2) de transformation organisationnelle entraicircneacutee par lrsquoobligation de concevoir un nouveau modegravele drsquoorganisation baseacute sur le SI et (3) de conduite du changement eu eacutegard des objectifs organisationnels nouveaux (drsquoameacutelioration des relations drsquoaffaires de facilitation des eacutechanges interpersonnels hellip) et des perspectives de travail plus participatives et coopeacuteratives Elle constitue un cadre original de travail pour appreacutehender les fondements conceptuels qui justifient positivement agrave recommander (1) une deacutemarche drsquoaudit visant agrave identifier certaines pratiques drsquoune eacutevaluation plus sociale et humaine que technologique et financiegravere des SI (2) une mesure du succegraves de la mise en œuvre des TI professionnelles dans le respect des regravegles drsquoameacutelioration des conditions de travail et de satisfaction personnelle et (3) un guide de bonne conduite pour lrsquoassistance agrave la maicirctrise drsquoouvrage agrave la coordination des SI dans les entreprises ayant fait un choix drsquoaligner leur strateacutegie de deacuteveloppement agrave celles de leur ressources en SI

1 Les theacuteories relatives agrave lrsquoutilisation des technologies de la communication Les theacuteories relatives agrave lrsquoutilisation des TIC peuvent se classer en deux cateacutegories en rapport drsquoune part avec la composante rationnelle et drsquoautre part avec la composante sociale du choix drsquoun meacutedia technologique Geacuteneacuteralement le deacutebat sur les deacuteterminants du choix des moyens de traitement de communication concerne le pouvoir explicatif de diverses theacuteories et se focalise en particulier sur la theacuteorie de la richesse des meacutedias (TRM) et sur le modegravele de lrsquoinfluence sociale (MIS) (Fulk et Boyd 1991 Markus 1994 Webster et Trevino 1995) La theacuteorie de la richesse des meacutedia (Daft et Lengel 1984 1986) a longtemps domineacute elle suppose que le choix des moyens de communication est un processus rationnel reacutesultant de lrsquoadeacutequation entre les caracteacuteristiques des moyens de communication et le contenu du message Le modegravele de lrsquoinfluence sociale plus reacutecent focalise son attention sur les deacuteterminants sociaux du choix des moyens de communication (Fulk Schmitz et Steinfield 1990) Tregraves souvent ces theacuteories sont opposeacutees les unes aux autres et rarement consideacutereacutees comme des approches compleacutementaires Rice et al (1994) proposent que la dichotomie entre les influences rationnelles et sociales est artificielle et nrsquoest peut-ecirctre pas neacutecessaire Beaucoup drsquoeacutetudes cependant nrsquoexaminent qursquoun faible nombre drsquoinfluences geacuteneacuteralement issues de lrsquoune ou lrsquoautre approche (Rice 1992 Sitkin et al 1992) Les eacutetudes associant les deux approches sont beaucoup plus rares (Webster et Trevino 1995) Lrsquoenvironnement theacuteorique srsquoappuie donc sur quatre theacuteories issues des deux courants Les

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deux premiegraveres la theacuteorie de la preacutesence sociale et la theacuteorie de la richesse des moyens de communication sont relatives aux deacuteterminants rationnels du choix et de lrsquoutilisation drsquoun meacutedia Les deux derniegraveres la theacuteorie de lrsquointeractionnisme symbolique et la theacuteorie de lrsquoinfluence sociale concernent les deacuteterminants sociaux de la seacutelection et de lrsquoutilisation drsquoun meacutedia

11 La theacuteorie de la preacutesence sociale La theacuteorie de la preacutesence sociale (Short et al 1976) est la premiegravere approche deacutecrivant lrsquoutilisation des moyens de communication comme le reacutesultat drsquoun processus de choix Elle contribue au classement des meacutedia selon leur niveau de preacutesence sociale (Rice 1984 Hiltz et al 1986 Steinfield 1986 Culnan et Markus 1987) et pose lrsquohypothegravese geacuteneacuterale drsquoun manque drsquoindicateurs de contexte social (Walther 1992) Reacutecemment elle a eacuteteacute largement utiliseacutee dans des recherches sur lrsquoenseignement agrave distance (Gunawardena et Zittle 1997 Angeli et al 1998 Kanuka et Anderson 1998 McDonald 1998 Weiss et Morisson 1998) Short et al (1976) deacutefinissent la preacutesence sociale comme suit laquo Bien que nous nous attendions agrave ce qursquoelle affecte la maniegravere dont les individus perccediloivent leurs eacutechanges et leurs relations avec leurs partenaires de communication il est important de souligner que nous deacutefinissons la preacutesence sociale comme une qualiteacute du moyen de communication lui-mecircme Nous supposons que les moyens de communication varient dans leur degreacute de preacutesence sociale et que ces variations influencent les interactions entre les partenaires de la communication (page 65) Cette deacutefinition reste assez floue car elle ne permet pas de distinguer si ce sont les caracteacuteristiques reacuteelles des meacutedia qui expliquent les diffeacuterences de communication ou si ce sont les perceptions des utilisateurs qui altegraverent leurs comportements Certains auteurs tentent de remeacutedier agrave son insuffisance car le concept est ambigu et mal deacutefini il est caracteacuteriseacute par des adjectifs (eg chaudfroid personnelimpersonnel sensibleinsensible et sociablepeu sociable) et ne semble pas tregraves opeacuterationnel (Rice et Case 1983 Barillot 1996) Drsquoautres eacutetudient le lien entre les activiteacutes des utilisateurs et lrsquoutilisation de la messagerie eacutelectronique Steinfield (1986) montre par exemple que les principales activiteacutes supporteacutees par la messagerie eacutelectronique sont lrsquoeacutechange et la recherche drsquoinformation Pour lui les caracteacuteristiques propres agrave ce meacutedium (telles la communication textuelle et asynchrone) contribuent agrave la reacutealisation de ces activiteacutes notamment lorsque lrsquoinformation est complexe Par contre certaines activiteacutes (comme la transmission drsquoinformations priveacutees ou confidentielles la neacutegociation et la reacutesolution de conflit) ne sont pas supporteacutees par la messagerie eacutelectronique Lrsquoeacutetude de Barillot (1996 1998) aboutit agrave des reacutesultats similaires La messagerie eacutelectronique est utiliseacutee dans les eacutechanges drsquoinformations factuelles preacutecises et agrave la dureacutee de vie limiteacutee ainsi que pour le traitement drsquoinformations bien structureacutees et de fort volume Par contre ce meacutedium nrsquoest que peu ou pas utiliseacute pour la reacutesolution de conflit la prise de deacutecision et les activiteacutes routiniegraveres (diffusion drsquoinformations courantes gestion drsquoemploi du temps) Selon lrsquoauteur ces derniegraveres requiegraverent et affectent les relations sociales entre les individus ce qui explique la faible utilisation de la messagerie eacutelectronique La theacuteorie de la preacutesence sociale est souvent associeacutee pour reacutesumer agrave la theacuteorie de la richesse des moyens de communication mais elle nrsquoest pas consideacutereacutee comme une theacuteorie sur le choix des moyens de communication Elle est au mieux pour certains chercheurs un vague concept jamais clairement deacutefini par ses concepteurs (Svenning et Ruchinskas 1984 p 248) Pour drsquoautres elle est un concept inteacuteressant mais qui ne possegravede pas un pouvoir explicatif eacuteleveacute (Rudy 1996 p 203)

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12 La theacuteorie de la richesse des moyens de communication La theacuteorie de la richesse des moyens de communication (Daft et Lengel 1984 1986) est relative au choix rationnel (lieacute agrave des facteurs objectifs) drsquoun moyen de communication Le concept de richesse de la communication est deacutefini par Daft et Lengel (1986) comme la capaciteacute de lrsquoinformation agrave modifier la compreacutehension drsquoune situation etou drsquoun message dans un laps de temps deacutetermineacute Les communications mettant en jeu diffeacuterents scheacutemas de reacutefeacuterence ou clarifiant des situations ambigueumls sont consideacutereacutees comme riches Au contraire celles qui ne confrontent pas plusieurs perspectives ou qui ne permettent pas drsquoarriver rapidement agrave une solution sont consideacutereacutees comme pauvres Dans un sens la richesse est lieacutee agrave la capaciteacute drsquoapprentissage de la communicationhellip (page 560) Les auteurs avancent lrsquohypothegravese que la richesse de la communication est une proprieacuteteacute invariante et objective des moyens de communication Ceux-ci sont rangeacutes sur un continuum de richesse le plus riche eacutetant le face-agrave-face et le moins riche lrsquoeacutecrit numeacuterique (type sortie informatique) la messagerie eacutelectronique se situant entre le teacuteleacutephone et lrsquoeacutecrit (Steinfield et Fulk 1985 Treacutevino Daft et Lengel 1990 Trevino Lengel Bodensteiner Gerloff et Muir 1990) Cette hieacuterarchisation des moyens de communication est baseacutee sur quatre proprieacuteteacutes

- la rapiditeacute du retour de lrsquoinformation - la preacutesence drsquoindicateurs multiples tels que le ton de la voix les gesteshellip - la varieacuteteacute du langage utiliseacute (langage oral eacutecrit ou numeacuterique) et - la personnalisation lieacutee agrave la capaciteacute du moyen de communication agrave transporter les

sentiments et les eacutemotions Ainsi chaque moyen de communication nrsquoest pas juste une source drsquoinformations mais repreacutesente une diffeacuterence dans la maniegravere de traiter les informations Cette theacuteorie se deacutecline en deux approches La premiegravere lrsquoapproche prescriptive suppose lrsquoadeacutequation entre les besoins en traitement de lrsquoinformation des organisations et les canaux de communication disponibles dans ces organisations dans un souci drsquoefficaciteacute organisationnelle (Daft et Lengel 1984 1986) La deuxiegraveme lrsquoapproche descriptive deacutecrit comment les individus doivent choisir les moyens de communication dans un soucis drsquoefficaciteacute personnelle (Daft et al 1987 Russ et al 1990 Trevino et al 1990) Cette approche est baseacutee sur trois propositions

- Les moyens de communication possegravedent des proprieacuteteacutes inheacuterentes qui sont deacutecrites objectivement La richesse de lrsquoinformation est traiteacutee comme une proprieacuteteacute relativement invariante pour lrsquoutilisateur et par rapport au contexte drsquoutilisation

- Les diffeacuterences de caracteacuteristiques entre les moyens de communication sont importantes pour les utilisateurs

- Les comportements et les attitudes individuels sont une reacuteponse au traitement cognitif des caracteacuteristiques des moyens de communication

La theacuteorie de la richesse des moyens de communication a fait lrsquoobjet de nombreuses eacutetudes (voir agrave cet effet les articles de Markus (1994) et Rudy (1996)) Elle est cependant critiqueacutee car elle ne prend pas assez en compte les facteurs de situation qui influencent le comportement et les facteurs sociaux qui modifient les perceptions

13 La theacuteorie de lrsquointeractionnisme symbolique La theacuteorie de lrsquointeractionnisme symbolique (Mead 1934 Blumer 1969) permet drsquoeacutetendre la theacuteorie de la richesse des moyens de communication au-delagrave de lrsquointeacuterecirct qursquoelle porte aux besoins en traitement de lrsquoinformation Blumer (1969) deacutefinit lrsquointeractionnisme symbolique comme un processus drsquointeraction entre les individus dans la formation des significations La theacuteorie est construite autour de trois principes Le premier la signification traduit le fait que

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les individus agissent en fonction du sens qursquoils donnent aux autres individus et aux objets Le deuxiegraveme le langage donne aux individus les moyens de symboliser la signification qursquoils donnent aux autres personnes et aux objets Le troisiegraveme la penseacutee donne la possibiliteacute aux individus de modifier le sens des symboles Ce troisiegraveme principe distingue cette theacuteorie des autres eacutecoles de penseacutee pour qui la signification est simplement lrsquoapplication de deacutefinitions preacute-eacutetablies agrave des situations speacutecifiques Blumer insiste sur le fait que le processus interpreacutetatif et le contexte dans lequel il intervient sont des eacuteleacutements essentiels dans la formation et lrsquoutilisation drsquoune signification En ce sens la theacuteorie de lrsquointeractionnisme symbolique est importante car elle fournit une base pour appreacutehender la construction des significations Le cadre de travail de lrsquointeractionnisme symbolique peut srsquoappliquer agrave lrsquoeacutetude du comportement de communication dans les organisations En effet de mecircme que la socieacuteteacute est vue comme un reacuteseau dynamique de communication lrsquoorganisation peut se concevoir comme un systegraveme dynamique de penseacutees De ce point de vue agrave la base de lrsquointeraction entre les membres drsquoune organisation se trouve un systegraveme de partage des penseacutees et des significations Les symboles eacutevoluent dans le temps et prennent de la signification permettant aux membres de lrsquoorganisation de reacutesoudre des problegravemes La creacuteation de nouveaux symboles et de nouvelles significations neacutecessitent que les membres de lrsquoorganisation travaillent ensemble Ce point de vue est similaire agrave lrsquoapproche interpreacutetative de la communication organisationnelle qui insiste sur le rocircle des processus symboliques et des significations subjectives dans la communication organisationnelle (Putnam et Pacanowsky 1983 Krone et al 1987) Stryker (1980) et Stryker et Statham (1985) vont plus loin et proposent un nouveau cadre de travail lrsquointeractionnisme symbolique structurel qui integravegre lrsquoapproche interpreacutetative de lrsquointeractionnisme symbolique et une approche plus traditionnelle dans laquelle le comportement est preacutevisible Ce nouveau cadre de travail voit le comportement de choix des moyens de communication agrave la fois comme un comportement de creacuteation de symboles et un comportement de communication de symboles Le premier apparaicirct lorsque les membres de lrsquoorganisation nrsquoarrivent pas agrave communiquer correctement ou encore lorsqursquoils ne partagent pas la mecircme perception des eacuteveacutenements Dans ce cas il nrsquoexiste pas de perspective commune et la communication nrsquoest motiveacutee que par le besoin de combler les diffeacuterences Le comportement de creacuteation de symbole est ainsi lieacute agrave des situations ambigueumls Les membres de lrsquoorganisation doivent alors choisir des moyens de communication riches pour faire face agrave cette ambiguiumlteacute Le deuxiegraveme apparaicirct lorsqursquoil existe deacutejagrave un partage des significations Lrsquoexistence de points de vue communs facilite lrsquointerpreacutetation des situations et des eacuteveacutenements Dans ce cas la communication nrsquoest utiliseacutee que pour partager les points de vue Ainsi le comportement de communication de symboles est lieacute agrave des situations peu ambigueumls Les membres de lrsquoorganisation peuvent alors se contenter drsquoutiliser des moyens de communication pauvres Plusieurs eacutetudes se basent sur le cadre de travail de lrsquointeractionnisme symbolique et montrent que le choix des moyens de communication est deacutetermineacute par trois facteurs le caractegravere ambigu du message le contexte drsquoutilisation de lrsquooutil de communication et la signification symbolique donneacutee agrave cet outil (Trevino Lengel et Daft 1987 Daft et al 1987 Markus 1994 Straub et Karahana 1998 Trevino et al 2000) Ces travaux montrent pour reacutesumer que la theacuteorie de lrsquointeractionnisme symbolique est une premiegravere reacuteponse aux critiques formuleacutees agrave lrsquoencontre de la theacuteorie de la richesse des moyens de communication

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14 La theacuteorie de lrsquoinfluence sociale Partant du constat qursquoil existe des explications alternatives au comportement de choix des moyens de communication Fulk et al (1987) et Fulk et al (1990) suggegraverent drsquointeacutegrer une perspective lieacutee au traitement social de lrsquoinformation agrave celle inheacuterente aux caracteacuteristiques des moyens de communication Ils proposent ainsi que les perceptions individuelles des moyens de communication sont deacutetermineacutees drsquoune part par leurs caracteacuteristiques objectives et drsquoautre part par les attitudes et comportements des autres membres de lrsquoorganisation Ces sources drsquoinfluence sociale contribuent agrave ameacuteliorer les perceptions individuelles en apportant des critegraveres drsquoeacutevaluation des caracteacuteristiques des moyens de communication en mettant lrsquoaccent sur les caracteacuteristiques les plus pertinentes et en guidant leur interpreacutetation par rapport aux critegraveres drsquoeacutevaluation De mecircme le choix drsquoun moyen de communication est deacutetermineacute drsquoune part par un processus objectif drsquoeacutevaluation et drsquoautre part par les influences sociales En effet les individus deacuteveloppent des comportements socialement acceptables qui trouvent leur justification dans les normes organisationnelles Celles-ci conduisent eacutegalement agrave un consensus social sur lrsquoutilisation approprieacutee des moyens de communication Les attitudes envers les moyens de communication sont eacutegalement influenceacutees par les comportements anteacuterieurs Le comportement drsquoutilisation des moyens de communication est aussi deacutetermineacute par les besoins de traitement des tacircches et par lrsquoinformation sociale lieacutee agrave ces besoins Les modegraveles traditionnels posent que le contenu de la tacircche et la preacutesence sociale sont deux deacuteterminants importants de lrsquoutilisation Steinfield et Fulk (1986) et Trevino et al (1987) montrent que lrsquoutilisation de la messagerie eacutelectronique est lieacutee agrave la dispersion geacuteographique des individus et la pression du travail agrave lrsquoutilisation du teacuteleacutephone et du face-agrave-face Ainsi les indicateurs issus de lrsquoenvironnement social permettent agrave lrsquoindividu de deacutefinir drsquoune part les besoins objectifs de la tacircche et drsquoautre part les besoins des communicants pour cette tacircche Les contraintes structurelles sont de la mecircme maniegravere un deacuteterminant du comportement drsquoutilisation Markus (1987 1990) montre que lrsquoutilisation drsquoun moyen de communication est lieacutee au deacuteveloppement drsquoune masse critique drsquoutilisateurs notamment en ce qui concerne les nouveaux moyens de communication Par contre lrsquoinfluence sociale diminue lorsque lrsquoexpeacuterience individuelle dun moyen de communication particulier est importante (Thomas et Griffin 1983) Fulk et al (1987 1990) preacutefegraverent dire que le manque drsquoexpeacuterience et de connaissance dun moyen de communication augmentent lrsquoinfluence sociale sur lrsquoutilisation de ce moyen de communication Plusieurs eacutetudes (Schmitz et Fulk 1991 Fulk et al 1995 Trevino et al 2000) font eacutetat de lrsquoimportance des facteurs sociaux dans le choix et lrsquoutilisation des moyens de communication Il semble important pour reacutesumer de noter que la perspective de lrsquoinfluence sociale nrsquoexclue pas le caractegravere rationnel du choix drsquoun moyen de communication Elle pose simplement la preacutemisse que ce choix est une des options qui eacutemerge du processus drsquoinfluence sociale dans les organisations

15 Pour conclure Ces theacuteories sont issues de la psychosociologie mais nrsquoont que tregraves rarement eacuteteacute mobiliseacutees dans le champ des recherches en SI pour appreacutehender comment le contexte social pouvait drsquoune part creacuteer des perceptions de faciliteacute drsquoutilisation drsquoutiliteacute de convivialiteacute hellip autant de concepts riches pour eacutetudier les meacutecanismes drsquointeraction hommemachine et la conception des interfaces utilisateurs (Baile 1985 2001 Baile et Lefiegravevre 2003) et drsquoautre part accroicirctre la capaciteacute drsquoameacuteliorer et guider certains processus de gestion mettant en œuvre des TI (Baile 2004) Lrsquoaudit de tels systegravemes que nous pourrions caracteacuteriser de laquo socio-

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techniques raquo faisant reacutefeacuterence dans la litteacuterature au laquo choix des meacutedias de communication eacutelectronique raquo pourrait alors emprunter agrave ces theacuteories des concepts cleacutes de laquo preacutesence sociale raquo laquo drsquoinfluence sociale raquo et de laquo traitement social de lrsquoinformation raquo (Karahanna et Straub 1999) agrave savoir des laquo reacuteactions individuelles agrave lrsquoutilisation des TIC raquo (Venkatesh et al 2003 page 427) La laquo preacutesence sociale raquo est supposeacutee pour exemple affecteacute les croyances touchant agrave lrsquoutiliteacute drsquoutiliser soit une TI de support (agrave un traitement de lrsquoinformation ou agrave une communication eacutelectronique) soit un meacutedia traditionnel (par exemple audio-visuel ou papier La preacutesence sociale (et la theacuteorie de la richesse des moyens de communication) suggegravere ainsi que la performance (relative agrave lrsquoaccomplissement drsquoune tacircche de gestion assisteacutee par une TI) srsquoaccroicirctra si la preacutesence sociale du meacutedia est coupleacutee au besoin de communication que neacutecessite une tacircche Ainsi une TI qui serait eacuteleveacutee en laquo preacutesence sociale raquo serait plus approprieacutee pour supporter une communication socio-eacutemotionnelle et reacutesoudre des tacircches eacutequivoques (reacutesolution de conflit communications interpersonnelles et sociales tentatives drsquoinfluences) laquo Lrsquoinfluence sociale raquo (Salancik et Pfeffer 1978) est supposeacutee aussi affecter les croyances touchant agrave lrsquoutilisation drsquoun media technologique La theacuteorie de lrsquoinfluence sociale suggegravere ici que les attitudes et comportements sont deacutetermineacutes par le contexte social De sorte que les perceptions des caracteacuteristiques drsquoune TI de support agrave une tacircche les besoins de communication concernant cette tacircche et les attitudes vis-agrave-vis du meacutedia de communication seraient influenceacutees par les normes sociales par les actions et positions de lrsquoencadrement et des dirigeants vis-agrave-vis du meacutedia ainsi que par des attitudes anteacuterieures ou une utilisation passeacutee Ces deux concepts cleacutes tireacutes des theacuteories de reacutefeacuterence teacutemoignent de lrsquointeacuterecirct porteacute tregraves tocirct par les psycho-sociologues aux meacutecanismes de lrsquointeraction entre lrsquohomme et la technologie Tregraves reacutecemment quelques auteurs suggegraverent drsquoeacutetendre ces travaux et drsquoen utiliser les systegravemes drsquoeacutevaluation et construits aux modegraveles theacuteoriques plus reacutecents baseacutes sur les intentions de preacutediction du comportement des utilisateurs de TI

2 Les theacuteories baseacutees sur les intentions de lrsquoutilisateur et le Modegravele

21 Place des theacuteories et contexte drsquoutilisation en SI Une part importante des travaux de recherche en SI fait appel aux theacuteories comportementales traitant des intentions des individus pour preacutevoir lrsquousage de TI (Kukafka et al 2003) Les modegraveles visent agrave identifier certains deacuteterminants des intentions telles des attitudes des influences sociales et des conditions qui facilitent lrsquoutilisation de technologies (Davis 1989) Les theacuteories de lrsquoaction raisonneacutee et du comportement planifieacute font eacutetat de modegraveles traitant de lrsquointention

La theacuteorie de lrsquoaction raisonneacutee (Ajzen et Fishbein 1980 Ajzen et Madden 1986) suggegravere que lrsquointention drsquoadopter une technologie est deacutetermineacutee chez un individu par deux facteurs de base lrsquoun refleacutetant son inteacuterecirct personnel et lrsquoautre son influence sociale Lrsquointeacuterecirct personnel se reacutefegravere agrave une attitude qui conduit un utilisateur agrave eacutevaluer favorablement ou deacutefavorablement lrsquoadoption drsquoune TI Lrsquoinfluence sociale consideacutereacutee comme une norme subjective se reacutefegravere agrave la perception qursquoont les individus de ce que les autres attendent drsquoeux et agrave leur degreacute de motivation de se conformer agrave ces attentes

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La theacuteorie du comportement planifieacute (Ajzen 1991) est une extension de la theacuteorie de lrsquoaction raisonneacutee (TAR) Celle-ci fait intervenir le controcircle comportemental perccedilu lors drsquoun effort qui prend en compte certains facteurs qui se trouveraient en dehors des possibiliteacutes de controcircle drsquoun individu et pourraient affecter son intention et son comportement Ce prolongement theacuteorique est soutenu par lrsquohypothegravese qursquoun comportement performant est agrave la fois deacutetermineacute par la motivation (lrsquointention) et la capaciteacute (le controcircle comportemental) Le controcircle comportemental traduit la perception des conditions qui facilitent lrsquousage de certaines ressources comme les TIC ainsi que celle de leurs capaciteacutes Ainsi pour la theacuteorie du comportement planifieacute lrsquointention dadopter une nouvelle technologie peut se preacutedire en prenant en compte la perception qursquoune activiteacute innovatrice est souhaiteacutee supporteacutee par des normes sociales et reacutealisable

Adapteacute de la theacuteorie de laction raisonneacutee1 (TAR) le modegravele drsquoacceptation de la technologie (MAT) preacutesente lavantage dinteacutegrer plusieurs aspects des theacuteories sur le comportement individuel deacuteveloppeacutee par la psychologie sociale Le MAT a eacuteteacute conccedilu par Davis (1986) pour expliquer le comportement de lutilisateur des SI et suscite toujours beaucoup drsquointeacuterecirct chez les chercheurs en SI En ce sens Davis Bagozzi et Warshaw (1989) notent que le modegravele est speacutecialement conccedilu pour expliquer le comportement agrave lrsquoeacutegard des ordinateurs (p983) Le but du modegravele est decirctre capable dexpliquer le comportement des utilisateurs vis agrave vis des technologies de linformation au sein de diffeacuterentes populations et dans diffeacuterents contextes (p985) Le MAT fut utiliseacute cette derniegravere deacutecennie pour expliquer lacceptation de TIC aussi diverses que les micro-ordinateurs (Igbaria 1993 1994 Igbaria et Iivari 1995 Igbaria et Tan 1997) les logiciels de traitement de texte (Davis et al 1989 Adams et al 1992) les tableurs (Mathieson 1991 Adams et al1992) les systegravemes daide agrave la deacutecision de groupe (Robichaux 1994 Chin et Gopal 1995) les outils de groupware le fax (Straub 1994) la messagerie eacutelectronique ou vocale (Venkatesh et Davis 1994 Straub et al 1995 Hubona et Whisenand 1996 Gefen et Straub 1997) et lrsquointernet (Teo et al 1999) Dans la majoriteacute des travaux qui mobilisent ce modegravele les investigations theacuteoriques vont bien au-delagrave des preacuteceptes lieacutes aux perceptions et attitudes des utilisateurs suggeacutereacutees introduits par Davis (1986 1989) pour expliquer lacceptation des TIC Les chercheurs considegraverent de plus en plus les effets dautres variables comme les caracteacuteristiques des utilisateurs de lorganisation ou celles des systegravemes drsquoinformation et des technologies pour justifier le comportement

22 Principes et concepts retenus par le MAT Le modegravele dacceptation de la technologie a pour objectif essentiel drsquoeacutevaluer limpact de divers facteurs externes sur les croyances internes attitudes et intentions des utilisateurs Il a eacuteteacute introduit dans les travaux en SI pour atteindre cet objectif en proposant un petit nombre de concepts cleacutes deacutejagrave suggeacutereacutes dans des eacutetudes anteacuterieures traitant des deacuteterminants affectifs et cognitifs de lacceptation des ordinateurs (Davis et al 1989) Pour ce faire celui-ci se fonde principalement sur la theacuteorie de laction raisonneacutee (Fishbein et Ajzen 1975) pour modeacuteliser les relations entre ces concepts Lutiliteacute perccedilue et la faciliteacute dutilisation perccedilue sont les deux construits cleacutes du MAT

1 Theory of Reasoned Action

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221 Deacutefinition et fondements conceptuels de la theacuteorie Le MAT justifie lutilisation des TIC essentiellement agrave partir de deux facteurs lutiliteacute perccedilue et la faciliteacute dutilisation perccedilue Bien que de nombreux chercheurs aient tenteacute dexpliquer le comportement individuel avec ces facteurs tregraves peu se sont interrogeacutes sur les origines theacuteoriques du modegravele ne serait-ce que pour tenter de justifier lrsquoimportance prise par cet axe de recherche notamment avec ce que Karahanna et Straub (1999) appellent laquo la theacuteorie eacutemergente de lrsquoacception des TIC raquo Il convient de rappeler la deacutefinition de ces deux construits et leurs fondements theacuteoriques

Deacutefinition des concepts Les deacutefinitions les plus courantes dans la litteacuterature de lutiliteacute et de la faciliteacute dutilisation perccedilue sont celles que propose Davis (1986 1989) Ces deacutefinitions seront reprises dans de nombreux travaux sur le MAT

Lutiliteacute perccedilue est deacutefinie comme eacutetant le degreacute avec lequel une personne pense que lutilisation dun systegraveme ameacuteliore sa performance au travail En ce sens dans un contexte organisationnel donneacute plusieurs eacuteleacutements peuvent contribuer agrave ameacuteliorer la performance des salarieacutes agrave savoir des augmentations de salaire des promotions des bonus ou autres reacutecompenses (Pfeffer 1982 Schein 1980 Vroom 1964)

La faciliteacute dutilisation perccedilue se rapporte au degreacute auquel une personne pense que lutilisation dun systegraveme ne neacutecessite pas defforts Cette deacutefinition suggegravere quune application perccedilue comme eacutetant plus facile agrave utiliser a plus de chance decirctre accepteacutee par les utilisateurs

Les fondements conceptuels

Les concepts dutiliteacute et de faciliteacute dutilisation qui ont reccedilu une attention particuliegravere dans des eacutetudes reacutecentes en SI (Lucas et Spietler 1999 Hu et al 1999 Karahanna et Straub 1999 Agarwal et Prasad 1999 Venkatesh et Morris 2000) trouvent leurs fondements dans plusieurs theacuteories En effet ces deux construits ont pour avantage dinteacutegrer dans leurs deacutefinitions celles de concepts issus de theacuteories aussi diverses que

- la theacuteorie de lefficaciteacute personnelle - le paradigme Coucirct Beacuteneacutefice - la diffusion des innovations - le modegravele de Triandis ou - dautres champs de recherche diffeacuterents des SI

Ces modegraveles prennent en compte pour expliquer le comportement des concepts qui sous des appellations diffeacuterentes recouvrent lutiliteacute et la faciliteacute dutilisation perccedilue

La theacuteorie de lefficaciteacute personnelle (Bandura 1982) suggegravere que le comportement est deacutetermineacute agrave la fois par des croyances defficaciteacute personnelle et par des croyances de reacutesultat Cette theacuteorie eacutetablit ainsi clairement la distinction entre les perceptions defficaciteacute personnelle dune part et les reacutesultats attendus dun comportement dautre part Le concept dutiliteacute perccedilue rejoint les croyances de reacutesultat les deux concepts se rapportant au reacutesultat attendu du comportement Quant au concept de faciliteacute dutilisation perccedilue il rejoint le concept defficaciteacute personnelle et se deacutefinit

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notamment comme une dimension de laquo magnitude raquo de celle-ci2 Bandura considegravere que mecircme si lefficaciteacute personnelle et les croyances de reacutesultats ont des anteacuteceacutedents diffeacuterents les deux influencent le comportement

Le paradigme coucirct beacuteneacutefice issu de la theacuteorie du comportement deacutecisionnel (Beach et Mitchell 1978 Payne 1982 Johnson et Payne 1985) contribue agrave appreacutehender des construits proches de ceux dutiliteacute perccedilue et de la faciliteacute dutilisation perccedilue Ce paradigme explique que le choix dun individu entre plusieurs strateacutegies de prise de deacutecision est un choix cognitif entre leffort requis pour la mise en œuvre dune strateacutegie et la qualiteacute (exactitude) de la deacutecision qui en reacutesulte Cette approche sest aveacutereacutee efficace pour expliquer les raisons conduisant des deacutecideurs agrave modifier leur choix de deacutecision en fonction des variations dans la complexiteacute de la tacircche La distinction faite entre la perception de leffort requis et la prise de deacutecision sapparente agrave celle faite entre la faciliteacute dutilisation perccedilue et lutiliteacute perccedilue

La theacuteorie de la diffusion des innovations suggegravere eacutegalement que lutiliteacute et la faciliteacute dutilisation perccedilue jouent un rocircle proeacuteminent pour ladoption dune innovation Dans leur analyse de la relation entre les caracteacuteristiques des innovations et leur adoption Torknatzky et Klein (1982) veacuterifient que pour un grand nombre dinnovations la compatibiliteacute lavantage relatif et la complexiteacute de celles-ci ont un lien significatif avec leur adoption La deacutefinition de la dimension complexiteacute rejoint celle de la faciliteacute dutilisation perccedilue tandis que la deacutefinition de lavantage relatif rejoint celle de lutiliteacute perccedilue Les contributions de cette theacuteorie sont analyseacutees dans le titre 3 suivant

Le modegravele de Triandis (1971) qui se fonde en grande partie sur la theacuteorie des attentes de Vroom (1964) considegravere que laquo les conseacutequences perccedilues du comportement raquo figurent parmi les eacuteleacutements deacuteterminants du comportement Les conseacutequences perccedilues reacutesultent du produit de leacutevaluation par lindividu des conseacutequences probables de son comportement avec la valeur quil attribue agrave ces conseacutequences La similitude entre les conseacutequences perccedilues et lutiliteacute perccedilue peut ainsi ecirctre eacutetablie Triandis montre en outre quil existe un effet direct des conseacutequences perccedilues sur le comportement

Dans dautres domaines de recherche comme le marketing les travaux sinteacuteressent eacutegalement aux construits de faciliteacute et dutiliteacute perccedilue En ce sens une eacutetude meneacutee par Hauser et Simmie (1981) concernant la perception de diverses TIC par les utilisateurs a mis en relief limportance de deux dimensions la faciliteacute dutilisation et lefficaciteacute Le concept defficaciteacute tel quil est deacutefini par les auteurs rejoint le construit dutiliteacute perccedilue deacutecrit par Davis (1989) Cette eacutetude a montreacute que la faciliteacute dutilisation perccedilue et lefficaciteacute influencent simultaneacutement le choix de lutilisateur de telle ou telle TIC Par ailleurs la recherche sur linteraction homme-machine a eacutegalement insisteacute sur limportance de la faciliteacute dutilisation dans la conception des SIAD (Branscomb et Thomas 1984 Card et al 1984 Gould et Lewis 1985 Baile 1985)

Au vu de limportance accordeacutee dans la litteacuterature aux concepts dutiliteacute et de faciliteacute dutilisation perccedilues Davis (1989) dans le modegravele dacceptation de la technologie utilise ces

2 La magnitude se rapporte au niveau de difficulteacute attendu drsquoune tacircche

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deux construits pour justifier le comportement des utilisateurs envers les TIC Il eacutetablit une relation directe et indirecte entre la faciliteacute dutilisation et lutiliteacute perccedilue dune part et lintention comportementale dautre part Il se fonde en outre sur la theacuteorie de laction raisonneacutee pour modeacuteliser le comportement

222 La formation de lrsquointention dans le MAT Partant de la theacuteorie de laction raisonneacutee le MAT (figure 1) suggegravere que lutilisation dune TIC est deacutetermineacutee par lintention de comportement Celle-ci est influenceacutee autant par lattitude de lutilisateur envers lutilisation du systegraveme (A) que par lutiliteacute perccedilue (UP) (eacutequation 1) Equation 1 IC= A+UP

Figure 1 Le Modegravele dAcceptation de la Technologie drsquoapregraves Davis et al (1989) Dans le MAT la relation entre lutiliteacute perccedilue et lintention de comportement est directe est fondeacutee sur lhypothegravese que la deacutecision dutiliser une TIC fait suite agrave lanalyse par lindividu des conseacutequences de cette utilisation sur lameacutelioration de sa performance au travail Par ailleurs le MAT suggegravere un lien direct entre les attitudes de lutilisateur et lintention comportement les attitudes sont agrave leur tour deacutetermineacutees par les croyances dont les anteacuteceacutedents sont eacutegalement identifieacutes Les anteacuteceacutedents de lattitude et des croyances font lobjet des deux analyses suivantes

Les anteacuteceacutedents de lrsquoattitude Leacutequation (2) suggegravere que lattitude est deacutetermineacutee agrave la fois par lutiliteacute perccedilue et par la faciliteacute dutilisation perccedilue Equation 2 A= U + FUP Sa justification se trouve dans la theacuteorie de laction raisonneacutee qui postule que les attitudes dune personne sont deacutetermineacutees par ses croyances La recherche en SI a par ailleurs deacutejagrave mis en eacutevidence lexistence dun tel lien drsquoun point de vue empirique (Barrett et al 1968 Schultz et Slevin 1975) Concernant leffet de la faciliteacute dutilisation perccedilue sur les attitudes de lusager Davis (1989) identifie deux meacutecanismes agrave travers lesquels la faciliteacute dutilisation influence le comportement le premier est celui de laction sur lefficaciteacute personnelle et le second celui de laction sur la performance Ainsi plus linteraction avec une TIC est facile plus la perception par lindividu de son efficaciteacute personnelle en regard de sa capaciteacute agrave la mettre en œuvre est eacuteleveacutee (Bandura 1982) La faciliteacute dutilisation dune TIC peut

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contribuer encore agrave ameacuteliorer la performance Leffort eacuteconomiseacute du fait de la faciliteacute dutilisation de la TIC pourra ecirctre redeacuteployeacute permettant ainsi agrave lutilisateur daccomplir plus de travail pour un mecircme effort Davis (1989) suggegravere en outre que la faciliteacute dutilisation influence lutiliteacute perccedilue Les deux croyances sont quant agrave elles deacutetermineacutees par des variables externes

Les anteacuteceacutedents des croyances Dans le modegravele dacceptation de la technologie un effet direct de la faciliteacute dutilisation perccedilue (FUP) est preacutesumeacute sur lutiliteacute perccedilue (UP) (eacutequation 3) Equation 3 UP= FUP + Variables Externes Cette eacutequation souligne par ailleurs que lutiliteacute perccedilue peut ecirctre affecteacutee par de nombreuses variables externes Ces derniegraveres peuvent concerner aussi bien lutilisateur lorganisation ou le systegraveme Dans les applications du MAT (infra) les chercheurs ont pris en compte diverses variables externes pour expliquer lutiliteacute perccedilue Dautres recherches en SI ont veacuterifieacute lexistence de relations significatives entre les caracteacuteristiques du systegraveme et certaines mesures semblables agrave lutiliteacute perccedilue (Miller 1977 Benbasat et Dexter 1986 Benbasat Dexter et Todd 1986) Le MAT postule en outre que les variables externes influencent eacutegalement la faciliteacute dutilisation perccedilue (eacutequation 4) Equation 4 FU = f (Variables Externes) Limpact des caracteacuteristiques dun systegraveme sur la perception de sa faciliteacute dutilisation est largement veacuterifieacute dans la recherche en SI (Miller 1977 Benbasat Dexter et Todd 1986 Dickson et al 1986) Davis (1989) note que dautres variables comme la formation de lutilisateur son expeacuterience le soutien des dirigeants ou de consultants externes peuvent eacutegalement influencer la faciliteacute dutilisation Pour reacutesumer le Modegravele dAcceptation de la Technologie enrichit le modegravele de laction raisonneacutee dune part en prenant en compte de maniegravere explicite les variables externes dans la modeacutelisation du comportement de lutilisateur et dautre part en montrant comment ces variables agissent sur deux croyances speacutecifiques lutiliteacute et la faciliteacute dutilisation perccedilue avant dagir sur les attitudes et le comportement de lusager Apregraves une premiegravere version du MAT deacuteveloppeacutee par Davis (1986 1989) de nombreux chercheurs ont veacuterifieacute empiriquement la validiteacute des construits de faciliteacute dutilisation et dutiliteacute perccedilue (Adams et al 1992 Segars et Grover 1993 Hendrickson et al 1993 Subramanian 1994) Les autres applications du modegravele consistent principalement agrave eacutetudier limpact de certaines variables externes sur les croyances de lutilisateur et son acceptation de diverses TIC La preacutesentation de ces travaux dapplication a pour objet ici de justifier la pertinence du modegravele pour reacutepondre agrave la probleacutematique de cette recherche sur lacceptation de la messagerie eacutelectronique

23 Applications et perspectives du MAT en SI La version originale du MAT a eacuteteacute enrichie par de nombreuses applications dans diffeacuterents contextes dutilisation de TIC diverses Lanalyse des diffeacuterentes variables externes prises en compte dans ces diffeacuterentes applications du MAT permet didentifier trois grandes cateacutegories de variables explicatives

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la premiegravere cateacutegorie reacuteunit des caracteacuteristiques relatives agrave lindividu (acircge sexe poste formation expeacuterience aptitude agrave la saisie anxieacuteteacute informatique niveau deacutetude etc) qui peuvent influencer ses croyances et son acceptation des TIC

la deuxiegraveme cateacutegorie est composeacutee de variables du contexte organisationnel de lutilisateur qui peuvent ameacuteliorer ses perceptions de la TI et augmenter la probabiliteacute de son utilisation (soutien des dirigeants de linfocentre influence sociale politique informatiquehellip) et

la troisiegraveme cateacutegorie regroupe les variables relatives agrave la technologie (fonctionnaliteacute qualiteacute adeacutequation tacircchetechnologie etc) Pour une grande majoriteacute de ces variables les reacutesultats concernant leurs effets sur lacceptation des TIC convergent Pour dautres en revanche les reacutesultats sont contradictoires

231 Des reacutesultats convergents Concernant les caracteacuteristiques individuelles les travaux qui eacutetudient la relation entre lacircge de lutilisateur et son utilisation des TIC (Igbaria 1993 Hubona et Kennick 1996) veacuterifient que cette relation est neacutegative Il semblerait que plus lutilisateur est acircgeacute plus les chances drsquoutiliser un micro-ordinateur (Igbaria 1993) la messagerie eacutelectronique ou un logiciel de bureau comme Word (Hubona et Kennick 1996) diminuent Les eacutetudes qui eacutetudient la relation entre la formation etou lexpeacuterience de lutilisateur et lacceptation des TIC veacuterifient linfluence positive de ces deux variables Ces recherches eacutetablissent cette relation dans des contextes diffeacuterents

Igbaria et al (1995) veacuterifient la relation entre la formation et lexpeacuterience et lutilisation de micro-ordinateurs par des eacutetudiants en MBA aux EU Chau (1996a) interroge des concepteurs de SI agrave Hongkong sur leur utilisation de CASE et veacuterifie que la formation agrave loutil influence positivement leur satisfaction Igbaria et al (1997) interrogent des employeacutes de PME en Nouvelle Zeacutelande sur la formation reccedilue en interne et en externe et veacuterifient que les deux types de formation influencent leur utilisation des micro-ordinateurs mis agrave leur disposition Dishaw et Strong (1999) veacuterifient aupregraves danalystes programmeurs dans trois entreprises de services aux EU que leur expeacuterience dun outil de maintenance de logiciel influence positivement leur utilisation de cet outil Agarwal et Prasad (1999) interrogent les employeacutes dune grande entreprise de services informatiques et veacuterifient que leur expeacuterience influence leur intention dutiliser la TI3 Woumlber et Gretzel (2000) veacuterifient aupregraves de cadres de diffeacuterents pays que leur expeacuterience influence leur utilisation dun systegraveme de support agrave la deacutecision marketing Les recherches dIgbaria et al (1995) de Dishaw et Strong (1999) et de Lucas et Spitler (1999) portant sur trois TIC diffeacuterentes qui eacutetudient linfluence de la perception des caracteacuteristiques de la technologie (ou qualiteacute) sur son utilisation veacuterifient quil existe une relation positive et significative entre ces deux variables En ce sens Igbaria et al (1995) veacuterifient ce constat aupregraves deacutetudiants quils interrogent agrave propos de leur utilisation de micro-ordinateurs Dishaw et Strong (1999) questionnent des analystes-programmeurs agrave propos de leur utilisation doutil de maintenance de logiciels et Lucas et Spitler (1999) interrogent des courtiers et des assistants commerciaux sur leur utilisation de leurs stations de travail

3 Rappelons que dans cette eacutetude la TI nrsquoest pas speacutecifieacutee

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232 Des reacutesultats contradictoires Parmi les reacutesultats contradictoires les recherches qui sinteacuteressent agrave linfluence du soutien des dirigeants ou de laquo linfocentre raquo sur le comportement de lusager ne sont pas unanimes quant agrave linfluence de ces variables sur lacceptation dune TIC

Igbaria et al (1995) eacutetudient linfluence de ces deux variables sur lutilisation des microordinateurs par 280 eacutetudiants aux EU Ils veacuterifient que les deux formes de soutien ameacuteliorent agrave la fois les croyances (faciliteacute dutilisation et utiliteacute perccedilues) des usagers et leur comportement (utilisation accrue) La relation avec le comportement eacutetant agrave la fois directe et indirecte (renforceacutee les croyances) Igbaria et Iivari (1995) interrogent 806 utilisateurs de micro-ordinateurs dans des entreprises finlandaises de tous secteurs dactiviteacute et veacuterifient que le soutien organisationnel influence positivement lutilisation de micro-ordinateurs par les salarieacutes Dans une eacutetude ulteacuterieure Igbaria et al (1997) interrogent 773 utilisateurs dans diffeacuterentes PME en Nouvelle Zeacutelande et veacuterifient que le soutien organisationnel fourni en interne nameacuteliore pas la perception de la faciliteacute dutilisation et de lutiliteacute des micro-ordinateurs tandis quun soutien externe ameacuteliore ces mecircmes perceptions Le soutien nrsquoa en revanche quune influence indirecte sur le comportement dutilisation via les croyances Dans une eacutetude plus reacutecente Karahanna et Straub (1999) sinteacuteressent agrave linfluence du soutien organisationnel sur lutilisation de la messagerie eacutelectronique par les employeacutes dune entreprise internationale de transport Ils ne trouvent pas de relation significative entre le soutien fourni aux utilisateurs et leur utilisation de loutil

Les eacutetudes qui sinteacuteressent agrave linfluence du sexe sur le comportement dutilisation dune TIC (Igbaria 1993 Robichaux 1994 Gefen et Straub 1997) aboutissent agrave des reacutesultats divergents

Igbaria (1993) eacutetudie lacceptation des micro-ordinateurs aupregraves de 766 cadres dans plusieurs entreprises aux EU Les reacutesultats empiriques montrent que les perceptions de la faciliteacute dutilisation et de lutiliteacute des micro-ordinateurs sont plus neacutegatives chez les femmes que chez les hommes Robichaux (1994) interroge 221 eacutetudiants sur leur acceptation dun GSS (Group Support System) et trouve que les femmes perccediloivent le systegraveme comme eacutetant plus facile agrave utiliser et plus utile Gefen et Straub (1997) eacutetudient lacceptation de la messagerie eacutelectronique aupregraves de 392 salarieacutes de trois compagnies aeacuteriennes Les reacutesultats de leur recherche montrent que les femmes perccediloivent loutil comme eacutetant plus utile alors que les hommes le perccediloivent comme eacutetant plus facile agrave utiliser Aucune influence directe du sexe de lutilisateur sur son comportement nest par ailleurs deacutemontreacutee

Deux recherches qui sinteacuteressent agrave une relation de contingence importante entre les caracteacuteristiques de la tacircche et lutilisation des TIC parviennent pour reacutesumer agrave des reacutesultats distincts

Dishaw et Strong (1999) veacuterifient ainsi que la complexiteacute et la varieacuteteacute de la tacircche ont une influence neacutegative sur lutilisation dun outil de maintenance de logiciels par les analystes-programmeurs interrogeacutes alors que Woumlber et Gretzel (2000) deacutefinissant la tacircche en termes de contrainte de temps et de complexiteacute veacuterifient que ces deux caracteacuteristiques propres agrave la tacircche influencent

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positivement lutilisation du systegraveme daide agrave la deacutecision marketing mis agrave la disposition des cadres de plusieurs entreprises du secteur du tourisme

24 Pour conclure

Les diffeacuterentes applications du MAT confirment le rocircle preacutepondeacuterant des croyances de lutilisateur dans son acceptation dune TIC La revue de litteacuterature veacuterifie ainsi dans sa grande majoriteacute la relation positive entre la perception de la faciliteacute dutilisation et de lutiliteacute dune part et le comportement dutilisation des TIC dautre part En introduisant des variables externes non expliciteacutees dans le modegravele original elles ont eacutegalement enrichi le MAT Trois grandes cateacutegories de variables ont ainsi pu ecirctre identifieacutees celles relatives agrave lindividu celles lieacutees agrave son environnement de travail et enfin celles lieacutees agrave la technologie Il convient eacutegalement de souligner que malgreacute limportance accordeacutee aux attitudes de lusager dans le modegravele dacceptation de la technologie peu de recherches appliqueacutees prennent en compte cette variable pour eacutevaluer lacceptation de la technologie Aucune en revanche parmi celles examineacutees neacutetudie linfluence directe des diffeacuterentes variables externes sur les attitudes Enfin concernant lacceptation de la technologie Davis (1986 1989) ayant choisi deacutevaluer lacceptation par le comportement dutilisation uniquement la grande majoriteacute des travaux dapplication du MAT sinteacuteresse exclusivement au comportement de lusager et non agrave dautres mesures de lacceptation dune technologie qui pourraient compleacuteter la mesure de lutilisation Ce constat ouvre le deacutebat sur de nombreuses autres opportuniteacutes de recherche en particulier celles destineacutees agrave eacutetendre la theacuteorie du comportement planifieacute en utilisant une laquo theacuteorie deacutecomposeacutee du modegravele de comportement planifieacute raquo Ce modegravele est focaliseacute sur la deacutecomposition des trois ensembles de structures de croyances en un construit multidimensionnel de croyances Les avantages de ce modegravele incluent (1) une repreacutesentation claire facile agrave comprendre et solide des ensembles de croyances (2) la faciliteacute agrave opeacuterationnaliser ces croyances (3) sa focalisation sur des croyances plus pertinentes que les deux facteurs proposeacutes dans le TAM (Hung et Chang 2004) Dans le mecircme laps de temps de nombreux travaux eacutemergent au sein de cette approche comportementaliste relevant des strateacutegies drsquoadoption par les utilisateurs et drsquoinfusion organisationnelle Ces travaux se distinguent des approches preacuteceacutedentes faisant reacutefeacuterence soit aux modegraveles socio-cognitifs (titre 1) soit au modegraveles drsquointention (titre 2) en apportant une vision plus centreacutee sur les motivations strateacutegiques de lrsquoadoption et de lrsquoutilisation des TI

3 Les theacuteories sur les strateacutegies drsquoadoption

31 La theacuteorie de la diffusion de lrsquoinnovation Un axe important de la recherche comportementale utile pour appreacutehender lrsquoutilisation des TIC est celui de la theacuteorie de la diffusion Pour Rogers (2003) lrsquoinnovation est une ideacutee perccedilue comme nouvelle par lrsquoindividu et sa diffusion est le processus par lequel elle se reacutepand Bien que cette theacuteorie eacutemerge de travaux dans lrsquoagriculture elle sera tregraves vite appliqueacutee aux TIC par exemple agrave des produits TI speacutecifiques comme le langage Java (utiliseacute dans des environnements reacuteseaux ou hypertextes) ou agrave lrsquoutilisation de technologies comme

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lrsquoEDI et les outils de geacutenie logiciel Pour Rogers les individus au sein drsquoun systegraveme social nrsquoadoptent pas une innovation simultaneacutement ils lrsquoadoptent de faccedilon seacutequentielle Une innovation se diffuse lentement au deacutebut ndash souvent au travers du travail des agents de changement qui vont la promouvoir activement ndash sa vitesse de diffusion augmentera degraves lors que les individus lrsquoadopteront Une phase cleacute est celle du deacutebut du processus drsquoadoption nommeacutee laquo deacutecollage raquo Une fois que les agents du changement auront accepteacute lrsquoinnovation ils agiront pour la communiquer agrave drsquoautres agents au sein de lrsquoorganisation par tous les moyens approprieacutes Quand le nombre des premiers adoptants atteindra une masse critique ndash entre 5 et 15 drsquoutilisateurs potentiels- alors le processus drsquoadoption sera bien engageacute Les individus peuvent ecirctre classeacutes en cinq cateacutegories drsquoadoptants ou classes drsquoacteurs drsquoun systegraveme social sur la base de leur faciliteacute agrave accepter une innovation (1) les innovateurs (2) les premiers adoptants (3) la premiegravere majoriteacute (4) la derniegravere majoriteacute et (5) les traicircnards Les travaux montrent que les modegraveles drsquoadoption sont habituellement distribueacutes de faccedilon gaussienne Le processus de diffusion comme le considegravere Rogers est largement baseacute sur la communication la recherche et le traitement de lrsquoinformation Les innovations ont trait non seulement agrave des technologies bien particuliegraveres mais encore agrave des eacuteleacutements moins distinguables car fortement interdeacutependants (comme par exemple des groupes de technologies) Outre ces caracteacuteristiques individuelles les caracteacuteristiques speacutecifiques aux innovations contribuent aussi agrave expliquer les diffeacuterences observeacutees dans leur taux drsquoadoption Il en existe cinq (1) lrsquoavantage relatif traduit le degreacute auquel une innovation est perccedilue comme eacutetant meilleure que lrsquoideacutee qursquoelle remplace (2) la compatibiliteacute traduit le degreacute auquel une innovation est perccedilue comme eacutetant compatible avec les valeurs existantes les expeacuteriences passeacutees et les besoins des adoptants potentiels (3) la complexiteacute traduit le degreacute auquel une innovation est perccedilue comme eacutetant difficile agrave comprendre et agrave utiliser (4) lrsquoexpeacuterimentation traduit le degreacute auquel une innovation peut ecirctre expeacuterimenteacutee sur une base limiteacutee et (5) lrsquoobservabiliteacute traduit le degreacute auquel les reacutesultats drsquoune innovation sont visibles et accessibles Depuis longtemps pour reacutesumer les modegraveles sur la diffusion tendent agrave identifier et expliquer les facteurs qui influencent le degreacute drsquoadoption des innovations au niveau organisationnel Les premiers chercheurs dans ce domaine ont expliqueacute lrsquoadoption par une courbe drsquoapprentissage dans laquelle lrsquoadoption drsquoune innovation eacutevolue au fur et au mesure que cette derniegravere passe des premiers adoptants (lrsquoinnovateur) aux derniers (adoptant final) Ce modegravele primaire permet certes de deacutecrire lrsquoeacutevolution de lrsquoinnovation mais ne fournit ni explications ni orientations quant aux modegraveles futurs de lrsquoadoption en particulier dans le domaine des SI Des efforts de recherche4

ont eacuteteacute effectueacutees pour eacutetablir un modegravele geacuteneacuterique de lrsquoadoption mais ont eacutechoueacute En pratique le processus drsquoadoption drsquoune innovation deacutepend de lrsquointeraction entre des facteurs lieacutes agrave la demande et agrave lrsquooffre (Tidd et al 2000) Des modegraveles concernant la demande drsquoinnovation (et srsquointeacuteressant agrave lrsquoadoptant) devraient conduire agrave prendre en consideacuteration des probleacutematiques contingentes agrave lrsquoorganisation traitant drsquoun point de vue empirique et statistique des beacuteneacutefices et des risques lieacutes aux innovations induites par certaines TI Des modegraveles concernant lrsquooffre drsquoinnovation (et srsquointeacuteressant aux fournisseurs)

4 En marketing des chercheurs ont essayeacute drsquointeacutegrer le lien entre lrsquoadoption de nouveaux produits et la courbe de diffusion des innovations

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devraient conduire agrave formuler des probleacutematiques (plus comportementales et psychologiques) pour traiter des problegravemes de deacuteveloppement organisationnel en relation avec lrsquoappropriation la disseacutemination lrsquoutilisation ou le communication entre deacuteveloppeurs et utilisateurs de SI

32 La theacuteorie socio-cognitive Une troisiegraveme ligne de recherche qui peut aider agrave expliquer les modegraveles drsquousage des TI est fondeacutee sur la theacuteorie laquo sociale et cognitive raquo (Bandura 1977) avec un construit theacuteorique central connu sous le nom du deacuteterminisme reacuteciproque Le deacuteterminisme reacuteciproque est ce que se produit quand la personne le comportement et lrsquoenvironnement interagissent pour deacuteterminer un comportement et un nouveau apprentissage La theacuteorie sociale et cognitive donne aussi une importance au construit drsquoauto-efficaciteacute deacutefini comme un ensemble de croyances sur la capaciteacute drsquoune personne agrave suivre un comportement speacutecifique Lrsquoinclusion des croyances sur lrsquoauto-efficaciteacute est critique pour affirmer que lrsquoadoption nrsquoest pas uniquement baseacutee sur le fait de convaincre les gens des beacuteneacutefices qui peuvent ecirctre deacuteriveacutes drsquoune technologie (les attentes de reacutesultat) lrsquoadoption exige aussi qursquoun individu possegravede des compeacutetences et la confiance neacutecessaires (en termes drsquoattentes drsquoefficaciteacute) Ainsi lrsquoauto-efficaciteacute est consideacutereacutee comme un anteacuteceacutedent important de lrsquousage des TI puisqursquoelle stimule lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement et son maintien Mais les interactions reacuteussies avec la technologie consideacutereacutees comme eacutetant laquo renforccedilantes raquo sont eacutegalement perccedilues comme exerccedilant des influences importantes sur lrsquoauto-efficaciteacute

33 La theacuteorie de lrsquoalignement tacircche-technologie Dans une perspective deacuteterministe le modegravele de lrsquoalignement Tacircche-Technologie (Goodhue 1995 Dishaw et Strong 1999) propose une laquo fit raquo explicite des concepts de tacircche et de technologie pour appreacutehender les eacutevaluations faites par les utilisateurs de SI Ce modegravele est une extension du celui de Cooper et Zmud (1990) qui vise agrave expliquer le succegraves de lrsquoadoption et de lrsquoinfusion des nouvelles technologies en termes de compatibiliteacute des laquo caracteacuteristiques de la TI raquo avec celles de laquo la tacircche raquo et la laquo complexiteacute de la TI raquo relativement agrave la laquo complexiteacute de la tacircche raquo qui la neacutecessite Ainsi la capaciteacute drsquoune TI agrave supporter une tacircche est exprimeacutee par un alignement tacircchetechnologie qui suppose lrsquoadeacutequation des capaciteacutes de la technologie aux demandes de la tacircche Lrsquoalignement tacircche-technologie postule qursquoune TI a plus de chances drsquoecirctre utiliseacutee si ses fonctions srsquoalignent aux activiteacutes de lrsquoutilisateur Les utilisateurs choisiront alors des outils qui leurs permettront de compleacuteter leur travail avec une attente de beacuteneacutefices (efficaciteacute productiviteacute hellip) plus eacuteleveacutes Une TI qui nrsquooffrirait pas suffisamment drsquoavantages par rapport agrave des systegravemes concurrents ne serait alors pas utiliseacutee

34 Pour conclure Les theacuteories sur les strateacutegies drsquoadoption complegravetent celles sur les intentions drsquoutilisation dans lrsquoexplication de lrsquousage des TI La theacuteorie de la diffusion est certainement la premiegravere et la plus connue des chercheurs en sciences sociales et la plus utiliseacutee dans le champ des SI pour supporter des eacutetudes empiriques drsquoimplantation de TI et leur assimilation par lrsquoorganisation Elle fut pour exemple utiliseacutee par Fichman et Kemerer (1997) pour eacutetudier les innovations produites par certains logiciels inteacutegreacutes de type MRP et par Baile (2003) pour eacutevaluer le processus drsquoinfusion de lrsquoEDI dans des PME innovante

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Les theacuteories socio-cognitives et drsquoalignement tacirccheTI aident de leur cocircteacute agrave comprendre lrsquousage des TI dans une perspective deacuteterminisme qui confronte plusieurs facteurs en interaction tels les facteurs individuels (de perception de confiance de pouvoir) comportementaux (drsquoaccomplissement de reacutealisation des butshellip) de la tacircche (de complexiteacute de reproductionhellip) et des environnements internes (drsquoorganisation de structure et de processus meacutetiershellip) et externes (de pressions concurrentielles de relations drsquoaffaireshellip) Cet environnement theacuteorique serait agrave privileacutegier dans des investigations de type laquo eacutetude de cas drsquoimplantation de TI raquo privileacutegiant une deacutemarche de type laquo abductive raquo Conclusion un schegraveme de recherche sur lrsquoapproche comportementale Lrsquoeacutevaluation des systegravemes drsquoinformation et celle conseacutequente de la mise en œuvre des technologies de lrsquoinformation qui les mateacuterialisent est une probleacutematique geacuteneacuterale de recherche dans les domaines du Management des Systegravemes drsquoInformation et du Deacuteveloppement des Organisations qui durant trois deacutecennies a retenu lrsquoattention de nombreux chercheurs en quecircte drsquoune explication sur le fait que pour ecirctre productives de valeur les TI devaient avant tout ecirctre accepteacutees et mises en œuvre efficacement dans les organisations Cette explication a souvent eacuteteacute deacutecrite dans la litteacuterature contemporaine en SI (Venkatesh et al 2003) comme lrsquoun des objets de recherche les plus matures Les modegraveles theacuteoriques prenant leurs racines en management et strateacutegie des SI en psychologie sociale ou en sociologie y foisonnent contribuant agrave un apport essentiel de connaissances de ce que certains auteurs chiffre agrave plus de laquo pregraves de 40 de variance dans les intentions drsquoutilisation des TI raquo La varieacuteteacute des concepts manipuleacutes dans de nombreuses theacuteories (drsquoailleurs assez souvent deacuteriveacutees les unes des autres) et la diversiteacute des eacutetudes empiriques qui ont eacuteteacute conduites depuis les tous premiers travaux de lrsquoEcole du Minnosota (Management Information System et Decision Support System) passant par lrsquoInformatique Utilisateur Final (End-User Computing) et les modeacutelisations successives plus reacutecentes des intentions attitudes comportement et croyances des utilisateurs (Technology Acceptance Modelhellip) demeurent un veacuteritable handicap autant pour eacutevaluer et comparer les laquo poids theacuteoriques raquo de chacun des modegraveles utiliseacutes que pour en analyser les reacutesultats distinctifs De sorte que les chercheurs drsquoun cocircteacute sont confronteacutes dans les travaux actuels agrave une deacutetermination theacuteorique difficile (choix de modegravele approprieacute) les conduisant presque toujours agrave emprunter des variables de recherche et des construits dans les modegraveles qui leur semblent le plus raisonnable ou plus simplement agrave faire le choix drsquoun laquo modegravele favori raquo dans lrsquoignorance des contributions des modegraveles alternatifs Drsquoun autre cocircteacute les praticiens auditeurs internes et consultants meacuteconnaissent fondamentalement ces modegraveles theacuteoriques qui drsquoune faccedilon geacuteneacuterale pourraient les aider agrave structurer leur travail de diagnostic sur le terrain (conduite du changement assistance agrave la maicirctrise drsquoouvrage transformation des processus hellip) en proposant certains deacuteterminismes drsquoeacutevaluation par exemple des postes de travail utilisant de nouvelles technologies Cette communication en distinguant trois approches de type comportementale de lrsquoeacutevaluation des SITI fournit un schegraveme original de recherche (Figure 2) destineacute (1) agrave eacutetablir une coheacuterence theacuteorique des principaux modegraveles et cadres conceptuels (en proposant une grille de lecture sujette agrave certaines limites eacutepisteacutemologiques et meacutethodologiques) (2) agrave en faciliter lrsquoappreacutehension de leurs contributions respectives (sans tenter dans lrsquoimmeacutediat drsquoen faire une analyse comparative) et (3) de proposer une articulation des trois domaines theacuteoriques de

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cette approche comportementale utilisant le cadre de travail inteacutegrateur de Venkatesh et al (2003 p 427) pour formuler une laquo plate-forme logique de recherche sur lrsquoapproche comportementale de lrsquoeacutevaluation des SI raquo (qui est le preacutealable indispensable agrave lrsquoextension et agrave lrsquointeacutegration des travaux futurs) Chaque flegraveche directe traduit des liens et possibiliteacutes drsquounification theacuteorique cest-agrave-dire des similariteacutes conceptuelles et empiriques entre les modegraveles Elle formalise encore une deacutependance entre les niveaux lrsquoobjectif eacutetant drsquoexpliquer les variables mesurant les strateacutegies de mise en œuvre des TI (innovation perccedilue croyances speacutecifiques agrave lrsquousage drsquoune TI fit tacircchetechnologie) La flegraveche en pointilleacute fait eacutetat drsquoune reacutecursiviteacute (lrsquousage drsquoune TI pouvant modifier les reacuteactions individuelles) et donc drsquoune unification theacuteorique possible des domaines theacuteoriques concerneacutes Pour conclure cette plate forme de recherche permet drsquoeacutetablir des preacutemisses de recherche possibles sous-jacentes aux diffeacuterentes possibiliteacutes drsquounification theacuteorique Elle constitue un point drsquoancrage agrave une reacuteflexion de fond qursquoil convient de construire sur lrsquoeacutevaluation du succegraves des SI succegraves baseacute sur des mesures drsquoefficience speacutecifiques relatives agrave lrsquoacceptation et agrave lrsquousage des TI destineacutees aux utilisateurs

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POUR UN AUDIT PROSPECTIF Christel BEAUCOURT Maicirctre de Confeacuterences ndash IAE de Lille Pierre LOUART Professeur des Universiteacutes ndash IAE de Lille Directeur de lrsquoIAE de Lille Preacutesident de lrsquoAGRH

Synthegravese I Indeacutependamment des lieux ougrave il se stabilise (pour des raisons de comparaison de controcircle et de coheacuterence relative des deacutecisions) lrsquoaudit social doit continuer agrave tester activement de nouvelles mesures ou de nouveaux indicateurs afin de deacuteplacer ou de reacuteorganiser les interpreacutetations possibles des systegravemes auditeacutes Concregravetement il srsquoagit de faire varier les bases des diagnostics et des dispositifs de mesure sachant que ces derniers sont toujours subjectifs et construits socialement Pour partie les modes drsquoanalyse les critegraveres choisis et lrsquoimportance des pondeacuterations mises en œuvre sont le fruit de facteurs eux-mecircmes changeants En particulier - les confrontations entre acteurs (en incluant les rapports de forces qui les lient) - lrsquoeacutevolution des risques (dans lrsquoabsolu mais aussi en fonction des prioriteacutes politiques eacuteconomiques ou sociales) - les circonstances particuliegraveres qui influencent globalement la deacutecision En fonction des glissements de diagnostic les conseacutequences des mesures effectueacutees sont diffeacuterentes La structure drsquoattention porteacutee sur certains aspects du reacuteel eacutevolue le pointage de ce qui est important ou non la prise de conscience de certaines questions leur appreacuteciation en bien ou mal Lrsquoaspect conjoncturel des mesures est drsquoailleurs amplifieacute par certains effets de cristallisation ou de dramatisation compte tenu de la tendance populiste des acteurs de communication (ils activent la peur ou la colegravere en preacutefeacuterant les tapages de court terme aux dossiers plus fondamentaux) II Un audit social doit donc toujours ecirctre un audit qui organise par prudence une gamme de sceacutenarios et de glissements drsquoappreacuteciation sur les critegraveres qursquoil apporte en permettant de juger ou de preacuteconiser mais aussi de rester prudent sur les reacutesultats Il doit aussi montrer des tendances des inflexions ou des signaux faibles qui pourraient infleacutechir le sens Ces moyens drsquoanalyser autrement doivent interpeller les praticiens en leur montrant des opportuniteacutes agrave saisir en leur laissant voir des dangers potentiels ou des risques agrave manager Plus profondeacutement si lrsquoon admet certains constats rien nrsquoen garantit tout agrave fait - ni la justesse de fond Ce qursquoon a retenu est-il vraiment le plus important A partir de quelle convention drsquoacteurs a-t-on poseacute un jugement agrave partir de quelles habitudes de quelle focalisation collective du moment Au nom de quoi met-on en place des arbitrages des propositions ou des sanctions Nrsquoy avait-il pas autre chose agrave percevoir dont on pourrait se mordre les doigts plus tard de ne pas lrsquoavoir fait - ni le poids reacuteel dans les objectifs de lrsquoorganisation consideacutereacutee Au fond ce qursquoon mesure nrsquooffre de veacuteriteacute que celle des convenances ou de la conformiteacute Cela met en regravegle avec la

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justice les normes et les certifications admises Cela cadre avec ce qursquoon estime ecirctre le mieux dans lrsquoordre social ou eacuteconomique du moment Sans doute est-il preacutefeacuterable de srsquoy tenir que de nrsquoen rien faire car lrsquoaudit apporte avec lui des savoirs accumuleacutes des rigueurs eacuteprouveacutees une certaine luciditeacute face au risque Mais le contexte peut changer en apportant drsquoautres facteurs qui transforment la nature ou la pondeacuteration de ce dont il faudrait tenir compte III Lrsquoaudit prospectif peut se donner des challenges actifs sur le contenu (qursquoest-ce qursquoon audite) et les meacutethodes (comment le fait-on) en cherchant des moyens drsquoinnover Tout drsquoabord au sens de Gaston Berger ecirctre prospectif crsquoest prendre en compte le plus drsquoavenir possible En eacutetant reacutealiste on cherche aussi agrave mettre dans ses choix (toujours aleacuteatoires toujours lieacutes agrave un futur qui se construit) la part la plus grande possible drsquohumaniteacute Il y a donc des regravegles drsquoeacutethique agrave faire valoir ce qui implique un processus ouvert et intersubjectif dans le choix des enjeux des critegraveres et des mesures reacutealiseacutees Autrement dit toute prospective se nourrit de deacutebats ouverts et deacutelibeacutereacutes Lrsquoaudit prospectif accepte les regravegles mais se meacutefie de confier au seul droit aux seules conventions eacutecrites les clefs de toute eacutevaluation Il est dangereux de srsquoen tenir agrave des choses figeacutees crispeacutees qui preacutefegraverent laquo la lettre raquo agrave laquo lrsquoesprit raquo Crsquoest pourtant la tendance du moment qui croit qursquoon objective les choses agrave les mettre en textes alors qursquoun texte (un code une charte un contrat) nrsquoest qursquoun instrument pour fixer des bases et srsquoen remettre somme toute agrave lrsquoaccord en conscience des acteurs drsquoune situation Certes lrsquohomme est lrsquohomme et il est difficile de ne pas se proteacuteger drsquoexcegraves possibles (dans le rapport des forces ou la mauvaise foi dans le rejet le deacuteni ou la deacuteformation des accords) Il est donc neacutecessaire de leacutegifeacuterer de garantir les contrats et de creacuteer des obligations sociales dont lrsquoaudit veacuterifie le respect Au-delagrave mecircmes ces bases lagrave doivent pouvoir eacutevoluer srsquoenrichir srsquoadapter laquo en esprit raquo aux eacutevolutions de la reacutealiteacute sociale Pour le reste lrsquoaudit est aussi un controcircle de la performance collective un moyen drsquoeacutevaluer la pertinence des choix qursquoont reacutealiseacutes certains acteurs en prenant part agrave un projet commun Face agrave ces besoins lrsquoaudit prospectif doit drsquoabord mettre en question et en doute les modegraveles eacutetablis En faisant valoir les erreurs les deacutetournements ou les difficulteacutes des choix deacutejagrave effectueacutes il aide agrave penser autrement lrsquoaction collective Par exemple il montre qursquoon ne peut pas trancher dans certains paradoxes et reacutesoudre une fois pour toutes des tensions comme celles de lrsquoemploi et du salaire de la formation et de lrsquoaction de lrsquoeacutequiteacute pour tous et de la liberteacute drsquoentreprendre Il critique la tendance agrave deacutetourner lrsquoattention vers des choses mesurables et pas forceacutement vers les points les plus sensibles de la performance ou de lrsquoaction strateacutegique Il fustige les excegraves de certaines deacutecisions dont on deacutenie le caractegravere deacuteshumanisant lrsquoindividualisme excessif lrsquoencouragement agrave deacutenoncer les fautes drsquoautrui au nom drsquoune transparence qui agrave ce niveau nrsquoa rien drsquohumain ni de social (toutes les cultures laquo seacuterieuses raquo preacuteservant lrsquointimiteacute ou le secret) Parallegravelement lrsquoaudit prospectif peut construire des indicateurs qui reacuteorientent la penseacutee dominante et introduisent un discours peu agrave peu adopteacute par les autres (bref en initiant de nouvelles convention) Car beaucoup de conduites opportunes naissent de la reacuteorganisation drsquoaccords anciens agrave partir drsquoune position drsquoinnovateur relatif Cela consiste agrave enrichir ou agrave deacuteplacer ce qui deviendra un nouvel audit de conformiteacute (agrave la fois leacutegal reacuteglementaire et contractuel ndash lieacute agrave des normes devenues acceptables ou signes de qualiteacute) Ensuite il peut aider agrave repenser compte tenu des circonstances ce qui est appeleacute audit drsquoefficaciteacute ou de pertinence (par rapport agrave ce qursquoil y a lieu de faire et agrave la maniegravere dont on lrsquoaccomplit) Cette fois ce qui compte crsquoest de repeacuterer de nouvelles configurations

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drsquoaction et drsquoy construire des signes de mesure qui srsquoy adaptent au mieux (en deacuteplaccedilant les anciennes traces les anciens critegraveres les anciennes marques significatives pour lrsquoaction et ce qursquoil faut en juger) Lrsquoaudit prospectif doit se mettre en contexte (dans une conjoncture drsquoeffets qui le replace au sein drsquoune structure interpreacutetative disposant de ses propres indicateurs drsquoeacutevaluation) Il doit aussi eacutevaluer les changements de longue dureacutee en preacuteparant ses cadres drsquoanalyse ses indicateurs et ses mesures agrave lrsquoeacutevolution des repreacutesentations des valeurs et des contraintes de controcircle (par rapport aux regravegles aux partenaires de gestion agrave la concurrence geacuteneacuterale) Lrsquoactualiteacute permet drsquoillustrer ce besoin par de nombreux exemples Sans srsquoopposer agrave lrsquoaudit traditionnel (qui preacuteserve un noyau dur de prescriptions geacuteneacuterales afin de comparer les reacutesultats entre organisations drsquoinciter au minimum neacutecessaire de servir de garde-fou agrave une mondialisation plus eacutequilibreacutee) lrsquoaudit prospectif lrsquoameacutenage lrsquoajuste lrsquoindividualise et le conteste dans ses insuffisances dans ses contradictions dans ses excegraves IV Concregravetement lrsquoaudit prospectif peut srsquoappuyer sur toutes sortes drsquoacteurs - des experts certes mais tout autant les collectifs de salarieacutes par maillage des compeacutetences - ou encore des meacutediateurs des arbitres des tiers facilitateurs des gens qui acceptent une certaine incertitude et se fient sur les interactions locales pour construire en contexte des modes drsquointerpreacutetation ou drsquoeacutevaluation approprieacutes Crsquoest contraire au systegraveme juridique drsquoaujourdrsquohui qui a tendance agrave imposer des choix deacutejagrave eacutetablis dans une sorte de laquo trompe lrsquoœil raquo de fausse objectiviteacute Crsquoest pourquoi en France il faut changer de lois sociales tous les 2 ou 3 ans Lrsquoaudit prospectif doit se servir des incidents des accidents des situations critiques ou conjoncturelles qui reacutevegravelent des problegravemes ineacutedits ou mal reacutegleacutes Il lui faut les consideacuterer dans lrsquoeacutenergie qursquoils suscitent mas en se meacutefiant des excegraves affectifs ou ideacuteologiques qursquoils veacutehiculent et de leur porteacutee en geacuteneacuteral peu durable Il doit ecirctre sensible aux peacuteripeacuteties de la repreacutesentation collective aux signaux faibles du social du socieacutetal et du politique dont les effets sont drsquoeacuteclairer de nouveaux enjeux de nouvelles perspectives des risques possibles bref des eacutemergences qui vont modifier de faccedilon systeacutemique les formes buts et contenus de lrsquoeacutevaluation sociale en contexte eacuteconomique Il peut srsquoinspirer du deacuteveloppement du deacutebat public et consideacuterer comme un atout la dynamique des tensions drsquoacteurs qui maintiennent en question (en inachegravevement) les problegravemes agrave reacutesoudre

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MISE EN PLACE DrsquoUNE DEMARCHE-PROGRES EN ECONOMIE SOLIDAIRE OBJECTIFS ET ENJEUX Pierre BILLOIR Consultant Extra Muros Anne-Laure FEDERICI Coordinatrice et animatrice du reacuteseau APES1

Introduction Une des caracteacuteristiques de lrsquoeacuteconomie solidaire est de ne pas se reacutefeacuterer drsquoabord agrave des statuts mais agrave des faccedilons drsquoagir diffeacuterentes La question des valeurs est centrale au nom de quoi agit-on Lrsquoappartenance agrave lrsquoeacuteconomie solidaire ne peut ecirctre caracteacuteriseacutee par un statut un domaine drsquoactiviteacutehellip mais parce que dans la finaliteacute de lrsquoorganisation par son organisation interne par son rapport agrave lrsquoenvironnement agrave son territoire lrsquoorganisation deacuteveloppe des pratiques diffeacuterentes Quelles sont ces valeurs Comment peuvent-elles se deacutecliner dans les pratiques drsquoune organisation Comment peut-on identifier les structures de lrsquoeacuteconomie solidaire Dans la poursuite des deacutebats engageacutes lors des Consultations Reacutegionales de lrsquoEconomie Sociale et Solidaire et du rapport Lipietz laquoUn nouveau type dentreprises agrave but social raquo2 des acteurs reacutegionaux du Nord Pas de Calais (reacuteunis au sein de lrsquoAssembleacutee Permanente de lrsquoEconomie Solidaire du Nord Pas de Calais) se sont empareacutes de la question Apregraves avoir analyseacute diffeacuterents types de deacutemarches existantes (label certification deacutemarche-qualiteacute) lrsquoAPES srsquoest orienteacutee sur une deacutemarche drsquoaccreacuteditation par les pairs3 Pour mettre en œuvre cette accreacuteditation il faut pouvoir se reacutefeacuterer agrave des critegraveres ce qui a donneacute lieu agrave lrsquoeacutelaboration drsquoune charte reacutedigeacutee en 2001 A ce jour 90 structures ont signeacute la charte de lrsquoAPES Cette charte srsquoarticule autour de quatre theacutematiques

- Favoriser la creacuteation drsquoactiviteacutes socialement utiles et la peacuterenniteacute des emplois creacuteeacutes

- Asseoir la primauteacute de la personne sur le profit - Favoriser les modes drsquoorganisation deacutemocratiques - Coopeacuterer et srsquoimpliquer sur le territoire

1 Assembleacutee Permanente de lrsquoEconomie Solidaire du Nord-Pas-de-Calais 2 Rapport qui proposait notamment la creacuteation drsquoun label laquo drsquoutiliteacute sociale et solidaire raquo confeacuterant des avantages fiscaux 3 Le label au sens juridique du terme est une deacutemarche normeacutee qui deacutetaille les caracteacuteristiques drsquoun reacutesultat agrave obtenir Il srsquoagit drsquoune obligation de reacutesultat La certification deacutetaille et garantit un processus de fabrication (obligation de moyens) La deacutemarche drsquoaccreacuteditation par les pairs relegraveve du mecircme type de deacutemarche que le mouvement coopeacuteratif qui accreacutedite que telle entreprise reacutepond aux critegraveres que srsquoest donneacute le mouvement scop ou que les artisans accreacutediteacutes par les Chambres de Meacutetiers

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Celle-ci vise agrave lsquolsquoinscrire lrsquoengagement de chacune des structures signataires dans une deacutemarche de progregravesrsquorsquo Cette deacutemarche de progregraves agrave la fois facteur drsquoeacutevaluation et facteur de monteacutee en qualiteacute au regard de lrsquoeacuteconomie solidaire devait reacutepondre agrave plusieurs exigences

- une deacutemarche prenant en compte la dimension de processus il srsquoagit drsquoinscrire la structure dans une dynamique et non de faire seulement un eacutetat des lieux du fonctionnement de la structure Aucune structure nrsquoest laquo 100 raquo drsquoeacuteconomie solidaire crsquoest la tension continue entre les valeurs et les pratiques qui permet agrave une structure de srsquoinscrire dans le cadre de lrsquoeacuteconomie solidaire

- une deacutemarche pouvant ecirctre approprieacutee par la structure elle-mecircme et ses

diffeacuterentes parties prenantes Cette appropriation doit se traduire par lrsquoeacutelaboration par les diffeacuterentes parties prenantes de la structure (dirigeants salarieacutes usagers partenaireshellip) des axes de progregraves sur lesquels elle souhaite srsquoengager et par la proposition drsquoune meacutethode et drsquooutils utilisables apregraves une 1egravere phase drsquoaccompagnement directement par la structure

- une deacutemarche deacutebouchant sur des outils opeacuterationnels et lisibles aussi bien agrave

lrsquointerne que vis-agrave-vis de partenaires exteacuterieurs Apregraves diverses prises de contact et eacutetudes comparatives (audit socieacutetal deacuteveloppeacute par la New Economics Foundation bilan socieacutetal du CJDES deacutemarche de professionnalisation des structures drsquoinsertion par lrsquoactiviteacute eacuteconomique piloteacutee par lrsquoARACT) la deacutemarche de progregraves en deacuteveloppement durable HQ21 impulseacutee par Extra Muros a sembleacute ecirctre une base de travail inteacuteressante en termes de meacutethodologie et drsquooutils pour proposer une deacutemarche de progregraves en eacuteconomie solidaire La mise en place de cette deacutemarche de progregraves est actuellement en phase pilote drsquoexpeacuterimentation aupregraves drsquoune dizaine de structures de la Reacutegion avec le soutien de la Direction Reacutegionale du Travail de lrsquoEmploi et de la Formation Professionnelle du Conseil Geacuteneacuteral du Nord et de la Ville de Lille

Elle doit permettre de reacutepondre agrave un triple besoin

bull Pour une structure se revendiquant de lrsquoeacuteconomie solidaire il srsquoagit de disposer drsquoune meacutethode de travail et drsquooutils opeacuterationnels lui permettant drsquoameacuteliorer son efficaciteacute (dans toutes les dimensions eacuteconomique sociale environnementale ) et de clarifier ses finaliteacutes

bull Pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie solidaire il srsquoagit de renforcer la coheacutesion interne

(entre acteurs de statuts et de secteurs drsquoactiviteacute diffeacuterents) renforcer la qualiteacute des structures creacuteer un langage commun promouvoir lrsquoeacuteconomie solidaire et mettre en eacutevidence les plus-values apporteacutees par les acteurs de lrsquoES

bull Pour les partenaires il srsquoagit de faciliter la reconnaissance et la lisibiliteacute des acteurs de lrsquoeacuteconomie solidaire de leur permettre drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute contribuant ainsi agrave un deacuteveloppement territorial plus solidaire La deacutemarche nrsquoa pas pour ambition drsquoimposer une norme ni un label mais drsquoapporter une garantie de lrsquoeacutetat drsquoesprit dans lequel travaille une structure

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Preacutesentation de la deacutemarche Extra-Muros Consultants coopeacuterative de conseil speacutecialiseacutee dans la conduite de projet en deacuteveloppement durable et en eacuteconomie solidaire a construit et expeacuterimenteacute une deacutemarche de progregraves en deacuteveloppement durable aupregraves drsquoune quinzaine drsquoorganisations sur les trois derniegraveres anneacutees Cette deacutemarche de progregraves non normative et baseacutee sur le volontariat vise agrave doter une structure (association ou entreprise) drsquoune meacutethode et drsquooutils pour une meilleure inteacutegration des principes du deacuteveloppement durable dans ses activiteacutes et dans son fonctionnement Plusieurs expeacuteriences significatives ont permis de tester la deacutemarche et de veacuterifier lrsquointeacuterecirct pour une organisation de reacuteinterroger ses pratiques dans le cadre de travaux partenariaux (principales reacutefeacuterences Elaboration participative drsquoune meacutethode drsquoeacutevaluation du Contrat drsquoAgglomeacuteration de la Communauteacute Urbaine de Dunkerque Mise en œuvre drsquoune deacutemarche de progregraves en deacuteveloppement durable au sein du reacuteseau tourquennois de lrsquoinsertion par lrsquoactiviteacute eacuteconomique deacutemarche de progregraves au sein du Groupement drsquoemployeurs GERM baseacute agrave Eybens (38) Chantier 4 du programme Interreg Valeurs Ajouteacuteeshellip) LrsquoAPES estimant que les travaux drsquoExtra-Muros eacutetaient tregraves proches des preacuteoccupations du reacuteseau a missionneacute le cabinet pour creacuteer une deacutemarche de progregraves propre agrave lrsquoeacuteconomie solidaire La deacutemarche de progregraves en eacuteconomie solidaire sinscrit dans une logique de deacutemarche qualiteacute volontaire et partageacutee Elle vise agrave permettre aux organisations engageacutees (entreprises collectiviteacutes associationshellip) dinteacutegrer de faccedilon collective meacutethodique et individualiseacutee les exigences de lrsquoeacuteconomie solidaire dans leur activiteacute leur fonctionnement interne leurs relations aux partenaires et au territoire Le processus est fondeacute sur le principe du questionnement chaque organisation eacutetant inviteacutee agrave sinterroger sur la faccedilon dont elle integravegre ou pourrait mettre en pratique les diffeacuterents champs de lrsquoeacuteconomie solidaire La deacutemarche de progregraves comporte un double objectif strateacutegique et opeacuterationnel Ainsi elle permet agrave lorganisation concerneacutee de reacutealiser ou de conforter un travail danalyse sur ses atouts et ses contraintes (en regravegle geacuteneacuterale et au regard de lrsquoeacuteconomie solidaire) une mise en perspective de son activiteacute et de son fonctionnement dans la dureacutee dune part agrave travers la deacutefinition dun projet collectif dautre part via leacutelaboration dun programme dactions Elle intervient en compleacutementariteacute avec les deacutemarches qualiteacute deacutejagrave existantes dans la mesure ougrave elle propose via les diffeacuterentes dimensions traiteacutees une approche partageacutee et inteacutegreacutee des diffeacuterents aspects abordeacutes dans les certifications agrave viseacutee environnementale (ex ISO 14000) agrave viseacutee qualiteacute (ex ISO 9000) agrave viseacutee sociale (ex bilan socieacutetal) hellip que lentreprise ou lrsquoassociation a deacutejagrave pu mettre en place La mise en œuvre de la deacutemarche de progregraves en eacuteconomie solidaire est accompagneacutee par un consultant exteacuterieur garant de lrsquoappropriation de la meacutethode par toutes les parties prenantes de leur participation agrave la co-production de lrsquoaccompagnement des groupes de travail et du respect de lrsquoengagement solidaire de la structure Il a en outre agrave sa charge lrsquoeacutelaboration drsquooutils lisibles et diffusables ainsi que lrsquoapport de son regard exteacuterieur

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La deacutemarche se deacutecline en 4 eacutetapes conseacutecutives conduisant de leacutetat des lieux agrave la mise en place des outils de suivi collectif et deacutevaluation

1 Mobiliser et reacutealiser leacutetat des lieux de lorganisation et de lactiviteacute

Profil de lorganisation ndash strateacutegie atouts et contraintes

Constitution du Tour de table

Profil strateacutegique

2 Poser le diagnostic au regard de lrsquoeacuteconomie solidaire

Grille de questionnement (aide-meacutemoire)

Cercle Haute Qualiteacute 21

3 Organiser la monteacutee en qualiteacute

Scheacutema de progregraves (profil actuel profil intermeacutediaire profil cible)

4 Organiser le suivi opeacuterationnel et strateacutegique

Tableaux de bord Outils adapteacutes de suivi

financier Eleacutements de

capitalisation Dossier laquo Ressources raquo et CD-Rom

Deacuteroulement des travaux

Mobiliser - Planifier

Agir ndash Veacuterifier - Reacuteagir

Deacutemarche de progregraves Economie Solidaire

scheacutema Extra-Muros

Evaluercapitaliser en continu le processus et ses impacts

Ces diffeacuterentes eacutetapes donnent lieu agrave la formalisation de plusieurs outils preacutesenteacutes de faccedilon syntheacutetique dans les pages suivantes qui traduisent pour certains de faccedilon visuelle les reacutealiteacutes ou objectifs de lentreprise au regard de lrsquoeacuteconomie solidaire (ex Cercle de qualiteacute et scheacutema de progregraves) font lobjet pour dautres (ex tableau de bord et outils de suivi financiers) dune adaptation aux supports deacutejagrave en place dans lorganisation concerneacutee

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Etape 1 ndash Un premier eacutetat des lieux de la structure et de son fonctionnement est reacutealiseacute (via la constitution de lrsquooutil laquo fiche profil raquo) La mobilisation des parties prenantes (ou constitution du tour de table) est eacutegalement organiseacutee Elle correspond agrave lun des points centraux de la deacutemarche fondeacutee sur la co-production et la responsabiliteacute partageacutee

Le systegraveme dacteurs mobiliseacute (tour de table) dans une deacutemarche de progregraves 21

Dirigeants (eacutequipe dedirection etou administrateurs)

Salarieacutes

Partenaires

(de la filiegravere institutionnels hellip)

Usagersclients

Groupe pleacutenier deacutechangeset de validation

groupe mixte deco-production 1

groupe mixte deco-production 2

groupe mixte deco-production

hellip

Pilote de projet

OU

Equipe-conseil (rocircle agrave dureacutee limiteacutee

en appui aux groupes et au pilote) scheacutema Extra-Muros 2003

En fonction des reacutealiteacutes de la structure le tour de table est constitueacute de faccedilon exhaustive degraves lamont ou fait lobjet dun eacutelargissement progressif (des dirigeants vers les partenaires) Cette eacutetape vise agrave dessiner la fiche didentiteacute de lorganisation et agrave faire le point sur les deacutemarches qualiteacute (certifieacutees ou non) deacutejagrave mises en place quil conviendra dinteacutegrer dans les travaux pour eacuteviter les redondances

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Etape 2 ndash Elle consiste agrave eacutetablir la photographie de lentreprise ou de lrsquoassociation (activiteacute et fonctionnement) au regard de lrsquoeacuteconomie solidaire Elle se traduit par la reacutealisation du cercle de qualiteacute qui permet de capitaliser et de visualiser leacutetat des lieux de lactiviteacute agrave un moment T (voir ci-dessous lexemple du laquo cercle eacuteconomie solidaire raquo) et par la construction de lrsquooutil laquo Profil Strateacutegique raquo qui vise comme son nom lrsquoindique agrave deacutefinir des pistes de strateacutegie au regard de lrsquoeacuteconomie solidaire pour les trois agrave cinq agrave venir (voir scheacutema laquo profil strateacutegique raquo ci-dessous)

Ressources internes (ressources humaines performantes management adapteacute aisance financiegravere conditions logistiques et environnement favorables hellip)

Externaliteacutes positives (effets produits par lorganisation sur sonenvironnement - ex creacuteation de servicesetou de biens socialement utilesdemplois hellip)

Reacutesolution (raison decirctre et finaliteacutes de lorganisation)

Mobilisation des diffeacuterentes parties prenantes

Ressources issues de lenvironnement (contexte eacuteconomique et social filiegravere territoire hellip)

+

-

X

Strateacutegie agrave 35 ans

Des orientations strateacutegiques = base indispensable pour engager une deacutemarche de progregraves 21

scheacutema Extra-Muros 2003

Contraintes dues agravelenvironnement

(contexte eacuteconomique et social filiegravereterritoire hellip)

Contraintes internes (ressources humaines inadapteacutees ou insuffisantes capaciteacutes financiegravereslimiteacutees locaux inapproprieacutes ou trop

restreints hellip)

Externaliteacutes neacutegatives (effets induits par lactiviteacute tels

que pollution bruit )

Cette eacutetape repose sur les reacuteflexions des acteurs mobiliseacutes et srsquoappuie sur un outil laquo aide meacutemoire raquo appeleacute grille de questionnement Cette grille est ameneacutee agrave eacutevoluer dans le cadre de lrsquoexpeacuterimentation sur la base des remarques formuleacutees par les acteurs mobiliseacutes au sein de chaque structure engageacutee

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Cercle du (image de synthegravese de leacutetat des lieux)

Primauteacute de la personne sur le

profit

Activiteacutes socialement utiles et emplois peacuterennes

Modes drsquoorganisation deacutemocratiques

Coopeacuteration et implication sur le territoire

Lrsquoaction meneacutee est insuffisante au regard des exigences de lrsquoeacuteconomie solidaire En leacutetat actuel des choses la preacuteoccupation existe mais des axes dameacutelioration sont agrave trouver et agrave mettre en Laction conduite reacutepond aux exigences

de base agrave atteindre pour se situer dans une deacutemarche drsquoeacuteconomie solidaire

Extra - Muros Consultants pour lrsquoAPES

Engagement pour un parcours drsquoinsertion vers lrsquoemploi durable

Communication externe agrave ameacuteliorer

Peu de relations avec les entreprises

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Etape 3 - la monteacutee en exigence vers lrsquoeacuteconomie solidaire est organiseacutee gracircce au scheacutema de progregraves qui traduit apregraves deacutebat au sein de la structure et de faccedilon syntheacutetique les paliers agrave franchir pour les diffeacuterentes dimensions de la charte (ce scheacutema constitue le programme de travail ou la feuille de route) et renvoie aux indicateurs de suivi et deacutevaluation (voir un exemple de paliers et dindicateurs pour la dimension de la primauteacute de la personne sur le profit suite agrave des travaux reacutealiseacutes par le groupe dans le cadre drsquoune simulation)

Primauteacute de la personne sur le

profit

Profil cible Profil agrave objectif X mois Profil actuel

Activiteacutes socialement utiles et emplois peacuterennes

Modes drsquoorganisation deacutemocratiques

Coopeacuteration et implication sur le territoire

Reacuted

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Scheacutema de progregraves - Simulation

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Primauteacute de la personne sur le profit

Palier 1 ndash Renforcer le recours aux produits eacutethiques Palier 2 ndash Intensifier les efforts en matiegravere de reacuteduction de la consommation de fournitures (consommation papier notamment) Palier 3 ndash Favoriser lrsquoanimation le deacuteveloppement des eacutechanges et de la coopeacuteration au sein du reacuteseau des partenaires Palier 4 ndash Deacutevelopper un outil drsquoeacutevaluation des salaires partageacute et valideacute par lrsquoensemble de lrsquoeacutequipe Palier 5 ndash Renforcer les synergies entre la structure et les entreprises priveacutees dans le cadre du village drsquoentreprise Palier 6 ndash Reacuteduire la deacutependance vis-agrave-vis des financement publics accroissement du poids de la coopeacuterative drsquoemplois et deacuteveloppement de la part des prestations exteacuterieures

Indicateur ndash 30 des fournitures sont des produits eacutethiques (papier recycleacute cafeacute eacutequitablehellip) ndash augmentation du budget fournitures de 10 Indicateur ndash reacuteduction de la consommation de papier par tecircte de 10 Indicateur ndash au moins une reacuteunion de chantier par an Indicateur ndash Outil reacutealiseacute partageacute ndash 3 reacuteunions de travail pour la constitution de lrsquooutil Indicateur ndash au moins deux rencontres par an Indicateur ndash augmentation de X de la part de Chiffre drsquoAffaires (CA) reacutealiseacute par la coopeacuterative drsquoemplois ndash part des prestations exteacuterieures repreacutesentant 10 du CA (en volume)

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Etape 4 ndash Une fois les contours de leacutetat des lieux et de la deacutemarche de progregraves eacutetablis un outil de suivi est eacutelaboreacute sous la forme drsquoun tableau de bord Cet outil permet de veiller agrave la progression dans les diffeacuterents axes de progregraves envisageacutes et agrave la confirmation des objectifs dans la dureacutee Lexemple preacutesenteacute ici est proposeacute aux organisations nayant pas doutils propres mais une adaptation des tableaux de bord existants peut ecirctre envisageacute dans dautres cas (voir tableau de bord construit par le groupe de travail dans le cadre drsquoune simulation) Ce tableau de bord permet de mobiliser plusieurs acteurs au sein de la structure pour le suivi des objectifs identifieacutes dans le cadre du scheacutema de progregraves

TABLEAU DE BORD Deacutemarche de progregraves Peacuteriode de suivi de lrsquoindicateur

INDICATEURS

6 mois 12 mois 18 mois (profil intermeacutediaire)

24 mois 30 mois 36 mois (profil cible)

PRIMAUTE DE LA PERSONNE SUR LE PROFIT

Objectif Reacutealiseacute Objectif Reacutealiseacute Objectif Reacutealiseacute Objectif Reacutealiseacute Objectif Reacutealiseacute Objectif Reacutealiseacute

Personnes laquo ressource raquo pour le suivi

des indicateurs

1- Renforcer le recours aux produits eacutethiques

30 des fournitures sont des produits eacutethiques Augmentation du budget fournitures de 10

Atteint Atteint

Veacuterifieacute

Veacuterifieacute Veacuterifieacute

Veacuterifieacute

Veacuterifieacute Veacuterifieacute

Veacuterifieacute

M XXX

responsable des achats

2- Efforts en matiegravere de reacuteduction de la consommation de fournitures (papier notamment)

Reacuteduction de la consommation de papier par tecircte de 10

Atteint

Veacuterifieacute

Veacuterifieacute

Veacuterifieacute

Veacuterifieacute

Veacuterifieacute

3- Favoriser lrsquoanimation le deacuteveloppement des eacutechanges et de la coopeacuteration au sein du reacuteseau des partenaires

Au moins une reacuteunion de chantier par an

Atteint

Veacuterifieacute

Veacuterifieacute

4- Outil drsquoeacutevaluation des salaires partageacute et valideacute par lrsquoensemble de lrsquoeacutequipe

Outil reacutealiseacute et partageacute X reacuteunions de travail pour la constitution de lrsquooutil

Atteint Atteint

5- Renforcer les synergies entre la structure et les entreprises priveacutees dans le cadre du village drsquoentreprises

Au moins deux rencontres par an

Atteint

Veacuterifieacute

La deacutemarche de progregraves en eacuteconomie solidaire initieacutee par lrsquoAPES doit ecirctre veacutecue comme une deacutemarche qualiteacute volontaire qui permet de structurer le projet de lrsquoorganisation concerneacutee (entreprise association collectiviteacute) dans la dureacutee Elle donne la possibiliteacute de se doter drsquoune meacutethodologie et drsquooutils qui permettent de bacirctir un eacutetat des lieux au regard de lrsquoeacuteconomie solidaire et drsquoorganiser une monteacutee en qualiteacute (agrave travers la deacutefinition drsquoun plan drsquoactions) Cette deacutemarche collective vise agrave associer les diffeacuterentes parties prenantes internes et externes de lrsquoorganisation dans lrsquoidentification drsquoeacuteleacutements de diagnostic et drsquoun plan drsquoaction partageacute Crsquoest une deacutemarche qui renforce les liens entre les structures se revendiquant de lrsquoeacuteconomie solidaire au-delagrave de leur diversiteacute dans la mesure ougrave elle contribue agrave creacuteer une culture commune en terme drsquoeacuteconomie solidaire Crsquoest une deacutemarche qui srsquoappuie sur le transfert de meacutethode Lrsquoexpeacuterimentation engageacutee depuis le deacutebut de lrsquoanneacutee 2005 aupregraves de 10 organisations a permis de former un groupe de laquo personnes relais raquo qui pourront agrave leur tour diffuser la deacutemarche aupregraves drsquoautres acteurs du reacuteseau

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PLANIFICATION ET DEVELOPPEMENT (application plus particuliegravere agrave la Tunisie) Luc BOYER1 Directeur de Recherche Universiteacute de Paris Dauphine Expert International

La peacuteriode 2002-2016 sera deacuteterminante pour le deacuteveloppement eacuteconomique et social drsquoun grand nombre de pays eacutemergents (comme la Tunisie) avec comme enjeu de diminuer sensiblement le deacutecalage avec des pays comme ceux faisant partie de la Communauteacute europeacuteenne De faccedilon caricaturale la politique eacuteconomique suivie par ces pays aussi divers que la Chine lrsquoInde certains pays du Sud-Est asiatique quelques pays drsquoAmeacuterique du Sud un ou deux drsquoAfrique noire et les 3 pays de la faccedilade meacutediterraneacuteenne du Maghreb des pays de lrsquoancien bloc sovieacutetiquehellipest sous 3 logiques diffeacuterentes - Ceux mais ils nrsquoexistent pratiquement plus qui entendent conserver une politique eacuteconomique complegravetement dirigeacutee par un centralisme socialiste et bureaucratique -ceux qui choisissent une politique libeacuterale tregraves ouverte avec une intervention de lrsquoeacutetat tregraves faible sur le plan de la reacutegulation eacuteconomique - Ceux enfin qui tout en optant pour une eacuteconomie libeacuterale entendent ndashnotamment par le biais des aides internationales-orienter agrave long terme leur investissement tant mateacuteriel qursquoimmateacuteriel suivant une certaine logique agrave la fois de concertation entre les divers acteurs eacuteconomiques et de cadre planificateur Remarquons qursquoil serait ndashagrave ce jour- erroneacute de vouloir trouver un lien de causaliteacute entre le reacutegime politique et la politique eacuteconomique (un reacutegime fort comme en Chine peut coexister avec une large politique libeacuterale avec toutes les autres situations intermeacutediaires) Focalisons-nous sur ce cas inteacuteressant drsquoun cadre planificateur(long terme) accompagneacute drsquoun reacutegime fort et drsquoune concertation des agents eacuteconomiques(eacutetatentrepriseaide internationale) comme crsquoest le cas en Tunisie Le pari dans les 10 agrave 15 ans ( 2 agrave 3 plans quinquennaux ) agrave venir est multiple essayons lagrave encore au risque de caricaturer drsquoanalyser cette politique eacuteconomique -favoriser la liberteacute drsquoentreprendre et drsquoinvestir en garantissant la paix sociale et une certaine stabiliteacute politique -par ce fait se montrer un allieacute objectif des Etats et entreprises occidentales et attirer les aides et investissements -accepter le controcircle de lrsquoutilisation de ces aides avec la mise en place drsquoindicateurs de mission de controcirclehellip -basculer progressivement toutes les activiteacutes dans le secteur concurrentiel ouvert en proteacutegeant cependant le temps neacutecessaire des activiteacutes sensibles (ex creacuteation drsquoune filiegravere lait ou drsquoune industrie des NTIC) -jouer le plus possible sur la formation professionnelle initiale bien sucircr mais le risque est grand de voir partir les formeacutes dans les pays deacuteveloppeacutes ou continue qui diminue ou supprime ce risque 1 httplucboyerfreefr

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-favoriser ainsi la creacuteation drsquoune classe moyenne gage de deacuteveloppement et de moindre risque social -et enfin ndashsurtout-inscrire lrsquoensemble de ce deacuteveloppement dans un cadre planificateur au niveau de chaque grand ministegravere en totale liaison avec les secteurs ou repreacutesentants des professions Deacuteveloppons ou illustrons ces quelques points La relative faiblesse des ressources naturelles speacutecifiques (mecircme le tourisme doit en grande partie srsquoappuyer autant sur une invention permanente que sur une simple exploitation de sites) rend neacutecessaire de vigoureuses actions politiques et eacuteconomiques pouvant transformer en atouts(dynamique drsquoentreprises) ce qui pourrait apparaicirctre au deacutepart comme des faiblesses Le management des RH accompagnant les investissements demeure en Tunisie comme dans bien drsquoautres NPI un des principaux sinon le principal facteur cleacute de reacuteussite Un pays des structures des entreprises une culture en transition rendant ce management des RH particuliegraverement difficile De lrsquoancien modegravele de deacuteveloppement ex-centreacute des anneacutees 6070 (utilisation des bas coucircts de main drsquoœuvre pour transformer des produits importeacutes vers des consommateurs externes) on est passeacute pour lrsquoessentiel agrave un modegravele auto-centreacute et exportateur (privileacutegier la consommation tunisienne attirer les investissements eacutetrangers eacutequilibrer la balance des paiementshellip) Autrement dit crsquoest agrave partir drsquoune consommation inteacuterieure solide dans tel ou tel secteur qursquoon pourra drsquoautant mieux deacutevelopper les exportations et les coopeacuterations Certes on continuera agrave utiliser-mais nettement moins qursquoavant ndash lrsquoavantage comparatif du coucirct de main drsquoœuvre (imprimerie textile centre drsquoappelhellip) Un tel dispositif suppose un tregraves gros effort en GRH Bien qursquoen progregraves consideacuterable crsquoest encore un des points faibles du dispositif Dans beaucoup de secteurs si les objectifs des plans paraissent difficiles agrave atteindre crsquoest en grande partie parce que lrsquoeacutevolution rapide des meacutetiers des compeacutetences correspondantes des structures et organisations neacutecessaires srsquoavegravere tregraves exigeante en terme de management des hommes

1 Un premier exemple lrsquoartisanat tunisien Lrsquoartisanat tunisien depuis plus de 30 ans a su preacuteserver ses emplois son savoir-faire Son impact eacuteconomique et social est fort avec plus de 10 de la population active et presque le mecircme de postes creacuteeacutes Toutefois une reacuteflexion un peu plus fouilleacutee montre que ce secteur ne participe que pour 4 au PIB tunisien et que lrsquoexportation directe et indirecte reste insuffisante (lrsquoartisanat ne contribue qursquoagrave environ plus de 2 du total des exportations) Il reste agrave combler le retard pris par le revenu et la valeur ajouteacutee de chaque artisan ( revenu de lrsquoordre de 2000 DT en 2000) Dix agrave quinze ans seront neacutecessaires pour creacuteer un artisanat moderne fondeacute sur un ensemble eacuteconomique et social coheacuterent ancreacute sur des valeurs de tradition et de qualiteacutehellip Lrsquoobjectif afficheacute pour 2016 ( en moyenne tripler les performances) ne pourra srsquoobtenir que par une mise agrave niveau du professionnalisme de lrsquoartisan avec une activiteacute bien organiseacutee et mise en valeur La formation initiale et professionnelle sont les veacuteritables moteurs du changement surtout dans le contexte drsquoune population artisanale vieillissante Dans le cadre de la strateacutegie MANFORME il y aura lieu de creacuteer un grand nombre de plate-formes deacutecentraliseacutees de formations un partenariat vigoureux avec le secteur priveacute un deacuteveloppement du concept de compeacutetences lrsquointeacutegration des nouvelles technologieshellip

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Ce progregraves attendu ne pourra ecirctre mis en œuvre sans une organisation un encadrement des structures nationales accompagnant ce vaste mouvement de formation et de mise agrave niveau deacutecentraliseacutee Cet exemple de lrsquoartisanat tunisien illustre assez bien nous semble-t-il cet eacutequilibre difficile agrave eacutetablir entre - Un indispensable gros effort de formation de deacuteveloppement des compeacutetences - Une deacutecentralisation des moyens et de lrsquoaction - Des projets et investissements cibleacutes - Un partenariat actif entre le secteur priveacute et les instances publiques - Un laquo Office National raquo fortement structureacute et pourtant deacutecentraliseacute - Une politique drsquoexportation incitative - Une capaciteacute de mise en valeur des produits artisanaux et de communication autour de

ceux-ci - hellip

2 Les nouveaux meacutetiers application aux NTIC La capaciteacute drsquoun pays comme la Tunisie agrave inteacutegrer des nouveaux meacutetiers des nouvelles technologies est essentielle pour le long terme Classeacutee au 51egrave rang mondial agrave lrsquoaide de lrsquoIndicateur du Deacuteveloppement Technologique (IDT) mis au point par le PNUD la Tunisie se situe devant des pays comme lrsquoAfrique du Sud lrsquoEgypte le Maroc lrsquoAlgeacuteriehellip Ceci est particuliegraverement vrai en informatique teacuteleacutecommunications et agrave moindre titre en audiovisuel la Tunisie a pris un bon deacutemarrage Mais le deacuteveloppement sera difficile agrave maicirctriser au niveau drsquoambition que souhaitent les pouvoirs publics Une premiegravere difficulteacute -presque drsquoordre seacutemantique- concerne le concept mecircme de nouveaux meacutetiers Dans de nombreux cas il apparaicirct en effet que plus que de nouveaux meacutetiers ndash qui supposent lrsquoapparition la reacuteunion de compeacutetences nouvelles- il est plus pertinent de parler de laquo nouvelles logiques professionnelles se deacutefinissant comme de nouvelles combinaisons de connaissances de compeacutetences et de caracteacuteristiques de champs professionnels autrefois consideacutereacutes comme distincts exprimant de nouveaux rapports agrave lrsquoorganisation et au monde du travail raquo (Pichaut FhellipEtude laquo TIC et Meacutetiers en eacutemergence raquo Digitiphellip2000) Le deacuteveloppement des compeacutetences en NTIC passe-t-il par la creacuteation de meacutetiers nouveaux ou par la croissance de connaissances ou savoirs-faire manageacutes en reacuteseau Il semble bien qursquoon ait affaire aux deux situations la 2egrave eacutetant probablement plus freacutequente qursquoon ne lrsquoimagine a priori Cette alternative ndash nouveau meacutetier drsquoune part organisation de compeacutetences deacutejagrave connues drsquoautre part ndash est drsquoune grande importance quant agrave ses conseacutequences en matiegravere de systegraveme de formation et drsquoenseignement En effet srsquoil srsquoagit de maicirctriser des eacutevolutions des connaissances et des adaptations des organisations nous serions conduits agrave privileacutegier la formation professionnelle si au contraire il srsquoagit drsquoacqueacuterir des compeacutetences franchement nouvelles correspondant agrave des nouvelles technologies mises en œuvre la formation initiale devrait ecirctre privileacutegieacutee Les experts du plan ont fixeacute des objectifs eacuteleveacutes (par exemple passer drsquoune part de recettes de 33 du PIB en 2002 agrave 8 en 2006)

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Deacutejagrave pendant les cinq ou dix derniegraveres anneacutees la Tunisie a largement surpasseacute en croissance ndashTIC ndash (environ 15 par an) le deacuteveloppement des pays agrave haut revenu (OCDE 2000) Les sceacutenarios de reacutefeacuterence se situent pour les dix prochaines anneacutees entre 10 et 25 par an (Banque Mondiale 2002) Une liste drsquoindicateurs de progregraves a eacuteteacute retenue Par exemple pour fin 2006 - Peacuteneacutetration drsquoInternet de 10 ( la Tunisie a un certain retard dans ce domaine) - Peacuteneacutetration des ordinateurs personnels de 8 - Teacuteleacutephone mobile 25 - Diminution de 20 des coucircts de transaction - hellip Lrsquoimpact drsquoune telle croissance des NTIC sur lrsquoeacuteconomie tunisienne devrait ecirctre consideacuterable (tregraves difficile agrave estimer avec preacutecision on peut toutefois avancer un delta de croissance du PIB drsquoau moins 1) Quels peuvent ecirctre les obstacles agrave une telle ambition Une fois encore crsquoest au niveau de la gestion des RH que se situera pour une grande part le facteur cleacute de succegraves La Tunisie a un dispositif de formation initiale supeacuterieur (toujours pour les NTIC) reacuteputeacute pour sa qualiteacute et qui fournit un nombre correct drsquoingeacutenieurs Si lrsquoeffort actuel reste agrave amplifier on se rend compte que ce nrsquoest pas agrave ce niveau que se trouve le principal eacutecueil Remarquons toutefois que ces formations initiales supeacuterieures (Bac + 4 bac +5) permettent aux diplocircmeacutes de se preacutesenter bien sucircr sur le marcheacute tunisien mais eacutegalement sur le marcheacute international ougrave leurs qualiteacutes sont tregraves appreacutecieacuteeshellipet les revenus bien meilleurs Il nous semble que le veacuteritable enjeu se trouve dans la capaciteacute qursquoauront les responsables gouvernementaux et laquo Offices Nationaux raquo en plein accord avec les industriels les feacutedeacuterations professionnelles de bacirctir des formations professionnelles qualifiantes pouvant drsquoailleurs deacuteboucher sur des promotions Ces formations avec des peacutedagogies adapteacutees (alternance e-formation hellip) devraient permettre de combler le deacuteficit preacutevisible consideacuterable issu des ambitions des plans Ceci sur au moins deux niveaux diffeacuterents - celui des speacutecialistes relativement limiteacutes en nombre mais indispensables pour les

laquo professionnels raquo des TIC (Teacuteleacutecom Commerce eacutelectronique Fabricants SSIIhellip) ainsi que les speacutecialistes employeacutes dans les grandes entreprises telles banques assurances transports enseignementhellip

- celui des praticiens en bureautique ou informatique de base soit une tregraves large partie de la population active

On retrouve avec un enjeu certes plus important agrave long terme la probleacutematique deacutejagrave deacutecrite pour lrsquoartisanat - action deacutecentraliseacutee - large concertation entre secteur public et secteur priveacute - coordination centrale des moyens des investissements des controcircleshellip - peacutedagogie adapteacutee - hellip Lrsquointeacuterecirct drsquoun tel dispositif qualifiant certes difficile agrave mettre en place est qursquoil fixe sur le sol national dans le tissu eacuteconomique local une population de techniciens de techniciens

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supeacuterieurs de cadres moyens dont les entreprises ont le plus grand besoin et dont le risque drsquoeacutevasion est faible Les mecircmes approches sont ou vont ecirctre appliqueacutees dans des secteurs comme lrsquoactiviteacute strateacutegique de lrsquoEquipement ou eacutegalement celui de lrsquoEnseignement supeacuterieur

3 Et dans les entreprises traditionnelles tunisiennes La situation est tregraves diffeacuterente drsquoune entreprise agrave lrsquoautre Toutefois pour un certain nombre de moyennes ou grandes entreprises traditionnelles tunisiennes (textiles ou agroalimentaires par exemple) entreprises soumises progressivement agrave une vive concurrence venant en particulier de firmes eacutetrangegraveres srsquoimplantant en Tunisie la GRH est souvent un des points les moins bien maicirctriseacutes Lrsquoeffort de reacuteflexion et de mise en place de meacutethodologies de gestion a eacuteteacute parfois insuffisant Parmi les deacuteficits constateacutes on peut relever - peu de deacutefinition de responsabiliteacutes de limites de pouvoirs drsquoougrave une coheacutesion interne

difficile agrave atteindre - les descriptions de postes lorsqursquoelles existent sont plus faites en terme drsquoactiviteacutes qursquoen

reacutesultats agrave atteindre - le concept drsquoobjectifs est rarement deacuteclineacute le plus souvent exprimeacute en terme geacuteneacuteral - une difficile adeacutequation hommespostes due parfois agrave la faible ancienneteacute du personnel - une difficulteacute agrave reacuteguler le travail de groupe les reacuteunions de travail ( ordre du jour

planification compte renduhellip) - peu drsquoindicateurs de processus ou de reacutesultats (une certaine faiblesse du controcircle de

gestion) - les formations ndash geacuteneacuterales ou speacutecifiques- font rarement lrsquoobjet drsquoun plan concerteacute avec

objectifs meacutethodes controcircleshellip - le management par projet reste encore marginal - si lrsquoanalyse des dysfonctionnements RH est souvent correcte les plans drsquoaction

correspondants sont rares ou peu formaliseacutes - le turn over surtout celui des hommes deacutetenant des compeacutetences pointues est

relativement eacuteleveacute - les systegravemes de reacutemuneacuterations sont peu eacutetudieacutes faiblement efficaces inteacutegrant

qursquoexceptionnellement le moyen ou long terme - parfois une forte proportion de personnel occasionnel entraicircne des difficulteacutes

drsquoencadrement ou de motivation - le concept de clientfournisseur internes est peu deacuteveloppeacute avec une communication

interne souvent faiblehellip - hellip Cette situation nrsquoest pas geacuteneacuterale mais quand elle existe elle compromet gravement lrsquoavenir de ces socieacuteteacutes par ailleurs bien implanteacutees dans le tissu eacuteconomique tunisien Certes lrsquoanimation geacuteneacuterale de ces firmes fondeacutee sur une longue histoire partageacutee des liens inter personnels solides une confiance reacuteciproque et des individus de talent pallient au moins en partie ces carences Une nouvelle fois une action planificatrice agrave lrsquoapplication largement deacutecentraliseacutee lrsquoimplication des feacutedeacuterations professionnelles ainsi que celle des entreprises ou des institutions speacutecialiseacutees en deacuteveloppement des ressources humaines des aides gouvernementales cibleacutees demeurent indispensables

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La prise de conscience de la place neacutecessaire de la GRH et de son inteacutegration par des meacutethodes et outils approprieacutes dans lrsquoentreprise traditionnelle tunisienne est neacutecessaire agrave la survie et au deacuteveloppement de celle-ci Le fort deacuteveloppement que la Tunisie a choisi pour les prochaines anneacutees ne manque pas de mettre en eacutevidence les goulots drsquoeacutetranglement agrave commencer par les carences en terme de management et ressources humaines A la diffeacuterence de la plupart des pays fortement deacuteveloppeacutes la reacuteussite de cette politique repose sur le rocircle planificateur de lrsquoEtat aideacute souvent par la communauteacute internationale A charge pour cet Etat pour organiser avec la collaboration la plus eacutetroite des entreprises et de leurs repreacutesentants la monteacutee en puissance des compeacutetences la deacutecentralisation des actions et des moyens Bien que la formation initiale reste le dispositif naturel incontournable fournissant agrave long terme les ressources neacutecessaires la formation professionnelle demeure pour le court et moyen terme la voie privileacutegieacutee drsquoadaptation drsquoeacutevolution et de promotion du personnel Certes le contenu et la faccedilon de deacutelivrer les formations sont des conditions de reacuteussite Ainsi pourra en partie ecirctre assureacute cet eacutequilibre technique eacuteconomique et social permettant le deacuteveloppement souhaiteacute

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LA RESPONSABILITE SOCIALE DrsquoENTREPRISE UN PARADIGME POUR LES PAYS EN TRANSITION Adriana SCHIOPOIU BURLEA1 Professeur agrave lrsquoUniversiteacute de Craiova (Roumanie) Mirela CIOBANU Doctorant en Sciences Economiques lrsquoUniversiteacute de Craiova (Roumanie)

Introduction Le but principal de cet article et de mettre en valeur le paradigme qui existe entre la theacuteorie neacuteo-institutionnaliste et la perception reacuteelle de la responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise dans les pays en transition en particulier en Roumanie La meacutethodologie de la recherche srsquoavegravere complexe et repose sur un dialogue entre la litteacuterature speacutecialiseacutee concernant tant la theacuteorie neacuteo-institutionnaliste que la responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise et la reacutealiteacute du monde de lrsquoentreprise La reacutealiteacute des entreprises roumaines a eacuteteacute appreacutecieacutee par des eacutetudes de cas baseacutees sur des interviews compleacuteteacutees par des entretiens avec les cadres et les salarieacutes La liaison existant entre les organisations et les institutions dans la theacuteorie neacuteo-institutionnaliste Lrsquointerconnexion entre la theacuteorie neacuteo-institutionnaliste et la RSE est mise en eacutevidence par lrsquoanalyse du processus formel drsquoorganisation En effet la rationalisation et la modernisation organisationnelle sont appreacutecieacutees par le prisme de la relation qui existe entre les formes de la reacutealisation de la RSE et les pratiques de la RSE Dans la litteacuterature specialiseacutee plusieurs approches au sein des institutions et des organisations ont eacuteteacute deacuteveloppeacutees notamment par

Une seacuterie drsquoauteurs (Meyer et Rowan 1977 Zucker 1983 Scott 1994) abordent les institutions externes des organisations par rapport aux processus de lrsquoinstitutionalisation dans lrsquoenvironnement organisationnel et leurs effets sur les organisations Drsquoautres speacutecialistes tels que Hasse et Kruumlcken (1999) ou Powel et DiMaggio (1991) considegraverent comme relevante la focalisation drsquoanalyse sur les processus institutionnels qui se deacuteroulent agrave lrsquointeacuterieur de lrsquoorganisation Dans ce contexte les organisations du fait de leurs meacutecanismes internes adaptatifs et autoadaptatifs sont considereacutees comme des institutions

Dans le contexte de la RSE lrsquoorganisation est une entiteacute qui drsquoune part dispose de coutumes usages valeurs regravegles tendances sociologiques et drsquoautre part creacuteeacutee des normes valeurs regravegles et se soumet aux lois formelles et informelles qui influent sur lrsquoenvironnement dans lequel lrsquoorganisation exerce son activiteacute En conseacutequence lrsquoaction de lrsquoorganisation possegravede agrave la base un panel de structures rationaliseacutees des modegraveles et des scheacutemas culturels ndash qui conduisent agrave la deacutefinition drsquoentiteacute sociale Pouvons-nous consideacuterer les organisations comme des entiteacutes sociales ndash avec des objectifs sociaux eacuteconomiques et environnementaux ndash incorporeacutees dans les reacuteseaux complexes des 1 aburlea2000yahooit aburleacentralucvro

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creacuteances des scheacutemas culturels et des conventions qui modegravelent leurs objectifs et leurs pratiques Le reacuteponse est affirmative si nous prenons en consideacuteration le fait que les institutions constituent des perspectives socieacutetales et normatives cognitives et reacutegulatrices ndash qui peuvent geacuteneacuterer directement ou indirectement des effets et qui sont caracteacuteriseacutees par une stabiliteacute relative au changement Du fait de lrsquoimpact de leurs caractegraveres exogegravenes ou endogegravenes les institutions sont utiliseacutees pour expliquer la maniegravere dont sont initieacutees les normes et deacutefinis les rocircles de sorte que les reacutesultats obtenus puissent ecirctre diffeacuterents de ceux des entiteacutes non-institutionnelles Pour analyser la RSE par rapport agrave la theacuteorie neacuteo-institutionnaliste nous avons concentrer notre approche sur la mise en valeur de la connexion organisation-institution (figure no1)

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MILIEU ENVIRONNEMENTAL

Organisation

Code de conduite Regravegles Normes

2 3

1

n

Leacutegende 1 23 n ndash institutions externes lrsquoinfluence directe avec un caractegravere contraignant ou non lrsquoinfluence indirecte dicteacutee par des objectives de lrsquoorganisation (recherche de profit survie en milieu concurrentiel)

Figure no 1 ndash Lrsquointerdeacutependance des institutions externes - organisations (institutions

internes) Dans un souci drsquohomogeacuteneacuteiteacute nous extrapolerons la terminologie de la notion drsquoorganisation agrave la notion drsquoentreprise (organisation ndash eacutetudieacutee par rapport avec la RSE) Lrsquoanalyse du contexte des moules rationaliseacutes au sein de lrsquoorganisation srsquoavegravere difficile et complexe en particulier pour les entreprises roumaines

Dans la figure no 2 lrsquoisomorphisme nrsquoest pas perccedilu comme eacutetant un instrument de la theacuteorie neacuteo-institutionnaliste mais il est incorporeacute dans laquo lrsquoinstinct de survie raquo de lrsquoentreprise ndash lrsquoeacutechec eacuteventuel sera du en grande partie agrave lrsquoincompreacutehension du meacutecanisme de la reacutealisation drsquoisomorphisme structurel

Deacuteveloppement court terme (Faillite)

Deacuteveloppement durable

Pressionnes institutionelles Internationalles (OCDE OIT ILO ONU)

Practiques de marketing Practiques RSE

Pressionnes institutionelles nationalles (gouvern syndicats ONG

Isomorphisme Organisation B(autochtone)

Organisation A (multinationale)

Figure no 2 - Lrsquoimpact de la pression institutionnelle sur les organisations autochtones

(La Roumanie un ex-pays communiste en voie de deacuteveloppement) Dans mecircme temps la figure numeacutero 2 met en valeur le paradoxe qui existe entre la reacutealiteacute dans les pays en transition et la theacuteorie neacuteo-institutionnaliste

lrsquoentreprise A qui est soumise agrave des pressions agrave la fois en provenance dinstitutions internationales et nationales (roumaines) est mieux placeacutee pour survivre que lentreprise B qui nest soumise quagrave des pressions nationales roumaines la theacuteorie neacuteo-institutionnaliste considegravere que lentreprise qui subit moins de pressions est plus apte agrave survivre mais la reacutealiteacute prouve que la logique de reacuteponse des entreprises aux contraintes de lenvironnement est plus complexe que cette theacuteorie le suppose

Le mode de fonctionnement des meacutecanismes de traduction des contraintes contextuelles sexerce diffeacuteremment dans le cas A et le cas B La diffeacuterence est due au fait que laction humaine nest pas guideacutee par une deacutelibeacuteration consciente mais par des regravegles des routines des normes des croyances qui toutes ensemble caracteacuterisent les institutions En conseacutequence le dirigeant de lrsquoentreprise B est conduit agrave raisonner dans un univers marqueacute par des contraintes irreacuteductibles issues du souvenir de la peacuteriode ex-communiste et en revanche le dirigeant de lrsquoentreprise A est capable de hieacuterarchiser en replaccedilant les contraintes nationales agrave linteacuterieur des contraintes internationales Les deux dirigeants reacuteagissent diffeacuteremment aux voies de la theacuteorie neacuteo-institutionnaliste par lesquelles les contraintes sont exerceacutees Par exemple si nous faisons une analyse des voies par lesquelles les contraintes sont exerceacutees aux niveaux des entreprises A et B nous pouvons affirmeacute que

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le dirigeant de lrsquoentreprise A est sensible agrave une voie contraignante (a cause de la double pression ndash nationale et internationale) une voie normative (les reacuteglementations des institutions internationales et nationales) une voie cognitive (eacutedifieacutee par le processus de transformation de lrsquoideacuteal en discours et

nt de lrsquoentreprise B reacuteagit seulement agrave la voie contraignante qui est une voie oercitive

tude de cas

umaines Le choix de ces deux

feacuterente ndash les

x derniegraveres anneacutees les entreprises doivent enregistrer un profit

Une des entreprises doit avoir ecirctre creacuteeacutee avant 1989 et lrsquoautre entreprise apregraves 1989

appartenant

ionnaires de lrsquoentreprise de mateacuteriaux de construction

ction est

a eacuteteacute realiseacutee tant par la meacutethode de

mple ndash avec

enir

leur caractegravere contraignant ou non sur le comportement responsable de

eacute de connaissances de la probleacutematique de la RSE aux diffeacuterents niveaux de lrsquoentreprise

eacutees agrave la suite de lrsquoeacutetude ont eacuteteacute compleacuteteacutees par des eacuteleacutements

ions avec les deux dirigeants ont permis de preacutesenter les lignes directrices

dans une seconde eacutetape en techniques de controcircle) le dirigeac E Lrsquoeacutetude pratique est reacutealiseacutee dans deux entreprises roentreprises a eacuteteacute eacutelaboreacute sur la base des critegraveres suivants

Les entreprises doivent appartenir agrave deux secteurs drsquoactiviteacute diffeacuterents Lrsquoactionnariat majoritaire des deux entreprises doit avoir une structure difactionnaires autochtones majoritaires ou actionnaires eacutetrangers majoritaires Dans les deudrsquoexploitation

Apregraves lrsquoeacutetablissement des critegraveres preacuteliminaires nous avons choisi les entreprisesrespectivement au secteur du textile et au secteur des mateacuteriaux de construction Nous preacutecisons eacutegalement que le dirigeant de lrsquoentreprise de textiles est aussi le proprieacutetaire de lrsquoentreprise (actionnariat 100 roumain) et le dirigeant de lrsquoentreprise de mateacuteriaux de construction a eacuteteacute recruteacute par les act(actionnaires majoritaires eacutetrangers) Les deux entreprises ont enregistreacute des profits drsquoexploitation sur les deux derniegraveres anneacutees Lentreprise de textile a eacuteteacute creacutee apregraves 1989 et celle de mateacuteriaux de construimplanteacutee de longue date dans la reacutegion (plus de 25 ans drsquoactiviteacute dans ce domaine) La seacutelection des donneacutees et des informationslrsquoobservation directe que par des entretiens Les salarieacutes intervieweacutes ont eacuteteacute choisis de maniegravere aleacuteatoire sur base de la feuille des preacutesences en ne seacutelectionnant pas une certaine cateacutegorie de salarieacutes (par exeplusieurs absences ou avec une certaine ancienneteacute) pour les raisons suivantes

nous avons suivi le gain de confiance des salarieacutes notamment concernant la garantie de confidentialiteacute des informations En effet en cas de doute les salarieacutes pourraient devsuspicieux et le processus de communication souffrir de barriegraveres de communication leacutetude ne constitue pas un mission drsquoaudit social mais il constitue une eacutetude mettant en relief limpact des diffeacuterents eacutetats sociaux (ideacuteaux discours et techniques de controcircle) en fonction de lentreprise lun des objectifs prioritaire de leacutetude est de mesurer le degr

Les conclusions complexes associprovenant de la reacutealiteacute roumaine Les discusssuivantes

Le dirigeant de lrsquoentreprise de mateacuteriaux de construction sous la pression des actionnaires fait des efforts consideacuterables pour bien comprendre le sens de la strateacutegie de

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la RSE tandis que le dirigeant proprieacutetaire nrsquoa aucune connaissance de ce que signifie la strateacutegie de la RSE les deux dirigeants considegraverent que la sponsorisation est suffisante pour diffuser une image positive de lrsquoentreprise2 surtout lorsque lrsquoimpocirct sur le profit est reacuteduit agrave 03 du

dicteacute par les directives des actionnaires guideacutes agrave la fois par la recherche de profit mais eacutegalement par la protection de lrsquoimage internationale de

eacuteteacute les conditions concernant le temps du

et entre les salarieacutes et leurs supeacuterieurs

tion la peur des conseacutequences du changement le chocircmage et lrsquoincertitude du lendemain sont toutefois des eacuteleacutements qui

grave sans que nrsquoexiste un ideacuteal preacuteeacutetabli ndash par inertie ndash ou agrave cause de la

rs que les salarieacutes veulent conserver leur lieu de travail de bonnes

riteacutes le manque de communication dirigeants-salarieacutes

Cette derniegravere remarque met en eacutevidence lrsquoempreinte sur les techniques de controcircle inapproprieacutees soit insuffisantes soit deacuteveloppeacutees agrave outrance

chiffre drsquoaffaires et en conseacutequence il existe aussi des beacuteneacutefices financiers pour lrsquoentreprise le comportement du dirigeant recruteacute par les actionnaires de lrsquoentreprise est responsable seulement en apparence car

lrsquoentreprise multinationale Apregraves la reacutealisation et lrsquoanalyse des entretiens avec les salarieacutes les conclusions suivantes ont

eacutelaboreacutees les salarieacutes des deux entreprises soulignent quetravail et la reacuteglementation des heures suppleacutementaires sont respecteacutees Par ailleurs il nexiste pas de forme notable de discrimination les salarieacutes de lrsquoentreprise de textile soulignent la manque de communication de relations sociales et de participation tandis que les salarieacutes de lrsquoautre entreprise craignent un eacutechec personnel et reconnaissent deux faiblesses majeures Il srsquoagit drsquoune part de lrsquoinexistence drsquoune strateacutegie drsquoensemble prenant en consideacuteration la capaciteacute drsquoadaptation des salarieacutes aux objectifs strateacutegiques de lrsquoentreprise et drsquoautre part de lrsquoexistence de barriegraveres de communication entre les salarieacutes du mecircme niveau Il deacutecoule de cette perception des salarieacutes un manque de confiance agrave la fois dans lrsquoentreprise mecircme et dans leurs dirigeants les salarieacutes des deux entreprises ont deacutejagrave entendu le terme de la RSE mais ils preacutesentent des ldquoavisrdquo divergents sur ce sujet ndash Chacun se sent responsable sur son lieu de travail mais les difficulteacutes rencontreacutees durant la peacuteriode de transi

engendrent des barriegraveres psychologiques pour les salarieacutes Une autre conclusion de lrsquoeacutetude crsquoest que on passe au discours sans bien comprendre lrsquoideacuteal ou mecircme plus pression externe des actionnaires eacutetrangers (le cas de lrsquoentreprise de mateacuteriaux de construction) Ces derniers ne peuvent pas concevoir que en reacutealiteacute le dirigeant et les salarieacutes ont des objectifs diffeacuterents et rarement convergents En effet le dirigeant recherche la reacutealisation de profit pour contenter les actionnaires et pour garder sa fonction aloconditions de travail et la reacutealisation quantitative des produits sans vraiment se preacuteoccuper de la qualiteacute des produits Ce comportement est une autre conseacutequence de la peacuteriode communiste pendant laquelle existait la crainte de signaler les irreacuteguladrsquoune part et dirigeants-actionnaires drsquoautre part et le statut diffeacuterent du dirigeant tel que dirigeant employeacute ou dirigeant-patron

2 La sponsorisation repreacutesente une meacutethode classique qui pourrait apporter plusieurs avantages aux les entreprises roumaines

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Isomorphisme structurel roumain et image des nouvelles institutions internationales de la RSE Les eacutetudes reacutealiseacutees dans les entreprises roumaines nous permettent drsquoaffirmer que le degreacute drsquoisomorphisme structurel est plus grand dans les entreprises roumaines speacutecialement lrsquoisomorphisme mimeacutetique3 car les scheacutemas culturels et les conventions qui modegravelent lrsquoactiviteacute sont fortement marqueacutes par la peacuteriode communiste Degraves lors dans les entreprises roumaines et speacutecialement dans celles du secteur public lrsquoisomorphisme structurel est consideacutereacute comme un aspect de la bureaucratisation des processus4 En particulier nos entretiens avec les dirigeants ont mis en eacutevidence le fait que les entreprises roumaines perccediloivent la RSE comme un instrument du marketing porteur de profit et non comme un ensemble de strateacutegies ayant des implications eacuteconomiques sociales et environnementales pouvant apporter des beacuteneacutefices agrave la socieacuteteacute roumaine toute entiegravere Une question se pose logiquement Pour quelles raisons les entreprises roumaines ne veulent pas adopter et utiliser un ensemble efficient de discours et de techniques de controcircle dans le domaine de la RSE offert par des organismes internationaux ou par des pays deacuteveloppeacutes Le reacuteponse peut donner naissance a plusieurs speacuteculations Mais la situation reacuteelle deacutemontre que les nouvelles institutions de la RSE ne sont pas tregraves connues en Roumanie et de plus les ideacutees ne sont pas suivies de moyens efficaces pour les repreacutesenter ou pour communiquer avec elles (discours) En conseacutequence les techniques de controcircle ne rendent pas possible lrsquoeacutenonciation des relations constitueacutees par des discours Les processus et les standards utiliseacutes dans une entreprise concernent les politiques de la responsabiliteacute sociale le rapport de lrsquoimplication sociale des salarieacutes lrsquoentrepreneuriat social les nouvelles formes organisationnelles et les codes de conduite Le reacuteponse est plus ou moins simple parce que les nouvelles institutions dans le domaine de la responsabiliteacute sociale drsquoentreprise ne le sont pas familiers mecircme en plus les ideacutees ne sont pas accompagneacutes de moyens efficientes pour le repreacutesenter et pour communiquer avec eux (discours) En conseacutequence les techniques de controcircle ne font plus possible lrsquoexpression des relations qui sont reacutealiseacutes par discours Les entreprises roumaines ne disposant pas des chartes eacutethiques ou ne remplissant pas les critegraveres requis pour reacutediger un rapport de Deacuteveloppement Durable nrsquoont pas deacutefini leur propre reacutefeacuterentiel de RSE Les codes sectoriels disponibles sappuient sur des reacutefeacuterentiels internationaux et sont en geacuteneacuteral preacutesents dans les filiales des socieacuteteacutes multinationales5 En Roumanie lrsquoEacutetat nrsquoa pas les outils performants pour promouvoir la RSE et les entreprises roumaines ne peuvent pas reacutealiser une auto-reacuteglementation par le biais des codes de conduite 3 Lrsquoisomorphisme mimeacutetique est un processus par lequel lrsquoentreprise srsquoadapte a un environnement incertain marqueacute par un haut niveau drsquoincertitude par lrsquoimitation du comportement des entreprises perccedilues comme ayant du succegraves 4 LE MONITEUR OFFICIEL (2004) ldquoLoi no 72004 concernant le Code de conduite pour les fonctionnaires publicsrdquo ndeg157 23 feacutevrier 2004 - Ce code ne porte que sur la bureaucratie et la corruption dans lrsquoadministration publique sans eacutenoncer un ensemble de normes fondamentales du travail 5 A lrsquooccasion drsquoun audit RSE reacutealiseacute par des auditeurs internationaux au sein drsquoune entreprise roumaine du textile il a eacuteteacute constateacute que le code de conduite en vigueur eacutetait lrsquoEURATEX Ce dernier a eacuteteacute eacutelaboreacute au niveau du secteur drsquoactiviteacute europeacuteen du textile (EURATEX) traitant du travail des enfants du travail forceacute des droits syndicaux et du principe de non-discrimination sur le lieu de travail (laquoCharte des partenaires sociaux dans le secteur du textile et de lrsquohabillement europeacuteenraquo 10 juillet 1997 httpeuropaeuintcommemployment_socialsoc-dialsocialeuro_agrdatafr970710doc)

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Les entreprises peuvent prendre des initiatives pour augmenter leur niveau de responsabiliteacute sociale sans que les gouvernements aient neacutecessairement besoin de leacutegifeacuterer Les ONG peuvent aussi recourir agrave des pressions par exemple des campagnes deacutenonccedilant certaines pratiques sociales des boycotts6 ou des menaces de boycott7 En Roumanie la voix de la socieacuteteacute civile et des meacutedias de masse commence agrave ecirctre entendue par des institutions nationales et par le gouvernement Conclusion 15 anneacutees se sont eacutecouleacutees depuis la chute du reacutegime communiste en Roumanie mais les difficulteacutes lieacutees agrave la manifestation du comportement social responsable des entreprises persistent encore mecircme si elles se sont atteacutenueacutees Le deacuteveloppement des pratiques de la RSE srsquoavegravere lent et progressif et les rapports non financiers restent sporadiques et quelques fois inconsistants Actuellement lors des eacutechanges internationaux pour la mise en valeur du concept de Responsabiliteacute Sociale drsquoEntreprise (RSE) les entreprises roumaines doivent prendre en consideacuteration la responsabiliteacute sociale de maniegravere de plus en plus formelle et adapter les discours internationaux aux besoins nationaux Les meacutecanismes par lesquels les ideacuteaux de la RSE sont transformeacutes dans les discours et les techniques de controcircle sont encore rudimentaires et fonctionnent sous la pression drsquoune inertie internationale obligeant les entreprises roumaines agrave faire face aux contraintes internationales Afin de mettre en valeur les beacuteneacutefices de la responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise la Roumanie doit parcourir une seacuterie drsquoeacutetapes preacuteliminaires

la mise en place du cadre reacuteglementaire ou leacutegislatif adeacutequat afin de deacutefinir une base eacutequitable agrave partir de laquelle les pratiques socialement responsables peuvent ecirctre deacuteveloppeacutees notamment sous la forme drsquoun veacuteritable accompagnement en matiegravere drsquoassistance technique et drsquoun transfert drsquooutils et de meacutethodes de RSE la conscientisation des pouvoirs publics et des entreprises sur lrsquoindispensable promotion des concepts de la responsabiliteacute sociale drsquoentreprise la mise en place de centres pilotes pour la formation de speacutecialistes dans le domaine de la responsabiliteacute sociale drsquoentreprise la configuration drsquoune nouvelle relation entre lEtat les organisations locales de travailleurs et les entreprises un souci permanent de coheacuterence entre les strateacutegies deacutefinies au niveau national et le cadre de reacutefeacuterence deacutefini au niveau international

Au niveau micro-eacuteconomique de multiples initiatives sont lanceacutees afin drsquoinciter les entreprises agrave se doter drsquoun code de conduite et de valoriser leurs reacutesultats au moyen de labels sociaux La fiabiliteacute et la coheacuterence de ces eacutevaluations sont cependant encore loin decirctre assureacutees

6 Les ONG roumaines ndash SalvEco lrsquoAcadeacutemie Roumaine - ont recours aux boycotts concernant le projet laquo Rosia Montana raquo - httpdaciigoromaterialealtelepaginiproiectul_rosia_montanahtm http wwwmindbombro 7 La socieacuteteacute civile mass media ndash ont boycotteacute le projet laquo Chanel Bistroe raquo dans le Delta du Danube patrimoine UNESCO - httpwww2dw-worldderomaniancorespondente1993111html

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LrsquoAUDIT DE LA CREATION DE VALEUR ORGANISATIONNELLE CONCEPT ET ETUDE DE CAS Laurent CAPPELLETTI1 Maicirctre de Confeacuterences en Sciences de Gestion ndash ISEOR (Universiteacute Lyon 3)

Reacutesumeacute Cette communication preacutesente une meacutethode drsquoaudit de la creacuteation de valeur organisationnelle drsquoune entreprise Lrsquohypothegravese centrale qui est deacuteveloppeacutee est que le couplage drsquoun diagnostic socio-eacuteconomique et drsquoune eacutevaluation socio-eacuteconomique que nous appelons audit drsquoactiviteacute permet drsquoauditer et de mesurer la creacuteation de valeur organisationnelle dune entreprise Mots cleacutes valeur creacuteation de valeur valeur organisationnelle valeur eacuteconomique valeur financiegravere audit diagnostic et eacutevaluation socio-eacuteconomique Abstract This article is focused on a model of an organizational value auditing process It aims at showing that a process made of a socio-economic diagnosis and a socio-economic evaluation allows to measure the organizational value creation of a firm Activity-based auditing process is the name given to this process Keywords value value creation organizational value economic value financial value auditing process diagnosis and socio-economic evaluation Introduction Lrsquoobjet de cette communication est de proposer un processus drsquoaudit capable de mesurer qualitativement et quantitativement la creacuteation de valeur organisationnelle drsquoune entreprise Lrsquohypothegravese centrale deacuteveloppeacutee est que la valeur organisationnelle deacutefinie par la qualiteacute du management et du fonctionnement peut ecirctre auditeacutee par un processus drsquoaudit drsquoactiviteacute Le processus drsquoaudit drsquoactiviteacute preacutesenteacute repose sur le modegravele socio-eacuteconomique du fonctionnement drsquoune entreprise Ce processus consiste dans un premier temps agrave eacutevaluer les dysfonctionnements qui nuisent agrave la qualiteacute du management et du fonctionnement dans les six thegravemes suivants conditions de travail organisation du travail communication formation gestion du temps et mise en œuvre strateacutegique Dans un deuxiegraveme temps ce processus consiste agrave eacutevaluer la variation des dysfonctionnements Une diminution des dysfonctionnements et des coucircts induits traduit une creacuteation de valeur organisationnelle Le processus drsquoaudit drsquoactiviteacute preacutesenteacute transcende le champ de lrsquoaudit social et se positionne dans le champ de lrsquoaudit drsquoanticipation Lrsquointeacuterecirct de cette communication est de montrer qursquoen creacuteant de la valeur organisationnelle crsquoest-agrave-dire en ameacuteliorant la qualiteacute de son management et de son fonctionnement une entreprise preacutepare des ameacuteliorations de performances socio-eacuteconomiques futures 1 ISEOR ndash Universiteacute Jean Moulin ndash Lyon 3 15 Chemin du Petit Bois 69130 ECULLY E-mail cappellettiiseorcom Teacutel 0478330966

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1 Lrsquoaudit de la creacuteation de valeur organisationnelle cadre theacuteorique Diffeacuterents auteurs ont proposeacute une eacutetude du concept de valeur organisationnelle Cette derniegravere conduit agrave lrsquoexamen des problegravemes sous lrsquoangle interne de la hieacuterarchie de la coordination de la motivation des acteurs des capaciteacutes et processus drsquoapprentissage de structure de frontiegravere drsquoentiteacute voire de leacutegitimiteacute La question de la creacuteation de valeur est traiteacutee par les auteurs de ce paradigme de la valeur organisationnelle au moyen des processus organisationnels des problegravemes lieacutes agrave la prise de deacutecision (Hoarau et Teller 2001) La capaciteacute agrave creacuteer de la valeur organisationnelle pour lrsquoentreprise reacuteside dans sa capaciteacute agrave reacuteduire ses coucircts de fonctionnement La valeur repose alors sur une compeacutetence organisationnelle crsquoest-agrave-dire une disposition agrave geacuterer et organiser (Van Loye 1998) Drsquoapregraves la theacuteorie des coucircts de transaction (Coase 1937 Williamson 1975) lrsquoentreprise doit chercher agrave minimiser ses coucircts de transaction et ses coucircts drsquoorganisation La valeur organisationnelle que nous deacutefinissons ici comme la qualiteacute du management et du fonctionnement de lrsquoentreprise peut ecirctre mise en relation avec drsquoautres approches conceptuelles qui srsquointeacuteressent aussi agrave la valeur organisationnelle On peut ainsi citer les travaux drsquoauteurs sueacutedois qui ont eacutetudieacute le capital immateacuteriel Edvinsson (1999) considegravere que ce dernier comprend deux composantes le capital humain et le capital structurel celui-ci eacutetant lui-mecircme composeacute du capital clients et du capital organisationnel lequel se scinde en deux composantes le capital drsquoinnovation et le capital des process Pour Sveiby (2000) la partie invisible du bilan drsquoune entreprise est composeacutee de trois cateacutegories drsquoactifs immateacuteriels ou incorporels les compeacutetences des collaborateurs (leur capaciteacute agrave agir quelle que soit la situation) la composante interne (brevets concepts modes de fonctionnement organisation administrative et informatique culture drsquoentreprise ambiance) et la composante externe (relations avec les clients et les fournisseurs reacuteputation de la socieacuteteacute) Edvinsson et Sveiby proposent des indicateurs pour construire des tableaux de bord strateacutegiques (par exemple navigateur de Skandia) Sur ces questions le courant de la theacuteorie des ressources stipule que les employeacutes drsquoune entreprise constituent un avantage compeacutetitif difficile agrave dupliquer pour la concurrence (Decock Good et Georges 2003) Cette theacuteorie a surtout eacuteteacute stimuleacutee par lrsquoapparition dans le champ de la strateacutegie de la theacuteorie des ressources internes populariseacutee par Hamel et Prahalad (1990 1993) Ces auteurs montrent que les employeacutes et la faccedilon dont ils sont geacutereacutes jouent un rocircle capital dans le succegraves des organisations et constituent une source drsquoavantage strateacutegique durable Pour Huselid Jackson et Schuler (1997) la theacuteorie des ressources contribue fortement agrave la construction de lrsquoavantage concurrentiel Pour Wright Mac Mahan et Mac Williams (1994) les ressources humaines preacutesentent potentiellement tous les attributs caracteacuteristiques drsquoune ressource cleacute selon les canons theacuteoriques de la theacuteorie des ressources elles sont rares creacuteent de la valeur et sont imparfaitement imitables et difficilement substituables Pour Kofman et Senge (1993) la vitesse agrave laquelle les organisations apprennent (sous-entendu plus vite que les firmes rivales) serait ainsi la seule source drsquoavantage concurrentiel durable Beer et Nohria (2000) deacuteveloppent quant agrave eux une conception organisationnelle du changement appeleacutee laquo theacuteorie O raquo fondeacutee sur le renforcement des compeacutetences et sur lrsquoapprentissage organisationnel Ils opposent cette conception agrave une conception eacuteconomique du changement appeleacutee laquo Theacuteorie E raquo fondeacutee sur la recherche immeacutediate de creacuteation de valeur pour lrsquoactionnaire qui ne laisse pas le temps agrave lrsquoentreprise de deacutevelopper des compeacutetences speacutecifiques Amit et Shoemaker (1993) ont montreacute en effet que le deacuteveloppement de compeacutetences speacutecifiques dans une entreprise eacutetait le reacutesultat drsquoune expeacuterience assez longue agrave acqueacuterir

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Les courants theacuteoriques que nous venons drsquoexposer deacutemontrent le caractegravere preacutepondeacuterant et deacutecisif de lrsquoorganisation drsquoune entreprise et de la gestion des ressources humaines dans le processus de creacuteation de valeur Or si les meacutethodes drsquoaudit de la creacuteation de valeur financiegravere (ou eacuteconomique) sont nombreuses elles occultent les pheacutenomegravenes organisationnels agrave lrsquoœuvre dans lrsquoentreprise (Cappelletti et Khouatra 2004) (Cappelletti 2005) La diversiteacute de ces meacutethodes et leur importance croissante aussi bien dans la litteacuterature en finance drsquoentreprise et que dans les pratiques des grandes entreprises srsquoinscrivent dans un contexte de financiarisation ou de la preacutedominance de la valeur financiegravere Le Chartered of Management Accountants (CMA 1997) classe les mesures de la creacuteation de valeur financiegravere en trois cateacutegories

- celles qui nrsquoutilisent que des donneacutees comptables eacuteventuellement corrigeacutees associeacutees agrave un coucirct du capital ce sont des mesures internes de la creacuteation de valeur

- celles qui nrsquoutilisent que des donneacutees de marcheacute et qui reflegravetent la creacuteation de richesse

- celles qui meacutelangent donneacutees comptables et valeurs de marcheacute et qui relient creacuteation de valeur et creacuteation de richesse

Quelles qursquoelles soient ces meacutethodes sont centreacutees directement ou indirectement sur les informations comptables et financiegraveres produites par les marcheacutes et les systegravemes drsquoinformations comptables Cela peut srsquoexpliquer par la preacutedominance encore tregraves forte de la modeacutelisation du fonctionnement de lrsquoentreprise sous le seul angle de la performance financiegravere Afin de proposer une meacutethode drsquoaudit de creacuteation de valeur organisationnelle nous avons pris lrsquoexemple de lrsquoanalyse socio-eacuteconomique Cette derniegravere srsquoinscrit en effet dans un paradigme heacuteteacuterodoxe en rupture avec les modegraveles classiques et qui donne une repreacutesentation de lrsquoentreprise plus adapteacutee agrave notre objet

2 Preacutesentation du modegravele socio-eacuteconomique de mesure de la creacuteation de valeur organisationnelle

Le modegravele drsquoanalyse socio-eacuteconomique des organisations (Savall 1974 1975) et sa meacutethode de diagnostic et drsquoeacutevaluation (Savall 1978 Savall et Zardet 1987) fondeacutee sur une eacutetude de lrsquoactiviteacute dysfonctionnelle proposent une mesure socio-eacuteconomique de la qualiteacute du management et du fonctionnement drsquoune entreprise Si on pose lrsquohypothegravese que la creacuteation de valeur organisationnelle correspond agrave une ameacutelioration de la qualiteacute du management et du fonctionnement drsquoune entreprise (Van Loye 1998) (Kaplan et Norton 1998) le modegravele drsquoanalyse socio-eacuteconomique constitue une approche possible de mesure de la creacuteation de valeur organisationnelle Le modegravele drsquoanalyse socio-eacuteconomique rapproche lrsquoactiviteacute drsquoune organisation agrave lrsquoeacutequilibration drsquoune uniteacute active (Perroux 1974) Lrsquoeacutequilibration correspond agrave la coordination des reacutegulations pour reacutealiser un objectif individuel ou collectif ce qui suppose lrsquoexistence drsquoun projet et drsquoun consensus opeacuteratoire (lorsque lrsquoobjectif est collectif) La reacutegulation est une action sous lrsquoinfluence drsquoune information reacutefeacutereacutee au court terme alors que lrsquoeacutequilibration est un ensemble drsquoactions coordonneacutees sous lrsquoinfluence drsquoun projet qui appelle non une information quelconque en retour suffisante pour qursquoil y ait reacutegulation mais une information transparente du champ des possibles Lrsquoeacutequilibration agrave la diffeacuterence de la reacutegulation nrsquoest donc pas un pheacutenomegravene meacutecanique et passif mais un pheacutenomegravene actif Pour appreacutecier la performance de lrsquoactiviteacute ainsi deacutefinie une meacutethode socio-eacuteconomique de calcul des coucircts cacheacutes est proposeacutee Cette meacutethode se fonde sur la notion de fonctionnement

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attendu ou orthofonctionnement qui fait office de norme de reacutefeacuterence dans le calcul La notion drsquoorthofonctionnement devient alors le reacutefeacuterentiel fondamental pour ce calcul Lrsquoentreprise peut ecirctre analyseacutee par rapport agrave cette norme de fonctionnement qui permet de reacutealiser les objectifs de lrsquoorganisation en tenant compte des contraintes sociales La variable fondamentale de cette analyse devient donc lrsquoactiviteacute dysfonctionnelle ou dysfonctionnement Les indicateurs de dysfonctionnements en tant qursquoeacutecarts constateacutes et reacuteveacuteleacutes par les acteurs drsquoentreprise par rapport au fonctionnement attendu sont des variables de synthegravese qui reacutevegravelent un eacutetat de lrsquoefficience sociale de lrsquoorganisation soit un eacutetat de la qualiteacute de son management Lrsquoun des points inteacuteressants de cette meacutethode est qursquoelle se centre sur la mesure financiegravere des dysfonctionnements obtenue par le calcul socio-eacuteconomique des coucircts cacheacutes Le diagnostic socio-eacuteconomique est un processus construit pour mesurer eacuteconomiquement la qualiteacute du management et du fonctionnement drsquoune entreprise (ou efficience sociale de lrsquoorganisation) Il permet eacutegalement de mesurer cette qualiteacute par lrsquoeacutevaluation des coucircts-performances cacheacutes Cette eacutevaluation est avant tout une meacutethode de diagnostic inteacutegreacutee sociale et eacuteconomique de lrsquoentreprise les coucircts cacheacutes eacutetant agrave la fois un indicateur de lrsquoinefficience totale et de plasticiteacute potentielle du systegraveme structures-comportements Leur eacutevaluation par un diagnostic est une eacutevaluation de lrsquoordre de grandeur de la marge de manœuvre des acteurs en preacutesence dans lrsquoactiviteacute drsquoentreprise Les coucircts cacheacutes sont la traduction moneacutetaire des activiteacutes de reacutegulation des dysfonctionnements (Savall 1975) Afin de les appreacutecier dans un premier temps qualitativement les dysfonctionnements eacuteleacutementaires sont regroupeacutes en cinq indicateurs composant le module social du diagnostic socio-eacuteconomique qui figure lrsquoensemble des causes racines des dysfonctionnements deacutetecteacutes absenteacuteisme accidents du travail rotation du personnel deacutefauts de qualiteacute eacutecarts de productiviteacute directe Les dysfonctionnements reacuteveacuteleacutes par les acteurs srsquoinscrivent dans six domaines qui modeacutelisent le management et le fonctionnement drsquoune entreprise et qui composent le module organisationnel du diagnostic organisation du travail conditions de travail gestion du temps Communication-Coordination-Concertation (3C) formation inteacutegreacutee mise en œuvre strateacutegique Pour remeacutedier aux dysfonctionnements lrsquoentreprise met en place des activiteacutes de reacutegulation coucircteuses en temps et matiegravere ou en produits et services non rendus (non-production) Le coucirct de lrsquoensemble des dysfonctionnements est eacutegal agrave la somme du coucirct historique des surconsommations de temps et matiegravere et des coucircts drsquoopportuniteacute (manque agrave gagner ducirc aux non-productions) Lrsquoensemble constitue un potentiel drsquoameacutelioration de la performance eacuteconomique globale en partie cacheacute dans le systegraveme drsquoinformation comptable classique crsquoest-agrave-dire non deacutenommeacute non mesureacute et non surveilleacute Les coucircts cacheacutes sont calculeacutes en utilisant six composants qui forment le module financier du diagnostic sursalaire surtemps surconsommation non-production non-creacuteation de potentiel risques Le deacuteroulement du diagnostic consiste concregravetement agrave eacutecouter les acteurs drsquoune activiteacute pour reacuteveacuteler les dysfonctionnements qui les perturbent Pour chaque dysfonctionnement exprimeacute il convient drsquoimputer celui-ci dans un des six domaines du module organisationnel Les causes racines de ces dysfonctionnements sont agrave chercher dans un des cinq indicateurs du module social qui modeacutelisent les variables explicatives de la qualiteacute du fonctionnement Les impacts eacuteconomiques de ces dysfonctionnements eacutevalueacutes agrave travers le coucirct de leur reacutegulation prennent place dans les six composants de coucircts (dans le module financier)

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3 Lrsquoaudit de la creacuteation de valeur organisationnelle eacutetude de cas Pour valider la creacuteation de valeur organisationnelle dans une entreprise et la mesurer en termes qualitatif quantitatif et financier il convient apregraves un intervalle de temps suffisant (agrave la mise en œuvre drsquoactions drsquoameacutelioration) de faire une eacutevaluation socio-eacuteconomique Lrsquoeacutevaluation socio-eacuteconomique consiste agrave repartir des reacutesultats trouveacutes dans les trois modules du diagnostic socio-eacuteconomique pour deacuteterminer les dysfonctionnements reacuteduits (dans les six domaines qui modeacutelisent la qualiteacute du fonctionnement) pour deacuteterminer les variables actionneacutees pour assurer cette reacuteduction (en eacutetudiant les cinq variables explicatives de la qualiteacute du fonctionnement drsquoune entreprise) et enfin de mesurer lrsquoimpact eacuteconomique de ces progregraves drsquoorganisation par la reacuteduction des coucircts cacheacutes engendreacutee Crsquoest ce processus diagnostic-eacutevaluation que nous appellerons audit drsquoactiviteacute Pour exposer les principes de lrsquoaudit de la creacuteation de valeur organisationnelle nous preacutesentons une eacutetude de cas qui consiste en une recherche-intervention conduite durant un an dans une entreprise du secteur de la gestion de patrimoine de 55 personnes La probleacutematique de cette recherche-intervention qui srsquoinscrivait dans le cadre drsquoune vaste recherche-intervention conduite aupregraves de 80 PME drsquoune grande reacutegion franccedilaise (Savall Zardet Cappelletti Beck Noguera Ocler 1999-2002) eacutetait drsquoimplanter dans cette entreprise un systegraveme de management permettant une ameacutelioration continue de la qualiteacute du management et du fonctionnement et proposant une mesure de ces ameacuteliorations Nous avons choisi drsquoeacutetayer nos propos par lrsquoexemple de cette entreprise en raison de sa taille qui en fait une entreprise relativement repreacutesentative drsquoune PME franccedilaise du secteur des services La reacutealisation du diagnostic srsquoest faite agrave travers des entretiens avec la direction de cette entreprise ainsi que des entretiens collectifs avec lrsquoensemble du personnel Les dysfonctionnements repeacutereacutes ont eacuteteacute eacutevalueacutes eacuteconomiquement Lrsquoensemble du diagnostic a eacuteteacute preacutesenteacute agrave la direction de lrsquoentreprise et agrave son personnel lors drsquoun dispositif appeleacute effet-miroir Ce dispositif permet de valider avec les acteurs de lrsquoentreprise les dysfonctionnements repeacutereacutes et les coucircts cacheacutes calculeacutes Lrsquoimpact eacuteconomique des dysfonctionnements a eacuteteacute estimeacute agrave 350 000 euro par an soit environ 6 500 euro par personne et par an Ce montant est composeacute principalement dans le cas de cette entreprise par des temps perdus et des temps suppleacutementaires passeacutes agrave reacuteguler des dysfonctionnements Ces dysfonctionnements sont organisationnels il srsquoagit par exemple des perturbations lieacutees agrave la veacutetusteacute du mateacuteriel informatique aux deacutefaillances des systegravemes de rangement agrave la mauvaise prise en charge de la relation avec les clients Les dysfonctionnements sont repeacutereacutes par thegraveme et leur preacutesentation eacuteclaire les causes sur lesquelles il faudra agir pour les reacuteduire Les impacts eacuteconomiques de ces dysfonctionnements sont eacutegalement repeacutereacutes ce qui permettra de mesurer eacuteconomiquement les progregraves organisationnels accomplis (srsquoils se produisent) en calculant la reacuteduction des coucircts cacheacutes Lrsquoeacutevaluation a eacuteteacute reacutealiseacutee apregraves huit mois de recherche-intervention Pendant cette peacuteriode la recherche-intervention a consisteacute agrave assister lrsquoentreprise dans la mise en place drsquoun systegraveme de management et de mesure pour reacuteduire les dysfonctionnements de faccedilon permanente Les reacutesultats de lrsquoeacutevaluation reacutealiseacutee dans lrsquoentreprise du secteur de la gestion de patrimoine sont preacutesenteacutes dans le tableau 1 Pour reacutesumer lrsquoeacutevaluation socio-eacuteconomique consiste en un diagnostic agrave rebours La direction et le personnel sont eacutecouteacutes agrave travers des entretiens pour deacutefinir les dysfonctionnements (repeacutereacutes lors du diagnostic) qui ont eacuteteacute reacuteduits et veacuterifier si de nouveaux dysfonctionnements coucircteux ne sont pas apparus annulant en quelque sorte les progregraves reacutealiseacutes Ces entretiens permettent de calculer lrsquoimpact eacuteconomique de ces reacuteductions et de mesurer la reacuteduction des coucircts-cacheacutes induite Lrsquoeacutevaluation comme le diagnostic fait

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lrsquoobjet drsquoun effet-miroir aupregraves des acteurs de lrsquoentreprise pour valider la coheacuterence des reacutesultats Tableau 1 reacutesultats des mesures de la creacuteation de valeur organisationnelle dans une entreprise du secteur de la gestion de patrimoine (ISEOR 1999-2002)

EFFETS POSITIFS IMPACT ECONOMIQUES

Meilleures conditions de travail grande salle des dacteurs reacute

- 2 000 euro

Maintenance du mateacuteriel de bureau (imprimantes et mobilier)

Toilettage du systegraveme de rangement (stockage des archives sur CD ROM)

- 12 000 euro

Maintenance du petit mateacuteriel teacuteleacutephonehellip - 30 000 euro

CONDITIONS DE TRAVAIL

Ameacuteliorations informatiques - 750 euro Meilleures liaisons entre le siegravege et le site (eacutechange drsquoinformation)

- 1 000 euro

Meilleur suivi des clients et des dossiers (qui fait quoi ) chaicircne des dossiers

- 30 000 euro

Meilleure communication sur la laquo Qualiteacute-client raquo attendue

-

Meilleure gestion du temps et gestion des deacutelais annonceacutes aux clients

-

ORGANISATION DU TRAVAIL ET COMMUNICATION

Creacuteation de dispositifs de reacuteunion et de transmission des informations

- 1 000 euro

GAINS TOTAUX ANNUELS - 77 000 euro soit 2 Keuro par pers et par an

Les ameacuteliorations de la qualiteacute du management et du fonctionnement eacutevalueacutees dans lrsquoeacutetude de cas ont eacuteteacute reacutealiseacutees agrave travers des actions drsquoameacutelioration organisationnelle en termes de conditions de travail et drsquoorganisation du travail-communication Nous preacutesentons une synthegravese de ces ameacuteliorations dans le tableau 2 Tableau 2 Actions contribuant agrave la creacuteation de valeur organisationnelle dans une entreprise du secteur de la gestion de patrimoine (ISEOR 1999-2002) CONDITIONS DE TRAVAIL ORGANISATION DU TRAVAIL ET COMMUNICATION-COORDINATION-CONCERTATION (3C)

Organisation drsquoune enquecircte interne aupregraves du personnel pour eacutevaluer les besoins mateacuteriels (bureaux postes informatiqueshellip) Reacutevision de la gestion du teacuteleacutephone achat de teacuteleacutephones mobiles par services Organisation par secteurs drsquoactiviteacute (comptabiliteacute dons location recrutementhellip) un responsable a eacuteteacute affecteacute sur chaque secteur en charge de reacutealiser tous les ans un diagnostic du secteur puis proposer et mettre en œuvre des actions drsquoameacutelioration Reacutenovation drsquoune salle de reacuteunion agrave usage interne et externe notamment pour accueillir des groupes Formalisation drsquoune chaicircne des dossiers deacutefinition des tacircches agrave accomplir lors de la reacutealisation drsquoun dossier et des fonctions qui srsquoy rattachent

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Organisation drsquoune reacuteunion trimestrielle entre les associeacutes et les deacuteleacutegueacutes du personnel Reacutealisation et mise en œuvre de plans drsquoactions semestriels axeacutes sur des ameacuteliorations internes (par exemple la formalisation de la chaicircne des dossiers) et des ameacuteliorations externes (par exemple le deacuteveloppement du droit de la famille)

En synthegravese lrsquoeacutetude de cas montre que lrsquoeacutevaluation permet de dire si lrsquoentreprise a gagneacute en efficience organisationnelle nette entre la date de reacutealisation du diagnostic et la date de reacutealisation de lrsquoeacutevaluation de faccedilon qualitative quantitative et financiegravere Lrsquoarticulation diagnostic-eacutevaluation proposeacutee par le modegravele de lrsquoanalyse socio-eacuteconomique repreacutesente une approche possible drsquoaudit de la creacuteation de valeur organisationnelle La reacuteduction nette des coucircts des dysfonctionnements de management et de fonctionnement mesureacutee eacutequivaut agrave creacuteer de la valeur organisationnelle

4 Le positionnement de lrsquoaudit drsquoactiviteacute La question theacuteorique qursquoil importe drsquoaborder pour conclure cet article est de deacutemontrer en quoi le processus drsquoaudit drsquoactiviteacute est bien un processus drsquoaudit et de le positionner dans le paradigme des audits drsquoentreprise Lrsquoaudit drsquoactiviteacute transcende selon nous le champ de lrsquoaudit social pour se positionner dans le champ de lrsquoaudit drsquoanticipation Une deacutefinition couramment admise de lrsquoaudit est la suivante ldquo Lrsquoaudit est une deacutemarche speacutecifique drsquoinvestigation et drsquoeacutevaluation agrave partir drsquoun reacutefeacuterentiel incluant un diagnostic et conduisant eacuteventuellement agrave des recommandations Cette deacutemarche meneacutee de faccedilon indeacutependante ou sur mandat contribue agrave la maicirctrise drsquoune activiteacute organiseacutee rdquo (Joras 1996) Lrsquoaudit drsquoactiviteacute tel que nous le concevons srsquoinscrit bien dans la deacutefinition de Joras Celui-ci integravegre la dimension diagnostic pour faire de lrsquoaudit un processus controcirclant et creacuteatif qui srsquointeacuteresse agrave lrsquoeacutevaluation de la maicirctrise des activiteacutes sociales Cette deacutefinition permet de positionner le processus drsquoaudit comme une action organisationnelle un processus drsquoassistance au management dans la maicirctrise des activiteacutes (Renard 1994) et un processus de changement (Barbier 1995) Cette deacutefinition nous permet eacutegalement drsquoexpliciter notre deacutesaccord avec certains theacuteoriciens du diagnostic qui nrsquoaccordent agrave lrsquoaudit qursquoune dimension controcirclante pour confeacuterer au seul diagnostic la qualiteacute drsquoaide agrave lrsquoappreacuteciation du sens et de la valeur drsquoune situation de gestion (Bartoli 1994) La typologie classique drsquoaudit fait apparaicirctre trois formes drsquoaudit (de situation de fonctionnement et drsquoanticipation) que Joras a distingueacutees en fonction de quatre critegraveres lrsquohorizon temporel abordeacute par lrsquoaudit les constituantes du reacutefeacuterentiel drsquoaudit les finaliteacutes de lrsquoaudit et le niveau hieacuterarchique de lrsquoentiteacute auditeacutee impliqueacute dans le processus On peut comme Joras donner comme exemple de lrsquoaudit de situation lrsquoaudit comptable et financier comme exemple de lrsquoaudit de fonctionnement lrsquoaudit drsquoefficaciteacute et comme exemple de lrsquoaudit drsquoanticipation lrsquoaudit de management Notons que lrsquoaudit drsquoanticipation en raison des critegraveres qui le deacutefinissent peut recouvrir un audit de fonctionnement et de situation des audits de conformiteacute et drsquoefficaciteacute sont en effet souvent neacutecessaires agrave la conduite drsquoun audit drsquoanticipation pertinent Lrsquoaudit drsquoactiviteacute tel que preacutesenteacute dans cet article srsquoinscrit sans aucun doute dans la famille des audits drsquoanticipation en ce qursquoil traite drsquoinformations faisant reacutefeacuterence au preacutesent (les dysfonctionnements et leurs coucircts) et drsquoinformations faisant reacutefeacuterence au futur (les coucircts cacheacutes repreacutesentent un potentiel strateacutegique dont on va eacutevaluer la laquo bonne raquo exploitation en termes drsquoorganisation) Le paradigme de lrsquoaudit drsquoanticipation est diffeacuterent du paradigme de la mesure et du paradigme du diagnostic principalement en ce qursquoil srsquointeacuteresse agrave lrsquoimmeacutediat et au futur de lrsquoentreprise

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Nous preacutesentons dans le tableau 3 les diffeacuterences entre le paradigme de la mesure le paradigme du diagnostic et le paradigme de lrsquoaudit drsquoanticipation en fonction de neuf critegraveres - le reacutefeacuterentiel - la question cleacute de lrsquoauditeur - la forme de lrsquointelligence creacuteeacutee - le modegravele implicite drsquoorganisation - la nature de la rationaliteacute - les finaliteacutes - le processus de production drsquointelligence - le temps observeacute - le processus implicite de raisonnement Tableau 3 Le paradigme de lrsquoaudit drsquoanticipation Sources Cappelletti (1998) eacutelaboreacute agrave partir des travaux de Lorino (1996) et Joras (1996) Paradigme de la

mesure Paradigme du diagnostic

Paradigme de lrsquoaudit drsquoanticipation

Repegraveres reacutefeacuterentiels Normes preacuteeacutetablies Construction des normes dans lrsquoaction

Normes imageacutees ou simuleacutees

Question cleacute de lrsquoauditeur

Combien Pourquoi Comment

Forme de lrsquointelligence creacuteeacutee

Image fidegravele Image miroir supportdrsquoapprentissage

Image virtuelle ou souhaiteacutee

Modegravele implicite de lrsquoorganisation

Modegravele meacutecaniste Modegravele systeacutemique (flux entreacutee-sortie)

Modegravele agrave modeacuteliser ou imaginer

Nature de la rationaliteacute

Rationaliteacute substantive

Rationaliteacute proceacutedurale

Imagination intuition

Finaliteacutes Exactitude et preacutecision pour une certification

Coheacuterence et pertinence pour deacuteclencher lrsquoaction

Coheacuterence et pertinence pour anticiper les effets des deacutecisions

Processus de production drsquointelligence

Seacutequence srsquoinformer-communiquer controcircler (lineacutearisation de la boucle drsquoinformation cyberneacutetique)

Inteacutegration de la boucle drsquoinformation dans lrsquoaction (simple boucle drsquoinformation)

Explicitation de la boucle drsquoinformation (double boucle drsquoinformation)

Temps observeacute Passeacute au preacutesent Preacutesent agrave lrsquoimmeacutediat De lrsquoimmeacutediat au futur

Hypothegravese implicite de raisonnement

Hypothegravese deacuteterministe

Hypothegravese probabiliste

Hypothegravese drsquoimpreacutedictibiliteacute

En fonctions de ces critegraveres il apparaicirct que lrsquoaudit drsquoactiviteacute srsquoinscrit nettement dans le paradigme de lrsquoaudit drsquoanticipation En ce sens il est exclu de conduire ce type drsquoaudit ldquo sans adopter la deacutemarche drsquoun entrepreneur qui doit fournir un produit agrave forte valeur ajouteacutee agrave lrsquoauditeacute consideacutereacute comme un client rdquo (Barbier 1995) Plus geacuteneacuteralement nous partageons

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lrsquoopinion des auteurs qui considegraverent que quels que soient la nature (audit de conformiteacute de performance ou de seacutecuriteacute) le type (audit de situation de fonctionnement ou drsquoanticipation) la destination (Comptabiliteacute Finance Ressource Humaine Qualiteacute) et les speacutecificiteacutes de lrsquoaudit pratiqueacute (audit leacutegal ou mandateacute audit agrave chaud ou agrave froid audit interne ou externe) le produit drsquoaudit prend la forme drsquoinformation diffuseacutee sous forme eacutecrite comme le rapport drsquoaudit (Renard 1994) ou orale comme lrsquoexpression de lrsquoopinion drsquoaudit (Casta 1995) dont on attend deacutesormais un reacutesultat Conclusion Une meacutethode drsquoaudit de la creacuteation de valeur organisationnelle nous semble particuliegraverement utile pour compleacuteter les meacutethodes drsquoaudit de creacuteation de valeur eacuteconomique aujourdrsquohui couramment pratiqueacutees Les mesures de creacuteation de valeur eacuteconomique qursquoelles se fassent en utilisant les outils traditionnels de lrsquoanalyse financiegravere (calcul de valeur ajouteacutee calcul de rentabiliteacutehellip) ou en utilisant des outils plus reacutecents de lrsquoeacutevaluation financiegravere (EVA MVAhellip) ont peu ou pas de capaciteacute preacutedictive sur la creacuteation de valeur eacuteconomique agrave long terme (Albouy 1999 2000) (Caby et Hirigoyen) car elles nrsquoeacuteclairent pas le potentiel drsquoune entreprise (Kaplan et Norton 1998) Ce potentiel est selon nous refleacuteteacute par la capaciteacute de lrsquoentreprise agrave bien srsquoorganiser et agrave creacuteer de faccedilon reacutecurrente de la valeur organisationnelle crsquoest-agrave-dire ameacuteliorer de faccedilon continue la qualiteacute de son management et de son fonctionnement Lrsquoutilisation drsquoune meacutethode drsquoaudit de la creacuteation de valeur organisationnelle tel que lrsquoaudit drsquoactiviteacute serait particuliegraverement inteacuteressante par exemple lors de processus de rachat drsquoentreprise ougrave lrsquoacheteur est autant inteacuteresseacute par la creacuteation de valeur eacuteconomique actuelle de lrsquoentreprise que par sa capaciteacute agrave maintenir voire deacutevelopper dans le futur cette creacuteation De mecircme lrsquoaudit drsquoactiviteacute peut ecirctre utile dans lrsquoeacutevaluation des managers Une mesure de la creacuteation de valeur organisationnelle viendrait alors utilement compleacuteter les mesures de creacuteation de valeur eacuteconomique pour eacutevaluer la performance drsquoun manager BIBLIOGRAPHIE Albouy M (1999) laquo Theacuteorie applications et limites de la mesure de creacuteation de valeur raquo Revue Franccedilaise de Gestion Janvier-Feacutevrier 1999 pp 81-90

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PEUT-ON REPENSER LrsquoEFFECTIVITE DE LA PERFORMANCE SOCIALE DANS LrsquoENTREPRISE Jean-Claude CASTAGNOS Directeur de Recherche ndash CERAG-UMPF-Grenoble Michel LE BERRE Professeur des Universiteacutes ndash CERAG-UMPF-Grenoble

Introduction Le mot performance comporte deux acceptions Dans la premiegravere on met en rapport ce qui a eacuteteacute produit (outputs) et la consommation de facteurs (inputs) neacutecessaires pour reacutealiser la production Les uniteacutes doeuvre sont soit physiques (tonnes etc) soit moneacutetaires En eacuteconomie on parle de rendement de productiviteacute de rentabiliteacute ou drsquoefficience En psychologie on parle dinstrumentaliteacute le moyen datteindre un but Dans un second sens le mot performance renvoie agrave une comparaison entre ce que lrsquoentreprise projette de faire et ce qursquoelle a accompli Ici on prend en consideacuteration le degreacute drsquoatteinte de lrsquoobjectif viseacute crsquoest-agrave-dire lrsquoefficaciteacute En psychologie on utilise lexpression dexpectation (lespeacuterance de parvenir agrave un but) En management le problegraveme de la performance touche le concept laquo drsquoAudit Social raquo Il est plus deacutelicat En effet si lrsquoon veut bien admettre que les activiteacutes de lrsquoentreprise ne srsquoappreacutecient pas uniquement agrave la lumiegravere drsquoun aspect isoleacute mais par examen drsquoun processus seacutequentiel et reacutepeacutetitif on comprend que le diagnostic de performance peut introduire de la partialiteacute et des critegraveres drsquoeacutevaluation discutables En psychologie on parlerait de valence de valeur subjective soumise agrave la deacutesirabiliteacute Comme le souligne P Louart et C Beaucourt (2004) les modaliteacutes de mesure peuvent rapidement tourner agrave lrsquoacte politique sous couvert de critegraveres de gestion Lrsquoeacutecueil est-il insurmontable En conseacutequence la performance de lrsquoacte de travail neacutecessite au vu des theacuteories de la motivation une redeacutefinition et une mise en contexte La performance suppose a priori compeacutetition adaptation agrave lrsquoenvironnement rentabiliteacute efficaciteacute compeacutetences eacutevolutives (acquises et requises) etc En cette matiegravere lrsquoinstrumentation (les tableaux de bord) toujours sujette agrave caution suspecte deacutependante des conventions eacutetablies (cf les normes de comptabiliteacute) a pour objet de garantir la validiteacute des informations recueillies De mecircme le processus organisationnel qui permet de parvenir aux reacutesultats souhaiteacutes se precircte agrave des images (meacutetaphores) drsquoefficience meacutecaniste organique sportive etc Au total les eacuteclairages distincts ne proviennent-ils pas des points de vue theacuteoriques retenus Nous pensons notamment agrave la theacuteorie de lrsquoagence et agrave celle des ressources qui profilent diffeacuteremment les thegravemes majeurs de la GRH Nous ressentons nous aussi la neacutecessiteacute de les revoir dans le contexte geacuteneacuteral des deacuteveloppements reacutecents des recherches en Sciences de Gestion (Hatchuel et Laufer 2000) Le management agrave linstar de toute discipline scientifique repose sur des pratiques mais aussi sur des theacuteories dominantes cest-agrave-dire sur de grands courants danalyse fournissant des repreacutesentations plausibles de la complexiteacute du fonctionnement des entreprises et par deacuteclinaison des tenants et aboutissants de la performance De ce fait il conviendrait de renverser le deacuteroulement habituel du raisonnement suivi La bonne logique devrait conduire agrave consideacuterer qursquoagrave partir drsquoune capaciteacute de rendement (lrsquoefficience) lrsquoentreprise et la fonction RH cherchent agrave enclencher lrsquoaction produisant lrsquoeffet

1

attendu (lrsquoefficaciteacute) Celui-ci neacutecessite un raisonnement (lrsquoeffectiviteacute) aboutissant agrave une action veacuteritable dans sa reacutealiteacute et ses reacutesultats Pour cela nous allons analyser la performance sociale en regardant dans un premier temps la mutation des emplois et dans un deuxiegraveme temps leur effectiviteacute

1 La mutation des emplois

11 Les compeacutetences valoriseacutees par la theacuteorie des ressources Dune part le monde est passeacute drsquoune eacuteconomie de produits uniformes de masse agrave une eacuteconomie de produits varieacutes Cette varieacuteteacute correspondant aux attentes des consommateurs a neacutecessiteacute la flexibiliteacute des entiteacutes de production (cf la theacuteorie de la varieacuteteacute requise Marmuse 1997) Lrsquoeacutevolution de la technologie a suivi le mecircme chemin robotique techniques drsquoinformation commandes numeacuteriques etc Quelles que soient les distances les messageries eacutelectroniques permettent le contact instantaneacute avec le client le fournisseur le banquier On observe donc une meacutecanisation eacutelargie Crsquoest le cas de lrsquoinformatisation des tacircches administratives par les logiciels globaux SAP les navigateurs de lrsquooutil RH les outils de planning de la gestion des relations collaborateurs (Employee Relationship Management ERM) des people-net (solution globale de gestion strateacutegique des ressources humaines) des systegravemes drsquoinformation RH en continu et de la E-GRH (Intranet kiosque drsquoemplois en interne et Internet) Lrsquoinformatisation de la fonction permet lrsquoabandon de certaines tacircches et la valorisation de nouveaux rocircles (Castagnos Le Berre 2003) La deacutependance de la main-drsquooeuvre agrave la construction du reacutesultat comptable a eacuteteacute deacutebattue tant par les chercheurs que par les praticiens La reacuteponse est venue de la theacuteorie des ressources et des compeacutetences Cette conception manageacuteriale privileacutegie limage de lentreprise aupregraves des autres partenaires de lrsquoentreprise (stakeholders) Les outils utiliseacutes sont agrave replacer en perspective Les indicateurs comme dans les autres fonctions peuvent ecirctre classeacutes selon qursquoils donnent des informations

- sur les moyens (mesure de la consommation de facteurs ou de caracteacuteristiques) - sur lrsquoenvironnement (mesure des informations externes) ou - sur le reacutesultat (mesure des reacutealisations)

Les tableaux de bord qui regroupent lrsquoessentiel des indicateurs utiles sont preacutesenteacutes suivant les services majeurs de lrsquoentreprise achats stocks meacutethodes production etc Par exemple en production ou sur lrsquoensemble des processus il srsquoagit de trouver des axes drsquoameacutelioration notamment sur laquo les bonnes pratiques raquo Les exemples sont nombreux ISO 9000 Six Sigma (Reacuteduction statistique de la variabiliteacute des processus) Lean (le juste neacutecessaire) 5S (meilleure organisation du poste de travail) Kaiumlzen Kanban visuel management flux piegravece agrave piegravece Tout (qualiteacute deacutelais coucircts) tend agrave diviser le temps de cycle de production agrave diminuer le rebus et agrave eacuteliminer les deacutefauts A cette preacutesentation fonctionnelle (Fayol) srsquoajoute souvent une preacutesentation par horizon spatial (eacutetablissements agences uniteacutes de production etc) et temporel (court terme et long terme) Les progiciels de type ERP (Enterprise resource planing) integravegre lrsquoensemble de ces donneacutees en les classant par indicateurs syntheacutetiques preacutedeacutefinis Toutefois observons que lrsquoentreprise dispose de son propre registre de moyens (paix sociale ambiance coheacuterence interne fideacutelisation esprit drsquoeacutequipe preacutesenteacuteisme etc) pour obtenir une bonne correacutelation aptitudeperformance crsquoest-agrave-dire pour accroicirctre la maximisation de son reacutesultat attendu A lrsquoinstar drsquoun precirct qui engendre des frais financiers la mobilisation de ces moyens a un coucirct mais permet drsquoaccroicirctre le reacutesultat de lrsquoentreprise

2

Le renforcement de la coheacutesion sociale neacutecessaire pour toute vie en socieacuteteacute peut-elle se combineacutee dans une circulariteacute positive avec la non moins neacutecessaire efficaciteacute eacuteconomique Lefficaciteacute eacuteconomique se mesure selon les termes de la comptabiliteacute approfondie par les audit Les actions sur les hommes contribuent-elles aux reacutesultats eacuteconomiques et vice-versa Ceci passe-t-il par une strateacutegie dentreprise claire On le voit la logique des coucircts est preacutegnante Il sagit dune bataille dindicateurs Lapproche par les coucircts est une vue de productiviteacute meacutecanique Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale le droit social srsquoest deacuteveloppeacute pour reacutepondre agrave un double objectif confier agrave lrsquoentreprise la direction drsquoune force de travail et proteacuteger le salarieacute Depuis la seconde guerre mondiale lrsquoEtat promoteur drsquoune planification autoritaire pour le service public et incitative pour le secteur priveacute srsquoest affirmeacute comme un intervenant actif dans la vie eacuteconomique Le contrat de travail deacutefini comme un engagement synallagmatique drsquoune personne agrave travailler pour le compte et sous la subordination drsquoune autre personne moyennant un salaire permet de controcircler la compeacutetence la performance et le potentiel du salarieacute par le seul employeur La classification des contrats en vigueur dans le monde du travail deacutecrite dans le scheacutema ci-dessous deacutecrit lrsquoampleur mais aussi la variabiliteacute des situations

Consultant exteacuterieur

Essaimage

Travailleur indeacutependantReacutegie

CDD

CTT

CDI

Noyau stable de

lentreprise

Portage

Sous-traitance

Travail intermittent

ou saisonnier

Contrats jeunes

Temps partiel

Temps partageacuteTravail agrave domicile

Formation en alternance

Stages

Apprentissage

Preacuteretraite

Prestation de travail et variabiliteacute de lrsquoengagement contractuel

Source Le Berre M et Castagnos J-C (2003)

Fondeacute sur la theacuteorie des ressources et des compeacutetences lrsquoappel agrave la reacutesolution de problegravemes complexes sous le vocable du deacuteveloppement personnel (entreprise de soi Aubrey 2001 ou employabiliteacute Gazier 2003) modifie la relation drsquoemploi et lrsquoimplication psychologique On demande aux individus drsquoassumer leur carriegravere avec beaucoup drsquoeacutenergie de focaliser leurs perspectives sur des enjeux avant tout individuels de franchir le pas de la creacuteation drsquoentreprise (encouragement par les Plans de Sauvegarde de lrsquoEmploi en cours depuis 2002 dans les grands groupes industriels par exemple) drsquoaccroicirctre leur capaciteacutes drsquoinitiative et de reacuteactiviteacute (gestion de projets et drsquoinnovation) Si lrsquoautoriteacute du chef est de plus en plus remplaceacutee par celle du client et des marcheacutes les formes de controcircle induisent des situations paradoxales - en offrant de lrsquoautonomie ambigueuml puisque soumise agrave des exigences preacutecises en matiegravere drsquoobjectifs donc de reacutesultats - en cherchant agrave responsabiliser alors mecircme que les contraintes formelles srsquoaccroissent au moyen des certifications des normes et des standardisations imposeacutees

3

- en attendant une implication tregraves forte des collaborateurs de maniegravere discontinue du fait de la preacutecariteacute des emplois de la succession des missions des appartenances agrave des groupes variables de travail et de projet Ainsi ces capaciteacutes de proactiviteacute adaptative et drsquoautonomie drsquoaction reacutepondent aux besoins des organisations modernes Les entreprises comme lrsquoensemble des collaborateurs sont contraintes agrave des efforts permanents drsquoajustement et drsquoadaptation au marcheacute Les structures se complexifient et srsquoopacifient Mecircme si les contrats agrave dureacutee indeacutetermineacutee restent majoritaires leurs contenus srsquoassouplissent Ils incluent lrsquoengagement pour des missions larges ou eacutevolutives et finalisent des clauses drsquoajustement (contrats de chantier ou drsquoobjectifs exclusiviteacute des services non concurrence clause de mobiliteacute geacuteographique etc) Dans certains secteurs productifs cela megravene agrave des configurations relationnelles complexes ougrave les relations sont baseacutees conjointement sur la proprieacuteteacute des moyens de production et sur le controcircle des objectifs et des reacutesultats Dans cette dissociation de leacuteconomique et du social les effets pervers de plus en plus freacutequemment deacutenonceacutes (stress deacutemotivation marchandisation du travail inseacutecuriteacute ambiante etc) replacent au premier rang des interrogations tout le sens quil convient de donner aux eacutevolutions actuelles Cependant pour lrsquoindividu la preacutecariteacute et lrsquoincertitude sont soit subies soit assumeacutees Ainsi laquo le travail en solo raquo au sein drsquoun reacuteseau drsquoun cocircteacute imposeacute par les entreprises est drsquoun autre cocircteacute rechercheacute par souci drsquoautonomie Degraves lors la demande de protection sociale se deacuteplace vers la laquo flexiseacutecuriteacute raquo terme retenu pour deacutecrire les relations drsquoemplois scandinaves Le pouvoir de direction est une ressource et une contrainte Enchasseacute embeded selon Granovetter il est invisible inteacutegreacute eacutevident donc leacutegitime La zone dindiffeacuterence (Barnard) ou la zone dacceptance (Simon in Rojot p 233) permettent au subordonneacute de trouver normales les injonctions agrave faire Mais si la perception des ressources et contraintes change ces zones se deacuteplacent jusquagrave modifier les frontiegraveres de lemploi La contagion et limitation conventionnelles et implicites sen trouvent deacuteplaceacutees

12 La territorialiteacute intellectuelle des emplois Les nouveaux espaces et territoires agrave conqueacuterir (la nouvelle laquo terra incognita raquo) portent aussi sur le contenu intellectuel qursquoexigent les nouveaux emplois de la socieacuteteacute laquo tertiairiseacutee raquo Il srsquoagit donc drsquoimaginer une nouvelle faccedilon de penser lrsquoactiviteacute en entreprise cest-agrave-dire une nouvelle effectiviteacute Par exemple le peacuterimegravetre et la territorialiteacute des emplois doivent-ils ecirctre repenser Ainsi dans les premiegraveres anneacutees du XIIIdeg siegravecle lrsquoOccident eacutetait deacutependant des principes unificateurs de la spiritualiteacute europeacuteenne soutenus par lrsquoEglise de Rome Lrsquoaristocrate Andreacuteas de Lobera deacutesireux de reacutepondre agrave lrsquoappel de la quatriegraveme croisade lanceacutee vers Jeacuterusalem nrsquoeacutetait cependant pas enclin agrave affronter les rigueurs du voyage et lrsquoabomination des paiumlens Il fit donc en marchant le tour de sa proprieacuteteacute quatre fois par jour pendant un an jusqursquoagrave parcourir lrsquoeacutequivalent de la distance seacuteparant son chacircteau de la ville sainte Cette conception du voyage est rapporteacutee dans ses Crocircnicas del santo peregrinaje Preacutes de six cents ans plus tard le soldat Xavier de Maistre deacutepeint un voyage statique reacutealiseacute dans sa seule chambre Le reacutecit de voyage est donc surtout celui drsquoune entreprise humaine fertile et enrichissante Pour savoir qui nous sommes est-il neacutecessaire de ne pas rester immobile

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Lemploi dans notre socieacuteteacute tertiairiseacutee est de nature immateacuterielle et intellectualiseacutee Il deacutepend essentiellement dun nouveau territoire celui du savoir et de la connaissance que chacun individuellement et collectivement met en oeuvre Laccumulation primitive du savoir est assumeacutee dans sa quasi-inteacutegraliteacute par la socieacuteteacute dans son ensemble Les eacuteducateurs le systegraveme denseignement et de formation les centres publics de recherche assurent la part la plus importante de cette accumulation en transmettant et en rendant accessible une part deacutecisive du savoir qui constitue la culture commune Les personnes pour leur part ont agrave sapproprier cette culture et agrave lutiliser de telle sorte que ces connaissances soient en elles-mecircmes augmenteacutees Cet actif individuel est donc aussi un actif collectif Il est agrave la fois une richesse sociale produite par le corps social et par les individus Il est reacuteel degraves lors que la personne sapproprie le savoir social et le met en œuvre Les entreprises disposent ainsi presque gratuitement dun capital de savoir quelles se bornent agrave compleacuteter et agrave adapter agrave leurs besoins particuliers Ce capital augmente tout au long de la vie Cependant il existe une certaine autonomisation des compeacutetences par rapport au travail consommeacute par les entreprises Lattachement du salarieacute agrave une firme deacutetermineacutee saffaiblit quels que soient les efforts que celle-ci reacutealise Lentreprise elle-mecircme devient contingente degraves lors que le salarieacute acquiert une autonomie daction et une capaciteacute agrave seacutepanouir hors de lorganisation Dans ces conditions la gestion du personnel doit reacutepondre agrave des exigences contradictoires Lentreprise veut semparer de la creacuteativiteacute des personnels la canaliser vers des actions et des buts preacutedeacutetermineacutes et obtenir leur soumission Elles doivent aussi ameacutenager des espaces et des territoires dautonomie pour permettre le perfectionnement et linventiviteacute Les syndicats franccedilais conccedilus au temps des activiteacutes industrielles semblent avoir quelques difficulteacutes agrave inteacutegrer ces nouvelles dimensions des emplois Les syndicats anglais sen sont inquieacuteteacutes depuis longtemps eux qui participent comme acteurs directs agrave la mise en place de programmes de formation professionnelle

2 Repenser lrsquoeffectiviteacute sociale dans lrsquoentreprise

21 La multiplication des indicateurs proposeacutes Dans ces conditions la gestion du personnel doit reacutepondre agrave des exigences contradictoires Lentreprise veut semparer de la creacuteativiteacute des personnels la canaliser vers des actions et des buts preacutedeacutetermineacutes et obtenir leur soumission Elles doivent aussi ameacutenager des espaces et des territoires dautonomie pour permettre le perfectionnement linventiviteacute Ainsi nombre de travaux de recherche proposent de cerner les indicateurs pertinents de mesure de la performance a - La mesure de la performance via le bilan social ou le tableau de bord est critiqueacutee lorsqursquoil srsquoagit drsquoeacutevaluer la pertinence de certaines pratiques de GRH (Lacoursiegravere Fabi St-Pierre 2004) Les dimensions financiegraveres et comptables les couples produits-marcheacutes les donneacutees politico-eacuteconomique (entreprise citoyenne mondialisation etc) se surajoutent aux aspects salariaux et relatifs agrave lrsquoemploi La preacutediction de la performance nrsquoest possible que par analyse des caracteacuteristiques objectives des salarieacutes On cherche donc agrave deacuteterminer les variables explicatives de lefficience crsquoest-agrave-dire le pendant des eacuteleacutements constitutifs de lrsquoaptitude Ces variables propres agrave lrsquoindividu sont

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bien connues (Alis Poilpot-Rocaboy 2000 Commeiras Naro 2000) Elles invitent le salarieacute agrave accroicirctre ou agrave reacuteduire son efficience au travail b - Les reacutefeacuterents peuvent eacutegalement revecirctir des formes plus classiques Crsquoest le cas chez M Kalika (1988) qui propose quatre origines agrave lrsquoefficience organisationnelle

le respect de la structure formelle les relations entre les composantes de lrsquoorganisation la qualiteacute de la circulation de lrsquoinformation la flexibiliteacute de la structure

Pour rendre compte des performances P Gilbert et M Charpentier (2004) combinent de nombreux facteurs explicatifs des sens rechercheacutes par les diffeacuterentes eacutevaluations en RH (modes de gouvernance strateacutegie et demande de la direction geacuteneacuterale taille et structure de lentreprise) En effet la performance mesure un reacutesultat par reacutefeacuterence agrave des ressources (peacutecuniaires budget temps etc) mises agrave disposition du salarieacute c - Concernant les tensions de rocircles des salarieacutes trois orientations sont en theacuteorie possibles (Grima 2004)

- la performance est eacuteleveacutee agrave un niveau modeacutereacute de tension - la performance est faible lorsque lrsquoincertitude sur la meilleure attitude est forte

(perception cognitive et motivationnelle) - la performance nrsquoa pas de correacutelation avec la tension de rocircle car cette derniegravere est un

construit complexe Lrsquoabsence de relation est eacutegalement possible du fait de la complexiteacute de la performance pluridimensionnelle

d - Le renforcement de la confiance en soi ou dans les autres moteur de limplication conditionne aussi lrsquoefficience du salarieacute Le salarieacute se sent rassureacute lorsqursquoil obtient de bons reacutesultats Sa performance est deacutetermineacutee par son implication dans lorganisation dans les deacutecisions de ses supeacuterieurs Lrsquoadheacutesion du salarieacute participe naturellement du montant de la reacutetribution qui lui est accordeacutee Tout se tient La somme attribueacutee revecirct un caractegravere opeacuterant du fait de la motivation qursquoelle procure (Le Berre Castagnos 2003) Pourtant lrsquoentreprise tente de cerner les conditions directes et objectives drsquoune efficience salariale sans rechercher de prime abord lrsquoimplication e - La notion drsquooptimum est le corollaire de lrsquoefficience il srsquoagit drsquoun choix entre diverses options et des indicateurs propres agrave les mesurer Rappelons que les ratios fournissent une information qui reste floue et peu lisible Les activiteacutes de GRH (Arcand Bayad Fabi 2002) pouvant ecirctre associeacutees de faccedilon significative agrave des indicateurs de performance concernent la communication lrsquoorganisation du travail lrsquoeacutevaluation du rendement et la reacutemuneacuteration Ici ces auteurs srsquoappuient aussi sur des indices de performances deacutejagrave eacutetablis motivation-satisfaction absenteacuteisme climat social innovation qualiteacute productiviteacute rentabiliteacute Bref on se trouve en situation floue et faiblement opeacuterationnelle f - Les travaux de J Allouche M Charpentier et C Guillot (2003) srsquoappuient aussi sur une longue liste drsquoindicateurs de performance de la firme cours boursier rentabiliteacute du capital taux de profit croissance des ventes satisfaction du client productiviteacute du travail qualiteacute turnover etc Au total la performance deacutepend

du stress et de la tension existant au travail sans que lrsquoambiguiumlteacute et les conflits de rocircles soient relieacutes

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drsquoune perspective cognitive et motivationnelle de construits sociaux complexes impliquant une approche multidimensionnelle

Degraves lors qursquoil srsquoagit de reacutesoudre une crise et de pratiquer des choix sous contraintes les deacutecisions sont souvent prises en deacutefaveur des RH En ce sens la performance plurielle est perverse et suscite parfois un deacutesenchantement Lrsquoexplication en management des entreprises est fournie par la mise en perspective de lrsquoefficaciteacute Un deacutecalage existe entre le systegraveme concret de reconnaissance des salarieacutes (bilan de compeacutetences eacutevaluation) et lobjectif de performance eacutetabli par reacutefeacuterence agrave un seul critegravere trop souvent deacuteconnecteacute des consideacuterations sociales Cette solution srsquoavegravere dangereuse agrave long terme La reconnaissance de la performance en RH suppose donc la reacuteunion des ingreacutedients preacutesenteacutes au tableau ci-contre Formes de la performance Efficience

= moyens Efficaciteacute = reacutesultats

Optimisation

Recherche drsquooutils et de techniques Ex la motivation y compris par la reacutetribution

Equation complexe drsquoune combinaison de ratios

Mesure de la performance

Maximisation

Systegraveme multicritegraveres qualitatifs et quantitatifs Ex implication et engagement

Gain beacuteneacutefice et profit Croissance part de marcheacute

Dans ce contexte la strateacutegie patronale qui ne controcircle plus la reacutealiteacute des compeacutetences tend par conseacutequent agrave se deacuteplacer de la domination directe de lactiviteacute de travail vers une domination de lamont et de laval du travail Elle seacutetend au temps de non-travail aux possibiliteacutes dameacutenager et dorganiser le temps hors travail La vie entiegravere se trouve soumise aux contraintes du nouveau travail Les systegravemes de retraite par capitalisation qui confisque leacutepargne au beacuteneacutefice dinstitutions financiegraveres gestionnaires du temps de vie du travail en sont un exemple Le temps de travail quoi que reacuteduit pegravese plus lourdement sur et dans la vie quau temps des horaires reacuteguliers et du travail continu De ce fait les cibles et les grilles dindicateurs de la performance deviennent subtiles Les modegraveles multidimensionnels deacutevaluation multiples deviennent complexes dans la conception de la meta-organisation deacutefinie par la theacuteorie de la traduction (Akrich Callon et Latour 1988) Lrsquoapproche configurationnelle qui implique lrsquoideacutee drsquoun processus de deacutecision holistique et increacutemental repreacutesente lui aussi un raisonnement global et complet en GRH Cependant sa mise en place ne garantit pas lrsquoaccroissement de la performance de la firme sauf agrave avoir un alignement externe et interne des modes de gestion de lrsquoentreprise (Allani-Soltan Bayad Arcand 2004)

22 Une nouvelle relation contractuelle (theacuteorie des contrats) En nous appuyant sur la conception de lrsquoentrepreneur telle que Schumpeter (1935) nous lrsquoa preacutesenteacutee il apparaicirct eacutevident que cette compreacutehension du pheacutenomegravene lieacutee agrave lrsquoactiviteacute humaine qui geacutenegravere de la valeur ajouteacutee modifie notre perception des frontiegraveres de lrsquoentreprise En

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effet pour lui laquo lrsquoentrepreneur est un agent eacuteconomique dont la fonction est drsquoexeacutecuter de nouvelles combinaisons (innovations) et il est lrsquoeacuteleacutement actif de cette exeacutecutionraquo Les textes de Schumpeter deacutecrivant lrsquoentrepreneur apparaissent drsquoune eacutetonnante moderniteacute Lrsquoentrepreneur eacutetant lui aussi laquoemployeacute deacutependant drsquoune socieacuteteacuteraquo annonce la notion drsquointrapreneur En citant lrsquoexemple des speacutecialistes il dissocie lrsquointrapreneuriat de lrsquoorganisation elle-mecircme et traduit la notion de travail indeacutependant Lrsquoesprit drsquoentreprise selon Schumpeter (2004 reacuteeacuted) se deacutefinit comme la capaciteacute drsquoaller seul de lrsquoavant en consideacuterant que la seacutecuriteacute et la reacutesistance ne sont pas de reacuteels arguments contraires agrave la deacutecision et agrave lrsquoaction Il srsquoagit du goucirct du risque Dans une deuxiegraveme deacutecouverte cet auteur affirme lrsquoeacutevidente restructuration permanente des laquoeacuteleacutements de productionraquo ougrave lrsquoinnovation creacutee la demande et alimente la croissance Sont donc entrepreneurs laquo les personnes qui entrent en action pour donner de nouvelles formes agrave des exploitations industrielles et commercialesraquo En conseacutequence elles nrsquoont aucune relation durable et fermeacutee avec une exploitation preacutecise et notamment isoleacutee De mecircme la proprieacuteteacute des actifs neacutecessaires agrave lrsquoexploitation nrsquoest pas un signe indispensable agrave lrsquoaction drsquoentreprendre Nous le voyons laquoporteacuteraquo ou non par une structure distincte pour la mise en forme de leurs revenus salariaux un entrepreneur peut entrer en action dans une ou plusieurs structures pour exeacutecuter de nouvelles combinaisons de production qursquoil soit stabiliseacute ou non (emploi agrave dureacutee deacutetermineacutee ou non) qursquoil soit ou non proprieacutetaire des moyens Par contre il ne peut agir seul et isoleacute puisqursquoil participe agrave lrsquoexeacutecution de nouvelles combinaisons de creacuteation de valeur Ses qualiteacutes sont reacutesumeacutees ainsi il est

- capable de reconnaicirctre des opportuniteacutes inaccessibles agrave la majoriteacute de leurs contemporains et agrave prendre les bonnes deacutecisions (Steve JobsApple Bill GatesMicrosoft Serge KampfCap-Gemini) Ce concept est deacuteveloppeacute par BQuinodon (2003) et AFayolle (2004)

- capable drsquoinnover et drsquoidentifier des opportuniteacutes dans un environnement donneacute de nouvelles combinaisons de facteurs de production (Schumpeter) drsquoinnovation et creacuteativiteacute (Drucker 1984 Stevenson 1990 Danjou 2004)

- capable de concreacutetiser des choix lrsquoentrepreneur est un coordinateur de ressources (Stevenson Jarillo Gumpert 1985 Bygrave Hofer 1991)

Dans cette perspective le manager se borne agrave deacutefinir des indicateurs efficaces et affeacuterents aux ressources humaines Il srsquoagit souvent du salaire et de ses diffeacuterentes formes La propension aux comportements opportunistes latente chez les parties en preacutesence se deacuteploie en raison

de conflits drsquointeacuterecircts entre des individus obligeacutes de coopeacuterer mais qui tendanciellement deacuteploient des strateacutegies au service de leur propre satisfaction de lrsquoheacuteteacuterodoxie ambiante agrave propos du choix des reacutegulateurs institutionnels de comportements performants

En effet le fonctionnement de lrsquoeacuteconomie ne repose pas sur des principes reacuteveacuteleacutes Lrsquoeacuteconomie de marcheacute est censeacutee reacuteguler les activiteacutes humaines agrave la lumiegravere de principes de coheacuterence qui semblent avoir eacuteteacute oublieacutes Par exemples les conceptions classiques de lrsquoeacuteconomie ont exalteacute les avantages du libre-eacutechange Mais les adeptes du commerce international (cf Ricardo) en fixaient les regravegles drsquoencadrement institutionnel En effet

ils postulaient une mobiliteacute des produits et non pas des ressources (Capital hommes techniques) Ces derniegraveres devaient pour lrsquoessentiel circuler au sein drsquoensemble politiquement constitueacutes (ex lrsquoUnion Europeacuteenne) ils preacuteconisaient lrsquoouverture entre des ensembles homogegravenes crsquoest-agrave-dire entre eacuteconomies concurrentes et non pas compleacutementaires

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ils recommandaient la creacuteation drsquoune monnaie internationale et un systegraveme de changes fixes

Dans ce contexte drsquoadjudication reacuteguliegravere agrave la baisse de la valeur du travail (Castagnos Le Berre 2003) qui ose encore pronostiquer une reacuteconciliation prochaine de la performance eacuteconomique et sociale des entreprises si lon ne revient pas sur la description des attentes et inteacuterecircts donc de la reacutetribution du partenaire social Lrsquoeacutetude drsquoAllouche Charpentier et Guillot (2003) deacutesigne aussi les salaires comme une bonne variable drsquoaction Les reacutemuneacuterations ont et nrsquoont pas drsquoinfluence sur la performance sauf srsquoil srsquoagit de lrsquoactionnariat salarieacute Ce point de vue est confirmeacute avec certaines preacutecautions par Raad (2004) De surcroicirct la firme assimile aux moyens preacuteceacutedemment citeacutes la liaison inteacuterecirct du salarieacute satisfaction du salarieacute Ainsi un reacutegime de participation aux beacuteneacutefices (RPB) est geacuteneacuteralement installeacute sous condition preacutealable que lrsquoentreprise soit financiegraverement saine Tant mieux si lrsquoinstallation de ce RPB provoque au surplus une augmentation de performance Il nrsquoempecircche que dans cette conception la motivation est perccedilue comme un moyen drsquoaction relevant drsquoune logique instrumentale Les dispositifs de type inteacuteressement des personnels aux beacuteneacutefices les systegravemes de boicirctes de salaires la flexibiliteacute des horaires de travail illustrent les pratiques meacutediatrices dont le but est de lisser ou drsquoatteacutenuer les inteacuterecircts antagoniques en preacutesence La difficulteacute drsquoallier la performance eacuteconomique et sociale reacuteside ailleurs Degraves lors qursquoil srsquoagit de reacutesoudre une crise de pratiquer des choix sous contraintes les deacutecisions sont souvent prises en deacutefaveur des RH Lrsquoentreprise est-elle fautive Rien nrsquoest moins sucircr On constate souvent que lrsquoentreprise deacutecide geacuteneacuteralement de sa politique salariale au regard de la seule correacutelation objective aptitude - performance et ignore la seconde qui est subjective (inteacuterecircts du salarieacute - satisfaction du salarieacute) Certes une perception aussi dichotomique peut sembler manicheacuteenne voire repreacutesentative drsquoune divergence drsquointeacuterecircts irreacutemeacutediables Cependant la synthegravese est possible notamment par le concept de reacutetribution neacutegocieacutee (JC Castagnos M Le Berre 2000 et 2001) Conclusion La distinction forte que fait le droit du travail entre le controcircle du reacutesultat du travail et le controcircle du travail qui est censeacutee tracer la frontiegravere entre le contrat commercial et le contrat de travail devient teacutenue Le contrat de travail est agrave linteacuterieur de lorganisation le contrat commercial est agrave lexteacuterieur A linteacuterieur le controcircle et la subordination constituent lessence de la relation La liberteacute de neacutegocier suppose une certaine exteacuterioriteacute Voilagrave ce qui change dans cette relation si passionnelle et qui devrait constituer cette nouvelle effectiviteacute de la relation drsquoemploi Le refus de lrsquoappropriation priveacutee du savoir et de certains biens culturels la contestation de lrsquoeacutechange marchand des connaissances consideacutereacutees comme bien collectif deacuteboucheraient sur une eacuteconomie du don (cf certaines pratiques reacutealiseacutees sur le Web) sans doute utopique et peu propice agrave la creacuteation de valeur En effet quand le savoir (knowledge) devient la principale force productive tout ce qui touche agrave la production agrave lrsquoorientation agrave la division du savoir devient un enjeu de pouvoir pour la socieacuteteacute La question de la proprieacuteteacute priveacutee ou publique de lusage payant ou gratuit des moyens daccegraves au savoir devient un enjeu central Ougrave se trouve donc lrsquoavantage distinctif et motivant propre agrave chaque salarieacute

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Si lrsquoentreprise est un laquo artefact raquo ou une repreacutesentation de lrsquoaction collective il nous appartient de savoir si ce nouvel holisme moderne doit supplanter lindividualisme meacutethodologique ou lavantage dune approche constructiviste des relations demploi A notre avis agrave lrsquoinstar des trois histoires de Fernand Braudel (continentales rythmeacutees et eacuteveacutenementielles) le management devra certifier par segmentation la reconnaissance de la performance des salarieacutes et des reacutesultats attendus par chaque partenaire BIBLIOGRAPHIE Alis D Poilpot-Rocaboy G (2000) Impacts de lrsquoameacutenagement et de la reacuteduction du temps de travail sur les politiques de reacutemuneacuteration vers un accroissement de la flexibiliteacute in Peretti et Roussel Les reacutemuneacuterations politiques et pratiques pour les anneacutees 2000 Ed Vuibert p 199-213

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LE CONCEPT DrsquoINTERACTIVITE COGNITIVE ILLUSTRATION PAR LA CONSTRUCTION DU CONCEPT DE LOYAUTE PROFESSIONNELLE Vincent CRISTALLINI Maicirctre de Confeacuterences en Sciences de Gestion agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 Membre de lrsquoISEOR

Introduction Cette communication vise agrave expliciter le double mouvement de production et drsquoameacutelioration des connaissances qui srsquoopegravere dans lrsquointeractiviteacute cognitive entre un intervenant chercheur et les acteurs drsquoune organisation au cours drsquoune recherche-intervention Les eacutechanges drsquoinformations structureacutees (sous forme de concepts meacutethodes outils notamment) du chercheur vers les acteurs sont porteurs drsquoinformations en retour reacuteactions commentaires changementshellip qui sont drsquoune part significatives quant agrave lrsquoeacutetat de lrsquoobjet de recherche drsquoautre part porteuses de connaissances plus geacuteneacuterales sur le fonctionnement des organisations Lrsquoinformation nouvelle introduite dans lrsquoorganisation joue en quelques sortes un rocircle de reacuteveacutelation de pheacutenomegravenes preacutesents dans la reacutealiteacute des acteurs mais mal appreacutehendeacutes dans le sens ougrave ils nrsquoen sont pas pleinement conscients Ces pheacutenomegravenes signifiants ne portent pas de nom bien deacutetermineacute ne sont pas reacuteellement mesureacutes et ne font pas lrsquoobjet drsquoune attention drsquoune surveillance ou drsquoactions correctives deacutecisives particuliegraveres de la part des acteurs Une fois expliciteacutes sous forme de concepts ces pheacutenomegravenes entrent en reacutesonance avec les acteurs

qui alimentent la creacuteation la validation et la preacutecision des concepts en tant que grilles de lecture pertinentes et qui fournissent de lrsquoinformation sur ses manifestations concregravetes en tant que base de faits

Afin de bien expliciter le principe drsquointeractiviteacute cognitive nous partons drsquoun cas drsquoeacutemergence drsquoune connaissance nouvelle plus particuliegraverement celle du concept de loyauteacute professionnelle Nous montrons comment ce concept eacutemerge germe avant de devenir une connaissance geacuteneacuterique solide La loyauteacute professionnelle permet de mesurer la coheacuterence la coheacutesion et lrsquoefficaciteacute drsquoune eacutequipe Elle explique en partie la qualiteacute de mise en œuvre drsquoune strateacutegie Elle srsquoobserve se mesure se caracteacuterise dans nrsquoimporte quel type drsquoorganisation Elle peut mecircme ecirctre auditeacutee Lrsquointroduction de ce concept a des effets non neacutegligeables sur le fonctionnement des eacutequipes et les performances drsquoune organisation La premiegravere partie de cette communication permet de faire deacutecouvrir au lecteur le concept drsquointeractiviteacute cognitive La deuxiegraveme partie explique comment srsquoest construit le concept de loyauteacute professionnelle par interactiviteacute cognitive entre lrsquointervenant chercheur et les acteurs des organisations

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1 La production de connaissances par interactiviteacute cognitive Le concept drsquointeractiviteacute cognitive est un des meacutecanismes feacuteconds de production de connaissances au cours drsquoune recherche-intervention Il srsquoagit drsquoun processus de production de connaissances drsquointention scientifique dans lequel lrsquointervenant chercheur est partenaire dans lrsquoaction et coproducteur de connaissances avec le terrain dans le but de formuler des regravegles de connaissance nouvelles ou plus preacuteciseacutement des connaissances structureacutees sous forme de regravegles Il srsquoagit de mener des expeacuterimentations sur et avec lrsquoobjet de la recherche La connaissance naicirct dans des liens intersubjectifs et sociaux crsquoest une forme de savoir eacutelaboreacute dans lrsquointeraction sociale Lrsquointeraction entre le chercheur et les acteurs de lrsquoorganisation est cultiveacutee Chacun agrave son tour fournit aux autres une repreacutesentation du fonctionnement de lrsquoentreprise Les connaissances sont produites par un processus qui prend la forme de cycles de consolidation de faits qui valident invalident ou modifient des hypothegraveses Le chercheur part drsquoun questionnement large et sans grille a priori il pose quelques hypothegraveses explicites agrave partir drsquoun reacutefeacuterentiel souple constitueacute drsquoune base de connaissances drsquoune base de regravegles (de type sihellip alors) drsquoune base de faits Lrsquointervenant-chercheur axe plus particuliegraverement ses observations sur la recherche de lrsquoimplicite Degraves qursquoun ensemble de faits ou de pheacutenomegravenes qui paraicirct signifiant est deacutetecteacute cela induit une recherche drsquoexplications puis de preacuteconisations Le processus srsquoappuie sur des iteacuterations successives boucleacutees Une premiegravere seacuterie drsquoobservations est meneacutee puis drsquoautres investigations sont opeacutereacutees sur le mecircme espace organisationnel selon la logique suivante une collecte drsquoinformations stimulation des acteurs par preacutesentation de reacutesultats intermeacutediaires nouvelle collecte drsquoinformations et ainsi de suitehellip Il srsquoagit donc drsquoune recherche drsquoimpacts de stimulation des comportements drsquointeacutegration des informations et de stimulation drsquoactes deacutecisifs Afin de garantir la qualiteacute des informations qursquoil collecte et leur traduction sous forme de connaissances valides le chercheur applique des principes de rigueur scientifique Le premier consiste agrave alterner lrsquoimmersion et la distanciation avec le terrain notamment en jouant sur une alternance des lieux Le deuxiegraveme principe est que le chercheur neacutegocie une position strateacutegique pour observer au cœur de lrsquoorganisation et au plus pregraves des pheacutenomegravenes intimes qui font la vie de cette organisation Le troisiegraveme est drsquoacceacuteder agrave toutes les cateacutegories drsquoacteurs Enfin les acteurs sont associeacutes agrave la mise en œuvre des pratiques de validation et drsquoeacutevaluation des connaissances notamment par des discussions contradictoires Lrsquointeractiviteacute cognitive est au final une technologie permettant de produire une connaissance communicable et partageable par drsquoautres acteurs image nouvelle mais reconnaissable par les acteurs qui srsquoappuie sur une forme drsquoadoption de lrsquointervenant chercheur par les acteurs

2 La construction drsquoun concept la loyauteacute professionnelle Cette partie montre qursquoun concept se forge par un processus global drsquoaccumulation affinage de connaissances A partir de lrsquoeacutemergence drsquoun questionnement et drsquoune probleacutematique observeacutee sur le terrain lrsquointervenant-chercheur eacutelabore un concept de plus en plus riche Un concept peut ensuite ecirctre exporteacute pour aider la recherche transformative sur drsquoautres terrains

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Enfin une connaissance structureacutee geacutenegravere aussi sa propre incompleacutetude dans le sens ougrave elle conduit le chercheur agrave deacutecouvrir des pheacutenomegravenes nouveaux

21 Un processus global drsquoobservation et drsquoaccumulation-affinage des connaissances La recherche-intervention comporte une double logique drsquoobservation et de manipulation de lrsquoobjet de recherche fondeacutee sur lrsquoextraction et lrsquointroduction drsquoinformations sur et dans lrsquoorganisation Partant de situations concregravetes lrsquointervenant-chercheur fait eacutemerger des pheacutenomegravenes signifiants qursquoil classe conceptualise modeacutelise Cette eacutelaboration des connaissances srsquoappuie sur une meacutethode rigoureuse de description drsquoexplication et de prescription relative aux pheacutenomegravenes observeacutes Cette meacutethode est tregraves comparable agrave celle des biologistes qui investiguent la jungle amazonienne Ils varient les postes drsquoobservation tant il est difficile drsquoacceacuteder agrave certaines zones tout en sachant qursquoils vont deacutecouvrir une eacutenorme varieacuteteacute drsquoespegraveces drsquointeractions Ils savent eacutegalement que la connaissance actuelle de ce milieu est infime compareacutee agrave la richesse supposeacutee de ce milieu Dans tous les cas degraves que des observations nouvelles ont conduit agrave expliciter certains pheacutenomegravenes les interventions suivantes srsquoenrichissent de la connaissance acquise Ce processus global drsquoaccumulation et drsquoaffinage des connaissances est scheacutematiseacute figure 1

Figure 1 Un processus global drsquoaccumulation et drsquoaffinage des connaissances

Extraction

Classification Conceptualisation

Modeacutelisation Situations concregravetes

Pheacutenomegravenes signifiants

Description Explication Prescription

Connaissance

Intervention

Observation

22 Emergence du questionnement qui preacutefigure le concept de loyauteacute

professionnelle Ecarts entre intentions et reacutealisations strateacutegiques Au cours de toutes les recherches-interventions meneacutees sur des terrains varieacutes apparaicirct systeacutematiquement une probleacutematique veacutecue par les dirigeants et cadres celle de lrsquoeacutecart entre des intentions strateacutegiques formuleacutees ou afficheacutees et des reacutealisations effectivement constateacutees Le caractegravere systeacutematique et les effets particuliegraverement importants de ce pheacutenomegravene notamment sur les performances de lrsquoorganisation lui confegraverent un reacuteel caractegravere signifiant

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qui entraicircne une vigilance accrue du chercheur drsquoougrave proviennent les eacutecarts entre les intentions strateacutegiques et les reacutealisations

Figure 2 Emergence drsquoune probleacutematique signifiante

Intentions strateacutegiques

Actions meneacutees

Ecarts Provenance

des eacutecarts

De nombreuses hypothegraveses peuvent degraves lors ecirctre formuleacutees quant agrave la provenance des eacutecarts Il peut y avoir une trop forte ambition strateacutegique de lrsquoentreprise Ce peut ecirctre un manque de moyens par rapport aux objectifs fixeacutes Il a pu y avoir des aleacuteas ou des eacuteveacutenements externes agrave lrsquoentreprise au cours de la peacuteriode Ecarts opeacuterationnels et eacutecarts politiques Les diffeacuterentes recherches interventions meneacutees dans les entreprises permettent de dresser une liste une classification de nombreux pheacutenomegravenes qui viennent entraver la qualiteacute de la mise en œuvre strateacutegique Cette classification confirme une certaine contingence des freins agrave la reacuteussite strateacutegique Neacuteanmoins il se deacutegage des observations que certains eacutecarts seraient plutocirct naturels tandis que drsquoautres seraient plutocirct lieacutes agrave lrsquointroduction de lrsquohomme dans la boucle En effet tous les eacutecarts de reacutealisation lieacutes agrave lrsquoincertitude agrave lrsquoimperfection aux erreurs ne sont que le reflet de la vie et sont aussi traditionnellement la matiegravere premiegravere des gestionnaires et hommes drsquoorganisations Ces eacutecarts dits opeacuterationnels ne preacutesentent pas de caractegravere tel qursquoils surprennent le chercheur en sciences de gestion Depuis longtemps maintenant une maxime reacutesume cette probleacutematique geacuterer crsquoest preacutevoir Les eacutecarts opeacuterationnels tomberaient presque dans la normaliteacute ou le non eacuteveacutenement Concernant les eacutecarts lieacutes aux hommes ils meacuteritent une attention toute particuliegravere car ils semblent moins bien pris en compte dans la gestion des entreprises Lrsquoobservation rapprocheacutee du fonctionnement des eacutequipes montre que certains eacutecarts sont plutocirct drsquoordre politique Certains flux de deacutecisions et de mise en œuvre ne tiennent pas compte des deacutesaccords cacheacutes non exprimeacutes par certains acteurs Ce type drsquoeacutecarts est une sorte de chaicircnon manquant car ils permettent de comprendre certains eacutecarts parfaitement inexplicables drsquoun point de vue opeacuterationnel

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Figure 3 Deacutetection drsquoun sous-ensemble de faits signifiants les eacutecarts politiques

Ecarts de mise en œuvre

strateacutegique

Opeacuterationnels Naturels

incertitude

Politiques Pourquoi

Une focalisation des observations sur les eacutecarts politiques dans les organisations a permis de mieux comprendre leur caractegravere eacuteminemment dialectique En effet les eacutecarts de mise en œuvre strateacutegique peuvent provenir des oppositions suivantes par exemple

De personnes deacutevoueacutees et cordiales mais qui srsquoeacutechappent sur les sujets essentiels De personnes jugeacutees tregraves compeacutetentes mais qui font preuve drsquoautonomisme De personnes qui semblent ecirctre drsquoaccord mais qui ne le sont pas en reacutealiteacute De personnes qui preacutefegraverent la bonne ambiance agrave lrsquoefficaciteacutehellip

Caracteacuteriser et mesurer la loyauteacute professionnelle Au final il se deacutegage des investigations de recherche que la qualiteacute de mise en œuvre drsquoune strateacutegie deacutepend aussi fortement de la qualiteacute de fonctionnement drsquoune eacutequipe et drsquoune certaine eacutethique de la qualiteacute des relations professionnelles entre ses membres Comme en matiegravere de recherche scientifique la qualiteacute de fonctionnement drsquoune eacutequipe suppose que lrsquoimplicite soit expliciteacute Lrsquoadheacutesion drsquoun acteur et la qualiteacute de son comportement ne peuvent pas ecirctre reacutealistement confineacutes au domaine de lrsquoimplicite Il convient degraves lors de donner un nom au pheacutenomegravene signifiant qui explique la coheacuterence et la coheacutesion politiques au sein drsquoune eacutequipe la loyauteacute professionnelle La loyauteacute professionnelle peut ecirctre modeacuteliseacutee agrave partir de postulats drsquoune deacutefinition de critegraveres de mesure Des postulats La loyauteacute professionnelle consiste agrave admettre que le fonctionnement drsquoune organisation est hieacuterarchiseacute avec la possibiliteacute pour certains acteurs drsquoarbitrer compte tenu de leur position hieacuterarchique Lrsquoautoriteacute absolue nrsquoexiste pas compte tenu de la possibiliteacute de freinage des acteurs que leur confegravere leur pouvoir informel La qualiteacute de mise en œuvre drsquoune strateacutegie deacutepend fortement de la confrontation explicite des acteurs et non de leurs deacutesaccords implicites dans lesquels les uns ont lrsquoimpression drsquoecirctre obeacuteis et les autres lrsquoimpression qursquoils doivent se taire

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Une deacutefinition claire La loyauteacute professionnelle consiste agrave exprimer son deacutesaccord en un temps et un lieu opportuns pour lever des malentendus entre des personnes ou de neacutegocier des conditions de reacutealisation drsquoune action afin drsquoameacuteliorer la qualiteacute de mise en œuvre de cette action dans le cadre des droits et des obligations de chacun Un instrument de mesure avec des regravegles du type laquo crsquoest chaque fois quehellip raquo La loyauteacute professionnelle peut se mesurer au travers de quatre critegraveres

Une personne megravene sa propre strateacutegie fait ce qui lrsquoarrange Une personne nrsquoexprime pas son deacutesaccord en temps et en heure Une personne ne se concerte pas a priori sur des sujets importants Une personne ne fait pas remonter des informations sensibles

Ces quatre critegraveres sont le reflet de strateacutegies cacheacutees qui conduisent une personne agrave se couper du lien hieacuterarchique et donc de la neacutecessaire autoriteacute politique qui lui est attacheacutee Lorsque de maniegravere reacutepeacutetitive et signifiante lrsquoun ou plusieurs de ces critegraveres est activeacute par le comportement drsquoune personne on parle de deacuteloyauteacute professionnelle Cette derniegravere a pour effet systeacutematique de mettre en difficulteacute le responsable hieacuterarchique puisque par deacutefinition celui-ci ne deacutecouvrira les strateacutegies cacheacutees implicites qursquoau travers des accidents et conseacutequences qursquoelles provoquent Ainsi ce nrsquoest pas le deacutesaccord en tant que tel qui entrave la qualiteacute de vie drsquoune eacutequipe mais la meacuteconnaissance et le non traitement des deacutesaccords Comme nous venons de le voir le concept de loyauteacute professionnelle deacutecouvert dans et par les entreprises a une reacuteelle consistance Il peut alors ecirctre apporteacute introduit dans des eacutequipes afin drsquoen ameacuteliorer le fonctionnement

23 Introduire le concept de loyauteacute professionnelle dans une eacutequipe La prudence du chercheur face agrave lrsquoobjet La loyauteacute professionnelle nrsquoest pas un concept quelconque et anodin Son contenu est interpellant Lrsquointroduction drsquoun tel concept est neacutecessairement peacutedagogique afin de tester et de respecter le degreacute drsquoacceptation des acteurs Nos observations sur les terrains nous ont montreacute des reacuteactions quasi-systeacutematiques de curiositeacute intellectuelle mecircleacutee agrave de la gecircne de la part des acteurs En effet ce concept joue tout agrave la fois un rocircle de miroir et de conscientisation La deacuteloyauteacute professionnelle ce nrsquoest pas agreacuteable et pourtant cela existe Les acteurs le pressentent bien et en souffrent souvent sans pour autant savoir nommer le mal et le traiter La sur-validation par les acteurs Une fois la phase de gecircne passeacutee on constate lrsquoadoption du concept par les acteurs comme une sorte de reacuteveacutelation drsquoun veacutecu expeacuterientiel Ils disent freacutequemment qursquoils ressentaient intuitivement le pheacutenomegravene sans avoir jamais clairement eacuteteacute capable de le nommer et de le deacutecrire Il relevait reacutesolument de lrsquoimplicite

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Cette adoption du concept est tregraves productive drsquoinformations compleacutementaires pour le chercheur Les acteurs partent agrave la recherche de situations concregravetes permettant de valider le concept et les expriment Il est extrecircmement inteacuteressant de constater agrave ce stade que les acteurs livrent spontaneacutement et explicitement des cas agrave lrsquointervenant-chercheur sans qursquoil ait besoin lui-mecircme de deacutecoder des discours implicites sous lrsquoangle de ce reacutefeacuterentiel de loyauteacute professionnelle Crsquoest dans ce sens que nous parlons de sur-validation par les acteurs qui adoptent le concept et le font vivre avec moins de prudence que lrsquointervenant-chercheur Lrsquointeacutegration dans le vocabulaire et les pratiques de management Lrsquoadoption du concept par les acteurs est source drsquoinformations nouvelles mais eacutegalement de changement de pratiques La recherche-intervention tient alors sa promesse de transformation des situations de gestion La nouvelle capaciteacute pour les acteurs agrave nommer caracteacuteriser et mesurer la loyauteacute professionnelle change radicalement leurs relations Lorsqursquoun pheacutenomegravene a eacuteteacute clairement expliciteacute on ne peut pas faire comme srsquoil nrsquoexistait pas Crsquoest ainsi que des situations de deacuteloyauteacute professionnelle naturelles se voient plus souvent prises en compte et traiteacutees

24 Lrsquoeacutemergence drsquoune forme laquo nouvelle raquo et deacutelicate de deacuteloyauteacute professionnelle Nous avons vu plus haut que la deacuteloyauteacute professionnelle avait pour effet systeacutematique de mettre en difficulteacute le responsable hieacuterarchique puisqursquoil ne la deacutecouvre qursquoau travers des accidents et conseacutequences qursquoelle induit Les iteacuterations de longue dureacutee que nous menons au sujet de ce concept ont un rocircle de validation-affinage de la connaissance acquise Nous avons constateacute que toutes les eacutequipes sont sujettes agrave ce pheacutenomegravene plus ou moins gravement certes mais systeacutematiquement Crsquoest en soi un reacutesultat Cependant notre reacutefeacuterentiel de la loyauteacute professionnelle srsquoappuie fortement sur lrsquointentionnaliteacute et le courage des acteurs Or il eacutemerge de nos observations reacutecentes une nouvelle forme de deacuteloyauteacute professionnelle dans laquelle on peut supposer qursquoil y a absence drsquointentionnaliteacute de la personne Cette forme ne nous est pas encore totalement connue Elle srsquoexprime comme le manque de pertinence des reacutepliques le manque de sens politique les maladresses orales eacutecrites les erreurs diplomatiques les rateacutes protocolaireshellip Nous appelons provisoirement cette forme lrsquoincompeacutetence situationnelle Cette forme de deacuteloyauteacute nous paraicirct drsquoessence psychanalytique et elle semble assez irreacutepressible laquo Crsquoest plus fort que les acteurs raquo Ils font rater des opeacuterations ou deacutegradent une image de marque sans vraiment le vouloir Il ne srsquoagit pas de manques de compeacutetences agrave proprement parler puisque les personnes peuvent tregraves bien reacutealiser les opeacuterations qui leur sont confieacutees au sens technique mais degraves que des dimensions comportementales de rapports aux autres apparaissent les personnes deacuterapent soit par couardise soit par excegraves de vaniteacute Nous poursuivons les investigations pour mieux comprendre ce pheacutenomegravene au contact des acteurs ce qui signifie que la connaissance reste agrave parachever

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Conclusion Lrsquointeractiviteacute cognitive est un moyen feacutecond de geacuteneacuterer des connaissances nouvelles en approchant des meacutecanismes intimes de fonctionnement des organisations Cette relation entre le chercheur et les acteurs des organisations permet agrave la fois drsquoameacuteliorer la connaissance sur les organisations et drsquoaider celles-ci agrave ameacuteliorer leurs performances Le concept de loyauteacute professionnelle qui illustre ce papier montre bien agrave quel point il serait difficile drsquoinventer un tel concept sans un contact rapprocheacute avec lrsquoobjet de recherche BIBLIOGRAPHIE David A La recherche-intervention cadre geacuteneacuteral pour la recherche en management in David A Hatchuel A Laufer R (Coord) Les nouvelles fondations des sciences de gestion Paris Vuibert 2000 p 193-211

Pierme J-P et Wacheux F laquo Recherche en sciences de gestion et conseil aux entreprises une compleacutementariteacute dynamique agrave inventer raquo Revue de Gestion des Ressources Humaines ndeg17 1995 p3-14

Savall H Zardet V Recherche en sciences de gestion approche qualimeacutetrique ndash Observer lrsquoobjet complexe Economica 2004

Savall H Zardet V laquo La dimension cognitive de la recherche-intervention la production de connaissances par interactiviteacute cognitive raquo Revue internationale de systeacutemique 1996 24p

Wacheux F Meacutethodes qualitatives et recherche en gestion Paris Economica 1996 290p

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LrsquoINFLUENCE DES IDEOLOGIES DANS LE DEVELOPPEMENT DE LA RSE Guillaume DELALIEUX1 Doctorant en sciences de gestion ndash IAE de Lille ndash Membre du GRAPHE et du LABORES

Reacutesumeacute Lrsquoeacutetendue de la notion de Responsabiliteacute Sociale de lrsquoEntreprise agrave la fois en terme de theacutematiques qursquoelle recoupe mais aussi en terme de pratiques qursquoelle geacutenegravere est telle qursquoelle est utiliseacutee de faccedilons diverses et parfois contradictoires En sciences de gestion tout particuliegraverement du fait de lrsquoinfluence des lieux communs dans les ideacuteologies manageacuteriales et eacuteconomiques il faut se meacutefier des concepts ou notions qui tendent agrave porter en eux lrsquoideacutee de progregraves drsquoameacutelioration de lrsquoefficience Les deacutebats autour de la notion de RSE agrave la fois dans le domaine acadeacutemique mais aussi sur la place publique traduisent lrsquoengouement autour drsquoune notion qui agrave deacutefaut de posseacuteder une deacutefinition preacutecise reacuteussi agrave reacuteunir de multiples acteurs ou parties prenantes autour de ce cette notion Les travaux universitaires en sciences de gestion sur le sujet mobilisent des theacuteories diverses pour essayer drsquoappreacutehender au mieux la nature du pheacutenomegravene Ces contradictions geacutenegraverent un risque de confusion drsquoutilisation maladroite voire mecircme drsquoinstrumentalisation au service drsquoacteurs dont les intentions et inteacuterecircts ne sont pas forceacutement congruents aux valeurs de laquo la philosophie raquo sous-jacente agrave la RSE en supposant lrsquouniciteacute de celle-ci Face agrave une telle complexiteacute le rocircle du chercheur en sciences de gestion est de la simplifier sans tomber dans les travers du reacuteductionnisme reacuteduisant lrsquoactiviteacute intentionnelle agrave un comportement conditionneacute Simplifier la reacutealiteacute neacutecessite de revenir aux fondements de la notion et drsquoanalyser son eacutevolution sur le plan conceptuel afin de la clarifier Le but de cet article est apregraves avoir briegravevement retraceacute lrsquoorigine de la notion de RSE de reacutealiser un panorama non exhaustif des diffeacuterentes theacuteories rencontreacutees jusqursquoici par lrsquoauteur dans sa revue de litteacuterature en sciences de gestion et theacuteorie des organisations sur le sujet Introduction La notion de responsabiliteacute sociale des entreprises (RSE) nrsquoa plus rien agrave envier en matiegravere de notorieacuteteacute agrave celle de deacuteveloppement durable A tel point drsquoailleurs qursquoelle semble partager avec le deacuteveloppement durable son caractegravere ambigu Les qualificatifs ne manquent pas agrave son eacutegard concept vague flou seacutemantique ambiguiumlteacute lexicale concept ombrelle laquoondoyante et proteacuteiformeraquo sont autant drsquoexpressions senseacutees deacutecrire lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute agrave la fois des discours omnipreacutesents sur la RSE et des pratiques plus eacuteparses Homonyme aristoteacutelicien la RSE devient un lieu drsquoaffrontement

1 LABORES ndash ICL 60 bd vauban 59000 LILLE CLAREE ndash IAE de Lille 104 avenue du peuple belge 59000 LILLE Teacuteleacutephone 0662336699 E-mail guillaumedelalieuxclublemondefr

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Au niveau theacuteorique sur les valeurs qursquoelle est senseacutee incarner Au niveau pratique sur les modaliteacutes drsquoimpleacutementation en instruments de gestion

La particulariteacute du laquo concept ombrelle raquo est drsquoabriter en son sein des revendications varieacutees et parfois totalement contradictoires Les exemples de concepts ombrelles ne manquent pas le principe de preacutecaution (Ewald 2001) en est un exemple reacutecent les droits de lrsquohomme (Gauchet 2002) en sont un autre Ce dernier illustre les diffeacuterences radicales existant entre drsquoun cocircteacute une conception a minima et de lrsquoautre maximaliste de la notion La RSE est une notion qui nrsquoest pas stabiliseacutee et qui fait lrsquoobjet drsquoune construction progressive au centre de poleacutemiques ougrave des forces opposeacutees srsquoattachent agrave faire valoir une deacutefinition particuliegravere de la notion suite agrave un affrontement sur les valeurs Elle vise agrave resituer les responsabiliteacutes de lrsquoentreprise (compris comme un ensemble drsquointeacuterecircts particuliers ou collectifs) vis-agrave-vis de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Crsquoest ainsi que Capron (2004) explique le relatif scepticisme drsquoune frange de lrsquoopinion publique franccedilaise et plus largement de pays agrave tradition drsquointerventionnisme eacutetatique quant agrave la capaciteacute de prise en compte de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral par lrsquoentreprise fonction jusqursquoici deacutevolue agrave lrsquoeacutetat A lrsquoinverse dans les pays agrave tradition politique libeacuterale le scepticisme est moins de rigueur concernant la capaciteacute des acteurs priveacutes agrave prendre en charge lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Situeacutee au carrefour des inteacuterecircts particuliers collectifs et geacuteneacuteral la RSE est donc lrsquoobjet de deacutebats ideacuteologiques sur la leacutegitimiteacute du concept et ses modaliteacutes pratiques drsquoimpleacutementation Essayer dans un premier temps drsquoidentifier les ideacuteologies agrave lrsquoœuvre dans le deacuteveloppement de la RSE a pour but de permettre une meilleure interpreacutetation agrave mecircme de saisir les significations que les acteurs en preacutesence attachent agrave la reacutealiteacute sociale leurs motivations leurs intentions Apregraves avoir deacutefini la notion drsquoideacuteologie puis eacuteclairci les fondements ideacuteologiques de la notion de RSE un bref examen de diffeacuterentes theacuteories des organisation les mieux agrave mecircme drsquoanalyser lrsquoideacuteologie de la RSE en sciences de gestion sera dresseacute

1 Ideacuteologie La profusion des discours sur la notion de RSE est telle que la notion finit par devenir un lieu commun Or les lieux communs sont les lieux mecircmes de laquo lrsquoexpression drsquoune ideacuteologie raquo (Heilbrunn 2004)

11 Deacutefinitions Une des premiegraveres deacutefinitions de lrsquoideacuteologie concept forgeacute en par Destutt de Tracy a eacuteteacute deacutefini comme laquo un systegraveme drsquoideacutees et de jugements explicites et geacuteneacuteralement organiseacutees qui sert agrave deacutecrire expliquer interpreacuteter ou justifier la situation drsquoun groupe ou drsquoune collectiviteacute et qui srsquoinspirant largement de valeurs propose une orientation preacutecise agrave lrsquoaction de ce groupe dans lrsquoHistoire raquo Lrsquoideacuteologie fait appel agrave la dimension des laquo comportements psychologiquesraquo et srsquoinscrit dans un processus collectif qui ne peut exister que dans une socieacuteteacute de masse laquo Elle se veut ainsi drsquoabord science de la construction des ideacutees de leurs conditions de naissance et drsquoeacutevolution (des perceptions aux ideacutees abstraites) agrave leurs lois drsquoorganisation [hellip] il srsquoagit de percer le secret des ideacutees et de reacuteveacuteler ainsi la deacutemarche de la penseacutee juste raquo (Dortier 2004) La critique marxiste la deacutefinit comme laquo lrsquoensemble des repreacutesentations des ideacuteaux et des valeurs propres agrave une classe ou un groupe social raquo (Dortier 2004) En poussant la critique et dans une conception plus foucaldienne de rapport entre savoir et pouvoir lrsquoideacuteologie est consideacutereacutee

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comme lrsquoexpression des esprits dominants empecircchant certaines theacuteories ou expeacuterimentations de progresser (Foucault 1994) Dans son acception la plus peacutejorative lrsquoideacuteologie est consideacutereacutee comme une vision fausse de la reacutealiteacute elle deacuteforme la reacutealiteacute et aliegravene laquo La fibre ideacuteologique repose sur les passions et cherche agrave mobiliser les sentiments drsquoamour et de haine raquo pour P Ansart tandis que pour Raymond Boudon elle reacutesulte drsquoune penseacutee raisonnable mais non infaillible (Dortier 2004) Dans le domaine politique lrsquoideacuteologie srsquoeacutepanouit pleinement et devient lrsquoinstrument central dans la constitution drsquoun mouvement

12 Ideacuteologie en sciences sociales En sciences sociales lrsquoideacuteologie se doit drsquoecirctre deacutemasqueacutee laquo Les sciences sociales permettent une action du vivant sur le vivant Les paradigmes des sciences sociales ne sont pas neutres en terme de pouvoir Ils ne peuvent donc pas envisager lrsquoisolement de des conditions de lrsquousage du pouvoir de leur champ drsquoapplication Le risque drsquoune telle leacutegitimation est qursquoelle deacutegeacutenegravere en dogme cest-agrave-dire qursquoelle se colore drsquoeacutethique ou de moraliteacute Il existe une tregraves notable diffeacuterence entre lrsquoaction drsquoun pouvoir srsquoexerccedilant par lrsquointermeacutediaire drsquoune politique qui agrave son tour se leacutegitime par un paradigme et drsquoautre part lrsquoideacuteologie qui est lrsquoutilisation consciente drsquoune repreacutesentation pour leacutegitimer lrsquousage de ce pouvoir et assurer sa peacuterenniteacute raquo (Cotta Calvet 2005) Le but drsquoune recherche en sciences sociales est donc sur le plan de lrsquoeacutepisteacutemologie de distinguer la theacuteorie de lrsquoideacuteologie reacuteduisant ainsi lrsquoimpact des ideacuteologies afin de permettre agrave la science de produire des connaissances valides et mobilisables Quel(s) type(s) de connaissances les sciences de gestion peuvent-elles produire Quel est lrsquoimpact des ideacuteologies sous-jacentes aux diffeacuterentes approches de la RSE en gestion sur la nature des connaissances produites et mobilisables

13 Ideacuteologie et sciences de gestion Le deacuteveloppement des travaux de recherche en science de gestion sur la theacutematique de la RSE peut amener le chercheur agrave se questionner sur la pertinence de ses propres recherches dans une deacutemarche reacuteflexive Un tel questionnement permet de positionner la porteacutee des travaux face agrave la complexiteacute neacutee de lrsquoenchevecirctrement des pratiques inter et intra organisationnelles sans aller jusqursquoagrave se demander le but ou lrsquoutiliteacute des connaissances produites en gestion dans le domaine de la RSE questionnement qui agrave la fois postulerait une deacutemarche teacuteleacuteologique et induirait des questions drsquointeacuterecircts de connaissances La theacutematique de la RSE agrave lrsquointerface du priveacute et du public confronte les inteacuterecircts des principaux acteurs institutionnels de la socieacuteteacute qursquoils soient drsquoordre politiques corporatistes scientifiques ou religieux Deacutefinir et circonscrire le peacuterimegravetre agrave lrsquointeacuterieur duquel les entreprises peuvent exercer leurs strateacutegies concurrentielles cad reacuteguler en quelque sorte les pratiques des acteurs de lrsquoeacuteconomie a successivement eacuteteacute lrsquoapanage pour ne pas dire le monopole des mythes des religions du droit puis de la science La mondialisation de lrsquoeacuteconomie modifie les sphegraveres de compeacutetence entre eacuteconomie politique eacutethique et les structures preacuteceacutedemment eacutetablies pour reacuteguler ces pratiques Quels sont le rocircle et la place que les sciences de gestion se doivent de prendre dans ce domaine De nombreuses deacutefinitions de la gestion tentant de circonscrire le peacuterimegravetre drsquoaction et lrsquoobjet drsquoeacutetude des sciences de gestion coexistent Une deacutefinition semble toutefois rassembler un relatif consensus autour de la probleacutematique de lrsquoaction collective (Hatchuel 2002) Cependant entre meacutetaphysique de lrsquoaction collective et theacuteorie axiomatique ou geacuteneacutealogique de celle-ci il existe tout un monde Pour Hatchuel les

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entreprises ne survivent que parce qursquoelles sont capables (volontairement ou par neacutecessiteacute) de renouveler leurs principes de gestion ce qui en theacuteorie systeacutemique reprend le principe de preacuteservation que poursuit neacutecessairement tout systegraveme La theacuteorie axiomatique de lrsquoaction collective se distingue de la meacutetaphysique en cela qursquoelle remet en cause tout fondement naturel ou principe totalisateur tel que le profit ou la strateacutegie par exemple (mais encore pourquoi pas le deacuteveloppement durable) Lrsquoouverture de la gestion agrave ces theacuteories axiomatiques doit permettre drsquoinclure les valeurs eacutemancipatrices du temps preacutesent neacutecessaire agrave leur survie cest-agrave-dire pour le reformuler autrement au risque de deacuteformer le penseacutee de lrsquoauteur laquo drsquoendogeacuteneacuteiser la critique raquo (Boltanski Chiapello 1999) Lrsquoaction collective qui se pose alors comme objet des sciences de gestion amegravene drsquoautres notions comme la rationalisation des moyens drsquoaction afin drsquoatteindre lrsquoefficaciteacute et la performance sanctionneacutees par le profit Une analyse historique de ces notions selon Hatchuel (2002) toujours illustre la contingence socio-historique de ces notions Sans pousser ici plus loin des travaux drsquoanalyse seacutemiologiques ou linguistiques sur ces notions on peut toutefois remarquer que lrsquoaction collective neacutecessite un certain nombre de conventions autour desquelles un relatif consensus eacutemerge afin de permettre lrsquoaction collective ce que Laufer (2002) appelle laquo rheacutetorique de lrsquoaction collective raquo Cette rheacutetorique de lrsquoaction collective deacutefinit la gestion de la maniegravere suivante laquo geacuterer crsquoest leacutegitimer cad produire une argumentation susceptible de rendre le management de lrsquoentreprise acceptable par toutes les parties prenantes raquo Cette approche de la gestion est drsquoautant plus inteacuteressante que pour reprendre les analyse de Boltanski Chiapello (1999) les organisations contemporaines ont besoin laquo drsquoune rheacutetorique produisant les eacuteleacutements agrave mecircme de motiver ou plutocirct de mobiliser les acteurs de lrsquoorganisation et en phase avec les besoins reacutesultants des nouveaux modes drsquoorganisation raquo La RSE peut-elle srsquointerpreacuteter agrave partir de cette deacutefinition comme une rheacutetorique de plus au service de la leacutegitimation de lrsquoaction collective

2 La notion de Responsabiliteacute Sociale des Entreprises La notion de Responsabiliteacute Sociale des Entreprises est comme tous les termes issus du recoupement des pratiques discursives chargeacutee des diffeacuterents contenus seacutemantiques reacutesultant agrave la fois de lrsquointentionnaliteacute des acteurs qui mobilisent la notion mais aussi de lrsquointerpreacutetation de la notion qui est faite par le processus de compreacutehension des acteurs Exception faite de certains neacuteologismes ne reprenant aucune notion preacuteceacutedemment utiliseacutee un mot est toujours chargeacute de significations accumuleacutees au cours du temps Sans deacutevelopper ici de maniegravere plus approfondie des analyses de type seacutemiologique ou philosophique sur les notions de responsabiliteacute (Ewald 1999) de social et drsquoentreprise il est neacutecessaire de srsquoarrecircter briegravevement sur les fondements de la notion afin de resituer le contexte des deacutebats contemporains sur la RSE

21 Histoire et gestion laquo Crsquoest un pheacutenomegravene geacuteneacuteral dans lrsquohistoire des socieacuteteacutes qursquoune mecircme revendication- crsquoest ce qui fait sa force- soit supporteacutee par des inteacuterecircts pluriels et srsquoinscrive dans des perspectives agrave lrsquointeacuterieur des quelles elle a une signification propre distincte des autres raquo (Madjaran 1991) Si les travaux de type historiques sont de plus en plus nombreux en gestion (Godelier 2000) histoire de la gestion et gestion de lrsquohistoire sous la simpliciteacute de la formule illustrent les enjeux drsquoune telle deacutemarche Lrsquohistoire en gestion (des outils et pratiques de gestion) doit ainsi laquo contribuer agrave reacuteveacuteler et eacuteclairer la complexiteacute du reacuteel Elle permet de lutter contre une

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certaine naiumlveteacute manageacuteriale qui consiste agrave affirmer une fois sans limite dans la capaciteacute des outils agrave changer le reacuteel et les acteurs raquo laquo [hellip] le retour vers le passeacute montre que la reacuteussite deacutepend certes du charisme ou de la maicirctrise des dirigeants mais surtout de leur capaciteacute agrave rendre possible la collaboration entre des acteurs souvent divergents dans leurs attentes comme dans leur strateacutegie individuelle et collectiveraquo (Godelier 2000) La question de lrsquoorigine et du fondement drsquoune notion en geacuteneacuteral et de celle de la RSE en particulier est souvent controverseacutee La question de lrsquoorigine ne se pose qursquoagrave partir drsquoun certain seuil ou pallier de notorieacuteteacute franchie Autrefois leacutegitimeacutee par les mythes puis les religions crsquoest aujourdrsquohui la science qui se doit de trancher la question des fondements ou de lrsquoorigine senseacutee constituer laquo le socle ou les fondations dont la stabiliteacute doivent assurer le deacuteveloppement des ideacutees raquo (Dortier 2004) Retracer a posteriori lrsquoorigine drsquoune notion nrsquoest pas chose facile et requiert une meacutethodologie de recherche approprieacutee le plus souvent longitudinal qui reste lrsquoapanage des historiens Lrsquoimmensiteacute du champ des eacuteveacutenements dont naicirct la liberteacute des historiens rend neacutecessaire une laquo preacutecompreacutehension historique globale raquo (Habermas 1987) afin de preacutetendre agrave lrsquointerpreacutetation drsquoune situation drsquoensemble Essayer de deacutefinir les responsabiliteacutes sociales de lrsquoentreprise cest-agrave-dire en quelque sorte le type de responsabiliteacute que se doivent drsquoassumer les entreprises nous amegravene sur le terrain de plusieurs disciplines des sciences humaines Les probleacutematiques agrave lrsquointerface du priveacute et du public ont toujours eacuteteacute lrsquoobjet de deacutebats de socieacuteteacute impliquant par lagrave mecircme diverses disciplines allant de la politique dans la mesure ou ceux-ci concernent lrsquoorganisation de la laquo citeacute raquo en passant par lrsquoeacuteconomie le droit (tracer les frontiegraveres entre droit et morale) et plus reacutecemment la gestion Preacutetendre que la notion de RSE est un pheacutenomegravene nouveau sur le plan theacuteorique au moins relegraveverait donc drsquoun manque de discernement qui en srsquoeacutemancipant du contexte historique reviendrait agrave laquo se soumettre agrave lrsquoimmanence de lrsquoordre existant raquo (Habermas 1987) Une deacutemarche de type historique pour situer la recherche en sciences de gestion permettrait donc drsquoeacuteviter ce biais

22 Origine de la RSE Les origines de la RSE en France sont drsquoabord drsquoorigine ideacuteologique (Capron Beaujolin 2005) avant de srsquoenraciner dans une pratique Une analyse historique du contexte institutionnel franccedilais au niveau des rapports entre politique et eacuteconomique le montre (Capron Beaujolin 2005) Comment ne pas interpreacuteter alors en dehors de la sphegravere ideacuteologique les diffeacuterents courants en gestion qui tentent de faire le parallegravele entre RSE et la notion dont elle est agrave deacutefaut de partager les ideacutees la traduction litteacuterale la Corporate Social Responsibility

221 Corporate Social Responsibility La question de lrsquoorigine de la CSR a deacutejagrave eacuteteacute abondamment traiteacutee On citera agrave titre de reacutefeacuterences les travaux principaux de Frederick (1994) Carroll (1999) et Davis (1973) Certains font remonter lrsquoorigine de la notion agrave lrsquoouvrage de Berle et Means (1932) laquo The modern corporation and private property raquo (Frederick 1994) questionnant les reacutepercussions du transfert du pouvoir conseacutecutif agrave la seacuteparation entre drsquoune part les proprieacutetaires de lrsquoentreprise et de lrsquoautre ses dirigeants Drsquoautres (Carroll 1999) attribuent la paterniteacute du concept agrave Bowen (1953) qui marque le deacutebut de lrsquoegravere moderne de la CSR et dont les eacutecrits tranchent avec les notions parfois

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qualifieacutees de preacutehistoriques de la CSR que Bearle amp Means (1932) ou encore Barnard (1938) avaient pu deacutevelopper auparavant Le caractegravere quasi naturel de la notion de CSR dans le contexte historique institutionnel ameacutericain peut provenir de lrsquoideacuteologie du libeacuteralisme politique et eacuteconomique La philosophie politique du libeacuteralisme circonscrit le traitement de la question du social agrave la sphegravere de lrsquoinitiative personnelle tout en reconnaissant le rocircle de lrsquoeacutetat agrave inciter agrave ce comportement de la part des acteurs priveacutes (Ewald 1999) Cette philosophie tend agrave instituer de fait la leacutegitimiteacute de la notion de responsabiliteacute sociale en tant que politique volontariste drsquoexercice de ses responsabiliteacutes morales Contextualiseacute au niveau corporate le rocircle de lrsquoeacutetat est donc drsquoinciter les comportements socialement responsables et ainsi de garantir lrsquoexercice de ce droit Si la question des origines semble faire lrsquoobjet drsquoun relatif consensus celui de la leacutegitimiteacute de la notion suscite moins de controverses agrave lrsquoexception notable de la contribution de Jones MT (1996) qui effectue une critique post-moderne radicale de la CSR faisant le lien avec les critiques acadeacutemiques franccedilaises identiques et plus nombreuses La notion de CSR semble donc avoir une histoire et une tradition bien ancreacutee aux E-U Sans revenir sur les eacutecrits de Tocqueville sur La deacutemocratie en Ameacuterique deacutecrivant les speacutecificiteacutes institutionnelles de lrsquoeacutepoque et pour beaucoup encore valables aujourdrsquohui il est inteacuteressant de se demander comment appliquer cette notion au contexte institutionnel franccedilais et agrave une plus large eacutechelle en Europe Lrsquoexistence drsquoun lien entre la corporate social responsibility (CSR) et le deacuteveloppement de la RSE en Europe et plus particuliegraverement en France neacutecessite de srsquoarrecircter sur lrsquoeacutemergence historique de la notion de RSE afin de deacutegager le cas eacutecheacuteant des similariteacutes Le contexte socio-historique franccedilais est speacutecifique et diffegravere en bien des points de celui des Etats-Unis

23 Du Paternalisme agrave la RSE en France Il est deacutelicat de preacutetendre ici agrave un travail historique drsquoanalyse longitudinal sur lrsquoeacutevolution des preacuteoccupations sur les relations entreprise - socieacuteteacute qui est lrsquoapanage des historiens Neacuteanmoins occulter cette eacutetape ferait courir le risque drsquoune soumission aveugle agrave laquo lrsquoimmanence de lrsquoordre existant raquo (Habermas 1987) Il est possible de deacutegager un ensemble de preacuteoccupations sur le sujet qui ont structureacute la reacuteflexion en France sur la question tels les travaux reacutecents de Capron Beaujolin (2005) qui reconnaissent lrsquoorigine ideacuteologique du concept en France pousseacute par quelques firmes pionniegraveres plutocirct que deacutecoulant drsquoun enjeu de marcheacute Sans remonter jusqursquoagrave lrsquoeacutepoque gallo-romaine et les conseacutequences de lrsquointroduction du droit romain sur la notion de responsabiliteacute on peut logiquement fixer la borne chronologique de deacutepart de lrsquoanalyse agrave lrsquoeacutemergence progressive des entreprises en France agrave savoir la fin du XIXegraveme siegravecle (Godelier 2000) Le deacuteveloppement du paternalisme au 19egraveme siegravecle (Ballet De Bry 2002) semble partager des similitudes avec la RSE contemporaine tant sur le plan de la controverse des motivations que sur celui du deacutebat des partisans et opposants Le paternalisme ou patronage pour reprendre son origine eacutetymologique a accompagneacute de maniegravere ambivalente agrave la fois une volonteacute de preacuteserver le capitalisme face agrave la monteacutee du socialisme et du syndicalisme en mecircme temps qursquoune reacuteelle volonteacute de la part de certains patrons drsquoameacutelioration des conditions de vie de leurs salarieacutes Le deacuteveloppement du paternalisme srsquoest donc deacuterouleacute comme la doctrine du libeacuteralisme le preacutevoyait agrave savoir agrave lrsquoinitiative de patrons innovateurs agrave lrsquoeacutepoque en matiegravere de protection sociale avant que ces pratiques de protection sociale ne soient reprises progressivement par lrsquoEtat puis la seacutecuriteacute sociale fondant par lagrave mecircme la leacutegitimiteacute de lrsquoideacuteologie du socialisme (Baudrillard 1985)

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Les eacuteveacutenements de 1960 ont sembleacute marquer la reacuteforme de lrsquoentreprise avec une reacuteflexion plus globale sur les conseacutequences de son activiteacute sur la socieacuteteacute crsquoest la naissance du Bilan Social en France (1977) Lrsquoentreprise citoyenne fait son apparition dans les anneacutees 80 tandis que lrsquooffre drsquoeacutethique ressurgit agrave la fin des anneacutees 1980 et le deacutebut des anneacutees 1990 (Salmon 2002) Pour (Leacutepineux 2003) deux modes drsquointerpreacutetation ou ideacuteologies concernant lrsquoeacutemergence de la RSE srsquoopposent

une approche orthodoxe dinspiration anglo-saxonne une approche socieacutetale dinspiration franccedilaise drsquoinspiration culturaliste

Tenter de fonder la notion de RSE en France sur celle de CSR aux E-U semble ainsi relever de la sphegravere ideacuteologique (Capron Beaujolin 2005) alimentant par lagrave mecircme les craintes de certains politiques assimilant la RSE agrave un cheval de Troie accompagnant la mondialisation eacuteconomique pour leacutegitimer la centraliteacute de lrsquoentreprise au sein du contexte institutionnel

3 Lrsquoideacuteologie de la RSE et theacuteorie des organisations Au niveau de la mise en place drsquoinstruments de gestion quelles seront la fonction et lrsquoutiliteacute des diffeacuterents outils de gestion deacuteveloppeacutes jusqursquoici dans le champ de la RSE

certification labellisation o codes de conduite o audit et reporting social o initiative dialogue social (multi stakeholder) o Investissement Socialement Responsable

En gestion comme Festinger (Koenig 2002) lrsquoa montreacute les reacuteponses agrave des dissonances cognitives peuvent ecirctre multiples

Cesser les pratiques remises en cause Deacutenier toute valeur aux argumentations scientifiques remettant en cause ces pratiques Adapter sa philosophie de vie pour continuer

Lrsquoinstrumentation de gestion a-t-elle alors pour but de reacuteduire lrsquoeacutequivociteacute informationnelle dans le domaine de la RSE en creacuteant du sens pour les acteurs en leur permettant une prise sur le reacuteel Ou bien encore le type drsquoinformations produites par lrsquoinstrumentation de gestion de la RSE a-t-il pour but de permettre une laquo action audacieuse et enthousiaste raquo jugeacutee bien plus laquo adeacutequate que la recherche drsquoune repreacutesentation qui pour ecirctre preacutecise ne peut ecirctre qursquoobsolegravete raquo (Koenig 2002)

31 Forces et faiblesses de la diversiteacute Ce flou conceptuel de la RSE a pour avantage principal drsquooffrir un cadre suffisamment large et vaste pour permettre de reacuteunir autour de cette notion les inteacuterecircts et revendications des diffeacuterentes parties prenantes Crsquoest le propre du langage que de proceacuteder par tacirctonnements et essais afin de construire par recoupement des notions autour desquelles un relatif consensus eacutemerge Cette proprieacuteteacute que lrsquoon qualifiera ici de caractegravere reacutegulateur a pour principal avantage drsquoinitier la neacutegociation aucune neacutegociation ne serait en effet possible sans lrsquoexistence de termes suffisamment flous et ambigus pour abriter les inteacuterecircts divergents de chacun et permettre ainsi de dissimuler des intentions parfois fondamentalement opposeacutees Le concept de RSE est donc un homonyme au sens drsquoAristote il nrsquoaboie pas plus que celui du chien pour reprendre les termes de Spinoza mais il a le meacuterite de permettre un relatif consensus autour de certaines theacutematiques ce qursquoauparavant drsquoautres notions comme lrsquoentreprise citoyenne ou lrsquoeacutethique des affaires nrsquoavaient pas reacuteussi agrave faire La charge

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seacutemantique de telles notions nrsquoest eacutevidemment pas le seul paramegravetre explicatif du pheacutenomegravene de deacuteveloppement ou de deacuteclin de ce processus mais il constitue une piste parmi drsquoautres Ainsi lrsquoextrecircme diversiteacute des thegravemes que peuvent recouvrir la RSE qualifieacutees par certains de concept creux permet en fait agrave chaque partie prenante drsquointeacutegrer ses inteacuterecircts propres et revendications agrave lrsquointeacuterieur de la notion de RSE La varieacuteteacute de ces diffeacuterents courants illustre parfaitement drsquoune part la complexiteacute des relations entre diffeacuterents acteurs reacuteunis au sein de lrsquoactiviteacute organisationnelle collective et drsquoautre part la diversiteacute des motivations et valeurs qui sous tendent cette activiteacute Ces diffeacuterentes conceptions de la notion de RSE sont autant de courants opposeacutes qui srsquoattachent agrave faire preacutevaloir leur conception propre de la notion la faccedilon de poser le problegraveme de deacutelimiter les frontiegraveres et de cerner les enjeux Cependant lrsquoeacutequivociteacute de la notion de RSE aboutit parfois agrave des situations paradoxales2 drsquoentreprises autoproclameacutees responsables faisant lrsquoeacuteloge des droits de lrsquohomme tout en interdisant les syndicats et toute forme drsquoexpression collective Il est en effet difficile vu lrsquoeacutetendue de la notion de se preacutetendre socialement responsable ou labelliseacute RSE par quelque organisme que ce soit et preacutetendre satisfaire simultaneacutement les attentes de chaque partie prenante Ainsi les deacutebats divergences drsquoapproche de compreacutehension de contextualisation et de theacuteorisation ne manquent pas Les theacuteories mobiliseacutees pour appreacutehender en sciences de gestion lrsquoeacutemergence de la RSE sont diverses et ne permettent pas toutes drsquoatteindre le mecircme degreacute drsquoappreacutehension du deacuteveloppement de lrsquoinstrumentation de la RSE Diffeacuterentes theacuteories parfois issues de lrsquoeacuteconomie (reacutegulation) ou de la biologie (eacutevolutionnisme) ont eacuteteacute mobiliseacutees sur le domaine naissant du courant de la RSE en gestion

Post-moderne Theacuteorie de la reacutegulation approche neacuteo - institutionnelle Conventionnaliste Evolutionniste Approche RBV

La question principale est ici de deacutegager le cadre theacuteorique le plus adapteacute agrave une analyse de lrsquoinfluence des ideacuteologies dans la contextualisation de la RSE et le deacuteveloppement de lrsquoinstrumentation de gestion Critique de type post-moderne critique du grand discours de la raison occidentale Jones (1996) deacutenonce lrsquoideacuteologie de la RSE qui pour lui srsquoenracine dans celle de son ancecirctre le plus proche le manageacuterialisme (Le Goff 1995) La croyance qursquoune classe de managers creacuteeacutes par le deacuteveloppement institutionnel deacutecrit par Bearle amp means (1932) servirait de maniegravere bienveillante les inteacuterecircts de la socieacuteteacute Sous cet angle la CSR est une ideacuteologie leacutegitimant le statu quo socieacutetal en perpeacutetuant une vision essentiellement fonctionnaliste de la socieacuteteacute Au niveau manageacuterial lrsquoaction ne peut se concevoir qursquoagrave lrsquointeacuterieur de frontiegraveres dont les limites sont traceacutees par la rationaliteacute eacuteconomique dominante Pour reprendre les analyses de Foucault le discours sur la CSR contribue agrave renforcer lrsquoheacutegeacutemonie ideacuteologique dans laquelle les arrangements institutionnels contemporains sont deacutecrits comme servant lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral alors qursquoils ne servent en fait que les inteacuterecircts drsquoune minoriteacute Une telle analyse du sujet amegravene agrave la conclusion suivante empiriquement et theacuteoriquement la seule voie plausible pour la RSE est de proposer une force de pression externe exerccedilant des contre pressions (parties prenantes) incitant et obligeant les entreprises agrave agir de maniegravere socialement plus responsable 2 Triomphe C-E laquo Responsabiliteacutes sociales raquo in Le Monde suppleacutement eacuteconomie 300305

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Approche reacutegulationniste Issue des sciences eacuteconomiques le cadre theacuteorique de la reacutegulation a cependant eacuteteacute utiliseacute en sciences de gestion notamment pour analyser la contextualisation de la deacutemarche qualiteacute au sein drsquoune entreprise industrielle (Rousseau 1997) Cette approche reprend en grande partie les analyses de la critique post-moderne de la RSE Elle deacutenonce la preacutepondeacuterance des acteurs institutionnels de lrsquoeacuteconomie dans le domaine de la reacuteglementation et de la leacutegislation environnementale et sociale ainsi que sa capaciteacute drsquoimposer par des jeux institutionnels des regravegles du jeu nrsquoincluant pas forceacutement lrsquointeacuterecirct de leurs parties prenantes dans son sens le plus large Les normes sociales et environnementales se retrouvent alors par le truchement de la concurrence reacuteduites agrave de simples variables drsquoajustement des manœuvres strateacutegiques des entreprises Lrsquoinstrumentation de la RSE au sein des sciences de gestion peut alors srsquointerpreacuteter comme la reacuteponse agrave cette remise en cause le rocircle de la RSE eacutetant de deacutefinir ou de circonscrire la laquo marge de toleacuterance agrave lrsquointeacuterieur de laquelle les valeurs theacuteoriques drsquoun systegraveme social peuvent varier sans que son existence soit mise en danger raquo (Habermas 1982) Lrsquoinstrumentation de la RSE peut alors srsquointerpreacuteter comme agrave la fois mettant en scegravene et donnant sens agrave la RSE tout en eacutetant porteur des ideacuteologies utilitaristes dominantes dans le systegraveme social actuel Approche neacuteo-institutionnelle Dans le prolongement des travaux de Di Maggio Powell (1983) Oliver (1991) Meyer amp Rowan (1977) la theacuteorie neacuteo-institutionnelle subordonne la compreacutehension des organisations agrave lrsquoeacutetude des relations entre organisations et agrave lrsquoinfluence de leur environnement social Selon Meyer amp Rowan (1977) certaines pratiques adopteacutees par les organisations suivent un laquo ceacutereacutemoniel raquo indeacutependamment de lrsquoutiliteacute intrinsegraveque de ces pratiques pour lrsquoorganisation La socieacuteteacute institutionnalise en quelque sorte certaines pratiques en leur confeacuterant une symbolique proche du mythe Le mythe est drsquoautant plus renforceacute que lrsquoadoption des pratiques dans les formes nrsquoest pas toujours suivie de changements des pratiques dans la reacutealiteacute (Powell amp DiMaggio 1983) Lrsquoapproche neacuteo-institutionnelle srsquointeacuteresse agrave lrsquoinfluence du contexte institutionnel sur lrsquoadoption de pratiques ou drsquoarchitecture institutionnelle que cette adoption soit contrainte ou choisie Les entreprises adoptent les structures que les institutions exigent drsquoelles afin drsquoaccroicirctre leur leacutegitimiteacute institutionnelle et leur pouvoir La multiplication de deacutepartement deacuteveloppement durable ou RSE au sein des entreprises semble reacutepondre en partie agrave cette logique de quecircte de leacutegitimiteacute Lrsquointeacuterecirct de la theacuteorie reacuteside dans le risque de deacutecalage existant entre adoption formelle au sein drsquoun organigramme et pratique reacuteelle qui peuvent parfois diverger de maniegravere notoire Conventionnaliste Lrsquoapproche conventionnelle deacutecrite plus comme un mouvement drsquoideacutees qursquoune theacuteorie unifieacutee (Rojot 2003) deacutefinit la neacutecessiteacute de lrsquoexistence de conventions entre les acteurs drsquoune organisation commune afin de permettre lrsquoaction collective La RSE en tant qursquoinstrument de gestion doit permettre une meilleure deacutefinition de reacutefeacuterentiels communs permettant la coopeacuteration en reacuteglant les comportements des systegravemes de valeurs des regravegles de conduite explicites ou implicites des conventions Ces conventions reposent sur diffeacuterents modes de leacutegitimiteacute (Boltanski Chiapello 1999) aux fondements philosophiques Le deacuteveloppement de la RSE pourrait srsquointerpreacuteter dans un cadre conventionnaliste comme un ensemble de pratiques favorisant lrsquoeacutemergence de laquo contractualisation ex post dans le sens tregraves particulier que lui donne le philosophe D Lewis

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agrave savoir reacutegulariteacute de comportement permettant une coordination entre les individus sans qursquoil y ait pourtant drsquoagreacutement explicite raquo Evolutionniste Approche RBV Ecologie des populations approche par les ressources et theacuteorie eacutevolutionniste ont ceci en commun lrsquoenvironnement joue un rocircle deacuteterminant dans la conduite des organisations Seul le niveau drsquoanalyse diffegravere communauteacute de population (approche macro eacutevolutionniste) population drsquoorganisations (eacutecologie des populations) ressources des organisations (RBV) Les ideacutees de la theacuteorie eacutevolutionniste en sciences de la nature ont eacuteteacute reprises et appliqueacutees en sciences de gestion Lrsquoapproche orthodoxe (neacuteo classique) ne reacuteussissant pas agrave appreacutehender de maniegravere satisfaisante lrsquoeacutevolution du progregraves et de la technique au sein des firmes qursquoelle deacutecrit comme un processus continu et reacutegulier alors que des travaux empiriques illustrent son caractegravere discontinu et par grappes Nelson et Winter (Ibert 2002) deacutecident alors de reconstruire une theacuteorie en se basant sur la rationaliteacute limiteacutee de Simon et la theacuteorie de lrsquoinnovation Le niveau drsquoanalyse qui va ecirctre privileacutegieacute est celui des routines organisationnelles (semblables aux conventions) qui vont deacuteterminer le comportement de la firme en fonction de variables externes multiples (conditions de marcheacute principalement) agrave travers le processus de recherche drsquoinnovations et de seacutelection de lrsquoenvironnement Sans rentrer dans les subtiliteacutes de la theacuteorie eacutevolutionniste en distinguant les contributions de Darwin Lamarck et Spencer (Heilbrunn 2004) la performance organisationnelle sera donc deacutetermineacutee par la capaciteacute des organisations agrave deacutetenir les routines organisationnelles requises pour passer la seacutelection imposeacutee par lrsquoenvironnement Appliqueacute agrave la RSE si lrsquoexigence de labellisation sociale comportements socialement responsables des entreprises de la part des consommateurs des pouvoirs publics (de lrsquoenvironnement en geacuteneacuteral) venait agrave srsquointensifier seules les organisations ayant deacutevelopper les routines organisationnelles neacutecessaires survivraient et passeraient le cap de la seacutelection imposeacutee par lrsquoenvironnement Conclusion En sciences de gestion tout particuliegraverement du fait de lrsquoinfluence des lieux communs dans les ideacuteologies manageacuteriales et eacuteconomiques il faut se meacutefier des concepts ou notions qui tendent agrave porter en eux lrsquoideacutee de progregraves drsquoameacutelioration de lrsquoefficience La RSE agrave lrsquointerface du priveacute et du public se situe dans cette cateacutegorie Elle suscite craintes et inteacuterecircts de la part des multiples acteurs concerneacutes craintes drsquoune frange du politique devant le deacuteveloppement de ce qui est assimileacute agrave une forme de neacuteo-paternalisme visant agrave endogeacuteneacuteiser des pans importants du traitement du social tacircche jusqursquoici confeacutereacutee agrave lrsquoEtat dans le contexte historique et institutionnel franccedilais Le deacuteveloppement de la RSE irait donc de ce point de vue de pair avec lrsquoaffaiblissement du rocircle de lrsquoEtat signant le coup de gracircce drsquoun processus amorceacute par la globalisation de lrsquoeacuteconomie La situation actuelle deacutement pour lrsquoinstant une telle situation (Capron Beaujolin 2005) lrsquointeacuterecirct du grand public et des consommateurs franccedilais drsquoune deacutemarche visant agrave confeacuterer aux entreprises une partie de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral tarde agrave se formaliser Ce deacutesinteacuterecirct est peut ecirctre la cause ou lrsquoeffet drsquoun eacutecart grandissant entre pratiques et discours autour de la RSE Les analyses de Nils Brunsson (Koenig 2002) qui distingue deux sphegraveres agrave lrsquointeacuterieur des organisations sont sur ce point sont riches drsquoenseignement la sphegravere ideacuteologique a pour fonction de reacutepondre aux exigences contradictoires de lrsquoenvironnement tandis que la sphegravere de lrsquoaction permet de reacutepondre concregravetement aux exigences de lrsquoenvironnement

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Le but de cet article eacutetait drsquoune part de simplifier la complexiteacute de la reacutealiteacute autour du deacuteveloppement de la notion de RSE et drsquoautre part de mieux comprendre la construction ou lrsquoeacutemergence de ces laquo nouvelles raquo reacutealiteacutes afin de permettre un regard critique sur la faccedilon dont nous formulons nos objets de recherche nous libeacuterant ainsi drsquoun certain nombre de croyances et de preacutejugeacutes sur la faccedilon dont les organisations fonctionnent Cette eacutetape devrait donc permettre un positionnement eacutepisteacutemologique et une meacutethodologie de recherche essayant de tenir compte drsquoune part des biais ideacuteologiques souligneacutes ici et drsquoautres part des preacuteoccupations normatives que le chercheur ne peut se permettre drsquoinclure dans une recherche en sciences de gestion BIBLIOGRAPHIE Baudrillard J (1985) ldquoLa gauche divinerdquo

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COMMENT ENRICHIR LA CONSTRUCTION DrsquoUN AUDIT SOCIAL DANS LA DYNAMIQUE DE LA RSE Jean DE PERSON Enseignant-Chercheur en Sciences de Gestion agrave lrsquoUniversiteacute drsquoOrleacuteans Consultant en management Ida BRACQUEMOND Consultante en management Chargeacutee drsquoenseignements agrave lrsquoUniversiteacute drsquoOrleacuteans

Reacutesumeacute La deacutetermination des critegraveres figurant dans leacutelaboration de lAudit Social puis dans sa mise agrave jour ndash ainsi que en continu dans son interpreacutetation requiegraverent un diagnostic (preacutealable puis en termes de suivi) du management de lentreprise Ce diagnostic a pour objet dinterpreacuteter et deacutevaluer les pratiques de management (maniegraveres de faire) qui permettent ou non la dynamique du teacutetraegravedre interactif de la RSE Cette probleacutematique de management est la cleacute des symptocircmes quappreacutehende lAudit Social Introduction La Responsabiliteacute Socieacutetale de lEntreprise (communeacutement appeleacutee Responsabiliteacute Sociale) implique la deacutefinition dun Bien Commun auquel lentreprise puisse se reacutefeacuterer Cest ce Bien Commun qui oriente au sens quasi-magneacutetique du terme les performances eacuteconomique sociale et environnementale rechercheacutees La deacutefinition du Bien Commun donne sens agrave ces performances cest agrave dire pour utiliser la polyseacutemie du mot indique agrave la fois leur raison decirctre et dans quelle direction les deacutevelopper Cest lengagement vers ce Bien Commun qui permet linteraction entre ces trois types de performances

1 Le deacuteveloppement de la RSE modifie lrsquoobjectif de lrsquoAudit Social Aujourdhui dans la vision la plus traditionnelle lentreprise a vocation de deacutevelopper sa strateacutegie dans la sphegravere eacuteconomique quil sagisse dune strateacutegie de croissance de peacuterenniteacute ou de profit agrave court terme ses finaliteacutes se fondent sur la production de biens et services doteacutes dune valeur eacuteconomique La theacuteorie du marcheacute dans son expression la plus rigoureuse deacutesigne le profit comme lobjectif que le responsable doit de toutes faccedilons atteindre Lapparition du concept de Responsabiliteacute Sociale de lEntreprise encore ineacutegalement admis il est vrai eacutelargit le champ et le complexifie en deacutefinissant un Bien Commun qui deacutepasse le simple domaine eacuteconomique

11 La conception classique en eacuteconomie de marcheacute Pour les eacuteconomistes libeacuteraux nul besoin de sinterroger sur le Bien Commun il est atteint de toutes faccedilons par lopeacuteration de la main invisible Rappelons tregraves scheacutematiquement leur discours

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Pourvu que lentreprise se preacuteoccupe de faire un maximum de profit (en eacutegalisant la productiviteacute marginale en valeur de ses facteurs de production) et ne se preacuteoccupe surtout de rien dautre pourvu que le consommateur se charge de maximiser sa satisfaction individuelle (en eacutegalisant ses utiliteacutes marginales pondeacutereacutees) le marcheacute supposeacute de concurrence pure et parfaite amegravene agrave une situation optimale Il est de la responsabiliteacute des Institutions de faire en sorte que les conditions dune telle forme de concurrence soient reacuteunies Le marcheacute a des regravegles que les Institutions se doivent de faire respecter La responsabiliteacute de lentrepreneur se cantonne agrave reacutealiser une bonne gestion Nul besoin quil se soucie dune quelconque autre dimension En parfaite orthodoxie il est mecircme souhaitable quil ne le fasse pas Concernant lenvironnement socieacutetal constitueacute par lensemble des meacutenages cest agrave chaque consommateur de maximiser son bien-ecirctre en optimisant sa consommation Quant agrave la responsabiliteacute de lentreprise vis agrave vis de lenvironnement naturel elle peut se reacutesoudre dans un systegraveme qui la contraigne agrave payer les preacutelegravevements et les niusances quelle fait (par exemple les pollueurs seront les payeurshellip) Concernant la responsabiliteacute sociale en termes demployabiliteacute cest au salarieacute lui-mecircme de prendre la deacutecision dinvestir (la theacuteorie du capital humain sous sa forme premiegravere suggegravere quil finance sa formation) Toute ingeacuterence de lentreprise hors de ses activiteacutes de gestion pure creacuteerait forceacutement des distorsions Le danger de ces deacuterapages est illustreacute dans la Fable des abeilles de Bernard de Mandeville vouloir introduire la vertu dans une ruche - prospegravere aussi longtemps que chaque abeille fondait ses comportements sur son inteacuterecirct personnel cest aller au deacutesastre Private vices public benefits La responsabiliteacute de chaque acteur (entreprise consommateurhellip) reacuteside dans son inteacuterecirct personnel Dans ce scheacutema on peut mecircme constater que le Bien Commun - quil est inutile de deacutefinir est confondu avec linteacuterecirct geacuteneacuteral - qui se reacutealise tout seul Ce nest pas que laudit soit priveacute de ses fonctionsbien au contraire Une des conditions du bon fonctionnement dun marcheacute de concurrence est notamment sa transparence Un audit financier peut eacuteclairer les actionnaires dans leurs deacutecisions Un audit en matiegravere de GRH peut donner des information preacutecieuses sur la pyramide des acircges et sur les problegravemes qui peuvent se poser agrave moyen terme en matiegravere de compeacutetences Mais ces diffeacuterents types daudits peuvent ecirctre reacutealiseacutes seacutepareacutement ils donnent des information utiles sur des facettes distinctes de lentreprise

12 Le teacutetraegravedre interactif de la RSE Dans la perspective dun Bien Commun explicitement deacutefini la performance eacuteconomique nest pas nimporte quelle performance eacuteconomique non plus que les performances sociale et environnementale ne peuvent ecirctre nimporte quelles performances sociale ou environnementale Ces performances sont telles quelles doivent se conjuguer se conforter mutuellement Bien loin quelles soient rivales elles doivent sentraicircner lune lautre Il y a quelque chose de volontariste de construit dans la penseacutee sur la Responsabiliteacute Sociale de lEntreprise Nous pouvons visualiser ces liens par limage dun teacutetraeacutedre que nous qualifierons par la suite dinteractif

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Bien Commun

Performancesociale

Performanceeacuteconomique

Performance environnementale

Il est certain que la coheacuterence de ce teacutetraegravedre correspond agrave une perception nouvelle des logiques en preacutesence une conception en rupture avec les scheacutemas preacuteceacutedents Dans la mouvance de la Responsabiliteacute Sociale de lEntreprise latteinte conjointe des trois performances eacuteconomique sociale environnementale ne va pas de soi doit ecirctre construite en sorte quelles concourent simultaneacutement agrave la reacutealisation dun Bien Commun Cela suppose que la deacutefinition de la strateacutegie sinscrive dans le sens dun Bien Commun Dans la notion de responsabiliteacute il y a celle dune volonteacute Pour ecirctre responsable il faut ecirctre libre proactif introduisant entre les stimuli et les reacuteponses une liberteacute de deacutecision une volonteacute Le Bien Commun est voulu comme lien entre les trois performances Plus quun lien il est un attracteur pour chacune de ces performances Il correspond agrave un engagement si possible explicite de lorganisation En cela le teacutetraegravedre correspond agrave une perception nouvelle des logiques en preacutesence une conception en opposition avec le modegravele traditionnel Le Bien Commun est la finaliteacute que lon veut atteindre une finaliteacute qui deacutepasse lentreprise et qui se traduit par le teacutetraegravedre dans son ensemble Il ordonne la polyphonie des performances

13 Une dynamique conditionneacutee par une logique de management La RSE nest pas la simple juxtaposition de trois domaines eacuteconomique social environnemental ni leur simple addition Elle est tregraves preacuteciseacutement

- une interaction dynamique entre ces domaines - finaliseacutee par la poursuite dun Bien Commun dans lequel sengage lentreprise - avec pour ressort la responsabiliteacute qui lanime

Avec ces interactions on entre dans lunivers de la complexiteacute (complexus ce qui est tisseacute ensemble) Dans ce paradigme nouveau la reacuteussite des interactions requiert une maniegravere de faire elle concerne des pratiques cest agrave dire des actes de management Leur mesure est moins dans la question du quoi que dans celle du comment En effet le deacuteveloppement de la RSE est dans la dynamique mecircme de cette mise en œuvre

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Il faut que la deacutemarche qui provoque et accompagne le deacuteveloppement de la RSE introduise dans lorganisation un management efficient un management dune nature propre agrave viser et atteindre le Bien Commun au sommet du teacutetraegravedre La reacutealisation du teacutetraegravedre interactif apparaicirct ainsi comme un enjeu de management Par exemple limplication des salarieacutes qui peut ecirctre favoriseacutee par la performance sociale de lentreprise contribue agrave sa performance eacuteconomique Le respect de lenvironnement par lentreprise peut geacuteneacuterer une fierteacute dappartenance des salarieacutes et donc une plus grande implication hellipCes liens sont ceux que doit tisser et maintenir un management de la responsabilisation Quest-ce que lon eacutevalue lorsque lon eacutevalue le management Il existe une multitude de deacutefinitions du management nous prenons ici le parti peu acadeacutemique de dire du manager quil est lagrave pour faire que ccedila marche Cette mission toute pragmatique se deacutecline en reacutesultats agrave atteindre faire passer la strateacutegie de lentreprise agrave chaque niveau dans lorganisation favoriser le deacuteveloppement des compeacutetences et les eacutevaluer mobiliser les Hommes assurer les interfaces entre lentiteacute manageacutee et lexteacuterieur piloter lentiteacute Comment y parvenir de faccedilon plus preacutecise dans une logique de responsabilisation

2 Un diagnostic de management fondeacute sur le principe de subsidiariteacute peut apparaicirctre neacutecessaire pour construire lrsquoAudit Social

Pour que les interactions opegraverent de faccedilon dynamique pour que lentreprise soit responsable il est important peut-ecirctre neacutecessaire que tous les acteurs au sein de lorganisation soient eux-mecircmes responsables La responsabiliteacute doit ecirctre introduite dans les gegravenes mecircmes de lorganisation Au sein de lentreprise la complexiteacute du triangle des performances peut ecirctre geacutereacutee en application du principe hologrammatique Dans un hologramme physique le moindre point de lhologramme contient la quasi-totaliteacute de lobjet global Non seulement la partie est dans le tout mais le tout est dans la partie Il faut que non seulement la responsabiliteacute de chaque acteur soit dans la RSE mais que la RSE soit de la responsabiliteacute de chaque acteur Pour que lentreprise tende vers le Bien Commun qui transcende le triangle des performances il faut faire en sorte que chaque acteur se sente investi par la Responsabiliteacute Sociale de son Entreprise

21 La responsabiliteacute de chaque acteur moteur et mesure lrsquoefficience au sein de lrsquoentreprise

Il existe deux processus de responsabilisation des acteurs dans lorganisation ce sont la deacuteleacutegation et la subsidiariteacute A la diffeacuterence de la subsidiariteacute la deacuteleacutegation pour un manager cest lacte qui consiste agrave confier agrave un collaborateur pour une dureacutee preacutedeacutefinie dans un champ bien bordeacute la responsabiliteacute datteindre certains objectifs qui ne relevaient pas a priori de sa fonction Cest ainsi que le manager peut deacutecider de deacuteleacuteguer temporairement une ou plusieurs tacircches agrave ses collaborateurs On pourrait alors dire que le manager les responsabilise Mais sil en est ainsi cest bien entendu le manager qui est responsable Cette notion semble de plus en plus deacutepasseacutee dans lentreprise ougrave lon deacutefinit moins les fonctions en termes de tacircches quen termes de missions

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Le principe de subsidiariteacute est tout agrave fait autre chose Dans la conception dAristote il suppose que chaque eacutechelon en partant du bas vers le haut reacutealise tout ce quil est compeacutetent pour faire le niveau supeacuterieur sinterdisant alors toute ingeacuterence Dans lexemple pris par Aristote la cellule de base de la Socieacuteteacute est la famille au dessus il y a le village au sommet la Citeacute Le village laisse la famille faire tout ce quelle est compeacutetente pour faire la Citeacute proceacutedant de mecircme agrave leacutegard du village En revanche linstance de niveau supeacuterieur intervient lorsque leacutechelon en dessous na pas la compeacutetence et les moyens de reacuteussir Par exemple la Citeacute a la responsabiliteacute de conduire la guerre en cas de neacutecessiteacute A ces consideacuterations Aristoteacuteliciennes Thomas dAquin inteacutegrera la notion de Bien Commun neacutecessaire pour assurer la coheacuterence des deacutecisions multiples et eacutemergentes Pour lui le Bien Commun est deacutefini en reacutefeacuterence agrave la volonteacute divine le plan de Dieu

22 Une application du principe de subsidiariteacute au management Le Bien Commun doit ecirctre approprieacute par toutes les parties prenantes (les actionnaires les clients les salarieacutes la Socieacuteteacute Civile hellip) Cest ainsi quil cautionne linteacutegriteacute du teacutetraegravedre interactif En loccurrence les parties prenantes sont dans notre recherche-action les salarieacutes de lorganisation en tant quacteurs auteurs de la RSE Appliqueacute au management ce principe de subsidiariteacute se traduit par trois regravegles

- la regravegle de la compeacutetence qui implique que le collaborateur fasse tout ce quil sait et peut faire

- la regravegle de non ingeacuterence qui interdit au manager de faire ce que son collaborateur peut faire

- le principe de soutien qui donne au manager lobligation dintervenir lagrave ougrave le collaborateur na pas les moyens de reacuteussir seul

Le champ daction nest pas deacutefini par avance par le manager mais naturellement par le collaborateur lagrave ougrave sarrecircte sa compeacutetence et aussi sa valeur ajouteacutee Le collaborateur se trouve dans des conditions ougrave il se responsabilise Le salarieacute dans lentreprise est veacuteritablement responsable agrave quelque niveau ougrave il se trouve Il va sans dire que le manager garde un rocircle deacuteterminant Paul Valery eacutecrivait Un chef est quelquun qui a besoin des autres Cela reste vrai mais dans le management par la subsidiariteacute on pourrait ajouter quun collaborateur est quelquun qui a besoin dun manager Comment atteindre lobjectif viseacute mesurer la reacuteussite du teacutetraegravedre interactif En dautres termes comment construire un Audit Social qui integravegre la mesure de la responsabiliteacute active de chacun des acteurs au sein de lorganisation en fonction dun Bien Commun clairement deacutefini Alors que dans une approche traditionnelle le diagnostic de management peut deacutecouler des informations apporteacutees par lAudit Social lapplication du principe de subsidiariteacute implique une deacutemarche inverse Etymologiquement diagnostic signifie connaicirctre agrave travers Dans une approche classique le management peut ecirctre perccedilu agrave travers les indices fournis par lAudit Social Au contraire la subsidiariteacute part du diagnostic reacutealiseacute de linteacuterieur par les salarieacutes de lorganisation Les reacutesultats du diagnostic de management permettent dexaminer larchitecture du teacutetraegravedre comme par une endoscopie Ce teacutetraegravedre ayant eacuteteacute identifieacute il sera possible de poser quels sont les reacutefeacuterentiels pertinents pour constituer lAudit social

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Ces reacutefeacuterentiels seront exactement cibleacutes pour que lauditeur exprime degraves lors une opinion sur les divers aspects de la participation des acteurs de lentreprise aux finaliteacutes de sa Responsabiliteacute Sociale et formule ses recommandations en vue dameacuteliorer la qualiteacute du teacutetraegravedre De lagrave pourront ecirctre produits les audits de conformiteacute defficaciteacute strateacutegique

23 Une appropriation du teacutetraegravedre dans une logique de causaliteacute reacutecursive La prise en compte du caractegravere complexe du triangle des performances conduit agrave une reacuteponse sous langle de la causaliteacute reacutecursive A la diffeacuterence de la causaliteacute lineacuteaire qui consiste simplement agrave constater que telle cause produit tels effets la causaliteacute reacutecursive imagine que les effets et produits sont neacutecessaires au processus qui les geacutenegravere - cette situation ougrave les choses sont causeacutees et causantes aideacutees et aidantes selon la formule de Blaise Pascal Lorganisation par exemple est produite par les interactions entre les acteurs (cadres ingeacutenieurs techniciens deacuteleacutegueacutes du personnel salarieacuteshellip) qui la constituent Lentreprise agrave linverse reacutetroagit pour transformer ces acteurs en auteurs par son style de management En vue dune dynamique de responsabilisation cela peut produire une spirale vertueuse Cest cette dynamique que le diagnostic de management sil est fondeacute sur le principe de subsidiariteacute doit ecirctre capable de geacuteneacuterer

3 Une approche clinique Avec la RSE les normes de lAudit Social changent et de surcroicirct elles sont speacutecifiques agrave chaque entreprise en fonction de son environnement eacuteconomique et socieacutetal particulier dougrave la neacutecessiteacute de deacutefinir ces normes agrave leacutechelle de lentreprise et de les geacuteneacuterer agrave partir de ses propres acteurs internes Nous illustrerons la deacutemarche reacutealiseacutee dans notre recherche action par un cas preacutecis celui dun hocircpital psychiatrique Nous eacutevoquerons aussi les cas dune Direction au sein dun Groupe industriel et celui dune PME agrave titre comparatif Ces expeacuterimentations ne visent pas lexhaustiviteacute En respectant la singulariteacute de chaque cas nous analyserons les points communs dans la meacutethode pratiqueacutee et la particulariteacute des contenus propres agrave chaque entreprise

31 La formation-action au sein de lrsquoAHB (2002-2004) LAHB (Association Hospitaliegravere de Bretagne) est une Institution qui compte quelques 1000 soignants dans les domaines de la psychiatrie et du meacutedico-social Lactiviteacute et les moyens en personnel qui auparavant eacutetaient essentiellement contenus dans lenceinte du seul Centre Hospitalier de Plouguernevel dans les Cocirctes dArmor se deacuteploient maintenant sur 3 deacutepartements bretons mettant en œuvre des prestations nouvelles assureacutees par des personnels aux qualifications plus varieacutees Dans le cadre de leacutevolution de lorganisation de lAHB un des instruments pour deacutevelopper la RSE a eacuteteacute une formation - action que nous avons conduite entre juillet 2002 et deacutecembre

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2004 LAHB avait commenceacute son eacutevolution depuis 1990 Le moment semblait venu daffirmer les conditions de la reacutealisation du teacutetraegravedre interactif

32 La deacutefinition drsquoun Bien Commun pour lrsquoAHB Dans le but de reacutepondre aux besoins de la population du Centre Bretagne lAHB reacuteunit des eacutetablissements et des compeacutetences au service de la personne dans les champs du sanitaire (psychiatrie) et du meacutedico-social Cette deacutefinition du Bien Commun par lAHB sest traduite dans la strateacutegie de la Direction par la volonteacute de

- adapter son dispositif sanitaire et meacutedico-social aux besoins de la population et conformeacutement aux orientations nationales et reacutegionales

- eacutelever le niveau des qualifications et des compeacutetences des personnels pour accompagner leacutevolution de tous les services et eacutetablissements de lAHB

- renforcer les capaciteacutes manageriales de lencadrement et accroicirctre leurs responsabiliteacutes

- ameacuteliorer la communication interne et externe de lAHB entre tous ses acteurs et avec son environnement

- promouvoir une deacutemarche qualiteacute permanente - sassocier activement agrave la politique territoriale du pays Centre Ouest Bretagne pour

promouvoir les meilleures conditions de santeacute agrave la population - assurer un eacutetat de veille technologique pour appreacutehender les besoins naissants et

envisager les services et eacutetablissements agrave reacutealiser pour y reacutepondre

A cette fin la Direction Geacuteneacuterale a deacutefini sa propre mission en ces termes - garantir agrave lensemble du personnel de lAssociation les ressources humaines - financiegraveres et de moyens ndash et les conditions de travail les plus favorables pour leur

permettre dapporter aux patients et reacutesidants un service de qualiteacute - diriger ladaptation des eacutetablissements et services de lassociation pour reacutepondre aux

besoins de la population - mettre en œuvre une politique sociale de qualiteacute dans le respect des dispositions

leacutegales et conventionnelles

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33 Le triangle des performances de lrsquoAHB Il se preacutesente de la faccedilon suivante

Responsabiliteacute environnementale - peacuterenniteacute de lrsquoAHB - maintien des emplois en Centre Bretagne - hellip

Responsabiliteacute eacuteconomique

- concordance entre les services de lrsquoAHB et les besoins de santeacute des populations du Centre Bretagne

- Innovation

Responsabiliteacute sociale - deacuteveloppement des

compeacutetences - employabiliteacute - bonnes conditions de

travail

- Sans une efficience eacuteconomique de lAHB pas de performance sociale (il faut une efficience eacuteconomique pour deacutevelopper lemployabiliteacute interne et externe) ni de deacuteveloppement de lenvironnement (lAHB est le 1er employeur de Centre Bretagne)

- Sans sa performance sociale (une implication reacuteelle de lensemble des personnels un deacuteveloppement de leurs compeacutetences) pas defficience eacuteconomique ni de respect de lenvironnement (notamment pour le maintien de lemploi dans le Centre Bretagne)

- Sans la responsabiliteacute vis-agrave- vis de lenvironnement pas de performance sociale (attirer ou maintenir des ressources humaines ndash meacutedecins infirmiers dont la peacutenurie saffirme) et pas defficience eacuteconomique (incapaciteacute de reacutepondre aux besoins des patients et reacutesidents)

34 La subsidiariteacute cleacute de lrsquoappropriation de la nouvelle organisation par les salarieacutes

Cest la subsidiariteacute qui a geacuteneacutereacute une logique dappropriation dans la formation ndash action que nous avons conduite comment le personnel aurait-il pu reacuteellement sapproprier ce dont il

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naurait pas eacuteteacute auteur Il a eacuteteacute voulu que lensemble du personnel de lAHB quels que soient sa fonction son lieu dexercice ou son ancienneteacute puisse sapproprier les nouveaux principes de fonctionnement de lAHB cest agrave dire

- sa raison decirctre et celle de ses entiteacutes son identiteacute et ses valeurs partageacutees ses grandes missions

- sa nouvelle organisation le nouveau style de management eacutetabli en congruence avec cette organisation

- en coheacuterence avec la speacutecificiteacute et lorganisation du Territoire la prospective lieacutee aux nouvelles pathologies aux meacutethodes de preacutevention agrave leacutevolution des notions de qualiteacute dans la Santeacutehellip

Conduite dans la philosophie et les regravegles de la subsidiariteacute notre deacutemarche a eacuteteacute inductive et pragmatique Ces principes ont supposeacute entre autres

- la possibiliteacute en cours dintervention dapporter au dispositif des eacutevolutions ou adaptations en regard des reacutealiteacutes observeacutees

- la contribution directe des participants agrave la deacutefinition de choix dorganisation de fonctionnement ou de prioriteacutes dans un cadre organiseacute et avec des meacutecanismes de validation approprieacutes

- une orientation peacutedagogique laissant une large place agrave laction comme source dapprentissages

35 Le diagnostic des besoins en management

Leacutelaboration dun reacutefeacuterentiel institutionnel pour les diffeacuterentes entiteacutes de lAHB la deacutefinition des styles de management requis ont eacuteteacute reacutealiseacutees par les managers et leurs collaborateurs eux-mecircmes Afin de responsabiliser lensemble des salarieacutes de lInstitution (Direction Cadres collaborateurshellip) la formation action a eacuteteacute mise en place selon la logique de conduite dun projet Pour reacutealiser le volet reacutefeacuterentiel institutionnel nous avons deacutefini une meacutethode (la meacutethode AFM) dans une logique de subsidiariteacute les personnels de chaque Uniteacute listent leurs activiteacutes reacuteelles en induisent les objectifs implicitement viseacutes par ces Uniteacutes conduisent ainsi agrave se reacuteveacuteler les missions de ces Uniteacutes telles quils les perccediloivent agrave travers leurs activiteacutes Dans notre diagnostic par la subsidiariteacute deux remarques reacuteguliegraverement formuleacutees par les acteurs concerneacutes au sein de lAHB lors de la construction du reacutefeacuterentiel institutionnel nous semblent importantes

- la difficulteacute rencontreacutee selon la deacutemarche deacutemergence a eacuteteacute principalement le temps passeacute pour remonter dune multitude dactiviteacutes agrave quelques objectifs et agrave une mission (2 journeacutees par Uniteacute pour 67 Uniteacutes)

- ensuite la satisfaction davoir eacutelaboreacute le RI en partant des reacutealiteacutes veacutecues sur le terrain a eacuteteacute tangible et systeacutematique

En quoi cette eacutelaboration du RI a-t-elle contribueacute agrave la RSE de lAHB Chaque Uniteacute peut situer sa propre mission dans la mission plus macro de lAHB et cela en relation avec les missions (rendues bien visibles) des autres Uniteacutes et conforter sa propre mission comme une participation au Bien Commun Concernant le volet management opeacuterationnel le style de management quil faut deacutesormais instaurer au sein de lAHB a eacuteteacute deacutefini par les encadrants agrave partir dun rappel de la mission de chaque entiteacute de lAHB en relation avec leurs environnements speacutecifiques

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La deacutetermination des pratiques dun management propre agrave lAHB a eacuteteacute faite agrave partir - des besoins indiqueacutes par les collaborateurs ceux-ci sont des

responsables qui ont besoin dun manager mais dun manager doteacute de quel profil

- des besoins manifesteacutes par les managers eux-mecircmes Une charte de management propre agrave lAHB a eacuteteacute eacutelaboreacutee agrave partir de ces besoins en fonction de valeurs reacutefeacuterentielles eacutemergentes deacutefinies par les personnels eux-mecircmes Elle a eacuteteacute valideacutee ensuite par la Direction de lAHB Cette charte est accompagneacutee par la publication dun livret sur les pratiques de management qui devront en deacutecouler Les valeurs reacutefeacuterentielles eacutenonceacutees ont eacuteteacute

- communication - respect - eacutequiteacute - professionnalisme - solidariteacute

On remarquera que ces valeurs concernent aussi bien les performances eacuteconomiques que sociales et environnementales

36 Apregraves le diagnostic de management au sein de lrsquoAHB Des modules de management ont eacuteteacute construits sur mesure pour permettre aux encadrants de lAHB de reacutepondre aux regravegles eacutenonceacutees par la charte modules sur les pratiques du management (Le manager acteur de communication Optimiser lanimation de son eacutequipe Valoriser et reconnaicirctre le collaborateur Responsabilisation individuelle et collective au sein de leacutequipe) seacuteminaires mixtes (encadrants et collaborateurs) sur les relations de travail formations agrave la gestion de projet afin de mettre en œuvre un fonctionnement adhocratique de lInstitutionhellip Ces formations au management favorisent le deacuteveloppement des compeacutetences des managers dans toutes les dimensions de leurs fonctions Concernant leurs collaborateurs elles leur permettent deacutevaluer les potentialiteacutes des personnes et des situations dencourager la mobiliteacute fonctionnelle des professionnels decirctre les acteurs cleacute de lrsquoeacutevolution permanente de lrsquoAHB dans son environnement Il est degraves lors possible de construire un Audit Social qui eacutevalue avec rigueur et une parfaite preacutecision laccomplissement des fonctions des diffeacuterentes entiteacutes (leurs missions finaliteacutes et activiteacutes) et les styles de management au sein de ces entiteacutes tels que identifieacutes lors du diagnostic de management et soutenus par les modules de formation Son objet est de mesurer en quoi et comment agrave lissue de la formation action le management de lAHB reacutealise les performances requises en termes de RSE

- au niveau strateacutegique les politiques deacutefinies sont-elles comprises et suivies (conformes au Bien Commun eacutenonceacute au deacutepart de la construction) la traduction de ces politiques en deacutecisions opeacuterationnelles est-elle reacutealiseacutee

- en termes de conformiteacute linformation est-elle transmise de faccedilon transparente dans le respect des regravegles deacutefinies lors du diagnostic par la subsidiariteacute Le respect des dispositions leacutegales et reacuteglementaires est-il assureacute

- en termes defficaciteacute les interactions entre reacutesultats eacuteconomiques sociaux et environnementaux correspondent-elles au triangle des performances identifieacute par les acteurs de lAHB lors du diagnostic de management et rechercheacute par la formation- action

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4 Le cas drsquoune Direction drsquoeacutetablissement au sein drsquoun Groupe industriel Ce Groupe industriel est organiseacute selon une structure matricielle Dans chacun de ses sites coexistent plusieurs divisions opeacuterationnelles Leacutetablissement de Lannion est en restructuration profonde depuis quelques anneacutees En 1998 La Direction de lEtablissement de Lannion (DEL) est confronteacutee agrave un certain nombre de questions Comment anticiper les actions agrave eacutetablir en coheacuterence avec les strateacutegies des Directions Opeacuterationnelles Comment reacuteduire les sources de coucircts inheacuterents agrave la DEL Faut-il reacuteactualiser la DEL en profondeur pour en optimiser limpact Lannion est le berceau des Teacuteleacutecom (Alcatel le CNET hellip) mais la technologie des Teacuteleacutecom fait sauter les frontiegraveres Le Bien Commun viseacute Dans ce contexte le Groupe considegravere que sa reacuteussite au niveau mondial repose sur lUniteacute Locale Celle-ci intervient comme eacuteleacutement de coheacutesion durable du corps social afin de le soutenir dans son adaptation au changement Cest ainsi que le rocircle des eacutequipes de direction des eacutetablissements se transforme en loccurrence le rocircle de la DEL La deacutemarche de subsidiariteacute sest imposeacutee naturellement Les membres de leacutequipe de la DEL et les responsables des diffeacuterentes divisions opeacuterationnelles sur le site sont conduits agrave diagnostiquer ensemble les points forts et les points critiques du management au sein de leur propre eacutetablissement Ils deacutefinissent ensuite en fonction de ce diagnostic un certain nombre daxes daction dont les reacutesultats peuvent ecirctre suivis Le diagnostic de management pour commencer reacuteunis selon la Technique du Groupe Nominal les participants listent les forces quils considegraverent comme motrices ou freinantes dans la situation de leur eacutetablissement puis les pondegraverent et les interpregravetent Leur diagnostic fait apparaicirctre comme premier eacuteleacutement favorable la capaciteacute de mobilisation des hommes Ils constatent sur le site une forte volonteacute de rester en vie une forte coheacutesion agrave mettre en relation avec un pheacutenomegravene dimplantation quasi-terrienne Les participants parlent de lattachement agrave Lannion au mecircme degreacute que de la passion pour le meacutetier des Teacuteleacutecom Le triangle des performances sesquisse deacutejagrave sur ce plan lien entre la passion pour le meacutetier (performance eacuteconomique) la forte volonteacute de rester en vie (performance sociale) et lattachement au terrain (performance environnementale) En termes de management la seconde force motrice se trouve dans le potentiel manageacuterial des responsables directement concerneacutes Il est dit que beaucoup de responsables ont compris que lon attend deux leurs contributions et sont precircts agrave prendre leur destineacutee en mains La prise de conscience est en marche comptons sur nos propres forces (performance sociale) Cette implication est conforteacutee par la volonteacute ferme et explicite du Responsable de lensemble des Directions deacutetablissements de soutenir la deacutemarche eacutemergente de la DEL pour organiser le site de Lannion en fonction des reacutesultats de son diagnostic de management Le lien entre performances eacuteconomique et environnementale apparaicirct agrave nouveau lorsque les membres de la DEL et les responsables opeacuterationnels notent comme un atout le caractegravere dynamisant de leur environnement le Tregor (deacutenomination du Territoire) est un foyer de compeacutetences en reacutesonances Le diagnostic des encadrants fait apparaicirctre neacuteanmoins diffeacuterents points critiques le style de management sur le site apparaicirct inadeacutequat Nous passons dun management hieacuterarchico-militaire agrave un management dOS de deacuteveloppement Ce management technique et directif nest pas favorable agrave un changement au niveau humain agrave une deacutemarche participative Passant dun taylorisme agrave un autre on est loin dune culture entrepreneuriale Cela est agrave mettre en

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correacutelation avec le fait que le personnel manque de notions eacuteconomiques les notions technico-eacuteconomiques ne sont pas incorporeacutees dans le corps social de Lannion La DEL doit utiliser la dynamique deacutejagrave preacutesente dans son triangle des performances pour faire eacutevoluer son management en fonction du Bien Commun deacutefini par le Groupe LAudit Social permettra de suivre leacutevolution de leacutetablissement vers ce nouveau management

5 Une nouvelle organisation dans une PME du tertiaire La Socieacuteteacute Cassegrain agrave Orleacuteans est une Auto-Ecole A larriveacutee de son nouveau dirigeant en 1999 elle compte 4 employeacutes Elle emploie aujourdhui (milieu 2005) 37 moniteurs et 3 administratifs Plusieurs initiatives ont eacuteteacute prises dans la logique de la RSE Lune delles est venue dans la maniegravere dappliquer la loi sur les 35 heures Le Bien Commun la peacuterennisation de lentreprise familiale apregraves le deacutepart en retraite du preacuteceacutedent dirigeant La deacutemarche suivie a eacuteteacute celle de la subsidiariteacute lensemble des employeacutes ont eacuteteacute conduits agrave analyser les points forts et points critiques des diffeacuterentes solutions pour reacuteussir les 35 heures Il a eacuteteacute choisi par eux agrave lissue de ce diagnostic que chaque moniteur disposerait six jours conseacutecutifs dun mecircme veacutehicule au rythme de 10h de travail par jour puis serait en repos 5 jours conseacutecutifs Le Dirigeant a valideacute ce choix (choix conforme aux accords de branche) La performance eacuteconomique lentreprise optimise ansi ses investissements mateacuteriels reacuteduits (elle mobilise 13 veacutehicules au lieu de 24) La performance sociale se situe sur plusieurs volets Face agrave la difficulteacute de recruter dans son secteur dactiviteacute le dirigeant a fait le choix de reacutemuneacuterer ses employeacutes agrave un plus haut niveau que ses concurrents (agrave leacutepoque 50 francs par heure au lieu de 42 francs sur le marcheacute) Dautre part les moniteurs se disent satisfaits de travailler dans les conditions quils ont choisies de sentir un mieux-ecirctre dans leurs vies priveacutees Enfin la croissance eacuteconomique connue par lentreprise permet de mettre en œuvre deacutesormais des formations plus pointues pour certains types dusagers donc offre des eacutevolutions de carriegravere aux moniteurs motiveacutes par les postes correspondants La performance par rapport agrave lenvironnement La nouvelle organisation du travail mise en place rationalise les deacuteplacements et occasionne moins de deacutepenses eacutenergeacutetiques Un Audit Social de la Socieacuteteacute Cassegrain permettrait de veacuterifier la coexistence agrave terme de ses trois performances eacuteconomique sociale et environnementale

6 Un mouvement iteacuteratif entre le diagnostic de management et lrsquoAudit Social Le diagnostic de management permet de produire un Audit Social adapteacute avec justesse aux exigences du teacutetraegravedre interactif de la RSE LAudit Social ainsi construit eacutevalue la reacutealisation dun reacutefeacuterentiel speacutecifique dont le diagnostic a mis en eacutevidence linteacuterecirct Dans un mouvement iteacuteratif le diagnostic de management pourra interpreacuteter cette fois les reacutesultats de lAudit Social Cette relance du diagnostic de management permet une mise agrave jour reacuteguliegravere du reacutefeacuterentiel de lAudit Social Il ne sagit nullement de substituer le diagnostic de management agrave lAudit Social (ou inversement) la conjugaison de leurs pratiques est neacutecessaire pour eacutevaluer et entretenir le deacuteveloppement de la RSE dans lorganisation

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REPENSER LrsquoAUDIT DE LA CONFLICTUALITE DANS LES RELATIONS PROFESSIONNELLES Seacutebastien DINE Doctorant en Sciences de Gestion ndash IAE drsquoAix-en-Provence

Introduction Pour Candau (1985) le fondement de laudit se place au niveau du controcircle son objet porte sur lexamen et leacutevaluation des systegravemes de controcircle interne de lentreprise et de la qualiteacute des reacutesultats obtenus (Candau 1985 43) Concernant laudit social il se distingue par la nature du domaine auditeacute Pour Vatier (1980 25) celui-ci tend agrave estimer la capaciteacute dune entreprise ou dune organisation agrave maicirctriser les problegravemes humains ou sociaux que lui pose son environnement et agrave geacuterer ceux quelle suscite elle-mecircme par lemploi du personnel neacutecessaire agrave son activiteacute A lorigine lauditeur social se limitait agrave eacutetablir un diagnostic et des recommandations (Candau 1985 Couret amp Igalens 1988 Peretti amp Vachette 1985) Or de plus en plus de consultants proposent agrave la fois un diagnostic et une intervention sur le problegraveme releveacute Ce type de pratique ne risque-t-il pas dengendrer un deacuteficit dobjectiviteacute de la part de lauditeur Proposer des solutions de services preacute-formateacutes pourrait restreindre la speacutecificiteacute de chaque cas auditeacute et manquer lobjectif defficience assigneacute Laudit se construit sur des bases theacuteoriques qui permettent de fournir des indicateurs de mesure puis des recommandations Lauditeur doit donc constamment sinterroger sur la validiteacute des fondements theacuteoriques des reacutefeacuterentiels utiliseacutes pour construire ces indicateurs et en proposer une interpreacutetation (Candau 1985) Certains domaines auditeacutes eacutevoluent Dans le cas des dysfonctionnements sociaux les conflits collectifs sont toujours preacutesents dans les organisations mais les changements structurels des derniegraveres deacutecennies ont modifieacute le pouvoir des parties en preacutesence de telle sorte que les conflits organisationnels sorganisent maintenant davantage sur une base individuelle que collective Lauditeur doit prendre en consideacuteration ces eacutevolutions Mais comment enrichir la construction de laudit social dans le domaine de la conflictualiteacute Pour reacutepondre agrave cette interrogation nous commencerons par approfondir le concept de conflit en soulignant la difficulteacute de sa mesure Puis nous envisagerons de quelle maniegravere enrichir la lecture de ce pheacutenomegravene ce qui nous permettra enfin den tirer des implications sur le travail de lauditeur social

1 Le conflit un concept laquo multiple raquo Depuis peu les responsables de formation au management deacutequipes constatent une augmentation de la demande de stage sur la gestion des conflits1 Pheacutenomegravene informel les managers passeraient en effet une grande partie de leur temps agrave le geacuterer (Mintzberg 1994

1 Revue Management Feacutevrier 2004 p 51

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Thomas 1979) sans que celui-ci soit la plupart du temps officiellement reconnu (Kolb amp Bartunek 1992) Si la conflictualiteacute au travail a toujours existeacute son expression semble en revanche changer de niveau Comme laffirme le directeur de luniteacute RH du groupe international CEGOS La conflictualiteacute future ne sera pas du mecircme type que celle habituellement surveilleacuteehellip Elle ne passera plus par les acteurs traditionnels [hellip] De plus elle passera par dautres moyens2 Plusieurs anneacutees plutocirct Pierre Louart sinterrogeait deacutejagrave Comment creacuteer des eacutequipes coheacuterentes unies et daccord sur les buts agrave mettre en œuvre alors que les attentes particuliegraveres sont diffeacuterentes et que lindividualisme est une des valeurs dominantes au sein de notre socieacuteteacute (Louart 1991 p 75) De collectif le conflit semble se rapprocher au niveau du groupe voir de la relation entre personnes Cest ce niveau de conflit que nous allons tenter de deacutefinir Malgreacute la volumineuse litteacuterature manageacuteriale sur le sujet il nexiste pas de deacutefinition claire et unanimement accepteacutee du conflit entre personnes (Hartwick amp Barki 2002) Beaucoup deacutetudes empiriques proposent soit des deacutefinitions distinctes soit font simplement leacuteconomie dune deacutefinition Cette diversiteacute de constructions theacuteoriques reflegravete la difficulteacute dappreacutehender ce concept Thomas (1976) preacutecise que la grande varieacuteteacute de facteurs impliqueacutes dans le conflit en fait un pheacutenomegravene complexe et de ce fait que les modegraveles proposeacutes sont geacuteneacuteralement trop simplistes se focalisant sur une variable unique Nous utiliserons alors la deacutefinition proposeacutee par Hartwick et Barki (2002) qui ont consacreacute une partie de leurs travaux agrave la conceptualisation du conflit interpersonnel et nous en soulignerons les limites Ceux-ci deacutefinissent le conflit comme un processus dynamique qui se produit entre des parties interdeacutependantes lorsquelles eacuteprouvent des reacuteactions eacutemotionnelles neacutegatives agrave la perception de deacutesaccords et dinterfeacuterences dans latteinte de leurs buts (Hartwick amp Barki 2002 8) Cette deacutefinition preacutesente tout dabord lavantage de rassembler les trois dimensions geacuteneacuteralement associeacutees au conflit (eacutemotionnelle cognitive et comportementale) Ensuite le terme de parties peut sous-entendre que le conflit se deacuteroule entre individus groupes ou services Enfin il est mis en avant que le conflit est avant tout un pheacutenomegravene perccedilu cest-agrave-dire eacuteminemment subjectif Cependant cette deacutefinition centreacutee sur la dynamique agrave lœuvre dans le conflit eacutecarte linfluence du contexte dans lequel sont inseacutereacutes les individus Comme leacutenoncent Hartwick et Barki en amont de cette dynamique le conflit se produit plus probablement lorsquune varieacuteteacute deacuteleacutements situationnels (ex structures de reacutecompenses individuelles ressources rares) et de conditions personnelles (ex expeacuteriences de conflits anteacuterieurs diversiteacute interpersonnelle) existent (Hartwick et Barki 2002 5) En fait ces deux deacutefinitions se rapprochent des deux grands types de modegraveles qui servent agrave deacutecrire le conflit organisationnel dans la litteacuterature manageacuteriale Le premier modegravele dit processuel tente de deacutecrire la dynamique entre les parties en conflit tandis que le second dit structurel propose de comprendre les conditions geacuteneacuterales dans lesquelles est inseacutereacute un conflit (Rondeau 1990)

Ce premier eacuteclaircissement commence agrave nous laisser entrevoir la complexiteacute de ce

concept Nous devons encore ajouter que lexpression du conflit peut ecirctre ouverte ou latente

2 In RHampM laquo Climat social amp indicateurs sociaux perceptions amp reacutealiteacutes raquo ndeg96 janvier 2005 p 20

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et sexprimer de maniegravere indirecte (comme par des attitudes de retraits voir dabsenteacuteisme par exemple) Enfin une derniegravere preacutecision doit ecirctre apporteacutee au niveau des conseacutequences du conflit Comme il lest de plus en plus avanceacute le conflit peut avoir des conseacutequences positives sur le travail Plusieurs recherches montrent en effet que la divergence de point de vue pourrait ameacuteliorer la stimulation des ideacutees et la qualiteacute des deacutecisions par des critiques constructives (Cosier amp Rose 1977 Schweiger Sandberg amp Rechner 1989 Amason 1996) ce qui ameacuteliorerait la performance du groupe (Jehn 1995) Cependant le niveau de deacutesaccord doit rester modeacutereacute pour ne pas se deacuteplacer sur des questions de personnes et impliquer la dimension eacutemotionnelle De nombreuses eacutetudes montrent preacuteciseacutement que les conflits centreacutes sur les personnes sont neacutegativement correacuteleacutes avec la productiviteacute et le niveau de satisfaction des groupes de travail (Jehn 1997) Ce type de conflit diminuerait la bonne volonteacute et la compreacutehension mutuelle ce qui gecircnerait lachegravevement du travail (Deutsch 1969) Les membres du groupe passeraient davantage de temps sur les aspects relationnels (en tentant de reacuteduire les menaces et de construire une coheacutesion) plutocirct que sur les techniques ou prises de deacutecisions relatives au travail (Evan 1965) Jehn (1997) remarque dailleurs que ce type de conflit est beaucoup plus difficile agrave reacutesoudre Il rendrait de plus les individus irritables suspicieux et malveillants Enfin son expression chronique pourrait avoir des effets destructeurs sur le fonctionnement du groupe (Coser 1956) De la Rochefordiegravere (1990) a dailleurs releveacute les diffeacuterents effets de ce type de conflit au niveau de lorganisation et de son environnement3 Il a constateacute une tendance agrave la deacutesinformation agrave la reacutetention dinformation ou encore agrave la neacutegligence dans la transmission des informations cela afin de nuire agrave celui consideacutereacute comme ladversaire Mais eacutegalement une tendance agrave la mise en place de clans agrave des manœuvres de discreacuteditation ou encore agrave une reacutesistance passive (obstructions blocages) Au niveau du caractegravere compeacutetitif de lorganisation De la Rochefordiegravere (1990) rapporte que sur son eacutechantillon dentreprise dix-sept ont reconnu des opportuniteacutes manqueacutees de nouveaux marcheacutes du fait du conflit et trente-neuf ont reconnu des opportuniteacutes manqueacutees dameacuteliorations internes de la socieacuteteacute (Dans une entreprise du BTP de vifs deacutesaccords entre le directeur dun bureau deacutetudes et un responsable dagence ont empecirccheacute ce dernier de reacutepondre dans les deacutelais agrave plusieurs appels doffres ou encore Deux personnes arrivent agrave bloquer la mise en place dun projet dameacutelioration de la circulation de linformation ces nouvelles proceacutedures les auraient obligeacutes agrave se rencontrer reacuteguliegraverement ce quelles refusent absolument De la Rochefordiegravere 1990 70) Durant le conflit la prise de deacutecision peut eacutegalement apparaicirctre comme mal adapteacutee ou prise en retard Sur soixante-deux entreprises soixante et une reconnaissent un gaspillage dans lutilisation du temps lieacute au conflit Et dans dix-neuf cas limage de marque de lentreprise a eacuteteacute alteacutereacutee par une deacutegradation du service clientegravele ou par une alteacuteration de la confiance des partenaires de lentreprise une succession dinformations ou des deacutecisions contradictoires des allusions plus ou moins discregravetes certaines confidences laquo mettent la puce agrave lrsquooreille raquo de ceux qui se sentent concerneacutes par la bonne santeacute de lrsquoentreprise banquiers fournisseurs partenaires financiers (De la Rochefordiegravere 1990 74) Enfin le climat social a eacuteteacute affecteacute dans quarante-sept cas Cela va de leacutevidente deacuteteacuterioration de lambiance de travail accompagneacutee de rumeurs bruits de couloir et ragots divers (signaleacutes cinquante-huit fois) agrave des situations plus gecircnantes telles quune deacutemotivation geacuteneacuterale une exploitation de la situation par les partenaires sociaux des refus daller travailler dans les services perturbeacutes etc (De la Rochefordiegravere 1990 75)

3 Etude reacutealiseacutee en 1988 sur un eacutechantillon de 62 entreprises agrave partir dentretiens non-directif et directif

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Le conflit est donc un concept multiple multiple par ses causes mais eacutegalement par ses manifestations Du point de vue de laudit il semble alors particuliegraverement deacutelicat agrave appreacutehender Cette deacutemarche est pourtant essentielle puisque des conflits exacerbeacutes peuvent aller comme nous lavons vu jusquagrave menacer la survie de lentreprise Plusieurs eacutetudes montrent que les conflits sont rarement reacutesolus mais quils sont le plus souvent redeacutefinis reformuleacutes pour finalement toujours ressurgir (Kolb et Bartunek 1992) Nous allons donc agrave preacutesent centrer notre attention sur les origines du conflit pour tenter den proposer une lecture originale agrave lauditeur social

2 Une lecture originale des conflits professionnels Les causes dun conflit sont souvent rechercheacutees dans lattitude mecircme de ses protagonistes (perception dinjustice dans le traitement salarial ou lattribution des responsabiliteacutes jalousie etc) Or de par son mode dorganisation ou par sa strateacutegie lentreprise contribue agrave geacuteneacuterer des tensions voire un malaise qui peut rapidement faire germer de nombreux conflits Afin dameacuteliorer sa reacuteactiviteacute et donc ses performances la tendance dadaptabiliteacute de lentreprise vis-agrave-vis de son environnement va faire coiumlncider ses structures internes avec les conditions de ce dernier Cet isomorphisme va produire dans lorganisation la creacuteation de diffeacuterents services deacutepartements uniteacutes de travail chacun ayant ses propres objectifs moyens et de fait chacun ayant sa propre vision de lorganisation Cette derniegravere sera dailleurs renforceacutee par les structures organisationnelles de reacutecompenses et de controcircle Mais le fait que chaque individu voit les choses diffeacuteremment va lamener agrave interpreacuteter les eacuteveacutenements ses relations interpersonnelles diffeacuteremment Or lorsque ceux-ci vont interagir et donc confronter leurs diffeacuterences il va se produire de nombreuses incompreacutehensions et conflits Les uniteacutes organisationnelles creacuteent et entretiennent agrave la fois les difficulteacutes contre lesquelles elles luttent (Benson 1977) Tregraves rapidement les protagonistes peuvent entrer dans un conflit sans fin une sorte de cercle vicieux ougrave chacun rigidifie son attitude de victime de lautre Isabelle Orgogozo (1998) a identifieacute quelques-uns de ces jeux sans fin assez courants auxquels se livrent les membres des grandes entreprises et administrations Il sagit du jeu de laccusation entre les grandes fonctions (exemples entre la production et les vendeurs ou entre lapprovision-nement et la production) le jeu de lhostiliteacute et la peur entre les syndicats et la direction le jeu de la concurrence entre syndicats le jeu de la rivaliteacute entre cadres le jeu du nous on travaille eux cest moins sucircr entre ateliers etou bureaux (Orgogozo 1998 281) Un dysfonctionnement nest donc pas forceacutement lieacute agrave une incompatibiliteacute de personnaliteacutes mais peut ecirctre geacuteneacutereacute par la mise en place dobjectifs organisationnels opposeacutes et linstauration de langages et logiques diffeacuterents De la mecircme maniegravere certaines actions strateacutegiques de lentreprise peuvent ecirctre sources de tensions chez les salarieacutes Par exemple la grande majoriteacute des entreprises sont agrave la fois agrave la recherche de stabiliteacute par la mise en place de routines la recherche de preacutevision de coheacutesion et ont agrave la fois besoin de sadapter aux changements de leur environnement (Morill 1992 Pondy 1967) Or la stabiliteacute et ladaptabiliteacute ne sont pas deux valeurs tout agrave fait compatibles Pour deacutetailler cette contradiction nous nous appuierons sur la Theacuteorie geacuteneacuterale des Systegravemes

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de Bertalanffy (1973) Selon le principe dhomeacuteostasie tout systegraveme tend agrave parvenir et agrave maintenir un eacutequilibre gracircce agrave un meacutecanisme de reacutegulation Si cette caracteacuteristique assure la survie du systegraveme elle soppose en revanche agrave tout changement En consideacuterant lorganisation comme un systegraveme par la mise en place et maintenance de routines de travail celles-ci tendent agrave stabiliser un certain eacutequilibre Cette structure organisationnelle ainsi eacutetablie se traduit chez les salarieacutes par une certaine construction de la reacutealiteacute de lentreprise (Benson 1977) Or tout changement (impulseacute par exemple par lenvironnement exteacuterieur du systegraveme entreprise) va donc creacuteer des tensions Des meacutecanismes de reacutesistances vont se mettre en action pour conserver leacutequilibre du systegraveme Ainsi la construction de la reacutealiteacute induite agrave linstant preacutesent par lensemble des pratiques organisationnelles en vient agrave reacutesister agrave ses propres deacuteveloppements futurs Il sagit pour Morill (1992) de la principale tension organisationnelle celle-ci sexprime formellement lors dactes particuliers (innovation technologique majeur par exemple) ou plus informellement et quotidiennement par lexpression de doleacuteances individuelles Toujours pour cet auteur les conflits reacutesultants de cette contradiction vont soit menacer lordre organisationnel soit mener au changement (ou autrement dit amegraveneront le systegraveme vers un nouveau point deacutequilibre) Il est donc primordial dans le cadre dun audit de preacuteciseacutement identifier les diffeacuterentes logiques agrave lorigine deacuteventuelles tensions Car ce type de pheacutenomegravene paradoxal se deacuteroule quotidiennement Selon les theacuteories de lEcole de Palo Alto (Bateson Watzlawick hellip) une injonction comme Soyez Spontaneacute est en fait paradoxale puisquelle se preacutesente sous la forme dun ordre qui contient en lui-mecircme une contradiction telle que celui agrave qui il sadresse na aucun moyen dy reacutepondre de faccedilon satisfaisante (Marc amp Picard 2000) Ainsi toute personne mise en demeure davoir ce comportement se trouve dans une position intenable car pour obeacuteir il lui faudrait ecirctre spontaneacute par obeacuteissance donc sans spontaneacuteiteacute (Watzlawick amp al 1972 201) En demandant en mecircme temps agrave un salarieacute quelque chose et son contraire ce dernier se trouve pieacutegeacute et peut rapidement deacutevelopper des comportements aberrants les conditions dun conflit latent sont donc en place On retrouve les conditions similaires dans lentreprise lorsque dun cocircteacute la direction exige de ses salarieacutes quils communiquent davantage notamment en mettant en place des cercles de qualiteacute et que dun autre cocircteacute elle donne la prioriteacute absolue agrave la production et nattribue en fait ni moyens ni soutien reacuteel pour atteindre les objectifs ambitieux de ces cercles (Juegraves 1996) Lentreprise en souhaitant concilier performance sociale et contrainte eacuteconomique de cette maniegravere entraicircne de la confusion dans lencadrement intermeacutediaire et risque fort damener deacutemotivation stress et conflits Et les injonctions au sein des organisations sont nombreuses par exemple Soyez creacuteatifs Prenez des initiatives (mais nenfreignez pas les regravegles du jeu) Pensez lorganisation comme une entiteacute (mais noutrepassez pas les frontiegraveres de vos responsabiliteacutes) Signalez immeacutediatement que vous avez fait une erreur (mais vous serez sanctionneacute en cas derreur) Investissez-vous dans votre travail (Et acceptez les licenciements) (Hennestad 1990 Mucchielli 1999) Dans des organisations de plus en plus complexes il est difficile pour leurs dirigeants decirctre attentifs agrave la coheacuterence globale de leur action Or de nombreuses incoheacuterences de strateacutegies peuvent engendrer de lourdes contre-performances sociales et eacuteconomiques Cest dans ce cadre que lauditeur social doit penser la construction de sa deacutemarche

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3 Implications pour lrsquoauditeur social Nous avons souligneacute les multiples conseacutequences du conflit entre salarieacutes dans les organisations Les manifestations de ce dernier touchent une grande partie deacuteveacutenements sociaux auxquelles sont lieacutes les indicateurs de lauditeur tels que les diffeacuterencie Candau (1985) Nous pourrions avancer - Des conseacutequences physiques (accidents du travail stress hellip) les salarieacutes vivent la

situation de conflit en permanence ce qui peut agrave terme atteindre leur inteacutegriteacute physique ou mentale

- Des conseacutequences mateacuterielles pour lentreprise par des manœuvres de sabotages du travail de la partie adverse par des freinages dans la production dans le cas dun conflit de type vertical par une diminution de la qualiteacute

- Des conseacutequences au niveau individuel absenteacuteisme turn-over mais aussi deacutegradation des relations avec la clientegravele

- Des conseacutequences structurelles par contagion dun conflit entre personnes agrave un niveau collectif

Ces conseacutequences ou eacuteveacutenements sont mesureacutes par les indicateurs de lauditeur Ces derniers servent en effet agrave eacutevaluation lampleur la graviteacute dun eacuteveacutenement social mais ne fournissent pas dexplications relatives aux dysfonctionnements constateacutes Face agrave un grand nombre dindicateur ayant deacutepasseacute la norme eacutetablie comment lauditeur social doit-il interpreacuteter cette mesure Il doit en fait se reacutefeacuterer agrave un modegravele theacuteorique La theacuteorie est eacutegalement indispensable pour comprendre les relations existantes entre lindicateur retenu et le pheacutenomegravene que lon cherche agrave mesurer (Candau 1985 68) Or lorsque lon envisage la multitude dindicateurs pouvant se reacuteveacuteler comme eacutetant potentiellement conseacutecutive dun conflit cela reacutevegravele la haute neacutecessiteacute pour lauditeur de maicirctriser les modegraveles theacuteoriques explicatifs les plus riches et varieacutes Cette exigence nous a ameneacute agrave preacutesenter certaines sources du conflit entre personnes qui nous paraissent souvent neacutegligeacutees Le caractegravere eacuteminemment subjectif du conflit interpersonnel (Deutsch 1977) renforce la pertinence dutilisation des entretiens semi-directifs comme outil approprieacute de recueil de perception des salarieacutes (reacutealiseacute geacuteneacuteralement agrave partir dun eacutechantillon repreacutesentatif de la population) Parfois comme cela peut ecirctre le cas dans les entreprises publiques (Chabau amp Le Bellec 2003) laudit social se limite agrave la reacutealisation denquecirctes par questionnaires Comme le reacuteaffirme Chabau et Le Bellec (2003 18) seules des meacutethodes qualitatives sous la forme dentretiens approfondis peuvent permettre dapprocher le systegraveme social dans toute sa complexiteacute Concernant la place de lauditeur dans cette deacutemarche le caractegravere paradoxal de certaines actions manageacuteriales voir de certaines politiques organisationnelles preacuteceacutedemment souligneacutees tend agrave appuyer la preacutefeacuterence pour un audit social externe En effet dans de tels contextes communicationnels paradoxaux la possibiliteacute pour ses acteurs de deacutenoncer les messages contradictoires se trouve deacutenieacutee (Layole 1984) Or baseacute en interne lauditeur social pourrait ecirctre pris dans un rapport systeacutemique profond avec le dysfonctionnement lempecircchant dacceacuteder agrave un niveau de lecture pertinent etou de faire reconnaicirctre son diagnostic Dailleurs pour aboutir agrave un changement lintervention externe est procircneacutee dans un tel contexte (Watzlawick amp al 1975) Les reacuteflexions theacuteoriques preacuteceacutedemment preacutesenteacutees nous invitent de plus agrave repenser les causes des dysfonctionnements sociaux Comme le formule Vargas (1984 66) concernant ces

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contextes communicationnels paradoxaux sur les groupes de travail la cause du problegraveme nest plus alors agrave rechercher dans un groupe laquo malade raquo en lui-mecircme mais bien dans une maladie de la communication qui pervertit le rapport de ce groupe au reste de lorganisation Laudit de la communication interne nest donc pas un aspect agrave neacutegliger dans laudit social Cependant les recommandations consistant agrave augmenter les moyens de communication ou agrave ameacuteliorer la techniciteacute et la sophistication de ces outils dans le but de reacutesoudre les problegravemes de communication atteignent rarement cet objectif (Giordano 1994) De nombreux consultants proposent eacutegalement des seacuteminaires de communication ou des formations danimateurs Ces propositions reacutepondent agrave la probleacutematique Comment communiquer et font limpasse sur la question preacutealablement neacutecessaire Pourquoi communiquer Quels sont les objectifs de lentreprise (Lehnisch 2003) En se posant cette question lauditeur rencontre la possibiliteacute de deacuteceler les incoheacuterences de messages A contrario renforcer les moyens de communication descendante peut produire linverse des effets escompteacutes Par exemple plus une entreprise accentuera ses moyens pour motiver ou faire adheacuterer le personnel plus elle risque de voir se deacutevelopper des attitudes de reacutesistance de meacutefiance ou dapathie (Villette 1988)4 Laudit nest pas seulement une veacuterification a posteriori il peut eacutegalement avoir un rocircle preacuteventif en participant agrave la mise en place de nouvelles proceacutedures par exemple (Candau 1985) Aussi quelles mesures lauditeur social pourrait-il proposer pour preacutevenir les pheacutenomegravenes de conflictualiteacute La mise en place dun observatoire social semble la mesure la plus eacutevidente puisque son objectif de preacutevention des conflits est geacuteneacuteralement reconnu (Chabeau amp Le Bellec 2003) Cependant preacutevenir nest pas preacutedire comme le rappellent Chabeau et Le bellec (2003 14) ce qui est particuliegraverement aveacutereacute pour un pheacutenomegravene aussi complexe que le conflit Il existe un autre dispositif orienteacute davantage vers laction mais qui est peu pratiqueacute en France (Stimec 2003) Il sagit de la mise en place dune cellule de meacutediation au sein de lentreprise Lexpeacuterimentation effectueacutee par le groupe CEGETEL montre que des reacuteticences se posent du fait du manque de familiariteacute avec ce proceacutedeacute mais apregraves quelques temps des reacutesultats positifs commencent agrave eacutemerger (Duval-Hamel amp al 2004) Un sentiment dameacutelioration du climat interne est majoritairement constateacute cela notamment gracircce agrave un accroissement du sentiment deacutequiteacute dans les relations de travail La reacutesolution des conflits se trouve donc faciliteacutee il est eacutegalement noteacute une modification dans le rocircle du management par un accroissement de lexplication des deacutecisions prisent et une meilleure eacutecoute par lencadrement (Duval-Hamel amp al 2004) Conclusion

Le contexte organisationnel a une influence sur un dysfonctionnement social tel que le conflit A partir dindicateurs varieacutes lauditeur social doit ecirctre en mesure didentifier les veacuteritables origines des eacutecarts constateacutes Pour enrichir son analyse celui-ci doit prendre en compte le contexte communicationnel dans lequel se deacuteroule laction Ce qui corrobore lintuition de Candau quand il y a 30 ans celui-ci sinterrogeait Laudit social eacutetant par essence concerneacute par le diagnostic des problegravemes humains dans lentreprise [hellip] lapprofondissement du 4 Pour Michel Villette (1988 70) Dans le cadre dune relation durable et relativement intime (comme dans un couple ou dans une communauteacute de travail stable ougrave les gens cohabitent pendant de nombreuses anneacutees) le machiaveacutelisme finit neacutecessairement par ecirctre perccedilu comme tel et alors il seacutepare au lieu de reacuteunir

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concept daudit conduit naturellement agrave se demander si la mecircme deacutemarche ne pourrait pas ecirctre appliqueacutee agrave dautres domaines proches comme par exemple la communication les structures de lentreprises ou les systegravemes de management (Candau 1985 270) Terminons enfin par rappeler que laudit social a trouveacute ses fondements theacuteoriques dans lapplication des meacutethodes des audits financier et comptable Au delagrave celui-ci a fait et fait toujours appel agrave des deacutemarches utiliseacutees en sociologie marketing ou dautres disciplines traitant des informations qualitatives (Peretti amp Vachette 1984) comme nous venons de le montrer De leacutevolution et de lenrichissement de ces disciplines connexes laudit social doit donc continuer de se nourrir pour se perfectionner

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LrsquoAUDIT SOCIAL ET LrsquoHYPOTHESE IMPLICITE DE LrsquoEXISTENCE DrsquoUN DYSFONCTIONNEMENT STRUCTUREL INCOMPRESSIBLE CORRELE AUX PRATIQUES PROFESSIONNELLES DrsquoINVESTIGATION Franccedilois ECOTO1 Professeur titulaire au CRESPA Enseignant-Chercheur ISEOR (Universiteacute Lyon 3)

Reacutesumeacute Nous pensons que tout audit social est porteur drsquoun nombre incompressible de dysfonctionnements reacutesultant de la forme et contenu de son argumentaire Et mecircme lrsquoentreprise la mieux geacutereacutee du monde ne pourrait que rarement sortir indemne drsquoun audit social Mais qursquoappelle-t-on audit Et quelle diffeacuterence avec les notions connexes telles que lrsquoeacutevaluation mesure diagnostic et analyse Lrsquoaudit permet de certifier que les comptes annuels sont reacuteguliers sincegraveres et qursquoils donnent une image fidegravele du patrimoine de lrsquoentreprise de sa situation financiegravere et du reacutesultat de lrsquoexercice Il sert agrave controcircler la conformiteacute et la pertinence par rapport agrave des dispositions leacutegislatives reacuteglementaires et par rapport agrave des recommandations et normes publieacutees par des organismes professionnels Lrsquoeacutevaluation par contre consiste agrave formuler un jugement de valeur portant sur un objet une personne ou une action par le moyen drsquoune confrontation entre deux seacuteries de donneacutees des donneacutees de faits constitueacutees par un ensemble drsquoinformations concernant lrsquoobjet la personne ou lrsquoaction agrave eacutevaluer et des donneacutees qui sont de lrsquoordre de lrsquoideacuteal du devoir-ecirctre (critegraveres normes modegraveles) et qui concernent la reacutealiteacute agrave eacutevaluer (objet personne ou action) La probleacutematique de lrsquoeacutevaluation nrsquoest pas celle de lrsquoobjectiviteacute (livrer lrsquoobjet tel qursquoil est) mais de la pertinence La mesure de son cocircteacute est lrsquoopeacuteration par laquelle on met en correspondance des donneacutees mateacuterielles qualitativement deacutefinies (des objets) et des systegravemes drsquouniteacutes qui srsquoy appliquent (des nombres) tandis que le diagnostic rapproche les diffeacuterents symptocircmes pour mettre en exergue les syndromes et reconnaicirctre la famille pathologique Quant agrave lrsquoanalyse elle deacutecompose dissegraveque les pheacutenomegravenes pour ensuite deacutegager les points forts et les points faibles Mots cleacutes Audit ndash Evaluation ndash Mesure ndash Diagnostic ndash Analyse

1 Docteur egraves Sciences de Gestion Docteur en Sciences Economiques Docteur en Philosophie Appliqueacutee Agreacutegeacute en Sciences Commerciales Diplocircmeacute HEC Diplocircmeacute de lrsquoEcole Supeacuterieure des Sciences Commerciales Appliqueacutees Ancien Elegraveve de Preacuteparation Aux Grandes Ecoles du Lyceacutee du Parc de Lyon

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Introduction Le contexte et les circonstances dans lesquelles se pose la neacutecessiteacute drsquoun audit sont agrave la fois varieacutes et polyformes Il y a une soixantaine drsquoanneacutees lrsquoune des principales erreurs que redoutaient les entreprises reacutesidait dans la peur drsquoecirctre reprocheacutees de mal tenir la comptabiliteacute ne serait-ce que vis-agrave-vis du fisc Celles-ci craignaient en effet

- qursquoun mauvais deacutecompte des produits fabriqueacutes ou qursquoune mauvaise tenue des stocks ne vicircnt fausser les reacutesultats de fin drsquoanneacutee

- que des saisies erroneacutees et lrsquoabsence de pointage des heures travailleacutees chocircmeacutees heures normales compleacutementaires nrsquoinduisassent des erreurs dans lrsquoeacutelaboration de la fiche de paie et le deacutecompte des congeacutes payeacutes

- que le manque de reacutegulariteacute de rigueur et de professionnalisme dans la facturation ne retardacirct les paiements et nrsquoentraicircnacirct des pertes de chiffres drsquoaffaires

Aussi vit-on se deacutevelopper dans les anneacutees cinquante les services drsquoaudit interne afin de preacutevenir les risques comptables et financiers et de preacuteparer les missions annuelles des commissaires aux comptes Avec le deacuteveloppement de la consommation de masse des anneacutees quatre-vingts le client est placeacute au centre des preacuteoccupations de lrsquoentreprise sa fideacutelisation devenant un facteur de diffeacuterenciation et sa perte ou deacutefection comme un laquo trou financier raquo voire un risque financier important La qualiteacute du produit et du service devient donc un moyen incontournable permettant drsquoattirer le client de le garder et de le fideacuteliser Drsquoougrave la neacutecessiteacute pour lrsquoentreprise de srsquoassurer qursquoelle peut garantir en permanence agrave sa clientegravele la quantiteacute de produits et de services dont elle a besoin avec par ailleurs une qualiteacute irreacuteprochable De lagrave se deacuteveloppegraverent des audits de qualiteacute centreacutes sur les processus de production de lrsquoentreprise Plus reacutecemment les thegravemes de respect de lrsquoenvironnement ont fait leur apparition Le risque de famine et de peacutenurie alimentaire eacutetant eacutecarteacutes dans les pays industrialiseacutes ce sont les nuisances reacutesultant de lrsquoactiviteacute eacuteconomique sur lesquelles se focalise lrsquoattention de lrsquoopinion publique le bruit et les pollutions de tout genre devenant deacutesormais agrave tort ou agrave raison les boucs eacutemissaires et source de toutes les pathologies et de tous les maux dont souffre la Socieacuteteacute Ce qui a pousseacute nombre drsquoentreprises agrave creacuteer des structures et programmes particuliers de controcircle et drsquoaudit doubleacutes drsquoun systegraveme de management environnemental Aujourdrsquohui dans la mesure ougrave lrsquoopinion publique est deacutesormais plus sensibiliseacutee les entreprises sont confronteacutees agrave de nouveaux problegravemes tels que les questions drsquoeacutethique des affaires le rapport qualiteacuteprix la faccedilon dont les produits et services ont eacuteteacute produits afin drsquoeacuteliminer de leurs achats les produits des entreprises qui font travailler les enfants ou qui font travailler leur personnel dans des conditions inhumaines Des associations de consommateurs les ONG les syndicats et les associations de chefs drsquoentreprises font pression pour lrsquoadoption de chartes de bonne conduite et pour lrsquoeacutelaboration de normes garantissant agrave la fois le respect minimal des droits fondamentaux des travailleurs et de lrsquoeacutethique des affaires

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Crsquoest ainsi que lrsquoaudit social est neacute durant les anneacutees quatre-vingts et a rejoint la liste deacutejagrave longue des audits2 au service du management des entreprises Mais qursquoappelle-t-on audit Et qursquoest-ce qui le diffeacuterencie des autres notions connexes et souvent sujettes agrave confusion tels que lrsquoeacutevaluation mesure diagnostic analyse Lrsquoaudit (D Batude 1997) permet de certifier que les comptes annuels sont reacuteguliers sincegraveres donnent agrave la fois une image fidegravele du patrimoine de lrsquoentreprise de sa situation financiegravere et du reacutesultat de lrsquoexercice Pour accomplir sa mission lrsquoauditeur doit respecter les dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires ainsi que les recommandations et les normes publieacutees par les organismes professionnels Et en cas de faute sa responsabiliteacute peut ecirctre engageacutee selon le cas sur le plan civil peacutenal et disciplinaire Suivant le lexique de gestion (Dalloz 1991) il srsquoagirait drsquoune activiteacute de controcircle et de conseil Lrsquoaudit de gestion certifierait la reacutegulariteacute des comptes drsquoune socieacuteteacute ou drsquoune institution Il proposerait des mesures destineacutees agrave ameacuteliorer le fonctionnement de lrsquoentreprise si ce dernier est jugeacute incorrect Avec lrsquoinstitution du bilan social on parlerait donc drsquoaudit social Drsquoougrave la deacutefinition geacuteneacuterale suivante du mecircme lexique laquo lrsquoaudit quel que soit son domaine a pour tacircche drsquoentreprendre des investigations systeacutematiques afin de deacutegager lrsquoefficaciteacute reacuteelle dans le domaine drsquoune organisation et de ses dirigeants Lrsquoauditeur peut ecirctre interne salarieacute de lrsquoentreprise ou externe entreprise de conseil raquo Lrsquoaudit social (lrsquoIFACI IAS 2000) serait donc laquo un audit appliqueacute agrave la gestion et aux modes de fonctionnement des personnes dans les organisations qui les emploient ainsi qursquoau jeu de leurs relations internes et externes raquo Lrsquoeacutevaluation par contre consiste agrave formuler un jugement de valeur portant sur un objet une personne ou une action par le moyen drsquoune confrontation entre deux seacuteries de donneacutees des donneacutees de faits constitueacutees par un ensemble drsquoinformations concernant lrsquoobjet la personne ou lrsquoaction agrave eacutevaluer et des donneacutees qui sont de lrsquoordre de lrsquoideacuteal du devoir ecirctre (critegraveres normes modegraveles) et qui concernent la reacutealiteacute agrave eacutevaluer (objet personne ou action) La probleacutematique de lrsquoeacutevaluation nrsquoest pas celle de lrsquoobjectiviteacute (livrer lrsquoobjet tel qursquoil est) mais de la pertinence Ainsi le propos de lrsquoeacutevaluateur nrsquoest pas de mesurer un objet mais de dire dans quelle mesure un projet a eacuteteacute ou non reacutealiseacute La mesure de son cocircteacute est lrsquoopeacuteration par laquelle on met en correspondance des donneacutees mateacuterielles qualitativement deacutefinies (des objets) et des systegravemes drsquouniteacutes qui srsquoy appliquent (des nombres) tandis que le diagnostic rapproche les diffeacuterents symptocircmes pour mettre en exergue les syndromes et reconnaicirctre la famille pathologique Quant agrave lrsquoanalyse elle deacutecompose dissegraveque les pheacutenomegravenes pour ensuite deacutegager les points forts et les points faibles Ainsi le propos de lrsquoeacutevaluateur nrsquoest pas de mesurer un objet mais de dire dans quelle mesure un projet a eacuteteacute ou non reacutealiseacute Aussi comme nous lrsquoavons deacutejagrave souligneacute plus haut la

2 Lrsquoaudit des commissaires aux comptes ou audit externe leacutegal lrsquoaudit interne ou par un membre ou un groupe de lrsquoentiteacute auditeacutee lrsquoaudit externe hors commissaire aux comptes ou audit par les cabinets conseils audit comptable financier lrsquoaudit opeacuterationnel drsquoefficaciteacute et drsquoefficience lrsquoaudit de direction ou du management lrsquoaudit theacutematique ou transverse lrsquoaudit social lrsquoaudit environnemental lrsquoaudit de la maintenance lrsquoaudit du management de la seacutecuriteacute lrsquoaudit des systegravemes drsquoinformation lrsquoaudit de qualiteacute audit de lrsquoemploi audit des reacutemuneacuterations audit de lrsquoameacutenagement des temps audit de la formation professionnelle audit de la culture drsquoentreprise audit du bilan social audit du recrutement et la liste nrsquoest ni limitative ni exhaustive

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problegraveme de lrsquoeacutevaluation nrsquoest pas celle de lrsquoobjectiviteacute crsquoest-agrave-dire livrer lrsquoobjet tel qursquoil est mais de la pertinence crsquoest-agrave-dire congruence avec ses objectifs et son objet Lrsquointeacuterecirct lrsquoutiliteacute et les enjeux de ce concept sont eacutevidents lrsquoaudit social permet entre autres de deacuteterminer si les ressources de lrsquoentreprise lui permettront non seulement de saisir les opportuniteacutes de lrsquoenvironnement qui se preacutesenteront mais eacutegalement si elles lui permettront de faire face aux menaces Ce qui aboutit implicitement agrave lrsquoinventaire des forces et faiblesses de lrsquoentreprise Nous nrsquooublions pas non plus que le champ de lrsquoaudit social peut ecirctre appreacutehendeacute suivant les critegraveres de niveaux et de domaines (R Vatier in laquo Les regravegles de lrsquoaudit social raquo Enseignement et Gestion FNEGE 1980 P Candau Lrsquoaudit social Vuibert 1986) - Suivant le critegravere de niveaux on aurait lrsquoaudit de conformiteacute lrsquoaudit de proceacutedures et lrsquoaudit drsquoefficaciteacute du pilotage social - Suivant le critegravere des domaines de lrsquoaudit social ce dernier regrouperait selon R Vatier et P Candau (ibid ) lrsquoensemble des preacuteoccupations qui naissent des interactions des individus ou de groupes drsquoindividus avec leur environnement interne et externe Crsquoest ainsi que lrsquoaudit des politiques sociales traitera par exemple de lrsquoemploi des reacutemuneacuterations conditions de travail de lrsquohygiegravene et de la seacutecuriteacute de la formation des relations professionnelles des activiteacutes sociales et culturelles de lrsquoinformation et de la communication Aussi pour construire notre fil conducteur nous partons du constat selon lequel tout audit social quel qursquoil soit et quel que soit son domaine drsquointervention et les pratiques professionnelles au sein de lrsquoentreprise auditeacutee ne peut aboutir fatalement qursquoagrave la deacutecouverte drsquoun dysfonctionnement lieacute agrave la structuration mecircme de lrsquoargumentaire et du mode de questionnement utiliseacute Autrement dit il nrsquoy a pas drsquoaudit sans deacutecouverte de faute latente ou explicite Drsquoougrave notre probleacutematique agrave savoir laquo lrsquoaudit social peut-il se solder par un zeacutero faute ou par un zeacutero dysfonctionnement raquo Une preacute-reacuteponse ou hypothegravese centrale agrave cette question serait que le reacutesultat de lrsquoaudit est contingent agrave la structuration des pratiques professionnelles en vigueur et aux objectifs privileacutegieacutes par le cabinet drsquoaudit chargeacute de lrsquoaudit Aussi apregraves avoir - rappeleacute le contexte et circonstances dans lesquelles srsquoopegravere lrsquoaudit - esquisseacute une explicitation du concept comparativement aux autres notions assez proches - souligneacute lrsquointeacuterecirct lrsquoutiliteacute et les enjeux - annonceacute le fil conducteur la probleacutematique et lrsquohypothegravese centrale nous nous proposons donc drsquoorganiser le corpus theacuteorique de cette eacutetude tout agrave fait exploratoire en deux parties La meacutethodologie et reacutesultats (1) et lrsquoapprofondissement des notions drsquoaudit eacutevaluation diagnostic mesure et analyse (2)

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1 MeacutethodologieReacutesultats ndash Discussion

11 Donneacutees drsquoobservations Les donneacutees drsquoobservation auxquelles nous nous reacutefeacuterons sont celles contenues dans les drsquoargumentaires des praticiens et que nous nous sommes efforceacutes drsquoextraire avec tout lrsquoarbitraire que peut comporter une telle opeacuteration Ce sont des donneacutees qualitatives susceptibles de geacuteneacuterer par la suite des donneacutees quantitatives sur lesquelles pourraient srsquoaccorder les chercheurs et les praticiens pour eacutetablir ou infirmer lrsquohypothegravese selon laquelle il existe toujours dans tout audit social un niveau minimal incompressible de dysfonctionnements Pour cela nous nous sommes baseacutes sur cinq argumentaires de cinq cabinets diffeacuterents drsquoaudit social argumentaires soumis agrave trois entreprises de la Reacutegion Rhocircne Alpes en quinze ans drsquoexistence Les cinq argumentaires des cinq cabinets drsquoaudit social seront noteacutes respectivement C1 C2 C3 C4 C5 par commoditeacute et clarteacute de lrsquoexposeacute Pour savoir si le nombre de dysfonctionnements releveacutes deacutependrait de lrsquoargumentaire du cabinet drsquoaudit ou plutocirct de la structure et qualiteacute du management de la socieacuteteacute auditeacutee nous avons demandeacute agrave trois entreprises auditeacutees de nous rappeler grosso modo le nombre dysfonctionnements releveacutes par chacun des cabinets agrave partir de leur argumentaire durant leur passage Les reacutesultats obtenus sont reacutesumeacutes dans le tableau ci-dessous

Tableau 1 Collecte de donneacutees drsquoobservations Type drsquoentreprise

C1 C2 C3 C4 C5

Entreprise connaissant des problegravemes et attendant lrsquoaudit social comme remegravede (I)

6 10 19 19 1

lrsquoentreprise auditeacutee laquo a priori sans problegraveme et ayant deacutejagrave fait appel agrave un cabinet drsquoaudit social (II)

3 18 13 13 7

lrsquoentreprise auditeacutee a priori sans problegraveme avec changement reacutecent de direction (III)

8 12 15 18 1

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12 Descriptif des argumentaires des professionnels C1 C2 hellip C5 de lrsquoaudit social choisis pour les besoins de lrsquoeacutetude exploratoire

C1 Cabinet speacutecialiseacute dans le laquo le controcircle de direction raquo 1) Existe-t-il une politique de personnel 2) Qui eacutetablit cette politique Conseil drsquoAdministration Comiteacute de direction Directeur des RH 3) Existe-t-il des objectifs pour le deacutepartement RH 4) Sont-ils reacuteviseacutes reacuteguliegraverement Par qui 5) Quelle est la structure de lrsquoactiviteacute Service du Personnel et Services sociaux 6) Existe-il un plan de deacuteveloppement du personnel agrave moyen terme C2 Cabinet speacutecialiseacute sur laquo lrsquoaudit organisationnel raquo 1) Organigramme agrave jour 2) Descriptif des postes corrects 3) Responsabilisation et deacuteleacutegation drsquoautoriteacute 4) Proportion de personnel cadre par rapport au nombre total drsquoemployeacutes 5) Responsabiliteacute pour lrsquoembauche et le licenciement 6) Proceacutedure pour lrsquoeacutevaluation du personnel Est-elle appliqueacutee 7) Politique de formation et de promotion 8) Nombre drsquoheures de travail normal et moyen par cateacutegorie et par activiteacute 9) Echelonnement des heures de travail 10) Dossiers et fichiers de personnel utiles neacutecessaires agrave jour 11) Regravegles pour la reacutetention et destruction des dossiers de personnel 12) Seacutecuriteacute de lrsquoinformation 13) Immatriculation par deacutepartement C3 Cabinet speacutecialiseacute dans laquo lrsquoaudit paie et efficaciteacute raquo 1) Existence drsquoune grille de salaires dans lrsquoentreprise 2) Meacutethodes utiliseacutees pour le calcul et la recommandation des primes Pourquoi 3) Politiques sur les avantages en nature voiture teacuteleacutephone logement cantinerestaurant 4) Salaire moyen tout personnel par cateacutegorie 5) Chiffre drsquoaffaires par employeacute 6) Valeur ajouteacutee par employeacute Diffeacuterentiel de salaire entre directeur cadres non cadres C4 Cabinet speacutecialiseacute dans laquo le recrutementseacutelection raquo 1) Qui est le responsable du recrutement des cadres non cadres directeurs PDG 2) Qui deacutecide du nombre de salarieacutes 3) Existe-t-il des plans de recrutement temporaire 4) Etudie-t-on reacuteguliegraverement le marcheacute du travail 5) Qui autorise les recrutements 6) Les relationscommunications entre le personnel et les deacutepartements sont-elles satisfaisantes 7) Quel genre de publiciteacute utilise lrsquoentreprise interne externe Est-elle efficace 8) Existe-t-il un document standard drsquoapplication 9) Comment deacutecide-t-on pour un candidat qualifications tests psychologie graphologie tous les candidats ou simplement les cadres 10) Quel est le coucirct unitaire de recrutement drsquoun salarieacute cadre ou non cadre 11) Veacuterifie-t-on apregraves la validiteacute des seacutelections 12) Existe-t-il une proceacutedure drsquoaccueil du nouveau salarieacute dans lrsquoentreprise C5 Cabinet speacutecialiseacute dans laquo lrsquoaudit ndashrelations avec le Personnel raquo 1) Histoire des relations avec les syndicats avec le comiteacute drsquoentreprise 2) Les employeacutes sont-ils informeacutes des deacuteveloppements les plus importants dans lrsquoentreprise changement de direction OPA explication des reacutesultats fermeture drsquoune usine ou drsquoune activiteacute objectifs de lrsquoentreprise nouveaux produits nouvelles filiales 3) Existe-t-il un journal de lrsquoentreprise ou de la direction objectifs utiliteacute coucirct 4) Efforts faits pour augmenter lrsquointeacuterecirct du travail taylorisme ou hetzbergisation 5) Taux de roulement du personnel 6) Analyse des raisons invoqueacutees pour quitter lrsquoentreprise 7) Existence de proceacutedures de discipline dans lrsquoentreprise Appliqueacutee par qui 8) Existe-t-il encore une carte drsquoidentiteacute interne Pourquoi 9) Politique de retraite et preacute -retraite compleacutement de traitement actualisation 10) Relations sociales agrave lrsquointeacuterieur et agrave lrsquoexteacuterieur de lrsquoentreprise sportives culturelles ou autres

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13 Reacutesultats ndash Discussion

131 Application de lrsquoanalyse en composantes principales sur le tableau 1 Type drsquoentreprise Moyenne Ecart-type I 11 7127 II 108 5231 III 108 5913

132 Elaboration de la matrice M des variables centreacutees reacuteduites -0 702 -0140 1122 1122 -1 403 -1491 1376 0421 0421 -0726 -0474 0203 0710 1218 -1657

133 Deacutetermination de la matrice V avec des variances covariances Ougrave V= MxMrsquo avec Mrsquo= transposeacutee de M La matrice V est agrave 15 pregraves la matrice des variances covariances Cette matrice v est donc la suivante 5 2 8164 47933 2 8164 5 3 0006 47933 3 0006 5

134 Valeurs propres et vecteurs propres On appelle vecteur propre drsquoune matrice V un vecteur ligne X tel que XV=aX avec laquo a raquo un coefficient appeleacute valeur propre Apregraves reacutesolution de lrsquoeacutequation caracteacuteristique on trouve comme valeurs propres a 1 = 12 15 et a 2= 2644 Associeacutees aux vecteurs propres X1= (0609 0498 0616) X2= (-0385 0865 -0319) Les composantes de ces deux vecteurs propres deacuteterminent naturellement les deux axes principaux sur lesquels seront projeteacutes les points les valeurs propres de leur coteacute permettant de calculer la part de la variance totale expliqueacutee par les deux axes

135 Calcul de la variance totale La variance totale est eacutegale agrave la trace de la matrice des variances covariances V crsquoest-agrave-dire la somme des eacuteleacutements de sa diagonale principale Trace (v)=5+5+5=15= variance totale

136 Part de la variance expliqueacutee par chaque axe factoriel Variance expliqueacutee par le premier axe a 1Trace (v)= 121515=81 Variance expliqueacutee par le second axe a 2 Trace(v)= 264415= 1760

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Donc le premier et le second axe expliquent agrave eux deux 9860 de la variance totale ou inertie ou de lrsquoinformation totale (=81+1760)

137 Coordonneacutees des diffeacuterents cabinets drsquoaudit social C1 C2 hellip C5 sur les deux axes factoriels

Pour trouver les coordonneacutees des cabinets drsquoaudit social sur chaque axe factoriel on multiplie chacun des deux vecteurs propres X1 et X2 par la matrice M des variables centreacutees reacuteduites de deacutepart soit respectivement X1M et X2M drsquoougrave le tableau des coordonneacutees T2 ci-dessous Axes factoriels

C1 C2 C3 C4 C5

Axe factoriel1 (X1M)

-1462 0726 133 164 -2239

Axe factoriel2 (X2M)

0869 118 -0295 -0458 0441

138 Repreacutesentation graphique dans le plan des deux premiers axes factoriels

Nous repreacutesentons ensuite sur le plan deacutetermineacute par les deux axes factoriels les coordonneacutees des cinq cabinets drsquoaudit social En ramenant ainsi agrave deux dimension les donneacutees du tableau 1 de deacutepart nous expliquons 81 + 176= 98 de la variance totale ou inertie totale la perte de lrsquoinformation eacutetant tregraves faible agrave savoir 100 -986 = 14 Figure 1 Repreacutesentation graphique des cabinets drsquoaudit social en laquo Analyse en composantes principales raquo Second axe factoriel(176)

C2

C5

C3 C4

C1

8

139 DiscussionInterpreacutetation Sur le premier axe factoriel qui contient 81 de lrsquoinformation totale srsquoopposent tregraves nettement deux groupes (C2 C3C4) et (C1 C5) Ce qui semblerait montrer qursquoil y aurait une certaine homogeacuteneacuteiteacute de reacutesultats dans chacun des deux groupes par rapport aux critegraveres proposeacutes (type drsquoentreprise auditeacutee) Les composantes du vecteur propre sont toutes positives et relativement proches ce qui tendrait agrave montrer que les trois types drsquoentreprises auditeacutees contribuent dans le mecircme sens et de faccedilon agrave peu pregraves eacutegale agrave la deacutetermination de cet axe Sur le second axe factoriel qui contient 176 de lrsquoinformation on distingue des cabinets drsquoaudit social plus attireacutes par lrsquoentreprise de type II (lrsquoentreprise auditeacutee laquo a priori sans problegraveme et ayant deacutejagrave fait appel agrave un cabinet drsquoaudit social ) que par les deux autres types I (Entreprise connaissant des problegravemes et attendant lrsquoaudit social comme remegravede) et III (lrsquoentreprise auditeacutee a priori sans problegraveme avec changement reacutecent de direction) Les composantes du vecteur propre confirment cette interpreacutetation le critegravere II avec un coefficient positif eacuteleveacute a sur cet axe une contribution qui va en sens inverse de celle des deux autres critegraveres I et III On peut donc eacutemettre lrsquohypothegravese que qursquoil existe toujours un niveau incompressible de dysfonctionnements que reacuteveacutelera un audit social indeacutependant de la nature de lrsquoentreprise mais lieacute agrave la preacutesence de lrsquoaudit social et agrave son argumentaire sans que cela ne soit geacuteneacuteralisable sans reacuteserve

2 Prolongement et extension theacuteoriques convergences divergences speacutecificiteacutes des concepts drsquoaudit eacutevaluation mesure diagnostic analyse

21 Un synopsis theacuteorique des concepts drsquoaudit eacutevaluation mesure diagnostic et

analyse exeacutegegravese

211 Lrsquoaudit Lrsquoaudit recouvre dans les faits un champ assez large Il consiste drsquoune faccedilon geacuteneacuterale en un examen meneacute par un observateur professionnel sur la maniegravere dont est exerceacutee une activiteacute par rapport agrave des critegraveres speacutecifiques agrave cette activiteacute Lrsquoaudit financier est sans doute lrsquoaspect le plus connu parce que le plus ancien Il a eu en effet un deacuteveloppement comparable agrave celui de la comptabiliteacute Visant agrave lrsquoorigine la recherche de la fraude et de lrsquoerreur lrsquoaudit comptable srsquoest agrave partir de ce siegravecle orienteacute vers lrsquoeacutemission drsquoune opinion sur la validiteacute des eacutetats financiers Apparu en Italie au 16degsiegravecle il srsquoest deacuteveloppeacute en Europe et a connu une veacuteritable expansion avec une forte impulsion anglo-saxonne au 20deg siegravecle La notion drsquoaudit srsquoest ensuite eacutetendue agrave de nombreux aspects du fonctionnement de lrsquoentreprise au point que lrsquoon parle aujourdrsquohui drsquoaudit social drsquoaudit juridique drsquoaudit industriel et mecircme drsquoaudit de qualiteacute Lrsquoaudit comptable et financier a eacuteteacute deacutefini en France et sur le plan international par les diverses organisations professionnelles Ces organisations veillent agrave la deacutetermination de regravegles

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professionnelles agrave leur constante ameacutelioration et agrave leur respect par ceux qui exercent le meacutetier les auditeurs ou reacuteviseurs comptables pour utiliser un terme non anglo-saxon Drsquoapregraves LrsquoOECCA3 lrsquoaudit est examen auquel procegravede un professionnel compeacutetent indeacutependant en vue drsquoexprimer une opinion motiveacutee sur la reacutegulariteacute et sinceacuteriteacute du bilan et des comptes de reacutesultat drsquoune entreprise Pour lrsquoIFAC4 lrsquoaudit est le controcircle de lrsquoinformation financiegravere eacutemanant drsquoune entiteacute juridique et effectueacute en vue drsquoexprimer une opinion sur cette information Et tout reacutecemment la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) a pris le parti drsquoadopter le terme drsquoaudit dans les modegraveles de rapport des commissaires aux comptes et en donne la deacutefinition suivante un audit consiste agrave examiner par sondage les eacuteleacutements probants justifiant les donneacutees contenues dans les comptes Il consiste eacutegalement agrave appreacutecier les principes comptables suivis et les estimations significatives retenues pour laquo lrsquoarrecircteacute des comptes raquo et agrave appreacutecier leur preacutesentation drsquoensemble Une distinction meacuterite drsquoecirctre faite cependant entre lrsquoaudit leacutegal et lrsquoaudit contractuel Lrsquoaudit leacutegal est celui exerceacute par le commissaire aux comptes dans le cadre de sa mission telle que deacutefinie par la loi alors que lrsquoaudit eacutelargi ou audit contractuel est celui reacutealiseacute par un auditeur externe de maniegravere reacuteguliegravere ou pour reacutepondre agrave des besoins speacutecifiques Srsquoagissant maintenant de lrsquoaudit et des missions de lrsquoexpert comptable il convient de noter que les travaux de lrsquoauditeur leacutegal ou du commissaire aux comptes ne se confondent geacuteneacuteralement pas avec ceux de lrsquoexpert comptable agrave qui peut ecirctre confieacutee par une entreprise ne disposant pas de ressources internes une mission drsquoeacutetablissement ou drsquoexamen des comptes annuels Certes lrsquoexpert comptable en tant que professionnel indeacutependant et ayant par ailleurs la qualiteacute de commissaire aux comptes se doit de respecter les normes professionnelles et peut fournir une attestation agrave la fin de ses travaux Mais la mission qui lui est confieacutee drsquoamplitude variable se distingue bien souvent de la mission drsquoaudit Lrsquoexpert comptable peut se voir confier trois types de mission mission de preacutesentation mission drsquoexamen et mission drsquoaudit Les deux premiegraveres missions se distinguent nettement des missions drsquoaudit Lrsquoattestation deacutelivreacutee par lrsquoexpert comptable le preacutecise alors clairement La mission de preacutesentation constitue une simple mise en forme de donneacutees comptables fournies par lrsquoentreprise La mission drsquoexamen comporte en outre des controcircles geacuteneacuteraux de coheacuterence des comptes ainsi eacutetablis La troisiegraveme mission quant agrave elle est une mission complegravete de reacutevision contractuelle Elle peut ecirctre confieacutee volontairement par lrsquoentreprise agrave un expert comptable si elle choisit spontaneacutement drsquoen deacutesigner un la fonction de commissaire aux comptes eacutetant incompatible avec celle drsquoexpert comptable de lrsquoentreprise Cette incompatibiliteacute preacutevue par la loi repose sur le principe drsquoindeacutependance suivant lequel le controcircleur ne peut ecirctre en mecircme temps lrsquoobjet du controcircle Notons au passage la distinction entre auditeur externe et auditeur interne Les groupes ou socieacuteteacutes de taille significative ont souvent chercheacute agrave renforcer leur propre dispositif de controcircle en creacuteant en leur sein mecircme un service speacutecifique Ce service appeleacute service drsquoaudit interne est geacuteneacuteralement rattacheacute agrave la direction geacuteneacuterale afin de preacuteserver son indeacutependance aux autres services de la socieacuteteacute ou du groupe Son rocircle est de deacutefinir etou de veiller agrave la deacutefinition de proceacutedures de controcircle interne satisfaisantes au sein de lrsquoentreprise agrave leur diffusion et agrave leur correcte application Lrsquoauditeur interne fait partie inteacutegrante de lrsquoentreprise par opposition agrave lrsquoauditeur leacutegal ou contractuel ou auditeur externe Bien que les conditions 3 Ordre des Experts Comptables et Comptables Agreacuteeacutes 4 International Federation of Accountants

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drsquointervention et de travail soient diffeacuterentes les auditeurs internes et externes visent le mecircme objectif la conformiteacute agrave la reacutealiteacute et la fiabiliteacute des comptes

212 Lrsquoeacutevaluation Lrsquoeacutevaluation proprement dite repose sur le traitement lrsquoanalyse et lrsquointerpreacutetation des informations recueillies en regard du reacutefeacuterent par comparaison ou mise en correspondance de celui-ci au reacutefeacutereacute Lrsquoeacutevaluation transforme ainsi la repreacutesentation factuelle drsquoun objet en une repreacutesentation normeacutee On passe drsquoun jugement de fait agrave un jugement de valeur aboutissant ainsi agrave une nouvelle repreacutesentation du reacuteel agrave partir de celle que constituait le reacutefeacutereacute Lrsquoeacutevaluation est une activiteacute drsquoeacutelaboration conceptuelle et non une activiteacute directement opeacuteratoire Crsquoest un moyen drsquoeacuteclairer une prise de deacutecision Le terme laquo eacutevaluation raquo recouvre drsquoailleurs une deacutemarche iteacuterative et reacutetroactive qui va de la fixation drsquoobjectifs agrave lrsquoappreacuteciation de leur atteinte Et toute deacutemarche drsquoeacutevaluation semble devoir en fait partir de la deacutefinition drsquoobjectifs deacutecrire le plus preacuteciseacutement possible les activiteacutes visant agrave atteindre ces objectifs deacutefinir des proceacutedures permettant drsquoeffectuer des tacircches neacutecessaires agrave lrsquoatteinte des objectifs soumises au controcircle interne lui-mecircme justiciable drsquoun audit interne ou externe deacutefinir des indicateurs facilitant la mesure des effets de chaque activiteacute deacutetecter lrsquoeffet drsquoeacuteventuels facteurs externes etou de faits impreacutevisibles lors de la fixation de lrsquoobjectif afin de pouvoir permettre de porter un jugement de valeur ou une appreacuteciation qui sera le cœur de lrsquoeacutevaluation

Cependant le concept drsquoeacutevaluation a eacutevolueacute et tendrait agrave devenir une appreacuteciation (N Sillamy 1980) du meacuterite une appreacuteciation des capaciteacutes ou de la valeur personnelle drsquoun sujet consideacutereacute dans une situation donneacutee etou par rapport agrave la moyenne de ses pairs Mais si nous nous en tenons agrave cette deacutefinition nous ne sommes pas plus avanceacutes car cette approche introduit des notions trop abstraites telles que celles de laquo meacuterite capaciteacute valeur professionnelle raquo induisant par la mecircme occasion une notion globale de lrsquoeacutevaluation de lrsquoindividu crsquoest-agrave-dire des reacutesultats de travail et de ses aptitudes

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Figure ndeg 2 Double articulation dans lrsquoopeacuteration drsquoeacutevaluation ----------------------------------------------------------------------------------------------------------- REFERE Utilisation Ensemble drsquoeacuteleacutements jugeacutes hellip drsquoindicateurs Repreacutesentatifs de = Cateacutegories drsquoappreacutehension hellip REALITE5 A partir de | (objet de travail) | de la reacutealiteacute concregravete une situation reacuteelle Champ de la reacutealiteacute une valeur concregravete

Evaluer = juger attribuer Un sens en confrontant hellip comparaisonhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip En fonction de Champ des attentes (moyen de travail) une situation deacutesireacutee | sociales | REFERENT Production de normes

Ensemble drsquointentions jugeacutees hellip ou critegraveres de jugement hellip PROJET6

Significatives de Reacutefeacutereacute constitueacute par lrsquoensemble des observables agrave travers lesquels le reacuteel concret est saisi et construit agrave lrsquoaide drsquoinstruments drsquoobservation (les outils drsquoeacutevaluation) qui servent ainsi agrave produire de lrsquoinformation pour lrsquoeacutevaluation Reacutefeacuterent est un modegravele laquo ideacuteal raquo articulant les intentions jugeacutees les plus significatives par reacutefeacuterence au projet et agrave partir desquelles vont se deacutegager des normes et critegraveres

213 Mesure Mesurer crsquoest assigner un nombre agrave un objet ou agrave un eacuteveacutenement selon une regravegle logiquement acceptable Il doit y avoir correspondance entre les proprieacuteteacutes qui reacutegissent les relations entre les choses et celles qui reacutegissent les relations entre les nombres La mesure est une opeacuteration de saisie des donneacutees Elle apporte la preacutecision dans la collecte des faits drsquoobservation A ce titre elle pourra participer dans la construction de ce qui sera appeleacute le reacutefeacutereacute mais ne constituera jamais en tant que telle une eacutevaluation puisque celle-ci sera le produit de la comparaison du reacutefeacutereacute (ensemble des donneacutees drsquoobservation) avec le reacutefeacuterent systegraveme drsquointerpreacutetation des donneacutees saisies

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5 Reacutealiteacute (situation concregravete observeacutee donneacutees de fait ce qui srsquoest concregravetement produit) 6 Projet (intention de changement donneacutees de devoir ecirctre ce qui est ideacutealement souhaiteacute ou attendu)

214 Diagnostic Le diagnostic correspond agrave lrsquoidentification non seulement des facteurs cleacutes de succegraves ou drsquooptimisation des ressources de lrsquoentreprise mais eacutegalement des dysfonctionnements ou anomalies dont souffre celle-ci agrave partir drsquoun ensemble de symptocircmes ne permettant pas de connaicirctre par anticipation les causes G Brown pense que le mot diagnostic est en principe reacuteserveacute agrave la meacutedecine mais que dans lrsquoindustrie on procegravede souvent agrave des analyses drsquoentreprises ayant pour but de faire ressortir les deacutefectuositeacutes Pour Ph Lorino le diagnostic correspondrait agrave une capaciteacute drsquoanalyse et de compreacutehension de la performance Diagnostiquer serait se rattacher aux causes Il srsquoagirait donc drsquoidentifier les leviers drsquoaction les plus efficaces Par contre pour JP Thibaut le diagnostic global est le modegravele de base qui analyse lrsquoentreprise dans une perspective globale agrave travers ses fonctions et son organisation et qui deacutebouche sur des propositions drsquoameacutelioration Les informations recueillies permettant aux principaux responsables drsquoorienter leur action pour ameacuteliorer la performance de lrsquoentreprise C Bottin qualifie le diagnostic de meacutethode particuliegravere drsquoaccegraves agrave la connaissance identifiant la situation preacutesente et preacuteparant la deacutetermination drsquoobjectifs drsquoaction Enfin pour AC Martinet le diagnostic srsquoappuie sur lrsquoanalyse mais srsquoen distingue nettement Il suppose appreacuteciation jugement et en deacutefinitive prise de responsabiliteacute de celui qui le pose

215 Lrsquoanalyse Crsquoest une deacutesagreacutegation voulue et accomplie dans le but drsquoeacutetudier seacutepareacutement chacune des parties drsquoun tout et de tirer de cette eacutetude des deacuteductions rigoureuses pour la suite Analyser crsquoest deacutecomposer disseacutequer les pheacutenomegravenes eacutelaborer les points forts et faibles repeacuterer les inter-relations identifier les signes examiner classer

22 Etude compareacutee des concepts drsquoaudit eacutevaluation mesure diagnostic et analyse

221 Points de convergence

2211Relativement agrave la deacutemarche Qursquoil srsquoagisse de lrsquoaudit de lrsquoeacutevaluation de la mesure du diagnostic ou de lrsquoanalyse certaines questions reacutecurrentes se posent toujours agrave savoir en vue de quoi veut-on auditer eacutevaluer mesurer diagnostiquer ou analyser Pour quels coucircts et quels gains Et sous quelles conditions et dans quel cadre Qui en est le beacuteneacuteficiaire ou le commanditaire Sous quel aspect le commanditaire souhaite-t-il essentiellement ecirctre informeacute Sur quel type de questions importe-t-il de mettre lrsquoaccent Vers quel type de deacutecision converge-t-on et dans quel contexte la demande srsquoinscrit-elle Autrement dit qui va srsquoapproprier du jugement de valeur et pourquoi faire Quelle est la personne qui aura accegraves agrave lrsquoinformation recueillie et traiteacutee En drsquoautres termes les concepts laquo A (audit) E (eacutevaluation) M (mesure) D (diagnostic) An (analyse) raquo neacutecessitent que lrsquoon se preacuteoccupe au moins des six facteurs invariants suivants lrsquoobjet problegraveme drsquoentreprise Problegraveme de recherche Problegraveme marketing comptable strateacutegique problegraveme de gestion La qualiteacute et nature de lrsquoinformation attendue son coucirct son accessibiliteacute rapiditeacute fiabiliteacute finesse sa dureacutee de vie pertinence preacutecision (justesse et fideacuteliteacute) son caractegravere drsquoexhaustiviteacute et son degreacute drsquoautonomie Le type de questions souhaiteacutees ou argumentaire de reacutefeacuterence La nature de la deacutecision preacutefixeacutee ainsi

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que le contexte ou circonstances Les conditions drsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoinformation recueillie Le coucirct et gain associeacutes Par ailleurs il y a souvent une confusion entre laquo audit diagnostic et analyse raquo comme il en est de mecircme pour laquo eacutevaluation et mesure raquo confusion qursquoil conviendra de lever par une eacutetude empirique approfondie A la question laquo audit eacutevaluation mesure diagnostic analyse quels contours raquo notre premier reacuteflexe a eacuteteacute de nous tourner vers les publications disponibles traitant du sujet Mais alors force a eacuteteacute de convenir que des publications traitant simultaneacutement de ces thegravemes eacutetaient inexistantes la comparaison des diffeacuterents concepts eacutetant une probleacutematique peu convoqueacutee en sciences de gestion Notre premiegravere deacutemarche a donc consisteacute agrave nous orienter vers les principaux inteacuteresseacutes agrave savoir les experts comptables les analystes financiers les auditeurs les dirigeants recruteurs Elle a ensuite consisteacute agrave deacutecrypter les arguments que ces professionnels mettent en avant lorsqursquoils parlent drsquoaudit drsquoeacutevaluation de mesure de diagnostic et drsquoanalyse Aussi avons-nous collecteacute les discours tenus par les inteacuteresseacutes eacutetudieacute analytiquement le vocabulaire employeacute chercher agrave identifier les critegraveres reacutecurrents les plus importants de maniegravere agrave commencer agrave esquisser une deacutelimitation des contours de leurs pratiques habituelles et pouvoir ainsi deacutegager les convergences divergences et speacutecificiteacutes

2212Relativement agrave la creacuteation de valeur Contrairement agrave ce que beaucoup croient bien que borneacutes par les normes professionnelles lrsquoaudit lrsquoeacutevaluation la mesure le diagnostic et lrsquoanalyse peuvent ecirctre tous consideacutereacutes dans un certain sens et par certains cocircteacutes comme faisant partie inteacutegrante des meacutethodes de creacuteativiteacute de rationalisation de conception drsquoexploration et de recherche drsquoideacutees Meacutethodes de creacuteativiteacute la neacutecessiteacute drsquoune compreacutehension geacuteneacuterale de lrsquoentreprise auditeacutee le besoin de comprendre son activiteacute et son langage amegravenent les cabinets drsquoaudit agrave diversifier leur recrutement Celui-ci agrave lrsquoorigine plutocirct cibleacute sur les eacutelegraveves des eacutecoles de commerce tend agrave rechercher aujourdrsquohui eacutegalement des collaborateurs de formation scientifique (ingeacutenieurs informaticiens actuaireshellip) susceptibles de mieux comprendre les processus industriels et drsquoavoir un langage commun avec les interlocuteurs Crsquoest ainsi que bon nombre de cabinets utilisent le brainstorming pour geacuteneacuterer un grand nombre drsquoideacutees nouvelles ou la synectics pour susciter par analogie des ideacutees nouvelles

Meacutethodes de rationalisation laquo lrsquoA E M D An raquo fait appel comme les meacutethodes scientifiques de rationalisation

agrave la clarification des objectifs afin drsquoexpliciter les objectifs et sous-objectifs et les relations qui les lient (arbre des objectifs) agrave la deacutefinition des fonctions afin de deacutelimiter les frontiegraveres du systegraveme agrave concevoir (analyse fonctionnelle)

agrave la deacutefinition des performances ou speacutecifications techniques et eacuteconomiques agrave atteindre

agrave la creacuteation et eacutevaluation drsquoalternatives afin drsquoeacutevaluer et comparer les diffeacuterentes solutions alternatives

Meacutethodes drsquoexploration des situations de conception eacutetablissement des objectifs documentation recherche drsquoanomalies visuelles questionnaire recherche sur le comportement des utilisateurs identification des actions qui seraient susceptibles drsquoapporter des changements non souhaiteacutes mais qui sont trop difficiles agrave comprendre (systemic testing) seacutelection drsquoune eacutechelle de mesure

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2213Relativement au rythme drsquointervention Lrsquoaudit lrsquoeacutevaluation la mesure le diagnostic et lrsquoanalyse ont un caractegravere discontinu et sont souvent annuels semestriels ou trimestriels

222 Points de divergence Lrsquoaudit apparaicirct plus comme une opeacuteration drsquoinventaire ayant pour but de dresser un eacutetat des lieux de la situation alors que lrsquoeacutevaluation vise plutocirct agrave mettre en eacutevidence les forces et faiblesses de lrsquoobjet observeacute Quant au diagnostic il semblerait beaucoup destineacute agrave mettre en relief les dysfonctionnements ou anomalies Lrsquoanalyse enfin cherche agrave deacutevoiler la dimension cacheacutee des choses On ne peut dire avec preacutecision lequel des cinq concepts preacutecegravede ou suit lrsquoautre car suivant les objectifs fixeacutes lrsquoun ou lrsquoautre des cinq concepts peut comprendre les quatre autres Drsquoougrave lrsquoideacutee de les faire figurer plutocirct sur un cercle non orienteacute

Figure ndeg3 Impossible deacutetermination de lrsquoorientation universelle des cinq concepts Audit

Evaluation Diagnostic Analyse Mesure Diagnostic

Conclusion La notion drsquoaudit social est implicitement baseacutee sur lrsquohypothegravese de lrsquoexistence drsquoun dysfonctionnement conscient ou inconscient Nous pensons que lrsquoon trouvera toujours quelque chose agrave redire face agrave lrsquoentreprise la mieux geacutereacutee et que cela tient en partie aussi du contenu de lrsquoargumentaire utiliseacute par le cabinet drsquoaudit Mais cette hypothegravese doit ecirctre eacutetudieacutee plus profondeacutement eacutechantillon choisi eacutetant tregraves petit pour qursquoune geacuteneacuteralisation seacuterieuse puisse ecirctre faite

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PIGE B (2001) Audit et controcircle interne EMS

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LE laquo SOCIAL raquo DANS LA GRANDE MARMITE DE LrsquoAUDIT Georges EGG Auditeur social

Introduction Lrsquoaudit social a-t-il une speacutecificiteacute reacuteelle compareacute agrave ses grands fregraveres Est-ce mecircme un audit Ces questions se posent au moment ougrave un marcheacute de lrsquoaudit de RSE1 se profile Pour tenter drsquoy reacutepondre il nous faut drsquoabord replacer lrsquoaudit social laquo historique raquo au sein de lrsquoensemble des audits pratiqueacutes Pour cela nous retracerons drsquoabord le deacuteveloppement qualitatif de lrsquoaudit en geacuteneacuteral nous chercherons agrave caracteacuteriser ses diffeacuterentes formes avant de deacutecrire agrave grand traits les principales varieacuteteacutes drsquoaudit pratiqueacutees Nous aborderons ensuite sur cette base la question de lrsquoexistence drsquoun audit social de sa speacutecificiteacute et de ses limites

1 Lrsquoexpansion de lrsquoaudit Ceux qui ont connu la peacuteriode de creacuteation de lrsquoaudit social2 par lrsquoIAS sont bien perplexes voire deacutesempareacutes face agrave la situation actuelle A lrsquoeacutepoque au tout deacutebut des anneacutees 80 il srsquoagissait de deacutevelopper dans le champ social une meacutethode drsquoinvestigation analogue agrave celle qui existait depuis fort longtemps en matiegravere comptable et financiegravere et dans la gestion interne des entreprises plus reacutecemment Dans laquo audit social raquo le mot laquo social raquo deacutesignait essentiellement les meacutethodes de gestion du personnel et par extension le fonctionnement social interne3 Le peacuterimegravetre eacutetait celui des frontiegraveres de lrsquoentreprise La deacutemarche eacutetait drsquoune grande modestie adoption sans restriction de la meacutethode de lrsquoaudit supposeacutee unifieacutee agrave lrsquoeacutepoque Et drsquoune grande ambition le champ social est autrement plus eacutetendu et complexe que ceux de la comptabiliteacute et de la finance4 Pendant une vingtaine drsquoanneacutees le petit audit social a coexisteacute avec les audits techniques traditionnels des entreprises Dans une ignorance reacuteciproque totale Tout les seacuteparait agrave part ndashsemblait-il ndash la meacutethode Les audits comptables et financiers eacutetaient et restent indispensables et obligatoires tregraves fortement encadreacutes non seulement par des normes techniques mais encore par des reacuteglementations nationales et internationales Ils eacutetaient la chasse gardeacutee des grands cabinets drsquoaudit et des cabinets plus modestes drsquoexpertise comptable Le petit audit social lui eacutetait et continue drsquoecirctre demandeacute par un petit nombre drsquoorganisations plus hardies que les

1 Responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise 2 Du moins le deacuteveloppement de sa pratique car lrsquoideacutee avait deacutejagrave eacuteteacute avanceacutee par HR Bowen en 1953 et John Humble en 1973 (cf article de J IGALENS) 3 Le mot laquo social raquo accoleacute agrave laquo audit raquo est progressivement apparu trop connoteacute et restrictif Une assembleacutee de lrsquoIAS a deacutecideacute dans les anneacutees 90 que lrsquoIAS srsquoappellerait deacutesormais Institut international de lrsquoAudit Social et des organisations 4 On ne srsquoeacutetait peut-ecirctre pas rendu compte que lrsquoon transposait une meacutethode appliqueacutee agrave des techniques formaliseacutees dans le champ mouvant des fonctionnements Ou lrsquoon nrsquoen avait pas perccedilu les conseacutequences meacutethodologiques

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autres et meneacute librement par quelques petits cabinets de consultants de culture et drsquoexpeacuterience RH Lrsquoapparition des normes internationales et drsquoabord ISO 9000 en 1988 ne changea pas la situation Un nouveau champ eacutetait ouvert agrave lrsquoaudit couvert par un nouveau profil drsquoauditeurs Lrsquoaudit Qualiteacute eacutetait neacute agrave cocircteacute des autres et dans le mecircme aveuglement partageacute5 La sortie des normes ISO 14000 sur lrsquoenvironnement en 1994 suscita quelques interrogations de courte dureacutee chez les auditeurs sociaux On se demanda si lrsquoenvironnement nrsquoavait pas quelque chose agrave voir avec le social Pour conclure que crsquoeacutetait une affaire de techniciens speacutecialiseacutes Et lrsquoaudit drsquoenvironnement pris une place agrave lrsquoombre de son grand fregravere de la Qualiteacute A la mecircme eacutepoque apparaissent des pratiques drsquoinvestigation de la chaicircne des fournisseurs Elles faisaient suite aux scandales meacutediatiseacutes affectant certaines marques de vecirctements de sport et aux boycotts qui srsquoensuivirent Les missions mandateacutees visent agrave veacuterifier que les fournisseurs des grandes marques et enseignes respectent un SMIG en matiegravere de droits de lrsquohomme et du travailleur Elles sont appeleacutees laquo social audit raquo en anglais Aujourdrsquohui encore elles sont peu connues et constituent un univers professionnel distinct Last but not least arrive la responsabiliteacute sociale des entreprises (RSE) Promue par la Commission europeacuteenne dans son Livre vert de juin 2001 apregraves les premiegraveres deacutelocalisations massives en Europe la RSE est laquolrsquointeacutegration volontaire par les entreprises de preacuteoccupations sociales et environnementales agrave leurs activiteacutes commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantesraquo La commission ajoute laquoecirctre socialement responsable signifie non seulement satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables mais aussi aller au-delagrave et investir laquo davantage raquo dans le capital humain lrsquoenvironnement et les relations avec les parties prenantes raquo La RSE doit naturellement srsquoaccompagner drsquoune eacutevaluation de sa mise en œuvre et de ses reacutesultats Le Livre vert fait alors naicirctre un laquo audit social raquo et le deacutefinit par son sujet drsquoinvestigation audit des impacts des deacutecisions des entreprises sur leurs parties prenantes6 et leur environnement interne et externe Notons enfin que la publication de rapports de deacuteveloppement durable imposeacutee par la loi en France et en Belgique recommandeacutee ailleurs suscite des interrogations sur la bonne faccedilon drsquoeacutevaluer leur qualiteacute audit veacuterification ou simple avis Et lrsquoapparition du meacutetier drsquoanalyste non financier au sein des agences de notation vient encore complexifier lrsquounivers de lrsquoinvestigation de la veacuterification et de lrsquoeacutevaluation La pratique de lrsquoaudit srsquoeacutetend donc rapidement agrave de nouveaux territoires Les auditeurs semblent y employer la mecircme meacutethode Tout semble identique sauf le terrain Est-ce si sucircr Srsquoagit-il toujours drsquoaudit Et drsquoailleurs qursquoest-ce que lrsquoaudit Chaque professionnel pense en deacutetenir le sens veacuteritable et croit ecirctre bien compris de tous ses collegravegues quand il utilise ce mot pour

5 Il nrsquoa pas eacuteteacute possible de faire participer des auditeurs Qualiteacute aux travaux de reacutedaction des versions successives des laquo Mots de lrsquoaudit raquo (Editions Liaisons) au sein drsquoune commission mixte IAS-IFACI 6 laquo Personne communauteacute ou organisation influant sur les opeacuterations drsquoune entreprise ou concerneacutees par celles-ci Les parties prenantes peuvent ecirctre internes (salarieacutes par exemple) ou externes (clients fournisseurs actionnaires financiers communauteacute locale etc raquo

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reacutesumer sa pratique Il faut constater que ce nrsquoest pas le cas et que nous parlons de choses diffeacuterentes Qursquoil nrsquoy a peut-ecirctre pas un mais plusieurs audits Ils ont agrave lrsquoeacutevidence des points communs au-delagrave de diffeacuterences manifestes Lesquels

2 Un ou plusieurs audits

21 Les confusions et abus de langage Eliminons tout drsquoabord les confusions drsquoun champ deacutejagrave suffisamment opaque Parmi elles vient en premier le mot laquo controcircle raquo nom donneacute agrave une deacutemarche visant agrave distinguer le conforme du non conforme le normal de lrsquoanormal le reacutegulier du fautif Elle compare pour cela les caracteacuteristiques drsquoun objet ou drsquoun lieu la situation drsquoune personne ou ses reacutesultats agrave ce qursquoils devraient ecirctre Elle dispose donc drsquoune ou plusieurs reacutefeacuterences Comme lrsquoaudit Mais lrsquoanalogie srsquoarrecircte lagrave Car le controcircle srsquoapplique agrave des individualiteacutes (la piegravece dont on controcircle les caracteacuteristiques physiques la personne dont on veacuterifie lrsquoidentiteacute la machine dont srsquoassure du fonctionnement) Et non au systegraveme qui fabrique les piegraveces agrave lrsquoorganisation qui deacutelivre les passeports agrave la fonction drsquoentretien des machines Ou alors ce nrsquoest plus un simple controcircle ponctuel et reacutepeacutetable agrave lrsquoinfini et crsquoest autre chose peut-ecirctre un audit Ex aequo arrive le conseil Contrairement agrave lrsquoaudit le conseil ne dispose pas drsquoun reacutefeacuterentiel formaliseacute accessible connu Ou plutocirct celui-ci est enfoui dans le cerveau du conseiller Celui-ci donne son avis en fonction de son expeacuterience Elle constitue sa reacutefeacuterence qursquoil serait bien en peine de formaliser De plus le conseiller eacutemet des prescriptions agrave la diffeacuterence de lrsquoauditeur qui formule des avis Il doit prendre parti orienter faire des choix pour son client ce qui nrsquoest pas du tout le rocircle de lrsquoauditeur et lui est mecircme fortement deacuteconseilleacute Drsquoautres exemples drsquousage abusif nous sont fournis par les laquo audits de la France raquo qui paraissent dans les 15 jours suivants une eacutelection lrsquoaudit de la personne ou les enquecirctes deacutenueacutees de tout reacutefeacuterentiel etc Nous ne nous attarderons pas davantage sur ces emplois abusifs et trompeurs

22 Les caracteacuteristiques communes essentielles Au sein de toutes les pratiques professionnelles drsquoaudit en usage se retrouvent des eacuteleacutements communs

Comparaison lrsquoauditeur raisonne par comparaison jamais dans lrsquoabsolu Reacutefeacuterence il effectue ses comparaisons par rapport agrave une ou plusieurs reacutefeacuterences qui lui sont exteacuterieures Induction il part drsquoobservations en extrait des constats aveacutereacutes et en tire des conclusions Il ne part pas drsquohypothegraveses agrave veacuterifier drsquoa priori agrave prouver Deacutemarche lrsquoauditeur conduit sa mission de faccedilon meacutethodique et systeacutematique depuis la deacutefinition des objectifs jusqursquoau traitement des informations et aux conclusions en passant par lrsquoeacutetablissement du reacutefeacuterentiel et la construction du guide

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drsquoaudit Les diffeacuterentes eacutetapes sont mises en coheacuterence et eacutetroitement relieacutees entre elles Validation toutes les informations eacutecrites ou recueillies oralement sont valideacutees Les constats ainsi obtenus sont la base des conclusions de lrsquoauditeur Deacuteontologie lrsquoauditeur respecte une deacuteontologie contraignante dont un des eacuteleacutements principaux est sa reacuteelle indeacutependance

23 Les deacuteterminants essentiels de lrsquoaudit

Au-delagrave de ce qui constitue le noyau unificateur de lrsquoaudit on trouve de nombreux et importants eacuteleacutements de diffeacuterenciation On peut en citer six

A La nature du domaine auditeacute B Le reacutesultat rechercheacute par le commanditaire C Le reacutefeacuterentiel drsquoaudit D Le sujet de lrsquoaudit E Le secteur drsquointervention F Le type drsquoaudit

Les cinq premiers relegravevent de la pratique Le sixiegraveme touche agrave la nature de lrsquoaudit Ils deacuteterminent entiegraverement les missions et les rendre eacutetrangegraveres les unes aux autres

A - La nature du domaine auditeacute Les domaines drsquoapplication de lrsquoaudit sont tregraves nombreux et varieacutes Il nrsquoest pas neacutecessaire drsquoinsister sur le fait que les missions ne requiegraverent pas les mecircmes compeacutetences et les mecircmes outils dans le domaine comptable et dans celui de lrsquoenvironnement dans le domaine social et dans celui de la qualiteacute

B - Le but viseacute par le commanditaire Ce peut ecirctre

La certification des comptes de son entreprise La certification de son entreprise selon une norme deacutetermineacutee Un certain niveau drsquoassurance quant agrave la conformiteacute de tel ou tel aspect de ses

activiteacutes La deacutetection de pistes de progregraves ou la reacutesolution de difficulteacutes internes ou externes

Chacun de ces buts requiegravere des sources drsquoinformation des meacutethodes drsquoinvestigation et de deacutemonstration tregraves diffeacuterentes les unes des autres

C ndash Les reacutefeacuterences (critegraveres) drsquoaudit Les reacutefeacuterences drsquoaudit sont innombrables Dans les seuls domaines comptable et financier on deacutenombre une cinquantaine de normes europeacuteennes IAS7 (auxquelles srsquoajoutent les IAS+ pour les speacutecificiteacutes nationales) et une quarantaine de normes IFRS8 Dans le domaine du management de la qualiteacute par contre une poigneacutee de norme suffit

7 International Accounting Standard 8 International Financial Reporting Standard

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Leur nature est eacutegalement tregraves varieacutee leacutegale reacuteglementaire contractuelle normative politique proceacutedurale drsquoengagement Tout comme celle de leurs eacutemetteurs publics ou priveacutes institutions internationales ou nationales groupements professionnels ONG entreprises etc Mais ce nrsquoest pas cette profusion qui creacutee veacuteritablement les distinctions entre audits Le plus important est le sujet de leurs prescriptions Ce peut ecirctre

Des conditions agrave remplir des reacutesultats agrave obtenir des interdictions (travail des enfants niveau de bruit dans les ateliers deacutepenses de formation etc) Des modegraveles de fonctionnement (systegravemes de management de la qualiteacute de lrsquoenvironnement de la santeacute et la seacutecuriteacute des relations avec les parties prenantes etc)9

Lagrave encore ni les meacutethodes de recueil des informations ni les sources ni le type drsquoavis donneacute en conclusion ne sont pas les mecircmes dans lrsquoun et lrsquoautre cas

D ndash Le sujet auditeacute Crsquoest ce sur quoi porte lrsquoinvestigation En pratique et notamment quand lrsquoinvestigation porte sur un processus les missions concernent les types de sujet suivants

a) Les politiques strateacutegies objectifs b) Les systegravemes speacutecialiseacutes de management y compris drsquoinformation c) La mise en œuvre proprement dite et le fonctionnement d) Les reacutesultats obtenus quantitatifs et qualitatifs e) Lrsquoutilisation des reacutesultats

Mais il peut srsquoagir aussi f) Drsquoun eacutetat drsquoune situation drsquoun fonctionnement

Le type de sujet auditeacute deacutetermine directement le reacutefeacuterentiel pertinent mais aussi lrsquoorganisation drsquoensemble de la mission les investigations agrave mener les eacuteleacutements de preuve agrave fournir et le type drsquoavis eacutemettre

E ndash Le secteur professionnel Les audits de conformiteacute sur norme de systegraveme de management ou les audits comptables et financiers sont reacuteputeacutes laquo tout terrain raquo Lrsquoauditeur est censeacute passer sans difficulteacute du secteur de la santeacute agrave celui de la grande distribution de lrsquoaeacuteronautique agrave lrsquoindustrie du logiciel de la banque agrave lrsquoagriculture En pratique il lui faut neacutecessairement acqueacuterir preacutealablement les fondamentaux eacuteconomiques techniques et sociaux du secteur Crsquoest ce qursquoont bien compris les grands cabinets qui speacutecialisent leurs auditeurs La connaissance voire lrsquoexpeacuterience du secteur est encore plus neacutecessaire dans les autres types drsquoaudit notamment dans le domaine social

9 Certaines reacutefeacuterences relegravevent des deux cateacutegories agrave la fois Et une mecircme mission peut ecirctre fondeacutee sur des reacutefeacuterences appartenant aux deux cateacutegories

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F ndash Le type drsquoaudit Les buts viseacutes et les reacutesultats attendus par le commanditaire deacuteterminent le type drsquoaudit conformiteacute ou efficaciteacute parfois les deux Si le commanditaire recherche une certification de son entreprise ou de ses comptes ou une veacuterification de conformiteacute sur un thegraveme donneacute la ou les reacutefeacuterences utiliseacutees sont intouchables Lrsquoauditeur recherche et pointe les eacutecarts et donne un avis sur leur importance agrave lrsquoissue drsquoun audit de conformiteacute Crsquoest le seul type drsquoaudit possible Si le commanditaire cherche essentiellement agrave progresser ou agrave voir clair dans des difficulteacutes qursquoil ne maicirctrise pas lrsquoaudit doit non seulement eacutemettre un avis sur le respect des regravegles mais eacutegalement sur leur pertinence La regravegle nrsquoest plus intouchable degraves lors qursquoelle agit sur la performance Il srsquoagit lagrave drsquoun audit drsquoefficaciteacute Lrsquoaudit drsquoefficaciteacute peut comporter un diagnostic permettant de remonter aux causes des symptocircmes observeacutes ce qui est freacutequent en audit social Ce nrsquoest jamais le cas en audit de conformiteacute Les deux types drsquoaudit peuvent bien entendu ecirctre utiliseacutes dans les missions lorsque les reacutefeacuterences ne sont pas impeacuteratives Chaque mission drsquoaudit semble donc devoir ecirctre une combinaison speacutecifiques des deacuteterminants que nous venons drsquoeacutenumeacuterer La grande varieacuteteacute de ces combinaisons pourrait faire oublier le cœur commun de meacutethode qui les reacuteunit Quelles sont les combinaisons pratiques que nous pouvons identifier Elles apparaissent agrave lrsquoobservation des grands types de mission

3 Des pratiques que leurs praticiens cherchent agrave exporter hors de leur territoire drsquoorigine

31 Les audits du chiffre titulaires de lrsquoappellation drsquoorigine

Les commissaires aux comptes et les experts comptables megravenent depuis fort longtemps des audits comptables et financiers Les premiers dans le cadre drsquoune mission drsquoordre public les seconds en exeacutecution drsquoun contrat Le reacutesultat de la mission est un avis sur les comptes donneacute agrave son client par lrsquoexpert comptable porteacute agrave la connaissance de la communauteacute eacuteconomique par le commissaire aux comptes du fait de lrsquoobligation de publication Les auditeurs se reacutefeacuterent dans leurs investigations agrave des normes comptables et agrave des normes drsquoaudit eacutedicteacutees au plan international Ils procegravedent agrave des controcircles exhaustifs ou par sondage agrave des veacuterifications directes agrave des questionnements de fournisseurs ou de clients dans le souci de fiabiliser les informations recueillies La dureacutee des missions est tregraves variable Lrsquoexamen du systegraveme comptable existant nrsquoest pas un objectif en soi mais seulement un eacuteleacutement de jugement sur les comptes Les commissaires aux comptes ont deacutesormais les auditeurs internes comme partenaires sur le sujet du controcircle interne10 Il srsquoagit lagrave drsquoun sujet qui devrait agrave terme inteacuteresser les auditeurs de systegravemes de management Les commissaires aux comptes examinent par ailleurs le rapport annuel sur le deacuteveloppement durable que les preacutesidents des socieacuteteacutes coteacutees doivent

10 La loi NRE du 15 mai 2001fait obligation au preacutesident du conseil drsquoadministration de rendre compte dans un rapport annuel des proceacutedures de controcircle interne mises en place par la socieacuteteacute Ce rapport doit ecirctre viseacute par le commissaire aux comptes La veacuterification de lrsquoefficaciteacute du controcircle interne est eacutegalement deacutesormais une des missions essentielles des auditeurs internes

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obligatoirement preacutesenter agrave leur assembleacutee Mais ils ne le certifient pas Les experts-comptables par contre ont eacutelargi leur champ drsquointervention agrave lrsquoaudit ( ) ou la veacuterification de ce rapport

32 Les audits internes Les auditeurs internes observent et eacutevaluent les pratiques de gestion par reacutefeacuterence aux proceacutedures et consignes de leur entreprise jamais sur la base de normes internationales de certification de systegravemes Leur champ drsquointervention en matiegravere de gestion est tregraves large puisqursquoils doivent deacutesormais veiller agrave la qualiteacute du controcircle interne Ils nrsquointerviennent pas dans le champ social et assez peu dans la gestion du personnel domaine geacuteneacuteralement reacuteserveacute du DRH Ils forment leurs constats agrave partir de dossiers et drsquoenquecirctes Mettant en eacutevidence les eacutecarts entre la pratique et la regravegle ils megravenent essentiellement des audits de type conformiteacute Cependant les nouvelles normes professionnelles de lrsquoIIA11 confegraverent eacutegalement agrave lrsquoauditeur interne un rocircle de conseiller de la direction dans le domaine de la gestion et de la protection des actifs Le champ drsquointeacuterecirct des auditeurs internes commence agrave srsquoeacutelargir agrave la gestion des ressources humaines

33 Les audits sur normes de systegraveme de management Les auditeurs de la qualiteacute de lrsquoenvironnement de la santeacute et la seacutecuriteacute opegraverent sur la base de normes internationales fondeacutees sur un modegravele unique management (ISO 9000) et speacutecifiques drsquoun domaine particulier (ISO 14000 OHSAS 18001 hellip) Les auditeurs effectuent des missions visant agrave eacutetablir la conformiteacute du systegraveme de management particulier aux exigences de la norme de reacutefeacuterence Sur la base drsquoinformations documentaires pour lrsquoessentiel recueillies aupregraves des directions ils mettent en eacutevidence des eacutecarts qursquoils hieacuterarchisent Les missions sont courtes (quelques jours) La certification de lrsquoentreprise est le but assigneacute agrave lrsquoaudit Elle permettra au commanditaire de mettre en valeur la reconnaissance obtenue dans un domaine particulier Elle deacutepend du nombre et de la graviteacute des eacutecarts identifieacutes Scheacutematiquement Il srsquoagit drsquoaudits de conformiteacute de courte dureacutee pratiqueacutes dans un cadre formaliseacute et standardiseacute La norme ISO 9000 2000 consacre plusieurs articles agrave la gestion du personnel et des ressources humaines thegraveme qui entre de plus en plus dans les missions que megravenent les auditeurs Qualiteacute Les auditeurs de systegravemes de management souhaiteraient que lrsquoISO deacuteveloppe une norme en matiegravere de systegraveme de RSE ce qui se heurte actuellement agrave de fortes reacutesistances

34 Les audits de filiegraveres drsquoapprovisionnement Les auditeurs de filiegravere sillonnent le monde de lrsquoExtrecircme-Orient aux Indes de lrsquoAmeacuterique centrale et du Sud aux Pays de lrsquoEst Ils megravenent des missions annonceacutees ou impromptues sur mandat des entreprises de la grande distribution en reacutefeacuterence agrave des codes professionnels de conduite (CCC ETI hellip) ou des normes priveacutees (SA 8000 FLA hellip) Ces reacutefeacuterentiels peuvent ecirctre mixtes additionnant des exigences portant sur des reacutesultats12 qualitatifs (pour lrsquoessentiel) 11 International Internal Auditors Association 12 Par exemple interdiction du travail des enfants liberteacute drsquoassociation etc

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et des exigences relatives au systegraveme de management Tous se reacutefegraverent aux conventions OIT portant sur les droits fondamentaux des travailleurs En une agrave deux journeacutees aideacutes par des interpregravetes locaux ils rassemblent lrsquoinformation requise par leur guide drsquoaudit et obtenue dans les documents fournis et les entretiens reacutealiseacutes Le controcircle des informations fournies est eacutevidemment difficile et certaines missions relegravevent davantage du recueil de deacuteclarations non controcirclables que de lrsquoeacutetablissement de constats In fine les rapports adresseacutes aux commanditaires et aux organismes certificateurs ont pour rocircle drsquoeacuteclairer la deacutecision de poursuite ou drsquointerruption de la relation commerciale avec le fournisseur

35 Les audits laquo sociaux raquo

351 Les audits sociaux historiques Lrsquoaudit social ndash au sens premier de lrsquoIAS ndash ne repose pas sur une norme unique Il reacutepond en effet agrave des demandes tregraves diverses relatives aux risques sociaux aux fonctionnements non conformes inefficaces ou conflictuels aux systegravemes inadapteacutes Chaque demande relegraveve de reacutefeacuterences particuliegraveres de nature varieacutee (lois reacuteglementations normes conventions modegraveles techniques etc) Chacune neacutecessite la constitution drsquoun reacutefeacuterentiel speacutecifique et au-delagrave drsquoun guide drsquoaudit particulier Les informations issues du laquo terrain raquo apregraves validation et croisement avec les donneacutees documentaires tiennent une part tregraves importante dans la mise agrave plat de la situation Lrsquoaudit social nrsquoest pas une eacutetude en chambre et ceci le diffeacuterencie nettement des audits comptables et de systegravemes de management Lrsquoauditeur social est chargeacute selon les cas drsquoexaminer la conformiteacute drsquoun dispositif social drsquoeacutevaluer la qualiteacute drsquoun fonctionnement et la pertinence des regravegles qui srsquoy appliquent de clarifier des situations complexes et de trouver les causes des dysfonctionnements Ses missions sont le plus souvent de moyenne ou longue dureacutee Pour les auditeurs sociaux les audits de RSE font partie de lrsquoaudit social Le concept de laquo parties prenantes raquo qui semble nouveau est deacutejagrave preacutesent dans lrsquoaudit social interne Les syndicats le personnel la hieacuterarchie la direction ainsi que les diverses administrations sociales ont toujours eacuteteacute consideacutereacutes comme des parties prenantes de la situation auditeacutee La RSE ne fait qursquoeacutelargir le nombre des protagonistes Lrsquoeacutelargissement du champ hors des frontiegraveres de lrsquoentreprise leur apparaicirct comme leacutegitime et ne pas poser de problegraveme particulier

352 Les audits de RSE Lrsquoaudit de RSE balbutie encore Essentiellement parce que le champ de son intervention nrsquoest pas encore clairement deacutefini Son sujet - ce sur quoi il porte - est diversement deacutefini Sa nature - conformiteacute ou efficaciteacute - fait lrsquoobjet de deacutebats Cette situation nrsquoest pas eacutetonnante tant la confusion est grande concernant la RSE elle-mecircme Une eacutetude reacutecente13 meneacutee avec le soutien de la Commission europeacuteenne reacutevegravele la grande diversiteacute voire lrsquoopposition des points de vue sur son champ ses buts et son eacutevaluation

13 Projet de certification europeacuteenne des auditeurs de RSE Colloque de travail mai 2005 agrave Paris

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Pour certains acteurs la RSE inclue toutes les actions charitables que lrsquoentreprise deacutecide de mener volontairement Drsquoautres limitent son champ agrave quelques thegravemes majeurs relevant de la responsabiliteacute de lrsquoentreprise Drsquoautres enfin pensent qursquoil doit ecirctre deacutefini dans un dialogue responsable avec les parties prenantes De plus les entreprises nrsquoattendent pas la mecircme chose de leurs actions en matiegravere de RSE Certaines entreprises y voient drsquoabord un moyen de se proteacuteger contre les critiques et une occasion de promouvoir lrsquoimage de la firme Elles font tout naturellement des rapports de RSE le centre de leur preacuteoccupation Drsquoautres ont mieux compris que la RSE allait devenir un eacuteleacutement strateacutegique du management Elles deacuteveloppent des programmes drsquointeacutegration de la RSE agrave tous les niveaux de leurs systegravemes de management et nrsquoattachent qursquoune importance relative agrave la production de rapports seacuteduisants Les analyses qui preacutecegravedent devraient ecirctre compleacuteteacutees drsquoindications sur le nombre des missions Nous ne disposons pas drsquoeacuteleacutements preacutecis mais des ordres de grandeur approximatifs les audits comptables et financiers se comptent annuellement en centaines de milliers dans le monde les audits qualiteacute en dizaines de milliers les audits environnement en milliers de mecircme que les audits sociaux si on y inclue les audits de filiegravere Plusieurs constats ressortent de ce qui preacutecegravede

Tous les audits ou presque sont de type conformiteacute et aucun agrave lrsquoexception de lrsquoaudit social ne recherche les causes des symptocircmes observeacutes Les sujets drsquoaudit sont geacuteneacuteralement speacutecifiques de lrsquoaudit consideacutereacute (les systegravemes pour les audits de management sur norme la conformiteacute drsquoeacutelaboration du reacutesultat dans le cas de lrsquoaudit comptable et financier) agrave la diffeacuterence de lrsquoaudit social qui peut ecirctre utiliseacute sur lrsquoensemble des sujets Partout les professionnels srsquoefforcent drsquoeacutelargir leur champ drsquoaction traditionnel agrave des champs existants ou nouveaux et drsquoy importer leurs meacutethodes et leurs faccedilons de penser Crsquoest ainsi qursquoil existe un risque de laquo financiarisation raquo des approches et de reacuteduction des analyses agrave la seule prise en compte des systegravemes

4 Dans ce contexte quelle place pour lrsquoaudit social A la question preacutealable est-ce un audit une eacutevaluation ou un conseil la reacuteponse est crsquoest et cela doit rester un audit Lrsquoaudit social pratiqueacute depuis 1980 reacutepond en tous points aux caracteacuteristiques communes eacutenonceacutees plus haut Lrsquoauditeur social comme un commissaire aux comptes eacutemet un avis pas une prescription Et ne fournit pas un conseil ou une assistance opeacuteratoire Certes un changement drsquoappellation aurait pour avantage de dissiper des ambiguiumlteacutes en laissant le nom aux seules investigations de conformiteacute Mais il aurait le grave inconveacutenient de marginaliser la dimension laquo efficaciteacute raquo dans lrsquoaudit et le diagnostic qui pourrait exister dans un audit de conformiteacute sauf consideacuterations eacuteconomiques Le changement de nom creacuteant une barriegravere entre les auditeurs de la conformiteacute et les autres ouvrirait la voie agrave la financiarisation et au reacuteductionnisme des eacutevaluations du

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champ social Pour lrsquoex audit social il y aurait risque drsquoaffadissement des meacutethodes et de forte subjectiviteacute dans les avis donneacutes Lrsquoaudit social a-t-il une speacutecificiteacute Quel est son inteacuterecirct La valeur ajouteacutee par lrsquoaudit social tient nous lrsquoavons vu dans la production drsquoun diagnostic sans lequel il nrsquoest pas possible de trouver la bonne faccedilon de traiter des dysfonctionnements complexes Elle tient eacutegalement agrave la liberteacute accordeacutee agrave lrsquoauditeur de porter un jugement sur les reacutefeacuterences non reacuteglementaires ou leacutegales lorsqursquoil megravene un audit drsquoefficaciteacute Lrsquoentreprise peut alors ameacuteliorer lrsquoefficaciteacute du cadre reacuteglant le fonctionnement de ses activiteacutes et pas seulement le fonctionnement lui-mecircme A la diffeacuterence des autres audits il est seul agrave prendre en compte et faire participer lrsquoensemble des parties prenantes Crsquoest et ce devra ecirctre de plus en plus un support du dialogue social Il permet aux parties prenantes externes etou internes drsquoouvrir des reacuteflexions et des neacutegociations sur une base factuelle incontesteacutee de faccedilon sereine Quelles limites pour lrsquoaudit social Ce sont celles au-delagrave desquelles preacutevalent les techniques lrsquoeacuteconomie et la gestion En deccedilagrave de ces limites lrsquoaudit social doit ecirctre contributif partout ou les deacutecisions et le comportement des hommes contribuent pour lrsquoessentiel agrave la situation ou au reacutesultat observeacutes Quelle place pour lrsquoaudit social Elle existe bien qursquoelle soit restreinte Elle pourrait ecirctre plus importante Lrsquoeacutetude europeacuteenne que nous avons citeacutee plus haut a montreacute que des entreprises allemandes espagnoles franccedilaises eacutetaient inteacuteresseacutees par le concept et precirctes agrave des opeacuterations expeacuterimentales In fine lrsquoaudit social ne se deacuteveloppera que srsquoil deacutemontre sa capaciteacute agrave faire progresser les entreprises et les organisations Et la place qursquoil occupera sera agrave la mesure de sa valeur ajouteacutee Sa pertinence et son originaliteacute nrsquoy suffiront pas agrave elles seules Il faudra certainement y ajouter des actions de promotion centreacutees non sur le mot mais sur les beacuteneacutefices agrave attendre et de nombreuses formations orienteacutees vers les speacutecificiteacutes de ce type drsquoaudit Nous devrons eacutegalement deacutevelopper des eacutechanges et collaborer de faccedilon plus systeacutematique avec les auditeurs des autres speacutecialiteacutes au plan europeacuteen

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COMMENT PASSER A UN AUDIT SOCIAL DE TROISIEME GENERATION Michel FERON1 Professeur ndash Reims Management School

Reacutesumeacute Lrsquoaudit social srsquoest longtemps inscrit dans un reacutefeacuterentiel de performance agrave dominante eacuteconomique ougrave le laquo social raquo est traiteacute soit comme un coucirct - et lrsquoaudit social se focalise sur lrsquooptimisation de lrsquoallocation de ressources pour en ameacuteliorer lrsquoefficience - soit comme un investissement - et lrsquoaudit social se focalise alors sur la maximisation du retour sur investissement dans le capital humain Lorsque ce reacutefeacuterentiel srsquoeacutelargit pour prendre en compte les attentes des diverses parties prenantes le laquo social raquo est alors assimileacute agrave tout ce qui peut contribuer au bien-ecirctre de lrsquoHumaniteacute (lrsquoeacuteconomique le social laquo classique raquo lrsquoenvironnemental et le socieacutetal) et lrsquoaudit social se focalise sur les modaliteacutes de mise en oeuvre drsquoun management socialement responsable Mais le passage agrave lrsquoaudit social de troisiegraveme geacuteneacuteration doit preacutealablement justifier de sa leacutegitimiteacute agrave investir des champs consideacutereacutes habituellement comme exteacuterieurs agrave son peacuterimegravetre identitaire La mise en oeuvre drsquoun audit social global implique de changer le paradigme de la dissociation Personnes Entreprise et lrsquoappui sur des processus drsquoapprentissage pour passer agrave une repreacutesentation laquo globale raquo drsquoune entiteacute contractuelle Personnes Entreprise leacutegitimant lrsquoextension du reacutefeacuterentiel de compeacutetences Introduction Le texte de preacutesentation de cette Universiteacute nous rappelle que lrsquoaudit social est questionneacute agrave la fois par laquo les nouvelles attentes des Etats des Organisations et des marcheacutes en matiegravere de deacuteveloppement durable et de responsabiliteacute sociale et environnementale raquo et par laquo les difficulteacutes de mesure du social dans les entreprises raquo Cette formulation soulegraveve la question de lrsquoarticulation entre lrsquoaudit social et le concept de Responsabiliteacute Sociale de lrsquoEntreprise Puisque nous consideacuterons que lrsquoaudit social vise agrave ameacuteliorer la qualiteacute des processus humains et sociaux qui concourent agrave la performance de lrsquoentreprise il semble effectivement qursquoil ne puisse rester indiffeacuterent agrave lrsquoimpact des ces processus sur les principales dimensions de la Socieacuteteacute Mais lrsquoeacutelargissement du regard agrave des perspectives aussi larges pose alors la question de savoir si lrsquoaudit social nrsquoest pas en train de perdre son acircme agrave srsquoeacuteloigner ainsi des ses principes fondateurs Le questionnement initial rappelle aussi implicitement que le laquo terreau naturel raquo de lrsquoaudit social est lrsquoentreprise Il est vraisemblable que la preacutegnance de la recherche de performance dans lrsquounivers de lrsquoentreprise a joueacute un rocircle dans la genegravese de lrsquoaudit social en incitant agrave ameacuteliorer en 1 E-mail michelferonreims-msfr Teacutel 0326774695

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permanence le pilotage des processus drsquoobtention de cette performance dans tous les domaines y compris le laquo social raquo Mais cette deacutemarche srsquoest maintenant diffuseacutee dans drsquoautres Organisations y compris celles qui nrsquointerviennent pas sur un marcheacute et qui poursuivent des finaliteacutes drsquoordre social socieacutetal Comment lrsquoentreprise peut-elle tirer profit des expeacuteriences de mise en œuvre de deacutemarches drsquoaudit social dans de telles Organisations Face agrave ces interrogations nous nous proposons de reacutepondre en deux temps La premiegravere partie de cette communication preacutesentera trois eacutetapes majeures dans lrsquoeacutevolution de lrsquoaudit social dans les entreprises en faisant reacutefeacuterence agrave diffeacuterentes approches de la strateacutegie et de la recherche de compeacutetitiviteacute Gracircce agrave cette mise en perspective nous montrerons pourquoi il semble logique que lrsquoaudit social eacutelargisse son champ drsquoinvestigation aux preacuteoccupations de type RSE Afin drsquoidentifier quelles peuvent ecirctre les fondements de cet audit social de troisiegraveme geacuteneacuteration nous nous adopterons un point de vue comparatif en nous inteacuteressant agrave drsquoautres Organisations que lrsquoentreprise et qui eacutevoluent elles aussi vers une approche globale de leur performance Nous observerons en particulier comment des Organisations ayant par nature une finaliteacute drsquoordre social socieacutetal peuvent inteacutegrer la dimension eacuteconomique dans leur reacutefeacuterentiel de performance en prenant lrsquoexemple le cas de la Caisse Reacutegionale drsquoAssurance Maladie de Bretagne dans son volet laquo Travail social raquo qui a eacutetendu agrave lrsquooccasion drsquoune deacutemarche de certification son champ de reporting agrave des consideacuterations drsquoordre eacuteconomique

1 Lrsquoaudit social et les finaliteacutes de lrsquoentreprise Si nous reprenons scheacutematiquement (et donc que le lecteur nous en pardonne de faccedilon reacuteductrice) lrsquoeacutevolution de lrsquoaudit social il nous semble envisageable de distinguer trois principales eacutetapes lieacutees elles-mecircmes agrave des visions speacutecifiques de la reacuteussite de lrsquoentreprise et de sa compeacutetitiviteacute Une premiegravere distinction concerne la nature de la performance de lrsquoentreprise illustreacutee par les eacutecoles de penseacutee drsquoun cocircteacute de Friedman (1962) qui privileacutegie une lecture focaliseacutee sur la dimension laquo eacuteconomique raquo dans laquelle srsquoinscrivent les enjeux des proprieacutetaires dans leur fonction drsquoinvestisseurs et de lrsquoautre par Freeman (1984) qui eacutelargit le reacutefeacuterentiel drsquoeacutevaluation de la performance agrave toutes les dimensions dans lesquelles peuvent srsquoinscrire les enjeux des proprieacutetaires et des autres acteurs concerneacutes par le fonctionnement de lrsquoentreprise Dans le reacutefeacuterentiel eacuteconomique nous distinguerons ensuite deux visions majeures inspireacutees classiquement des travaux de Porter (1982 1986) qui ont structureacute durant ces derniegraveres deacutecennies la plus grande partie des deacutecisions strateacutegiques dans les entreprises

11 Lrsquoaudit social dans une logique de performance laquo eacuteconomique raquo Une premiegravere eacutecole de penseacutee en matiegravere drsquoaudit social se situe clairement dans la deacuteclinaison drsquoune recherche de compeacutetitiviteacute par les prix Nous syntheacutetiserons cette approche autour des caracteacuteristiques suivantes

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Logique dominante Optimiser lrsquoallocation de ressources

Mot cleacute Lrsquoefficience

Compeacutetitiviteacute Avoir les prix les plus bas

Productiviteacute Reacuteduire le coucirct de la main-drsquoœuvre

Rentabiliteacute Avoir les coucircts les plus faibles

Creacuteation de valeur Faire mieux avec moins

Postulat Les activiteacutes durent plus que les Personnes

Fig 1 Les fondements des approches focaliseacutees sur la recherche drsquoun avantage concurrentiel par le prix

Dans un tel contexte lrsquoaudit social se focalise sur les processus qui vont permettre de maicirctriser les structures de coucircts comme par exemple lrsquoeacutevolution de la masse salariale de lrsquoabsenteacuteisme ou du turn-over Il va fortement srsquoinspirer des meacutethodologies deacuteveloppeacutees par le controcircle de gestion laquo classique raquo privileacutegiant lrsquoanalyse des eacutecarts (voir par exemple les principes freacutequemment mobiliseacutes pour mettre en œuvre un laquo controcircle de gestion sociale raquo) Une deuxiegraveme eacutecole de penseacutee peut ecirctre identifieacutee autour de la recherche de compeacutetitiviteacute par la diversification Reprenons avec la mecircme preacutesentation qursquoau paragraphe preacuteceacutedent les principales caracteacuteristiques de cette approche

Logique dominante Modifier la combinaison des ressources

Mot cleacute Lrsquoinnovation

Compeacutetitiviteacute Ecirctre le premier sur le marcheacute

Productiviteacute Avoir le maximum drsquoinnovations exploitables

Rentabiliteacute Deacutegager de fortes marges en deacutebut de cycle de vie du produit

Creacuteation de valeur Faire autrement

Postulat Les Personnes durent plus que les activiteacutes

Fig 2 Les fondements des approches focaliseacutees sur la recherche drsquoun avantage concurrentiel par la diversification

Preacutecisons que pour simplifier le propos nous consideacutererons les strateacutegies de speacutecialisation - qui cumulent la compeacutetitiviteacute par les prix et par la diversification - comme une variante des strateacutegies de speacutecialisation dans la mesure ougrave le plus souvent lrsquoinnovation preacutecegravede lrsquooptimisation de lrsquoallocation de ressources Lrsquoaudit social vise ici agrave accroicirctre la contribution des ressources humaines agrave la performance de lrsquoentreprise en mettant lrsquoaccent sur le capital humain de lrsquoentreprise et la maicirctrise des investissements fait pour lrsquoacquisition la fideacutelisation et le deacuteveloppement drsquoun portefeuille de compeacutetences aligneacute avec la strateacutegie de lrsquoentreprise

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Nous trouvons par exemple dans cette logique les tentatives de laquo comptabiliteacute sociale raquo les instrument de pilotage drsquoun laquo double projet eacuteconomique et social raquo (Danone) ou les deacutemarches de management par les compeacutetences (agrave ne pas confondre avec la GPEC)

12 Lrsquoaudit social dans une logique de performance laquo globale raquo (eacuteconomique sociale environnementale socieacutetale)

Si nous reprenons la typologie drsquoArgyrisamp Schon (1978) le troisiegraveme type de finaliteacutes que peut poursuivre lrsquoaudit apregraves avoir chercheacute agrave laquo Faire mieux raquo puis laquo Faire autrement raquo est logiquement de laquo Faire autre chose raquo Nous retrouvons ici le basculement radical que repreacutesente la prise en compte des attentes des parties prenantes pour deacuteterminer la strateacutegie de lrsquoentreprise mecircme srsquoil srsquoagit le plus souvent drsquoun raisonnement classique de type laquo gestion des risques raquo et non pas de lrsquoapparition drsquoun nouveau paradigme de gestion Cette eacutevolution en trois eacutetapes peut ecirctre scheacutematiseacutee de la faccedilon suivante

eprises

egraves lors que les finaliteacutes de lrsquoentreprise srsquoeacutelargissent agrave des champs autres qursquoeacuteconomique

du

PERFORMANCE laquo GLOBALE raquo eacuteconomique sociale environnementale socieacutetale

PERFORMANCE laquo EacuteCONOMIQUE raquo

12 Compeacutetitiviteacute par la diffeacuterenciationObjectif prioritaire du management de la

dimension humaine et sociale maximiserle retour sur investissement dans le

capital humain

11 Compeacutetitiviteacute par les prixObjectif du management de la dimensionhumaine et sociale ameacuteliorer le rapportcoucirctefficaciteacute des ressources humaines

Compeacutetitiviteacute par la qualiteacute de la reacuteponse aux attentes de toutes lesparties concerneacutees par la vie de lrsquoentreprise

Objectif prioritaire du management de la dimension humaine et sociale permettre agrave chacun(e) de se comporter en acteur responsable dans les 4 dimensions ci-dessus

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Audit social focaliseacute sur la mise en oeuvre drsquoun management socialement responsable

2

Audit social focaliseacute sur la maximisation du retour sur investissement dans le laquo social raquo

1

Audit social focaliseacute sur la maicirctrisedes coucircts du laquo social raquo

Fig 3 Evolution des approches de lrsquoaudit social dans les entr

Dlrsquoaudit social se retrouve confronteacute des objectifs et des pratiques originales par rapport agrave celles sur lesquelles il se focalise habituellement avec une extension du regard vers des acteurs laquo partenaires raquo eacutechappant au lien salarial et des peacuterimegravetres drsquoimpact aux frontiegraveres floues Pour identifier clairement cette approche il pourrait drsquoailleurs ecirctre judicieux de passer terme drsquolaquo audit social raquo agrave celui drsquolaquo audit global raquo par analogie avec le concept de laquo responsabiliteacute globale raquo de Pesqueux (2002)

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2 La dynamique drsquoeacutelargissement du reacutefeacuterentiel de performance ndash Le cas des organisations agrave finaliteacute socialesocieacutetale

Lrsquoouverture des reacutefeacuterentiels de performance dans les entreprises agrave des dimensions autres qursquoeacuteconomiques a deacutejagrave fait lrsquoobjet de nombreuses analyses approfondies mecircme si leur eacutetude est loin dlsquoecirctre termineacutee Nous voudrions essayer drsquoapporter - modestement- un autre regard sur cette question de lrsquoeacutelargissement des reacutefeacuterentiels en nous inteacuteressant aux Organisations ayant par nature une finaliteacute drsquoordre social socieacutetal et qui tentent drsquointeacutegrer dans leur peacuterimegravetre de performance une dimension eacuteconomique Nous proposons ici de nous inteacuteresser aux modaliteacutes de pilotage du travail social au sein de Caisse Reacutegionale drsquoAssurance Maladie de Bretagne qui preacutesente la particulariteacute drsquoecirctre la premiegravere CRAM en France agrave avoir obtenu la certification ISO 90012000 pour son Service Social en 2005

21 Les faits Rappelons rapidement quelles sont les principales caracteacuteristiques du travail social Il peut ecirctre deacutefini comme laquo un ensemble tregraves heacuteteacuterogegravene regroupant de multiples activiteacutes speacutecialiseacutees qui tentent de reacutesoudre ou agrave tout le moins de drsquoaccompagner les problegravemes de personnes ou de groupes confronteacutes agrave des difficulteacutes sociales importantes raquo (Ravon 2003) Comme le note Marchand (2005) les domaines drsquointervention des travailleurs sociaux sont multiples - par exemple la veille sociale pour les situations drsquourgence les demandes drsquoaide sociale lrsquoaide sociale agrave lrsquoenfance le soutien eacuteducatif et psychologique des jeunes en difficulteacute et de leurs parents- et de plus le travail social srsquoorganise autour drsquoune multitude drsquoeacuteveacutenements et drsquoacteurs - un systegraveme drsquoactions organiseacutees (depuis lrsquoassistance jusqursquoagrave la meacutediation) de nombreux professionnels (animateurs assistants sociaux eacuteducateurs speacutecialiseacutes etc) diffeacuterentes structures (foyers missions locales etc) des publics varieacutes (personnes handicapeacutees sans emploi surendetteacutees maltraiteacutees etc) avec in fine des interactions qui ne se font pas toujours sans heurts La speacutecificiteacute des activiteacutes drsquoun service social geacutenegravere une forte culture de Meacutetier agrave partir de Valeurs humanistes affirmeacutees drsquoautant plus fortes que le quotidien des travailleurs leur montre agrave quel point elles peuvent ecirctre bafoueacutees Les outils drsquoaudit qui permettent drsquoeacutevaluer si un service social laquo marche bien raquo - le mot laquo performance raquo nrsquoayant pas vraiment droit de citeacute dans cet univers - sont donc fortement impreacutegneacutes des ces Valeurs et reflegravetent la sensibiliteacute des acteurs face agrave la dimension laquo souffrance raquo qui impregravegne leur activiteacute Cette situation se veacuterifiait jusqursquoagrave ces derniegraveres anneacutees au niveau de la CRAM de Bretagne ougrave les Directions deacutepartementales deacutependant drsquoelle avaient eacutelaboreacute des outils de pilotage speacutecifiques aux contextes locaux Afin drsquoavoir une meilleure lisibiliteacute de lrsquoactiviteacute et dans la perspective drsquoune future certification la CRAM a demandeacute aux Directions deacutepartementales drsquoutiliser les mecircmes tableaux de bord afin de pouvoir facilement les consolider et de srsquointeacuteresser agrave des dimensions financiegraveres dont elle devait rendre compte au niveau supeacuterieur Cette initiative a provoqueacute de vives reacuteactions de la part du terrain les cadres deacutepartementaux se montrant solidaires des travailleurs sociaux pour contester lrsquoeacutevaluation de leur

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laquo performance raquo au travers drsquooutils drsquoaudit pas forceacutement coheacuterents avec la vision de leur rocircle et donnant une large place agrave des indicateurs drsquoordre eacuteconomique et financier

22 Les leccedilons agrave en tirer Comment analyser une telle reacuteaction Plusieurs explications peuvent ecirctre avanceacutees

- tout drsquoabord le champ du social socieacutetal se caracteacuterise par la grande une part donneacutee agrave lrsquoaffect du fait du contexte drsquoactiviteacute souvent tregraves eacuteprouvant ce qui peut entraicircner des reacuteactions pouvant paraicirctre excessives par rapport aux donneacutees factuelles

- ensuite les nouveaux indicateurs eacuteconomiques nrsquoont pas eacuteteacute perccedilus - au moins dans un premier temps - comme pertinents par les acteurs locaux pour ameacuteliorer le pilotage de leurs actions

- enfin - et crsquoest peut-ecirctre lrsquoexplication essentielle - autant la requecircte de la Direction reacutegionale pouvait ecirctre perccedilue comme laquo normale raquo tant qursquoelle concernait le champ du social socieacutetal autant elle devenait inacceptable degraves lors qursquoelle srsquointeacuteressait agrave des dimensions eacuteconomiques pour lesquelles son intervention nrsquoallait pas de soi

A y regarder de pregraves nous retrouvons agrave travers ces trois registres drsquoexplications la question fondamentale de la leacutegitimiteacute drsquoune Organisation agrave positionner ses finaliteacutes dans des registres perccedilus comme non conforme agrave son identiteacute Nous retiendrons ici la deacutefinition de Mohib et Sonntag (2003) qui voient dans la leacutegitimiteacute laquo une action ou un usage reconnu et autoriseacute par un groupe cest-agrave-dire un acte qui reacutepond agrave un certain nombre de regravegles eacutetablies (formelles ou tacites) et qui obtient le pouvoir de srsquoaccomplir raquo Par rapport agrave cette deacutefinition nous pouvons constater que les trois raisons que nous avons proposeacutees preacuteceacutedemment srsquoinscrivent dans des registres qui influent bien sur la leacutegitimiteacute de lrsquoOrganisation agrave modifier la nature des critegraveres servant agrave eacutevaluer sa performance En effet puisque la leacutegitimiteacute se construit sur la reconnaissance et lrsquoautorisation drsquoun groupe celui-ci va

- fonder sa deacutecision sur laquo sa raquo perception de la situation (cf la place de lrsquoaffect) - eacutevaluer en quoi cette deacutecision reacutepond agrave ses enjeux (cf lrsquoabsence drsquoameacutelioration du

pilotage) - veacuterifier si la deacutecision est bien conforme aux regravegles eacutetablies (cf la deacutefiance agrave lrsquoeacutegard de

la dimension eacuteconomique) Ce preacutealable pour une Organisation agrave justifier de sa leacutegitimiteacute lorsqursquoelle sort de son reacutefeacuterentiel de performance laquo classique raquo se rencontre lorsque la dynamique va dans le sens laquo social- socieacutetal raquo vers laquo eacuteconomique raquo mais aussi dans le cas inverse quand il srsquoagit drsquoaller de laquo lrsquoeacuteconomique raquo vers le laquo social - socieacutetal raquo (cas des entreprises) Or il est freacutequent que cette eacutetape soit occulteacutee parles entreprises degraves lors qursquoelles estiment (naiumlvement ) que la conformiteacute eacutethique de leurs motivations suffira agrave entraicircner lrsquoadheacutesion de toutes les parties concerneacutees Par exemple si nous reprenons le cas du travail social nous pouvons parfaitement imaginer qursquoune entreprise mette en place des dispositifs drsquoaccompagnement pour des personnes en difficulteacute Rien ne prouve que de telles initiatives soient forceacutement favorablement accueillies uniquement parce qursquoelle fait appel agrave des Valeurs humanistes (par exemple perception par les personnes en difficulteacutes comme un acte paternaliste voire meacuteprisant doutes des intervenants

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de lrsquoentreprise sur lrsquointeacuterecirct ultime de ces actions manque de coheacuterence entre la pression au travail et les mesures compensant les deacutegacircts qursquoelle geacutenegravere) Ces problegravemes risquent de surgir degraves lors que llsquoentreprise nrsquoaura pas valideacute preacutealablement sa leacutegitimiteacute agrave investir de tels champs drsquoaction (crsquoest agrave dire celui reacuteserveacute au travail social)

- en veillant agrave ce que les inteacuteresseacutes ne se sentent pas deacutevaloriseacutes - en veacuterifiant qursquoil nrsquoexiste pas drsquooptions plus efficientes que celles qursquoelle compte mettre

en place - en travaillant de concert avec les acteurs se sentant investis drsquoune leacutegitimiteacute laquo naturelle raquo

face agrave ces questions

3 La recherche de leacutegitimiteacute La construction drsquoune leacutegitimiteacute concerne aussi bien les acteurs internes agrave lrsquoentreprise - qui peuvent consideacuterer que celle-ci perd de vue ses finaliteacutes ndash que les acteurs externes - qui peuvent y voir une ingeacuterence agrave vocation totalitaire dans leur laquo domaine reacuteserveacute raquo Nous retrouvons en fait ici la question des paradigmes qui sous-tendent la repreacutesentation de la relation Personnes entreprise Lrsquoaudit social de premiegravere et de deuxiegraveme geacuteneacuteration dissocie lrsquoentreprise et les Personnes en les consideacuterant comme des ressources (lrsquoentreprise laquo a raquo des salarieacutes et des dirigeants) Cette vision de lrsquoaudit social est fortement inspireacutee de lrsquounivers comptable ougrave lrsquoaudit vise agrave laquo rendre compte raquo agrave des tiers exteacuterieurs agrave la sphegravere drsquoactiviteacute auditeacutee La mise en oeuvre drsquoun audit social eacutelargi neacutecessite de concevoir lrsquoentreprise et les Personnes comme un tout dont les multiples acteurs sont agrave la fois contributeurs et reacutecipiendaires (lrsquoentreprise laquo est raquo les Personnes qui la font vivre) car cette identification va en effet se reacutepercuter dans lrsquoeacutevaluation de la leacutegitimiteacute des actions engageacutees Ce preacute-requis de la leacutegitimiteacute deacutebouche sur la neacutecessiteacute drsquoun apprentissage de nouvelles repreacutesentations pour tous les acteurs concerneacutes (internes et externes) et ne peut ecirctre abordeacute par de simples mesures de type stimulus reacuteponse Il srsquoagit ici de penser la situation en consideacuterant les Personnes dans leur globaliteacute avec leurs Valeurs leurs enjeux et leur affect en travaillant avec les inteacuteresseacutes agrave lrsquoidentification de zones de convergence drsquointeacuterecirct pouvant servir de base agrave des contrats gagnant - gagnant Lrsquoaudit social laquo classique raquoest apparu dans un contexte construit sur le paradigme de lrsquoexclusion qui range un eacuteleacutement dans une entiteacute en excluant qursquoil puisse donc appartenir agrave une autre Si nous voulons eacutelargir lrsquoaudit social agrave des champs imbriqueacutes il est neacutecessaire de changer de paradigme en nous situant dans une logique inclusive ougrave chaque eacuteleacutement peut appartenir agrave plusieurs entiteacutes et donc contribuer au fonctionnement drsquoentiteacutes dont il nrsquoest pas le responsable ultime Les contrats qui pourront alors ecirctre noueacutes entre les diffeacuterentes parties nrsquoimpliquent pas qursquoelles risquent de perdent leur identiteacute (avec agrave la cleacute un deacuteficit de leacutegitimiteacute) mais qursquoelles poursuivent toujours leur finaliteacutes en utilisant toute les voies offertes comme le montre par exemple les partenariats entre entreprises et ONG (Igalens 2004)

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Conclusion Reprenons tout drsquoabord les principaux points de notre analyse

- lrsquoaudit social peut ecirctre envisageacute comme un dispositif visant agrave maicirctriser les modaliteacutes de pilotage de la dimension humaine et sociale afin drsquoameacuteliorer la compeacutetitiviteacute de lrsquoentreprise et par-lagrave mecircme sa performance

- lorsque cette performance est eacutevalueacutee en prioriteacute par rapport aux attentes des acteurs de la sphegravere financiegravere(actionnaires et autres investisseurs) le laquo social raquo est uniquement de lrsquoordre des ressources (cf lrsquoexpression laquo les ressources humaines raquo)

- dans ce cas le laquo social raquo est traiteacute soit comme un coucirct - et lrsquoaudit social se focalise sur les processus permettant drsquooptimiser lrsquoallocation de ressources pour en ameacuteliorer lrsquoefficience - soit comme un investissement - et lrsquoaudit social se focalise alors sur la maximisation du retour sur investissement dans le capital humain

- lorsque le reacutefeacuterentiel de performance srsquoeacutelargit pour prendre en compte les attentes des diverses parties prenantes la dimension humaine et sociale se retrouve agrave la fois de lrsquoordre des ressources et de lrsquoordre des finaliteacutes

- dans ce cas le laquo social raquo est assimileacute agrave tout ce qui peut contribuer au bien-ecirctre de lrsquoHumaniteacute dans les champs de lrsquoeacuteconomique du social (au sens eacutetroit du terme) de lrsquoenvironnemental et du socieacutetal et lrsquoaudit social se focalise alors sur les modaliteacutes de mise en oeuvre drsquoun management socialement responsable

- lrsquoanalyse de la dynamique drsquoeacutelargissement du reacutefeacuterentiel de performance agrave la dimension eacuteconomique dans les Organisations agrave finaliteacutes sociales socieacutetales permet de prendre du recul par rapport au contexte de lrsquoentreprise

- elle permet de mettre en exergue le fait que toute entiteacute souhaitant mettre en place un audit social de troisiegraveme geacuteneacuteration doit preacutealablement justifier de sa leacutegitimiteacute agrave investir des champs consideacutereacutes habituellement comme exteacuterieurs agrave son peacuterimegravetre identitaire

- la mise en oeuvre drsquoun audit social global implique de changer le paradigme de la dissociation Personnes Entreprise et lrsquoappui sur des processus drsquoapprentissage pour passer agrave une repreacutesentation laquo globale raquo drsquoune entiteacute contractuelle Personnes Entreprise leacutegitimant lrsquoextension du reacutefeacuterentiel de compeacutetences

Lrsquoimpeacuteratif de leacutegitimiteacute nous paraicirct ecirctre une des caracteacuteristiques majeures de la mise en œuvre drsquoun audit social eacutelargi qui nrsquoexiste pas speacutecifiquement pour lrsquoaudit social de premiegravere et deuxiegraveme geacuteneacuteration Si lrsquoentreprise veut passer agrave une deacutemarche drsquoaudit social de troisiegraveme geacuteneacuteration - laquo lrsquoaudit global raquo- il faut aussi qursquoelle passe agrave une approche laquo globale raquo des Personnes concerneacutees par son fonctionnement sous peine de voir ses efforts annihileacutes par manque de leacutegitimiteacute Crsquoest par lrsquoimplication de toutes les parties concerneacutees dans des processus partageacutes drsquoapprentissage de nouvelles repreacutesentations que pourra eacutemerger cette reconnaissance de leacutegitimiteacute En conclusion et pour reprendre une formule ceacutelegravebre laquo la Responsabiliteacute Sociale de lrsquoEntreprise est une chose trop seacuterieuse pour ecirctre laisseacutee aux entreprises raquo

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PERCEPTIONS ET VISIONS DE LrsquoAUDIT SOCIAL PAR LES DRH DU MAGHREB Soufyane FRIMOUSSE1 Doctorant agrave lrsquoIAE de Corse Jean-Marie PERETTI2 Professeur ESSEC CERGY et IAE de Corte Preacutesident de lrsquoIAS et Directeur de lrsquoIAE de Corte

Introduction Lrsquoinstitut international de lrsquoaudit social (IAS) a meneacute une enquecircte sur lrsquoimage de lrsquoaudit social aupregraves des DRH et autres parties prenantes pour leurs besoins et attentes en ce qui concerne lrsquoaudit social Les premiers reacutesultats preacutesenteacutes lors de lrsquoUniversiteacute de Printemps de lrsquoAudit Social agrave Marrakech reacutevegravelent que le terme drsquoaudit social est souvent assimileacute agrave une proceacutedure lourde source drsquoune perception neacutegative chez les DRH Neacuteanmoins ce concept est eacutegalement consideacutereacute comme un facteur de progregraves Dans le cadre de lrsquoespace euro-maghreacutebin et des accords entre les trois pays du Maghreb et lrsquoEurope il nous est apparu utile drsquoeacutetudier les convergences euro-meacutediterraneacuteennes en matiegravere drsquoaudit social et de responsabiliteacute sociale Le rapprochement entre lrsquoUnion europeacuteenne et le Maghreb contraint les entreprises locales agrave renouveler leurs politiques et pratiques RH afin drsquoacqueacuterir des avantages compeacutetitifs Dans cette optique les relations partenariales euro- maghreacutebines peuvent contribuer sous certaines conditions au deacuteveloppement des firmes locales et drsquoautre part elles permettent agrave lrsquoaide de partenaires ducircment choisis de diffuser les bonnes pratiques de GRH Ce processus drsquoadoption de politiques et pratiques nouvelles peut ecirctre seacutelectif etou creacuteatif Dans le cadre de cette communication nous examinons lrsquohypothegravese selon laquelle lrsquoapprentissage strateacutegique des pratiques de GRH deacutesignant le mouvement drsquoaccumulation drsquoacquisition de consolidation et de combinaison des ressources et compeacutetences cleacutes favorise la convergence et le recours agrave lrsquoaudit social en nous appuyant sur une eacutetude meneacutee aupregraves de 64 DRH dans les trois pays du Maghreb

1 Apprentissage strateacutegique et Audit Social quels apports Les chercheurs ont souvent mis en eacutevidence la contribution de la fonction Ressource Humaine (FRH) agrave la creacuteation de valeur eacuteconomique et au deacuteveloppement du capital humain tout en srsquointeacuteressant agrave la responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise (RSE) La recherche en sciences de gestion eacutetudie lrsquoalignement entre la Gestion des Ressources Humaines (GRH) et les performances eacuteconomiques et sociales de lrsquoentreprise Dans le cadre de lrsquointernationalisation des firmes dans lrsquoespace euro-maghreacutebin lrsquoapprentissage strateacutegique3 des pratiques de GRH 1 frimousseuniv-corsefr ou sfrimeyahoofr 2 perettiuniv-corsefr ou perettiessecfr 3 La notion drsquoapprentissage strateacutegique a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par De la Ville et Grimaud (2001) Nous compleacutetons leur deacuteveloppement en lrsquoappliquant dans le cadre des pratiques de GRH

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deacutesignant le mouvement drsquoaccumulation drsquoacquisition de consolidation et de combinaison des ressources et compeacutetences cleacutes peut contribuer agrave la conciliation entre les contraintes eacuteconomiques et la responsabiliteacute sociale par le recours agrave lrsquoaudit social Face agrave une concurrence de plus en plus exacerbeacutee les firmes portent un inteacuterecirct croissant aux opportuniteacutes drsquoapprentissage Neacuteanmoins lrsquoacquisition de ressources et compeacutetences nrsquoest pas pour autant systeacutematiquement significative drsquoaccroissement des performances Cette recherche drsquoapports externes preacutesuppose une capaciteacute drsquoaccumulation interne agrave la firme (assimilation et appropriation) De nombreuses publications analysent la theacutematique de lrsquoapprentissage4 Certaines srsquoattachent agrave en deacuteterminer les conditions preacutealables alors que drsquoautres se focalisent sur la distinction des types drsquoapprentissages Seuls quelques travaux eacutetudient ce pheacutenomegravene en tant que mode de transfert et de diffusion des pratiques de GRH Crsquoest dans cette perspective que se situe cette contribution En effet les trois pays du Maghreb peuvent franchir les obstacles provoqueacutes par la creacuteation de la zone de libre eacutechange en attirant des firmes eacutetrangegraveres capables de transfeacuterer des compeacutetences et drsquoune maniegravere geacuteneacuterale de transmettre des modes organisationnelles et des techniques performantes (Laval Guilloux Kalika 1998 Ameziane et alii 1999) Dans cette perspective lrsquoaudit social revecirct un inteacuterecirct majeur

11 Audit Social et apprentissage strateacutegique vecteurs de convergence Lrsquoouverture des frontiegraveres et lapparition de normes internationales sociales et eacutethiques font de laudit social une discipline et une deacutemarche de plus en plus solliciteacutees Le recours agrave lrsquoaudit social contribue agrave renforcer le deacuteveloppement de la GRH Lrsquoaudit social est un instrument drsquoeacutevaluation de la compeacutetitiviteacute des ressources humaines acteurs des performances de lrsquoentreprise et creacuteatrices de valeurs Cet outil strateacutegique participe drsquoune part agrave lrsquoameacutelioration des deacutecisions strateacutegiques et opeacuterationnelles et drsquoautre part agrave la conciliation de lrsquoeacuteconomique du social et de lrsquohumain (Peretti 1998) En drsquoautres termes lrsquoaudit social peut permettre aux entreprises maghreacutebines de continuer agrave faccedilonner des strateacutegies de ressources humaines coheacuterentes crsquoest agrave dire capable drsquoutiliser et de deacutevelopper le potentiel humain afin drsquoecirctre plus performantes Lrsquoaudit social doit eacutegalement favoriser par le biais notamment de lrsquoapprentissage strateacutegique la diffusion du concept de responsabiliteacute sociale des entreprises Cet outil est au service du pouvoir deacutecisionnel de lentreprise Il fournit des constats des analyses objectives des recommandations et des commentaires utiles faisant apparaicirctre des risques de diffeacuterentes natures tels que - le non-respect des textes - linadeacutequation de la politique sociale aux attentes du personnel - linadeacutequation aux besoins des ressources humaines Ce diagnostic peut permettre aux entreprises drsquoassumer leur responsabiliteacute sociale en ameacuteliorant les conditions de travail Cette ameacutelioration passe par la creacutedibiliteacute et les compeacutetences du management la transparence de la communication interne le respect des valeurs de chacun la reacutepartition eacutequitable des opportuniteacutes telles que la reacutemuneacuteration la formation (Benraiumlss Peretti 2003) Les entreprises socialement responsables ont une meilleure image et beacuteneacuteficient drsquoun jugement favorable envers la socieacuteteacute mais aussi leurs employeacutes (Yanat Tchankam 2004)

12 Audit Social diffusion et controcircle de la RSE Le recours agrave lrsquoaudit social peut participer agrave la diffusion des bonnes pratiques GRH vers les entreprises au Maghreb car chaque eacuteleacutement constateacute prend toute sa valeur lorsqursquoil peut ecirctre

4 Dont notamment les travaux de Ingham et Mothe (2000)

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compareacute avec un reacutefeacuterentiel une norme de comparaison Lrsquoaudit social peut concerner le controcircle de la qualiteacute de lrsquoinformation relative au personnel celui de lrsquoapplication des proceacutedures internes ou externes le controcircle encore de la conformiteacute agrave la GRH Lrsquoaudit social doit favoriser la diffusion aux entreprises maghreacutebines du concept de responsabiliteacute sociale des entreprises Selon la commission des communauteacutes europeacuteennes ce dernier correspond agrave laquo lrsquointeacutegration volontaire des preacuteoccupations sociales et eacutecologiques des entreprises agrave leurs activiteacutes commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes raquo (Commission des communauteacutes europeacuteennes 2001 p7) Selon Caroll (1979) la RSE regroupe les attentes eacuteconomiques leacutegales eacutethiques et discreacutetionnaires que la socieacuteteacute a des entreprises Dans sa pyramide de la responsabiliteacute sociale il distingue un niveau eacuteconomique leacutegal eacutethique et philanthropique Srsquoagissant du niveau eacuteconomique Caroll rappel que lrsquoentreprise se doit de produire des biens et services afin de reacutepondre aux besoins de la socieacuteteacute tout en reacutealisant des profits Concernant lrsquoaspect leacutegal lrsquoentreprise est dans lrsquoobligation de respecter la loi et la reacuteglementation Les standards les normes et attentes de la socieacuteteacute vis agrave vis de ce qursquoelle considegravere comme juste repreacutesente la partie eacutethique Enfin le niveau philanthropique repreacutesente lrsquoensemble des actions engageacutees par lrsquoentreprise dans le but drsquoecirctre une entreprise citoyenne Pour Lorriaux (1991) la RSE se deacutecline en deux grands niveaux une responsabiliteacute agrave lrsquoeacutegard des employeacutes (conditions de travail reacutemuneacuterations) responsabiliteacute agrave lrsquoeacutegard de la socieacuteteacute agrave travers la diffusion de produits la preacuteservation de lrsquoenvironnement lrsquoameacutelioration de la qualiteacute de vie Lrsquoaudit social peut donc permettre de diffuser et de veacuterifier les engagements dans le domaine de la RSE mais eacutegalement de controcircler et drsquoaccompagner les processus de certification et de normalisation (Allouche et alii 2004 Saulquin 2004) La certification repose sur une repreacutesentation formaliseacutee des activiteacutes productives en tant que reacutesultat drsquoun processus drsquoacquisition et drsquoaccumulation de connaissances Les normes de management de la qualiteacute ISO 9000 srsquoinscrivent dans cette logique5 Selon Beacuteneacutezech et alii (2001 2003) le processus de certification est susceptible de geacuteneacuterer des effets drsquoapprentissage Garantir la qualiteacute des services ou produits proposeacutes par le biais de la certification sous-entend que les caracteacuteristiques du mode de production puissent ecirctre deacutecrits et maicirctriseacutes par lrsquoentreprise Les processus de certification et de normalisation induisent la formalisation des pratiques et proceacutedeacutes et soulignent lrsquoimplication et la mobilisation des ressources humaines (Chaouki et Yanat 2004) Au-delagrave de la qualiteacute ce sont les normes sociales que lrsquoaudit doit eacutegalement srsquoefforcer de controcircler La certification selon une norme sociale srsquoappuie sur le respect des droits fondamentaux hygiegravene et seacutecuriteacute de travail discipline horaires de travail reacutemuneacuteration La certification sociale suppose une conformiteacute eacutetablie (Igalens et Peretti 2004) Selon Theacutevenet (1999) lrsquoaudit social analyse la qualiteacute et lrsquoefficaciteacute des interactions du binocircme individuorganisation Bien eacutevidemment lrsquoaudit social eacutetablit un constat dont lrsquoobjectif est drsquoengager une action visant agrave ameacuteliorer la relation de lrsquoindividu au sein de lrsquoentreprise Pour Joras (2004) lrsquoaudit social est laquo une deacutemarche mandateacutee et indeacutependante drsquoexamen et drsquoeacutevaluation drsquoune part pour assurer que les processus (process proceacutedures proceacutedeacutes) et les performances documenteacutees qui en reacutesultent reacutepondent aux exigences drsquoun reacutefeacuterentiel stipuleacute et drsquoautre part pour en deacutegager et mesurer les eacutecarts en preacutecisant eacuteventuellement de leurs origines leurs causes leurs impacts et conseacutequences raquo (Joras 2004 p244) 5 La famille des normes ISO 9000 a eacuteteacute eacutelaboreacutee en 1987 par lrsquoInternational Standars Organization Ces normes se rapportent au deacutepart speacutecifiquement agrave lrsquoassurance qualiteacute Elles deacutecrivent un systegraveme permettant drsquoanticiper et de preacutevenir les erreurs agrave chaque phase du processus de production (Beacuteneacutezech et Loos-Baroin 2003)

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2 Audit Social au-delagrave de la diffusion de la RSE la conciliation entre performances eacuteconomiques et sociales

Lrsquoaudit social srsquoappuie sur la notion de performance sociale Cette derniegravere est eacutetroitement lieacutee aux interactions du binocircme entreprisesocieacuteteacute En effet lrsquoentreprise agit dans un environnement social politique et eacutecologique En ce sens elle se doit drsquoassumer des responsabiliteacutes leacutegales et eacuteconomiques mais aussi des responsabiliteacutes sociales La responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise a pris naissance au sommet de Rio en 1992 Ce mouvement nrsquoappreacutehendait que lrsquoaspect environnemental Depuis cette notion srsquoest eacutetendue aux salarieacutes notamment

21 Performance sociale quelques preacutecisions Les travaux de Caroll (1979) constituent une eacutetape importante dans la modeacutelisation de la performance sociale de lrsquoentreprise6 Trois dimensions dominent le modegravele de Carroll les principes de responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise (RSE) articuleacutes autour de quatre ensemble (eacuteconomique leacutegal eacutethique et discreacutetionnaire) les difficulteacutes sociales (discriminations racialeshellip) et le mode de reacutesolution retenu afin drsquoassumer la responsabiliteacute de lrsquoentreprise Wartick et Cochran (1985) complegravetent lrsquoapproche de Caroll en preacutecisant la dimension laquo gestion des domaines sociaux raquo (identification analyse reacuteponseshellip) Wood (1991) preacutesente une deacutefinition de la performance sociale de lrsquoentreprise (PSE) fondeacutee sur les principes de responsabiliteacute sociale mais eacutegalement les processus de gestion les politiques et reacutesultats observables lieacutes aux relations sociales de lrsquoentreprise De son cocircteacute Clarkson (1995) deacutefinit la PSE comme la capaciteacute agrave geacuterer la satisfaction des parties prenantes7 Cette deacutefinition met le point sur lrsquoimpeacuterative obligation pour une entreprise de consideacuterer lrsquoensemble de ses partenaires En effet la performance diffegravere selon le type drsquoacteurs Pour les uns la dimension eacuteconomique et financiegravere est agrave privileacutegier alors que pour drsquoautres la dimension sociale est plus importante (Le Louarn et Wils 2001) En ce sens il revient agrave lrsquoentreprise drsquoeacutetablir un eacutequilibre entre les diffeacuterentes demandes tout en conciliant les impeacuteratifs eacuteconomiques et les obligations sociales (Saulquin 2004) La recherche drsquoindicateurs sociaux de performance8 (ISP) srsquoinscrit dans cette perspective

22 Vers une direction de la RSE Morin Guindon et Boulianne (1996) proposent des ISP agrave partir de quatre critegraveres la mobilisation des salarieacutes le climat de travail le rendement des salarieacutes et le deacuteveloppement des salarieacutes Les principaux indicateurs sont le taux drsquoabsenteacuteisme le taux drsquoaccidents la chiffre drsquoaffaires par salarieacute lrsquoeffort de formation et la mobiliteacute interne des salarieacutes Par conseacutequent la FRH est ameneacutee agrave consideacuterer le salarieacute comme un client interne dont la satisfaction agit sur les performances de lrsquoentreprise (Peretti 1999) Selon Igalens (2003) la fonction de Direction des Ressources Humaines srsquooriente vers une direction de la Responsabiliteacute Sociale Saulquin (2004) regroupe les pratiques sociales deacutecrites pas Pfeffer 6 Le lecteur inteacuteresseacute par une synthegravese des principaux modegraveles theacuteoriques de PSE peut se reacutefeacuterer agrave lrsquoarticle de Igalens et Gond (2003) 7 laquo Les activiteacutes de lrsquoentreprise associent diffeacuterents partenaires que lrsquoon groupe en parties prenantes ou stakeholders Il drsquoagit des actionnaires (stockholders) des fournisseurs partenaires et salarieacutes raquo (Tarondeau et Huttin 2001 p169) 8 La pertinence des indicateurs nrsquoest pas assureacutee pour toutes les entreprises car les objectifs strateacutegiques diffegraverent drsquoune entreprise agrave une autre (Le Louarn et Wils 2001)

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(1994) en quatre cateacutegories lrsquoemploi (seacutecuriteacute et seacutelectiviteacute) la reacutemuneacuteration (promotion interne inteacuteressementhellip) le deacuteveloppement individuel et le contexte au travail (lrsquoimplication la formation la mobiliteacute et la polyvalencehellip) et la vision RH des dirigeants (eacutevaluation des pratiques sociales philosophie feacutedeacuteratricehellip) En somme la notion de performance sociale se structure autour de deux grandes orientations theacuteoriques la premiegravere est fondeacutee sur le triptyque principesprocessus de gestion comportements et actions concregravetes et la seconde sur la consideacuteration des parties prenantes Igalens et Gond (2003) eacutevoquent la difficulteacute agrave mesurer la performance sociale En se basant sur les travaux de Decock-Good (2001) Igalens et Gond (2003) reacutepertorient les mesures de la performance sociale en cinq cateacutegories9 les mesures axeacutes sur le contenu des rapports annuels les indices de pollution les mesures issues drsquoenquecirctes par questionnaire les indicateurs de reacuteputation et les donneacutees produites par les organismes de mesures Dans le cas du processus drsquoapprentissage strateacutegique et de lrsquoaudit social reacutealiseacute dans le cadre de lrsquointernationalisation des firmes dans les trois pays du Maghreb lrsquoadoption de bonnes pratiques doit srsquoinseacuterer dans une dynamique de conciliation des performances eacuteconomiques et sociales Comme le soulignent Igalens et Peretti il srsquoagit laquo de veacuterifier qursquoune entreprise dit ce qursquoelle fait et fait ce qursquoelle dit qursquoelle le fait dans les regravegles de lrsquoart et qursquoelle maicirctrise les risques qui pegravesent sur elle raquo (Igalens et Peretti 2004 p241) Lrsquoutilisation drsquoun reacutefeacuterentiel connu et accepteacute constitue la principale caracteacuteristique drsquoun travail drsquoaudit Ce reacutefeacuterentiel doit ecirctre adapteacute selon les contextes et situations locales Dans cette perspective il semble inteacuteressant drsquoobtenir des informations relatives agrave la perception et agrave la vison de lrsquoaudit social des DRH du Maghreb

3 Visions et perceptions de lrsquoAudit Social par les DRH au Maghreb la reacutealiteacute empirique

La speacutecificiteacute des terrains drsquoinvestigation associeacutee au caractegravere exploratoire de la recherche amegravene agrave combiner deux meacutethodologies afin drsquoanalyser lrsquoobjet de la recherche par le biais de la triangulation des donneacutees laquo between methods raquo (Jick 1979 Ecoto 2004 Rymeyko 2004) La reacutealisation des entretiens donne lieu agrave la production de connaissances crsquoest agrave dire une repreacutesentation inductive de la reacutealiteacute Lrsquoentretien et lrsquoanalyse de contenu permettent drsquoexplorer la theacutematique concernant lrsquoASPGRH aupregraves drsquoun eacutechantillon de joint ventures euro-maghreacutebines10 Cette analyse qualitative amegravene agrave lrsquoeacutelaboration puis agrave la validation de lrsquoeacutechelle de mesure de lrsquoASPGRH Le questionnaire reprend lrsquoeacutechelle de mesure valideacutee et autorise la collecte de donneacutees sur un eacutechantillon plus important Cette communication isole une theacutematique du questionnaire lrsquoaudit social Lrsquoexploitation des 64 questionnaires recueillis dans les trois pays du Maghreb est reacutealiseacutee agrave lrsquoaide du logiciel SPSS

9 Il nrsquoest pas dans notre intention de deacutevelopper de maniegravere exhaustive ces cateacutegories Ce travail ayant deacutejagrave eacuteteacute reacutealiseacute par Igalens et Gond (2003) Lrsquoeacutenumeacuteration des diffeacuterents critegraveres deacutemontre toute la difficulteacute agrave mesurer la PSE Dans le cas de cette communication les dimensions environnementales ne seront pas consideacutereacutees car elles ont fait lrsquoobjet de multiples recherches et ont atteint plus de reacutesultats visibles Lrsquoaxe social et les critegraveres de gestion des ressources humaines sont privileacutegieacutes 10 Le lecteur inteacuteresseacute par les premiers reacutesultats de lrsquoanalyse qualitative peut se reacutefeacuterer agrave lrsquoarticle de Frimousse et Peretti publieacute dans le la revue Management et avenir ndeg5 (2005)

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31 Recueil et exploitation Dans le cadre de cette recherche lrsquoenquecircte en face agrave face a eacuteteacute retenue Cette meacutethode neacutecessite notre intervention sur le terrain de recherche afin drsquoenregistrer le plus fidegravelement possible les reacuteponses des personnes interrogeacutees La qualiteacute de la relation enquecircteurenquecircteacute est fonction de la stimulation de la personne interrogeacutee et du climat de lrsquoentretien Afin drsquoeacuteviter des biais de conformisme (donner des reacuteponses attendues) et de deacutesirabiliteacute sociale la reformulation et lrsquoutilisation drsquoun vocabulaire familier est neacutecessaire Le choix de ce type drsquoenquecircte semble adapteacute au contexte maghreacutebin En effet au-delagrave de la longueur du questionnaire lrsquoimportance de la culture orale et de lrsquoidentification de lrsquoenquecircteur dans les pays du Maghreb ont motiveacute le recours agrave cette meacutethode de collecte Apregraves avoir choisi le mode de recueil des donneacutees il convient maintenant de constituer lrsquoeacutechantillon et deacutefinir sa taille Au preacutealable la deacutemarche empirique de la recherche eacutetait fondeacutee sur lrsquoanalyse des joint ventures euro-maghreacutebines Chemin faisant et dans lrsquooptique drsquoune analyse comparative et compleacutementaire de lrsquoASPGRH il srsquoest aveacutereacute souhaitable drsquoeacutetendre le champ drsquoinvestigation aux diffeacuterentes modaliteacutes drsquointernationalisation des firmes dans divers secteurs drsquoactiviteacutes (filiales greenfield investment prises de participation dans les programmes de privatisationhellip) Lrsquouniteacute drsquoeacutechantillonnage est le DRH ou le dirigeant Ce sont les uniteacutes qui sont lrsquoobjet de lrsquoobservation Dans la preacutesente enquecircte la base de sondage cest-agrave-dire la liste exhaustive des DRH de la population nrsquoexiste pas Seule des listes imparfaites sont disponibles dans certains organismes professionnels dans les pays maghreacutebins Par conseacutequent la constitution de lrsquoeacutechantillon se fait par choix raisonneacute Le tableau 1 et le graphique 1 preacutesentent les caracteacuteristiques de lrsquoeacutechantillon Tableau 1 preacutesentation de lrsquoeacutechantillon Pays Nombre de DRH Modaliteacute drsquoimplantation Maroc 46 20 26 Algeacuterie 7 3 4 Tunisie 11 6 5 Total 64 29 JV 35 FMN

transports et communicationscommerces et serviceshocirctels et restaurationindustriesproduction distribution de ressourcestravaux publics

secteurs dactiviteacutes

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Le scheacutema 1 preacutesente les eacutetapes de lrsquoanalyse exploratoire Scheacutema 1 Lrsquoanalyse exploratoire

Analyse exploratoire

Analyse et traitement agrave lrsquoaide du logiciel

Questionnaire Preacute-test

Collecte des donneacutees

Echantillon de lrsquoeacutetude exploratoire

JV euro-maghreacutebines Autres modaliteacutes drsquointernationalisation des firmes

32 Preacutesentation des reacutesultats un Audit Social agrave double dimension Drsquoapregraves les reacutesultats il semble que les DRH attribuent majoritairement un rocircle positif agrave lrsquoaudit social A la lecture des tableaux de lrsquoanalyse reacutealiseacutee avec le logiciel SPSS il est possible drsquoaffirmer que lrsquoaudit social occupe un rocircle agrave double dimension La premiegravere srsquoinscrit dans une perspective de benchmarking Selon les DRH il srsquoagit de se comparer et de se situer Lrsquoaudit social procure un reacutefeacuterentiel agrave partir duquel il est possible de srsquoeacutevaluer et de se deacutevelopper Lrsquoautre dimension concerne la mise aux normes et la veacuterification des engagements en termes de normes sociales En ce sens les deux dimensions srsquoinscrivent dans une recherche drsquoaccroissement des performances eacuteconomiques mais eacutegalement sociales

321 Une dimension benchmarking Pour 90 des personnes interrogeacutees lrsquoaudit social est une aide au deacuteveloppement de lrsquoentreprise En fait lrsquoanalyse approfondie fait ressortir que lrsquoaudit social est assimileacute agrave un reacutefeacuterentiel11 sur lequel se baser afin de poursuivre le deacuteveloppement de lrsquoentreprise Pris dans leur ensemble 78 des DRH affirme que lrsquoaudit social offre une occasion de se situer par rapport aux firmes partenaires Dans la mecircme perspective 82 considegravere lrsquoaudit social comme un moyen de se confronter afin de diagnostiquer ses forces et faiblesses Pris isoleacutement les reacutesultats des analyses des deux cibles rencontreacutees convergent dans le mecircme sens (Cf Infra tableau 1) Aucune diffeacuterence nrsquoest agrave souligner Cette distinction souligne la double logique de positionnement et de perfectionnement inheacuterente agrave lrsquoaudit social Pour 80 des DRH lrsquoaudit social doit conseiller et accompagner le deacuteveloppement de lrsquoentreprise Les

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11 Un reacutefeacuterentiel peut ecirctre consideacutereacute comme un ensemble drsquoeacuteleacutements par rapport auquel on eacutevalue la reacutealiteacute Lrsquointeacuterecirct reacuteside dans lrsquoeffet levier vis-agrave-vis de la performance (Meignant A et R Dapegravere 1994)

reacutesultats confirment donc lrsquoimportance du benchmarking12 laquo Il faut se comparer avec les meilleurs Cela permet de se situer de voir agrave quel niveau nous sommes et agrave quel niveau nous souhaitons arriver Les auditeurs sociaux sont capables drsquoeacutetablir un diagnostichellip A partir de lagrave il est possible de se perfectionner Un audit pour se faire auditer nrsquoa aucun sens Il faut srsquoinscrire dans une deacutemarche de deacuteveloppement raquo13 Ce dernier permet agrave une firme de comparer sa performance avec celles des compeacutetiteurs aidant ainsi agrave progresser (Voss et alii 1997) Pour Longbottom (2000) le benchmarking se deacutefinit comme une recherche des pratiques efficaces14 Hyatt (2001) abonde dans ce sens en affirmant que cette technique est un processus continu drsquoidentification drsquoapprentissage et de mise en place des pratiques exemplaires dans le but drsquoaccroicirctre la compeacutetitiviteacute Les reacutesultats de la recherche de Saint-Pierre et alii (2002) meneacutee aupregraves de PME canadiennes eacutetablissent une relation de cause agrave effet positif entre benchmarking et performance La deacutemarche de benchmarking srsquoappuie sur plusieurs eacutetapes dont lrsquoidentification de la performance agrave ameacuteliorer la seacutelection des partenaires de benchmarking la recherche des informations dans lrsquoentreprise et chez les partenaires seacutelectionneacutes le traitement de lrsquoinformation la mise en place drsquoun plan drsquoaction pour atteindre les objectifs de performance (Matmati Schmidt 2001)

Tableau 2 Rocircles attribueacutes agrave lrsquoaudit social Logique de positionnement Joint venture 75 oui Multinationale 80 oui Logique de perfectionnement Joint venture 90 oui Multinationale 75 oui Veacuterification des normes sociales Joint venture 60 oui Multinationale 77 oui

322 Une dimension sociale et la consideacuteration de la contingence culturelle Lrsquoanalyse reacutevegravele que lrsquoaudit social est aussi consideacutereacute comme un vecteur de convergence et de veacuterification de certaines normes sociales La veacuterification du respect de certains engagements sociaux tels que le non emploi des enfants et le respect des conditions de travail sont majoritairement mentionneacutes dans les trois pays et ce quelques soient les modaliteacutes drsquoimplantation et les secteurs drsquoactiviteacutes Suit le rapport reacutemuneacuterationcontribution avec 73 des reacuteponses La discrimination hommefemme nrsquoest pas consideacutereacutee comme une norme

12 Le benchmark est un repegravere de geacuteomegravetre marquant une position Il est utiliseacute comme laquo norme raquo point de reacutefeacuterence permettant de positionner les eacutevaluations 13 Les phrases teacutemoins sont issues de lrsquoanalyse qualitative 14 Quatre types de benchmarking sont agrave distinguer Le benchmarking interne consiste agrave comparer les opeacuterations reacutealiseacutees au sein de la firme mecircme mais aussi agrave travers les filiales Le benchmarking compeacutetitif correspond agrave une comparaison speacutecifique avec des concurrents Dans cette configuration les protagonistes basent leurs comparaisons sur des terrains neutres et non pas strateacutegiques Le benchmarking fonctionnel est une comparaison de fonctions similaires entre entreprises non concurrentes Dans le cas du benchmarking geacuteneacuterique les comparaisons se reacutealisent entre entreprises de secteurs diffeacuterents sur des processus ou meacutethode de travail (Brilman 2000)

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sociale agrave respecter Il est inteacuteressant de constater que lrsquoaudit social reacutealiseacute en tant que controcircle est geacuteneacuteralement rejeteacute En effet la totaliteacute des DRH rencontreacutees estiment que lrsquoaudit social nrsquoest pas un controcircle Ce dernier srsquoexplique certainement par la connotation neacutegative attribueacutee au controcircle dans la dimension culturelle de ces pays laquo Les auditeurs sociaux ne doivent pas ecirctre des controcircleurs Ici la composante anti-arrogance est tregraves importante Qursquoest ce qursquoil veut celui-lagrave De quoi me parle-t-il raquo Drsquoailleurs la quasi-totaliteacute des DRH affirment que la contingence culturelle est le principal facteur agrave consideacuterer dans les proceacutedures drsquoaudit social laquo Ici on parle de soi diffeacuteremment on agit diffeacuteremment Les auditeurs sociaux se doivent de consideacuterer les reacutealiteacutes locales Ce nrsquoest pas lrsquoEurope raquo Dans le domaine manageacuterial la diversiteacute culturelle15 se manifeste agrave travers notamment lrsquoattitude agrave lrsquoeacutegard de la hieacuterarchie lrsquoapproche du travail la maniegravere drsquoexprimer ses opinions Lrsquoapproche de lrsquoeacutequiteacute peut ecirctre diffeacuterente comme lrsquoont montreacute les travaux comparatifs entre le Maroc et la France (Benraiumlss Peretti 2003) En ce sens si les cultures nationales influent sur les perceptions des individus il est primordial drsquoen tenir compte dans les pratiques et meacutethodes drsquoAudit Social laquo Quand pour geacuterer il faut savoir susciter lrsquoenthousiasme de ceux que lrsquoon dirige et eacuteviter de les scandaliser on a besoin de comprendre ce qui enthousiasme et scandalise raquo (DrsquoIribarne 1989 p266) Cette capaciteacute agrave comprendre puis agrave srsquoadapter aux speacutecificiteacutes drsquoune situation drsquointeraction interculturelle est deacutesigneacutee dans le concept de compeacutetence interculturelle (CI) (Hofstede 1994 Trompenaars Hampden-Turner 2001 Bartel-Radic 2003) Les DRH estiment majoritairement que le recours agrave lrsquoaudit social dans les entreprises au Maghreb est limiteacute par lrsquoabsence de ressources financiegraveres 85 drsquoentre eux jugent que les auditeurs sociaux sont insuffisamment formeacutes au contexte micro eacuteconomique maghreacutebin Dans le cadre de la reacuteflexion relative agrave lrsquoaction manageacuteriale la prise en compte du couple uniteacute-diversiteacute dans un contexte de globalisation exacerbeacutee constitue un impeacuteratif Cette laquo intelligence des situations raquo16 doit pousser les entreprises agrave se meacutefier des dangers de la standardisation17 Ainsi si lrsquoaudit social et la RSE sont universels sur le plan theacuteorique leurs mises en œuvre dans la pratique ne peuvent ecirctre que contingente car ils sont influenceacutes par lrsquoenvironnement micro et macro eacuteconomique (Tak Tak Kallel 2004) BIBLIOGRAPHIE Allouche J Huault I et G Schmidt 2004 laquo Responsabiliteacute sociale des entreprises la mesure deacutetourneacutee raquo 15 iegraveme Congregraves annuel de lrsquoAGRH Montreacuteal

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15 Selon G Hofstede la culture laquo est par essence une programmation mentale collective crsquoest cette partie de notre conditionnement que nous partageons avec les autres membres de notre nation mais aussi de notre reacutegion de notre groupe et non avec ceux drsquoautres nations drsquoautres reacutegions ou drsquoautres groupes raquo (Hofstede 1987 p10) 16 Expression emprunteacutee agrave M Bosche (1993) 17 laquo Lrsquoouverture multiculturelle des eacutequipes dirigeantes et la diversiteacute des ressources culturelles mobilisables forment une composante strateacutegique du succegraves des activiteacutes internationales raquo (Prime 2001 p66)

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Wood

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LA SITUATION DE LA RSE EN ITALIE ET UNE EXPERIENCE PILOTE DE CERTIFICATION PAR UN AUDIT INTEGRE Giovanni GUALANDI1 Membre du Conseil National AIDP (wwwaidpit) Consultant RINA et enseignant dans les Cours SAI pour Auditeurs SA8000 Avocat et Juge de paix

Reacutesumeacute Ce rapport preacutesente lrsquoeacutetat actuel de la RSE en Italie les outils les plus freacutequemment utiliseacutes et lrsquointeacuterecirct speacutecifique pour les standards auditables en particulier pour la norme eacutethique SA8000 On y analyse le parcours historique du concept de la RSE et ses applications en Italie face aux applications internationales En 2004 un nouveau systegraveme de certification inteacutegreacutee le BEST4 de la socieacuteteacute italienne RINA qui utilise quatre standards internationaux de RSE a eacuteteacute conccedilu et mis en oeuvre on preacutesente ici une application pilote dans une grande entreprise agrave renommeacutee mondiale la Compagnie de navigation laquo Costa Crociere raquo du Groupe Carnival La conclusion porte sur la neacutecessiteacute dans un marcheacute de plus en plus mondialiseacute de standards sociaux univoques et internationaux et de ce fait compreacutehensibles et veacuterifiables dans le monde entier

1 La situation actuelle Les thegravemes de la RSE deacutejagrave mis en eacutevidence par les observateurs eacuteconomiques soucieux des problegravemes de Corporate governance (gouvernance drsquoentreprise) ont susciteacute un inteacuterecirct de plus en plus grandissant en Italie apregraves la publication en deacutecembre 2004 du Social Statement - sorte de grille drsquoauto-eacutevaluation et explication des initiatives sociales drsquoentreprise - du Ministegravere italien du Travail et des Politiques Sociales On y propose encore la deacutefinition traditionnelle de RSE du Livre Vert europeacuteen de 2001 laquo Inteacutegration volontaire des probleacutematiques sociales et eacutecologiques dans les opeacuterations commerciales et dans les rapports avec les parties prenantes raquo mais le document gouvernemental eacutelargit avantageusement les thegravemes drsquoobservation du Social Statement - par rapport au Livre Vert ldquocentreacute surtout sur la responsabiliteacute des entreprises dans le secteur socialrdquo- aux rapports avec les consommateurs et agrave la preacutevention de la corruption A partir drsquooctobre 2003 le Ministegravere italien des Affaires Etrangegraveres srsquoest en revanche engageacute dans une action de support de lrsquoinitiative de lrsquoONU pour la RSE ndash le Global Compact - et a financeacute le projet ldquoDeacuteveloppement durable par le Global Compactrdquo Ce projet repreacutesente une forme novatrice de soutien et de promotion inteacutegreacutee du Global Compact de la deacuteclaration tripartite de lrsquoOIT et des Lignes Directrices OCDE - en tant qursquooutils internationaux fondamentaux en matiegravere de RSE et de dimension sociale de la globalisation - au sujet des entreprises multinationales La finaliteacute du Ministegravere eacutetait de concreacutetiser lrsquoideacutee que les entreprises italiennes peuvent veacutehiculer les principes fondamentaux en matiegravere de RSE dans

1 gualandi_ityahooit

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le contexte international et en particulier dans les pays destinataires de la coopeacuteration italienne En ce qui concerne la diffusion de la RSE il faut souligner les reacutesultats drsquoun releveacute expeacuterimental Istat de 2004 presque 70 des 10000 moyennes et grandes entreprises prises en consideacuteration adoptait un ou plusieurs outils de RSE Le thegraveme principal pour 60 des entreprises eacutetait le traitement des deacutechets suivi par le choix des fournisseurs (33) Seulement 11 reacutedigeait un bilan social ce dernier outil a eacuteteacute adopteacute par 2000 entreprises en Italie Drsquoautres releveacutes montrent que le pourcentage drsquoengagement dans le secteur social est en tout cas en augmentation tant pour le nombre drsquoentreprises inteacuteresseacutees que pour la somme moyenne investie (valeur estimeacutee supeacuterieure agrave 180000 euros en 2004) Lrsquoentreacutee en vigueur de la loi de 2001 qui a eacutetablit en Italie la responsabiliteacute laquo peacutenale raquo de lrsquoentreprise pour certains deacutelits commis par ses fonctionnaires a contribueacute agrave la diffusion des codes deacuteontologiques et eacutethiques dans les entreprises On peut ajouter que le regraveglement du prix italien laquo Oscar du Bilan raquo (eacutedition 2004) a requis pour la premiegravere fois la preacutesentation du bilan social en plus du compte-rendu eacuteconomique Le Conseil national des experts comptables est en train drsquoeacutetudier des Lignes directrices pour la reacutedaction du bilan social en accord avec les laquoinformations relatives agrave lrsquoenvironnement et au personnelraquo introduites par la Directive europeacuteenne n512003 dans les comptes-rendus eacuteconomiques Le gouvernement italien a envisageacute plusieurs initiatives pour 2005 des campagnes de promotion et information (teacuteleacutevision radio et presse eacutecrite) une Rencontre Nationale sur les ldquobest practicesrdquo de RSE qui se tiendra chez FERRARI Automobiles et la creacuteation agrave Milan drsquoun Centre national permanent de recherche sur la RSE LrsquoINAIL (Institut National pour lrsquoAssurance Accidents de Travail) a eacutetabli que pour acceacuteder en 2005 agrave la reacuteduction du taux tarifaire moyen de lrsquoassurance contre les accidents de travail les entreprises devront neacutecessairement avoir mis en oeuvre au moins une des interventions indiqueacutees dans le regraveglement dont la premiegravere est laquo Lrsquoentreprise a adopteacute ou tient un comportement socialement responsable selon les principes de la RSE eacutetablis par le Ministegravere du Travail et des Politiques Sociales et a effectueacute par conseacutequent des interventions qui visent agrave ameacuteliorer la seacutecuriteacute et la santeacute sur les lieux de travail raquo Au-delagrave des initiatives culturelles et de solidariteacute (souvent ldquopromotionnellesrdquo et en tout cas eacutetrangegraveres agrave la ldquogestion drsquoentrepriserdquo socialement responsable) les principaux outils de RSE en Italie sont - selon la distinction introduite par la Commission Europeacuteenne dans son lsquoMapping 2003rsquo des outils internationaux de RSE - les codes eacutethiques drsquoentreprise les systegravemes de compte-rendu (Bilan social Balance ambiante Social Statement) et les scheacutemas de certification (SA8000 ISO14001 EMAS) A fin 2004 les entreprises italiennes doteacutees de certifications environnementales eacutetaient drsquoenviron 5000 celles certifieacutees SA8000 eacutetaient au nombre de 167 dont la distribution geacuteographique est montreacutee agrave la Fig1 A celles-ci srsquoajoutent les fournisseurs tenus au respect de la norme On estime ainsi agrave plus de 6000 au total les entreprises devant se conformer au standard de gestion eacutethique du personnel LrsquoItalie est la nation ougrave le standard international SA8000 est le plus reacutepandu (167 entreprises certifieacutees en Italie presque 30 des 572 certifieacutees dans le monde entier) vraisemblablement les entreprises considegraverent avantageux drsquoexhiber une preuve sucircre de leur engagement social comme cela apparaicirct dans la recherche CE 2 et de plus lrsquoeffet en cascade incite souvent les fournisseurs agrave se certifier

2 ldquomany organisations aspire to use logos prizes and awards as a visible signal to the marketplace as to their performancehellip the certification logo acts as a proxy indicator as to performancerdquo (Mapping instruments for CSR - CE 2003)

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En outre quelques reacutegions (notamment la Toscane) ont soutenu et favoriseacute une telle certification Aujourdrsquohui plusieurs entreprises en Italie demandent aux consultants des outils pour srsquoinitier agrave la conduite eacutethique des affaires Tous les experts considegraverent le standard SA8000 comme la meilleure reacutefeacuterence en tant qursquooutil drsquoinformation et de veacuterification de la tutelle des droits des travailleurs et le controcircle des fournisseurs Le systegraveme de gestion peut en outre favoriser lrsquoameacutelioration des relations drsquoentreprise et le deacuteveloppement de techniques manageacuterielles plus adeacutequates agrave la nouvelle sensibiliteacute des travailleurs Enfin la diffusion de la norme SA8000 peut ecirctre favoriseacute du fait que de grandes entreprises par ex le groupe de la COOP Consommateurs ou la Compagnie de navigation COSTA CROCIERE ont choisi de se certifier Il faudrait ajouter que la norme SA8000 est tregraves souvent adopteacutee par des entreprises non certifieacutees pour la gestion des controcircles externes sur leurs fournisseurs Il en est ainsi par exemple avec lrsquoAssociation europeacuteenne de distributeurs FTA - Foreign Trade Association - par le projet BSCI - Business Social Compliance Initiative - Trente groupes (comme Metro Migros Celio Coop Suisse Etam Quelle CampA) ont deacutejagrave adopteacute le BSCI en premiegravere instance focaliseacute seulement sur le secteur textile mais eacutetendu reacutecemment aux secteurs alimentaire et agricole en commenccedilant par Espagne et Maroc Une initiative analogue est la deacutenommeacutee AVE mise en place par les distributeurs allemands et hollandais Seuls les organismes de certification agreacuteeacutes par lrsquoorganisation ameacutericaine SAI peuvent deacutelivrer les attestations de certification SA8000 lrsquoorganisme geacutenois RINA qui organise aussi les cours SAI de formation pour auditeurs par le biais de lrsquoassocieacutee RINA Industry est le plus actif en Italie Le RINA a eacutegalement creacuteeacute BEST4 un scheacutema de certifications inteacutegreacutees de lrsquoengagement social vers les diffeacuterents stakeholders (obtenu par quelques grandes entreprises entre autres Costa Crociere du Groupe Carnival) qui reacuteunit en un seul systegraveme de gestion quatre certifications ISO9001 Qualiteacute + ISO14001 Environnement + OHSAS18001 Seacutecuriteacute + SA8000 Droit de lrsquohomme Une telle solution apparaicirct aujourdrsquohui comme le meilleur compromis face agrave la tendance agrave creacuteer de nouvelles certifications (europeacuteennes italiennes etc) la mondialisation de plus en plus accentueacute des marcheacutes rend en effet illogique et agrave contre courant lrsquoeacuteloignement des standards internationaux reconnus dans le monde entier Par ailleurs aucune norme internationale globale de RSE est en gestation lrsquoISO eacutelaborera pour 2008 seulement un document agrave caractegravere non normatif (ISO26000) pour eacuteclaircir le concept de RSE et ses implications Cette position suit la logique de lrsquoOCDE sur le sujet speacutecifique de la lsquoCorporate governancersquo pour lequel nrsquoont eacuteteacute eacutelaboreacutees que des lignes directrices agrave niveau mondial

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Distribuzione percentuale delle certificazioni SA8000

Toscana

Lombardia

Veneto

Emilia-R

Lazio

Campania

Piemonte

Liguria

Puglia

Umbria

Abruzzo

Sicilia

Marche

Friuli

Basilicata

Sardegna

Trentino

Fig1 Percentage des certifications par Reacutegions au 31122004

En Italie on a reacutecemment souligneacute lrsquoimportance des indices de RSE en rapport agrave la rentabiliteacute des entreprises perccedilue par les stakeholders en particulier par les investisseurs Une eacutetude de lrsquoUniversiteacute Bocconi montre que certains des critegraveres de RSE (le degreacute drsquoappreacuteciation de la communauteacute la gestion du personnel la qualiteacute perccedilue du serviceproduit) contribuent pertinemment agrave la deacutefinition du rapport entre le cours boursier et le compte-rendu eacuteconomique de lrsquoentreprise (price-to-book-value) Par conseacutequent on deacutemontre que la RSE a une valeur sur le marcheacute financier en agissant sur la creacutedibiliteacute strateacutegique des entreprises Le Livre Vert soulignait deacutejagrave en 2001 cette theacuteorie reacutecemment des sondages montrent que les theacutematiques de la RSE ont gagneacute une place fondamentale dans lrsquoeacutevaluation des entreprises pour presque 90 des professionnels intervieweacutes en USA (84 en Europe et 82 en Asie - voir note agrave les pages 7-8)

2 Le parcours historique Valeria Fazio et les autres co-auteurs de laquo La Responsabiliteacute Sociale drsquoEntreprise raquo nous rappellent que traditionnellement la mission principale de lrsquoentreprise eacutetait de produire un deacuteveloppement et des reacutesultats eacuteconomiques satisfaisants dans le respect des lois La responsabiliteacute - pour une entreprise - nrsquoeacutetait-elle limiteacutee qursquoagrave garder une place financiegravere satisfaisante sur le marcheacute Dans cette logique le Prix Nobel drsquoeacuteconomie Milton Friedman affirmait en 1962 dans lsquoCapitalism and Freedomrsquo laquo Il nrsquoy a qursquoune responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise augmenter ses profits raquo Mecircme si le prof Zamagni a souligneacute agrave ce propos que agrave preacutesent personne ne soutiendrait une pareille affirmation (Milton Friedman non plus) il arrive assez souvent que de nos jours un chef drsquoentreprise le cite confondant le concept de RSE avec celui de meacuteceacutenat ou de bienfaisance

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Le deacutebat sur le thegraveme de la RSE a pris naissance dans les anneacutees 50 aux USA et successivement srsquoest reacutepandu en Europe drsquoinnombrables traiteacutes et interpreacutetations se sont accumuleacutes avant lrsquoeacutelaboration drsquoune deacutefinition exhaustive et geacuteneacuteralement accepteacutee du concept de RSE Certains ont consideacutereacute la RSE comme une ldquoresponsabiliteacute juridiquerdquo drsquoautres lrsquoont vue comme la recherche drsquoune nouvelle leacutegitimiteacute dans un systegraveme capitaliste ayant perdu son eacutelan drsquoautres encore comme ldquola neacutecessiteacute - parfois teinteacutee drsquointentions charitables - pour lrsquoentreprise de consacrer une partie de ses profits au bien-ecirctre geacuteneacuteralrdquo La deacutefinition proposeacutee en 1953 par Bowen apparaicirct un peu geacuteneacuterique mais interessante agrave cause de son relativisme la RSE serait ldquole devoir des hommes drsquoaffaires de poursuivre ces politiques de prendre ces deacutecisions de suivre ces lignes drsquoaction qui sont souhaitables en fonction des objectifs et des valeurs reconnus par la socieacuteteacuterdquo On peut arrecircter officiellement en 1995 la naissance du thegraveme de la RSE en Europe lorsque un groupe drsquoentreprises leader solliciteacutees par Jacques Delors (agrave cette eacutepoque ex-preacutesident de la Commission Europeacuteenne) signe le ldquoManifeste des Entreprises contre lrsquoexclusion socialerdquo La publication du Manifeste ainsi que sa signature de la part drsquoun influent groupe drsquoentreprises repreacutesenta un tournant marquant dans le deacutebat autour de la RSE dans les pays agrave plus solide tradition civile on commenccedila agrave eacutelaborer de nouveaux modegraveles drsquointervention A Bruxelles naicirct ldquoCSR Europerdquo qui constitue un reacuteseau drsquoassociations drsquoentreprises comme ldquoBusiness in the Communityrdquo en Angleterre ldquoSodalitasrdquo en Italie et lrsquo ldquoInstitut pour le Meacuteceacutenat Humanitaire drsquoentrepriserdquo en France Le vrai tournant dans lrsquoeacutevolution de lrsquoengagement sur la RSE eut lieu en 2000 au Sommet de Lisbonne les Chefs drsquoEtat et de Gouvernement europeacuteens se fixegraverent comme finaliteacute de ldquofaire de lrsquoEurope lrsquoespace eacuteconomique knowledge based le plus dynamique et compeacutetitif du monde capable drsquoun deacuteveloppement eacuteconomique durable et drsquoune plus forte coheacutesion socialerdquo Ils firent eacutegalement appel au sens de responsabiliteacute sociale des entreprises pour une collaboration synergique agrave la reacutealisation de cet objectif En 2001 la Commission Europeacuteenne publie le Livre Vert ldquoPromouvoir un Cadre Europeacuteen pour la Responsabiliteacute Sociale des Entreprisesrdquo suivi en 2001 de ldquoResponsabiliteacute Sociale une contribution des entreprises au deacuteveloppement durablerdquo Le concept de RSE puise ses racines bien plus profondeacutement dans le contexte eacuteconomique et culturel italien On peut citer des entreprises qui eacutetaient deacutejagrave ouvertes agrave la responsabiliteacute sociale agrave lrsquoaube de lrsquoindustrialisation du Pays par des programmes et des œuvres de bienfaisance Il srsquoagissait dans la plupart des cas drsquoeacutepisodes isoleacutes fruit drsquoun choix personnel drsquoun chef drsquoentreprise eacuteclaireacute On rappellera agrave ce propos lrsquoexpeacuterience des tisseurs de Crespi drsquoAdda au tout deacutebut du vingtiegraveme siegravecle qui constitue lrsquoexemple le plus significatif de laquo village ouvrier raquo en Italie On y ameacutenagea le territoire autour de lrsquoentreprise agrave eacutechelle humaine afin que le travail et la vie priveacutee et sociale puissent coexister harmonieusement Par la suite lrsquoarticle 41 de la Constitution italienne du 1947 deviendra sans aucun doute une importante reacutefeacuterence agrave la RSE ldquoLrsquoinitiative eacuteconomique priveacutee est libre Elle ne peut srsquoexercer en srsquoopposant agrave lrsquoutiliteacute sociale ou de maniegravere agrave porter atteinte agrave la seacutecuriteacute agrave la liberteacute agrave la digniteacute humaine La loi deacutetermine les programmes et les controcircles opportuns pour que lactiviteacute eacuteconomique publique et priveacutee puisse ecirctre orienteacutee et coordonneacutee vers des fins socialesrdquo Les initiatives qui ont accentueacute le rocircle social de lrsquoentreprise ont eacuteteacute nombreuses surtout agrave cause drsquoune plus grande importance des Participations de lrsquoEtat et de lrsquoattitude socialement responsable de certains chefs drsquoentreprise qui ont influenceacute profondeacutement la culture italienne drsquoentreprise

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Parmi les entrepreneurs du secteur priveacute il y eut Adriano Olivetti (1901-1960) En geacuterant sa grande entreprise il fut attentif aux retombeacutees sociales persuadeacute que la finaliteacute de lrsquoentreprise est de produire des richesses creacuteer des postes de travail distribuer dans la communauteacute le produit du succegraves obtenu sur le marcheacute Il affirmait en particulier que la fideacuteliteacute des travailleurs leur stabiliteacute leur participation convaincue et intelligente jouaient un rocircle essentiel dans son entreprise Lrsquoentrepreneur Gaetano Marzotto jr (1894-1972) observa eacutegalement qursquoon pouvait eliminer les conflits dans lrsquo entreprise uniquement par des interventions visant agrave renforcer son interdeacutependance avec la socieacuteteacute A ses yeux la socieacuteteacute preacutesentait des contradictions encore agrave reacutesoudre comme lrsquoabsence de services sociaux essentiels en preacutesence de bas salaires lrsquoinsalubriteacute des habitations et le deacuteveloppement deacutesordonneacute du territoire Ses convictions le poussegraverent agrave bacirctir agrave Valdagno entre 1927 et 1937 la ldquociteacute socialerdquo expeacuterience jugeacutee par certains comme eacutetant le plus important complexe italien drsquoœuvres sociales Selon Enrico Mattei (1906-1962) lrsquoentreprise priveacutee et encore plus celle du secteur public doivent prendre en charge non seulement la production des richesses mais aussi les problegravemes sociaux lrsquooccupation et la valorisation des ressources humaines ainsi que les eacutecoles les hocircpitaux et les logements Au tournant du siegravecle le deacutebat sur la RSE srsquoinsegravere dans le mouvement europeacuteen et atteint une dimension plus structureacutee On assiste en Italie en accord avec les eacuteveacutenements europeacuteens agrave la naissance du deacutebat sur lrsquoeacutethique des processus eacuteconomiques auquel participent non seulement des experts mais aussi des PDG et des chefs drsquoentreprise et la RSE srsquoaffirme comme un paradigme de strateacutegie et drsquoorganisation visant agrave garantir la valeur de lrsquoentreprise dans une perspective de longue haleine Au-delagrave des interventions publiques de support de nombreux facteurs ont joueacute un rocircle consideacuterable dans lrsquoeacutevolution des systegravemes eacuteconomiques vers la responsabiliteacute sociale - Les soucis et les attentes vis-agrave-vis drsquoun marcheacute de plus en plus global et compeacutetitif des citoyens des consommateurs des employeacutes des actionnaires et des autoriteacutes publiques qui demandent aux entreprises une attention particuliegravere agrave la transparence agrave la durabiliteacute et agrave lrsquoeacutethique dans les affaires Il suffit de rappeler lrsquoexemple du controcircle de la chaicircne des fournisseurs Au-delagrave de la qualiteacute des produits les consommateurs et leurs associations sont de plus en plus attentifs au comportement de lrsquoentreprise agrave lrsquoeacutegard de problegravemes eacutethiques sociaux et environnementaux lieacutes aux activiteacutes commerciales et de production Dans ce contexte il est impeacuteratif que lrsquoentreprise puisse geacuterer les rapports avec les fournisseurs tout en gardant un controcircle raisonnable mais deacutemontrable sur toute la chaicircne de la fourniture - Lrsquoutilisation de critegraveres eacutethiques et socio-environnementaux de seacutelection dans les choix des investisseurs - Les pressions des ONG agrave partir drsquoactiviteacutes drsquoinformation de mobilisation civile de lobbying politique exerceacutees par des associations diffeacuterentes (par exemple pour la deacutefense des droit de lrsquohomme ou la protection de lrsquoenvironnement) jusqursquoau boycottage contre les entreprises dont les produits les activiteacutes ou les strateacutegies sont consideacutereacutes socialement irresponsables - Le malaise grandissant ducirc agrave la deacutegradation de lrsquoenvironnement provoqueacutee par lrsquoactiviteacute industrielle

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- La transparence agrave niveau planeacutetaire de lrsquoactiviteacute de lrsquoentreprise creacuteeacutee par les medias et les technologies modernes de lrsquoinformation et de la communication

Un bon exemple de la situation deacutecrite au premier point est le mobbing ou harcegravelement moral au travail pheacutenomegravene qursquoon peut renvoyer agrave la nouvelle sensibilisation et prise de conscience des travailleurs Symptomatique du malaise vis-agrave-vis de pratiques deacutesormais inacceptables le ldquomobbingrdquo manifeste eacutegalement lrsquoexigence drsquoune gestion des ressources humaines plus attentive agrave la psychologie des personnes agrave leur fragiliteacute eacutemotionnelle et digniteacute humaine donc lrsquoexigence drsquoune plus grande responsabiliteacute sociale et eacutethique des organisations face au besoin de lsquojoie de vivrersquo des gents (GBecattini) Les eacutetudes drsquoeacuteconomie expeacuterimentale et cognitive sur les comportements irrationnels des consommateurs (qui en 2002 ont valu le Nobel agrave VSmith et DKahneman) deacutemontrent agrave quel point le psychisme et les suggestions eacutemotionnelles envahissent les secteurs traditionnels de la rationaliteacute Les entreprises et les organisations devraient porter une extrecircme attention aux motivations altruistes ou relationnelles ou aux facteurs psychologiques deacutependants de la sphegravere affective qui peuvent conditionner les deacutecisions des stakeholders drsquoune maniegravere incontrocirclable et impreacutevisible En particulier les impulsions eacutemotionnelles prennent le dessus si le manque drsquoinformations ou lrsquoimpossibiliteacute de les eacutelaborer rend impossible le choix rationnel on parle alors de rationaliteacute limiteacutee de lrsquoindividu Lrsquoentreprise peut y pallier par la communication drsquoinformations correctes et veacuterifiables voire certifieacutees Dans plusieurs situations le leacutegislateur a deacutejagrave imposeacute lrsquoobligation agrave lrsquoinformation minimale ou preacutedisposeacute des tutelles vis-agrave-vis des ldquoasymeacutetries drsquoinformationrdquo (par exemple les normes europeacuteennes en faveur du consommateur) Dans la mecircme optique le lsquoCommittee on Financial Marketrsquo de lrsquoOCDE a reacutecemment proposeacute le ldquoManifeste pour lrsquoeacuteducation des investisseurs et des eacutepargnantsrdquo Toutes les observations preacuteceacutedentes confirment la validiteacute de lrsquoarticle lsquoIl nrsquoy a de saine performance que dans lrsquoeacutequilibrersquo eacutecrit en 1994 par Peter Doyle de lrsquoUniversiteacute de Warwick Dans la rosace agrave la fig2 il montre comme lrsquoentreprise se doit de reacutepondre aux attentes des stakeholders dans le souci de leur eacutevolution et dans un effort drsquoeacutequilibre Les plus reacutecents sondages (par exemple celui de lrsquoEconomist Intelligence Unit 2005 en bas de page) ont porteacute au premier plan des attentes et des sensibiliteacutes plus fortement lieacutees aux thegravemes de la responsabiliteacute sociale qui peuvent modifier la hieacuterarchie des valeurs de reacutefeacuterence des parties prenantes3

3 The Economist ndash Economist Intelligence Unit 2005 ldquoA total of 88 of executives said that CR is a ldquocentralrdquo or ldquoimportantrdquo consideration in decision-making This compares with 54 of executives who said it was a ldquocentralrdquo or ldquoimportantrdquo consideration five years ago The biggest percentage change between now and five years ago was among European executives A total of 46 said CR was ldquocentralrdquo or ldquoimportantrdquo five years ago compared with 84 at the present time In Asia the proportion rose from 49 to 82 and in North America from 66 to 88 The survey of professional investors reveals a sharper trend Eighty-one percent of those surveyed said CR was currently a ldquocentralrdquo or ldquoimportantrdquo consideration in their investment decisions compared with 34 who said it was ldquocentralrdquo or ldquoimportantrdquo five years ago In fact 14 of them said CR was not a consideration at all five years ago Now not a single investor said it was not a considerationrdquo

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Fig 2 Lrsquoeacutequilibre du laquo systegraveme agrave multifinaliteacutes raquo

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Lrsquoeacutequilibre du laquo systegraveme agrave multifinaliteacutes raquo(Le rosace de Peter Doyle ndash Universiteacute de Warwick 1994)

ENTREPRISE

CADRES EMPLOYES

MINORITES

COMMUNAUTE

CREANCIERSACTIONNAIRESCLIENTS

FOURNISSEURS

Pouvoirs publics

SeacutecuriteacuteReacutemuneacuteration

Satisfaction au le travail

ReacutemuneacuterationPrestigePouvoir

ImpocirctsEmplois

Paiements reacuteguliersPeacuterenniteacute de lrsquoactiviteacute

Qualiteacute des produitsService Valeur

DividendesCroissance et

seacutecuriteacute du capital

InteacuterecirctsSeacutecuriteacute du capital

Emploi eacutequitableNon-discrimination

EmploiEnvironnement

Il ne faut pas oublier lrsquoinfluence de la plus reacutecente Theacuteorie Sociale de lrsquoEglise Dans lrsquoEncyclique lsquoCentesimus annusrsquo (1991) le Pape Jean Paul II affirmait que ldquo la valeur sociale drsquoune entreprise ne peut pas ecirctre reacuteduite agrave la seule theacutematique du profit et du bien ecirctrehellip mais doit reconnaicirctre la centraliteacute de lrsquoindividu qui constitue le vrai critegravere de toute rationaliteacute eacuteconomique ou politiquehellip Le deacuteveloppement inteacutegral de la personne humaine ne contredit pas mais plutocirct favorise une plus grande productiviteacute et efficaciteacute du travailhellip Le profit nrsquoest pas lrsquounique finaliteacute de lrsquoentreprise il faut consideacuterer drsquoautres facteurs humains et moraux qui dans une plus longue perspective sont eacutegalement essentiels pour la vie de lrsquoentrepriserdquo Lrsquoeacutevocation de la prioriteacute du travail contenue dans lsquoLaborem exercensrsquo (1981) souligne la penseacutee du Pape Wojtyla ne pas se contenter uniquement de lrsquooptimum eacuteconomique mais aussi rapporter lrsquoefficaciteacute eacuteconomique agrave sa finaliteacute fondamentale le deacuteveloppement de lrsquohomme Une telle approche relationnelle permet agrave lrsquoentreprise de donner un ldquorocirclerdquo et une ldquovaleurrdquo aux multiples sujets (individus autoriteacutes publiques groupes politiques) avec lesquels - directement ou indirectement - elle opegravere ainsi que de les inciter agrave lrsquoaction et aux propositions dans un esprit de responsabiliteacute partageacutee et reacuteciproque

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3 Quelques consideacuterations sur les tendances en Italie Plusieurs experts associations et organisations srsquooccupent en Italie de RSE Parmi les expeacuteriences les plus significatives au niveau de lrsquoeacutelaboration on trouve le projet Q-RES de 2001 conccedilu par Lorenzo Sacconi de lrsquoUniversiteacute de Trento en collaboration avec le Centre for Ethics Law amp Economics de la LIUC de Castellanza qui nrsquoa toutefois pas connu une grande diffusion agrave cause de sa complexiteacute drsquoapplication De telles propositions ont une certaine valeur culturelle de sensibilisation et approfondissement conceptuel de la RSE Dans une logique de marcheacute globaliseacute elles sont limiteacutees par une faible diffusion et de ce fait elles ne sont pas drsquoune particuliegravere utiliteacute aux entreprises engageacutees sur le marcheacute international ldquoLa finaliteacute du projet Q-RES est de promouvoir une vision de lrsquoorganisation baseacutee sur le contrat social avec les stakeholders par la deacutefinition drsquoun nouveau standard certifiable de responsabiliteacute etico-sociale qui sauvegarde la reacuteputation et la fiabiliteacute de lrsquoentreprise A ce propos le Projet Q-RES propose un modegravele pour le systegraveme de gestion des organisations qui adopte un ensemble drsquooutils finaliseacutes agrave la responsabiliteacute eacutethico-sociale de lrsquoentreprise et envisage un standard certifiable pour la gestion du systegraveme Les lignes directrices Q-RES publieacutees par lrsquoorganisme CELE en juillet 2001 preacutesentent un modegravele de gouvernance des relations entreprise-stakeholders baseacute sur un ensemble complet et inteacutegreacute drsquooutils Il y a six outils pour reacutealiser le systegraveme de gestion pour la responsabiliteacute eacutethico-sociale dans le modegravele Q-RES

- VISION ETHIQUE - CODE ETHIQUE - FORMATION ETHIQUE - SYSTEMES DrsquoORGANISATION DE LA REALISATION ET CONTROLE - COMPTE RENDU ETHICO-SOCIAL - VERIFICATION EXTERIEURE

Lrsquoeacuteleacutement novateur du Projet Q-RES reacuteside dans lrsquointeacutegration des outils La fonction dans le meacutecanisme de la reacuteputation justifie la preacutesence de chaque outil qui a la vocation drsquoaccroicirctre la confiance des stakeholders vers lrsquoorganisation Neacuteanmoins aucun des outils nrsquoest suffisant agrave lui seul eacutetant conccedilu comme une partie drsquoun systegraveme doteacute drsquoune logique interne Le modegravele de responsabiliteacute sociale drsquoentreprise deacutecrit dans les lignes directrices Q-RES a eacuteteacute deacuteveloppeacute degraves ses origines en tenant compte de deux caracteacuteristiques fondamentales ecirctre observable et veacuterifiable de lrsquoexteacuterieur Pour opeacuterer dans cette logique on a estimeacute opportun de se reacutefeacuterer aux plus reacutecentes normes sur les systegravemes de gestion (ISO 9000 eacutedition 2000)rdquo (Dalle Linee Guida Q-RES alla norma certificabile per la responsabilitagrave etico-sociale drsquoimpresa) La norme SA8000 suit les mecircmes logiques et constitue un standard international reacutepandu et appliqueacute (voir la recherche citeacutee ldquoMapping instruments for CSRrdquo de la Commission Europeacuteenne) quel sens et quelle utiliteacute peut preacutesenter pour les entreprises confronteacutees agrave des partenaires clients investisseurs agrave niveau planeacutetaire la proposition drsquoun outil ldquoitalienrdquo puisque lrsquoespace europeacuteen mecircme est deacutesormais trop limiteacute On peut deacutevelopper un pareil raisonnement pour les outils italiens du Bilan Social

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La recherche europeacuteenne cite uniquement les standards de compte-rendu GRI et AA1000 les deux eacutetant similaires entre eux comme outils globaux Comme Valeria Fazio a bien souligneacute le systegraveme GBS outil le plus reacutepandu en Italie est eacutegalement tregraves semblable du moins dans son organisation geacuteneacuterale STRUCTURE ET CONTENU DU BILAN SOCIAL GBS 21 IDENTITE DE LrsquoORGANISATION

bull 211 Ameacutenagement de lrsquoinstitution bull 212 Valeurs bull 213 Mission bull 214 Strateacutegies bull 215 Politiques

22 PRODUCTION ET REPARTITION DE LA VALEUR AJOUTEE bull 221 Balancement avec la comptabiliteacute geacuteneacuterale drsquoexercice bull 222 Le tableau de deacutetermination de la Valeur Ajouteacutee bull 223 Le tableau de reacutepartition de la VA parmi les stakeholders

23 RAPPORT SOCIAL bull Sections fondamentales bull 231 Contenus du rapport (objectives etc) bull 232 Identiteacute des parties inteacuteresseacutees - stakeholders bull 233 Politiques vers les stakeholders bull Sections inteacutegratives bull 234 Opinions des stakeholders bull 235 Benchmarks et informations bull 236 Ameacutelioration du budget social (projet)

Est-il donc utile de deacutevelopper un autre systegraveme agrave niveau local Ne serait-il pas mieux de trouver un accord sur des applications raisonneacutees des outils internationaux agrave lrsquoentreprise ou au secteur speacutecifique Confrontons les preacutemisses au systegraveme italien du GBS avec celles du GRI ldquoLa collectiviteacute exprime de plus en plus intenseacutement des besoins et des attentes qui influencent la croissance de lrsquoentreprise le concept de deacuteveloppement et de durabiliteacute Le consensus et la leacutegitimation sociale permettent par ailleurs agrave lrsquoentreprise drsquoaugmenter ses profits et drsquoecirctre favoriseacutee dans la compeacutetition pour les marcheacutes La conscience grandissante du rocircle des entreprises dans le secteur social vient accroicirctre lrsquointeacuterecirct pour la theacuteorie et la pratique de la communication sociale Quelques deacutecennies auparavant on consideacuterait suffisant de communiquer exclusivement les donneacutees relatives au cours eacuteconomique et financier de la geacutestionrdquo (Bilan Social du GBS) ldquoLa GRI (Global Reporting Initiative) reconnaicirct que le deacuteveloppement du cadre de reacutefeacuterence global pour le reporting est un projet de longue haleine Par exemple le reporting financier a vu le jour il y a plus drsquoun demi siegravecle et pourtant il est encore en eacutevolution Les lignes directrices de 2002 reflegravetent le point de vue du Conseil de Direction du GRI sur le reportiong agrave un moment donneacute ce qui repreacutesente un choix dans un eacuteventail drsquoalternatives possiblesrdquo (GRI - Lignes Directrices sur le Reporting de Durabiliteacute 2002) Le rapport de

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lrsquoEconomist Intelligence Unit 2005 sur la RSE souligne lrsquoimportante diffusion et les nombreuses adheacutesions au systegraveme GRI4 Srsquoil est vrai que ldquotoute socieacuteteacute reconnaicirct des valeurs et des finaliteacutes diffeacuterentes qursquoon ne peut pas reconduire agrave un systegraveme uniquerdquo (Max Weber) la RSE tout comme lrsquoeacutethique doit tenir compte des speacutecificiteacutes du lieu et du moment historique ougrave elle est appliqueacutee 5 La reacuteflexion doit par conseacutequent se porter sur lrsquoopportuniteacute drsquoutiliser des langages et des outils communs pour confronter des reacutealiteacutees lointaines mais soudainement rapprocheacutees par lrsquoeacutevolution de plus en plus rapide des marcheacutes le choix drsquooutils non standardiseacutes entraicircnerait lrsquoobligation de modifier ou de re-calibrer les outils avec une perte de temps et de compeacutetitiviteacute irreacuteparable Le super-manager Carlos Ghosn redresseur de Nissan et agrave partir de Mai 2005 responsable de Renault et Nissan a eacutecrit agrave ses employeacutes ldquoNotre eacutepoque a un label qui srsquoimpose aux entreprises et aux nations le deacutepassement des frontiegraveres Lrsquoentreprise doit opeacuterer agrave eacutechelle planeacutetaire - srsquoappuyant sur des collaborateur issus de multiples cultures - et profite de la disparition de ses propres barriegraveres Creacuteatrice de valeur ouverte agrave la diversiteacute culturelle et transversale dans son organisation telle est ma vision de lrsquoentreprise performante du 21egraveme siegraveclerdquo Quant agrave la position de ceux qui considegraverent speacutecifique de la RSE seulement ldquoce qui deacutepasse les obligations preacutevues par les loisrdquo (reacuteglementation eacutetatique contraignante opposeacutee agrave engagement volontaire) il suffit drsquoobserver que - vu la complexiteacute et lrsquoapplication dans tout secteur des normes (nationales et internationales) - une telle distinction apparaicirct surtout en Europe inutile et limitative Les consideacuterations contenues dans le rapport de la World Bank de 2002 apparaissent bien approprieacutees les lsquobest practicesrsquo peuvent dans plusieures situations se transformer en normes leacutegales et la RSE peut de toute maniegravere ecirctre utile agrave une plus efficace observation des normes existantes6 Ce qui dans la RSE peut vraiment aller au delagrave des lois est alors un systegraveme volontaire de management de la conformiteacute (tant aux lois qursquoaux best practices qursquoaux exigences des parties prenantes) Aux moyens de communication des et pour les stakeholders au controcircle des fournisseurs etc correspond le troisiegraveme ndash et plus haut ndash des trois degreacutes de la responsabiliteacute morale

bull 1 le respect des droits bull 2 la sensibiliteacute agrave la speacutecificiteacute des individus titulaires des droits bull 3 la prise en charge avec empathie des besoins et des droits des parties prenantes

4 ldquoMore than 10000 individuals and 3000 listed companies have helped to develop the standards of the Global Reporting Initiative (GRI) an organisation based in Amsterdam trying to create a single global measure for CR performance Among its corporate clients implementing GRI standards are Bayer Canon Deutsche Bank General Motors Heineken and Shellrdquo 5 ldquohellipdonner une reacuteponse aux deacutefis du monde actuel tout en respectant lrsquoidentiteacute et les traditions des socieacuteteacutes milleacutenairesrdquo ndash L Planas Ambassadeur drsquoEspagne au Maroc 6 ldquohellip considering only those initiatives that provide incentives for business to go ldquobeyond compliancerdquo would fail to take account of the dynamic linkages between voluntary approaches and regulation and the potential for voluntary initiatives of various kinds to crystallize over time into mandatory minimum standards Neither doeshellipthe rigid ldquovoluntary versus regulatoryrdquo make sense in the context of developing countryrdquo

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4 Une proposition de scheacutema de certification inteacutegreacute le BEST4 Lrsquointernationalisation et la rapide eacutevolution des marcheacutes lrsquoaffirmation grandissante de la mondialisation et la concurrence des pays agrave bas niveau de salaires poussent un nombre de plus en plus important drsquoorganisations de pays deacuteveloppeacutes agrave rechercher des outils nouveaux pour affronter la confrontation internationale drsquoune faccedilon compeacutetitive Les derniegraveres eacutevolutions des marcheacutes tendent agrave seacutelectionner et exclure les entreprises qui opegraverent aux marges des regravegles et des principes universalement reconnus comme basiques dans la culture juridique et sociale La demande du marcheacute porte agrave reconsideacuterer les caracteacuteristiques intrinsegraveques des produits au-delagrave du concept de la qualiteacute immeacutediatement perceptible On precircte une plus grande attention agrave lrsquoengagement de lrsquoentreprise agrave opeacuterer selon les principes de la responsabiliteacute sociale Par conseacutequent lrsquointeacuterecirct est porteacute sur les eacuteleacutements qualitatifs relieacutes aux modaliteacutes de production aux garanties de seacutecuriteacute agrave la provenance du bien ou des services agrave lrsquoimage de lrsquoentreprise et agrave sa capaciteacute de produire deacuteveloppement eacuteconomique durable agrave la sauvegarde de la santeacute et de la seacutecuriteacute des travailleurs De nos jours la compeacutetitiviteacute - vue comme la capaciteacute de produire du profit dans lrsquoimmeacutediat mais aussi dans le moyen et long terme - implique une approche orienteacutee vers une philosophie de preacutevention ainsi que vers des capaciteacutes de controcircle et gestion de multiples variables tregraves fortement relieacutees entre elles Pour rendre creacutedible et reconnaissable lrsquoengagement des organisations agrave ameacuteliorer ce genre de prestations la socieacuteteacute RINA du groupe ldquoRegistro Italiano Navalerdquo a eacutelaboreacute le scheacutema de certification BEST4 (acronyme de Business Excellence Sustainable Task) Il srsquoagit drsquoun systegraveme inteacutegreacute de gestion qui reacuteunit dans un unique processus de certification les quatre standards ISO 90012000 (qualiteacute) ISO 140012004 et EMAS (environnement) OHSAS 180011999 (seacutecuriteacute) et SA80002001 (eacutethique) On peut pourtant le consideacuterer un veacuteritable scheacutema pour la gestion des variables essentielles pour la compeacutetitiviteacute sur les marcheacutes (fig3) Les tendences des marcheacutes ont progressivement porteacute agrave lrsquoeacutelaboration de standards volontaires mais auditables qui visent agrave la gestion correcte des variables mentionneacutees selon des modegraveles internationaux et garantissent les eacutechanges eacuteconomiques entre les entreprises de secteurs et pays diffeacuterents La proceacutedure de certification preacutevue pour obtenir le BEST4 est baseacutee sur une veacuterification inteacutegreacutee effectueacutee par un unique groupe drsquoeacutevaluation Il veacuterifie la correcte application des normes ISO 9001 ISO 14001 OHSAS 18001 et SA 8000 et reacutedige ensuite un unique rapport drsquoaudit vis agrave vis drsquoun systegraveme de gestion inteacutegreacute Une telle approche permet agrave lrsquoentreprise de concentrer toute lrsquoactiviteacute de deveacuteloppement du systegraveme et drsquoaudit en une seule fois au lieu de la reacutepeacuteter pour chaque norme Elle permet eacutegalement de mieux planifier les activiteacutes drsquoameacutelioration drsquoentraicircnement et de communication et de reacuteduire ce qui nrsquoest pas neacutegligeable les coucircts de consultation et de certification gracircce agrave une gestion plus efficace des temps drsquoeacutetude formalisation et audit Une vision drsquoentreprise qui considegravere fondamentales les probleacutematiques relatives agrave la qualiteacute (ISO 9001) agrave lrsquoenvironnement (ISO14001) agrave la santeacuteseacutecuriteacute (OHSAS 18001) et agrave la responsabiliteacute sociale agrave lrsquoeacutegard des travailleurs (SA8000) aboutit agrave lrsquoexigence de reacutealiser un systegraveme de gestion inteacutegreacute pour geacuterer au mieux ces variables Des nombreuses organisations reacutealisent deacutejagrave des Systegravemes de Gestion qui integravegrent deux scheacutemas de certification Par exemple la mise en place de Systegravemes de Gestion Inteacutegreacutes Qualiteacute-Environnement de plus en plus reacutepandue ne comporte aucun problegraveme particulier On trouve de mecircme des exemples drsquointeacutegration de trois Systegravemes de Gestion On nrsquoavait jamais essayeacute de reacuteunir quatre scheacutemas

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Fig 3 Inteacutegration des Systegravemes de Gestion des certifications

Clientes Fournisseurs Sous-traitants ISO 9001

Travailleurs Fournisseurs Sous-traitants SA 8000

Scheacutema inteacutegreacute de gestion de la RSE - Parties prenantes

Communauteacute Environnement ISO 14001

Travailleurs Sous-traitants OHSAS 18001

Les analyses effectueacutees montrent que les quatre scheacutemas de certifications mentionneacutes concernant les Systegravemes de Gestion des Organisations ne contiennent aucun eacutelement ou principe en opposition Mieux encore ils preacutesentent plusieurs caracteacuteristiques communes comme par exemple la structure de base du Systegraveme de Gestion la recherche de lrsquoameacutelioration continue par lrsquoutilisation du modegravele cyclique PDCA (Plan Do Check Act) et la proceacutedure de reacuteexamen moyen irremplaccedilable de collecte drsquoinformations La norme ISO 9001 analyse speacutecifiquement la compatibiliteacute du Systegraveme de Gestion Qualiteacute avec drsquoautres systegravemes de gestion soit comme extension du Systegraveme de Gestion de la Qualiteacute vers drsquoautres systegravemes soit agrave lrsquoinverse drsquoautres systegravemes vers celui de la Qualiteacute Un tel principe geacuteneacuteral sur la compatibiliteacute entre systegravemes de gestion et Systegraveme de Gestion de la Qualiteacute eacutenonceacute dans la norme ISO 9001 est valable eacutegalement dans les rapport reacuteciproques entre les autres normes analyseacutees Notamment la norme ISO 9001 ldquoa eacuteteacute aligneacutee sur la norme ISO 140011996 pour accroicirctre la compatibiliteacute entre les deux normes au beacuteneacutefice des utilisateursrdquo Le standard OHSAS 180011999 preacutesente une structure tregraves similaire agrave celle de la norme ISO 140011996 en ce qui concerne la succession des paragraphes On en deacuteduit lrsquointention de lrsquoorganisme anglais concepteur de simplifier la compreacutehension et lrsquoapplication de la norme par une compatibiliteacute accrue avec la norme environnementale En ce qui concerne la norme SA8000 on repegravere de nombreux eacuteleacutements communs avec les normes ISO La structure de base de toutes les normes est la mecircme Toutes deacuteveloppent leur sujet speacutecifique mais les aspects gestionnels correspondants se reacutefegraverent toujours au modegravele cyclique (PDCA) dans le souci drsquoameacuteliorer continuellement les prestations et lrsquoefficaciteacute des organisations

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Les diffeacuterences qursquoon a pu remarquer ne sont certainement pas un indice de logiques inconciliables Les normes apparaissent similaires agrave certains eacutegards et compleacutementaires par drsquoautres Des consideacuterations preacuteceacutedentes on deacuteduit la possibiliteacute reacuteelle de reacutealiser un Systegraveme de Gestion Inteacutegreacute des quatre standards caracteacuteriseacute par une documentation unitaire et par un seul processus drsquoaudit De plus gracircce agrave un certain niveau de compleacutementariteacute on peut reacuteunir les normes dans un seul scheacutema de reacutefeacuterence qui integravegre les aspects de qualiteacute environnement santeacuteseacutecuriteacute et responsabiliteacute sociale La reacutealisation drsquoun Systegraveme de Gestion Inteacutegreacute peut devenir extrecircmement simplifieacutee par rapport agrave celle des Systegravemes consideacutereacutes un par un Lrsquoorganisation peut arriver agrave assembler des proceacutedures produire une documentation plus leacutegegravere et deacuteceler drsquoeacuteventuelles synergies entre les theacutematiques et les proceacutedeacutes Des audits inteacutegreacutes donneront lieu agrave des eacuteconomies financiegraveres et agrave une reacuteduction non neacutegligeable des temps de reacutealisation et drsquoeacutevaluation Par exemple les correacutelations entre ldquoMesurages analyses et ameacuteliorationsrdquosont preacutesenteacutees dans le tableau suivant ISO 9001 ISO 14001 OHSAS

18001 SA8000 ELEacuteMENTS CONCcedilERNANTS

81 451 451 - Meacutethodologies de veacuterification 821 - - (913) Monitorage satisfaction des clients 822 454 454 92 Veacuterification de conformiteacute du Syst

Gestion 823 451 451 95d

912 - 913

Monitorage des activiteacutes et des reacutesultats

824 - - - Monitorageeacutevaluation des produits 83 ndash 852

(447) - 452

(447) - 452 910 - 911

Non conformiteacutes ndash Mesures rectificatives

853 - - 911 Mesures correctives 84 (451) (451) (914) Analyse des donneacutes 851 (434) (434) 92 Ameacutelioration continue

La theacutematique centrale pour tout Systegraveme de Gestion est preacutesente dans les quatre normes mais seules les normes ISO 9001 ISO 14001 et le standard OHSAS 18001 se rapportent avec preacutecision agrave des proceacutedeacutes et meacutethodologies de veacuterification preacuteeacutetablies Lrsquoorganisation inteacutegreacutee de lrsquoaudit donne lieu ainsi agrave un croisement synergique en faveur de la quatriegraveme norme En lrsquoabsence de probleacutematiques speacutecifiques qui excluent le deacuteveloppement drsquoun Systegraveme inteacutegreacute dans un organisation la certification effectueacutee par un Organisme tiers ne preacutesente aucun problegraveme Au contraire elle beacuteneacuteficie des avantages de lrsquointeacutegration mecircme si elle demande de toute eacutevidence une attention particuliegravere agrave la composition du team des auditeurs et au planning des audits

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5 Un exemple reacuteel le scheacutema BEST4 de laquo Costa Crociere SpA raquo Afin de certifier le Systegraveme de Gestion Inteacutegreacutee (SGI) Qualiteacute Environnement Seacutecuriteacute et Responsabiliteacute Sociale lrsquoOrganisme de certification RINA SpA a eacutelaboreacute le scheacutema BEST4 (Business Excellence Sustainable Task) Le BEST4 reacuteunit dans un seul processus de certification un SGI deacuteveloppeacute par lrsquoorganisation qui se rapporte aux standards ISO 9001 ISO 14001 SA8000 et au standard technique OHSAS 18001 Les premiers exemples de certification selon un tel scheacutema ont eacuteteacute proposeacutes par les organisations Costa Crociere SpA (Italie) et Air Sahara (Inde) La socieacuteteacute de navigation italienne a eacuteteacute notamment la premiegravere agrave niveau planeacutetaire agrave obtenir par le RINA - pour la Direction Geacuteneacuterale les Agences preacutesentes sur le territoire national et les navires de proprieacuteteacute - une telle reconnaissance dans le but ldquoProjet et reacutealisation de vacances en croisiegravere - Gestion des navires de proprieacuteteacuterdquo

Fig 4 Logo de certification BEST4

Lrsquoaudit de Costa Crociere a eacuteteacute planifieacute pour consideacuterer en une seule fois les facteurs communs aux quatre normes relatives aux Systegravemes de Gestion (SdG) dans ce but le Groupe de Veacuterification Inspective (GVI) a analyseacute les correacutelations entre les processus drsquoentreprise de Costa Crociere et les normes de reacutefeacuterence Le premier examen inteacutegreacute des documents date de mars 2004 la visite preacuteliminaire a eacuteteacute effectueacutee dans le but drsquoexaminer la correspondance entre les documents envoyeacutes par lrsquoOrganisation et la reacutealiteacute du travail dans les sites auditeacutes (la Direction un entrepocirct deux navires en navigation) Pendant lrsquoaudit tout comme preacuteceacutedemment on a eacutevalueacute un site par typologie drsquoactiviteacute en y ajoutant le Contact Center et deux Agences Dans les deux cas mentionneacutes le GVI a reacutedigeacute pour chaque scheacutema de certification un rapport distinct drsquoaudit puisque lrsquoanalyse des rapports drsquoaudit est effectueacutee par des diffeacuterents Comiteacutes Techniques de Certification et leurs deacutecisions sont ratifieacutees trimestriellement par le Comiteacute de Certification de RINA La visite de certification a eacuteteacute notamment effectueacutee par un team composeacute de six auditeurs caracteacuteriseacutes par des compeacutetences et responsabiliteacutes speacutecifiques (par ex expert naval expert en Droit du travail) ainsi que par une interdisciplinariteacute de haut niveau Tableau des Compeacutetences individuelles des auditeurs RINA

ISO 9001 ISO 14001 OHSAS 18001 SA8000

Auditeur A X X Auditeur B X X X X Auditeur C (expert naval) X X X X Auditeur D X X Auditeur E (expert en Droit) X Auditeur F X X X X

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Pour chaque scheacutema de certification on a obtenu le nombre de jours par homme neacutecessaires aux veacuterifications sur la base du nombre des employeacutes de lrsquoorganisation Mecircme srsquoil srsquoagissait drsquoune veacuterification inteacutegreacutee effectueacutee par des auditeurs qualifieacutes pour plusieurs scheacutemas on nrsquoa pas consideacutereacute opportun de reacuteduire les temps drsquoaudit vu le manque drsquoexpeacuterience dans le secteur et la situation de cas pilote Au cours de lrsquoaudit on a analyseacute la structure lrsquoarticulation les connaissances du personnel et le niveau de deacuteveloppement du SGI Le GVI a veacuterifieacute que la mise en train et la reacutealisation du SGI eacutetaient en mesure de garantir tant le respect des obligations de lois que lrsquoameacutelioration continue des prestations En particulier on a veacuterifieacute le rocircle du repreacutesentant du personnel et son niveau de notorieacuteteacute aupregraves des travailleurs ainsi que lrsquoactiviteacute de formation agrave lrsquointeacuterieur de lrsquoorganisation On a veacuterifieacute avec une particuliegravere attention que

- une formation adeacutequate eacutetait proposeacutee agrave tous les niveaux de lrsquoorganisation - la disponibiliteacute de ressources humaines eacutetait suffisante et que le personnel eacutetait

qualifieacute par rapport aux tacircches relieacutees agrave la gestion de lrsquoenvironnement - toute la structure de lrsquoentreprise selon les diffeacuterentes responsabiliteacutes et

compeacutetences eacutetait impliqueacutee dans la reacutealisation des buts de seacutecuriteacute

Sujet drsquoaudit a eacuteteacute eacutegalement la correcte application de la proceacutedure qui concerne les activiteacutes de controcircle des documents (eacutemission veacuterification acceptation distribution archivage et reacutevision de la proceacutedure par lrsquoexamen de la documentation distribueacutee dans les divers secteurs de lrsquoentreprise) A cet eacutegard le Manuel inteacutegreacute a eacuteteacute structureacute en 11 paragraphes les 8 premiers suivent le scheacutema de la norme ISO 9001 et contiennent la description deacutetailleacutee des proceacutedures deacuteveloppeacutees au sujet du respect des exigences de la norme ISO 9001 et de celles communes aux autres normes le paragraphe 9 considegravere les caracteacuteristiques speacutecifiques du SdG Environnemental le paragraphe 10 celles du SdG de la Santeacute et Seacutecuriteacute au travail et le paragraphe 11 celles de la Responsabiliteacute Sociale Les exigences relatives aux documents ISO 14001 et OHSAS 18001 (qui ont la mecircme structure et succession des paragraphes) traiteacutees dans les paragraphes 9 et 10 du manuel concernent lrsquoidentification des aspects environnementauxde seacutecuriteacute les prescriptions leacutegales le controcircle opeacuterationnel la preacuteparation et la reacuteponse aux urgences lrsquoeacutevaluation des prestations Les exigences particuliegraveres de Responsabiliteacute Sociale au paragraphe 11 concernent les points de la norme SA 8000 1 (travail des enfants) 2 (travail forceacute) 4 (liberteacute drsquoassociation) 5 (discrimination) 6 (pratiques disciplinaires) 7 (temps de travai) 8 (reacutemuneacuteration) Le point 3 (hygiegravene et seacutecuriteacute) selon la logique qui a inspireacute le Manuel a eacuteteacute inteacutegreacute dans le paragraphe 10 et le point 9 (systegraveme de management) est contenu dans les paragraphes 1-8 La Politique de Costa Crociere a eacuteteacute deacutecrite en deacutetail dans deux documents speacutecifiques reacutedigeacutes par lrsquo organisation ldquoPolitique inteacutegreacutee Qualiteacute Environnement et Seacutecuriteacute de Costa Crociere SpArdquo et ldquoPolitique de Responsabiliteacute Sociale de Costa Crociere SpArdquo La certification drsquoun Systegraveme de Gestion Inteacutegreacute par un organisme tiers selon le scheacutema BEST4 a concregravetement mis en eacutevidence les avantages drsquoun audit inteacutegreacute en termes drsquooptimisation des ressources et de maximalisation de lrsquoefficaciteacute opeacuterationnelle Lrsquoexpeacuterience acquise par les techniciens RINA en conduisant les audits ldquopiloterdquo a confirmeacute drsquoun point de vue theacuteorique la possibiliteacute - voire la convenance - drsquoeffectuer des audits inteacutegreacutes

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Le maintien de lrsquoexcellence gestionnelle garanti par le processus continu drsquoeacutevaluation inteacutegreacutee et la capaciteacute accrue de lrsquoorganisme certifieacute de se rapporter au contexte socio-environnemental assurent une plus grande transparence vers les parties prenantes inteacuterieures et exteacuterieures

Fig 5 laquo Together for excellence raquo

On pourrait souligner pour finir que Costa Crociere SpA (Groupe Carnival) a clocirctureacute son Bilan 2004 par un chiffre drsquoaffaires en croissance de 35 et un beacuteneacutefice brut accru de 90 laquo Srsquoil est vrai que la mission principale drsquoune entreprise reste la creacuteation de richesse alors ce but doit ecirctre atteint en consideacuterant les nouvelles sensibiliteacutes de notre socieacuteteacutehellip Chez nous la certification est une responsabiliteacute et un engagement agrave faire de mieux en mieux raquo (PL Foschi AD COSTA CROCIERE) Conclusion Rares sont en Italie les managers qui ne participent pas au grand inteacuterecirct susciteacute par la RSE en geacuteneacuteral il srsquoagit de gens qui la confondent avec - ou la limitent agrave - lrsquoideacutee de bienfaisance drsquoinitiatives culturelles ou humanitaires Des nos jours en revanche personne ne se rappelle agrave propos de la RSE des entreprises agrave participation drsquoEtat et du concept drsquoassistance qui pouvait autrefois caracteacuteriser certains aspects de leur gestion Par contre dans drsquoautres pays comme par exemple la Chine les experts sont soucieux que la diffusion de la RSE sur leur marcheacute ne puisse reproduire le manque drsquoefficaciteacute typique des entreprises agrave gestion eacutetatique La Responsabiliteacute sociale est de toute faccedilon perccedilue en Italie comme une force positive pour lrsquoefficaciteacute des organisations Il apparaicirct deacutesormais clair qursquoen Occident dans le monde anglo-saxon en particulier les ideacutees de la RSE ont modifieacute le concept mecircme de gestion drsquoentreprise Le deacutebat acharneacute sur les conseacutequences drsquoun tel pheacutenomegravene suite agrave lrsquoarticle lsquoThe good companyrsquo paru en janvier 2005 dans lrsquohebdomadaire lsquoThe Economistrsquo a mis en eacutevidence une reacutealiteacute incontestable la victoire totale de lrsquoideacuteologie de la RSE En conseacutequence de nos jours aucune entreprise ne peut se permettre de lrsquoignorer ou de ne pas mettre en place une quelconque initiative dans ce domaine Ceci est drsquoailleurs largement confirmeacute par le sondage deacutejagrave citeacute de lrsquoEconomist Intelligence Unit Il y a toujours un risque qursquoune adheacutesion formelle ou de commoditeacute aux concepts de la RSE puisse se reacuteduire uniquement agrave des deacuteclarations vides ou agrave des initiatives de promotion commerciale Il devient de ce fait neacutecessaire que les stakeholders - agrave tout niveau et dans le monde entier - puissent controcircler en utilisant des audits tierce partie et des certifications baseacutees sur les standards internationaux le contenu reacuteel des documents et des projets reacutealiseacutes par les entreprises selon le thegraveme de la RSE

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EVALUATION ET DEVELOPPEMENT DU CAPITAL HUMAIN UN ENJEU CLE POUR LrsquoAUDIT SOCIAL Alexandre GUILLARD Directeurs de Projets Direction de lOrganisation ndash CNP Assurances Josse ROUSSEL Maicirctre de Confeacuterences en Sciences de Gestion ndash Universiteacute de Paris 8

Reacutesumeacute Lrsquoaudit social en tant que champ de recherche et pratique professionnelle a tout inteacuterecirct agrave recourir agrave une analyse en terme de capital humain La premiegravere partie de cet article a pour objectif de mettre en eacutevidence dans quelle mesure la notion de capital humain est indispensable agrave lrsquoaudit social Une application au cas des eacutequipes de direction est mise en avant dans la seconde partie Abstract Social auditing both as a research topic and a business field has a vested interest to resort to a human capital based analysis The first part of this article sets the goal to demonstrate how the concept of human capital is of paramount importance for social auditing The case for human capital in top management teams is put forward in the second part Introduction Si lrsquoon entend lrsquoaudit comme un processus conduisant un expert auditeur interne ou externe agrave eacutemettre un diagnostic servant de base agrave lrsquoidentification de solutions drsquoameacutelioration ainsi qursquoau deacuteploiement de recommandations lrsquoaudit social a tout agrave gagner de la prise en compte du capital humain Certes cette notion dont la formulation peut ecirctre consideacutereacutee comme choquante est encore trop meacuteconnue et trop peu utiliseacutee dans les pratiques de lrsquoaudit social Pourtant les travaux portant sur le capital humain sont susceptibles drsquooffrir agrave lrsquoaudit social non seulement un grille de lecture pertinente mais eacutegalement des outils de diagnostic agrave mecircme de renouveler et drsquoenrichir la pratique de cette discipline En effet un audit du capital humain de la firme permet drsquoune part drsquoen faire une eacutevaluation et drsquoautre part drsquoidentifier les modaliteacutes permettant de deacutevelopper celui-ci A ce titre raisonner en terme de capital humain permet drsquoenvisager tant son deacuteveloppement que sa deacutepreacuteciation Cet article a pour objectif de montrer dans quelle mesure le capital humain se situe au cœur des probleacutematiques de lrsquoaudit social La valorisation du capital humain est deacuteveloppeacutee au sein de la premiegravere partie Nous insistons notamment sur les outils de mesure du capital humain ainsi que sur le pheacutenomegravene de sa deacutepreacuteciation La seconde partie porte sur lrsquoeacutevaluation du capital humain des eacutequipes de direction dans le cadre des due diligence meneacutees par les fonds drsquoinvestissement et les opeacuterations de fusion ndash acquisition Nous montrons ici que lrsquointeacuterecirct et les limites du concept pour ce cas drsquoapplication

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1 Le capital humain deacutefinition meacutethodes drsquoeacutevaluation et valorisation

11 Lrsquoaudit du capital humain

111 Le capital humain deacutefinitions et enjeux Le capital humain lrsquoapproche eacuteconomiste Le concept de capital humain a eacuteteacute faccedilonneacute par les travaux drsquoeacuteconomistes fondateurs agrave lrsquoinstar de Shultz (1961) et Becker (1975) Lrsquoideacutee seacuteminale de ses recherches consistait agrave srsquointerroger sur le rendement drsquoun investissement en eacuteducation pour un individu donneacute Afin drsquoeacutevaluer le retour sur investissement de lrsquoeacuteducation les eacuteconomistes ont tout drsquoabord tenteacute de cerner le coucirct affeacuterent agrave lrsquoinvestissement en formation Il correspond de maniegravere simplifieacutee agrave la somme des frais de scolariteacute ou de formation et du coucirct drsquoopportuniteacute lieacute agrave cette activiteacute (reacutemuneacuterations sur le marcheacute du travail auxquelles lrsquoapprenant renonce en srsquoengageant dans une formation) Le beacuteneacutefice attendu quant agrave lui se mesure par le surcroicirct de reacutemuneacuteration que lrsquoapprenant peut obtenir sur le marcheacute du travail tout au long de sa vie active Ainsi en investissant dans les eacutetudes et la formation les individus augmentent leur laquo capital humain raquo en lrsquooccurrence leurs aptitudes et connaissances ce qui leur permet drsquooccuper des emplois plus reacutemuneacuterateurs Le point de vue adopteacute est celui de lrsquoindividu et non de la firme Le capital humain lrsquoapproche gestionnaire Lrsquoapproche gestionnaire du capital humain srsquoinscrit dans le courant de recherche mettant lrsquoaccent sur les ressources et compeacutetences comme sources de compeacutetitiviteacute de la firme (Resource-based view of the firm) Cette approche considegravere qursquoune firme doteacutee de ressources de qualiteacute et rares est susceptible de beacuteneacuteficier drsquoun avantage concurrentiel sur ses rivales donnant lieu agrave des performances financiegraveres supeacuterieures (Barney 1991 Conner 1991 Peteraf 1993 Wernefelt 1984) De nombreux constats empiriques lui donnent de la creacutedibiliteacute puisqursquoils mettent en eacutevidence que les diffeacuterences de performance entre les firmes au sein drsquoune industrie sont plus significatives que les diffeacuterences entre les secteurs (Rumelt 1991) Ces eacutecarts de rentabiliteacute entre les entreprises drsquoun mecircme secteur srsquoexpliquent par des dotations diffeacuterentes en ressources et notamment en ressources immateacuterielles Celles-ci agrave lrsquoinstar du capital humain sont essentielles agrave lrsquoavantage concurrentiel (Bounfour 1998) et articuleacutees aux notions de compeacutetence et de performance organisationnelle Degraves lors les gestionnaires srsquoefforcent drsquoidentifier comment la firme peut construire et deacutevelopper des compeacutetences et des routines organisationnelles performantes Le capital humain joue un rocircle fondamental dans la mesure ougrave drsquoune part il correspond aux connaissances que les collaborateurs de lrsquoentreprise mettent agrave sa disposition et drsquoautre part il permet de deacutevelopper et drsquoameacuteliorer les compeacutetences et les proceacutedures notamment par innovation Les ressources humaines disposent drsquoun stock de connaissances qursquoelles peuvent augmenter (formation) et qursquoelles peuvent utiliser pour creacuteer de nouvelles connaissances (innovation) que celles-ci correspondent agrave des proceacutedures de gestion des brevets industriels ou des compeacutetences manageacuteriales Puisque le capital humain joue un rocircle majeur dans la construction de lrsquoavantage concurrentiel il convient non seulement de le geacuterer mais eacutegalement drsquoidentifier les facteurs qui ont un impact sur ce capital Lrsquoorganisation les choix strateacutegiques et le style de management ont un impact significatif sur le capital humain (Nekka 1999) Lrsquoapproche

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gestionnaire srsquointerroge degraves lors leacutegitimement sur le contexte organisationnel le plus favorable au deacuteveloppement du capital humain lrsquoinfluence des choix strateacutegiques sur ce dernier ou encore lrsquoimportance des styles de direction sur lrsquoaccumulation ou la deacutepreacuteciation de ce capital Capital humain et proprieacuteteacute Lrsquoun des enjeux les plus importants que soulegraveve le concept de capital humain est celui de son appropriation En effet contrairement aux ressources tangibles et agrave certaines ressources intangibles (marques brevets) le capital humain nrsquoest pas appropriable par la firme En effet seuls les individus sont proprieacutetaires de leur capital humain Le marcheacute du travail leur permet de louer ce capital humain aux entreprises moyennant le versement drsquoune reacutemuneacuteration Drsquoun point de vue gestionnaire il srsquoagira pour la firme de seacutecuriser autant que faire se peut lrsquoaccegraves et le controcircle du capital humain notamment lorsque celui-ci revecirct une valeur importante dans la mesure ougrave ce dernier est comme nous lrsquoavons montreacute source de profitabiliteacute En effet tout collaborateur drsquoune firme est susceptible drsquooffrir ses services agrave une autre socieacuteteacute pour lui faire beacuteneacuteficier de son capital humain Dans ce cas la premiegravere firme se fait laquo exproprier raquo du capital humain drsquoun de ses collaborateurs alors mecircme qursquoelle avait certainement investi en formation afin de preacuteciseacutement renforcer le capital humain de ce collaborateur Or le caractegravere plus ou moins appropriable du capital humain deacutepend de sa nature Crsquoest pourquoi il apparaicirct opportun agrave ce stade de lrsquoanalyse drsquoidentifier les deacutefinitions du capital humain et drsquoen dresser une typologie Typologie du capital humain Si le capital humain se deacutefinit au niveau drsquoune entreprise par les connaissances maicirctriseacutees par un individu force est de constater qursquoil recouvre des cateacutegories revecirctant des enjeux diffeacuterents pour les firmes en terme de controcircle Il est en effet possible de dresser une typologie du capital humain qui distingue les cateacutegories suivantes capital humain geacuteneacuteral capital humain speacutecifique agrave la firme capital humain speacutecifique agrave une tacircche (Gibbons et Waldman 2004 Hatch et Dyer 2004) Le capital humain geacuteneacuteral correspond agrave des connaissances qui ne sont ni speacutecifiques agrave une entreprise en particulier ni agrave une fonction ou une tacircche singuliegravere au sein drsquoune entreprise Il srsquoagit de connaissances et de compeacutetences geacuteneacuteriques (discernement capaciteacutes drsquoanalyse intelligence des situations) essentiellement accumuleacutees par les expeacuteriences professionnelles et lrsquoeacuteducation Le capital humain speacutecifique agrave la tacircche srsquoaccumule essentiellement par des formations professionnelles et au moyen de lrsquoexpeacuterience professionnelle Il correspond agrave des compeacutetences qui sont speacutecifiques agrave un poste de travail comme assistant de direction auditeur financier ougrave risk-manager Quant au capital humain speacutecifique agrave la firme il correspond agrave des compeacutetences et des connaissances maicirctriseacutees par un salarieacute sur la base drsquoun corpus de connaissances et de connaissances collectives (capital organisationnel) speacutecifique agrave une entreprise donneacutee Le capital humain speacutecifique agrave la firme octroie agrave un collaborateur des capaciteacutes directement lieacutees aux besoins speacutecifiques drsquoune entreprise particuliegravere Ainsi si un individu doteacute drsquoun capital humain speacutecifique agrave la firme quitte lrsquoentreprise au sein de laquelle il a deacuteveloppeacute lrsquoessentiel de son capital humain pour une autre socieacuteteacute une grande partie de ce dernier ne sera pas utiliseacute

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(les attentes et les besoins de la nouvelle entreprise sont diffeacuterents de la preacuteceacutedente) (Gibbons et Waldman 2004) En conseacutequence ce type de capital humain puisqursquoil se deacutepreacutecie en laquo sortant raquo de la firme ayant rendu possible sa creacuteation est moins inteacuteressant pour drsquoautres entreprises Crsquoest la raison pour laquelle il est plus aiseacute agrave controcircler pour lrsquoentreprise au sein de laquelle il srsquoest deacuteveloppeacute En revanche le capital humain geacuteneacuteral et le capital humain speacutecifique agrave la tacircche sont facilement laquo expropriables raquo dans la mesure ougrave ils ont presque autant de valeur pour la firme au sein de laquelle les collaborateurs louent ce type de capital que pour drsquoautres entreprises Quoi qursquoil en soit quel que soit le type de capital humain envisageacute lrsquoeacutevaluation de ce dernier demeure un problegraveme eacutepineux Degraves lors il srsquoagit drsquoidentifier les diffeacuterentes meacutethodologies drsquoeacutevaluation du capital humain

112 La mesure et la valorisation du capital humain dans une perspective gestionnaire

Le capital humain comme nous lrsquoavons montreacute est un des deacuteterminants de la performance de lrsquoentreprise Degraves lors au delagrave de sa gestion se pose la question de la valorisation du capital humain En effet comme tout capital le capital humain neacutecessite drsquoecirctre eacutevalueacute et ce pour deux raisons En premier lieu il srsquoagit de mesurer la valeur de ce capital au cours du temps et drsquoen deacuteduire srsquoil srsquoest bonifieacute ou au contraire deacutepreacutecieacute En second lieu puisque le capital humain est lrsquoun des actifs essentiels de nombre drsquoentreprises des services son eacutevaluation est rendue indispensable dans le cadre notamment drsquoopeacuterations de fusion acquisition Ainsi trois meacutethodes drsquoeacutevaluation peuvent ecirctre utiliseacutees pour valoriser le capital humain (Samier 1999) mesurer le niveau de savoir acquis utiliseacute ou deacutepreacutecieacute eacutevaluer le montant de lrsquoinvestissement complet dans cette ressource immateacuterielle et eacutevaluer la rentabiliteacute de cet investissement La premiegravere meacutethode a pour objectif drsquoeacutevaluer le stock de capital humain agrave partir des connaissances En regard il est tenu compte du niveau de formation des collaborateurs de la mesure des qualifications des collaborateurs par des tests et des entretiens et lrsquoappreacuteciation de la valeur du capital humain sur le marcheacute du travail (niveau de reacutemuneacuteration) Sur ce dernier point il convient de noter que les reacutemuneacuterations perccedilues sur le marcheacute du travail ne reflegravetent qursquoimparfaitement la valeur du capital humain En effet le marcheacute du travail est reacuteglementeacute (conventions collectives salaire minimum) de sorte que le salaire ne reflegravete qursquoimparfaitement la productiviteacute du travail Par ailleurs en reprenant la typologie du capital humain preacutesenteacutee si lorsque le capital humain est speacutecifique agrave la tacircche il est leacutegitime de consideacuterer que sa valeur est correctement refleacuteteacutee dans les niveaux de salaire il en va tout autrement lorsque le capital est speacutecifique agrave la firme1 La seconde meacutethode srsquoeacutevertue agrave eacutevaluer lrsquoinvestissement complet en capital humain en distinguant notamment les coucircts de remplacement des ressources humaines (Pyle 1970 Flamholtz 1972 1985) les coucircts drsquoutilisation des ressources humaines (Spencer 1986) et les coucircts sociaux globaux associeacutes aux ressources humaines (Martory 1980 1982 Savall et Zardet 1989) 1 Lorsque le capital est speacutecifique agrave la firme ce dernier nrsquoest pas valoriseacute par un grand nombre de firmes (une seule srsquoil est totalement speacutecifique) sur le marcheacute du travail agrave la diffeacuterence du capital humain speacutecifique agrave la tacircche

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Enfin lrsquoeacutevaluation de la rentabiliteacute de lrsquoinvestissement en capital humain srsquoappuie sur la valeur des services rendus par le capital humain drsquoun individu crsquoest-agrave-dire par le prix que diffeacuterents services de la firme sont precircts agrave payer pour beacuteneacuteficier de ce service (Samier 1999)

113 La deacutepreacuteciation du capital humain Si les outils de mesure et drsquoeacutevaluation du capital humain ne sont pas homogegravenes il nrsquoen demeure pas moins qursquoils sont unanimes pour nous faire prendre conscience des risques de deacutepreacuteciation de ce capital drsquoun genre particulier Lrsquoun des inteacuterecircts de lrsquoutilisation du terme de laquo capital raquo est preacuteciseacutement de faire porter notre attention sur la variabiliteacute de sa valeur au cours du temps En investissant dans la formation il est possible drsquoaugmenter le capital humain des collaborateurs Dans ce cas il y a une hausse de la valeur de ce capital Cependant le capital humain des collaborateurs de la firme peut eacutegalement se deacutepreacutecier au cours du temps Quels sont donc les facteurs de la deacutepreacuteciation du capital humain Pour reacutepondre agrave cette question nous pouvons nous appuyer sur les travaux de certains eacuteconomistes qui ont exploreacute cette theacutematique (Hollenbeck 1990 Nauze-Fichet et Tomanisini 2002 Chassard et Passet 2005) La perte drsquoemploi lorsqursquoelle se traduit par une peacuteriode drsquoinactiviteacute importante est un des facteurs cleacute de la deacutepreacuteciation du capital humain Ainsi Hollenbeck (1990) met en eacutevidence que les salarieacutes qui retrouvent un emploi apregraves une peacuteriode de chocircmage perccediloivent une reacutemuneacuteration infeacuterieure agrave celle obtenue avant la perte drsquoemploi La deacutecote est drsquoautant plus importante que la peacuteriode drsquoinactiviteacute est longue et le niveau de formation faible Ce chercheur mesure la deacutepreacuteciation du capital humain par la baisse du salaire perccedilu par le salarieacute Cette hypothegravese fondamentale est sujette agrave caution dans la mesure ougrave le marcheacute du travail ne reflegravete qursquoimparfaitement la valeur du capital humain drsquoune part parce qursquoil est reacuteglementeacute (salaire minimum conventions collectives etc) et drsquoautre part parce que le capital humain speacutecifique agrave la firme agrave la diffeacuterence du capital humain geacuteneacuterique ou speacutecifique agrave la tacircche est tregraves difficile agrave eacutevaluer par le biais du marcheacute du travail Ce dernier est beaucoup plus adapteacute pour eacutevaluer un capital humain qui se rapproche en quelque sorte drsquoun bien de type laquo commodity raquo Lrsquoinsuffisance drsquoinvestissement en formation est un autre facteur de la deacutepreacuteciation du capital humain A ce titre lrsquoeacutevolution du comportement des entreprises notamment des plus grandes drsquoentre elles est assez inquieacutetante En effet la deacutepense de formation continue des entreprises de plus de 2000 salarieacutes a diminueacute drsquoun point de 1994 agrave 2002 passant de 5 de la masse salariale agrave 4 (Chassard et Passet 2005) Les grandes firmes sont davantage preacuteoccupeacutees par la chasse et la fideacutelisation des compeacutetences rares ndash capital humain de haut niveau ndash que par la formation drsquoune main-drsquoœuvre faiblement qualifieacutee Ainsi les grandes entreprises estiment que lrsquoargent qui pourrait ecirctre investi dans la formation des moins qualifieacutes est mieux utiliseacute sous la forme de reacutemuneacuterations plus eacuteleveacutees pour les salarieacutes doteacutes drsquoun capital humain de haut niveau Ce faisant les plus grandes firmes contribuent de maniegravere progressive agrave deacutepreacutecier le stock de capital humain des collaborateurs les moins bien formeacutes Enfin lrsquoinadeacutequation entre les qualifications (diplocircme expeacuterience etc) et lrsquoemploi occupeacute que lrsquoon peut qualifier de surqualification est une source importante de deacutepreacuteciation des compeacutetences et du capital humain (Chassard et Passet 2005 Nauze-Fichet et Tomasini 2002) Ce pheacutenomegravene de surqualification est estimeacute repreacutesenter entre 10 et 30 des emplois

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(Nauze-Fichet et Tomasini 2002) La deacutepreacuteciation du capital humain reacutesultant de ce pheacutenomegravene de surqualification est peu analyseacutee notamment dans le monde de lrsquoentreprise Lrsquoun des objectifs de lrsquoaudit social pourrait ecirctre de proceacuteder agrave une analyse aussi fine que possible au niveau de lrsquoentreprise de ce type de deacutepreacuteciation du capital humain et drsquoidentifier les outils permettant drsquoy remeacutedier (recrutement reacutemuneacuteration etc) Plus geacuteneacuteralement lrsquoanalyse et lrsquoeacutevaluation de la deacutepreacuteciation du capital humain devraient ecirctre un objectif majeur de lrsquoaudit social et ce pour au moins deux raisons Drsquoune part la deacutepreacuteciation du capital humain notamment lorsqursquoelle est neacutegligeacutee est une source de difficulteacutes et de dysfonctionnements pour lrsquoentreprise Dans une eacuteconomie reposant de plus en plus sur lrsquoimmateacuteriel le deacuteveloppement du capital humain est un enjeu essentiel pour les firmes Un capital humain qui se deacutepreacutecie reacuteduit sa capaciteacute agrave contribuer agrave la creacuteation de richesse de lrsquoentreprise Drsquoautre part ce pheacutenomegravene est particuliegraverement neacutefaste pour les collaborateurs de la firme dans la mesure ougrave cette deacutepreacuteciation de leur capital humain est synonyme de reacutemuneacuterations plus faibles et drsquoun risque de chocircmage plus important

Illustration six eacuteleacutements pour un tableau de bord eacutevaluant le risque de deacutepreacuteciation du capital humain

1 Identifier les salarieacutes en situation de deacuteclassement (salarieacutes dont les revenus sont infeacuterieurs agrave la moyenne des salaires perccedilus par des salarieacutes du mecircme secteur drsquoun niveau de formation eacutequivalent)

2 Identifier les salarieacutes les moins bien formeacutes (formation initiale

faible formations professionnelles insuffisantes)

3 Identifier les salarieacutes nrsquoayant pas beacuteneacuteficieacute drsquoune formation depuis une longue peacuteriode (24 mois)

4 Identifier les salarieacutes doteacutes drsquoun capital humain

essentiellement de type speacutecifique agrave la tacircche (une gestion de carriegravere impliquant un changement important de tacircche est susceptible de deacutepreacutecier le capital humain du collaborateur)

5 Evaluer le laquo human capital gap raquo dans les proceacutedures de

promotion et identifier les formations correctives

6 Proceacuteder agrave un benchmarking des reacutemuneacuterations en comparant de maniegravere reacuteguliegravere les reacutemuneacuterations perccedilues au sein de lrsquoentreprise agrave celles des firmes du mecircme secteur (si lrsquoeacutecart est en faveur des autres firmes cela augmente le risque de deacutepart des collaborateurs ndash eacuteviction de capital humain-)

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12 Les leviers drsquoaction pour geacuterer et deacutevelopper le capital humain Le deacuteveloppement du capital humain speacutecifique agrave la firme devient de plus en plus un objectif prioritaire pour la plupart des entreprises Pour de nombreux chercheurs (Stewart 1997 Foray 2006) la monteacutee en puissance de lrsquoeacuteconomie de lrsquoinformation et de la connaissance signifie que le processus de creacuteation de richesse au sein des firmes repose davantage sur les connaissances que sur les actifs physiques Le capital humain est appeleacute agrave jouer un rocircle de plus en plus crucial comme source de lrsquoavantage concurrentiel Plus preacuteciseacutement si lrsquoon reprend la typologie du capital humain identifieacutee preacuteceacutedemment le capital humain speacutecifique agrave la firme est le contributeur cleacute de lrsquoavantage concurrentiel (Hatch amp Dyer 2004) Or lrsquoinvestissement dans ce type de capital humain pose de reacuteelles difficulteacutes de gouvernance entre les salarieacutes et les proprieacutetaires de la firme (Robinson Wilson Zhang 2002) Le capital humain speacutecifique agrave la firme accumuleacute par les collaborateurs de lrsquoentreprise (connaissances lieacutees agrave des proceacutedeacutes et ou des eacutequipements speacutecifiques agrave une firme en particulier) nrsquoa que tregraves peu de valeur dans une autre firme En conseacutequence si les collaborateurs ne sont pas inciteacutes agrave investir dans le deacuteveloppement de ce type de capital humain ils renacirccleront agrave deacutevelopper des connaissances speacutecifiques agrave la firme et preacutefeacutereront des connaissances geacuteneacuteriques ou lieacutees agrave une expertise professionnelle clairement deacutelimiteacutee afin de deacutevelopper un capital humain geacuteneacuterique et ou speacutecifique agrave la tacircche puisque ces derniers ne perdent pas de valeur en laquo sortant raquo de la firme au sein de laquelle il ont eacuteteacute accumuleacutes Les firmes capables de mettre en place un systegraveme drsquoincitation agrave mecircme de favoriser le deacuteveloppement du capital speacutecifique agrave la firme seront mieux armeacutees pour construire un avantage concurrentiel durable Par ailleurs les firmes investissent eacutegalement dans lrsquoaccumulation de capital humain speacutecifique agrave la firme ne serait-ce que parce que ce type de capital humain est le plus souvent lieacute agrave des meacutethodes ou des eacutequipements eux-mecircmes speacutecifiques Degraves lors il faut former les collaborateurs agrave ces meacutethodes et agrave lrsquoutilisation de ces eacutequipements Partant de cette premiegravere impulsion les salarieacutes pourront investir dans le deacuteveloppement de connaissances lieacutees agrave ces meacutethodes et ces eacutequipements Cependant du point de vue de lrsquoentreprise il est essentiel de proteacuteger les investissements reacutealiseacutes dans lrsquoaccumulation du capital humain speacutecifique agrave la firme en fideacutelisant les salarieacutes codeacutetenteurs de ces connaissances speacutecifiques Degraves lors il srsquoagit de mettre en place un systegraveme drsquoincitations qui drsquoune part permettent agrave la firme de proteacuteger les investissements qursquoelle reacutealise dans le deacuteveloppement du capital humain speacutecifique agrave la firme et drsquoautre part encouragent les salarieacutes agrave eacutegalement investir dans le deacuteveloppement du capital humain speacutecifique agrave la firme La participation des salarieacutes au capital de lrsquoentreprise (employee ownership) est une solution inteacuteressante pour Robinson Wilson et Zhang (2002) Ils montrent agrave partir drsquoune recherche reacutealiseacutee sur 600 entreprises britanniques que celles doteacutees des stocks de capital humain et physique les plus speacutecifiques privileacutegiaient une participation des salarieacutes au capital de lrsquoentreprise Le salaire sert en quelque sorte agrave reacutemuneacuterer le capital humain geacuteneacuterique et speacutecifique agrave la tacircche des collaborateurs alors que la participation au capital de lrsquoentreprise permet de laquo reacutemuneacuterer raquo la fraction speacutecifique agrave la firme du capital humain

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13 Valorisation du capital humain controcircle et gouvernement drsquoentreprise Si comme nous venons de le montrer les investissements en capital humain speacutecifique agrave la firme neacutecessitent la mise en place de regravegles de gouvernance particuliegraveres entre les proprieacutetaires et les collaborateurs de lrsquoentreprise il convient de relever que de maniegravere plus geacuteneacuterale le concept de capital humain est susceptible de remettre en question la leacutegitimiteacute des seuls deacutetenteurs de capital pour gouverner lrsquoentreprise En drsquoautres termes la prise en compte du capital humain renouvelle la conception classique du gouvernement drsquoentreprise2 Crsquoest un enjeu important pour lrsquoaudit social et ce pour une raison essentielle la notion drsquoaudit est intimement lieacutee agrave la notion de controcircle Or le gouvernement drsquoentreprise pose le problegraveme de la leacutegitimiteacute du controcircle agrave quelle partie prenante lrsquoexercice du controcircle peut-elle leacutegitiment revenir En insistant sur les relations au travail et sur les femmes et les hommes qui collaborent agrave la firme lrsquoaudit social met lrsquoaccent sur la dimension humaine de lrsquoentreprise La prise en compte du capital humain amegravene agrave reconsideacuterer le rocircle en termes de gouvernement drsquoentreprise des principaux proprieacutetaires de ce capital En effet jusqursquoalors lrsquoessentiel de la reacuteflexion en terme de gouvernement drsquoentreprise se focalisait sur les regravegles et proceacutedures permettant aux proprieacutetaires des actifs financiers drsquoexercer le controcircle qui leur revenait leacutegitimement Ainsi la prise en compte de la notion de capital humain remet en question le poids quasi exclusif accordeacute aux actionnaires dans lrsquoexercice du controcircle en mettant en avant une autre cateacutegorie de proprieacutetaires les proprieacutetaires du capital humain crsquoest-agrave-dire les collaborateurs de lrsquoentreprise En effet selon Rajan et Zingales (1998) lrsquoentreprise est une collection de ressources essentielles partageacutees de talents drsquoideacutees et de connaissances agrave laquelle toutes les personnes ont accegraves dans la mesure ougrave elles possegravedent et deacuteveloppent le capital humain La firme est ainsi un nœud drsquoinvestissement speacutecifique et notamment en capital humain Plus les collaborateurs de la firme ont un capital humain eacuteleveacute ndash cadres dirigeants par exemple - plus ils peuvent controcircler lrsquoaccegraves aux ressources critiques de lrsquoentreprise les valoriser mais aussi se les approprier pour augmenter leur capital humain Les deacutetenteurs du capital humain ont une influence deacutecisive sur la capaciteacute de la firme agrave creacuteer de la richesse et ce faisant sur la valeur mecircme de lrsquoentreprise Ces derniers par leur maicirctrise des ressources cleacutes de la firme (capital humain notamment) et leur influence sur la valeur de la firme disposent drsquoun reacuteel pouvoir Celui-ci peut venir compleacuteter voire srsquoopposer au pouvoir des proprieacutetaires des actifs financiers comme le montre Blair (2000) Lrsquoaudit social en srsquoappuyant davantage sur le concept de capital humain est ameneacute agrave jouer un rocircle de premier plan sur le pouvoir qui revient leacutegitimement aux collaborateurs de la firme dans le cadre du gouvernement drsquoentreprise

2 Le concept de gouvernement drsquoentreprise est intrinsegravequement lieacute aux problegravemes drsquoasymeacutetrie drsquoinformation et de limites du capital humain (par exemple capaciteacutes limiteacutees dans tel ou tel champ drsquoexpertise neacutecessitant une deacuteleacutegation agrave un tiers)

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2 Evaluation de la valeur du capital humain et due diligence de lrsquoeacutequipe dirigeante Nous venons de voir en quoi le capital humain pouvait offrir un cadre conceptuel dont il est inteacuteressant de poursuivre les travaux de formalisation dans le but drsquoaboutir un jour agrave un laquo reacutefeacuterentiel raquo solide qui pourrait ecirctre reconnu agrave la fois par les financiers les gestionnaires et le marcheacute3 Nous souhaitons maintenant examiner un cas drsquoapplication instructif pour tester lrsquointeacuterecirct du concept de capital humain celui de lrsquoeacutequipe de direction dans le contexte drsquoune due diligence4 Mentionnons qursquoil nest pas question ici de traiter du sujet de lrsquoeacutevaluation des cadres dirigeants en geacuteneacuteral sujet qui meacuteriterait un deacuteveloppement en soi

21 Lrsquoeacutequipe dirigeante un eacutechantillon privileacutegieacute pour proceacuteder agrave une premiegravere mesure du capital humain dune entreprise

Comme nous avons eu lrsquooccasion de le souligner ailleurs5 la due diligence capital humain nous semble une voie particuliegraverement pertinente agrave explorer pour le renouvellement des approches tant en audit social qursquoen matiegravere drsquoeacutevaluation drsquoentreprise Lrsquoune des premiegraveres dimensions qui va ecirctre appreacutehendeacutee dans le cadre de la due diligence est celle de lrsquoeacutevaluation de lrsquoeacutequipe dirigeante Il nrsquoy a lagrave qursquoun simple effet de planning puisque drsquoautres dimensions RH seront eacutegalement prises en consideacuteration par la suite Lrsquoeacutequipe dirigeante repreacutesente en effet un veacuteritable laquo eacutechantillon raquo reacuteveacutelant dans une certaine mesure la valeur du capital humain et organisationnel de lrsquoentreprise Comme lrsquoont montreacute de nombreux travaux issus de la theacuteorie des organisations et du management lrsquoidentification des forces et faiblesses du top management de leurs pathologies pour reprendre le vocabulaire de Ket de Vries (1984 2000) est en effet un puissant reacuteveacutelateur des deacutefauts et problegravemes de lrsquoorganisation Des auteurs comme Ulrich (1997) dans une logique de deacuteveloppement de tableaux de bord du capital humain (laquo HR balanced scorecard raquo) ou Fitz-Enz et Bontis (2002) se sont attacheacutes agrave montrer qursquoil y avait des liens de causaliteacute aveacutereacutes entre le management des dirigeants (leadership management) comme composante de la performance du capital humain et les reacutesultats eacuteconomiques et financiers de lrsquoentreprise Crsquoest pourquoi dans une perspective drsquoacquisition on considegravere que cette eacutevaluation de lrsquoeacutequipe dirigeante peut donner une premiegravere ideacutee mecircme sommaire de la valeur du capital humain et des risques qursquoil comporte On sait en effet que la deacutefaillance des eacutequipes dirigeantes et plus largement la gouvernance de lrsquoentreprise constituent un des signes preacutecurseurs de crise plus profonde qui peut entraicircner jusqursquoagrave la disparition de lrsquoentreprise comme lrsquoa montreacute le fameux cas drsquoEnron Il convient toutefois de tempeacuterer cet argument dans la mesure ougrave comme lrsquoa montreacute une eacutetude reacutecente (LSE ndash McKinsey 2005) le rocircle du management et de lrsquoeacutequipe dirigeante restent difficiles agrave isoler par rapport agrave drsquoautres facteurs Pire on peut constater que des entreprises respectables maintiennent des performances satisfaisantes malgreacute un piegravetre management Il reste que pour les cas que nous deacutecrivons ndash celui des acquisitions ndash la qualiteacute et le rocircle de lrsquoeacutequipe dirigeante revecirctent une importance qursquoil est difficile de contester

3 Nous faisons eacutecho indirectement agrave la probleacutematique du deacuteveloppement de la notation sociale et socieacutetale dans le cadre de la progression de lrsquoinvestissement socialement responsable 4 La due diligence est lrsquoaudit drsquoeacutevaluation de la valeur drsquoune entreprise auquel procegravede lrsquoacheteur le vendeur ou lrsquointermeacutediaire avant la signature drsquoun premier accord drsquoengagement (binding agreement) 5 7egraveme Universiteacute de Printemps de lrsquoAudit Social Mai 2005

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22 Le deacuteveloppement des pratiques de due diligence capital humain au sein des fonds drsquoinvestissement

Lrsquoimportance de lrsquointeacutegration du capital humain dans le due diligence a eacuteteacute particuliegraverement bien comprise par les fonds drsquoinvestissement dans leur approche drsquoeacutevaluation ces derniegraveres anneacutees Crsquoest particuliegraverement le cas pour les opeacuterations de LBO qui requiegraverent un travail de partenariat tregraves pousseacute avec la cible Un des premiers eacuteleacutements qui va ecirctre observeacute porte preacuteciseacutement sur la valeur individuelle et collective de lrsquoeacutequipe dirigeante de la cible Cela va conditionner drsquoune part la qualiteacute du partenariat qui doit srsquoinstaurer entre les deux parties et drsquoautre part lrsquoeacuteleacutement moteur pour reacutealiser les gains de synergies Cette tendance nrsquoest pas le fait drsquoune brusque prise de conscience de lrsquointeacuterecirct de la valeur des hommes ou de la dimension humaine dans le management mecircme si certains fonds y precirctent une reacuteelle attention en terme de strateacutegie drsquoinvestissement6 Elle est le fruit de lrsquoeacutevolution des marcheacutes notamment celui des LBO on constate en effet que la rareacutefaction des bonnes affaires les laquo peacutepites raquo comme disent les investisseurs rend de plus en en plus difficile lrsquoatteinte automatique et assureacutee des gains qui caracteacuterisaient les opeacuterations drsquoil y a quelques anneacutees Autrement dit il ne suffit plus de mener une opeacuteration dans une optique purement financiegravere pour atteindre les reacutesultats escompteacutes Sans intervenir directement dans la gestion ce qursquoil ne peut pas faire du fait des regravegles de gouvernance le fonds doit ecirctre de plus en plus en mesure drsquoactionner des leviers de creacuteation de valeur multiples pour reacutealiser les rendements de 15 et attirer de ce fait les capitaux neacutecessaires Crsquoest ainsi que lrsquoidentification des synergies et des moyens de les reacutealiser devient un point crucial qui va deacuteterminer lrsquoopportuniteacute de lrsquoopeacuteration Ainsi la qualiteacute de lrsquoeacutequipe dirigeante tant individuelle que collective va constituer un des points de controcircle essentiels On pourrait dire que la capaciteacute du fonds et de ses partenaires ndash les banquiers notamment ndash agrave eacutevaluer et mobiliser une eacutequipe compeacutetente fait deacutesormais partie inteacutegrante de son meacutetier et de ses savoir-faire7 Certes il fera appel dans la plupart des cas agrave des intervenants exteacuterieurs (cabinet de strateacutegie chasseur de tecircte hellip) Mais au final il devra faire montre drsquoun talent particulier pour attirer recruter puis retenir les personnaliteacutes ayant le profil adeacutequat et constituer des eacutequipes de direction performantes crsquoest-agrave-dire soudeacutees et capables de srsquoadapter rapidement et posseacutedant un sens aigu du reacutesultat Crsquoest par ses choix influents en matiegravere de capital humain que le fonds va atteindre voire mecircme deacutepasser les reacutesultats viseacutes par le business plan

23 Les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoeacutequipe dirigeante dans le cas des fusions acquisitions

Lrsquointeacuterecirct pour le capital humain concerne eacutegalement les due diligence meneacutees preacutealablement agrave une opeacuteration de fusion acquisition En deacutepit de lattention croissante porteacutee agrave la composition des eacutequipes8 lors de ce type drsquoopeacuteration notamment celle qui va composer le nouvel ensemble on constate encore de nombreux eacutechecs en la matiegravere comme en teacutemoigne le cas reacutecent drsquoHP-Compacq avec leacuteviction de Carly Fiorina et drsquoune partie de son eacutequipe Apregraves avoir eacutecarteacute son rival celle-ci a fini par subir agrave son tour le mecircme sort parce qursquoincapable de deacutelivrer les synergies promises au marcheacute On peut se demander si le marcheacute na finalement

6 On pense ici en particulier aux fonds drsquoinvestissement dit eacutethiques dont un des critegraveres porte preacuteciseacutement sur le management et la gestion responsables des ressources humaines Mais plus largement des fonds de retraite comme Calpers se sont eacutegalement rallier agrave ces regravegles 7 Lrsquoattention et le temps consacreacutes par le fonds agrave lrsquoeacutequipe de direction dans les trois premiers mois sont releveacutes comme eacutetant lrsquoun des facteurs clefs de succegraves selon une eacutetude de McKinsey 8 Voir parmi les tregraves nombreux ouvrages sur ce thegraveme ceux de Howon (2003) de Lajoux (2000)

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pas manqueacute de clairvoyance sur la valeur attribueacutee agrave leacutequipe et agrave son leader pourtant jugeacutes au deacutepart adeacutequats Pour rendre compte de ce paradoxe il faut toutefois deacutepasser les explications simplistes du poids omnipreacutesent de la dimension politique et des effets neacutefastes des luttes de pouvoir dans ces phases cruciales mecircme si elles peuvent avoir eacutevidemment une incidence On peut en effet repeacuterer dans de nombreux cas des meacutecanismes susciteacutes par des biais cognitifs et qui conduisent les acteurs de lrsquoeacutevaluation agrave choisir une mauvaise solution On peut identifier trois types de cas concernant lrsquoeacutevaluation de lrsquoeacutequipe dirigeante

Drsquoune part lrsquoeacutevaluation de leacutequipe cible peut ecirctre conduite improprement faute de temps ou de meacutethodes Une erreur classique (Barabel Meier 2002) est de croire que lrsquooptimum en terme de cible consiste agrave prendre ou assembler les meilleurs des profils de dirigeants des deux entreprises pour constituer une eacutequipe optimale On privileacutegie ici une approche surtout laquo individuelle raquo qui ne tient pas compte de la compatibiliteacute et de la valeur globale de lrsquoeacutequipe en regard du contexte strateacutegique et de lrsquoenvironnement Pour prendre une image bien connue il ne suffit pas de recruter les meilleurs joueurs de football pour constituer une grande eacutequipe Ensuite mecircme lorsque lrsquoeacutevaluation a eacuteteacute meneacutee proprement il y a une autre difficulteacute qui complique lrsquoexercice de constitution drsquoeacutequipe lrsquoeacutevaluation traque la valeur avant que le processus drsquointeacutegration ait deacutemarreacute (Capron 2005) Or on sait que la peacuteriode drsquointeacutegration - les fameux 100 jours qui srsquoeacutecoulent apregraves lrsquoaccord deacutefinitif - va avoir une influence capitale sur la reacutealisation ou non de la valeur de lrsquoeacutequipe tant individuellement que collectivement Mecircme tregraves bien preacutepareacutee lrsquoeacutequipe va devoir faire face agrave beaucoup drsquoincertitudes avec un degreacute drsquoanxieacuteteacute tregraves eacuteleveacute agrave tous les niveaux Or lagrave aussi du fait drsquoune confiance excessive dans les capaciteacutes des dirigeants agrave faire face agrave cette peacuteriode drsquointense changement la tendance forte est de sous-estimer lrsquoinfluence neacutegative que peut exercer ce type de contexte sur la valeur de lrsquoeacutequipe Cela nous amegravene au troisiegraveme point certainement le plus important comme tout collaborateur mais avec un degreacute suppleacutementaire la valeur du cadre dirigeant et les compeacutetences qui lrsquoincarnent reposent sur des eacuteleacutements autant contextuels qursquointrinsegraveques Cela renvoie agrave la distinction que nous avons deacuteveloppeacutee concernant le capital humain geacuteneacuteral capital humain speacutecifique agrave la firme capital humain speacutecifique agrave une tacircche (Gibbons et Waldman 2004 Hatch et Dyer 2004) Dans notre cas plongeacute dans un nouveau contexte marqueacute par un haut degreacute drsquoincertitude il est important drsquointeacutegrer la possibiliteacute que le laquo rendement de lrsquoactif raquo pour parler comme les financiers ou la reacutealisation de la valeur au mecircme titre que tout investissement puisse srsquoaveacuterer tregraves meacutediocre alors qursquoelle eacutetait laquo sur le papier raquo excellente laquo La performance passeacutee ne preacutejuge pas de la performance future raquo peut-on lire agrave propos drsquoinvestissement boursier Cet avertissement srsquoapplique aussi dans une certaine mesure agrave la performance de lrsquoeacutequipe dirigeante mecircme srsquoil existe un niveau de preacutedictibiliteacute la performance le laquo rendement raquo de la nouvelle eacutequipe ne peut ecirctre envisageacutee qursquoau travers de sceacutenarios insistant notamment sur lrsquoaspect contextuel Crsquoest drsquoailleurs pourquoi il est si important drsquointervenir en amont sur le systegraveme drsquoincitation et drsquointeraction via des laquo incentives raquo par exemple qui encouragent et reacutecompensent la coopeacuteration et qui constituent un des points clef pour entretenir la confiance et le capital relationnel de lrsquoeacutequipe

Linteacuterecirct du concept de capital humain va ecirctre donc doffrir un cadre conceptuel pour rendre compte de ce pheacutenomegravene de laquo deacutepreacuteciation raquo sous estimeacutee et mal anticipeacutee par les marcheacutes pour les opeacuterations de fusion - acquisition Mais il va revecirctir un enjeu tout aussi important en peacuteriode normale dans le domaine de lrsquoestimation des risques de deacutefaillance des cadres

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dirigeants On peut trouver au moins deux types drsquoapplication qui srsquoen font lrsquoeacutecho le deacuteveloppement ces derniegraveres anneacutees des assurances homme cleacutes et la geacuteneacuteralisation des plans de continuiteacute Lrsquoassurance des hommes cleacutes recouvre une cateacutegorie drsquoassurances encore souvent meacuteconnues qui a pour but preacuteciseacutement de couvrir des risques lieacutes agrave la disparition ou lrsquoinvaliditeacute de dirigeants ou de collaborateurs qui ont une contribution majeure pour le chiffre drsquoaffaires de lrsquoentreprise (commerciaux experts hellip) Mecircme si on ne traite pas de la deacutefaillance de compeacutetences on peut dire qursquoil y a lagrave une approche laquo implicite raquo qui valorise et chiffre le laquo capital humain raquo que repreacutesentent les dirigeants et hommes cleacutes pour la valeur de lrsquoentreprise et de son impact sur la valeur de lrsquoentreprise via des risques identifieacutes et provisionneacutes Le deacuteveloppement des plans de continuiteacute participe du mecircme esprit qui est de faire face agrave un risque opeacuterationnel lors du renouvellement du management Le marcheacute drsquoailleurs ne srsquoy trompe pas puisque le remplacement mal preacutepareacute et mal anticipeacute drsquoun dirigeant clef sa succession et ou la disparition soudaine drsquoun homme clef non couvert peuvent directement impacter le cours de bourse Reste cependant que ces approches demeurent geacuteneacuterales et tregraves macroscopiques et ne traitent pas la question de la mesure la valeur de lrsquoeacutequipe

24 La question de la mesure de la valeur de lrsquoeacutequipe dirigeante dans les due diligence boite agrave outils multiples plutocirct que modegravele de valorisation unique

Le problegraveme de mesure se trouve aujourdrsquohui poseacute avec beaucoup drsquoacuiteacute au travers des eacutevolutions qursquoimposent les lois Sarbanes-Oxley et Seacutecuriteacute Financiegravere en matiegravere de controcircle interne et de gouvernance drsquoentreprises Un des volets est preacuteciseacutement de deacutevelopper des eacutevaluations systeacutematiques et formaliseacutees des conseils drsquoadministration et des administrateurs dans une optique qui sera de plus en plus normative Sans ecirctre strictement assimilable cette deacutemarche soulegraveve un problegraveme identique agrave celui rencontreacute dans le cas des due diligence la question de savoir jusqursquoougrave il est possible drsquoeacutevaluer lrsquoeacutequipe dirigeante sa valeur et les risques associeacutes agrave chacun de ses membres et jusqursquoougrave peut-on objectiver lrsquoanalyse en recourant au concept de capital humain Nous allons faire une revue sommaire des approches disponibles

241 Les approches quantitatives de mesure drsquoinvestissement en capital humain Une premiegravere approche consiste agrave consideacuterer la valeur des membres de lrsquoeacutequipe dirigeante en se basant sur le coucirct drsquoinvestissement en ressources en partant des eacuteleacutements de comptabiliteacute dont on peut disposer Nous avons montreacute qursquoil y a plusieurs maniegraveres de mesurer le capital humain susceptibles de srsquoappliquer au cas des cadres dirigeants

le coucirct historique des ressources en particulier de lrsquoensemble des charges attacheacutees agrave un cadre dirigeant en terme de reacutemuneacuteration drsquoavantages en nature de fonds de retraite de dispositifs de sortie hellip Deux problegravemes se posent geacuteneacuteralement au cas des due diligence sur le plan pratique drsquoune part lrsquoaccegraves en data room aux informations neacutecessaires pour reconstituer lrsquoensemble des eacuteleacutements de coucirct notamment les coucircts cacheacutes drsquoautre part la question du niveau laquo drsquoamortissement raquo pourrait-on dire et qui va influencer de maniegravere sensible la valeur de la deacutecision drsquoinvestissement Il y a aussi le coucirct de remplacement qui est la meacutethode la plus usiteacutee et qui consiste agrave eacutevaluer le coucirct pour remplacer le dirigeant en se basant sur des reacutefeacuterences de marcheacute et qui recoupe les meacutethodes drsquoeacutevaluation des risques citeacutees plus haut La limite de cette approche tient au fait qursquoil faut y inclure des coucircts associeacutes lieacutes au capital organisationnel et relationnel difficile agrave estimer (coucirct drsquoapprentissage coucirct de deacuteveloppement des compeacutetences hellip)

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Une derniegravere meacutethode a pour but de deacutepasser le cadre comptable classique pour lui preacutefeacuterer une approche plus eacuteconomique qui consiste agrave eacutevaluer la valeur actualiseacutee attacheacutee agrave lrsquoinvestissement dans une eacutequipe de direction en prenant en compte les revenus nets les coucircts de recrutement et de formation ainsi que les reacutemuneacuterations perccedilues sur la dureacutee estimeacutee de lrsquoexercice des fonctions du dirigeant sur la base de statistiques et le taux de valorisation

Cette troisiegraveme approche a le meacuterite de promouvoir une approche actualiseacutee de la valeur mais elle comporte la mecircme limite que les deux autres qui est drsquoeacutevaluer la valeur dans une optique strictement de flux financiers Elle peut ecirctre opeacuterante dans une due diligence mais elle est loin drsquoecirctre suffisante pour cerner la laquo valeur raquo complegravete de lrsquoeacutequipe notamment en regard de critegraveres de performance

Il faudra eacutelargir le spectre et srsquointeacuteresser agrave des indicateurs clefs plus lieacutes agrave la performance de lrsquoentreprise et que lrsquoon peut extraire de la comptabiliteacute comme le ROI les revenus par tecircte La difficulteacute sera drsquoidentifier et de relier clairement les contributions et responsabiliteacutes de lrsquoeacutequipe et de voir en quoi consiste la correacutelation entre lrsquoaction de lrsquoeacutequipe et la performance globale de lrsquoorganisation Cette analyse est difficile agrave mener compte tenu du timing serreacute

242 Les approches qualitatives par la performance Il convient donc de passer par des approches plus qualitatives empiriques et pragmatiques autour de la performance de lrsquoeacutequipe dirigeante stricto sensu elles consistent agrave mener une eacutevaluation en regard de certains reacutefeacuterentiels qui tient compte de lrsquoenvironnement strateacutegique et drsquoaffaire dans lequel vont eacutevoluer les cadres dirigeants9 Le principe de la meacutethode est simple et bien connu il consiste agrave eacutevaluer et agrave coter le profil des dirigeants et celui de lrsquoeacutequipe par rapport aux meilleures pratiques (Ulrich 1997 voir eacutegalement un exemple chez un chasseur de tecircte Korn Ferry International 2004) et de mesurer leur position sur la courbe de deacuteveloppement La GRH dispose en effet maintenant suffisamment drsquoeacuteleacutements de reacutefeacuterentiels solides pour deacutecrire les compeacutetences drsquoun dirigeant dans un contexte donneacute et les adaptations neacutecessaires en lrsquooccurrence ici agrave lrsquooccasion drsquoune opeacuteration de fusion-acquisition De mecircme des travaux ont deacutecrit les principes drsquoune eacutequipe dirigeante performante dans une optique drsquoeacutevaluation de sa valeur et de la gouvernance10Nous donnons ci-apregraves un exemple de typologie des profils-types drsquoune eacutequipe performante que lrsquoon peut utiliser sous forme de check-list en situation de due diligence

9 Ce point est crucial car lrsquoeacutevaluation de la performance drsquoune eacutequipe de direction est trop souvent conduite sans tenir compte suffisamment des eacuteleacutements contextuels tant strateacutegiques business que sociologiques 10 On peut citer par exemple la tregraves bonne eacutetude qursquoa meneacutee reacutecemment Philipe Castilla du cabinet Secor A partir de lrsquoobservation de plus drsquoune trentaine drsquoexpeacuteriences il met en eacutevidence les leviers preacutecis de la dynamique de la coheacutesion que doit actionner le leader en fonction du contexte drsquoentreprise et de lrsquoeacutequilibrage subtil des compeacutetences requises entre strategraveges meneurs et reacutegulateurs (Castilla 2003)

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Profil drsquoune eacutequipe de direction performante (adapteacute de Paris 1980)

1 Chaque membre dans sa carriegravere actuelle ou anteacuterieure maicirctrise ou a maicirctriseacute le laquo meacutetier raquo dont il est le repreacutesentant

2 Lrsquoeacutequipe fait confiance agrave chacun de ses membres pour sa capaciteacute de reacuteponse agrave des problegravemes difficiles et impreacutevus

3 Le groupe travaille sans tension excessive sans ennui sans souci exclusif des inteacuterecircts personnels

4 Les eacutechanges drsquoinformations sont intenses systeacutematiques et focaliseacutes sur les problegravemes du groupe Lrsquoeacutecoute de lrsquoautre est geacuteneacuterale authentique et positive

5 Les relations interpersonnelles sont multilateacuterales confiantes empreintes drsquoattention drsquointeacuterecirct et de respect

6 Chaque membre prend ses responsabiliteacutes et assume les obligations de son rocircle en tenant compte de lrsquointerdeacutependance neacutecessaire au niveau des membres de lrsquoeacutequipe

7 Lrsquoesprit critique positif et les deacutebats contradictoires sont favoriseacutes Les causes de divergences de vue sont reconnues discuteacutees Les deacutesaccords sont soumis au test de lrsquoexpeacuterience les deacutecisions traduites en termes drsquoobjectifs et de responsabiliteacutes individuelles

8 Le leader nrsquoest qursquoune instance de recours ultime et le leadership varie selon les problegravemes et les souhaits du groupe

9 Chaque membre se sent comptable des conseacutequences des deacutecisions prises collectivement

10 Le leader se sent responsable de la performance globale du groupe et de chacun de ses membres A ce titre il se deacutefinit se perccediloit et srsquoeacutevalue en tant qursquoimpulseur et facilitateur du changement reacuteducteur de tension meacutedium et catalyseur drsquoeacutechanges professionnels

11 Le leader est une personne laquo autonome raquo qui ne cherche pas agrave asservir affectivement les membres du groupe

12 Le leader aime lrsquoexercice du pouvoir en tant que moyen de reacutealisation des buts de lrsquoorganisation

On voit que la valeur de lrsquoeacutequipe de direction - son capital humain - repose sur au moins trois ingreacutedients indispensables les qualiteacutes individuelles en terme de compeacutetences techniques et comportementales la dynamique interindividuelle et le jeu drsquoeacutequipe le leadership Le principal enjeu dans le cas drsquoune due diligence va ecirctre de collecter suffisamment drsquoinformation dans le timing serreacute (2 agrave 4 semaines en geacuteneacuteral) pour eacuteclairer ces dimensions Il y a plusieurs meacutethodes empiriques pour y proceacuteder - Lrsquoeacutetude par questionnaire et les tests de personnaliteacute lrsquoavantage est de pouvoir

objectiver et drsquoopeacuterer un traitement laquo scientifique raquo On pense par exemple au fameux MBTI qui constitue sans nul doute lrsquoun des approches les plus reacutepandues dans le monde

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des entreprises Compte tenu du contexte de la confidentialiteacute au moment des due diligence et de la reacutesistance culturelle cette pratique reste aujourdrsquohui tregraves peu reacutepandue De plus elle a lrsquoinconveacutenient laquo drsquoappauvrir raquo la richesse de la qualiteacute des dirigeants On constate neacuteanmoins son deacuteveloppement dans le monde anglo-saxons probablement mieux preacutepareacute agrave ce type qursquoexercice que le monde latin

- Pour cette raison la meacutethode la plus usuelle reste lrsquoentretien approfondi Elle seule permet de cerner en profondeur le profil du dirigeant ses points forts et points faibles et in fine sa laquo valeur raquo Son inconveacutenient est drsquoecirctre surtout de nature qualitative

Tous ces eacuteleacutements doivent ecirctre compleacuteteacutes par des recherches approfondies en utilisant les ressources drsquoinformation disponibles notamment sur lrsquohistorique et les reacutealisations des dirigeants Au final on comprend qursquoeacutevaluer en situation de due diligence la valeur drsquoun dirigeant et celle de lrsquoeacutequipe dans lequel il srsquoinsegravere ressemble davantage agrave un travail de deacutetective que de scientifique il srsquoagira avant tout drsquoaccumuler le maximum drsquoindices pour se faire une ideacutee aussi preacutecise et objective que possible de la laquo valeur raquo reacuteelle drsquoune eacutequipe et de ses membres et des changements agrave apporter au cas ougrave lrsquoopeacuteration srsquoeffectuerait Dans certains cas lrsquoacqueacutereur ne srsquoembarrasse pas trop drsquoeacutevaluations systeacutematiques sur ce volet et procegravede agrave des modifications drsquoeacutequipe mais avec le risque de se priver du capital relationnel organisationnel de certains hommes cleacutes et qui font la reacuteussite de lrsquointeacutegration et lrsquoinstallation de la nouvelle eacutequipe Certes drsquoaucuns argueront que nous sommes encore loin de la valorisation drsquoactifs telle qursquoelle est pratiqueacutee par les financiers On pourra leur reacutepondre au moins trois choses tout drsquoabord qursquoen joignant ces diffeacuterentes approches quantitatives et qualitatives compleacuteteacutees par le laquo flair raquo on peut aboutir agrave une eacutevaluation laquo satisfaisante raquo au sens donneacute par les eacuteconomistes comportementalistes ie qui constitue en quelque sorte un point drsquoeacutequilibre compte tenu du contexte qui srsquoaccommode mal drsquoune recherche exhaustive drsquoinformation Ensuite on peut reacutetorquer aux financiers qursquoils utilisent eux-mecircmes plusieurs meacutethodes drsquoapproche pour eacutevaluer lrsquoentreprise et qursquoin fine dans le cas drsquoune due diligence le laquo flair raquo et le pragmatisme jouent un rocircle non neacutegligeable dans la fixation du prix Enfin on peut se demander srsquoil nrsquoest illusoire de vouloir tendre vers une comptabiliteacute unique du capital humain et qui pourrait servir de reacutefeacuterence univoque au moment des due diligence Apregraves tout partir drsquoapproches pluralistes ne constitue-t-il pas une neacutecessiteacute lorsqursquoon traite de ressources humaines dont la valeur est difficile agrave capturer au travers de quelques indices Ce point nrsquoempecircche pas pour autant une ameacutelioration des techniques de valorisation du capital humain qui seront autant drsquoarguments pour convaincre les financiers Conclusion Le capital humain est la proprieacuteteacute des collaborateurs de la firme Deacuteveloppeacute en interaction avec les ressources mateacuterielles (eacutequipements locaux moyens financiers) et immateacuterielles (proceacutedures et meacutethodes culture drsquoentreprise reacuteseaux de distributeurs et de fournisseurs) il est la base de lrsquoavantage concurrentiel Cependant le capital humain comme tout capital peut se deacutepreacutecier ce qui est bien entendu neacutefaste tant pour les salarieacutes (croissance plus faible des reacutemuneacuterations risque de chocircmage plus fort) que pour les firmes A ce titre il revecirct un enjeu essentiel pour lrsquoaudit social

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Par ailleurs la prise en compte du capital humain dans une deacutemarche drsquoaudit social place les collaborateurs de lrsquoentreprise au centre des probleacutematiques de gouvernance Quelle est la place qui leur revient Les deacutetenteurs du capital humain ne sont-ils pas leacutegitimement en droit drsquoexercer un controcircle sur le bon fonctionnement de la firme agrave lrsquoinstar des proprieacutetaires (deacutetenteurs des actifs financiers) BIBLIOGRAPHIE Aguilera R 2004 laquo The Role of Human Resource Management in Cross-Border Mergers and Acquisitionsrdquo International Journal of Human Resource Management

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DU CONTROLE ETATIQUE A LrsquoAUDIT INTERNE PROBLEMATIQUE DU PILOTAGE SOCIAL AU SEIN DES ENTREPRISES ALGERIENNES Mounir HADJ-MOURI Maicirctre de Confeacuterences en Sciences de Gestion ndash IUT drsquoEVRY

Introduction Engageacute agrave la fin des anneacutees quatre-vingts le processus de transition vers lrsquolaquoeacuteconomie de marcheacute raquo se caracteacuterise par des reacutealiteacutes paradoxales qui reacutesultent de pressions externes et tensions et oppositions internes quant aux contenu et finaliteacute de cette transition Parmi ces reacutealiteacutes lrsquoune des plus significatives reacuteside dans le fait qrsquoune stabilisation relative au plan macroeacuteconomique avec des taux de croissance positifs sur plusieurs anneacutees srsquoaccompagne drsquoune laquo situation de deacutegradation continue pour le secteur de lrsquoindustriehellipet une persistance des problegravemes sociaux raquo (rapport de conjoncture du Conseil National Economique et social 2003) Un tel constat megravene ineacutevitablement agrave la question de la pertinence du pilotage de ce changement systeacutemique au double plan macro et micro Domineacute par lrsquointerventionnisme eacutetatique ce processus de deacuteseacutetatisation -autre paradoxe de cette transition- censeacute aboutir agrave lrsquoautonomisation des entreprises se caracteacuterise comme nous le verrons plus loin par des acceacuteleacuterations ralentissements voire revirements qui ne font que laquo brouiller raquo les pistes Crsquoest agrave travers cette dialectique de la domination eacutetatique et de lrsquoautonomie des entreprises qursquoil convient de situer la probleacutematique de la construction de lrsquoaudit social Degraves lors la question est de savoir si ce dernier ne servira que de simple instrument technique visant lrsquoapplication de normes arrecircteacutees unilateacuteralement et donc imposeacutees aux entreprises ou srsquoil constituera un puissant levier de pilotage contribuant agrave la construction de nouveaux modes de reacutegulation valide et leacutegitime La reacuteponse agrave cette question neacutecessite en premier lieu la mise en eacutevidence des principales caracteacuteristiques et speacutecificiteacutes contextuelles qui permettra ensuite drsquoappreacutehender les pratiques dominantes mais aussi eacutemergentes au sein des entreprises Les reacutealiteacutes contrasteacutees observeacutees qui deacutependent de lrsquoeacutevolution des rapports de force entre logique de perpeacutetuation et de transformation permettent de reacutefleacutechir sur les perspectives en matiegravere de gouvernance en geacuteneacuteral et de pilotage social en particulier dans des situations de mutations socio-organisationnelles complexes

1 Limites drsquoune autonomisation surveilleacutee des entreprises Lrsquoautonomisation des entreprises et leur laquo libeacuteration raquo de la tutelle eacutetatique avait pour principal objectif la reacutehabilitation de LA rationaliteacute eacuteconomique indispensable au passage drsquoune eacuteconomie administreacutee agrave une laquo eacuteconomie de marcheacute raquoCe processus devait donc aboutir agrave la transformation de lrsquoentreprise en centre de valorisation apregraves avoir longtemps servi de simple espace de reacutepartition Dans le prolongement des paradoxes releveacutes plus haut on note qursquoun niveau eacuteleveacute drsquoinvestissements (4522 du PIB ABouyacoub 2005) ne permet pas la relance de la

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production industrielle Bien au contraire celle-ci connaicirct une quasi-stagnation puisque son taux de croissance annuel moyen est 01 Selon un rapport de lrsquoOCDE (2005) laquo lrsquoindustrie manufacturiegravere a baisseacute de 50 entraicircnant une deacutesindustrialisation relative de ce pays raquo Dans le mecircme sens le CNES (2003)1 relegraveve que la production industrielle ne repreacutesente que 7 du PIB drsquoougrave sa qualification de laquo machine aneacutemieacutee raquo Parallegravelement aux contre-performances de ce systegraveme (imp)productif les coucircts sociaux induits par les mesures de stabilisation sont assez lourds Ainsi malgreacute un leacuteger recul le taux de chocircmage est de lrsquoordre de 18 ce qui a pour conseacutequence directe une restriction de la consommation et lrsquoaccroissement de la pauvreteacute accentueacutes par de laquo profonds deacuteseacutequilibres dans les mode de reacutepartition raquo (CNES 2003) Ces constats et diagnostics reacutevegravelent la laquo vulneacuterabiliteacute et la fragiliteacute de lrsquoeacuteconomie algeacuterienne raquo (A Bouzidi 2005) malgreacute des taux de croissance annuel de lrsquoordre de 452 Comment peut-on alors expliquer ces reacutealiteacutes paradoxales Les reacuteponses que nous tenterons drsquoapporter ne preacutetendent nullement appreacutehender lrsquoensemble des dimensions explicatives de ce pheacutenomegravene Aussi nous limiterons-nous compte tenu de lrsquoobjet de notre communication agrave mettre lrsquoaccent sur certains aspects de cette transition notamment celui du pilotage de ce changement agrave travers les relations entre Etat et entreprises Outre les similitudes avec les anciennes eacuteconomies de type sovieacutetique (ETS) qui peuvent ecirctre releveacutees sur ce plan ce sont les speacutecificiteacutes du cas algeacuterien qui retiendront notre attention Ainsi comme points communs on peut noter tout drsquoabord lrsquoorientation et le contenu uniformisateur des programmes drsquoajustement structurel conccedilus par le FMI et la Banque Mondiale qui srsquoinscrivent dans un neacuteo-classicisme dogmatique (MLavigne 1995) eacuterigeant la stabilisation macroeacuteconomique en prioriteacute centrale Cette focalisation sur les seuls eacutequilibres au plan macro a plongeacute lrsquoensemble de ces pays dans une profonde reacutecession sociale notamment reacutecession qui reacutesulte donc de pressions externes mais aussi de laquo facteurs inertiels raquo (VAndreff 2001) Lrsquoanalyse de ces facteurs qui se situent agrave diffeacuterents niveaux principalement au niveau institutionnel a permis de situer lrsquoimportance des structures de proprieacuteteacute Cet auteur qui a meneacute des eacutetudes dans plusieurs pays constate que laquo bien souvent les configurations des structures de proprieacuteteacute en apparence nouvelle conserve le controcircle de lrsquoentreprise et le pouvoir de gestion par les anciennes eacutequipes de direction parfois partiellement renouveleacutees raquo La nature et les rythmes des processus de privatisation laquo deacutebouchent alors sur des entreprises privatiseacutees mais non priveacutees leur proprieacutetaire priveacute nrsquoest pas identifiable car en geacuteneacuteral il nrsquoexiste pas vraiment raquo Cette inertie au plan institutionnel entraicircne une inertie comportementale servant souvent agrave preacuteserver des laquo acquis raquo et autres privilegraveges lieacutes agrave lrsquoancien systegraveme A ces caracteacuteristiques communes auxquelles on peut ajouter lrsquoinsuffisance de lrsquoeacutepargne moneacutetaire lrsquoinexistence drsquoun marcheacute boursier lrsquoeacutetat embryonnaire de reacuteseaux de professionnels et drsquoentrepreneurs la reacutealiteacute de lrsquoexpeacuterience algeacuterienne recegravele des speacutecificiteacutes qui expliquent en grande partie les reacutealiteacutes contradictoires eacutevoqueacutees plus haut La principale particulariteacute reacuteside dans le caractegravere extraverti de lrsquoeacuteconomie dans la mesure ougrave lrsquoexportation des hydrocarbures constitue la principale ressource financiegravere de ce pays Cette rente peacutetroliegravere dont le volume nrsquoa cesseacute drsquoaugmenter ces derniegraveres anneacutees en raison de la

1 Dernier rapport disponible sur le site de cet organisme 2 Selon les donneacutees de lrsquoOCDE (2005) les taux de croissance eacutetaient de 69 en 2003 54 en 2004 et les preacutevisions pour 2005 et 2006 se situent autour de 45

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progression constante des cours du baril permet de reacutealiser les taux eacuteleveacutes drsquoinvestissement deacutejagrave indiqueacutes Mais ce mode de financement de lrsquoactiviteacute eacuteconomique est agrave lrsquoorigine de deux deacuterives La premiegravere reacuteside dans la deacutependance vis-agrave-vis drsquoune seule ressource aux cours aleacuteatoires Rappelons que lrsquoeffondrement de ces derniers en 1986 doubleacute drsquoun profond deacuteficit de leacutegitimiteacute du pouvoir en place a eacuteteacute agrave lrsquoorigine de la grave crise qursquoa connu et continue de vivre ce pays crise qui a deacutemontre que cette rente nrsquoa et ne fait que compenser et masquer lrsquoinefficaciteacute des autres secteurs drsquoactiviteacute La seconde deacuterive intimement lieacutee agrave la premiegravere consiste dans le caractegravere laquo endeacutemique raquo de la corruption lrsquoAlgeacuterie eacutetant classeacute parmi les pays les plus corrompus du monde3 La preacutedominance de cette logique rentiegravere coupleacutee agrave une eacuteconomie informelle tentaculaire explique en grande partie les reacutesistances et oppositions agrave lrsquoeacutemergence drsquoune logique productive impliquant une refonte profonde des modes de gestion La crise de leacutegitimiteacute des institutions et lrsquoinstabiliteacute des dirigeants constitue un facteur inertiel non mois important en raison des laquo heacutesitations revirements et changements de programmes les discontinuiteacutes et inconstances observeacutees dans la conduite des politiques publique raquo ce qui a pour conseacutequence laquo le caractegravere instable et eacutepheacutemegravere drsquoun mode drsquoorganisation sans cesse reacuteviseacute jamais stabiliseacute (CNES 2003) Ces heacutesitations et deacutemarches sinueuses sont les plus manifestes en matiegravere de privatisation ce laquo serpent de mer depuis 15 ans raquo (FAbdallah 2002) Les propos de lrsquoancien ministre de la participation et de la coordination des reacuteformes (2002) sont eacutedifiants agrave cet eacutegard laquo En Algeacuterie nous avons beaucoup parleacute de privatisation et peu privatiseacute raquoLa fragilisation drsquoinstitutions deacutejagrave chancelantes par les conflits entre visions souvent antagonistes de cette transition expliquent en plus des eacuteleacutements eacutevoqueacutes plus haut lrsquoabsence de strateacutegie globale et partant lrsquoincoheacuterence des deacutemarches de restructuration industrielle et de privatisation Dans un tel contexte les entreprises malgreacute la multiplication des plans adopteacutes et la diversiteacute de leur intitulation (plan agrave moyen terme plan de redressement ou business plan) ne parviennent pas agrave lrsquoexception de quelques cas particuliers sur lesquels nous reviendrons agrave ameacuteliorer leur reacutesultat Ainsi malgreacute les diffeacuterentes tentatives de laquo mise agrave niveau raquo et drsquoassainissement financier accompagneacutees de reacuteductions sensibles drsquoeffectifs (reacuteduction de 23 de lrsquoeffectif total dans le secteur industriel CNES) le niveau de compeacutetitiviteacute de ces entreprises ne cesse drsquoenregistrer des reacutesultats neacutegatifs (-7 drsquoexportation hors hydrocarbures) La baisse de la production industrielle de 39 enregistreacutee au quatriegraveme trimestre 2004 par lrsquoOffice National de Statistiques confirme cette tendance Lrsquointerventionnisme eacutetatique persistant qui vise agrave redresser les entreprises selon un mode standardiseacute et uniformiseacute a donc produit les effets inverses En effet en plus des contraintes environnementales deacutejagrave citeacutees les modes de gestion interne restent selon le diagnostic du CNES laquo domineacutes par des meacutethodes drsquoune eacuteconomie administreacutee les rapports drsquoactiviteacute sont conccedilus toujours selon le mecircme canevas Cette maniegravere de faire ne peut permettre drsquoasseoir une strateacutegie viable raquoSi ces pratiques ougrave la tricherie informationnelle (autre caracteacuteristique des eacuteconomies planifieacutees) persiste notamment pour obtenir davantage de creacutedits de lrsquoEtat il convient neacuteanmoins de relever lrsquoeacutemergence de nouvelles pratiques visant la rupture avec ce mode de fonctionnement

3 La coalition contre la corruption un gros plan sur lrsquoAfrique Transparency International Rapport annuel 2003 citeacute par ABouyacoub (2005)

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A ce sujet lrsquoeacutevolution reacutecente de certaines entreprises examineacutees plus bas complegravete les observations et conclusions drsquoune recherche que nous avons meneacutee en 19994 Lrsquoeacutetude de cinq entreprises relevant de secteurs drsquoactiviteacute diffeacuterents (industrie distribution de produits pharmaceutiques engineering industriel) nous a permis de constater malgreacute ces pressions agrave lrsquouniformiteacute la diversiteacute des modes de prise en charge et de pilotage du changement Ces derniers obeacuteissaient agrave trois logiques drsquoaction que nous avons pu identifier La premiegravere qualifieacutee drsquoadaptation passive domineacutee par la rationalisation du statu quo laisse apparaicirctre la preacutegnance de lrsquolaquo habitus rentier raquo A l lsquoinverse la seconde fondeacutee sur une inteacutegration active au nouveau mode de gestion se caracteacuterise par une forte deacutesirabiliteacute du changement et volonteacute de rupture avec lrsquoancien systegraveme Il convient de noter que cette logique tend agrave privileacutegier la dimension eacuteconomique voire technique des processus de rationalisation au motif que les choix sont limiteacutes par les contraintes lieacutees agrave la laquo mondialisation raquoCrsquoest preacuteciseacutement contre cet aveu drsquoimpuissance voire de reacutesignation que se situe la troisiegraveme logique celle de la double deacutemarcation qui vise lrsquoeacutelargissement du champ des possibles en vue de lrsquoinventionconstruction de modes de reacutegulation alternatifs logique qui faut-il lrsquoadmettre est encore agrave lrsquoeacutetat embryonnaire Le teacutelescopage de ces logiques ne peut que produire des formes drsquohybridation organisationnelle originale au plan micro qui sont lrsquoexpression drsquoune eacuteconomie mixte au plan macro (BChavance 1994) ougrave le laquo nouveau eacutemerge en parallegravele avec le vieux et non sur les ruines de ce dernier raquo (Csaba 1996) Dans cette profonde mutation ougrave il ne srsquoagit pas seulement de changer les regravegles du jeu mais la nature du jeu lui-mecircme les reacuteactions et laquo comportements raquo des entreprises sont fort contrasteacutes reacuteveacutelant la nature des rapports de force entre logiques drsquoaction preacuteceacutedemment deacutecrites

2 Pratiques eacutemergentes et nouvelle(s) reacutegulation(s) La dynamique de reconstruction des modes de direction et de coordination se caracteacuterise comme nous lrsquoavons vu par lrsquounilateacuteraliteacute de nouvelles normes imposeacutees par les programmes drsquoajustement structurel Ces derniers eacutetaient censeacutes mettre agrave la disposition des acteurs des regravegles precirctes agrave lrsquoemploi (B Reynaud 1997) crsquoest-agrave-dire des regravegles qui se deacutefinissent par reacutefeacuterence agrave des seuils des indicateurs et des ratios notamment au plan comptable et financier Lrsquoapplication de ces derniegraveres par les entreprises est placeacutee sous le controcircle de lrsquoEtat qui devait selon les propos de lrsquoancien ministre des industries et de la restructuration (1995) laquo ecirctre le FMI des entreprises publiques raquo A travers cette mise sous surveillance eacutetroite du processus drsquoautonomisation autre paradoxe de cette transition les nouvelles regravegles de gestion au lieu de servir de cadre de guide pour lrsquoaction deviennent de veacuteritables laquo carcans raquo pour les gestionnaires Obeacuteissant agrave une vision reacuteduisant la performance aux seules dimensions techniques et financiegraveres lrsquointensification de cette reacutegulation de controcircle reacuteduit consideacuterablement les espaces drsquointerpreacutetation susceptibles de produire des regravegles drsquoajustement contextuel (PLivet 1997) Malgreacute ces contraintes certains dirigeants tentent de srsquoapproprier le changement en contestant ces meacutethodes et en impulsant de reacuteelles dynamiques drsquoautonomisation Dans ce sens des efforts drsquointerpreacutetation et de (re)deacutefinition de la performance dans une optique multidimensionnelle ont deacuteboucheacute sur la mise en place de systegravemes drsquoinformation de gestion

4 Voir notre thegravese de Doctorat intituleacutee laquo conflit de rationaliteacutes et construction de la GRH dans les eacuteconomies en transition le cas des entreprises publiques algeacuteriennes raquo IAE de Lille feacutevrier 1999

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plus fiable et plus efficace (introduction de nouveaux indicateurs de productiviteacute) de refonte des modes de classification et de reacutemuneacuteration en vue de reconnecter contribution et reacutetribution La formation longtemps neacutegligeacutee occupe deacutesormais une place importante dans les dispositifs de changement et des budgets conseacutequents lui sont consacreacutes Cette dynamique de changement observeacutee dans deux entreprises sur les cinq ne peut autoriser une quelconque geacuteneacuteralisation Neacuteanmoins les eacutevolutions enregistreacutees depuis cette date permettent de classer les entreprises en deux grands groupes Le premier est constitueacute drsquoentreprises privatiseacutees qui ont conclu des accords de partenariat avec des multinationales et le second drsquoentreprises qui ont proceacutedeacute agrave des restructurations sans modifier la nature de leur proprieacuteteacute les filiales creacuteeacutees relevant toujours drsquoentreprises publiques Dans le premier cas on peut citer deux entreprises lrsquoune dans le secteur sideacuterurgique (Ispat devenue reacutecemment Metal Steel Annaba) et lrsquoautre dans celui des industries chimiques (Enad-Henkel)Selon les principaux acteurs de la premiegravere entreprise (dirigeants et repreacutesentants syndicaux) lrsquoexpeacuterience de partenariat est laquo positive raquo Ainsi le DRH considegravere que laquo tous les engagements sont respecteacutes en matiegravere de preacuteservation de lrsquoemploi notammenthellipEn matiegravere drsquoinvestissement dans lrsquohomme quelques 3000 personnes ont beacuteneacuteficieacute de formation et 70 autres ont eacuteteacute envoyeacutes agrave lrsquoeacutetranger dans les usines du groupehellipLes salaires se sont nettement ameacutelioreacutes compareacutes aux anneacutees preacuteceacutedentes raquo Ce que confirme un repreacutesentant syndical qui estime que laquo lrsquoeacuteleacutement deacuteterminant dans la disparition des craintes reacuteside en plus de la preacuteservation de lrsquoemploi dans lrsquoaugmentation des salaires qui est de lrsquoordre de 60 raquo5 Il convient de noter que ces augmentations reacutesultent de lrsquoeacuteleacutevation des niveaux de production et de productiviteacute gracircce agrave la modernisation des eacutequipements et agrave la laquo rationalisation raquo du fonctionnement de lrsquoentreprise laquo En matiegravere de proceacutedures de gestion il y a eacutechange drsquoun certain savoir-fairehellip Il y a un eacutechange drsquoinformations techniques gracircce agrave Iroum un systegraveme drsquoinformations interne au groupe Cela facilite la communication et la reacutesolution de problegravemes technique ccedila a son pesant drsquoor raquo tient agrave preacuteciser le directeur des opeacuterations La nouvelle situation de cette entreprise est bien reacutesumeacutee par ce repreacutesentant syndical laquo rigueur discipline et nouvelles meacutethodes de travailhellipFini le temps du laisser-aller maintenant crsquoest strictement organiseacute raquo Les appreacuteciations de responsables de diffeacuterentes fonctions (marketing production) vont dans le mecircme sens et soulignent les incidences positives de la responsabilisation des managers soumis deacutesormais agrave lrsquoobligation de reacutesultats Il est clair que ces donneacutees sont insuffisantes pour eacutevaluer de faccedilon approfondie cette expeacuterience Elles permettent cependant de relever des reacutealiteacutes organisationnelles eacutemergentes qui deacutenotent une ferme volonteacute drsquointernaliser des modes de gestion exogegravene Srsquoagissant de la seconde entreprise les reacutesultats enregistreacutes sont positifs malgreacute des diffeacuterends et conflits qui ont porteacute sur la proceacutedure de privatisation et notamment de fixation des prix de cession En effet lrsquoentreprise a reacuteussi agrave deacutetenir 20 de parts de marcheacute et envisage lrsquoexportation de 20 000 tonnes de deacutetergents6 gracircce agrave des laquo investissements dans le domaine de la production du marketing et des ressources humaines raquo Bien que non privatiseacutees mais certainement en voie de lrsquoecirctre certaines entreprises du second groupe certes minoritaires se sont engageacutes reacutesolument dans la voie de leur transformation en entreprise commerciale soumise aux lois drsquoun marcheacute de plus en plus ouvert agrave la concurrence

5 Ces propos sont extraits drsquoun article de A Chih paru dans le quotidien liberteacute du 23 janvier 2005 6 Donneacutees figurant sur lrsquoarticle de YSalami paru dans le quotidien La tribune du 21 mars 2005

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nationale et internationale Ainsi la Socieacuteteacute Nationale des transports ferroviaires (SNTF par abreacuteviation) confronteacutee au deacutefi drsquoameacuteliorer ses niveaux de productiviteacute en reacuteduisant au maximum les coucircts sociaux a eacuteteacute ameneacutee agrave revoir son mode de gestion agrave partir de la reacuteorganisation de lrsquoinformation sociale en vue de la rendre accessible agrave tous les acteurs concerneacutes (OLayadi 2003) Selon ce consultant cette entreprise caracteacuteriseacutee par un double deacuteseacutequilibre quantitatif et qualitatif de ses ressources humaines (sureffectif de 3000 salarieacutes avec une masse salariale repreacutesentant 114 du chiffre drsquoaffaires) a conccedilu dans le cadre de son plan de redressement un bilan social qui a permis de structurer lrsquoinformation sociale et de mettre en eacutevidence drsquoimportants dysfonctionnements tels que le recours agrave des heures suppleacutementaires malgreacute des effectifs pleacutethoriques ou le caractegravere forfaitaire des primes de productiviteacute Cette dynamique de structuration de lrsquoinformation sociale en vue de son traitement optimal a permis drsquoapporter des mesures correctives (blocage des recrutements redeacuteploiement drsquoune partie des sureffectifs dans les filiales nouvellement creacuteeacutees notamment) qui ont abouti agrave la laquo reacutesorption des sureffectifs et agrave la stabilisation relative de la masse salariale malgreacute les augmentations geacuteneacuterales deacutecideacutees par le gouvernement raquo En outre lrsquoassociation des partenaires sociaux agrave ces processus de changement a permis de laquo jeter les bases de nouveaux modes de neacutegociation entraicircnant un changement qualitatif de comportement du syndicat en raison de la clarteacute des indicateurs la transparence des reacutesultats et leur visibiliteacute raquo Ce sont lagrave aussi des appreacuteciations et eacutevaluations qui restent agrave examiner de plus pregraves Enfin cette bregraveve preacutesentation des pratiques eacutemergentes de pilotage du changement notamment dans son volet social meacuterite drsquoecirctre compleacuteteacutee par le cas de Sonatrach (socieacuteteacute nationale de production et de commercialisation des hydrocarbures) dans la mesure ougrave cette entreprise assure comme nous lrsquoavons vu les principales rentreacutees financiegraveres de ce pays et repreacutesente agrave elle seule 30 du PNB Il y a lieu de preacuteciser que les pouvoirs publics nrsquoont jamais tenteacute lrsquoexpeacuterimentation de la laquo Gestion Socialiste des Entreprises raquo appliqueacutee pourtant agrave lrsquoensemble des entreprises publiques Le caractegravere strateacutegique voire vital de cette entreprise pour lrsquoeacuteconomie algeacuterienne et les craintes de sa deacutestabilisation par lrsquoapplication de ce mode de fonctionnement en sont les principales causes Malgreacute cela elle nrsquoa pu eacutechapper en matiegravere de classification et de reacutemuneacuteration agrave lrsquoapplication du Statut Geacuteneacuteral du Travailleur (SGT par abreacuteviation) un systegraveme eacutegalitariste et contraignant baseacute sur une meacutethode nationale de classification (ce qui constitue en soi une aberration) qui a montreacute ses limites drsquoougrave son abrogation en 1990 Depuis quelque temps cette entreprise a lanceacute un vaste chantier de refondation de son systegraveme de classification et de reacutemuneacuteration Selon son vice-preacutesident laquo avec un nouveau systegraveme de reacutemuneacuterations qui veut prendre en compte les contributions de chacun nous entendons bien travailler en profondeur passer drsquoune logique de poste agrave une logique de rocircle et de compeacutetences raquo7 Lrsquoobjectif principal de ce dispositif vise agrave reacutetribuer les performances par la mise en place de systegravemes drsquoeacutevaluation et notamment un pilotage par objectifs pour les cadres (G Le Nagard 2004)Compte tenu du niveau technologique eacuteleveacute de cette activiteacute et de lrsquolaquohostiliteacute de son environnement (domination du marcheacute par de plus grands groupes) Sonatrach a eacuteteacute dans lrsquoobligation de laquo privileacutegier le deacuteveloppement des ressources humaines en intensifiant son effort de formation ce qui repreacutesente 5 agrave 6 de la masse salariale et 55 agrave 70 des effectifs permanents formeacutes annuellement (AFeghouli 2003)

7 Propos recueillis par G Le Nagard dans son article paru dans la revue Entreprise et Carriegraveres ndeg730 septembre 2004

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Pour mener agrave bien ces projets et actions en GRH la fonction RH a connu toujours selon son vice-preacutesident laquo un deacuteveloppement consideacuterable au cours de la deacutecennie 1993-2003 raquo qui a consisteacute dans la mise en place de supports structurels en vue de reacutepondre aux exigences et objectifs de la strateacutegie drsquointernationalisation et de modernisation adopteacutee par cette entreprise Ces structures ont beacuteneacuteficieacute de laquo lrsquoaffectation de 5 de lrsquoeffectif total raquo En matiegravere de pilotage on note laquo lrsquoorganisation de brainstorming dans lrsquoensemble des domaines drsquoactiviteacute afin drsquoimpliquer les cadres et speacutecialistes dans lrsquoanalyse de situations les concernant lrsquoexploration des perspectives drsquoeacutevolution agrave travers des orientations drsquoaction assortis de plans et programmes de mise en œuvre raquo A travers ces exemples dont les donneacutees restent agrave bien des eacutegards lacunaires nous avons surtout voulu mettre en eacutevidence la tendance au deacuteveloppement de pratiques autonomes qui deacutemontrent bien la dualiteacute du structurel (AGiddens 1987) dans la mesure ougrave laquo il est en mecircme temps contraignant et habilitanthellip Le structurel nrsquoest pas que contrainte mais permet aux acteurs de produire et de disposer de compeacutetences leur permettant drsquoexercer un laquo controcircle reacuteflexif de leur activiteacute sociale raquo La mateacuterialisation progressive de ces processus drsquoautonomisation de lrsquoentreprise et drsquoune faccedilon geacuteneacuterale de la socieacuteteacute civile par rapport agrave lrsquoEtat et la dynamique conflictuelle qui en deacutecoule oblige en effet les acteurs agrave prendre position quant agrave la deacutefinition et construction de nouveaux reacutefeacuterentiels et partant de nouveaux modes de gouvernance

3 Pilotage social enjeux et perspectives Les situations de crise et les contre-performances chroniques de la majoriteacute des entreprises exigent des solutions urgentes renforccedilant ainsi les besoins en instrumentation de gestion exprimeacutes par les gestionnaires La satisfaction de ces besoins peut suivre alors deux directions opposeacutees mais qui ne sont pas incompatibles leur compleacutementariteacute deacutependant essentiellement de la vision de ces derniers et des paradigmes dans lesquels se situe leur intervention La premiegravere qui est dominante car incontournable srsquoinscrit dans la logique de la quantification et de la calculabiliteacute qui sert de fondement aux deacutemarches algorithmiques et mimeacutetiques Crsquoest le cas par exemple de la gestion des sureffectifs puisque cette opeacuteration srsquoest geacuteneacuteralement limiteacutee agrave une simple reacuteduction (soustraction) sans laquo repenser raquo les modes drsquoorganisation et de fonctionnement Cette faccedilon de proceacuteder a eu pour conseacutequence le deacutepart des salarieacutes les plus qualifieacutes privant ces entreprises de compeacutetences au moment ougrave elles en ont le plus besoin Lrsquoinsuffisance voire lrsquoabsence drsquoanticipation et de prise en charge du processus en amont deacutecoule drsquoune focalisation sur les seuls ratios comptables et financiers reacuteduisant les ressources humaines agrave un simple coucirct pour lrsquoentreprise La preacuteeacuteminence de lrsquoanalyse financiegravere sur lrsquoanalyse organisationnelle plus en raison de sa maniabiliteacute que de sa pertinence observeacutee dans les pays industrialiseacutes (FNoeumll GSchmidt 2003) est donc bien preacutesente malgreacute des reacutealiteacutes contextuelles et organisationnelles diffeacuterentes Par opposition au mimeacutetisme qui se limite geacuteneacuteralement agrave la transposition quasi-meacutecanique drsquooutils de gestion la seconde voie tente de combiner les dimensions quantitatives et qualitatives privileacutegiant ainsi les deacutemarches heuristiques baseacutees sur lrsquointerpreacutetation et la deacutelibeacuteration constitutives de regravegles valides et leacutegitimes Les pratiques eacutemergentes accordant une importance aux eacutechanges et traitements de lrsquoinformation tant technique que sociale deacutecrites preacuteceacutedemment srsquoinscrivent dans cette perspective Mais le choix ou la preacutedominance drsquoune des deux voies deacutepend en fait du traitement de la question centrale de la reconfiguration

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de ces organisations dans le sens drsquoune laquo retaylorisation raquo8 ou au contraire drsquoune laquo deacutetaylorisation raquo Dans le premier cas de figure crsquoest bien eacutevidemment le paradigme de la mesure et son corollaire le controcircle qui serait dominant Dans le second crsquoest au contraire le paradigme de lrsquointerpreacutetation et son corollaire le pilotage (PLorino 1996) qui serait privileacutegieacute Compte tenu des fortes exigences de rationalisation de la gestion de ces entreprises la reconstruction de leur mode de reacutegulation doit agrave notre avis viser lrsquoarticulation de ces deux dimensions la mesure et lrsquointerpreacutetation Dans un contexte marqueacute par le primat drsquoune reacutegulation de controcircle eacutetatique souvent inefficace lrsquoeacutemergence et le deacuteveloppement de pratiques autonomes reacutevegravelent la complexiteacute de la construction de nouveaux reacutefeacuterentiels et drsquoindicateurs qui explique en partie les dilemmes et heacutesitation des acteur cleacutes entre mimeacutetisme porteur de certitudes et creacuteativiteacute source drsquointerrogations et de questionnements permanents Comme nous lrsquoavons deacutejagrave indiqueacute le risque drsquoutilisation heacutegeacutemonique drsquoun indicateur (RPerez 2003) sous la pression externe est bien preacutesent Pour lrsquoeacuteviter la reacuteponse agrave une double exigence drsquoinstrumentationeacutevaluation et drsquointerpreacutetationdeacutelibeacuteration srsquoimpose Dans ce sens la mise en place de dispositifs organisationnels centreacutes sur le deacuteveloppement des eacutechanges intra et inter-structurelles peut favoriser un apprentissage agrave double boucle ougrave peut srsquoaffirmer lrsquoautonomie cognitive des acteurs Crsquoest donc par lrsquoassociation effective des parties (ap)prenantes que peuvent ecirctre neacutegocieacutes des compromis sur la leacutegitimiteacute des reacutefeacuterentiels et par lagrave mecircme sur la laquo preacutegnance raquo des indicateurs crsquoest-agrave-dire ceux qui laquo condensent cristallisent des concepts des valeurs des normes et les justifications de ces derniegraveres raquo (VBroussard 2001) Cette intersubjectiviteacute assurerait la validiteacute des outils de pilotage de lrsquoactiviteacute globale de lrsquoentreprise Sur le plan particulier de lrsquointervention en GRH elle faciliterait la construction de batteries drsquoindicateurs relevant de diffeacuterentes approches de lrsquoorganisation (planification contingence increacutementalehellipvoir FPichault 2004) Comme laquo la mesure en GRH nrsquoa guegravere de sens si elle se cantonne agrave une seule dimension raquo la combinaison drsquoapproches quantitatives et qualitatives srsquoavegravere neacutecessaire Lrsquoadoption drsquoun telle deacutemarche peut non seulement reacuteduire les espaces drsquoindeacutecidabiliteacute compte tenu de lrsquoincompleacutetude des regravegles (Voir Ofavereau et PLivet 1997) malgreacute les tentations panoptiques qui sous-tendent leur eacutelaboration mais aussi et surtout favoriser la construction de reacutegulations conjointes entre lrsquoEtat et les entreprises et au sein de ces derniegraveres En paraphrasant Wittgenstein ce mode de reacutegulation en encourageant lrsquointerpreacutetation des standards apporterait des reacuteponses satisfaisantes aux quatre exigences drsquoeacutelaboration drsquoune regravegle agrave savoir sa leacutegitimiteacute son utiliteacute sa lisibiliteacute et enfin son applicabiliteacute Dans de telles conditions les acteurs au lieu de srsquoenfermer dans des attitudes de retrait ou de laquo passager clandestin raquo peuvent donner du sens agrave leur action et srsquoimpliquer davantage dans le processus de changement En restant autonome agrave lrsquoeacutegard de ce dernier ils en seraient alors les acteurs (PLouart 2003) et participeraient activement agrave lrsquoarticulation drsquoun pilotage par le haut et par le bas (Ofavereau JMle Gall 2003) Situeacute aux antipodes drsquoun laquo pilotage quasi-automatique baseacute sur des indicateurs deacutemateacuterialiseacutes (RPeacuterez 2003) un tel mode de pilotage doit obeacuteir au principe de volonteacute mais aussi et surtout au principe de reacutealiteacute Dans ce sens outre les contraintes externes eacutevoqueacutees preacuteceacutedemment il y a lieu de tenir compte des

8 Certains auteurs qualifiant le mode drsquoorganisation des entreprises dans les pays en transition de taylorisme laquo incomplet raquo ou laquo inacheveacute raquo

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insuffisances de professionnalisme heacuteritage de lrsquoancien systegraveme qui imposent des efforts soutenus en matiegravere de formation La tendance agrave lrsquoextension et multiplication des actions de formation releveacutee agrave partir des expeacuteriences deacutecrites plus haut deacutemontre lrsquoimportance grandissante de cette activiteacute Mais il convient de preacuteciser que sur ce plan la dimension qualitative agrave savoir le contenu et la qualiteacute de la formation doit constituer une preacuteoccupation centrale En effet une formation limiteacutee agrave la seule dimension technique et instrumentale bien que neacutecessaire est nettement insuffisante pour combler les deacuteficits constateacutes En visant le deacuteveloppement drsquoun esprit critique vis-agrave-vis de toute forme de standardisation des maniegraveres de faire et de penser la formation coupleacutee agrave lrsquoapprentissage sur le terrain peut contribuer au deacuteveloppement drsquoune reacuteflexion strateacutegique articulant universaux de gestion et particulariteacutes locales Outre le renouvellement des pratiques lrsquoengagement drsquoune dynamique visant lrsquoappropriation des diffeacuterentes formes de savoir peut participer agrave lrsquoenrichissement du cadre drsquoanalyse des modes de pilotage et modes de gouvernance des entreprises En effet au moment ougrave le deacuteveloppement durable est preacutesenteacute comme un nouveau mode de deacuteveloppement eacuteconomique et social qui fait lrsquoobjet de controverses et est laquo agrave la recherche drsquoun corps de doctrine renfermant dogmes et reacutefeacuterents (JLauriol 2004) les processus de deacuteconstructionreconstruction en cours dans les eacuteconomies en transition mettent bien en eacutevidence les tensions et contradictions entre reacutefeacuterentiel financier et reacutefeacuterentiel durable (ACMartinet E Reynaud 2004) Les conseacutequences neacutegatives au plan social environnemental mais aussi manageacuterial de lrsquoimposition drsquoune ideacuteologie centreacutee sur la seule rentabiliteacute financiegravere constituent autant drsquoarguments qui justifient la recherche de modes de reacutegulation alternatifs A ce niveau la complexiteacute et la diversiteacute des pratiques releveacutees dans les pays en transition malgreacute les pressions uniformisatrices - lrsquoAlgeacuterie avec ses speacutecificiteacutes nrsquoeacutechappant pas agrave ce constat ndash encourage la reacuteflexion sur la possible contribution des eacuteconomies post-socialistes agrave la diversiteacute du capitalisme9 (EMagnin 1999) et par lagrave mecircme agrave la remise en cause de la domination du modegravele anglo-saxon Celle-ci suppose la laquo redeacutefinition du rocircle de lrsquoEtat et de lrsquoaction collective dans lrsquoeacuteconomiehellip le deacutefi central aujourdrsquohui consistant agrave trouver le juste eacutequilibre entre lrsquoEtat et le marcheacute raquo (JE Stiglitz 2003) La concreacutetisation de cet objectif dans un contexte ougrave laquo la mondialisation eacuteconomique est alleacutee plus vite que la mondialisation politique raquo passe neacutecessairement par la reacutehabilitation de lrsquoeacutethique La neacutecessiteacute de disposer face agrave lrsquoextension des deacutelocalisations de normes de travail agrave lrsquoeacutechelle de la planegravete (JIgalens 2003) pour eacuteviter les pratiques de dumping social srsquoinscrit dans cette perspective Mais comme les situations de crise favorisent la monteacutee en puissance des experts les risques drsquoinstrumentalisation et de capture de lrsquoideacuteal eacutethique sont bien preacutesents Aussi faut-il faire preuve de vigilance vis-agrave-vis des excegraves de laquo pilotage par les instruments qui tend agrave supplanter le management au lieu de simplement lrsquoaider dans ses deacutecisions raquo (RPeacuterez 2003) Les deacuterives et autres laquo deacutegacircts sociaux et environnementaux raquo provoqueacutes par lrsquoapplication des laquo theacuterapies de choc raquo dans les pays en transition preacuteconiseacutees par des laquo experts egraves-transition raquo mettent en eacutevidence la neacutecessiteacute de remise en cause de ces modes de gouvernance produits et (re)produisant le mouvement de financiarisation de lrsquoeacuteconomie

9 Cela ne signifie pas que cette reacuteflexion part du postulat de lrsquoindeacutepassabiliteacute de ce systegraveme question qui meacuterite des deacuteveloppements particuliers qui deacutepassent le cadre de notre propos

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Pour eacuteviter le passage drsquoun extrecircme agrave lrsquoautre crsquoest-agrave-dire du pilotage agrave vue au laquo pilotage automatique raquo dans des situations marqueacutees par des reacutealiteacutes bipolaires Etat-marcheacute secteur public-secteur priveacute controcircle-autonomie qui poussent au raisonnement binaire voire au manicheacuteisme lrsquoadoption de postures critiques et auto-reacuteflexives permet lrsquoinclusion du tiers-exclu indispensable au deacutepassement de ces contradictions Conclusion Dans un contexte caracteacuteriseacute par des oscillations permanentes entre retaylorisation et deacutetaylorisation sur fond drsquointerventionnisme eacutetatique contraignant et paralysant en raison des deacutecalages manifestes entre theacuteorie eacutepouseacutee (libeacuteralisation du systegraveme eacuteconomique et politique) et theacuteorie en usage (intensification du controcircle et neutralisation des contrepouvoirs) lrsquoautonomisation des entreprises reacutevegravele divers facteurs inertiels au double plan institutionnel et organisationnel La construction de modes de reacutegulation alternatifs ne peut se limiter agrave la mise en place drsquooutils aussi performants soient-ils Ces derniers bien que neacutecessaires ne doivent en aucun cas releacuteguer au second plan la mise en oeuvre drsquoune reacutegulation socio-politique Aussi les exigences de pilotage tant au plan mateacuteriel qursquoimmateacuteriel imposent-elles la construction de nouveaux reacutefeacuterentiels et indicateurs valides et leacutegitimes Dans ce sens les pratiques eacutemergentes des entreprises favorisant lrsquointerpreacutetation et la deacutelibeacuteration sur les normes et regravegles ouvrent malgreacute les pesanteurs du contexte et le poids des routines deacutefensives en raison du nombre eacuteleveacute de perdants par rapport aux gagnants des perspectives au double plan pratique et theacuteorique Lrsquoanalyse approfondie de ces derniegraveres dans le sens de la contribution agrave lrsquoeacutelaboration drsquoune theacuteorie (non limiteacutee agrave la seule dimension eacuteconomique) de la transition neacutecessite la reacutealisation drsquoeacutetudes longitudinales et multidisciplinaires BIBLIOGRAPHIE Ouvrages et articles Andreff V (2001) Les aspects inertiels de la transition colloque sur lrsquoeacuteconomie et le management dans les pays en transition ESSCA Angers

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Documents officiels CNES Rapport sur la conjoncture eacuteconomique et sociale 2egraveme semestre 2003

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SYNDICALISME ET MANAGEMENT DANS LES ENTREPRISES MAROCAINES laquo FAIRE DU DIALOGUE SOCIAL LA SOLUTION DE LA PERFORMANCE ABSOLUE DES ENTREPRISES raquo Karim HAMOUMI1 Doctorant en sciences de gestion ndash CLAREE ndash IAE de Lille

Introduction La deacutefinition du concept Management pose certaines difficulteacutes qui traduisent des divergences entre les auteurs agrave trois niveaux

o lorigine du concept (terme) o sa deacutenomination o et son contenu

En ce qui concerne son origine on rencontre souvent deux types dauteurs

ceux qui pensent que le terme management est dorigine anglo-saxonne et ceux2 qui rappellent quil sagirait dun vieux mot franccedilais dorigine latine (venant de manus la main) proche du verbe italien maneggiare (manier conduire) Ce terme semble-t-il longtemps oublieacute dans la langue franccedilaise a fini par ecirctre remis au goucirct du jour par lAcadeacutemie Franccedilaise en 1973

Il est donc important de noter quaujourdhui les termes management et manager existent bel et bien dans la langue franccedilaise et que comme le preacutecise O Aktouf (1999) le premier y est deacutefini comme conduite direction dune entreprise alors que le second y prend la signification de diriger Sur un autre plan lactiviteacute de conduite des organisations porte plusieurs deacutenominations diffeacuterentes Ainsi on retrouve dans la litteacuterature des termes tels que gestion administration animation3 management ou geacuterer administrer manager ou encore gestionnaire administrateur cadre dirigeant manager manageur Pour S Alecian et D Foucher (1994) le management est le meacutetier qui consiste agrave conduire dans un contexte donneacute un groupe dhommes et de femmes ayant agrave atteindre en commun des objectifs conformes aux finaliteacutes de lorganisation dappartenance H Savall et V Zardet (1997) se diffeacuterencient notablement des autres lorsquils prescrivent le management socio-eacuteconomique qui se reacutesume agrave ameacuteliorer conjointement la performance eacuteconomique des organisations et leur performance sociale et qui met agrave la disposition des managers des outils opeacuterationnels de pilotage Ils proposent en outre une deacutefinition du management qui met laccent dune part sur le caractegravere scientifique de lapproche manageacuteriale et dautre part sur les enjeux contradictoires auxquels les acteurs sont confronteacutes et autour desquels un consensus opeacuteratoire doit ecirctre construit pour produire les biens et les services Il reste donc que le fondement du Management par delagrave les aspects linguistiques reste la recherche de la reacutesolution de la contradiction fondamentale chegravere aux marxistes entre le capital et le travail dans ses aspects objectifs et subjectifs 1 karimhamoumieduniv-lillefr 2 Hermel P Le Management participatif ndash Sens reacutealiteacutes actions Editions dOrganisation 1988 3 Bartoli A Hermel P Piloter lentreprise en mutation ndash Une approche strateacutegique du changement Editions dOrganisation 1986

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Le Syndicalisme4 est le fait social et politique que repreacutesentent lrsquoexistence et lrsquoaction des syndicats des salarieacutes dans leur diversiteacute La principale fonction du mouvement syndical consiste aujourdrsquohui dans la repreacutesentation des travailleurs salarieacutes dans diverses instances intra ou interentreprises voire nationales et internationales neacutegociation de conventions collectives avec les syndicats patronaux dialogue avec les pouvoirs publics sur les grandes orientations de la leacutegislation sociale et du droit du travail (dialogue social5) Intervenant dans lrsquoespace de lrsquoentreprise on voit bien que les termes Syndicalisme et Management nous renvoient vers des ideacuteologies et des reacutealiteacutes bien diffeacuterentes Le Management repreacutesente lrsquoimage du pouvoir dans lrsquoentreprise de la vision et de la strateacutegie porteacutees par les actionnaires et par les deacutecideurs alors que le syndicalisme nous renvoie au contraire agrave une image de deacutefense des inteacuterecircts mateacuteriels et moraux des salarieacutes de lrsquoentreprise Ce qui nrsquoempecircche pas lrsquoexistence de vision et de strateacutegie syndicales Notre probleacutematique ici est de voir dans quelle mesure ces deux concepts vont srsquoaffronter ou srsquoallier pour atteindre chacun ses objectifs propres A premiegravere vue les logiques drsquointeacuterecircts sont fonciegraverement opposeacutees Pour les patrons ce sera la maximisation des profits et pour les travailleurs la juste reacutepartition de leur contribution agrave la constitution de ces mecircmes profits et la maximisation de leur bien ecirctre social Au Maroc et pendant tregraves longtemps crsquoest cette seule conception drsquoaffrontement qui a preacutevalu entre les deux groupes acteurs Face agrave des meacutethodes deacutepasseacutees de direction des entreprises seul le syndicalisme de combat a caracteacuteriseacute lrsquoaction syndicale et la gregraveve lrsquooutil privileacutegieacute contrebalanceacutee par le lock-out patronal Le recours agrave lrsquointermeacutediation de lrsquoinspection du travail ou des autoriteacutes eacutetant plus formel qursquoefficace Mais drsquoun point de vue conceptuel un nouveau style de Management est intervenu depuis pour introduire un certain humanisme dans les relations professionnelles domineacutees jusque lagrave par le taylorisme Et crsquoest le domaine de la GRH6 qui a enregistreacute les plus grandes avanceacutees Les Travaux de Mayo7 (lrsquoeacutecole de Chicago) ou de Maslow ont entraicircneacute une plus grande prise en consideacuteration des conditions psychologiques drsquoeacutevolution ou de motivation du travailleur Au lendemain de la seconde guerre mondiale lrsquoavegravenement de reacutegimes de seacutecuriteacute sociale (au Royaume-Uni Lord Beveridge puis en France) et lrsquoextension des droits sociaux ont infleacutechi les meacutethodes de direction tout comme la creacuteation drsquoespaces de concertation et de neacutegociation (Comiteacutes drsquoentreprises CHSCT8 etc) ont ameneacute les syndicats agrave reconsideacuterer leur rocircle Drsquoune attitude de confrontation et drsquoaffrontement systeacutematiques ils sont inviteacutes agrave devenir des partenaires sociaux privileacutegiant le dialogue et la concertation sur tous les sujets concernant le travailleur et parfois mecircme au-delagrave La cogestion agrave lrsquoallemande ou limplication de repreacutesentants syndicaux dans les conseils drsquoadministration des entreprises en France ont remodeleacute les rapports patronat-syndicat

4 Syndicalisme mouvement social et politique des travailleurs organiseacutes pour deacutefendre leurs inteacuterecircts imposer des changements et parfois transformer le mode de production 5 Dialogue social Une deacutefinition du dialogue social nous est apporteacutee par lrsquoOrganisation Internationale du Travail (OIT) Cette deacutefinition deacutebute en ces termes ldquoLrsquoOIT deacutefinit le dialogue social comme incluant tous les types de neacutegociation de consultation ou simplement drsquoeacutechange drsquoinformations entre les repreacutesentants des gouvernements des employeurs et des travailleurs sur des questions preacutesentant un inteacuterecirct commun relatives agrave la politique eacuteconomique et socialehellip La concertation peut ecirctre informelle ou institutionnaliseacutee et elle conjugue souvent ces deux aspects Elle peut intervenir au niveau national au niveau reacutegional ou agrave celui des entreprises Elle peut ecirctre interprofessionnelle sectorielle ou preacutesenter toutes ces caracteacuteristiques agrave la foishellip Le dialogue social peut prendre diverses formes depuis le simple eacutechange drsquoinformations jusqursquoaux formes de concertation plus aboutieshellip rdquo 6 GRH Gestion des Ressources Humaines 7 Le mouvement des Relations Humaines est neacute des travaux quElton Mayo (1880-1949) a entrepris agrave lusine Western Electric de Hawthorne pregraves de Chicago 1927-1932 Sans rejeter le Taylorisme il cherche les conditions de la meilleure efficaciteacute 8 CHSCT Comiteacute dHygiegravene de Seacutecuriteacute et des Conditions de Travail (au Maroc Comiteacute drsquoHygiegravene et Seacutecuriteacute)

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Les nouvelles techniques de Management surtout dans le domaine de la GRH et le recours aux NTIC9 et aux nouvelles technologies numeacuteriques ont deacutefinitivement remodeleacute lrsquoimage du patron omnipreacutesent et deacutetenteur du pouvoir du savoir en sus des capitaux La mondialisation qui a ameneacute une eacuteconomie de plus en plus globaliseacutee occulte mecircme les veacuteritables deacutetenteurs du capital donc du pouvoir au sein des entreprises Tout ceci a concouru agrave implanter un nouveau modegravele technocratique et deacutepersonnaliseacute agrave la tecircte de lrsquoentreprise et par conseacutequent un nouveau type de relations sociales Quelles conseacutequences pour le syndicalisme Jusque-lagrave marqueacute par un clivage ideacuteologique baseacute de la lutte des classes entre un syndicalisme radical de gauche en combat contre le capitalisme et un syndicalisme modeacutereacute ou de deacutependance confessionnelle le mouvement syndical est interpelleacute pour se trouver de nouveaux repegraveres Avec ses nouvelles techniques le Management ne laisse pas indiffeacuterent Potion magique pour les uns motif de tourments et de frayeurs pour les autres II peut ecirctre conccedilu comme lrsquoensemble des techniques et des compeacutetences visant agrave optimiser lorganisation la planification la direction et le controcircle des structures et des activiteacutes dune socieacuteteacute Ou au contraire comme un outil au service exclusif du patronat visant agrave faire passer les restructurations dentreprises le deacutegraissage des effectifs (licenciements mobiliteacute geacuteographique retraites anticipeacutees et autres deacuteparts volontaires etc)

Tout en admettant lrsquoabsolue neacutecessiteacute de se renouveler tout en reconnaissant la neacutecessiteacute de travailler autrement et pour ce faire de modes dorganisation et de relations sociales diffeacuterents le mouvement syndical vit un dilemme plein de questionnements

Les meacutethodes modernes de gestion doivent-elles rester lrsquoapanage des seules directions dentreprises Le Management est-il agrave rejeter ou bien agrave transformer Peut-on faire le pari du dialogue social de la neacutegociation et tourner le dos aux meacutethodes bien maicirctriseacutees de confrontation et drsquoaffrontement perpeacutetuels Peut-on concilier les besoins de flexibiliteacute des entreprises et les besoins de seacutecuriteacute chez les salarieacutes

Cette alternative est drsquoautant plus cruelle qursquoelle coiumlncide avec un pheacutenomegravene de deacutesyndicalisation acceacuteleacutereacutee La chute du Mur de Berlin (9 novembre 1989) lrsquoeffondrement de lrsquoUnion Sovieacutetique (21 Deacutecembre 1991) qui depuis des deacutecennies du reste ne repreacutesentait plus un espoir drsquoeacutemancipation le vieillissement (obsolescence) du deacutebat ideacuteologique lrsquoameacutelioration geacuteneacuterale des conditions de vie des salarieacutes et sur le plan eacuteconomique le recul des secteurs primaires et secondaires grands pourvoyeurs de bases militantes (cols bleus) au profit du secteur des services (cols blancs) moins sensibles au chant de lrsquoInternationale Ouvriegravere tout comme la monteacutee du chocircmage ont tocirct fait de reacuteduire les effectifs des grandes centrales syndicales et fait eacutemerger un monde unipolaire sous heacutegeacutemonie ameacutericaine Et tout ceci va exacerber les reacuteflexes de meacutefiance et retarder drsquoautant la neacutecessaire mise agrave niveau du mouvement syndical ou accentuer le nouveau clivage entre des centrales participationnistes et drsquoautres plus reacutesistantes Comme on enregistrera la monteacutee en puissance du syndicalisme des cadres Avec la preacutepondeacuterance qursquoils prennent dans les systegravemes manageacuteriaux et leur positionnement agrave la jonction des inteacuterecircts des parties en preacutesence les cadres sont ameneacutes agrave deacutevelopper des formes

9 NTIC Nouvelles Technologies de lrsquoInformation et de la Communication

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de repreacutesentation et drsquointervention distinctifs et agrave se deacutemarquer des autres cateacutegories de salarieacutes

1 Lrsquohistoire du mouvement syndical au Maroc

Syndicats CDT Confeacutedeacuteration Deacutemocratique du Travail CGEM Confeacutedeacuteration Geacuteneacuterale des Entreprises Marocaines CGT Confeacutedeacuteration Geacuteneacuterale du Travail FDT Feacutedeacuteration Deacutemocratique du Travail FOM Forces Ouvriegraveres Marocaines SNES Syndicat National de lEnseignement Supeacuterieur SNP Syndicat National Populaire UGEM Union Geacuteneacuterale des Etudiants Marocains UGSCM Union Geacuteneacuterale des Syndicats Confeacutedeacutereacutes du Maroc UGTM Union Geacuteneacuterale des Travailleurs Marocains UMT Union Marocaine du Travail UNEM Union Nationale des Etudiants Marocains UNFP Union Nationale des Forces Populaires UNTM Union Nationale des Travailleurs Marocains USD Union des Syndicats Deacutemocratiques USFO Union des Syndicats des Forces Ouvriegraveres USP Union des Syndicats Populaires USTL Union des Syndicats des Travailleurs Libres UTM Union des Travailleurs Marocains

Partis Politiques

Le syndicalisme marocain aujourdrsquohui est fragile A lrsquoimage des partis politiques marocains le syndicalisme est eacuteclateacute Le mouvement ouvrier est en reacutegression un cinquiegraveme de la classe ouvriegravere serait aujourdrsquohui syndiqueacute alors qursquoau deacutebut de lrsquoindeacutependance lrsquoUMT comptait agrave elle seule plus de 600000 adheacuterents sur une population drsquoun peu plus de cinq millions drsquohabitants Les faibles effectifs que lrsquoon enregistre aujourdrsquohui se reacutepartissent entre trois grandes centrales lUMT- avec 300000 Adheacuterents lUGTM proche de lrsquoIstiqlal (parti politique marocain)- avec 100000 Adheacuterents et la CDT avec 150000 Adheacuterents reconnues eacutegalement repreacutesentatives au plan national auxquels il faudra rajouter un certain nombre drsquoorganisations ou de confeacutedeacuterations marginales dont certaines ne manquent pas drsquoambition (lUNTM lUSP les FOM lUSTL le SNP lUTM lUSD le SNES lUNEM lUGEM) Les syndicats marocains ont connu plusieurs scissions parfois dramatiques dont certaines ont eacuteteacute suivies de tentatives de reacuteunification souvent eacutepheacutemegraveres Pour mieux appreacutehender les faits actuels il est donc indispensable de faire un retour en arriegravere crsquoest effectivement le passeacute qui nous eacuteclaire sur lrsquoexistence de certaines centrales de certaines traditions toujours vivaces et de certaines rivaliteacutes entre centrales

11 La naissance Crsquoest le 30 Mars 1912 que le Roi du Maroc Moulay Abdelhafid reconnut le protectorat franccedilais dans la zone Sud du Royaume (la zone Nord et les frontiegraveres sahariennes eacutetant confieacutes agrave lrsquoEspagne) Le Geacuteneacuteral Lyautey premier reacutesident geacuteneacuteral (1912-1925) est adepte drsquoune politique soft qui vise agrave preacuteserver les structures existantes et mecircme les formes drsquoadministration territoriale traditionnelles Il megravene une politique assidue envers les habitants du Maroc pays qursquoil se fixa agrave faire progresser en engageant drsquoeacutenormes travaux au niveau de son administration et de ses infrastructures (routes voies ferreacutees ports hocircpitaux eacutecoles etc) Mais degraves son eacuteviction avec la fin de la guerre du Rif (1926) suite agrave lrsquointervention de lrsquoarmeacutee franccedilaise au secours des espagnols les inteacuterecircts coloniaux preacutedominants en meacutetropole appellent agrave mettre en place une administration plus directe agrave lrsquoimage de celle qui existait dans plusieurs de ses colonies et surtout lrsquoexploitation des richesses miniegraveres et agricoles du pays La premiegravere reacuteaction nationaliste se fait ressentir et crsquoest agrave cette eacutepoque que se constitua le Comiteacute drsquoAction Marocaine regroupement de jeunes intellectuels formeacutes en France bientocirct rejoints par de jeunes Ouleacutemas10 issus des universiteacutes theacuteologiques de Fegraves et Marrakech Leurs premiegraveres revendications visent surtout agrave obtenir un minimum de droits pour les 10 Ouleacutemas ou uleacutemas (mot dorigine arabe) Le mot nest en effet que la transposition en franccedilais de larabe ulama pluriel de lsquoalim savant Dans lislam classique et jusquagrave nos jours dans les milieux traditionnels on entend plus largement par ouleacutemas tous les savants en sciences religieuses autrement dit le droit musulman

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habitants et une eacutegaliteacute de traitement par lrsquoapplication des dispositions du texte du Protectorat Et une des premiegraveres confrontations portera justement sur le droit syndical En effet quand lrsquoadministration du protectorat finira par lrsquoaccorder ce sera au seul profit des travailleurs europeacuteens et apregraves des escarmouches au cours des anneacutees 1934 et 1935 la fougue de jeunes nationalistes srsquoest consolideacutee et srsquoest accrue Les premiegraveres gregraveves de Juin 1936 ont eacuteteacute les veacuteritables bacirctisseuses du syndicalisme marocain

12 La marocanisation du mouvement syndical Au lendemain de la seconde guerre mondiale apregraves la fermeture de la parenthegravese vichyste et le retour en force des communistes en France comme au Maroc et surtout la promesse faite en 1943 par le preacutesident Roosevelt au Roi Mohammed V lors de la confeacuterence drsquoAnfa (Janvier 1943) tenue agrave Casablanca (Maroc) de soutenir les ambitions drsquoindeacutependance du Maroc lrsquoespoir des nationalistes marocains se renforccedila sachant qursquoen 1940 la France eacutetait occupeacutee Dans un monde bouleverseacute par la guerre et dans un contexte local travailleacute par la monteacutee de la revendication et du renforcement de la coheacutesion nationale que lrsquoon assiste agrave la marocanisation du mouvement syndical Durant cette phase de lrsquohistoire syndicale du Maroc on assiste au deacuteveloppement de lrsquoorganisation au recrutement massive de Marocains agrave la creacuteation de structures et de traditions de luttes agrave lamorce drsquoune leacutegislation relative aux accidents de travail aux tribunaux de prudrsquohommes au salaire minimum aux congeacutes payeacutes agrave lrsquoinspection du travail Les efforts utiles que les contraintes de la peacuteriode de Vichy nrsquoeffaceront pas et qui permettront la reprise de la vie syndicale en 194311 (A AYACHE 1992) En 1946 une nouvelle avanceacutee srsquoest fait ressentir les Marocains ont pu dans la filiale de la CGT lrsquoUGSCM acqueacuterir des postes en co-geacuterance avec les Franccedilais A partir de 1947 on assiste agrave lrsquoextension du mouvement syndical (mouvement plus libre des composantes politiques et sociales telles que le Parti Communiste Marocain le Parti de lrsquoIstiqlal et lrsquoUnion Geacuteneacuterale des Syndicats Confeacutedeacutereacutes du Maroc) drsquoune part et au deacuteveloppement du libeacuteralisme eacuteconomique et la multiplication des entreprises drsquoautre part qui constitueront les ingreacutedients drsquoun affrontement plus direct Avec lrsquoenclenchement et la deacuteclaration du processus drsquoindeacutependance le mouvement syndical srsquoest transformeacute en mouvement national marocain et en mars 1955 le paysage syndical marocain a changeacute avec la creacuteation de lrsquoUnion Marocaine du Travail (UMT) A partir de cette date lrsquoUMT disposait drsquoune force et drsquoun monopole qui constituait une base arriegravere pour les progressistes radicaux futurs fondateurs de lrsquoUNFP par une scission de lrsquoIstiqlal Celui-ci ne tarda pas agrave reacuteagir par la creacuteation de lrsquoUGTM en 1960 Avec la beacuteneacutediction du pouvoir drsquoautres syndicats verront le jour lrsquoUSTL (1963) lrsquoUSFO (1964) Bien plus tard naicirctra la CDT (1978) par une scission de lrsquoUMT qui est le prolongement drsquoune autre scission de lrsquoUNFP qui verra naicirctre le parti USFP (1975) auquel elle est organiquement lieacutee

11 A AYACHE Le mouvement syndical au Maroc (Tome 2) Paris lrsquoHarmattan 1992

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13 Le mouvement syndical dans le remous Plusieurs facteurs ont contribueacute agrave lrsquoaffaiblissement du mouvement syndical Nous retiendrons ici les effets de quatre variables

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General Tire le ldquomauvaisrdquo exemple Lindustrie marocaine agrave travers General Tire (GTM) qui fut un geacuteantdu pneumatique du Royaume et lun des premiers joint-ventures entreune multinationale - Continental avec 342 actionnaire majoritaire-et une socieacuteteacute marocaine a assisteacute impuissante agrave la mort de ce qui a faitsa fierteacute industrielle des deacutecennies durant Le plan social que le groupeContinental voulait imposer nrsquoa fait qursquoenvenimer le climat au sein delrsquoentreprise Ce qui a conduit agrave la fermeture de GTM et la perte deplusieurs centaines demplois Aucun mot cependant sur les surenchegraveressyndicales qui mecircme si elles ne sont pas agrave lrsquoorigine de la deacutebacirccle decette entreprise ont preacutecipiteacute son arrecirct de mort Le mal qua veacutecu GTM vient de ce que cette entreprise na pas su sadapterdans un environnement qui eacutetait celui qursquoelle avait pour plein de raisons

Des raisons qui sont agrave la fois environnementales au sensreacuteglementaire coucirct de lrsquoeacutenergiehellip

Des eacuteleacutements externes et eacutegalement internes surtout qui sont unedifficulteacute pour les employeacutes et lrsquoorganisation au sens large de sadapter agravedes niveaux de productiviteacute sensiblement supeacuterieurs

Des raisons drsquoacceptation du changement par le personnel Le malaise social a reacutegneacute pendant plusieurs mois la direction na reculeacutedevant rien pour exeacutecuter son programme dit de mise en redressementjudiciaire Dailleurs lrsquoopeacuteration de deacutepart a toucheacute plus de 780 employeacutesparmi les temporaires et les permanents sans que leurs droits sociaux nesoient respecteacutes

o La reacuteorganisation de la classe ouvriegravere Au sujet de ce premier point il nous semble qursquoil est neacutecessaire de situer lrsquoeacutetat des unions syndicales dans le cadre de lrsquoanalyse de la reacuteorganisation du mouvement ouvrier marocain tel qursquoil srsquoest deacuteveloppeacute dans les anneacutees 90 Degraves que lrsquoon srsquoengage dans cette direction de recherche on srsquoaperccediloit agrave quel point la composition de classe srsquoest modifieacutee au cours des derniegraveres anneacutees creacuteant une profonde division entre fractions tendanciellement condamneacutees agrave ecirctre marginaliseacutees et une fraction dont le salaire modifie plus ou moins le comportement et la consommation La frontiegravere entre mouvement ouvrier et classe infeacuterieure se double drsquoune autre frontiegravere seacuteparant les composantes du mouvement ouvrier et affectant le fonctionnement des organisations syndicales Cette recomposition de la classe ouvriegravere explique en partie la prudence historique de ces composantes fortement fixeacutees dans les secteurs les plus compeacutetitifs La prudence de ces fractions de la classe ouvriegravere ne peut ecirctre analyseacutee en termes psychologiques ou en terme de faillite historique elle srsquoexplique par lrsquohistoire industrielle du Maroc moderne et par la position du proleacutetariat industriel dans la structuration sociale globale agrave savoir son encerclement par de larges masses marginaliseacutees et exerccedilant dans lrsquoinformel et par la monteacutee du chocircmage (qui touche de plus en plus de diplocircmeacutes) Un tel comportement social qui est historique nrsquoincite pas beaucoup agrave srsquoengager dans des luttes offensives pour arracher de nouveaux droits et de nouveaux acquis Il incite encore moins agrave prendre lrsquoinitiative dans des gregraveves agrave une eacutechelle plus large Lrsquoobservation concregravete des grandes gregraveves nationales -comme celle du 14 deacutecembre 1990- montre que le proleacutetariat industriel reste en geacuteneacuteral en dehors de ces actions

o Lrsquoentreacutee des femmes dans le marcheacute du travail reacutetribueacute Lrsquoentreacutee des femmes dans le marcheacute du travail a transformeacute la configuration ouvriegravere lors des derniegraveres anneacutees Le travail des femmes se caracteacuterise par des salaires infeacuterieurs une forte seacutegreacutegation professionnelle et des statuts preacutecaires Tous ces eacuteleacutements contribuent agrave affaiblir le lien syndical La relation femmes-faible syndicalisation peut ecirctre lue agrave lrsquoenvers faible syndicalisation-femmes Crsquoest agrave dire que si les femmes ne sont pas fortement syndiqueacutees crsquoest qursquoelles sont souvent employeacutees dans des secteurs ougrave lrsquoidentiteacute syndicale est absente ou peu preacutesente comme le travail agricole lrsquoartisanat les emplois preacutecaires ou le secteur parallegravele voire dans les PME des grandes villes

o Les cadres culturels si lrsquoon veut comprendre lrsquoeacutetat de faiblesse actuelle du mouvement syndical il faudrait travailler sur la maniegravere dont les syndicats mobilisent les cadres drsquointerpreacutetation pour rallier militants et sympathisants Ces cadres ne rencontrent un eacutecho que dans la mesure ougrave ils touchent une corde sensible des salarieacutes et offrent le moyen de

donner du sens agrave leurs expeacuteriences quotidiennes et agrave leurs veacutecus Or ce que nous constatons empiriquement lors des manifestations du premier mai notamment crsquoest que les nouvelles geacuteneacuterations drsquoouvriers semblent apparemment moins attireacutees que leurs aicircneacutes par lrsquoaction syndicale classique Plusieurs raisons sont utiliseacutees pour expliquer cette deacutefiance syndicale chez les jeunes les problegravemes drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi et le caractegravere eacutepisodique de leurs expeacuteriences professionnelles des changements de valeurs sociales par rapport agrave leurs parents La scolariteacute relativement accrue des salarieacutes engendre une grande sensibiliteacute aux nouvelles formes drsquoaction collective qui mettent lrsquoaccent sur la responsabiliteacute individuelle et agrave une preacutefeacuterence agrave lrsquoeacutelaboration de projets individuels En somme une seacuterie de facteurs souvent contradictoires creacuteent les conditions propices agrave un deacutesinvestissement agrave lrsquoeacutegard des valeurs collectives qui caracteacuterisaient le modegravele du syndicalisme du mouvement national

Dialogue social Un cas concret Lafarge au Maroc

afarge Maroc premier cimentier marocain dispose drsquoune capaciteacute de production de 42 millions detonnes et deacutetient plus de 40 de parts de marcheacute Il est aussi preacutesent dans quatre autres activiteacutes leplacirctre le beacuteton les granulats et la chaux industrielle Lafarge Maroc srsquoengage pour le deacuteveloppement des compeacutetences et la formation Elle a ainsi reacutealiseacuteen 5 ans le recrutement de 200 jeunes cadres et agents de maicirctrise Elle a renforceacute les efforts deformation et engageacute un changement de son mode de fonctionnement pour favoriser laresponsabilisation le travail en eacutequipe entre les diffeacuterentes fonctions de lrsquoentreprise Lrsquoinvestissementen actions de formation repreacutesente plus de 4 de la masse salariale Lafarge Maroc inscrit drsquoembleacuteeson activiteacute dans le souci drsquoun deacuteveloppement durable Les deacutepenses pour la sauvegarde delrsquoenvironnement repreacutesentant environ 15 des investissements reacutealiseacutes Apregraves la mise agrave niveauenvironnementale de ses uniteacutes aujourdrsquohui acheveacutee Lafarge Maroc met en place des systegravemes demanagement environnementale de type de ISO 14 001 Les valeurs porteacutees par les Groupe Lafarge et partageacutees par Lafarge Maroc visant au delagrave de la seulereacuteussite de lrsquoentreprise agrave contribuer au deacuteveloppement eacuteconomique et social du pays A lrsquooccasion de la fermeture de lrsquoancienne usine de Teacutetouan Lafarge Maroc a fait le choix drsquoun plan deredeacuteploiement du personnel qui permette agrave lrsquoensemble des personnes temporaires ou permanentes qui

e pouvaient ecirctre transfeacutereacutees sur un autre site du groupe de les accompagner dans une reacuteinsertion quiur assure une activiteacute stable ou un emploi reacutegulier Malgreacute les inquieacutetudes susciteacutees par les difficulteacutes

inheacuterentes agrave un tel projet lrsquoobjectif assigneacute a eacuteteacute atteint Et au delagrave des espeacuterances lrsquoannonce du plan aeacuteteacute anticipeacutee intervenant deux ans avant la fermeture du site permettant un dialogue personnaliseacute avecchacun la formation de tous les salarieacutes et la preacuteparation des projets individuels La plupart despersonnes concerneacutees ont choisi la creacuteation de leur propre activiteacute plutocirct que la recherche drsquoun emploidans une autre entreprise Et gracircce agrave ce choix il srsquoest creacutee bien plus drsquoemplois que la fermeture delrsquousine nrsquoen devait deacutetruire Parallegravelement lrsquoapprovisionnement des clients a pu ecirctre assureacute durant lapeacuteriode de transition sans heurts dans un climat de confiance et sans qursquoaucune journeacutee de gregraveve nrsquoaeacuteteacute agrave deacuteplorer Quatre facteurs ont eacuteteacute essentiels pour la reacuteussite de ce projet de redeacuteploiement du personnel

Le travail tregraves en amont agrave partir de 1997 pour relever le niveau de compeacutetence (bilan descompeacutetences donnant lieu agrave un plan de formation technique important formationsprofessionnelles) Lrsquoun des effets de ces actions a eacuteteacute de renforcer lrsquoemployabiliteacute du personnelde Teacutetouan mecircme si on a pu percevoir agrave cette occasion les limites de toute GPEC (GestionPreacutevisionnelle des Emplois et des Compeacutetences)

La deacutecision drsquoinformer tregraves tocirct les salarieacutes et leurs repreacutesentants syndicaux presque deux ans avant la fermeture officielle Souvent ces deacutecisions drsquoarrecirct drsquoactiviteacute sont mal reccedilues par lessalarieacutes voire agrave la source de conflits sociaux En annonccedilant deux ans avant qursquoelle soit effective la fermeture du site de Teacutetouan la Direction de Lafarge Maroc prenait le risque drsquounemobilisation syndicale et ou drsquoune deacutemotivation du personnel avec perte de production ou baissede qualiteacute avec tout ce que cela implique de deacuteteacuterioration du climat social Mais ce choix parceqursquoexplique comme illustration la volonteacute de donner du temps aux salarieacutes pour preacuteparer leurlaquoreconversionraquo a eacuteteacute un facteur cleacute de reacuteussite Les salarieacutes ont reacutealiseacute que le souci detransparence agrave leur eacutegard nrsquoeacutetait pas qursquoun discours Ce langage de veacuteriteacute a renforceacute la confiance deacutejagrave grande en la Direction de Lafarge Maroc

Le troisiegraveme facteur cleacute de succegraves a eacuteteacute le pari drsquoimpliquer tregraves tocirct les partenairessociaux Des contacts ont eacuteteacute pris directement au niveau de la Direction Nationale duSyndicat repreacutesenteacutee dans lrsquousine Lrsquoassurance de respecter toutes les obligations leacutegalesmarocaines et surtout la volonteacute drsquoaller aundashdelagrave en construisant une nouvelle usine et enaidant agrave la reacuteinsertion par lrsquoaide agrave la creacuteation drsquoactiviteacutes ont convaincu les responsables nationaux de lrsquoUMT Degraves lors lorsque les salarieacutes de lrsquousine les ont interpelleacutes via leursdeacuteleacutegueacutes locaux ce sont eux les syndicalistes nationaux qui ont deacutefendu le projet Lafargefut appeleacutee agrave une collaboration constructive Les syndicalistes locaux ont par la suite prisune part importante dans lrsquoexplication du projet et sa mise en œuvre En rassurant encoopeacuterant ils ont eacuteviteacute toute deacutegradation du climat social et surtout contribueacute agrave ce que les salarieacutes retrouvent un emploi

Le quatriegraveme facteur de reacuteussite a eacuteteacute la collaboration avec les autoriteacutes locales WilayaMinistegravere de lrsquoAgriculture OFPPT (organisme public de formation professionnelle) Leministegravere de lrsquoAgriculture a fortement participeacute par lrsquointermeacutediaire de ses techniciens et ingeacutenieurs agronomes locaux agrave la formation des salarieacutes deacutesireux de se tourner vers ou de

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o La nature du secteur priveacute et la crise eacuteconomique En outre il faudrait souligner la faible peacuteneacutetration syndicale dans le secteur priveacute qui est notoire La taille limiteacutee de beaucoup drsquoeacutetablissements et leur caractegravere familial reacuteduisent la capaciteacute des groupements syndicaux drsquoeacutelaborer et de soutenir une communauteacute drsquointeacuterecircts Les relations plus personnaliseacutees entre employeurs et employeacutes dans les petites entreprises qui composent lrsquoessentiel du secteur priveacute rendent moins pertinente la repreacutesentation syndicale Enfin on ne peut saisir lrsquoimpact de ces nouvelles sources de diffeacuterenciation indeacutependamment du contexte dans lequel elles se manifestent et des contraintes auxquelles sont soumis les acteurs syndicaux En effet la crise eacuteconomique a accru lrsquoatomisation de la socieacuteteacute affaiblissant ainsi la capaciteacute drsquoagir des syndicats notamment la CDT et lrsquoUMT et les rendant plus deacutependants de lrsquoEtat et de ses dialogues sociaux Les reacuteformes eacuteconomiques et la privatisation mecircme si sur le long terme creacuteent les conditions favorables agrave lrsquoeacutemergence drsquoacteurs syndicaux autonomes ont eu -en attendant le deacuteploiement drsquoun marcheacute ouvert- un effet tregraves neacutegatif sur lrsquoactiviteacute syndicale et favorisent lrsquoatomisation des syndicats La derniegravere scission en date qursquoa connue la CDT et lrsquoeacutemergence de la FDT a beaucoup affaibli lrsquoaction syndicale

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2 Les pratiques syndicales Nouvel horizon et nouveaux besoins Il nrsquoest pas aiseacute de parler de la relation entre Management et Syndicalisme tant les exigences drsquointeacuterecirct les objectifs les proceacutedeacutes sont distincts mais il est important de constater que les bouleversements du contexte marocain la mondialisation (lrsquoouverture des frontiegraveres permettant les deacutelocalisations drsquoentreprises dans les pays agrave coucircts salariaux deacuterisoires au regard du Royaume) les nouveaux accords de libre-eacutechange entre le Maroc et certains pays industrialiseacutes et du pourtour de la Meacutediterraneacutee le nouveau Code du travail12 qui est entreacute en vigueur au mois de Juin 2004 lrsquointroduction forte des nouvelles technologies de lrsquoinformation et des communications qui reacuteduit lrsquoutilisation de la main drsquoœuvre mecircme la plus formeacutee et la plus expeacuterimenteacutee les eacutevolutions des modegraveles drsquoorganisation et des modegraveles de management dans certaines filiales de multinationales nouvellement installeacutees au Maroc et lrsquoappui au plus haut sommet de lrsquoeacutetat (engagement du Roi Mohamed VI13) interpellent eacutenergiquement le mouvement syndical Jusqursquoagrave nos jours la forme privileacutegieacutee des centrales syndicales marocaines est la gregraveve ce moyen traduit geacuteneacuteralement le meacutecontentement des salarieacutes qui est suivi de lrsquoouverture de neacutegociations Mais compte tenu de lrsquoinflation des difficulteacutes que rencontrent ces salarieacutes (traites agrave honorer scolariteacute des enfants etc) et sans compter que les mots drsquoordre encore deacutecideacutes drsquoen haut on constate de plus en plus que les gregraveves ne sont pas suivies avec le mecircme engagement et enthousiasme Crsquoest pourquoi les centrales syndicales marocaines ont inteacuterecirct agrave modifier actuellement leurs pratiques

21 Un profond besoin de reconstitution Depuis plusieurs deacutecennies on constate que le syndicalisme marocain a du mal agrave se deacutebarrasser du modegravele patriarcal agrave tendance autocratique (il y a le chef spirituel au sommet qui regravegne agrave sa maniegravere et sans partage) Avec le nouveau code du travail marocain le Syndicalisme ne peut plus se reacuteduire agrave la seule protection des inteacuterecircts acquis des salarieacutes Ses champs de meacutediation sont appeleacutes agrave ecirctre diversifieacutes quand bien mecircme il srsquoagit toujours de deacutefendre les inteacuterecircts de ces salarieacutes politique salariale et nouvelles formes de reacutemuneacuteration organisation et conditions de travail mise en place et participation aux comiteacutes drsquohygiegravene de santeacute et de seacutecuriteacute au travail charge et temps de travail mais aussi introduction des nouvelles technologies (intranet ERP14 hellip) Ses formes drsquointervention sont eacutegalement appeleacutees agrave changer accompagnant ainsi les eacutevolutions organisationnelles srsquoadaptant aux eacutevolutions de lrsquoenvironnement Les groupements fusions inteacutegrations ont eu pour conseacutequence de deacuteplacer les endroits de deacutecision menant le syndicalisme agrave deacuteplacer eacutegalement ses lieux drsquointervention Lrsquoexemple des relations sereines entre Directions et Partenaires Sociaux dans les multinationales (SUEZ VEOLIA LAFARGE ALTADIS NESTLE UNILEVER GROUPE 12 Code du travail (Juin 2004) - Article 425 Il introduit lobligation de neacutegociation collective avec les acteurs sociaux de lentreprise Il introduit eacutegalement le comiteacute dentreprise et le syndicat sur la notion de syndicat le plus repreacutesentatif 13 Extrait du discours du Roi Mohammed VI (30072005 - Fecircte du Trocircne) hellip De mecircme Nous attendons des organisations syndicales et des chambres professionnelles quelles jouent activement leur rocircle dans la dynamisation des entreprises dont elles sont des partenaires contribuant agrave leur reacuteussite et agrave leur peacuterennisation Nous rendons eacutegalement hommage aux acteurs de la socieacuteteacute civile pour les efforts quils deacuteploient geacuteneacutereusement en vue de promouvoir les valeurs de citoyenneteacute et deacutevelopper leacuteconomie sociale qui contribue agrave creacuteer les conditions dune vie digne hellip Les prochaines Assises nationales sur lemploi doivent marquer un tournant deacutecisif dans les rapports entre des partenaires solidaires unis par la communauteacute de destin et ouverts au dialogue constructif agrave linnovation creacuteatrice et agrave linitiative individuelle et collective 14 ERP (Enterprise Resource Planning) traduit geacuteneacuteralement par PGI (Progiciel de Gestion Inteacutegreacute)

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ACCOR EUREST SODEXO etc) reacutecemment installeacutees au Maroc en sont un teacutemoignage Les syndicalistes ont lobligation agrave passer de la phase de lrsquoeacutecoute de leurs revendications au dialogue consistant et agrave la neacutegociation sur des bases et avec des arguments nouveaux

22 Le recours aux nouvelles technologies Lrsquointroduction massive des nouvelles technologies a de nombreux effets sur les conditions et les organisations du travail sur les modes de management Pourtant les dispositifs drsquoaccompagnement du changement technologique ne sont pris en compte et ces technologies ne sont pas toujours bien maicirctriseacutees par les centrales syndicales Le syndicalisme ne peut rester insensible agrave tout cela Les NTIC peuvent permettre aux syndicats une meilleure coordination des reacuteactions plus rapides aux deacutecisions de la Direction et une action forte agrave un moindre coucirct Alors que dans beaucoup de pays les sites intranet tendent agrave se multiplier au Maroc les demandes de connexion de la part des centrales syndicales au reacuteseau Internet restent embryonnaires voire inexistantes Avec la multiplication des ordinateurs et leurs prix en nette reacutegression on peut preacutesager que lrsquoeacuteconomie virtuelle peut donner naissance agrave des cyber-reacuteunions syndicales (pour les antennes reacutegionales) agrave des e-tracs voire agrave des cyber-manifestations Srsquoil est aujourdhui sucircr dadmettre lideacutee que les nouvelles technologies de linformation et des communications sont entrain de modifier le paysage institutionnel force est de constater qursquoelles ouvrent le champ des possibles Ainsi des sections syndicales franccedilaises estiment reacutepondre agrave leur devoir drsquoinformation en publiant sur Internet des accords drsquoentreprise des grilles de salaire et comptes-rendus de neacutegociations Coiumlncidence les pays connaissant le plus fort taux de peacuteneacutetration de lInternet tels la Finlande la Suegravede le Danemark ou la Norvegravege preacutesentent aussi la plus forte adheacutesion syndicale

OCP Un dialogue social riche et eacutequilibreacute Le Groupe Office Cheacuterifien des Phosphates (OCP) est speacutecialiseacute dans lrsquoextraction la valorisation etla commercialisation de phosphates et de produits deacuteriveacutes Chaque anneacutee plus de 23 millions detonnes de minerais sont extraits du sous-sol marocain qui recegravele les trois-quarts des reacuteservesmondiales Principalement utiliseacute dans la fabrication des engrais le phosphate provient des sites deKhouribga Bengueacuterir Youssoufia et Boucraacirc-Laacircyoune Selon les cas le minerai subit une ouplusieurs opeacuterations de traitement (criblage seacutechage calcination flottation enrichissement agrave sechellip) Une fois traiteacute il est exporteacute tel quel ou bien livreacute aux industries chimiques du groupe agrave JorfLasfar ou agrave Safi pour ecirctre transformeacute en produits deacuteriveacutes commercialisables acide phosphorique debase acide phosphorique purifieacute engrais solides Premier exportateur mondial de phosphate sous toutes ses formes le Groupe eacutecoule 95 de saproduction en dehors des frontiegraveres nationales Opeacuterateur international il rayonne sur les cinqcontinents de la planegravete et reacutealise un chiffre drsquoaffaires annuel de 13 milliard de dollars Moteur de lrsquoeacuteconomie nationale le Groupe OCP joue pleinement son rocircle drsquoentreprise citoyenneCette volonteacute se traduit par la promotion de nombreuses initiatives notamment en faveur dudeacuteveloppement reacutegional et de la creacuteation drsquoentreprise Dans un contexte de concurrence accrue le Groupe OCP poursuit la politique de consolidation deses positions traditionnelles et deacuteveloppe de nouveaux deacuteboucheacutes Avec une exigence sans cessereacuteaffirmeacutee ameacuteliorer la qualiteacute de ses produits tout en maintenant un niveau eacuteleveacute en matiegravere deseacutecuriteacute et de production de lrsquoenvironnement Le dialogue social a toujours eacuteteacute entretenu entre le personnel du Groupe OCP et la DirectionGeacuteneacuteral agrave travers les instances repreacutesentatives et les organisations syndicales Au niveau local le dialogue est assureacute via les Commissions du Statut et du Personnel (OCP)Composeacutees agrave pariteacute de repreacutesentants de la direction et drsquoeacutelus du personnel ces instances sontchargeacutees de veiller agrave lrsquoapplication du statut et drsquoexaminer les revendications des salarieacutes(embauches titularisations avancement licenciements sanctions disciplinaires hellip) Depuis juin 1995 le dialogue social est eacutegalement engageacute au niveau central par le biais decommissions constitueacutees de responsables de la Direction Geacuteneacuterale et des syndicats repreacutesenteacutes ausein du Groupe OCP Enfin des deacuteleacutegueacutes agrave la seacutecuriteacute eacutelus pour 3 ans et deacutetacheacutes aupregraves du ministegravere de lrsquoEnergie et desMines sont chargeacutes de veiller au respect des conditions drsquohygiegravene et de seacutecuriteacute sur les sites

Les centrales syndicales au Maroc doivent donc prendre des initiatives majeures dans le domaine des NTIC La prioriteacute devrait ecirctre donneacutee aux actions qui visent agrave offrir aux salarieacutes des entreprises une meilleure qualiteacute de linformation en terme de seacutecuriteacute de deacutelai et de proximiteacute

23 Le recours aux meacutedias Cest essentiellement dans la presse que se jouent de plus en plus les rivaliteacutes Il sagit pour les greacutevistes de sattirer la sympathie du public de discreacutediter lentreprise de faire ainsi la pression sur elle jusquagrave ce quelle cegravede Lacharnement des clients et des pouvoirs publics par des e-mails infirmant son comportement est deacutejagrave pratiqueacute dans plusieurs pays industrialiseacutes (USA Allemagne France hellip) Il ne sera plus possible agrave lentreprise de cacher le conflit et lopinion publique est prise agrave teacutemoin et il lui est demandeacute de jouer le rocircle darbitre Une preacutesence forte sur ce champ de lutte est fatalement neacutecessaire sachant que drsquoimportants acteurs eacuteconomiques ont deacutejagrave investi les meacutedias eacutecrits et audiovisuels

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3 Convergence entre Management et Syndicalisme Lencadrement dans lrsquoentreprise est agrave la fois au cœur des changements technologiques des changements drsquoorganisation ils sont les premiers concerneacutes par lrsquointroduction des meacutethodes et outils de gestion Si les choix strateacutegiques leur eacutechappent de plus en plus ils sont confronteacutes quotidiennement agrave des choix opeacuterationnels micro-organisationnels drsquoaffectation et drsquoallocation des moyens de gestion de lrsquoensemble des contraintes auxquelles ils doivent faire face dans leur deacutepartement leur service leur uniteacute Les questions des critegraveres de deacutecision des critegraveres de gestion leur sont familiegraveres souci drsquoeacutequilibre drsquoeacutequiteacute de responsabilisation de reconnaissance des acteurs de maintien et de deacuteveloppement des compeacutetences hellip Les critegraveres qui guident leurs choix ne peuvent ecirctre exclusivement drsquoordre financier Si le management global de lrsquoentreprise les choix macro-organisationnels peuvent faire abstraction des critegraveres autres que financiers degraves lors qursquoil srsquoagit de management de proximiteacute de choix opeacuterationnels le peacuterimegravetre des critegraveres srsquoeacutelargit ineacutevitablement Le cadre a avec lui des ecirctres humains avec leur savoir-faire leur faccedilon drsquoecirctre leur raisonnement leur comportement et leur subjectiviteacute Il doit composer avec lrsquoensemble des ressources dont il dispose lrsquoensemble des contraintes drsquoenvironnement et devient un veacuteritable acrobate Nous constatons combien la question des critegraveres de gestion ne renvoie pas Syndicalisme et Management dos agrave dos mais combien il peut y avoir au contraire convergence drsquointeacuterecirct entre le syndicalisme et les cadres sur la question des critegraveres de gestion A condition toutefois que le dialogue soit permis possible entre le management dans lrsquoentreprise au travers de son reacuteseau de cadres et les syndicalistes Porter au deacutebat aux eacutechanges les questions engendreacutees par la mise en œuvre de nouveaux modegraveles de nouvelles meacutethodes de nouveaux outils de gestion de nouvelles technologies susciter une analyse critique sur les critegraveres de gestion qui sous-tendent ces modegraveles voilagrave un espace totalement ouvert pour le syndicalisme pour srsquoadresser aux cadres sur des questions qui les concernent en premier lieu qui les inteacuteressent sur lesquels seuls il leur sera difficile drsquoagir ou de reacuteagir Le syndicalisme a bien vocation agrave se preacuteoccuper de toutes ces questions car ce sont prioritairement celles de salarieacutes agrave part entiegravere avec leur speacutecificiteacute que sont les cadres de lrsquoentreprise Sur ce terrain de proximiteacute le syndicalisme repreacutesentatif de lrsquoensemble des salarieacutes se doit de promouvoir ses propres valeurs dans lrsquointeacuterecirct des salarieacutes Il a tout inteacuterecirct agrave rejoindre le management agrave srsquoadresser aux cadres et agrave srsquoappuyer sur eux pour ce faire Le syndicalisme a besoin des cadres les managers ont besoin du syndicalisme Degraves lors qursquoil est question de management de proximiteacute on mesure bien quelles peuvent ecirctre les convergences entre Syndicalisme et Management Degraves lors que lrsquoon parle de Management global de lrsquoentreprise on mesure bien aussi quelles peuvent ecirctre les divergences de point de vue drsquoapproche entre syndicalistes et managers Les logiques drsquointeacuterecircts ne sont pas les mecircmes certes mais il importe surtout qursquoil y ait reacuteellement deacutebat neacutegociation ce qui nrsquoest pas toujours le cas et que le syndicalisme soit bien preacutesent dans ces deacutebats y prenne toute sa place

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4 Apports du mouvement syndical pour un dialogue social renforceacute Lrsquoentreprise nrsquoest pas et nrsquoa sans doute pas seule vocation agrave ecirctre citoyenne Elle ne peut toutefois ignorer lrsquoensemble des parties prenantes sous peine de prendre le risque agrave terme de perdre pied et disparaicirctre sous lrsquoeffet de ce qursquoil est convenu le risque socieacutetal Ces parties prenantes que sont les clients et usagers les actionnaires les salarieacutes et la communauteacute doivent ecirctre prises en compte mais comment trouver le bon eacutequilibre Dans un contexte drsquoincertitudes le dialogue social ne peut se reacutesumer agrave la deacutefense drsquointeacuterecircts corporatistes et agrave lrsquoobtention de bons accords drsquoautant que ces seuls objectifs ne suffisent plus agrave entraicircner des adheacutesions ni agrave motiver les adheacuterents Les syndicats doivent innover dans leurs meacutethodes et apporter une reacuteelle valeur ajouteacutee aux services qursquoils offrent et aux actions qursquoils megravenent Srsquoil nrsquoexiste pas de recette sans doute faut-il au moins creacuteer les conditions du dialogue entre les parties les regravegles du jeu du dialogue social Cela suppose de redonner aux corps intermeacutediaires et plus particuliegraverement aux organisations syndicales de salarieacutes la place qui leur revient leur leacutegitimiteacute Le syndicalisme a son mot agrave dire pour sortir de la logique dominante et pesante de la seule compeacutetitiviteacute par les coucircts afin que toutes les parties prenantes du deacuteveloppement eacuteconomique et social soient enfin reconnues et agrave eacutegaliteacute de traitement

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LYDEC acteur exemplaire du dialogue social au Maroc La Socieacuteteacute Lyonnaise des Eaux de Casablanca (LYDEC) assure la distribution de lrsquoeacutelectriciteacute de lrsquoeau etle service drsquoassainissement liquide dans le peacuterimegravetre du Grand Casablanca depuis aoucirct 1997 dans lecadre drsquoun contrat de gestion deacuteleacutegueacutee conccedilu avec le Conseil de la Ville Depuis janvier 2004 elle assuredans le cadre drsquoun contrat speacutecifique la maintenance du reacuteseau drsquoeacuteclairage public dans le mecircmepeacuterimegravetre Sa Direction Geacuteneacuterale assure eacutegalement un soutien fonctionnel agrave la socieacuteteacute Sita Al Baidafiliale du groupe Suez chargeacutee du ramassage drsquoordures meacutenagegraveres et de nettoyage dans le secteur dugrand Maacircrif agrave Casablanca depuis mars 2004 dans le cadre drsquoun contrat de concession Cet ensembledrsquoactiviteacutes qui entre dans le cadre de la politique de diversification voulue par le Groupe Suez etconcreacutetiseacutee par la mise en place drsquoune entiteacute de coordination chargeacutee de la mise en coheacuterence et dudeacuteveloppement de la synergie entre les diffeacuterentes composantes Par ailleurs LYDEC est impliqueacutee dansun ensemble drsquoactions de deacuteveloppement durable sous diverses formes dont deacutesenclavement de localiteacutesla reacutehabilitation drsquoensembles drsquohabitat insalubre lrsquoameacutenagement drsquoespaces verts et de plages ce qui enfait un interlocuteur rechercheacute des autoriteacutes locales et des ONG LYDEC est aujourdrsquohui reconnue pour ses compeacutetences et ses reacutealisations aussi bien sur le plan localqursquointernational Lrsquoentreprise est certifieacutee ISO 9001 depuis janvier 2005 pour lrsquoensemble de ses activiteacutesElle est eacutegalement la premiegravere entreprise marocaine agrave ecirctre eacutevalueacutee par Vigeo agence europeacuteenne denotation sociale Cette eacutevaluation a montreacute qursquoau point de vue de droits humains et plus particuliegraverement du respect de laliberteacute syndicale LYDEC assure la liberteacute des salarieacutes de constituer et de srsquoaffiler aux organisationssyndicales de leurs choix pour respecter lrsquoindeacutependance de ces organisations promouvoir avec elles desrelations constructives et assurer la protection des responsables et des adheacuterents contre les discriminationslieacutees agrave lrsquoexercice drsquoactiviteacutes syndicales LYDEC compte deux types de repreacutesentants du personnel lesmembres du bureau syndicales et les deacuteleacutegueacutes du personnel le protocole drsquoaccord du 10 juillet 2003reprend et complegravete le statut du personnel dans son article 10 les repreacutesentants du personnel par la voixdu Secreacutetaire Geacuteneacuteral ont pour mission de preacutesenter au chef de lrsquoentreprise ou agrave ses repreacutesentants toutesles reacuteclamations relatives aux avantages mateacuteriels la protection sociale lrsquohygiegravene et la seacutecuriteacute et en ceen application des dispositions leacutegales et statutaires Le pouvoir des capaciteacutes syndicales sur les mandats de la repreacutesentation deacuteleacutegueacutee du personnel estreconnu Les deacuteleacutegueacutes du personnel sont eacutelus sur une liste preacutesenteacutee par lrsquoUnion Marocaine du Travail(UMT) Les sujets qui peuvent ecirctre traiteacutes sont reacuteguliegraverement consulteacutes par la Direction Une journeacutee deseacuteminaire annuel est organiseacutee De lrsquoavis du partenaire social le dialogue la concertation et la consultation sont les mots-cleacutes pourcaracteacuteriser la relation entre la Direction et les repreacutesentants du personnel les rapports sont apaiseacutes etconfiants une performance remarquable dans le contexte de relations industrielles locales et le secteurdrsquoactiviteacutes de LYDEC Il y a une reacuteelle collaboration sur tous les dossiers importants comme lebasculement du reacutegime de retraite Les repreacutesentants du personnel sont eacutetroitement lieacutes et ceux-cipeuvent diffuser des messages clairs sur les sujets aux agents Les relations ne prennent pas qursquoune seuleforme mais sont au contraire marqueacutees par une diversiteacute de modaliteacutes qui en symbolise leurs richessesgroupes de travail reacuteunions de neacutegociations autour de protocoles drsquoaccord (trois protocoles drsquoaccord onteacuteteacute signeacutes entre LYDEC et lrsquoUMT ndash1998 1999 et 2003) reacuteunions informelles commissions paritaires La relation avec les repreacutesentants du personnel est manqueacutee par une grande richesse dans lesformes que celle-ci peut prendre neacutegociations consultations revendications propositions A ce

Au Maroc les entreprises et leurs salarieacutes sont comme toujours les plus mal lotis le fonctionnement geacuteneacuteral des institutions eacuteconomiques et sociales ayant eacuteteacute essentiellement penseacute pour les administrations et les grandes entreprises industrielles Le nouveau code du travail a apparemment chercheacute agrave y remeacutedier par des propositions concregravetes comme la mise en place du Conseil drsquoentreprise Le dialogue social est une des clefs de la performance globale des entreprises Il srsquoagit agrave travers lui de prendre en compte les inteacuterecircts de chaque partie parce que pour rester efficace lrsquoentreprise quelle que soit sa taille a besoin pour progresser drsquoinstances de neacutegociation et de besoin drsquoinstances de neacutegociation et de contre-pouvoirs Et ceci est encore plus neacutecessaire dans le contexte eacuteconomique actuel et pour faire face aux mutations sociales auxquelles assiste le Maroc Comment demander aux salarieacutes drsquoecirctre responsables et eacutemancipeacutes dans leur poste de deacuteployer des efforts et des

qualiteacutes relationnelles de faire preuve de creacuteativiteacute et en mecircme temps oublier de leur

demander leur avis sur la maniegravere de conduire lrsquoentreprise neacutegliger de neacutegocier avec eux le bon fonctionnement des relations sociales Pour que ce type de dialogue social existe aujourdrsquohui au Maroc et prenne enfin naissance en particulier dans les PMEPMI il faut revoir les principes mecircmes de son organisation Cette reconfiguration pour ecirctre efficace doit ecirctre deacuteveloppeacutee sur plusieurs axes

Faire eacutevoluer le droit du travail en impliquant les partenaires sociaux (favoriser les accords drsquoentreprise pour des relations sociales plus contractuelles)

Les accords drsquoentreprise doivent primer sur les conventions de branches Celles-ci constituent un niveau de neacutegociation intermeacutediaire qui srsquoarticule de plus en plus difficilement avec les deux autres (lois nationales et accords drsquoentreprise) tandis que beaucoup de conventions collectives ne correspondent plus aux reacutealiteacutes veacutecues par les entreprises et les salarieacutes ni au champ des meacutetiers qursquoelles sont censeacutees couvrir Degraves lors les accords drsquoentreprise devraient ecirctre incorporeacutes au contrat de travail pour en faire un veacuteritable outil de management de proximiteacute

Creacuteation de comiteacute paritaire dont les membres soccupent des questions relatives o agrave lemploi o aux reacutemuneacuterations o agrave la formation et aux reacuteorganisations

Formation et sensibilisation des managers et des partenaires sociaux au rocircle actif quils doivent jouer en matiegravere de dialogue social Cette sensibilisation interviendra pour une bonne part dans un cadre de participation agrave la construction dun compromis social dans lentreprise Trois missions y seront deacutefinies

o ecirctre acteur du dialogue social o deacutevelopper la veille et les relations sociales o veiller agrave leacutequilibre entre efficaciteacute de lorganisation et condition de travail

Revoir la cartographie des meacutetiers (restructurer et reacuteorganiser le meacutetier des branches et des meacutetiers)

Aujourdhui au Maroc les feacutedeacuterations professionnelles regroupent des entreprises de tailles et de meacutetiers diffeacuterents et que de ce fait coexistent un trop grand nombre de conventions souvent non appliqueacutees ou obsolegravetes qui cumulent des dispositions particuliegraveres Il est donc neacutecessaire de redeacutefinir le nombre de branches professionnelles pour quil corresponde non pas agrave la peacuterenniteacute des feacutedeacuterations existantes mais agrave une veacuteritable logique des professions Il faut en effet que ce soit la probleacutematique des meacutetiers et de leur eacutevolution qui fonde ce deacutecoupage et non lrsquoaffiliation agrave un secteur drsquoactiviteacute imposeacutee par les statuts drsquoun syndicat national Conclusion Le dialogue social crsquoest le moyen de concilier les inteacuterecircts cateacutegoriels de la collectiviteacute du personnel et ceux des deacutetenteurs du capital Il est donc lrsquoinstrument privileacutegieacute de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral de lrsquoentreprise Aujourdhui les organisations syndicales ou patronales ne doivent pas manager leur survie et fuir leurs responsabiliteacutes de mecircme que lrsquoEacutetat ne doit pas chercher agrave faire perdurer un systegraveme que chacun sait obsolegravete Une gestion moderne efficace et humaniste des ressources humaines et des organisations ne soppose pas aux garanties collectives et statutaires des salarieacutes Face aux divisions aux oppositions agrave lisolement des individus une autre logique peut simposer fondeacutee sur les coopeacuteration entre salarieacutes services entreprises et administrations le progregraves eacuteconomique et social Cette logique sappuie sur la deacutemocratie la discussion des objectifs et de lorganisation du travail Moyens mateacuteriels et humains pour travailler dans des conditions correctes Creacuteations demplois et dactiviteacutes nouvelles Formation professionnelle deacuteveloppement et

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reconnaissance des qualifications Salaire gestion de carriegravere protection sociale responsabiliteacute droits dexpression de contestation des choix et des propositions Laction syndicale loin davoir perdu de sa pertinence est plus que jamais neacutecessaire pour gagner des espaces de liberteacute agrave lentreprise Pour que les salarieacutes sapproprient de nouveaux domaines dintervention Enfin la socieacuteteacute doit ecirctre capable de prendre en main son avenir Il est temps de faire le pari du dialogue contre celui des structures en se donnant les moyens drsquoinstaurer une veacuteritable culture de neacutegociation au sein des entreprises marocaines malgreacute les reacutesistances et les antiquailles La socieacuteteacute marocaine sans lendemain si ce nrsquoest celui du merchandising et de lrsquoaccroissement des ineacutegaliteacutes peut voir renaicirctre le retour de lrsquoinquieacutetude qui peut ecirctre une nouvelle egravere de doute leacutepoque de labdication plutocirct que celle de la protestation On a constateacute que la monteacutee de lrsquoabstentionnisme politique se conjugue neacuteanmoins avec lrsquoapparition de nouvelles gregraveves lrsquoapparition drsquoune nouvelle combativiteacute syndicale de nouvelles formes de militantisme (extreacutemiste mouvements politico-religieux hellip) Le paysage marocain est tellement bouleverseacute que le chemin de la reconstruction reste un endurant travail agrave reacutealiserhellip La mise agrave niveau souhaiteacutee par le gouvernement marocain ne doit pas ecirctre seulement eacuteconomique et financiegravere Elle doit ecirctre eacutegalement sociale Pour A Bartoli aucune reacuteponse-miracle ne doit sans doute ecirctre attendue hellip la flexibiliteacute et la communication aux niveaux locaux ne peuvent que contribuer agrave linstauration deacutechanges plus constructifs entre acteurs15 En conclusion on peut soutenir que Syndicalisme et Management loin donc de srsquoopposer ont au contraire de nombreux deacutefis agrave relever ensemble si tant est au moment de la mondialisation que la contradiction fondamentale entre le travail et lrsquoargent est encore controcirclable dans lrsquoespace national Le dialogue social doit constituer un eacuteleacutement essentiel dune strateacutegie de reacuteforme de leacuteconomie Cest un moyen darriver agrave un certain consensus de faire accepter agrave chacun sa part de sacrifices Lrsquoanalyse agrave laquelle nous nous sommes atteleacutes dans le cadre de la preacutesente eacutetude a le meacuterite de mettre en exergue les nombreuses opportuniteacutes de coordination de coheacuterence et de compleacutementariteacute qui sont jusqursquoici inexploiteacutes et qui peuvent aider agrave acceacuteleacuterer davantage le train des reacuteformes que souhaitent engager lrsquoEtat Marocain BIBLIOGRAPHIE Aktouf O Le management entre tradition et renouvellement Gaeacutetan Morin 3egraveme eacutedition Montreacuteal 1999

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Zyani b Reacuteflexions sur lrsquoadministration locale drsquoun point de vue de science administrative Dar Al Qalam Rabat (Maroc) 2000 (en arabe)

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LES MARCHES PUBLICS UN OUTIL DE DEMOCRATIE PARTICIPATIVE LrsquoAUDIT SOCIAL UN GUIDE PROGRESSIF POUR CONFIRMER LES OBJECTIFS Paul HUENS Chargeacute de direction au service du reacuteseau Objectif Plein Emploi au Luxembourg

Introduction Les Marcheacutes Publics sont aujourdrsquohui consideacutereacutes par le grand public comme la garantie drsquoune transparence de traitement eacutegal et drsquoune concurrence loyale et non fausseacutee Ils sont reacuteglementeacutes par une directive communautaire transposeacutee au niveau national au Luxembourg depuis septembre 2003 Les Marcheacutes Publics au travers de cahiers des charges et des bordereaux tentent de deacutefinir dans lrsquointeacuterecirct du contribuable tous les paramegravetres et toutes les regravegles permettant de reacutealiser son laquo Objet raquo Ces laquo Objets de Marcheacute raquo faisant partie de programmes principalement structurels et relevant de modes de financement qui favorisent la gestion sectorielle reacutepondent preacuteciseacutement aux besoins de lrsquoadjudicateur en terme de services de travaux ou de fournitures Notre projet tente de proposer des initiatives au travers de la leacutegislation en vigueur qui integravegrent les valeurs de lrsquoeacuteconomie solidaire dans lrsquoObjet du Marcheacute en srsquoappuyant sur la notion laquo eacuteconomiquement la plus avantageuse raquo Les facteurs reacutesiduels drsquoune activiteacute eacuteconomique contribuent agrave la creacuteation drsquoune forme de croissance endogegravene Dans les entreprises agrave but lucratif ces facteurs reacutesiduels sont repeacutereacutes et mis agrave profit par des eacuteconomies drsquoeacutechelle (srsquoagrandir pour diminuer les coucircts de fonctionnement) Au niveau de lrsquoeacuteconomie solidaire nous nous proposons drsquoanticiper ces facteurs reacutesiduels en les deacutefinissant comme des objectifs agrave atteindre Ces facteurs reacutesiduels qui srsquoexpriment moneacutetairement dans les entreprises traditionnelles pourraient ecirctre repris par le secteur de lrsquoeacuteconomie solidaire en terme drsquoexternaliteacutes positives Ces externaliteacutes positives agrave deacutefinir par des indicateurs objectivement veacuterifiables (audit social environnemental) devraient par notre deacutemarche ecirctre issus drsquoune relation eacuteconomique alors que dans la deacutefinition theacuteoriquement reconnue ces externaliteacutes ne passent pas par le marcheacute et ne sont pas eacutevalueacutees de maniegravere moneacutetaire Il srsquoagira donc drsquoamener le pouvoir adjudicateur agrave inteacutegrer cette vision afin qursquoil puisse neacutegocier avec le mieux offrant avec lrsquoeacuteconomiquement le plus avantageux toutes les externaliteacutes positives attendues qui devront permettre agrave long terme de creacuteer une croissance et une richesse endogegravene mesurable dans lrsquointeacuterecirct collectif Les diffeacuterentes conceptions de service drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et de deacuteveloppement durable deacutefinies par les forces vives locales (citoyens politiques associatifhellip) doivent rester agrave la base de la deacutemarche proposeacutee

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Le politique peut-ilhellip a-t-il encore les moyens de deacutefendre seul sans lrsquoaide et lrsquoimplication de la socieacuteteacute civile les enjeux drsquoune gouvernance deacutemocratique dans lrsquointeacuterecirct des geacuteneacuterations futures

1 Expeacuteriences et deacutemarches en cours pour lrsquointeacutegration des valeurs de lrsquoeacuteconomie solidaire dans les marcheacutes publics au Luxembourg

Les initiatives proposeacutees par Objectif Plein Emploi asbl (OPE) srsquointegravegrent dans un programme de deacuteveloppement durable neacutegocieacute autour de visions et de reacuteflexions plurielles Cette deacutemarche qui se veut participative impose une mobilisation de la socieacuteteacute civile et du pouvoir politique Dans le cadre de cette approche globale nous proposons agrave nos partenaires ( communes ministegraveres secteur associatif entreprises priveacuteeshellip) de deacutefinir ensemble laquo lrsquoObjet du Marcheacute raquo agrave reacutealiser et drsquoanticiper toutes les externaliteacutes positives par une recherche drsquoindicateurs objectivement veacuterifiables Une fois ce travail preacuteparatoire reacutealiseacute le pouvoir politique adjudicateur possegravedera un outil lui permettant drsquointeacutegrer dans un marcheacute public ou dans la neacutegociation drsquoun Partenariat Public-Priveacute toutes les valeurs retenues Ces valeurs doivent ecirctre deacutefendues par tous les acteurs et intervenants tout au long des neacutegociations preacutealables au programme (voir guide du maicirctre drsquoouvrage ndash eacutedition du moniteur) et lors de la reacutealisation des projets Les enjeux ainsi deacutefinis dans ce programme et transposeacutes dans laquo lrsquoObjet du marcheacute raquo feront partie inteacutegrante du contrat Lrsquoentreprise adjudicatrice ne peut plus se contenter de faire simplement appel agrave une vague notion de gouvernance interne et le pouvoir adjudicateur doit veiller agrave respecter et agrave faire respecter toutes les conditions du contrat sous le regard vigilant de la socieacuteteacute civile participative qui a contribueacute activement agrave la deacutefinition de lrsquoObjet (contraintes et controcircles bottum up et top down garantis) Dans ce contexte pour expeacuterimenter de maniegravere pragmatique les limites de la leacutegislation existante et deacutevelopper des outils pertinents drsquoexeacutecution et drsquoeacutevaluation

1 Notre association mobilise et contribue agrave la creacuteation de structures repreacutesentatives pour le Grand Ducheacute du Luxembourg

Mise en place drsquoun reacuteseau drsquoasbl Ce sont des Centres drsquoInitiatives et de Gestion locaux asbl au nombre de 35 qui repreacutesentent 48 des 118 communes luxembourgeoises pour le deacuteveloppement de lrsquoeacuteconomie solidaire au Luxembourg

(attention aux deacutefinitionshellip les entreprises de lrsquoeacuteconomie solidaire au Luxembourg ne se contentent pas de reacutepondre aux problegravemes de personnes exclues du systegraveme avec lrsquointention de les inseacuterer ou de les reacuteinseacuterer en beacuteneacuteficiant des programmes gouvernementaux existants dans le cadre drsquoune redistribution pure et dure mais veulent proposer des initiatives permettant de reacutepondre agrave des besoins non satisfaits par lrsquoeacuteconomie marchande et proposer des financements mixtes permettant de reacutepondre de maniegravere fonctionnelle et durable aux probleacutematiques socieacutetales rencontreacutees tant par les demandeurs de services que des demandeurs drsquoemploi agrave la recherche drsquoactiviteacutes reacutemuneacutereacutees utiles agrave la socieacuteteacute et creacuteatrices de richesses telles que deacutefinies dans un programme drsquointeacuterecirct collectif ou de deacuteveloppement durable)

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Participation active dans la plate-forme laquo Economie sociale et solidaire du Luxembourg raquo ougrave nous neacutegocions la creacuteation drsquoune agence pour le deacuteveloppement de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire au Luxembourg Creacuteeacute en 2004 suite agrave la mise en place du nouveau gouvernement le service du ministegravere de la famille est actuellement en charge du dossier -Economie Solidaire-

2 Notre association consolide en outre les contacts exteacuterieurs afin de travailler sur des

indicateurs socieacutetaux pertinents Notre association fait depuis peu partie du reacuteseau REVES (Reacuteseau Europeacuteen des Villes et des Reacutegions de lrsquoEconomie Sociale) qui nous permet de renforcer et drsquoeacutechanger nos expeacuteriences au niveau communautaire en vue de promouvoir des approches de subsidiariteacute au niveau local au Luxembourg Nous avons commandeacute une enquecircte nationale aupregraves de lrsquoinstitut luxembourgeois de recherches ILRes concernant la place des services de proximiteacutes au sein de la population luxembourgeoise Ces reacutesultats permettront drsquoalimenter le deacutebat de notre 5iegraveme Confeacuterence Nationale des acteurs beacuteneacutevoles du reacuteseau OPE et drsquoen extraire des indicateurs repreacutesentatifs Une eacutetude reacutealiseacutee en 2002 par le CRIDALSCI (Centre de Recherche et drsquoInformation sur la Deacutemocratie et lrsquoAutonomie Laboratoire de Sociologie du Changement des Institutions) deacutemontre lrsquointeacuterecirct de notre deacutemarche et nous donnes des pistes pertinentes pour notre eacutevolution future Une convention cadre a eacuteteacute signeacutee avec la Feacutedeacuteration Horticole Luxembourgeoise afin de deacutevelopper ensemble le marcheacute et les nouveaux marcheacutes sur base drsquoindicateurs mesurables dans le cadre des prestations proposeacutees par notre association

3 Les deacutemarches concregravetes et actuelles de notre association se reacutesument comme suit

Nous neacutegocions (avant les eacutelections communales de Octobre 2005) avec le pouvoir politique en place de la ville de Wiltz et le centre drsquoinitiatives et de gestion local du reacuteseau OPE pour lrsquointeacutegration de la notion laquo eacuteconomiquement la plus avantageuse raquo dans la deacutefinition drsquoun marcheacute public preacutecis (rue des sports) preacutevu pour 2006 Dans ce contexte ce futur marcheacute nrsquoest pas directement destineacute agrave ecirctre reacutealiseacute par notre asbl dans la mesure ougrave notre participation agrave la deacutefinition du Programme aura eacuteteacute trop importante Nous avons proposeacute au ministegravere des Travaux Publics (partenaire drsquoOPE depuis plus de Vingt ans) une forme de convention baseacutee sur la mise en place de services et drsquoactiviteacutes Notre objectif eacutetant de provoquer un dialogue compeacutetitif (avec toutes les conseacutequences de la remise en question drsquoune approche de subvention baseacutee exclusivement sur une reacuteglementation existante et contesteacutee par le secteur priveacute pour cause de concurrence deacuteloyale) Un deacutebat agrave ce sujet porteacute par notre preacutesident deacuteputeacute est preacutevu agrave la Chambre des deacuteputeacutes au courant de cette anneacutee lors de la cession parlementaire 2005 Nous organisons un recensement continu de maniegravere beacuteneacutevole avec les exeacutecutants les controcircleurs les agents techniques communauxhellipqui de part leurs fonctions et leurs missions sont perpeacutetuellement confronteacutes aux exigences des Marcheacute Publics tels qursquoimposeacutes par le laquo Pouvoir politique raquo en place Globalement ces marcheacutes ne reacutepondent plus aux exigences drsquoun service drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral pouvant ecirctre mis en place par le biais drsquoune redistribution compeacutetitive qui tiendrait compte des valeurs drsquoune eacuteconomie au service de lrsquohomme

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2 Meacutethode contractuelle proposeacutee par OPE pour lrsquointeacutegration des valeurs de lrsquoeacuteconomie solidaire dans les marcheacutes publics

Quel type de contrat pour pouvoir atteindre les objectifs de deacutemocratisation par une approche plus solidaire au travers drsquoun Partenariat Public-Priveacute respectueux de toutes les valeurs porteacutees par cette alternative eacuteconomique que repreacutesente lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Depuis sa creacuteation OPE a toujours proposeacute aux diffeacuterents partenaires des conventions La convention est applicable agrave partir du moment ougrave la personne publique (adjudicateur) deacutecide drsquoune opeacuteration justifieacutee par lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral tout en laissant lrsquoinitiative (la notion drsquoinitiative implique non seulement lrsquoimpulsion du projet mais aussi sa conception et sa deacutefinition) du programme agrave un tiers (le plus freacutequemment agrave une asbl) Aucune contrepartie directe nrsquoest attendue par la personne publique Le marcheacute public est quant agrave lui un contrat qui doit reacutepondre aux besoins bien preacutecis du pouvoir adjudicateur en matiegravere de fourniture de service ou de travaux Le programme proposeacute par OPE se situe quant agrave lui au croisement des chemins entre la convention (initiatives) et le marcheacute public (prestations de services) Si les valeurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire eacutetaient reconnues et eacutetaient inteacutegreacutees par le biais drsquoune deacuterogation agrave la loi sur les marcheacutes publics (voir ce qui est en cours au niveau du projet de loi 5144 pour les initiatives sociales pour lrsquoemploi) la connexion serait eacutetablie et il serait leacutegalement possible pour les entreprises de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire de proposer un programme global aux pouvoirs adjudicateurs qui reprendrait tant lrsquoInitiative que les prestations de services (voir deacutemarches en cours avec le Ministegravere de la Famille pour la mise en place drsquoun cadre leacutegal permettant le deacuteveloppement de lrsquoeacuteconomie solidaire Arrecircteacute Grand Ducal du 7 aoucirct 2004 Art1107 ) Actuellement nous neacutegocions avec les pouvoirs adjudicateurs (Ministegravere des Travaux Publics et communes) au travers de conventions transitoires le programme global lieacute au service drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral pour le deacuteveloppement durable drsquoune eacuteconomie solidaire (initiative) en y annexant des propositions de services qui reacutepondent preacuteciseacutement agrave leurs besoins (prestations de services) Ces propositions ont lrsquoavantage de pouvoir mettre en eacutevidence les activiteacutes proposeacutees tout en tenant compte des valeurs ajouteacutees (internalisation des coucircts externes suivant VADEMECUM de la leacutegislation agrave mettre en relation versus avec les externalisations positives deacutecrites ci-dessus) deacuteveloppeacutees par les initiatives dans le cadre du deacuteveloppement durable Dans ce contexte la notion drsquo laquo eacuteconomiquement la plus avantageuse raquo reprise dans la loi sur les marcheacutes publics constitue une plate-forme de discussion inteacuteressante La loi du 30 juin 2003 ( Art 11- mode drsquoattribution du marcheacute) et le regraveglement Grand Ducal du 7 juillet 2003 (dans ses Art16-objet de la soumission et Art89-Adjudication) preacutevoient de consideacuterer la notion de laquo eacuteconomiquement la plus avantageuse raquo La mecircme loi sur les marcheacutes publics (Article 4-Principes) demande agrave ce que le pouvoir adjudicateur assure la promotion du deacuteveloppement durable

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En srsquoappuyant sur ces deux visions nous voulons persuader le donneur drsquoordre (adjudicateur) que 1) Les valeurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire (si reconnues dans les neacutegociations en cours avec le Ministegravere de la famille et dans un deuxiegraveme temps par le gouvernement) telles que deacutefinies plus haut ont toutes les raisons de faire partie inteacutegrante des principes laquo pour le deacuteveloppement durable raquo deacutefinis par la leacutegislation (Titre II Principes repris dans la leacutegislation dans son Article 4) Ces principes demandent drsquointeacutegrer dans le cahier speacutecial des charges les conditions et lrsquoimportance agrave attribuer agrave la promotion du deacuteveloppement durable Comme nous lrsquoavons deacutejagrave deacutemontreacute notre programme contribue directement (par ses externaliteacutes positives mais aussi par une deacutemocratisation de lrsquoeacuteconomie) agrave la promotion du deacuteveloppement durable Il nrsquoy a donc pas drsquoobstacle agrave ce niveau pour que notre programme soit deacutecrit dans le cahier speacutecial des charges (possibiliteacute drsquoune standardisation tel que preacutevue dans la leacutegislation dans son Art20 par Arrecircteacute Grand Ducal ) Notre Initiative peut donc faire lrsquoobjet drsquoun marcheacute public et ne devrait plus uniquement ecirctre consideacutereacutee comme une convention 2) En ce qui concerne la notion drsquo laquo eacuteconomiquement la plus avantageuse raquo -La loi (Art 11) preacutevoit que le regraveglement GD instaure un cahier geacuteneacuteral ( ) des charges qui deacutefinit la notion drsquoeacuteconomiquement plus avantageuse -Le regraveglement GD quant agrave lui (dans ses Art16 et 89) demande agrave ce que cette notion soit deacutefinie dans un cahier speacutecial des charges La loi preacutevoit dans ses articles que lrsquoobjet de la soumission sera deacutecrit dans un cahier speacutecial des charges et qursquoil faut y indiquer notamment les critegraveres qui entrent en ligne de compte pour deacuteterminer lrsquooffre eacuteconomiquement la plus avantageuse par rapport aux services agrave prester Les valeurs lieacutees agrave lrsquoInitiative reprisent dans la notion laquo eacuteconomiquement la plus avantageuse raquo peuvent donc ecirctre inteacutegreacutees dans lrsquoObjet du marcheacute accompagneacutees du descriptif des services agrave prester (cahier des charges et bordereau) en relation directe avec les besoins du pouvoir adjudicateur

3 Eleacutements positifs constateacutes agrave ce jour La volonteacute politique doit ecirctre forte pour en arriver agrave une telle conception eacuteconomique plurielle mais drsquoores et deacutejagrave les arguments suivants soutiennent cette position volontariste

1) Au niveau national La commune de Wiltz nous a commandeacute un cahier des charges et un bordereau qui permette drsquointeacutegrer ces valeurs de lrsquoeacuteconomie solidaire dans un marcheacute public preacutevu pour 2006 La volonteacute politique existe dans la mesure ougrave ce sujet sera preacutesenteacute aux eacutelecteurs lors des prochaines eacutelections communales du 9 octobre 2005

2) Au niveau national LrsquoArrecircteacute Grand-Ducal du 7 aoucirct 2004 portant constitution des ministegraveres (dans son Art1-10-7) preacutevoit une responsabiliteacute du Ministegravere de la Famille et de lrsquoInteacutegration pour la solidariteacute et la deacutefinition drsquoun Fonds national de Solidariteacute La volonteacute et les deacutemarches en cours de la part du gouvernement luxembourgeois pour mettre en place

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la deacutefinition drsquoun cadre pour lrsquoeacuteconomie solidaire deacutemontre lrsquointeacuterecirct de reacutealiser des avanceacutees pragmatiques Lrsquoengagement actuel du Ministegravere des Travaux Publics et des finances pour deacutefinir la proceacutedure la plus adapteacutee de passation drsquoun marcheacute avec une entreprise de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire ainsi que les financements y rattacheacutes nous donnent des nouvelles opportuniteacutes de dialogues compeacutetitifs (voir opportuniteacute livre vert commission ci-dessous) pour clarifier les actions meneacutees par les entreprises concerneacutees

3) Le livre Blanc de la commission sur les services drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral en ce qui concerne la responsabiliteacute des pouvoirs publics lrsquo(Art1) appuie la neacutecessiteacute drsquoassurer une combinaison harmonieuse des meacutecanismes de marcheacute et des missions de services publics en preacutecisant (Art2) que les Etats membres restent responsables de la deacutefinition deacutetailleacutee des services agrave fournir et de leur mise en œuvre et restent du ressort des pouvoirs publics (Art22) en eacutetant organiseacutes aussi pregraves que possible des citoyens (Art 31) et donc en garantissant une approche deacutemocratique deacutefendue par les entreprises drsquoeacuteconomie sociale et solidaire en ce qui concerne les subventionscompensations deacuteveloppe des travaux et propose des mesures afin que les compensations lieacutees agrave des services drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral ne constituent pas des aides drsquoeacutetat et ne doivent pas directement respecter les regravegles et les plafonds par rapport aux montants preacutevus pour une notification preacutealable au niveau communautaire (voir Art42 en relation avec lrsquoArt86 du traiteacute aux aides drsquoeacutetat accordeacutees sous forme de compensation pour services public) Cette approche devrait rassurer les pouvoirs publics deacutesireux de mettre en place des regravegles nationales qui eacuteviteraient une ouverture trop large de ses frontiegraveres pour des Initiatives telles que deacutefinies dans des programmes socieacutetaux reacutepondant agrave des besoins internes tels que la lutte contre le chocircmage en ce qui concerne lrsquoeacutevaluation des reacutesultats agrave venir ils ne seront pas fondeacutes uniquement sur des critegraveres drsquoefficience eacuteconomique mais aussi sur des critegraveres sociaux eacuteconomiques et environnementaux agrave caractegravere plus geacuteneacuteral (Art45) qui doivent preacuteserver leur singulariteacute lieacutees agrave des exigences particuliegraveres en matiegravere de solidariteacute de collaboration beacuteneacutevoles et drsquoinsertion de groupes de personnes vulneacuterables (Art44) Pour les entreprises drsquoeacuteconomie sociale et solidaire une telle approche rassure et confirme toutes les valeurs deacutefendues journaliegraverement sur le terrain

4) Le livre vert de la commission sur les Partenariats Public-Priveacute et le droit communautaire des marcheacutes publics et des concessions deacutefinit que PPP srsquoinscrit dans lrsquoeacutevolution du rocircle de lrsquoEtat dans la sphegravere eacuteconomique LrsquoEtat passe drsquoun rocircle drsquoopeacuterateur direct agrave un rocircle drsquoorganisateur de reacutegulateur et de controcircleur (Com2004-327 final 113) Les regravegles preacuteconiseacutees passent par des proceacutedures de passation de marcheacutes publics Une nouvelle forme de proceacutedure est neacuteanmoins preacuteconiseacutee sous certaines conditions on parle alors de laquo dialogue compeacutetitif raquo (com2004-327 final 1213) qui permet aux autoriteacutes publiques de discuter avec les entreprises candidates afin drsquoidentifier les solutions susceptibles de reacutepondre agrave leurs besoins Nous retombons eacutegalement dans ce contexte dans les neacutegociations en cours avec les pouvoirs publics au niveau du Luxembourg 5) La Communication interpreacutetative sur le droit communautaire des marcheacutes publics (COM 2001-275 final) autorise que les valeurs sociales et environnementales soient inteacutegreacutees dans la deacutefinition de lrsquoobjet du marcheacute

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Conclusion A partir du moment ougrave ces valeurs sont retenues et que la volonteacute politique est affirmeacutee les marcheacutes publics peuvent contribuer activement agrave la mise en œuvre drsquoune vision plurielle dans le sens ougrave lrsquoefficaciteacute eacuteconomique la solidariteacute sociale et la protection de la nature pourraient devenir des forces motrices pour le deacuteveloppement de synergies agrave mecircme drsquoanticiper lrsquoavenir Nous pensons que lrsquoaudit social organiseacute dans cette universiteacute drsquoeacuteteacute peut nous apporter une contribution importante

agrave la deacutefinition des indicateurs objectivement veacuterifiables en rapport avec les valeurs deacuteveloppeacutees par le secteur de lrsquoeacuteconomie solidaire aux moyens agrave mettre en place pour valider nos actions

Nous vous remercions drsquoavance pour les aides et contributions qui nous permettrons de deacutefendre dans les neacutegociations en cours lrsquoeacutelaboration drsquoun systegraveme drsquoorganisation et de production baseacute sur le respect de lrsquoHomme et de la coheacutesion sociale dont il deacutepend Nous voulons laquo profiter raquo pour faire un appel pressant agrave toutes les volonteacutes individuelles et collectives susceptibles de nous aider pour continuer les recherches entreprises (qursquoelles se situent au niveau juridique mais eacutegalement au niveau de lrsquoAudit Social et environnemental) Pour terminer je voudrais citer un de vos pairs laquo avouons que nous sommes plus preacuteoccupeacutes par nos inteacuterecircts les plus immeacutediats les plus courtermistes que nous sommes mus par des logiques de preacutefeacuterence quasi-exclusivement individuelle Le sens du bien commun de la volonteacute geacuteneacuterale srsquoest effaceacute au profit du deacutesir particulier raquo (Baptiste RAPPIN colloque laquo raison(s) et deacutecision raquo- IAE de Lille 14 juin 2005) Cette citation provocatrice de la part de son auteur est en fait effectivement le contraire de ce que les entreprises de lrsquoeacuteconomie solidaire sont en droit et en devoir de preacutesenter Que cette approche vous invite agrave participer agrave notre projet

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AUX FONDEMENTS DE LrsquoAUDIT SOCIAL HOWARD R BOWEN ET LES EGLISES PROTESTANTES Jacques IGALENS Professeur des Universiteacutes ndash LIRHE et IAE ndash Universiteacute de Toulouse 1 Laiumlla BENRAISS Maicirctre de Confeacuterences en Sciences de Gestion ndash IAE de Bordeaux

Introduction Apregraves le second conflit mondial il faut reconstruire le monde Lrsquoalliance de circonstances entre le capitalisme ameacutericain et le communisme russe laisse place agrave de violents affrontements ideacuteologiques et militaires Avec la guerre de Coreacutee et la guerre froide le monde semble coupeacute en deux et le doute srsquoinstalle notamment chez ceux qui avaient espeacutereacute que la fin de la seconde guerre mondiale serait suivie drsquoune egravere de paix et de reacuteconciliation Aux Etats-Unis lrsquoapregraves guerre est une peacuteriode marqueacutee par lrsquoopposition entre les tenants (minoritaires) de lrsquoancien laquo New Deal raquo de F D Roosevelt et les partisans drsquoun capitalisme plus pur crsquoest agrave dire marqueacute par une moindre intervention de lrsquoEtat feacutedeacuteral dans la conduite de lrsquoeacuteconomie La guerre a grandement ameacutelioreacute lrsquoimage des grandes entreprises ameacutericaines aux yeux du public car elles ont joueacute un rocircle essentiel dans la production des armes qui ont permis la victoire Mais on le comprend aiseacutement cette reacutehabilitation nrsquoest pas sans ambiguiumlteacute Premiegraverement cet effort de guerre a enrichi beaucoup drsquoentrepreneurs et de proprieacutetaires ce qui pose agrave certains un problegraveme moral et qui explique que la philanthropie drsquoentreprise se deacuteveloppe rapidement Certes la philanthropie existait avant guerre et Carneacutegie avait pu par exemple financer la creacuteation de 2800 bibliothegraveques sur ces deniers mais crsquoes entre 1946 et 1960 qursquoelle prend un essor nouveau Ensuite les dirigeants drsquoentreprise commencent agrave srsquoexprimer publiquement et agrave faire valoir leurs conceptions de la place et du rocircle de lrsquoentreprise on peut citer parmi beaucoup drsquoautres Abrams de la Standard Oil Company (Abrams 1951) ou encore Randall de lrsquoInland Steel Company (Randall 1952) mais ces ouvrages ne reacutepondent pas toujours aux questions que se posent lrsquoopinion publique Crsquoest en 1949 dans ce contexte de doute et de questionnements eacutethiques que le conseil feacutedeacuteral des eacuteglises du Christ (eacuteglises protestantes ameacutericaines) passe commande agrave son deacutepartement eacuteconomique dirigeacute par Charles Taft drsquoune large eacutetude sur le thegraveme de laquo lrsquoeacutethique chreacutetienne et la vie eacuteconomique raquo La fondation Rockefeller soutient financiegraverement le programme En 1951 le conseil feacutedeacuteral fusionne avec drsquoautres structures et devient le laquo National Council of the Churches of Christ in the USA raquo regroupant vingt-neuf communauteacutes protestantes et orthodoxes des Etats-Unis la plus importante communauteacute cultuelle des Etats-Unis Six volumes seront publieacutes pour honorer la commande

Goals of Economic Life The American Economy and the Lives of people Social responsibilities of the businessman The organizational Revolution American income and its use Ethics and economic life

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Aucun de ces ouvrages ne sera traduit en franccedilais mais lrsquoun drsquoentre eux exercera une influence certaine aux USA et en France car il est le premier agrave eacutevoquer lrsquoideacutee qursquoil existe une responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise au-delagrave de sa stricte responsabiliteacute eacuteconomique et financiegravere vis agrave vis de ses proprieacutetaires Il srsquoagit de lrsquoouvrage de Howard R Bowen intituleacute laquo Social Responsibilities of the businessman raquo Apregraves avoir rapidement preacutesenteacute lrsquoauteur Howard R Bowen nous exposerons les ideacutees principales de son ouvrage avant de reproduire puis de commenter le passage relatif agrave lrsquoaudit social Nous rejoignons lrsquoauteur qui affirme qursquoagrave sa connaissance agrave la date de publication 1951 il srsquoagit de lrsquoapparition drsquoun concept entiegraverement nouveau

1 Qui est Bowen Bowen est neacute agrave Spokane Washington en 1908 mais il devient un produit intellectuel de lrsquoUniversiteacute de lrsquoIowa Il y fit toutes ses eacutetudes et fut docteur de cette universiteacute en 1935 il la preacutesidera entre 1964 et 1969 Economiste drsquoobeacutedience keyneacutesienne il a meneacute une partie de sa carriegravere dans lrsquoadministration au ministegravere du commerce agrave la commission des finances du Seacutenat et apregraves la guerre au laquo Irving Trust raquo agrave New York Il meurt agrave 81 ans en 1989 Sa carriegravere lrsquoa ameneacute agrave rencontrer beaucoup de personnes de milieux intellectuels et sociaux diffeacuterents et il est attentif aux conseacutequences concregravetes des deacutecisions eacuteconomiques Cela dit sa deacutemarche reste intellectuelle il nrsquoest ni militant ni ideacuteologue il se deacutefinit lui-mecircme dans sa preacuteface comme un laquo ingeacutenieur eacuteconomique raquo Gond et Acquier qui ont eacutetudieacute son œuvre eacutecrivent laquo SOCIAL RESPONSIBILITIES OF THE BUSINESSMAN ne semble pas central dans le parcours acadeacutemique de lrsquoauteur Tout drsquoabord lrsquoouvrage se preacutesente sous la forme de lrsquoessai et ne fait pas figure drsquoun travail de recherche respectant les standards acadeacutemiques propres agrave lrsquoeacuteconomie Ensuite Bowen fait peu reacutefeacuterence au livre dans ses travaux ulteacuterieurs qui se consacreront prioritairement agrave lrsquoeacuteconomie du systegraveme eacuteducatif ameacutericain (Bowen 1977) Enfin Bowen reviendra vingt ans plus tard sur laquoSOCIAL RESPONSIBILITIES OF THE BUSINESSMANraquo en prenant ses distances par rapport agrave lrsquoouvrage jugeant ideacutealiste lrsquoideacutee drsquoune responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise totalement volontaire et avanccedilant lrsquoideacutee qursquoune deacutemarche plus contraignante est neacutecessaire ( Bowen 1978) raquo (Acquier amp Gond 2005)

2 Les ideacutees principales de laquo SOCIAL RESPONSIBILITIES OF THE BUSINESSMAN raquo

Bowen deacutefinit la responsabiliteacute sociale de lrsquoentrepreneur degraves le deacutebut de lrsquoouvrage laquo elle renvoie aux obligations de lrsquohomme drsquoaffaire de poursuivre telles politiques de prendre telles deacutecisions ou de suivre telles lignes drsquoaction qui sont deacutesirables en fonction des objectifs et des valeurs de notre socieacuteteacute raquo il srsquoagit de placer les valeurs reconnues dans la socieacuteteacute au dessus des valeurs personnelles et cela dans un mouvement volontaire de la raison car lrsquohomme drsquoaffaire ayant plus de pouvoir que le simple citoyen il doit ecirctre capable de comprendre lrsquoimpact de son action sur la socieacuteteacute Lagrave reacuteside la notion de responsabiliteacute sociale dans cet abandon de ses propres valeurs au profit de valeurs collectives La dimension protestante apparaicirct plus loin lorsque Bowen montre que les penseurs protestants nrsquoont jamais soutenu de maniegravere inconditionnelle et univoque le systegraveme capitaliste laquo Ils srsquoaccommoderaient mieux drsquoun systegraveme mixant libre entreprise et intervention eacutetatique et ils abordent la question de la

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proprieacuteteacute priveacutee sous lrsquoangle speacutecifique du trusteeship et du stewardship raquo (Acquier ampGond 2005) Rappelons que ces doctrines stipulent que la proprieacuteteacute nrsquoa rien drsquoun droit absolu et inconditionnel et qursquoelle ne peut ecirctre justifieacutee que dans la mesure ougrave lrsquoadministration priveacutee des biens permet drsquoaccroicirctre le bien-ecirctre de la communauteacute Pour Bowen la doctrine de la responsabiliteacute sociale doit ecirctre envisageacutee comme moyen pour orienter lrsquoactiviteacute des entreprises vers lrsquoatteinte des objectifs que la socieacuteteacute civile srsquoest fixeacutee Il deacutetaille ces objectifs en srsquoappuyant sur le premier ouvrage de la seacuterie (laquo goals of economic life raquo) conditions de vie de qualiteacute progregraves et stabiliteacute eacuteconomique seacutecuriteacute des personnes ordre public justice sociale liberteacute drsquoentreprise deacuteveloppement personnel et ameacutelioration dans le cadre de la communauteacute (facteurs lieacutes agrave lrsquoameacutelioration de lrsquoenvironnement notamment) Crsquoest lrsquoencastrement ou lrsquoinscription des regravegles neacutecessaires pour atteindre ces objectifs que recherche Bowen Bien sur il eacutevoque le droit mais il trouve que la loi ne suffit pas et qursquoelle preacutesente des aspects dangereux si elle descend agrave un niveau de deacutetail trop important aussi il en appelle agrave la morale individuelle et agrave lrsquoeacutethique des affaires

3 Lrsquoaudit social selon Bowen Dans un premier temps lrsquoouvrage laquoSOCIAL RESPONSIBILITIES OF THE BUSINESSMANraquo est construit autour de probleacutematiques eacuteconomiques et de leurs conseacutequences eacutethiques Ensuite sont exposeacutees les convictions protestantes (chapitre 5) puis la responsabiliteacute speacutecifique de lrsquohomme drsquoaffaire (chapitres 6 7 8 et 9) Les critiques de la responsabiliteacute sociale sont eacutegalement exposeacutees et notamment la critique portant sur les conseacutequences de la RSE sur les coucircts de production (chapitre 10) le dilemme du choix entre le volontariat de lrsquoentreprise et lrsquoobligation leacutegale est abordeacute ( chapitre 11) puis des propositions sont effectueacutees (chapitres 12 et 13) Parmi les propositions figure la transformation du conseil drsquoadministration Bowen plaide pour lrsquointroduction de repreacutesentants des salarieacutes des fournisseurs des consommateurs des communauteacutes locales et du public laquo en geacuteneacuteral raquo Il ne faudrait pas faire de Bowen un preacutecurseur en la matiegravere car degraves les anneacutees 20 de nombreux auteurs avaient plaideacute sans succegraves dans cette direction (Tawney 1920 Goyder 1951 Douglas 1934 etc) Un certain Beardsley Ruml avait proposeacute avant Bowen un type de repreacutesentation particulier fondeacute sur le laquo trusteeship raquo un administrateur eacutetant eacutelu par les actionnaires avec mission particuliegravere de repreacutesenter telle ou telle cateacutegorie de laquo stakeholders raquo il eacutetait mecircme preacutevu pour lui une reacutemuneacuteration distincte de celle des autres administrateurs car sa tacircche eacutetait plus lourde dans la mesure ougrave il devait en plus de ses obligations normales srsquoefforcer de creacuteer des liens et drsquoobtenir le sentiment de la partie dont il repreacutesentait les inteacuterecircts De mecircme Bowen se prononce pour une repreacutesentation de ce qursquoil appelle le point de vue social dans le management Il esquisse une reacuteforme drsquoenvergure de la formation des managers dans le sens de leur transformation en laquo philosophe drsquoentreprise raquo Il propose que des cadres soient investis de la repreacutesentation des points de vue des parties prenantes Il suggegravere de renverser le sens de la mission du deacutepartement laquo public relation raquo pour qursquoelle serve la cause du public de mecircme il plaide pour que les eacuteconomistes drsquoentreprise eacutetudient les conseacutequences des deacutecisions de lrsquoentreprise sur lrsquoeacuteconomie globale Enfin il propose la creacuteation de mission drsquoaudit social Voici selon notre traduction ce qursquoeacutecrit Bowen dans le chapitre 13 pages 155 et 156

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laquo Un changement institutionnel qui pourrait aider agrave renforcer le point de vue social dans la conduite des affaires pourrait ecirctre lrsquoaudit social De mecircme que les dirigeants soumettent leurs comptes agrave des audits reacutealiseacutes par des commissaires aux comptes indeacutependants ils pourraient eacutegalement accepter de soumettre leurs performances sociales agrave des experts exteacuterieurs agrave lrsquoentreprise et indeacutependants Les auditeurs sociaux effectueraient une eacutevaluation indeacutependante et deacutesinteacuteresseacutee des politiques de lrsquoentreprise concernant les salaires la recherche et le deacuteveloppement la publiciteacute les relations publiques les relations humaines les relations avec lrsquoenvironnement la stabiliteacute de la main drsquoœuvre etc Ils soumettraient ensuite leur rapport agrave la direction et au management avec leur eacutevaluation et leurs recommandations Un tel document serait reacuteserveacute agrave usage interne et ne serait pas public Les audits sociaux pourraient ecirctre reacutealiseacutes tous les cinq ans et pas annuellement comme les audits comptables et financiers Les missions drsquoaudit social devraient ecirctre conduites par une eacutequipe de personnes

Orienteacutees vers le point de vue social Connaissant bien le monde des affaires et ses pratiques Compeacutetentes dans les domaines juridique eacuteconomique sociologique psychologique gestion du personnel gouvernance ingeacutenierie philosophie et theacuteologie

Il est concevable que des eacutequipes seacutepareacutees drsquoauditeurs soient recruteacutees pour chacun des aspects eacutevoqueacutes Ou bien une ou plusieurs socieacuteteacutes drsquoaudit pourraient se speacutecialiser sur ce creacuteneau de lrsquoaudit social Une telle socieacuteteacute pourrait ecirctre une socieacuteteacute priveacutee orienteacutee vers le profit comme le sont les socieacuteteacutes de consultants Ou mieux elle pourrait se constituer en coopeacuterative de service avec des groupement drsquoentreprises agrave la base chacun drsquoentre eux acceptant de partager les deacutepenses pendant un certain nombre drsquoanneacutees et chaque entreprise adheacuterente acceptant de se faire auditer agrave intervalle reacutegulier Lrsquoaudit social aurait plusieurs avantages

Il fournirait une meacutethode reconnue pour porter le cocircteacute social des affaires agrave lrsquoattention du management Lrsquoeacutevaluation des entreprises serait effectueacutee par des personnes exteacuterieures deacutesinteacuteresseacutees et deacutetacheacutees des activiteacutes La creacuteation drsquoun corps drsquoauditeurs sociaux donnerait une impulsion agrave la reconnaissance de normes sociales pour la conduite des affaires Le fait que la restitution se fasse uniquement en interne et pas agrave lrsquoexteacuterieur de lrsquoentreprise autoriserait une totale franchise tout en rendant la chose acceptable par les dirigeants

A ma connaissance le concept drsquoaudit social nrsquoa jamais eacuteteacute preacutesenteacute auparavant Mais il existe des signaux institutionnels dans cette direction Par exemple certaines socieacuteteacutes ont fait reacutealiser des enquecirctes de climat social par des consultants drsquoautres ont inviteacute des professeurs des hommes drsquoEglise et drsquoautres personnes agrave reacutealiser des diagnostics de leurs opeacuterations avec pour objectif drsquo laquo eacuteduquer raquo ces personnes mais aussi drsquo ameacuteliorer par leurs suggestions les performances sociales Pour ces preacutecurseurs lrsquoaudit social sera un prolongement naturel raquo (fin de citation) Le chapitre 13 se termine par un plaidoyer pour la recherche en sciences sociales et nous ne pouvons reacutesister au plaisir corporatiste drsquoune derniegravere citation laquo Lrsquoindustrie deacutepensera des millions de dollars pour trouver une meilleure meacutethode pour deacutecouper de lrsquoacier ou pour deacutevelopper de nouveaux mateacuteriaux plastiques en comparaison elle deacutepense quelques centimes pour financer la recherche en psychologie sociologie

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eacuteconomie ou gestion des disciplines dans lesquelles elle a un inteacuterecirct eacutenorme Il est vrai que la recherche dans les sciences naturelles profite directement agrave lrsquoentreprise qui lrsquoengage car ses reacutesultats sont brevetables La recherche en sciences sociales mecircme si elle peut contribuer agrave abaisser les coucircts ou accroicirctre les ventes ne produit geacuteneacuteralement pas de revenus identifiables pour telle ou telle entreprise Pourtant pour lrsquoindustrie ou les affaires pris comme un tout la recherche en sciences sociale est drsquoun inteacuterecirct consideacuterable raquo

4 Commentaires Bowen un preacutecurseur sans descendance Bowen nrsquoest pas un speacutecialiste de lrsquoaudit lequel agrave lrsquoeacutepoque ougrave il eacutecrit commence drsquoailleurs agrave sortir de la seule speacutecialiteacute comptable et financiegravere pour investir drsquoautres chaicircnes drsquoopeacuterations Il est donc naturel que son propos ne soit pas centreacute sur les meacutethodes mais srsquoen tienne agrave un plaidoyer Quels sont ses arguments Le premier est en droite ligne avec lrsquoensemble du livre le coteacute social des affaires est sous-estimeacute et lrsquoaudit social est un moyen parmi drsquoautres ( la formation des managers la composition du CAhellip) pour introduire du social dans les preacuteoccupations et les deacutecisions de gestion Mais le social pour Bowen ne se limite pas agrave la relation employeuremployeacutes il srsquoagit en reacutealiteacute de la relation de lrsquoentreprise avec ses parties prenantes comme le theacuteorisera Freeman trente ans apregraves lui ( Freeman 1984) Le second argument tient mecircme srsquoil nrsquoemploie pas le terme exact agrave la neacutecessiteacute de disposer de reacutefeacuterentiel il utilise dans ce sens le terme de norme Pas drsquoaudit social sans reacutefeacuterentiel donc appeler au deacuteveloppement de lrsquoaudit social doit conduire au deacuteveloppement de normes sociales dont lrsquoexistence fait cruellement deacutefaut pour la gestion des entreprises ameacutericaines On sait qursquoapregraves la peacuteriode du New Deal une meacutefiance srsquoeacutetait installeacutee vis agrave vis de toute reacuteglementation nouvelle et Bowen de ce point de vue reste en accord avec cette crainte mais comme il est eacutegalement attentif aux deacuterives drsquoune gestion par trop centreacutee sur la recherche exclusive du profit il en appelle agrave une laquo soft law raquo par adoption volontaire de normes sociales Bowen insiste eacutegalement sur la neacutecessiteacute de conserver un certain degreacute de confidentialiteacute sur les reacutesultats de lrsquoaudit car il craint que toute publiciteacute agrave ce sujet devienne une raison invoqueacutee par les dirigeants pour ne pas avoir recours agrave lrsquoauditeur social Bowen associe eacutetroitement lrsquoaudit et lrsquoeacutevaluation et pour lui un audit contient des recommandations Il srsquoagit certainement dans son esprit drsquoune deacutemarche lourde et coucircteuse et pour cette raison il conseille un intervalle de cinq ans entre deux audits Mais il ne deacutetaille pas le contenu de lrsquoaudit Paradoxalement Bowen est plus preacutecis lorsqursquoil eacutevoque lrsquoauditeur social que lorsqursquoil deacutecrit lrsquoaudit social Lrsquoauditeur social doit ecirctre expert dans la matiegravere sociale et surtout indeacutependant ce qui suppose pour Bowen qursquoil soit exteacuterieur agrave lrsquoentreprise pour ne pas ecirctre soumis agrave la pression hieacuterarchique Lrsquoauditeur peut ecirctre membre drsquoune eacutequipe drsquoaudit et cette ideacutee vient agrave Bowen lorsqursquoil eacutenumegravere lrsquoensemble des disciplines dans lequel il le deacutesire compeacutetent Cette liste est si longue (droit eacuteconomie sociologie psychologie GRH ingeacutenierie gouvernance

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philosophie theacuteologie) qursquoil prend conscience de la difficulteacute agrave trouver toutes ces connaissances dans une seule personne La preacutesence de la theacuteologie dans le reacutefeacuterentiel de compeacutetences ne doit pas ecirctre isoleacute de lrsquoorientation protestante de lrsquoouvrage De faccedilon geacuteneacuterale lrsquoideacutee de Bowen est inteacuteressante car elle se deacutemarque drsquoune deacuterive de lrsquoaudit (social ou non social) qui voudrait que la seule speacutecialiteacute de lrsquoauditeur soit la meacutethodologie de lrsquoaudit et plus preacuteciseacutement la meacutethodologie de lrsquoaudit comptable et financier Pour certains on peut avec une meacutethodologie universelle et la connaissance drsquoune norme approprieacutee passer sans difficulteacute de lrsquoaudit qualiteacute agrave lrsquoaudit environnemental ou agrave lrsquoaudit social (Igalens 2005) Bowen plaide pour un auditeur ou une eacutequipe drsquoaudit composeacutee de speacutecialistes mais connaissant bien le monde des affaires afin drsquoeacuteviter des points de vue laquo utopiques raquo sur le monde Il situe la place de socieacuteteacutes drsquoaudit social dans le champ des socieacuteteacutes priveacutees mais note qursquoelle pourrait eacutegalement prendre la forme coopeacuterative ce qui est original et demande quelques explications Cette proposition peut srsquoexpliquer par la crainte que le marcheacute de lrsquoaudit social soit trop limiteacute pour inteacuteresser des socieacuteteacutes priveacutees traditionnelles la forme coopeacuterative eacutetant dans ce cas un moyen pour les futures socieacuteteacutes clientes de se creacuteer un pocircle de compeacutetences tout en assurant aux auditeurs un marcheacute captif Il srsquoagit ici drsquoun lien agrave creacuteer entre auditeur et auditeacute qui nrsquoobeacuteisse pas agrave la seule logique marchande On peut aussi se demander si la forme coopeacuterative ne serait pas proposeacutee par reacutefeacuterence au lien entre auditeur et socieacuteteacute drsquoaudit car lrsquoaudit pourrait neacutecessiter une forme drsquoengagement particulier au service de grandes causes et dans ce cas on pourrait rapprocher les ideacutees de Bowen du deacuteveloppement actuel non des coopeacuteratives mais des ONG qui surveillent et publient des rapports sur les engagements sociaux des entreprises On sait que le militantisme est souvent agrave la base de ces organisations Conclusion On peut relever que Bowen a le meacuterite de penser et drsquoexposer les grandes lignes drsquoune activiteacute et drsquoune profession qui ne verront vraiment le jour qursquoune quinzaine drsquoanneacutees plus tard dans les pays anglo-saxons et trente ans plus tard en France Sa proposition est tout agrave fait insuffisante drsquoun point de vue technique car elle ne donne aucune orientation pratique de ce que pourrait ecirctre une deacutemarche drsquoaudit et elle nrsquoeacutevoque ni technique ni outil Mais il srsquoagit drsquoune ideacutee nouvelle et drsquoun concept nouveau Si lrsquoon voulait relever drsquoautres auteurs preacutecoces ayant chercheacute agrave donner du contenu aux activiteacutes drsquoaudit social on pourrait citer agrave la suite de Bowen lrsquoouvrage de Steiner GA (laquo social audit raquo) paru en 1971 puis celui de John Humble (laquo social responsibility audit raquo) paru en 1973 Dans ce dernier ouvrage figurent des questions relatives agrave la responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise par rapport agrave son environnement externe (communauteacute consommateurs pollution investisseurs) et interne Mais il convient de souligner que ni Steiner ni Humble ne font aucune reacutefeacuterence agrave Bowen et qursquoils semblent mecircme ignorer son existence Aussi agrave bien des eacutegards on peut consideacuterer que le premier auteur agrave avoir proposeacute le terme drsquoaudit social fut un visionnaire mais qursquoil nrsquoeucirct pas de descendance

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Tawney RH (1920) The acquisitive society New York Harcourt Brace amp Howe pp102-103

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LE ROLE DU CHERCHEUR EN SCIENCES DE GESTION ELEMENTS POUR UNE INTERSUBJECTIVITE CONTRADICTOIRE EN AUDIT SOCIAL Nathalie KRIEF Maicirctre de Confeacuterences en sciences de gestion ndash Universiteacute Jean Moulin Lyon 3 Membre de lrsquoISEOR

Introduction Srsquoil est geacuteneacuteralement admis dans toute activiteacute qursquoun controcircle de qualiteacute des matiegraveres premiegraveres soit reacutealiseacute avant tout lancement drsquoopeacuteration en sciences humaines et sociales on constate une certaine insouciance vis-agrave-vis de la question fondamentale de la qualiteacute des informations Cette question de la qualiteacute des informations en sciences humaines et sociales et plus speacutecifiquement dans les sciences de gestion rejoint drsquoune part la probleacutematique de lrsquoobjectiviteacute des sciences drsquoautre part celle de lrsquoexactitude de la mesure Tout drsquoabord la question de lrsquoobjectiviteacute soulegraveve celle de la scientificiteacute de la recherche En effet tout soupccedilon de subjectiviteacute dans une recherche srsquoaccompagne geacuteneacuteralement drsquoun laquo deacuteni de scientificiteacute raquo (Liotard 2000 p 10) Ainsi si lrsquoobjectiviteacute fait eacutecho quasiment sans ambiguiumlteacute agrave la scientificiteacute parce qursquoelle apparaicirct comme raison subjectiviteacute et scientificiteacute paraissent incompatibles la subjectiviteacute eacutetant consideacutereacutee comme relevant du domaine de lrsquoirrationnel Drsquoautre part et parallegravelement la question de la mesure des pheacutenomegravenes en sciences de gestion est souvent taxeacutee drsquoapproximation Le caractegravere humain des pheacutenomegravenes observeacutes dans les sciences de gestion semble empecirccher toute mesure objective La mesure fidegravele et exacte du social paraicirct donc impossible compte tenu de lrsquointerfeacuterence de lrsquoobservateur humain sur le sujet humain observeacute Ainsi objectiviteacute et exactitude de la mesure permettraient de juger de la scientificiteacute des recherches et des connaissances De nos jours les penseurs et les chercheurs srsquoaccordent sur le fait que les sciences de la nature reconnues pour leur rigueur et leur objectivisme appartiennent agrave la cateacutegorie des connaissances scientifiques alors que les sciences sociales ont une scientificiteacute toujours emprunte drsquoun certain doute Cette communication srsquointeacuteresse agrave la question de lrsquoobjectiviteacute et de la subjectiviteacute des recherches en sciences de gestion Les chercheurs sont-ils laquo asservis raquo dans leur travail de recherche agrave leur propre subjectiviteacute Quels sont les risques de cette subjectiviteacute Comment deacutepasser cette subjectiviteacute et se rapprocher de lrsquoobjectiviteacute

1 Objectiviteacute et subjectiviteacute

11 Objectiviteacute et subjectiviteacute dans les sciences En philosophie lrsquoobjectiviteacute est la qualiteacute de ce qui existe indeacutependamment de lrsquoesprit et par extension de ce qui donne une repreacutesentation fidegravele drsquoun objet de ce qui est exempt de partialiteacute et de preacutejugeacutes Chez Descartes (1637) est objectif ce qui nrsquoest que conceptuel et donc ce qui existe hors de lrsquoesprit comme un objet indeacutependant de lrsquoesprit Par opposition la

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subjectiviteacute eacutevoque le caractegravere de ce qui appartient au sujet et au sujet seul et qui donc considegravere les choses en donnant la primauteacute agrave ses eacutetats de conscience Lrsquohomme peut-il ecirctre veacuteritablement objectif Peut-il se soustraire agrave ses propres eacutetats de conscience en faire abstraction comme srsquoil les maicirctrisait selon une meacutecanique logique et laquo froide raquo Les deux grands paradigmes qui sous-tendent la production scientifique ndash positivisme et constructivisme ndash permettent drsquoeacuteclairer ces premiegraveres interrogations Le positivisme de Comte considegravere qursquoil est possible drsquoacceacuteder agrave lrsquoobjectiviteacute dans les sciences Le positivisme est lrsquoapplication aux sciences sociales et politiques des meacutethodes utiliseacutees dans les sciences positives notamment les matheacutematiques qui sont consideacutereacutees par Comte dans sa classification des sciences comme la base de toutes les sciences Lrsquoobjectif de Comte est de dresser la science politique et sociale qursquoil appelle dans un premier temps laquo physique sociale raquo puis laquo sociologie raquo au mecircme rang que lrsquoastronomie la physique la chimie crsquoest-agrave-dire des pheacutenomegravenes assujettis agrave des lois naturelles invariables (voir agrave ce sujet Opuscules de philosophie sociale 1819-1826) Le paradigme positiviste conccediloit une reacutealiteacute objective du monde observeacute le chercheur pouvant ecirctre neutre vis-agrave-vis de son objet et de son terrain de recherche Le positivisme admet donc une objectiviteacute du chercheur dont la logique deacuteductive baseacutee sur la mesure et lrsquoaxiomatique garantit la scientificiteacute des reacutesultats obtenus (veacuterifiabiliteacute confirmabiliteacute et reacutefutabiliteacute des hypothegraveses) A lrsquoopposeacute le paradigme constructiviste (Usinier et al 1993 Igalens et Roussel 1998 Savall et Zardet 2004) construit notamment agrave partir des travaux de Piaget (1967 1970) considegravere la reacutealiteacute comme socialement construite au sein de laquelle la neutraliteacute et lrsquoobjectiviteacute du chercheur sont un mythe car lrsquointeraction entre lrsquoobservateur et lrsquoobserveacute est une condition de la production de connaissance La communauteacute des chercheurs en sciences de gestion est fortement marqueacutee par le dualisme positivisme-constructivisme ce qui pose donc la question du choix de lrsquoeacutepisteacutemologie (Savall et Zardet 2004 p 59) Cette question soulegraveve donc lrsquoopposition entre recherche ou chercheur objectif et recherche ou chercheur subjectif Elle semble encore plus complexe dans le domaine des sciences sociales ougrave la recherche et la production de connaissances drsquointention scientifique srsquoeacutelaborent au sein drsquoune relation entre deux sujets humains Ainsi se pose la question tant de la subjectiviteacute du ou des chercheurs que de celle des acteurs de lrsquoorganisation sujets et objets de la recherche Les recherches peuvent-elles ecirctre reacuteellement objectives Notre conviction nous amegravene agrave penser que lrsquoobjectiviteacute est un mythe Drsquoune part parce que le chercheur ne peut faire abstraction de ce qursquoil est de ses valeurs mais encore plus il renvoie une image agrave lrsquoobserveacute qui lrsquoincite agrave adopter un comportement particulier laquo Lrsquohomme objectif est bel et bien un miroir habitueacute agrave srsquoassujettir agrave tout ce qursquoil faut connaicirctre sans autre deacutesir que celui que donne la connaissance le lsquorefletrsquo raquo (Nietzsche 1886 p 217) Lrsquoindividu nrsquoest pas que lui-mecircme une heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute srsquoinsegravere dans son uniciteacute (Arendt 1971) Drsquoautre part parce que mecircme dans les sciences de la nature reconnues pour leur scientificiteacute comme les sciences physiques lrsquoobservation et la mesure ne sont jamais neutres ou objectifs Lrsquoacte mecircme de mesurer (le geste) perturbe la mesure Par exemple mesurer la pression drsquoun pneu et le geste qui permet de le faire transforment mecircme si le chercheur ne le souhaite pas la mesure et lrsquoobjet eacutetudieacute On pourrait dire que toutes les recherches sont ainsi soumises agrave des lois de perturbations Celles-ci sont inheacuterentes agrave lrsquoaction drsquoobserver ou de mesurer

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Du cocircteacute du chercheur en sciences de gestion les images et les informations capteacutees et recueillies peuvent srsquoinscrire dans un systegraveme composeacute drsquoune part de ses cinq sens drsquoautre part des instruments drsquoinvestigation qursquoil utilise Le systegraveme perceptuel et sensoriel du chercheur ainsi que les outils qursquoil choisit ne sont pas neutres et ce quel que soit le degreacute drsquoimmersion du chercheur sur son terrain drsquoinvestigation Parallegravelement du cocircteacute des acteurs de lrsquoorganisation les expressions qursquoils formulent agrave lrsquooccasion drsquoun audit social (dans le cadre drsquoentretiens par exemple) ne semblent pas non plus eacutepargneacutees de cette subjectiviteacute Ainsi agrave la subjectiviteacute du chercheur srsquoajoute celle des acteurs de lrsquoorganisation Lrsquointerpreacutetation des mecircmes reacutealiteacutes (eacutevolutives dans le temps) donne parfois lieu agrave des discours diffeacuterents de la part des acteurs chaque acteur raisonnant avec ses propres eacutemotions ses propres convictions et son affectiviteacute

12 Objectiviteacute et subjectiviteacute dans les deacutemarches de recherche-intervention Dans ses travaux sur la meacutedecine expeacuterimentale Claude Bernard (1865) dissocie lrsquoobservateur de lrsquoexpeacuterimentateur Selon lrsquoauteur lrsquoobservateur doit ecirctre laquo le photographe des pheacutenomegravenes (hellip) son observation doit repreacutesenter exactement la nature raquo crsquoest-agrave-dire laquo observer sans ideacutee preacuteconccedilue raquo (p 52) Cette conception renvoie agrave un observateur laquo passif raquo sans eacutemotions qui eacutecrit sous la dicteacutee de la nature Lrsquoexpeacuterimentateur au contraire est laquo actif raquo laquo Lrsquoexpeacuterimentateur reacutefleacutechit essaye tacirctonne compare et combine pour trouver les conditions expeacuterimentales les plus propres agrave atteindre le but qursquoil se propose Il faut neacutecessairement expeacuterimenter avec une ideacutee preacuteconccedilue raquo (p 52) Dans les deacutemarches de recherche-intervention en sciences de gestion (Moisdon 1984 Avenier 1989 Hatchuel 1994 Argyris 1995 Avenier et Nourry 1997 Savall et Zardet 1998 David 2000) ou de recherche-expeacuterimentation (Savall 1978) lrsquoobjectiviteacute du chercheur et des acteurs semble ecirctre une quecircte vaine En effet la recherche-expeacuterimentation srsquoappuie sur une investigation expeacuterimentale des modes drsquoorganisation dans lrsquoentreprise celle-ci eacutetant consideacutereacutee comme un laquo terrain raquo au sens de champ drsquoinvestigations approfondies La production de connaissance est vue pour et par les organisations (Avenier et Nourry 1997) dans une logique transformative Ce type de recherche srsquooppose agrave la recherche contemplative afin de favoriser lrsquoappropriation et lrsquoutilisation par les praticiens de lrsquoentreprise drsquoune partie des connaissances produites par le chercheur et co-produites avec les acteurs de lrsquoorganisation Ainsi le chercheur-expeacuterimentateur agrave lrsquoinstar de celui deacutecrit par Claude Bernard en meacutedecine expeacuterimente avec une ideacutee preacuteconccedilue laquo Dans les sciences drsquoexpeacuterimentation lrsquohomme observe mais de plus il agit sur la matiegravere en analyse les proprieacuteteacutes et provoque agrave son profit lrsquoapparition de pheacutenomegravenes (hellip) A lrsquoaide de ces sciences expeacuterimentales actives lrsquohomme devient un inventeur de pheacutenomegravenes un veacuteritable contremaicirctre de la creacuteation raquo (Bernard 1865 p 48) Ainsi lrsquoexpeacuterimentateur-chercheur laquo doit prendre conscience des registres selon lesquels il pense et perccediloit faute de quoi son appartenance socio-culturelle risque de se muer en un ethnocentrisme producteur de jugements de valeur aveugles et drsquoideacuteologies inconscientes raquo (Savall et Zardet 2004 p 345) Le chercheur nrsquoest pas passif et geacutenegravere des impressions voire des eacutemotions qui vont modifier le comportement et le discours du sujet qui eux-mecircmes vont susciter des reacuteactions eacutemotionnelles chez le chercheur Lrsquoobjectiviteacute paraicirct donc ecirctre impossible agrave atteindre mais parallegravelement la subjectiviteacute peut apparaicirctre dangereuse si elle nrsquoest pas maicirctriseacutee et encadreacutee Si certains preacuteconisent drsquoappliquer une anthropologie reacuteflexive permettant de consideacuterer les conditions de production

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des connaissances et des informations et de deacutelibeacutereacutement inteacutegrer la subjectiviteacute du chercheur nous proposons plutocirct de mettre en place des meacutecanismes et des principes de conduite de recherche permettant de tendre vers une certaine objectiviteacute Renoncer agrave lrsquoideacuteologie de lrsquoobjectiviteacute des informations ne signifie pas pour autant renoncer agrave la qualiteacute des informations Il srsquoagit de remplacer cette impossible objectiviteacute par une laquo intersubjectiviteacute contradictoire raquo Ce processus peut permettre drsquoaffiner le degreacute de signifiance des informations et de renforcer la validiteacute des reacutesultats obtenus

2 Pour une intersubjectiviteacutehellip contradictoire

21 Intersubjectiviteacute agrave la frontiegravere des paradigmes Lrsquointersubjectiviteacute caracteacuterise une situation de communication entre deux sujets Intersubjectiviteacute est composeacute de laquo inter raquo qui signifie ou suggegravere la laquo relation entre raquo la communication et de laquo subjectiviteacute raquo qui fait reacutefeacuterence agrave lrsquointuition du sujet par lui-mecircme agrave ce qui lui est propre La subjectiviteacute drsquoun individu se reacutefegravere agrave lrsquoinfluence qursquoont sur lrsquoactiviteacute mentale de cette personne son tempeacuterament ses propres convictions ses centres drsquointeacuterecirct et motivations personnelles Le concept drsquointersubjectiviteacute fut eacutenonceacute pour la premiegravere fois par le philosophe allemand Edmund Husserl fondateur de la pheacutenomeacutenologie reprise plus tard par Merleau-Ponty Lrsquointersubjectiviteacute est deacutefinie comme une laquo communication telle qursquoelle srsquoeacutetablit entre les consciences raquo de deux personnes humaines (Bourdon 1999 p 656) Ainsi de mecircme que toute conscience est conscience de quelque chose notre conscience reconnaicirct lrsquoexistence drsquoautres consciences dans une expeacuterience originaire de coexistence que Husserl appelle intersubjectiviteacute Lrsquointersubjectiviteacute suppose le deacutetour indispensable par le discours de lrsquoautre et la prise en compte de la penseacutee drsquoautrui dans lrsquoeacutelaboration des connaissances du sujet Dans cette conception intervient le solipsisme selon lequel le laquo moi raquo avec ses sensations et ses sentiments constitue la seule reacutealiteacute existante dont on soit sucircr Selon Merleau-Ponty une subjectiviteacute reacuteveacuteleacutee agrave elle-mecircme et agrave autrui constitue une intersubjectiviteacute Afin de se rapprocher drsquoune certaine objectiviteacute nous proposons de mettre en place une intersubjectiviteacute contradictoire qui consiste agrave confronter les points de vue relatifs et subjectifs de chacun des acteurs en organisant et en suscitant des interactions entre acteurs doteacutes en partie de points de vue convergents et en partie de points de vue diffeacuterents voire contradictoires

22 Principes drsquointersubjectiviteacute contradictoire Comment assurer lrsquointersubjectiviteacute contradictoire Nous proposons drsquoappreacutehender ce pheacutenomegravene agrave partir des principes de la recherche-intervention meneacutee selon la theacuteorie et la meacutethodologie socio-eacuteconomique (Savall 1975 Savall et Zardet 1987) Lrsquointersubjectiviteacute contradictoire prend place drsquoune part dans la collecte de lrsquoinformation drsquoautre part dans lrsquoanalyse et lrsquointerpreacutetation de ces informations Car il y a laquo deux choses agrave consideacuterer dans la meacutethode expeacuterimentale 1deg lrsquoart drsquoobtenir des faits exacts au moyen drsquoune investigation rigoureuse 2deg lrsquoart de les mettre en œuvre au moyen drsquoun raisonnement expeacuterimental afin drsquoen faire ressortir la connaissance de la loi des pheacutenomegravenes raquo (Bernard 1865 p 42)

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Ainsi il nous fait consideacuterer drsquoune part le rocircle des acteurs chercheur(s) et acteurs de lrsquoorganisation drsquoautre part les deux mouvements entrant en consideacuteration dans le processus de production de connaissances collecte et analyse

221 Collecte drsquoinformations Dans la phase de collecte drsquoinformations le chercheur met en œuvre plusieurs techniques de collecte de lrsquoinformation lui permettant de rendre moins subjectives les donneacutees collecteacutees Le triptyque [entretiens observation analyse de documents] est un des principes de mise en œuvre de lrsquointersubjectiviteacute contradictoire La qualiteacute de la base drsquoinformations sera drsquoautant plus grande qursquoelle sera le reacutesultat drsquoune combinaison de techniques de collecte drsquoinformations Les entretiens semi-directifs permettent aux acteurs de lrsquoorganisation de srsquoexprimer de maniegravere abondante sur des thegravemes concernant la performance sociale tout en limitant lrsquointervention et lrsquoinfluence du chercheur qui la plupart du temps se tait pour recueillir comme un laquo theacuterapeute raquo lrsquoexpression des acteurs Cette collecte par entretiens limite les biais du questionnaire ougrave bien souvent agrave lrsquooccasion de questions fermeacutees la reacuteponse est dans la question La multipliciteacute des acteurs rencontreacutes en entretiens tend eacutegalement agrave obtenir une image proche de la reacutealiteacute mecircme si dans le cadre drsquoentretiens les acteurs srsquoexpriment tant sur des descriptions factuelles que sur des ressentis et des opinions personnelles Plus le chercheur combine les sources de collecte drsquoinformations et multiplie son panier drsquoinformateurs moins il sera deacutependant de leur vision subjective (Savall et Zardet 2004 p 213) Lrsquoanalyse de documents internes agrave lrsquoentreprise permet de compleacuteter lrsquoinformation collecteacutee au moment des entretiens en preacutecisant deacutetaillant ou atteacutenuant des positions personnelles de certains acteurs intervieweacutes Enfin lrsquoobservation directe affine lrsquoimage obtenue de lrsquoorganisation et de sa performance sociale Dans le cadre de recherches-interventions la forte preacutesence du chercheur sur son terrain drsquoexpeacuterimentation rend possible une observation quasi quotidienne des situations de travail sur une longue peacuteriode

222 Analyse et interpreacutetation des informations Dans la phase drsquoanalyse des informations collecteacutees lrsquointersubjectiviteacute contradictoire srsquoinscrit au sein du dispositif de restitution des reacutesultats (laquo effet-miroir raquo) et drsquointime conviction de lrsquointervenant (avis drsquoexpert) Les risques drsquoaffectiviteacute du chercheur drsquoideacuteologies professionnelles ou culturelles peuvent lrsquoinciter agrave eacutepouser les repreacutesentations drsquoun corps social en particulier Pour faire face agrave ces risques de trop forte subjectiviteacute il est important drsquoorganiser le filtrage et lrsquoaffinage des informations collecteacutees par la preacutesentation laquo effet-miroir raquo des repreacutesentations collecteacutees Cette premiegravere eacutetape permet de creacuteer une premiegravere phase drsquoeacutechange entre les acteurs sur des reacutealiteacutes plurielles collectives et partageacutees (convergences) et des reacutealiteacutes plus singuliegraveres constituant des speacutecificiteacutes Il srsquoagit alors de construire des dispositifs iteacuteratifs pour confronter explicitement les diffeacuterents acteurs doteacutes de leurs points de vue et analyses respectifs afin drsquoen identifier les convergences et les speacutecificiteacutes Sur ces points un deacutebat

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srsquoengage pour creacuteer une certaine intersubjectiviteacute crsquoest-agrave-dire une communication entre deux ou plusieurs personnes consideacutereacutee sur le plan drsquoeacutechange de contenus Afin drsquoaffiner les repreacutesentations des acteurs et celles du chercheur ce dernier peut mettre en application un principe compleacutementaire drsquoanalyse au second degreacute des situations deacutecrites Ainsi la triangulation [entretiens documents observation] finaliseacutee dans un premier temps par une laquo restitution raquo collective des laquo reacutesultats bruts raquo obtenus peut ecirctre compleacuteteacutee drsquoun filtrage compleacutementaire agrave travers une analyse temporelle et une analyse de contenu Le discours drsquoun acteur dans une organisation est tout drsquoabord affecteacute par des pheacutenomegravenes temporels le preacutesent le passeacute et le futur influencent le discours des acteurs Le preacutesent (ou actualiteacute) impressionne lrsquoacteur Un eacuteveacutenement reacutecent aura tendance agrave ecirctre survaloriseacute dans un entretien ce qui introduit un biais dans lrsquoexpression de lrsquoacteur Cette information reacutecente est-elle bien peseacutee par lrsquoacteur Le passeacute ou lrsquoeffet meacutemoire entrent eacutegalement en ligne de compte Un acteur fortement marqueacute par un eacuteveacutenement passeacute aura tendance agrave le placer encore dans son actualiteacute alors que celui-ci nrsquoest plus preacutesent De mecircme certains eacuteveacutenements passeacutes ne sont pas meacutemoriseacutes par lrsquoacteur Lrsquoavenir ou lrsquoanticipation projective conduit certains acteurs agrave assimiler une situation possible ou deacutesireacutee agrave une situation reacuteelle Ainsi la sinceacuteriteacute et lrsquoauthenticiteacute des informations collecteacutees sont laquo affecteacutees drsquoune part par lrsquoamneacutesie des acteurs et drsquoautre part par une certaine confusion entre lrsquoeffet strateacutegique du discours et lrsquoeffet descriptif de lrsquoobjet raquo (Savall et Zardet 2004 p 222) Ce premier filtre temporel peut ecirctre compleacuteteacute par un second filtre permettant de mettre en eacutevidence les dadas les tabous et les contentieux Les dadas individuels ou collectifs conscients ou inconscients peuvent srsquoapparenter agrave une laquo ideacutee fixe raquo A lrsquoopposeacute les tabous repreacutesentent les ideacutees non exprimeacutees par les acteurs par crainte pudeur ou convention sociale laquo Ces non-dits ces contournements et reacutetentions existent dans toute organisation et le chercheur gagne agrave srsquointerroger a priori sur les tabous sous-jacents aux discours recueillis et qursquoil convient de deacutetecter raquo (Savall et Zardet 2004 p 224) Enfin les contentieux constituent un troisiegraveme eacuteleacutement pouvant laquo polluer raquo les discours des acteurs Le processus deacutefinit pour mettre en œuvre une certaine objectiviteacute par intersubjectiviteacute contradictoire consiste donc drsquoune part agrave faire le tri entre lrsquoensemble des discours des acteurs par le filtre temporel et le filtre des dadas-tabous-contentieux drsquoautre part agrave permettre des iteacuterations successives permettant de reacuteveacuteler aux acteurs les informations collecteacutees pour les faire reacuteagir et creacuteer au fur et agrave mesure une intersubjectiviteacute productrice de nouveau sens Ce processus permet aussi drsquoaffiner la mesure de la performance sociale par un encadrement progressif Tout comme une mesure exacte nrsquoa pas de sens mecircme si elle existe toujours les recherches tentent de srsquoapprocher le plus possible de cette mesure par un encadrement Mecircme dans les sciences les plus perfectionneacutees et avec les instruments les plus preacutecis la mesure nrsquoest toujours qursquoun encadrement de mesure Mesurer la longueur drsquoune table en ignorant aussi tous les effets de dilatation revient agrave donner une laquo fourchette raquo plus ou moins grande de mesure Il en va de mecircme des recherches dans le domaine social Lrsquoexpeacuterience permet de srsquoapprocher drsquoune mesure vraisemblable par encadrement mais la mesure exacte nrsquoa pas de sens Si lrsquoobjectiviteacute paraicirct donc une quecircte vaine et que la subjectiviteacute apparaicirct risqueacutee pour produire des connaissances drsquointention scientifique lrsquointersubjectiviteacute contradictoire permet drsquoeacuteviter toute affectiviteacute dans la recherche et de limiter les risques drsquointerpreacutetation erroneacutee des

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situations deacutecrites par les acteurs Ainsi le chercheur agrave lrsquoimage drsquoun laquo savant expeacuterimentateur raquo (Bernard 1865 p 85) nrsquoimpose pas son ideacutee et tente par les diffeacuterents meacutecanismes deacutecrits de ne pas non plus se faire laquo manipuler raquo par les acteurs de lrsquoorganisation BIBLIOGRAPHIE ARENDT H (1971) Consideacuterations morales 1egravere publication 1971 in Revue Social Research 1993 Editions Tierce pour la traduction franccedilaise 1996 Rivages-Poches Petite Bibliothegraveque

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USINIER J-C EASTERBY-SMITH M et THORPE R (1993) Introduction agrave la recherche en gestion Economica 2egraveme eacutedition 2000

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DETECTION ANALYSE ET QUANTIFICATION DU RISQUE SOCIAL LE MODELE MRS Hubert LANDIER Consultant directeur de la lettre laquo Management social raquo Membre du conseil drsquoadministration de lrsquoIAS Bernard MERCK Consultant et chercheur en RH Membre du conseil drsquoadministration de lrsquoIAS

Introduction Le laquo social raquo pour beaucoup de managers a longtemps pu repreacutesenter la part drsquoirrationnel que comporte lrsquoentreprise Les effets drsquoun mauvais climat social nrsquoeacutetaient pas quantifiables Nrsquoeacutetant pas quantifiables ils nrsquoapparaissaient pas dans la comptabiliteacute Nrsquoy apparaissant pas ils eacutetaient nuls et non avenus Nombre de DRH ont ainsi pu constater venant des laquo opeacuterationnels raquo ou des financiers le manque drsquointeacuterecirct pour une dimension de lrsquoentreprise dont ils eacutetaient incapables de mesurer les conseacutequences positives ou neacutegatives sur les reacutesultats de lrsquoentreprise Dans un contexte de concurrence qui tend en permanence agrave reacuteduire les marges de manœuvre ces conseacutequences pourtant peuvent ecirctre deacuteterminantes pour la reacuteussite de lrsquoentreprise Une deacuteteacuterioration du climat social peut se traduire par une baisse de lrsquoefficaciteacute collective au travail par une progression de lrsquoabsenteacuteisme par une augmentation indeacutesirable du turn-over avec le deacutepart des meilleurs et par des risques de conflit susceptibles eux-mecircmes de peser sur lrsquoimage de lrsquoentreprise et donc sur son attractiviteacute commerciale Parce qursquoil ne figure pas en tant que tel dans la comptabiliteacute le coucirct social est un coucirct cacheacute qui nrsquoen constitue pas moins un coucirct reacuteel Degraves lors sa prise en compte en vue drsquoactions correctives susceptibles de le reacuteduire peut constituer pour lrsquoentreprise une source de productiviteacute importante Il srsquoagit donc drsquoeacutevaluer le coucirct drsquoun climat social deacuteteacuterioreacute et drsquoen preacuteciser les causes afin drsquoadopter des mesures correctrices dont le coucirct lui-mecircme mesurable constituera un investissement rentable pour lrsquoentreprise et un progregraves pour les salarieacutes qursquoelle emploie MRS (laquo Modegravele drsquoanalyse du risque social raquo) a ainsi pour objet de proposer agrave la Direction Geacuteneacuterale de lrsquoentreprise et au DRH un outil opeacuterationnel qui leur permettra de deacutetecter les actions prioritaires agrave mener et drsquoen calculer la rentabiliteacute

1 De la deacutetection des irritants agrave la mesure du risque social

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La deacutegradation du climat social se traduit par des coucircts actuels et par des coucircts potentiels Les coucircts actuels sont de diffeacuterentes natures ils reacutesultent notamment de lrsquoexistence drsquoun absenteacuteisme excessif drsquoun turn over trop eacuteleveacute avec le deacutepart des meilleurs eacuteleacutements et surtout de la perte drsquoefficaciteacute collective telle qursquoelle se traduit par des neacutegligences geacuteneacuteratrices de pertes de productiviteacute voire de pannes ou de malfaccedilons et parfois mecircme par des deacutegradations volontaires Quant aux coucircts potentiels ils correspondent au risque de gregraveve et aux pertes financiegraveres qui en reacutesultent directement et indirectement (alteacuteration de lrsquoimage de lrsquoentreprise deacuteteacuterioration de la relation avec les clients deacutepart de certains drsquoentre eux) On notera ainsi que le coucirct social ne reacutesulte pas seulement des conflits lorsqursquoils se produisent mais qursquoil reacutesulte eacutegalement des comportements des salarieacutes au quotidien Ce coucirct repreacutesenteacute par une deacutegradation de leur efficaciteacute individuelle et collective peut srsquoeacutevaluer en pourcentage de la masse salariale Or les enquecirctes de climat social nous apprend que celui-ci peut ecirctre tregraves eacuteleveacute Il srsquoagit donc pour lrsquoentreprise drsquoun reacuteservoir de productiviteacute important Reste agrave savoir ce qui conduit les salarieacutes agrave faire preuve de neacutegligence agrave srsquoabsenter sans cause reacuteelle et seacuterieuse agrave chercher agrave quitter lrsquoentreprise voire mecircme agrave se lancer dans un mouvement de gregraveve Les enquecirctes de climat social reacutevegravelent que de tels comportements reacutesultent de la multiplication de ce que nous avons appeleacute des laquo irritants raquo les irritants repreacutesentent toutes sortes de petits problegravemes de tracasseries de sources drsquoinquieacutetude ou de frustration qui au quotidien viennent veacuteritablement polluer la vie de chacun dans lrsquoentreprise et contribuent ainsi agrave la deacuteteacuterioration du climat social Il srsquoagira par exemple des questions maintes fois poseacutees et qui ne reccediloivent aucune reacuteponse ou encore des augmentations de salaire attribueacutees preacutetendument au meacuterite mais dont lrsquoattribution ne semble reacutesulter drsquoaucun critegravere preacutecis Ce sont donc lagrave drsquoautant de sources de meacutecontentement qui le plus souvent demeurent inexprimeacutees mais qui conduisent ceux qui les subissent agrave moins srsquoimpliquer dans leur travail agrave se comporter individuellement ou collectivement drsquoune faccedilon moins efficace qursquoils ne le seraient en lrsquoabsence de tels irritants

Lrsquoappreacuteciation du risque implique ainsi une deacutetection des irritants qui contribuent agrave la deacutegradation du climat social et agrave lrsquoapparition et au deacuteveloppement des tensions Plusieurs

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dizaines drsquoenquecirctes approfondies et des centaines drsquointerviews en profondeur reacutealiseacutees dans le cadre de missions drsquoappreacuteciation du climat social et de deacutetection des sources de tensions1 ont permis drsquoeacutetablir un reacutefeacuterentiel correspondant aux irritants que lrsquoon trouve le plus freacutequemment agrave lrsquoorigine drsquoune deacutegradation significative des relations de travail Ce reacutefeacuterentiel est au cœur du modegravele MRS Il srsquoagit en effet de deacutetecter parmi les 32 irritants reacutepartis en 5 familles figurant dans ce reacutefeacuterentiel ceux drsquoentre eux qui sont susceptibles drsquoexpliquer une deacutegradation du climat social et donc de peser sur les coucircts reacuteels ou potentiels de lrsquoentreprise ou de lrsquoeacutetablissement ougrave ils ont eacuteteacute constateacutes Principales sources de dysfonctionnement internes geacuteneacuteratrices de tensions sociales A - Comportement perccedilu de la Direction 1 - Eacuteloignement des centres de deacutecisions 2 - Absence de reconnaissance pour le travail accompli 3 - Incapaciteacute agrave preacutesenter un projet mobilisateur 4 - Manque de coheacuterence visible de lrsquoeacutequipe de direction 5 - Absence drsquoune visibiliteacute suffisante de la politique poursuivie B - Comportement perccedilu de lrsquoencadrement 6- Deacutefinition insuffisante des rocircles respectifs du n+1 et du n+2 7- Preacutesence insuffisante sur le terrain 8- Manque de respect pour le personnel 9- Comportement autoritariste ou incapaciteacute agrave animer et agrave reacuteguler lrsquoeacutequipe 10- Incapaciteacute agrave faire progresser les personnes 11- Existence drsquoordres et de contre-ordres 12- Absence drsquoinformations claires et complegravetes 13- Absence de reacuteponse aux questions et aux suggestions drsquoameacutelioration 14- Deacutefaillances dans le traitement des symboles C- Composition sociologique de lrsquoeacutetablissement et repreacutesentation du personnel 15- Querelles entre anciens et nouveaux 16- Existence de groupes sociaux fortement typeacutes du point de vue ethnique sociologique ou

professionnel 17- Existence drsquoune repreacutesentation du personnel peu structureacutee et peu repreacutesentative 18- Existence drsquoune surenchegravere entre organisations syndicales concurrentes 19- Existence drsquoune tradition de confrontation sociale D - Mise en œuvre perccedilue des meacutethodes de management 20- Informations geacuteneacuterales insuffisantes 21- Incompreacutehension des modes de fonctionnement de lentreprise et des exigences qursquoils

impliquent 22- Neacutegligences dans lrsquoaccueil des nouveaux embaucheacutes

1 Cf Hubert Landier et Daniel Labbeacute Le management du risque social Editions drsquoorganisation 2004

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23- Absence drsquoentretiens peacuteriodiques seacuterieusement faits 24- Mesures salariales individuelles diffeacuterencieacutees mais non justifieacutees de faccedilon claire 25- Possibiliteacutes drsquoeacutevolution insuffisantes ou reacutepondant agrave des regravegles insuffisamment claires

entraicircnant un sentiment dinjustice ou dineacutequiteacute E - Perception de lrsquoavenir et des rapports de lentreprise agrave son environnement 26- Inquieacutetude en ce qui concerne la peacuterenniteacute de lrsquoeacutetablissement ou de lemploi 27- Incertitude en ce qui concerne les intentions de la Direction 28- Evolution deacutefavorable des meacutetiers pratiqueacutes 29- Crainte de deacuteclassement par insuffisance des compeacutetences requises 30- Relations difficiles avec les usagers ou les clients 31- Evolution insuffisamment comprise des modes de fonctionnement entre lentreprise et ses

partenaires 32- Changement imposeacute sans explications suffisantes du cadre institutionnel Ces irritants toutefois nrsquoont pas la mecircme porteacutee sur le comportement du personnel selon notamment lrsquohistoire sociale de lrsquoentreprise ou de lrsquoeacutetablissement ougrave ils ont eacuteteacute constateacutes crsquoest pourquoi MRS pondegravere leurs effets par des laquo facteurs contextuels raquo au nombre de 8 et qui sont susceptibles soit de renforcer soit de reacuteduire les conseacutequences des irritants en termes de deacutegradation du climat social Facteurs contextuels internes 1 Attachement du personnel agrave lrsquoentreprise 2 Discipline de travail 3 Continuiteacute dans la mise en oeuvre de la politique sociale 4 Existence drsquoune tradition de neacutegociations sociales 5 Meacutemoire de traumatismes sociaux (restructuration ou rachat) 6 Existence de contentieux juridiques entre les syndicats et la Direction 7 Existence drsquoune tradition de confrontation sociale 8 Existence de groupes militants radicaux Reste agrave mesurer la porteacutee des irritants et des facteurs contextuels Cette mesure est effectueacutee par le moyen drsquoun questionnaire eacutelectronique de 120 questions parameacutetreacute par MRS de faccedilon agrave aboutir agrave une veacuteritable cartographie du risque social dans lrsquoentreprise ou dans lrsquoeacutetablissement

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2 La preacutesentation drsquoune cartographie du risque social Selon le degreacute de preacutecision rechercheacute le questionnaire pourra ecirctre instruit par un nombre limiteacute de personnes deacutesigneacutees par la Direction afin drsquoeacutevaluer globalement et rapidement la situation ou au contraire par un panel significatif de salarieacutes voire par la totaliteacute du personnel pour obtenir une analyse deacutetailleacutee et preacutecise MRS constitue alors lrsquoeacutequivalent drsquoune enquecircte par sondage reacutealiseacutee sur un support informatique permettant non seulement de connaicirctre le point de vue des personnes interrogeacutees moyennant respect de leur anonymat mais eacutegalement de mesurer le risque social et son coucirct et de deacutetecter ainsi puis deacutecider en connaissance de cause des actions prioritaires susceptibles drsquoecirctre meneacutees afin de remeacutedier agrave une situation deacuteteacuterioreacutee Selon le niveau de MRS choisi par lrsquoentreprise cliente les reacutesultats peuvent ecirctre preacutesenteacutes drsquoune faccedilon syntheacutetique par laquo familles drsquoirritants raquo (preacutesentation en eacutetoile) ou drsquoune faccedilon beaucoup plus deacutetailleacutee irritant par irritant (preacutesentation en zigzag) Ces reacutesultats peuvent concerner selon les cas

lrsquoentreprise envisageacutee globalement

chacun de ses diffeacuterents eacutetablissements

des ensembles homogegravenes qui figurent dans le modegravele MRS sous lrsquoappellation de laquo pocircles raquo

Bien entendu ces reacutesultats sont susceptibles de faire lrsquoobjet drsquoeacutetudes comparatives

comparaison des reacutesultats drsquoun pocircle ou drsquoun eacutetablissement particuliers par rapport agrave lrsquoentreprise envisageacutee globalement

comparaison de pocircle agrave pocircle ou drsquoeacutetablissement agrave eacutetablissement

comparaisons dans le temps en vue de mesurer les effets des actions correctrices mises en œuvre dans lrsquointervalle

Reste agrave eacutevaluer le coucirct social repreacutesenteacute par les dysfonctionnements mis en lumiegravere par le modegravele celui-ci fait lrsquoobjet drsquoune estimation faisant appel aux techniques assurantielles par reacutefeacuterence agrave une table prenant en compte agrave la fois lrsquoeffet des irritants et lrsquoeffet positif ou neacutegatif des facteurs contextuels Lrsquoentreprise dispose ainsi drsquoune eacutevaluation fondeacutee des coucircts sociaux reacutesultant des dysfonctionnements qui sont agrave la source des irritants du coucirct potentiel pondeacutereacute par sa probabiliteacute reacutesultant drsquoun eacuteventuel conflit et du gain agrave attendre de la mise en oeuvre drsquoactions correctives

5

Mesure du risque social

0

5

10

15

20Comportement Direction

Comportement Encadrement

Composition sociologiqueMeacutethode de management

Perception avenir

Moyenne Enquecircte Risque

Analyse du risque social

Facteurs eacuteleacutementaires Commentaires

Moyenne Panel Enquecircte socieacuteteacute

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3 Les diffeacuterentes utilisations possibles de MRS De la simple estimation du risque social agrave lrsquoeacutechelle de lrsquoentreprise envisageacutee globalement faisant appel agrave lrsquoappreacuteciation drsquoun nombre limiteacute de ses dirigeants agrave lrsquoenquecircte la plus deacutetailleacutee fondeacutee sur la consultation drsquoun nombre important de collaborateurs MRS se preacutesente ainsi comme un outil tregraves souple susceptible de plusieurs utilisations possibles

eacutevaluation de la performance sociale de lrsquoentreprise en des termes coheacuterents avec les critegraveres de rentabiliteacute auxquels sont soumis ses diffeacuterents projet de deacuteveloppement dans le domaine technique ou commercial

eacutevaluation des marges de progregraves possibles de lrsquoentreprise par comparaison avec la moyenne observeacutee pour lrsquoensemble de la profession

eacutevaluation compareacutee des performances obtenues par diffeacuterents sites ou diffeacuterents pocircles

eacutevaluation du ROI des projets drsquoaction dans le domaine du management humain

deacutetection des eacutecarts entre la strateacutegie arrecircteacutee par la Direction geacuteneacuterale et sa mise en oeuvre sur le terrain

sensibilisation des managers agrave la dimension sociale de leur mission et aux coucircts reacutesultant de neacutegligences de leur part en matiegravere de management humain

sensibilisation des financiers agrave lrsquoimpact des actions meneacutees dans le domaine social

recherche des actions prioritaires dans le domaine des relations de travail en vue drsquoune ameacutelioration de la performance globale de lrsquoentreprise

eacutevaluation des effets des actions meneacutees en vue drsquoune ameacutelioration du climat social

Des exemples drsquoutilisations possibles de MRS 1 ndash Une entreprise du secteur des services veut creacuteer un baromegravetre de climat social interne et applique MRS agrave un grand nombre de petits eacutetablissements avec la possibiliteacute de suivre drsquoanneacutees en anneacutees lrsquoeacutevolution des actions correctives meneacutees avec lrsquoencadrement local 2 - Une entreprise inteacutegre MRS dans ses actions de formation de ses managers aux relations sociales afin de les convaincre de lrsquoimportance de leur rocircle social en termes drsquoimpact sur les reacutesultats et de leur permettre de suivre par la suite leurs progregraves 3 ndash Une entreprise industrielle confronteacutee agrave des situations sociales tendues dans certains de ses eacutetablissements deacutecide de se donner la possibiliteacute quand le besoin srsquoen fait sentir de mener une enquecircte flash dans tel ou tel drsquoentre eux en se comparant au reste de la profession 4 ndash Une grande entreprise arrecircte le principe drsquoenquecirctes peacuteriodiques de climat social dans le but de mesurer ses progregraves de comparer entre eux les diffeacuterents eacutetablissements et filiales du Groupe (benchmarking) pour mettre en lumiegravere les meilleures pratiques et deacutetecter les pocircles ougrave une action corrective srsquoavegravere neacutecessaire

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5 ndash Un DRH souhaite sensibiliser son comiteacute de direction domineacute par une vision essentiellement financiegravere sur les pertes drsquoexploitation lieacutees agrave une absence de coheacuterence des politiques RH et agrave certaines deacuteficiences dans le management humain de lrsquoentreprise 6 ndash Une entreprise ameneacutee agrave reprendre une activiteacute (contrat de geacuterance ou rachat) veut mesurer tregraves rapidement le risque social lieacute agrave lrsquoopeacuteration ainsi que les coucircts correspondants agrave mettre en balance avec les gains attendus En vue de reacutepondre drsquoune faccedilon adapteacutee agrave ces diffeacuterentes probleacutematiques MRS est ainsi proposeacute aux entreprises sous formes de prestations de preacutecisions croissantes agrave partir drsquoune plate-forme seacutecuriseacutee accessible par Internet

depuis lrsquoauto diagnostic global flash du risque social

jusqursquoau diagnostic deacutetailleacute par facteurs de risque (irritants et facteurs contextuels) susceptible drsquoecirctre reacutealiseacute pocircle par pocircle ou eacutetablissement par eacutetablissement en faisant appel au point de vue drsquoun nombre plus ou moins eacuteleveacute de personnes interrogeacutees

En outre MRS peut ecirctre proposeacute par abonnement en vue de la reacutealisation peacuteriodique drsquoenquecirctes reacutealiseacutee sur une base identique et sur un peacuterimegravetre comparable en vue de suivre dans le temps lrsquoeacutevolution du risque social assumeacute par lrsquoentreprise

Plus qursquoune enquecircte drsquoopinionhellip mieux qursquoune notation solliciteacuteehellip

Lrsquoenquecircte drsquoopinion par sondage apporte une information sur le point de vue des salarieacutes sur la base des thegravemes jugeacutes utiles par la direction

La notation sociale solliciteacutee permet drsquoeacutevaluer les performances de lrsquoentreprise sur la base drsquoun reacutefeacuterentiel social et socieacutetal exteacuterieur agrave la probleacutematique propre agrave lrsquoentreprise

MRS permet drsquoeacutevaluer agrave partir du jugement des dirigeants et des salarieacutes sur la base drsquoun reacutefeacuterentiel construit en termes de gestion les marges latentes de productiviteacute lieacutees agrave la qualiteacute du management humain de lrsquoentreprise

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LrsquoAUDIT DE CONFORMITE DES CONDITIONS DE TRAVAIL CONCEPTION ET ASSISE APPROCHE ANALYTIQUE DrsquoUNE ENTREPRISE TUNISIENNE Saloua LANGAR Auditrice sociale certifieacutee CNSS Tunisie Treacutesoriegravere de lrsquoIAS Tunisie

Reacutesumeacute Aujourdrsquohui mecircme si lrsquoentreprise respecte la reacuteglementation en matiegravere drsquohygiegravene et des conditions de travail elle peut encore subir des risques en raison notamment des aleacuteas et des effets pervers de la technologie Lrsquoaudit de conformiteacute des conditions de travail nous permettra drsquoeacutevaluer lrsquoefficaciteacute des mesures et des dispositifs mis en place et de deacutetecter les risques potentiels En effet agrave travers lrsquoaudit de conformiteacute des conditions de travail consideacutereacute comme un audit participatif au niveau drsquoune entreprise tunisienne nous allons nous interroger sur le bien-fondeacute de cet audit et sur la pertinence des reacutefeacuterentiels utiliseacutes Il importe de signaler que pour des raisons de confidentialiteacute la deacutenomination de cette entreprise ne sera pas deacutevoileacutee Introduction Le concept drsquoaudit de par le monde connaicirct une vogue certaine Apregraves les diffeacuterents domaines de la gestion lrsquoaudit fait de plus en plus irruption dans le domaine social Les pratiques drsquoaudit se sont multiplieacutees deacuteveloppeacutees et diversifieacutees au point que le terme drsquoaudit fait partie de la umlmode gestionnaire et socialeuml Il reste que cette notion agrave la mode veacutehicule des ambiguiumlteacutes En effet lrsquoaudit social surtout de par la varieacuteteacute des domaines qursquoil touche et en lrsquoabsence de normes et de reacutefeacuterentiels preacutecis exige un travail de clarification Drsquoougrave la neacutecessiteacute de preacutesenter une deacutefinition globale des diffeacuterentes tendances actuelles de lrsquoaudit social et du champ de son intervention pour nous limiter par la suite agrave lrsquoaudit de conformiteacute et agrave ses speacutecificiteacutes agrave travers le cas drsquoune entreprise tunisienne en matiegravere de conditions de travail La probleacutematique de cette communication serait alors de deacuteterminer la deacutemarche drsquoaudit de conformiteacute des conditions de travail au niveau drsquoune entreprise tunisienne Lrsquoideacutee centrale agrave deacutevelopper est de deacuteterminer si cette deacutemarche drsquoaudit telle qursquoelle est deacutefinie actuellement est bien fondeacutee et bien structureacutee Se base t-elle sur des reacutefeacuterentiels speacutecifiques ayant une valeur permettant drsquoameacuteliorer les conditions de travail

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1 Deacutefinitions de lrsquoaudit social Plusieurs deacutefinitions ont eacuteteacute donneacutees agrave lrsquoaudit social tout drsquoabord il a eacuteteacute deacutefini1 comme laquoun audit appliqueacute agrave la gestion et aux modes de fonctionnement des personnes dans les organisations qui les emploient ainsi qursquoau jeu de leurs relations internes et externesraquo Aussi la Commission europeacuteenne a deacutefini lrsquoaudit social dans son livre vert comme eacutetant laquoune eacutevaluation systeacutematique de lrsquoimpact social drsquoune entreprise par rapport agrave certaines normes et attentesraquo Selon la norme ISO version 2000 lrsquoaudit social est deacutefini comme eacutetant umlun processus meacutethodique indeacutependant et documenteacute permettant drsquoobtenir des preuves drsquoaudit et de les eacutevaluer de maniegravere objective pour deacuteterminer dans quelle mesure les critegraveres drsquoaudit sont satisfaitsuml Lrsquoobjectif de lrsquoaudit social serait donc drsquoaider lrsquoentreprise agrave fournir des appreacuteciations et des analyses objectives Lrsquoaudit social2 permet drsquoeacutetablir un constat donnant une image fidegravele de la reacutealiteacute ou srsquoassurant de la fiabiliteacute des informations pertinentes de mettre en eacutevidence les points forts et faibles et les problegravemes agrave partir des reacutefeacuterentiels et aussi de mettre en eacutevidence les risques de toute nature que court lrsquoentreprise et de les analyser et de proposer eacuteventuellement les recommandations de nature agrave les reacuteduire Lrsquoaudit social3 est aussi une mission aux dimensions variables vu qursquoil peut ecirctre soit une mission drsquoappreacuteciation de la conformiteacute de la pratique sociale agrave des reacutefeacuterentiels soit une mission de recherche de lrsquoefficaciteacute des pratiques sociales ou enfin une mission drsquoordre strateacutegique de lrsquoentreprise Enfin lrsquoaudit social ne se situe pas dans le contexte traditionnel et conflictuel des inteacuterecircts des salarieacutes et des employeurs mais dans la perspective drsquoune gestion globale de lrsquoentreprise qui integravegre lrsquoaspect social comme facteur essentiel de sa performance et de sa compeacutetitiviteacute Il a pour but drsquoexaminer de faccedilon critique les informations disponibles dans son champ drsquoaction Les fondements theacuteoriques de la deacutemarche drsquoaudit social se trouvent principalement selon Peretti et Vachette4 dans la deacutemarche deacuteveloppeacutee par les anglo-saxons et appliqueacutee aux domaines financier et comptable mais au delagrave de ces meacutethodes lrsquoaudit social srsquoappuie sur tous les apports meacutethodologiques lieacutes au traitement de lrsquoinformation et plus particuliegraverement au traitement de lrsquoinformation qualitative De par la probleacutematique que nous nous sommes fixeacutes dans le cadre de cette analyse il serait opportun drsquoapporter une deacutefinition succincte de lrsquoaudit de conformiteacute

1 Les mots pour lrsquoaudit IAS-IFACI (2000) EdLiaisons 2 Candau (P) (1990) Audit des associations 3 Couret (A) et Igalens (J) (1988) Lrsquoaudit social Que sais-je p3 4 Peretti (JM) et Vachette (JL) (1984) Audit social p28

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2 Deacutefinitions de lrsquoaudit de conformiteacute Lrsquoaudit de conformiteacute vise agrave veacuterifier le respect des exigences qui srsquoapplique au systegraveme ou au processus auditeacute Les objectifs de lrsquoaudit de conformiteacute ont donc un caractegravere preacuteventif et visent agrave eacutevaluer lrsquoefficaciteacute des mesures et dispositifs mis en place par lrsquoentreprise et agrave deacutetecter les risques potentiels Lrsquoaudit de conformiteacute srsquoappuie tregraves largement sur des reacutefeacuterentiels approprieacutes aux caracteacuteristiques de lrsquoentreprise agrave auditer Lrsquoauditeur serait alors appeleacute agrave identifier le reacutefeacuterentiel pertinent et de creacuteer sur cette base le guide drsquoaudit et de questionnement de la mission et ce en dialogue avec lrsquoentreprise en question Cet audit est un audit participatif Le reacutefeacuterentiel de lrsquoaudit se deacutefinit selon Vatier5 comme umlun ensemble drsquoeacuteleacutements de reacutefeacuterence une construction rationnelle exteacuterieure agrave lrsquoauditeur qui lrsquoutilise repreacutesentative drsquoune situation dont on peut rapprocher autant drsquoimages comparables agrave chacun de ces eacuteleacutements correspondants et relever des eacutecarts significatifs de divers aspects de cette situationuml Crsquoest lrsquoensemble des prescriptions (normes objectifs directives) srsquoimposant agrave une entreprise ou retenues par elle et auxquelles un auditeur va se reporter pour comparer ce qursquoil va constater agrave ce qui devrait ecirctre Les reacutefeacuterences de lrsquoaudit doivent ecirctre exprimeacutees en termes drsquoexigences qualitatives et quantitatives agrave respecter permettant de constituer des points de comparaison et drsquoorienter lrsquoaction drsquoune maniegravere efficace La formulation des critegraveres pertinents est neacutecessaire pour veacuterifier le respect ou le non respect de ces exigences Comme il est neacutecessaire drsquoassocier un questionnement dont les reacuteponses peuvent ecirctre obtenues soient par des entretiens individuels ou de groupe ouet par des observations ouet par une eacutetude de la documentation existante Le questionnaire drsquoaudit srsquoarticule autour des six familles de questions agrave savoir Quoi Qui Ougrave Quand Combien et Comment Crsquoest la deacutemarche6 de lrsquoaudit de conformiteacute qui constitue le fondement de lrsquoaudit En effet crsquoest une deacutemarche inductive objective meacutethodique indeacutependante ponctuelle peacutedagogique et coopeacuterative Lrsquoabsence de tout agrave priori la preuve de toute non conformiteacute lrsquoindeacutependance de lrsquoauditeur constituant une garantie drsquoobjectiviteacute la ponctualiteacute de la mission drsquoaudit ainsi que la coopeacuteration sont les eacuteleacutements cleacutes de la deacutemarche de lrsquoaudit de conformiteacute En effet lrsquoauditeur doit partir des faits les veacuterifier les comparer agrave drsquoautres en tirer les eacutecarts en diagnostiquer les causes et proposer eacuteventuellement des recommandations Ainsi lrsquoauditeur social doit ecirctre attentif aux reacutealiteacutes Il doit eacutecouter les diffeacuterents acteurs de lrsquoentreprise pour entendre ce qui veut se dire ou ne le veut pas et regarder les faits pour voir ce qursquoils recouvrent et mesurer et donner un sens agrave leur mesure au delagrave des chiffres enregistreacutes7

5 Vatier (R) (1988) Lrsquoaudit de la gestion sociale Editions drsquoOrganisation 6 Candau (P)opcit p28 7 Vatier (R) (29 et 30 aoucirct 2002) Message lors de la 20egraveme Universiteacute drsquoEteacute de lrsquoIAS Bordeaux

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Scheacutematiquement nous pouvons preacutesenter la proceacutedure de lrsquoaudit de conformiteacute

ECARTS - Prescrit (proceacutedures regravegles) - Souhaiteacute (objectifs)

Explications

Risques

Conformiteacute

Observeacute Reacutealiteacute Reacutefeacuterentiels

Externes Et internes

Scheacutema de la deacutemarche drsquoaudit de conformiteacute J Igalens8 distingue quatre cateacutegories de risques sociaux en lrsquooccurrence

- Le risque de non-respect des textes - Le risque drsquoinadaptation des politiques sociales aux attentes du personnel - Le risque drsquoinadeacutequation des besoins aux ressources humaines - Le risque drsquoenvahissement des preacuteoccupations sociales

En pratique lrsquoaudit de conformiteacute9 prend deux formes selon la taille de lrsquoentreprise auquel il est conduit Pour les petites entreprises il srsquoagit de constater la conformation aux regravegles du droit social Pour les plus grandes entreprises nous ajoutons lrsquoexamen de lrsquoapplication des proceacutedures internes et la conformiteacute des donneacutees chiffreacutees aux deacutefinitions et modes de deacutetermination fixeacutes au sein de lrsquoentreprise La difficulteacute de la mission drsquoaudit tient agrave la varieacuteteacute des regravegles agrave appliquer associeacutee agrave la tregraves grande diversiteacute des documents et des proceacutedures agrave auditer La deacutelimitation des domaines conduit agrave souligner lrsquoimportance du cadre reacuteglementaire applicable dans lrsquoentreprise en matiegravere des conditions de travail La speacutecificiteacute de la mission tient au fait qursquoil ne suffit pas de relever les distorsions vis-agrave-vis des regravegles mais aussi drsquoappreacutecier les risques associeacutes sous forme des sanctions preacutevues par la leacutegislation Nous allons voir dans le cas pratique dans quelle mesure cette deacutemarche a eacuteteacute respecteacutee et nous interroger sur le bien-fondeacute de lrsquoaudit des conditions de travail au niveau drsquoune entreprise tunisienne ainsi que sur la pertinence des reacutefeacuterentiels utiliseacutes En effet actuellement lrsquoentreprise tunisienne vit une egravere de grandes mutations eacuteconomiques technologiques et sociales imposeacutees par le nouvel ordre eacuteconomique mondial Lrsquoaudit des conditions de travail nrsquoest pas sans effets sur la santeacute et la seacutecuriteacute au travail de lrsquohomme acteur principal dans le processus de production et de performance Crsquoest pourquoi la protection de la santeacute des travailleurs et la preacutevention contre les risques professionnels constituent un enjeu primordial dans cet audit au niveau de toute entreprise

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8 Igalens ( J) Le risque social de la PME Travaux et recherches de lrsquoIAE 33 9 Berthelot (N) Corbet (D) et Soland (JB) Lrsquoaudit des emplois DESS de Controcircle de Gestion Sociale

3 Preacutesentation de lrsquoentreprise objet de lrsquoeacutetude Lrsquoentreprise objet de notre eacutetude a pour rocircle la fabrication la reacuteparation et la fourniture des appareils orthopeacutediques les plus divers Elle exerce son activiteacute non seulement sur site mais aussi agrave lrsquoexteacuterieur sous forme drsquointervention itineacuterante dans les centres hospitaliers et les dispensaires de lrsquointeacuterieur du pays Elle emploie environ 120 agents

4 Audit de conformiteacute des conditions de travail La premiegravere eacutetape de cette mission drsquoaudit des conditions de travail au niveau de lrsquoentreprise objet de notre eacutetude consiste agrave preacuteciser la demande drsquoaudit au niveau de la lettre de mission qui est cosigneacutee par le commanditaire et lrsquoauditeur Par la suite la mission drsquoaudit est deacuteclencheacutee par le biais drsquoune reacuteunion drsquoouverture de la mission drsquoaudit qui preacutecisera lrsquoobjet le champ et la porteacutee de lrsquoaudit au commanditaire Aussi cet audit de conformiteacute a eacuteteacute reacutealiseacute par rapport aux normes tunisiennes affeacuterentes aux conditions de travail aux textes reacuteglementaires en Tunisie et en France et aux normes franccedilaises AFNOR dont certains sont donneacutes dans le tableau ci-dessous Le reacutefeacuterentiel nrsquoeacutetant pas un construit de lrsquoentreprise il est de ce fait reacuteglementaire

41 Entiteacutes auditeacutees Les entiteacutes auditeacutees dans cette entreprise concernent les prothegraveses les orthegraveses la sellerie et le bandage la podo-orthegravese (chaussures orthopeacutediques) le corset la salle de coulage de la reacutesine la salle de placirctre et la salle de prise de moulage

42 Porteacutee de lrsquoaudit Cet audit porte sur de nombreux aspects de la vie au travail il srsquoagit de lrsquoeacutevaluation de la charge de travail des contraintes physiques de la perception et de la vigilance et enfin de lrsquoenvironnement Lrsquoanalyse des conditions de travail concerne aussi bien des eacuteleacutements quantifiables telles que la tempeacuterature lrsquoeacuteclairement que la perception qursquoa le personnel technique exerccedilant dans cette entreprise

43 Deacuteroulement de lrsquoaudit La mission drsquoaudit srsquoest deacuterouleacutee en diffeacuterentes eacutetapes tout en preacutecisant les intervenants agrave la deacutemarche scheacutematiseacutees comme ci-dessous afin de mieux cerner les non-conformiteacutes drsquoeacutevaluer leur degreacute drsquoimportance de les comparer au reacutefeacuterentiel retenu de preacutesenter les risques deacutecoulant de ces anomalies drsquoanalyser leurs causes et de deacuteterminer les moyens et les actions correctives neacutecessaires pour pouvoir reacuteduire les risques Ces non-conformiteacutes sont preacutesenteacutees sous forme de fiches de non-conformiteacutes signeacutees aussi bien par le responsable de lrsquoentreprise par lrsquoauditeur que lrsquoingeacutenieur chargeacute de la preacutevention comme indiqueacute dans le modegravele ci-joint et ceci dans le but drsquoimpliquer les acteurs dans la deacutemarche drsquoaudit et qui seront agrave mecircme de saisir le degreacute de son importance pour le bien de lrsquoentreprise et de ses ressources humaines Enfin la derniegravere eacutetape la plus importante est la restitution du rapport drsquoaudit au commanditaire Par ailleurs un audit de suivi a eacuteteacute aussi reacutealiseacute apregraves 6 mois pour voir si les mesures correctives ont eacuteteacute entreprises ou pas

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En effet lrsquoameacutelioration des conditions de travail est un facteur motivationnel pour les ressources humaines La qualiteacute de vie au travail nrsquoest-elle pas devenue un souci majeur des entreprises pour reacutepondre aux attentes des parties prenantes de lrsquoentreprise

Tableau syntheacutetisant les diffeacuterentes eacutetapes de la deacutemarche drsquoaudit de conformiteacute des conditions de travail

Etape Intervenant

Discussion sur la mission drsquoaudit

Premier responsable de lrsquoentreprise

Clarification de la porteacutee de lrsquoaudit et acceptation du ou des reacutefeacuterentiels drsquoaudit

Premier responsable de lrsquoentreprise

Deacutetermination de la logistique neacutecessaire pour la reacutealisation de la mission

Premier responsable de lrsquoentreprise

Discussion avec les responsables des ateliers porteacutee et reacutefeacuterentiels drsquoaudit

Responsables de la structure de lrsquoentreprise agrave auditer

Discussion des reacutesultats des eacutetudes reacutealiseacutees preacuteceacutedemment au sujet des conditions de travail

Responsables de la structure de lrsquoentreprise agrave auditer

Rencontre avec les agents exerccedilant dans les ateliers pour leur expliciter la mission drsquoaudit

Agents exerccedilant dans les structures de lrsquoentreprise agrave auditer

Distribution drsquoun 1er questionnaire relatif agrave la description des postes de travail pour saisir qui fait quoi

Agents exerccedilant dans les structures de lrsquoentreprise agrave auditer

Distribution drsquoun 2egravemequestionnaire relatif aux conditions de travail

Agents exerccedilant dans les structures de lrsquoentreprise agrave auditer

Discussion avec ces agents pour cerner les non-conformiteacutes (mineures et majeures) et des risques lieacutes agrave ces non-conformiteacutes

Agents exerccedilant dans les structures de lrsquoentreprise agrave auditer

Confirmation des non-conformiteacutes releveacutees avec un ingeacutenieur chargeacute de la preacutevention

Ingeacutenieur chargeacute de la preacutevention

Restitution du rapport drsquoaudit Premier responsable de lrsquoentreprise agrave auditer

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Quelques reacutefeacuterentiels utiliseacutes

Nature du reacutefeacuterentiel Objet Reacutefeacuterentiels tunisiens

-Arrecircteacute du Ministegravere des Affaires Sociales et de la Santeacute Publique

Liste des maladies Professionnelles

-Norme tunisienne 36-18 (1984) Limite maximale de manuten- tion

-Arrecircteacute du 12 juin 1987 Dispositif de protection

-Deacutecret ndeg68-328 du 22 octobre 1968

Regravegles drsquohygiegravene

Reacutefeacuterentiels franccedilais

-Loi franccedilaise du 11 juillet 1977 Niveau du bruit (fixation du Niveau sonore acceptable)

Ce qui importe de deacutemontrer est la recherche drsquoune rigueur scientifique au niveau de la deacutemarche drsquoaudit de conformiteacute des conditions de travail Conclusion En guise de conclusion nous pouvons affirmer que la mission drsquoaudit des conditions de travail au niveau de lrsquoentreprise objet de notre eacutetude a permis la participation et la responsabilisation des travailleurs agrave la mise en place des mesures de seacutecuriteacute et de preacutevention contre les risques professionnels leur information sur les risques auxquels ils sont exposeacutes et de mettre en exergue la volonteacute du premier responsable de cette structure drsquoassurer un lieu de travail sucircr propice agrave des conditions de travail favorables surtout que ce responsable a eacuteteacute fortement sensibiliseacute sur le lien entre les conditions de travail et les objectifs de lrsquoentreprise en lrsquooccurrence la reacutealisation drsquoune meilleure productiviteacute Ainsi cette mission drsquoaudit constitue agrave la fois une reacuteponse communicative dans la mesure ougrave elle a reacutepondu agrave la volonteacute de la direction geacuteneacuterale de lrsquoentreprise drsquoameacuteliorer les conditions de travail au sein de cette structure et une reacuteponse strateacutegique du fait qursquoelle a reconstruit les enjeux des diffeacuterents intervenants qui ont poseacute les problegravemes lieacutes aux conditions de travail et preacutesenteacute les solutions y affeacuterentes Il reste que lrsquoaudit ne peut pas preacutetendre agrave la connaissance exhaustive du systegraveme auditeacute En fait une part de la logique des acteurs est irreacuteductible agrave une analyse rationnelle et agrave une connaissance complegravete10

10 Lecointe (M) et Rebinguet (M) (1994) Ethique et pratique de lrsquoaudit le cas des audits de formation p59

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Enfin nous ne pouvons que se joindre agrave Michel Joras11 qui affirme que laquo Auditer crsquoest eacutecouter sans srsquoeacutecouter pour se faire eacutecouter raquo

Fiche de non-conformiteacute

Entreprise Ordre de mission dateacute du Date

1- Non conformiteacute Majeure Mineure A Deacutefaillance BRisques CPreuve DExigence (Reacutefeacuterentiel)

Intervenant Signature Auditeur Responsable de la structure de lrsquoentreprise agrave auditer

Ingeacutenieur chargeacute de la preacutevention Action corrective mise en place Pour le

Date

2- Action corrective Signature du responsable de lrsquoatelier 3-Revue de lrsquoaction corrective Action proposeacutee ou prise satisfaisante OuiNon Autre veacuterification requise OuiNon Lrsquoauditeur Signature Date Commentaires

11 Joras (M)(1997)Lrsquoaudit mais qursquoest-ce que crsquoest

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BIBLIOGRAPHIE Berthelot (N) Corbet (D) et Soland (JB) Lrsquoaudit des emplois DESS de Controcircle de Gestion Sociale

Candau (P) et Tougard (L) (1990) Audit des associations

Couret (A) et Igalens (J) (1988) Lrsquoaudit social Que sais-je

IAS-IFACI (2000) Les mots pour lrsquoaudit EdLiaisons

Igalens (J) Le risque social de la PME Travaux et recherches de lrsquoIAE 33

Joras (M) (1997)Lrsquoaudit mais qursquoest-ce que crsquoest

Lecointe (M) et Rebinguet (M) (1994) Ethique et pratique de lrsquoaudit

Peretti (JM) et Vachette (JL) (1984)Audit social

Vatier (R) (1988)Lrsquoaudit de la gestion sociale Editions drsquoOrganisation

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LOGIQUES DrsquoAUDIT ET RATIONALITES SOUS-JACENTES Pierre LOUART Professeur des Universiteacutes ndash IAE de Lille Directeur de lrsquoIAE de Lille Preacutesident de lrsquoAGRH Christel BEAUCOURT Maicirctre de Confeacuterences ndash IAE de Lille

Synthegravese En construction progressive depuis une trentaine drsquoanneacutees lrsquoaudit social est confronteacute agrave une grande quantiteacute drsquoattentes et de modegraveles dissocieacutes On lui demande des objectifs tregraves divers - le controcircle drsquoune reacutealiteacute sociale (de ses risques ou de lrsquoinvestissement immateacuteriel qursquoelle repreacutesente) pour des actionnaires - la veacuterification drsquoaspects leacutegaux ou reacuteglementaires pour des instances publiques de controcircle (nationales europeacuteennes internationales) - lrsquoeacutevaluation drsquoune GRH pour des dirigeants pour des repreacutesentants du personnel ou en vue drsquoun compromis de gouvernance (faisant intervenir les parties prenantes actives drsquoune organisation) - la gestion de regravegles ou de cadres de discussion relatifs agrave la responsabiliteacute sociale et environnementale (RSE) au deacuteveloppement durable ou agrave la citoyenneteacute des entreprises Lrsquoaudit social peut ainsi se mettre au service drsquoune limitation de risques ou drsquoobjectifs de deacuteveloppement Il peut couvrir la gestion des emplois ou celle du travail Il peut toucher conjointement - agrave des aspects juridiques (conformiteacute usages tactiques) ou budgeacutetaires (solvabiliteacute rentabiliteacute) - agrave des dimensions opeacuterationnelles (efficience efficaciteacute technique) ou strateacutegiques (pertinence par rapport aux buts afficheacutes) - agrave des enjeux politiques (possibiliteacutes de neacutegociation accords eacutetablis) ou moraux (clauses drsquoeacutequiteacute) Dans tous ses eacutetats lrsquoaudit social est aujourdrsquohui agrave un carrefour drsquoopportuniteacutes Il est aussi dans une crise de croissance avec le danger qursquoil soit deacutevoyeacute ou contamineacute par des inteacuterecircts partiels Il est donc utile drsquoen repenser les fondements de maniegravere agrave mieux orienter sa construction ses objectifs ou ses meacutethodes Au-delagrave de sources qui paraissent objectives une fois installeacutees dans le discours commun lrsquoaudit est avant tout une construction drsquoacteurs Il importe donc de regarder en quoi les logiques dont il fait eacutetat correspondent agrave des rationaliteacutes sous-jacentes Desquelles srsquoagit-il En quoi est-il possible de les discerner drsquoen tenir compte et de les faire eacutevoluer si besoin Par exemple en quoi lrsquoaudit social srsquoappuie-t-il sur la coutume la rationaliteacute des buts ou la rationaliteacute des valeurs (voir Weber) En quoi est-il un meacutelange instable des trois En quoi faut-il tenir compte du laquo roi clandestin des raisonnements raquo (cf Simmel) agrave savoir de certaines focalisations ideacuteologiques ou de certains affects souterrains qui modifient le jeu collectif et les pratiques observeacutees (en particulier le soupccedilon la haine le ressentiment la vengeance etc ndash et bien entendu le syndrome du controcircleur jaloux)

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1 Un processus intersubjectif Comme le souligne M Power (1994) lrsquoaudit est un processus actif visant agrave rendre les choses susceptibles drsquoecirctre auditeacutees Cela passe par la neacutegociation drsquoune base de connaissance leacutegitime et institutionnellement acceptable Et par laquo la creacuteation drsquoenvironnements reacuteceptifs raquo Celle-ci laquo repose sur des neacutegociations qui aboutissent (provisoirement) agrave deacutelimiter ce qui doit ecirctre auditeacute et comment il faut srsquoy prendre raquo (J Igalens 2004) Le systegraveme de reacutefeacuterence lui-mecircme est composeacute - de connaissance officielles de proceacutedures connues et opposables - de systegravemes de transmission du savoir (lieux de formations ou de rencontres de socialisation - de rapports drsquoaudit valideacutes par les cabinets officiels et reconnus plus geacuteneacuteralement de pratiques diffuseacutees (avis publieacutes deacutebats confrontations rationalisations qui puissent donner confiance aux utilisateurs) La neacutegociation est surtout baseacutee sur lrsquoapplicabiliteacute des techniques Lrsquoaudit en ce sens est donc une sorte de mise en scegravene ougrave lrsquoauditeur joue un spectacle (drsquoacteur seacuterieux drsquoagent de controcircle drsquoexpert en conformiteacute) Au pire crsquoest le thegraveme du Revizor de Gogol reacuteactualiseacute drsquoailleurs cet eacuteteacute 2005 par un theacuteacirctre anglais Au mieux crsquoest un processus de leacutegitimation qui srsquoapparente agrave celui de la traduction (dans le domaine des sciences) agrave la diffeacuterence qursquoici les formes sociales en jeu sont en construction reacuteelle et qursquoon peut donc eacutemettre des propheacuteties creacuteatrices en controcirclant par avance ce qursquoon veut faire eacutemerger Il ne faut pas recircver de fondement absolu (il nrsquoy a pas drsquoobjectivation sans acteurs pour la dire et lrsquoimposer) tout est affaire drsquointersubjectiviteacute Mais les eacutecarts sont eacutenormes entre laquo lrsquohomme mesure de toute chose raquo au sens des sophistes qui jugeaient du vrai comme drsquoune affaire drsquoimposer sa raison (drsquolaquo avoir raison raquo de battre lrsquoautre par toutes formes possibles de rheacutetorique et drsquoargumentation) et lrsquohomme acceacutedant au vrai par une raison dialectique de la preuve (une laquo justesse des faits raquo tireacutee de la matiegravere empirique ou discuteacutee entre des modegraveles de perception et des modegraveles drsquoexplication agrave la fois concurrentiels et cumulatifs) On peut comparer les outils drsquoaudit selon leur degreacute de puissance On peut comparer les auditeurs selon leur degreacute drsquoexpertise de distance critique ou de sagaciteacute par rapport aux faits (du moins ce que lrsquoon appelle des laquo faits raquo) Mais on ne peut pas deacuteterminer a priori la valeur des choses analyseacutees (la pertinence des objectifs escompteacutes la conformiteacute des regravegles suivies la qualiteacute des processus choisis lrsquoamplitude des performances reacutealiseacutees) Ces derniers points sont relatifs agrave des conventions drsquoacteurs aux valeurs singuliegraveres qui srsquoy sont mecircleacutees aux attentes humaines et sociales que tout cela reflegravete

2 Il y a des bases de reacuteflexion ou drsquointeraction agrave lrsquoorigine des normes sociales et du travail drsquoaudit

Diverses bases de reacuteflexion peuvent contribuer agrave la structuration de lrsquoaudit Chacune de ces bases doit ecirctre testeacutee dans sa capaciteacute agrave produire des normes bref agrave se servir de rationaliteacutes pas toujours explicites pour en tirer des logiques drsquoaudit formaliseacutees La plupart drsquoentre elles sont des constats de fait ou des normes eacutetablies qui servent de reacutefeacuterence aux eacutevaluations Peut-on srsquoappuyer sur des modegraveles scientifiques eacutetayeacutes par des constats geacuteneacuteralisables Est-ce vraiment possible Dans quel cadre et jusqursquoougrave En eacutetant plus reacutealiste ne vaut-il pas mieux se contenter de justifications conventionnelles Dans ce cas faut-il srsquoen tenir agrave des accords partiels locaux ou peut-on chercher agrave obtenir des raisons plus geacuteneacuterales des bases de contractualisation plus larges agrave lrsquoeacutechelle drsquoun pays drsquoun secteur drsquoactiviteacute ou drsquoune deacutecision

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mondialiseacutee (par le BIT lrsquoONU et la pression drsquoaccords multinationaux) Peut-on accepter que les normes soient faccedilonneacutees par les entreprises (avec des accords internes servant agrave mettre en valeur une activiteacute sociale ou responsable) Faut-il en demander la construction aux instances politiques et aux systegravemes de reacutegulation Faut-il en laisser lrsquoeacutelaboration agrave des tiers qui au nom drsquoune expertise propre ou drsquoun droit drsquoanteacuterioriteacute diffusent des reacutefeacuterentiels de certification drsquoaccreacuteditation ou de rating avec une valeur qui srsquoobtient apregraves coup gracircce au nombre ou agrave la puissance des adheacuterents Il faut accepter ce meacutelange de bases laquo positives raquo (qui srsquoappuient sur des constats des objectivations de pratiques ou des normes drsquoeacutevaluation) et de bases laquo conventionnelles raquo (qui eacutemergent drsquoexpeacuteriences locales drsquoopportuniteacutes techniques ou drsquoaccords entre acteurs) Apregraves tout crsquoest le sort de bien des pratiques sociales appuyeacutees sur la science que de mecircler savoirs habitudes et convenances locales Comme le souligne Georges Gusdorf laquo toute science est lrsquoœuvre de lrsquohomme elle se trompe et elle nous trompe si elle lrsquooublie et preacutetend obtenir par elle-mecircme une autoriteacute quelconque raquo (citeacute dans lrsquoouvrage de lrsquoISEOR 1994 sur lrsquoaudit social)

3 Lrsquoaudit deacutepend des domaines que lrsquoon considegravere (agrave tort ou agrave raison) comme susceptibles drsquoecirctre auditeacutes

Il y a des territoires mobiles (agrave geacuteomeacutetrie variable) dont on doit tester la structure et la plausibiliteacute On doit ecirctre attentif aux points suivants - comment se deacuteterminent les domaines ou les champs susceptibles drsquoecirctre auditeacutes (du risque social agrave la responsabiliteacute sociale et environnementale en passant par les modegraveles ad hoc en GRH pertinences locales ou critegraveres transnationaux reacutefeacuterences conjoncturelles ou logiques quasi-intemporelles) - comment srsquoorganise (se justifie se facilite ou non) lrsquoaccegraves aux donneacutees requises (avec le problegraveme qursquoil est toujours plus simple de srsquoappuyer sur des informations simples accessibles et quantifiables que sur des donneacutees complexes cacheacutees pour partie et trop complexes pour ecirctre homogeacuteneacuteiseacutees en chiffres ou en valeurs) Il ne faut pas pour reprendre Habermas que la technique arraisonne la socieacuteteacute en la soumettant agrave ses propres raisons

4 Enfin lrsquoaudit srsquoappuie sur des meacutethodes agrave la fois rationnelles et dialectiques lieacutees aux acteurs en preacutesence

Les meacutethodes de lrsquoaudit sont agrave la fois drsquoenregistrement et drsquoeacutevaluation (par comparaison avec des normes drsquoautres acteurs etc)On doit donc reacutefleacutechir aux points suivants - quelles sont les meacutethodes de calcul drsquointerpreacutetation ou de diffusion qui permettent de faire le lien entre les modegraveles et les donneacutees De quels moyens se sert-on pour deacutebattre de quelles meacutethodes drsquointerpreacutetation et de valorisation des calculs - quels sont les moyens de controcircle de surveillance de reacuteclamation par rapport aux donneacutees interpreacuteteacutees lorsqursquoelles exigent des reacuteformes des transformations des ameacutenagements de lrsquoexistant Comment mesurer avec justesse ce qursquoon juge ecirctre des deacutecalages de conformiteacute de pertinence drsquoefficaciteacute de justice etc En reacutealiteacute tout deacutepend des caracteacuteristiques des acteurs influenccedilant lrsquoaudit (les politiques les managers les experts les repreacutesentants des institutions) Si on les analyse en termes de parties prenantes il y a - les salarieacutes qui cherchent une plus grande clarteacute en matiegravere de pratiques RH et plus drsquoeacutequiteacute en matiegravere drsquoemploi ou de responsabiliteacutes sociales

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- les clients eux-mecircmes en conflit entre des logiques de coucirct et de qualiteacute avec une position ambigueuml ougrave ils se savent aussi salarieacutes (ou dirigeants) et la crainte de cautionner des pratiques sociales condamnables - les investisseurs qui cherchent agrave relier les politiques RH les conformiteacutes sociales et les conventions internationales agrave des preacutedictions en matiegravere de performance financiegravere certains agrave court terme drsquoautres avec des viseacutees plus ouvertes au deacuteveloppement durable - les vendeurs de technologie ou les auxiliaires de gestion qui relaient orientent et renforcent la production drsquoinformations de critegraveres et de systegravemes de mesure ils proposent des instrumentations de support des contrats fournisseurs des modegraveles drsquointerpreacutetation et de mesure drsquoun reacuteel qui convient agrave leurs expertises (toujours partiales et partielles) - les eacutevaluateurs agences de rating ou de notation les laquo bien-pensants raquo de la gestion les politiques assoiffeacutes de controcircle (ou de preacutecaution) les ONG ou associations de morale collective tous ceux qui cherchent agrave mettre de lrsquoordre social avec des preacutesupposeacutes sur le bien le mal la justice et la laquo bonne socieacuteteacute raquo

5 Les enjeux drsquoune analyse des raisons sous-jacentes Srsquoil y a un ordre par lrsquoaudit (un recul de ce que les affaires peuvent offrir de laquo jungle raquo de chausses trappes de piegraveges de deacutesordres organisationnels ou sociaux) encore faut-il que ce ne soit pas une deacuterive au profit de choses ou drsquoacteurs mal laquo reconnus raquo ou un deacutetournement des jeux eacuteconomiques produisant par lagrave mecircme des blocages des enlisements des stagnations bref des effets pervers faisant pire que bien Face agrave lrsquoaudit social il faut avoir la mecircme attention inquiegravete que certains eacutecologistes par rapport aux tendances des entreprises des consultants et mecircme des parties politiques agrave confisquer les valeurs drsquoenvironnement au profit de strateacutegies commerciales ou eacutelectorales Les fondements ne sont que des laquo universels en contexte raquo ou des laquo universels potentiels raquo si on en croit Ricoeur (1990) Autrement dit leur caractegravere universel nrsquoempecircche pas leur mise en condition historique leur discussion laquo au niveau des convictions inseacutereacutees dans la vie concregravete raquo Comme lrsquoont montreacute historiquement les jeacutesuites toute norme tout principe a besoin de casuistique Crsquoest dans cette capaciteacute agrave maintenir la regravegle au plus profond de ce qursquoelle veut dire tout en lrsquoadaptant aux circonstances que se trouve la qualiteacute essentielle de lrsquoauditeur Il ne doit en rien renoncer agrave ses principes il doit les faire valoir au mieux drsquoune reacutealiteacute changeante et diffracteacutee Par ailleurs entre laquo le relatif et lrsquouniversel raquo (Delmas-Marty 2004) agrave travers les superpositions des niveaux de droit il faut tacirctonner ensemble de maniegravere active afin que laquo lrsquoincompleacutetude des ideacutees raquo soit un moyen drsquoeacutechanges constructifs dans la souplesse dans lrsquoouverture et la creacuteativiteacute On ne doit pas lui opposer laquo une force des choses raquo aux relents dogmatiques et forceacutement partiaux On doit aussi produire de lrsquoaudit prospectif comme on le propose dans un autre article Sur les liens entre auditeurs (ou analystes) et strateacutegies sociales des entreprises on pourrait avoir la mecircme approche que celle de Le Maux (2005) Celui-ci preacuteconise la transparence des analystes consideacuterant apregraves Jensen que la place trop importante accordeacutee aux analystes financiers avait renverseacute les rocircles Les dirigeants srsquoappuyaient sur les prescriptions des socieacuteteacutes drsquoanalyse afin drsquoatteindre les preacutecieuses estimations de beacuteneacutefices plutocirct que de prendre une vraie responsabiliteacute strateacutegique laquo Lrsquoanalyste nrsquoest pas lagrave pour ordonner ou commander une strateacutegie mais pour comprendre celle mise en place et eacutevaluer sa pertinence son efficaciteacute raquo Si on renverse le jeu tout devient irrationnel Drsquoougrave lrsquoideacutee de rendre disponibles a posteriori leurs recommandations agrave tous les acteurs du marcheacute Cela permettrait de juger sur piegraveces ex

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post des pertinences ou non des analyses reacutealiseacutees voire drsquoen tirer un rating des analystes eux-mecircmes On doit se meacutefier aussi de ce que les laquo theacuteories spontaneacutees raquo autrement dit les cadres drsquoanalyse ne soient pas baseacutees sur les instincts humains primaires que sont la peur et la cupiditeacute (Micklethwait Wooldridge 1996) Le plus souvent la peur deacuteforme les risques en accentuant les uns et en minimisant les autres agrave partir drsquoune position souvent tregraves partielle et tregraves subjective Lrsquoaviditeacute fait dire tout et nrsquoimporte quoi aux laquo conseillers raquo susceptibles drsquoemporter les marcheacutes du savoir y compris en introduisant des modes Il faut se meacutefier de cinq maux clefs le manque de fondements lrsquoincapaciteacute drsquoautocritique les terminologies embrouilleacutees les avis qui ne sont qursquoune complication du bon sens et les contradictions dues agrave une simplification interpreacutetative qui occulte la diversiteacute des contextes

6 Un moyen tregraves utile le maintien du deacutebat Scientifiquement on sait qursquoil est drsquoimpossible drsquoagreacuteger a priori les preacutefeacuterences individuelles Les laquo theacuteoregravemes drsquoimpossibiliteacute raquo condamnent tout indicateur syntheacutetique venu drsquoen haut Pour pondeacuterer les variables qursquoon juge utiles et pertinentes agrave un moment donneacute il importe donc de maintenir les eacutechanges entre les acteurs concerneacutes Rien nrsquoempecircche de proposer des regravegles ou des dispositifs conventionnels Mais pour constituer des conventions durables il faut des indicateurs clarifieacutes (quant aux valeurs qursquoils portent aux inteacuterecircts qursquoils deacutefendent aux meacutethodes qursquoils utilisent) et qui se precirctent agrave lrsquoeacutelaboration de variantes adaptatives qursquoon puisse discuter localement au-delagrave du cercle plus eacutetroit de leurs concepteurs Autrement dit il faut reacutefleacutechir agrave la dynamique sociale autour des indicateurs tout autant qursquoagrave leur conception Or lrsquoexigence du deacutebat bien qursquoinvoqueacutee sans cesse nrsquoa pas assez drsquoeffets pratiques On le voit en France ougrave malgreacute des progregraves significatifs laquo la population nrsquoest pas consulteacutee suffisamment en amont des projets raquo (Paillart Zadjerman 2005) La concertation preacutealable est pourtant une meacutethode de gouvernance en deacuteveloppement dans lrsquoUnion europeacuteenne Concregravetement une consultation permet de reacuteunir des points de vue subtils (des variations utiles des repegraveres multiples) sur des objets sensibles (politiquement) et complexes (techniquement ou opeacuterationnellement) Elle garantit lrsquoexpression drsquoune grande varieacuteteacute drsquoacteurs drsquointeacuterecircts de valeurs et de repreacutesentations De fait laquo aucun projet industriel social ou politique ne peut faire lrsquoeacuteconomie drsquoune communication de qualiteacute prenant en compte le rocircle actif et la varieacuteteacute des reacutecepteurs raquo A travers le deacutebat se construit une plus grande capaciteacute de reacuteflexion et drsquoorganisation des individus ou des collectifs laquo Le deacutebat est un espace ougrave les certitudes sont bien souvent bousculeacutees mais crsquoest ainsi que naicirct et se propage lrsquoinnovation raquo Lrsquoaudit social peut srsquoappuyer sur des experts des normes ou des conventions durables mais il ne peut srsquoinscrire dans lrsquoaction qursquoagrave partir drsquoune construction et drsquoune appropriation collective renouveleacutee Avec un minimum de sinceacuteriteacute il faut pouvoir prendre en compte les aleacuteas les difficulteacutes et les obligations nouvelles de chaque situation eacuteconomique ou sociale de chaque collectif organisationnel en conciliant des obligations geacuteneacuterales (sans cesse reacuteeacutevalueacutees) et des choix speacutecifiques (pour geacuterer les contextes et les strateacutegies locales en suscitant des accords internes sur la pondeacuteration des indicateurs jugeacutes pertinents)

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BIBLIOGRAPHIE PARTIELLE Delmas-Marty M Le relatif et lrsquouniversel Les forces imaginantes du droit Paris Seuil 2004

Igalens J laquo Auditer la responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise ou rendre la responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise auditable raquo in F Bournois P Leclair GRH regards croiseacutes en lrsquohonneur de Bernard Galambaud Paris Economica 2004

ISEOR Lrsquoaudit social au service du management des ressources humaines Paris Economica 1994

Le Maux J laquo Les analystes financiers doivent eux aussi ecirctre transparents raquo Les Echos 17 aoucirct 2005

Micklethwait J Wooldridge A The Witch Doctors London Random House 1996

Power M ldquoAuditing and the production of legitimacyrdquo Accounting Organizations and Society 2003

Ricoeur P Soi-mecircme comme un autre Paris Seuil 1990

Pailliart P Zadjerman E laquo Le deacutebat public premier principe de preacutecaution raquo Les Echos 18 aoucirct 2005

Power M laquo Making things auditable raquo Accounting Organizations and Society 1996

Power M ldquoExpertise and the construction of relevance accountants and environmental auditrdquo Accounting Organizations and Society 1997

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DOCUMENT DE TRAVAIL EN COURS DE VALIDATION PAR LrsquoIAS

REFERENTIEL DE COMPETENCES DE LrsquoAUDITEUR SOCIAL

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Document de travail Alain Meignant 18082005 ameignantwanadoofr wwwalain-meignantcom

Alain Meignant 25082005

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REMERCIEMENTS Ce document a eacuteteacute eacutelaboreacute par un groupe de praticiens et drsquoexperts de lrsquoaudit social et avec lrsquoaide de la socieacuteteacute webCompetence qui a mis agrave la disposition du groupe de travail un forum Internet et son logiciel de gestion des compeacutetences Mes remerciements vont tout particuliegraverement aux personnes suivantes qui se sont investies dans ce travail et sans lesquelles ils nrsquoaurait pas pu ecirctre meneacute agrave bien Jean-Louis Beaugrand Martine de la Cocircdre Georges Egg Louis Forget Barbara Magnet Catherine Quenisset Catherine Voynnet Et pour la socieacuteteacute webCompetence agrave Stephane Grau Des informations peuvent ecirctre obtenues sur la meacutethode proposeacutee par webCompetence sur le site httpwwwwebcompetencecom Alain Meignant Vice Preacutesident de lrsquoIAS

AVERTISSEMENT Ce document de travail preacutesente la synthegravese des travaux du groupe drsquoexperts praticiens de lrsquoaudit social Il a eacuteteacute produit pour preacutesentation agrave lrsquoUE de Lille du 2 septembre 2005 Il sera soumis au bureau de lrsquoIAS pour validation agrave la rentreacutee 20052006 et sera mis agrave disposition des adheacuterents sous la forme approprieacutee qui seule engagera lrsquoIAS

Alain Meignant 25082005

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PRESENTATION DU DOCUMENT Origine deacutecision du Bureau de lrsquoIAS septembre 2004 Objectifs

Communiquer en externe sur lrsquoactiviteacute de lrsquoAuditeur social Donner aux professionnels un cadre structureacute de description des compeacutetences requises drsquoun auditeur social Construire des parcours de formation drsquoauditeurs Coordonner entre IAS et CCIAS le reacutefeacuterentiel de certification des auditeurs Permettre des auto-eacutevaluations drsquoauditeurs

Meacutethodologie

Compte tenu de la diversiteacute des statuts pratiques et des niveaux partir de ce qui est commun pour mener agrave bien les missions Choix de la meacutethode AMC (Aide au management des compeacutetences) qui srsquoappuie sur lrsquoeacutelaboration drsquoune laquo bibliothegraveque de compeacutetences raquo La compeacutetence est deacutefinie agrave partir des actes professionnels Accord drsquoune dizaine de praticiens pour participer agrave lrsquoeacutelaboration du reacutefeacuterentiel Appui de la socieacuteteacute webcompetence qui a ouvert pour nous un forum Internet structureacute autour des laquo cases raquo de la bibliothegraveque et mis agrave disposition son logiciel Expression par les experts de propositions puis synthegravese

Remarque Un certain nombre de compeacutetences deacutecrites peuvent srsquoappliquer agrave tout prestataire de services intellectuels aux entreprises Nous avons consideacutereacute qursquoil eacutetait important de les conserver dans la mesure ougrave lrsquoaudit social du moins pour les auditeurs externes est un cas particulier de prestation intellectuelle srsquoexerccedilant dans le cadre drsquoune relation contractuelle Le reacutefeacuterentiel speacutecifie chaque fois que crsquoest pertinent ce qui est speacutecifique agrave lrsquoauditeur social Structure du reacutefeacuterentiel Les pages suivantes preacutesentent

- les caracteacuteristiques geacuteneacuterales de lrsquoactiviteacute de lrsquoauditeur social - un reacutesumeacute de la mission de lrsquoauditeur social - une liste des champs de connaissances et des aptitudes consideacutereacutees comme requis

de lrsquoauditeur social - la structure de la bibliothegraveque de compeacutetences segmenteacutee en 15 cases - le contenu de chaque case exprimeacute en termes de compeacutetences

Alain Meignant 25082005

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CARACTERISTIQUES GENERALES

INTITULE COURANT AUDITEUR SOCIAL

STATUT

Lauditeur social peut exercer son activiteacute agrave temps plein ou agrave temps partiel selon trois statuts - salarieacute dun cabinet speacutecialiseacute Il agit dans le cadre de contrats qui lui sont confieacutes par un client parfois agrave la suite dun appel doffres - auditeur indeacutependant libeacuteral Comme son collegravegue salarieacute dun cabinet il agit dans le cadre de contrats - salarieacute dune entreprise avec une mission daudit interne (pouvant inclure dautres domaines que le social) Il agit mandateacute par une Direction de lentreprise parfois en lien avec des certifications selon des normes externes

NIVEAU

Les cabinets priveacutes introduisent parfois la distinction entre auditeurs juniors et auditeurs senior Entre junior deacutebutant et senior confirmeacute le cabinet peut introduire des niveaux intermeacutediaires Cette distinction est dusage dans certains cabinets mais nest pas mentionneacutee comme telle dans la convention collective SYNTEC (en France) dans son Annexe 2 portant sur les Ingeacutenieurs et Cadres Celle-ci deacutecrit 3 niveaux avec au total 8 positions possibles Les juniors sont chargeacutes pour lessentiel de recueillir et traiter les donneacutees lors dune mission Les seniors ont la responsabiliteacute globale de la mission et des relations avec le client En amont de la mission ils eacutelaborent et neacutegocient le projet daudit managent leacutequipe en charge de la mission eacutelaborent et preacutesentent au client le rapport Certains seniors peuvent avoir une responsabiliteacute dexpert dans un domaine particulier sans avoir de responsabiliteacute directe dans le management des eacutequipes Ces distinctions ne sappliquent pas sauf si elles en deacutecident ainsi aux eacutequipes daudit interne et aux structures libeacuterales

FORMATION

Il ny a pas de formation obligatoire pour mener des audits sociaux sauf les audits se reacutefeacuterant agrave des normes On observe que dans la pratique les auditeurs sociaux ont le plus souvent une formation de niveau au moins eacutegal agrave la maicirctrise dans des speacutecialiteacutes de gestion juridiques ressources humaines organisation management qualiteacute ou une double formation Ingeacutenieur + lune des speacutecialiteacutes indiqueacutees Certains Etablissements dEnseignement Supeacuterieur des organismes priveacutes de formation et des organisations professionnelles dauditeurs organisent des formations speacutecifiques ou des perfectionnements dauditeurs sociaux

CERTIFICATIONS

Les auditeurs qui reacutealisent des audits baseacutes sur une norme doivent avoir la formation approprieacutee agrave cette norme souvent sanctionneacutee par une certification speacutecifique qui peut ecirctre exigeacutee sur le CV Les auditeurs qui le souhaitent peuvent se preacutesenter agrave la certification speacutecifique proposeacutee (en France et dans quelques autres pays) par le CCIAS (auditeurs sociaux et auditeurs RSE) Le CCIAS a eacuteteacute reconnu comme apte agrave deacutelivrer ces certifications par le COFRAC au titre de la norme internationale NF EN ISOCEI 17024

EXPERIENCE REQUISE

Il est geacuteneacuteralement admis que lauditeur social doit avoir une expeacuterience professionnelle solide acquise en entreprise agrave des postes de responsabiliteacute notamment au sein dune DRH mais pas exclusivement qui leur permet une bonne compreacutehension des situations quils auditent et qui est de nature agrave rassurer le donneur dordres sur la qualiteacute de la prestation Les auditeurs juniors agissant par application de grilles daudit preacuteeacutetablies sous la responsabiliteacute dauditeurs expeacuterimenteacutes peuvent avoir une expeacuterience professionnelle moins importante On considegravere cependant geacuteneacuteralement que la mission dun auditeur social ne peut ecirctre exerceacutee dans le cadre dun premier poste de deacutebut de carriegravere

CONTRAINTES PARTICULIERES

Les missions daudit neacutecessitent souvent des deacuteplacements freacutequents et une grande disponibiliteacute

Alain Meignant 25082005

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MISSION DE LAUDITEUR SOCIAL

Lauditeur social agit dans le cadre dune lettre de mission neacutegocieacutee avec le donneur dordres Il megravene des investigations par les meacutethodes approprieacutees (recueil analyse de donneacutees calcul dindicateurs interviews questionnaires etchellip) permettant dapporter une reacuteponse argumenteacutee agrave la question ou aux questions poseacutees(s) par la lettre de mission Sa mission est tregraves proche dans ses meacutethodologies et dans sa deacuteontologie de celle dun auditeur travaillant sur une autre probleacutematique (gestion qualiteacute informatique etc) mais sapplique agrave des champs dinvestigation diffeacuterents On peut identifier trois champs principaux - laudit dun domaine ou dun processus speacutecifique agrave la gestion des RH (recrutement eacutevaluation formation

absenteacuteisme reacutemuneacuterations relations et communication sociale etc) - laudit dune situation speacutecifique notamment pour appreacutecier la coheacuterence dune politique sociale agrave la strateacutegie dune

entreprise souvent agrave des moments de changements importants (fusion restructuration changement de Dirigeants redeacuteploiements strateacutegiques )

- laudit de conformiteacute de lentreprise agrave des normes juridiques ou lieacutees agrave la RSE (Responsabiliteacute Sociale dEntreprise) Son activiteacute consiste agrave partir dun ou plusieurs reacutefeacuterentiels identifieacutes agrave identifier des eacutecarts entre la reacutealiteacute observeacutee et ce reacutefeacuterentiel sur une base factuelle agrave en eacutevaluer les risques agrave en analyser les causes et agrave reacutediger et commenter au donneur dordres un rapport circonstancieacute de ses observations Il peut ecirctre ameneacute agrave formuler des preacuteconisations mais son activiteacute se distingue de celle dun consultant en ceci quil sinterdit decirctre un opeacuterateur dans la mise en oeuvre de ses preacuteconisations Il peut cependant ecirctre mandateacute pour assurer le suivi et le controcircle de la mise en oeuvre des deacutecisions prises par le donneur dordres suite agrave laudit Les compeacutetences neacutecessaires agrave lexercice de lactiviteacute se reacutepartissent sur les trois temps du processus-type dune mission obtention de la mission reacutealisation de la mission (incluant preacute-audit reacutealisation remise du rapport) et deacuteveloppement de lactiviteacute On distinguera les compeacutetences relationnelles ( avec le donneur dordre et les auditeacutes) les compeacutetences meacutetier (ou techniques) et les compeacutetences dorganisation (dans la conduite de la mission) La bibliothegraveque de compeacutetences qui structure le reacutefeacuterentiel est construite sur cette base

Alain Meignant 25082005

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CONNAISSANCES ET APTITUDES GENERALES

La reacutealisation de missions daudit social suppose que lauditeur possegravede un certain nombre de connaissances et daptitudes Nous nindiquerons ici que celles qui ne sont pas speacutecifiques agrave la pratique de laudit social (elles seront deacutetailleacutees dans le reacutefeacuterentiel) mais qui constituent un socle permettant dexercer les compeacutetences propres agrave laudit social en sappuyant sur des bases solides La liste des connaissances est fortement inspireacutee du test de seacutelection eacutelaboreacute pour le CCIAS pour la premiegravere eacutetape de certification des auditeurs sociaux Seuls les champs de connaissances sont indiqueacutes ici Il appartient aux formateurs den deacutetailler et den mettre agrave jour le contenu

CONNAISSANCES c1 Organisation du travail c2 Management c3 Gestion dentreprise c4 Controcircle et audit interne notions de base de laudit conformiteacute pertinence coheacuterence efficaciteacute efficience c5 Normalisation et certifications (connaissance geacuteneacuterale pour tous et approfondie dans les domaines auditeacutes) c6 Meacutethodologie geacuteneacuterale denquecircte (recueil et traitement de donneacutees entretiens questionnaires indicateurs hellip) et

bases de statistique c7 Bases de Droit du Travail c8 Connaissance des institutions sociales leur rocircle leur pouvoirs droits et obligations c9 Connaissance des ressources documentaires dans le domaine social

c10 Probleacutematique geacuteneacuterale du management des RH et probleacutematique speacutecifique des domaines auditeacutes c11 Sociologie des organisations (en particulier analyse strateacutegique des jeux dacteurs) c12 Deacuteontologie (code deacuteontologique de lauditeur)

APTITUDES a1 Utiliser les technologies bureautiques basiques logiciels Word Excel (ou eacutequivalents) et mail Internet a2 Sexprimer avec aisance et clarteacute a3 Reacutediger de maniegravere claire a4 Goucirct du contact ouverture relationnelle eacutecoute disponibiliteacute a5 Autonomie et initiative aller chercher linformation au delagrave de celle immeacutediatement disponible a6 Capaciteacute agrave se maintenir dans le cadre de la mission confieacutee a7 Capaciteacute agrave placer la relation avec les auditeacutes au bon niveau (empathie sans compliciteacute et professionnalisme) a8 Capaciteacute agrave coopeacuterer au sein dune eacutequipe a9 Capaciteacute dauto-analyse des ses points forts et faibles

a10 Respect des regravegles deacuteontologiques et des engagements (confidentialiteacute hellip)

Alain Meignant 25082005

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STRUCTURE DE LA BIBLIOTHEQUE DE COMPETENCES La meacutethodologie choisie est la meacutethodologie AMC (Aide au management des compeacutetences) qui permet ici de croiser deux dimensions des compeacutetences1 globalement neacutecessaires agrave la conduite agrave bonne fin de missions drsquoaudit social

- verticalement les compeacutetences lieacutees aux trois eacutetapes principales de lrsquoactiviteacute (obtention de la mission reacutealisation de la mission deacuteveloppement de lrsquoactiviteacute)

- horizontalement les compeacutetences lieacutees aux relations avec les laquo clients raquo (relationnelles) les compeacutetences techniques (meacutetier) les compeacutetences drsquoorganisation

Cette approche permet la production drsquoune bibliothegraveque de compeacutetences classant les compeacutetences en 15 cases Pour lrsquoauditeur social la bibliothegraveque a les intituleacutes suivants

REALISATION DE LA MISSION

OBTENTION ET CADRAGE DES

MISSIONS

ANALYSE DES DONNEES

DISPONIBLES ET PRE-AUDIT

REALISATION DE LAUDIT

PRODUCTION ET PRESENTATION

DU RAPPORT

DEVELOPPEMENT

DE LACTIVITE

COMPETENCES RELATIONNELLES (R)

CASE 1 IDENTIFIER LES ATTENTES DES

PRESCRIPTEURS DAUDIT ET SON OFFRE

CASE 4 PREPARER LA

COMMUNICATION AVEC LES AUDITEacuteS

CASE 7 MAINTENIR UNE

RELATION POSITIVE AVEC LE

PRESCRIPTEUR

CASE 10 PRESENTER ET

COMMENTER LES CONCLUSIONS AU

PRESCRIPTEUR

CASE 13 DETECTER DES

OPPORTUNITES DE DEVELOPPEMENT

COMPETENCES METIER (M)

CASE 2 ELABORER UN PROJET

DAUDIT (TECHNIQUE ET FINANCIER)

CASE 5 CHOISIR

ELABORER LES OUTILS DAUDIT

CASE 8 REALISER LAUDIT

SELON LES REGLES DE LART

CASE 11 FORMALISER LES

CONCLUSIONS

CASE 14 CAPITALISER ET VALORISER LE

SAVOIR-FAIRE ACQUIS

COMPETENCES DORGANISATION (O)

CASE 3 FINALISER LE PROJET

PAR LA LETTRE DE MISSION

CASE 6 -ORGANISER

LEQUIPE DAUDIT

CASE 9 GERER LE PROJET

EN COURS DE REALISATION

CASE 12 EVALUER LA

MISSION

CASE 15 DEGAGER DES AXES DE PROGRES POUR

LES MISSIONS FUTURES

Chaque case de la bibliothegraveque est elle mecircme subdiviseacutee en sous-cases (voir listes) agrave lrsquointeacuterieur desquelles sont classeacutees les compeacutetences requises de lrsquoauditeur Lrsquoensemble constitue le reacutefeacuterentiel incluant une liste exhaustive de compeacutetences Dans la pratique en fonction des choix drsquoorganisation de lrsquoorganisme reacutealisant des audits et du type de missions qursquoil megravene cet organisme pourra preacutelever dans la bibliothegraveque les compeacutetences qui lui semblent requises pour un emploi particulier drsquoauditeur Lrsquoensemble des compeacutetences identifieacutees nrsquoest donc pas requis de tout auditeur Par hypothegravese nous consideacutererons qursquoil y a

- des compeacutetences communes requises de tout auditeur (notamment dans les compeacutetences laquo client raquo et les compeacutetences laquo organisation raquo + quelques compeacutetences laquo meacutetier raquo)

- des compeacutetences speacutecifiques agrave lrsquoauditeur laquo RH raquo (compeacutetences meacutetier) - des compeacutetences speacutecifiques agrave lrsquoauditeur RSE (compeacutetences meacutetier)

Un auditeur devrait avoir au moins les compeacutetences communes plus les compeacutetences lieacutees au moins agrave lrsquoune des deux speacutecialiteacutes

1 La compeacutetence est un savoir-faire opeacuterationnel observable en situation de travail Crsquoest pourquoi elle est formuleacutee par des verbes drsquoaction Les connaissances sont un eacuteleacutement constitutif de la compeacutetence (de mecircme que lrsquoexpeacuterience) mais ne sont pas observeacutees directement

Alain Meignant 25082005

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CASES 1 2 3 RELATIVES A LrsquoOBTENTION DE LA MISSION R CASE 1 IDENTIFIER LES ATTENTES DES PRESCRIPTEURS DAUDIT ET SON OFFRE 11 METTRE A JOUR SES CONNAISSANCES 111 Se tenir agrave jour de leacutevolution des normes dans son domaine 112 Se tenir agrave jour de leacutevolution de la leacutegislation sociale 113 Se tenir agrave jour de leacutevolution des attentes des prescripteurs potentiels

1131 Si audit externe se tenir au courant de leacutevolution du marcheacute 1132 Si audit interne se tenir au courant de leacutevolution des besoins des Directions

114 Se tenir agrave jour de leacutetat de lart sur la meacutethodologie de laudit

12 DETERMINER ET STRUCTURER SON OFFRE DE SERVICE 121 Deacutefinir son offre de services en fonction de ses domaines de compeacutetences 122 Structurer et instrumenter la preacutesentation de son offre (brochures sites web hellip) 123 Tenir agrave jour un reacuteseau de partenaires et leurs compeacutetences avec qui on pourra reacutepondre 124 Elaborer des propositions innovantes daudit (meacutethodes deacutemarches) dans son domaine 125 Produire des grilles daudit dans son domaine de compeacutetence (si reacutefeacuterentiel non normatif)

13 IDENTIFIER LES BESOINS DU PRESCRIPTEUR 131 Comprendre lenvironnement eacuteconomique technique organisationnel et social du client

132 Cerner les objectifs quil souhaite atteindre exprimeacutes (et non dits) 133 Instruire la demande comprendre les attentes exprimeacutees (ou non) les objectifs strateacutegiques en faire lanalyse

134 Reformuler et faire valider une probleacutematique autour des attentes

135 Identifier la pertinence dune reacuteponse en termes daudit agrave une demande 136 Identifier les points demandeacutes ougrave lon na pas la compeacutetence

137 Etablir le profil du prescripteur fonction pouvoirs influence objectifs profil psychologique

M CASE 2 ELABORER UN PROJET DAUDIT (TECHNIQUE ET FINANCIER) 21 ELABORER UNE PROPOSITION TECHNIQUE 211 Identifier le(s) reacutefeacuterentiel(s) pertinent(s) si audit normatif 212 Identifier le(s) reacutefeacuterentiel(s) pertinent(s) si audit social non normatif 213 Obtenir si neacutecessaire du client les informations compleacutementaires neacutecessaires agrave une proposition 214 Reacutediger une proposition technique agrave la demande

2141 Reformuler la demande et la probleacutematique du client 2142 Preacuteciser les livrables de la mission 2143 Deacutecrire la deacutemarche meacutethodologique proposeacutee 2144 Proposer un plan daudit (eacutetapes nature des activiteacutes informations neacutecessaires sources et meacutethodes) 2145 Rappeler les principes deacuteontologiques (confidentialiteacute etchellip) 2146 Identifier les auditeurs devant intervenir et rassembler leurs CV

22 ELABORER UNE PROPOSITION FINANCIERE 221 Estimer et justifier par eacutetape les hommesjour 222 Chiffrer le coucirct des hommesjour (avec eacuteventuellement des options selon les choix de meacutethode) 223 Chiffrer les coucircts annexes (deacuteplacementsseacutejour traitements informatique tirages de documents hellip)

Alain Meignant 25082005

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O CASE 3 FINALISER LE PROJET PAR LA LETTRE DE MISSION 31 SORGANISER POUR OBTENIR LA MISSION 311 Geacuterer le temps au stade projet 312 Deacutesigner un responsable de projet 313 Identifier les compeacutetences et savoir-faire agrave mobiliser au stade projet 314 Identifier les compeacutetences agrave mobiliser pour la reacutealisation de la mission 315 Neacutegocier le projet pour lobtention du contrat

32 OBTENIR UNE LETTRE DE MISSION

321 Contractualiser les engagements reacuteciproques du client et de lauditeur dans une lettre de mission ( deacutelais livrables organisation de mission)

322 Deacutefinir la restitution des reacutesultats qui quoi quand agrave quel moment

Alain Meignant 25082005

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CASES 456 RELATIVES A LrsquoANALYSE DES DONNEES DISPONIBLES ET AU PRE-AUDIT R CASE 4 PREPARER LA COMMUNICATION AVEC LES AUDITEacuteS 41 STRUCTURER UN PLAN DE COMMUNICATION

411 Deacutefinir avec le client le contenu la forme et la chronologie de linformation agrave donner aux diffeacuterents acteurs avant le deacutemarrage de laudit

4111 Preacuteciser les messages et les engagements vis agrave vis des auditeacutes (objectifs confidentialiteacute meacutethode planning ) 4112 Preacuteciser les messages diffuseacutes aux autres acteurs (les identifier et cibler les messages)

412 Deacutefinir les rocircles et la coordination de linformation

413 Assister le client dans la production de document(s) dinformation

42 REALISER LA COMMUNICATION 421 Mener les opeacuterations de communication eacutecrite ou orale confieacutees agrave leacutequipe daudit 422 Sassurer que le client informe les diffeacuterents acteurs selon ce qui a eacuteteacute deacutefini 423 Sassurer de la coheacuterence des messages diffuseacutes par les membres de leacutequipe daudit

M CASE 5 CHOISIR ELABORER LES OUTILS DAUDIT 51 RASSEMBLER LES DOCUMENTS UTILES 511 Identifier les documents agrave rassembler chez le client leurs deacutetenteurs et deacuteterminer un plan de classement 512 Reacutepertorier les reacutefeacuterentiels et grilles daudit disponibles pertinents pour la mission 513 Organiser la seacutecurisation de la documentation rassembleacutee (confidentialiteacute protection )

52 PRODUIRE LES OUTILS DE LAUDIT 521 Identifier les informations agrave rechercher et les meacutethodes approprieacutees

522 Identifier les personnes agrave rencontrer pour le preacute-audit

523 Constituer un eacutechantillon

524 Bacirctir le(s) guide(s) dentretien

525 Bacirctir un questionnaire

526 Choisir les indicateurs agrave renseigner

527 Elaborer des grilles dobservation et de classement des informations

528 Mettre en place la logistique permettant le classement et le traitement des informations

529 Valider que tous les champs deacutefinis dans la lettre de mission et le plan daudit soient couverts

O CASE 6 - ORGANISER LEQUIPE DAUDIT 61 ORGANISER LEQUIPE DAUDIT 611 Informer les auditeurs impliqueacutes (mission meacutethodologie planning) 612 Reacutepartir lactiviteacute entre les auditeurs (rocircles responsabiliteacutes vis agrave vis du client charges de travail reacutepartition des investigations) 613 Organiser la mise en commun des informations rassembleacutees (forme et fond des restitutions) 614 Planifier le calendrier des points deacutetapes de leacutequipe dauditeurs (physiquement et eacutelectroniquement)

615 Si neacutecessaire mise agrave jour des connaissances des auditeurs impliqueacutes

62 ORGANISER LA LOGISTIQUE 621 Organiser le classement des documents rassembleacutes la traccedilabiliteacute de la mission la confidentialiteacute 622 Organiser linterface administratif avec le client (secreacutetariat messages hellip) 623 Organiser la disponibiliteacute des moyens (ordinateurs logiciels transports communications tirages de documents etchellip)

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CASES 789 RELATIVES A LA REALISATION DE LA MISSION R CASE 7 - MAINTENIR UNE RELATION POSITIVE AVEC LE PRESCRIPTEUR 71 INFORMER SELON PLANNING ET REGLES 711 Preacuteparer et effectuer des restitutions partielles si elles sont preacutevues dans la lettre de mission 712 Informer le prescripteur en cours de mission en cas de difficulteacutes par rapport au process convenu 713 Assurer la coheacuterence des auditeurs dans la transmission dinformations au client

72 MAINTENIR UN COMPORTEMENT RELATIONNEL PROFESSIONNEL 721 Reacutesister aux pressions eacuteventuelles (rupture danonymat extension ou abandon du champ auditeacute demandes de conseil) 722 Maintenir la bonne distance avec les auditeacutes pour conserver lindeacutependance requise (neutraliteacute empathie) 723 Geacuterer les situations de tension eacuteventuelles avec les auditeacutes dans linteacuterecirct de la mission 724 Respecter strictement les engagements deacuteontologiques (confidentialiteacute ) 725 Respecter strictement les engagements organisationnels (rendez-vous remise rapports etchellip)

M CASE 8 - REALISER LAUDIT SELON LES REGLES DE LART 81 REALISER UN AUDIT BASE SUR UNE NORME OU UN REFERENTIEL JURIDIQUE 811 Appliquer les regravegles grilles et proceacutedures preacutevues par la norme 812 Rechercher et veacuterifier les donneacutees chiffreacutees pertinentes 813 Identifier les eacutecarts par rapport agrave des reacutefeacuterentiels juridiques (Loi Convention collective accords) et les risques encourus 814 Maintenir ses investigations dans le domaine couvert par la norme

82 REALISER UN AUDIT SOCIAL NON NORMATIF 821 Recueillir et traiter reacuteferentiels et donneacutees quantitatives et organisationnelles

8211 Identifier les reacutefeacuterentiels internes pertinents (politiques regravegles proceacutedures objectifs) 8212 Analyser les eacutecarts entre la reacutealiteacute observeacutee et les reacutefeacuterentiels choisis 8213 Analyser les risques encourus du fait des eacutecarts constateacutes 8214 Identifier les causes des eacutecarts (pertinence des reacutefeacuterentiels coheacuterence etchellip) 8215 Rechercher et veacuterifier les donneacutees chiffreacutees et factuelles pertinentes 8216 Deacutecrire et analyser un processus et ses dysfonctionnements 8217 Analyser et exploiter des documents internes agrave lentreprise cliente 8218 Choisir et calculer les ratios et indicateurs pertinents 8219 Effectuer des comparaisons significatives dans le temps (seacuteries) ou lespace (eacutetablissements benchmarking)

82110 Appreacutecier la fiabiliteacute statistique des chiffres obtenus (repreacutesentativiteacute) 82111 Faire tous recoupements de donneacutees permettant den veacuterifier la fiabiliteacute 82112 Elaborer tableaux ou graphiques rendant compte des reacutesultats

822 Recueillir et traiter des donneacutees qualitatives 8221 Elaborer des grilles dentretien 8222 Conduire des entretiens 8223 Elaborer et appliquer des questionnaires 8224 Elaborer et appliquer un protocole dobservation 8225 Exploiter les informations qualitatives recueillies par entretien questionnaire ou observation 8226 Analyser les strateacutegies des acteurs (comme facteur explicatif et comme eacuteleacutement agrave prendre en compte dans les preacuteconisations)

823 ASSURER LA TRACABILITE DE LA MISSION 8231 Assurer la traccedilabiliteacute de la mission (enregistrements signatures documents etc) 8232 Enregistrer les donneacutees administratives et budgeacutetaires

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O CASE 9 - GERER LE PROJET EN COURS DE REALISATION 91 COORDONNER LE PROJET AVEC LEQUIPE DAUDIT 911 Appliquer les proceacutedures de reporting et de remonteacutee dinformation 912 Piloter le projet en opeacuterant les changements neacutecessaires pour la conduite agrave bonne fin de la mission 913 Adapter si neacutecessaire lorganisation de la mission et les rocircles auditeurs 914 Veacuterifier que les changements ne modifient la lettre de mission preacutealablement deacutefinie

92 COORDONNER LE PROJET AVEC LE PRESCRIPTEUR 921 Appreacutecier limpact eacuteventuel sur la mission dorigine de demandes nouvelles du prescripteur 922 Veacuterifier que la demande ou lincitation est acceptable deacuteontologiquement techniquement et financiegraverement 923 Expliquer et argumenter le cas eacutecheacuteant son deacutesaccord envers une demande de changement demandeacutee par un prescripteur 924 Reacuteorganiser le planning de la mission en concertation avec le client en cas de problegraveme lieacute agrave des impondeacuterables

925 Valider avec le client les modifications de meacutethodes outils eacutechantillon en fonction des aleacuteas du terrain

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CASES 101112 RELATIVES A LA PRODUCTION ET A LA PRESENTATION DU RAPPORT R CASE 10 - PRESENTER ET COMMENTER LES CONCLUSIONS AU PRESCRIPTEUR 101 PREPARER UNE SEANCE DE RESTITUTION

1011 Preacuteparer les reacuteunions de restitution avec les supports approprieacutes aux participants (selon plan fixeacute)

1012 Organiser les diffeacuterentes eacutetapes de restitution dans le temps disponible

1013 Syntheacutetiser les ideacutees sur un document clair et facilement compreacutehensible (qualiteacutes de synthegravese de vocabulaire et reacutedactionnelles)

102 ANIMER UNE SEANCE DE RESTITUTION 1021 Preacutesenter et commenter oralement les conclusions 1022 Faire une preacutesentation peacutedagogique et explicite des points sensibles pertinents et importants souleveacutes par les conclusions

1023 Distinguer clairement analyses conclusions et recommandations 1024 Preacutesenter les risques du statu quo et leur hieacuterarchie en termes de probabiliteacute de graviteacute et deacutetendue 1025 Enregistrer les remarques et suggestions du prescripteur 1026 Enregistrer les remarques et suggestions des auditeacutes 1027 Se maintenir dans une position dauditeur (pas de consultant sur les suites agrave donner) 1028 Synthegravetiser les remarques et observations preacutesenteacutees

1029 Assurer la traccedilabiliteacute des preacutesences et des rapports remis (signatures)

M CASE 11 - FORMALISER LES CONCLUSIONS 111 REDIGER LE RAPPORT 1111 Structurer le rapport daudit 11111 Structurer le rapport en fonction des points mentionneacutes sur la lettre de mission 11112 Seacuteparer clairement le rapport baseacute sur les observations et la partie de commentaires et de preacuteconisations 11113 Mettre en eacutevidence les eacutecarts (conformiteacute) les risques encourus les problegravemes de pertinence coheacuterence et efficaciteacute 11114 Reacutediger des fiches de non-conformiteacute remarques ou points agrave clarifier (pour les audits normatifs) 11115 Preacutevoir dans le rapport de lespace pour que les auditeacutes puissent apporter leurs commentaires (si preacutevu dans la lettre de mission)

1112 Veiller agrave la qualiteacute reacutedactionnelle du rapport 11121 Reacutediger de maniegravere claire et concise en sappuyant sur des donneacutees factuelles 11122 Inseacuterer des verbatims pour ancrer laudit dans la reacutealiteacute des auditeacutes (en veillant agrave leur repreacutesentativiteacute) 11123 Reacutediger les conclusions et preacuteconisations dune maniegravere permettant au prescripteur de prendre des deacutecisions

112 FINALISER LE RAPPORT (si neacutecessaire)

1121 Dans le rapport final inteacutegrer les commentaires et suggestions des auditeacutes en assumant sa propre position dauditeur indeacutependant

O CASE 12 - EVALUER LA MISSION 121 EVALUER DU POINT DE VUE DU PRESCRIPTEUR 1211 Recueillir le point de vue du prescripteur sur le formulaire preacutevu (audits normatifs) 1212 Organiser avec le perscripteur une reacuteunion de bilan de fin de mission

122 EVALUER DU POINT DE VUE TECHNIQUE 1221 Evaluer les meacutethodologies et outils utiliseacutes

1222 Analyser les aleacuteas les adaptations faites en cours daudit les eacutetonnements et les eacuteleacutements de compleacutement dexpeacuterience de la mission

1223 Reacuteunir les auditeurs pour eacutevaluer la mission collectivement trouver des voies dameacutelioration et le deacuteveloppement de compeacutetences

1224 Proceacuteder aux questionnements individuels de chaque auditeur pour eacutetablir une eacutevaluation de leur mission (savoir mener des entretiens deacutevaluation appreacutecier les compeacutetences et qualiteacutes neacutecessaires )

123 EVALUER DU POINT DE VUE ADMINISTRATIF ET FINANCIER 1231 Veacuterifier la conformiteacute administrative et financiegravere aux preacutevisions

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1232 Veacuterifier la conformiteacute aux engagements pris (documents agrave rendre confidentialiteacute hellip) CASES 131415 RELATIVES AU DEVELOPPEMENT DE LrsquoACTIVITE R CASE 13 - DETECTER DES OPPORTUNITES DE DEVELOPPEMENT 131 DETECTER LES SUITES POSSIBLES CHEZ LE MEME CLIENT

1311 Identifier avec le client les possibiliteacutes dautres missions daudit ou daudits de suivi ou dapprofondissement de la mission

1312 Conserver vis agrave vis du client une position dauditeur (pas de passage au conseil)

1321 IDENTIFIER LES OPPORTUNITES CHEZ DAUTRES CLIENTS 132 Analyser les possibiliteacutes de reacuteinvestir la reacutefeacuterence pour des missions analogues

M CASE 14 CAPITALISER ET VALORISER LE SAVOIR-FAIRE ACQUIS 141 ENRICHIR LA BASE DE DONNEES CLIENTS 1411 Enregistrer les reacutefeacuterences 1412 Enregistrer les donneacutees client 142 ENRICHIR LA BASE DE DONNEES CONNAISSANCES ET METHODES 1421 Enregistrer les savoir-faire et connaissances acquis transposables sur dautres missions 1422 Formaliser les meacutethodologies et outils reacuteutilisables agrave lavenir 143 CONTRIBUER A LA PROMOTION DE LAUDIT SOCIAL 1431 Communiquer lors des colloques professionnels agrave propos des expeacuteriences daudit 1432 Echanger les pratiques au travers du reacuteseau des auditeurs 1433 Formaliser des documents ou supports pouvant ecirctre utiliseacutes dans la formation des auditeurs 1434 Contribuer agrave la valorisation externe de lAS

O CASE 15 - DEGAGER DES AXES DE PROGRES POUR LES MISSIONS

FUTURES 151 ETABLIR UN PLAN DE PROGRES DES PRATIQUES 1511 Deacutefinir les actions de progregraves agrave mener pour reacuteduire ou supprimer les points faibles constateacutes dans la mission 1512 Elaborer un plan de progregraves des compeacutetences des auditeurs 1513 Enregistrer les deacutecisions de modification dans la documentation du systegraveme qualiteacute (si certifieacute)

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VERS UN AUDIT DES POLITIQUES DE FORMATION Jonathan POTTIEZ1 Doctorant en sciences de gestion agrave lrsquoIAE de Lille ndash Membre du GRAPHE Consultant-Chercheur ndash Vulpus

Reacutesumeacute Issue drsquoune recherche doctorale en cours cette communication porte sur lrsquoeacutevaluation de lrsquoefficaciteacute de la formation et plus particuliegraverement sur lrsquoeacutevaluation des politiques de formation ainsi que sur les perspectives de recherche qui en deacutecoulent Nombre drsquoeacutetudes empiriques tendent agrave deacutemontrer le lien entre pratiques de GRH notamment la formation et performance de la firme Or malgreacute cet attrait majeur et ces justifications incessantes qui font lrsquoobjet de nombreuses publications toutes les entreprises ne se precirctent pas forceacutement agrave lrsquoeacutevaluation de leurs pratiques et politiques de formation Nous nous interrogerons ainsi sur les pratiques des entreprises franccedilaises en la matiegravere En outre de nouveaux enjeux eacutemergent il ne srsquoagit plus drsquoeacutevaluer la formation au travers de son seul retour sur investissement mais aussi en tenant compte des diffeacuterents acteurs en preacutesence dans la logique de la theacuteorie des parties prenantes en lien avec la Responsabiliteacute Sociale des Entreprises Il srsquoagira eacutegalement drsquoeacutevoquer lrsquointeacuterecirct croissant des outils et des indicateurs issus du controcircle de gestion sociale qui permettent de piloter les politiques de formation de lrsquoentreprise dans cette logique drsquoeacutevaluation Introduction Mesurer la gestion des ressources humaines (GRH) eacutevaluer ses pratiques et ses politiques est un enjeu majeur pour les chercheurs comme pour les praticiens Les premiers se questionnent freacutequemment et multiplient les recherches LrsquoAGRH2 en a justement fait le thegraveme de son congregraves annuel en 2004 (La GRH mesureacutee ) Lrsquointeacuterecirct porteacute par la communauteacute acadeacutemique a favoriseacute lrsquoeacutemergence de nombreuses recherches dont les reacutesultats deacutemontrent majoritairement un lien entre pratiques de GRH et performance de la firme Les praticiens eux se questionnent sans cesse quant agrave lrsquoopeacuterationnalisation possible de tels reacutesultats et leur traduction concregravete en outils et indicateurs de gestion Au centre des deacutebats la formation occupe une place de choix dans le paysage francophone En effet la reacuteforme de la formation professionnelle continue (FPC) instaureacutee en 2004 suscite un engouement pour la formation de plus en plus consideacutereacutee comme un investissement (on parle alors drsquoinvestissement-formation) Lrsquoapparition du Droit Individuel agrave la Formation (DIF) devrait dans les prochaines anneacutees accroicirctre sensiblement le volume des stages de formation et par conseacutequent le budget formation des entreprises drsquoougrave la neacutecessiteacute drsquoeacutevaluer les pratiques et les politiques de formation qui en deacutecoulent Evaluer la formation cela consiste laquo agrave dire si oui ou non et dans quelle mesure les objectifs sont atteints ou non atteints ou deacutepasseacutes raquo (Barzucchetti et Claude 1995)3

1 jonathanpottieziaeuniv-lille1fr ou jpottiezvulpuscom 2 Association francophone de Gestion des Ressources Humaines 3 BARZUCCHETTI S CLAUDE JF (1995) Evaluation de la formation et performance de lrsquoentreprise Editions Liaisons Paris

Or le modegravele de la formation eacutevalueacutee par ses seuls aspects eacuteconomiques (coucirct et retour sur investissement) tend agrave se renouveler par lrsquoeacutemergence du concept de Responsabiliteacute Sociale des Entreprises (RSE) agrave qui lrsquoactualiteacute fait la part belle Parfois consideacutereacutee comme un effet de mode et faisant lrsquoapanage de nombre de consultants force est de constater que les travaux issus de la recherche sont quant agrave eux ici aussi de plus en plus nombreux Pour preuve lrsquoIAS4 en faisait le thegraveme de son Universiteacute drsquoeacuteteacute en 2004 au Luxembourg (Audit social Responsabiliteacute sociale et Deacuteveloppement durable vers une convergence europeacuteenne ) mettant ainsi en avant le rocircle preacutepondeacuterant de lrsquoaudit social et son apport dans les probleacutematiques lieacutees agrave la RSE La GRH srsquoinscrit directement dans ce cadre Il serait difficilement concevable drsquoeacutevoquer la responsabiliteacute sociale drsquoune entreprise sans srsquointeacuteresser agrave ses pratiques et politiques de gestion des hommes La formation comme nous lrsquoeacutevoquions preacuteceacutedemment nrsquoy fait pas deacutefaut Longtemps perccedilue sous ses seuls aspects eacuteconomiques (le laquo sacro-saint raquo retour sur investissement) la RSE nous invite agrave nous interroger sur les autres mesures probables de son efficaciteacute En effet la formation inteacuteresse un certain nombre de parties prenantes aux attentes parfois divergentes vis-agrave-vis de celle-ci Cette penseacutee introduit donc le concept de stakeholder (Freeman 19845 Carroll et Buchholtz 19996) optant ainsi pour une alternative agrave la tregraves preacutesente stockholder theory dans la litteacuterature scientifique (consideacuterant lrsquoactionnaire comme partie prenante unique) Crsquoest au travers de cette nouvelle approche que nous allons tenter de faire eacutemerger une nouvelle reacuteflexion sur lrsquoeacutevaluation de lrsquoefficaciteacute de la formation au travers de ses politiques Apregraves avoir passeacute en revue un certain nombre drsquoeacuteleacutements issus de la litteacuterature mecirclant eacutevaluation de la formation et instrumentation de gestion sociale tout en maintenant le lien avec la RSE et la theacuteorie des parties prenantes qui y est majoritairement associeacutee nous preacutesenterons le deacuteroulement de nos recherches empiriques agrave venir

1 Les acteurs de lrsquoeacutevaluation de la formation eacutevoluer vers un nouveau paradigme de la GRH

La RSE est bien souvent au sein des eacutecrits scientifiques et manageacuteriaux associeacutee agrave la theacuteorie des parties prenantes Mercier et Guinn-Milliot (2004)7 voyaient ainsi en la RSE un cadre theacuteorique feacutecond pour la theacuteorie des parties prenantes Selon cette logique une entreprise responsable nrsquoagirait plus selon des impeacuteratifs eacuteconomiques dicteacutes par ses seuls actionnaires mais prendrait eacutegalement en compte les attentes et inteacuterecircts bien souvent divergents des autres acteurs internes et externes Nous pourrions alors parler de laquo parties prenantes raquo de la formation mais pourrions opter plus volontairement pour lrsquoappellation laquo acteurs en preacutesence raquo Il nrsquoest pas certain en effet que lrsquoensemble des parties prenantes comme traditionnellement repreacutesenteacutees dans la litteacuterature aient un inteacuterecirct direct dans lrsquoeacutevaluation de la formation A titre drsquoexemple lrsquoactionnaire est normalement inteacuteresseacute au reacutesultat eacuteconomique final de lrsquoentreprise agrave son beacuteneacutefice net le versement de ses dividendes en deacutependant En revanche rien ne nous permet de croire qursquoil puisse srsquointeacuteresser preacuteciseacutement agrave

4 Institut international de lrsquoAudit Social 5 FREEMAN RE (1984) Strategic management a stakeholder approach Pitman Boston 6 CARROLL AB BUCHHOLTZ AK (1999) Business and society ethics and stakeholder management South-Western College Publishing Cincinnati 4egraveme eacutedition 7 MERCIER S GUINN-MILLIOT S (2003) laquo La theacuteorie des parties prenantes un cadre conceptuel feacutecond pour la responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise raquo Actes de la 5egraveme Universiteacute de Printemps de lrsquoAudit Social IAE de Corse mai 2003 pp 249-259

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la construction de cette performance organisationnelle (et agrave lrsquoimpact possible de la formation sur celle-ci) Quels peuvent ecirctre ces acteurs inteacuteresseacutes et impliqueacutes directement ou indirectement dans lrsquoeacutevaluation de la formation A la maniegravere de Louart (2002)8 qui mettait en exergue les acteurs de la GRH nous pensons que les acteurs de la formation sont divers et varieacutes Citons entre autres les dirigeants les managers opeacuterationnels les salarieacutes les syndicalistes les responsables et cadres RH (et plus particuliegraverement le responsable formation) les salarieacutes les partenaires sociaux les consultants les auditeurs les formateurshellip mais eacutegalement lrsquoEtat A la suite de cette eacutenumeacuteration il nous semble eacutevident de constater la richesse et la diversiteacute potentielles des acteurs de la formation aux inteacuterecircts rarement convergents A titre drsquoexemple nous pouvons supposer que les dirigeants seront plus sensibles aux coucircts des formations et agrave leur retour sur investissement eacuteconomique quand les managers opeacuterationnels veilleront principalement aux reacutesultats de leur servicedeacutepartement (citons comme exemples freacutequents la hausse du chiffre drsquoaffaires pour un directeur commercial ou la diminution du nombre de rebuts pour le responsable de production) Aussi les salarieacutes et les syndicats se soucieront davantage du deacuteveloppement effectif des compeacutetences du personnel dans une logique drsquoemployabiliteacute (la peur des restructurations nrsquoest jamais lointaine) Les raisons sous-jacentes agrave la mesure (et agrave lrsquoeacutevaluation) de la GRH et ici plus particuliegraverement de la formation en entreprise sont en effet nombreuses Louart et Beaucourt (2004)9 distinguent trois enjeux de la mesure mesurer pour mettre agrave jour mesurer pour comparer mesurer pour avoir une base drsquoeacutechanges de discussions de deacutebats constructifs Comme le deacutemontrent ces auteurs il y a dans la mesure un veacuteritable acte politique impliquant donc directement et indirectement un grand nombre drsquoacteurs dans lrsquoorganisation Ainsi bien au-delagrave de sa seule eacutevaluation eacuteconomique nrsquoest-il pas opportun pour la formation de srsquoinscrire dans un paradigme alternatif de la GRH La GRH srsquoeacuteloignerait alors de la seule logique du marcheacute (et de la valeur boursiegravere de lrsquoentreprise) pour ne plus ecirctre un ensemble de rouages obeacuteissant aveugleacutement agrave la strateacutegie geacuteneacuterale mais au contraire pour impacter davantage dans les deacutecisions strateacutegiques en prenant soin de vanter les avantages essentiels pour la peacuterenniteacute de lrsquoorganisation agrave geacuterer les hommes de maniegravere responsable Une telle approche devrait revaloriser la formation aux yeux du personnel et la resituer au centre de toutes les probleacutematiques de gestion des compeacutetences (employabiliteacute gestion de carriegravereshellip) laquo Il nrsquoest de richesses que drsquohommes raquo dit-on Il est deacutesormais impeacuteratif de montrer objectivement que les impeacuteratifs eacuteconomiques peuvent cohabiter avec ceux du deacuteveloppement social

8 LOUART P ( 2002) laquo Les acteurs de la GRH raquo Les cahiers de la recherche de lrsquoIAE de Lille 9 LOUART P BEAUCOURT C (2004) laquo La deacutecision de mesure en GRH un acte politique sous couvert de gestion raquo Actes du XVegraveme congregraves de lrsquoAGRH Montreacuteal aoucirct 2004

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2 Lrsquoeacutevaluation de la formation des pratiques aux politiques Deux approches theacuteoriques majeures se distinguent en ce qui concerne la formation et le deacuteveloppement des compeacutetences la theacuteorie du capital humain de Becker ( 1964)10 et lrsquoapproche Resource-Based Value largement deacuteveloppeacutee par un grand nombre drsquoauteurs dont Penrose (1959)11 En ce qui concerne la premiegravere et comme le remarquent Allouche Charpentier et Guillot-Soulez (2004) elle laquo montre que lrsquoinvestissement dans le capital humain que ce soit agrave travers la formation initiale lrsquoexpeacuterience professionnelle ou la formation en entreprise est source de rendements positifs raquo Il srsquoagit lagrave drsquoune logique plus individuelle le salarieacute accroicirct son capital humain investit pour le deacutevelopper (mecircme srsquoil nrsquoest pas forceacutement agrave lrsquoorigine de lrsquoinvestissement) et prend donc de la valeur Pour lrsquoentreprise le raisonnement est du type laquo make or buy raquo devons-nous construire les compeacutetences de nos salarieacutes (deacuteveloppement agrave lrsquoaide de la formation notamment) ou les acheter (recrutement de compeacutetences exteacuterieures) Lrsquoapproche RBV srsquoinscrit elle dans le courant du management strateacutegique des ressources humaines (MSRH) valorisant la croissance interne de lrsquoorganisation et insistant sur la valeur ajouteacutee des compeacutetences deacutetenues par lrsquoentreprise (donc de la neacutecessiteacute de les deacutevelopper notamment par la formation) Lrsquointeacuterecirct est porteacute ici davantage sur lrsquoensemble du personnel sur les ressources humaines de lrsquoentreprise au sens global Afin drsquoaccroicirctre son efficaciteacute organisationnelle lrsquoentreprise peut ajuster les compeacutetences de salarieacutes (consideacutereacutees agrave juste titre comme des laquo ressources raquo) et instaurer une politique de formation adapteacutee et coheacuterente avec la politique geacuteneacuterale de lrsquoentreprise Lrsquoeacutevaluation de la formation srsquoinscrit donc directement dans ces deux cadres theacuteoriques diffeacuterents mais compleacutementaires Aussi nombre de recherches ont opeacutereacute un lien positif entre pratiques de GRH dont la formation et performance de la firme (Le Louarn et Wils 2001)12 Il devient ainsi de plus en plus difficile de discuter de tels reacutesultats au vu de la multipliciteacute des chercheurs qui srsquoy sont inteacuteresseacutes au sein drsquoorganisations varieacutees et disposant de pratiques de GRH relativement heacuteteacuterogegravenes Toutefois ne crions pas victoire trop vite Le Louarn (2004)13 affiche ainsi son scepticisme en affirmant que la question de la contribution de la GRH aux reacutesultats organisationnels reste laquo fondamentale et non reacutesolue raquo Nous inscrivant dans cette reacuteflexion nous remarquons eacutegalement que les recherches meneacutees jusqursquoalors portaient principalement sur lrsquoeacutevaluation des actions des pratiques de formation principalement sur la base du modegravele en escalier proposeacute par Kirkpatrick (1998)14 celui-ci eacutevaluant les pratiques de formation au travers de quatre niveaux (les reacuteactions les apprentissages les comportements les reacutesultats organisationnels) Le modegravele de Kirkpatrick eacutelaboreacute en 1959 est consideacutereacute comme une reacutefeacuterence pour lrsquoeacutelaboration de processus drsquoeacutevaluation Il est simple flexible et complet Il est fondeacute sur une deacutemarche agrave 4 niveaux

10 BECKER G (1964) Human Capital National Bureau of Economic Research New York 11 PENROSE E (1959) The Theory of the Growth of the Firm Basil Blackwell Londres 12 LE LOUARN J-Y WILS T (2001) Lrsquoeacutevaluation de la gestion des ressources humaines Editions Liaisons Paris 13 LE LOUARN J-Y (2004) laquo GRH et performance de la firme raquo in Bournois F et Leclair P (dir) Gestion des Ressources Humaines Regards croiseacutes en lrsquohonneur de Bernard Galambaud Economica Paris 14 KIRKPATRICK DL (1998) Evaluating training programs Berrett-Koehler 2egraveme eacutedition

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Le niveau 1 (reacuteactions) consiste en lrsquoappreacuteciation du degreacute de satisfaction des participants agrave lrsquoissue du programme de formation Selon Kirkpatrick il srsquoagit drsquoun impeacuteratif minimal les stagiaires doivent avoir lrsquoimpression que leur feedback est important De plus leurs reacuteactions ont des conseacutequences importantes sur le niveau 2 (apprentissage) Les eacutevaluations se font geacuteneacuteralement agrave lrsquoaide de questionnaires eacutevaluatifs mecircme srsquoil reste deacutelicat de mesurer ce qui a eacuteteacute appris (niveau 2) de garantir un changement de comportement (Niveau 3) et de quantifier les reacutesultats de lrsquoapprentissage (Niveau 4) Le niveau 2 (apprentissage) consiste en lrsquoeacutevaluation de lrsquoapprentissage effectif de connaissances compeacutetences ou attitudes nouvelles par le salarieacute Les meacutethodes utiliseacutees sont varieacutees (interviews questionnaires tests observations sur le lieu de travail etc) Toutefois cette eacutevaluation ne garantit pas qursquoils aient appreacutecieacute le stage (niveau 1) qursquoils vont se comporter diffeacuteremment agrave leur poste de travail (niveau 3) ou encore que lrsquoon obtiendra les reacutesultats finaux escompteacutes (niveau 4) Le niveau 3 (comportement) eacutevalue le transfert des acquis du niveau 2 agrave lrsquoenvironnement professionnel et personnel du salarieacute A titre drsquoexemple le responsable srsquointeacuteressera aux variations de rendement agrave la tacircche ou de productiviteacute du personnel Les meacutethodes utiliseacutees (observations des participants avec ou non questionnaires agrave renseigner interviews des salarieacutes de leurs collegravegues de leurs responsables hieacuterarchiqueshellip) Lrsquoeacutevaluation ne garantit pas la satisfaction des participants agrave lrsquoissue de la formation (niveau 1) la bonne assimilation des savoirs (niveau 2) ou encore que ces changements de comportements ameacuteliorent les reacutesultats opeacuterationnels (niveau 4) Le niveau 4 (reacutesultats) srsquointeacuteresse aux impacts du programme de formation sur les reacutesultats de lrsquoentreprise Les avantages potentiels peuvent ecirctre de nature tregraves diffeacuterente accroissement des beacuteneacutefices diminution de coucircts hausse de la qualiteacute de la productiviteacute reacuteduction des accidents de travail satisfaction accrue de la clientegravelehellip Une condition essentielle est ici la fixation drsquoobjectifs propres au programme de formation et lrsquoeacutevaluation de leur atteinte ou non (avec bien souvent une certaine difficulteacute agrave les quantifier) Cette derniegravere eacutevaluation ne garantit pas que les stagiaires aient aimeacute la formation (niveau 1) aient tout compris (niveau 2) et adoptent les comportements conseilleacutes (niveau 3) Phillips (1994)15 y ajoute un niveau 5 celui du retour sur investissement Il propose ainsi de convertir les reacutesultats (niveau 4) en valeurs moneacutetaires (tout en gardant agrave lrsquoesprit une logique de comparaison coucirctsbeacuteneacutefices) Les recherches adoptant ce modegravele sont elles aussi particuliegraverement nombreuses et concernent les pratiques de formation (niveau micro) Nous proposons de nous inteacuteresser deacutesormais aux politiques de formation (niveau macro) En effet inteacuteressons-nous au concept de performance organisationnelle en reprenant le modegravele de lrsquoescalier tel que deacutecrit par Le Louarn et Wils (2001)16

15 PHILLIPS JJ (1994) Measuring return on investment ASTD Alexandria Virginia 16 LE LOUARN J-Y WILS T (2001) op cit

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Figure 1 Le concept de performance organisationnelle

Reacutesultats du marcheacute

Reacutesultats financiers

Reacutesultats organisationnels

Reacutesultats RH

Source Le Louarn et Wils (2001) Les auteurs expliquent que ces quatre niveaux de mesure sont relieacutes les uns aux autres par des liens de cause agrave effet Les reacutesultats RH impacteraient ainsi sur les reacutesultats organisationnels qui eux-mecircmes influenceraient les reacutesultats financiers qui agrave leur tour deacutetermineraient les reacutesultats du marcheacute A notre niveau nous nous inteacuteressons bien eacutevidemment aux reacutesultats RH Les pratiques de GRH deacutetermineraient ainsi les reacutesultats RH de lrsquoentreprise drsquoougrave suivant cette logique lrsquointeacuterecirct majeur de les eacutevaluer Aussi nous pouvons nous interroger Dans le cas de la formation nous pouvons consideacuterer un niveau intermeacutediaire drsquoeacutevaluation entre les pratiques et les reacutesultats celui des politiques comme deacutecrit dans le scheacutema ci-dessous

Figure 2 Lien entre pratiques politiques et reacutesultats RH

Reacutesultats RH

Politique(s) RH

Pratique(s) RH Les reacutesultats RH deacutependraient alors lrsquoefficaciteacute des pratiques de GRH et des politiques mises en œuvre Dans le cadre de la formation il serait en effet logique de croire que des pratiques de formation efficaces nrsquoaient que peu drsquoimpact sur les reacutesultats RH (attitudes et comportements du personnel) si la politique de formation qui les relie ne veille pas agrave leur coordination agrave leur pertinence agrave leur alignement sur la strateacutegie voulue par lrsquoentreprise Nous proposons ainsi de distinguer pratiques et politiques de formation En effet les eacutetudes meneacutees jusqursquoalors et que nous eacutevoquions concernaient principalement les pratiques de formation (actions de formation) Or nous pouvons nous interroger sur la coheacuterence et la pertinence que peuvent avoir ces pratiques si elles ne sont pas relieacutees agrave une politique de formation efficace elle-mecircme sous-ensemble de la politique RH eacutegalement eacutetroitement lieacutee agrave la strateacutegie geacuteneacuterale de lrsquoentreprise

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Afin de preacuteciser ce qursquoest une politique de formation nous pouvons reprendre la deacutefinition proposeacutee par Meignant (2003)17 laquo Une politique de formation est un eacuteleacutement drsquoune politique drsquoensemble drsquoune entreprise visant agrave assurer de maniegravere durable sa rentabiliteacute la satisfaction de ses clients lrsquoimplication de son personnel et une relation positive avec son environnement Elle exprime une volonteacute exprimeacutee par la direction geacuteneacuterale et engageant toute lrsquoentreprise portant sur les axes essentiels qui vont orienter les deacutecisions et les actes de gestion de la formation et par extension de gestion des compeacutetences raquo Lrsquoauteur indique ainsi que la politique de formation doit reacutepondre aux interrogations suivantes Pourquoi Quoi Qui Comment et ougrave Combien Les reacuteponses agrave ces questions deacutefinissent la politique de formation en vigueur dans lrsquoentreprise Aussi nous pouvons appreacutehender lrsquoefficaciteacute de la politique de formation de lrsquoentreprise de faccedilon systeacutemique Evaluer reste une entreprise particuliegraverement deacutelicate un acte qui nrsquoa de sens que relieacute agrave drsquoautres variables agrave lrsquoenvironnement organisationnel agrave la strateacutegie globale dans laquelle srsquoinscrit la politique RH En matiegravere de formation il convient notamment de srsquointerroger sur le sens donneacute agrave celle-ci dans un contexte preacutecis comment est deacutefinie la politique de formation En quoi est-elle pertinente et pour quelles finaliteacutes Aussi une certaine attention doit ecirctre porteacutee aux effets de la mise en pratique de la formation quelle(s) synergie(s) srsquoopegravere(nt) A titre drsquoexemple est-il opportun de deacutevelopper lrsquoautonomie drsquoun salarieacute si son encadrement ne lui permet pas de la reacuteveacuteler Il y a lagrave tout un ensemble de pratiques organisationnelles qui doivent correspondre agrave ce que lrsquoon attend de la politique de formation en vigueur Afin drsquoillustrer nos propos et en nous basant sur la vision deacuteveloppeacutee par Beaucourt et Louart (2005)18 suggeacuterant un tel cadre drsquoanalyse eacutetudions en quoi la politique de formation peut deacutependre de lrsquoadeacutequation entre les trois sphegraveres que sont les effets intrinsegraveques de sens et de structure

Figure 3 Une vision systeacutemique de la politique de formation

Effets intrinsegraveques

Effets de structure

Politique de formation

17 MEIGNANT A (2003) Manager la formation Editions Liaisons Paris 6egraveme eacutedition

Effets de sens

18 BEAUCOURT C LOUART P (2005) laquo Pour un audit prospectif raquo Actes de la 23egraveme Universiteacute drsquoeacuteteacute de lrsquoAudit Social Lille septembre 2005

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Effets intrinsegraveques qursquoa-t-on reacuteellement appris en formation Effets de sens les objectifs organisationnels sont-ils atteints La politique de formation est-elle en phase avec la strateacutegie lrsquoentreprise Quel sens est donneacute agrave celle-ci Effets de structure la formation peut-elle srsquointeacutegrer srsquoexprimer dans lrsquoenvironnement organisationnel (politique technologique eacuteconomique socialhellip) Cela nous ouvre quelques perspectives en matiegravere drsquoeacutevaluation des politiques de formation notamment lrsquoeacutelaboration drsquoindicateurs propres agrave chacune de ces trois sphegraveres et permettant drsquoeacutevaluer leur efficaciteacute et leur sens Des indicateurs bien penseacutes peuvent ainsi nous apporter quelques eacuteleacutements de reacuteponse aux questions suivantes quelle est la qualiteacute de la politique de formation mise en œuvre Quels sont les effets durables entre ces trois sphegraveres Les donneacutees recueillies et les eacutecarts constateacutes peuvent inciter les deacutecideurs agrave corriger certains eacuteleacutements de leur politique afin drsquooptimiser son efficaciteacute et ses liens avec la strateacutegie globale

3 Vers une instrumentation de lrsquoeacutevaluation des politiques de formation Selon la logique deacuteveloppeacutee preacuteceacutedemment afin drsquoeacutevaluer les politiques de formation il convient de srsquooutiller en conseacutequence et de disposer drsquoune instrumentation de gestion (Gilbert 1998)19 approprieacutee Comme traditionnellement en controcircle de gestion sociale des indicateurs pertinents peuvent laisser entrevoir une eacutevaluation des politiques de formation eacutetablies dans les organisations et en assurent ainsi le pilotage De nombreux outils existent laissant apparaicirctre des atouts mais eacutegalement des limites Nous avons passeacute en revue les principaux utiliseacutes par les praticiens RH afin de piloter la formation Document de base pour lrsquoinformation sociale des entreprises de plus de 300 salarieacutes le bilan social fait bien souvent office de base de donneacutees alimentant souvent partiellement les diffeacuterents tableaux de bord sociaux utiliseacutes par les praticiens RH dans lrsquoorganisation Or le bilan social nrsquoest pas prospectif et ne permet ni de deacutefinir ni de suivre les politiques RH mises en œuvre (Couret et Igalens 1994)20 Les indicateurs propres agrave la formation y sont eacutegalement relativement basiques uniquement centreacutes sur les activiteacutes de formation (nombre de stagiaires formeacutes budget formationhellip) et nrsquoeacutevaluant en rien les pratiques de formation ni lrsquoefficaciteacute de la politique en vigueur Couret et Igalens (1994)20 deacutefinissent le tableau de bord social comme laquo un outil de gestion destineacute agrave permettre aux responsables de se situer rapidement par rapport aux objectifs du plan social raquo Comme le remarquent Martory et Crozet (2004)21 laquo le suivi des actions de formation est souvent opeacutereacute dans les tableaux de bord sociaux raquo Malheureusement les indicateurs qui y figurent comme pour le bilan social concernent principalement les activiteacutes de formation Ces mecircmes auteurs rappellent que lrsquoobjectif de cet outil est de laquo seacutelectionner puis de preacutesenter les informations pertinentes raquo Il arbore toutefois un caractegravere encore relativement statique

19 GILBERT P (1998) Lrsquoinstrumentation de gestion Economica Paris 20 COURET A IGALENS J (1994) Lrsquoaudit social PUF Paris 2egraveme eacutedition 21 MARTORY B CROZET D (2004) Gestion des ressources humaines ndash Pilotage social et performances Dunod Paris 5egraveme eacutedition

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Le tableau de bord prospectif (Balanced scorecard) est un outil nettement plus proche des reacutealiteacutes strateacutegiques de lrsquoentreprise qui fut introduit par Kaplan et Norton (1998)22 Il combine habilement indicateurs financiers et non financiers cette diversiteacute des indicateurs autorisant lrsquoadoption drsquoun pilotage plus reacutealiste non plus seulement baseacute sur les donneacutees financiegraveres de lrsquoorganisation Il propose ainsi de deacutecliner ces indicateurs sur quatre axes lrsquoaxe laquo financier raquo lrsquoaxe laquo clients raquo lrsquoaxe laquo processus internes raquo et lrsquoaxe laquo apprentissage organisationnel raquo La reacutealisation des objectifs des trois premiers axes est fonction de lrsquoatteinte des objectifs du dernier Il convient donc de travailler agrave lrsquooptimisation des eacuteleacutements qui le composent le personnel les systegravemes drsquoinformation et les proceacutedures organisationnelles Les auteurs remarquent que laquo les indicateurs et les mesures de reacutesultats sont moins nombreux et plus geacuteneacuteriques sur lrsquoaxe laquo apprentissage organisationnel raquo que sur les trois autres Le deacuteficit actuel drsquoindicateurs souligne le potentiel de deacuteveloppement de mesures personnaliseacutees plus eacutetroitement articuleacutees agrave la strateacutegie de lrsquoentreprise raquo Lrsquoapprentissage organisationnel deacutependant en partie de la maicirctrise et du deacuteveloppement des compeacutetences du personnel il est eacutevident que la formation a lagrave un rocircle non neacutegligeable agrave jouer Les indicateurs drsquoeacutevaluation des politiques de formation auraient ainsi toute leur place sur cet axe dans une logique de coheacuterence avec la strateacutegie de lrsquoentreprise en plus des mesures de reacutesultats RH proposeacutees par les auteurs (satisfaction au travail de lrsquoemployeacute reacutetention du personnel productiviteacute) Cela se justifie drsquoautant plus par le fait que les auteurs pensent que le peu drsquoindicateurs RH actuellement deacuteveloppeacutes dans les entreprises indique lrsquoabsence de lien entre les objectifs strateacutegiques et la GRH Nous avons donc lagrave une bonne occasion de relier la politique de formation agrave la strateacutegie globale de lrsquoentreprise Quant agrave lrsquoaudit social lrsquoeacutevaluation de la formation reste lrsquoune de ses pratiques fondamentales Lrsquoauditeur social est justement reacuteguliegraverement ameneacute agrave veiller aux instruments de gestion utiliseacutes par les entreprises ceux-ci se devant drsquoecirctre coheacuterents et pertinents par rapport aux objectifs viseacutes Srsquoinscrivant majoritairement dans les nouvelles obligations en matiegravere de RSE lrsquoauditeur social a ici un rocircle majeur agrave jouer accompagner lrsquoentreprise dans lrsquoeacutevaluation de ses politiques de formation et lrsquoaider agrave saisir lrsquoimportance de disposer drsquoindicateurs qui vont au-delagrave des seules mesures actuelles Ces missions doivent srsquoaccomplir en regard des attentes des diffeacuterentes parties prenantes et dans le respect de la strateacutegie de lrsquoentreprise Cela concorde avec le plus haut niveau drsquoaudit lrsquoaudit strateacutegique qui consiste agrave srsquoassurer laquo que les objectifs strateacutegiques en matiegravere de ressources humaines sont deacutefinis coheacuterents que les modaliteacutes de mise en œuvre sont adapteacutees raquo (Peretti 1994)23 Lrsquoinstrumentation de gestion et lrsquoaudit social peuvent aider lrsquoentreprise en ce sens ceci afin drsquoatteindre un certain degreacute de maicirctrise dans lrsquoeacutevaluation de ses politiques de formation Egg (2004)24 remarque que laquo crsquoest le pheacutenomegravene de la RSE qui a populariseacute lrsquoaudit social raquo il peut donc ecirctre judicieux de beacuteneacuteficier de ce regain drsquointeacuterecirct offert par la RSE pour reacuteaffirmer lrsquoimportance de lrsquoaudit social et de son implication aupregraves des DRH dans lrsquoeacutevaluation de leurs politiques RH et notamment de leurs politiques de formation

22 KAPLAN RS NORTON DP (1998) Le tableau de bord prospectif Editions drsquoOrganisation Paris 23 PERETTI J-M (1994) laquo Lrsquoaudit social dans le cadre du management strateacutegique des ressources humaines raquo in ISEOR Lrsquoaudit social au service du management des ressources humaines Economica Paris 24 EGG G (2004) laquo Audit social et certification drsquoauditeurs sociaux agrave lrsquoheure de la responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise raquo Actes de la 22egraveme Universiteacute drsquoeacuteteacute de lrsquoAudit Social Luxembourg aoucirct 2004

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4 Constats et reacuteflexions sur les pratiques drsquoeacutevaluation de la formation des entreprises franccedilaises

Afin de preacuteciser un peu plus notre probleacutematique de recherche et comprendre quels pourraient ecirctre les besoins des DRH et cadres opeacuterationnels des entreprises franccedilaises en terme drsquoeacutevaluation de la formation nous avons contacteacute quelques speacutecialistes25 (consultants et chercheurs) afin de nous faire part de leur expeacuterience en la matiegravere Il en ressort ainsi que le niveau 1 de Kirkpatrick reste le principal utiliseacute (laquo la soupe eacutetait bonne raquo mecircme si formuleacutee ainsi ce type de questionnement srsquoapparente plus au degreacute zeacutero de lrsquoeacutevaluation) et qursquoils eacutevaluent majoritairement les activiteacutes de formation agrave lrsquoaide drsquoindicateurs tels que les heures de formation le nombre de formeacutes le budget formation etc Il est nettement plus rare qursquoils eacutevaluent les reacutesultats des programmes de formation (niveau micro) comme ceux des politiques de formation (niveau macro) Quels peuvent ecirctre les raisons de ces manques La raison principale est qursquoil est particuliegraverement rare que lrsquoon leur en demande plus Nous parlons bel et bien des parties prenantes de la formation Lrsquoexemple de lrsquoEtat est particuliegraverement significatif seules les entreprises de plus de 300 salarieacutes doivent produire des indicateurs au travers du bilan social les seuls indicateurs du bilan social Le flou entourant la RSE ne risque pas drsquoameacuteliorer sensiblement les choses drsquoun point de vue leacutegal et encore il semblerait que nous en resterions agrave des indicateurs drsquoactiviteacutes de formation Ensuite bien qursquoil soit demandeacute aux DRH de justifier quantitativement de lrsquoutilisation de leur budget formation nos interlocuteurs remarquent que les dirigeants nrsquoen exigent pas grand chose lagrave est un grave paradoxe Il est fort possible que lrsquoeacutevaluation de la formation puisse les inteacuteresser au niveau 4 de Kirkpatrick en terme drsquoeacutevaluation des reacutesultats organisationnels mais peu y croient mecircme si la litteacuterature scientifique foisonne drsquoexpeacuteriences reacuteussies cela faisant probablement suite agrave des difficulteacutes drsquoopeacuterationnalisation Les partenaires sociaux se contentent la plupart du temps drsquoindicateurs drsquoactiviteacutes de formation quant aux actionnaires nous pouvons douter de leur inteacuterecirct agrave connaicirctre preacuteciseacutement comment se sont construits les reacutesultats eacuteconomiques de leur entreprise (avec ou sans laquo bonne raquo GRH) Enfin le personnel formeacute ne doit pas avoir beaucoup plus drsquointeacuterecirct pour lrsquoeacutevaluation au-delagrave du niveau 1 celui-ci refusant parfois le controcircle des connaissances (niveau 2 de Kirkpatrick) son inteacuterecirct majeur eacutetant drsquoexercer son droit agrave la formation et que celle-ci soit payeacutee par lrsquoemployeur Qursquoen est-il des DRH au final Il semble que ces derniers privileacutegient lrsquourgence du quotidien au deacutetriment de ces pratiques drsquoeacutevaluation Au final nous sommes en droit de nous interroger sur lrsquointeacuterecirct que peuvent avoir les diffeacuterents acteurs agrave eacutevaluer la formation ils nrsquoauraient pas inteacuterecirct agrave en faire mais aussi il est fort possible qursquoils pourraient avoir inteacuterecirct agrave ne pas en faire (logique des intentions des acteurs et de leur refus de faire de lrsquoeacutevaluation) Par exemple que ferait-on drsquoun manager dont les subordonneacutes affirment qursquoil ne leur permet pas de mettre en application leurs connaissances Il y a lagrave des probleacutematiques implicites de GRH De plus vu que toutes les eacutetudes deacutemontrent que la formation paie (en terme de reacutesultats organisationnels) alors pourquoi les DRH prendraient encore la peine de deacutepenser argent eacutenergie et temps pour le veacuterifier Ce constat peut ecirctre partageacute tant par les praticiens mais eacutegalement par la communauteacute scientifique (pourquoi refaire une eacuteniegraveme recherche sur lrsquoeacutetude de ce lien ) 25 Nous preacuteserverons leur anonymat tout en leur formulant agrave nouveau nos plus vifs remerciements ainsi qursquoagrave nos deux directeurs de thegravese les Professeurs Pierre Louart et Jean-Yves Le Louarn qui ont su guider notre reacuteflexion

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Le Louarn et Wils (2001)26 eacutemettaient lrsquohypothegravese que le lien eacutetabli entre GRH et performance organisationnelle pouvait provenir de la qualiteacute des pratiques de GRH mises en œuvre gracircce notamment aux moyens financiers de ces entreprises En effet une grande entreprise multipliant les beacuteneacutefices pourrait ainsi laquo srsquooffrir raquo des pratiques de GRH de qualiteacute agrave lrsquoaide de moyens financiers (et donc humains et mateacuteriels) abondants Partant de cette logique nous nous sommes inteacuteresseacutes aux entreprises que lrsquoon considegravere comme eacutetant le fleuron de lrsquoeacuteconomie franccedilaise celles du CAC 40 Il srsquoagissait alors de comprendre alors que lrsquoactualiteacute du deacuteveloppement durable et de lrsquoinscription de lrsquoentreprise moderne dans la RSE bat son plein comment celles-ci pouvaient communiquer sur leur approche de la formation et les reacutesultats qui en deacutecoulent Il est en effet freacutequent de disposer librement sur les sites Corporate de celles-ci de leurs bilans sociaux etou socieacutetaux (appeleacutes aussi Rapports de deacuteveloppement durable Rapports RSEhellip) Dans le cadre des nouvelles responsabiliteacutes sociales des entreprises comment les plus grandes drsquoentre elles au niveau national communiquent-elles sur leurs politiques de formation et leur eacutevaluation Force est de constater qursquoen matiegravere drsquoeacutevaluation de pratiques et de politiques de GRH la RSE nrsquoa pas inciteacute agrave la production drsquoindicateurs plus ambitieux plus pertinents Ainsi si lrsquoon srsquointeacuteresse aux entreprises du CAC 40 via leurs sites Corporate nous remarquons que la formation et de maniegravere globale le deacuteveloppement des compeacutetences des salarieacutes beacuteneacuteficient de longs discours en majoriteacute axeacutee sur une prise en compte responsable de lrsquoemployabiliteacute des salarieacutes Le vocable de laquo deacuteveloppement durable raquo est omnipreacutesent et lrsquoon parle systeacutematiquement de GRH (ex deacuteveloppement des compeacutetences) au sein de documents divers qursquoil srsquoagisse des traditionnels bilans sociaux ou des plus reacutecents laquo Rapports de deacuteveloppement durable laquo Rapports RSE raquo et autres documents de reporting social Or les indicateurs qui y figurent restent relativement laquo basiques raquo au sens ougrave ceux-ci eacutetaient deacutejagrave ancreacutes depuis longtemps dans les entreprises bien avant que nrsquoeacutemerge la RSE et son lot drsquoinnovations Nous pouvons ainsi citer comme eacutetant les plus freacutequents le pourcentage de la masse salariale attribueacute agrave la formation (deacuteterminant ainsi son budget global) et le nombre de stagiaires formeacutes chaque anneacutee (avec eacuteventuellement une distinction par fonction sexe ou acircge) En terme de communication il est difficile de cerner quel est le type de public viseacute candidats au recrutement actionnaires investisseurshellip Les parties prenantes restent agrave preacuteciser et toutes ne perccediloivent pas lrsquoefficaciteacute drsquoune politique de formation de la mecircme faccedilon Toutefois il est tout agrave fait possible qursquoen interne pleacutethore drsquoindicateurs drsquoeacutevaluation de la formation soient utiliseacutes Nous pouvons alors nous interroger eacutegalement sur ce point quels sont les deacuteterminants agrave la publication de tels reacutesultats Quel est lrsquointeacuterecirct des entreprises agrave publier les reacutesultats de leurs politiques de formation A qui srsquoadressent ces reacutesultats Ainsi drsquoune pratique fondamentale de lrsquoaudit social (lrsquoeacutevaluation de la formation) lrsquoauditeur social pourrait eacutevoluer vers un rocircle de laquo partenaire RSE raquo qui diagnostiquerait lrsquoentreprise en interne tout en lrsquoaidant ainsi agrave mieux communiquer ses laquo efforts raquo en matiegravere de deacuteveloppement des compeacutetences de son personnel aupregraves de ses diffeacuterentes parties prenantes (agrave lrsquointeacuterieur comme agrave lrsquoexteacuterieur de lrsquoentreprise)

26 LE LOUARN J-L WILS T (2001) op cit

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5 Probleacutematique et design de la recherche

51 Question de recherche Comme nous lrsquoaffirmions preacuteceacutedemment les eacutetudes montrent un lien significatif statistique entre les pratiques de GRH et la performance organisationnelle mais cela peut ecirctre suspect En effet mecircme si ce lien subsiste ces eacutetudes ne deacutemontrent pas clairement comment se construit cette performance organisationnelle et comment les pratiques de GRH impactent directement sur celle-ci Comme le remarque Le Louarn (2004)27 cela ne nous permet pas de reconnaicirctre veacuteritablement la part de la GRH dans la performance globale Cet auteur ajoute eacutegalement que cette expeacuterience des chercheurs ameacutericains qui suggegravere que les DRH ont en tecircte une theacuteorie implicite theacuteorie voulant que la bonne performance de leur organisation est en partie due agrave la preacutesence de bonnes pratiques RH est possiblement issue des reacutesultats drsquoeacutetudes preacuteceacutedentes dont les reacutesultats ont ensuite eacuteteacute enseigneacutes par ces mecircmes chercheurs laquo formatant raquo ainsi des praticiens qui croient en cette laquo potion magique raquo qursquoils appliquent dans le cadre de ces eacutetudes ponctuelleshellip mais beaucoup plus rarement au quotidien Cette production de laquo faux savoir raquo est issue drsquoune seacuterie impressionnante de correacutelations positives que le sens commun a rapidement transformeacute en une seacuterie impressionnante de causaliteacutes positives Mais la fameuse laquo boicircte noire raquo demeure comme la question geacuteneacuterale du lien de causaliteacute entre pratiques de GRH et performance organisationnelle (cf Figure 1) comme la sous-question du lien de causaliteacute entre formation et performance organisationnelle Toutefois des questions de recherche demeurent malgreacute tout Lrsquoeacutevaluation des politiques de formation nous semble ainsi comme probleacutematique de recherche ecirctre un terrain inteacuteressant agrave explorer Nous pourrions en tirer des reacutesultats qui eacutelucideraient un peu plus les meacutecanismes de construction de la performance organisationnelle en lien avec la part de la formation et le rocircle de la politique en vigueur (cf Figure 2) Une question de recherche possible pourrait se formuler ainsi des politiques de formation diffeacuterentes donnent-elles des reacutesultats (RH) diffeacuterents

52 Meacutethodologie Notre recherche empirique srsquoeacutechelonnera en deux grandes eacutetapes Dans un premier temps nous effectuerons une seacuterie drsquoentretiens exploratoires aupregraves de diffeacuterents praticiens proches des probleacutematiques de lrsquoeacutevaluation des politiques de formation (DRH responsables formation consultantshellip) Il srsquoagira dans un premier temps drsquoune recherche qualitative de nature inductive nous permettant de comprendre comment les politiques de formation sont eacutevalueacutees au sein de leurs organisations agrave partir de quelles meacutethodes de quels indicateurs agrave lrsquoaide de quels acteurs pour quels publics pour quels objectifs et pour quels reacutesultats visibles Cette approche transversale nous diffeacuterencie de certains travaux plus traditionnels en matiegravere drsquoeacutevaluation de la GRH Il nous importe en effet de comprendre plus globalement comment srsquoinscrivent ces pratiques drsquoeacutevaluation dans lrsquoorganisation et quels liens sont eacutetablis avec ses orientations strateacutegiques Nous nous inteacuteresserons aux diffeacuterents eacuteleacutements de contexte notamment la strateacutegie de lrsquoentreprise et le positionnement de la fonction RH dans celle-ci Cette seacuterie drsquoentretiens exploratoires confirmera ou infirmera lrsquointeacuterecirct de notre possible question de recherche formuleacutee preacuteceacutedemment

27 LE LOUARN J-Y (2004) op cit

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Puis nous prolongerons cette phase empirique de la recherche par plusieurs eacutetudes de cas de type recherche-intervention et plus speacutecifiquement du type recherche ingeacutenierique (Chanal Lesca et Martinet 1997)28 Notre deacutemarche consistera en lrsquoeacutelaboration drsquoindicateurs permettant drsquoeacutevaluer les reacutesultats de la politique de formation de lrsquoorganisation (en lien avec les inteacuterecircts des parties prenantes) Ensuite agrave lrsquoaide de ces mecircmes indicateurs nous tenterons de mesurer et drsquoeacutevaluer les reacutesultats de cette politique en fonction des variables identifieacutees avant drsquoanalyser et de comparer les reacutesultats issus des diffeacuterentes eacutetudes de cas En terme de positionnement eacutepisteacutemologique nous tenterons de faire interagir les diffeacuterents positionnements eacutepisteacutemologiques notamment comme preacuteconiseacute par Breacutechet et Desreumaux (1999)29 la rationaliteacute substantielle du positivisme qui reacutepond au laquo quoi raquo et au laquo pourquoi raquo (quelles variables impactent sur lrsquoefficaciteacute de la politique de formation et pourquoi ) et la rationaliteacute processuelle du constructivisme qui reacutepond au laquo comment raquo (comment et agrave lrsquoaide de quels indicateurs pouvons-nous eacutevaluer les politiques de formation ) Les reacutesultats issus de cette recherche pourront ecirctre prolongeacutes agrave terme par de multiples recherches quantitatives aupregraves drsquoun eacutechantillon significatif drsquoorganisations aboutissant ainsi agrave une triangulation entre meacutethodes qualitatives et quantitatives qui favorise la validation et la transfeacuterabiliteacute des reacutesultats (analyse drsquoeacutevolution des variables) Cela nous permettra drsquoeacutelaborer un programme de recherche post-doctoral proche des reacutealiteacutes du terrain Comme Le Louarn (2004)30 nous deacuteplorons le fait que les nombreux reacutesultats obtenus par les chercheurs ne donnent pas lieu agrave lrsquoeacutemergence drsquoune veacuteritable culture de lrsquoeacutevaluation par les praticiens Cette recherche nous apportera peut-ecirctre de nouveaux eacuteleacutements de reacuteponse expliquant mecircme partiellement les raisons de ces eacutecarts entre les preacuteconisations de la litteacuterature scientifique et la reacutealiteacute manageacuteriale Faisant reacutefeacuterence agrave la cateacutegorisation des objectifs de recherche opeacutereacutee par Igalens et Roussel (1998)31 cette recherche oscille entre deux objectifs majeurs laquo Reacutesoudre un problegraveme que se pose un Directeur des Ressources Humaines ou un cadre opeacuterationnel concernant la GRH raquo et laquo Elargir les reacutesultats de recherches anteacuterieures raquo En effet lrsquoeacutevaluation de la GRH est un thegraveme de recherche directement proche des preacuteoccupations actuelles des praticiens (notamment par lrsquoeacutemergence de la RSE et du besoin impeacuterieux et croissant drsquoafficher les reacutesultats de ses actions de gestion sur le personnel) Ces auteurs soulignent la difficulteacute agrave deacutevelopper des recherches qui reacutepondent aux besoins des praticiens ceci en raison des difficulteacutes de coordination entre les exigences rapides des praticiens et le souci de rigueur scientifique des chercheurs Or notre situation professionnelle dans le cadre de cette thegravese nous y autorise Reacutealiseacutee dans le cadre de lrsquoentreprise Vulpus32 nous avons dores et deacutejagrave un certain nombre de contacts eacutetablis avec des praticiens pouvant ecirctre inteacuteresseacutes par des eacutetudes portant sur lrsquoeacutevaluation de leur politique de formation avec comme finaliteacute lrsquoeacutelaboration drsquoindicateurs et de tableaux de bord Nous remarquons eacutegalement que ce type de preacuteoccupation srsquoinscrit parfois dans une deacutemarche plus globale agrave terme de gestion des compeacutetences Aussi nous eacutelargissons les reacutesultats de recherches anteacuterieures mais qui furent 28 CHANAL V LESCA H MARTINET A-C (1997) laquo Vers une ingeacutenierie de la recherche en sciences de gestion raquo Revue Franccedilaise de Gestion ndeg 116 p 41-51 29 BRECHET J-P DESREUMAUX A (1999) laquo Des theacuteories de la firme aux dynamiques de laction collective - Pour une socio-eacuteconomie des projets productifs raquo Cahiers de recherche de lIAE de Nantes 30 LE LOUARN (2004) op cit 31 IGALENS J ROUSSEL P (1998) Meacutethodes de Recherche en Gestion des Ressources Humaines Economica Paris 32 wwwvulpuscom

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principalement le fruit de lrsquoeacutetude des pratiques de formation (niveau micro) alors que nous orientons notre analyse sur les politiques de formation (niveau macro) Conclusion Il est aiseacute de constater que les eacutecarts restent majeurs entre les preacuteconisations de la litteacuterature scientifique et les reacutealiteacutes opeacuterationnelles Rares sont les entreprises qui eacutevaluent leur formation et lorsqursquoelles le font les donneacutees dont elles disposent permettent difficilement drsquoattester de lrsquoattitude socialement responsable du DRH quant au deacuteveloppement des compeacutetences des salarieacutes ou de lrsquoefficaciteacute de la politique de formation mise en œuvre Ainsi par cette recherche nous souhaitons prolonger les preacuteceacutedents travaux portant sur la mesure et lrsquoeacutevaluation de la GRH en nous focalisant sur les politiques de formation Les reacuteponses apporteacutees en termes de retombeacutees et preacuteconisations manageacuteriales devraient permettre aux entreprises de mieux saisir lrsquoimportance potentielle de leurs politiques de formation en termes de reacutesultats organisationnels tant pour la santeacute financiegravere de lrsquoorganisation que vis-agrave-vis des parties prenantes de la formation en tenant compte des nouvelles exigences de la RSE Comme Ulrich et Smallwood (2003)33 nous pensons que laquo les chiffres donnent de la creacutedibiliteacute agrave la fonction RH raquo et qursquoil est dans lrsquointeacuterecirct des DRH de saisir les opportuniteacutes offertes par lrsquoeacutevaluation En outre le DRH a tout inteacuterecirct agrave inscrire ses pratiques et politiques de GRH dans le cadre de la RSE ne serait-ce que pour repositionner son rocircle de maniegravere strateacutegique (Meignant 2004)34 BIBLIOGRAPHIE BARZUCCHETTI S CLAUDE JF (1995) Evaluation de la formation et performance de lrsquoentreprise Editions Liaisons Paris

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CONTRIBUTION DE LA THEORIE SOCIO-ECONOMIQUE DES ORGANISATIONS A LrsquoAUDIT SOCIAL Henri SAVALL Professeur de Sciences de Gestion agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 Directeur de lrsquoISEOR Veacuteronique ZARDET Professeur de Sciences de Gestion agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 Co-Directrice de lrsquoISEOR

Introduction Quinze anneacutees de participation reacuteguliegravere aux Universiteacutes de lrsquoInstitut International drsquoAudit Social nous ont conduit agrave constater une eacutevolution consideacuterable de la conception de lrsquoaudit social et de ses pratiques Lrsquoobjet de cette communication est drsquoexpliciter dans un premier temps quelques fondements conceptuels et praxeacuteologiques de lrsquoaudit social puis de positionner le processus de changement socio-eacuteconomique issu de la theacuteorie socio-eacuteconomique des organisations comme une forme speacutecifique drsquoaudit social comportant quelques speacutecificiteacutes majeures par rapport agrave lrsquoacception usuelle drsquoaudit social Cette seconde partie reacutesulte de notre pratique de recherche conduite au sein de lrsquoISEOR depuis une trentaine drsquoanneacutees

1 Lrsquoaudit social en eacutevolution et en deacutebat Historiquement on peut consideacuterer lrsquoaudit social comme une eacutemanation de lrsquoaudit financier lrsquoobjectif consistant agrave transposer une meacutethode du champ des pratiques comptables et financiegraveres au champ des pratiques sociales et de gestion des ressources humaines Nous eacutetudions dans un premier temps lrsquoeacutevolution du peacuterimegravetre et de lrsquoobjet de lrsquoaudit social (11) puis nous soulevons la question des clients potentiellement beacuteneacuteficiaires drsquoun audit social (12) La genegravese et lrsquoessence conceptuelle de lrsquoaudit social sont ensuite eacutetudieacutees (13) en mettant en eacutevidence son paradigme interactionniste ainsi que ses rapports dialectiques entre le social et lrsquoeacuteconomique

11 Peacuterimegravetre et objectifs eacutevolutifs de lrsquoaudit social Lrsquoaudit social lato sensu dans sa conception originelle se deacutecompose en trois familles correspondant chacune agrave un objectif diffeacuterencieacute Lrsquoaudit social de conformiteacute normative consiste agrave repeacuterer les eacutecarts entre les pratiques sociales drsquoune entreprise et la reacuteglementation lois conventions normes Lrsquoaudit drsquoefficaciteacute consiste agrave analyser le degreacute drsquoefficaciteacute des pratiques de gestion des ressources humaines soit encore le degreacute drsquoatteinte des objectifs que srsquoest fixeacutes lrsquoentreprise Lrsquoaudit social strateacutegique vise agrave identifier la coheacuterence entre les pratiques de gestion des ressources humaines de lrsquoentreprise et sa strateacutegie globale par exemple entre sa strateacutegie de deacuteveloppement commercial sa politique et ses pratiques de reacutemuneacuterations Tregraves reacutecemment le deacuteveloppement au niveau international du mouvement dit de la Responsabiliteacute Sociale de lrsquoEntreprise (RSE) assorti notamment en France de sa traduction

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reacuteglementaire et normative a impulseacute une dynamique nouvelle de lrsquoaudit social les auditeurs sociaux eacutetant au premier plan pour analyser les pratiques de Responsabiliteacute Sociale de lEntreprise On peut donc consideacuterer quactuellement laudit social recouvre deacutesormais quatre familles La conception meacutethodologique dominante de laudit social consiste agrave eacutetablir un diagnostic un constat formuleacute par lauditeur apregraves recensement des pratiques de lentreprise puis agrave recommander un plan dactions le tout eacutetant consigneacute dans un rapport daudit

12 Une question troublante quel engagement de lrsquoauditeur social et pour quel(s) client(s)

Qui est le client de lauditeur social Qui fait appel agrave lui A qui reacutepond-il Quel est son degreacute dengagement En effet et particuliegraverement dans le domaine social le client nest pas uniforme on pourrait parler dun client eacutelargi multi-tecirctes ayant des objectifs partiellement contradictoires Laudit social peut-il inteacuteresser toutes les parties prenantes pour leur permettre de neacutegocier une plate-forme bacirctie agrave partir dune base dinformations laudit qui constitue une repreacutesentation ou une modeacutelisation qualitative de la situation reacuteelle agrave eacutetudier afin que chaque partie prenante se deacutecouvre des marges de manœuvre strateacutegique gouvernance dirigeants encadrement personnel de base syndicats de salarieacutes organisations professionnelles ainsi que dautres partenaires externes tels que clients fournisseurs ou encore institutions environnantes Or laudit social aujourdhui dans son acception dominante est davantage consideacutereacute par certains theacuteoriciens et praticiens comme ayant une vocation de laquo secourisme raquo au service des acteurs opprimeacutes lauditeur social eacutetant animeacute par la tentation du justicier au profit dune ou de certaines cateacutegories dacteurs De surcroicirct les contours et la composition interne de lobjet auditeacute sont complexes et incorporels Non seulement sa nature est multidimensionnelle mais elle se caracteacuterise aussi par une instabiliteacute temporelle et une dynamique interactive Ces interactions sont interspatiales entre les acteurs dans leur espace de jeu et intertemporelles du fait des seacutequences successives du jeu eacuteconomique et social La notion de valeur sociale quil sagit deacutetalonner fait appel aux critegraveres de confortinconfort de satisfactioninsatisfaction de bien-ecirctremal-ecirctre Le reacutesultat de laudit social deacutepend de sa fonction est-elle plutocirct contemplative (statique) curative preacuteventive Ainsi un audit agrave vocation preacuteventive eacutevaluera davantage la non-production de satisfaction potentielle un audit agrave vocation curative la destruction de satisfaction existante Laudit social statique produit des photographies des constats des inventaires deacutecarts conclut par des recommandations Laudit social dynamique produit aussi un constat mais davantage sous la forme dun film en construisant leacutevolution souhaiteacutee et en accompagnant un processus dapprentissage de lentreprise Finalement on peut se demander si lobjectif de laudit social est le controcircle exogegravene ou au contraire laide aux acteurs en preacutesence De la reacuteponse agrave cette question deacutepend laccegraves plus ou moins facile de lauditeur aux informations

13 La genegravese et lrsquoessence conceptuelle de lrsquoaudit social Laudit social est neacute dans le droit fil du courant psychosociologique historique de lEcole des Relations Humaines Dans les anneacutees 1930 la reacuteaction agrave la crise eacuteconomique et aux excegraves du taylorisme-fordisme aboutit agrave eacutevacuer la dimension eacuteconomique agrave la fois du modegravele de

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comportement humain de lhomme au travail et de celui de leacutevaluation de la satisfaction au travail A lEcole des Relations Humaines lessence psychosociologique prend le pas affichant ainsi sa revanche theacuteorique sur limpeacuterialisme de la motivation financiegravere de lhomme au travail qui sous-tend lideacuteologie techno-eacuteconomique dominante aussi bien dans lunivers de leacuteconomie capitaliste que dans lunivers concentrationnaire des reacutegimes deacuteconomie planifieacutee Rappelons en effet que Leacutenine introduisit le taylorisme importeacute des Etats-Unis degraves la creacuteation de lrsquoURSS en 1917 Lessence ergonomique et environnementale transparaicirct aussi avec la prise en compte des risques sur la santeacute durable cest-agrave-dire celle que lon eacutevalue agrave court moyen et long termes Laudit social dessence socio-juridique seffectue par rapport agrave un reacutefeacuterentiel de normes exogegravenes aux acteurs qui tendent agrave les rejeter faute de pouvoir se les approprier les assimiler les inteacuterioriser (Savall Zardet 2005) Si cette conception preacutesente des insuffisances laudit social ne constitue pas moins lantidote la reacuteparation voire les soins palliatifs des meacutefaits de lapproche dominante technico-eacuteconomique Il repreacutesente ainsi quoiquimplicitement un reacutefeacuterentiel de bonnes pratiques sociales dont la fonction est curative des eacutecarts constateacutes et qui constitue lrsquoinjonction indirecte et parfois implicite de bonnes pratiques subrepticement impulseacutees par lauditeur La fonction preacuteventive de laudit social consiste agrave preacutevenir des risques qui peuvent se situer agrave diffeacuterents niveaux sur une eacutechelle des diffeacuterents espaces concentriques des acteurs au niveau micro preacutevention des risques sociaux internes agrave lentreprise au niveau meso celle des risques socieacutetaux au niveau macro enfin celle des risques environnementaux propulseacutee par le mouvement du deacuteveloppement durable

14 Le paradigme interactionniste de lrsquoaudit social Laudit social admet le principe de subordination des acteurs les uns aux autres au sein dune organisation structureacutee ce qui est conforme agrave leacutedifice socio-juridique bacircti en droit social (contrat de travail) et en droit de la fonction publique (statut du personnel) Lrsquoaudit social se pratique dans le cadre de ce que lon peut appeler un eacutequilibre social de soumission tel que lont bacircti les fondateurs de lEcole classique de lorganisation (triptyque Taylor - Fayol - Weber) Or le paradigme de la soumission srsquooppose agrave celui de lrsquoengagement neacutegocieacute contractuel Ces deux paradigmes sont preacutesents dans le fonctionnement des organisations et srsquoy affrontent au deacutetriment de la qualiteacute de son management et de son niveau de performance globale durable (figure 1) Figure 1 Les deux paradigmes du management

Fiction de ladeacutepersonnalisation

du travail etde la deacutefinition

de fonction ou deposte

Soumission

=

Subordination

RationalismeIndividualisme

Hieacuterarchie exclusiveElitisme

Engagement neacutegocieacute

=

Contractualisation

ReacutealismeAnimation drsquoeacutequipeCadre peacutedagogue

Coopeacuteration

Personnalisationde lrsquoactiviteacute et de

la mission desacteursEcoute

Observation

Deux paradigmesopposeacutes

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Le paradigme de la soumission considegravere que certains hommes sont subordonneacutes agrave drsquoautres dans lrsquoentreprise et qursquoils doivent donc ipso facto obeacuteir aux ordres et instructions de ceux qui les dirigent Ce paradigme deacutebouche sur la deacutepersonnalisation dans la relation de subordination fonde le rationalisme la supreacutematie de la hieacuterarchie et de la regravegle qui simpose sui generis et in fine une certaine forme drsquoeacutelitisme

15 Les rapports dialectiques entre lrsquoeacuteconomique et le social Nous lavons vu leacuteconomique a un statut tregraves affaibli dans la conception de laudit social En effet lobjectif prioritaire de celui-ci est clairement la performance sociale la performance eacuteconomique eacutetant consideacutereacutee comme une contrainte nuisible pour le deacuteveloppement social Aujourdhui ne convient-il pas de deacutepasser cette vision dichotomique socialeacuteconomique qui conduit agrave la dialectique dopposition ce qui provoque des coucircts de reacutegulation (coucirct humain social et eacuteconomique) destructeurs de la valeur ajouteacutee neacutecessaire au bien-ecirctre durable des parties prenantes Une dialectique de synthegravese de nature synergeacutetique et inteacutegrative nrsquoest-elle pas plus pertinente efficace et efficiente La theacuteorie des micro-pouvoirs multiformes issue de la theacuteorie socio-eacuteconomique des organisations (Savall Zardet 2005) propose en effet une vision moins dichotomiste de la relation eacuteconomiquesocial

2 Positionnement de lrsquoanalyse socio-eacuteconomique quant agrave lrsquoobjet et au peacuterimegravetre de lrsquoaudit social

Lrsquoanalyse socio-eacuteconomique serait une des meacutethodes drsquoaudit social dont voici les principales caracteacuteristiques Celles-ci correspondent aux options choisies par lrsquoanalyse socio-eacuteconomique par rapport aux questions qui se posent agrave lrsquoaudit social Elles sont agrave consideacuterer comme des propositions de la theacuteorie socio-eacuteconomique des organisations agrave la discipline de laudit social

21 Du paradigme interactionniste dichotomique au paradigme inteacutegrationniste et contractualiste du couple socialeacuteconomique

Pour passer drsquoun paradigme agrave lrsquoautre il convient de modifier simultaneacutement la valeur sociale et la valeur eacuteconomique Les theacuteories psychosociologiques laquo pures raquo apportent des ingreacutedients au couple inteacutegreacute socio-eacuteconomique Ces ingreacutedients eacuteclairent la connaissance des pheacutenomegravenes mais sont agrave leur tour questionneacutes par lrsquoobservation scientifique de la reacutealiteacute inteacutegreacutee socialeacuteconomique qui interpelle la pertinence des theacuteories monodisciplinaires agrave savoir les theacuteories psychosociologiques eacutelaboreacutees hors de la probleacutematique de la gestion des ressources rares Dans cette note de reacuteflexion lrsquoanalyse socio-eacuteconomique par souci de rapprochement avec lrsquoaudit social sera deacutenommeacutee laquo audit socio-eacuteconomique raquo Lrsquoaudit socio-eacuteconomique est un audit social explicitement ENGAGEacute vers latteinte dun reacutesultat Lrsquoobservation scientifique rigoureuse des pratiques montre que la neutraliteacute de lrsquoaudit social porteur drsquoune injonction laquo cacheacutee raquo ou implicite est impossible en effet le reacutefeacuterentiel constitue lrsquoideacuteal-type tacitement recommandeacute par lrsquoauditeur Franccedilois Perroux (1972) nous a dailleurs appris agrave deacutenoncer la fausse neutraliteacute des conceptualisations implicitement normatives

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211 Lrsquoaudit socio-eacuteconomique comme laquo objet de valeur raquo sociale Son objectif explicite et sa raison drsquoecirctre est drsquoaccroicirctre la valeur socio-eacuteconomique pour lrsquoensemble des parties prenantes et consiste donc agrave deacutevelopper la taille du gacircteau que les parties prenantes auront agrave se partager au travers de leurs jeux de conflit-coopeacuteration agrave dosage variable et fluctuant et ce dans une dynamique de progregraves social et eacuteconomique inteacutegreacute Lrsquoaccent est mis sur la production de valeur plus que sur la reacutepartition celle-ci eacutetant laisseacutee au libre jeu de neacutegociation des parties prenantes sous le regard empreint drsquoinjonctions plus ou moins efficaces des pouvoirs publics Lrsquoapport de lrsquoaudit socio-eacuteconomique consiste agrave accompagner les principales parties prenantes dans un processus de creacuteation de valeur ajouteacutee ayant vocation agrave ecirctre partageacutee Lrsquoaudit socio-eacuteconomique a pour objectif de reacutecupeacuterer de la valeur ajouteacutee qui srsquoest laquo perdue dans les sables raquo crsquoest donc un processus de reacutecupeacuteration des eacutenergies humaines celle de la creacuteativiteacute en action source preacutecieuse de progregraves social et eacuteconomique durable Le reacutefeacuterentiel fondamental de lrsquoaudit socio-eacuteconomique nrsquoest pas le paradigme de la soumission des acteurs mais au contraire celui de leur capaciteacute drsquoautonomie congeacutenitale et inalieacutenable Le paradigme de la soumission est une fiction qui nie la theacuteorie de la deacutesobeacuteissance organisationnelle spontaneacutee Lrsquoengagement neacutegocieacute contractuel reconnaicirct a contrario lrsquoexistence du pheacutenomegravene de la deacutesobeacuteissance organisationnelle spontaneacutee et permet de mieux la geacuterer Il neacutecessite lrsquoeacutecoute du subordonneacute son observation sa connaissance et partant la personnalisation de la relation Lrsquoacteur qui neacutegocie au lieu drsquoecirctre supposeacute fictivement obeacuteir est reconnu dans son identiteacute speacutecifique (objectifs attentes contraintes personnaliteacute) en contrepartie de quoi sa force drsquoengagement est plus grande La personnalisation encourage le passage drsquoune strateacutegie cacheacutee de lrsquoindividu ou de lrsquoeacutequipe agrave une strateacutegie visible et neacutegocieacutee Lors de la contractualisation le plaisir dans lrsquoactiviteacute professionnelle provient de la discussion et de lrsquoengagement sur la base drsquoune consideacuteration agrave leacutegard de lrsquoacteur

Lrsquoeacutequilibre de lrsquoeacutechange contractuel ou theacuteorie du client geacuteneacuteraliseacutee En effet les nombreuses recherches-interventions (1150 cas drsquoentreprises et drsquoorganisations dans 32 pays) qui ont permis de construire la theacuteorie socio-eacuteconomique des organisations ont deacutemontreacute la relativiteacute de la notion de hieacuterarchie dans les pratiques observables des acteurs au sein des organisations Lrsquoaudit socio-eacuteconomique considegravere donc le lien de subordination comme une fiction stimulante tregraves importante dans le champ juridique et mobilisable dans les situations litigieuses mais parfaitement IRREALISTE dans le fonctionnement observable du jeu des acteurs au sein des organisations

212 La theacuteorie des micro-pouvoirs multiformes Elle montre que les acteurs reacuteputeacutes laquo opprimeacutes raquo ont de fait un pouvoir eacuteconomique reacuteel et potentiel important En effet la totaliteacute des acteurs dans une organisation est doteacutee de micro-pouvoirs multiformes dont certains sont visibles et explicites alors que drsquoautres sont cacheacutes Loin drsquoecirctre un espace binaire ougrave certains auraient du pouvoir et les autres pas lrsquoentreprise est constitueacutee drsquoacteurs qui disposent chacun drsquoune gamme de modaliteacutes pour exercer une

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certaine influence vis-agrave-vis des autres et creacuteer ou deacutetruire de la valeur ajouteacutee Ainsi par nos travaux sur les coucircts cacheacutes nous avons montreacute qursquoun acteur consideacutereacute laquo sans pouvoir raquo selon la theacuteorie classique de lrsquoorganisation crsquoest-agrave-dire deacutenueacute de tout pouvoir hieacuterarchique formel a de fait un pouvoir important en interaction avec drsquoautres acteurs de geacuteneacuteration consciente ou inconsciente de coucircts cacheacutes crsquoest-agrave-dire de destruction reacuteelle ou potentielle de valeur ajouteacutee Ces micro-pouvoirs multiformes sont preacutejudiciables pour la laquo communauteacute entreprise raquo (autre fiction stimulante) et se manifestent sous forme de comportements drsquoabsenteacuteisme et de rotation du personnel excessifs drsquoaccident du travail de deacutefauts de qualiteacute et drsquoeacutecarts de productiviteacute directe (pannes lenteurs hellip) excessifs par ailleurs signes de malaise social et organisationnel

Jeu de mot eacuteclairant Le mot commande (commander) se precircte agrave un jeu de mot qui peut eacuteclairer lrsquoambiguiumlteacute ou lrsquoambivalence des relations humaines et sociales dans les organisations La commande deacutesigne tantocirct un ordre hieacuterarchique reposant sur le postulat de la subordination consacreacute par le droit du travail tantocirct un ordre drsquoun client sur un marcheacute drsquoun lieu drsquoeacutechanges de ressources multiples et varieacutees (cf ci-dessous lrsquoeacuteventail anthropologique des besoins humains fondamentaux) Lrsquoobservation scientifique approfondie au sein des organisations (Savall Zardet 2004) montre en effet que les acteurs internes peuvent eacutechapper agrave la commande hieacuterarchique sous forme de divers comportements laquo drsquoeacutevasion raquo absenteacuteisme (hors maladie laquo authentique raquo) rotation du personnel non qualiteacute du travail et des produits sous-productiviteacute chronique et notoire Les acteurs externes quant agrave eux peuvent srsquoeacutechapper de leur relation avec le partenaire fournisseur en ne renouvelant pas leurs commandes en tant que clients Les comportements de soumission ne correspondent pas aux pratiques que lrsquoon peut observer dans les organisations chez les acteurs en chair et en os

Bonnes pratiques de gestion des ressources humaines Lrsquoaudit socio-eacuteconomique preacuteconise explicitement de bonnes pratiques de gestion des ressources humaines qui constituent une part essentielle de son reacutefeacuterentiel Il recommande en particulier un mode de commandement plus peacutedagogique au sein des organisations Ainsi la formation inteacutegreacutee qui accompagne un processus drsquoaudit socio-eacuteconomique consiste agrave faire deacutecouvrir par les cadres et les agents de maicirctrise puis agrave deacutevelopper au moyen de meacutethodes comportant des outils concrets de management leur fonction de pilote peacutedagogue drsquoune eacutequipe de personnes et de leurs activiteacutes Cela conduit agrave ameacuteliorer crsquoest-agrave-dire deacutevelopper et entretenir freacutequemment les conditions de travail lrsquoorganisation du travail la communication-coordination-concertation la gestion du temps la formation inteacutegreacutee ou adeacutequation formation-emploi et la mise en œuvre strateacutegique

22 Un peacuterimegravetre configureacute par la gouvernance le management et les relations sociales laquo internes raquo de lrsquoorganisation

Lrsquoaudit socio-eacuteconomique a privileacutegieacute jusqursquoagrave preacutesent lrsquoeacutevolution des situations construites au sein des organisations par le jeu dialectique des acteurs sans reacutefeacuterence focaliseacutee sur les normes juridiques exogegravenes

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Ce peacuterimegravetre a privileacutegieacute lrsquoanalyse et lrsquoeacutevaluation du jeu des parties prenantes en srsquoaffranchissant de la production de normes leacutegislatives imposeacutees aux organisations Entretemps une avalanche de normalisations en tous genres srsquoest abattue sur les acteurs et les organisations exacerbeacutees par les dynamiques de la mondialisation Il importe deacutesormais de deacutefinir un vaste programme de recherches pour les dix prochaines anneacutees comportant un observatoire des pratiques macro-sociales de la teacutetranormalisation (Savall Zardet 2005) Le peacuterimegravetre de lrsquoaudit socio-eacuteconomique comprend principalement trois des quatre domaines de lrsquoaudit social signaleacutes dans le point 211 les bonnes pratiques de gestion des ressources humaines lrsquoaudit strateacutegique et lrsquoaudit eacutelargi de responsabiliteacute sociale et environnementale Ces trois domaines privileacutegieacutes par lrsquoaudit socio-eacuteconomique ont eacuteteacute structureacutes agrave partir drsquoun ideacuteal-type reacutefeacuterentiel construit au moyen drsquoun processus des recherches-interventions agrave partir drsquoune hypothegravese fondamentale sur lorigine de la destruction de valeur socio-eacuteconomique dans le fonctionnement observable des organisations En revanche lrsquoaudit de conformiteacute aux normes sociales nrsquoa pas eacuteteacute au cœur de la deacutemarche drsquoaudit socio-eacuteconomique Crsquoest pourquoi lrsquoInstitut de Socio-Economie des Entreprises et des Organisations a lanceacute depuis deux ans son programme de recherche sur la teacutetranormalisation en reacuteseau avec des eacutequipes de lrsquoAFC lrsquoAGRH de lrsquoAIMS et de lrsquoADERSE en France ainsi qursquoau plan international en particulier la Division Social Issues in Management de lrsquoAcademy of Management des Etats-Unis Ainsi la synthegravese des quatre domaines de lrsquoaudit social conduit au concept de responsabiliteacute sociale durablement supportable (RSDS) proposeacute par la theacuteorie socio-eacuteconomique des organisations comme une version reacutealiste et partant porteuse de progregraves de la responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise (RSE) Figure 2 Configuration et fonctionnement interne

Theacuteorie de lrsquohommeeacuteclateacute

Theacuteorie de lrsquoeacutetatconflictuel spontaneacutedes organisations etdu dosage conf lit-

coopeacuteration

Theacuteorie duparadigme de la

soumission versusparadigme delrsquoengagementneacutegocieacute (oucontractuel)

Theacuteorie desmicro-pouvoirs

multiformes visibleset cacheacutes de la

totaliteacute des acteurs

Theacuteorie du produit placeacute au cœur de lacoopeacuteration au seinde lrsquoentreprise et aucarrefour des liens

entre acteurs internes(potentiel humain) etles acteurs externes

Theacuteorie de lavertico-

transversaliteacute etrocircle de

l rsquoencadrement (outheacuteorie du chacircteau

drsquoeau)

Theacuteorie de lastrateacutegie desorganisations

assemblage arbitreacutedes strateacutegies despersonnes et des

reacuteseaux

21Configuration etfonctionnement

laquo interne raquo

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23 Concepts de valeur et de rationaliteacute socio-eacuteconomiques Lrsquoaudit socio-eacuteconomique consiste somme toute agrave accroicirctre la valeur socio-eacuteconomique que se partagent les parties prenantes

231 La valeur socio-eacuteconomique Selon la theacuteorie socio-eacuteconomique des organisations elle consiste drsquoune part agrave produire des avantages dits sociaux de nature qualitative touchant agrave la physiologie la psychologie la sociologie bref agrave lrsquoanthropologie et drsquoautre part des avantages dits mateacuteriels ou financiers qui relegravevent de la notion drsquoanthropologie eacuteconomique (cf Maurice Godelier) Figure 3 Theacuteorie anthropologique des besoins multidimensionnels de lrsquohomme au travail

Physiologie

Psychologie

Economie

Sociologie

Avantage financier

Climat socialEmotion affective

Emotionestheacutetique

Anthropologie

Ambiance de travail

La valeur socio-eacuteconomique est donc composite et multidimensionnelle Elle reacutesulte des interactions qui constituent le jeu dynamique des acteurs fondeacute sur le couple dialectique conflit-coopeacuteration (Perroux 1948) dont le dosage est eacuteminemment instable et fluctuant La valeur socio-eacuteconomique comprend deux eacuteleacutements la valeur sociale et la valeur eacuteconomique - la valeur sociale consiste agrave augmenter la satisfaction des parties prenantes dans les domaines ougrave elles ressentent des besoins permanents non parfaitement satisfaits les conditions de travail lrsquoorganisation du travail la communication-coordination-concertation la gestion du temps la formation inteacutegreacutee la mise en œuvre strateacutegique - la valeur eacuteconomique comporte deux sortes drsquoavantages drsquoune part le pouvoir drsquoachat individuel et collectif agrave court terme deacutenommeacute reacutesultat immeacutediat et drsquoautre part un pouvoir drsquoachat diffeacutereacute agrave moyen et long termes deacutenommeacute creacuteation de potentiel qui constitue pour lessentiel un investissement incorporel source de deacuteveloppement durable Les acteurs et les organisations eacutetant censeacutes rechercher la valeur socio-eacuteconomique indispensable agrave leur survie-deacuteveloppement la question se pose de leur rapport agrave lrsquoaudit et agrave ses suites Srsquoagit-il drsquoorganiser des actions coercitives ou eacuteducatives ou hybrides Peut-on mesurer lrsquoefficaciteacute et lrsquoefficience Crsquoest ce que srsquoest efforceacute de faire lrsquoaudit socio-eacuteconomique en proposant un cadre conceptuel et des outils de mesure abondamment expeacuterimenteacutes dans 1150 entreprises et organisations de secteurs et de tailles tregraves varieacutes sur quatre continents depuis une trentaine danneacutees

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232 Le concept de rationaliteacute socio-eacuteconomique La rationaliteacute eacuteconomique est de nature monodimensionnelle et inspire le calcul eacuteconomique traditionnel sexprimant sous forme duniteacutes moneacutetaires Au contraire la rationaliteacute socio-eacuteconomique est multidimensionnelle (figure 3) et correspond agrave un calcul coucirct-avantage ougrave les coucircts sont de nature simultaneacutement physiologique psychologique sociologique et eacuteconomique de mecircme que les avantages rechercheacutes par les acteurs correspondant agrave la diversiteacute de leurs besoins fondamentaux La deacutecision socio-eacuteconomique rationnelle consiste agrave choisir une combinaison de ces diffeacuterents eacuteleacutements qui permette datteindre le niveau de satisfaction (multidimensionnelle) rechercheacute avec un coucirct (multidimensionnel) supportable Ce modegravele (Savall 1977 1979) montre quil existe un tregraves grand nombre de solutions acceptables par les acteurs et correspondant agrave leur grande diversiteacute Le calcul socio-eacuteconomique porte sur des informations qualitatives quantitatives et financiegraveres modeacuteliseacutees dans un arbre de deacutecision socio-eacuteconomique Cas de la strateacutegie contrainte ou exogegravene Cas de la strateacutegie deacutelibeacutereacutee ou endogegravene normes exogegravenes tendance au rejet coucircts cacheacutes non comptabiliseacutes de reacutesistance (exteacuteriorisation)

meacutecanisme de deacutecision deacutecentraliseacutee repose sur lrsquointeacuterecirct eacutelargi des acteurs (rationaliteacute socio-eacuteconomique) tendance agrave lrsquoappropriation performance cacheacutee non comptabiliseacutee lieacutee agrave linteacuteriorisation strateacutegique

24 LrsquoAudit socio-eacuteconomique processus structureacute de changement deacutelibeacutereacute et agrave

impacts mesureacutes Lrsquoanalyse socio-eacuteconomique objet eacuteminemment dynamique en perpeacutetuel mouvement comme la vie humaine et sociale hellip constitue aussi un processus drsquoaccroissement de la valeur socio-eacuteconomique Le rocircle de lrsquo laquo auditeur raquo socio-eacuteconomique nrsquoest pas laquo neutre raquo Son objectif engageacute est explicite il reconnaicirct qursquoil est un acteur parmi les acteurs de lrsquoorganisation auditeacutee dans laquelle il peacutenegravetre pour apporter sa modeste mais reacuteelle contribution agrave lrsquoaccroissement de valeur socio-eacuteconomique repeacutereacutee dans lorganisation La prestation de laquo lrsquoauditeur socio-eacuteconomique raquo comporte une sorte drsquoobligation drsquoun certain reacutesultat qualitatif quantitatif et financier consistant agrave accroicirctre simultaneacutement la performance ou valeur sociale de lrsquoorganisation et sa performance ou valeur eacuteconomique agrave deux deacutetentes reacutesultat immeacutediat et creacuteation de potentiel agrave moyen et long termes

241 Question de la durabiliteacute des effets des prestations de lrsquoaudit social et de lrsquoaudit socio-eacuteconomique

Les deux types drsquoaudit ont un objectif commun agrave savoir instaurer de bonnes pratiques durables au sein des organisations compatibles avec le deacuteveloppement humain - eacutetablir des liens entre les horizons temporels agrave court et moyen termes pour obtenir des reacutesultats immeacutediats (RI) plus importants

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- susciter la creacuteation de potentiel (CP) principalement sous forme drsquoinvestissement incorporel permettant de consolider lavenir de lorganisation Selon la theacuteorie socio-eacuteconomique des organisations lrsquoaccroissement de creacuteation de potentiel

CP (ti) augmente la probabiliteacute du maintien ou de lrsquoaccroissement RI (ti+1) du niveau de reacutesultats immeacutediats de la peacuteriode suivante La baisse des dysfonctionnements constitue une source premiegravere et directe drsquoaccroissement de la satisfaction des parties prenantes personnel managers gouvernance clientsfournisseurs en particulier La reacuteduction des dysfonctionnements produit simultaneacutement une baisse de la destruction de valeur ajouteacutee et produit ipso-facto un accroissement de la performance eacuteconomique Ainsi se constitue une spirale de progregraves successifs gracircce agrave lrsquoeffet drsquoapprentissage de laquo bonnes pratiques sociales raquo durables de la part des acteurs parties prenantes

Lrsquoaudit socio-eacuteconomique srsquoinscrit donc aussi dans une des familles de lrsquoaudit social lrsquoaudit strateacutegique En effet lrsquoobjectif principal est drsquoaccroicirctre la coheacuterence strateacutegique de lrsquoorganisation ce qui a pour effet drsquoaccroicirctre son niveau drsquoefficaciteacute et drsquoefficience eacuteconomique mesureacutee par lrsquoaccroissement du ratio de valeur ajouteacutee par heure dactiviteacute La performance sociale quant agrave elle se mesure par les bilans de reacutealisations drsquoactions drsquoameacutelioration des conditions de travail de lrsquoorganisation du travail de la communication-coordination-concertation de la gestion du temps de la formation inteacutegreacutee de la mise en œuvre strateacutegique agrave partir dentretiens avec les acteurs leacutetude de documents et agrave titre compleacutementaire lobservation directe

Le rocircle de lrsquoauditeur socio-eacuteconomique est celui drsquoun intervenant accompagnant un processus de mise en coheacuterence de la strateacutegie des acteurs telle qursquoils lrsquoont deacutefinie par neacutegociation entre eux cest-agrave-dire au moyen drsquoun jeu de conflit-coopeacuteration eacutevolutif et iteacuteratif creacuteateur de valeur sociale et de valeur eacuteconomique Conclusion Laudit social sest construit progressivement au cours des trente derniegraveres anneacutees Or les pratiques qui sont lobjet danalyse dun audit social constituent un objet complexe et incorporel que lauditeur lobservateur le chercheur ne peuvent observer directement et en temps reacuteel Ils sont donc contraints agrave transiter par les discours des acteurs de lentreprise ou de lorganisation sur leurs propres pratiques Pour obtenir du sens agrave partir de ces discours nous avons eacutelaboreacute et expeacuterimenteacute trois concepts qui constituent aussi des techniques danalyse et de traitement des informations (Savall Zardet 2004) qui constituent la matiegravere des discours dacteurs

- le principe de contingence geacuteneacuterique reconnaicirct agrave chaque situation analyseacutee son caractegravere contingent ET sa contribution agrave une connaissance geacuteneacuterique sur le fonctionnement et les pratiques des organisations reacutefutant par lagrave mecircme la traditionnelle opposition entre contingence et universalisme

- le principe dintersubjectiviteacute contradictoire consiste face agrave limpossibiliteacute dacceacuteder agrave une objectiviteacute des discours agrave confronter les subjectiviteacutes respectives de diffeacuterents acteurs sur les mecircmes situations et pratiques pour en tirer un sens susceptible decirctre partageacute Une collecte dinformations est ainsi organiseacutee aupregraves dacteurs varieacutes tant du point de vue du meacutetier que du niveau hieacuterarchique puis ces acteurs sont reacuteunis pour obtenir un effet-miroir

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quant agrave leurs repreacutesentations respectives et les mener agrave une discussion contradictoire Cette technique utiliseacutee par notre eacutequipe dans plus dun millier dorganisations repreacutesentant plus de 100 000 personnes intervieweacutees permet de faire jaillir des connaissances nouvelles affineacutees produites gracircce au principe dintersubjectiviteacute contradictoire

- le principe dinteractiviteacute cognitive repose sur lhypothegravese selon laquelle la connaissance a une consistance incorporelle volatile et non stockable La connaissance naicirctrait donc de la rencontre de deux ou plusieurs acteurs qui par leurs eacutechanges produisent une connaissance utilisable perceptible formulable produisant des effets sous sa forme de compeacutetence mise en œuvre La technique de linteractiviteacute cognitive consiste agrave organiser des processus dinteractions entre les acteurs de lentreprise ainsi quentre eux et le tiers externe - auditeur intervenant-chercheur - desquels deacutecoule une connaissance nouvelle et diffeacuterente des germes de connaissance porteacutes par chacun des acteurs pris isoleacutement Lintersubjectiviteacute contradictoire est lune des modaliteacutes de linteractiviteacute cognitive Chacun de ces concepts fait lobjet de communications dans cette mecircme Universiteacute de lAudit Social permettant dapprofondir leurs contributions respectives au deacuteveloppement dun audit social dintention scientifique Ces difficulteacutes inheacuterentes au traitement des discours nous permettent de mieux appreacutehender pourquoi il est si complexe de mesurer le social dans les entreprises En repenser les fondements pour mieux organiser les processus et les meacutethodes de laudit social constitue une voie que nous suivons depuis plus de trente ans Laudit social se situe aujourdhui agrave un carrefour dopportuniteacutes il vit une crise de croissance tout en se confrontant aux risques dun deacutevoiement ou dune contamination En effet les attentes des individus des organisations des Etats et des reacuteseaux dacteurs sont fortes face agrave des besoins relatifs au deacuteveloppement durable et aux nouvelles normes de responsabiliteacute sociale et environnementale Ce deacutefi constitue agrave la fois une opportuniteacute et une menace agrave charge pour les acteurs de laudit social de construire des modegraveles et techniques rigoureux et pertinents pour lanalyse leacutevaluation et laction La creacutedibiliteacute agrave long terme de laudit social sera probablement davantage servie par des pratiques scientifiques et techniques rigoureuses et inventives de cette discipline que par la geacuteneacuterositeacute et le souci de justice voire la populariteacute qui caracteacuterisent et leacutegitiment ce champ de theacuteories et de pratiques professionnelles BIBLIOGRAPHIE AILLERET P Essai de theacuteorie de la normalisation Eyrolles 1982

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11

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- laquo Performance eacuteconomique et engagement social de lentreprise jusquougrave est-ce compatible raquo Revue Strateacutegies Ressources Humaines ndeg 9 1994 p 30-38

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SAVALL H ZARDET V BONNET B Libeacuterer les performances cacheacutees des entreprises par un management socio-eacuteconomique paru simultaneacutement en anglais et en espagnol Releasing the untapped potential of enterprises through socio-economic management Mejorar los desempentildeos ocultos de las empresas a traveacutes de una gestioacuten socioeconoacutemica ILO-BIT 2000 180 p

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LES FONDEMENTS DE LrsquoAUDIT SOCIAL DANS LA PERSPECTIVE DE LrsquoAUDIT DE LA RESPONSABILITE SOCIALE DES ENTREPRISES Christian SZYLAR IAS Luxembourg Preacutesident AEPCAS Luxembourg

Introduction Il est utile pour une pratique professionnelle quelle qursquoelle soit de prendre le temps de srsquoarrecircter et de jeter un regard en arriegravere sur ses fondements Une reacuteflexion quant aux fondements drsquoune pratique professionnelle peut mener dans certains cas agrave une profonde remise en cause de ces mecircmes fondements Lrsquoexpeacuterience peut en effet deacutemontrer que les fondements originels nrsquoeacutetaient point assis sur un socle de connaissances suffisamment stable A lrsquoinverse une reacuteflexion quant aux fondements drsquoune pratique professionnelle qui entre temps aurait eacutevolueacute peut mener agrave la constatation que ces fondements ont eacuteteacute quelque peu ignoreacutes ou oublieacutes alors que ces derniers sont toujours valides Dans quel cas nous situons-nous avec lrsquoaudit social Avons-nous pervertis les fondements historiques de lrsquoaudit social suite agrave lrsquoapparition de nouvelles pratiques drsquoaudit sociaux Crsquoest pour apporter une contribution agrave ces questions que lrsquoarticle proposeacute trouve toute sa motivation Il serait ambitieux de vouloir apporter une reacuteponse deacutefinitive agrave cette question dans ce seul article La question meacuterite drsquoecirctre poseacutee puisque les fondements originels de lrsquoaudit social nrsquoont eacuteteacute questionneacutes que suite au deacuteveloppement parallegravele drsquoune pratique de lrsquoaudit appliqueacutee agrave la Responsabiliteacute Sociale de lrsquoEntreprise (laquo RSE raquo) Lrsquoarticle se propose drsquointerroger les fondements de lrsquoaudit social afin de poser la question de leur adeacutequation etou pertinence quant agrave lrsquoaudit de RSE Pour se faire nous avons tenteacute de reacutesumer ces fondements agrave travers une revue de la litteacuterature et cela autour

- du cadre geacuteneacuteral de lrsquoaudit - de la speacutecificiteacute de lrsquoaudit des ressources humaines et des diffeacuterents niveaux drsquoaudit

1 Le cadre geacuteneacuteral de lrsquoaudit

11 Deacutefinitions Deacutefinition de lrsquoaudit ( Vocabulaire laquo des mots pour lrsquoaudit raquo - IASIFACI eacutediteurs 1995) deacutemarche speacutecifique drsquoinvestigation et drsquoeacutevaluation agrave partir drsquoun reacutefeacuterentiel incluant un diagnostic et conduisant eacuteventuellement agrave des recommandations1 Audit qualiteacute ( ISO 8402 ) Examen meacutethodique et indeacutependant en vue de deacuteterminer si les activiteacutes et reacutesultats relatifs agrave la qualiteacute satisfont aux dispositions preacuteeacutetablies si ces dispositions sont mises en œuvre de faccedilon efficace et si elles sont aptes agrave atteindre les objectifs

1 JORAS Michel (1996) laquo Les fondamentaux de lrsquoaudit raquo Editions Preacuteventique p17

1

12 Lrsquoobjet de lrsquoaudit Lrsquoobjectif de principe de lrsquoaudit est de se prononcer sur la qualiteacute drsquoun systegraveme de gestion sur les risques qursquoil encourt sur les potentialiteacutes qursquoil recegravele et sur sa capaciteacute drsquoanticipation2 Lrsquoaudit a ainsi pour fin de renseigner sur le degreacute drsquoefficaciteacute et de fiabiliteacute des systegravemes observeacutes De maniegravere plus geacuteneacuterale il tend agrave srsquoassurer de la creacutedibiliteacute des informations et agrave montrer sur quels points celle-ci peut ecirctre ameacutelioreacutee Lrsquoaudit vise agrave veacuterifier qursquoune institution

a effectivement reacutealiseacute ce qursquoelle affirme avoir fait La deacutemarche drsquoaudit veacuterifie la reacutealiteacute des faits exposeacutes elle confirme ou infirme lrsquoexactitude des mesures et informations collecteacutees elle certifie que les reacutesultats obtenus sont bien ceux qui avaient eacuteteacute annonceacutes et elle indique les eacutecarts avec les objectifs afficheacutes et les effets attendus

lrsquoaccomplit selon les regravegles de lrsquoart La deacutemarche drsquoaudit procegravede par recherche du degreacute de conformiteacute des pratiques agrave la reacuteglementation aux proceacutedures et aux impeacuteratifs juridiques techniques politiques voire scientifiquequi conditionnent la qualiteacute des actions conduites Elle srsquoassure que les moyens mis en œuvre lrsquoont eacuteteacute de maniegravere optimale (efficience)

est capable de reacutealiser ce qursquoil dit vouloir faire La deacutemarche drsquoaudit examine la coheacuterence des deacutecisions prises des deacutemarches engageacutees entre elles et avec les strateacutegies deacutefinie comme avec les moyens mis en œuvre Elle permet de se prononcer sur la pertinence des choix opeacutereacutes et sur le degreacute de fiabiliteacute du fonctionnement

peut connaicirctre et estimer les risques qursquoelle court Sur chacun de ces trois objets drsquoinvestigation lrsquoaudit srsquoattache agrave deacutetecter et mesurer les risques courus inventorier les potentialiteacutes et estimer le degreacute de flexibiliteacute du systegraveme de fonctionnement de lrsquoorganisation auditeacutee

peut anticiper sur lrsquoeacuteveacutenement pour maicirctriser les changements Par ses projections et simulations auxquelles il peut proceacuteder lrsquoaudit apporte des eacuteleacutements permettant de voir si lrsquoentreprise est en eacutetat de reacuteagir positivement face aux incertitudes de lrsquoavenir

13 Ce que produit lrsquoaudit A lrsquooccasion de sa veacuterification lrsquoaudit

Procegravede agrave un eacutetat des lieux Traduit son examen en un constat de la situation ( potentialiteacutes drsquoune institution anomalies et dysfonctionnements de marche) Identifie les risques courus eacutevalue leur importance et met en lumiegravere les conditions de leur apparition

2 VATIER Raymond (1995) laquo Lrsquoaudit social meacutethode drsquoeacutevaluation et diagnostic raquo ANDCP Personnel ndeg365 deacutecembre 1995

2

Indique les points ougrave doivent se placer des controcircles et des systegravemes de reacutegulation ( en cela il est le controcircle des controcircles) Ce faisant lrsquoaudit a pour effet de diminuer le risque de laisser passer une erreur une faute ou une fraude majeure dans lrsquoinformation

14 Meacutethodologie de lrsquoaudit

Les diffeacuterentes opeacuterations de lrsquoaudit CANDAU P ( 1985) laquo Audit social raquo Edition Vuibert Gestion Paris 1985 p64 Deacutemarche de lrsquoaudit CANDAU P ( 1985) laquo Audit social raquo Edition Vuibert Gestion Paris 1985 p68

Recueil drsquoinformations

Analyse Veacuterification

Evaluation Recommandation

Indicateur

N

Problegraveme

Estimationdes

conseacutequences

ucirct

Hieacuterarchie des problegravemes

Diagnostic des causes

Indicateurs + Normes

Reacutefeacuterentiels Reacutefeacuterentiel

Deacutetermination desActions possiblesSuivi Evaluation

de lrsquoefficaciteacute d lrsquo dit

Mise en oeuvre

Recommandation

Reacutefeacuterentiels

Reacutefeacuterentiels

Non fait par lrsquoauditeur

3

La deacutemarche geacuteneacuterale de lrsquoaudit EGG Georges (1987) laquo Audits des emplois et gestion preacutevisionnelle des ressources humaines raquo les eacuteditions drsquoOrganisation 1987 p42-44 Situer lrsquoentreprise ou lrsquoeacutetablissement Recenser les activiteacutes lrsquoorganisation les moyens techniques les reacutegimes de travail les reacutesultats techniques et eacuteconomiques Les moyens sur dossier par une visite des installations principales Connaissance de lrsquoinstitution G LE BOTERF P DUPOUEY F VIALLET (1985) laquo Lrsquoaudit de la formation professionnelle raquo Les Editions drsquoOrganisation Paris 1985 p85 Evolution des activiteacutes des produits ou des services fournis par lrsquoinstitution croissance numeacuterique speacutecialisation ou diversification qualiteacute simplification ou complexification

Les grandes eacutetapes les tournants qui marquent lrsquohistoires de lrsquoinstitution

Evolution du chiffre drsquoaffaires ( en volume reacutepartition selon les activiteacutes ou les secteurs)

Les eacuteveacutenements qui ont influenceacute lrsquoeacutevolution de lrsquoinstitution et les mentaliteacutes de ceux qui y vivent

Evolution technologique (techniques de production modernisation des ateliers)

Evolution du personnel (effectif origine qualification acircge deacuteparts ou recrutements significatifs)

Evolution commerciale (marcheacute clients concurrence exigences de lrsquoenvironnement)

Evolution de lrsquoorganisation interne (reacutepartition des pouvoirs et des responsabiliteacutes reacutepartition des services et des secteurs organigrammes centralisation et deacutecentralisation)

Evolution des installations et de lrsquoimplantation geacuteographique

Evolution de lrsquoimage de marque de lrsquoinstitution et de la repreacutesentation qursquoelle entend se donner sur le marcheacute ou dans lrsquoenvironnement (document de preacutesentation brochure publicitaire logotype style des installations)

Evolution de lrsquoorganisation et des techniques de gestion (distribution des tacircches circuit des documents de gestion informatisation relation et communication entre les services et les secteurs)

4

Poser le problegraveme

Qui demande lrsquoaudit quelle est sa place dans lrsquoentreprise ou en dehors quel est son pouvoir drsquointervention dans lrsquoaudit Quelle est la question poseacutee quelle a eacuteteacute le fait deacuteclencheur Des pressions sont-elles exerceacutees administratives syndicaleshellip Qursquoest-ce qui fait vraiment problegraveme dans quel secteur pour quelle cateacutegorie de personnel Quelles seraient les conseacutequences du statu quo Quels sont les services instances et personnes concerneacutes par lrsquoaudit (deacutecideurs parties prenantes ou inteacuteresseacutees par le reacutesultat)

Etablir un plan de travail et le faire approuver

Rappel du problegraveme Deacutelimitation du champ Sources drsquoinformation Meacutethode de travail

- Relation auditeur-entreprise expertise solidaire reacuteunions peacuteriodiques avec le groupe pilote audit participatifhellip - Recueil des donneacutees entretien reacuteunions dossiers statistiqueshellip - Etudes approfondies observations terrain mesures physiques examens meacutedicaux enquecirctes expeacuterimentationhellip

Restrictions eacuteventuelles de consultation et de diffusion Destinataires et modaliteacutes des retours drsquoinformation Moyens neacutecessaires et coucircts Deacutelai calendrier

Rechercher et controcircler lrsquoinformation eacutetape analytique

Construire un reacutefeacuterentiel et choisir des indicateurs (agrave preacuteciser et affiner au fur et agrave mesure de la collecte des donneacutees) Rassembler et traiter les documents reacuteglementaires conventionnels et de synthegravese (interne externe) historiques statistiques conventions monographies normes formelles Rechercher les documents de gestion approprieacutes compte rendus drsquoaccident fiches de paie deacutefinitions de fonctionhellip Analyser les proceacutedures leur fonctionnement leurs reacutesultats Recueillir les informations jugements et suggestions sur le(s) problegraveme(s) Proceacuteder aux observations et mesures sur le terrain Recouper et syntheacutetiser les diffeacuterentes informations

5

Traiter lrsquoinformation eacutetape inductive

Partant des faits il srsquoagit de reconstruire le fonctionnement reacuteel et de le comparer au fonctionnement de reacutefeacuterence Mettre en eacutevidence les eacutecarts agrave la norme et leurs conseacutequences Preacuteciser les enjeux eacuteconomiques et sociaux Hieacuterarchiser les problegravemes mis agrave jour Imaginer des solutions et les moyens neacutecessaires Identifier les reacutesistances probables aux solutions envisageacutees et la faccedilon de les reacuteduire (contrepartie reacutepartition diffeacuterente des rocircles formation informationhellip)

Etablir des recommandations Preacuteciser

Les conditions de leur efficaciteacute Les instruments du controcircle de leur efficaciteacute Les moyens neacutecessaires leur deacutelai de mise en place et leur coucirct Les reacutesultats attendus

Rendre compte et informer

Etablir le rapport drsquoaudit destineacute au prescripteur (synthegravese et deacuteveloppements annexeacutes) il doit comprendre quatre parties

Le rappel du problegraveme poseacute de sa deacutelimitation et de ses enjeux La nature le deacuteroulement et le reacutesultat des investigations qui ont eacuteteacute meneacutees Les commentaires de lrsquoauditeur Les recommandations permettant drsquoameacuteliorer la situation preacutesente Adresser les copies aux destinataires convenus

Discuter le rapport avec les inteacuteresseacutes et enregistrer les conclusions Preacuteparer le cas eacutecheacuteant les preacutesentations orales destineacutees aux instances et comiteacutes eacutelus et aux responsables hieacuterarchiques

Participer eacuteventuellement agrave la mise en place des recommandations

Deacutefinition preacutecise des proceacutedures Preacuteparation des responsables

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Les principes amp devoirs de lrsquoauditeur Professionnalisme et deacuteontologie Michel JORAS (1996) laquo Les fondamentaux de lrsquoaudit raquo Editions Preacuteventiques Bordeaux 1996pp58-63 Indeacutependance Indeacutependant par rapport au sujet agrave lrsquoeacutegard

des responsables Etre impartial Rester ferme dans ses conclusions malgreacute les pressions

Objectiviteacute Etre objectif (donner une repreacutesentation fidegravele) Examiner une mecircme question sous diffeacuterents aspects Recueillir avec la mecircme attention les informations et avis Deacutegager ses conclusions des faits eux mecircme et non drsquoune thegravese agrave priori

Discreacutetion Garantir la confidentialiteacute Obligation de lrsquoauditeur de ne pas porter de jugement affectant la vie priveacutee des personnes (limite compeacutetence - personnaliteacute)

Devoirs ou obligations Respecter les obligations eacutedicteacutees dans sa lettre de mission Obligation de moyens

Compeacutetence requises Savoir ou connaissances speacutecifiques agrave lrsquoactiviteacute Savoir mis en pratique savoir-faire aptitudes Intelligence personnelle et professionnelle capaciteacute Lrsquoenvie la volonteacute de mettre en œuvre ses compeacutetences et de les deacutevelopper

Qualification des auditeurs Quatre niveaux de qualification 1 Directeur de lrsquoaudit 2 Responsable drsquoaudit chef de mission

manager 3 Auditeur qualifieacute senior 4 Auditeur en cours de formation stagiaire

ou junior

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2 Audit des Ressources Humaines

21 Deacutefinition Audit social pratiques par lesquelles lrsquoaudit srsquoapplique au systegraveme de gestion des ressources humaines du pilotage social et des relations sociales3 Audit de personnel (STEPHEN)4 est une analyse des politiques programmes et pratiques drsquoune organisation et lrsquoeacutevaluation de leur efficience et de leur efficaciteacute Audit social (VATIER)5 est laquo un instrument de direction et de gestion et une deacutemarche drsquoobservation qui agrave lrsquoinstar de lrsquoaudit financier ou comptable dans son domaine tend agrave estimer la capaciteacute drsquoune entreprise ou drsquoun organisation agrave maicirctriser les problegravemes humains ou sociaux que lui pose son environnement et agrave geacuterer ceux qursquoelle suscite elle-mecircme par lrsquoemploi du personnel neacutecessaire agrave son activiteacute raquo Audit social (CANDAU)6 deacutemarche objective indeacutependante et inductive drsquoobservation drsquoanalyse drsquoeacutevaluation et de recommandation reposant sur une meacutethodologie et utilisant des techniques permettant par rapport agrave des reacutefeacuterentiels explicites drsquoidentifier dans une premiegravere eacutetape les points forts les problegravemes induits par lrsquoemploi du personnel et les contraintes sous formes de coucircts et de risques Ceci conduit agrave diagnostiquer les causes des problegravemes deacuteceleacutes agrave en eacutevaluer lrsquoimportance et enfin agrave aboutir agrave la formulation de recommandations ou propositions drsquoaction qui ne sont jamais mises en œuvre par lrsquoauditeur Audit social (Alain COURET amp Jacques IGALENS)7 Lrsquoaudit social aura pour mission drsquoanalyser chaque facteur de risque et de proposer les recommandations de nature agrave les reacuteduire J IGALENS distingue quatre cateacutegories de risques sociaux

Risque de non respect des textes Risque drsquoinadaptation des politiques sociales aux attentes du personnel Risque drsquoinadaptation des besoins aux ressources humaines Risque drsquoenvahissement des preacuteoccupations sociales

22 Speacutecificiteacute

La speacutecificiteacute de lrsquoaudit social se fonde essentiellement sur la nature du domaine auditeacute qui deacutetermine lrsquoutilisation de certaines meacutethodes et techniques propres agrave ce type drsquoaudit La fonction ressources humaine a une dimension qualitative qui infleacutechit la meacutethodologie et en particulier dans le recueil drsquoinformations et dans la recherche de reacutefeacuterentiels speacutecifiques Remarques

3 VATIER Raymond (1995) laquo Lrsquoaudit social meacutethode drsquoeacutevaluation et diagnostic raquo ANDCP Personnel ndeg365 deacutecembre 1995 4 LG STEPHENS (1970) laquo Personnel Audit Recommended raquo The personnel administrator vol 15 ndeg6 nov-dec 1970 pp 9-14 5 VATIER Raymond (1980) laquo Lrsquoaudit social un instrument utile au pilotage des entreprises et des organisations raquo Enseignement et Gestion ndeg16 Hivers 1980 p25 6 CANDAU P ( 1985) laquo Audit social raquo Edition Vuibert Gestion Paris 1985 p51 7 A COURET et J IGALENS Audit social PUF 1988

8

Parmi les divers champs agrave auditer dans la gestion de lrsquoentreprise celui des ressources humaines et du pilotage prend en compte des faits de nature technique eacuteconomique et juridique Par la nature mecircme des choses on est ameneacute agrave recueillir des donneacutees suppleacutementaires qui sont de nature psychologique et sociologique Il en deacutecoule certaines contraintes qui affectent les pheacutenomegravenes agrave observer la faccedilon drsquoobserver les modes drsquointerpreacutetation des reacutesultats et la qualification des auditeurs speacutecialiseacutes en cette matiegravere8

23 Champ drsquoanalyse Le Traitement de lrsquoInformation Sociale MARTORY B (1992) laquo Les tableaux de bord sociaux raquo Editions Nathan Paris 1992 p23

INDIVIDUEL

OBJECTIF SUBJECTIF

Pyramide des acircges

Masse Salariale

Gestion preacutevisionnelle des objectifs

Climat Comportements

Conditions de Travail

Potentiel individuel Appreacuteciation

Carriegraveres

Salaires individuels

Absenteacuteisme

Turn over

Formation

Formatio

COLLECTIF

9

8 VATIER Raymond (1995) laquo Lrsquoaudit social meacutethode drsquoeacutevaluation et diagnostic raquo ANDCP Personnel ndeg365 deacutecembre 1995

24 Typologie Preacutesentation des diffeacuterents types drsquoaudits des Ressources Humaines IGALENS Jacques (1994) laquo Audit des Ressources Humaines raquo 2egraveme eacutedition Editions Liaisons p8 Temps Niveau

Passeacute Preacutesent Futur

Entiteacute Audit du climat social Individu Audit des performances Audit des potentiels Preacutesentation des diffeacuterents types drsquoaudits des Ressources Humaines (bis) CANDAU P ( 1985) laquo Audit social raquo Edition Vuibert Gestion Paris 1985 Audit social Meacutethodologie de lrsquoaudit social ( processus de

lrsquoaudit et les bases de la mesure) Outils et techniques de lrsquoaudit social Outils et techniques pour le recueil drsquoinformations Outils et techniques drsquoanalyse Techniques de preacutesentation des reacutesultats

Audit de lrsquoabsenteacuteisme Notion amp mesure de lrsquoabsenteacuteisme Meacutethodes drsquoanalyse de lrsquoabsenteacuteisme Diagnostic des causes drsquoabsence

Audit de lrsquoemploi et du recrutement Lrsquoanalyse de lrsquoemploi ( quantitative qualitative) Audit de la gestion preacutevisionnelle des emplois Audit du recrutement

Audit de la paye Audit de la reacutemuneacuteration Audit des politiques salariales

Audit de la masse salariale Audit de la structure salariale

Audit de la formation Le processus de la formation Recueil drsquoinformation et identification des problegravemes Diagnostic des causes et des recommandation

Construction drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence (preacuteoccupations dominantes de lrsquoaudit social)

Le personnel comme acteur des performances de lrsquoentreprise La flexibiliteacute due au potentiel de ressources humaines de lrsquoentreprise La qualiteacute du mode de gestion laquo des ressources humaines et des relations sociales raquo

Le diagnostic de la qualiteacute des preacutevisions et des plans drsquoorientation

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1 AUDIT DE CONFORMITE9 Il permet drsquoappreacutecier la conformiteacute des pratiques aux regravegles applicables dans lrsquoentreprise et de porter un jugement sur la qualiteacute des informations OBJECTIFS

DOMAINES

Garantir la qualiteacute de lrsquoinformation

1 Lrsquoexamen de ces information doit reacutepondre aux exigences de lrsquoaudit

caractegravere professionnel reacutesultant drsquoune meacutethode de techniques et drsquooutils speacutecifiques reacutefeacuterence agrave des critegraveres de qualiteacute (reacutegulariteacute efficaciteacute fideacuteliteacute) Utilisation de normes expression drsquoune opinion agrave travers un jugement identification des risques formulation drsquoun certain nombre de preacuteconisations accroissement de lrsquoutiliteacute de lrsquoinformation par lrsquoameacutelioration de sa creacutedibiliteacute et de sa fiabiliteacute

2 La mission de controcircle porte en particulier sur les informations communiqueacutees aux repreacutesentants du personnel les informations fournies agrave lrsquoexteacuterieur (administration organismes sociaux actionnaires groupements professionnels) et en particulier le bilan social les informations diffuseacutees aux salarieacutes les informations utiliseacutees dans le cadre de lrsquoadministration et de la gestion du personnel les informations permettant des prendre les deacutecisions en matiegravere de ressources humaines

Assurer le respect des dispositions leacutegales reacuteglementaires ou conventionnelles

La reacuteglementation applicable en matiegravere de GRH est particuliegraverement importante Lrsquoauditeur en controcircle le respect et eacutevalue les risques encourus du fait drsquoune application insuffisante

Assurer lrsquoapplication des instructions de la direction

Pour mettre en œuvre leur politique de GRH les entreprises eacutelaborent un ensemble de proceacutedures (guides manuels notes de service) lrsquoauditeur social collecte ces documents et en controcircle le respect

9 PERETTI laquo La fonction Personnel raquo

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2 AUDIT DrsquoEFFICACITE Les audits drsquoefficaciteacute reacutepondent aux deux questions suivantes

Les reacutesultats sont-ils conformes aux objectifs Les reacutesultats ont-ils eacuteteacute acquis aux moindres coucircts

Pour conforter et asseoir les preacuteconisations lrsquoauditeur est ameneacute agrave examiner non seulement les reacutesultats obtenus mais aussi lrsquoensemble du processus par lequel ils ont eacuteteacute produits Lrsquoaudit drsquoefficaciteacute recouvre lrsquoaudit des proceacutedures Ils reacutepond aussi aux questions

Les proceacutedures de gestion internes correspondent-elles aux objectifs deacutefinies Les proceacutedures peuvent-elles ecirctre alleacutegeacutees ou ameacutelioreacutees pour atteindre plus facilement les objectifs viseacutes

Au delagrave des reacutesultats lrsquoauditeur deacutegage les conseacutequences preacutevues et impreacutevues de lrsquoaction (effets pervers coucircts dysfonctionnement induits) Les principales missions drsquoaudit drsquoefficaciteacute concernent les pratiques en matiegravere drsquoemploi (recrutement deacuteparts) de reacutemuneacuterations (qualification individualisation) de formation drsquoameacutenagement des temps Critegraveres de reacutefeacuterence Efficaciteacute Efficience

Capaciteacute drsquoune organisation agrave atteindre le but qursquoelle srsquoest fixeacute

Capaciteacute agrave ecirctre efficace au moindre coucirct

Quatre niveaux drsquoeacutevaluation

la coheacuterence des proceacutedures avec les choix de lrsquoentreprise en matiegravere de politique sociale ((les proceacutedures sont-elles le reflet exact des politiques deacutefinie ) la coheacuterence des pratiques pour lrsquoensemble des aspects de la gestion sociale (reacutemuneacuteration et gestion de carriegravere par exemple) et la coheacuterence des proceacutedures de gestion et drsquoadministration entre eacutetablissements la pertinence des proceacutedures crsquoest agrave dire leur capaciteacute agrave provoquer les reacutesultats attendus lrsquoefficience des proceacutedures crsquoest agrave dire le rapport du coucirct de leur mise en œuvre sur les reacutesultats obtenus

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3 AUDIT STRATEGIQUE Lrsquoaudit strateacutegique correspond agrave une double preacuteoccupation

Les politiques de GRH sont-elles conformes aux objectifs poursuivis par lrsquoentreprise agrave sa strateacutegie globale et agrave sa strateacutegie sociale Chaque volet de la politique sociale est-il formuleacute et adapteacute aux speacutecificiteacute de lrsquoentreprise et agrave lrsquoeacutevolution de son environnement Lrsquoauditeur doit veacuterifier eacutegalement la coheacuterence entre les principes directeurs des politiques de GRH et les valeurs afficheacutees par lrsquoentreprise dans son projet culturel

La traduction des grands choix de la politique sociale en plans et programmes est-elle reacutealiseacutee Lrsquoauditeur srsquointeacuteresse aux diffeacuterentes composantes de la seacutequence strateacutegique (diagnostic deacutefinition mise en œuvre controcircle) et en particulier aux modaliteacutes de suivi et drsquoeacutevaluation permettant drsquoadapter les politiques aux eacutevolutions internes et externes Recueil drsquoinformations laquo Pour mon compte ma meacutethode nrsquoa jamais varieacute depuis le premier roman que jrsquoai eacutecrit Jrsquoadmet trois sources drsquoinformation les livres qui me donnent le passeacute les teacutemoins qui me fournissent soit par des œuvres eacutecrites soit par des conversations des documents sur ce qursquoils ont vu ou sur ce qursquoils savent et enfin lrsquoobservation personnelle directe ce qursquoon va voir entendre ou sentir sur place raquo Emile ZOLA in laquo Les droits du romancier raquo Un Systegraveme drsquoInformation Sociale10 Etre informeacute pour administrer le personnel - les obligation administratives permanentes de la fonction personnel ( audit de conformiteacute)

le suivi des diffeacuterents types drsquoeffectifs leacutegaux la reacuteponse aux sollicitation des administration sociale du travail lrsquoapplication au jour le jour de dispositions eacutevolutives de la leacutegislation sociale la mise en forme des DAS le suivi de la formation et la mise en place des plans de formation lrsquoeacutelaboration annuelle du bilan social

Etre informeacute pour deacutecider - les opeacuterations de la gestion courante du personnel

comment connaicirctre peacuteriodiquement et preacuteciseacutement lrsquoeacutetat des effectifs Comment ecirctre susceptible de proposer rapidement le nom des quelques speacutecialistes dont lrsquoentreprise a besoin pour une opeacuteration deacutecisive de quelle maniegravere suivre les grands dysfonctionnement sociaux absenteacuteisme Turn over Conflits Quelles en sont les conseacutequences financiegraveres comment envisager lrsquoeacutevolution de la masse salariale et des coucircts salariaux

10 MARTORY B (1992) laquo Les tableaux de bord sociaux raquo Editions Nathan Paris 1992 pp12-15

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comment appreacutecier les effets drsquoun changement de la reacuteglementation sociale sur les temps et rythmes de travail par quelle voie appreacutecier la performance individuelle ou drsquoun groupe en vue drsquoameacuteliorer la motivation

- Les conseacutequences sociales des choix eacuteconomiques de lrsquouniteacute

comment analyser une implantation dans un nouvel environnement eacuteconomique combien coucircte le retour drsquoun produit un incident de machine un arrecirct de production quelles sont les conseacutequences socio-eacuteconomiques drsquoun changement drsquoorganisation de mode de production de suppression du travail de nuit comment appreacutecier lrsquoincidence drsquoune opeacuteration drsquoameacutelioration des conditions de travail drsquoameacutenagement des temps et des rythmes de production comme la suppression du travail posteacute

Etre informeacute pour un meilleur pilotage social Pilotage Social = Objectifs + Reacutegulations + Controcircle des eacutecarts

Assigner des objectifs - Objectifs sociaux Exemple assurer un rajeunissement progressif de la main drsquoœuvre - Sous objectif sociaux Exemple reacutealiser lrsquoadaptation du personnel pour tenir compte du changement du mode de production Le systegraveme drsquoinformation - formalise et preacutesente les objectifs - conduit agrave la mise en forme du plan social qui preacutesente les choix strateacutegiques de lrsquouniteacute

Ajuster la route suivie compte tenu des modifications de lrsquoenvironnement Le systegraveme drsquoinformation - fournit au jour le jour des donneacutees objectives qualifiant les eacutevolutions de lrsquoenvironnement - permet drsquoeacutelaborer des indicateurs peacuteriodiques - approvisionne en informations eacuteleacutementaires les eacutetudes ponctuelles qui eacuteclairent les deacutecisions sociales

Appreacutecier et eacutetudier les eacutecarts agrave lrsquohorizon choisi deacutefinir de nouveau objectifs Le systegraveme drsquoinformation - deacutetermine les eacutecarts sur objectifs mesure et deacutecompose certains drsquoentre eux - permet la deacutetermination des causes drsquoeacutecarts et de responsabiliteacute - sert de base agrave la fixation des nouveaux objectifs ( plan social )

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Sources documentaires Sources drsquoInformation Ecrite CANDAU P ( 1985) laquo Audit social raquo Edition Vuibert Gestion Paris 1985 pp120-122 Domaines Documents Source 1 EMPLOI

11 Effectif Etat des effectifs 12 Structure (Age sexe qualification)

Bilan Social Registre du personnel Fichiers

RH

13 Types de contrats Dossiers individuels Contrats avec entreprises exteacuterieures Registres du personnel

RH amp service Administratif

14 Mouvements Deacuteclarations annuelles agrave - la preacutefecture - DDTE - Caisse de seacutecuriteacute sociale

Fichiers Contrats de travail

RH Services Administratifs RH RH

15 Recrutement Proceacutedures Plans

RH

2 REMUNERATION

21 Salaires Conventions collectives Objectifs Deacuteclarations annuelles des salaires (DAS) Livre de paie Archives Accords drsquoentreprise et drsquoeacutetablissement Bulletins de salaires

RH RH Comptabiliteacute RH RH amp comptabiliteacute

22 Participation Dossiers individuels Bordereaux de versement

RH Comptabiliteacute

23 Avantages sociaux Budgets Accords Bilan social

Comptabiliteacute RH RH

24 Charges sociales Compte drsquoexploitation Comptabiliteacute 25 Oeuvres sociales Bilan social

Compte drsquoexploitation Compte du CE

RH Comptabiliteacute

15

Domaines Documents Source 3 CONDITIONS DE

TRAVAIL

31 Seacutecuriteacute - accidents - maladies professionnelle

Bilan social Notification agrave la caisse drsquoassurance maladie Deacuteclaration agrave la Seacutecuriteacute sociale Rapport annuel au meacutedecin du travail PV CHSCT

RH

32 Ameacutelioration des conditions de travail

Rapport meacutedecin Carte de son CE Bilan Social

RH RH

4 DUREE DU TRAVAIL

41 Horaires Regraveglement inteacuterieur Accord drsquoentreprise

RH RH

42 Chocircmage Deacuteclaration agrave la DDTE Livre de paye

RH Comptabiliteacute

43 Congeacutes Accord drsquoentreprise Registre du personnel

RH RH

44 Absenteacuteisme Deacuteclaration agrave la Seacutecuriteacute Sociale

RH amp Comptabiliteacute

5 DEPENSES 51 Deacutepenses Objectifs

Etat Frais non deacuteductibles

RH Comptabiliteacute

52 Structure Bilan social Etat (2483)

RH

53 Dureacutee Dossier du personnel RH 54 Modaliteacutes Plan de formation

Avis du CE Demandes eacutecrites des inteacuteresseacutes

RH RH

55 Apprentissage Registre du personnel Contrats transmis agrave lrsquoadministration Taxes drsquoapprentissage

RH RH Comptabiliteacute

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Domaines Documents Source 6 RELATIONS SOCIALES

61 Elections PV des eacutelections RH 62 Fonctionnement Bons de deacuteleacutegation

Budget (versement CE) RH

621 Nombre de reacuteunions Bilan social Comptabiliteacute 622 Nombre de commissions CE

Bilan social Dossier

Comptabiliteacute RH

63 Revendications Tracts Cahier revendications Compte rendus PV Panneaux drsquoaffichage

RH RH RH

64 Conflits Dossier du service du personnel

RH

65 Accords Accords et avenants Notes Instructionsrecommandations

66 Contentieux Dossiers Instances Registre des mises en demeures et PV de lrsquoinspection du travail

Sources juridiqueRH

67 Information amp communication

Journal drsquoentreprise Publications internes Groupes drsquoexpression Bilan social

RH RH RH

7 ORGANISATION

Organigrammes Deacutefinitions de fonctions Plans objectifs Politiques proceacutedures Instructions meacutemos Budgets Opeacuterations particuliegraveres en cours Type de controcircle

RH RH RH amp Direction RH Comptabiliteacute RH RH Comptabiliteacute Controcircle de gestion

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Conclusion Telles sont les bases fondamentales de lrsquoaudit social telles qursquoelles ont eacuteteacute expliciteacutees dans la litteacuterature La question est de savoir maintenant si ces fondements peuvent toujours srsquoappliquer agrave lrsquoaudit de RSE Sur base des pratiques drsquoaudit RSE tels que reacutealiseacutes par certains cabinets speacutecialiseacutes ou par certains auditeurs indeacutependants il apparaicirct clairement qursquoun certain nombre de fondements ne srsquoy retrouvent pas ou tout du moins pas encore par manque de maturiteacute En effet le champs mecircme de lrsquoaudit de RSE peut precircter agrave confusion et le paramegravetre mecircme de lrsquoaudit nrsquoest pas encore clairement eacutetabli Comment est-il possible drsquoappliquer ces fondements alors que le sujet nrsquoest pas encore clairement deacutefini et seacutegreacutegeacute Par ailleurs le niveau drsquoaudit au niveau de la RSE pose aussi des difficulteacutes drsquoordre meacutethodologiques est-ce que nous nous situons agrave un audit de conformiteacute drsquoefficaciteacute strateacutegique Si nous posons lrsquoaudit de RSE vis-agrave-vis drsquoune norme telle que la norme SA8000 alors nous nous trouvons plus dans le champs de la laquo Compliance raquo telle que le Comiteacute de Bacircle vient de la deacutefinir en Avril 2005 et non plus vraiment dans le champs de lrsquoaudit Il serait donc inteacuteressant de reprendre chacun de ces principes fondamentaux de lrsquoaudit social et de les confronter aux pratiques actuelles en matiegravere de drsquoaudit de RSE mais cet exercice ne peut se faire dans cet article mais constituera la base drsquoune prochaine communicationhellip

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ETHIQUE RESPONSABILITE SOCIALE AUDIT SOCIAL ET DEVELOPPEMENT DURABLEhellip QUEL BILAN ET QUELLES PERSPECTIVES DrsquoAVENIR Ivan TCHOTOURIAN ATER agrave lrsquoUniversiteacute Nancy 2

Introduction laquo Il y a quelques anneacutees encore il eacutetait habituel de dire que le monde de la finance nrsquoeacutetait pas concerneacute par le deacuteveloppement durable au preacutetexte qursquoune banque une compagnie drsquoassurance une socieacuteteacute de gestion drsquoactifs ne polluent pas Aujourdrsquohui cette affirmation nrsquoest plus drsquoactualiteacute raquo1 Selon la Commission europeacuteenne laquo le concept de responsabiliteacute sociale des entreprises est deacutefini comme lrsquointeacutegration volontaire par les entreprises de preacuteoccupations sociales et environnementales agrave leurs activiteacutes commerciales et leurs relations avec les parties prenantes raquo2 Ainsi est mise en lumiegravere la volonteacute de doter la globalisation de regravegles sociales et eacutecologiques tout en laissant les opeacuterateurs eacuteconomiques choisir agrave cette fin celles qui leur sont le mieux adapteacutees Reacutepondant agrave la prise de conscience collective face agrave la crise eacuteconomique sociale culturelle du XXegravemes et aux bouleversements de la science et de ses applications technologiques3 lrsquoeacutethique paraicirct ecirctre au cœur de ses preacuteoccupations environnementales et sociales laquo Lrsquoentreprise est pour lrsquohomme et non lrsquohomme pour lrsquoentreprise raquo4 La rentabiliteacute la productiviteacute le marketing la publiciteacute ne sont des eacuteleacutements agrave prendre en compte qursquoagrave une fin supeacuterieure le bien commun hellip ce qui implique drsquoeacuteviter dans la mesure du possible les deacutelocalisations de ne recourir aux licenciements qursquoen derniegravere extreacutemiteacute de prendre en compte lrsquoenvironnement hellip laquo En cette fin de siegravecle ougrave lrsquoon relegraveve souvent la reacutegression des valeurs morales traditionnelles il peut paraitre paradoxal de constater qursquoil nrsquoa jamais eacuteteacute autant question drsquoeacutethique de moraliteacute ou de deacuteontologie (hellip) raquo5 Si la prise en compte de la morale nrsquoest pas un pheacutenomegravene purement hexagonal son aspect national nous inteacuteresse plus particuliegraverement laquo [L]a vie des affaires a soif de morale raquo6 Il apparait que le monde de lrsquoentreprise et des affaires ne peut se passer de morale tant laquo la veacuteritable sanction qui est implicite dans les contrats drsquoaffaires est la perte de moraliteacute crsquoest-agrave-dire le discreacutedit raquo7

1 Guide Financement et deacuteveloppement durable laquo Enjeux et responsabiliteacute raquo juin 2005 p1 Introduction 2 Communication de la Commission concernant la responsabiliteacute sociale des entreprises du 2 juillet 2002 (COM [2002] 347) sect 3 3 A propos de la perception de la fragiliteacute de la nature E Reynaud laquo La protection de lrsquoenvironnement par lrsquoentreprise raquo Ethique Economique Entreprise et Environnement Eska 1998 p89 et s 4 P Le Tourneau laquo Sur lrsquoentreprise au risque de lrsquoeacutethique raquo RJCom 2004 p219 speacutec p220 5 D Devos et J-V Louis avant-propos Lrsquoeacutethique des marcheacutes financiers eacuted de lrsquoULB 1991 Bruxelles

1

Au-delagrave de la deacutefinition des concepts en jeu lrsquoeacutethique environnementale et sociale semble intervenir agrave deux niveaux laquo Cette eacutethique raquo8 a un impact non seulement dans le cadre de la pratique des affaires (I) mais eacutegalement dans le cadre des techniques juridiques du monde marchand (II) Au cœur de cette intervention nous tenterons de mettre en application au strict domaine des donneacutees environnementales et sociales la vision de lrsquoeacutethique que nous avons exposeacute de maniegravere theacuteorique au cours drsquoun colloque consacreacute agrave la responsabiliteacute sociale des entreprises9

1 Ethique environnementale et sociale et pratique de affaires

11 Inteacuterecircts drsquoune deacutemarche responsablehellip

111 hellip Inteacuterecircts geacuteneacuteraux laquo la performance sociale et environnementale ne peut pas exister sans la performance eacuteconomique raquo10

En premier lieu la responsabiliteacute sociale preacutesente lrsquoavantage de faire acceacuteder les entreprises agrave lrsquounivers de reacutefeacuterence laquo eacutethique raquo des investisseurs et agrave renforcer la valeur eacuteconomique de lrsquoentreprise Pour les grandes entreprises la promotion de la responsabiliteacute sociale et environnementale permet drsquoaccroicirctre les performances commerciales et financiegraveres de reacuteduire le coucirct des risques industriels et eacutecologiques et de renforcer leur compeacutetitiviteacute Pour les PME une telle promotion influe sur leur image et sur les possibiliteacutes de financement et de cotraitance (avec les grandes entreprises soumises agrave des cotations eacutethiques) En deuxiegraveme lieu lrsquoeacutethique offre lrsquoopportuniteacute de donner une image saine et de restaurer la confiance Lrsquoeacutemergence des codes drsquoeacutethique des contrats de confiance des chartes drsquoeacutethique des engagements drsquohonneur nrsquoest pas neutre Il faut y voir la volonteacute de renforcer les liens de confiance entre les parties et par-lagrave mecircme la seacutecuriteacute juridique En troisiegraveme lieu il y a apparition dans les entreprises drsquoune labellisation eacutethique qui ont utiliseacute ce critegravere pour attirer ou retenir une clientegravele soucieuse de ne pas contribuer au financement de pratiques commerciales reacutemuneacuteratrices mais peu respectueuses de principes

6 C Saint-Alary-Houin laquo Morale et faillite raquo La morale et le droit des affaires Montchrestien 1996 p161 ndeg6 7 L Vilde laquo Morale dans les contrats drsquoaffaires raquo La morale et le droit des affaires Montchrestien 1996 p96 Voir eacutegalement J Carbonnier laquo Droit civil Les obligations raquo t 4 17egraveme eacuted PUF 1995 ndeg3 P Le Tourneau laquo Existe-t-il une morale en droit des affaires raquo La morale et le droit des affaires Montchrestien 1996 p23 S Darmaisin laquo Le contrat moral raquo preacutef B Teyssieacute LGDJ 1999 p312 ndeg488 P Diener laquo Ethique et droit des affaires raquo D 1993 chron p19 8 Cette appellation ne prend pas position sur lrsquoexistence drsquoune ou plusieurs eacutethiques Sur les eacutethiques J Delga laquo De lrsquoeacutethique drsquoentreprise et son cynisme raquo D Affaires 2004 p3126 B Oppetit laquo Ethique et droit des affaires raquo Meacutelanges A Colomer Litec 1993 p321 9 I Tchotourian laquo La morale en droit des affaires la pratique et la technique doivent plier plutocirct que sacrifier lrsquoeacutethique raquo Colloque La responsabiliteacute sociale des entreprises reacutealiteacute mythe ou mystification Universiteacute Nancy 2 17 et 18 mars 2005 10 laquo Alliances et la RSE raquo httpwwwalliances-assoorg

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En quatriegraveme lieu lrsquoeacutethique integravegre le champ de la reacutegularisation corporative par le biais drsquoinstruments drsquoautodiscipline ndash codes de conduite drsquoeacutethique ou de deacuteontologie ndash qui existent dans les secteurs les plus varieacutes de lrsquoactiviteacute professionnelle11 Ainsi il nrsquoest pas rare que les codes contiennent quelques deacuteclarations de principe sur la sensibiliteacute de lrsquoentreprise agrave lrsquoeacutegard de la sauvegarde de lrsquoemploi de lrsquoenvironnement ou de la moraliteacute Toutefois aucune obligation positive ne reacutesulte de ces peacutetitions de principe

112 hellip Inteacuterecircts speacutecifiques laquo Lrsquoentreprise responsable peut accroicirctre ses performances tout en donnant un laquo sens raquo agrave son deacuteveloppement et un visage plus humain agrave lrsquoEconomie raquo12

En ce qui concerne lrsquoenvironnement la prise en compte de cette donneacutee dans le cadre de la responsabiliteacute sociale est un outil strateacutegique qui permet de reacuteduire les coucircts de production les coucircts drsquoadaptation et les coucircts de deacutepollution ndash concept drsquoeacuteco-efficience ndash de preacutevenir contre des risques drsquoaccidents industriels ou de crises sociales et drsquoinciter agrave innover Or laquo (hellip) aujourdrsquohui seule une minoriteacute drsquoentreprise a su construire une vraie diffeacuterenciation strateacutegique raquo13 De plus en imposant son comportement au reste de la profession lrsquoentreprise beacuteneacuteficie drsquoun avantage en terme de coucircts les autres entreprises supportant des coucircts supeacuterieurs Par ailleurs en raison de la prise en compte par les entreprises classiques drsquoun certain nombre de probleacutematique socieacutetale lrsquoenvironnement est une nouvelle probleacutematique qui permet agrave un petit nombre drsquoentreprises de se diffeacuterencier et de beacuteneacuteficier drsquoun avantage concurrentiel Cette image de pionnier demeurera mecircme lorsque son niveau de protection de lrsquoenvironnement sera imposeacute agrave tous14 En ce qui concerne lrsquoaspect social les salarieacutes sont la premiegravere source de richesse de lrsquoentreprise15 Ils garantissent non seulement la production drsquoun bien ou drsquoun service mais peuvent eacutegalement placeacutes dans des conditions favorables (qualiteacute du management et de lrsquoenvironnement formation reacutemuneacuteration incitation agrave lrsquoautonomie) ameacuteliorer la qualiteacute des produits et des services innover imaginer de nouvelles faccedilons de travailler La mobilisation du personnel autour de valeurs partageacutees de projets strateacutegiques et drsquoune plus grande ouverture vers lrsquoexteacuterieur permet de reacuteduire le risque social et de creacuteer une dynamique de progregraves16

11 Farjat G (1982) Reacuteflexions sur les Codes de conduite priveacutee Etudes offertes agrave B Goldman Litec 1982 p47 Sur les difficulteacutes relatives agrave cette multitude de regravegles Caramelli D (2004) Corporate governance la bourse de New York vient en aide aux dirigeants ameacutericains Dalloz Affaires p618 12 laquo Alliances et la RSE raquo httpwwwalliances-assoorg 13 Responsabiliteacute sociale des entreprises laquo Repegraveres raquo httpwwwnovethicfr 14 E Reynaud laquo La protection de lrsquoenvironnement par lrsquoentreprise raquo Ethique Economique Entreprise et Environnement Eska 1998 p89 speacutec p102 15 Responsabiliteacute sociale des entreprises laquo Parties Prenantes raquo httpwwwnovethicfr 16 Responsabiliteacute sociale des entreprises laquo Repegraveres raquo httpwwwnovethicfr

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12 Le teacutemoignage de la pratique le laquo oui mais raquo

121 Le laquo oui raquohellip

1211Le pheacutenomegravene de notation ndash et le nombre drsquoagences ndash srsquoest consideacuterablement accru17

La creacuteation drsquoindices environnementaux atteste de la prise en compte de donneacutees environnementales En France une demi-douzaine dagences vend des listes dentreprises noteacutees selon des critegraveres environnementaux et sociaux agrave des socieacuteteacutes de gestion Cest le cas de lameacutericaine Innovest de la suisse Sam (qui produit lindice Dow Jones Sustainable Index) de la franccedilaise Vigeo (qui gegravere lindice Aspi Eurozone) dEiris un organisme britannique agrave but non lucratif (qui produit lindice FTSE4Good) et de Deminor Ratings (qui note la gouvernance dentreprise) BMJ Ratings (dont Fimalac proprieacutetaire de lagence de notation financiegravere Fitch est actionnaire de reacutefeacuterence) vend elle des notations aux entreprises En Europe pregraves de 25 socieacuteteacutes sont actives Imug ou Oekom en Allemagne Ges Investment Services dans les pays scandinaves Aux Etats-Unis et au Canada les grands acteurs sont Innovest Calvert JRA et KLD Cette derniegravere a creacuteeacute le premier indice dinvestissement socialement le Domini 400 en 1990 qui seacutelectionne 400 entreprises de lindice Standard amp Poors 50o18 Dans le mecircme ordre drsquoideacutee lrsquoaudit social ndash deacutefini comme lrsquoopinion eacutemise par un auditeur indeacutependant et compeacutetent sur la qualiteacute de lrsquoinformation sociale et sur celle des outils de pilotage social drsquoune organisation19 ndash srsquoest deacuteveloppeacute agrave partir de 1980 et a eacuteteacute ressenti comme neacutecessaire20 Aux notions de performance financiegravere et de performance eacuteconomique srsquoest ajouteacutee la performance sociale crsquoest-agrave-dire la prise en compte des comportements de lrsquoentreprise au regard des parties prenantes de son environnement partie prenante agrave laquelle les salarieacutes sont inteacutegreacutes

1212Les normes environnementales et sociales ont inteacutegreacute drsquoautres structures que les entreprises

Calpers ndash le plus important fonds public ameacutericain quelque 170 milliards de dollars qui gegravere les retraites de pregraves de 12 millions de fonctionnaires californiens ndash est le premier agrave introduire des normes sociales en se conformant aux recommandations de lOrganisation internationale du travail (OIT) Elle introduit un preacuteceacutedent qui ne sera pas sans conseacutequences dans lunivers des fonds de pension ces investisseurs institutionnels dont la puissance financiegravere en fait des acteurs redouteacutes sur les marcheacutes financiers21

17 laquo Il y a beaucoup dopportunisme dans lengouement des cabinets de conseil raquo C Rollot laquo Le deacuteveloppement durable attise les appeacutetits des consultants raquo Le Monde 9 avril 2002 18 Sur ces chiffres laquo Une trentaine drsquoagences dans le monde raquo Le Monde 17 juin 2005 19 laquo Encyclopeacutedie de la Gestion et du Management raquo Dalloz 2003 72 20 A Couret et J Igalens laquo Lrsquoaudit social raquo Que sais-je PUF 1988 p6 21 L Caramel laquo Les normes sociales font leur entreacutee dans les fonds de pension raquo Le Monde 16 janvier 2001

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En outre le placement dans des portefeuilles constitueacutes agrave partir de critegraveres de seacutelection eacutethiques tout autant que financiers a pris de lrsquoimportance ces derniegraveres anneacutees En France crsquoest au deacutebut des anneacutees 1980 que sont apparues les premiegraveres collectes drsquoeacutepargne eacutethique et solidaire Apregraves lrsquoouverture de fonds de partage ndash Terre nouvelle au profit de lrsquoenvironnement France emploi au profit de lrsquoinsertion et de la promotion de lrsquoemploi ndash relativement nombreux dans les anneacutees 1980 ce sont les fonds eacutethiques ndash CDC Euro 21 pour le deacuteveloppement durable Capital emploi pour lrsquoemploi ndash qui ont pris le dessus en 199022 De plus certains estiment que les produits deacutepargne socialement responsables ou orienteacutes vers le financement de leacuteconomie solidaire sont suceptibles de prendre leur envol au sein des entreprises En effet relativement confidentiels jusquagrave preacutesent dans les plans deacutepargne dentreprise (PEE) un placement assorti dun avantage fiscal ouvert au salarieacute dans le cadre de son travail ces fonds eacutethiques beacuteneacuteficient dune conjonction de facteurs favorables Ils sont tout dabord soutenus par les syndicats qui cogegraverent les PEE puis tireacutes par de nouvelles offres et beacuteneacuteficient de limpact de la loi Fabius sur leacutepargne salariale23 EDF-GDF a creacuteeacute un fond sous le nom drsquoEgeacutepargne croissance qui est deacutedieacute agrave lrsquoemploi Par ailleurs les banques et les assurances fournissent une illustration laquo (hellip) appeleacute[e] agrave srsquoaffirmer raquo24 Les banques deacuteveloppent la prise en compte de critegraveres sociaux et environnementaux dans leur politique de financement de projet meneacute par les grandes entreprises mais aussi dans lrsquooctroi de precircts aux PME et mecircme aux particuliers25 Les banques exploitent progressivement les opportuniteacutes commerciales que recegravele le deacuteveloppement durable financement de projets protecteurs de lrsquoenvironnement accompagnement de la monteacutee en puissance du marcheacute des permis drsquoeacutemission des gaz agrave effet de serre Les compagnies drsquoassurance accordent une place grandissante agrave la composante environnementale pour eacutevaluer les projets agrave assurer Pour orienter les comportements de leurs clients elles investissent de plus en plus dans la preacutevention et le conseil Elles utilisent eacutegalement les primes et franchises qursquoelles modulent en fonction de lrsquoimportance du risque eacutecologique Les banques et les assurances participent agrave la promotion de gammes de produits de placement socialement responsables contribuant agrave une meilleure prise en compte des enjeux de deacuteveloppement durable par les entreprises dans lesquelles elles investissent La Nouvelle Economie fraternelle creacuteeacutee en 1989 a fortement impulseacute le mouvement drsquoaffectation de lrsquoeacutepargne agrave divers projets dont lrsquoutiliteacute sociale prime sur la rentabiliteacute eacuteconomique Plus globalement le gouvernement franccedilais souligne que laquo (hellip) le secteur financier joue (hellip) un rocircle crucial et pourrait reacuteorienter les modes de production vers le deacuteveloppement

22 Pour la distinction entre ces deux fonds J Ballet et F de Bry laquo Lrsquoentreprise et lrsquoeacutethique raquo Editions du Seuil 2001 p331 et s 23 A de Tricornot laquo Lrsquoenvol programmeacute des fonds socialement responsables dans lrsquoentreprise raquo Le Monde 1er juin 2003 24 Guide Financement et deacuteveloppement durable laquo Enjeux et responsabiliteacute raquo juin 2005 p3 25 La Commission nationale de linformatique et des liberteacutes (CNIL) a rendu un rapport le 18 janvier 2005 agrave propos des centrales positives ces fichiers qui regroupent des informations financiegraveres sur les particuliers (creacutedits contracteacutes laquo capaciteacutes de remboursement raquo etc) De nombreux pays centralisent de telles donneacutees preacutecise la CNIL qui dresse un panorama des centrales positives dans le monde Le Monde laquo Les centrales positives dans le monde raquo 28 avril 2005

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durable en precirctant ou [en] investissant dans les activiteacutes eacuteconomiques qui en respectent les principes ou pour des projets publics en coheacuterence avec celui-ci (hellip) raquo26

1213Un certain nombre drsquoindustriels ont adopteacute une deacutemarche environnementale du type EMAS ou accreacuteditation ISO 14000 et lrsquoont imposeacute agrave leur cocontractant

General Motors demanderait ainsi agrave ses fournisseurs de se faire accreacutediter ISO 1400027

1214Le commerce eacutequitable est une tentative drsquoenvisager le commerce international autrement que les pratiques conventionnelles en conciliant la deacutemarche eacuteconomique et les critegraveres de juste reacutepartition eacuteconomique

Les deacutegradations sociales et environnementales causeacutees par certaines entreprises afin drsquoobtenir des gains eacuteconomiques plus eacuteleveacutes sont deacutenonceacutees pas plusieurs organisations internationales et sont rejeteacutees Le respect de la digniteacute humaine et de lrsquoenvironnement est consideacutereacute comme fondamental par un certain nombre de producteurs ou de membres de reacuteseaux de distribution Bien que cette pratique se heurte agrave de nombreuses difficulteacutes28 celle-ci semble se deacutevelopper depuis une dizaine drsquoanneacutees dans les pays europeacuteens

122 Le laquo mais raquo malgreacute la preacutesence drsquoune conscience environnementale et sociale des structures financiegraveres quelques ombres apparaissent

1221A la question de savoir si linvestissement socialement responsable a toujours

le vent en poupe M Bello indique que ce sujet est moins preacutesent agrave la laquo une raquo des journaux

laquo Apregraves une forte preacutesence meacutediatique nous nous retrouvons agrave une eacutetape plus logique dune pratique qui reste encore marginale dans la communauteacute financiegravere Cela dit linvestissement socialement responsable ne va pas disparaicirctre Cette theacutematique ne va simplement pas croicirctre agrave la vitesse que certains pronostiquaient Elle avance au mecircme rythme que la prise de conscience de lensemble de la planegravete de la neacutecessiteacute de pratiquer un deacuteveloppement durable raquo29

1222J-M Cardebat note que laquo (hellip) lengagement social des entreprises paraicirct bien plus eacutevident en faccedilade que dans les faits (hellip) raquo30

Rares sont celles aujourdhui qui naffichent pas dans leurs bilans sociaux et autres sites Internet un haut degreacute de responsabiliteacute sociale Mais que penser alors de la stagnation des salaires concomitante agrave lexplosion des profits du sentiment de peur des salarieacutes qui ne se sont jamais sentis aussi menaceacutes par les deacutelocalisations et autres plans sociaux A-t-on ici des preuves de la responsabiliteacute sociale des

26 laquo Propositions pour une strateacutegie nationale de deacuteveloppement durable raquo mars 2002 27 laquo Corporate environmental Reporting raquo An interview with DJ Lober httpwwwusaeporg 28 J Ballet et F de Bry laquo Lrsquoentreprise et lrsquoeacutethique raquo Editions du Seuil 2001 p361 et s 29 J Morio laquo 3 questions agrave Pascal Bello Preacutesident de BMJ Core rating raquo Le Monde 12 deacutecembre 2004 30 J-M Cardebat laquo Le marcheacute peut-il venir au secours du social raquo Le Monde 15 mars 2005

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entreprises A en croire la rue bruyante ces derniers mois nous nrsquoen sommes guegravere convaincus

1223Il existe un retard franccedilais certain en la matiegravere Les entreprises anglo-saxonnes ont inteacutegreacute depuis plus longtemps les donneacutees environnementales et sociales

Ainsi des entreprises comme Shell ou BP en sont agrave leur quatriegraveme ou cinquiegraveme rapport deacuteveloppement durable

1224Bien que le bilan quant agrave lrsquoarticle 116 de la loi NRE srsquoavegravere favorable pour les professionnels31 deux constatations srsquoimposent pour les analystes constatations qui se reacutesument en deux mots laquo Trop complexe raquo

Drsquoun cocircteacute les rapports franccedilais ont peu drsquoindicateurs chiffreacutes32 (50 de moins que leurs homologues europeacuteens) Drsquoun autre cocircteacute les rapports franccedilais sont peu compareacutes 41 drsquoindicateurs compareacutes contre 75 dans les rapports europeacuteens33

1225Le reporting social se base sur une relation de confiance qursquoil est important de ne pas neacutegliger

M Goyder (stakeholders) indique laquo A mon sens le reporting sert plus agrave faire passer des valeurs et agrave creacuteer une relation de confiance avec les parties prenantes qursquoagrave cocher les bonnes cases raquo

1226Le problegraveme de la responsabiliteacute qursquoimplique la publication drsquoun rapport deacuteveloppement durable quand il manque de rigueur est poseacute

Par ailleurs le risque est grand que le rapport deacuteveloppement durable devienne une opeacuteration drsquoimage plus qursquoune politique de progregraves34 Ce rapport a une laquo (hellip) vocation de compte rendu ouvert qui se veut rigoureux et non promotionnel des actions engageacutees en reacuteponse aux questions de laquo durabiliteacute raquo poseacutees agrave lrsquoentreprise et qui sollicitent sa responsabiliteacute agrave lrsquoeacutegard de ses actionnaires comme de ses stakeholders raquo35

1227La mise en place drsquoune politique de deacuteveloppement durable ou sociale entraicircne des coucircts non neacutegligeables agrave court terme pour lrsquoentreprise ndash coucircts qui sont susceptibles de lrsquoaffaiblir ndash et apparaicirct comme une veacuteritable contrainte

31 Pour une approbation de lrsquoarticle 116 de la loi NRE Rapport de mission remis au Gouvernement ndash Bilan article 116 Loi NRE 8 juin 2004 httpwwworseorgfrhomenewshtml 32 Y de Kerorguen laquo La notation sociale srsquoimpose peu agrave peu en France mais doit faire mieux raquo La Tribune 29 novembre 2002 p23 33 Y de Kerorguen laquo La notation sociale srsquoimpose peu agrave peu en France mais doit faire mieux raquo La Tribune 29 novembre 2002 p23 34 A propos de cette ideacutee P drsquoHumiegraveres laquo Un reporting social trop formaliste raquo La Tribune 4 deacutecembre 2002 p2 35 P drsquoHumiegraveres laquo Un reporting social trop formaliste raquo La Tribune 4 deacutecembre 2002 p2

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2 Ethique environnementale et technique juridique Il existe non seulement des regravegles dont le contenu est inspireacute par lrsquoeacutethique mais encore la mise en œuvre de certaines regravegles juridiques est corrigeacutee par lrsquoeacutethique sous la forme drsquoune opposition ou drsquoune orientation

21 Lrsquoeacutethique environnementale et sociale comme inspiration de regravegles un authentique laquo self-service normatif raquo36

Divers textes internationaux europeacuteens et nationaux eacutevoquent lrsquoaspect environnemental et social37 Cependant il est agrave noter que lrsquounification de critegraveres sociaux communs agrave une majoriteacute drsquoEtats et englobant des pratiques qui se retrouvent dans des entreprises disperseacutees aux quatre coins du globe est complexe

211 Pour les textes internationaux peuvent ecirctre citeacutes le Global Reporting Initiative qui fait reacutefeacuterence aux dimensions environnementales et sociales pour aider les entreprises agrave produire des rapports les principes directeurs de lrsquoOCDE qui eacutevoquent eacutegalement ces deux volets agrave lrsquoattention des multinationales ou le Global Compact initieacute par lrsquoONU qui a pour ambition drsquolaquo unir la force des marcheacutes agrave lrsquoautoriteacute des ideacuteaux individuels raquo

212 Pour les textes europeacuteens un grand nombre de textes europeacuteens ndash strateacutegies

(strateacutegie europeacuteenne de Politique Inteacutegreacutee des Produits) ou directives (directive sur la responsabiliteacute environnementale du 20 feacutevrier 2004 directive drsquoeacutechange de permis drsquoeacutemissions de gaz agrave effet de serre du 10 deacutecembre 2002 directive sur la mise en œuvre de lrsquoeacutegaliteacute de traitement du 23 septembre 2002) ndash a trait au deacuteveloppement durable ou agrave lrsquoun de ses aspects

213 Pour les textes nationaux un grand nombre de lois franccedilaises font explicitement

reacutefeacuterence au deacuteveloppement durable ndash le plan climat (juillet 2004) le plan santeacute-environnement (juillet 2004) la charte de lrsquoenvironnement (mai 2004) plan air (novembre 2003) ndash et agrave la prise en compte de la dimension sociale de lrsquoentreprise ndash loi relative aux discriminations (16 novembre 2001) loi sur lrsquoeacutegaliteacute professionnelle (9 mai 2001) pratique drsquointeacutegration drsquoobligations morales dans les accords collectifs38 ndash

214 Reacutecemment la loi NRE (article 116) et son deacutecret drsquoapplication du 20 feacutevrier

2002 obligent les entreprises coteacutees agrave produire un rapport sur les aspects sociaux ndash 32 informations sociales internes effectifs formation hygiegravene seacutecuriteacute pariteacute handicapeacutes ndash territoriaux ndash 8 rubriques concernant lrsquoimpact territorial de lrsquoactiviteacute ndash et environnementaux ndash 28 rubriques ndash

Il sera inteacuteressant de traiter en deacutetail du contenu de cette disposition et de ses conseacutequences pour les entreprises

36 A Supiot laquo Du nouveau au self-service normatif la responsabiliteacute sociale des entreprises raquo Etudes offertes agrave J Peacutelissier Dalloz 2004 p541 speacutec p543 37 Sur ces textes Responsabiliteacute sociale des entreprises laquo Reacutefeacuterentiels raquo httpwwwnovethicfr 38 S Darmaisin laquo Le contrat moral raquo thegravese Montpellier LGDJ 2000 p464 ndeg682

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Parallegravelement la prise en compte de la dimension patrimoniale de lrsquoenvironnement par les entreprises se fait eacutegalement au travers de la comptabiliteacute traditionnelle qui doit traduire lrsquoimpact comptable de telles donneacutees Les instruments mis en œuvre sont alors les comptes annuels Toutefois la comptabiliteacute traditionnelle se heurte agrave un double problegraveme en matiegravere de charges39 Non seulement la comptabilisation des provisions destineacutees agrave faire face agrave des contraintes environnementales est soumise agrave des incertitudes fiscales et comptables mais encore lrsquoobligation du dernier exploitant drsquoassumer la remise en eacutetat drsquoun site industriel nrsquoest qursquoimplicite et ne dure que le temps de lrsquoexploitation Cette prise en consideacuteration de lrsquoenvironnement par la comptabiliteacute traditionnelle a eacuteteacute relayeacutee par la COB qui insiste sur les impacts financiers de cette donneacutee40 Au-delagrave de la comptabiliteacute traditionnelle de nombreux outils se deacuteveloppent et tendent agrave mettre en oeuvre une laquo comptabiliteacute verte raquo41 visant agrave mettre en eacutevidence les donneacutees environnementales dans des documents comptables et agrave eacutetablir des indices de performance environnementale42 Enfin la diffusion par lrsquoentreprise de donneacutees environnementales peut reacutesulter drsquoune deacutemarche volontaire adopteacutee par les entreprises lrsquoadheacutesion agrave un systegraveme de management environnemental mis en place au niveau communautaire43 ou la publication drsquoun rapport environnement autonome44

22 Lrsquoeacutethique comme correctif agrave la mise en œuvre de regravegles juridiques

221 Lrsquoeacutethique peut srsquoopposer au fonctionnement de la regravegle de droit Lorsque les dirigeants drsquoune entreprise souhaite quitter leurs fonctions quelles que soient les raisons ceux-ci ont tendance agrave obtenir un certain nombre drsquoavantages Bien que juridiquement rien ne srsquooppose agrave de telles pratiques est-il laquo eacutethique raquo qursquoun chef drsquoentreprise augmente sa reacutemuneacuteration lorsqursquoil annonce des pertes des licenciements des gels ou des modeacuterations salariales45 Lrsquoactualiteacute semble teacutemoigner drsquoune modification de cette pratique en la matiegravere la reacutefeacuterence agrave lrsquoeacutethique constituant le fondement de cette opposition Par ailleurs lorsque lrsquoentreprise souhaite licencier un salarieacute mais ne peut pas le faire soit pour des raisons juridiques soit pour des raisons eacuteconomiques elle tente de le pousser agrave deacutemissionner en creacuteant des conditions psychologiques le poussant au deacutepart

39 F G Treacutebulle laquo Lrsquoenvironnement en droit des affaires raquo Meacutelanges Y Guyon Dalloz 2003 p1035 speacutec p1047 40 laquo Quelques recommandations agrave lrsquoapproche de lrsquoarrecircteacute des comptes annuels et consolideacutes de lrsquoexercice 2000 raquo Bull COB ndeg352 deacutecembre 2000 p18 41 Dossier laquo La comptabiliteacute de lrsquoenvironnement raquo RFC novembre 1995 ndeg272 p13 42 Pour plus de deacutetails F G Treacutebulle laquo Lrsquoenvironnement en droit des affaires raquo Meacutelanges Y Guyon Dalloz 2003 p1035 speacutec p1048 43 Regraveglement CE ndeg7612001 du Parlement europeacuteen et du Conseil du 19 mars 2001 permettant la participation volontaire des organisations agrave un systegraveme communautaire de management environnemental et drsquoaudit 44 A propos des imperferfections de ce rapport F G Treacutebulle laquo Lrsquoenvironnement en droit des affaires raquo Meacutelanges Y Guyon Dalloz 2003 p1035 speacutec p1049 45 Sur cette question J Ballet et F de Bry laquo Lrsquoentreprise et lrsquoeacutethique raquo Editions du Seuil 2001 p310

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Le juge intervient condamnant lrsquoemployeur sur le fondement du harcegravelement moral et srsquoopposant ainsi au reacutesultat auquel aurait pu conduire la simple application de la regravegle juridique

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222 Lrsquoeacutethique peut orienter le reacutesultat de la regravegle En ce sens le juge chargeacute de lrsquoapplication du controcircle est guideacute par lrsquoeacutethique environnementale et socieacutetale qui devient sa reacutefeacuterence46

2221Impact des donneacutees environnementales

22211 Responsabiliteacute peacutenale de lrsquoentreprisehellip un champ restreint

Lrsquoentreprise est soumise agrave certaines obligations en matiegravere de divulgation drsquoinformations dans son rapport annuel Lrsquoarticle L 225-10-2 du Code de commerce est soumis au reacutegime du rapport annuel Bien que le caractegravere incomplet du rapport annuel nrsquoait aucune incidence sur la responsabiliteacute peacutenale des dirigeants47 si les comptes annuels ne donnent pas une image fidegravele du reacutesultat des opeacuterations de lrsquoexercice de la situation financiegravere et du patrimoine lrsquoarticle L 242-6 2deg pourra ecirctre appliqueacute48 Les erreurs commises dans la prise en compte drsquoeacuteleacutements lieacutes agrave lrsquoenvironnement au sein des comptes annuels pourront caracteacuteriser lrsquoeacuteleacutement mateacuteriel de lrsquoinfraction

22212 Responsabiliteacute civile de lrsquoentreprise hellip une porteacutee plus eacutetendue Premiegraverement lrsquoarticle L 225-251 du Code de commerce vise les infractions aux dispositions leacutegislatives ou reacuteglementaires applicables aux socieacuteteacutes anonymes et agrave ce titre lrsquoarticle L 225-102-1 du Code de commerce est concerneacute Deuxiegravemement laquo (hellip) on peut se demander si la mauvaise gestion de lrsquoenvironnement par lrsquoentreprise nrsquoest pas susceptible drsquoecirctre analyseacutee en une faute de gestion pure et simple notamment dans le cas ougrave la reacuteveacutelation tardive drsquoun passif environnemental neacutegligeacute entraicircnerait lrsquoouverture drsquoune proceacutedure collective raquo49 Troisiegravemement la communication drsquoune information environnementale inexacte impreacutecise ou trompeuse par une socieacuteteacute coteacutee sur les marcheacutes financiers est constitutive drsquoune atteinte agrave la bonne information du public et expose la socieacuteteacute agrave des sanctions administratives de la COB Quatriegravemement le deacutelit de fausse information deacutefini au dernier alineacutea de lrsquoarticle L 465-1 du Code moneacutetaire et financier peut ecirctre caracteacuteriseacute par la diffusion dans le public de fausses informations contenues tant dans le rapport annuel que dans un rapport environnement autonome degraves lors que celui-ci est reacutepandu dans le public par un moyen quelconque et que lrsquoinformation peut avoir une incidence sur le cours des titres50 Plus globalement la geacuteneacuteralisation de lrsquoinformation environnementale et le deacuteveloppement de la pratique de lrsquoaudit environnement vont permettre de savoir plus facilement si la socieacuteteacute 46 D Schmidt laquo A propos de la jurisprudence source du droit des affaires raquo Dalloz Affaires 2004 p2130 47 F G Treacutebulle laquo Lrsquoenvironnement en droit des affaires raquo Meacutelanges Y Guyon Dalloz 2003 p1035 speacutec p1051 48 Cinq ans drsquoemprisonnement et 375 000 Euro drsquoamende agrave lrsquoencontre du preacutesident des administrateurs directeurs geacuteneacuteraux drsquoune socieacuteteacute anonyme 49 F G Treacutebulle laquo Lrsquoenvironnement en droit des affaires raquo Meacutelanges Y Guyon Dalloz 2003 p1035 speacutec p1052 50 F G Treacutebulle laquo Lrsquoenvironnement en droit des affaires raquo Meacutelanges Y Guyon Dalloz 2003 p1035 speacutec p1053

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mise en cause est susceptible compte tenu de lrsquoeacutemission ou du rejet de substances dangereuses drsquoecirctre agrave lrsquoorigine du dommage51

2222Et la responsabiliteacute du banquier Drsquoune part les positions sont partageacutees sur le fait de savoir si un banquier doit assurer une vigilance particuliegravere le conduisant agrave ne pas financer drsquoindustries polluantes ou drsquoentreprises qui ne respecteraient pas les prescriptions leacutegales et reacuteglementaires en matiegravere environnementale Pour certains le banquier est tenu de srsquoassurer que lrsquoemprunteur respecte les contraintes leacutegales et dispose des autorisations52 Pour drsquoautres il est possible de refuser tout rocircle ou toute responsabiliteacute au banquier dans ce cadre sur le fondement du principe de non-ingeacuterence53 Drsquoautre part les informations environnementales seront prises en compte par le magistrat afin drsquoappreacutecier le bien-fondeacute drsquoun renouvellement au profit drsquoun industriel drsquoune garantie financiegravere exigeacutee par lrsquoarticle L 516-1 du Code de lrsquoenvironnement deacutejagrave octroyeacutee

2223Impact des donneacutees sociales laquo Les chefs drsquoentreprise sont responsables en prioriteacute du deacuteveloppement de lrsquoemployabiliteacute des salarieacutes tout au long de leur carriegravere raquo54

De son recrutement agrave son deacutepart lrsquoeacutethique sociale concerne tous les aspects du parcours professionnel du salarieacute dans lrsquoentreprise laquo A tous les stades de la vie du contrat de travail srsquoimpose une eacutethique contractuelle qui srsquoexprime essentiellement dans une exigence de bonne foi strictement sanctionneacutee par la loi et la jurisprudence dans la conclusion et dans lrsquoexeacutecution du contrat du contrat raquo55 Lrsquoeacutethique intervient agrave tous les niveaux de recrutement strictement encadreacutee par les regravegles juridiques Si ce cadre juridique existe il nrsquoest pas toujours suffisant Aussi des principes eacutethiques ndash pesant sur le recruteur et le recruteacute ndash doivent guider le recrutement respect du candidat eacutequiteacute absence de discrimination confidentialiteacute loyauteacute

51 F G Treacutebulle laquo Lrsquoenvironnement en droit des affaires raquo Meacutelanges Y Guyon Dalloz 2003 p1035 speacutec p1055 52 Association des banquiers canadiens laquo Le creacutedit et lrsquoenvironnement les risques des precircteurs raquo wwwcbacafrtoolsbrochurestools_environnement5html Gilles J Martin laquo La preacutevention du risque de responsabiliteacute du precircteur pour dommages agrave lrsquoenvironnement et lrsquoaudit drsquoenvironnement raquo Rapport de synthegravese RD Aff int 1993 ndeg4 p523 E Bodson laquo Rocircle des banques pour la mise en place drsquoun principe de due diligence en matiegravere environnementale raquo RD Aff int 1993 ndeg4 p467 53 Association belge des banques laquo La banque et lrsquoenvironnement raquo Aspects et documents ndeg175 Bruxelles avril 1995 p23 agrave 25 D-R Martin laquo De la causaliteacute dans la responsabiliteacute du precircteur raquo Banque amp droit novembre-deacutecembre 1999 p3 P Leclercq laquo Lrsquoobligation de conseil du banquier dispensateur de creacutedit raquo RJDA 495 p332 F G Treacutebulle laquo Lrsquoenvironnement en droit des affaires raquo Meacutelanges Y Guyon Dalloz 2003 p1035 speacutec p1058 54 P Dubule laquo Responsabiliteacute eacutethique du chef drsquoentreprise raquo PA 20 novembre 2003 p4 55 F Vasseur-Lambry laquo La bonne foi dans les relations individuelles de travail raquo PA 17 mars 2000 p4

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Au niveau de lrsquoexeacutecution du contrat de travail pegravese non seulement sur le salarieacute une obligation de bonne foi de loyauteacute et drsquoimplication mais encore pegravese sur lrsquoemployeur une obligation de loyauteacute de formation drsquoinformation et de respect de la vie priveacutee Au niveau de la reacutemuneacuteration la reacutemuneacuteration eacutethique tente drsquoeacutetablir un eacutequilibre entre les attentes du salarieacute ses performances et la rentabiliteacute de lrsquoentreprise Quant agrave lrsquoeacutegaliteacute homme - femme en terme drsquoeacutethique et au-delagrave des textes europeacuteens et nationaux en la matiegravere lrsquoentreprise doit srsquointerdire toute discrimination notamment sexiste Au niveau du licenciement les licenciements aussi bien individuels que collectifs doivent faire appel agrave lrsquoeacutethique Pour le licenciement individuel il apparaicirct que celui-ci doit srsquoeffectuer dans des conditions eacutethiques preacuteserver lrsquoemployabiliteacute du salarieacute le preacutevenir dans des deacutelais raisonnables creacuteer les conditions psychologiques les meilleures possibles respecter ses droits lrsquoaider dans la mesure du possible Pour les DRH lrsquoeacutethique permet de mener une laquo (hellip) reacuteflexion raisonnable et humaine raquo56 Lrsquoemployeur ne peut licencier un salarieacute pour avoir subi ou refuseacute de subir les agissements de harcegravelement de toute personne dont le but est dobtenir des faveurs de nature sexuelle agrave son profit ou au profit dun tiers (article L 122-46) Aucun salarieacute ne peut ecirctre licencieacute pour avoir teacutemoigneacute des agissements deacutefinis agrave lrsquoalineacutea preacuteceacutedent ou pour les avoir relateacutes (article L 122-46 du Code du travail) Le salarieacute ne doit pas se rendre coupable drsquoune deacutemission abusive en raison notamment de son caractegravere brusque et du preacutejudice qursquoelle est susceptible drsquooccasionner agrave lrsquoentreprise Pour les licenciements collectifs lrsquoeacutethique est en cause dans la mesure ougrave la reacuteduction drsquoeffectifs est devenue un moyen privileacutegieacute drsquoaugmentation des cours en Bourse et drsquoaccroissement des gains de lrsquoinvestissement Un reacutefeacuterentiel eacutethique ne devrait-il pas alors guider lrsquoaction des dirigeants dans le management des hommes En plus de ce comportement vis-agrave-vis de leurs employeacutes les chefs drsquoentreprise doivent entretenir un dialogue continu avec les syndicats les pouvoirs publics et les autres parties prenantes et doivent veiller agrave la sinceacuteriteacute et agrave la transparence du dialogue et de lrsquoinformation57 Cependant ces donneacutees sociales se heurtent agrave des difficulteacutes Comme le souligne M Supiot non seulement le concept drsquoentreprise est une notion juridique insaisissable qui tend agrave devenir un moyen pour lrsquoentrepreneur de laquo (hellip) disparaicirctre derriegravere les masques drsquoune foule de personnaliteacutes morales et de fuir ainsi les responsabiliteacutes inheacuterentes agrave son action eacuteconomique raquo58 mais encore laquo le droit se trouve mis en eacutechec par la notion de sujet de droit et la possibiliteacute drsquoimputer agrave une personne deacutetermineacutee la responsabiliteacute drsquoun acte ou drsquoun manquement dommageable raquo59

56 J Ballet et F de Bry laquo Lrsquoentreprise et lrsquoeacutethique raquo Editions du Seuil 2001 p311 57 P Dubule laquo Responsabiliteacute eacutethique du chef drsquoentreprise raquo PA 20 novembre 2003 p4 58 A Supiot laquo Du nouveau au self-service normatif la responsabiliteacute sociale des entreprises raquo Etudes offertes agrave J Peacutelissier Dalloz 2004 p541 speacutec p552 59 A Supiot laquo Du nouveau au self-service normatif la responsabiliteacute sociale des entreprises raquo Etudes offertes agrave J Peacutelissier Dalloz 2004 p541 speacutec p553

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laquo (hellip) Lrsquoeacutetude de la jurisprudence tregraves maigre voire rarissime ne permet pas drsquoaffirmer en lrsquoeacutetat actuel que la charte ait une valeur juridique autonome et soit une source de droit raquo60 Pour Oppetit tout deacutepend de la structuration du milieu concerneacute et de la leacutegitimiteacute ou de lrsquoautoriteacute de lrsquoinstance reacutegulatrice ainsi que de lrsquoeacutetendue de lrsquoautolimitation du droit eacutetatique au profit des regravegles eacutemanant drsquoautres institutions61 Conclusion Les conditions drsquoobservation des entreprises eacutevoluent et ne srsquoattachent plus uniquement aux seuls aspects techniques comptables mais suggegraverent une inteacutegration plus profonde de lrsquoauditeur dans la vie de la structure et du personnel Crsquoest agrave ce prix que lrsquolaquo (hellip) on peut espeacuterer que la reacutefeacuterence eacutethique [devienne] un critegravere creacutedible dans lrsquoentreprise raquo62 Lrsquoeacutethique au travers de la responsabiliteacute sociale des entreprises permet de faire prendre conscience aux entreprises qursquoelles ne sont pas que de simples structures eacuteconomiques mais surtout une communauteacute humaine au service des hommes Ainsi lrsquoeacutethique est laquo (hellip) un aiguillon agrave lrsquoaction concregravete raquo63 qui permet de rappeler que lrsquoentreprise est pour lrsquohomme et non lrsquohomme pour lrsquoentreprise Toutefois sans responsable clairement identifieacute sans organisation susceptible de demander des comptes et sans tiers devant qui reacutepondre cette responsabiliteacute en est-elle une64 A travers la responsabiliteacute sociale des entreprises lrsquoeacuteconomie se trouve en quecircte de deacutebiteurs de creacuteanciers et de juges sans lesquels plus personne ne reacutepond de rien65 De plus un risque non neacutegligeable drsquoinstrumentalisation eacuteconomique est deacutenonceacute par la doctrine qui eacutevoque un deacutetournement pervers de la labellisation eacutethique des activiteacutes drsquoaffaires66

60 D Berra et N Causse laquo La porteacutee juridique des chartes drsquoentreprises et le droit du travail franccedilais raquo Ethique en entreprise Librairie de lrsquoUniversiteacute drsquoAix-en-Provence 2001 p285 61 B Oppetit laquo Ethique et droit des affaires raquo Meacutelanges A Colomer Litec 1993 p332 62 G Fournier laquo Le droit peacutenal et le risque drsquoinstrumentalisation de lrsquoeacutethique dans la vie des affaires raquo Aspects organisationnels du droit des affaires Meacutelanges en lrsquohonneur de J Paillusseau Dalloz 2003p273 speacutec p298 63 Le Tourneau P (2001) Ethique des affaires et du management au XXIegraveme siegravecle Droit amp patrimoine p23 64 A Supiot laquo Du nouveau au self-service normatif la responsabiliteacute sociale des entreprises raquo Etudes offertes agrave J Peacutelissier Dalloz 2004 p541 speacutec p550 65 A Supiot laquo Du nouveau au self-service normatif la responsabiliteacute sociale des entreprises raquo Etudes offertes agrave J Peacutelissier Dalloz 2004 p541 speacutec p550 66 En ce sens G Fournier laquo Le droit peacutenal et le risque drsquoinstrumentalisation de lrsquoeacutethique dans la vie des affaires raquo Aspects organisationnels du droit des affaires Meacutelanges en lrsquohonneur de J Paillusseau Dalloz 2003p273 speacutec p298 Pour drsquoautres critiques peu de moraliteacute (P Diener laquo Ethique et droit des affaires raquo D 1993 chron p18 ndeg8) meacuteconnaissance des reacutealiteacutes eacuteconomiques et vise agrave reacuteglementer la concurrence jusqursquoagrave lui enlever toute efficaciteacute (P Leacutemieux laquo Les dangers de lrsquoeacutethique des affaires raquo Figaro eacuteconomique avril 1992) risque de perte du droit des affaires (P Diener laquo Ethique et droit des affaires raquo D 1993 chron p17 ndeg2) utiliteacute reacuteelle ou agrave la finaliteacute de la reacutefeacuterence actuelle agrave lrsquoeacutethique (G Fournier laquo Le droit peacutenal et le risque drsquoinstrumentalisation de lrsquoeacutethique dans la vie des affaires raquo Aspects organisationnels du droit des affaires Meacutelanges en lrsquohonneur de J Paillusseau Dalloz 2003p273 speacutec p274)

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RECONSIDERATION DrsquoUN DES FONDEMENTS DE LrsquoAUDIT SOCIAL PERFORMANCE SOCIALE ET ECONOMIQUE UNE VISION AU NIVEAU INDIVIDUEL Delphine VAN HOOREBEKE Professeur adjoint agrave lrsquoUniversiteacute de Montreacuteal Chercheur associeacute au CEROG IAE drsquoAix-en-Provence

Introduction Depuis plusieurs anneacutees la recherche en sciences de gestion a engendreacute de nombreux travaux sur le lien entre la performance sociale et la performance eacuteconomique de lrsquoentreprise Allouche Charpentier Guillot-Soulez (2004) en font une revue approfondie Neacuteanmoins ces travaux se situent essentiellement agrave un niveau agreacutegeacute alors que peu drsquoeacutetudes placent leur analyse au niveau individuel Agrave lrsquoheure ougrave le marcheacute des services agrave la clientegravele preacutedomine et ougrave la qualiteacute de la prestation intervient en tant qursquooutil de deacutemarcation par rapport agrave la concurrence lrsquoaudit social doit pouvoir consideacuterer la performance individuelle qursquoelle soit drsquoordre eacuteconomique ou social en tant qursquooutil drsquoestimation de la performance sociale et eacuteconomique organisationnelle potentielle agrave un moment t Agrave cet eacutegard la performance humaine en entreprise ne se limite plus aux seuls employeacutes mais deacutepend de la faccedilon dont lrsquoentreprise redeacutefinit les regravegles de sa propre action pour et sur ses membres Dans ce sens la probleacutematique de la performance humaine passe par une redeacutefinition individuelle et collective des normes reacutegulant les rapports entre les salarieacutes et lrsquoentreprise De nos jours la question de la performance individuelle est en effet une preacuteoccupation fondamentale de tous les acteurs de lrsquoentreprise Cette derniegravere est souvent perccedilue par les managers et les employeacutes comme le facteur essentiel contribuant agrave la performance eacuteconomique de lrsquoorganisation Lagrave ougrave lrsquoorganisation taylorienne ne requeacuterait du salarieacute que sa force de travail aujourdrsquohui lrsquoentreprise neacutecessite une implication directe intellectuelle et comportementale Crsquoest la raison pour laquelle le concept de performance reacuteduit agrave lrsquoaccomplissement de tacircches nrsquoest plus approprieacute Theacutevenet (1999) En cela cet article envisage la performance sociale en tant que capaciteacute agrave avoir les comportements adeacutequats et la performance eacuteconomique comme une perception par lrsquoemployeacute de sa propre performance agrave geacuteneacuterer du profit pour lrsquoentreprise Cocircteacute et al (1994 p120) eacutetayent cette conception laquoCe que les gens perccediloivent de leur situation au travail influence leur productiviteacute plus que leur situation elle-mecircme [hellip] Si lrsquoorganisation veut augmenter la productiviteacute elle doit donc srsquoattarder davantage agrave la faccedilon dont les employeacutes perccediloivent leur travailraquo Performance eacuteconomique et performance sociale individuelles deux concepts qui pourraient paraicirctre antinomiques comme le rationnel est geacuteneacuteralement opposeacute agrave lrsquoeacutemotionnel Or au regard de lrsquoorganisation lrsquoemployeacute est ameneacute agrave la fois agrave la performance sociale et eacuteconomique Plus encore nrsquoimporte quel type drsquoemployeacute agrave tout niveau est contraint agrave cette regravegle informelle commune Ce papier cherche donc agrave reacuteveacuteler les relations probables entre ces deux types de performance Deux points de vue agrave ce sujet Tout drsquoabord la performance individuelle est unidimensionnelle on ne peut distinguer la performance sociale individuelle de la performance eacuteconomique individuelle Deuxiegraveme point de vue la performance sociale individuelle est un des facteurs anteacuteceacutedents agrave la performance eacuteconomique individuelle Agrave ce propos cet article se fonde sur le postulat de base que le positionnement de chacun de ces

concepts diffegravere selon la tacircche de lrsquoemployeacute Ainsi la performance eacuteconomique drsquoune personne en contact ne peut ecirctre dissocieacutee de sa performance sociale Lrsquoemployeacute en contact avec la clientegravele se doit de performer socialement (accueil conseil hellip) pour atteindre ses objectifs de vente Par contre la performance eacuteconomique drsquoune personne non en contact peut srsquoaveacuterer indeacutependante de sa performance sociale La performance sociale individuelle dans dernier ce cas apparaicirct comme un facteur davantage neacutegligeable parmi drsquoautres de la performance eacuteconomique individuelle Subseacutequemment il est question de faire le point au niveau individuel sur ces concepts souvent conceacutedeacutes agrave un niveau agreacutegeacute Pour cela diffeacuterentes notions permettent drsquoillustrer chacune des performances individuelles solliciteacutees par lrsquoorganisation aupregraves de lrsquoemployeacute au travail le savoir-faire le savoir ecirctre et le savoir-vivre Cet eacutecrit part du principe que la performance humaine deacutepend drsquoune reacutevision des regravegles fixeacutees par lrsquoentreprise au sujet de son action vis-agrave-vis de ses salarieacutes Ainsi si cette investigation met en relief des liens entre les diffeacuterents types de performance individuelle le modegravele qui en sera tireacute peut srsquoaveacuterer un outil drsquoaide primordial agrave lrsquoaudit social dont lrsquoun des nouveaux rocircles est de faire apparaicirctre des dysfonctionnements ou des eacutecarts entre les pratiques de lentreprise et la reacuteglementation sociale ou les normes adopteacutees par lentreprise

1 Performance sociale et eacuteconomique individuelles Si lrsquoagreacutegation de lrsquoensemble des performances individuelles ne suffit pas agrave mesurer la performance de lrsquoorganisation sa contribution ne saurait pour autant ecirctre ignoreacutee Neacuteanmoins la performance laquo humaine raquo reste un eacuteleacutement difficilement identifiable dans un ensemble de composantes de la performance de lrsquoentreprise La deacutefinition de la performance individuelle doit ainsi consideacuterer les eacutevolutions de lrsquoemploi des organisations devenues plus deacutependantes de lrsquohumain Neacuteanmoins cette deacutefinition ne saurait ecirctre universelle tant la perception de la place de lrsquohumain au travail diverge selon les organisations et tant son ancrage dans la gestion quotidienne et strateacutegique est alambiqueacute Crsquoest pourquoi une dissociation de chacune de ses composantes tend agrave eacutetayer la construction drsquoun nouvel outil drsquoappreacuteciation de la performance humaine

11 Performance eacuteconomique individuelle ou savoir-faire Dans un premier temps la performance eacuteconomique individuelle reste un sujet de moult discussions entre neacutecessiteacute eacuteconomique et alieacutenation au travail Srsquoil semble chimeacuterique de vouloir imposer une deacutefinition accomplie car deacutependante drsquointeacuterecircts eacuteconomico-strateacutegiques et individuels souvent antagonistes une vision drsquoensemble non exhaustive des pratiques employeacutees est ici dessineacutee (Picard 1995)

111 Une capaciteacute agrave faire au moins ce qursquoil faut Ce type de performance est geacuteneacuteralement mesureacute par les reacutesultats produits par chaque individu compareacute agrave ceux des collegravegues ayant une activiteacute eacutequivalente Cette performance eacuteconomique individuelle prend en consideacuteration les reacutesultats mesurables et tangibles de lrsquoemployeacute au travail agrave travers une vision ponctuelle Drsquoaucun nomme ce type de performance la productiviteacute au travail Cette performance eacuteconomique individuelle pourrait ecirctre perccedilue comme la bonne et rapide reacutesolution des tacircches agrave accomplir laquola vitesse de travail a chaque poste et la vitesse de coordination entre les postes determinent le debit de la

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production et donc lrsquoefficacite economique des usines La productivite du travail autrement dit la performance au travail devient donc lrsquoorganisation de la vitesse de travail et du debit de la production qui en resulteraquo (Zarifian 1999 p 33)

112 Une capaciteacute agrave faire ce qursquoil faut de faccedilon responsable Dans le cadre de cette perception de la performance individuelle au type drsquoeacutevaluation quantitatif preacuteceacutedemment eacutevoqueacute srsquoajoute une eacutevaluation qualitative fondeacutee sur une capaciteacute individuelle agrave adopter les comportements attendus par les dirigeants de lrsquoorganisation Cette performance socio-eacuteconomique conjugue en ce sens un souci de rentabiliteacute agrave court terme et de flexibiliteacute agrave long terme Selon les interviews recueillies aupregraves de cabinets de conseil en GRH par Picard (1995 p4) il srsquoagirait drsquoune capaciteacute de lrsquoindividu agrave laquoassumer sa part de responsabiliteacutes [hellip] agrave moduler son actionraquo laquola capaciteacute des hommes agrave srsquoengager dans les objectifs eacuteconomiques et de flexibiliteacute organisationnelle est deacutetermineacutee par lrsquoaptitude du management agrave geacuterer les compeacutetences de lrsquoefficaciteacute prouveacutee en connaissance des besoins et attentes de chacunraquo

113 Une capaciteacute agrave faire les choses bien Faire les choses bien consisterait agrave faire les choses en srsquoy prenant mieux ou diffeacuteremment gracircce aux connaissances et agrave lrsquoapprentissage La mesure de cette performance individuelle eacuteconomique srsquoeffectue sur une eacutevaluation et appreacuteciation des emplois et compeacutetences et sur des bilans comportementaux Picard (1995 p5) nomme ce type de performance eacuteconomique individuelle lrsquoefficience Celle-ci correspond agrave une maicirctrise des laquobonnes meacutethodes drsquoune gestion progressiste des hommes [et] agrave tenir convenablement les postes agrave pouvoirraquo Les deux derniers types de performance eacuteconomique individuelle srsquoapprochent tregraves nettement de ce que nous appelons la performance sociale individuelle parce qursquoelle implique une mesure des comportements de lrsquoemployeacute au poste occupeacute Ce rapprochement deacutenoterait-il une imbrication tregraves eacutetroite entre ces deux concepts Selon Zarifian (1999) le travail a muteacute incluant une uniteacute de temps (horaires de travail) une uniteacute drsquoaction (faire ce qursquoil faut) et une uniteacute de lieux (ecirctre dans les mecircmes locaux en mecircme temps que les collegravegues) Ainsi lrsquohomme au travail ne saurait plus ecirctre reacuteduit agrave ce qursquoil fait Dans ce sens lrsquoessentiel des mutations du travail se reacutesume agrave trois notions 1) la notion drsquoeacuteveacutenement 2) de communication et 3) de service Le travail nrsquoest plus une question de reacutealisation de tacircches mais 1) une capaciteacute agrave faire face agrave des eacuteveacutenements et aleacuteas 2) une capaciteacute agrave communiquer et agrave former des accords avec les autres et 3) une habileteacute agrave engendrer du service ou une laquomodification dans lrsquoeacutetat ou des conditions drsquoactiviteacute drsquoun autre humain ou drsquoune autre institution destinataire du serviceraquo (Zarifian 1999 p46) Crsquoest la raison pour laquelle selon nous lrsquoaudit social doit aujourdrsquohui envisager la performance de lrsquoemployeacute au travail en tant que performance humaine tant eacuteconomique que voire essentiellement sociale

12 Performance sociale individuelle ou savoir-vivre savoir ecirctre La performance sociale individuelle la capaciteacute agrave geacuterer ses comportements et agrave manager sa performance individuelle et celle drsquoautrui diffeacuterents termes cherchant agrave deacutesigner et souligner lrsquoimportance drsquoune capaciteacute individuelle agrave exprimer et geacuterer les comportements adeacutequats au travail en fonction de la situation qursquoelle soit eacuteconomique relationnelle hieacuterarchique ou strateacutegique

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121 Une capaciteacute agrave geacuterer ses comportements le savoir ecirctre Lrsquoindividu au travail doit sajuster agrave la situation et avoir les comportements requis et attendus au travail soit laquo agrave faire les choses bien raquo dans le cadre des relations interpersonelles avec le client les collegravegues les supeacuterieurs hieacuterarchiqueshellip Lrsquoobjectif de favoriser ce type de performance serait de rendre les employeacutes plus eacuteveilleacutes plus assureacutes plus heureux ou tout au moins le moins malheureux possible (Lazarus 1991) afin drsquoaboutir agrave une grande flexibiliteacute organisationnelle Le savoir-ecirctre ou laquo image consultancy raquo (Wellington et Bryson 2001) est encore trop souvent pratiqueacute dans lrsquoorganisation sous lrsquoangle des vecirctements porteacutes du langage du corps jusqursquoagrave lrsquoangle de lrsquoharmonie des couleurs avec la peau les cheveux etc comme en deacutemontre le livre de Carole Jackson laquo Color Me Beautiful raquo (1980) Il est alors utiliseacute comme un outil marketing de communication et de diffusion de lrsquoimage de lrsquoentreprise Or crsquoest neacutegliger le rocircle drsquoacteur que doit tenir lrsquoemployeacute au travail qursquoil srsquoagisse drsquoune performance de simulation theacuteacirctrale des expressions eacutemotionnelles ou drsquoun profond travail de gestion de ses comportements (Goffman 1959) De plus comme le preacutecise Theacutevenet (1999) agrave partir drsquoune eacutetude qursquoil a effectueacutee sur des jeunes au travail que cette gestion du comportement par lrsquoemployeacute est loin drsquoecirctre lieacutee agrave la satisfaction du client mais davantage agrave leur inteacuterecirct personnel Crsquoest la raison pour laquelle il est consideacutereacute que lrsquoemployeacute doit disposer drsquoune adaptabiliteacute eacutemotionnelle et drsquoune capaciteacute agrave effectuer un effort pour geacuterer ses eacutemotions un travail eacutemotionnel (Hochshild 1983) Il doit eacutegalement deacutevelopper une capaciteacute agrave ecirctre conscient de son comportement et agrave acqueacuterir des techniques corporelles (Tyler et Abbott 1998) Face au nouvelles conditions du marcheacute de plus en plus drsquoentreprises cherchent agrave eacutevaluer les performances de ses cadres en termes de savoir-ecirctre pour reacuteduire lrsquoeacutecart entre les comportements manifesteacutes et les comportements attendus

122 Une capaciteacute agrave geacuterer la performance individuelle le savoir-vivre Il y est question de mesurer de faccedilon qualitative la capaciteacute de management des performances individuelles Ce programme de mesure se fonde sur le postulat que le management de la performance individuelle deacutetermine la capaciteacute des employeacutes agrave srsquoengager dans les objectifs eacuteconomiques et sociaux de lrsquoorganisation Il srsquoagit pour lrsquoemployeacute drsquoavoir la capaciteacute agrave maicirctriser les bons proceacutedeacutes afin drsquoeacuteviter le gaspillage des compeacutetences drsquoameacuteliorer les coordinations drsquooptimiser les relations avec les clients et dans tous les cas de deacutetecter les difficulteacutes degraves qursquoelles se deacuteclarent Eleacutement indispensable pour un manager et un personnel en contact il srsquoadditionne au savoir-ecirctre Ce savoir-vivre correspondant litteacuteralement agrave laquo lrsquoart de bien diriger sa vie agrave la politesse raquo est consideacutereacute ici en tant qursquoart de geacuterer les relations avec les autres agrave travers une gestion de ses propres eacutemotions et celles des autres Agrave cet eacutegard Amherdt (2005) suggegravere cinq recommandations pour assurer aux membres drsquoune eacutequipe un fonctionnement optimal Selon cet auteur ce type de manager dispose drsquoune grande clareteacute dans ses attentes reacutevegravele un inteacuterecirct reacuteel pour son eacutequipe est un bon deacutecisionnaire inspire confiance sait relever les deacutefis et en soumettre agrave son eacutequipe De la mecircme faccedilon pour un employeacute en contact avec la clientegravele des capaciteacutes agrave geacuterer ses propres eacutemotions et celles de son interlocuteur sont essentielles A ce propos selon Hochschild (1983) ces postes sont des meacutetiers de contact vocal ou facial avec le public qui demandent aux employeacutes de produire une reacuteaction eacutemotionnelle chez le client et qui offrent aux employeurs un moyen de controcircle des activiteacutes eacutemotionnelles des salarieacutes Sous sa forme ideacuteale cette gestion de soi-mecircme et drsquoautrui est sincegravere et authentique

En reacutesumeacute la performance eacuteconomique individuelle correspondrait pour lrsquoemployeacute agrave lrsquoaccomplissement minimum des tacircches demandeacutees de faccedilon responsable et correcte un

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savoir-faire La performance sociale individuelle srsquoattacherait davantage agrave lrsquoart et la maniegravere de se comporter au travail gracircce agrave une adaptabiliteacute eacutemotionnelle agrave un savoir-ecirctre et en tant que manager ou personnel en contact agrave un savoir-vivre dans le sens drsquoune capaciteacute agrave geacuterer sa performance individuelle et celle drsquoautrui Le deacutetail de chacune de ces composantes de la performance humaine semble reacuteveacuteler une certaine endogeacuteneacuteiteacute Le savoir faire faire les choses au moins comme il faut de faccedilon responsable et les faire bien preacutesuppose un comportement et une attitude de lrsquoemployeacute propice agrave la bonne reacutealisation des tacircches soit une veacuteritable capaciteacute sociale Dans ce cadre plusieurs recherches investiguent plus avant les relations probables entre les deux types de performance

2 Une veacuteritable imbrication

21 La performance sociale individuelle peut influencer la performance eacuteconomique individuelle

Selon Rafaeli et Sutton (1987) la performance sociale qursquoils deacutefinissent comme expression drsquoeacutemotions de lrsquoemployeacute influence la performance eacuteconomique organisationnelle Non seulement ils montrent par leur litteacuterature que les eacutemotions peuvent avoir un impact immeacutediat sur les ressources de lrsquoorganisation mais aussi sur les gains agrave moyen et long terme A court terme cette influence est tregraves perceptible lorsqursquoon regarde lrsquoeffet eacuteconomique des eacutemotions exprimeacutees par des commerciaux sur les ventes de lrsquoentreprise Le moyen terme est deacutefini comme laquogain bis ou gain par contagionraquo qui traduit les gains gagneacutes au deuxiegraveme contact avec le lsquoclientrsquo ou gracircce agrave un nouveau lsquoclientrsquo introduit par le premier En fait les eacutemotions fideacutelisent le client En ce qui concerne le long terme des expressions drsquoeacutemotions appreacutecieacutees creacuteent une bonne reacuteputation agrave lrsquoeacutetablissement agrave travers le bouche agrave oreille Mais lrsquoimpact de la gestion des eacutemotions sur la performance va plus loin Les interactions entre individus deviennent plus preacutevisibles permettant lrsquoeacutevitement des conflits intenses et preacuteservant ainsi lrsquoeacutequilibre eacutemotionnel de chacun (Ashforth et Humphrey 1993) Selon Lazarus (1991) la performance sociale individuelle ou laquole fonctionnement socialraquo peut perturber la performance eacuteconomique individuelle Il indique que les comportements pro-sociaux peuvent ecirctre lieacutes agrave des strateacutegies engageantes Ces strateacutegies individuelles ont pour objectif de se faire appreacutecier drsquoautrui afin drsquoeacuteviter la marginalisation et le rejet des autres Ce rejet peut en effet selon ses termes entraver la performance eacuteconomique individuelle lrsquoindividu eacutetant inquieacuteteacute par des preacuteoccupations inteacuterieures alteacuterant la performance au travail Dans le mecircme sens Ashforth et Humphrey (1993) rapportent que la gestion des eacutemotions lieacutee agrave la performance sociale individuelle peut provoquer lrsquoeacutepuisement eacutemotionnel le bien-ecirctre psychologique la frustration et le stress De plus si en geacuteneacuteral les deacutesordres physiologiques dus aux eacutemotions sont temporaires il arrive que le choc eacutemotionnel soit si violent ou si persistant que lrsquoorganisme srsquoeacutepuise (burnout) agrave reacutetablir lrsquoeacutequilibre et que des leacutesions telles que lrsquoulcegravere gastrique apparaissent (HSelye 1974) perturbant automatiquement la performance eacuteconomique individuelle par le manque de forces physiques en deacutecoulant jusqursquoagrave lrsquoabsenteacuteisme du salarieacute Nonobstant ces recherches aucune eacutetude nrsquoa reacuteellement eacutetabli de correacutelations ou de liens de causes agrave effet entre les eacutemotions et la performance Si ce lien nrsquoa pas eacuteteacute aveacutereacute peut-on parler drsquoun lien de cause agrave effet drsquoun type de performance individuelle sur lrsquoautre

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22 La performance eacuteconomique peut influencer la performance sociale individuelle La performance eacuteconomique individuelle pourrait influer sur la performance sociale individuelle Lazarus (1991) explique agrave ce sujet qursquoun individu qui eacutechoue peut ne pas lrsquoaccepter et faire montre pendant la peacuteriode drsquoacceptation de comportements inapproprieacutes au travail Peu drsquoeacutetudes portent sur ce sujet neacuteanmoins il est concevable que cette deacutependance de lrsquoeacuteconomique et du social reacutesulte de lrsquoattachement porteacute par lrsquoindividu sur la perception de sa performance eacuteconomique Cet attachement peut ainsi creacuteer une frustration affective La conceptualisation de ces deux concepts est confronteacutee agrave deux contextes issus du type de travail occupeacute doit-on consideacuterer que les performances individuelles sont les mecircmes dans un poste en contact avec la clientegravele ou dans un poste non en contact Adelmann (1989) estimait que les postes drsquoun tiers des employeacutes ameacutericains incorporent des eacuteleacutements de laquo troc raquo des eacutemotions ougrave les employeacutes sont reacutecompenseacutes speacutecialement pour leurs expressions drsquoeacutemotions Quels sont les liens qui relient ces deux performances dans ces deux cadres de travail La performance eacuteconomique individuelle dans un meacutetier en contact avec la clientegravele serait-elle analogue agrave la performance sociale individuelle Dans un poste non en contact avec la clientegravele la performance sociale serait-elle une variable indeacutependante parmis drsquoautre de la performance eacuteconomique

Dans les meacutetiers en contact avec la clientegravele la performance sociale individuelle semble une dimension de la performance eacuteconomique individuelle Leur perception du bon accomplissement de la tacircche et du travail bien fait est totalement deacutependante des comportements exprimeacutes lors de leur contact avec le client Le savoir-faire srsquoy confond avec le savoir-ecirctre et le savoir-vivre Dans un meacutetier en contact la performance sociale est souvent ce qui deacutefinit le rocircle de lrsquoindividu Ainsi la performance sociale individuelle y serait une dimension de la performance eacuteconomique individuelle Dans le cas des services la qualiteacute du service rendu est directement deacutependant du savoir-ecirctre et savoir-vivre du personnel en contact qui se mesure agrave partir drsquoitems speacutecifiant la satisfaction du client vis-agrave-vis de lrsquoaccueil Dans les meacutetiers non en contact la performance eacuteconomique individuelle aurait essentiellement pour dimensions le savoir-faire accomplissement de la tacircche et le savoir-faire responsable crsquoest-agrave-dire une implication dans la tacircche agrave accomplir composeacute drsquoattitudes speacutecifiques tels que pertinence (ampleur des relations eacutetablies par le sujet entre une tacircche et ses valeurs personelles) inteacuterecirct (intensiteacute de la relation cognitive de lrsquoindividu agrave la tacircche) attrait (intensiteacute de la relation eacutemotionelle de lrsquoindividu agrave la tacircche) (Strazieri 1994) Ces derniers reacuteclament potentiellement du savoir-ecirctre pour reacutepondre aux normes comportementales de lrsquoentreprise Le savoir-vivre ou gestion des eacutemotions drsquoautrui semble ne pas y avoir de rocircle formel neacuteanmoins nous soupccedilonnons les individus drsquoen faire usage dans certains cas probablement exeptionnels lors de support social agrave autrui Ainsi dans le cas des meacutetiers non en contact il semblerait qursquoil y ait davantage une relation de cause agrave effet entre la performance sociale et la performance eacuteconomique individuelle et vice et versa qursquoune veacuteritable endogeacuteneacuteiteacute Ces deux types de performance individuelle pourrait-on dire correspondent au minimum requis Le qualificatif laquo responsable raquo deacutepend du niveau drsquoimplication du salarieacute pour son travail Le tableau 1 reacutecapitule les performances cleacutes exigeacutees selon que lrsquoindividu est en contact avec la clientegravele et manager ou personnel dit non en contact sachant que la mutation

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du travail deacutecrite par Zafirian (1999) indique clairement que ce type de poste taylorien tend agrave disparaicirctre pour laisser place agrave un travail pro-actif et de reacuteseau drsquoacteurs Tableau 1 description des deux types de performance individuelle selon le type de meacutetier

Performance individuelle du personnel non en contact

- performance individuelle o savoir-faire o savoir-ecirctre

(potentiellement) - performance individuelle

responsable o savoir-faire o savoir-faire responsable

(implication) o savoir-ecirctre

Performance individuelle du personnel en contact (avec la clientegravele ou subalternes)

- performance individuelle o savoir-faire o savoir-ecirctre o savoir-vivre

- performance individuelle responsable

o savoir-faire o savoir-faire responsable o savoir-ecirctre o savoir-vivre

3 Reconsideacuteration ou consideacuteration de la performance humaine Cette investigation nous permet ainsi de deacutefinir la performance sociale et la performance eacuteconomique individuelles et leurs dimensions Dans ce sens elle tente de reacuteveacuteler des relations entre ces deux variables qui si elles doivent ecirctre valideacutees correspondent agrave une base de constitution drsquoun outil de mesure de la performance individuelle au travail applicable De faccedilon syntheacutetique aucun employeacute ne saurait eacuteviter lrsquoaccomplissement dune performance sociale srsquoil a pour objectif de performer eacuteconomiquement La distinction se situe uniquement sur le type et le degreacute de performance sociale demandeacutee par le poste occupeacute En cela ce papier tend agrave eacuteveiller les esprits sur une reconsideacuteration neacutecessaire dans le contexte actuel de lappreacuteciation de la performance individuelle de lrsquoemployeacute au travail Neacuteanmoins nrsquooublions pas que la probleacutematique de la performance individuelle implique pour lrsquoentreprise une remise en cause des objectifs mecircme de son action Ainsi du cocircteacute des salarieacutes cette nouvelle exigence drsquoun plus grand investissement personnel et comportemental implique lrsquoeacutelaboration par les salarieacutes de nouvelles regravegles et conditions pour geacuterer leurs rapports avec lrsquoautre et lrsquoentreprise Tant que les employeacutes eacutetaient sous la tutelle de lrsquoorganisation taylorienne du travail il srsquoagissait pour eux de srsquoadapter aux regravegles imposeacutees par lrsquoentreprise Le problegraveme se situe dans le fait qursquoaujourdrsquohui la performance humaine passe par une redeacutefinition agrave la fois individuelle et collective drsquooutils de reacutegulation de ces rapports Lorsque lrsquoon considegravere que drsquoici 2010 le deacuteficit annuel de salarieacutes se chiffrera agrave 440 0001 ce ne sera plus les employeurs qui utiliseront les talents mais les talents qui utiliseront lrsquoorganisation Or pendant des deacutecennies les entreprises ont investi en masse dans lrsquoameacutelioration de leurs performances technologique et financiegravere laissant de cocircteacute la performance de leur ressources humaines Son eacutevaluation srsquoest en effet longtemps limiteacutee au coucirct et aux effectifs Mais actuellement ce type drsquoaction ne peut mener qursquoagrave la perte

1 Source APEC (2004)

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conduisant agrave courir apregraves les salarieacutes et agrave surencheacuterir sur les reacutemuneacuterations Face agrave un travail en mutation il srsquoagit pour lrsquoorganisation de passer drsquoune gestion des ressources humaines globale et coucircteuse agrave un management des performances individuelles voire humaines A cet eacutegard cet objectif ambitieux implique une large reconfiguration des outils de management mis en place depuis vingt ans Cette redeacutefinition suppose selon notre analyse

(1) au preacutealable de connaicirctre parfaitement les meacutetiers qui composent lrsquoentreprise Les descriptions de tacircches poste par poste sont statistiques et souvent obsolegravetes agrave peine leur mise agrave jour effective

(2) de replacer la contribution au reacutesultat au cœur de leurs outils de management en fixant pour chaque poste lrsquoactiviteacute attendue comprenant le degreacute et le type de performance sociale y attenant

(3) de traduire de facon formaliseacutee et localiseacutee les axes strateacutegiques de lrsquoentreprise en guidant la contribution au reacutesultat de chacun pour qursquoelle corresponde agrave la fois aux reacutesultats agrave court terme attendus et la strateacutegie agrave long terme souhaiteacutee Il est neacutecessaire de sortir lrsquoentreprise drsquoune vision de lrsquohomme comme preacutedeacutetermineacutee telle quil a souvent eacuteteacute consideacutereacute pour le leadership et non comme un potentiel agrave deacutevelopper Pour reacutesumer Beacutelier (1998 p6) preacutecise laquoEn valorisant le savoir-ecirctre et savoir vivre dans la gestion des hommes on fait de ce qursquoil y a de plus priveacute particulier personnel le ressort de la performance de lrsquoentreprise Les techniques les savoirs et les habileteacutes ne suffisent plus pour reacuteussirraquo

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LA PRODUCTION DE CONNAISSANCES DrsquoINTENTION SCIENTIFIQUE LE PRINCIPE DE CONTINGENCE GENERIQUE APPLIQUE A LrsquoAUDIT SOCIAL Olivier VOYANT Maicirctre de Confeacuterences en Sciences de Gestion agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 Membre de lrsquoISEOR

Introduction Partant du thegraveme du colloque les fondements de lrsquoaudit social la probleacutematique de cette communication srsquointeacuteresse aux difficulteacutes de mesure du social dans les organisations Sur ce point deux approches compleacutementaires peuvent se distinguer La premiegravere consiste agrave srsquointeacuteresser aux variables exogegravenes qui peuvent remettre en cause les outils et les meacutethodes de la mesure Ainsi la neacutecessiteacute pour les organisations drsquohypertrophier leurs performances ou encore la neacutecessiteacute complexe de mieux maicirctriser les turbulences de la mondialisation peuvent contraindre les meacutecanismes de la mesure agrave eacutevoluer La seconde sur laquelle cette communication est orienteacutee porte sur des variables endogegravenes de la mesure Il srsquoagit de reconnaicirctre que les meacutethodes de mesure sont intrinsegravequement eacutevolutives tant elles ne deacutecrivent qursquoune partie de la reacutealiteacute En effet si les meacutethodes drsquoaudit social constituent un socle de connaissances ces derniegraveres sont incomplegravetes et comprennent une part drsquoombre et de lumiegravere Srsquointeacuteresser au caractegravere laquo vivant raquo de ce socle repreacutesente un inteacuterecirct tant pour la survie que pour le deacuteveloppement des connaissances acquises Pour esquisser une reacuteponse agrave cette probleacutematique cette communication tentera de deacutemontrer que la mise en œuvre drsquoun audit social inscrit dans un principe de contingence geacuteneacuterique peut contribuer agrave la production de connaissances drsquointention scientifique Les propos seront articuleacutes en deux temps une reacuteflexion eacutepisteacutemologique sur la connaissance et plus preacuteciseacutement sur la connaissance drsquointention scientifique une illustration agrave partir de terrains drsquoexpeacuterimentation de la contribution du principe de contingence geacuteneacuterique agrave la production de connaissances drsquointention scientifique pour conforter et enrichir un type drsquoaudit social

1 Les connaissances drsquointention scientifique La connaissance deacutesigne un rapport de la penseacutee agrave la reacutealiteacute exteacuterieure et engage la notion de veacuteriteacute comme adeacutequation de lrsquoesprit et de la chose Par extension connaissance deacutesigne le contenu de la penseacutee qui correspond agrave la nature de la chose viseacutee et srsquooppose agrave erreur ou illusion Cette recherche de veacuteriteacute est infinie Selon Arendt (1996 pp 31-32) laquo notre soif de connaissance nrsquoest peut-ecirctre pas eacutetanchable en raison de lrsquoimmensiteacute de lrsquoinconnu et du fait que chaque domaine de la connaissance eacutelargit les horizons du savoir raquo Cette soif de connaissance qursquoelle soit neacutee de neacutecessiteacutes pratiques drsquoembarras theacuteoriques ou de la simple curiositeacute constitue une quecircte permanente pour le chercheur Cette mission ne doit cependant pas lrsquoeacuteloigner de deux principes fondamentaux Le premier ndash un principe de preacutecaution ndash consiste agrave preacutefeacuterer les incertitudes aux certitudes immeacutediates le second ndash un principe drsquoengagement dynamique ndash porte sur la neacutecessiteacute de srsquoengager dans le processus de connaissances en srsquoassurant qursquoelles pourront faire lrsquoobjet de remises en cause

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11 Un principe de preacutecaution lrsquointention scientifique

Au cours de son premier ouvrage sur la Naissance de la trageacutedie Nietzsche considegravere Socrate comme le type de lrsquooptimiste theacuteorique qui attribue laquo agrave la foi dans la possibiliteacute drsquoapprofondir la nature des choses au savoir agrave la connaissance la vertu drsquoune panaceacutee universellehellip raquo Selon Socrate laquo peacuteneacutetrer les causes et distinguer de lrsquoapparence et de lrsquoerreur la veacuteritable connaissance raquo est pour lrsquohomme laquo la vocation la plus noble la seule digne de lrsquohumaniteacute raquo Cette vocation pleine de noblesse et drsquointeacuterecirct pour lrsquohomme et pour le chercheur en particulier nrsquoest en laquo reacutealiteacute raquo que la formulation drsquoune intention Socrate laquo srsquoavouacirct agrave lui-mecircme ne rien savoir raquo (Nietzsche 1994 [1872] pp 110-121) En ce sens il est en adeacutequation avec Platon (1981 p 18) pour qui laquo lrsquoignorance se preacutesente le plus souvent comme sucircre drsquoelle-mecircme alors que la reconnaissance de son ignorance constitue le deacutebut de la sagesse Se savoir ignorant crsquoest se rendre disponible agrave la deacutecouverte de la connaissance de la veacuteriteacute et du bien qui est en nous raquo Cette apologie de lrsquoignorance ne srsquoapparente pas agrave une quelconque fausse modestie mais traduit la force des illusions ces erreurs de lrsquoesprit qui font prendre des apparences pour des reacutealiteacutes Une connaissance bacirctie sur les apparences peut-elle preacutetendre au statut de connaissance Elle ne reacuteside en fait qursquoagrave eacutelever la pure apparence et selon lrsquoexpression de Schopenhauer (2004 p 498) agrave laquo endormir plus profondeacutement encore le recircveur raquo Cette position paradoxale ndash celui qui part en quecircte de nouvelles connaissances se considegravere ignorant ndash ne peut ecirctre assimileacutee agrave une forme drsquoabandon de reacutesignation mais agrave un principe de preacutecaution Srsquoil existe encore des observateurs assez naiumlfs pour croire qursquoil existe des laquo certitudes immeacutediates raquo le chercheur srsquoappuiera sur des expeacuteriences riches en contenu et sur la dureacutee Cette logique anti-commerciale de reacutesultats lents et coucircteux devrait lui permettre de deacutepasser pour tout ou partie le mur des illusions Qursquoen est-il cependant des connaissances acquises Sont-elles complegravetes et durables Si Nietzsche (2000 [1886] p 73) pense qursquoil laquo est bon pour le peuple de croire que la connaissance est le fait de connaicirctre une chose jusqursquoau bout raquo le style comportemental du chercheur ne peut y souscrire Selon Paturel et Voyant (2004 pp 553-554) le chercheur srsquointerroge de maniegravere permanente et envisage les certitudes acquises dans un va-et-vient avec les incertitudes Ainsi la somme des connaissances acquises ne constitue pas un Codex certain complet et immuable Comme le preacutecise Spinoza (1954 [1677] pp 159 amp 327) dans son excellent ouvrage Lrsquoeacutethique les connaissances nous sont repreacutesenteacutees laquo drsquoune faccedilon incomplegravete (mutilate) confuse et sans ordre pour lrsquoentendement raquo et laquo de la dureacutee des choses nous ne pouvons avoir qursquoune connaissance tregraves inadeacutequate et le temps drsquoexistence des choses nous les deacuteterminons par la seule imagination raquo Ne pas respecter cette possibiliteacute drsquoincompleacutetude et de changement des connaissances crsquoest prendre le risque signaleacute par Boudon (2004 p 29) drsquoutiliser des connaissances qui nrsquoappartiennent qursquoagrave lrsquohistoire Pour reprendre la question de Weber (1963 [1959] p 111) laquo quel est alors au fond lrsquoapport positif de la science agrave la laquo vie raquo pratique et personnelle raquo si les connaissances acquises ne sont que des probabiliteacutes de connaissances incomplegravetes et non durables Pour ce dernier la laquo science contribue agrave une œuvre de clarteacute raquo Par optimisme lrsquoeacutevocation de connaissances semble acceptable degraves lors qursquoelle srsquoinscrit dans un principe de preacutecaution lrsquointention scientifique Cette derniegravere accepte de consideacuterer une connaissance reacuteelle complegravete et stable degraves lors qursquoelle ne quitte pas un corpus drsquohypothegraveses

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12 Un principe drsquoengagement dynamique la contingence geacuteneacuterique Selon Spinoza (1954 [1677] p 100) laquo une chose nrsquoest dite contingente que par rapport agrave un manque de connaissance raquo Sur ce point les reacuteflexions relatives agrave lrsquoexistence et agrave la liberteacute humaine constituent un thegraveme majeur de la contingence Selon Merleau-Ponty (2001 [1960]) laquo tout est possible de la part de lrsquohomme et jusqursquoagrave la fin Lrsquohomme est absolument distinct des espegraveces animales mais justement en ceci qursquoil nrsquoa point drsquoeacutequipement originel et qursquoil est le lieu de la contingence raquo Ajouter une variable telle que les entreprises et les organisations agrave lrsquoeacutetude de la laquo meacutecanique humaine raquo (Alain 1985 [1932 agrave 1938] p 111) rend sans doute la probabiliteacute de contingence encore plus grande Le chercheur est-il cependant condamneacute agrave ne produire que des connaissances speacutecifiques crsquoest-agrave-dire reacuteelles complegravetes stables pour un champ donneacute et un seul Selon Savall et Zardet (2004 p 251) il est possible de rendre compleacutementaire la production de connaissances composeacutees drsquoingreacutedients speacutecifiques (contingents) et invariants (regravegles geacuteneacuteriques doteacutees drsquouniversalisme) Si les auteurs admettent que laquo le caractegravere universel drsquoune recherche en sciences sociales est encore aujourdrsquohui mal accepteacute raquo ils estiment que laquo certaines recherches cumulatives permettent de mieux comprendre comment peuvent srsquoagencer des connaissances geacuteneacuteriques avec des connaissances contextuelles ou speacutecifiques raquo Pour eux laquo le concept de contingence geacuteneacuterique deacutesigne la combinaison possible entre contingence et universalisme un noyau dur de connaissances geacuteneacuteriques compleacuteteacute par des peacuteripheacuteries contextuelles issues de cas diffeacuterents A B Chellip Au lieu de consideacuterer qursquoune eacutetude au sein drsquoune entreprise est neacutecessairement contingente et contextualiseacutee ne peut-on pas consideacuterer qursquoun cas constitue le deacutebut drsquoune seacuterie statistique ou un eacuteleacutement dans une population drsquoentreprises que lrsquoon ambitionne drsquoeacutetudier dans un programme de recherches cumulatives raquo Ce point de vue autorise une dynamique entre contingence et geacuteneacuterique et reacutepond au principe de preacutecaution preacuteceacutedemment eacutevoqueacute Tout drsquoabord les connaissances ne constituent pas des eternae veritates mais traduit la penseacutee du chercheur pour un espace-temps imaginaire Dans cet espace les connaissances ne quittent pas un corpus drsquohypothegraveses scindeacute en trois degreacutes (Savall et Zardet 2004 p65) laquo le niveau descriptif dont la finaliteacute principale est de deacutecrire un objet de recherche le niveau explicatif dont la finaliteacute est de proposer une interpreacutetation agrave des pheacutenomegravenes deacutecrits et observeacutes et le niveau prescriptif dont la finaliteacute principale est de proposer des actions ou des transformations pour modifier lrsquoeacutetat des choses observeacutees raquo Ensuite le va-et-vient entre connaissances geacuteneacuteriques et connaissances contingentes offre la possibiliteacute au chercheur de modifier et drsquoenrichir ses connaissances agrave vocation universelle Enfin les connaissances deacuteveloppeacutees servent agrave la fois la communauteacute des praticiens (connaissances contingentes) et agrave la communauteacute scientifique (connaissances geacuteneacuteriques) Prendre position dans le laquo combat raquo de production de connaissances drsquointention scientifique reacutepond au principe de Clausewitz (1999 [1832] p 56) selon lequel lrsquoengagement est une condition sine qua non de reacuteussite laquo le soldat est recruteacute vecirctu armeacute formeacute il dort mange boit et marche uniquement afin de prendre part agrave lrsquoengagement au bon endroit et au bon moment raquo Ainsi le chercheur-soldat conduit son action selon deux principes la preacutecaution qui considegravere la connaissance comme une intention scientifique lrsquoengagement dynamique pour lequel la production de connaissances drsquointention scientifique suit un principe de contingence geacuteneacuterique

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2 La production de connaissances drsquointention scientifique Le fil conducteur de la deacutemonstration drsquoune contribution du principe de contingence geacuteneacuterique agrave la production de connaissances drsquointention scientifique sera preacutesenteacute en 3 points Ces points repreacutesentent une segmentation du processus drsquoaudit social la preacuteparation la reacutealisation et la restitution de lrsquoaudit social Cette meacutethode deacuteveloppeacutee par Savall et Zardet (2003 [1987] pp253-282]) consiste agrave laquo mettre en relief les dysfonctionnements raquo traduisant une atrophie de lrsquoeacutetat social des entreprises puis agrave en deacutecrire les effets Selon les auteurs laquo cette option meacutethodologique de base consistant agrave ne seacutelectionner que les dysfonctionnements de lrsquoentreprise srsquoappuie sur une volonteacute de creacuteer un choc culturel ou prise de conscience de lrsquoentreprise pour lrsquoinciter ensuite agrave rechercher des solutions raquo En preacuteambule et de maniegravere contextuelle seront preacutesenteacutes les mateacuteriaux expeacuterimentaux utiliseacutes pour cette deacutemonstration

21 Les terrains drsquoexpeacuterimentation La recherche-intervention est-elle de nature agrave produire des connaissances drsquointention scientifique De nombreux travaux ndash rapports articles communications ouvrages et thegraveses de doctorat ndash traitent de cette question Dans lrsquoattente drsquoune reacuteponse claire et deacutefinitive () de la part des speacutecialistes il convient drsquoadopter trois principes Le premier fait reacutefeacuterence au style comportemental du chercheur abordeacute preacuteceacutedemment le chercheur est curieux ouvert drsquoesprit toleacuterant envers ce que font et obtiennent les autres humble modestehellip Ainsi le recours agrave la recherche-intervention reacutepond agrave une opportuniteacute voire agrave une conviction et ne srsquooppose en aucun cas aux autres types de meacutethodologies Le second principe srsquointeacuteresse au niveau et agrave la qualiteacute de conceptualisation du type de recherche-intervention adopteacute Les terrains drsquoexpeacuterimentation preacutesenteacutes ci-apregraves ont eacuteteacute meneacutes agrave lrsquoaide drsquoune recherche-intervention (Savall amp Zardet 2004 1996 Thieacutetart 2003 David 2000 Plane 2000) encadreacutee par des regravegles rigoureuses ndash dispositif drsquointervention diagnostic preacuteconisations restitutions accompagnements eacutethiquehellip ndash de lrsquointervention du chercheur en entreprise (Livian 2003 Louart 1995) Le troisiegraveme principe consiste agrave srsquoassurer que le chercheur tentera au cours de son activiteacute de recherche de briser le mur des illusions Sur ce point lrsquointronisation du chercheur au sein du champ observeacute constitue un eacuteleacutement inteacuteressant et srsquoaccorde avec le point de vue de nombreux auteurs (Einstein 1979 p 160 Bachelard 2004 [1949] pp 1-11 Granger 1994) Dans la perspective drsquoillustration de connaissances geacuteneacuteriques et contingentes obtenues au cours de recherches-interventions les mateacuteriaux suivants ont eacuteteacute seacutelectionneacutes Ils sont preacutesenteacutes en deux familles de probleacutematiques des variables endogegravenes et exogegravenes agrave lrsquoorganisation

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Variables

endogegravenes Variables exogegravenes

Cas A Organisme de la formation professionnelle et de lrsquoemploi ndash Effectif de 3300 personnes ndash Secteur public ndash Belgique Recherche-intervention 2001 agrave 2005

Obtenir une meilleure utilisation des deniers publics

Adopter une attitude proactive eacutelaborer le futur contrat de gestion

Cas B Entreprise inteacutegreacutee drsquoaciers speacuteciaux ndash Effectif de 2000 (puis 4000) personnes ndash Secteur priveacute ndash France Recherche-intervention 1999 agrave 2002

Renforcer le management de la socieacuteteacute X pour reacuteussir la fusion avec la socieacuteteacute Y

Deacutevelopper une forte reacuteactiviteacute strateacutegique attentats du 11 septembre 2001

Cas C Groupe de la grande distribution Filiale service apregraves-vente ndash Effectif de 1500 personnes ndash Secteur priveacute ndash France Recherche-intervention 1997 agrave 2002

Mettre en adeacutequation le systegraveme de primes avec les reacutesultats eacuteconomiques

Preacuteparer lrsquoeacutevolution de la leacutegislation Europeacuteenne en matiegravere de service apregraves-vente

Cas D Groupe industriel en technologies de pointe ndash Effectif de 300 personnes ndash Secteur priveacute ndash Belgique Recherche-intervention 1995 agrave 2002

Preacuteparer la succession du Preacutesident Directeur Geacuteneacuteral

Anticiper les crises industrielles en Belgique et en Europe

Ces diffeacuterents cas reacutepondent agrave deux volonteacutes La premiegravere consiste agrave eacutelargir le champ de recherche agrave des organisations heacuteteacuterogegravenes La seconde opte pour une analyse longitudinale des expeacuterimentations Le point commun entre ces deux volonteacutes est de deacuteterminer par lrsquoexpeacuterimentation multiple et le temps le caractegravere contingent ou geacuteneacuterique drsquoune connaissance Les eacuteleacutements geacuteneacuteriques preacutesenteacutes ci-apregraves sont communs aux diffeacuterents terrains et ont eacuteteacute soumis agrave lrsquoeacutepreuve du temps ce qui reacuteduit le risque de connaissances laquo immeacutediates raquo crsquoest-agrave-dire agrave effet potentiellement limiteacute dans le temps Pour chacune des eacutetapes du processus drsquoaudit social 3 connaissances contingentes (speacutecifiques agrave une organisation A B C ou D) seront relieacutees agrave 3 connaissances geacuteneacuteriques (convergentes agrave lrsquoensemble des organisations)

22 La preacuteparation de lrsquoaudit social La premiegravere eacutetape du processus drsquoaudit social concerne sa preacuteparation en deux grandes eacutetapes la preacuteparation des entretiens et leur programmation Les connaissances contingentes et geacuteneacuteriques preacutesenteacutees ci-apregraves srsquoappuient principalement sur la preacuteparation des entretiens1

1 Remarque La connaissance contingente laquo C11 raquo est agrave relier avec la connaissance geacuteneacuterique laquo G11 raquo

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Connaissances Contingentes Connaissances Geacuteneacuteriques

C13 Organiser des entretiens

individuels pour les personnels experts (Cas A)

G13 Organiser des entretiens individuels pour la Direction et lrsquoencadrement hieacuterarchique puis de groupe pour le personnel

C12 Rencontrer les clients internes du secteur auditeacute (Cas A)

G12 Rencontrer les populations Direction encadrement hieacuterarchique et personnel

PREP

AR

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C11 Accepter de la Direction une apparence de volonteacute de laisser srsquoexprimer les acteurs au cours drsquoentretiens (Cas B)

G11 Obtenir de la Direction la volonteacute de laisser srsquoexprimer les acteurs au cours drsquoentretiens

Les connaissances contingentes laquo C12 amp C13 raquo repreacutesentent des compleacutements agrave la laquo leacutegislation raquo geacuteneacuterique des cases laquo G12 amp G13 raquo alors que la case laquo C11 raquo illustre la possibiliteacute de srsquoaccorder sur des illusions qui font prendre des apparences pour des reacutealiteacutes le cas B exprime sa volonteacute de faire srsquoexprimer les personnes mais cette volonteacute est une acceptation de faccedilade Ces diffeacuterentes illustrations montrent que le deacuteveloppement drsquoune meacutethode peut combiner agrave la fois rigueur (geacuteneacuterique) et grande souplesse (contingente) Par ailleurs les connaissances preacutesenteacutees pourront qursquoelles soient contingentes ou geacuteneacuteriques ecirctre utiliseacutees comme hypothegraveses descriptives explicatives et prescriptives par le chercheur Ainsi la connaissance deacuteveloppeacutee conserve son potentiel de reacuteactualisation une connaissance contingente en TO pourrait se transformer en connaissance geacuteneacuterique en T+1 (et inversement une connaissance geacuteneacuterique peut devenir au travers du temps une connaissance contingente) De plus il faut reconnaicirctre diffeacuterents degreacutes aux connaissances geacuteneacuteriques Ainsi la case laquo G11 raquo semble reacutepondre agrave une connaissance geacuteneacuterique plus profonde concernant lrsquointeacuterecirct pour une organisation de renforcer ses pratiques deacutemocratiques Selon Sen (2005 p 64) la deacutemocratie requiert laquo la liberteacute le respect de la leacutegaliteacute ainsi que la garantie de libre discussion et de circulation non censureacutee de lrsquoinformation et la liberteacute de la commenter raquo Lrsquoauteur preacutecise eacutegalement qursquoil convient de ne pas restreindre la deacutemocratie au droit de vote2 et agrave lrsquoOccident Dans ce cadre lrsquoaudit social constitue le lancement drsquoune dynamique deacutemocratique agrave renforcer par drsquoautres actions agrave vocation transformative Lrsquoenjeu pour lrsquoentreprise est drsquoactiver un levier (conscient ou inconscient) drsquoattraction des acteurs le renforcement des pratiques deacutemocratiques de lrsquoentreprise laquo exerce une force drsquoattraction interne (fideacutelisation des personnes) et externe (accroissement du volume et de la qualiteacute des candidatures) raquo (Voyant 2003 p 9) Sur ce point il semble que lrsquoarticulation des connaissances geacuteneacuteriques est une contribution agrave leur transfert par la force qualitative et quantitative de la deacutemonstration les connaissances geacuteneacuteriques pourraient convaincre les plus indeacutecis

2 Voir eacutegalement agrave ce sujet SLAMA (2002 [1995])

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23 La reacutealisation de lrsquoaudit social La seconde eacutetape du processus drsquoaudit social concerne sa reacutealisation en trois grandes eacutetapes le deacuteroulement drsquoentretiens leur exploitation et leur controcircle Les connaissances contingentes et geacuteneacuteriques preacutesenteacutees ci-apregraves srsquoappuient principalement sur les eacutetapes de deacuteroulement des entretiens et de leur exploitation

Connaissances Contingentes Connaissances Geacuteneacuteriques

C23 Lrsquoexpression drsquoun acteur traduite sous forme de laquo phrase-teacutemoin raquo est consideacutereacute unique Exemple laquo Lrsquoeacutequipe de Direction reacuteagit en gestionnaire elle deacuteduit des choses des budgets sans voir les implications relationnelles et sociales raquo (Cas D)

G23 Reacutepartir lrsquoexpression des acteurs dans les thegravemes suivants conditions de travail organisation du travail communication ndash coordination -concertation gestion du temps formation inteacutegreacutee et mise en œuvre strateacutegique

C22 Le volume drsquoinformations collecteacutees aupregraves de la Direction est plus important que celui de lrsquoencadrement et du personnel (Cas C)

G22 Prendre des notes exhaustives au cours des entretiens

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LISE

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C21 Les entretiens aupregraves des fonctions comptables sont plus directifs que pour les autres fonctions (Cas B)

G21 Reacutealiser des entretiens semi-directifs aupregraves des acteurs

La meacutethodologie utiliseacutee est celle du traitement de lrsquoinformation qualitative qui pose la question suivante comment agreacuteger des mots plutocirct que des nombres Ce travail est reacutealiseacute agrave lrsquoaide drsquoun logiciel systegraveme expert qui permet de classifier lrsquoexpression des acteurs dans une arborescence de thegravemes sous-thegravemes sous-sous thegravemes et ideacutees-cleacutes Si lrsquoarborescence des thegravemes constitue une connaissance geacuteneacuterique les ideacutees-cleacutes ndash qui repreacutesente la valeur des thegravemes ndash occupent le statut de connaissances semi-geacuteneacuteriques (ou semi-contingentes) Comme lrsquoindique la case laquo C23 raquo lrsquoexpression des acteurs retranscrite sous la forme de laquo phrases-teacutemoins raquo repreacutesente des laquo bribes ou eacuteleacutements de connaissances contextuelles raquo (Savall Zardet 2004 p 338) Une phrase-teacutemoin pourrait cependant apregraves plusieurs recoupements de cas dans le temps prendre la forme drsquoune ideacutee-cleacute voire figurer dans lrsquoarborescence des thegravemes elle prendrait ainsi le statut de connaissance geacuteneacuterique La figure ci-apregraves illustre lrsquoutilisation de lrsquoagreacutegation des mots comme base drsquoagreacutegation de chiffres Conccedilue agrave partir des 21 audits sociaux reacutealiseacutes sur les terrains drsquoexpeacuterimentation preacutesenteacutes et meneacutes sur une deacutecennie (de 1995 agrave 2005) elle permet de mettre en relief de nouvelles connaissances semi-geacuteneacuteriques

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Populations Ensemble Direction Encadrement

hieacuterarchique Personnel

Nombre drsquoentretiens 877 91 579 207 Nombre de personnes 1464 91 601 772 Nombre de phrases-teacutemoins 8692 987 5347 2358 CONDITIONS DE TRAVAIL 1509 669 1255 2439 ORGANISATION DU TRAVAIL

2148 2290 2190 1993

COMMUNICATION ndash COORDINATION ndash CONCERTATION

1826 1976 1868 1667

GESTION DU TEMPS 1169 861 1216 1167 FORMATION INTEGREE 809 648 806 882 MISE EN ŒUVRE STRATEGIQUE

2539 3556 2663 1832

Le regroupement des 8692 phrases-teacutemoins collecteacutes et imputeacutes dans les thegravemes preacutesenteacutes permet drsquoobserver diffeacuterentes tendances La population laquo personnel raquo srsquoexprime majoritairement sur le thegraveme laquo conditions de travail raquo alors que les populations laquo Direction raquo et laquo Encadrement hieacuterarchique raquo le font sur la laquo mise en œuvre strateacutegique raquo Concernant le thegraveme laquo formation inteacutegreacutee raquo il srsquoagit cette fois drsquoune tendance convergente (et non speacutecifique) entre les populations elles abordent ce thegraveme de maniegravere minoritaire par rapport aux autres

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La forme graphique ci-dessus illustre les premiegraveres tendances deacutecrites et fait apparaicirctre lrsquoimportance du rocircle drsquointermeacutediation de lrsquoencadrement (Saulnier Le Saout 2002 Trouveacute 1998) il est la courroie de transmission entre les populations laquo Direction raquo et laquo Personnel raquo sur les thegravemes laquo conditions de travail raquo et laquo mise en œuvre strateacutegique raquo

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24 La restitution de lrsquoaudit social La troisiegraveme eacutetape du processus drsquoaudit social concerne sa restitution en trois grandes eacutetapes la preacutesentation de lrsquoaudit puis lrsquoeacutelaboration et la preacutesentation drsquoun avis drsquoexpert Les connaissances contingentes et geacuteneacuteriques preacutesenteacutees ci-apregraves srsquoappuient principalement sur les eacutetapes de deacuteroulement des entretiens et de leur exploitation

Connaissances Contingentes Connaissances Geacuteneacuteriques

C33 Certaines caracteacuteristiques environnementales (internes etou externes) ne rendent pas pertinente la preacutesentation des convictions fortes de lrsquointervenant-chercheur (Cas A)

G33 Lrsquoavis drsquoexpert est une analyse au second degreacute permettant agrave lrsquointervenant-chercheur drsquoexposer sa conviction par rapport agrave lrsquoaudit reacutealiseacute

C32 La forte drsquoinertie exceptionnelle de certaines organisations rend difficile le deacuteclenchement drsquoun choc culturel (Cas B)

G32 Restituer lrsquoaudit social provoque aupregraves des acteurs un choc culturel lieacute agrave lrsquoanalyse dysfonctionnelle

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C31 Organiser la restitution des reacutesultats aupregraves de lrsquoensemble des acteurs du secteur auditeacute (Cas C)

G31 Organiser la restitution des reacutesultats aupregraves de lrsquoensemble des personnes intervieweacutees

La connaissance laquo C31 raquo marque une profonde eacutevolution des acteurs depuis le deacutemarrage des expeacuterimentations eacutetudieacutees De contrainte-sanction la reacutealisation drsquoun audit semble devenir une opportuniteacute-reacutecompense Ainsi les acteurs non rencontreacutes eacuteprouvent non pas un soulagement mais une forme de frustration qui semble srsquoadoucir degraves lors qursquoils sont convieacutes agrave la restitution des reacutesultats La connaissance laquo C32 raquo traduit le deacutesarroi strateacutegique des acteurs la multipliciteacute des audits et autres conduites de changement avorteacutes ont renforceacute leur insensibiliteacute aux difficulteacutes rencontreacutees Enfin la connaissance laquo C33 raquo repreacutesente la prise en compte de situations internes etou externes particuliegraverement turbulentes Si lrsquointervenant-chercheur doit se garder drsquoune trop grande influence de son champ drsquoeacutetude sur ses reacuteflexions il doit eacutegalement prendre en compte les situations complexes rencontreacutees par les acteurs Face agrave des situations exceptionnelles il se doit de reporter lrsquoexposeacute de ses convictions agrave des moments plus favorables Les connaissances contingentes laquo C31 C32 et C33 raquo pourraient-elles devenir des connaissances geacuteneacuteriques Des expeacuterimentations compleacutementaires sur une dureacutee aussi longue que la premiegravere seacuterie pourraient confirmer leur statut de connaissances geacuteneacuteriques etou leur capaciteacute agrave faire eacutemerger des connaissances geacuteneacuteriques peacuteripheacuteriques

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Conclusion La production de connaissances est une recherche de veacuteriteacute que lrsquoon souhaiterait universelle et intemporelle Mais la multiplication des illusions ces erreurs de lrsquoesprit qui font prendre des apparences pour des reacutealiteacutes doit inciter le chercheur agrave la preacutecaution La quecircte de connaissances est un signe de sa propre ignorance et les connaissances durement acquises ne peuvent ecirctre qursquoune intention scientifique ces derniegraveres ndash les connaissances ndash ne constituent pas un Codex certain complet et immuable Plus qursquoune contrainte cette posture drsquoesprit est une opportuniteacute pour rendre les connaissances utiles pour preacuteparer lrsquoavenir et non pour enrichir le passeacute Les connaissances sont des hypothegraveses permanentes pour lesquelles un engagement dynamique du chercheur est neacutecessaire les connaissances sont-elles contingentes ou geacuteneacuteriques Dans le premier cas le chercheur les imagine reacuteelles complegravetes et stables pour un champ donneacute et un seul dans le second cas il leur attribue une vocation universelle Appliqueacute agrave lrsquoaudit social ce principe a permis de deacutegager des connaissances contingentes (speacutecifique agrave une organisation) et geacuteneacuteriques (convergentes agrave lrsquoensemble des organisations) De maniegravere non exhaustive les connaissances G11 agrave G33 deacutecrivent un processus drsquoaudit social geacuteneacuterique alors que les connaissances C11 agrave C33 preacutesentent un processus contingent La poursuite de nouvelles expeacuterimentations sur une peacuteriode aussi importante que la premiegravere (de 1995 agrave 2005) pourrait probablement modifier le paysage des connaissances deacutecrites Si ces nouveaux travaux neacutecessitent beaucoup drsquoeacutenergie et de coopeacuteration ils justifient toute la noblesse et lrsquointeacuterecirct du meacutetier de chercheur pour ce dernier la quecircte de connaissances est infinie BIBLIOGRAPHIE ALAIN (1985 [1932 agrave 1938]) Propos sur les pouvoirs ndash Eleacutements drsquoeacutethique politique Gallimard ndash Folio essais 371 pages

ARENDT H (1996 [1iegravere publication 1971 Editions Tierce pour la traduction franccedilaise 1993]) Consideacuterations morales Rivages Poche-Petite bibliothegraveque 79 pages

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QUELLES REPRESENTATIONS DE LrsquoAUDIT SOCIAL Catherine VOYNNET-FOURBOUL Maicirctre de Confeacuterences - Universiteacute Paris 2 Pantheacuteon Assas

Reacutesumeacute La production des lois (bilan social 1977 loi NRE 2001) a reacuteguliegraverement stimuleacute le champ de laudit social qui fait lobjet dun corps de pratiques formaliseacutees par les auditeurs Cette recherche qualitative de type laquo Grounded Theory raquo meneacutee par une eacutequipe de 7 auditeurs aupregraves de 25 experts deacutecrit limage que se repreacutesentent les parties prenantes agrave propos de laudit social Limage de laudit social est un foisonnement de perceptions dattentes et deacutevaluations teacutemoignant des faiblesses mais aussi du potentiel et de lrsquoeacutevolution de cette pratique vers une compreacutehension des salarieacutes plus fine et plus propice agrave lrsquoaction

1 Objet de la recherche Lrsquoaudit social a connu un deacuteveloppement en France agrave partir du milieu des anneacutees soixante dix agrave la suite des obligations relatives au bilan social Sa justification reposait agrave cette eacutepoque sur lrsquointroduction de la rigueur drsquoeacuteleacutements plus quantitatifs comme la mesure drsquoeacutecarts par rapport agrave des objectifs Cependant si la litteacuterature nous apporte des eacuteleacutements preacutecieux de compreacutehension de la deacutemarche drsquoaudit social nous disposons en revanche de peu drsquoeacuteleacutements concernant les perceptions externes de lrsquoaudit social ce que nous proposons drsquoinvestiguer agrave la suite La litteacuterature permet de relever les fondements de cette pratique et les questions cleacutes que nous rapprocherons des perceptions que nous eacutetudierons empiriquement Le terme est drsquoabord apparu (Caroll Beiler 1975) aux Etats-Unis dans les anneacutees quarante avec les travaux de Theodore J Kreps professeur drsquoeacuteconomie des affaires agrave Stanford Le rocircle initial de laudit social selon lui consistait agrave mesurer et eacutevaluer la performance sociale des affaires (Bauer 1973) ainsi quagrave eacutetablir une eacutevaluation des contributions sociales des entreprises En 1953 Howard R Bowen conccediloit lrsquoaudit social comme une eacutevaluation de haut niveau indeacutependante conduite tous les cinq ans par un groupe drsquoauditeurs deacutesinteacuteresseacutes donc externes de preacutefeacuterence Le rapport drsquoaudit devant ecirctre une eacutevaluation assortie de recommandations agrave usage interne des dirigeants de lrsquoentreprise auditeacutee ceci afin de srsquoassurer de la franchise du rapport Jusque-lagrave les recherches ont porteacutees sur lrsquoimage de lrsquoaudit par les auditeurs Aubert A (1997) remarque que lrsquoaudit ne constitue pas leur unique activiteacute professionnelle que les contextes professionnels des auditeurs sont variables (quil sagisse de cabinets priveacutes drsquouniversitaires dauditeurs internes) et des domaines d rsquointervention (ressources humaines qualiteacute gestion informatique communication) Est souligneacutee la capaciteacute de lrsquoauditeur agrave voir entendre au delagrave de ce qui est offert et agrave srsquointeacutegrer dans le systegraveme auditeacute

1

MeacutediationFormation

Controcircle

Inspection

Auscultation

Recherche

Eacutetat des lieux

Evaluation

Analyse

Expertise

Conseil

Eacutetude

Ce que nrsquoest pas l rsquoaudit

Ce qursquoest l rsquoaudit

Enquecircte

Figure 1 lrsquoaudit vu par les auditeurs [AUBERT 1997] Le groupe de travail de lrsquoInstitut drsquoAudit Social a souhaiteacute produire un eacutetat des lieux de lrsquoimage de lrsquoaudit social afin de mieux comprendre la nature de lrsquoimage de lrsquoaudit social et lrsquoaudit de RSE ceci aupregraves drsquoun public plus divers eacutetendu aux parties prenantes concerneacutees par cette fonction En effet il nexiste pas agrave notre connaissance de recherche portant sur lavis des personnes qui sont les laquo beacuteneacuteficiaires raquo de laudit social

2 Meacutethodologie

21 Finaliteacute et reacutealisation de la recherche Les membres actifs du groupe (universitaires praticiens consultants) et experts de laudit social ont proceacutedeacute agrave des investigations au moyen drsquoentretiens qualitatifs aupregraves de 25 reacutepondants Lrsquoobjet de cette recherche porte sur lrsquoimage le rocircle le repeacuterage drsquoacteurs la mise en œuvre et lrsquoimpact de lrsquoaudit social Lrsquoeacutechantillon des reacutepondants a eacuteteacute constitueacute agrave la convenance des 7 membres du groupe de recherche lrsquoun des critegraveres eacutetant une reacutepartition par secteur drsquoactiviteacute par type de reacutepondant (agrave la fois des DRH majoritairement mais aussi des auditeurs consultants repreacutesentants drsquoONG et membres de syndicat) La position drsquoexpert des membres du bureau a permis une certaine faciliteacute drsquoaccegraves agrave des reacutepondants occupant des postes-cleacutes dans les institutions priveacutees mais aussi publiques et organisations cibleacutees (dans des secteurs drsquoactiviteacute divers meacutetallurgie aeacuteronautique BTP teacuteleacutecommunications communication loisirs agroalimentaire eacutenergie services) Chaque membre de lrsquoeacutequipe a proceacutedeacute agrave au moins deux entretiens selon un guide drsquoentretien portant sur lrsquoimage le recours agrave lrsquoaudit lrsquoexpeacuterience drsquoaudit Les transcriptions des entretiens ont fait lrsquoobjet drsquoune analyse visant agrave comparer et structurer le mateacuteriau Cette recherche qualitative articule les travaux des experts faccedilonnage du guide dentretien recueil des donneacutees primaires analyse des donneacutees qualitatives et reacuteflexions en commun Lrsquointeacuterecirct de

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lrsquoeacutequipe drsquoexperts consiste dans la triangulation par les regards croiseacutes et les eacutechanges facilitant le deacutecodage des reacutesultats de recherche

22 Le traitement de donneacutees Les entretiens retranscrits ont eacuteteacute analyseacutes agrave lrsquoaide du logiciel NUDIST N6 QSR Lrsquoanalyse a consisteacute agrave eacutetablir un codage des donneacutees une cateacutegorisation de type laquo grounded theory raquo par comparaison constante des donneacutees dans le but de produire une analyse transversale des variables eacutemergentes (Strauss Corbin 1990) Lrsquoanalyse a consisteacute en une structuration des cateacutegories in vivo Les reacutesultats preacutesenteacutes ici sont concentreacutes sur laudit social Il srsquoagit de relever le plus de cateacutegories lieacutees autour de lrsquoimage de lrsquoaudit social sans geacuteneacuteralisation du fait de la nature de lrsquoeacutechantillon Les premiers reacutesultats ont fait lrsquoobjet de preacutesentation devant le comiteacute drsquoexperts et au cours de communication lors de lrsquouniversiteacute de printemps de lrsquoInstitut drsquoAudit Social qui srsquoest tenue du 5 au 7 mai 2005 Les reacuteactions des experts et certains eacuteleacutements de la litteacuterature ont eacuteteacute inteacutegreacutes agrave lrsquoanalyse qui suit

3 Les reacutesultats

31 Les grandes perceptions Lrsquoaudit social recouvre geacuteneacuteralement une image tregraves eacutetireacutee peu homogegravene lieacutee agrave un domaine des ressources humaines susceptible dameacutelioration A la suite nous ferons figurer les aspects positifs et neacutegatifs lieacutes agrave cette image ainsi que certaines ameacuteliorations suggeacutereacutees par les reacutepondants Au plan positif lrsquoaudit social permet de mesurer une situation den tirer de enseignements pour le futur Les conseacutequences concregravetes de laudit en termes drsquoaction parfois le manque deffet preacuteoccupent les reacutepondants La caracteacuteristique majeure eacutevoqueacutee est lrsquoexistence drsquoun double volet les observations et les preacuteconisations Selon les entreprises la pratique est variable et tous les champs ne sont pas couverts Certains pourraient ecirctre eacutemergents comme le champ des relations sociales lorganisation du travail etc Laudit social est un domaine large qui porte sur toutes les dimensions de lentreprise certains reacutepondants insistent sur le caractegravere externe de sa porteacutee et que lon ne peut pas le dissocier de laudit de RSE Pourtant la preacutesence du mot social dans le sigle RSE ne garantit pas que lrsquoauditeur social soit le mieux placeacute pour assumer les missions de RSE Afin de clarifier les eacuteleacutements spontaneacutes permettant de deacutecrire lrsquoimage qursquoont les reacutepondants de lrsquoaudit social nous repreacutesentons cette image en opeacuterant une mise en perspective tout drsquoabord en distinguant les thegravemes de lrsquoaudit du processus mecircme de lrsquoaudit Puis pour ces deux aspects de lrsquoaudit nous deacuteclinerons lrsquoimage et ses conseacutequences lrsquoutiliteacute et les aspects lieacutes agrave lrsquoorganisation mecircme de lrsquoentreprise

3

Contenu de lrsquoaudit Forme de lrsquoaudit Image de lrsquoaudit

Associeacutee neacutegativement agrave la reacuteduction deffectif

Proceacutedure lourde formelle

Conseacutequences Un terme qui pose problegraveme auditeur vs expert

Vision eacutetroite trop lieacutee agrave la qualiteacute agrave la conformiteacute pas assez creacuteative

Utiliteacute Fusions acquisitions outil danalyse des risques et coucirct social Prospective audit des reacutemuneacuterations axes dameacutelioration Utile si situation deacutegradeacutee

Point positif regard exteacuterieur rigueur de lanalyse et aspects concrets RH Progregraves srsquoorienter vers lrsquoameacutelioration des outils RH

Organisation intra entreprise

Pratique agrave ameacuteliorer trop de missions fragmenteacutees besoin de coheacuterence

Adapteacute culturellement aux entreprises agrave systegraveme organisationnel formaliseacute

Tableau 1 lrsquoimage de lrsquoaudit social

32 Contenu de lrsquoaudit

La premiegravere impression qui apparaicirct pour illustrer lrsquoimage de lrsquoaudit est actuellement plutocirct contrasteacutee En effet drsquoune part on trouve lassociation agrave lideacutee de productiviteacute de gain de frais de structure et donc de reacuteduction deffectifs Drsquoautre part si agrave linteacuterieur de lrsquoentreprise pour les fonctions ressources humaines cet aspect peut ecirctre positif en revanche il nen est pas de mecircme agrave lexteacuterieur et les reacutepondants sont conscients que le terme met les gens sur la deacutefensive Laudit est commandeacute avant un plan social et donc risque decirctre annonciateur de reacuteduction deffectifs La conseacutequence de cette image neacutegative est la difficulteacute agrave utiliser le terme drsquoaudit social agrave lrsquointeacuterieur de lrsquoentreprise il existe un problegraveme de terminologie de laudit social Par exemple le terme audit social nest jamais utiliseacute dans lentreprise dun reacutepondant On parle deacutetudes denquecirctes Le deacutefaut drsquoimage est relateacute par le fait que les eacutequipes RH ont beaucoup trop travailleacute en interne dans lombre sans faire eacutetat de leur pratique On n a pas assez mesureacute et deacutemontreacute dans la fonction RH Une eacutevaluation neacutegative peut aussi tenir agrave une expeacuterience malheureuse Un audit qui na pas apporteacute des effets concrets freine historiquement toute volonteacute en ce sens Il semble que le terme daudit pose problegraveme pour certains reacutepondants qui preacutefegraverent lui substituer dautres vocables laquo expert en reacutemuneacuterations expert exteacuterieurhellip raquo Certains mecircme preacuteconisent de remplacer ce terme par celui daudit des ressources humaines terme adopteacute par Jacques Igalens (2000) Les fusions acquisitions les projets dachat sont associeacutes agrave lideacutee daudit qui apparaicirct comme un outil danalyse permettant deacutevaluer le prix de lentreprise racheteacutee le coucirct social et les risques associeacutes Des theacutematiques tregraves cibleacutees constituent une prospective qui se deacutecline par exemple au travers de laudit des reacutemuneacuterations lrsquoaudit des formations Laudit apparaicirct utile lorsquune situation dentreprise se deacutegrade quand cela ne va pas lorsquil est question de plan social de reacuteduction deffectifs Il y a lideacutee que si les choses marchent bien ce nest pas la peine de faire un audit Par exemple un reacutepondant remarque que tant que le niveau de candidatures spontaneacutees est excellent dans son entreprise et que dans un avenir preacutevisible

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limage nest pas un handicap pour le recrutement alors il est inutile de recourir agrave laudit Pourtant agrave un carrefour de notions diffeacuterentes agrave lrsquoarticulation de la GRH et de la RSE lrsquoaudit apparaicirct aussi comme un vecteur drsquooptimisation de la politique RH Parce que laudit est parfois assimileacute agrave une mission qui nest pas accomplie comme il le faudrait il neacutecessite des progregraves agrave faire Des missions daudit fragmenteacutees par exemple gagneraient agrave ecirctre inteacutegreacutees dans un processus plus large lui donnant plus de coheacuterence Il existe une aspiration complexe agrave des audits cibleacutes mais aussi agenceacutes dans un processus inteacutegratif

33 Forme de lrsquoaudit Limage du processus drsquoaudit eacutevoque la lourdeur des proceacutedures eacutenormeacutement de documents sont agrave fournir et les eacutetudes sont pointues Cette lourdeur de la forme a un retentissement contrasteacute par des aspects agrave la fois neacutegatifs et positifs - Le cocircteacute neacutegatif de laudit provient geacuteneacuteralement de lassociation agrave lideacutee de problegraveme de crises et de controcircle Laudit de conformiteacute et laccent mis sur la qualiteacute ont contribueacute agrave donner une image eacutetroite de laudit Spontaneacutement certains lassocient agrave des moments de tension et du controcircle politique Le mot audit fait eacutegalement peur et est associeacute agrave des obligations et agrave des mesures de controcircle suite agrave laffaire ENRON on passe notre temps agrave deacutecrire des process eacutecrire controcircler auditer en interne nous avons un certain ras le bol de laudit ce nest pas veacuteritablement RH en effet la RH cest plutocirct creacuteatif alors que laudit est davantage orienteacute vers le controcircle Un autre point neacutegatif concerne les proceacutedures anonymes denquecircte de climat social celles-ci peuvent servir trop souvent de deacutefoulement aux salarieacutes mais apporter peu deacuteleacutements concrets pour laction On leur preacutefegravere alors des meacutethodes se rapprochant des reacuteunions drsquoexpression des salarieacutes dont le mateacuteriau riche sera traiteacute de faccedilon analytique - Les aspects positifs sont lieacutes au regard exteacuterieur (mise en perspective business ) agrave la rigueur de lanalyse et aux aspects concrets RH Nous avons eu une deacutemarche plus concregravete agrave lusine du Teil en Ardegraveche une usine socialement dure Le climat social eacutetait deacutetestable et on ne comprenait rien on a donc missionneacute des consultants pour faire un eacutetat des lieux tregraves cibleacute sur la maicirctrise et lencadrement nous souhaitions savoir ce que pensait la maicirctrise des cadres et inversement Leffet de miroir croiseacute eacutetait tregraves inteacuteressant et reacuteveacutelateur la restitution compliqueacutee agrave organiser car il fallait meacutenager les susceptibiliteacutes cela nous a conduit agrave construire un chantier de revalorisation de la maicirctrise Les choses ont changeacute Cest donc un aspect plus qualitatif et complexe qui est ici appreacutecieacute La maicirctrise dun processus de compreacutehension et de restitution ancreacute dans limplication de salarieacutes responsables qui srsquoinscrit dans un climat de transparence Limpression geacuteneacuterale qui se deacutegage est que laudit devrait ecirctre davantage associeacute agrave une image de progregraves Lorsque lrsquoentreprise deacuteveloppe une structure organisationnelle de type organique il existe des reacuteticences agrave adopter des proceacutedures tregraves formaliseacutees propres agrave laudit En effet introduire de la rigueur meacutecaniste dans un modegravele organique est deacutelicat La structure eacutetroitement lieacutee agrave la culture organisationnelle peut jouer un rocircle et amener les membres de lrsquoorganisation agrave choisir des systegravemes simples efficaces peu formaliseacutes avec le minimum dindicateurs significatifs Dans le cas suivant laudit se heurte agrave la dimension culturelle

ISO 9001 eacutetait pour nous tregraves anti-culturel Ils font des audits mais ils ont du mal dans les Directions surtout techniques Ils ont formeacute des auditeurs dans les diffeacuterentes Directions (12 agrave la DRH) et ceux-ci auditent dans leur speacutecialiteacute mais dans des eacutetablissements diffeacuterents du leur

5

34 Rocircle de lrsquoaudit social Un grand nombre de repreacutesentations ont eacuteteacute reacuteveacuteleacutes par les reacutepondants pour deacutecrire une conception vaste et contrasteacutee de laudit agrave travers les rocircles effectifs et attendus en effet se sont exprimeacutes agrave la fois des reacutepondants qui ont une pratique de lrsquoaudit social et ceux qui nrsquoen ont pas mais ont des attentes par rapport agrave lrsquoaudit social et seraient susceptibles drsquoy avoir recours dans lrsquoavenir Laudit social est lieacute agrave la notion deacutetalon dindicateur Il permet de comparer une reacutealiteacute agrave des normes deacutefinies par lentreprise drsquoeacutetablir une analyse de lrsquoexistant par rapport aux regravegles standards que lon sest fixeacutees Lrsquointeacuterecirct fondamental de lrsquoaudit tient dans le souci de limage de lentreprise qui ambitionne de satisfaire les ideacuteaux du moment ecirctre un employeur de reacutefeacuterence proteacutegeant ses salarieacutes assurer la promotion des femmes dans les postes de management respecter les regravegles de la diversiteacutehellip Il permet de disposer dun diagnostic de lorganisation par une mesure dune situation agrave un instant t Il traduit la volonteacute dy voir clair de savoir preacutealablement ougrave lon est Nous retenons que le rocircle de laudit social au-delagrave de lrsquoacception traditionnelle du controcircle des bonnes pratiques du respect de la leacutegislation sociale du droit du travail de la seacutecuriteacute sociale consiste agrave reacutepondre agrave deux exigences internes portant sur lrsquoobservation et les preacuteconisations Limage de laudit est meilleure quand la partie sensible que constituent les preacuteconisations donne satisfaction ce qui nest pas facile sans doute parce que la matiegravere est neuve se cherche et nrsquoest pas encore en mesure de proposer un fonctionnement normeacute

35 Observation Laudit social eacutevoque lrsquoobservation et donc la compreacutehension dun problegraveme qui se pose agrave lentreprise les meacutethodes mises en oeuvre le diagnostic et la recherche de preacuteconisations qui vont aider agrave la deacutecision Le diagnostic a pour finaliteacute de rendre compte dune vision juste des attentes des collaborateurs non pas par simple exposeacute de citations mais par une analyse la plus souvent qualitative baseacutee sur la distanciation et une vraie reacuteflexion Il ne sagit pas simplement de mesurer quantitativement lopinion du personnel sur certains points (compeacutetences reacutemuneacuterations management) mais veacuteritablement de proposer des preacuteconisations La mesure le diagnostic ne sont que des outils au service de cet espace propositionnel qui touche aux relations sociales agrave lorganisation du travail agrave limplication de faccedilon beaucoup plus geacuteneacuterale Lrsquoobservation regroupe donc agrave la fois des orientations concregravetes comme lrsquoaudit de conformiteacute et le volet GRH mais aussi des repreacutesentations agrave propos de lrsquoobservation bilan et controcircle Parmi les points forts citeacutes en matiegravere daudit social se trouve laudit de conformiteacute qui a fait ses preuves dans le domaine des reacutemuneacuterations systegravemes de preacutevoyance Cette forme daudit est assimilable dune part agrave un controcircle de gestion sociale chiffreacutee et dautre part agrave un plan de veacuterification des regravegles sociales et fiscales applicables agrave la gestion du personnel Il semble que laudit de conformiteacute ne soit plus autant de mise et que laccent se fasse sur dautres formes en particulier les eacutetudes dopinion interne Laudit social constitue une photographie de la RH dans lentreprise une analyse agrave un instant t de lexistant sur les diffeacuterents volets de la fonction RH Cest eacutegalement le moyen de savoir comment une entreprise pratique la GRH agrave moyen et long terme Cela inclut notamment lavis des clients de la fonction ce quils appreacutecient ou pas dans la politique RH les effets

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produits par une politique Cela inclut les enquecirctes dopinion car le climat social fait partie des preacuteoccupations fortes des DRH Laudit social aide agrave avoir une vision globale des RH tout en pouvant deacutetailler des points particuliers et mettre en place des proceacutedures dapporter des informations sur lentreprise sur son climat et les risques sociaux Sur la faccedilon drsquoexercer lrsquoaudit social la dimension nette de communication se manifeste par le besoin de faire partager des eacuteleacutements de constats faire srsquoexprimer le management et les dirigeants sur leurs attentes RH (directeur commercial directeur de la communication directeur financier hellip) et sur les chiffres cleacutes Cette communication va mecircme plus loin puisque lrsquoun des rocircles citeacutes est le renouvellement du dialogue social avec les syndicats au moyen de lrsquoaudit social Nous remarquons que les sujets lieacutes au climat social et relations sociales sont les plus eacutevoqueacutes spontaneacutement Les audits opeacuterationnels effectueacutes agrave la demande du DRH peuvent porter pecircle-mecircle sur une tregraves grande varieacuteteacute de sujets en particulier si on inclut le domaine de la RSE leacutevaluation des postes le respect des budgets daugmentation la pratique des entretiens annuels les deacutepenses de formation les retraites (engagements financement corporate governance) le respect par les sous-traitants de la leacutegislation sociale la formation le deacuteveloppement des compeacutetences linteacuteressement ou le partage des profits les garanties de passif social les retraites le bien-ecirctre de lemployeacute lassistance agrave sa famille agrave ses parents lassurance la preacutevoyance la protection lenvironnement les deacuteplacements le terrorisme la retraite la maladie le knowledge management lemployabiliteacute Les mesures dopinion du personnel traditionnellement employeacutees peuvent porter sur des points preacutecis tels que les compeacutetences la reacutemuneacuteration le management mais nimpliquent pas de changement et daction Une fois transmises aux Directeurs de site elles peuvent rester lettre morte et donner limage dune opeacuteration tregraves coucircteuse et pauvre en effets concrets Si elles ne sont pas assorties de preacuteconisations les DRH ne les considegraverent pas comme relevant veacuteritablement de laudit social Certains DRH vont mecircme jusqursquoagrave remettre en cause les meacutethodologies quantitatives lorsqursquoelles sont mise en œuvre de faccedilon trop anonymes car elle ne permettent pas drsquoecirctre reacuteveacutelatrice du climat social profond de lentreprise Pour autant peut-on consideacuterer que parce qursquoil srsquoagit drsquoune mesure quantitative ces enquecirctes doivent ecirctre inteacutegrables dans le champ de lrsquoaudit social Cette confusion par rapport aux deacutefinitions faites par les speacutecialistes de lrsquoaudit illustre bien le caractegravere tregraves extensif de la notion drsquoaudit social aupregraves des reacutepondants Sans doute une part des deacuteceptions exprimeacutees tient dans le manque de qualiteacute de certaines interventions ce qui tend agrave poser la question de la professionnalisation de la fonction Drsquoune certaine maniegravere les efforts initieacutes par le Centre de Certification Internationale des Auditeurs Speacutecialiseacutes (CCIAS) illustrent cette neacutecessiteacute de recourir agrave la certification des auditeurs pour clarifier lrsquoimage de lrsquoaudit social Les reacutepondants font eacutetat eacutegalement de thegravemes prospectifs Dautres sujets comme les relations sociales lorganisation du travail pourraient ecirctre couverts dans lrsquoavenir Le choix des thegravemes deacutepend de la sensibiliteacute des dirigeants drsquoentreprise de leur aversion agrave certains sujets telle entreprise sera reacuteticente pour couvrir le thegraveme du management telle autre eacutevitera les relations sociales Laudit social sert comme appui agrave la direction geacuteneacuterale pour couvrir les zones de risque social et les corriger en particulier dans le cadre dun rachat dentreprise on cherche alors agrave faire le point sur leffectif la cartographie des effectifs et les accords appliqueacutes agrave deacuteterminer la responsabiliteacute le risque juridique et financier agrave eacutevaluer la preacutesence syndicale le risque de gregraveve le risque tenant au climat social les modes de management les formations les contentieux existants les proceacutedures existantes au moment de lembauche au cours de la vie du contrat et de la fin du contrat etc

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Lrsquoeacutevaluation manageacuteriale nrsquoest pas que le fait de lrsquoeacutevaluation du risque social Il sagit aussi deacutevaluer la culture les modes de management les rocircles les aspirations la perception de lorganisation des projets de la direction Ceci a pour but de clarifier les contextes de mettre en lumiegravere des probleacutematiques sociales et manageacuteriales Pour autant si lrsquointention correspond agrave un besoin leacutegitime ce sujet est particuliegraverement sensible Par exemple un reacutepondant rapporte sa deacuteception agrave propos dun audit commandeacute par son Directeur Geacuteneacuteral avant un plan social et dont les reacutesultats empreints de preacutecaution rendant le discours hypocrite neacutetaient pas reacuteveacutelateurs de la situation manageacuteriale Le DRH dans ce cas eacutevoque son malaise dougrave une forme de discreacutedit Lheacutesitation agrave mettre en cause certaines deacuteficiences manageacuteriales peuvent ecirctre preacutejudiciables agrave limage de laudit social et ne doit pas faire oublier que dans cet exercice une part de la reacuteussite tient non seulement au tiers intervenant en tant qursquoauditeur mais aussi agrave la transparence de lrsquoentreprise beacuteneacuteficiaire

36 Preacuteconisation La preacutesence des preacuteconisations est le second volet et non le moindre puisqursquoil permet de sassurer que lon traite vraiment dun audit social selon les reacutepondants Parmi lrsquoensemble des reacutepondants seuls les DRH ont insisteacute sur cette dimension du rocircle de lrsquoaudit social Les preacuteconisations sont des conseils pertinents aux opeacuterationnels visant agrave mettre en place des proceacutedures des propositions dun plan daction en vue dune ameacutelioration ces preacuteconisations vont parfois agrave lencontre des habitudes et des tabous de lentreprise Les DRH critiquent les preacuteconisations triviales comme par exemple celles relatives agrave la neacutecessiteacute de limplication de la DG la communication et divers eacutecueils Les DRH critiquent les preacuteconisations triviales du type il faut que la DG simplique ou les services devraient mieux communiquer Egalement ils rejettent les propositions qui appellent systeacutematiquement agrave des moyens suppleacutementaires ou reacutepercutent ce type davis des auditeacutes Un eacutecueil classique est que devant un problegraveme poseacute lauditeur en suscitent quatre nouveaux alors que le DRH attend de lui des propositions de solutions opeacuterationnelles Lattente en matiegravere de preacuteconisations est fondamentale et marque la diffeacuterence avec la phase dobservation Les DRH rappellent que les speacutecialistes doivent proposer des options mecircme imparfaites On nattend pas deux quune photo de nos problegravemes Lrsquoexemple suivant eacuteclaire la maniegravere dont laudit recouvre agrave la fois observation et preacuteconisations

On ne comprenait pas pourquoi les agents de maicirctrise eacutetaient avec les ouvriers et syndicaliseacutes cela nous paraissaient une aberration ce choix de lautre camp La reacuteponse tenait dans la mobiliteacute entre les deux cateacutegories les agents de maicirctrise eacutetaient immuables agrave la diffeacuterence des cadres Nous avons donc au cours de cet audit eu agrave la fois un diagnostic et des preacuteconisations qui ont deacuteboucheacute sur la mise en place dune formule complegravete de tutorat preacutevoyant jusquagrave payer les tuteurs et les former

Apregraves la phase dobservation vient la phase dexposeacute et donc de deacutecouverte des reacutesultats du diagnostic agrave linstant t Le constat aide agrave deacuteterminer un plan daction des projets qui sous-tendront une activiteacute RH agrave lavenir Un DRH eacutevoque les bienfaits de la prise de conscience

laquo La difficulteacute du groupe et de ma fonction qui est une feacutedeacuteration de PME avec des politiques et regravegles communes le ciment de notre collectiviteacute est que lon confie la direction opeacuterationnelle agrave des hommes diffeacuterents avec un degreacute de pratique plus ou moins eacuteleveacute Le comportement dun patron malgreacute les meilleures regravegles du monde ne peut empecirccher quune situation se deacuteteacuteriore agrave cause de certaines habitudes une vision eacutetriqueacutee de petit

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chef peut revenir Laudit permet de porter le diagnostic et de faire prendre conscience agrave un patron de sa pratique inapproprieacutee raquo

Cette prise de conscience concerne eacutegalement le DG agrave qui le DRH peut alors plus facilement faire passer des messages prenant sens et validiteacute parce quil sappuie sur des faits peu reacutefutables plus objectifs gracircce agrave lrsquoapproche rigoureuse et exteacuterieure de lrsquoaudit Cette prise de conscience permet au DRH de laquo seacutecuriser raquo son DG La phase dobservation englobe la phase de restitution et dexposeacute Celle-ci a pour but de clarifier les contextes daider agrave la prise de conscience agrave la compreacutehension des situations

4 Auditeurs Les entretiens ont permis de distinguer plusieurs types drsquoacteurs de lrsquoaudit Leurs origines et champs drsquoaction diffeacuterents deacutenotent le manque drsquohomogeacuteneacuteiteacute drsquoune profession en voie de structuration et de deacuteveloppement Le fait marquant est la distinction entre auditeurs internes et auditeurs externes Historiquement lrsquoauditeur interne occupe une place plus stable Le choix de recourir agrave un auditeur externe se justifie par le besoin dun regard exteacuterieur dune approche du problegraveme agrave traiter par des interlocuteurs autres que directement rattacheacutes agrave la DRH Cette explication a eacuteteacute mise en avant avec plus de force que la neacutecessiteacute dimpartialiteacute propre aux auditeurs

41 Audit interne Laudit social entretient des liens avec laudit interne et plus particuliegraverement laudit de qualiteacute Les auditeurs de la qualiteacute ont cependant contribueacute agrave donner une image de laudit perccedilue comme une contrainte alors quelle devrait ecirctre une occasion de progregraves Ils ont communiqueacute et centreacute leurs preacuteoccupations sur les outils la maniegravere de proceacuteder sans faire comprendre le pourquoi Cette forme daudit est associeacutee agrave la conformiteacute Finalement les DRH doivent apprendre agrave tirer parti de cette expertise qui ne peut se substituer totalement agrave laudit social mais peut constituer une phase utile agrave inteacutegrer agrave laudit social Il existe une sorte dintersection entre ces formes daudit et eacutegalement une impreacutecision quant agrave la deacutefinition des domaines des deux fonctions Le fait que laudit de qualiteacute soit externe agrave la fonction RH peut constituer un atout daide agrave la reacuteflexion

laquo A la CNCE 10 de nos effectifs sont des auditeurs (audit risques et reacuteglementation) aucun nrsquoa le profil drsquoun auditeur social ils sont orienteacutes ratios respect de la loi eacuteventuellement repreacutesentants du personnel mais il faut colorer lrsquoanalyse et lrsquoenrichir laquo social raquo pour faire de lrsquoaudit social raquo

Certaines entreprises ont recours de preacutefeacuterence agrave des auditeurs internes et non pas externes Les entreprises eacutevoquent des rocircles tregraves diffeacuterents qui consistent agrave venir en appui agrave la direction geacuteneacuterale ou agrave se cantonner agrave ladministration du personnel Dans ce cas les entreprises forment leurs auditeurs dans les diffeacuterentes Directions et ceux-ci auditent toujours dans leur speacutecialiteacute mais dans des eacutetablissements diffeacuterents du leur La question se pose de savoir si lrsquoauditeur doit ecirctre un expert du systegraveme ou du problegraveme auditeacute ou un expert de laudit Certains DRH penchent plutocirct pour lexpertise de laudit lrsquoauditeur ayant des qualiteacutes personnelles fortes eacutecoute curiositeacute capaciteacute de communication qui priment sur lexpertise Cest comme un manager qui ne doit pas neacutecessairement ecirctre le meilleur expert dans le domaine technique de sa responsabiliteacute Les auditeurs internes sont remarquablement impliqueacutes du fait de leur connaissance de lentreprise et des systegravemes dinformation (Dilley 1975) Ce vivier drsquoauditeurs geacuteneacuteralistes qui peuvent faire des audits RH est provisoire lrsquoaudit interne peut constituer une eacutetape initiatique de carriegravere laquo On les fait passer par lrsquoaudit

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pour leur faire connaicirctre lrsquoentreprise ses regravegles avant de leur confier des fonctions opeacuterationnelles raquo Les auditeurs internes auditent tantocirct le domaine RH tantocirct drsquoautres domaines Cette pluraliteacute des interventions assorti drsquoun tregraves bon esprit de collaboration peut inciter agrave une pratique plus forte de benchmarking Cependant des limites sont rapporteacutees eacutegalement

Les auditeurs internes ont travailleacute sur la mise en place de normes suite aux nouvelles leacutegislations puis ont travailleacute avec nous sur la mesure de lensemble Approche inteacuteressante mais limite du process sur lesprit dentreprise On rentre vite dans une recherche de responsabiliteacutes et une seacuteparation des taches qui structurent la fonction mais nuisent agrave la reacuteactiviteacute dans les diffeacuterents domaines de la fonction

Peut-on deacutemarquer lrsquoauditeur social des autres auditeurs La reacuteponse varie selon les reacutepondants La nuance peut tenir dans le fait que lauditeur social dans lentreprise doit comprendre toutes les relations entre lentreprise et ses employeacutes ce qui les unit Il a une connaissance du social du domaine RH au plan quantitatif et qualitatif La nature de son reacutefeacuterentiel est diffeacuterente des autres lauditeur social tente de formaliser ou deacutetablir un reacutefeacuterentiel propre agrave lentreprise qui tient compte des bonnes pratiques du mecircme secteur car il nest pas dans une matiegravere normeacutee comme dans les mondes comptables et gestionnaires classiques Ceci le pousse agrave ecirctre plus agrave leacutecoute de lexterne moins inscrit dans une regravegle Il peut exister une certaine rivaliteacute entre audit qualiteacute et audit social Il nest pas investi de regravegles comptables ou de proceacutedures ses regravegles sont plus larges il fait preuve de peacutedagogie et doit alerter

42 Auditeurs speacutecialiseacutes Lorsque lentreprise fait appel agrave un auditeur social le DRH peut faire appel agrave un cabinet speacutecialiseacute - quil connaicirct bien les liens eacutetroits poussent assez naturellement le DRH agrave faire appel agrave un cabinet connu de lui et reacuteciproquement car le consultant doit connaicirctre lentreprise et ses subtiliteacutes culturelles son particularisme afin de mieux cibler les interlocuteurs - en fonction de la compeacutetence de lintervenant sur le champ agrave explorer et selon la situation pour un problegraveme de responsabiliteacute peacutenale un avocat pour une garantie de passif un actuaire pour un problegraveme de management un universitaire - en confiant le choix agrave un service des achats qui gegravere les marcheacutes - en fonction de sa notorieacuteteacute internationale car laudit peut ne pas se limiter seulement agrave la France il existe une grande prudence vis-agrave-vis des notateurs autoproclameacutes Si les formules de recours sont varieacutes en revanche il ny a pas dautomatisme les DRH peuvent ecirctre localement plus ou moins libres de leur choix

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5 Mise en œuvre

51 Recours agrave lrsquoaudit Le recours agrave laudit se produit souvent par un eacuteveacutenement deacuteclencheur qui peut ecirctre par exemple pecircle-mecircle un besoin de changer une obligation normative (norme ISO ) un changement de dirigeant la mise en place dun nouveau management une fusion un rachat ou restructuration un plan social agrave venir un malaise dans le climat social des dysfonctionnements la preacutevention des conflits le souci de lrsquoameacutelioration de limage la mise en œuvre de chantier ou de politique sociale On deacutetecte une certaine frilositeacute et de nombreuses eacutevocations relatives agrave la reacuteticence au recours agrave laudit social sans doute dues aux obstacles politiques eacutevoqueacutes par Frederick amp Myers (1974) les cadres heacutesitants agrave approuver et agrave participer agrave laudit Alors que les eacutequipes RH nrsquoont pas assez mis en valeur leur contribution agrave la performance laudit social apparaicirct actuellement assez sous-estimeacutee par la fonction RH Le rocircle du DG permet la mobilisation neacutecessaire des personnes auditeacutees Le comportement du Preacutesident est essentiel Un DRH remarque la diffeacuterence lors du changement de Preacutesidence laquo Le preacuteceacutedent ne se faisait pas rendre des comptes sur le social Le nouveau se fait remettre tous les mois un tableau de bord avec par exemple le dentretiens professionnel reacutealiseacutes et les chiffres sont commenteacutes en Comiteacute de Direction Cela exerce une pression sur les Directeurs et le recours agrave laudit pour savoir sils sont faits nest plus neacutecessaire Cela peut deacuteclencher des eacutetudes speacutecifiques notamment reacutecemment un sondage interne aupregraves des agents de maicirctrise sur leur reacutemuneacuteration raquo La mise en oeuvre de laudit peut recouvrir des speacutecificiteacutes et difficulteacutes lorsquil est associeacute par tout le monde agrave une image neacutegative en particulier comme nous venons de le voir les risques de reacuteduction deffectifs En effet limage neacutegative ne facilite pas la mise en oeuvre parce que les gens sont sur la deacutefensive et nrsquoaccueillent pas lrsquoauditeur de faccedilon confiante

52 Rocircle du DRH Le DRH joue une place centrale dans laudit car cest lui qui doit valider le choix de lauditeur et piloter laudit social Il est donneur dordre ou partie prenante il a inteacuterecirct agrave ecirctre moteur dans un domaine qui renforce le professionnalisme de sa fonction en effet la fonction RH peut ecirctre renforceacutee si elle montre que ce qui est programmeacute a eacuteteacute efficacement mis en œuvre Le DRH participe agrave la deacutefinition du programme de laudit et met agrave la disposition des auditeurs lexpertise neacutecessaire pour mener agrave bien la mission Il est selon les cas le deacutecideur ou la victime de lrsquoaudit Lrsquoauditeacute peut ecirctre sur la sellette selon les deacutefaillances constateacutees Si le DRH et la Direction geacuteneacuterale jouent un rocircle deacuteterminant il semble que les organisations syndicales dans le cadre de neacutegociation pourraient aussi jouer un rocircle Le niveau de recours agrave lrsquoaudit social est un indicateur de la puissance de la fonction ressources humaines dans une entreprise En effet un DRH remarque que lorsque lrsquoaudit social pecircche par absence alors que laudit est utiliseacute reacuteguliegraverement dans les autres domaines (eacuteconomie qualiteacute processus ) drsquoune entreprise la conseacutequence est de deacutevaloriser la fonction RH et de diminuer ses effectifs

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53 Meacutethodologie Les remarques faites agrave propos de la meacutethodologie permettent de signaler que les deacutemarches ont tendance agrave ecirctre tregraves structureacutees tregraves preacutecises Par exemple une enquecircte meneacutee sur labsenteacuteisme comportera deux eacutetapes lune sous forme quantitative lautre plus qualitative La deacutemarche est eacutegalement adapteacutee au contexte et agrave la probleacutematique de laudit et les auditeurs formalisent ou eacutetablissent un reacutefeacuterentiel propre agrave la situation La meacutethodologie apparaicirct deacuteterminante pour certains reacutepondants qui notent la preacuteeacuteminence de cette compeacutetence par rapport agrave la connaissance du systegraveme auditeacute mecircme si la meacutethodologie ne constitue quun outil Il a eacuteteacute fait eacutetat de certaines critiques par rapport au manque de fiabiliteacute des meacutethodes quantitatives

54 Compeacutetences Les qualiteacutes attendues chez un auditeur social sont agrave la fois techniques et surtout humaines on attend de la rigueur combineacutee agrave de la subtiliteacute comme un manager qui ne doit pas neacutecessairement ecirctre le meilleur expert dans le domaine technique de sa responsabiliteacute et des compeacutetences pluridisciplinaires Nous avons recenseacute une grande varieacuteteacute des diffeacuterentes qualiteacutes et compeacutetences attendues chez un auditeur social tout dabord des connaissances geacuteneacuterales de gestion les connaissances de lentreprise des connaissances en ressources humaines des connaissances techniques du domaine auditeacute Il serait inteacuteressant de rapprocher ces attentes par rapport au reacutefeacuterentiel eacutetabli par le CCIAS La connaissance des RH apparaicirct utile afin de pouvoir eacutelaborer un plan daction et dameacutelioration mais elle ne doit pas ecirctre bloquante dans lrsquoinvestigation Il srsquoagit donc drsquoavoir affaire agrave des experts eacuteclaireacutes sur le plan meacutethodologique pour se garder des biais que repreacutesentent un deacutefaut de prise de conscience de ses preacutesupposeacutes un manque de distance par rapport agrave ses habitudes risquant de conduire agrave un plaquage de solution toute faite alors que la reacuteflexion doit ecirctre beaucoup plus creacuteatrice et mobilise des ressources agrave transfeacuterer bien plus en amont Connaissance geacuteneacuterale gestion Connaissance de la creacuteation de valeur du modegravele eacuteconomique de la strateacutegie et de la performance type eacutecole de commerce avec une bonne compreacutehension du compte de reacutesultat connaissance du fonctionnement des entreprises et de leur probleacutematique sociale connaissance organisationnelle compeacutetence sociale politique sociale sociologie des organisations

Connaissance de lentreprise Connaissance du meacutetier de lentreprise son secteur dactiviteacute connaicirctre le fonctionnement de lentreprise (rentabiliteacute fonction et rocircle de chacun) expeacuteriences de diffeacuterentes entreprises

Connaissances RH Quelques connaissances RH sans trop drsquoexpertise

Connaissances techniques domaine daudit Connaissance technique du domaine auditeacute

Tableau 2 Les connaissances recenseacutees

En ce qui concerne le domaine des qualiteacutes les reacutepondants ont manifesteacute des pistes tregraves prolifiques que nous avons regroupeacutes autour de 6 grandes lignes eacutecoute analyse jugement appreacutehension de la complexiteacute preacuteconisations et communication

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Ecoute Capaciteacute deacutecoute pas comme un theacuterapeute eacutecouter ce quil faut piloter eacutecoute dirigeacutee savoir mettre les gens agrave laise confiance compreacutehension ouverture comprendre vite avoir le charisme neacutecessaire pour que les personnes se livrent se confient Les femmes sont plus doueacutees que les hommes elles parviennent mieux agrave faire parler les gens a priori disponibiliteacute

Jugement Capaciteacute de jugement fiabiliteacute ni langue de bois ni contresens exigeant rigoureux qui ne me serve pas ce que je veux ni me faire prendre des vessies pour des lanternes adopte une eacutethique dauditeur pas un effet miroir absence dapproche ideacuteologique sur le sujet traiteacute neutre discreacutetion indeacutependance On est dans linvestigation il ne faut pas avoir des ideacutees preacuteconccedilues pas de scheacutema ideacutealiste lauditeur deacutevide leacutecheveau objectiviteacute

Analyse Capaciteacute danalyse connaicirct les instruments de mesure la quantification une deacutemarche analytique stricte rigueur curiositeacute (pour ne pas sinteacuteresser quagrave la superficie des choses voir plus loin Il faut quil sache regarder y compris ce quon ne lui montre pas) ne se reacutefugie pas derriegravere les outils capaciteacute danalyse qualitative finesse danalyse preacutecision

Subtiliteacute Capaciteacute agrave geacuterer la complexiteacute ecirctre subtil devient essentielle intelligence des situations capaciteacute de synthegravese clarteacute maturiteacute ou expeacuterience aveacutereacutee

Preacuteconisations et creacuteativiteacute Capaciteacute de participation agrave leacutelaboration des normes de preacuteconisations utiles intelligence du contexte dans la formulation des recommandations sens pratique Les preacuteconisations sappuient sur une bonne compreacutehension des systegravemes lesprit de synthegravese permettant de rendre les choses compreacutehensibles sur la hieacuterarchisation des thegravemes de travail la proposition dindicateurs et de tableaux de suivi

Communication La communication peut signifier savoir dire les choses en les rendant intelligible savoir mettre lrsquoaccent sur la restitution en faisant preuve de peacutedagogie

Tableau 3 les qualiteacutes de lrsquoauditeur

Conclusion Lrsquoimage de lrsquoaudit social telle qursquoelle ressort agrave lrsquoissue de cette recherche qualitative est contrasteacutee dans le contenu et la forme sans doute lrsquoeacutechantillonnage tregraves varieacute explique en partie cette diversiteacute de deacuteclinaison qui reacutevegravele une description non standard de lrsquoaudit social Il semble que deux visions sous-jacentes srsquoaffrontent celle du passeacute et celle du souhaitable Lrsquoaudit social apparaicirct plutocirct comme un domaine contraignant entacheacute de certaines peurs ou de certaines faiblesses inheacuterentes aux conditions mecircme de sa reacutealisation (lrsquoaudit social doit ecirctre fait souvent vite et mal) Spontaneacutement lrsquoaudit tel qursquoil est dans les repreacutesentations apparaicirct dans son formalisme comme difficilement conciliable avec la matiegravere RH plus creacuteative plus vivante de mecircme avec les structures organisationnelles de moins en moins propices agrave la formalisation Des effets neacutegatifs peuvent brouiller lrsquoimage la plaquage de cadres theacuteoriques de reacutefeacuterentiels trop eacuteloigneacutes des situations particuliegraveres de lrsquoentreprise les

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proclamations de principes le manque drsquoadeacutequation aux attentes tregraves concregravetes des DRH la difficulteacute agrave proposer des preacuteconisations pertinentes mais eacutegalement les relais deacutefaillants agrave lrsquointeacuterieur de lrsquoentreprise tels que le manque de transparence dans la communication des reacutesultats daction et de deacutecision agrave lissue de laudit et deffets concrets De cette vision du passeacute plutocirct ressenti neacutegativement se deacutetache une vision du souhaitable En effet des pistes drsquoeacutevolution signaleacutees par les acteurs du terrain deacutemontrent lrsquoutiliteacute et lrsquointeacuterecirct potentiel de cette deacutemarche lorsqursquoelle est orienteacutee vers des meacutethodes reacuteellement deacutemonstratives son poids dans le deacuteveloppement de la fonction RH Il apparaicirct clairement que le chemin se fera dans la creacuteativiteacute en mobilisant par exemple des techniques qualitatives eacutegalement lrsquoaudit de climat social srsquoeacutecartera des enquecirctes de deacutefoulement anonyme pour privileacutegier lrsquoexpression veacuteritable des salarieacutes Lrsquoaudit social apparaicirct eacutegalement diffeacuterent et plus complexe que les autres audits car il neacutecessite une notion qualitative de leacutevaluation lemploi de meacutethodes originales et adapteacutees aux probleacutematiques sociales des compeacutetences agrave la fois larges et speacutecifiques de la part des auditeurs dont on attend qursquoils mettent en avant la contribution de laudit social agrave la performance Enfin les attentes en termes de compeacutetences des auditeurs posent le problegraveme de la professionnalisation de la fonction en particulier de la formation adapteacutee des auditeurs de la clarification des filiegraveres de formation ainsi que de leur certification Les eacuteleacutements concrets releveacutes agrave propos des perceptions du rocircle de la mise en œuvre sont reacuteveacutelateurs de la transformation de lrsquoaudit social en audit des ressources humaines BIBLIOGRAPHIE Aubert A (1997) laquo Des discours sur l rsquoaudithellip aux profils des auditeurs raquo IAS 28-29 aoucirct

Bauer RA Dan HF (1973) ldquoWhat is a Corporate Social Auditrdquo Harvard Business Review Vol51 Ndeg1 pp 37-48

Butcher B L (1973) ldquoThe Program Management Approach to the Corporate Social Auditrdquo California Management Review Vol16 Ndeg1 11-16

Carrol AB Beiler GW (1975) ldquoLandmarks in the evolution of the social auditrdquo Academy of Management Journal sep 18 pp589-599

Dilley SC (1975) ldquoThe Impact and Importance of Social Auditsrdquo The internal Auditor Altamonte Springs 09-10 vol 32 Ndeg5 pp9-19

Frederick WC Myers MS (1974) ldquoThe Hidden Politics of Social Auditingrdquo Business amp Society Review NY Autumn Ndeg11 p 49

Igalens J (2000) Audit des Ressources Humaines Editions Liaisons

Strauss A Corbin J (1990) Basics of Qualitative Research Grounded Theory Procedures and Techniques Sage Publications Newbury Park

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APPORT DE LrsquoETHNOMETHODOLOGIE ET DES HISTOIRES DE VIE A LrsquoAUDIT DE LA CONNAISSANCE DES METIERS Zahir YANAT Maicirctre de Confeacuterences ndash Universiteacute Montesquieu Bordeaux IV Laboratoire de recherche Humanisme et Gestion Bordeaux Ecole de Management

Introduction Jai 30 ans de boite et je nai pas de meacutetier Nombreux sont ceux qui comme cette salarieacutee de Moulinex nont pas eacuteteacute preacutepareacutes agrave acqueacuterir une nouvelle compeacutetence et nen prennent conscience que lors de leur exclusion de lentreprise pour cause eacuteconomique Ce cri de deacutesespoir met en eacutevidence le veacutecu dune salarieacutee riveacutee agrave son poste Il souligne ce quil conviendrait dentendre lorsque lon parle de meacutetier Nous eacutevoquerons ici deux interpreacutetations de la notion de meacutetier celle du salarieacute et celle de lentreprise Le salarieacute en situation de travail aspire agrave une formation qui non seulement le maintiendrait agrave son poste mais aussi lui permettrait dacceacuteder agrave un poste diffeacuterent en cas de licenciement de reacuteduction deffectif de plan social de restructuration de fusion en fait en cas daccident de parcours On parle alors demployabiliteacute Lentreprise pour sa part dans la majoriteacute des cas aurait plutocirct tendance agrave opter pour une formation au poste craignant agrave juste titre que linvestissement formation ne se transforme en tonneau des danaiumldes craignant une situation qui verrait les employeacutes les mieux formeacutes quitter deux-mecircmes lentreprise pour aller vers la concurrence Ces approches divergentes tiennent agrave la difficulteacute de deacutefinition du concept de meacutetier Premiegravere hypothegravese Le meacutetier se deacutefinit t-il comme un ensemble dactiviteacutes techniques dans le contexte dune division scientifique du travail Devons nous deacutepasser cette conception fonctionnaliste qui a pourtant pour avantage de valoriser lordre et leacutequilibre au sein de lentreprise et qui permet didentifier les taches et les comportements observables Deuxiegraveme hypothegravese une conception qui consiste agrave deacutepasser la seule logique technique et qui integravegre les faces cacheacutees du meacutetier celles qui ne se donnent pas agrave voir La premiegravere conception nous permet de connaicirctre le meacutetier au travers notamment des opeacuterations dites de description de poste En permettant lapprofondissement de la connaissance de lactiviteacute ces opeacuterations de description de poste vont mettre en eacutevidence

- la nature et la complexiteacute des tacircches - les connaissances qui sy rattachent - les responsabiliteacutes qui en deacutecoulent - les conditions de travail qui les caracteacuterisent

Les informations recueillies vont servir agrave la direction des RH pour alimenter son programme deacutelaboration du plan geacuteneacuteral opeacuterationnel dans les domaines suivants

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- la deacutefinition des exigences propres agrave chaque poste se traduisant par un profil dexigences permettant de deacutefinir les programmes dembauche (qui embauche et pourquoi faire) et pouvant ecirctre confronteacutees avec un profil daptitudes en vue dune seacutelection ndash orientation approprieacutee

- La mise en place dun plan de formation afin de disposer dun personnel parfaitement en mesure dassurer son travail

- La simplification des taches et lameacutelioration des meacutethodes de travail en liaison avec les services dorganisation

Linteacuterecirct opeacuterationnel de cet outil de description de poste est incontestable (incontournable) pour connaicirctre les meacutetiers de lentreprise Le succegraves de cet outil est sans nul doute le reacutesultat de la croyance en la vertu de la rationaliteacute et de la productiviteacute et sinspire dune philosophie dessence taylorienne et fayolienne On devine deacutes lors les lacunes de cet outil il est construit sur une logique de poste versus logique de compeacutetence pour reprendre la terminologie de Philippe Zarifian (2004) Plus preacuteciseacutement il nidentifie que les faces visibles de lactiviteacute ne retient que ce qui est prescrit et ignore tout ce qui dans le comportement de lindividu ne relegraveve pas de la norme Ces lacunes nous conduisent agrave rechercher des meacutethodes qui valorisant lhomme tout lhomme permettrait non seulement de traquer le dit et le non dit lobservable et le non observable mais aussi de sinterroger sur le sens des eacutecarts entre ce qui est prescrit et la reacutealiteacute observable La deuxiegraveme conception nous amegravene agrave reconnaicirctre lhomme dans son meacutetier et pour son meacutetier Nous eacutevoquerons1 deux meacutethodes qui par leur dimension eacutepisteacutemologique permettent dacceacuteder agrave une reconnaissance exhaustive de lhomme de tout lhomme et par leur dimension opeacuterationnelle permettent dacceacuteder agrave une connaissance exhaustive de lactiviteacute dun individu dans une organisation

1 La dimension eacutepisteacutemologique des meacutethodes proposeacutees

11 Premiegravere meacutethode lrsquoethnomeacutethodologie Cest leacutetude des meacutethodes que Garfinkel (1984) appelle raisonnement sociologique pratiqueacute ethno suggeacuterant quun membre exteacuterieur dispose du savoir de sens commun de la socieacuteteacute en tant que servir de quoi que ce soit Selon le teacutemoignage de Coulon (1990) la meacutethodologie dans le terme ethnomeacutethodologie est consideacutereacutee comme un thegraveme deacutetude mais nest pas reacuteduite agrave un appareillage scientifique Il sagit bien au contraire de rechercher chez les opeacuterationnels leur logique de sens commun ce quils ont en eux-mecircmes incarneacute Si nous nous placcedilons dun point de vue eacutepisteacutemologique nous suivrons Karl Poppper car nous croyons quil y a au moins un problegraveme qui inteacuteresse tous les hommes qui pensent le problegraveme de comprendre le monde nous-mecircmes et notre connaissance en tant quelle fait partie du monde Selon cette deacutemarche pour comprendre le monde nous-mecircmes et autrui il faut ecirctre attentif au fait social total Cette attention porteacutee agrave nous-mecircmes et agrave tout ce qui nous entoure se reacutealise en labsence de connaissances agrave priori (Mucchielli 1991)

1 Ce papier de travail est le produit enrichi et mis agrave jour dune confeacuterence reacutealiseacutee le 17 mars 2005 agrave lIGR de Rennes lors du seacuteminaire meacutethodologique annuel de lIREIMAR (organiseacute par Philippe Demontrond)

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Lexemple citeacute par Harold Garfinkel est eacutedifiant A la suite dun travail dobservation sur les deacutelibeacuterations de jureacutes (1954) il est frappeacute par la capaciteacute de ces jureacutes non speacutecialistes du droit agrave mettre en œuvre une meacutethode deacutevaluation afin de juger de piegraveces explicationshellipeacutechangeacutees et preacutesenteacutees dans le cadre du procegraves Quatre jureacutes parviennent agrave travailler en puisant dans un stock de savoirs de pratiques eacutevaluatives qui relegravevent du sens commun Frappeacute par le rocircle deacuteterminant de ce sens commun que partagent les membres dun groupe Garfinkel dirige son attention vers leacutetude des raisonnements pratiques mis en œuvre en permanence par les individus pour vivre dans le monde social En consideacuterant les faits sociaux non comme des choses mais comme des accomplissements pratiques Garfinkel rompt avec la tradition positiviste qui fait du meacutetier une reacutealiteacute objective et du salarieacute un agent sans histoire ni passion Dans ce contexte une connaissance complegravete du meacutetier signifie non seulement la prise en compte des faits objectifs retenus par les analystes du travail dont cest la responsabiliteacute mais aussi des pratiques consideacutereacutees comme non conformes agrave ce qui a eacuteteacute prescrit Pour cette raison lethnomeacutethodologie va porter un inteacuterecirct eacutevident aux actes de la vie quotidienne qui peuvent paraicirctre les plus banals afin dy percevoir les proceacutedures et les interactions agrave lœuvre pour la construction de ces comportements cacheacutes Lethnomeacutethodologie va privileacutegier deux approches essentielles pour avoir accegraves agrave la connaissance experte

- Tout dabord elle va privileacutegier leacutetude des pratiques langagiegraveres Selon elle la vie sociale la vie en entreprise comme la vie dans tout autre type dorganisation se constitue en grande partie agrave travers le langage qui possegravede trois proprieacuteteacutes essentielles

o indexaliteacute les expressions sont deacutenueacutees de sens lorsquelles sont deacuteconnecteacutees de leur contexte

o reacuteflexiviteacute cette proprieacuteteacute traduit le fait que le langage est une pratique qui permet non seulement de deacutecrire mais de construire un sens un ordre La description de la situation participe agrave la situation

o accountability Il sagit de reconnaicirctre que gracircce au langage les actions celles qui ne nous sont pas exteacuterieures sont descriptibles reportables analysables

- Lobservation participante constitue la deuxiegraveme approche Nous empruntons agrave Bruyn (1966) les trois axiomes qui constituent lessentiel de cette approche

o lobservateur participant partage la vie les activiteacutes et les sentiments des personnes dans une relation de face agrave face

o lobservateur est un eacuteleacutement normal (non forceacute non simuleacute non eacutetranger agrave) dans la culture et dans la vie des personnes observeacutees

o le rocircle de lobservateur participant est un reflet au sein du groupe observeacute du processus social de la vie du groupe en question

Lobservateur procegravede par immersion dans la population cible sans que cette intrusion altegravere de faccedilon deacutecisive le fonctionnement du groupe et les comportements des individus Lapproche consiste donc comme Malinowski (1922) lui-mecircme le dit agrave participer agrave ma faccedilon agrave la vie du village agrave attendre avec plaisir les reacuteunions et les festiviteacutes importantes agrave prendre un inteacuterecirct personnel aux palabres et aux petits incidents journaliers lorsque je me levais chaque matin la journeacutee sannonccedilait pour moi plus ou moins semblable agrave ce quelle allait ecirctre pour un indigegravene Ces pratiques daccession agrave la connaissance des activiteacutes professionnelles ne sont pas agrave labri des critiques Les plus seacutevegraveres viennent des fonctionnalistes qui reprochent le cocircteacute non objectif de ces pratiques

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Les fonctionnalistes remarquent notamment que lobservation pour lire les non-dits enfouis dans la conscience de lacteur fait appel agrave ses capaciteacutes dinterpreacutetation des signes symboliques Ce faisant lobservateur participant utiliserait une deacutemarche subjective Une autre critique porte sur la validiteacute des faits observeacutes et recueillis Mais nous devons bien admettre avec Serge Bouchard (1980) quil ny a pas dautre choix que de sen remettre agrave la parole de lethnographe lorsque celui-ci affirme que ce quil rapporte au niveau du discours est effectivement ce que les gens disent agrave quelques interpreacutetations preacutes Il faut donc le croire (ou pas) jusquagrave ce quun autre ethnographe veacuterifie son mateacuteriel ethnographique

12 Deuxiegraveme meacutethode les histoires de vie Elles constituent une deuxiegraveme meacutethode qui permet comme lethnomeacutethodologie dacceacuteder agrave une reconnaissance exhaustive de lhomme de tout lhomme Selon G Pineau et JL Legrand lhistoire de vie est conccedilue comme une approche de recherche et eacutegalement comme une pratique de formation mais loin de se reacuteduire agrave une meacutethode elle vient questionner les diffeacuterentes sciences humaines dans un sens eacutepisteacutemologique cest-agrave-dire dans leur fondement mecircme Nous retiendrons la deacutefinition proposeacutee par ces auteurs recherche et construction de sens agrave partir des faits temporels personnels aux fins deacuteviter les risques dune lecture exclusivement eacutevegravenementielles des histoires de vie Dans cet esprit il apparaicirct illusoire de penser geacuterer les hommes de faccedilon simple deacutes lors que chaque homme est en lui-mecircme le siegravege de pulsions et besoins contradictoires ainsi que le sujet de sa destineacutee Il en reacutesulte un usage mystificateur de proceacutedeacutes tel que le projet dentreprise qui na dutiliteacute et de sens selon Fitcher que sil sadresse agrave des groupes ou agrave des individus entre lesquels existe deacutejagrave une compliciteacute et une communauteacute dinteacuterecircts Au total les histoires de vie en valorisant le veacutecu donnent du sens agrave lactiviteacute des hommes non seulement dans leurs pratiques leur interaction mais aussi dans leur recherche Dira-t-on pour autant que les sciences de gestion se sont empareacute de ce terrain Force est de reconnaicirctre que cette deacutemarche relativement neuve dhistoires de vie (ou ce qui de preacutes ou de loin peut sy rattacher comme par exemple les reacutecits de vie les parcours professionnels personnels biographies voire les confessions) ont eacuteteacute davantage utiliseacutees en anthropologie en sociologie en psychologie et en histoire Ainsi selon le teacutemoignage de J Poitier S Clapier-Valandon et P Raybant (1989) la bibliographie des ouvrages concernant les histoires de vie atteint plus dun millier de reacutefeacuterences Quelques anneacutees plus tocirct D Betaux (1981) nous invitait agrave deacutecouvrir le deacuteplacement de lhistoire de vie dun champ theacuteorique celui des sciences sociales agrave un champ pratique celui de leacuteducation permanente Lensemble des travaux tend agrave leacutegitimer notre inteacuterecirct pour cette meacutethode de recherche qui se reacutevegravele fructueuse non seulement pour connaicirctre des pratiques de la GRH mais aussi pour en saisir la signification Ainsi prendrons nous agrave notre compte ces trois reacutesultats retenus par NBarthe et J Igalens (1995) agrave savoir que

- lorsquon arrive apregraves une assez longue peacuteriode de vie lexpression professionnelle devient significative

- Les eacuteveacutenements qui ont jalonneacute ce parcours eacutetant plus nombreux leacutetude des blocages des ruptures est particuliegraverement instructive et parfois deacuteterminante pour la construction dun nouveau projet

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- Les steacutereacuteotypes tels quapregraves cinquante ans on ne peut plus trouver de travail doivent ecirctre deacutedramatiseacutes

Nous avons ci-dessus rendu compte de la dimension eacutepisteacutemologique de lethnomeacutethodologie et des histoires de vie pour adopter le point de vue compreacutehensif des situations observables Il convient maintenant didentifier les apports de ces meacutethodes au plan opeacuterationnel

2 La dimension opeacuterationnelle Les apports sont eacutevidents nous avons deacutejagrave pointeacute plus haut la richesse de ces meacutethodes qui nous permettent de reacuteveacuteler les faces cacheacutees des comportements et de mettre agrave jour les non-dits Elles mettent en eacutevidence les insuffisances des outils classiques dextraction dinformations tels que la description de poste et le questionnaire pour connaicirctre le profil dun meacutetier moi si tu mavais envoyeacute un questionnaire je me serai dit celui lagrave il ne donne pas lui-mecircme assez dimportance agrave ce quil fait (au lieu de venir me parler) alors pourquoi moi jy reacutepondrai Cette reacuteponse dun opeacuterateur met en eacutevidence le besoin de communication et de reconnaissance de la personne en situation de travail La question quil faudra reacutesoudre deacutesormais est la suivante Pourquoi et pour quoi ces gens-lagrave font-ils ce quils font comme ils le font Pourquoi renvoie agrave la fonctionnaliteacute des conduites Pour Quoi renvoie au sens que les sujets mettent dans leur activiteacute Le renversement de perspective est radical on passe de la normalisation agrave la compreacutehension Le scheacutema de connaissance du meacutetier se trouve alors profondeacutement modifieacute il y a renoncement aux eacutevidences des choses observeacutees et effort de compreacutehension et dinterpreacutetation des actes poseacutees dans lorganisation Dans cette perspective les eacutecarts de conduite les eacutecarts de qualiteacute par rapport agrave la norme auront autant dimportance que la norme elle-mecircme Le reacuteel est reacutehabiliteacute il nest plus second Le travail reacuteel nest plus reacuteductible au travail prescrit Par conseacutequent leacutecart nest plus jugeacute comme une transgression de la norme par lopeacuterateur quil suffirait de changer pour retrouver la norme Leacutecart est une conduite quil sagit dinterroger Il sagit dune conduite signifiante Pourquoi donc ne pas positiver cette liberteacute buissonniegravere des pratiques Pourquoi ne pas lui donner un sens Il apparaicirct alors que tout travail suppose toujours une dimension dinterpreacutetation dadaptation dengagement personnel de conception Il est affrontement au reacuteel Ainsi le travail impose de sortir de lexeacutecution pure et simple Il ne suffit pas de faire comme on a dit il ne suffit pas dappliquer les consignes Il ne suffit pas de mobiliser lintelligence theacuteorique Il faut faire appel agrave lintelligence pratique agrave lintelligence de laction Dans ce contexte le concept de travail se trouve consideacuterablement enrichi Le travail va exiger la mise agrave jour de linitiative de linventiviteacute de la creacuteativiteacute des opeacuterateurs Ainsi dans les comportements des salarieacutes la notion de tricherie inseacuteparable de la situation de travail pourrait ecirctre interpreacuteteacutee comme une deacutemarche dinvention et dimagination plutocirct que comme une deacutemarche deacutecart par rapport agrave un reacutefeacuterentiel eacutecart quil faudrait sanctionner Lobservateur qui accepte de se livrer agrave ce deacutetour de connaissance totale de lhomme au travail au lieu de se contenter de ladministration dun questionnaire va devoir adopter une posture de chercheur en rupture avec celle de controcircleur du paradigme normatif

Une expeacuterience veacutecue dadministration de questionnaires remonte agrave quelques mois Il sagissait de rendre compte du meacutetier de dirigeant dans une association organisatrice et gestionnaire de colonies de vacances Les informations contenues dans le questionnaire

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renseigneacute par le directeur geacuteneacuteral de lassociation semblaient suffisantes pour connaicirctre du processus de gestion en place mais non pertinente pour comprendre le fonctionnement du reacuteel Dans ce contexte pour compleacuteter ma connaissance du meacutetier jai tregraves vite adopteacute lapproche de lobservateur participant Elle a consisteacute agrave vivre la quotidienneteacute du directeur geacuteneacuteral Mon immersion a dureacute une semaine avec participation agrave la reacuteunion du matin pause cafeacute agrave 10 heures avec les collegravegues deacutejeuner avec les collegravegues relations exteacuterieures lapregraves midi En fin de journeacutee dernier parti en mecircme temps que le directeur geacuteneacuteral je notais chaque jour sur mon carnet cahier de bord tous les faits et gestes observeacutes dans la journeacutee Les faits et gestes observeacutes relevant agrave leacutevidence de la deacutefinition du poste comme ceux qui relevaient dinitiatives ou dactes construits par une neacutecessiteacute exogegravene ou par lamour du bel ouvrage Les leccedilons agrave tirer de cette meacutethode dobservation conforteacutee par mon expeacuterience de gestionnaire portent sur le danger qui guette le responsable qui voudrait soumettre la gestion quotidienne agrave des processus formels planifieacutes Privileacutegier les processus formels reviendrait agrave ignorer les qualiteacutes humaines dintuition de flair y compris le systegraveme D et agrave croire que ces qualiteacutes lagrave pourraient ecirctre remplaceacutees par des proceacutedures-recettes sophistiqueacutees Dans mon rocircle dobservateur dans une posture dauditeur jai tregraves vite compris la neacutecessiteacute de reacutehabiliter la riche notion de meacutetier telle quemprunteacutee agrave la grande tradition de lartisanat La notion dartisanat deacutesignant une activiteacute qui mobilise non seulement le savoir et le savoir faire mais aussi et surtout les valeurs lintuition le flair Lobservateur comprend aussi que ce que lon appelle trop vite des dysfonctionnements ne signifie pas toujours que lon soit en preacutesence deacutecarts quil conviendrait de corriger pour respecter la norme la regravegle le processus retenu et prescrit dans leacutetude de poste ou tout autre reacutefeacuterentiel de gestion Il est tregraves enrichissant de consideacuterer que ces eacutecarts ces dysfonctionnements apparents constituent une reacutealiteacute quil faut interroger pour comprendre le sens mis dans leurs actes par les acteurs Cette attitude dobservateur deacutevoile aussi lerreur de certains psychosociologues du travail qui qualifient de reacutesistants au changement ces salarieacutes qui saccrochent agrave leurs habitudes au lieu de sadapter agrave la nouvelle organisation Lautre piste qui soffre aux psychosociologues est de deacutetecter de comprendre et dadmettre lamour du meacutetier que le salarieacute ne veut pas voir se fondre dans une activiteacute polyvalente avec le sentiment de perdre de sa meacutemoire et de son identiteacute En deacutefinitive lexpeacuterience que je veux vous faire partager porte sur linteacuterecirct et la neacutecessiteacute dun audit autrement avec pour finaliteacute une connaissance de ce quest un homme au travail dans un contexte de management de proximiteacute

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Deux points pour vous inviter au deacutebat Premier point Je deacutefinis cette forme de management comme une activiteacute qui en utilisant les approches dobservation participante et dhistoires de vie permet denrichir la description objective du meacutetier par la prise en compte du souci du deacutetail le goucirct du beau le respect des valeurs et du sens tout ce qui permet leacutepanouissement de lecirctre pour reprendre une expression du philosophe George Gusdorf(2002) Cest cette deacutefinition que je retiens pour exprimer ma conception de la reconnaissance de lidentiteacute de lautre au travail de lautre qui se deacutefinit lui-mecircme consciemment ou pas par son meacutetier Cette conception rejoint celle de Hugues (1989) qui en opposition agrave la tradition fonctionnaliste a deacutefini le meacutetier non comme un ensemble particulier dactiviteacutes mais sur la base du rocircle quun individu exerce au sein dun univers professionnel Deuxiegraveme point Les tenants de la sociologie quantitative nont pas manqueacute de souligner les impreacutecisions et les dangers inheacuterents agrave la pratique de lobservation directe subjectivisme et manque de rigueur absence deacutechantillonnage et de veacuterification statistique Les ethnomeacutethodologues et interactionnistes ont reacutepondu agrave ces critiques en refusant la seacuteparation positiviste entre science et vie quotidienne La science na pas agrave produire un sens cacheacute car celui-ci saccomplit devant nos yeux de faccedilon transparente dans le faire et le dire des acteurs Ce faire et ce dire constituent autant deacuteleacutements de connaissance construite pour un enrichissement des conduites dopeacuterations daudit opeacuterationnel BIBLIOGRAPHIE Barthe N et Igalens J Reacutecits de vie et recherche demploi Actes 6egraveme congregraves AGRH Poitiers 1995

Beteaux D Histoires de vie Tome 1 LHarmattan 1981

Bouchard S Etre trucker in A Chanlat et MDufour La rupture entre lentreprise et les hommes Montreacuteal Paris Queacutebec Editions dorganisation 1980

Coulon A Lethnomeacutethodologie Paris Puf 990

Garfinkel H Studies in ethnomeacutethodologie Cambridge Polity Press 1984

Gusdorf G Le creacutepuscule des illusions Editions de la table ronde 2002

Hugues et alii The developpement of large technical system Francfurt campus Verlag 1989 citeacute par JP Durand et R Weil Sociologie contemporaine Vigot 1997

Malinowski B Les argonautes du Pacifique Sud Londres G Routledge 1922

Poitier J et alii Reacutecits de vie Puf 1989

Zarifian Ph Le modegravele de la compeacutetence Deuxiegraveme eacutedition Liaisons sociales Paris 2004

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Introduction La place de lrsquoapproche comportementale pour eacutevaluer les Systegravemes drsquoinformation Lrsquoapproche comportementale de lrsquoeacutevaluation des SI srsquoinscrit depuis trois deacutecennies dans une perspective de recherche deacuteterministe destineacutee agrave mieux comprendre comment le comportement humain est associeacute au succegraves ou agrave lrsquoeacutechec de lrsquoutilisation des TI Plus preacuteciseacutement les nombreux travaux qursquoelle supporte srsquointeacuteressent au fait que les sciences dites du comportement permettraient de saisir certains meacutecanismes et facteurs humains essentiels qui facilitent lrsquointeraction des individus avec les technologies de lrsquoinformation et conditionnent de la sorte la performance du systegraveme drsquoinformation De tregraves nombreuses recherches empiriques ont ainsi permis depuis les tous premiers travaux de lrsquoEcole du Minnesota (Lucas 1973 1978 Dickson et al 1977 Swanson 19821988 Bailey et Pearson 1983) de deacutevelopper des modegraveles taxonomiques et de preacutediction capables drsquoisoler les facteurs organisationnels (structure organisationnelle transformation de processus qualiteacute du management culture technologiquehellip) fonctionnels ou de groupe (valeur et culture professionnelle satisfaction des usagers hellip) individuels (attitudes motivation satisfaction implication participationhellip) et environnementaux (politiques eacuteconomiques technologiques sociaux et culturels) pouvant aider agrave isoler les obstacles et expliquer le comportement des utilisateurs finals Les perspectives theacuteoriques drsquoeacutevaluation se sont multiplieacutees drsquoabord avec une vue socio-cognitive de lrsquointeraction hommemachine mettant lrsquoaccent sur les diffeacuterences individuelles et les technologies deacutecisionnelles puis avec une vision organisationnelle et strateacutegique (Banker et Kauffman 2004) du deacuteveloppement des SI eacutetendu agrave lrsquoorganisationnel aux processus drsquoaffaires et agrave la strateacutegie de lrsquoentreprise Ces perspectives nrsquoont pas abouti cependant agrave la construction drsquoun veacuteritable meacuteta-modegravele utilisable pour expliquer lrsquoutilisation des TI Lrsquoimage qui eacutemerge aujourdrsquohui de ces travaux est celle drsquoun nœud complexe de facteurs contributifs dans un contexte theacuteorique riche permettant drsquoutiliser des cadres theacuteoriques diffeacuterencieacutes selon la strateacutegie drsquointervention neacutecessiteacutee pour promouvoir lrsquousage drsquoune TI (Kukafka et al 2003) Ce constat est actuellement agrave lrsquoorigine drsquoune interrogation sur lrsquoapport des theacuteories jusqursquoici mobiliseacutees sur leur reacuteelle contribution agrave lrsquoeacutetude des pheacutenomegravenes sous-jacents agrave la valorisation des SI dans une optique drsquoefficience organisationnelle et par voie de conseacutequence sur la meilleure utilisation des capaciteacutes offertes par les TI tant au niveau individuel (poste de travail ou utilisateur final) que collectif (projet ou groupe de tacircche) Cette interrogation est importante autant pour le chercheur qui se trouve confronteacute agrave des choix theacuteoriques lors de la deacutefinition de sa probleacutematique de recherche que pour les praticiens et consultants qui deacuteveloppent souvent des outils drsquoenquecircte et des meacutetriques drsquoeacutevaluation souffrant drsquoune absence manifeste de reacutefeacuterentiels conceptuels Ainsi dans le contexte de laquo lrsquoaudit social raquo lrsquoapproche comportementale de lrsquoeacutevaluation des SI reacutepond agrave cette double exigence dans une organisation sociale de lrsquoentreprise baseacutee la place de plus en plus importante des SI et sur un usage sans cesse croissant des TI destineacutees aux utilisateurs drsquoune part de vaincre les difficulteacutes de mesure (inheacuterentes agrave la multitude drsquoimpacts des SITI sur le deacuteveloppement des organisations) et drsquoautre part de tenter de concevoir agrave terme un schegraveme theacuteorique drsquoeacutevaluation de lrsquoimpact des SITI (destineacute agrave creacuteer un environnement de travail pour lrsquoheure inexistant) Cette approche comportementale de lrsquoeacutevaluation des SI est agrave la diffeacuterence de lrsquoapproche eacuteconomique reacutepondant agrave ces principes de gouvernance technologique (Baile 2005) drsquoune richesse theacuteorique sans aucune mesure de par son eacutevolution historique et la varieacuteteacute des concepts qursquoelle manipule Elle a fermenteacute dans le contexte anglo-saxon de lrsquoOB (Organizational Behavior) et des MIS (Management Information System) de tregraves nombreux

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travaux visant drsquoune part agrave expliciter deacutecrire et expliquer lrsquoutilisation par les managers de nouveaux outils de traitement de lrsquoinformation et de communication et drsquoautre part de preacuteconiser et mettre en œuvre de bonnes pratiques de management neacutecessitant de nouvelles meacutethodes et regravegles de travail Cette approche se reacutefegravere largement aux concepts fondamentaux de la sociologie des organisations de la psychologie cognitive ou sociale et de la strateacutegie Elle se deacutecline dans ce papier selon les trois objets de recherche courants en management des systegravemes drsquoinformation relatifs drsquoune part au laquoprocessus de communication humain mettant en œuvre des TI raquo drsquoautre part agrave laquolrsquointention de les utiliser dans les tacircches de management raquo enfin agrave laquo leur adoption en tant que nouvelles technologies support agrave innovation dans les processus intra~inter organisationnels raquo Cette taxonomie des theacuteories et modegraveles vise agrave contribuer agrave lrsquoeacutetude des modaliteacutes et des principes par nature diffeacuterents mais quelquefois compleacutementaires utiliseacutees par les chercheurs pour traiter les probleacutematiques (1) drsquoadaptation des individus agrave toute modification drsquoenvironnement de leur travail occasionneacutee par lrsquousage de TI (2) de transformation organisationnelle entraicircneacutee par lrsquoobligation de concevoir un nouveau modegravele drsquoorganisation baseacute sur le SI et (3) de conduite du changement eu eacutegard des objectifs organisationnels nouveaux (drsquoameacutelioration des relations drsquoaffaires de facilitation des eacutechanges interpersonnels hellip) et des perspectives de travail plus participatives et coopeacuteratives Elle constitue un cadre original de travail pour appreacutehender les fondements conceptuels qui justifient positivement agrave recommander (1) une deacutemarche drsquoaudit visant agrave identifier certaines pratiques drsquoune eacutevaluation plus sociale et humaine que technologique et financiegravere des SI (2) une mesure du succegraves de la mise en œuvre des TI professionnelles dans le respect des regravegles drsquoameacutelioration des conditions de travail et de satisfaction personnelle et (3) un guide de bonne conduite pour lrsquoassistance agrave la maicirctrise drsquoouvrage agrave la coordination des SI dans les entreprises ayant fait un choix drsquoaligner leur strateacutegie de deacuteveloppement agrave celles de leur ressources en SI

1 Les theacuteories relatives agrave lrsquoutilisation des technologies de la communication Les theacuteories relatives agrave lrsquoutilisation des TIC peuvent se classer en deux cateacutegories en rapport drsquoune part avec la composante rationnelle et drsquoautre part avec la composante sociale du choix drsquoun meacutedia technologique Geacuteneacuteralement le deacutebat sur les deacuteterminants du choix des moyens de traitement de communication concerne le pouvoir explicatif de diverses theacuteories et se focalise en particulier sur la theacuteorie de la richesse des meacutedias (TRM) et sur le modegravele de lrsquoinfluence sociale (MIS) (Fulk et Boyd 1991 Markus 1994 Webster et Trevino 1995) La theacuteorie de la richesse des meacutedia (Daft et Lengel 1984 1986) a longtemps domineacute elle suppose que le choix des moyens de communication est un processus rationnel reacutesultant de lrsquoadeacutequation entre les caracteacuteristiques des moyens de communication et le contenu du message Le modegravele de lrsquoinfluence sociale plus reacutecent focalise son attention sur les deacuteterminants sociaux du choix des moyens de communication (Fulk Schmitz et Steinfield 1990) Tregraves souvent ces theacuteories sont opposeacutees les unes aux autres et rarement consideacutereacutees comme des approches compleacutementaires Rice et al (1994) proposent que la dichotomie entre les influences rationnelles et sociales est artificielle et nrsquoest peut-ecirctre pas neacutecessaire Beaucoup drsquoeacutetudes cependant nrsquoexaminent qursquoun faible nombre drsquoinfluences geacuteneacuteralement issues de lrsquoune ou lrsquoautre approche (Rice 1992 Sitkin et al 1992) Les eacutetudes associant les deux approches sont beaucoup plus rares (Webster et Trevino 1995) Lrsquoenvironnement theacuteorique srsquoappuie donc sur quatre theacuteories issues des deux courants Les

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deux premiegraveres la theacuteorie de la preacutesence sociale et la theacuteorie de la richesse des moyens de communication sont relatives aux deacuteterminants rationnels du choix et de lrsquoutilisation drsquoun meacutedia Les deux derniegraveres la theacuteorie de lrsquointeractionnisme symbolique et la theacuteorie de lrsquoinfluence sociale concernent les deacuteterminants sociaux de la seacutelection et de lrsquoutilisation drsquoun meacutedia

11 La theacuteorie de la preacutesence sociale La theacuteorie de la preacutesence sociale (Short et al 1976) est la premiegravere approche deacutecrivant lrsquoutilisation des moyens de communication comme le reacutesultat drsquoun processus de choix Elle contribue au classement des meacutedia selon leur niveau de preacutesence sociale (Rice 1984 Hiltz et al 1986 Steinfield 1986 Culnan et Markus 1987) et pose lrsquohypothegravese geacuteneacuterale drsquoun manque drsquoindicateurs de contexte social (Walther 1992) Reacutecemment elle a eacuteteacute largement utiliseacutee dans des recherches sur lrsquoenseignement agrave distance (Gunawardena et Zittle 1997 Angeli et al 1998 Kanuka et Anderson 1998 McDonald 1998 Weiss et Morisson 1998) Short et al (1976) deacutefinissent la preacutesence sociale comme suit laquo Bien que nous nous attendions agrave ce qursquoelle affecte la maniegravere dont les individus perccediloivent leurs eacutechanges et leurs relations avec leurs partenaires de communication il est important de souligner que nous deacutefinissons la preacutesence sociale comme une qualiteacute du moyen de communication lui-mecircme Nous supposons que les moyens de communication varient dans leur degreacute de preacutesence sociale et que ces variations influencent les interactions entre les partenaires de la communication (page 65) Cette deacutefinition reste assez floue car elle ne permet pas de distinguer si ce sont les caracteacuteristiques reacuteelles des meacutedia qui expliquent les diffeacuterences de communication ou si ce sont les perceptions des utilisateurs qui altegraverent leurs comportements Certains auteurs tentent de remeacutedier agrave son insuffisance car le concept est ambigu et mal deacutefini il est caracteacuteriseacute par des adjectifs (eg chaudfroid personnelimpersonnel sensibleinsensible et sociablepeu sociable) et ne semble pas tregraves opeacuterationnel (Rice et Case 1983 Barillot 1996) Drsquoautres eacutetudient le lien entre les activiteacutes des utilisateurs et lrsquoutilisation de la messagerie eacutelectronique Steinfield (1986) montre par exemple que les principales activiteacutes supporteacutees par la messagerie eacutelectronique sont lrsquoeacutechange et la recherche drsquoinformation Pour lui les caracteacuteristiques propres agrave ce meacutedium (telles la communication textuelle et asynchrone) contribuent agrave la reacutealisation de ces activiteacutes notamment lorsque lrsquoinformation est complexe Par contre certaines activiteacutes (comme la transmission drsquoinformations priveacutees ou confidentielles la neacutegociation et la reacutesolution de conflit) ne sont pas supporteacutees par la messagerie eacutelectronique Lrsquoeacutetude de Barillot (1996 1998) aboutit agrave des reacutesultats similaires La messagerie eacutelectronique est utiliseacutee dans les eacutechanges drsquoinformations factuelles preacutecises et agrave la dureacutee de vie limiteacutee ainsi que pour le traitement drsquoinformations bien structureacutees et de fort volume Par contre ce meacutedium nrsquoest que peu ou pas utiliseacute pour la reacutesolution de conflit la prise de deacutecision et les activiteacutes routiniegraveres (diffusion drsquoinformations courantes gestion drsquoemploi du temps) Selon lrsquoauteur ces derniegraveres requiegraverent et affectent les relations sociales entre les individus ce qui explique la faible utilisation de la messagerie eacutelectronique La theacuteorie de la preacutesence sociale est souvent associeacutee pour reacutesumer agrave la theacuteorie de la richesse des moyens de communication mais elle nrsquoest pas consideacutereacutee comme une theacuteorie sur le choix des moyens de communication Elle est au mieux pour certains chercheurs un vague concept jamais clairement deacutefini par ses concepteurs (Svenning et Ruchinskas 1984 p 248) Pour drsquoautres elle est un concept inteacuteressant mais qui ne possegravede pas un pouvoir explicatif eacuteleveacute (Rudy 1996 p 203)

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12 La theacuteorie de la richesse des moyens de communication La theacuteorie de la richesse des moyens de communication (Daft et Lengel 1984 1986) est relative au choix rationnel (lieacute agrave des facteurs objectifs) drsquoun moyen de communication Le concept de richesse de la communication est deacutefini par Daft et Lengel (1986) comme la capaciteacute de lrsquoinformation agrave modifier la compreacutehension drsquoune situation etou drsquoun message dans un laps de temps deacutetermineacute Les communications mettant en jeu diffeacuterents scheacutemas de reacutefeacuterence ou clarifiant des situations ambigueumls sont consideacutereacutees comme riches Au contraire celles qui ne confrontent pas plusieurs perspectives ou qui ne permettent pas drsquoarriver rapidement agrave une solution sont consideacutereacutees comme pauvres Dans un sens la richesse est lieacutee agrave la capaciteacute drsquoapprentissage de la communicationhellip (page 560) Les auteurs avancent lrsquohypothegravese que la richesse de la communication est une proprieacuteteacute invariante et objective des moyens de communication Ceux-ci sont rangeacutes sur un continuum de richesse le plus riche eacutetant le face-agrave-face et le moins riche lrsquoeacutecrit numeacuterique (type sortie informatique) la messagerie eacutelectronique se situant entre le teacuteleacutephone et lrsquoeacutecrit (Steinfield et Fulk 1985 Treacutevino Daft et Lengel 1990 Trevino Lengel Bodensteiner Gerloff et Muir 1990) Cette hieacuterarchisation des moyens de communication est baseacutee sur quatre proprieacuteteacutes

- la rapiditeacute du retour de lrsquoinformation - la preacutesence drsquoindicateurs multiples tels que le ton de la voix les gesteshellip - la varieacuteteacute du langage utiliseacute (langage oral eacutecrit ou numeacuterique) et - la personnalisation lieacutee agrave la capaciteacute du moyen de communication agrave transporter les

sentiments et les eacutemotions Ainsi chaque moyen de communication nrsquoest pas juste une source drsquoinformations mais repreacutesente une diffeacuterence dans la maniegravere de traiter les informations Cette theacuteorie se deacutecline en deux approches La premiegravere lrsquoapproche prescriptive suppose lrsquoadeacutequation entre les besoins en traitement de lrsquoinformation des organisations et les canaux de communication disponibles dans ces organisations dans un souci drsquoefficaciteacute organisationnelle (Daft et Lengel 1984 1986) La deuxiegraveme lrsquoapproche descriptive deacutecrit comment les individus doivent choisir les moyens de communication dans un soucis drsquoefficaciteacute personnelle (Daft et al 1987 Russ et al 1990 Trevino et al 1990) Cette approche est baseacutee sur trois propositions

- Les moyens de communication possegravedent des proprieacuteteacutes inheacuterentes qui sont deacutecrites objectivement La richesse de lrsquoinformation est traiteacutee comme une proprieacuteteacute relativement invariante pour lrsquoutilisateur et par rapport au contexte drsquoutilisation

- Les diffeacuterences de caracteacuteristiques entre les moyens de communication sont importantes pour les utilisateurs

- Les comportements et les attitudes individuels sont une reacuteponse au traitement cognitif des caracteacuteristiques des moyens de communication

La theacuteorie de la richesse des moyens de communication a fait lrsquoobjet de nombreuses eacutetudes (voir agrave cet effet les articles de Markus (1994) et Rudy (1996)) Elle est cependant critiqueacutee car elle ne prend pas assez en compte les facteurs de situation qui influencent le comportement et les facteurs sociaux qui modifient les perceptions

13 La theacuteorie de lrsquointeractionnisme symbolique La theacuteorie de lrsquointeractionnisme symbolique (Mead 1934 Blumer 1969) permet drsquoeacutetendre la theacuteorie de la richesse des moyens de communication au-delagrave de lrsquointeacuterecirct qursquoelle porte aux besoins en traitement de lrsquoinformation Blumer (1969) deacutefinit lrsquointeractionnisme symbolique comme un processus drsquointeraction entre les individus dans la formation des significations La theacuteorie est construite autour de trois principes Le premier la signification traduit le fait que

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les individus agissent en fonction du sens qursquoils donnent aux autres individus et aux objets Le deuxiegraveme le langage donne aux individus les moyens de symboliser la signification qursquoils donnent aux autres personnes et aux objets Le troisiegraveme la penseacutee donne la possibiliteacute aux individus de modifier le sens des symboles Ce troisiegraveme principe distingue cette theacuteorie des autres eacutecoles de penseacutee pour qui la signification est simplement lrsquoapplication de deacutefinitions preacute-eacutetablies agrave des situations speacutecifiques Blumer insiste sur le fait que le processus interpreacutetatif et le contexte dans lequel il intervient sont des eacuteleacutements essentiels dans la formation et lrsquoutilisation drsquoune signification En ce sens la theacuteorie de lrsquointeractionnisme symbolique est importante car elle fournit une base pour appreacutehender la construction des significations Le cadre de travail de lrsquointeractionnisme symbolique peut srsquoappliquer agrave lrsquoeacutetude du comportement de communication dans les organisations En effet de mecircme que la socieacuteteacute est vue comme un reacuteseau dynamique de communication lrsquoorganisation peut se concevoir comme un systegraveme dynamique de penseacutees De ce point de vue agrave la base de lrsquointeraction entre les membres drsquoune organisation se trouve un systegraveme de partage des penseacutees et des significations Les symboles eacutevoluent dans le temps et prennent de la signification permettant aux membres de lrsquoorganisation de reacutesoudre des problegravemes La creacuteation de nouveaux symboles et de nouvelles significations neacutecessitent que les membres de lrsquoorganisation travaillent ensemble Ce point de vue est similaire agrave lrsquoapproche interpreacutetative de la communication organisationnelle qui insiste sur le rocircle des processus symboliques et des significations subjectives dans la communication organisationnelle (Putnam et Pacanowsky 1983 Krone et al 1987) Stryker (1980) et Stryker et Statham (1985) vont plus loin et proposent un nouveau cadre de travail lrsquointeractionnisme symbolique structurel qui integravegre lrsquoapproche interpreacutetative de lrsquointeractionnisme symbolique et une approche plus traditionnelle dans laquelle le comportement est preacutevisible Ce nouveau cadre de travail voit le comportement de choix des moyens de communication agrave la fois comme un comportement de creacuteation de symboles et un comportement de communication de symboles Le premier apparaicirct lorsque les membres de lrsquoorganisation nrsquoarrivent pas agrave communiquer correctement ou encore lorsqursquoils ne partagent pas la mecircme perception des eacuteveacutenements Dans ce cas il nrsquoexiste pas de perspective commune et la communication nrsquoest motiveacutee que par le besoin de combler les diffeacuterences Le comportement de creacuteation de symbole est ainsi lieacute agrave des situations ambigueumls Les membres de lrsquoorganisation doivent alors choisir des moyens de communication riches pour faire face agrave cette ambiguiumlteacute Le deuxiegraveme apparaicirct lorsqursquoil existe deacutejagrave un partage des significations Lrsquoexistence de points de vue communs facilite lrsquointerpreacutetation des situations et des eacuteveacutenements Dans ce cas la communication nrsquoest utiliseacutee que pour partager les points de vue Ainsi le comportement de communication de symboles est lieacute agrave des situations peu ambigueumls Les membres de lrsquoorganisation peuvent alors se contenter drsquoutiliser des moyens de communication pauvres Plusieurs eacutetudes se basent sur le cadre de travail de lrsquointeractionnisme symbolique et montrent que le choix des moyens de communication est deacutetermineacute par trois facteurs le caractegravere ambigu du message le contexte drsquoutilisation de lrsquooutil de communication et la signification symbolique donneacutee agrave cet outil (Trevino Lengel et Daft 1987 Daft et al 1987 Markus 1994 Straub et Karahana 1998 Trevino et al 2000) Ces travaux montrent pour reacutesumer que la theacuteorie de lrsquointeractionnisme symbolique est une premiegravere reacuteponse aux critiques formuleacutees agrave lrsquoencontre de la theacuteorie de la richesse des moyens de communication

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14 La theacuteorie de lrsquoinfluence sociale Partant du constat qursquoil existe des explications alternatives au comportement de choix des moyens de communication Fulk et al (1987) et Fulk et al (1990) suggegraverent drsquointeacutegrer une perspective lieacutee au traitement social de lrsquoinformation agrave celle inheacuterente aux caracteacuteristiques des moyens de communication Ils proposent ainsi que les perceptions individuelles des moyens de communication sont deacutetermineacutees drsquoune part par leurs caracteacuteristiques objectives et drsquoautre part par les attitudes et comportements des autres membres de lrsquoorganisation Ces sources drsquoinfluence sociale contribuent agrave ameacuteliorer les perceptions individuelles en apportant des critegraveres drsquoeacutevaluation des caracteacuteristiques des moyens de communication en mettant lrsquoaccent sur les caracteacuteristiques les plus pertinentes et en guidant leur interpreacutetation par rapport aux critegraveres drsquoeacutevaluation De mecircme le choix drsquoun moyen de communication est deacutetermineacute drsquoune part par un processus objectif drsquoeacutevaluation et drsquoautre part par les influences sociales En effet les individus deacuteveloppent des comportements socialement acceptables qui trouvent leur justification dans les normes organisationnelles Celles-ci conduisent eacutegalement agrave un consensus social sur lrsquoutilisation approprieacutee des moyens de communication Les attitudes envers les moyens de communication sont eacutegalement influenceacutees par les comportements anteacuterieurs Le comportement drsquoutilisation des moyens de communication est aussi deacutetermineacute par les besoins de traitement des tacircches et par lrsquoinformation sociale lieacutee agrave ces besoins Les modegraveles traditionnels posent que le contenu de la tacircche et la preacutesence sociale sont deux deacuteterminants importants de lrsquoutilisation Steinfield et Fulk (1986) et Trevino et al (1987) montrent que lrsquoutilisation de la messagerie eacutelectronique est lieacutee agrave la dispersion geacuteographique des individus et la pression du travail agrave lrsquoutilisation du teacuteleacutephone et du face-agrave-face Ainsi les indicateurs issus de lrsquoenvironnement social permettent agrave lrsquoindividu de deacutefinir drsquoune part les besoins objectifs de la tacircche et drsquoautre part les besoins des communicants pour cette tacircche Les contraintes structurelles sont de la mecircme maniegravere un deacuteterminant du comportement drsquoutilisation Markus (1987 1990) montre que lrsquoutilisation drsquoun moyen de communication est lieacutee au deacuteveloppement drsquoune masse critique drsquoutilisateurs notamment en ce qui concerne les nouveaux moyens de communication Par contre lrsquoinfluence sociale diminue lorsque lrsquoexpeacuterience individuelle dun moyen de communication particulier est importante (Thomas et Griffin 1983) Fulk et al (1987 1990) preacutefegraverent dire que le manque drsquoexpeacuterience et de connaissance dun moyen de communication augmentent lrsquoinfluence sociale sur lrsquoutilisation de ce moyen de communication Plusieurs eacutetudes (Schmitz et Fulk 1991 Fulk et al 1995 Trevino et al 2000) font eacutetat de lrsquoimportance des facteurs sociaux dans le choix et lrsquoutilisation des moyens de communication Il semble important pour reacutesumer de noter que la perspective de lrsquoinfluence sociale nrsquoexclue pas le caractegravere rationnel du choix drsquoun moyen de communication Elle pose simplement la preacutemisse que ce choix est une des options qui eacutemerge du processus drsquoinfluence sociale dans les organisations

15 Pour conclure Ces theacuteories sont issues de la psychosociologie mais nrsquoont que tregraves rarement eacuteteacute mobiliseacutees dans le champ des recherches en SI pour appreacutehender comment le contexte social pouvait drsquoune part creacuteer des perceptions de faciliteacute drsquoutilisation drsquoutiliteacute de convivialiteacute hellip autant de concepts riches pour eacutetudier les meacutecanismes drsquointeraction hommemachine et la conception des interfaces utilisateurs (Baile 1985 2001 Baile et Lefiegravevre 2003) et drsquoautre part accroicirctre la capaciteacute drsquoameacuteliorer et guider certains processus de gestion mettant en œuvre des TI (Baile 2004) Lrsquoaudit de tels systegravemes que nous pourrions caracteacuteriser de laquo socio-

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techniques raquo faisant reacutefeacuterence dans la litteacuterature au laquo choix des meacutedias de communication eacutelectronique raquo pourrait alors emprunter agrave ces theacuteories des concepts cleacutes de laquo preacutesence sociale raquo laquo drsquoinfluence sociale raquo et de laquo traitement social de lrsquoinformation raquo (Karahanna et Straub 1999) agrave savoir des laquo reacuteactions individuelles agrave lrsquoutilisation des TIC raquo (Venkatesh et al 2003 page 427) La laquo preacutesence sociale raquo est supposeacutee pour exemple affecteacute les croyances touchant agrave lrsquoutiliteacute drsquoutiliser soit une TI de support (agrave un traitement de lrsquoinformation ou agrave une communication eacutelectronique) soit un meacutedia traditionnel (par exemple audio-visuel ou papier La preacutesence sociale (et la theacuteorie de la richesse des moyens de communication) suggegravere ainsi que la performance (relative agrave lrsquoaccomplissement drsquoune tacircche de gestion assisteacutee par une TI) srsquoaccroicirctra si la preacutesence sociale du meacutedia est coupleacutee au besoin de communication que neacutecessite une tacircche Ainsi une TI qui serait eacuteleveacutee en laquo preacutesence sociale raquo serait plus approprieacutee pour supporter une communication socio-eacutemotionnelle et reacutesoudre des tacircches eacutequivoques (reacutesolution de conflit communications interpersonnelles et sociales tentatives drsquoinfluences) laquo Lrsquoinfluence sociale raquo (Salancik et Pfeffer 1978) est supposeacutee aussi affecter les croyances touchant agrave lrsquoutilisation drsquoun media technologique La theacuteorie de lrsquoinfluence sociale suggegravere ici que les attitudes et comportements sont deacutetermineacutes par le contexte social De sorte que les perceptions des caracteacuteristiques drsquoune TI de support agrave une tacircche les besoins de communication concernant cette tacircche et les attitudes vis-agrave-vis du meacutedia de communication seraient influenceacutees par les normes sociales par les actions et positions de lrsquoencadrement et des dirigeants vis-agrave-vis du meacutedia ainsi que par des attitudes anteacuterieures ou une utilisation passeacutee Ces deux concepts cleacutes tireacutes des theacuteories de reacutefeacuterence teacutemoignent de lrsquointeacuterecirct porteacute tregraves tocirct par les psycho-sociologues aux meacutecanismes de lrsquointeraction entre lrsquohomme et la technologie Tregraves reacutecemment quelques auteurs suggegraverent drsquoeacutetendre ces travaux et drsquoen utiliser les systegravemes drsquoeacutevaluation et construits aux modegraveles theacuteoriques plus reacutecents baseacutes sur les intentions de preacutediction du comportement des utilisateurs de TI

2 Les theacuteories baseacutees sur les intentions de lrsquoutilisateur et le Modegravele

21 Place des theacuteories et contexte drsquoutilisation en SI Une part importante des travaux de recherche en SI fait appel aux theacuteories comportementales traitant des intentions des individus pour preacutevoir lrsquousage de TI (Kukafka et al 2003) Les modegraveles visent agrave identifier certains deacuteterminants des intentions telles des attitudes des influences sociales et des conditions qui facilitent lrsquoutilisation de technologies (Davis 1989) Les theacuteories de lrsquoaction raisonneacutee et du comportement planifieacute font eacutetat de modegraveles traitant de lrsquointention

La theacuteorie de lrsquoaction raisonneacutee (Ajzen et Fishbein 1980 Ajzen et Madden 1986) suggegravere que lrsquointention drsquoadopter une technologie est deacutetermineacutee chez un individu par deux facteurs de base lrsquoun refleacutetant son inteacuterecirct personnel et lrsquoautre son influence sociale Lrsquointeacuterecirct personnel se reacutefegravere agrave une attitude qui conduit un utilisateur agrave eacutevaluer favorablement ou deacutefavorablement lrsquoadoption drsquoune TI Lrsquoinfluence sociale consideacutereacutee comme une norme subjective se reacutefegravere agrave la perception qursquoont les individus de ce que les autres attendent drsquoeux et agrave leur degreacute de motivation de se conformer agrave ces attentes

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La theacuteorie du comportement planifieacute (Ajzen 1991) est une extension de la theacuteorie de lrsquoaction raisonneacutee (TAR) Celle-ci fait intervenir le controcircle comportemental perccedilu lors drsquoun effort qui prend en compte certains facteurs qui se trouveraient en dehors des possibiliteacutes de controcircle drsquoun individu et pourraient affecter son intention et son comportement Ce prolongement theacuteorique est soutenu par lrsquohypothegravese qursquoun comportement performant est agrave la fois deacutetermineacute par la motivation (lrsquointention) et la capaciteacute (le controcircle comportemental) Le controcircle comportemental traduit la perception des conditions qui facilitent lrsquousage de certaines ressources comme les TIC ainsi que celle de leurs capaciteacutes Ainsi pour la theacuteorie du comportement planifieacute lrsquointention dadopter une nouvelle technologie peut se preacutedire en prenant en compte la perception qursquoune activiteacute innovatrice est souhaiteacutee supporteacutee par des normes sociales et reacutealisable

Adapteacute de la theacuteorie de laction raisonneacutee1 (TAR) le modegravele drsquoacceptation de la technologie (MAT) preacutesente lavantage dinteacutegrer plusieurs aspects des theacuteories sur le comportement individuel deacuteveloppeacutee par la psychologie sociale Le MAT a eacuteteacute conccedilu par Davis (1986) pour expliquer le comportement de lutilisateur des SI et suscite toujours beaucoup drsquointeacuterecirct chez les chercheurs en SI En ce sens Davis Bagozzi et Warshaw (1989) notent que le modegravele est speacutecialement conccedilu pour expliquer le comportement agrave lrsquoeacutegard des ordinateurs (p983) Le but du modegravele est decirctre capable dexpliquer le comportement des utilisateurs vis agrave vis des technologies de linformation au sein de diffeacuterentes populations et dans diffeacuterents contextes (p985) Le MAT fut utiliseacute cette derniegravere deacutecennie pour expliquer lacceptation de TIC aussi diverses que les micro-ordinateurs (Igbaria 1993 1994 Igbaria et Iivari 1995 Igbaria et Tan 1997) les logiciels de traitement de texte (Davis et al 1989 Adams et al 1992) les tableurs (Mathieson 1991 Adams et al1992) les systegravemes daide agrave la deacutecision de groupe (Robichaux 1994 Chin et Gopal 1995) les outils de groupware le fax (Straub 1994) la messagerie eacutelectronique ou vocale (Venkatesh et Davis 1994 Straub et al 1995 Hubona et Whisenand 1996 Gefen et Straub 1997) et lrsquointernet (Teo et al 1999) Dans la majoriteacute des travaux qui mobilisent ce modegravele les investigations theacuteoriques vont bien au-delagrave des preacuteceptes lieacutes aux perceptions et attitudes des utilisateurs suggeacutereacutees introduits par Davis (1986 1989) pour expliquer lacceptation des TIC Les chercheurs considegraverent de plus en plus les effets dautres variables comme les caracteacuteristiques des utilisateurs de lorganisation ou celles des systegravemes drsquoinformation et des technologies pour justifier le comportement

22 Principes et concepts retenus par le MAT Le modegravele dacceptation de la technologie a pour objectif essentiel drsquoeacutevaluer limpact de divers facteurs externes sur les croyances internes attitudes et intentions des utilisateurs Il a eacuteteacute introduit dans les travaux en SI pour atteindre cet objectif en proposant un petit nombre de concepts cleacutes deacutejagrave suggeacutereacutes dans des eacutetudes anteacuterieures traitant des deacuteterminants affectifs et cognitifs de lacceptation des ordinateurs (Davis et al 1989) Pour ce faire celui-ci se fonde principalement sur la theacuteorie de laction raisonneacutee (Fishbein et Ajzen 1975) pour modeacuteliser les relations entre ces concepts Lutiliteacute perccedilue et la faciliteacute dutilisation perccedilue sont les deux construits cleacutes du MAT

1 Theory of Reasoned Action

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221 Deacutefinition et fondements conceptuels de la theacuteorie Le MAT justifie lutilisation des TIC essentiellement agrave partir de deux facteurs lutiliteacute perccedilue et la faciliteacute dutilisation perccedilue Bien que de nombreux chercheurs aient tenteacute dexpliquer le comportement individuel avec ces facteurs tregraves peu se sont interrogeacutes sur les origines theacuteoriques du modegravele ne serait-ce que pour tenter de justifier lrsquoimportance prise par cet axe de recherche notamment avec ce que Karahanna et Straub (1999) appellent laquo la theacuteorie eacutemergente de lrsquoacception des TIC raquo Il convient de rappeler la deacutefinition de ces deux construits et leurs fondements theacuteoriques

Deacutefinition des concepts Les deacutefinitions les plus courantes dans la litteacuterature de lutiliteacute et de la faciliteacute dutilisation perccedilue sont celles que propose Davis (1986 1989) Ces deacutefinitions seront reprises dans de nombreux travaux sur le MAT

Lutiliteacute perccedilue est deacutefinie comme eacutetant le degreacute avec lequel une personne pense que lutilisation dun systegraveme ameacuteliore sa performance au travail En ce sens dans un contexte organisationnel donneacute plusieurs eacuteleacutements peuvent contribuer agrave ameacuteliorer la performance des salarieacutes agrave savoir des augmentations de salaire des promotions des bonus ou autres reacutecompenses (Pfeffer 1982 Schein 1980 Vroom 1964)

La faciliteacute dutilisation perccedilue se rapporte au degreacute auquel une personne pense que lutilisation dun systegraveme ne neacutecessite pas defforts Cette deacutefinition suggegravere quune application perccedilue comme eacutetant plus facile agrave utiliser a plus de chance decirctre accepteacutee par les utilisateurs

Les fondements conceptuels

Les concepts dutiliteacute et de faciliteacute dutilisation qui ont reccedilu une attention particuliegravere dans des eacutetudes reacutecentes en SI (Lucas et Spietler 1999 Hu et al 1999 Karahanna et Straub 1999 Agarwal et Prasad 1999 Venkatesh et Morris 2000) trouvent leurs fondements dans plusieurs theacuteories En effet ces deux construits ont pour avantage dinteacutegrer dans leurs deacutefinitions celles de concepts issus de theacuteories aussi diverses que

- la theacuteorie de lefficaciteacute personnelle - le paradigme Coucirct Beacuteneacutefice - la diffusion des innovations - le modegravele de Triandis ou - dautres champs de recherche diffeacuterents des SI

Ces modegraveles prennent en compte pour expliquer le comportement des concepts qui sous des appellations diffeacuterentes recouvrent lutiliteacute et la faciliteacute dutilisation perccedilue

La theacuteorie de lefficaciteacute personnelle (Bandura 1982) suggegravere que le comportement est deacutetermineacute agrave la fois par des croyances defficaciteacute personnelle et par des croyances de reacutesultat Cette theacuteorie eacutetablit ainsi clairement la distinction entre les perceptions defficaciteacute personnelle dune part et les reacutesultats attendus dun comportement dautre part Le concept dutiliteacute perccedilue rejoint les croyances de reacutesultat les deux concepts se rapportant au reacutesultat attendu du comportement Quant au concept de faciliteacute dutilisation perccedilue il rejoint le concept defficaciteacute personnelle et se deacutefinit

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notamment comme une dimension de laquo magnitude raquo de celle-ci2 Bandura considegravere que mecircme si lefficaciteacute personnelle et les croyances de reacutesultats ont des anteacuteceacutedents diffeacuterents les deux influencent le comportement

Le paradigme coucirct beacuteneacutefice issu de la theacuteorie du comportement deacutecisionnel (Beach et Mitchell 1978 Payne 1982 Johnson et Payne 1985) contribue agrave appreacutehender des construits proches de ceux dutiliteacute perccedilue et de la faciliteacute dutilisation perccedilue Ce paradigme explique que le choix dun individu entre plusieurs strateacutegies de prise de deacutecision est un choix cognitif entre leffort requis pour la mise en œuvre dune strateacutegie et la qualiteacute (exactitude) de la deacutecision qui en reacutesulte Cette approche sest aveacutereacutee efficace pour expliquer les raisons conduisant des deacutecideurs agrave modifier leur choix de deacutecision en fonction des variations dans la complexiteacute de la tacircche La distinction faite entre la perception de leffort requis et la prise de deacutecision sapparente agrave celle faite entre la faciliteacute dutilisation perccedilue et lutiliteacute perccedilue

La theacuteorie de la diffusion des innovations suggegravere eacutegalement que lutiliteacute et la faciliteacute dutilisation perccedilue jouent un rocircle proeacuteminent pour ladoption dune innovation Dans leur analyse de la relation entre les caracteacuteristiques des innovations et leur adoption Torknatzky et Klein (1982) veacuterifient que pour un grand nombre dinnovations la compatibiliteacute lavantage relatif et la complexiteacute de celles-ci ont un lien significatif avec leur adoption La deacutefinition de la dimension complexiteacute rejoint celle de la faciliteacute dutilisation perccedilue tandis que la deacutefinition de lavantage relatif rejoint celle de lutiliteacute perccedilue Les contributions de cette theacuteorie sont analyseacutees dans le titre 3 suivant

Le modegravele de Triandis (1971) qui se fonde en grande partie sur la theacuteorie des attentes de Vroom (1964) considegravere que laquo les conseacutequences perccedilues du comportement raquo figurent parmi les eacuteleacutements deacuteterminants du comportement Les conseacutequences perccedilues reacutesultent du produit de leacutevaluation par lindividu des conseacutequences probables de son comportement avec la valeur quil attribue agrave ces conseacutequences La similitude entre les conseacutequences perccedilues et lutiliteacute perccedilue peut ainsi ecirctre eacutetablie Triandis montre en outre quil existe un effet direct des conseacutequences perccedilues sur le comportement

Dans dautres domaines de recherche comme le marketing les travaux sinteacuteressent eacutegalement aux construits de faciliteacute et dutiliteacute perccedilue En ce sens une eacutetude meneacutee par Hauser et Simmie (1981) concernant la perception de diverses TIC par les utilisateurs a mis en relief limportance de deux dimensions la faciliteacute dutilisation et lefficaciteacute Le concept defficaciteacute tel quil est deacutefini par les auteurs rejoint le construit dutiliteacute perccedilue deacutecrit par Davis (1989) Cette eacutetude a montreacute que la faciliteacute dutilisation perccedilue et lefficaciteacute influencent simultaneacutement le choix de lutilisateur de telle ou telle TIC Par ailleurs la recherche sur linteraction homme-machine a eacutegalement insisteacute sur limportance de la faciliteacute dutilisation dans la conception des SIAD (Branscomb et Thomas 1984 Card et al 1984 Gould et Lewis 1985 Baile 1985)

Au vu de limportance accordeacutee dans la litteacuterature aux concepts dutiliteacute et de faciliteacute dutilisation perccedilues Davis (1989) dans le modegravele dacceptation de la technologie utilise ces

2 La magnitude se rapporte au niveau de difficulteacute attendu drsquoune tacircche

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deux construits pour justifier le comportement des utilisateurs envers les TIC Il eacutetablit une relation directe et indirecte entre la faciliteacute dutilisation et lutiliteacute perccedilue dune part et lintention comportementale dautre part Il se fonde en outre sur la theacuteorie de laction raisonneacutee pour modeacuteliser le comportement

222 La formation de lrsquointention dans le MAT Partant de la theacuteorie de laction raisonneacutee le MAT (figure 1) suggegravere que lutilisation dune TIC est deacutetermineacutee par lintention de comportement Celle-ci est influenceacutee autant par lattitude de lutilisateur envers lutilisation du systegraveme (A) que par lutiliteacute perccedilue (UP) (eacutequation 1) Equation 1 IC= A+UP

Figure 1 Le Modegravele dAcceptation de la Technologie drsquoapregraves Davis et al (1989) Dans le MAT la relation entre lutiliteacute perccedilue et lintention de comportement est directe est fondeacutee sur lhypothegravese que la deacutecision dutiliser une TIC fait suite agrave lanalyse par lindividu des conseacutequences de cette utilisation sur lameacutelioration de sa performance au travail Par ailleurs le MAT suggegravere un lien direct entre les attitudes de lutilisateur et lintention comportement les attitudes sont agrave leur tour deacutetermineacutees par les croyances dont les anteacuteceacutedents sont eacutegalement identifieacutes Les anteacuteceacutedents de lattitude et des croyances font lobjet des deux analyses suivantes

Les anteacuteceacutedents de lrsquoattitude Leacutequation (2) suggegravere que lattitude est deacutetermineacutee agrave la fois par lutiliteacute perccedilue et par la faciliteacute dutilisation perccedilue Equation 2 A= U + FUP Sa justification se trouve dans la theacuteorie de laction raisonneacutee qui postule que les attitudes dune personne sont deacutetermineacutees par ses croyances La recherche en SI a par ailleurs deacutejagrave mis en eacutevidence lexistence dun tel lien drsquoun point de vue empirique (Barrett et al 1968 Schultz et Slevin 1975) Concernant leffet de la faciliteacute dutilisation perccedilue sur les attitudes de lusager Davis (1989) identifie deux meacutecanismes agrave travers lesquels la faciliteacute dutilisation influence le comportement le premier est celui de laction sur lefficaciteacute personnelle et le second celui de laction sur la performance Ainsi plus linteraction avec une TIC est facile plus la perception par lindividu de son efficaciteacute personnelle en regard de sa capaciteacute agrave la mettre en œuvre est eacuteleveacutee (Bandura 1982) La faciliteacute dutilisation dune TIC peut

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contribuer encore agrave ameacuteliorer la performance Leffort eacuteconomiseacute du fait de la faciliteacute dutilisation de la TIC pourra ecirctre redeacuteployeacute permettant ainsi agrave lutilisateur daccomplir plus de travail pour un mecircme effort Davis (1989) suggegravere en outre que la faciliteacute dutilisation influence lutiliteacute perccedilue Les deux croyances sont quant agrave elles deacutetermineacutees par des variables externes

Les anteacuteceacutedents des croyances Dans le modegravele dacceptation de la technologie un effet direct de la faciliteacute dutilisation perccedilue (FUP) est preacutesumeacute sur lutiliteacute perccedilue (UP) (eacutequation 3) Equation 3 UP= FUP + Variables Externes Cette eacutequation souligne par ailleurs que lutiliteacute perccedilue peut ecirctre affecteacutee par de nombreuses variables externes Ces derniegraveres peuvent concerner aussi bien lutilisateur lorganisation ou le systegraveme Dans les applications du MAT (infra) les chercheurs ont pris en compte diverses variables externes pour expliquer lutiliteacute perccedilue Dautres recherches en SI ont veacuterifieacute lexistence de relations significatives entre les caracteacuteristiques du systegraveme et certaines mesures semblables agrave lutiliteacute perccedilue (Miller 1977 Benbasat et Dexter 1986 Benbasat Dexter et Todd 1986) Le MAT postule en outre que les variables externes influencent eacutegalement la faciliteacute dutilisation perccedilue (eacutequation 4) Equation 4 FU = f (Variables Externes) Limpact des caracteacuteristiques dun systegraveme sur la perception de sa faciliteacute dutilisation est largement veacuterifieacute dans la recherche en SI (Miller 1977 Benbasat Dexter et Todd 1986 Dickson et al 1986) Davis (1989) note que dautres variables comme la formation de lutilisateur son expeacuterience le soutien des dirigeants ou de consultants externes peuvent eacutegalement influencer la faciliteacute dutilisation Pour reacutesumer le Modegravele dAcceptation de la Technologie enrichit le modegravele de laction raisonneacutee dune part en prenant en compte de maniegravere explicite les variables externes dans la modeacutelisation du comportement de lutilisateur et dautre part en montrant comment ces variables agissent sur deux croyances speacutecifiques lutiliteacute et la faciliteacute dutilisation perccedilue avant dagir sur les attitudes et le comportement de lusager Apregraves une premiegravere version du MAT deacuteveloppeacutee par Davis (1986 1989) de nombreux chercheurs ont veacuterifieacute empiriquement la validiteacute des construits de faciliteacute dutilisation et dutiliteacute perccedilue (Adams et al 1992 Segars et Grover 1993 Hendrickson et al 1993 Subramanian 1994) Les autres applications du modegravele consistent principalement agrave eacutetudier limpact de certaines variables externes sur les croyances de lutilisateur et son acceptation de diverses TIC La preacutesentation de ces travaux dapplication a pour objet ici de justifier la pertinence du modegravele pour reacutepondre agrave la probleacutematique de cette recherche sur lacceptation de la messagerie eacutelectronique

23 Applications et perspectives du MAT en SI La version originale du MAT a eacuteteacute enrichie par de nombreuses applications dans diffeacuterents contextes dutilisation de TIC diverses Lanalyse des diffeacuterentes variables externes prises en compte dans ces diffeacuterentes applications du MAT permet didentifier trois grandes cateacutegories de variables explicatives

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la premiegravere cateacutegorie reacuteunit des caracteacuteristiques relatives agrave lindividu (acircge sexe poste formation expeacuterience aptitude agrave la saisie anxieacuteteacute informatique niveau deacutetude etc) qui peuvent influencer ses croyances et son acceptation des TIC

la deuxiegraveme cateacutegorie est composeacutee de variables du contexte organisationnel de lutilisateur qui peuvent ameacuteliorer ses perceptions de la TI et augmenter la probabiliteacute de son utilisation (soutien des dirigeants de linfocentre influence sociale politique informatiquehellip) et

la troisiegraveme cateacutegorie regroupe les variables relatives agrave la technologie (fonctionnaliteacute qualiteacute adeacutequation tacircchetechnologie etc) Pour une grande majoriteacute de ces variables les reacutesultats concernant leurs effets sur lacceptation des TIC convergent Pour dautres en revanche les reacutesultats sont contradictoires

231 Des reacutesultats convergents Concernant les caracteacuteristiques individuelles les travaux qui eacutetudient la relation entre lacircge de lutilisateur et son utilisation des TIC (Igbaria 1993 Hubona et Kennick 1996) veacuterifient que cette relation est neacutegative Il semblerait que plus lutilisateur est acircgeacute plus les chances drsquoutiliser un micro-ordinateur (Igbaria 1993) la messagerie eacutelectronique ou un logiciel de bureau comme Word (Hubona et Kennick 1996) diminuent Les eacutetudes qui eacutetudient la relation entre la formation etou lexpeacuterience de lutilisateur et lacceptation des TIC veacuterifient linfluence positive de ces deux variables Ces recherches eacutetablissent cette relation dans des contextes diffeacuterents

Igbaria et al (1995) veacuterifient la relation entre la formation et lexpeacuterience et lutilisation de micro-ordinateurs par des eacutetudiants en MBA aux EU Chau (1996a) interroge des concepteurs de SI agrave Hongkong sur leur utilisation de CASE et veacuterifie que la formation agrave loutil influence positivement leur satisfaction Igbaria et al (1997) interrogent des employeacutes de PME en Nouvelle Zeacutelande sur la formation reccedilue en interne et en externe et veacuterifient que les deux types de formation influencent leur utilisation des micro-ordinateurs mis agrave leur disposition Dishaw et Strong (1999) veacuterifient aupregraves danalystes programmeurs dans trois entreprises de services aux EU que leur expeacuterience dun outil de maintenance de logiciel influence positivement leur utilisation de cet outil Agarwal et Prasad (1999) interrogent les employeacutes dune grande entreprise de services informatiques et veacuterifient que leur expeacuterience influence leur intention dutiliser la TI3 Woumlber et Gretzel (2000) veacuterifient aupregraves de cadres de diffeacuterents pays que leur expeacuterience influence leur utilisation dun systegraveme de support agrave la deacutecision marketing Les recherches dIgbaria et al (1995) de Dishaw et Strong (1999) et de Lucas et Spitler (1999) portant sur trois TIC diffeacuterentes qui eacutetudient linfluence de la perception des caracteacuteristiques de la technologie (ou qualiteacute) sur son utilisation veacuterifient quil existe une relation positive et significative entre ces deux variables En ce sens Igbaria et al (1995) veacuterifient ce constat aupregraves deacutetudiants quils interrogent agrave propos de leur utilisation de micro-ordinateurs Dishaw et Strong (1999) questionnent des analystes-programmeurs agrave propos de leur utilisation doutil de maintenance de logiciels et Lucas et Spitler (1999) interrogent des courtiers et des assistants commerciaux sur leur utilisation de leurs stations de travail

3 Rappelons que dans cette eacutetude la TI nrsquoest pas speacutecifieacutee

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232 Des reacutesultats contradictoires Parmi les reacutesultats contradictoires les recherches qui sinteacuteressent agrave linfluence du soutien des dirigeants ou de laquo linfocentre raquo sur le comportement de lusager ne sont pas unanimes quant agrave linfluence de ces variables sur lacceptation dune TIC

Igbaria et al (1995) eacutetudient linfluence de ces deux variables sur lutilisation des microordinateurs par 280 eacutetudiants aux EU Ils veacuterifient que les deux formes de soutien ameacuteliorent agrave la fois les croyances (faciliteacute dutilisation et utiliteacute perccedilues) des usagers et leur comportement (utilisation accrue) La relation avec le comportement eacutetant agrave la fois directe et indirecte (renforceacutee les croyances) Igbaria et Iivari (1995) interrogent 806 utilisateurs de micro-ordinateurs dans des entreprises finlandaises de tous secteurs dactiviteacute et veacuterifient que le soutien organisationnel influence positivement lutilisation de micro-ordinateurs par les salarieacutes Dans une eacutetude ulteacuterieure Igbaria et al (1997) interrogent 773 utilisateurs dans diffeacuterentes PME en Nouvelle Zeacutelande et veacuterifient que le soutien organisationnel fourni en interne nameacuteliore pas la perception de la faciliteacute dutilisation et de lutiliteacute des micro-ordinateurs tandis quun soutien externe ameacuteliore ces mecircmes perceptions Le soutien nrsquoa en revanche quune influence indirecte sur le comportement dutilisation via les croyances Dans une eacutetude plus reacutecente Karahanna et Straub (1999) sinteacuteressent agrave linfluence du soutien organisationnel sur lutilisation de la messagerie eacutelectronique par les employeacutes dune entreprise internationale de transport Ils ne trouvent pas de relation significative entre le soutien fourni aux utilisateurs et leur utilisation de loutil

Les eacutetudes qui sinteacuteressent agrave linfluence du sexe sur le comportement dutilisation dune TIC (Igbaria 1993 Robichaux 1994 Gefen et Straub 1997) aboutissent agrave des reacutesultats divergents

Igbaria (1993) eacutetudie lacceptation des micro-ordinateurs aupregraves de 766 cadres dans plusieurs entreprises aux EU Les reacutesultats empiriques montrent que les perceptions de la faciliteacute dutilisation et de lutiliteacute des micro-ordinateurs sont plus neacutegatives chez les femmes que chez les hommes Robichaux (1994) interroge 221 eacutetudiants sur leur acceptation dun GSS (Group Support System) et trouve que les femmes perccediloivent le systegraveme comme eacutetant plus facile agrave utiliser et plus utile Gefen et Straub (1997) eacutetudient lacceptation de la messagerie eacutelectronique aupregraves de 392 salarieacutes de trois compagnies aeacuteriennes Les reacutesultats de leur recherche montrent que les femmes perccediloivent loutil comme eacutetant plus utile alors que les hommes le perccediloivent comme eacutetant plus facile agrave utiliser Aucune influence directe du sexe de lutilisateur sur son comportement nest par ailleurs deacutemontreacutee

Deux recherches qui sinteacuteressent agrave une relation de contingence importante entre les caracteacuteristiques de la tacircche et lutilisation des TIC parviennent pour reacutesumer agrave des reacutesultats distincts

Dishaw et Strong (1999) veacuterifient ainsi que la complexiteacute et la varieacuteteacute de la tacircche ont une influence neacutegative sur lutilisation dun outil de maintenance de logiciels par les analystes-programmeurs interrogeacutes alors que Woumlber et Gretzel (2000) deacutefinissant la tacircche en termes de contrainte de temps et de complexiteacute veacuterifient que ces deux caracteacuteristiques propres agrave la tacircche influencent

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positivement lutilisation du systegraveme daide agrave la deacutecision marketing mis agrave la disposition des cadres de plusieurs entreprises du secteur du tourisme

24 Pour conclure

Les diffeacuterentes applications du MAT confirment le rocircle preacutepondeacuterant des croyances de lutilisateur dans son acceptation dune TIC La revue de litteacuterature veacuterifie ainsi dans sa grande majoriteacute la relation positive entre la perception de la faciliteacute dutilisation et de lutiliteacute dune part et le comportement dutilisation des TIC dautre part En introduisant des variables externes non expliciteacutees dans le modegravele original elles ont eacutegalement enrichi le MAT Trois grandes cateacutegories de variables ont ainsi pu ecirctre identifieacutees celles relatives agrave lindividu celles lieacutees agrave son environnement de travail et enfin celles lieacutees agrave la technologie Il convient eacutegalement de souligner que malgreacute limportance accordeacutee aux attitudes de lusager dans le modegravele dacceptation de la technologie peu de recherches appliqueacutees prennent en compte cette variable pour eacutevaluer lacceptation de la technologie Aucune en revanche parmi celles examineacutees neacutetudie linfluence directe des diffeacuterentes variables externes sur les attitudes Enfin concernant lacceptation de la technologie Davis (1986 1989) ayant choisi deacutevaluer lacceptation par le comportement dutilisation uniquement la grande majoriteacute des travaux dapplication du MAT sinteacuteresse exclusivement au comportement de lusager et non agrave dautres mesures de lacceptation dune technologie qui pourraient compleacuteter la mesure de lutilisation Ce constat ouvre le deacutebat sur de nombreuses autres opportuniteacutes de recherche en particulier celles destineacutees agrave eacutetendre la theacuteorie du comportement planifieacute en utilisant une laquo theacuteorie deacutecomposeacutee du modegravele de comportement planifieacute raquo Ce modegravele est focaliseacute sur la deacutecomposition des trois ensembles de structures de croyances en un construit multidimensionnel de croyances Les avantages de ce modegravele incluent (1) une repreacutesentation claire facile agrave comprendre et solide des ensembles de croyances (2) la faciliteacute agrave opeacuterationnaliser ces croyances (3) sa focalisation sur des croyances plus pertinentes que les deux facteurs proposeacutes dans le TAM (Hung et Chang 2004) Dans le mecircme laps de temps de nombreux travaux eacutemergent au sein de cette approche comportementaliste relevant des strateacutegies drsquoadoption par les utilisateurs et drsquoinfusion organisationnelle Ces travaux se distinguent des approches preacuteceacutedentes faisant reacutefeacuterence soit aux modegraveles socio-cognitifs (titre 1) soit au modegraveles drsquointention (titre 2) en apportant une vision plus centreacutee sur les motivations strateacutegiques de lrsquoadoption et de lrsquoutilisation des TI

3 Les theacuteories sur les strateacutegies drsquoadoption

31 La theacuteorie de la diffusion de lrsquoinnovation Un axe important de la recherche comportementale utile pour appreacutehender lrsquoutilisation des TIC est celui de la theacuteorie de la diffusion Pour Rogers (2003) lrsquoinnovation est une ideacutee perccedilue comme nouvelle par lrsquoindividu et sa diffusion est le processus par lequel elle se reacutepand Bien que cette theacuteorie eacutemerge de travaux dans lrsquoagriculture elle sera tregraves vite appliqueacutee aux TIC par exemple agrave des produits TI speacutecifiques comme le langage Java (utiliseacute dans des environnements reacuteseaux ou hypertextes) ou agrave lrsquoutilisation de technologies comme

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lrsquoEDI et les outils de geacutenie logiciel Pour Rogers les individus au sein drsquoun systegraveme social nrsquoadoptent pas une innovation simultaneacutement ils lrsquoadoptent de faccedilon seacutequentielle Une innovation se diffuse lentement au deacutebut ndash souvent au travers du travail des agents de changement qui vont la promouvoir activement ndash sa vitesse de diffusion augmentera degraves lors que les individus lrsquoadopteront Une phase cleacute est celle du deacutebut du processus drsquoadoption nommeacutee laquo deacutecollage raquo Une fois que les agents du changement auront accepteacute lrsquoinnovation ils agiront pour la communiquer agrave drsquoautres agents au sein de lrsquoorganisation par tous les moyens approprieacutes Quand le nombre des premiers adoptants atteindra une masse critique ndash entre 5 et 15 drsquoutilisateurs potentiels- alors le processus drsquoadoption sera bien engageacute Les individus peuvent ecirctre classeacutes en cinq cateacutegories drsquoadoptants ou classes drsquoacteurs drsquoun systegraveme social sur la base de leur faciliteacute agrave accepter une innovation (1) les innovateurs (2) les premiers adoptants (3) la premiegravere majoriteacute (4) la derniegravere majoriteacute et (5) les traicircnards Les travaux montrent que les modegraveles drsquoadoption sont habituellement distribueacutes de faccedilon gaussienne Le processus de diffusion comme le considegravere Rogers est largement baseacute sur la communication la recherche et le traitement de lrsquoinformation Les innovations ont trait non seulement agrave des technologies bien particuliegraveres mais encore agrave des eacuteleacutements moins distinguables car fortement interdeacutependants (comme par exemple des groupes de technologies) Outre ces caracteacuteristiques individuelles les caracteacuteristiques speacutecifiques aux innovations contribuent aussi agrave expliquer les diffeacuterences observeacutees dans leur taux drsquoadoption Il en existe cinq (1) lrsquoavantage relatif traduit le degreacute auquel une innovation est perccedilue comme eacutetant meilleure que lrsquoideacutee qursquoelle remplace (2) la compatibiliteacute traduit le degreacute auquel une innovation est perccedilue comme eacutetant compatible avec les valeurs existantes les expeacuteriences passeacutees et les besoins des adoptants potentiels (3) la complexiteacute traduit le degreacute auquel une innovation est perccedilue comme eacutetant difficile agrave comprendre et agrave utiliser (4) lrsquoexpeacuterimentation traduit le degreacute auquel une innovation peut ecirctre expeacuterimenteacutee sur une base limiteacutee et (5) lrsquoobservabiliteacute traduit le degreacute auquel les reacutesultats drsquoune innovation sont visibles et accessibles Depuis longtemps pour reacutesumer les modegraveles sur la diffusion tendent agrave identifier et expliquer les facteurs qui influencent le degreacute drsquoadoption des innovations au niveau organisationnel Les premiers chercheurs dans ce domaine ont expliqueacute lrsquoadoption par une courbe drsquoapprentissage dans laquelle lrsquoadoption drsquoune innovation eacutevolue au fur et au mesure que cette derniegravere passe des premiers adoptants (lrsquoinnovateur) aux derniers (adoptant final) Ce modegravele primaire permet certes de deacutecrire lrsquoeacutevolution de lrsquoinnovation mais ne fournit ni explications ni orientations quant aux modegraveles futurs de lrsquoadoption en particulier dans le domaine des SI Des efforts de recherche4

ont eacuteteacute effectueacutees pour eacutetablir un modegravele geacuteneacuterique de lrsquoadoption mais ont eacutechoueacute En pratique le processus drsquoadoption drsquoune innovation deacutepend de lrsquointeraction entre des facteurs lieacutes agrave la demande et agrave lrsquooffre (Tidd et al 2000) Des modegraveles concernant la demande drsquoinnovation (et srsquointeacuteressant agrave lrsquoadoptant) devraient conduire agrave prendre en consideacuteration des probleacutematiques contingentes agrave lrsquoorganisation traitant drsquoun point de vue empirique et statistique des beacuteneacutefices et des risques lieacutes aux innovations induites par certaines TI Des modegraveles concernant lrsquooffre drsquoinnovation (et srsquointeacuteressant aux fournisseurs)

4 En marketing des chercheurs ont essayeacute drsquointeacutegrer le lien entre lrsquoadoption de nouveaux produits et la courbe de diffusion des innovations

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devraient conduire agrave formuler des probleacutematiques (plus comportementales et psychologiques) pour traiter des problegravemes de deacuteveloppement organisationnel en relation avec lrsquoappropriation la disseacutemination lrsquoutilisation ou le communication entre deacuteveloppeurs et utilisateurs de SI

32 La theacuteorie socio-cognitive Une troisiegraveme ligne de recherche qui peut aider agrave expliquer les modegraveles drsquousage des TI est fondeacutee sur la theacuteorie laquo sociale et cognitive raquo (Bandura 1977) avec un construit theacuteorique central connu sous le nom du deacuteterminisme reacuteciproque Le deacuteterminisme reacuteciproque est ce que se produit quand la personne le comportement et lrsquoenvironnement interagissent pour deacuteterminer un comportement et un nouveau apprentissage La theacuteorie sociale et cognitive donne aussi une importance au construit drsquoauto-efficaciteacute deacutefini comme un ensemble de croyances sur la capaciteacute drsquoune personne agrave suivre un comportement speacutecifique Lrsquoinclusion des croyances sur lrsquoauto-efficaciteacute est critique pour affirmer que lrsquoadoption nrsquoest pas uniquement baseacutee sur le fait de convaincre les gens des beacuteneacutefices qui peuvent ecirctre deacuteriveacutes drsquoune technologie (les attentes de reacutesultat) lrsquoadoption exige aussi qursquoun individu possegravede des compeacutetences et la confiance neacutecessaires (en termes drsquoattentes drsquoefficaciteacute) Ainsi lrsquoauto-efficaciteacute est consideacutereacutee comme un anteacuteceacutedent important de lrsquousage des TI puisqursquoelle stimule lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement et son maintien Mais les interactions reacuteussies avec la technologie consideacutereacutees comme eacutetant laquo renforccedilantes raquo sont eacutegalement perccedilues comme exerccedilant des influences importantes sur lrsquoauto-efficaciteacute

33 La theacuteorie de lrsquoalignement tacircche-technologie Dans une perspective deacuteterministe le modegravele de lrsquoalignement Tacircche-Technologie (Goodhue 1995 Dishaw et Strong 1999) propose une laquo fit raquo explicite des concepts de tacircche et de technologie pour appreacutehender les eacutevaluations faites par les utilisateurs de SI Ce modegravele est une extension du celui de Cooper et Zmud (1990) qui vise agrave expliquer le succegraves de lrsquoadoption et de lrsquoinfusion des nouvelles technologies en termes de compatibiliteacute des laquo caracteacuteristiques de la TI raquo avec celles de laquo la tacircche raquo et la laquo complexiteacute de la TI raquo relativement agrave la laquo complexiteacute de la tacircche raquo qui la neacutecessite Ainsi la capaciteacute drsquoune TI agrave supporter une tacircche est exprimeacutee par un alignement tacircchetechnologie qui suppose lrsquoadeacutequation des capaciteacutes de la technologie aux demandes de la tacircche Lrsquoalignement tacircche-technologie postule qursquoune TI a plus de chances drsquoecirctre utiliseacutee si ses fonctions srsquoalignent aux activiteacutes de lrsquoutilisateur Les utilisateurs choisiront alors des outils qui leurs permettront de compleacuteter leur travail avec une attente de beacuteneacutefices (efficaciteacute productiviteacute hellip) plus eacuteleveacutes Une TI qui nrsquooffrirait pas suffisamment drsquoavantages par rapport agrave des systegravemes concurrents ne serait alors pas utiliseacutee

34 Pour conclure Les theacuteories sur les strateacutegies drsquoadoption complegravetent celles sur les intentions drsquoutilisation dans lrsquoexplication de lrsquousage des TI La theacuteorie de la diffusion est certainement la premiegravere et la plus connue des chercheurs en sciences sociales et la plus utiliseacutee dans le champ des SI pour supporter des eacutetudes empiriques drsquoimplantation de TI et leur assimilation par lrsquoorganisation Elle fut pour exemple utiliseacutee par Fichman et Kemerer (1997) pour eacutetudier les innovations produites par certains logiciels inteacutegreacutes de type MRP et par Baile (2003) pour eacutevaluer le processus drsquoinfusion de lrsquoEDI dans des PME innovante

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Les theacuteories socio-cognitives et drsquoalignement tacirccheTI aident de leur cocircteacute agrave comprendre lrsquousage des TI dans une perspective deacuteterminisme qui confronte plusieurs facteurs en interaction tels les facteurs individuels (de perception de confiance de pouvoir) comportementaux (drsquoaccomplissement de reacutealisation des butshellip) de la tacircche (de complexiteacute de reproductionhellip) et des environnements internes (drsquoorganisation de structure et de processus meacutetiershellip) et externes (de pressions concurrentielles de relations drsquoaffaireshellip) Cet environnement theacuteorique serait agrave privileacutegier dans des investigations de type laquo eacutetude de cas drsquoimplantation de TI raquo privileacutegiant une deacutemarche de type laquo abductive raquo Conclusion un schegraveme de recherche sur lrsquoapproche comportementale Lrsquoeacutevaluation des systegravemes drsquoinformation et celle conseacutequente de la mise en œuvre des technologies de lrsquoinformation qui les mateacuterialisent est une probleacutematique geacuteneacuterale de recherche dans les domaines du Management des Systegravemes drsquoInformation et du Deacuteveloppement des Organisations qui durant trois deacutecennies a retenu lrsquoattention de nombreux chercheurs en quecircte drsquoune explication sur le fait que pour ecirctre productives de valeur les TI devaient avant tout ecirctre accepteacutees et mises en œuvre efficacement dans les organisations Cette explication a souvent eacuteteacute deacutecrite dans la litteacuterature contemporaine en SI (Venkatesh et al 2003) comme lrsquoun des objets de recherche les plus matures Les modegraveles theacuteoriques prenant leurs racines en management et strateacutegie des SI en psychologie sociale ou en sociologie y foisonnent contribuant agrave un apport essentiel de connaissances de ce que certains auteurs chiffre agrave plus de laquo pregraves de 40 de variance dans les intentions drsquoutilisation des TI raquo La varieacuteteacute des concepts manipuleacutes dans de nombreuses theacuteories (drsquoailleurs assez souvent deacuteriveacutees les unes des autres) et la diversiteacute des eacutetudes empiriques qui ont eacuteteacute conduites depuis les tous premiers travaux de lrsquoEcole du Minnosota (Management Information System et Decision Support System) passant par lrsquoInformatique Utilisateur Final (End-User Computing) et les modeacutelisations successives plus reacutecentes des intentions attitudes comportement et croyances des utilisateurs (Technology Acceptance Modelhellip) demeurent un veacuteritable handicap autant pour eacutevaluer et comparer les laquo poids theacuteoriques raquo de chacun des modegraveles utiliseacutes que pour en analyser les reacutesultats distinctifs De sorte que les chercheurs drsquoun cocircteacute sont confronteacutes dans les travaux actuels agrave une deacutetermination theacuteorique difficile (choix de modegravele approprieacute) les conduisant presque toujours agrave emprunter des variables de recherche et des construits dans les modegraveles qui leur semblent le plus raisonnable ou plus simplement agrave faire le choix drsquoun laquo modegravele favori raquo dans lrsquoignorance des contributions des modegraveles alternatifs Drsquoun autre cocircteacute les praticiens auditeurs internes et consultants meacuteconnaissent fondamentalement ces modegraveles theacuteoriques qui drsquoune faccedilon geacuteneacuterale pourraient les aider agrave structurer leur travail de diagnostic sur le terrain (conduite du changement assistance agrave la maicirctrise drsquoouvrage transformation des processus hellip) en proposant certains deacuteterminismes drsquoeacutevaluation par exemple des postes de travail utilisant de nouvelles technologies Cette communication en distinguant trois approches de type comportementale de lrsquoeacutevaluation des SITI fournit un schegraveme original de recherche (Figure 2) destineacute (1) agrave eacutetablir une coheacuterence theacuteorique des principaux modegraveles et cadres conceptuels (en proposant une grille de lecture sujette agrave certaines limites eacutepisteacutemologiques et meacutethodologiques) (2) agrave en faciliter lrsquoappreacutehension de leurs contributions respectives (sans tenter dans lrsquoimmeacutediat drsquoen faire une analyse comparative) et (3) de proposer une articulation des trois domaines theacuteoriques de

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cette approche comportementale utilisant le cadre de travail inteacutegrateur de Venkatesh et al (2003 p 427) pour formuler une laquo plate-forme logique de recherche sur lrsquoapproche comportementale de lrsquoeacutevaluation des SI raquo (qui est le preacutealable indispensable agrave lrsquoextension et agrave lrsquointeacutegration des travaux futurs) Chaque flegraveche directe traduit des liens et possibiliteacutes drsquounification theacuteorique cest-agrave-dire des similariteacutes conceptuelles et empiriques entre les modegraveles Elle formalise encore une deacutependance entre les niveaux lrsquoobjectif eacutetant drsquoexpliquer les variables mesurant les strateacutegies de mise en œuvre des TI (innovation perccedilue croyances speacutecifiques agrave lrsquousage drsquoune TI fit tacircchetechnologie) La flegraveche en pointilleacute fait eacutetat drsquoune reacutecursiviteacute (lrsquousage drsquoune TI pouvant modifier les reacuteactions individuelles) et donc drsquoune unification theacuteorique possible des domaines theacuteoriques concerneacutes Pour conclure cette plate forme de recherche permet drsquoeacutetablir des preacutemisses de recherche possibles sous-jacentes aux diffeacuterentes possibiliteacutes drsquounification theacuteorique Elle constitue un point drsquoancrage agrave une reacuteflexion de fond qursquoil convient de construire sur lrsquoeacutevaluation du succegraves des SI succegraves baseacute sur des mesures drsquoefficience speacutecifiques relatives agrave lrsquoacceptation et agrave lrsquousage des TI destineacutees aux utilisateurs

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POUR UN AUDIT PROSPECTIF Christel BEAUCOURT Maicirctre de Confeacuterences ndash IAE de Lille Pierre LOUART Professeur des Universiteacutes ndash IAE de Lille Directeur de lrsquoIAE de Lille Preacutesident de lrsquoAGRH

Synthegravese I Indeacutependamment des lieux ougrave il se stabilise (pour des raisons de comparaison de controcircle et de coheacuterence relative des deacutecisions) lrsquoaudit social doit continuer agrave tester activement de nouvelles mesures ou de nouveaux indicateurs afin de deacuteplacer ou de reacuteorganiser les interpreacutetations possibles des systegravemes auditeacutes Concregravetement il srsquoagit de faire varier les bases des diagnostics et des dispositifs de mesure sachant que ces derniers sont toujours subjectifs et construits socialement Pour partie les modes drsquoanalyse les critegraveres choisis et lrsquoimportance des pondeacuterations mises en œuvre sont le fruit de facteurs eux-mecircmes changeants En particulier - les confrontations entre acteurs (en incluant les rapports de forces qui les lient) - lrsquoeacutevolution des risques (dans lrsquoabsolu mais aussi en fonction des prioriteacutes politiques eacuteconomiques ou sociales) - les circonstances particuliegraveres qui influencent globalement la deacutecision En fonction des glissements de diagnostic les conseacutequences des mesures effectueacutees sont diffeacuterentes La structure drsquoattention porteacutee sur certains aspects du reacuteel eacutevolue le pointage de ce qui est important ou non la prise de conscience de certaines questions leur appreacuteciation en bien ou mal Lrsquoaspect conjoncturel des mesures est drsquoailleurs amplifieacute par certains effets de cristallisation ou de dramatisation compte tenu de la tendance populiste des acteurs de communication (ils activent la peur ou la colegravere en preacutefeacuterant les tapages de court terme aux dossiers plus fondamentaux) II Un audit social doit donc toujours ecirctre un audit qui organise par prudence une gamme de sceacutenarios et de glissements drsquoappreacuteciation sur les critegraveres qursquoil apporte en permettant de juger ou de preacuteconiser mais aussi de rester prudent sur les reacutesultats Il doit aussi montrer des tendances des inflexions ou des signaux faibles qui pourraient infleacutechir le sens Ces moyens drsquoanalyser autrement doivent interpeller les praticiens en leur montrant des opportuniteacutes agrave saisir en leur laissant voir des dangers potentiels ou des risques agrave manager Plus profondeacutement si lrsquoon admet certains constats rien nrsquoen garantit tout agrave fait - ni la justesse de fond Ce qursquoon a retenu est-il vraiment le plus important A partir de quelle convention drsquoacteurs a-t-on poseacute un jugement agrave partir de quelles habitudes de quelle focalisation collective du moment Au nom de quoi met-on en place des arbitrages des propositions ou des sanctions Nrsquoy avait-il pas autre chose agrave percevoir dont on pourrait se mordre les doigts plus tard de ne pas lrsquoavoir fait - ni le poids reacuteel dans les objectifs de lrsquoorganisation consideacutereacutee Au fond ce qursquoon mesure nrsquooffre de veacuteriteacute que celle des convenances ou de la conformiteacute Cela met en regravegle avec la

1

justice les normes et les certifications admises Cela cadre avec ce qursquoon estime ecirctre le mieux dans lrsquoordre social ou eacuteconomique du moment Sans doute est-il preacutefeacuterable de srsquoy tenir que de nrsquoen rien faire car lrsquoaudit apporte avec lui des savoirs accumuleacutes des rigueurs eacuteprouveacutees une certaine luciditeacute face au risque Mais le contexte peut changer en apportant drsquoautres facteurs qui transforment la nature ou la pondeacuteration de ce dont il faudrait tenir compte III Lrsquoaudit prospectif peut se donner des challenges actifs sur le contenu (qursquoest-ce qursquoon audite) et les meacutethodes (comment le fait-on) en cherchant des moyens drsquoinnover Tout drsquoabord au sens de Gaston Berger ecirctre prospectif crsquoest prendre en compte le plus drsquoavenir possible En eacutetant reacutealiste on cherche aussi agrave mettre dans ses choix (toujours aleacuteatoires toujours lieacutes agrave un futur qui se construit) la part la plus grande possible drsquohumaniteacute Il y a donc des regravegles drsquoeacutethique agrave faire valoir ce qui implique un processus ouvert et intersubjectif dans le choix des enjeux des critegraveres et des mesures reacutealiseacutees Autrement dit toute prospective se nourrit de deacutebats ouverts et deacutelibeacutereacutes Lrsquoaudit prospectif accepte les regravegles mais se meacutefie de confier au seul droit aux seules conventions eacutecrites les clefs de toute eacutevaluation Il est dangereux de srsquoen tenir agrave des choses figeacutees crispeacutees qui preacutefegraverent laquo la lettre raquo agrave laquo lrsquoesprit raquo Crsquoest pourtant la tendance du moment qui croit qursquoon objective les choses agrave les mettre en textes alors qursquoun texte (un code une charte un contrat) nrsquoest qursquoun instrument pour fixer des bases et srsquoen remettre somme toute agrave lrsquoaccord en conscience des acteurs drsquoune situation Certes lrsquohomme est lrsquohomme et il est difficile de ne pas se proteacuteger drsquoexcegraves possibles (dans le rapport des forces ou la mauvaise foi dans le rejet le deacuteni ou la deacuteformation des accords) Il est donc neacutecessaire de leacutegifeacuterer de garantir les contrats et de creacuteer des obligations sociales dont lrsquoaudit veacuterifie le respect Au-delagrave mecircmes ces bases lagrave doivent pouvoir eacutevoluer srsquoenrichir srsquoadapter laquo en esprit raquo aux eacutevolutions de la reacutealiteacute sociale Pour le reste lrsquoaudit est aussi un controcircle de la performance collective un moyen drsquoeacutevaluer la pertinence des choix qursquoont reacutealiseacutes certains acteurs en prenant part agrave un projet commun Face agrave ces besoins lrsquoaudit prospectif doit drsquoabord mettre en question et en doute les modegraveles eacutetablis En faisant valoir les erreurs les deacutetournements ou les difficulteacutes des choix deacutejagrave effectueacutes il aide agrave penser autrement lrsquoaction collective Par exemple il montre qursquoon ne peut pas trancher dans certains paradoxes et reacutesoudre une fois pour toutes des tensions comme celles de lrsquoemploi et du salaire de la formation et de lrsquoaction de lrsquoeacutequiteacute pour tous et de la liberteacute drsquoentreprendre Il critique la tendance agrave deacutetourner lrsquoattention vers des choses mesurables et pas forceacutement vers les points les plus sensibles de la performance ou de lrsquoaction strateacutegique Il fustige les excegraves de certaines deacutecisions dont on deacutenie le caractegravere deacuteshumanisant lrsquoindividualisme excessif lrsquoencouragement agrave deacutenoncer les fautes drsquoautrui au nom drsquoune transparence qui agrave ce niveau nrsquoa rien drsquohumain ni de social (toutes les cultures laquo seacuterieuses raquo preacuteservant lrsquointimiteacute ou le secret) Parallegravelement lrsquoaudit prospectif peut construire des indicateurs qui reacuteorientent la penseacutee dominante et introduisent un discours peu agrave peu adopteacute par les autres (bref en initiant de nouvelles convention) Car beaucoup de conduites opportunes naissent de la reacuteorganisation drsquoaccords anciens agrave partir drsquoune position drsquoinnovateur relatif Cela consiste agrave enrichir ou agrave deacuteplacer ce qui deviendra un nouvel audit de conformiteacute (agrave la fois leacutegal reacuteglementaire et contractuel ndash lieacute agrave des normes devenues acceptables ou signes de qualiteacute) Ensuite il peut aider agrave repenser compte tenu des circonstances ce qui est appeleacute audit drsquoefficaciteacute ou de pertinence (par rapport agrave ce qursquoil y a lieu de faire et agrave la maniegravere dont on lrsquoaccomplit) Cette fois ce qui compte crsquoest de repeacuterer de nouvelles configurations

2

drsquoaction et drsquoy construire des signes de mesure qui srsquoy adaptent au mieux (en deacuteplaccedilant les anciennes traces les anciens critegraveres les anciennes marques significatives pour lrsquoaction et ce qursquoil faut en juger) Lrsquoaudit prospectif doit se mettre en contexte (dans une conjoncture drsquoeffets qui le replace au sein drsquoune structure interpreacutetative disposant de ses propres indicateurs drsquoeacutevaluation) Il doit aussi eacutevaluer les changements de longue dureacutee en preacuteparant ses cadres drsquoanalyse ses indicateurs et ses mesures agrave lrsquoeacutevolution des repreacutesentations des valeurs et des contraintes de controcircle (par rapport aux regravegles aux partenaires de gestion agrave la concurrence geacuteneacuterale) Lrsquoactualiteacute permet drsquoillustrer ce besoin par de nombreux exemples Sans srsquoopposer agrave lrsquoaudit traditionnel (qui preacuteserve un noyau dur de prescriptions geacuteneacuterales afin de comparer les reacutesultats entre organisations drsquoinciter au minimum neacutecessaire de servir de garde-fou agrave une mondialisation plus eacutequilibreacutee) lrsquoaudit prospectif lrsquoameacutenage lrsquoajuste lrsquoindividualise et le conteste dans ses insuffisances dans ses contradictions dans ses excegraves IV Concregravetement lrsquoaudit prospectif peut srsquoappuyer sur toutes sortes drsquoacteurs - des experts certes mais tout autant les collectifs de salarieacutes par maillage des compeacutetences - ou encore des meacutediateurs des arbitres des tiers facilitateurs des gens qui acceptent une certaine incertitude et se fient sur les interactions locales pour construire en contexte des modes drsquointerpreacutetation ou drsquoeacutevaluation approprieacutes Crsquoest contraire au systegraveme juridique drsquoaujourdrsquohui qui a tendance agrave imposer des choix deacutejagrave eacutetablis dans une sorte de laquo trompe lrsquoœil raquo de fausse objectiviteacute Crsquoest pourquoi en France il faut changer de lois sociales tous les 2 ou 3 ans Lrsquoaudit prospectif doit se servir des incidents des accidents des situations critiques ou conjoncturelles qui reacutevegravelent des problegravemes ineacutedits ou mal reacutegleacutes Il lui faut les consideacuterer dans lrsquoeacutenergie qursquoils suscitent mas en se meacutefiant des excegraves affectifs ou ideacuteologiques qursquoils veacutehiculent et de leur porteacutee en geacuteneacuteral peu durable Il doit ecirctre sensible aux peacuteripeacuteties de la repreacutesentation collective aux signaux faibles du social du socieacutetal et du politique dont les effets sont drsquoeacuteclairer de nouveaux enjeux de nouvelles perspectives des risques possibles bref des eacutemergences qui vont modifier de faccedilon systeacutemique les formes buts et contenus de lrsquoeacutevaluation sociale en contexte eacuteconomique Il peut srsquoinspirer du deacuteveloppement du deacutebat public et consideacuterer comme un atout la dynamique des tensions drsquoacteurs qui maintiennent en question (en inachegravevement) les problegravemes agrave reacutesoudre

3

MISE EN PLACE DrsquoUNE DEMARCHE-PROGRES EN ECONOMIE SOLIDAIRE OBJECTIFS ET ENJEUX Pierre BILLOIR Consultant Extra Muros Anne-Laure FEDERICI Coordinatrice et animatrice du reacuteseau APES1

Introduction Une des caracteacuteristiques de lrsquoeacuteconomie solidaire est de ne pas se reacutefeacuterer drsquoabord agrave des statuts mais agrave des faccedilons drsquoagir diffeacuterentes La question des valeurs est centrale au nom de quoi agit-on Lrsquoappartenance agrave lrsquoeacuteconomie solidaire ne peut ecirctre caracteacuteriseacutee par un statut un domaine drsquoactiviteacutehellip mais parce que dans la finaliteacute de lrsquoorganisation par son organisation interne par son rapport agrave lrsquoenvironnement agrave son territoire lrsquoorganisation deacuteveloppe des pratiques diffeacuterentes Quelles sont ces valeurs Comment peuvent-elles se deacutecliner dans les pratiques drsquoune organisation Comment peut-on identifier les structures de lrsquoeacuteconomie solidaire Dans la poursuite des deacutebats engageacutes lors des Consultations Reacutegionales de lrsquoEconomie Sociale et Solidaire et du rapport Lipietz laquoUn nouveau type dentreprises agrave but social raquo2 des acteurs reacutegionaux du Nord Pas de Calais (reacuteunis au sein de lrsquoAssembleacutee Permanente de lrsquoEconomie Solidaire du Nord Pas de Calais) se sont empareacutes de la question Apregraves avoir analyseacute diffeacuterents types de deacutemarches existantes (label certification deacutemarche-qualiteacute) lrsquoAPES srsquoest orienteacutee sur une deacutemarche drsquoaccreacuteditation par les pairs3 Pour mettre en œuvre cette accreacuteditation il faut pouvoir se reacutefeacuterer agrave des critegraveres ce qui a donneacute lieu agrave lrsquoeacutelaboration drsquoune charte reacutedigeacutee en 2001 A ce jour 90 structures ont signeacute la charte de lrsquoAPES Cette charte srsquoarticule autour de quatre theacutematiques

- Favoriser la creacuteation drsquoactiviteacutes socialement utiles et la peacuterenniteacute des emplois creacuteeacutes

- Asseoir la primauteacute de la personne sur le profit - Favoriser les modes drsquoorganisation deacutemocratiques - Coopeacuterer et srsquoimpliquer sur le territoire

1 Assembleacutee Permanente de lrsquoEconomie Solidaire du Nord-Pas-de-Calais 2 Rapport qui proposait notamment la creacuteation drsquoun label laquo drsquoutiliteacute sociale et solidaire raquo confeacuterant des avantages fiscaux 3 Le label au sens juridique du terme est une deacutemarche normeacutee qui deacutetaille les caracteacuteristiques drsquoun reacutesultat agrave obtenir Il srsquoagit drsquoune obligation de reacutesultat La certification deacutetaille et garantit un processus de fabrication (obligation de moyens) La deacutemarche drsquoaccreacuteditation par les pairs relegraveve du mecircme type de deacutemarche que le mouvement coopeacuteratif qui accreacutedite que telle entreprise reacutepond aux critegraveres que srsquoest donneacute le mouvement scop ou que les artisans accreacutediteacutes par les Chambres de Meacutetiers

1

Celle-ci vise agrave lsquolsquoinscrire lrsquoengagement de chacune des structures signataires dans une deacutemarche de progregravesrsquorsquo Cette deacutemarche de progregraves agrave la fois facteur drsquoeacutevaluation et facteur de monteacutee en qualiteacute au regard de lrsquoeacuteconomie solidaire devait reacutepondre agrave plusieurs exigences

- une deacutemarche prenant en compte la dimension de processus il srsquoagit drsquoinscrire la structure dans une dynamique et non de faire seulement un eacutetat des lieux du fonctionnement de la structure Aucune structure nrsquoest laquo 100 raquo drsquoeacuteconomie solidaire crsquoest la tension continue entre les valeurs et les pratiques qui permet agrave une structure de srsquoinscrire dans le cadre de lrsquoeacuteconomie solidaire

- une deacutemarche pouvant ecirctre approprieacutee par la structure elle-mecircme et ses

diffeacuterentes parties prenantes Cette appropriation doit se traduire par lrsquoeacutelaboration par les diffeacuterentes parties prenantes de la structure (dirigeants salarieacutes usagers partenaireshellip) des axes de progregraves sur lesquels elle souhaite srsquoengager et par la proposition drsquoune meacutethode et drsquooutils utilisables apregraves une 1egravere phase drsquoaccompagnement directement par la structure

- une deacutemarche deacutebouchant sur des outils opeacuterationnels et lisibles aussi bien agrave

lrsquointerne que vis-agrave-vis de partenaires exteacuterieurs Apregraves diverses prises de contact et eacutetudes comparatives (audit socieacutetal deacuteveloppeacute par la New Economics Foundation bilan socieacutetal du CJDES deacutemarche de professionnalisation des structures drsquoinsertion par lrsquoactiviteacute eacuteconomique piloteacutee par lrsquoARACT) la deacutemarche de progregraves en deacuteveloppement durable HQ21 impulseacutee par Extra Muros a sembleacute ecirctre une base de travail inteacuteressante en termes de meacutethodologie et drsquooutils pour proposer une deacutemarche de progregraves en eacuteconomie solidaire La mise en place de cette deacutemarche de progregraves est actuellement en phase pilote drsquoexpeacuterimentation aupregraves drsquoune dizaine de structures de la Reacutegion avec le soutien de la Direction Reacutegionale du Travail de lrsquoEmploi et de la Formation Professionnelle du Conseil Geacuteneacuteral du Nord et de la Ville de Lille

Elle doit permettre de reacutepondre agrave un triple besoin

bull Pour une structure se revendiquant de lrsquoeacuteconomie solidaire il srsquoagit de disposer drsquoune meacutethode de travail et drsquooutils opeacuterationnels lui permettant drsquoameacuteliorer son efficaciteacute (dans toutes les dimensions eacuteconomique sociale environnementale ) et de clarifier ses finaliteacutes

bull Pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie solidaire il srsquoagit de renforcer la coheacutesion interne

(entre acteurs de statuts et de secteurs drsquoactiviteacute diffeacuterents) renforcer la qualiteacute des structures creacuteer un langage commun promouvoir lrsquoeacuteconomie solidaire et mettre en eacutevidence les plus-values apporteacutees par les acteurs de lrsquoES

bull Pour les partenaires il srsquoagit de faciliter la reconnaissance et la lisibiliteacute des acteurs de lrsquoeacuteconomie solidaire de leur permettre drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute contribuant ainsi agrave un deacuteveloppement territorial plus solidaire La deacutemarche nrsquoa pas pour ambition drsquoimposer une norme ni un label mais drsquoapporter une garantie de lrsquoeacutetat drsquoesprit dans lequel travaille une structure

2

Preacutesentation de la deacutemarche Extra-Muros Consultants coopeacuterative de conseil speacutecialiseacutee dans la conduite de projet en deacuteveloppement durable et en eacuteconomie solidaire a construit et expeacuterimenteacute une deacutemarche de progregraves en deacuteveloppement durable aupregraves drsquoune quinzaine drsquoorganisations sur les trois derniegraveres anneacutees Cette deacutemarche de progregraves non normative et baseacutee sur le volontariat vise agrave doter une structure (association ou entreprise) drsquoune meacutethode et drsquooutils pour une meilleure inteacutegration des principes du deacuteveloppement durable dans ses activiteacutes et dans son fonctionnement Plusieurs expeacuteriences significatives ont permis de tester la deacutemarche et de veacuterifier lrsquointeacuterecirct pour une organisation de reacuteinterroger ses pratiques dans le cadre de travaux partenariaux (principales reacutefeacuterences Elaboration participative drsquoune meacutethode drsquoeacutevaluation du Contrat drsquoAgglomeacuteration de la Communauteacute Urbaine de Dunkerque Mise en œuvre drsquoune deacutemarche de progregraves en deacuteveloppement durable au sein du reacuteseau tourquennois de lrsquoinsertion par lrsquoactiviteacute eacuteconomique deacutemarche de progregraves au sein du Groupement drsquoemployeurs GERM baseacute agrave Eybens (38) Chantier 4 du programme Interreg Valeurs Ajouteacuteeshellip) LrsquoAPES estimant que les travaux drsquoExtra-Muros eacutetaient tregraves proches des preacuteoccupations du reacuteseau a missionneacute le cabinet pour creacuteer une deacutemarche de progregraves propre agrave lrsquoeacuteconomie solidaire La deacutemarche de progregraves en eacuteconomie solidaire sinscrit dans une logique de deacutemarche qualiteacute volontaire et partageacutee Elle vise agrave permettre aux organisations engageacutees (entreprises collectiviteacutes associationshellip) dinteacutegrer de faccedilon collective meacutethodique et individualiseacutee les exigences de lrsquoeacuteconomie solidaire dans leur activiteacute leur fonctionnement interne leurs relations aux partenaires et au territoire Le processus est fondeacute sur le principe du questionnement chaque organisation eacutetant inviteacutee agrave sinterroger sur la faccedilon dont elle integravegre ou pourrait mettre en pratique les diffeacuterents champs de lrsquoeacuteconomie solidaire La deacutemarche de progregraves comporte un double objectif strateacutegique et opeacuterationnel Ainsi elle permet agrave lorganisation concerneacutee de reacutealiser ou de conforter un travail danalyse sur ses atouts et ses contraintes (en regravegle geacuteneacuterale et au regard de lrsquoeacuteconomie solidaire) une mise en perspective de son activiteacute et de son fonctionnement dans la dureacutee dune part agrave travers la deacutefinition dun projet collectif dautre part via leacutelaboration dun programme dactions Elle intervient en compleacutementariteacute avec les deacutemarches qualiteacute deacutejagrave existantes dans la mesure ougrave elle propose via les diffeacuterentes dimensions traiteacutees une approche partageacutee et inteacutegreacutee des diffeacuterents aspects abordeacutes dans les certifications agrave viseacutee environnementale (ex ISO 14000) agrave viseacutee qualiteacute (ex ISO 9000) agrave viseacutee sociale (ex bilan socieacutetal) hellip que lentreprise ou lrsquoassociation a deacutejagrave pu mettre en place La mise en œuvre de la deacutemarche de progregraves en eacuteconomie solidaire est accompagneacutee par un consultant exteacuterieur garant de lrsquoappropriation de la meacutethode par toutes les parties prenantes de leur participation agrave la co-production de lrsquoaccompagnement des groupes de travail et du respect de lrsquoengagement solidaire de la structure Il a en outre agrave sa charge lrsquoeacutelaboration drsquooutils lisibles et diffusables ainsi que lrsquoapport de son regard exteacuterieur

3

La deacutemarche se deacutecline en 4 eacutetapes conseacutecutives conduisant de leacutetat des lieux agrave la mise en place des outils de suivi collectif et deacutevaluation

1 Mobiliser et reacutealiser leacutetat des lieux de lorganisation et de lactiviteacute

Profil de lorganisation ndash strateacutegie atouts et contraintes

Constitution du Tour de table

Profil strateacutegique

2 Poser le diagnostic au regard de lrsquoeacuteconomie solidaire

Grille de questionnement (aide-meacutemoire)

Cercle Haute Qualiteacute 21

3 Organiser la monteacutee en qualiteacute

Scheacutema de progregraves (profil actuel profil intermeacutediaire profil cible)

4 Organiser le suivi opeacuterationnel et strateacutegique

Tableaux de bord Outils adapteacutes de suivi

financier Eleacutements de

capitalisation Dossier laquo Ressources raquo et CD-Rom

Deacuteroulement des travaux

Mobiliser - Planifier

Agir ndash Veacuterifier - Reacuteagir

Deacutemarche de progregraves Economie Solidaire

scheacutema Extra-Muros

Evaluercapitaliser en continu le processus et ses impacts

Ces diffeacuterentes eacutetapes donnent lieu agrave la formalisation de plusieurs outils preacutesenteacutes de faccedilon syntheacutetique dans les pages suivantes qui traduisent pour certains de faccedilon visuelle les reacutealiteacutes ou objectifs de lentreprise au regard de lrsquoeacuteconomie solidaire (ex Cercle de qualiteacute et scheacutema de progregraves) font lobjet pour dautres (ex tableau de bord et outils de suivi financiers) dune adaptation aux supports deacutejagrave en place dans lorganisation concerneacutee

4

Etape 1 ndash Un premier eacutetat des lieux de la structure et de son fonctionnement est reacutealiseacute (via la constitution de lrsquooutil laquo fiche profil raquo) La mobilisation des parties prenantes (ou constitution du tour de table) est eacutegalement organiseacutee Elle correspond agrave lun des points centraux de la deacutemarche fondeacutee sur la co-production et la responsabiliteacute partageacutee

Le systegraveme dacteurs mobiliseacute (tour de table) dans une deacutemarche de progregraves 21

Dirigeants (eacutequipe dedirection etou administrateurs)

Salarieacutes

Partenaires

(de la filiegravere institutionnels hellip)

Usagersclients

Groupe pleacutenier deacutechangeset de validation

groupe mixte deco-production 1

groupe mixte deco-production 2

groupe mixte deco-production

hellip

Pilote de projet

OU

Equipe-conseil (rocircle agrave dureacutee limiteacutee

en appui aux groupes et au pilote) scheacutema Extra-Muros 2003

En fonction des reacutealiteacutes de la structure le tour de table est constitueacute de faccedilon exhaustive degraves lamont ou fait lobjet dun eacutelargissement progressif (des dirigeants vers les partenaires) Cette eacutetape vise agrave dessiner la fiche didentiteacute de lorganisation et agrave faire le point sur les deacutemarches qualiteacute (certifieacutees ou non) deacutejagrave mises en place quil conviendra dinteacutegrer dans les travaux pour eacuteviter les redondances

5

Etape 2 ndash Elle consiste agrave eacutetablir la photographie de lentreprise ou de lrsquoassociation (activiteacute et fonctionnement) au regard de lrsquoeacuteconomie solidaire Elle se traduit par la reacutealisation du cercle de qualiteacute qui permet de capitaliser et de visualiser leacutetat des lieux de lactiviteacute agrave un moment T (voir ci-dessous lexemple du laquo cercle eacuteconomie solidaire raquo) et par la construction de lrsquooutil laquo Profil Strateacutegique raquo qui vise comme son nom lrsquoindique agrave deacutefinir des pistes de strateacutegie au regard de lrsquoeacuteconomie solidaire pour les trois agrave cinq agrave venir (voir scheacutema laquo profil strateacutegique raquo ci-dessous)

Ressources internes (ressources humaines performantes management adapteacute aisance financiegravere conditions logistiques et environnement favorables hellip)

Externaliteacutes positives (effets produits par lorganisation sur sonenvironnement - ex creacuteation de servicesetou de biens socialement utilesdemplois hellip)

Reacutesolution (raison decirctre et finaliteacutes de lorganisation)

Mobilisation des diffeacuterentes parties prenantes

Ressources issues de lenvironnement (contexte eacuteconomique et social filiegravere territoire hellip)

+

-

X

Strateacutegie agrave 35 ans

Des orientations strateacutegiques = base indispensable pour engager une deacutemarche de progregraves 21

scheacutema Extra-Muros 2003

Contraintes dues agravelenvironnement

(contexte eacuteconomique et social filiegravereterritoire hellip)

Contraintes internes (ressources humaines inadapteacutees ou insuffisantes capaciteacutes financiegravereslimiteacutees locaux inapproprieacutes ou trop

restreints hellip)

Externaliteacutes neacutegatives (effets induits par lactiviteacute tels

que pollution bruit )

Cette eacutetape repose sur les reacuteflexions des acteurs mobiliseacutes et srsquoappuie sur un outil laquo aide meacutemoire raquo appeleacute grille de questionnement Cette grille est ameneacutee agrave eacutevoluer dans le cadre de lrsquoexpeacuterimentation sur la base des remarques formuleacutees par les acteurs mobiliseacutes au sein de chaque structure engageacutee

6

Cercle du (image de synthegravese de leacutetat des lieux)

Primauteacute de la personne sur le

profit

Activiteacutes socialement utiles et emplois peacuterennes

Modes drsquoorganisation deacutemocratiques

Coopeacuteration et implication sur le territoire

Lrsquoaction meneacutee est insuffisante au regard des exigences de lrsquoeacuteconomie solidaire En leacutetat actuel des choses la preacuteoccupation existe mais des axes dameacutelioration sont agrave trouver et agrave mettre en Laction conduite reacutepond aux exigences

de base agrave atteindre pour se situer dans une deacutemarche drsquoeacuteconomie solidaire

Extra - Muros Consultants pour lrsquoAPES

Engagement pour un parcours drsquoinsertion vers lrsquoemploi durable

Communication externe agrave ameacuteliorer

Peu de relations avec les entreprises

7

Etape 3 - la monteacutee en exigence vers lrsquoeacuteconomie solidaire est organiseacutee gracircce au scheacutema de progregraves qui traduit apregraves deacutebat au sein de la structure et de faccedilon syntheacutetique les paliers agrave franchir pour les diffeacuterentes dimensions de la charte (ce scheacutema constitue le programme de travail ou la feuille de route) et renvoie aux indicateurs de suivi et deacutevaluation (voir un exemple de paliers et dindicateurs pour la dimension de la primauteacute de la personne sur le profit suite agrave des travaux reacutealiseacutes par le groupe dans le cadre drsquoune simulation)

Primauteacute de la personne sur le

profit

Profil cible Profil agrave objectif X mois Profil actuel

Activiteacutes socialement utiles et emplois peacuterennes

Modes drsquoorganisation deacutemocratiques

Coopeacuteration et implication sur le territoire

Reacuted

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Scheacutema de progregraves - Simulation

8

Primauteacute de la personne sur le profit

Palier 1 ndash Renforcer le recours aux produits eacutethiques Palier 2 ndash Intensifier les efforts en matiegravere de reacuteduction de la consommation de fournitures (consommation papier notamment) Palier 3 ndash Favoriser lrsquoanimation le deacuteveloppement des eacutechanges et de la coopeacuteration au sein du reacuteseau des partenaires Palier 4 ndash Deacutevelopper un outil drsquoeacutevaluation des salaires partageacute et valideacute par lrsquoensemble de lrsquoeacutequipe Palier 5 ndash Renforcer les synergies entre la structure et les entreprises priveacutees dans le cadre du village drsquoentreprise Palier 6 ndash Reacuteduire la deacutependance vis-agrave-vis des financement publics accroissement du poids de la coopeacuterative drsquoemplois et deacuteveloppement de la part des prestations exteacuterieures

Indicateur ndash 30 des fournitures sont des produits eacutethiques (papier recycleacute cafeacute eacutequitablehellip) ndash augmentation du budget fournitures de 10 Indicateur ndash reacuteduction de la consommation de papier par tecircte de 10 Indicateur ndash au moins une reacuteunion de chantier par an Indicateur ndash Outil reacutealiseacute partageacute ndash 3 reacuteunions de travail pour la constitution de lrsquooutil Indicateur ndash au moins deux rencontres par an Indicateur ndash augmentation de X de la part de Chiffre drsquoAffaires (CA) reacutealiseacute par la coopeacuterative drsquoemplois ndash part des prestations exteacuterieures repreacutesentant 10 du CA (en volume)

9

Etape 4 ndash Une fois les contours de leacutetat des lieux et de la deacutemarche de progregraves eacutetablis un outil de suivi est eacutelaboreacute sous la forme drsquoun tableau de bord Cet outil permet de veiller agrave la progression dans les diffeacuterents axes de progregraves envisageacutes et agrave la confirmation des objectifs dans la dureacutee Lexemple preacutesenteacute ici est proposeacute aux organisations nayant pas doutils propres mais une adaptation des tableaux de bord existants peut ecirctre envisageacute dans dautres cas (voir tableau de bord construit par le groupe de travail dans le cadre drsquoune simulation) Ce tableau de bord permet de mobiliser plusieurs acteurs au sein de la structure pour le suivi des objectifs identifieacutes dans le cadre du scheacutema de progregraves

TABLEAU DE BORD Deacutemarche de progregraves Peacuteriode de suivi de lrsquoindicateur

INDICATEURS

6 mois 12 mois 18 mois (profil intermeacutediaire)

24 mois 30 mois 36 mois (profil cible)

PRIMAUTE DE LA PERSONNE SUR LE PROFIT

Objectif Reacutealiseacute Objectif Reacutealiseacute Objectif Reacutealiseacute Objectif Reacutealiseacute Objectif Reacutealiseacute Objectif Reacutealiseacute

Personnes laquo ressource raquo pour le suivi

des indicateurs

1- Renforcer le recours aux produits eacutethiques

30 des fournitures sont des produits eacutethiques Augmentation du budget fournitures de 10

Atteint Atteint

Veacuterifieacute

Veacuterifieacute Veacuterifieacute

Veacuterifieacute

Veacuterifieacute Veacuterifieacute

Veacuterifieacute

M XXX

responsable des achats

2- Efforts en matiegravere de reacuteduction de la consommation de fournitures (papier notamment)

Reacuteduction de la consommation de papier par tecircte de 10

Atteint

Veacuterifieacute

Veacuterifieacute

Veacuterifieacute

Veacuterifieacute

Veacuterifieacute

3- Favoriser lrsquoanimation le deacuteveloppement des eacutechanges et de la coopeacuteration au sein du reacuteseau des partenaires

Au moins une reacuteunion de chantier par an

Atteint

Veacuterifieacute

Veacuterifieacute

4- Outil drsquoeacutevaluation des salaires partageacute et valideacute par lrsquoensemble de lrsquoeacutequipe

Outil reacutealiseacute et partageacute X reacuteunions de travail pour la constitution de lrsquooutil

Atteint Atteint

5- Renforcer les synergies entre la structure et les entreprises priveacutees dans le cadre du village drsquoentreprises

Au moins deux rencontres par an

Atteint

Veacuterifieacute

La deacutemarche de progregraves en eacuteconomie solidaire initieacutee par lrsquoAPES doit ecirctre veacutecue comme une deacutemarche qualiteacute volontaire qui permet de structurer le projet de lrsquoorganisation concerneacutee (entreprise association collectiviteacute) dans la dureacutee Elle donne la possibiliteacute de se doter drsquoune meacutethodologie et drsquooutils qui permettent de bacirctir un eacutetat des lieux au regard de lrsquoeacuteconomie solidaire et drsquoorganiser une monteacutee en qualiteacute (agrave travers la deacutefinition drsquoun plan drsquoactions) Cette deacutemarche collective vise agrave associer les diffeacuterentes parties prenantes internes et externes de lrsquoorganisation dans lrsquoidentification drsquoeacuteleacutements de diagnostic et drsquoun plan drsquoaction partageacute Crsquoest une deacutemarche qui renforce les liens entre les structures se revendiquant de lrsquoeacuteconomie solidaire au-delagrave de leur diversiteacute dans la mesure ougrave elle contribue agrave creacuteer une culture commune en terme drsquoeacuteconomie solidaire Crsquoest une deacutemarche qui srsquoappuie sur le transfert de meacutethode Lrsquoexpeacuterimentation engageacutee depuis le deacutebut de lrsquoanneacutee 2005 aupregraves de 10 organisations a permis de former un groupe de laquo personnes relais raquo qui pourront agrave leur tour diffuser la deacutemarche aupregraves drsquoautres acteurs du reacuteseau

10

PLANIFICATION ET DEVELOPPEMENT (application plus particuliegravere agrave la Tunisie) Luc BOYER1 Directeur de Recherche Universiteacute de Paris Dauphine Expert International

La peacuteriode 2002-2016 sera deacuteterminante pour le deacuteveloppement eacuteconomique et social drsquoun grand nombre de pays eacutemergents (comme la Tunisie) avec comme enjeu de diminuer sensiblement le deacutecalage avec des pays comme ceux faisant partie de la Communauteacute europeacuteenne De faccedilon caricaturale la politique eacuteconomique suivie par ces pays aussi divers que la Chine lrsquoInde certains pays du Sud-Est asiatique quelques pays drsquoAmeacuterique du Sud un ou deux drsquoAfrique noire et les 3 pays de la faccedilade meacutediterraneacuteenne du Maghreb des pays de lrsquoancien bloc sovieacutetiquehellipest sous 3 logiques diffeacuterentes - Ceux mais ils nrsquoexistent pratiquement plus qui entendent conserver une politique eacuteconomique complegravetement dirigeacutee par un centralisme socialiste et bureaucratique -ceux qui choisissent une politique libeacuterale tregraves ouverte avec une intervention de lrsquoeacutetat tregraves faible sur le plan de la reacutegulation eacuteconomique - Ceux enfin qui tout en optant pour une eacuteconomie libeacuterale entendent ndashnotamment par le biais des aides internationales-orienter agrave long terme leur investissement tant mateacuteriel qursquoimmateacuteriel suivant une certaine logique agrave la fois de concertation entre les divers acteurs eacuteconomiques et de cadre planificateur Remarquons qursquoil serait ndashagrave ce jour- erroneacute de vouloir trouver un lien de causaliteacute entre le reacutegime politique et la politique eacuteconomique (un reacutegime fort comme en Chine peut coexister avec une large politique libeacuterale avec toutes les autres situations intermeacutediaires) Focalisons-nous sur ce cas inteacuteressant drsquoun cadre planificateur(long terme) accompagneacute drsquoun reacutegime fort et drsquoune concertation des agents eacuteconomiques(eacutetatentrepriseaide internationale) comme crsquoest le cas en Tunisie Le pari dans les 10 agrave 15 ans ( 2 agrave 3 plans quinquennaux ) agrave venir est multiple essayons lagrave encore au risque de caricaturer drsquoanalyser cette politique eacuteconomique -favoriser la liberteacute drsquoentreprendre et drsquoinvestir en garantissant la paix sociale et une certaine stabiliteacute politique -par ce fait se montrer un allieacute objectif des Etats et entreprises occidentales et attirer les aides et investissements -accepter le controcircle de lrsquoutilisation de ces aides avec la mise en place drsquoindicateurs de mission de controcirclehellip -basculer progressivement toutes les activiteacutes dans le secteur concurrentiel ouvert en proteacutegeant cependant le temps neacutecessaire des activiteacutes sensibles (ex creacuteation drsquoune filiegravere lait ou drsquoune industrie des NTIC) -jouer le plus possible sur la formation professionnelle initiale bien sucircr mais le risque est grand de voir partir les formeacutes dans les pays deacuteveloppeacutes ou continue qui diminue ou supprime ce risque 1 httplucboyerfreefr

1

-favoriser ainsi la creacuteation drsquoune classe moyenne gage de deacuteveloppement et de moindre risque social -et enfin ndashsurtout-inscrire lrsquoensemble de ce deacuteveloppement dans un cadre planificateur au niveau de chaque grand ministegravere en totale liaison avec les secteurs ou repreacutesentants des professions Deacuteveloppons ou illustrons ces quelques points La relative faiblesse des ressources naturelles speacutecifiques (mecircme le tourisme doit en grande partie srsquoappuyer autant sur une invention permanente que sur une simple exploitation de sites) rend neacutecessaire de vigoureuses actions politiques et eacuteconomiques pouvant transformer en atouts(dynamique drsquoentreprises) ce qui pourrait apparaicirctre au deacutepart comme des faiblesses Le management des RH accompagnant les investissements demeure en Tunisie comme dans bien drsquoautres NPI un des principaux sinon le principal facteur cleacute de reacuteussite Un pays des structures des entreprises une culture en transition rendant ce management des RH particuliegraverement difficile De lrsquoancien modegravele de deacuteveloppement ex-centreacute des anneacutees 6070 (utilisation des bas coucircts de main drsquoœuvre pour transformer des produits importeacutes vers des consommateurs externes) on est passeacute pour lrsquoessentiel agrave un modegravele auto-centreacute et exportateur (privileacutegier la consommation tunisienne attirer les investissements eacutetrangers eacutequilibrer la balance des paiementshellip) Autrement dit crsquoest agrave partir drsquoune consommation inteacuterieure solide dans tel ou tel secteur qursquoon pourra drsquoautant mieux deacutevelopper les exportations et les coopeacuterations Certes on continuera agrave utiliser-mais nettement moins qursquoavant ndash lrsquoavantage comparatif du coucirct de main drsquoœuvre (imprimerie textile centre drsquoappelhellip) Un tel dispositif suppose un tregraves gros effort en GRH Bien qursquoen progregraves consideacuterable crsquoest encore un des points faibles du dispositif Dans beaucoup de secteurs si les objectifs des plans paraissent difficiles agrave atteindre crsquoest en grande partie parce que lrsquoeacutevolution rapide des meacutetiers des compeacutetences correspondantes des structures et organisations neacutecessaires srsquoavegravere tregraves exigeante en terme de management des hommes

1 Un premier exemple lrsquoartisanat tunisien Lrsquoartisanat tunisien depuis plus de 30 ans a su preacuteserver ses emplois son savoir-faire Son impact eacuteconomique et social est fort avec plus de 10 de la population active et presque le mecircme de postes creacuteeacutes Toutefois une reacuteflexion un peu plus fouilleacutee montre que ce secteur ne participe que pour 4 au PIB tunisien et que lrsquoexportation directe et indirecte reste insuffisante (lrsquoartisanat ne contribue qursquoagrave environ plus de 2 du total des exportations) Il reste agrave combler le retard pris par le revenu et la valeur ajouteacutee de chaque artisan ( revenu de lrsquoordre de 2000 DT en 2000) Dix agrave quinze ans seront neacutecessaires pour creacuteer un artisanat moderne fondeacute sur un ensemble eacuteconomique et social coheacuterent ancreacute sur des valeurs de tradition et de qualiteacutehellip Lrsquoobjectif afficheacute pour 2016 ( en moyenne tripler les performances) ne pourra srsquoobtenir que par une mise agrave niveau du professionnalisme de lrsquoartisan avec une activiteacute bien organiseacutee et mise en valeur La formation initiale et professionnelle sont les veacuteritables moteurs du changement surtout dans le contexte drsquoune population artisanale vieillissante Dans le cadre de la strateacutegie MANFORME il y aura lieu de creacuteer un grand nombre de plate-formes deacutecentraliseacutees de formations un partenariat vigoureux avec le secteur priveacute un deacuteveloppement du concept de compeacutetences lrsquointeacutegration des nouvelles technologieshellip

2

Ce progregraves attendu ne pourra ecirctre mis en œuvre sans une organisation un encadrement des structures nationales accompagnant ce vaste mouvement de formation et de mise agrave niveau deacutecentraliseacutee Cet exemple de lrsquoartisanat tunisien illustre assez bien nous semble-t-il cet eacutequilibre difficile agrave eacutetablir entre - Un indispensable gros effort de formation de deacuteveloppement des compeacutetences - Une deacutecentralisation des moyens et de lrsquoaction - Des projets et investissements cibleacutes - Un partenariat actif entre le secteur priveacute et les instances publiques - Un laquo Office National raquo fortement structureacute et pourtant deacutecentraliseacute - Une politique drsquoexportation incitative - Une capaciteacute de mise en valeur des produits artisanaux et de communication autour de

ceux-ci - hellip

2 Les nouveaux meacutetiers application aux NTIC La capaciteacute drsquoun pays comme la Tunisie agrave inteacutegrer des nouveaux meacutetiers des nouvelles technologies est essentielle pour le long terme Classeacutee au 51egrave rang mondial agrave lrsquoaide de lrsquoIndicateur du Deacuteveloppement Technologique (IDT) mis au point par le PNUD la Tunisie se situe devant des pays comme lrsquoAfrique du Sud lrsquoEgypte le Maroc lrsquoAlgeacuteriehellip Ceci est particuliegraverement vrai en informatique teacuteleacutecommunications et agrave moindre titre en audiovisuel la Tunisie a pris un bon deacutemarrage Mais le deacuteveloppement sera difficile agrave maicirctriser au niveau drsquoambition que souhaitent les pouvoirs publics Une premiegravere difficulteacute -presque drsquoordre seacutemantique- concerne le concept mecircme de nouveaux meacutetiers Dans de nombreux cas il apparaicirct en effet que plus que de nouveaux meacutetiers ndash qui supposent lrsquoapparition la reacuteunion de compeacutetences nouvelles- il est plus pertinent de parler de laquo nouvelles logiques professionnelles se deacutefinissant comme de nouvelles combinaisons de connaissances de compeacutetences et de caracteacuteristiques de champs professionnels autrefois consideacutereacutes comme distincts exprimant de nouveaux rapports agrave lrsquoorganisation et au monde du travail raquo (Pichaut FhellipEtude laquo TIC et Meacutetiers en eacutemergence raquo Digitiphellip2000) Le deacuteveloppement des compeacutetences en NTIC passe-t-il par la creacuteation de meacutetiers nouveaux ou par la croissance de connaissances ou savoirs-faire manageacutes en reacuteseau Il semble bien qursquoon ait affaire aux deux situations la 2egrave eacutetant probablement plus freacutequente qursquoon ne lrsquoimagine a priori Cette alternative ndash nouveau meacutetier drsquoune part organisation de compeacutetences deacutejagrave connues drsquoautre part ndash est drsquoune grande importance quant agrave ses conseacutequences en matiegravere de systegraveme de formation et drsquoenseignement En effet srsquoil srsquoagit de maicirctriser des eacutevolutions des connaissances et des adaptations des organisations nous serions conduits agrave privileacutegier la formation professionnelle si au contraire il srsquoagit drsquoacqueacuterir des compeacutetences franchement nouvelles correspondant agrave des nouvelles technologies mises en œuvre la formation initiale devrait ecirctre privileacutegieacutee Les experts du plan ont fixeacute des objectifs eacuteleveacutes (par exemple passer drsquoune part de recettes de 33 du PIB en 2002 agrave 8 en 2006)

3

Deacutejagrave pendant les cinq ou dix derniegraveres anneacutees la Tunisie a largement surpasseacute en croissance ndashTIC ndash (environ 15 par an) le deacuteveloppement des pays agrave haut revenu (OCDE 2000) Les sceacutenarios de reacutefeacuterence se situent pour les dix prochaines anneacutees entre 10 et 25 par an (Banque Mondiale 2002) Une liste drsquoindicateurs de progregraves a eacuteteacute retenue Par exemple pour fin 2006 - Peacuteneacutetration drsquoInternet de 10 ( la Tunisie a un certain retard dans ce domaine) - Peacuteneacutetration des ordinateurs personnels de 8 - Teacuteleacutephone mobile 25 - Diminution de 20 des coucircts de transaction - hellip Lrsquoimpact drsquoune telle croissance des NTIC sur lrsquoeacuteconomie tunisienne devrait ecirctre consideacuterable (tregraves difficile agrave estimer avec preacutecision on peut toutefois avancer un delta de croissance du PIB drsquoau moins 1) Quels peuvent ecirctre les obstacles agrave une telle ambition Une fois encore crsquoest au niveau de la gestion des RH que se situera pour une grande part le facteur cleacute de succegraves La Tunisie a un dispositif de formation initiale supeacuterieur (toujours pour les NTIC) reacuteputeacute pour sa qualiteacute et qui fournit un nombre correct drsquoingeacutenieurs Si lrsquoeffort actuel reste agrave amplifier on se rend compte que ce nrsquoest pas agrave ce niveau que se trouve le principal eacutecueil Remarquons toutefois que ces formations initiales supeacuterieures (Bac + 4 bac +5) permettent aux diplocircmeacutes de se preacutesenter bien sucircr sur le marcheacute tunisien mais eacutegalement sur le marcheacute international ougrave leurs qualiteacutes sont tregraves appreacutecieacuteeshellipet les revenus bien meilleurs Il nous semble que le veacuteritable enjeu se trouve dans la capaciteacute qursquoauront les responsables gouvernementaux et laquo Offices Nationaux raquo en plein accord avec les industriels les feacutedeacuterations professionnelles de bacirctir des formations professionnelles qualifiantes pouvant drsquoailleurs deacuteboucher sur des promotions Ces formations avec des peacutedagogies adapteacutees (alternance e-formation hellip) devraient permettre de combler le deacuteficit preacutevisible consideacuterable issu des ambitions des plans Ceci sur au moins deux niveaux diffeacuterents - celui des speacutecialistes relativement limiteacutes en nombre mais indispensables pour les

laquo professionnels raquo des TIC (Teacuteleacutecom Commerce eacutelectronique Fabricants SSIIhellip) ainsi que les speacutecialistes employeacutes dans les grandes entreprises telles banques assurances transports enseignementhellip

- celui des praticiens en bureautique ou informatique de base soit une tregraves large partie de la population active

On retrouve avec un enjeu certes plus important agrave long terme la probleacutematique deacutejagrave deacutecrite pour lrsquoartisanat - action deacutecentraliseacutee - large concertation entre secteur public et secteur priveacute - coordination centrale des moyens des investissements des controcircleshellip - peacutedagogie adapteacutee - hellip Lrsquointeacuterecirct drsquoun tel dispositif qualifiant certes difficile agrave mettre en place est qursquoil fixe sur le sol national dans le tissu eacuteconomique local une population de techniciens de techniciens

4

supeacuterieurs de cadres moyens dont les entreprises ont le plus grand besoin et dont le risque drsquoeacutevasion est faible Les mecircmes approches sont ou vont ecirctre appliqueacutees dans des secteurs comme lrsquoactiviteacute strateacutegique de lrsquoEquipement ou eacutegalement celui de lrsquoEnseignement supeacuterieur

3 Et dans les entreprises traditionnelles tunisiennes La situation est tregraves diffeacuterente drsquoune entreprise agrave lrsquoautre Toutefois pour un certain nombre de moyennes ou grandes entreprises traditionnelles tunisiennes (textiles ou agroalimentaires par exemple) entreprises soumises progressivement agrave une vive concurrence venant en particulier de firmes eacutetrangegraveres srsquoimplantant en Tunisie la GRH est souvent un des points les moins bien maicirctriseacutes Lrsquoeffort de reacuteflexion et de mise en place de meacutethodologies de gestion a eacuteteacute parfois insuffisant Parmi les deacuteficits constateacutes on peut relever - peu de deacutefinition de responsabiliteacutes de limites de pouvoirs drsquoougrave une coheacutesion interne

difficile agrave atteindre - les descriptions de postes lorsqursquoelles existent sont plus faites en terme drsquoactiviteacutes qursquoen

reacutesultats agrave atteindre - le concept drsquoobjectifs est rarement deacuteclineacute le plus souvent exprimeacute en terme geacuteneacuteral - une difficile adeacutequation hommespostes due parfois agrave la faible ancienneteacute du personnel - une difficulteacute agrave reacuteguler le travail de groupe les reacuteunions de travail ( ordre du jour

planification compte renduhellip) - peu drsquoindicateurs de processus ou de reacutesultats (une certaine faiblesse du controcircle de

gestion) - les formations ndash geacuteneacuterales ou speacutecifiques- font rarement lrsquoobjet drsquoun plan concerteacute avec

objectifs meacutethodes controcircleshellip - le management par projet reste encore marginal - si lrsquoanalyse des dysfonctionnements RH est souvent correcte les plans drsquoaction

correspondants sont rares ou peu formaliseacutes - le turn over surtout celui des hommes deacutetenant des compeacutetences pointues est

relativement eacuteleveacute - les systegravemes de reacutemuneacuterations sont peu eacutetudieacutes faiblement efficaces inteacutegrant

qursquoexceptionnellement le moyen ou long terme - parfois une forte proportion de personnel occasionnel entraicircne des difficulteacutes

drsquoencadrement ou de motivation - le concept de clientfournisseur internes est peu deacuteveloppeacute avec une communication

interne souvent faiblehellip - hellip Cette situation nrsquoest pas geacuteneacuterale mais quand elle existe elle compromet gravement lrsquoavenir de ces socieacuteteacutes par ailleurs bien implanteacutees dans le tissu eacuteconomique tunisien Certes lrsquoanimation geacuteneacuterale de ces firmes fondeacutee sur une longue histoire partageacutee des liens inter personnels solides une confiance reacuteciproque et des individus de talent pallient au moins en partie ces carences Une nouvelle fois une action planificatrice agrave lrsquoapplication largement deacutecentraliseacutee lrsquoimplication des feacutedeacuterations professionnelles ainsi que celle des entreprises ou des institutions speacutecialiseacutees en deacuteveloppement des ressources humaines des aides gouvernementales cibleacutees demeurent indispensables

5

La prise de conscience de la place neacutecessaire de la GRH et de son inteacutegration par des meacutethodes et outils approprieacutes dans lrsquoentreprise traditionnelle tunisienne est neacutecessaire agrave la survie et au deacuteveloppement de celle-ci Le fort deacuteveloppement que la Tunisie a choisi pour les prochaines anneacutees ne manque pas de mettre en eacutevidence les goulots drsquoeacutetranglement agrave commencer par les carences en terme de management et ressources humaines A la diffeacuterence de la plupart des pays fortement deacuteveloppeacutes la reacuteussite de cette politique repose sur le rocircle planificateur de lrsquoEtat aideacute souvent par la communauteacute internationale A charge pour cet Etat pour organiser avec la collaboration la plus eacutetroite des entreprises et de leurs repreacutesentants la monteacutee en puissance des compeacutetences la deacutecentralisation des actions et des moyens Bien que la formation initiale reste le dispositif naturel incontournable fournissant agrave long terme les ressources neacutecessaires la formation professionnelle demeure pour le court et moyen terme la voie privileacutegieacutee drsquoadaptation drsquoeacutevolution et de promotion du personnel Certes le contenu et la faccedilon de deacutelivrer les formations sont des conditions de reacuteussite Ainsi pourra en partie ecirctre assureacute cet eacutequilibre technique eacuteconomique et social permettant le deacuteveloppement souhaiteacute

6

LA RESPONSABILITE SOCIALE DrsquoENTREPRISE UN PARADIGME POUR LES PAYS EN TRANSITION Adriana SCHIOPOIU BURLEA1 Professeur agrave lrsquoUniversiteacute de Craiova (Roumanie) Mirela CIOBANU Doctorant en Sciences Economiques lrsquoUniversiteacute de Craiova (Roumanie)

Introduction Le but principal de cet article et de mettre en valeur le paradigme qui existe entre la theacuteorie neacuteo-institutionnaliste et la perception reacuteelle de la responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise dans les pays en transition en particulier en Roumanie La meacutethodologie de la recherche srsquoavegravere complexe et repose sur un dialogue entre la litteacuterature speacutecialiseacutee concernant tant la theacuteorie neacuteo-institutionnaliste que la responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise et la reacutealiteacute du monde de lrsquoentreprise La reacutealiteacute des entreprises roumaines a eacuteteacute appreacutecieacutee par des eacutetudes de cas baseacutees sur des interviews compleacuteteacutees par des entretiens avec les cadres et les salarieacutes La liaison existant entre les organisations et les institutions dans la theacuteorie neacuteo-institutionnaliste Lrsquointerconnexion entre la theacuteorie neacuteo-institutionnaliste et la RSE est mise en eacutevidence par lrsquoanalyse du processus formel drsquoorganisation En effet la rationalisation et la modernisation organisationnelle sont appreacutecieacutees par le prisme de la relation qui existe entre les formes de la reacutealisation de la RSE et les pratiques de la RSE Dans la litteacuterature specialiseacutee plusieurs approches au sein des institutions et des organisations ont eacuteteacute deacuteveloppeacutees notamment par

Une seacuterie drsquoauteurs (Meyer et Rowan 1977 Zucker 1983 Scott 1994) abordent les institutions externes des organisations par rapport aux processus de lrsquoinstitutionalisation dans lrsquoenvironnement organisationnel et leurs effets sur les organisations Drsquoautres speacutecialistes tels que Hasse et Kruumlcken (1999) ou Powel et DiMaggio (1991) considegraverent comme relevante la focalisation drsquoanalyse sur les processus institutionnels qui se deacuteroulent agrave lrsquointeacuterieur de lrsquoorganisation Dans ce contexte les organisations du fait de leurs meacutecanismes internes adaptatifs et autoadaptatifs sont considereacutees comme des institutions

Dans le contexte de la RSE lrsquoorganisation est une entiteacute qui drsquoune part dispose de coutumes usages valeurs regravegles tendances sociologiques et drsquoautre part creacuteeacutee des normes valeurs regravegles et se soumet aux lois formelles et informelles qui influent sur lrsquoenvironnement dans lequel lrsquoorganisation exerce son activiteacute En conseacutequence lrsquoaction de lrsquoorganisation possegravede agrave la base un panel de structures rationaliseacutees des modegraveles et des scheacutemas culturels ndash qui conduisent agrave la deacutefinition drsquoentiteacute sociale Pouvons-nous consideacuterer les organisations comme des entiteacutes sociales ndash avec des objectifs sociaux eacuteconomiques et environnementaux ndash incorporeacutees dans les reacuteseaux complexes des 1 aburlea2000yahooit aburleacentralucvro

1

creacuteances des scheacutemas culturels et des conventions qui modegravelent leurs objectifs et leurs pratiques Le reacuteponse est affirmative si nous prenons en consideacuteration le fait que les institutions constituent des perspectives socieacutetales et normatives cognitives et reacutegulatrices ndash qui peuvent geacuteneacuterer directement ou indirectement des effets et qui sont caracteacuteriseacutees par une stabiliteacute relative au changement Du fait de lrsquoimpact de leurs caractegraveres exogegravenes ou endogegravenes les institutions sont utiliseacutees pour expliquer la maniegravere dont sont initieacutees les normes et deacutefinis les rocircles de sorte que les reacutesultats obtenus puissent ecirctre diffeacuterents de ceux des entiteacutes non-institutionnelles Pour analyser la RSE par rapport agrave la theacuteorie neacuteo-institutionnaliste nous avons concentrer notre approche sur la mise en valeur de la connexion organisation-institution (figure no1)

2

MILIEU ENVIRONNEMENTAL

Organisation

Code de conduite Regravegles Normes

2 3

1

n

Leacutegende 1 23 n ndash institutions externes lrsquoinfluence directe avec un caractegravere contraignant ou non lrsquoinfluence indirecte dicteacutee par des objectives de lrsquoorganisation (recherche de profit survie en milieu concurrentiel)

Figure no 1 ndash Lrsquointerdeacutependance des institutions externes - organisations (institutions

internes) Dans un souci drsquohomogeacuteneacuteiteacute nous extrapolerons la terminologie de la notion drsquoorganisation agrave la notion drsquoentreprise (organisation ndash eacutetudieacutee par rapport avec la RSE) Lrsquoanalyse du contexte des moules rationaliseacutes au sein de lrsquoorganisation srsquoavegravere difficile et complexe en particulier pour les entreprises roumaines

Dans la figure no 2 lrsquoisomorphisme nrsquoest pas perccedilu comme eacutetant un instrument de la theacuteorie neacuteo-institutionnaliste mais il est incorporeacute dans laquo lrsquoinstinct de survie raquo de lrsquoentreprise ndash lrsquoeacutechec eacuteventuel sera du en grande partie agrave lrsquoincompreacutehension du meacutecanisme de la reacutealisation drsquoisomorphisme structurel

Deacuteveloppement court terme (Faillite)

Deacuteveloppement durable

Pressionnes institutionelles Internationalles (OCDE OIT ILO ONU)

Practiques de marketing Practiques RSE

Pressionnes institutionelles nationalles (gouvern syndicats ONG

Isomorphisme Organisation B(autochtone)

Organisation A (multinationale)

Figure no 2 - Lrsquoimpact de la pression institutionnelle sur les organisations autochtones

(La Roumanie un ex-pays communiste en voie de deacuteveloppement) Dans mecircme temps la figure numeacutero 2 met en valeur le paradoxe qui existe entre la reacutealiteacute dans les pays en transition et la theacuteorie neacuteo-institutionnaliste

lrsquoentreprise A qui est soumise agrave des pressions agrave la fois en provenance dinstitutions internationales et nationales (roumaines) est mieux placeacutee pour survivre que lentreprise B qui nest soumise quagrave des pressions nationales roumaines la theacuteorie neacuteo-institutionnaliste considegravere que lentreprise qui subit moins de pressions est plus apte agrave survivre mais la reacutealiteacute prouve que la logique de reacuteponse des entreprises aux contraintes de lenvironnement est plus complexe que cette theacuteorie le suppose

Le mode de fonctionnement des meacutecanismes de traduction des contraintes contextuelles sexerce diffeacuteremment dans le cas A et le cas B La diffeacuterence est due au fait que laction humaine nest pas guideacutee par une deacutelibeacuteration consciente mais par des regravegles des routines des normes des croyances qui toutes ensemble caracteacuterisent les institutions En conseacutequence le dirigeant de lrsquoentreprise B est conduit agrave raisonner dans un univers marqueacute par des contraintes irreacuteductibles issues du souvenir de la peacuteriode ex-communiste et en revanche le dirigeant de lrsquoentreprise A est capable de hieacuterarchiser en replaccedilant les contraintes nationales agrave linteacuterieur des contraintes internationales Les deux dirigeants reacuteagissent diffeacuteremment aux voies de la theacuteorie neacuteo-institutionnaliste par lesquelles les contraintes sont exerceacutees Par exemple si nous faisons une analyse des voies par lesquelles les contraintes sont exerceacutees aux niveaux des entreprises A et B nous pouvons affirmeacute que

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le dirigeant de lrsquoentreprise A est sensible agrave une voie contraignante (a cause de la double pression ndash nationale et internationale) une voie normative (les reacuteglementations des institutions internationales et nationales) une voie cognitive (eacutedifieacutee par le processus de transformation de lrsquoideacuteal en discours et

nt de lrsquoentreprise B reacuteagit seulement agrave la voie contraignante qui est une voie oercitive

tude de cas

umaines Le choix de ces deux

feacuterente ndash les

x derniegraveres anneacutees les entreprises doivent enregistrer un profit

Une des entreprises doit avoir ecirctre creacuteeacutee avant 1989 et lrsquoautre entreprise apregraves 1989

appartenant

ionnaires de lrsquoentreprise de mateacuteriaux de construction

ction est

a eacuteteacute realiseacutee tant par la meacutethode de

mple ndash avec

enir

leur caractegravere contraignant ou non sur le comportement responsable de

eacute de connaissances de la probleacutematique de la RSE aux diffeacuterents niveaux de lrsquoentreprise

eacutees agrave la suite de lrsquoeacutetude ont eacuteteacute compleacuteteacutees par des eacuteleacutements

ions avec les deux dirigeants ont permis de preacutesenter les lignes directrices

dans une seconde eacutetape en techniques de controcircle) le dirigeac E Lrsquoeacutetude pratique est reacutealiseacutee dans deux entreprises roentreprises a eacuteteacute eacutelaboreacute sur la base des critegraveres suivants

Les entreprises doivent appartenir agrave deux secteurs drsquoactiviteacute diffeacuterents Lrsquoactionnariat majoritaire des deux entreprises doit avoir une structure difactionnaires autochtones majoritaires ou actionnaires eacutetrangers majoritaires Dans les deudrsquoexploitation

Apregraves lrsquoeacutetablissement des critegraveres preacuteliminaires nous avons choisi les entreprisesrespectivement au secteur du textile et au secteur des mateacuteriaux de construction Nous preacutecisons eacutegalement que le dirigeant de lrsquoentreprise de textiles est aussi le proprieacutetaire de lrsquoentreprise (actionnariat 100 roumain) et le dirigeant de lrsquoentreprise de mateacuteriaux de construction a eacuteteacute recruteacute par les act(actionnaires majoritaires eacutetrangers) Les deux entreprises ont enregistreacute des profits drsquoexploitation sur les deux derniegraveres anneacutees Lentreprise de textile a eacuteteacute creacutee apregraves 1989 et celle de mateacuteriaux de construimplanteacutee de longue date dans la reacutegion (plus de 25 ans drsquoactiviteacute dans ce domaine) La seacutelection des donneacutees et des informationslrsquoobservation directe que par des entretiens Les salarieacutes intervieweacutes ont eacuteteacute choisis de maniegravere aleacuteatoire sur base de la feuille des preacutesences en ne seacutelectionnant pas une certaine cateacutegorie de salarieacutes (par exeplusieurs absences ou avec une certaine ancienneteacute) pour les raisons suivantes

nous avons suivi le gain de confiance des salarieacutes notamment concernant la garantie de confidentialiteacute des informations En effet en cas de doute les salarieacutes pourraient devsuspicieux et le processus de communication souffrir de barriegraveres de communication leacutetude ne constitue pas un mission drsquoaudit social mais il constitue une eacutetude mettant en relief limpact des diffeacuterents eacutetats sociaux (ideacuteaux discours et techniques de controcircle) en fonction de lentreprise lun des objectifs prioritaire de leacutetude est de mesurer le degr

Les conclusions complexes associprovenant de la reacutealiteacute roumaine Les discusssuivantes

Le dirigeant de lrsquoentreprise de mateacuteriaux de construction sous la pression des actionnaires fait des efforts consideacuterables pour bien comprendre le sens de la strateacutegie de

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la RSE tandis que le dirigeant proprieacutetaire nrsquoa aucune connaissance de ce que signifie la strateacutegie de la RSE les deux dirigeants considegraverent que la sponsorisation est suffisante pour diffuser une image positive de lrsquoentreprise2 surtout lorsque lrsquoimpocirct sur le profit est reacuteduit agrave 03 du

dicteacute par les directives des actionnaires guideacutes agrave la fois par la recherche de profit mais eacutegalement par la protection de lrsquoimage internationale de

eacuteteacute les conditions concernant le temps du

et entre les salarieacutes et leurs supeacuterieurs

tion la peur des conseacutequences du changement le chocircmage et lrsquoincertitude du lendemain sont toutefois des eacuteleacutements qui

grave sans que nrsquoexiste un ideacuteal preacuteeacutetabli ndash par inertie ndash ou agrave cause de la

rs que les salarieacutes veulent conserver leur lieu de travail de bonnes

riteacutes le manque de communication dirigeants-salarieacutes

Cette derniegravere remarque met en eacutevidence lrsquoempreinte sur les techniques de controcircle inapproprieacutees soit insuffisantes soit deacuteveloppeacutees agrave outrance

chiffre drsquoaffaires et en conseacutequence il existe aussi des beacuteneacutefices financiers pour lrsquoentreprise le comportement du dirigeant recruteacute par les actionnaires de lrsquoentreprise est responsable seulement en apparence car

lrsquoentreprise multinationale Apregraves la reacutealisation et lrsquoanalyse des entretiens avec les salarieacutes les conclusions suivantes ont

eacutelaboreacutees les salarieacutes des deux entreprises soulignent quetravail et la reacuteglementation des heures suppleacutementaires sont respecteacutees Par ailleurs il nexiste pas de forme notable de discrimination les salarieacutes de lrsquoentreprise de textile soulignent la manque de communication de relations sociales et de participation tandis que les salarieacutes de lrsquoautre entreprise craignent un eacutechec personnel et reconnaissent deux faiblesses majeures Il srsquoagit drsquoune part de lrsquoinexistence drsquoune strateacutegie drsquoensemble prenant en consideacuteration la capaciteacute drsquoadaptation des salarieacutes aux objectifs strateacutegiques de lrsquoentreprise et drsquoautre part de lrsquoexistence de barriegraveres de communication entre les salarieacutes du mecircme niveau Il deacutecoule de cette perception des salarieacutes un manque de confiance agrave la fois dans lrsquoentreprise mecircme et dans leurs dirigeants les salarieacutes des deux entreprises ont deacutejagrave entendu le terme de la RSE mais ils preacutesentent des ldquoavisrdquo divergents sur ce sujet ndash Chacun se sent responsable sur son lieu de travail mais les difficulteacutes rencontreacutees durant la peacuteriode de transi

engendrent des barriegraveres psychologiques pour les salarieacutes Une autre conclusion de lrsquoeacutetude crsquoest que on passe au discours sans bien comprendre lrsquoideacuteal ou mecircme plus pression externe des actionnaires eacutetrangers (le cas de lrsquoentreprise de mateacuteriaux de construction) Ces derniers ne peuvent pas concevoir que en reacutealiteacute le dirigeant et les salarieacutes ont des objectifs diffeacuterents et rarement convergents En effet le dirigeant recherche la reacutealisation de profit pour contenter les actionnaires et pour garder sa fonction aloconditions de travail et la reacutealisation quantitative des produits sans vraiment se preacuteoccuper de la qualiteacute des produits Ce comportement est une autre conseacutequence de la peacuteriode communiste pendant laquelle existait la crainte de signaler les irreacuteguladrsquoune part et dirigeants-actionnaires drsquoautre part et le statut diffeacuterent du dirigeant tel que dirigeant employeacute ou dirigeant-patron

2 La sponsorisation repreacutesente une meacutethode classique qui pourrait apporter plusieurs avantages aux les entreprises roumaines

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Isomorphisme structurel roumain et image des nouvelles institutions internationales de la RSE Les eacutetudes reacutealiseacutees dans les entreprises roumaines nous permettent drsquoaffirmer que le degreacute drsquoisomorphisme structurel est plus grand dans les entreprises roumaines speacutecialement lrsquoisomorphisme mimeacutetique3 car les scheacutemas culturels et les conventions qui modegravelent lrsquoactiviteacute sont fortement marqueacutes par la peacuteriode communiste Degraves lors dans les entreprises roumaines et speacutecialement dans celles du secteur public lrsquoisomorphisme structurel est consideacutereacute comme un aspect de la bureaucratisation des processus4 En particulier nos entretiens avec les dirigeants ont mis en eacutevidence le fait que les entreprises roumaines perccediloivent la RSE comme un instrument du marketing porteur de profit et non comme un ensemble de strateacutegies ayant des implications eacuteconomiques sociales et environnementales pouvant apporter des beacuteneacutefices agrave la socieacuteteacute roumaine toute entiegravere Une question se pose logiquement Pour quelles raisons les entreprises roumaines ne veulent pas adopter et utiliser un ensemble efficient de discours et de techniques de controcircle dans le domaine de la RSE offert par des organismes internationaux ou par des pays deacuteveloppeacutes Le reacuteponse peut donner naissance a plusieurs speacuteculations Mais la situation reacuteelle deacutemontre que les nouvelles institutions de la RSE ne sont pas tregraves connues en Roumanie et de plus les ideacutees ne sont pas suivies de moyens efficaces pour les repreacutesenter ou pour communiquer avec elles (discours) En conseacutequence les techniques de controcircle ne rendent pas possible lrsquoeacutenonciation des relations constitueacutees par des discours Les processus et les standards utiliseacutes dans une entreprise concernent les politiques de la responsabiliteacute sociale le rapport de lrsquoimplication sociale des salarieacutes lrsquoentrepreneuriat social les nouvelles formes organisationnelles et les codes de conduite Le reacuteponse est plus ou moins simple parce que les nouvelles institutions dans le domaine de la responsabiliteacute sociale drsquoentreprise ne le sont pas familiers mecircme en plus les ideacutees ne sont pas accompagneacutes de moyens efficientes pour le repreacutesenter et pour communiquer avec eux (discours) En conseacutequence les techniques de controcircle ne font plus possible lrsquoexpression des relations qui sont reacutealiseacutes par discours Les entreprises roumaines ne disposant pas des chartes eacutethiques ou ne remplissant pas les critegraveres requis pour reacutediger un rapport de Deacuteveloppement Durable nrsquoont pas deacutefini leur propre reacutefeacuterentiel de RSE Les codes sectoriels disponibles sappuient sur des reacutefeacuterentiels internationaux et sont en geacuteneacuteral preacutesents dans les filiales des socieacuteteacutes multinationales5 En Roumanie lrsquoEacutetat nrsquoa pas les outils performants pour promouvoir la RSE et les entreprises roumaines ne peuvent pas reacutealiser une auto-reacuteglementation par le biais des codes de conduite 3 Lrsquoisomorphisme mimeacutetique est un processus par lequel lrsquoentreprise srsquoadapte a un environnement incertain marqueacute par un haut niveau drsquoincertitude par lrsquoimitation du comportement des entreprises perccedilues comme ayant du succegraves 4 LE MONITEUR OFFICIEL (2004) ldquoLoi no 72004 concernant le Code de conduite pour les fonctionnaires publicsrdquo ndeg157 23 feacutevrier 2004 - Ce code ne porte que sur la bureaucratie et la corruption dans lrsquoadministration publique sans eacutenoncer un ensemble de normes fondamentales du travail 5 A lrsquooccasion drsquoun audit RSE reacutealiseacute par des auditeurs internationaux au sein drsquoune entreprise roumaine du textile il a eacuteteacute constateacute que le code de conduite en vigueur eacutetait lrsquoEURATEX Ce dernier a eacuteteacute eacutelaboreacute au niveau du secteur drsquoactiviteacute europeacuteen du textile (EURATEX) traitant du travail des enfants du travail forceacute des droits syndicaux et du principe de non-discrimination sur le lieu de travail (laquoCharte des partenaires sociaux dans le secteur du textile et de lrsquohabillement europeacuteenraquo 10 juillet 1997 httpeuropaeuintcommemployment_socialsoc-dialsocialeuro_agrdatafr970710doc)

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Les entreprises peuvent prendre des initiatives pour augmenter leur niveau de responsabiliteacute sociale sans que les gouvernements aient neacutecessairement besoin de leacutegifeacuterer Les ONG peuvent aussi recourir agrave des pressions par exemple des campagnes deacutenonccedilant certaines pratiques sociales des boycotts6 ou des menaces de boycott7 En Roumanie la voix de la socieacuteteacute civile et des meacutedias de masse commence agrave ecirctre entendue par des institutions nationales et par le gouvernement Conclusion 15 anneacutees se sont eacutecouleacutees depuis la chute du reacutegime communiste en Roumanie mais les difficulteacutes lieacutees agrave la manifestation du comportement social responsable des entreprises persistent encore mecircme si elles se sont atteacutenueacutees Le deacuteveloppement des pratiques de la RSE srsquoavegravere lent et progressif et les rapports non financiers restent sporadiques et quelques fois inconsistants Actuellement lors des eacutechanges internationaux pour la mise en valeur du concept de Responsabiliteacute Sociale drsquoEntreprise (RSE) les entreprises roumaines doivent prendre en consideacuteration la responsabiliteacute sociale de maniegravere de plus en plus formelle et adapter les discours internationaux aux besoins nationaux Les meacutecanismes par lesquels les ideacuteaux de la RSE sont transformeacutes dans les discours et les techniques de controcircle sont encore rudimentaires et fonctionnent sous la pression drsquoune inertie internationale obligeant les entreprises roumaines agrave faire face aux contraintes internationales Afin de mettre en valeur les beacuteneacutefices de la responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise la Roumanie doit parcourir une seacuterie drsquoeacutetapes preacuteliminaires

la mise en place du cadre reacuteglementaire ou leacutegislatif adeacutequat afin de deacutefinir une base eacutequitable agrave partir de laquelle les pratiques socialement responsables peuvent ecirctre deacuteveloppeacutees notamment sous la forme drsquoun veacuteritable accompagnement en matiegravere drsquoassistance technique et drsquoun transfert drsquooutils et de meacutethodes de RSE la conscientisation des pouvoirs publics et des entreprises sur lrsquoindispensable promotion des concepts de la responsabiliteacute sociale drsquoentreprise la mise en place de centres pilotes pour la formation de speacutecialistes dans le domaine de la responsabiliteacute sociale drsquoentreprise la configuration drsquoune nouvelle relation entre lEtat les organisations locales de travailleurs et les entreprises un souci permanent de coheacuterence entre les strateacutegies deacutefinies au niveau national et le cadre de reacutefeacuterence deacutefini au niveau international

Au niveau micro-eacuteconomique de multiples initiatives sont lanceacutees afin drsquoinciter les entreprises agrave se doter drsquoun code de conduite et de valoriser leurs reacutesultats au moyen de labels sociaux La fiabiliteacute et la coheacuterence de ces eacutevaluations sont cependant encore loin decirctre assureacutees

6 Les ONG roumaines ndash SalvEco lrsquoAcadeacutemie Roumaine - ont recours aux boycotts concernant le projet laquo Rosia Montana raquo - httpdaciigoromaterialealtelepaginiproiectul_rosia_montanahtm http wwwmindbombro 7 La socieacuteteacute civile mass media ndash ont boycotteacute le projet laquo Chanel Bistroe raquo dans le Delta du Danube patrimoine UNESCO - httpwww2dw-worldderomaniancorespondente1993111html

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LrsquoAUDIT DE LA CREATION DE VALEUR ORGANISATIONNELLE CONCEPT ET ETUDE DE CAS Laurent CAPPELLETTI1 Maicirctre de Confeacuterences en Sciences de Gestion ndash ISEOR (Universiteacute Lyon 3)

Reacutesumeacute Cette communication preacutesente une meacutethode drsquoaudit de la creacuteation de valeur organisationnelle drsquoune entreprise Lrsquohypothegravese centrale qui est deacuteveloppeacutee est que le couplage drsquoun diagnostic socio-eacuteconomique et drsquoune eacutevaluation socio-eacuteconomique que nous appelons audit drsquoactiviteacute permet drsquoauditer et de mesurer la creacuteation de valeur organisationnelle dune entreprise Mots cleacutes valeur creacuteation de valeur valeur organisationnelle valeur eacuteconomique valeur financiegravere audit diagnostic et eacutevaluation socio-eacuteconomique Abstract This article is focused on a model of an organizational value auditing process It aims at showing that a process made of a socio-economic diagnosis and a socio-economic evaluation allows to measure the organizational value creation of a firm Activity-based auditing process is the name given to this process Keywords value value creation organizational value economic value financial value auditing process diagnosis and socio-economic evaluation Introduction Lrsquoobjet de cette communication est de proposer un processus drsquoaudit capable de mesurer qualitativement et quantitativement la creacuteation de valeur organisationnelle drsquoune entreprise Lrsquohypothegravese centrale deacuteveloppeacutee est que la valeur organisationnelle deacutefinie par la qualiteacute du management et du fonctionnement peut ecirctre auditeacutee par un processus drsquoaudit drsquoactiviteacute Le processus drsquoaudit drsquoactiviteacute preacutesenteacute repose sur le modegravele socio-eacuteconomique du fonctionnement drsquoune entreprise Ce processus consiste dans un premier temps agrave eacutevaluer les dysfonctionnements qui nuisent agrave la qualiteacute du management et du fonctionnement dans les six thegravemes suivants conditions de travail organisation du travail communication formation gestion du temps et mise en œuvre strateacutegique Dans un deuxiegraveme temps ce processus consiste agrave eacutevaluer la variation des dysfonctionnements Une diminution des dysfonctionnements et des coucircts induits traduit une creacuteation de valeur organisationnelle Le processus drsquoaudit drsquoactiviteacute preacutesenteacute transcende le champ de lrsquoaudit social et se positionne dans le champ de lrsquoaudit drsquoanticipation Lrsquointeacuterecirct de cette communication est de montrer qursquoen creacuteant de la valeur organisationnelle crsquoest-agrave-dire en ameacuteliorant la qualiteacute de son management et de son fonctionnement une entreprise preacutepare des ameacuteliorations de performances socio-eacuteconomiques futures 1 ISEOR ndash Universiteacute Jean Moulin ndash Lyon 3 15 Chemin du Petit Bois 69130 ECULLY E-mail cappellettiiseorcom Teacutel 0478330966

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1 Lrsquoaudit de la creacuteation de valeur organisationnelle cadre theacuteorique Diffeacuterents auteurs ont proposeacute une eacutetude du concept de valeur organisationnelle Cette derniegravere conduit agrave lrsquoexamen des problegravemes sous lrsquoangle interne de la hieacuterarchie de la coordination de la motivation des acteurs des capaciteacutes et processus drsquoapprentissage de structure de frontiegravere drsquoentiteacute voire de leacutegitimiteacute La question de la creacuteation de valeur est traiteacutee par les auteurs de ce paradigme de la valeur organisationnelle au moyen des processus organisationnels des problegravemes lieacutes agrave la prise de deacutecision (Hoarau et Teller 2001) La capaciteacute agrave creacuteer de la valeur organisationnelle pour lrsquoentreprise reacuteside dans sa capaciteacute agrave reacuteduire ses coucircts de fonctionnement La valeur repose alors sur une compeacutetence organisationnelle crsquoest-agrave-dire une disposition agrave geacuterer et organiser (Van Loye 1998) Drsquoapregraves la theacuteorie des coucircts de transaction (Coase 1937 Williamson 1975) lrsquoentreprise doit chercher agrave minimiser ses coucircts de transaction et ses coucircts drsquoorganisation La valeur organisationnelle que nous deacutefinissons ici comme la qualiteacute du management et du fonctionnement de lrsquoentreprise peut ecirctre mise en relation avec drsquoautres approches conceptuelles qui srsquointeacuteressent aussi agrave la valeur organisationnelle On peut ainsi citer les travaux drsquoauteurs sueacutedois qui ont eacutetudieacute le capital immateacuteriel Edvinsson (1999) considegravere que ce dernier comprend deux composantes le capital humain et le capital structurel celui-ci eacutetant lui-mecircme composeacute du capital clients et du capital organisationnel lequel se scinde en deux composantes le capital drsquoinnovation et le capital des process Pour Sveiby (2000) la partie invisible du bilan drsquoune entreprise est composeacutee de trois cateacutegories drsquoactifs immateacuteriels ou incorporels les compeacutetences des collaborateurs (leur capaciteacute agrave agir quelle que soit la situation) la composante interne (brevets concepts modes de fonctionnement organisation administrative et informatique culture drsquoentreprise ambiance) et la composante externe (relations avec les clients et les fournisseurs reacuteputation de la socieacuteteacute) Edvinsson et Sveiby proposent des indicateurs pour construire des tableaux de bord strateacutegiques (par exemple navigateur de Skandia) Sur ces questions le courant de la theacuteorie des ressources stipule que les employeacutes drsquoune entreprise constituent un avantage compeacutetitif difficile agrave dupliquer pour la concurrence (Decock Good et Georges 2003) Cette theacuteorie a surtout eacuteteacute stimuleacutee par lrsquoapparition dans le champ de la strateacutegie de la theacuteorie des ressources internes populariseacutee par Hamel et Prahalad (1990 1993) Ces auteurs montrent que les employeacutes et la faccedilon dont ils sont geacutereacutes jouent un rocircle capital dans le succegraves des organisations et constituent une source drsquoavantage strateacutegique durable Pour Huselid Jackson et Schuler (1997) la theacuteorie des ressources contribue fortement agrave la construction de lrsquoavantage concurrentiel Pour Wright Mac Mahan et Mac Williams (1994) les ressources humaines preacutesentent potentiellement tous les attributs caracteacuteristiques drsquoune ressource cleacute selon les canons theacuteoriques de la theacuteorie des ressources elles sont rares creacuteent de la valeur et sont imparfaitement imitables et difficilement substituables Pour Kofman et Senge (1993) la vitesse agrave laquelle les organisations apprennent (sous-entendu plus vite que les firmes rivales) serait ainsi la seule source drsquoavantage concurrentiel durable Beer et Nohria (2000) deacuteveloppent quant agrave eux une conception organisationnelle du changement appeleacutee laquo theacuteorie O raquo fondeacutee sur le renforcement des compeacutetences et sur lrsquoapprentissage organisationnel Ils opposent cette conception agrave une conception eacuteconomique du changement appeleacutee laquo Theacuteorie E raquo fondeacutee sur la recherche immeacutediate de creacuteation de valeur pour lrsquoactionnaire qui ne laisse pas le temps agrave lrsquoentreprise de deacutevelopper des compeacutetences speacutecifiques Amit et Shoemaker (1993) ont montreacute en effet que le deacuteveloppement de compeacutetences speacutecifiques dans une entreprise eacutetait le reacutesultat drsquoune expeacuterience assez longue agrave acqueacuterir

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Les courants theacuteoriques que nous venons drsquoexposer deacutemontrent le caractegravere preacutepondeacuterant et deacutecisif de lrsquoorganisation drsquoune entreprise et de la gestion des ressources humaines dans le processus de creacuteation de valeur Or si les meacutethodes drsquoaudit de la creacuteation de valeur financiegravere (ou eacuteconomique) sont nombreuses elles occultent les pheacutenomegravenes organisationnels agrave lrsquoœuvre dans lrsquoentreprise (Cappelletti et Khouatra 2004) (Cappelletti 2005) La diversiteacute de ces meacutethodes et leur importance croissante aussi bien dans la litteacuterature en finance drsquoentreprise et que dans les pratiques des grandes entreprises srsquoinscrivent dans un contexte de financiarisation ou de la preacutedominance de la valeur financiegravere Le Chartered of Management Accountants (CMA 1997) classe les mesures de la creacuteation de valeur financiegravere en trois cateacutegories

- celles qui nrsquoutilisent que des donneacutees comptables eacuteventuellement corrigeacutees associeacutees agrave un coucirct du capital ce sont des mesures internes de la creacuteation de valeur

- celles qui nrsquoutilisent que des donneacutees de marcheacute et qui reflegravetent la creacuteation de richesse

- celles qui meacutelangent donneacutees comptables et valeurs de marcheacute et qui relient creacuteation de valeur et creacuteation de richesse

Quelles qursquoelles soient ces meacutethodes sont centreacutees directement ou indirectement sur les informations comptables et financiegraveres produites par les marcheacutes et les systegravemes drsquoinformations comptables Cela peut srsquoexpliquer par la preacutedominance encore tregraves forte de la modeacutelisation du fonctionnement de lrsquoentreprise sous le seul angle de la performance financiegravere Afin de proposer une meacutethode drsquoaudit de creacuteation de valeur organisationnelle nous avons pris lrsquoexemple de lrsquoanalyse socio-eacuteconomique Cette derniegravere srsquoinscrit en effet dans un paradigme heacuteteacuterodoxe en rupture avec les modegraveles classiques et qui donne une repreacutesentation de lrsquoentreprise plus adapteacutee agrave notre objet

2 Preacutesentation du modegravele socio-eacuteconomique de mesure de la creacuteation de valeur organisationnelle

Le modegravele drsquoanalyse socio-eacuteconomique des organisations (Savall 1974 1975) et sa meacutethode de diagnostic et drsquoeacutevaluation (Savall 1978 Savall et Zardet 1987) fondeacutee sur une eacutetude de lrsquoactiviteacute dysfonctionnelle proposent une mesure socio-eacuteconomique de la qualiteacute du management et du fonctionnement drsquoune entreprise Si on pose lrsquohypothegravese que la creacuteation de valeur organisationnelle correspond agrave une ameacutelioration de la qualiteacute du management et du fonctionnement drsquoune entreprise (Van Loye 1998) (Kaplan et Norton 1998) le modegravele drsquoanalyse socio-eacuteconomique constitue une approche possible de mesure de la creacuteation de valeur organisationnelle Le modegravele drsquoanalyse socio-eacuteconomique rapproche lrsquoactiviteacute drsquoune organisation agrave lrsquoeacutequilibration drsquoune uniteacute active (Perroux 1974) Lrsquoeacutequilibration correspond agrave la coordination des reacutegulations pour reacutealiser un objectif individuel ou collectif ce qui suppose lrsquoexistence drsquoun projet et drsquoun consensus opeacuteratoire (lorsque lrsquoobjectif est collectif) La reacutegulation est une action sous lrsquoinfluence drsquoune information reacutefeacutereacutee au court terme alors que lrsquoeacutequilibration est un ensemble drsquoactions coordonneacutees sous lrsquoinfluence drsquoun projet qui appelle non une information quelconque en retour suffisante pour qursquoil y ait reacutegulation mais une information transparente du champ des possibles Lrsquoeacutequilibration agrave la diffeacuterence de la reacutegulation nrsquoest donc pas un pheacutenomegravene meacutecanique et passif mais un pheacutenomegravene actif Pour appreacutecier la performance de lrsquoactiviteacute ainsi deacutefinie une meacutethode socio-eacuteconomique de calcul des coucircts cacheacutes est proposeacutee Cette meacutethode se fonde sur la notion de fonctionnement

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attendu ou orthofonctionnement qui fait office de norme de reacutefeacuterence dans le calcul La notion drsquoorthofonctionnement devient alors le reacutefeacuterentiel fondamental pour ce calcul Lrsquoentreprise peut ecirctre analyseacutee par rapport agrave cette norme de fonctionnement qui permet de reacutealiser les objectifs de lrsquoorganisation en tenant compte des contraintes sociales La variable fondamentale de cette analyse devient donc lrsquoactiviteacute dysfonctionnelle ou dysfonctionnement Les indicateurs de dysfonctionnements en tant qursquoeacutecarts constateacutes et reacuteveacuteleacutes par les acteurs drsquoentreprise par rapport au fonctionnement attendu sont des variables de synthegravese qui reacutevegravelent un eacutetat de lrsquoefficience sociale de lrsquoorganisation soit un eacutetat de la qualiteacute de son management Lrsquoun des points inteacuteressants de cette meacutethode est qursquoelle se centre sur la mesure financiegravere des dysfonctionnements obtenue par le calcul socio-eacuteconomique des coucircts cacheacutes Le diagnostic socio-eacuteconomique est un processus construit pour mesurer eacuteconomiquement la qualiteacute du management et du fonctionnement drsquoune entreprise (ou efficience sociale de lrsquoorganisation) Il permet eacutegalement de mesurer cette qualiteacute par lrsquoeacutevaluation des coucircts-performances cacheacutes Cette eacutevaluation est avant tout une meacutethode de diagnostic inteacutegreacutee sociale et eacuteconomique de lrsquoentreprise les coucircts cacheacutes eacutetant agrave la fois un indicateur de lrsquoinefficience totale et de plasticiteacute potentielle du systegraveme structures-comportements Leur eacutevaluation par un diagnostic est une eacutevaluation de lrsquoordre de grandeur de la marge de manœuvre des acteurs en preacutesence dans lrsquoactiviteacute drsquoentreprise Les coucircts cacheacutes sont la traduction moneacutetaire des activiteacutes de reacutegulation des dysfonctionnements (Savall 1975) Afin de les appreacutecier dans un premier temps qualitativement les dysfonctionnements eacuteleacutementaires sont regroupeacutes en cinq indicateurs composant le module social du diagnostic socio-eacuteconomique qui figure lrsquoensemble des causes racines des dysfonctionnements deacutetecteacutes absenteacuteisme accidents du travail rotation du personnel deacutefauts de qualiteacute eacutecarts de productiviteacute directe Les dysfonctionnements reacuteveacuteleacutes par les acteurs srsquoinscrivent dans six domaines qui modeacutelisent le management et le fonctionnement drsquoune entreprise et qui composent le module organisationnel du diagnostic organisation du travail conditions de travail gestion du temps Communication-Coordination-Concertation (3C) formation inteacutegreacutee mise en œuvre strateacutegique Pour remeacutedier aux dysfonctionnements lrsquoentreprise met en place des activiteacutes de reacutegulation coucircteuses en temps et matiegravere ou en produits et services non rendus (non-production) Le coucirct de lrsquoensemble des dysfonctionnements est eacutegal agrave la somme du coucirct historique des surconsommations de temps et matiegravere et des coucircts drsquoopportuniteacute (manque agrave gagner ducirc aux non-productions) Lrsquoensemble constitue un potentiel drsquoameacutelioration de la performance eacuteconomique globale en partie cacheacute dans le systegraveme drsquoinformation comptable classique crsquoest-agrave-dire non deacutenommeacute non mesureacute et non surveilleacute Les coucircts cacheacutes sont calculeacutes en utilisant six composants qui forment le module financier du diagnostic sursalaire surtemps surconsommation non-production non-creacuteation de potentiel risques Le deacuteroulement du diagnostic consiste concregravetement agrave eacutecouter les acteurs drsquoune activiteacute pour reacuteveacuteler les dysfonctionnements qui les perturbent Pour chaque dysfonctionnement exprimeacute il convient drsquoimputer celui-ci dans un des six domaines du module organisationnel Les causes racines de ces dysfonctionnements sont agrave chercher dans un des cinq indicateurs du module social qui modeacutelisent les variables explicatives de la qualiteacute du fonctionnement Les impacts eacuteconomiques de ces dysfonctionnements eacutevalueacutes agrave travers le coucirct de leur reacutegulation prennent place dans les six composants de coucircts (dans le module financier)

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3 Lrsquoaudit de la creacuteation de valeur organisationnelle eacutetude de cas Pour valider la creacuteation de valeur organisationnelle dans une entreprise et la mesurer en termes qualitatif quantitatif et financier il convient apregraves un intervalle de temps suffisant (agrave la mise en œuvre drsquoactions drsquoameacutelioration) de faire une eacutevaluation socio-eacuteconomique Lrsquoeacutevaluation socio-eacuteconomique consiste agrave repartir des reacutesultats trouveacutes dans les trois modules du diagnostic socio-eacuteconomique pour deacuteterminer les dysfonctionnements reacuteduits (dans les six domaines qui modeacutelisent la qualiteacute du fonctionnement) pour deacuteterminer les variables actionneacutees pour assurer cette reacuteduction (en eacutetudiant les cinq variables explicatives de la qualiteacute du fonctionnement drsquoune entreprise) et enfin de mesurer lrsquoimpact eacuteconomique de ces progregraves drsquoorganisation par la reacuteduction des coucircts cacheacutes engendreacutee Crsquoest ce processus diagnostic-eacutevaluation que nous appellerons audit drsquoactiviteacute Pour exposer les principes de lrsquoaudit de la creacuteation de valeur organisationnelle nous preacutesentons une eacutetude de cas qui consiste en une recherche-intervention conduite durant un an dans une entreprise du secteur de la gestion de patrimoine de 55 personnes La probleacutematique de cette recherche-intervention qui srsquoinscrivait dans le cadre drsquoune vaste recherche-intervention conduite aupregraves de 80 PME drsquoune grande reacutegion franccedilaise (Savall Zardet Cappelletti Beck Noguera Ocler 1999-2002) eacutetait drsquoimplanter dans cette entreprise un systegraveme de management permettant une ameacutelioration continue de la qualiteacute du management et du fonctionnement et proposant une mesure de ces ameacuteliorations Nous avons choisi drsquoeacutetayer nos propos par lrsquoexemple de cette entreprise en raison de sa taille qui en fait une entreprise relativement repreacutesentative drsquoune PME franccedilaise du secteur des services La reacutealisation du diagnostic srsquoest faite agrave travers des entretiens avec la direction de cette entreprise ainsi que des entretiens collectifs avec lrsquoensemble du personnel Les dysfonctionnements repeacutereacutes ont eacuteteacute eacutevalueacutes eacuteconomiquement Lrsquoensemble du diagnostic a eacuteteacute preacutesenteacute agrave la direction de lrsquoentreprise et agrave son personnel lors drsquoun dispositif appeleacute effet-miroir Ce dispositif permet de valider avec les acteurs de lrsquoentreprise les dysfonctionnements repeacutereacutes et les coucircts cacheacutes calculeacutes Lrsquoimpact eacuteconomique des dysfonctionnements a eacuteteacute estimeacute agrave 350 000 euro par an soit environ 6 500 euro par personne et par an Ce montant est composeacute principalement dans le cas de cette entreprise par des temps perdus et des temps suppleacutementaires passeacutes agrave reacuteguler des dysfonctionnements Ces dysfonctionnements sont organisationnels il srsquoagit par exemple des perturbations lieacutees agrave la veacutetusteacute du mateacuteriel informatique aux deacutefaillances des systegravemes de rangement agrave la mauvaise prise en charge de la relation avec les clients Les dysfonctionnements sont repeacutereacutes par thegraveme et leur preacutesentation eacuteclaire les causes sur lesquelles il faudra agir pour les reacuteduire Les impacts eacuteconomiques de ces dysfonctionnements sont eacutegalement repeacutereacutes ce qui permettra de mesurer eacuteconomiquement les progregraves organisationnels accomplis (srsquoils se produisent) en calculant la reacuteduction des coucircts cacheacutes Lrsquoeacutevaluation a eacuteteacute reacutealiseacutee apregraves huit mois de recherche-intervention Pendant cette peacuteriode la recherche-intervention a consisteacute agrave assister lrsquoentreprise dans la mise en place drsquoun systegraveme de management et de mesure pour reacuteduire les dysfonctionnements de faccedilon permanente Les reacutesultats de lrsquoeacutevaluation reacutealiseacutee dans lrsquoentreprise du secteur de la gestion de patrimoine sont preacutesenteacutes dans le tableau 1 Pour reacutesumer lrsquoeacutevaluation socio-eacuteconomique consiste en un diagnostic agrave rebours La direction et le personnel sont eacutecouteacutes agrave travers des entretiens pour deacutefinir les dysfonctionnements (repeacutereacutes lors du diagnostic) qui ont eacuteteacute reacuteduits et veacuterifier si de nouveaux dysfonctionnements coucircteux ne sont pas apparus annulant en quelque sorte les progregraves reacutealiseacutes Ces entretiens permettent de calculer lrsquoimpact eacuteconomique de ces reacuteductions et de mesurer la reacuteduction des coucircts-cacheacutes induite Lrsquoeacutevaluation comme le diagnostic fait

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lrsquoobjet drsquoun effet-miroir aupregraves des acteurs de lrsquoentreprise pour valider la coheacuterence des reacutesultats Tableau 1 reacutesultats des mesures de la creacuteation de valeur organisationnelle dans une entreprise du secteur de la gestion de patrimoine (ISEOR 1999-2002)

EFFETS POSITIFS IMPACT ECONOMIQUES

Meilleures conditions de travail grande salle des dacteurs reacute

- 2 000 euro

Maintenance du mateacuteriel de bureau (imprimantes et mobilier)

Toilettage du systegraveme de rangement (stockage des archives sur CD ROM)

- 12 000 euro

Maintenance du petit mateacuteriel teacuteleacutephonehellip - 30 000 euro

CONDITIONS DE TRAVAIL

Ameacuteliorations informatiques - 750 euro Meilleures liaisons entre le siegravege et le site (eacutechange drsquoinformation)

- 1 000 euro

Meilleur suivi des clients et des dossiers (qui fait quoi ) chaicircne des dossiers

- 30 000 euro

Meilleure communication sur la laquo Qualiteacute-client raquo attendue

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Meilleure gestion du temps et gestion des deacutelais annonceacutes aux clients

-

ORGANISATION DU TRAVAIL ET COMMUNICATION

Creacuteation de dispositifs de reacuteunion et de transmission des informations

- 1 000 euro

GAINS TOTAUX ANNUELS - 77 000 euro soit 2 Keuro par pers et par an

Les ameacuteliorations de la qualiteacute du management et du fonctionnement eacutevalueacutees dans lrsquoeacutetude de cas ont eacuteteacute reacutealiseacutees agrave travers des actions drsquoameacutelioration organisationnelle en termes de conditions de travail et drsquoorganisation du travail-communication Nous preacutesentons une synthegravese de ces ameacuteliorations dans le tableau 2 Tableau 2 Actions contribuant agrave la creacuteation de valeur organisationnelle dans une entreprise du secteur de la gestion de patrimoine (ISEOR 1999-2002) CONDITIONS DE TRAVAIL ORGANISATION DU TRAVAIL ET COMMUNICATION-COORDINATION-CONCERTATION (3C)

Organisation drsquoune enquecircte interne aupregraves du personnel pour eacutevaluer les besoins mateacuteriels (bureaux postes informatiqueshellip) Reacutevision de la gestion du teacuteleacutephone achat de teacuteleacutephones mobiles par services Organisation par secteurs drsquoactiviteacute (comptabiliteacute dons location recrutementhellip) un responsable a eacuteteacute affecteacute sur chaque secteur en charge de reacutealiser tous les ans un diagnostic du secteur puis proposer et mettre en œuvre des actions drsquoameacutelioration Reacutenovation drsquoune salle de reacuteunion agrave usage interne et externe notamment pour accueillir des groupes Formalisation drsquoune chaicircne des dossiers deacutefinition des tacircches agrave accomplir lors de la reacutealisation drsquoun dossier et des fonctions qui srsquoy rattachent

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Organisation drsquoune reacuteunion trimestrielle entre les associeacutes et les deacuteleacutegueacutes du personnel Reacutealisation et mise en œuvre de plans drsquoactions semestriels axeacutes sur des ameacuteliorations internes (par exemple la formalisation de la chaicircne des dossiers) et des ameacuteliorations externes (par exemple le deacuteveloppement du droit de la famille)

En synthegravese lrsquoeacutetude de cas montre que lrsquoeacutevaluation permet de dire si lrsquoentreprise a gagneacute en efficience organisationnelle nette entre la date de reacutealisation du diagnostic et la date de reacutealisation de lrsquoeacutevaluation de faccedilon qualitative quantitative et financiegravere Lrsquoarticulation diagnostic-eacutevaluation proposeacutee par le modegravele de lrsquoanalyse socio-eacuteconomique repreacutesente une approche possible drsquoaudit de la creacuteation de valeur organisationnelle La reacuteduction nette des coucircts des dysfonctionnements de management et de fonctionnement mesureacutee eacutequivaut agrave creacuteer de la valeur organisationnelle

4 Le positionnement de lrsquoaudit drsquoactiviteacute La question theacuteorique qursquoil importe drsquoaborder pour conclure cet article est de deacutemontrer en quoi le processus drsquoaudit drsquoactiviteacute est bien un processus drsquoaudit et de le positionner dans le paradigme des audits drsquoentreprise Lrsquoaudit drsquoactiviteacute transcende selon nous le champ de lrsquoaudit social pour se positionner dans le champ de lrsquoaudit drsquoanticipation Une deacutefinition couramment admise de lrsquoaudit est la suivante ldquo Lrsquoaudit est une deacutemarche speacutecifique drsquoinvestigation et drsquoeacutevaluation agrave partir drsquoun reacutefeacuterentiel incluant un diagnostic et conduisant eacuteventuellement agrave des recommandations Cette deacutemarche meneacutee de faccedilon indeacutependante ou sur mandat contribue agrave la maicirctrise drsquoune activiteacute organiseacutee rdquo (Joras 1996) Lrsquoaudit drsquoactiviteacute tel que nous le concevons srsquoinscrit bien dans la deacutefinition de Joras Celui-ci integravegre la dimension diagnostic pour faire de lrsquoaudit un processus controcirclant et creacuteatif qui srsquointeacuteresse agrave lrsquoeacutevaluation de la maicirctrise des activiteacutes sociales Cette deacutefinition permet de positionner le processus drsquoaudit comme une action organisationnelle un processus drsquoassistance au management dans la maicirctrise des activiteacutes (Renard 1994) et un processus de changement (Barbier 1995) Cette deacutefinition nous permet eacutegalement drsquoexpliciter notre deacutesaccord avec certains theacuteoriciens du diagnostic qui nrsquoaccordent agrave lrsquoaudit qursquoune dimension controcirclante pour confeacuterer au seul diagnostic la qualiteacute drsquoaide agrave lrsquoappreacuteciation du sens et de la valeur drsquoune situation de gestion (Bartoli 1994) La typologie classique drsquoaudit fait apparaicirctre trois formes drsquoaudit (de situation de fonctionnement et drsquoanticipation) que Joras a distingueacutees en fonction de quatre critegraveres lrsquohorizon temporel abordeacute par lrsquoaudit les constituantes du reacutefeacuterentiel drsquoaudit les finaliteacutes de lrsquoaudit et le niveau hieacuterarchique de lrsquoentiteacute auditeacutee impliqueacute dans le processus On peut comme Joras donner comme exemple de lrsquoaudit de situation lrsquoaudit comptable et financier comme exemple de lrsquoaudit de fonctionnement lrsquoaudit drsquoefficaciteacute et comme exemple de lrsquoaudit drsquoanticipation lrsquoaudit de management Notons que lrsquoaudit drsquoanticipation en raison des critegraveres qui le deacutefinissent peut recouvrir un audit de fonctionnement et de situation des audits de conformiteacute et drsquoefficaciteacute sont en effet souvent neacutecessaires agrave la conduite drsquoun audit drsquoanticipation pertinent Lrsquoaudit drsquoactiviteacute tel que preacutesenteacute dans cet article srsquoinscrit sans aucun doute dans la famille des audits drsquoanticipation en ce qursquoil traite drsquoinformations faisant reacutefeacuterence au preacutesent (les dysfonctionnements et leurs coucircts) et drsquoinformations faisant reacutefeacuterence au futur (les coucircts cacheacutes repreacutesentent un potentiel strateacutegique dont on va eacutevaluer la laquo bonne raquo exploitation en termes drsquoorganisation) Le paradigme de lrsquoaudit drsquoanticipation est diffeacuterent du paradigme de la mesure et du paradigme du diagnostic principalement en ce qursquoil srsquointeacuteresse agrave lrsquoimmeacutediat et au futur de lrsquoentreprise

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Nous preacutesentons dans le tableau 3 les diffeacuterences entre le paradigme de la mesure le paradigme du diagnostic et le paradigme de lrsquoaudit drsquoanticipation en fonction de neuf critegraveres - le reacutefeacuterentiel - la question cleacute de lrsquoauditeur - la forme de lrsquointelligence creacuteeacutee - le modegravele implicite drsquoorganisation - la nature de la rationaliteacute - les finaliteacutes - le processus de production drsquointelligence - le temps observeacute - le processus implicite de raisonnement Tableau 3 Le paradigme de lrsquoaudit drsquoanticipation Sources Cappelletti (1998) eacutelaboreacute agrave partir des travaux de Lorino (1996) et Joras (1996) Paradigme de la

mesure Paradigme du diagnostic

Paradigme de lrsquoaudit drsquoanticipation

Repegraveres reacutefeacuterentiels Normes preacuteeacutetablies Construction des normes dans lrsquoaction

Normes imageacutees ou simuleacutees

Question cleacute de lrsquoauditeur

Combien Pourquoi Comment

Forme de lrsquointelligence creacuteeacutee

Image fidegravele Image miroir supportdrsquoapprentissage

Image virtuelle ou souhaiteacutee

Modegravele implicite de lrsquoorganisation

Modegravele meacutecaniste Modegravele systeacutemique (flux entreacutee-sortie)

Modegravele agrave modeacuteliser ou imaginer

Nature de la rationaliteacute

Rationaliteacute substantive

Rationaliteacute proceacutedurale

Imagination intuition

Finaliteacutes Exactitude et preacutecision pour une certification

Coheacuterence et pertinence pour deacuteclencher lrsquoaction

Coheacuterence et pertinence pour anticiper les effets des deacutecisions

Processus de production drsquointelligence

Seacutequence srsquoinformer-communiquer controcircler (lineacutearisation de la boucle drsquoinformation cyberneacutetique)

Inteacutegration de la boucle drsquoinformation dans lrsquoaction (simple boucle drsquoinformation)

Explicitation de la boucle drsquoinformation (double boucle drsquoinformation)

Temps observeacute Passeacute au preacutesent Preacutesent agrave lrsquoimmeacutediat De lrsquoimmeacutediat au futur

Hypothegravese implicite de raisonnement

Hypothegravese deacuteterministe

Hypothegravese probabiliste

Hypothegravese drsquoimpreacutedictibiliteacute

En fonctions de ces critegraveres il apparaicirct que lrsquoaudit drsquoactiviteacute srsquoinscrit nettement dans le paradigme de lrsquoaudit drsquoanticipation En ce sens il est exclu de conduire ce type drsquoaudit ldquo sans adopter la deacutemarche drsquoun entrepreneur qui doit fournir un produit agrave forte valeur ajouteacutee agrave lrsquoauditeacute consideacutereacute comme un client rdquo (Barbier 1995) Plus geacuteneacuteralement nous partageons

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lrsquoopinion des auteurs qui considegraverent que quels que soient la nature (audit de conformiteacute de performance ou de seacutecuriteacute) le type (audit de situation de fonctionnement ou drsquoanticipation) la destination (Comptabiliteacute Finance Ressource Humaine Qualiteacute) et les speacutecificiteacutes de lrsquoaudit pratiqueacute (audit leacutegal ou mandateacute audit agrave chaud ou agrave froid audit interne ou externe) le produit drsquoaudit prend la forme drsquoinformation diffuseacutee sous forme eacutecrite comme le rapport drsquoaudit (Renard 1994) ou orale comme lrsquoexpression de lrsquoopinion drsquoaudit (Casta 1995) dont on attend deacutesormais un reacutesultat Conclusion Une meacutethode drsquoaudit de la creacuteation de valeur organisationnelle nous semble particuliegraverement utile pour compleacuteter les meacutethodes drsquoaudit de creacuteation de valeur eacuteconomique aujourdrsquohui couramment pratiqueacutees Les mesures de creacuteation de valeur eacuteconomique qursquoelles se fassent en utilisant les outils traditionnels de lrsquoanalyse financiegravere (calcul de valeur ajouteacutee calcul de rentabiliteacutehellip) ou en utilisant des outils plus reacutecents de lrsquoeacutevaluation financiegravere (EVA MVAhellip) ont peu ou pas de capaciteacute preacutedictive sur la creacuteation de valeur eacuteconomique agrave long terme (Albouy 1999 2000) (Caby et Hirigoyen) car elles nrsquoeacuteclairent pas le potentiel drsquoune entreprise (Kaplan et Norton 1998) Ce potentiel est selon nous refleacuteteacute par la capaciteacute de lrsquoentreprise agrave bien srsquoorganiser et agrave creacuteer de faccedilon reacutecurrente de la valeur organisationnelle crsquoest-agrave-dire ameacuteliorer de faccedilon continue la qualiteacute de son management et de son fonctionnement Lrsquoutilisation drsquoune meacutethode drsquoaudit de la creacuteation de valeur organisationnelle tel que lrsquoaudit drsquoactiviteacute serait particuliegraverement inteacuteressante par exemple lors de processus de rachat drsquoentreprise ougrave lrsquoacheteur est autant inteacuteresseacute par la creacuteation de valeur eacuteconomique actuelle de lrsquoentreprise que par sa capaciteacute agrave maintenir voire deacutevelopper dans le futur cette creacuteation De mecircme lrsquoaudit drsquoactiviteacute peut ecirctre utile dans lrsquoeacutevaluation des managers Une mesure de la creacuteation de valeur organisationnelle viendrait alors utilement compleacuteter les mesures de creacuteation de valeur eacuteconomique pour eacutevaluer la performance drsquoun manager BIBLIOGRAPHIE Albouy M (1999) laquo Theacuteorie applications et limites de la mesure de creacuteation de valeur raquo Revue Franccedilaise de Gestion Janvier-Feacutevrier 1999 pp 81-90

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PEUT-ON REPENSER LrsquoEFFECTIVITE DE LA PERFORMANCE SOCIALE DANS LrsquoENTREPRISE Jean-Claude CASTAGNOS Directeur de Recherche ndash CERAG-UMPF-Grenoble Michel LE BERRE Professeur des Universiteacutes ndash CERAG-UMPF-Grenoble

Introduction Le mot performance comporte deux acceptions Dans la premiegravere on met en rapport ce qui a eacuteteacute produit (outputs) et la consommation de facteurs (inputs) neacutecessaires pour reacutealiser la production Les uniteacutes doeuvre sont soit physiques (tonnes etc) soit moneacutetaires En eacuteconomie on parle de rendement de productiviteacute de rentabiliteacute ou drsquoefficience En psychologie on parle dinstrumentaliteacute le moyen datteindre un but Dans un second sens le mot performance renvoie agrave une comparaison entre ce que lrsquoentreprise projette de faire et ce qursquoelle a accompli Ici on prend en consideacuteration le degreacute drsquoatteinte de lrsquoobjectif viseacute crsquoest-agrave-dire lrsquoefficaciteacute En psychologie on utilise lexpression dexpectation (lespeacuterance de parvenir agrave un but) En management le problegraveme de la performance touche le concept laquo drsquoAudit Social raquo Il est plus deacutelicat En effet si lrsquoon veut bien admettre que les activiteacutes de lrsquoentreprise ne srsquoappreacutecient pas uniquement agrave la lumiegravere drsquoun aspect isoleacute mais par examen drsquoun processus seacutequentiel et reacutepeacutetitif on comprend que le diagnostic de performance peut introduire de la partialiteacute et des critegraveres drsquoeacutevaluation discutables En psychologie on parlerait de valence de valeur subjective soumise agrave la deacutesirabiliteacute Comme le souligne P Louart et C Beaucourt (2004) les modaliteacutes de mesure peuvent rapidement tourner agrave lrsquoacte politique sous couvert de critegraveres de gestion Lrsquoeacutecueil est-il insurmontable En conseacutequence la performance de lrsquoacte de travail neacutecessite au vu des theacuteories de la motivation une redeacutefinition et une mise en contexte La performance suppose a priori compeacutetition adaptation agrave lrsquoenvironnement rentabiliteacute efficaciteacute compeacutetences eacutevolutives (acquises et requises) etc En cette matiegravere lrsquoinstrumentation (les tableaux de bord) toujours sujette agrave caution suspecte deacutependante des conventions eacutetablies (cf les normes de comptabiliteacute) a pour objet de garantir la validiteacute des informations recueillies De mecircme le processus organisationnel qui permet de parvenir aux reacutesultats souhaiteacutes se precircte agrave des images (meacutetaphores) drsquoefficience meacutecaniste organique sportive etc Au total les eacuteclairages distincts ne proviennent-ils pas des points de vue theacuteoriques retenus Nous pensons notamment agrave la theacuteorie de lrsquoagence et agrave celle des ressources qui profilent diffeacuteremment les thegravemes majeurs de la GRH Nous ressentons nous aussi la neacutecessiteacute de les revoir dans le contexte geacuteneacuteral des deacuteveloppements reacutecents des recherches en Sciences de Gestion (Hatchuel et Laufer 2000) Le management agrave linstar de toute discipline scientifique repose sur des pratiques mais aussi sur des theacuteories dominantes cest-agrave-dire sur de grands courants danalyse fournissant des repreacutesentations plausibles de la complexiteacute du fonctionnement des entreprises et par deacuteclinaison des tenants et aboutissants de la performance De ce fait il conviendrait de renverser le deacuteroulement habituel du raisonnement suivi La bonne logique devrait conduire agrave consideacuterer qursquoagrave partir drsquoune capaciteacute de rendement (lrsquoefficience) lrsquoentreprise et la fonction RH cherchent agrave enclencher lrsquoaction produisant lrsquoeffet

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attendu (lrsquoefficaciteacute) Celui-ci neacutecessite un raisonnement (lrsquoeffectiviteacute) aboutissant agrave une action veacuteritable dans sa reacutealiteacute et ses reacutesultats Pour cela nous allons analyser la performance sociale en regardant dans un premier temps la mutation des emplois et dans un deuxiegraveme temps leur effectiviteacute

1 La mutation des emplois

11 Les compeacutetences valoriseacutees par la theacuteorie des ressources Dune part le monde est passeacute drsquoune eacuteconomie de produits uniformes de masse agrave une eacuteconomie de produits varieacutes Cette varieacuteteacute correspondant aux attentes des consommateurs a neacutecessiteacute la flexibiliteacute des entiteacutes de production (cf la theacuteorie de la varieacuteteacute requise Marmuse 1997) Lrsquoeacutevolution de la technologie a suivi le mecircme chemin robotique techniques drsquoinformation commandes numeacuteriques etc Quelles que soient les distances les messageries eacutelectroniques permettent le contact instantaneacute avec le client le fournisseur le banquier On observe donc une meacutecanisation eacutelargie Crsquoest le cas de lrsquoinformatisation des tacircches administratives par les logiciels globaux SAP les navigateurs de lrsquooutil RH les outils de planning de la gestion des relations collaborateurs (Employee Relationship Management ERM) des people-net (solution globale de gestion strateacutegique des ressources humaines) des systegravemes drsquoinformation RH en continu et de la E-GRH (Intranet kiosque drsquoemplois en interne et Internet) Lrsquoinformatisation de la fonction permet lrsquoabandon de certaines tacircches et la valorisation de nouveaux rocircles (Castagnos Le Berre 2003) La deacutependance de la main-drsquooeuvre agrave la construction du reacutesultat comptable a eacuteteacute deacutebattue tant par les chercheurs que par les praticiens La reacuteponse est venue de la theacuteorie des ressources et des compeacutetences Cette conception manageacuteriale privileacutegie limage de lentreprise aupregraves des autres partenaires de lrsquoentreprise (stakeholders) Les outils utiliseacutes sont agrave replacer en perspective Les indicateurs comme dans les autres fonctions peuvent ecirctre classeacutes selon qursquoils donnent des informations

- sur les moyens (mesure de la consommation de facteurs ou de caracteacuteristiques) - sur lrsquoenvironnement (mesure des informations externes) ou - sur le reacutesultat (mesure des reacutealisations)

Les tableaux de bord qui regroupent lrsquoessentiel des indicateurs utiles sont preacutesenteacutes suivant les services majeurs de lrsquoentreprise achats stocks meacutethodes production etc Par exemple en production ou sur lrsquoensemble des processus il srsquoagit de trouver des axes drsquoameacutelioration notamment sur laquo les bonnes pratiques raquo Les exemples sont nombreux ISO 9000 Six Sigma (Reacuteduction statistique de la variabiliteacute des processus) Lean (le juste neacutecessaire) 5S (meilleure organisation du poste de travail) Kaiumlzen Kanban visuel management flux piegravece agrave piegravece Tout (qualiteacute deacutelais coucircts) tend agrave diviser le temps de cycle de production agrave diminuer le rebus et agrave eacuteliminer les deacutefauts A cette preacutesentation fonctionnelle (Fayol) srsquoajoute souvent une preacutesentation par horizon spatial (eacutetablissements agences uniteacutes de production etc) et temporel (court terme et long terme) Les progiciels de type ERP (Enterprise resource planing) integravegre lrsquoensemble de ces donneacutees en les classant par indicateurs syntheacutetiques preacutedeacutefinis Toutefois observons que lrsquoentreprise dispose de son propre registre de moyens (paix sociale ambiance coheacuterence interne fideacutelisation esprit drsquoeacutequipe preacutesenteacuteisme etc) pour obtenir une bonne correacutelation aptitudeperformance crsquoest-agrave-dire pour accroicirctre la maximisation de son reacutesultat attendu A lrsquoinstar drsquoun precirct qui engendre des frais financiers la mobilisation de ces moyens a un coucirct mais permet drsquoaccroicirctre le reacutesultat de lrsquoentreprise

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Le renforcement de la coheacutesion sociale neacutecessaire pour toute vie en socieacuteteacute peut-elle se combineacutee dans une circulariteacute positive avec la non moins neacutecessaire efficaciteacute eacuteconomique Lefficaciteacute eacuteconomique se mesure selon les termes de la comptabiliteacute approfondie par les audit Les actions sur les hommes contribuent-elles aux reacutesultats eacuteconomiques et vice-versa Ceci passe-t-il par une strateacutegie dentreprise claire On le voit la logique des coucircts est preacutegnante Il sagit dune bataille dindicateurs Lapproche par les coucircts est une vue de productiviteacute meacutecanique Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale le droit social srsquoest deacuteveloppeacute pour reacutepondre agrave un double objectif confier agrave lrsquoentreprise la direction drsquoune force de travail et proteacuteger le salarieacute Depuis la seconde guerre mondiale lrsquoEtat promoteur drsquoune planification autoritaire pour le service public et incitative pour le secteur priveacute srsquoest affirmeacute comme un intervenant actif dans la vie eacuteconomique Le contrat de travail deacutefini comme un engagement synallagmatique drsquoune personne agrave travailler pour le compte et sous la subordination drsquoune autre personne moyennant un salaire permet de controcircler la compeacutetence la performance et le potentiel du salarieacute par le seul employeur La classification des contrats en vigueur dans le monde du travail deacutecrite dans le scheacutema ci-dessous deacutecrit lrsquoampleur mais aussi la variabiliteacute des situations

Consultant exteacuterieur

Essaimage

Travailleur indeacutependantReacutegie

CDD

CTT

CDI

Noyau stable de

lentreprise

Portage

Sous-traitance

Travail intermittent

ou saisonnier

Contrats jeunes

Temps partiel

Temps partageacuteTravail agrave domicile

Formation en alternance

Stages

Apprentissage

Preacuteretraite

Prestation de travail et variabiliteacute de lrsquoengagement contractuel

Source Le Berre M et Castagnos J-C (2003)

Fondeacute sur la theacuteorie des ressources et des compeacutetences lrsquoappel agrave la reacutesolution de problegravemes complexes sous le vocable du deacuteveloppement personnel (entreprise de soi Aubrey 2001 ou employabiliteacute Gazier 2003) modifie la relation drsquoemploi et lrsquoimplication psychologique On demande aux individus drsquoassumer leur carriegravere avec beaucoup drsquoeacutenergie de focaliser leurs perspectives sur des enjeux avant tout individuels de franchir le pas de la creacuteation drsquoentreprise (encouragement par les Plans de Sauvegarde de lrsquoEmploi en cours depuis 2002 dans les grands groupes industriels par exemple) drsquoaccroicirctre leur capaciteacutes drsquoinitiative et de reacuteactiviteacute (gestion de projets et drsquoinnovation) Si lrsquoautoriteacute du chef est de plus en plus remplaceacutee par celle du client et des marcheacutes les formes de controcircle induisent des situations paradoxales - en offrant de lrsquoautonomie ambigueuml puisque soumise agrave des exigences preacutecises en matiegravere drsquoobjectifs donc de reacutesultats - en cherchant agrave responsabiliser alors mecircme que les contraintes formelles srsquoaccroissent au moyen des certifications des normes et des standardisations imposeacutees

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- en attendant une implication tregraves forte des collaborateurs de maniegravere discontinue du fait de la preacutecariteacute des emplois de la succession des missions des appartenances agrave des groupes variables de travail et de projet Ainsi ces capaciteacutes de proactiviteacute adaptative et drsquoautonomie drsquoaction reacutepondent aux besoins des organisations modernes Les entreprises comme lrsquoensemble des collaborateurs sont contraintes agrave des efforts permanents drsquoajustement et drsquoadaptation au marcheacute Les structures se complexifient et srsquoopacifient Mecircme si les contrats agrave dureacutee indeacutetermineacutee restent majoritaires leurs contenus srsquoassouplissent Ils incluent lrsquoengagement pour des missions larges ou eacutevolutives et finalisent des clauses drsquoajustement (contrats de chantier ou drsquoobjectifs exclusiviteacute des services non concurrence clause de mobiliteacute geacuteographique etc) Dans certains secteurs productifs cela megravene agrave des configurations relationnelles complexes ougrave les relations sont baseacutees conjointement sur la proprieacuteteacute des moyens de production et sur le controcircle des objectifs et des reacutesultats Dans cette dissociation de leacuteconomique et du social les effets pervers de plus en plus freacutequemment deacutenonceacutes (stress deacutemotivation marchandisation du travail inseacutecuriteacute ambiante etc) replacent au premier rang des interrogations tout le sens quil convient de donner aux eacutevolutions actuelles Cependant pour lrsquoindividu la preacutecariteacute et lrsquoincertitude sont soit subies soit assumeacutees Ainsi laquo le travail en solo raquo au sein drsquoun reacuteseau drsquoun cocircteacute imposeacute par les entreprises est drsquoun autre cocircteacute rechercheacute par souci drsquoautonomie Degraves lors la demande de protection sociale se deacuteplace vers la laquo flexiseacutecuriteacute raquo terme retenu pour deacutecrire les relations drsquoemplois scandinaves Le pouvoir de direction est une ressource et une contrainte Enchasseacute embeded selon Granovetter il est invisible inteacutegreacute eacutevident donc leacutegitime La zone dindiffeacuterence (Barnard) ou la zone dacceptance (Simon in Rojot p 233) permettent au subordonneacute de trouver normales les injonctions agrave faire Mais si la perception des ressources et contraintes change ces zones se deacuteplacent jusquagrave modifier les frontiegraveres de lemploi La contagion et limitation conventionnelles et implicites sen trouvent deacuteplaceacutees

12 La territorialiteacute intellectuelle des emplois Les nouveaux espaces et territoires agrave conqueacuterir (la nouvelle laquo terra incognita raquo) portent aussi sur le contenu intellectuel qursquoexigent les nouveaux emplois de la socieacuteteacute laquo tertiairiseacutee raquo Il srsquoagit donc drsquoimaginer une nouvelle faccedilon de penser lrsquoactiviteacute en entreprise cest-agrave-dire une nouvelle effectiviteacute Par exemple le peacuterimegravetre et la territorialiteacute des emplois doivent-ils ecirctre repenser Ainsi dans les premiegraveres anneacutees du XIIIdeg siegravecle lrsquoOccident eacutetait deacutependant des principes unificateurs de la spiritualiteacute europeacuteenne soutenus par lrsquoEglise de Rome Lrsquoaristocrate Andreacuteas de Lobera deacutesireux de reacutepondre agrave lrsquoappel de la quatriegraveme croisade lanceacutee vers Jeacuterusalem nrsquoeacutetait cependant pas enclin agrave affronter les rigueurs du voyage et lrsquoabomination des paiumlens Il fit donc en marchant le tour de sa proprieacuteteacute quatre fois par jour pendant un an jusqursquoagrave parcourir lrsquoeacutequivalent de la distance seacuteparant son chacircteau de la ville sainte Cette conception du voyage est rapporteacutee dans ses Crocircnicas del santo peregrinaje Preacutes de six cents ans plus tard le soldat Xavier de Maistre deacutepeint un voyage statique reacutealiseacute dans sa seule chambre Le reacutecit de voyage est donc surtout celui drsquoune entreprise humaine fertile et enrichissante Pour savoir qui nous sommes est-il neacutecessaire de ne pas rester immobile

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Lemploi dans notre socieacuteteacute tertiairiseacutee est de nature immateacuterielle et intellectualiseacutee Il deacutepend essentiellement dun nouveau territoire celui du savoir et de la connaissance que chacun individuellement et collectivement met en oeuvre Laccumulation primitive du savoir est assumeacutee dans sa quasi-inteacutegraliteacute par la socieacuteteacute dans son ensemble Les eacuteducateurs le systegraveme denseignement et de formation les centres publics de recherche assurent la part la plus importante de cette accumulation en transmettant et en rendant accessible une part deacutecisive du savoir qui constitue la culture commune Les personnes pour leur part ont agrave sapproprier cette culture et agrave lutiliser de telle sorte que ces connaissances soient en elles-mecircmes augmenteacutees Cet actif individuel est donc aussi un actif collectif Il est agrave la fois une richesse sociale produite par le corps social et par les individus Il est reacuteel degraves lors que la personne sapproprie le savoir social et le met en œuvre Les entreprises disposent ainsi presque gratuitement dun capital de savoir quelles se bornent agrave compleacuteter et agrave adapter agrave leurs besoins particuliers Ce capital augmente tout au long de la vie Cependant il existe une certaine autonomisation des compeacutetences par rapport au travail consommeacute par les entreprises Lattachement du salarieacute agrave une firme deacutetermineacutee saffaiblit quels que soient les efforts que celle-ci reacutealise Lentreprise elle-mecircme devient contingente degraves lors que le salarieacute acquiert une autonomie daction et une capaciteacute agrave seacutepanouir hors de lorganisation Dans ces conditions la gestion du personnel doit reacutepondre agrave des exigences contradictoires Lentreprise veut semparer de la creacuteativiteacute des personnels la canaliser vers des actions et des buts preacutedeacutetermineacutes et obtenir leur soumission Elles doivent aussi ameacutenager des espaces et des territoires dautonomie pour permettre le perfectionnement et linventiviteacute Les syndicats franccedilais conccedilus au temps des activiteacutes industrielles semblent avoir quelques difficulteacutes agrave inteacutegrer ces nouvelles dimensions des emplois Les syndicats anglais sen sont inquieacuteteacutes depuis longtemps eux qui participent comme acteurs directs agrave la mise en place de programmes de formation professionnelle

2 Repenser lrsquoeffectiviteacute sociale dans lrsquoentreprise

21 La multiplication des indicateurs proposeacutes Dans ces conditions la gestion du personnel doit reacutepondre agrave des exigences contradictoires Lentreprise veut semparer de la creacuteativiteacute des personnels la canaliser vers des actions et des buts preacutedeacutetermineacutes et obtenir leur soumission Elles doivent aussi ameacutenager des espaces et des territoires dautonomie pour permettre le perfectionnement linventiviteacute Ainsi nombre de travaux de recherche proposent de cerner les indicateurs pertinents de mesure de la performance a - La mesure de la performance via le bilan social ou le tableau de bord est critiqueacutee lorsqursquoil srsquoagit drsquoeacutevaluer la pertinence de certaines pratiques de GRH (Lacoursiegravere Fabi St-Pierre 2004) Les dimensions financiegraveres et comptables les couples produits-marcheacutes les donneacutees politico-eacuteconomique (entreprise citoyenne mondialisation etc) se surajoutent aux aspects salariaux et relatifs agrave lrsquoemploi La preacutediction de la performance nrsquoest possible que par analyse des caracteacuteristiques objectives des salarieacutes On cherche donc agrave deacuteterminer les variables explicatives de lefficience crsquoest-agrave-dire le pendant des eacuteleacutements constitutifs de lrsquoaptitude Ces variables propres agrave lrsquoindividu sont

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bien connues (Alis Poilpot-Rocaboy 2000 Commeiras Naro 2000) Elles invitent le salarieacute agrave accroicirctre ou agrave reacuteduire son efficience au travail b - Les reacutefeacuterents peuvent eacutegalement revecirctir des formes plus classiques Crsquoest le cas chez M Kalika (1988) qui propose quatre origines agrave lrsquoefficience organisationnelle

le respect de la structure formelle les relations entre les composantes de lrsquoorganisation la qualiteacute de la circulation de lrsquoinformation la flexibiliteacute de la structure

Pour rendre compte des performances P Gilbert et M Charpentier (2004) combinent de nombreux facteurs explicatifs des sens rechercheacutes par les diffeacuterentes eacutevaluations en RH (modes de gouvernance strateacutegie et demande de la direction geacuteneacuterale taille et structure de lentreprise) En effet la performance mesure un reacutesultat par reacutefeacuterence agrave des ressources (peacutecuniaires budget temps etc) mises agrave disposition du salarieacute c - Concernant les tensions de rocircles des salarieacutes trois orientations sont en theacuteorie possibles (Grima 2004)

- la performance est eacuteleveacutee agrave un niveau modeacutereacute de tension - la performance est faible lorsque lrsquoincertitude sur la meilleure attitude est forte

(perception cognitive et motivationnelle) - la performance nrsquoa pas de correacutelation avec la tension de rocircle car cette derniegravere est un

construit complexe Lrsquoabsence de relation est eacutegalement possible du fait de la complexiteacute de la performance pluridimensionnelle

d - Le renforcement de la confiance en soi ou dans les autres moteur de limplication conditionne aussi lrsquoefficience du salarieacute Le salarieacute se sent rassureacute lorsqursquoil obtient de bons reacutesultats Sa performance est deacutetermineacutee par son implication dans lorganisation dans les deacutecisions de ses supeacuterieurs Lrsquoadheacutesion du salarieacute participe naturellement du montant de la reacutetribution qui lui est accordeacutee Tout se tient La somme attribueacutee revecirct un caractegravere opeacuterant du fait de la motivation qursquoelle procure (Le Berre Castagnos 2003) Pourtant lrsquoentreprise tente de cerner les conditions directes et objectives drsquoune efficience salariale sans rechercher de prime abord lrsquoimplication e - La notion drsquooptimum est le corollaire de lrsquoefficience il srsquoagit drsquoun choix entre diverses options et des indicateurs propres agrave les mesurer Rappelons que les ratios fournissent une information qui reste floue et peu lisible Les activiteacutes de GRH (Arcand Bayad Fabi 2002) pouvant ecirctre associeacutees de faccedilon significative agrave des indicateurs de performance concernent la communication lrsquoorganisation du travail lrsquoeacutevaluation du rendement et la reacutemuneacuteration Ici ces auteurs srsquoappuient aussi sur des indices de performances deacutejagrave eacutetablis motivation-satisfaction absenteacuteisme climat social innovation qualiteacute productiviteacute rentabiliteacute Bref on se trouve en situation floue et faiblement opeacuterationnelle f - Les travaux de J Allouche M Charpentier et C Guillot (2003) srsquoappuient aussi sur une longue liste drsquoindicateurs de performance de la firme cours boursier rentabiliteacute du capital taux de profit croissance des ventes satisfaction du client productiviteacute du travail qualiteacute turnover etc Au total la performance deacutepend

du stress et de la tension existant au travail sans que lrsquoambiguiumlteacute et les conflits de rocircles soient relieacutes

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drsquoune perspective cognitive et motivationnelle de construits sociaux complexes impliquant une approche multidimensionnelle

Degraves lors qursquoil srsquoagit de reacutesoudre une crise et de pratiquer des choix sous contraintes les deacutecisions sont souvent prises en deacutefaveur des RH En ce sens la performance plurielle est perverse et suscite parfois un deacutesenchantement Lrsquoexplication en management des entreprises est fournie par la mise en perspective de lrsquoefficaciteacute Un deacutecalage existe entre le systegraveme concret de reconnaissance des salarieacutes (bilan de compeacutetences eacutevaluation) et lobjectif de performance eacutetabli par reacutefeacuterence agrave un seul critegravere trop souvent deacuteconnecteacute des consideacuterations sociales Cette solution srsquoavegravere dangereuse agrave long terme La reconnaissance de la performance en RH suppose donc la reacuteunion des ingreacutedients preacutesenteacutes au tableau ci-contre Formes de la performance Efficience

= moyens Efficaciteacute = reacutesultats

Optimisation

Recherche drsquooutils et de techniques Ex la motivation y compris par la reacutetribution

Equation complexe drsquoune combinaison de ratios

Mesure de la performance

Maximisation

Systegraveme multicritegraveres qualitatifs et quantitatifs Ex implication et engagement

Gain beacuteneacutefice et profit Croissance part de marcheacute

Dans ce contexte la strateacutegie patronale qui ne controcircle plus la reacutealiteacute des compeacutetences tend par conseacutequent agrave se deacuteplacer de la domination directe de lactiviteacute de travail vers une domination de lamont et de laval du travail Elle seacutetend au temps de non-travail aux possibiliteacutes dameacutenager et dorganiser le temps hors travail La vie entiegravere se trouve soumise aux contraintes du nouveau travail Les systegravemes de retraite par capitalisation qui confisque leacutepargne au beacuteneacutefice dinstitutions financiegraveres gestionnaires du temps de vie du travail en sont un exemple Le temps de travail quoi que reacuteduit pegravese plus lourdement sur et dans la vie quau temps des horaires reacuteguliers et du travail continu De ce fait les cibles et les grilles dindicateurs de la performance deviennent subtiles Les modegraveles multidimensionnels deacutevaluation multiples deviennent complexes dans la conception de la meta-organisation deacutefinie par la theacuteorie de la traduction (Akrich Callon et Latour 1988) Lrsquoapproche configurationnelle qui implique lrsquoideacutee drsquoun processus de deacutecision holistique et increacutemental repreacutesente lui aussi un raisonnement global et complet en GRH Cependant sa mise en place ne garantit pas lrsquoaccroissement de la performance de la firme sauf agrave avoir un alignement externe et interne des modes de gestion de lrsquoentreprise (Allani-Soltan Bayad Arcand 2004)

22 Une nouvelle relation contractuelle (theacuteorie des contrats) En nous appuyant sur la conception de lrsquoentrepreneur telle que Schumpeter (1935) nous lrsquoa preacutesenteacutee il apparaicirct eacutevident que cette compreacutehension du pheacutenomegravene lieacutee agrave lrsquoactiviteacute humaine qui geacutenegravere de la valeur ajouteacutee modifie notre perception des frontiegraveres de lrsquoentreprise En

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effet pour lui laquo lrsquoentrepreneur est un agent eacuteconomique dont la fonction est drsquoexeacutecuter de nouvelles combinaisons (innovations) et il est lrsquoeacuteleacutement actif de cette exeacutecutionraquo Les textes de Schumpeter deacutecrivant lrsquoentrepreneur apparaissent drsquoune eacutetonnante moderniteacute Lrsquoentrepreneur eacutetant lui aussi laquoemployeacute deacutependant drsquoune socieacuteteacuteraquo annonce la notion drsquointrapreneur En citant lrsquoexemple des speacutecialistes il dissocie lrsquointrapreneuriat de lrsquoorganisation elle-mecircme et traduit la notion de travail indeacutependant Lrsquoesprit drsquoentreprise selon Schumpeter (2004 reacuteeacuted) se deacutefinit comme la capaciteacute drsquoaller seul de lrsquoavant en consideacuterant que la seacutecuriteacute et la reacutesistance ne sont pas de reacuteels arguments contraires agrave la deacutecision et agrave lrsquoaction Il srsquoagit du goucirct du risque Dans une deuxiegraveme deacutecouverte cet auteur affirme lrsquoeacutevidente restructuration permanente des laquoeacuteleacutements de productionraquo ougrave lrsquoinnovation creacutee la demande et alimente la croissance Sont donc entrepreneurs laquo les personnes qui entrent en action pour donner de nouvelles formes agrave des exploitations industrielles et commercialesraquo En conseacutequence elles nrsquoont aucune relation durable et fermeacutee avec une exploitation preacutecise et notamment isoleacutee De mecircme la proprieacuteteacute des actifs neacutecessaires agrave lrsquoexploitation nrsquoest pas un signe indispensable agrave lrsquoaction drsquoentreprendre Nous le voyons laquoporteacuteraquo ou non par une structure distincte pour la mise en forme de leurs revenus salariaux un entrepreneur peut entrer en action dans une ou plusieurs structures pour exeacutecuter de nouvelles combinaisons de production qursquoil soit stabiliseacute ou non (emploi agrave dureacutee deacutetermineacutee ou non) qursquoil soit ou non proprieacutetaire des moyens Par contre il ne peut agir seul et isoleacute puisqursquoil participe agrave lrsquoexeacutecution de nouvelles combinaisons de creacuteation de valeur Ses qualiteacutes sont reacutesumeacutees ainsi il est

- capable de reconnaicirctre des opportuniteacutes inaccessibles agrave la majoriteacute de leurs contemporains et agrave prendre les bonnes deacutecisions (Steve JobsApple Bill GatesMicrosoft Serge KampfCap-Gemini) Ce concept est deacuteveloppeacute par BQuinodon (2003) et AFayolle (2004)

- capable drsquoinnover et drsquoidentifier des opportuniteacutes dans un environnement donneacute de nouvelles combinaisons de facteurs de production (Schumpeter) drsquoinnovation et creacuteativiteacute (Drucker 1984 Stevenson 1990 Danjou 2004)

- capable de concreacutetiser des choix lrsquoentrepreneur est un coordinateur de ressources (Stevenson Jarillo Gumpert 1985 Bygrave Hofer 1991)

Dans cette perspective le manager se borne agrave deacutefinir des indicateurs efficaces et affeacuterents aux ressources humaines Il srsquoagit souvent du salaire et de ses diffeacuterentes formes La propension aux comportements opportunistes latente chez les parties en preacutesence se deacuteploie en raison

de conflits drsquointeacuterecircts entre des individus obligeacutes de coopeacuterer mais qui tendanciellement deacuteploient des strateacutegies au service de leur propre satisfaction de lrsquoheacuteteacuterodoxie ambiante agrave propos du choix des reacutegulateurs institutionnels de comportements performants

En effet le fonctionnement de lrsquoeacuteconomie ne repose pas sur des principes reacuteveacuteleacutes Lrsquoeacuteconomie de marcheacute est censeacutee reacuteguler les activiteacutes humaines agrave la lumiegravere de principes de coheacuterence qui semblent avoir eacuteteacute oublieacutes Par exemples les conceptions classiques de lrsquoeacuteconomie ont exalteacute les avantages du libre-eacutechange Mais les adeptes du commerce international (cf Ricardo) en fixaient les regravegles drsquoencadrement institutionnel En effet

ils postulaient une mobiliteacute des produits et non pas des ressources (Capital hommes techniques) Ces derniegraveres devaient pour lrsquoessentiel circuler au sein drsquoensemble politiquement constitueacutes (ex lrsquoUnion Europeacuteenne) ils preacuteconisaient lrsquoouverture entre des ensembles homogegravenes crsquoest-agrave-dire entre eacuteconomies concurrentes et non pas compleacutementaires

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ils recommandaient la creacuteation drsquoune monnaie internationale et un systegraveme de changes fixes

Dans ce contexte drsquoadjudication reacuteguliegravere agrave la baisse de la valeur du travail (Castagnos Le Berre 2003) qui ose encore pronostiquer une reacuteconciliation prochaine de la performance eacuteconomique et sociale des entreprises si lon ne revient pas sur la description des attentes et inteacuterecircts donc de la reacutetribution du partenaire social Lrsquoeacutetude drsquoAllouche Charpentier et Guillot (2003) deacutesigne aussi les salaires comme une bonne variable drsquoaction Les reacutemuneacuterations ont et nrsquoont pas drsquoinfluence sur la performance sauf srsquoil srsquoagit de lrsquoactionnariat salarieacute Ce point de vue est confirmeacute avec certaines preacutecautions par Raad (2004) De surcroicirct la firme assimile aux moyens preacuteceacutedemment citeacutes la liaison inteacuterecirct du salarieacute satisfaction du salarieacute Ainsi un reacutegime de participation aux beacuteneacutefices (RPB) est geacuteneacuteralement installeacute sous condition preacutealable que lrsquoentreprise soit financiegraverement saine Tant mieux si lrsquoinstallation de ce RPB provoque au surplus une augmentation de performance Il nrsquoempecircche que dans cette conception la motivation est perccedilue comme un moyen drsquoaction relevant drsquoune logique instrumentale Les dispositifs de type inteacuteressement des personnels aux beacuteneacutefices les systegravemes de boicirctes de salaires la flexibiliteacute des horaires de travail illustrent les pratiques meacutediatrices dont le but est de lisser ou drsquoatteacutenuer les inteacuterecircts antagoniques en preacutesence La difficulteacute drsquoallier la performance eacuteconomique et sociale reacuteside ailleurs Degraves lors qursquoil srsquoagit de reacutesoudre une crise de pratiquer des choix sous contraintes les deacutecisions sont souvent prises en deacutefaveur des RH Lrsquoentreprise est-elle fautive Rien nrsquoest moins sucircr On constate souvent que lrsquoentreprise deacutecide geacuteneacuteralement de sa politique salariale au regard de la seule correacutelation objective aptitude - performance et ignore la seconde qui est subjective (inteacuterecircts du salarieacute - satisfaction du salarieacute) Certes une perception aussi dichotomique peut sembler manicheacuteenne voire repreacutesentative drsquoune divergence drsquointeacuterecircts irreacutemeacutediables Cependant la synthegravese est possible notamment par le concept de reacutetribution neacutegocieacutee (JC Castagnos M Le Berre 2000 et 2001) Conclusion La distinction forte que fait le droit du travail entre le controcircle du reacutesultat du travail et le controcircle du travail qui est censeacutee tracer la frontiegravere entre le contrat commercial et le contrat de travail devient teacutenue Le contrat de travail est agrave linteacuterieur de lorganisation le contrat commercial est agrave lexteacuterieur A linteacuterieur le controcircle et la subordination constituent lessence de la relation La liberteacute de neacutegocier suppose une certaine exteacuterioriteacute Voilagrave ce qui change dans cette relation si passionnelle et qui devrait constituer cette nouvelle effectiviteacute de la relation drsquoemploi Le refus de lrsquoappropriation priveacutee du savoir et de certains biens culturels la contestation de lrsquoeacutechange marchand des connaissances consideacutereacutees comme bien collectif deacuteboucheraient sur une eacuteconomie du don (cf certaines pratiques reacutealiseacutees sur le Web) sans doute utopique et peu propice agrave la creacuteation de valeur En effet quand le savoir (knowledge) devient la principale force productive tout ce qui touche agrave la production agrave lrsquoorientation agrave la division du savoir devient un enjeu de pouvoir pour la socieacuteteacute La question de la proprieacuteteacute priveacutee ou publique de lusage payant ou gratuit des moyens daccegraves au savoir devient un enjeu central Ougrave se trouve donc lrsquoavantage distinctif et motivant propre agrave chaque salarieacute

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Si lrsquoentreprise est un laquo artefact raquo ou une repreacutesentation de lrsquoaction collective il nous appartient de savoir si ce nouvel holisme moderne doit supplanter lindividualisme meacutethodologique ou lavantage dune approche constructiviste des relations demploi A notre avis agrave lrsquoinstar des trois histoires de Fernand Braudel (continentales rythmeacutees et eacuteveacutenementielles) le management devra certifier par segmentation la reconnaissance de la performance des salarieacutes et des reacutesultats attendus par chaque partenaire BIBLIOGRAPHIE Alis D Poilpot-Rocaboy G (2000) Impacts de lrsquoameacutenagement et de la reacuteduction du temps de travail sur les politiques de reacutemuneacuteration vers un accroissement de la flexibiliteacute in Peretti et Roussel Les reacutemuneacuterations politiques et pratiques pour les anneacutees 2000 Ed Vuibert p 199-213

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LE CONCEPT DrsquoINTERACTIVITE COGNITIVE ILLUSTRATION PAR LA CONSTRUCTION DU CONCEPT DE LOYAUTE PROFESSIONNELLE Vincent CRISTALLINI Maicirctre de Confeacuterences en Sciences de Gestion agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 Membre de lrsquoISEOR

Introduction Cette communication vise agrave expliciter le double mouvement de production et drsquoameacutelioration des connaissances qui srsquoopegravere dans lrsquointeractiviteacute cognitive entre un intervenant chercheur et les acteurs drsquoune organisation au cours drsquoune recherche-intervention Les eacutechanges drsquoinformations structureacutees (sous forme de concepts meacutethodes outils notamment) du chercheur vers les acteurs sont porteurs drsquoinformations en retour reacuteactions commentaires changementshellip qui sont drsquoune part significatives quant agrave lrsquoeacutetat de lrsquoobjet de recherche drsquoautre part porteuses de connaissances plus geacuteneacuterales sur le fonctionnement des organisations Lrsquoinformation nouvelle introduite dans lrsquoorganisation joue en quelques sortes un rocircle de reacuteveacutelation de pheacutenomegravenes preacutesents dans la reacutealiteacute des acteurs mais mal appreacutehendeacutes dans le sens ougrave ils nrsquoen sont pas pleinement conscients Ces pheacutenomegravenes signifiants ne portent pas de nom bien deacutetermineacute ne sont pas reacuteellement mesureacutes et ne font pas lrsquoobjet drsquoune attention drsquoune surveillance ou drsquoactions correctives deacutecisives particuliegraveres de la part des acteurs Une fois expliciteacutes sous forme de concepts ces pheacutenomegravenes entrent en reacutesonance avec les acteurs

qui alimentent la creacuteation la validation et la preacutecision des concepts en tant que grilles de lecture pertinentes et qui fournissent de lrsquoinformation sur ses manifestations concregravetes en tant que base de faits

Afin de bien expliciter le principe drsquointeractiviteacute cognitive nous partons drsquoun cas drsquoeacutemergence drsquoune connaissance nouvelle plus particuliegraverement celle du concept de loyauteacute professionnelle Nous montrons comment ce concept eacutemerge germe avant de devenir une connaissance geacuteneacuterique solide La loyauteacute professionnelle permet de mesurer la coheacuterence la coheacutesion et lrsquoefficaciteacute drsquoune eacutequipe Elle explique en partie la qualiteacute de mise en œuvre drsquoune strateacutegie Elle srsquoobserve se mesure se caracteacuterise dans nrsquoimporte quel type drsquoorganisation Elle peut mecircme ecirctre auditeacutee Lrsquointroduction de ce concept a des effets non neacutegligeables sur le fonctionnement des eacutequipes et les performances drsquoune organisation La premiegravere partie de cette communication permet de faire deacutecouvrir au lecteur le concept drsquointeractiviteacute cognitive La deuxiegraveme partie explique comment srsquoest construit le concept de loyauteacute professionnelle par interactiviteacute cognitive entre lrsquointervenant chercheur et les acteurs des organisations

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1 La production de connaissances par interactiviteacute cognitive Le concept drsquointeractiviteacute cognitive est un des meacutecanismes feacuteconds de production de connaissances au cours drsquoune recherche-intervention Il srsquoagit drsquoun processus de production de connaissances drsquointention scientifique dans lequel lrsquointervenant chercheur est partenaire dans lrsquoaction et coproducteur de connaissances avec le terrain dans le but de formuler des regravegles de connaissance nouvelles ou plus preacuteciseacutement des connaissances structureacutees sous forme de regravegles Il srsquoagit de mener des expeacuterimentations sur et avec lrsquoobjet de la recherche La connaissance naicirct dans des liens intersubjectifs et sociaux crsquoest une forme de savoir eacutelaboreacute dans lrsquointeraction sociale Lrsquointeraction entre le chercheur et les acteurs de lrsquoorganisation est cultiveacutee Chacun agrave son tour fournit aux autres une repreacutesentation du fonctionnement de lrsquoentreprise Les connaissances sont produites par un processus qui prend la forme de cycles de consolidation de faits qui valident invalident ou modifient des hypothegraveses Le chercheur part drsquoun questionnement large et sans grille a priori il pose quelques hypothegraveses explicites agrave partir drsquoun reacutefeacuterentiel souple constitueacute drsquoune base de connaissances drsquoune base de regravegles (de type sihellip alors) drsquoune base de faits Lrsquointervenant-chercheur axe plus particuliegraverement ses observations sur la recherche de lrsquoimplicite Degraves qursquoun ensemble de faits ou de pheacutenomegravenes qui paraicirct signifiant est deacutetecteacute cela induit une recherche drsquoexplications puis de preacuteconisations Le processus srsquoappuie sur des iteacuterations successives boucleacutees Une premiegravere seacuterie drsquoobservations est meneacutee puis drsquoautres investigations sont opeacutereacutees sur le mecircme espace organisationnel selon la logique suivante une collecte drsquoinformations stimulation des acteurs par preacutesentation de reacutesultats intermeacutediaires nouvelle collecte drsquoinformations et ainsi de suitehellip Il srsquoagit donc drsquoune recherche drsquoimpacts de stimulation des comportements drsquointeacutegration des informations et de stimulation drsquoactes deacutecisifs Afin de garantir la qualiteacute des informations qursquoil collecte et leur traduction sous forme de connaissances valides le chercheur applique des principes de rigueur scientifique Le premier consiste agrave alterner lrsquoimmersion et la distanciation avec le terrain notamment en jouant sur une alternance des lieux Le deuxiegraveme principe est que le chercheur neacutegocie une position strateacutegique pour observer au cœur de lrsquoorganisation et au plus pregraves des pheacutenomegravenes intimes qui font la vie de cette organisation Le troisiegraveme est drsquoacceacuteder agrave toutes les cateacutegories drsquoacteurs Enfin les acteurs sont associeacutes agrave la mise en œuvre des pratiques de validation et drsquoeacutevaluation des connaissances notamment par des discussions contradictoires Lrsquointeractiviteacute cognitive est au final une technologie permettant de produire une connaissance communicable et partageable par drsquoautres acteurs image nouvelle mais reconnaissable par les acteurs qui srsquoappuie sur une forme drsquoadoption de lrsquointervenant chercheur par les acteurs

2 La construction drsquoun concept la loyauteacute professionnelle Cette partie montre qursquoun concept se forge par un processus global drsquoaccumulation affinage de connaissances A partir de lrsquoeacutemergence drsquoun questionnement et drsquoune probleacutematique observeacutee sur le terrain lrsquointervenant-chercheur eacutelabore un concept de plus en plus riche Un concept peut ensuite ecirctre exporteacute pour aider la recherche transformative sur drsquoautres terrains

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Enfin une connaissance structureacutee geacutenegravere aussi sa propre incompleacutetude dans le sens ougrave elle conduit le chercheur agrave deacutecouvrir des pheacutenomegravenes nouveaux

21 Un processus global drsquoobservation et drsquoaccumulation-affinage des connaissances La recherche-intervention comporte une double logique drsquoobservation et de manipulation de lrsquoobjet de recherche fondeacutee sur lrsquoextraction et lrsquointroduction drsquoinformations sur et dans lrsquoorganisation Partant de situations concregravetes lrsquointervenant-chercheur fait eacutemerger des pheacutenomegravenes signifiants qursquoil classe conceptualise modeacutelise Cette eacutelaboration des connaissances srsquoappuie sur une meacutethode rigoureuse de description drsquoexplication et de prescription relative aux pheacutenomegravenes observeacutes Cette meacutethode est tregraves comparable agrave celle des biologistes qui investiguent la jungle amazonienne Ils varient les postes drsquoobservation tant il est difficile drsquoacceacuteder agrave certaines zones tout en sachant qursquoils vont deacutecouvrir une eacutenorme varieacuteteacute drsquoespegraveces drsquointeractions Ils savent eacutegalement que la connaissance actuelle de ce milieu est infime compareacutee agrave la richesse supposeacutee de ce milieu Dans tous les cas degraves que des observations nouvelles ont conduit agrave expliciter certains pheacutenomegravenes les interventions suivantes srsquoenrichissent de la connaissance acquise Ce processus global drsquoaccumulation et drsquoaffinage des connaissances est scheacutematiseacute figure 1

Figure 1 Un processus global drsquoaccumulation et drsquoaffinage des connaissances

Extraction

Classification Conceptualisation

Modeacutelisation Situations concregravetes

Pheacutenomegravenes signifiants

Description Explication Prescription

Connaissance

Intervention

Observation

22 Emergence du questionnement qui preacutefigure le concept de loyauteacute

professionnelle Ecarts entre intentions et reacutealisations strateacutegiques Au cours de toutes les recherches-interventions meneacutees sur des terrains varieacutes apparaicirct systeacutematiquement une probleacutematique veacutecue par les dirigeants et cadres celle de lrsquoeacutecart entre des intentions strateacutegiques formuleacutees ou afficheacutees et des reacutealisations effectivement constateacutees Le caractegravere systeacutematique et les effets particuliegraverement importants de ce pheacutenomegravene notamment sur les performances de lrsquoorganisation lui confegraverent un reacuteel caractegravere signifiant

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qui entraicircne une vigilance accrue du chercheur drsquoougrave proviennent les eacutecarts entre les intentions strateacutegiques et les reacutealisations

Figure 2 Emergence drsquoune probleacutematique signifiante

Intentions strateacutegiques

Actions meneacutees

Ecarts Provenance

des eacutecarts

De nombreuses hypothegraveses peuvent degraves lors ecirctre formuleacutees quant agrave la provenance des eacutecarts Il peut y avoir une trop forte ambition strateacutegique de lrsquoentreprise Ce peut ecirctre un manque de moyens par rapport aux objectifs fixeacutes Il a pu y avoir des aleacuteas ou des eacuteveacutenements externes agrave lrsquoentreprise au cours de la peacuteriode Ecarts opeacuterationnels et eacutecarts politiques Les diffeacuterentes recherches interventions meneacutees dans les entreprises permettent de dresser une liste une classification de nombreux pheacutenomegravenes qui viennent entraver la qualiteacute de la mise en œuvre strateacutegique Cette classification confirme une certaine contingence des freins agrave la reacuteussite strateacutegique Neacuteanmoins il se deacutegage des observations que certains eacutecarts seraient plutocirct naturels tandis que drsquoautres seraient plutocirct lieacutes agrave lrsquointroduction de lrsquohomme dans la boucle En effet tous les eacutecarts de reacutealisation lieacutes agrave lrsquoincertitude agrave lrsquoimperfection aux erreurs ne sont que le reflet de la vie et sont aussi traditionnellement la matiegravere premiegravere des gestionnaires et hommes drsquoorganisations Ces eacutecarts dits opeacuterationnels ne preacutesentent pas de caractegravere tel qursquoils surprennent le chercheur en sciences de gestion Depuis longtemps maintenant une maxime reacutesume cette probleacutematique geacuterer crsquoest preacutevoir Les eacutecarts opeacuterationnels tomberaient presque dans la normaliteacute ou le non eacuteveacutenement Concernant les eacutecarts lieacutes aux hommes ils meacuteritent une attention toute particuliegravere car ils semblent moins bien pris en compte dans la gestion des entreprises Lrsquoobservation rapprocheacutee du fonctionnement des eacutequipes montre que certains eacutecarts sont plutocirct drsquoordre politique Certains flux de deacutecisions et de mise en œuvre ne tiennent pas compte des deacutesaccords cacheacutes non exprimeacutes par certains acteurs Ce type drsquoeacutecarts est une sorte de chaicircnon manquant car ils permettent de comprendre certains eacutecarts parfaitement inexplicables drsquoun point de vue opeacuterationnel

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Figure 3 Deacutetection drsquoun sous-ensemble de faits signifiants les eacutecarts politiques

Ecarts de mise en œuvre

strateacutegique

Opeacuterationnels Naturels

incertitude

Politiques Pourquoi

Une focalisation des observations sur les eacutecarts politiques dans les organisations a permis de mieux comprendre leur caractegravere eacuteminemment dialectique En effet les eacutecarts de mise en œuvre strateacutegique peuvent provenir des oppositions suivantes par exemple

De personnes deacutevoueacutees et cordiales mais qui srsquoeacutechappent sur les sujets essentiels De personnes jugeacutees tregraves compeacutetentes mais qui font preuve drsquoautonomisme De personnes qui semblent ecirctre drsquoaccord mais qui ne le sont pas en reacutealiteacute De personnes qui preacutefegraverent la bonne ambiance agrave lrsquoefficaciteacutehellip

Caracteacuteriser et mesurer la loyauteacute professionnelle Au final il se deacutegage des investigations de recherche que la qualiteacute de mise en œuvre drsquoune strateacutegie deacutepend aussi fortement de la qualiteacute de fonctionnement drsquoune eacutequipe et drsquoune certaine eacutethique de la qualiteacute des relations professionnelles entre ses membres Comme en matiegravere de recherche scientifique la qualiteacute de fonctionnement drsquoune eacutequipe suppose que lrsquoimplicite soit expliciteacute Lrsquoadheacutesion drsquoun acteur et la qualiteacute de son comportement ne peuvent pas ecirctre reacutealistement confineacutes au domaine de lrsquoimplicite Il convient degraves lors de donner un nom au pheacutenomegravene signifiant qui explique la coheacuterence et la coheacutesion politiques au sein drsquoune eacutequipe la loyauteacute professionnelle La loyauteacute professionnelle peut ecirctre modeacuteliseacutee agrave partir de postulats drsquoune deacutefinition de critegraveres de mesure Des postulats La loyauteacute professionnelle consiste agrave admettre que le fonctionnement drsquoune organisation est hieacuterarchiseacute avec la possibiliteacute pour certains acteurs drsquoarbitrer compte tenu de leur position hieacuterarchique Lrsquoautoriteacute absolue nrsquoexiste pas compte tenu de la possibiliteacute de freinage des acteurs que leur confegravere leur pouvoir informel La qualiteacute de mise en œuvre drsquoune strateacutegie deacutepend fortement de la confrontation explicite des acteurs et non de leurs deacutesaccords implicites dans lesquels les uns ont lrsquoimpression drsquoecirctre obeacuteis et les autres lrsquoimpression qursquoils doivent se taire

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Une deacutefinition claire La loyauteacute professionnelle consiste agrave exprimer son deacutesaccord en un temps et un lieu opportuns pour lever des malentendus entre des personnes ou de neacutegocier des conditions de reacutealisation drsquoune action afin drsquoameacuteliorer la qualiteacute de mise en œuvre de cette action dans le cadre des droits et des obligations de chacun Un instrument de mesure avec des regravegles du type laquo crsquoest chaque fois quehellip raquo La loyauteacute professionnelle peut se mesurer au travers de quatre critegraveres

Une personne megravene sa propre strateacutegie fait ce qui lrsquoarrange Une personne nrsquoexprime pas son deacutesaccord en temps et en heure Une personne ne se concerte pas a priori sur des sujets importants Une personne ne fait pas remonter des informations sensibles

Ces quatre critegraveres sont le reflet de strateacutegies cacheacutees qui conduisent une personne agrave se couper du lien hieacuterarchique et donc de la neacutecessaire autoriteacute politique qui lui est attacheacutee Lorsque de maniegravere reacutepeacutetitive et signifiante lrsquoun ou plusieurs de ces critegraveres est activeacute par le comportement drsquoune personne on parle de deacuteloyauteacute professionnelle Cette derniegravere a pour effet systeacutematique de mettre en difficulteacute le responsable hieacuterarchique puisque par deacutefinition celui-ci ne deacutecouvrira les strateacutegies cacheacutees implicites qursquoau travers des accidents et conseacutequences qursquoelles provoquent Ainsi ce nrsquoest pas le deacutesaccord en tant que tel qui entrave la qualiteacute de vie drsquoune eacutequipe mais la meacuteconnaissance et le non traitement des deacutesaccords Comme nous venons de le voir le concept de loyauteacute professionnelle deacutecouvert dans et par les entreprises a une reacuteelle consistance Il peut alors ecirctre apporteacute introduit dans des eacutequipes afin drsquoen ameacuteliorer le fonctionnement

23 Introduire le concept de loyauteacute professionnelle dans une eacutequipe La prudence du chercheur face agrave lrsquoobjet La loyauteacute professionnelle nrsquoest pas un concept quelconque et anodin Son contenu est interpellant Lrsquointroduction drsquoun tel concept est neacutecessairement peacutedagogique afin de tester et de respecter le degreacute drsquoacceptation des acteurs Nos observations sur les terrains nous ont montreacute des reacuteactions quasi-systeacutematiques de curiositeacute intellectuelle mecircleacutee agrave de la gecircne de la part des acteurs En effet ce concept joue tout agrave la fois un rocircle de miroir et de conscientisation La deacuteloyauteacute professionnelle ce nrsquoest pas agreacuteable et pourtant cela existe Les acteurs le pressentent bien et en souffrent souvent sans pour autant savoir nommer le mal et le traiter La sur-validation par les acteurs Une fois la phase de gecircne passeacutee on constate lrsquoadoption du concept par les acteurs comme une sorte de reacuteveacutelation drsquoun veacutecu expeacuterientiel Ils disent freacutequemment qursquoils ressentaient intuitivement le pheacutenomegravene sans avoir jamais clairement eacuteteacute capable de le nommer et de le deacutecrire Il relevait reacutesolument de lrsquoimplicite

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Cette adoption du concept est tregraves productive drsquoinformations compleacutementaires pour le chercheur Les acteurs partent agrave la recherche de situations concregravetes permettant de valider le concept et les expriment Il est extrecircmement inteacuteressant de constater agrave ce stade que les acteurs livrent spontaneacutement et explicitement des cas agrave lrsquointervenant-chercheur sans qursquoil ait besoin lui-mecircme de deacutecoder des discours implicites sous lrsquoangle de ce reacutefeacuterentiel de loyauteacute professionnelle Crsquoest dans ce sens que nous parlons de sur-validation par les acteurs qui adoptent le concept et le font vivre avec moins de prudence que lrsquointervenant-chercheur Lrsquointeacutegration dans le vocabulaire et les pratiques de management Lrsquoadoption du concept par les acteurs est source drsquoinformations nouvelles mais eacutegalement de changement de pratiques La recherche-intervention tient alors sa promesse de transformation des situations de gestion La nouvelle capaciteacute pour les acteurs agrave nommer caracteacuteriser et mesurer la loyauteacute professionnelle change radicalement leurs relations Lorsqursquoun pheacutenomegravene a eacuteteacute clairement expliciteacute on ne peut pas faire comme srsquoil nrsquoexistait pas Crsquoest ainsi que des situations de deacuteloyauteacute professionnelle naturelles se voient plus souvent prises en compte et traiteacutees

24 Lrsquoeacutemergence drsquoune forme laquo nouvelle raquo et deacutelicate de deacuteloyauteacute professionnelle Nous avons vu plus haut que la deacuteloyauteacute professionnelle avait pour effet systeacutematique de mettre en difficulteacute le responsable hieacuterarchique puisqursquoil ne la deacutecouvre qursquoau travers des accidents et conseacutequences qursquoelle induit Les iteacuterations de longue dureacutee que nous menons au sujet de ce concept ont un rocircle de validation-affinage de la connaissance acquise Nous avons constateacute que toutes les eacutequipes sont sujettes agrave ce pheacutenomegravene plus ou moins gravement certes mais systeacutematiquement Crsquoest en soi un reacutesultat Cependant notre reacutefeacuterentiel de la loyauteacute professionnelle srsquoappuie fortement sur lrsquointentionnaliteacute et le courage des acteurs Or il eacutemerge de nos observations reacutecentes une nouvelle forme de deacuteloyauteacute professionnelle dans laquelle on peut supposer qursquoil y a absence drsquointentionnaliteacute de la personne Cette forme ne nous est pas encore totalement connue Elle srsquoexprime comme le manque de pertinence des reacutepliques le manque de sens politique les maladresses orales eacutecrites les erreurs diplomatiques les rateacutes protocolaireshellip Nous appelons provisoirement cette forme lrsquoincompeacutetence situationnelle Cette forme de deacuteloyauteacute nous paraicirct drsquoessence psychanalytique et elle semble assez irreacutepressible laquo Crsquoest plus fort que les acteurs raquo Ils font rater des opeacuterations ou deacutegradent une image de marque sans vraiment le vouloir Il ne srsquoagit pas de manques de compeacutetences agrave proprement parler puisque les personnes peuvent tregraves bien reacutealiser les opeacuterations qui leur sont confieacutees au sens technique mais degraves que des dimensions comportementales de rapports aux autres apparaissent les personnes deacuterapent soit par couardise soit par excegraves de vaniteacute Nous poursuivons les investigations pour mieux comprendre ce pheacutenomegravene au contact des acteurs ce qui signifie que la connaissance reste agrave parachever

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Conclusion Lrsquointeractiviteacute cognitive est un moyen feacutecond de geacuteneacuterer des connaissances nouvelles en approchant des meacutecanismes intimes de fonctionnement des organisations Cette relation entre le chercheur et les acteurs des organisations permet agrave la fois drsquoameacuteliorer la connaissance sur les organisations et drsquoaider celles-ci agrave ameacuteliorer leurs performances Le concept de loyauteacute professionnelle qui illustre ce papier montre bien agrave quel point il serait difficile drsquoinventer un tel concept sans un contact rapprocheacute avec lrsquoobjet de recherche BIBLIOGRAPHIE David A La recherche-intervention cadre geacuteneacuteral pour la recherche en management in David A Hatchuel A Laufer R (Coord) Les nouvelles fondations des sciences de gestion Paris Vuibert 2000 p 193-211

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LrsquoINFLUENCE DES IDEOLOGIES DANS LE DEVELOPPEMENT DE LA RSE Guillaume DELALIEUX1 Doctorant en sciences de gestion ndash IAE de Lille ndash Membre du GRAPHE et du LABORES

Reacutesumeacute Lrsquoeacutetendue de la notion de Responsabiliteacute Sociale de lrsquoEntreprise agrave la fois en terme de theacutematiques qursquoelle recoupe mais aussi en terme de pratiques qursquoelle geacutenegravere est telle qursquoelle est utiliseacutee de faccedilons diverses et parfois contradictoires En sciences de gestion tout particuliegraverement du fait de lrsquoinfluence des lieux communs dans les ideacuteologies manageacuteriales et eacuteconomiques il faut se meacutefier des concepts ou notions qui tendent agrave porter en eux lrsquoideacutee de progregraves drsquoameacutelioration de lrsquoefficience Les deacutebats autour de la notion de RSE agrave la fois dans le domaine acadeacutemique mais aussi sur la place publique traduisent lrsquoengouement autour drsquoune notion qui agrave deacutefaut de posseacuteder une deacutefinition preacutecise reacuteussi agrave reacuteunir de multiples acteurs ou parties prenantes autour de ce cette notion Les travaux universitaires en sciences de gestion sur le sujet mobilisent des theacuteories diverses pour essayer drsquoappreacutehender au mieux la nature du pheacutenomegravene Ces contradictions geacutenegraverent un risque de confusion drsquoutilisation maladroite voire mecircme drsquoinstrumentalisation au service drsquoacteurs dont les intentions et inteacuterecircts ne sont pas forceacutement congruents aux valeurs de laquo la philosophie raquo sous-jacente agrave la RSE en supposant lrsquouniciteacute de celle-ci Face agrave une telle complexiteacute le rocircle du chercheur en sciences de gestion est de la simplifier sans tomber dans les travers du reacuteductionnisme reacuteduisant lrsquoactiviteacute intentionnelle agrave un comportement conditionneacute Simplifier la reacutealiteacute neacutecessite de revenir aux fondements de la notion et drsquoanalyser son eacutevolution sur le plan conceptuel afin de la clarifier Le but de cet article est apregraves avoir briegravevement retraceacute lrsquoorigine de la notion de RSE de reacutealiser un panorama non exhaustif des diffeacuterentes theacuteories rencontreacutees jusqursquoici par lrsquoauteur dans sa revue de litteacuterature en sciences de gestion et theacuteorie des organisations sur le sujet Introduction La notion de responsabiliteacute sociale des entreprises (RSE) nrsquoa plus rien agrave envier en matiegravere de notorieacuteteacute agrave celle de deacuteveloppement durable A tel point drsquoailleurs qursquoelle semble partager avec le deacuteveloppement durable son caractegravere ambigu Les qualificatifs ne manquent pas agrave son eacutegard concept vague flou seacutemantique ambiguiumlteacute lexicale concept ombrelle laquoondoyante et proteacuteiformeraquo sont autant drsquoexpressions senseacutees deacutecrire lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute agrave la fois des discours omnipreacutesents sur la RSE et des pratiques plus eacuteparses Homonyme aristoteacutelicien la RSE devient un lieu drsquoaffrontement

1 LABORES ndash ICL 60 bd vauban 59000 LILLE CLAREE ndash IAE de Lille 104 avenue du peuple belge 59000 LILLE Teacuteleacutephone 0662336699 E-mail guillaumedelalieuxclublemondefr

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Au niveau theacuteorique sur les valeurs qursquoelle est senseacutee incarner Au niveau pratique sur les modaliteacutes drsquoimpleacutementation en instruments de gestion

La particulariteacute du laquo concept ombrelle raquo est drsquoabriter en son sein des revendications varieacutees et parfois totalement contradictoires Les exemples de concepts ombrelles ne manquent pas le principe de preacutecaution (Ewald 2001) en est un exemple reacutecent les droits de lrsquohomme (Gauchet 2002) en sont un autre Ce dernier illustre les diffeacuterences radicales existant entre drsquoun cocircteacute une conception a minima et de lrsquoautre maximaliste de la notion La RSE est une notion qui nrsquoest pas stabiliseacutee et qui fait lrsquoobjet drsquoune construction progressive au centre de poleacutemiques ougrave des forces opposeacutees srsquoattachent agrave faire valoir une deacutefinition particuliegravere de la notion suite agrave un affrontement sur les valeurs Elle vise agrave resituer les responsabiliteacutes de lrsquoentreprise (compris comme un ensemble drsquointeacuterecircts particuliers ou collectifs) vis-agrave-vis de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Crsquoest ainsi que Capron (2004) explique le relatif scepticisme drsquoune frange de lrsquoopinion publique franccedilaise et plus largement de pays agrave tradition drsquointerventionnisme eacutetatique quant agrave la capaciteacute de prise en compte de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral par lrsquoentreprise fonction jusqursquoici deacutevolue agrave lrsquoeacutetat A lrsquoinverse dans les pays agrave tradition politique libeacuterale le scepticisme est moins de rigueur concernant la capaciteacute des acteurs priveacutes agrave prendre en charge lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Situeacutee au carrefour des inteacuterecircts particuliers collectifs et geacuteneacuteral la RSE est donc lrsquoobjet de deacutebats ideacuteologiques sur la leacutegitimiteacute du concept et ses modaliteacutes pratiques drsquoimpleacutementation Essayer dans un premier temps drsquoidentifier les ideacuteologies agrave lrsquoœuvre dans le deacuteveloppement de la RSE a pour but de permettre une meilleure interpreacutetation agrave mecircme de saisir les significations que les acteurs en preacutesence attachent agrave la reacutealiteacute sociale leurs motivations leurs intentions Apregraves avoir deacutefini la notion drsquoideacuteologie puis eacuteclairci les fondements ideacuteologiques de la notion de RSE un bref examen de diffeacuterentes theacuteories des organisation les mieux agrave mecircme drsquoanalyser lrsquoideacuteologie de la RSE en sciences de gestion sera dresseacute

1 Ideacuteologie La profusion des discours sur la notion de RSE est telle que la notion finit par devenir un lieu commun Or les lieux communs sont les lieux mecircmes de laquo lrsquoexpression drsquoune ideacuteologie raquo (Heilbrunn 2004)

11 Deacutefinitions Une des premiegraveres deacutefinitions de lrsquoideacuteologie concept forgeacute en par Destutt de Tracy a eacuteteacute deacutefini comme laquo un systegraveme drsquoideacutees et de jugements explicites et geacuteneacuteralement organiseacutees qui sert agrave deacutecrire expliquer interpreacuteter ou justifier la situation drsquoun groupe ou drsquoune collectiviteacute et qui srsquoinspirant largement de valeurs propose une orientation preacutecise agrave lrsquoaction de ce groupe dans lrsquoHistoire raquo Lrsquoideacuteologie fait appel agrave la dimension des laquo comportements psychologiquesraquo et srsquoinscrit dans un processus collectif qui ne peut exister que dans une socieacuteteacute de masse laquo Elle se veut ainsi drsquoabord science de la construction des ideacutees de leurs conditions de naissance et drsquoeacutevolution (des perceptions aux ideacutees abstraites) agrave leurs lois drsquoorganisation [hellip] il srsquoagit de percer le secret des ideacutees et de reacuteveacuteler ainsi la deacutemarche de la penseacutee juste raquo (Dortier 2004) La critique marxiste la deacutefinit comme laquo lrsquoensemble des repreacutesentations des ideacuteaux et des valeurs propres agrave une classe ou un groupe social raquo (Dortier 2004) En poussant la critique et dans une conception plus foucaldienne de rapport entre savoir et pouvoir lrsquoideacuteologie est consideacutereacutee

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comme lrsquoexpression des esprits dominants empecircchant certaines theacuteories ou expeacuterimentations de progresser (Foucault 1994) Dans son acception la plus peacutejorative lrsquoideacuteologie est consideacutereacutee comme une vision fausse de la reacutealiteacute elle deacuteforme la reacutealiteacute et aliegravene laquo La fibre ideacuteologique repose sur les passions et cherche agrave mobiliser les sentiments drsquoamour et de haine raquo pour P Ansart tandis que pour Raymond Boudon elle reacutesulte drsquoune penseacutee raisonnable mais non infaillible (Dortier 2004) Dans le domaine politique lrsquoideacuteologie srsquoeacutepanouit pleinement et devient lrsquoinstrument central dans la constitution drsquoun mouvement

12 Ideacuteologie en sciences sociales En sciences sociales lrsquoideacuteologie se doit drsquoecirctre deacutemasqueacutee laquo Les sciences sociales permettent une action du vivant sur le vivant Les paradigmes des sciences sociales ne sont pas neutres en terme de pouvoir Ils ne peuvent donc pas envisager lrsquoisolement de des conditions de lrsquousage du pouvoir de leur champ drsquoapplication Le risque drsquoune telle leacutegitimation est qursquoelle deacutegeacutenegravere en dogme cest-agrave-dire qursquoelle se colore drsquoeacutethique ou de moraliteacute Il existe une tregraves notable diffeacuterence entre lrsquoaction drsquoun pouvoir srsquoexerccedilant par lrsquointermeacutediaire drsquoune politique qui agrave son tour se leacutegitime par un paradigme et drsquoautre part lrsquoideacuteologie qui est lrsquoutilisation consciente drsquoune repreacutesentation pour leacutegitimer lrsquousage de ce pouvoir et assurer sa peacuterenniteacute raquo (Cotta Calvet 2005) Le but drsquoune recherche en sciences sociales est donc sur le plan de lrsquoeacutepisteacutemologie de distinguer la theacuteorie de lrsquoideacuteologie reacuteduisant ainsi lrsquoimpact des ideacuteologies afin de permettre agrave la science de produire des connaissances valides et mobilisables Quel(s) type(s) de connaissances les sciences de gestion peuvent-elles produire Quel est lrsquoimpact des ideacuteologies sous-jacentes aux diffeacuterentes approches de la RSE en gestion sur la nature des connaissances produites et mobilisables

13 Ideacuteologie et sciences de gestion Le deacuteveloppement des travaux de recherche en science de gestion sur la theacutematique de la RSE peut amener le chercheur agrave se questionner sur la pertinence de ses propres recherches dans une deacutemarche reacuteflexive Un tel questionnement permet de positionner la porteacutee des travaux face agrave la complexiteacute neacutee de lrsquoenchevecirctrement des pratiques inter et intra organisationnelles sans aller jusqursquoagrave se demander le but ou lrsquoutiliteacute des connaissances produites en gestion dans le domaine de la RSE questionnement qui agrave la fois postulerait une deacutemarche teacuteleacuteologique et induirait des questions drsquointeacuterecircts de connaissances La theacutematique de la RSE agrave lrsquointerface du priveacute et du public confronte les inteacuterecircts des principaux acteurs institutionnels de la socieacuteteacute qursquoils soient drsquoordre politiques corporatistes scientifiques ou religieux Deacutefinir et circonscrire le peacuterimegravetre agrave lrsquointeacuterieur duquel les entreprises peuvent exercer leurs strateacutegies concurrentielles cad reacuteguler en quelque sorte les pratiques des acteurs de lrsquoeacuteconomie a successivement eacuteteacute lrsquoapanage pour ne pas dire le monopole des mythes des religions du droit puis de la science La mondialisation de lrsquoeacuteconomie modifie les sphegraveres de compeacutetence entre eacuteconomie politique eacutethique et les structures preacuteceacutedemment eacutetablies pour reacuteguler ces pratiques Quels sont le rocircle et la place que les sciences de gestion se doivent de prendre dans ce domaine De nombreuses deacutefinitions de la gestion tentant de circonscrire le peacuterimegravetre drsquoaction et lrsquoobjet drsquoeacutetude des sciences de gestion coexistent Une deacutefinition semble toutefois rassembler un relatif consensus autour de la probleacutematique de lrsquoaction collective (Hatchuel 2002) Cependant entre meacutetaphysique de lrsquoaction collective et theacuteorie axiomatique ou geacuteneacutealogique de celle-ci il existe tout un monde Pour Hatchuel les

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entreprises ne survivent que parce qursquoelles sont capables (volontairement ou par neacutecessiteacute) de renouveler leurs principes de gestion ce qui en theacuteorie systeacutemique reprend le principe de preacuteservation que poursuit neacutecessairement tout systegraveme La theacuteorie axiomatique de lrsquoaction collective se distingue de la meacutetaphysique en cela qursquoelle remet en cause tout fondement naturel ou principe totalisateur tel que le profit ou la strateacutegie par exemple (mais encore pourquoi pas le deacuteveloppement durable) Lrsquoouverture de la gestion agrave ces theacuteories axiomatiques doit permettre drsquoinclure les valeurs eacutemancipatrices du temps preacutesent neacutecessaire agrave leur survie cest-agrave-dire pour le reformuler autrement au risque de deacuteformer le penseacutee de lrsquoauteur laquo drsquoendogeacuteneacuteiser la critique raquo (Boltanski Chiapello 1999) Lrsquoaction collective qui se pose alors comme objet des sciences de gestion amegravene drsquoautres notions comme la rationalisation des moyens drsquoaction afin drsquoatteindre lrsquoefficaciteacute et la performance sanctionneacutees par le profit Une analyse historique de ces notions selon Hatchuel (2002) toujours illustre la contingence socio-historique de ces notions Sans pousser ici plus loin des travaux drsquoanalyse seacutemiologiques ou linguistiques sur ces notions on peut toutefois remarquer que lrsquoaction collective neacutecessite un certain nombre de conventions autour desquelles un relatif consensus eacutemerge afin de permettre lrsquoaction collective ce que Laufer (2002) appelle laquo rheacutetorique de lrsquoaction collective raquo Cette rheacutetorique de lrsquoaction collective deacutefinit la gestion de la maniegravere suivante laquo geacuterer crsquoest leacutegitimer cad produire une argumentation susceptible de rendre le management de lrsquoentreprise acceptable par toutes les parties prenantes raquo Cette approche de la gestion est drsquoautant plus inteacuteressante que pour reprendre les analyse de Boltanski Chiapello (1999) les organisations contemporaines ont besoin laquo drsquoune rheacutetorique produisant les eacuteleacutements agrave mecircme de motiver ou plutocirct de mobiliser les acteurs de lrsquoorganisation et en phase avec les besoins reacutesultants des nouveaux modes drsquoorganisation raquo La RSE peut-elle srsquointerpreacuteter agrave partir de cette deacutefinition comme une rheacutetorique de plus au service de la leacutegitimation de lrsquoaction collective

2 La notion de Responsabiliteacute Sociale des Entreprises La notion de Responsabiliteacute Sociale des Entreprises est comme tous les termes issus du recoupement des pratiques discursives chargeacutee des diffeacuterents contenus seacutemantiques reacutesultant agrave la fois de lrsquointentionnaliteacute des acteurs qui mobilisent la notion mais aussi de lrsquointerpreacutetation de la notion qui est faite par le processus de compreacutehension des acteurs Exception faite de certains neacuteologismes ne reprenant aucune notion preacuteceacutedemment utiliseacutee un mot est toujours chargeacute de significations accumuleacutees au cours du temps Sans deacutevelopper ici de maniegravere plus approfondie des analyses de type seacutemiologique ou philosophique sur les notions de responsabiliteacute (Ewald 1999) de social et drsquoentreprise il est neacutecessaire de srsquoarrecircter briegravevement sur les fondements de la notion afin de resituer le contexte des deacutebats contemporains sur la RSE

21 Histoire et gestion laquo Crsquoest un pheacutenomegravene geacuteneacuteral dans lrsquohistoire des socieacuteteacutes qursquoune mecircme revendication- crsquoest ce qui fait sa force- soit supporteacutee par des inteacuterecircts pluriels et srsquoinscrive dans des perspectives agrave lrsquointeacuterieur des quelles elle a une signification propre distincte des autres raquo (Madjaran 1991) Si les travaux de type historiques sont de plus en plus nombreux en gestion (Godelier 2000) histoire de la gestion et gestion de lrsquohistoire sous la simpliciteacute de la formule illustrent les enjeux drsquoune telle deacutemarche Lrsquohistoire en gestion (des outils et pratiques de gestion) doit ainsi laquo contribuer agrave reacuteveacuteler et eacuteclairer la complexiteacute du reacuteel Elle permet de lutter contre une

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certaine naiumlveteacute manageacuteriale qui consiste agrave affirmer une fois sans limite dans la capaciteacute des outils agrave changer le reacuteel et les acteurs raquo laquo [hellip] le retour vers le passeacute montre que la reacuteussite deacutepend certes du charisme ou de la maicirctrise des dirigeants mais surtout de leur capaciteacute agrave rendre possible la collaboration entre des acteurs souvent divergents dans leurs attentes comme dans leur strateacutegie individuelle et collectiveraquo (Godelier 2000) La question de lrsquoorigine et du fondement drsquoune notion en geacuteneacuteral et de celle de la RSE en particulier est souvent controverseacutee La question de lrsquoorigine ne se pose qursquoagrave partir drsquoun certain seuil ou pallier de notorieacuteteacute franchie Autrefois leacutegitimeacutee par les mythes puis les religions crsquoest aujourdrsquohui la science qui se doit de trancher la question des fondements ou de lrsquoorigine senseacutee constituer laquo le socle ou les fondations dont la stabiliteacute doivent assurer le deacuteveloppement des ideacutees raquo (Dortier 2004) Retracer a posteriori lrsquoorigine drsquoune notion nrsquoest pas chose facile et requiert une meacutethodologie de recherche approprieacutee le plus souvent longitudinal qui reste lrsquoapanage des historiens Lrsquoimmensiteacute du champ des eacuteveacutenements dont naicirct la liberteacute des historiens rend neacutecessaire une laquo preacutecompreacutehension historique globale raquo (Habermas 1987) afin de preacutetendre agrave lrsquointerpreacutetation drsquoune situation drsquoensemble Essayer de deacutefinir les responsabiliteacutes sociales de lrsquoentreprise cest-agrave-dire en quelque sorte le type de responsabiliteacute que se doivent drsquoassumer les entreprises nous amegravene sur le terrain de plusieurs disciplines des sciences humaines Les probleacutematiques agrave lrsquointerface du priveacute et du public ont toujours eacuteteacute lrsquoobjet de deacutebats de socieacuteteacute impliquant par lagrave mecircme diverses disciplines allant de la politique dans la mesure ou ceux-ci concernent lrsquoorganisation de la laquo citeacute raquo en passant par lrsquoeacuteconomie le droit (tracer les frontiegraveres entre droit et morale) et plus reacutecemment la gestion Preacutetendre que la notion de RSE est un pheacutenomegravene nouveau sur le plan theacuteorique au moins relegraveverait donc drsquoun manque de discernement qui en srsquoeacutemancipant du contexte historique reviendrait agrave laquo se soumettre agrave lrsquoimmanence de lrsquoordre existant raquo (Habermas 1987) Une deacutemarche de type historique pour situer la recherche en sciences de gestion permettrait donc drsquoeacuteviter ce biais

22 Origine de la RSE Les origines de la RSE en France sont drsquoabord drsquoorigine ideacuteologique (Capron Beaujolin 2005) avant de srsquoenraciner dans une pratique Une analyse historique du contexte institutionnel franccedilais au niveau des rapports entre politique et eacuteconomique le montre (Capron Beaujolin 2005) Comment ne pas interpreacuteter alors en dehors de la sphegravere ideacuteologique les diffeacuterents courants en gestion qui tentent de faire le parallegravele entre RSE et la notion dont elle est agrave deacutefaut de partager les ideacutees la traduction litteacuterale la Corporate Social Responsibility

221 Corporate Social Responsibility La question de lrsquoorigine de la CSR a deacutejagrave eacuteteacute abondamment traiteacutee On citera agrave titre de reacutefeacuterences les travaux principaux de Frederick (1994) Carroll (1999) et Davis (1973) Certains font remonter lrsquoorigine de la notion agrave lrsquoouvrage de Berle et Means (1932) laquo The modern corporation and private property raquo (Frederick 1994) questionnant les reacutepercussions du transfert du pouvoir conseacutecutif agrave la seacuteparation entre drsquoune part les proprieacutetaires de lrsquoentreprise et de lrsquoautre ses dirigeants Drsquoautres (Carroll 1999) attribuent la paterniteacute du concept agrave Bowen (1953) qui marque le deacutebut de lrsquoegravere moderne de la CSR et dont les eacutecrits tranchent avec les notions parfois

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qualifieacutees de preacutehistoriques de la CSR que Bearle amp Means (1932) ou encore Barnard (1938) avaient pu deacutevelopper auparavant Le caractegravere quasi naturel de la notion de CSR dans le contexte historique institutionnel ameacutericain peut provenir de lrsquoideacuteologie du libeacuteralisme politique et eacuteconomique La philosophie politique du libeacuteralisme circonscrit le traitement de la question du social agrave la sphegravere de lrsquoinitiative personnelle tout en reconnaissant le rocircle de lrsquoeacutetat agrave inciter agrave ce comportement de la part des acteurs priveacutes (Ewald 1999) Cette philosophie tend agrave instituer de fait la leacutegitimiteacute de la notion de responsabiliteacute sociale en tant que politique volontariste drsquoexercice de ses responsabiliteacutes morales Contextualiseacute au niveau corporate le rocircle de lrsquoeacutetat est donc drsquoinciter les comportements socialement responsables et ainsi de garantir lrsquoexercice de ce droit Si la question des origines semble faire lrsquoobjet drsquoun relatif consensus celui de la leacutegitimiteacute de la notion suscite moins de controverses agrave lrsquoexception notable de la contribution de Jones MT (1996) qui effectue une critique post-moderne radicale de la CSR faisant le lien avec les critiques acadeacutemiques franccedilaises identiques et plus nombreuses La notion de CSR semble donc avoir une histoire et une tradition bien ancreacutee aux E-U Sans revenir sur les eacutecrits de Tocqueville sur La deacutemocratie en Ameacuterique deacutecrivant les speacutecificiteacutes institutionnelles de lrsquoeacutepoque et pour beaucoup encore valables aujourdrsquohui il est inteacuteressant de se demander comment appliquer cette notion au contexte institutionnel franccedilais et agrave une plus large eacutechelle en Europe Lrsquoexistence drsquoun lien entre la corporate social responsibility (CSR) et le deacuteveloppement de la RSE en Europe et plus particuliegraverement en France neacutecessite de srsquoarrecircter sur lrsquoeacutemergence historique de la notion de RSE afin de deacutegager le cas eacutecheacuteant des similariteacutes Le contexte socio-historique franccedilais est speacutecifique et diffegravere en bien des points de celui des Etats-Unis

23 Du Paternalisme agrave la RSE en France Il est deacutelicat de preacutetendre ici agrave un travail historique drsquoanalyse longitudinal sur lrsquoeacutevolution des preacuteoccupations sur les relations entreprise - socieacuteteacute qui est lrsquoapanage des historiens Neacuteanmoins occulter cette eacutetape ferait courir le risque drsquoune soumission aveugle agrave laquo lrsquoimmanence de lrsquoordre existant raquo (Habermas 1987) Il est possible de deacutegager un ensemble de preacuteoccupations sur le sujet qui ont structureacute la reacuteflexion en France sur la question tels les travaux reacutecents de Capron Beaujolin (2005) qui reconnaissent lrsquoorigine ideacuteologique du concept en France pousseacute par quelques firmes pionniegraveres plutocirct que deacutecoulant drsquoun enjeu de marcheacute Sans remonter jusqursquoagrave lrsquoeacutepoque gallo-romaine et les conseacutequences de lrsquointroduction du droit romain sur la notion de responsabiliteacute on peut logiquement fixer la borne chronologique de deacutepart de lrsquoanalyse agrave lrsquoeacutemergence progressive des entreprises en France agrave savoir la fin du XIXegraveme siegravecle (Godelier 2000) Le deacuteveloppement du paternalisme au 19egraveme siegravecle (Ballet De Bry 2002) semble partager des similitudes avec la RSE contemporaine tant sur le plan de la controverse des motivations que sur celui du deacutebat des partisans et opposants Le paternalisme ou patronage pour reprendre son origine eacutetymologique a accompagneacute de maniegravere ambivalente agrave la fois une volonteacute de preacuteserver le capitalisme face agrave la monteacutee du socialisme et du syndicalisme en mecircme temps qursquoune reacuteelle volonteacute de la part de certains patrons drsquoameacutelioration des conditions de vie de leurs salarieacutes Le deacuteveloppement du paternalisme srsquoest donc deacuterouleacute comme la doctrine du libeacuteralisme le preacutevoyait agrave savoir agrave lrsquoinitiative de patrons innovateurs agrave lrsquoeacutepoque en matiegravere de protection sociale avant que ces pratiques de protection sociale ne soient reprises progressivement par lrsquoEtat puis la seacutecuriteacute sociale fondant par lagrave mecircme la leacutegitimiteacute de lrsquoideacuteologie du socialisme (Baudrillard 1985)

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Les eacuteveacutenements de 1960 ont sembleacute marquer la reacuteforme de lrsquoentreprise avec une reacuteflexion plus globale sur les conseacutequences de son activiteacute sur la socieacuteteacute crsquoest la naissance du Bilan Social en France (1977) Lrsquoentreprise citoyenne fait son apparition dans les anneacutees 80 tandis que lrsquooffre drsquoeacutethique ressurgit agrave la fin des anneacutees 1980 et le deacutebut des anneacutees 1990 (Salmon 2002) Pour (Leacutepineux 2003) deux modes drsquointerpreacutetation ou ideacuteologies concernant lrsquoeacutemergence de la RSE srsquoopposent

une approche orthodoxe dinspiration anglo-saxonne une approche socieacutetale dinspiration franccedilaise drsquoinspiration culturaliste

Tenter de fonder la notion de RSE en France sur celle de CSR aux E-U semble ainsi relever de la sphegravere ideacuteologique (Capron Beaujolin 2005) alimentant par lagrave mecircme les craintes de certains politiques assimilant la RSE agrave un cheval de Troie accompagnant la mondialisation eacuteconomique pour leacutegitimer la centraliteacute de lrsquoentreprise au sein du contexte institutionnel

3 Lrsquoideacuteologie de la RSE et theacuteorie des organisations Au niveau de la mise en place drsquoinstruments de gestion quelles seront la fonction et lrsquoutiliteacute des diffeacuterents outils de gestion deacuteveloppeacutes jusqursquoici dans le champ de la RSE

certification labellisation o codes de conduite o audit et reporting social o initiative dialogue social (multi stakeholder) o Investissement Socialement Responsable

En gestion comme Festinger (Koenig 2002) lrsquoa montreacute les reacuteponses agrave des dissonances cognitives peuvent ecirctre multiples

Cesser les pratiques remises en cause Deacutenier toute valeur aux argumentations scientifiques remettant en cause ces pratiques Adapter sa philosophie de vie pour continuer

Lrsquoinstrumentation de gestion a-t-elle alors pour but de reacuteduire lrsquoeacutequivociteacute informationnelle dans le domaine de la RSE en creacuteant du sens pour les acteurs en leur permettant une prise sur le reacuteel Ou bien encore le type drsquoinformations produites par lrsquoinstrumentation de gestion de la RSE a-t-il pour but de permettre une laquo action audacieuse et enthousiaste raquo jugeacutee bien plus laquo adeacutequate que la recherche drsquoune repreacutesentation qui pour ecirctre preacutecise ne peut ecirctre qursquoobsolegravete raquo (Koenig 2002)

31 Forces et faiblesses de la diversiteacute Ce flou conceptuel de la RSE a pour avantage principal drsquooffrir un cadre suffisamment large et vaste pour permettre de reacuteunir autour de cette notion les inteacuterecircts et revendications des diffeacuterentes parties prenantes Crsquoest le propre du langage que de proceacuteder par tacirctonnements et essais afin de construire par recoupement des notions autour desquelles un relatif consensus eacutemerge Cette proprieacuteteacute que lrsquoon qualifiera ici de caractegravere reacutegulateur a pour principal avantage drsquoinitier la neacutegociation aucune neacutegociation ne serait en effet possible sans lrsquoexistence de termes suffisamment flous et ambigus pour abriter les inteacuterecircts divergents de chacun et permettre ainsi de dissimuler des intentions parfois fondamentalement opposeacutees Le concept de RSE est donc un homonyme au sens drsquoAristote il nrsquoaboie pas plus que celui du chien pour reprendre les termes de Spinoza mais il a le meacuterite de permettre un relatif consensus autour de certaines theacutematiques ce qursquoauparavant drsquoautres notions comme lrsquoentreprise citoyenne ou lrsquoeacutethique des affaires nrsquoavaient pas reacuteussi agrave faire La charge

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seacutemantique de telles notions nrsquoest eacutevidemment pas le seul paramegravetre explicatif du pheacutenomegravene de deacuteveloppement ou de deacuteclin de ce processus mais il constitue une piste parmi drsquoautres Ainsi lrsquoextrecircme diversiteacute des thegravemes que peuvent recouvrir la RSE qualifieacutees par certains de concept creux permet en fait agrave chaque partie prenante drsquointeacutegrer ses inteacuterecircts propres et revendications agrave lrsquointeacuterieur de la notion de RSE La varieacuteteacute de ces diffeacuterents courants illustre parfaitement drsquoune part la complexiteacute des relations entre diffeacuterents acteurs reacuteunis au sein de lrsquoactiviteacute organisationnelle collective et drsquoautre part la diversiteacute des motivations et valeurs qui sous tendent cette activiteacute Ces diffeacuterentes conceptions de la notion de RSE sont autant de courants opposeacutes qui srsquoattachent agrave faire preacutevaloir leur conception propre de la notion la faccedilon de poser le problegraveme de deacutelimiter les frontiegraveres et de cerner les enjeux Cependant lrsquoeacutequivociteacute de la notion de RSE aboutit parfois agrave des situations paradoxales2 drsquoentreprises autoproclameacutees responsables faisant lrsquoeacuteloge des droits de lrsquohomme tout en interdisant les syndicats et toute forme drsquoexpression collective Il est en effet difficile vu lrsquoeacutetendue de la notion de se preacutetendre socialement responsable ou labelliseacute RSE par quelque organisme que ce soit et preacutetendre satisfaire simultaneacutement les attentes de chaque partie prenante Ainsi les deacutebats divergences drsquoapproche de compreacutehension de contextualisation et de theacuteorisation ne manquent pas Les theacuteories mobiliseacutees pour appreacutehender en sciences de gestion lrsquoeacutemergence de la RSE sont diverses et ne permettent pas toutes drsquoatteindre le mecircme degreacute drsquoappreacutehension du deacuteveloppement de lrsquoinstrumentation de la RSE Diffeacuterentes theacuteories parfois issues de lrsquoeacuteconomie (reacutegulation) ou de la biologie (eacutevolutionnisme) ont eacuteteacute mobiliseacutees sur le domaine naissant du courant de la RSE en gestion

Post-moderne Theacuteorie de la reacutegulation approche neacuteo - institutionnelle Conventionnaliste Evolutionniste Approche RBV

La question principale est ici de deacutegager le cadre theacuteorique le plus adapteacute agrave une analyse de lrsquoinfluence des ideacuteologies dans la contextualisation de la RSE et le deacuteveloppement de lrsquoinstrumentation de gestion Critique de type post-moderne critique du grand discours de la raison occidentale Jones (1996) deacutenonce lrsquoideacuteologie de la RSE qui pour lui srsquoenracine dans celle de son ancecirctre le plus proche le manageacuterialisme (Le Goff 1995) La croyance qursquoune classe de managers creacuteeacutes par le deacuteveloppement institutionnel deacutecrit par Bearle amp means (1932) servirait de maniegravere bienveillante les inteacuterecircts de la socieacuteteacute Sous cet angle la CSR est une ideacuteologie leacutegitimant le statu quo socieacutetal en perpeacutetuant une vision essentiellement fonctionnaliste de la socieacuteteacute Au niveau manageacuterial lrsquoaction ne peut se concevoir qursquoagrave lrsquointeacuterieur de frontiegraveres dont les limites sont traceacutees par la rationaliteacute eacuteconomique dominante Pour reprendre les analyses de Foucault le discours sur la CSR contribue agrave renforcer lrsquoheacutegeacutemonie ideacuteologique dans laquelle les arrangements institutionnels contemporains sont deacutecrits comme servant lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral alors qursquoils ne servent en fait que les inteacuterecircts drsquoune minoriteacute Une telle analyse du sujet amegravene agrave la conclusion suivante empiriquement et theacuteoriquement la seule voie plausible pour la RSE est de proposer une force de pression externe exerccedilant des contre pressions (parties prenantes) incitant et obligeant les entreprises agrave agir de maniegravere socialement plus responsable 2 Triomphe C-E laquo Responsabiliteacutes sociales raquo in Le Monde suppleacutement eacuteconomie 300305

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Approche reacutegulationniste Issue des sciences eacuteconomiques le cadre theacuteorique de la reacutegulation a cependant eacuteteacute utiliseacute en sciences de gestion notamment pour analyser la contextualisation de la deacutemarche qualiteacute au sein drsquoune entreprise industrielle (Rousseau 1997) Cette approche reprend en grande partie les analyses de la critique post-moderne de la RSE Elle deacutenonce la preacutepondeacuterance des acteurs institutionnels de lrsquoeacuteconomie dans le domaine de la reacuteglementation et de la leacutegislation environnementale et sociale ainsi que sa capaciteacute drsquoimposer par des jeux institutionnels des regravegles du jeu nrsquoincluant pas forceacutement lrsquointeacuterecirct de leurs parties prenantes dans son sens le plus large Les normes sociales et environnementales se retrouvent alors par le truchement de la concurrence reacuteduites agrave de simples variables drsquoajustement des manœuvres strateacutegiques des entreprises Lrsquoinstrumentation de la RSE au sein des sciences de gestion peut alors srsquointerpreacuteter comme la reacuteponse agrave cette remise en cause le rocircle de la RSE eacutetant de deacutefinir ou de circonscrire la laquo marge de toleacuterance agrave lrsquointeacuterieur de laquelle les valeurs theacuteoriques drsquoun systegraveme social peuvent varier sans que son existence soit mise en danger raquo (Habermas 1982) Lrsquoinstrumentation de la RSE peut alors srsquointerpreacuteter comme agrave la fois mettant en scegravene et donnant sens agrave la RSE tout en eacutetant porteur des ideacuteologies utilitaristes dominantes dans le systegraveme social actuel Approche neacuteo-institutionnelle Dans le prolongement des travaux de Di Maggio Powell (1983) Oliver (1991) Meyer amp Rowan (1977) la theacuteorie neacuteo-institutionnelle subordonne la compreacutehension des organisations agrave lrsquoeacutetude des relations entre organisations et agrave lrsquoinfluence de leur environnement social Selon Meyer amp Rowan (1977) certaines pratiques adopteacutees par les organisations suivent un laquo ceacutereacutemoniel raquo indeacutependamment de lrsquoutiliteacute intrinsegraveque de ces pratiques pour lrsquoorganisation La socieacuteteacute institutionnalise en quelque sorte certaines pratiques en leur confeacuterant une symbolique proche du mythe Le mythe est drsquoautant plus renforceacute que lrsquoadoption des pratiques dans les formes nrsquoest pas toujours suivie de changements des pratiques dans la reacutealiteacute (Powell amp DiMaggio 1983) Lrsquoapproche neacuteo-institutionnelle srsquointeacuteresse agrave lrsquoinfluence du contexte institutionnel sur lrsquoadoption de pratiques ou drsquoarchitecture institutionnelle que cette adoption soit contrainte ou choisie Les entreprises adoptent les structures que les institutions exigent drsquoelles afin drsquoaccroicirctre leur leacutegitimiteacute institutionnelle et leur pouvoir La multiplication de deacutepartement deacuteveloppement durable ou RSE au sein des entreprises semble reacutepondre en partie agrave cette logique de quecircte de leacutegitimiteacute Lrsquointeacuterecirct de la theacuteorie reacuteside dans le risque de deacutecalage existant entre adoption formelle au sein drsquoun organigramme et pratique reacuteelle qui peuvent parfois diverger de maniegravere notoire Conventionnaliste Lrsquoapproche conventionnelle deacutecrite plus comme un mouvement drsquoideacutees qursquoune theacuteorie unifieacutee (Rojot 2003) deacutefinit la neacutecessiteacute de lrsquoexistence de conventions entre les acteurs drsquoune organisation commune afin de permettre lrsquoaction collective La RSE en tant qursquoinstrument de gestion doit permettre une meilleure deacutefinition de reacutefeacuterentiels communs permettant la coopeacuteration en reacuteglant les comportements des systegravemes de valeurs des regravegles de conduite explicites ou implicites des conventions Ces conventions reposent sur diffeacuterents modes de leacutegitimiteacute (Boltanski Chiapello 1999) aux fondements philosophiques Le deacuteveloppement de la RSE pourrait srsquointerpreacuteter dans un cadre conventionnaliste comme un ensemble de pratiques favorisant lrsquoeacutemergence de laquo contractualisation ex post dans le sens tregraves particulier que lui donne le philosophe D Lewis

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agrave savoir reacutegulariteacute de comportement permettant une coordination entre les individus sans qursquoil y ait pourtant drsquoagreacutement explicite raquo Evolutionniste Approche RBV Ecologie des populations approche par les ressources et theacuteorie eacutevolutionniste ont ceci en commun lrsquoenvironnement joue un rocircle deacuteterminant dans la conduite des organisations Seul le niveau drsquoanalyse diffegravere communauteacute de population (approche macro eacutevolutionniste) population drsquoorganisations (eacutecologie des populations) ressources des organisations (RBV) Les ideacutees de la theacuteorie eacutevolutionniste en sciences de la nature ont eacuteteacute reprises et appliqueacutees en sciences de gestion Lrsquoapproche orthodoxe (neacuteo classique) ne reacuteussissant pas agrave appreacutehender de maniegravere satisfaisante lrsquoeacutevolution du progregraves et de la technique au sein des firmes qursquoelle deacutecrit comme un processus continu et reacutegulier alors que des travaux empiriques illustrent son caractegravere discontinu et par grappes Nelson et Winter (Ibert 2002) deacutecident alors de reconstruire une theacuteorie en se basant sur la rationaliteacute limiteacutee de Simon et la theacuteorie de lrsquoinnovation Le niveau drsquoanalyse qui va ecirctre privileacutegieacute est celui des routines organisationnelles (semblables aux conventions) qui vont deacuteterminer le comportement de la firme en fonction de variables externes multiples (conditions de marcheacute principalement) agrave travers le processus de recherche drsquoinnovations et de seacutelection de lrsquoenvironnement Sans rentrer dans les subtiliteacutes de la theacuteorie eacutevolutionniste en distinguant les contributions de Darwin Lamarck et Spencer (Heilbrunn 2004) la performance organisationnelle sera donc deacutetermineacutee par la capaciteacute des organisations agrave deacutetenir les routines organisationnelles requises pour passer la seacutelection imposeacutee par lrsquoenvironnement Appliqueacute agrave la RSE si lrsquoexigence de labellisation sociale comportements socialement responsables des entreprises de la part des consommateurs des pouvoirs publics (de lrsquoenvironnement en geacuteneacuteral) venait agrave srsquointensifier seules les organisations ayant deacutevelopper les routines organisationnelles neacutecessaires survivraient et passeraient le cap de la seacutelection imposeacutee par lrsquoenvironnement Conclusion En sciences de gestion tout particuliegraverement du fait de lrsquoinfluence des lieux communs dans les ideacuteologies manageacuteriales et eacuteconomiques il faut se meacutefier des concepts ou notions qui tendent agrave porter en eux lrsquoideacutee de progregraves drsquoameacutelioration de lrsquoefficience La RSE agrave lrsquointerface du priveacute et du public se situe dans cette cateacutegorie Elle suscite craintes et inteacuterecircts de la part des multiples acteurs concerneacutes craintes drsquoune frange du politique devant le deacuteveloppement de ce qui est assimileacute agrave une forme de neacuteo-paternalisme visant agrave endogeacuteneacuteiser des pans importants du traitement du social tacircche jusqursquoici confeacutereacutee agrave lrsquoEtat dans le contexte historique et institutionnel franccedilais Le deacuteveloppement de la RSE irait donc de ce point de vue de pair avec lrsquoaffaiblissement du rocircle de lrsquoEtat signant le coup de gracircce drsquoun processus amorceacute par la globalisation de lrsquoeacuteconomie La situation actuelle deacutement pour lrsquoinstant une telle situation (Capron Beaujolin 2005) lrsquointeacuterecirct du grand public et des consommateurs franccedilais drsquoune deacutemarche visant agrave confeacuterer aux entreprises une partie de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral tarde agrave se formaliser Ce deacutesinteacuterecirct est peut ecirctre la cause ou lrsquoeffet drsquoun eacutecart grandissant entre pratiques et discours autour de la RSE Les analyses de Nils Brunsson (Koenig 2002) qui distingue deux sphegraveres agrave lrsquointeacuterieur des organisations sont sur ce point sont riches drsquoenseignement la sphegravere ideacuteologique a pour fonction de reacutepondre aux exigences contradictoires de lrsquoenvironnement tandis que la sphegravere de lrsquoaction permet de reacutepondre concregravetement aux exigences de lrsquoenvironnement

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Le but de cet article eacutetait drsquoune part de simplifier la complexiteacute de la reacutealiteacute autour du deacuteveloppement de la notion de RSE et drsquoautre part de mieux comprendre la construction ou lrsquoeacutemergence de ces laquo nouvelles raquo reacutealiteacutes afin de permettre un regard critique sur la faccedilon dont nous formulons nos objets de recherche nous libeacuterant ainsi drsquoun certain nombre de croyances et de preacutejugeacutes sur la faccedilon dont les organisations fonctionnent Cette eacutetape devrait donc permettre un positionnement eacutepisteacutemologique et une meacutethodologie de recherche essayant de tenir compte drsquoune part des biais ideacuteologiques souligneacutes ici et drsquoautres part des preacuteoccupations normatives que le chercheur ne peut se permettre drsquoinclure dans une recherche en sciences de gestion BIBLIOGRAPHIE Baudrillard J (1985) ldquoLa gauche divinerdquo

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COMMENT ENRICHIR LA CONSTRUCTION DrsquoUN AUDIT SOCIAL DANS LA DYNAMIQUE DE LA RSE Jean DE PERSON Enseignant-Chercheur en Sciences de Gestion agrave lrsquoUniversiteacute drsquoOrleacuteans Consultant en management Ida BRACQUEMOND Consultante en management Chargeacutee drsquoenseignements agrave lrsquoUniversiteacute drsquoOrleacuteans

Reacutesumeacute La deacutetermination des critegraveres figurant dans leacutelaboration de lAudit Social puis dans sa mise agrave jour ndash ainsi que en continu dans son interpreacutetation requiegraverent un diagnostic (preacutealable puis en termes de suivi) du management de lentreprise Ce diagnostic a pour objet dinterpreacuteter et deacutevaluer les pratiques de management (maniegraveres de faire) qui permettent ou non la dynamique du teacutetraegravedre interactif de la RSE Cette probleacutematique de management est la cleacute des symptocircmes quappreacutehende lAudit Social Introduction La Responsabiliteacute Socieacutetale de lEntreprise (communeacutement appeleacutee Responsabiliteacute Sociale) implique la deacutefinition dun Bien Commun auquel lentreprise puisse se reacutefeacuterer Cest ce Bien Commun qui oriente au sens quasi-magneacutetique du terme les performances eacuteconomique sociale et environnementale rechercheacutees La deacutefinition du Bien Commun donne sens agrave ces performances cest agrave dire pour utiliser la polyseacutemie du mot indique agrave la fois leur raison decirctre et dans quelle direction les deacutevelopper Cest lengagement vers ce Bien Commun qui permet linteraction entre ces trois types de performances

1 Le deacuteveloppement de la RSE modifie lrsquoobjectif de lrsquoAudit Social Aujourdhui dans la vision la plus traditionnelle lentreprise a vocation de deacutevelopper sa strateacutegie dans la sphegravere eacuteconomique quil sagisse dune strateacutegie de croissance de peacuterenniteacute ou de profit agrave court terme ses finaliteacutes se fondent sur la production de biens et services doteacutes dune valeur eacuteconomique La theacuteorie du marcheacute dans son expression la plus rigoureuse deacutesigne le profit comme lobjectif que le responsable doit de toutes faccedilons atteindre Lapparition du concept de Responsabiliteacute Sociale de lEntreprise encore ineacutegalement admis il est vrai eacutelargit le champ et le complexifie en deacutefinissant un Bien Commun qui deacutepasse le simple domaine eacuteconomique

11 La conception classique en eacuteconomie de marcheacute Pour les eacuteconomistes libeacuteraux nul besoin de sinterroger sur le Bien Commun il est atteint de toutes faccedilons par lopeacuteration de la main invisible Rappelons tregraves scheacutematiquement leur discours

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Pourvu que lentreprise se preacuteoccupe de faire un maximum de profit (en eacutegalisant la productiviteacute marginale en valeur de ses facteurs de production) et ne se preacuteoccupe surtout de rien dautre pourvu que le consommateur se charge de maximiser sa satisfaction individuelle (en eacutegalisant ses utiliteacutes marginales pondeacutereacutees) le marcheacute supposeacute de concurrence pure et parfaite amegravene agrave une situation optimale Il est de la responsabiliteacute des Institutions de faire en sorte que les conditions dune telle forme de concurrence soient reacuteunies Le marcheacute a des regravegles que les Institutions se doivent de faire respecter La responsabiliteacute de lentrepreneur se cantonne agrave reacutealiser une bonne gestion Nul besoin quil se soucie dune quelconque autre dimension En parfaite orthodoxie il est mecircme souhaitable quil ne le fasse pas Concernant lenvironnement socieacutetal constitueacute par lensemble des meacutenages cest agrave chaque consommateur de maximiser son bien-ecirctre en optimisant sa consommation Quant agrave la responsabiliteacute de lentreprise vis agrave vis de lenvironnement naturel elle peut se reacutesoudre dans un systegraveme qui la contraigne agrave payer les preacutelegravevements et les niusances quelle fait (par exemple les pollueurs seront les payeurshellip) Concernant la responsabiliteacute sociale en termes demployabiliteacute cest au salarieacute lui-mecircme de prendre la deacutecision dinvestir (la theacuteorie du capital humain sous sa forme premiegravere suggegravere quil finance sa formation) Toute ingeacuterence de lentreprise hors de ses activiteacutes de gestion pure creacuteerait forceacutement des distorsions Le danger de ces deacuterapages est illustreacute dans la Fable des abeilles de Bernard de Mandeville vouloir introduire la vertu dans une ruche - prospegravere aussi longtemps que chaque abeille fondait ses comportements sur son inteacuterecirct personnel cest aller au deacutesastre Private vices public benefits La responsabiliteacute de chaque acteur (entreprise consommateurhellip) reacuteside dans son inteacuterecirct personnel Dans ce scheacutema on peut mecircme constater que le Bien Commun - quil est inutile de deacutefinir est confondu avec linteacuterecirct geacuteneacuteral - qui se reacutealise tout seul Ce nest pas que laudit soit priveacute de ses fonctionsbien au contraire Une des conditions du bon fonctionnement dun marcheacute de concurrence est notamment sa transparence Un audit financier peut eacuteclairer les actionnaires dans leurs deacutecisions Un audit en matiegravere de GRH peut donner des information preacutecieuses sur la pyramide des acircges et sur les problegravemes qui peuvent se poser agrave moyen terme en matiegravere de compeacutetences Mais ces diffeacuterents types daudits peuvent ecirctre reacutealiseacutes seacutepareacutement ils donnent des information utiles sur des facettes distinctes de lentreprise

12 Le teacutetraegravedre interactif de la RSE Dans la perspective dun Bien Commun explicitement deacutefini la performance eacuteconomique nest pas nimporte quelle performance eacuteconomique non plus que les performances sociale et environnementale ne peuvent ecirctre nimporte quelles performances sociale ou environnementale Ces performances sont telles quelles doivent se conjuguer se conforter mutuellement Bien loin quelles soient rivales elles doivent sentraicircner lune lautre Il y a quelque chose de volontariste de construit dans la penseacutee sur la Responsabiliteacute Sociale de lEntreprise Nous pouvons visualiser ces liens par limage dun teacutetraeacutedre que nous qualifierons par la suite dinteractif

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Bien Commun

Performancesociale

Performanceeacuteconomique

Performance environnementale

Il est certain que la coheacuterence de ce teacutetraegravedre correspond agrave une perception nouvelle des logiques en preacutesence une conception en rupture avec les scheacutemas preacuteceacutedents Dans la mouvance de la Responsabiliteacute Sociale de lEntreprise latteinte conjointe des trois performances eacuteconomique sociale environnementale ne va pas de soi doit ecirctre construite en sorte quelles concourent simultaneacutement agrave la reacutealisation dun Bien Commun Cela suppose que la deacutefinition de la strateacutegie sinscrive dans le sens dun Bien Commun Dans la notion de responsabiliteacute il y a celle dune volonteacute Pour ecirctre responsable il faut ecirctre libre proactif introduisant entre les stimuli et les reacuteponses une liberteacute de deacutecision une volonteacute Le Bien Commun est voulu comme lien entre les trois performances Plus quun lien il est un attracteur pour chacune de ces performances Il correspond agrave un engagement si possible explicite de lorganisation En cela le teacutetraegravedre correspond agrave une perception nouvelle des logiques en preacutesence une conception en opposition avec le modegravele traditionnel Le Bien Commun est la finaliteacute que lon veut atteindre une finaliteacute qui deacutepasse lentreprise et qui se traduit par le teacutetraegravedre dans son ensemble Il ordonne la polyphonie des performances

13 Une dynamique conditionneacutee par une logique de management La RSE nest pas la simple juxtaposition de trois domaines eacuteconomique social environnemental ni leur simple addition Elle est tregraves preacuteciseacutement

- une interaction dynamique entre ces domaines - finaliseacutee par la poursuite dun Bien Commun dans lequel sengage lentreprise - avec pour ressort la responsabiliteacute qui lanime

Avec ces interactions on entre dans lunivers de la complexiteacute (complexus ce qui est tisseacute ensemble) Dans ce paradigme nouveau la reacuteussite des interactions requiert une maniegravere de faire elle concerne des pratiques cest agrave dire des actes de management Leur mesure est moins dans la question du quoi que dans celle du comment En effet le deacuteveloppement de la RSE est dans la dynamique mecircme de cette mise en œuvre

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Il faut que la deacutemarche qui provoque et accompagne le deacuteveloppement de la RSE introduise dans lorganisation un management efficient un management dune nature propre agrave viser et atteindre le Bien Commun au sommet du teacutetraegravedre La reacutealisation du teacutetraegravedre interactif apparaicirct ainsi comme un enjeu de management Par exemple limplication des salarieacutes qui peut ecirctre favoriseacutee par la performance sociale de lentreprise contribue agrave sa performance eacuteconomique Le respect de lenvironnement par lentreprise peut geacuteneacuterer une fierteacute dappartenance des salarieacutes et donc une plus grande implication hellipCes liens sont ceux que doit tisser et maintenir un management de la responsabilisation Quest-ce que lon eacutevalue lorsque lon eacutevalue le management Il existe une multitude de deacutefinitions du management nous prenons ici le parti peu acadeacutemique de dire du manager quil est lagrave pour faire que ccedila marche Cette mission toute pragmatique se deacutecline en reacutesultats agrave atteindre faire passer la strateacutegie de lentreprise agrave chaque niveau dans lorganisation favoriser le deacuteveloppement des compeacutetences et les eacutevaluer mobiliser les Hommes assurer les interfaces entre lentiteacute manageacutee et lexteacuterieur piloter lentiteacute Comment y parvenir de faccedilon plus preacutecise dans une logique de responsabilisation

2 Un diagnostic de management fondeacute sur le principe de subsidiariteacute peut apparaicirctre neacutecessaire pour construire lrsquoAudit Social

Pour que les interactions opegraverent de faccedilon dynamique pour que lentreprise soit responsable il est important peut-ecirctre neacutecessaire que tous les acteurs au sein de lorganisation soient eux-mecircmes responsables La responsabiliteacute doit ecirctre introduite dans les gegravenes mecircmes de lorganisation Au sein de lentreprise la complexiteacute du triangle des performances peut ecirctre geacutereacutee en application du principe hologrammatique Dans un hologramme physique le moindre point de lhologramme contient la quasi-totaliteacute de lobjet global Non seulement la partie est dans le tout mais le tout est dans la partie Il faut que non seulement la responsabiliteacute de chaque acteur soit dans la RSE mais que la RSE soit de la responsabiliteacute de chaque acteur Pour que lentreprise tende vers le Bien Commun qui transcende le triangle des performances il faut faire en sorte que chaque acteur se sente investi par la Responsabiliteacute Sociale de son Entreprise

21 La responsabiliteacute de chaque acteur moteur et mesure lrsquoefficience au sein de lrsquoentreprise

Il existe deux processus de responsabilisation des acteurs dans lorganisation ce sont la deacuteleacutegation et la subsidiariteacute A la diffeacuterence de la subsidiariteacute la deacuteleacutegation pour un manager cest lacte qui consiste agrave confier agrave un collaborateur pour une dureacutee preacutedeacutefinie dans un champ bien bordeacute la responsabiliteacute datteindre certains objectifs qui ne relevaient pas a priori de sa fonction Cest ainsi que le manager peut deacutecider de deacuteleacuteguer temporairement une ou plusieurs tacircches agrave ses collaborateurs On pourrait alors dire que le manager les responsabilise Mais sil en est ainsi cest bien entendu le manager qui est responsable Cette notion semble de plus en plus deacutepasseacutee dans lentreprise ougrave lon deacutefinit moins les fonctions en termes de tacircches quen termes de missions

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Le principe de subsidiariteacute est tout agrave fait autre chose Dans la conception dAristote il suppose que chaque eacutechelon en partant du bas vers le haut reacutealise tout ce quil est compeacutetent pour faire le niveau supeacuterieur sinterdisant alors toute ingeacuterence Dans lexemple pris par Aristote la cellule de base de la Socieacuteteacute est la famille au dessus il y a le village au sommet la Citeacute Le village laisse la famille faire tout ce quelle est compeacutetente pour faire la Citeacute proceacutedant de mecircme agrave leacutegard du village En revanche linstance de niveau supeacuterieur intervient lorsque leacutechelon en dessous na pas la compeacutetence et les moyens de reacuteussir Par exemple la Citeacute a la responsabiliteacute de conduire la guerre en cas de neacutecessiteacute A ces consideacuterations Aristoteacuteliciennes Thomas dAquin inteacutegrera la notion de Bien Commun neacutecessaire pour assurer la coheacuterence des deacutecisions multiples et eacutemergentes Pour lui le Bien Commun est deacutefini en reacutefeacuterence agrave la volonteacute divine le plan de Dieu

22 Une application du principe de subsidiariteacute au management Le Bien Commun doit ecirctre approprieacute par toutes les parties prenantes (les actionnaires les clients les salarieacutes la Socieacuteteacute Civile hellip) Cest ainsi quil cautionne linteacutegriteacute du teacutetraegravedre interactif En loccurrence les parties prenantes sont dans notre recherche-action les salarieacutes de lorganisation en tant quacteurs auteurs de la RSE Appliqueacute au management ce principe de subsidiariteacute se traduit par trois regravegles

- la regravegle de la compeacutetence qui implique que le collaborateur fasse tout ce quil sait et peut faire

- la regravegle de non ingeacuterence qui interdit au manager de faire ce que son collaborateur peut faire

- le principe de soutien qui donne au manager lobligation dintervenir lagrave ougrave le collaborateur na pas les moyens de reacuteussir seul

Le champ daction nest pas deacutefini par avance par le manager mais naturellement par le collaborateur lagrave ougrave sarrecircte sa compeacutetence et aussi sa valeur ajouteacutee Le collaborateur se trouve dans des conditions ougrave il se responsabilise Le salarieacute dans lentreprise est veacuteritablement responsable agrave quelque niveau ougrave il se trouve Il va sans dire que le manager garde un rocircle deacuteterminant Paul Valery eacutecrivait Un chef est quelquun qui a besoin des autres Cela reste vrai mais dans le management par la subsidiariteacute on pourrait ajouter quun collaborateur est quelquun qui a besoin dun manager Comment atteindre lobjectif viseacute mesurer la reacuteussite du teacutetraegravedre interactif En dautres termes comment construire un Audit Social qui integravegre la mesure de la responsabiliteacute active de chacun des acteurs au sein de lorganisation en fonction dun Bien Commun clairement deacutefini Alors que dans une approche traditionnelle le diagnostic de management peut deacutecouler des informations apporteacutees par lAudit Social lapplication du principe de subsidiariteacute implique une deacutemarche inverse Etymologiquement diagnostic signifie connaicirctre agrave travers Dans une approche classique le management peut ecirctre perccedilu agrave travers les indices fournis par lAudit Social Au contraire la subsidiariteacute part du diagnostic reacutealiseacute de linteacuterieur par les salarieacutes de lorganisation Les reacutesultats du diagnostic de management permettent dexaminer larchitecture du teacutetraegravedre comme par une endoscopie Ce teacutetraegravedre ayant eacuteteacute identifieacute il sera possible de poser quels sont les reacutefeacuterentiels pertinents pour constituer lAudit social

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Ces reacutefeacuterentiels seront exactement cibleacutes pour que lauditeur exprime degraves lors une opinion sur les divers aspects de la participation des acteurs de lentreprise aux finaliteacutes de sa Responsabiliteacute Sociale et formule ses recommandations en vue dameacuteliorer la qualiteacute du teacutetraegravedre De lagrave pourront ecirctre produits les audits de conformiteacute defficaciteacute strateacutegique

23 Une appropriation du teacutetraegravedre dans une logique de causaliteacute reacutecursive La prise en compte du caractegravere complexe du triangle des performances conduit agrave une reacuteponse sous langle de la causaliteacute reacutecursive A la diffeacuterence de la causaliteacute lineacuteaire qui consiste simplement agrave constater que telle cause produit tels effets la causaliteacute reacutecursive imagine que les effets et produits sont neacutecessaires au processus qui les geacutenegravere - cette situation ougrave les choses sont causeacutees et causantes aideacutees et aidantes selon la formule de Blaise Pascal Lorganisation par exemple est produite par les interactions entre les acteurs (cadres ingeacutenieurs techniciens deacuteleacutegueacutes du personnel salarieacuteshellip) qui la constituent Lentreprise agrave linverse reacutetroagit pour transformer ces acteurs en auteurs par son style de management En vue dune dynamique de responsabilisation cela peut produire une spirale vertueuse Cest cette dynamique que le diagnostic de management sil est fondeacute sur le principe de subsidiariteacute doit ecirctre capable de geacuteneacuterer

3 Une approche clinique Avec la RSE les normes de lAudit Social changent et de surcroicirct elles sont speacutecifiques agrave chaque entreprise en fonction de son environnement eacuteconomique et socieacutetal particulier dougrave la neacutecessiteacute de deacutefinir ces normes agrave leacutechelle de lentreprise et de les geacuteneacuterer agrave partir de ses propres acteurs internes Nous illustrerons la deacutemarche reacutealiseacutee dans notre recherche action par un cas preacutecis celui dun hocircpital psychiatrique Nous eacutevoquerons aussi les cas dune Direction au sein dun Groupe industriel et celui dune PME agrave titre comparatif Ces expeacuterimentations ne visent pas lexhaustiviteacute En respectant la singulariteacute de chaque cas nous analyserons les points communs dans la meacutethode pratiqueacutee et la particulariteacute des contenus propres agrave chaque entreprise

31 La formation-action au sein de lrsquoAHB (2002-2004) LAHB (Association Hospitaliegravere de Bretagne) est une Institution qui compte quelques 1000 soignants dans les domaines de la psychiatrie et du meacutedico-social Lactiviteacute et les moyens en personnel qui auparavant eacutetaient essentiellement contenus dans lenceinte du seul Centre Hospitalier de Plouguernevel dans les Cocirctes dArmor se deacuteploient maintenant sur 3 deacutepartements bretons mettant en œuvre des prestations nouvelles assureacutees par des personnels aux qualifications plus varieacutees Dans le cadre de leacutevolution de lorganisation de lAHB un des instruments pour deacutevelopper la RSE a eacuteteacute une formation - action que nous avons conduite entre juillet 2002 et deacutecembre

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2004 LAHB avait commenceacute son eacutevolution depuis 1990 Le moment semblait venu daffirmer les conditions de la reacutealisation du teacutetraegravedre interactif

32 La deacutefinition drsquoun Bien Commun pour lrsquoAHB Dans le but de reacutepondre aux besoins de la population du Centre Bretagne lAHB reacuteunit des eacutetablissements et des compeacutetences au service de la personne dans les champs du sanitaire (psychiatrie) et du meacutedico-social Cette deacutefinition du Bien Commun par lAHB sest traduite dans la strateacutegie de la Direction par la volonteacute de

- adapter son dispositif sanitaire et meacutedico-social aux besoins de la population et conformeacutement aux orientations nationales et reacutegionales

- eacutelever le niveau des qualifications et des compeacutetences des personnels pour accompagner leacutevolution de tous les services et eacutetablissements de lAHB

- renforcer les capaciteacutes manageriales de lencadrement et accroicirctre leurs responsabiliteacutes

- ameacuteliorer la communication interne et externe de lAHB entre tous ses acteurs et avec son environnement

- promouvoir une deacutemarche qualiteacute permanente - sassocier activement agrave la politique territoriale du pays Centre Ouest Bretagne pour

promouvoir les meilleures conditions de santeacute agrave la population - assurer un eacutetat de veille technologique pour appreacutehender les besoins naissants et

envisager les services et eacutetablissements agrave reacutealiser pour y reacutepondre

A cette fin la Direction Geacuteneacuterale a deacutefini sa propre mission en ces termes - garantir agrave lensemble du personnel de lAssociation les ressources humaines - financiegraveres et de moyens ndash et les conditions de travail les plus favorables pour leur

permettre dapporter aux patients et reacutesidants un service de qualiteacute - diriger ladaptation des eacutetablissements et services de lassociation pour reacutepondre aux

besoins de la population - mettre en œuvre une politique sociale de qualiteacute dans le respect des dispositions

leacutegales et conventionnelles

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33 Le triangle des performances de lrsquoAHB Il se preacutesente de la faccedilon suivante

Responsabiliteacute environnementale - peacuterenniteacute de lrsquoAHB - maintien des emplois en Centre Bretagne - hellip

Responsabiliteacute eacuteconomique

- concordance entre les services de lrsquoAHB et les besoins de santeacute des populations du Centre Bretagne

- Innovation

Responsabiliteacute sociale - deacuteveloppement des

compeacutetences - employabiliteacute - bonnes conditions de

travail

- Sans une efficience eacuteconomique de lAHB pas de performance sociale (il faut une efficience eacuteconomique pour deacutevelopper lemployabiliteacute interne et externe) ni de deacuteveloppement de lenvironnement (lAHB est le 1er employeur de Centre Bretagne)

- Sans sa performance sociale (une implication reacuteelle de lensemble des personnels un deacuteveloppement de leurs compeacutetences) pas defficience eacuteconomique ni de respect de lenvironnement (notamment pour le maintien de lemploi dans le Centre Bretagne)

- Sans la responsabiliteacute vis-agrave- vis de lenvironnement pas de performance sociale (attirer ou maintenir des ressources humaines ndash meacutedecins infirmiers dont la peacutenurie saffirme) et pas defficience eacuteconomique (incapaciteacute de reacutepondre aux besoins des patients et reacutesidents)

34 La subsidiariteacute cleacute de lrsquoappropriation de la nouvelle organisation par les salarieacutes

Cest la subsidiariteacute qui a geacuteneacutereacute une logique dappropriation dans la formation ndash action que nous avons conduite comment le personnel aurait-il pu reacuteellement sapproprier ce dont il

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naurait pas eacuteteacute auteur Il a eacuteteacute voulu que lensemble du personnel de lAHB quels que soient sa fonction son lieu dexercice ou son ancienneteacute puisse sapproprier les nouveaux principes de fonctionnement de lAHB cest agrave dire

- sa raison decirctre et celle de ses entiteacutes son identiteacute et ses valeurs partageacutees ses grandes missions

- sa nouvelle organisation le nouveau style de management eacutetabli en congruence avec cette organisation

- en coheacuterence avec la speacutecificiteacute et lorganisation du Territoire la prospective lieacutee aux nouvelles pathologies aux meacutethodes de preacutevention agrave leacutevolution des notions de qualiteacute dans la Santeacutehellip

Conduite dans la philosophie et les regravegles de la subsidiariteacute notre deacutemarche a eacuteteacute inductive et pragmatique Ces principes ont supposeacute entre autres

- la possibiliteacute en cours dintervention dapporter au dispositif des eacutevolutions ou adaptations en regard des reacutealiteacutes observeacutees

- la contribution directe des participants agrave la deacutefinition de choix dorganisation de fonctionnement ou de prioriteacutes dans un cadre organiseacute et avec des meacutecanismes de validation approprieacutes

- une orientation peacutedagogique laissant une large place agrave laction comme source dapprentissages

35 Le diagnostic des besoins en management

Leacutelaboration dun reacutefeacuterentiel institutionnel pour les diffeacuterentes entiteacutes de lAHB la deacutefinition des styles de management requis ont eacuteteacute reacutealiseacutees par les managers et leurs collaborateurs eux-mecircmes Afin de responsabiliser lensemble des salarieacutes de lInstitution (Direction Cadres collaborateurshellip) la formation action a eacuteteacute mise en place selon la logique de conduite dun projet Pour reacutealiser le volet reacutefeacuterentiel institutionnel nous avons deacutefini une meacutethode (la meacutethode AFM) dans une logique de subsidiariteacute les personnels de chaque Uniteacute listent leurs activiteacutes reacuteelles en induisent les objectifs implicitement viseacutes par ces Uniteacutes conduisent ainsi agrave se reacuteveacuteler les missions de ces Uniteacutes telles quils les perccediloivent agrave travers leurs activiteacutes Dans notre diagnostic par la subsidiariteacute deux remarques reacuteguliegraverement formuleacutees par les acteurs concerneacutes au sein de lAHB lors de la construction du reacutefeacuterentiel institutionnel nous semblent importantes

- la difficulteacute rencontreacutee selon la deacutemarche deacutemergence a eacuteteacute principalement le temps passeacute pour remonter dune multitude dactiviteacutes agrave quelques objectifs et agrave une mission (2 journeacutees par Uniteacute pour 67 Uniteacutes)

- ensuite la satisfaction davoir eacutelaboreacute le RI en partant des reacutealiteacutes veacutecues sur le terrain a eacuteteacute tangible et systeacutematique

En quoi cette eacutelaboration du RI a-t-elle contribueacute agrave la RSE de lAHB Chaque Uniteacute peut situer sa propre mission dans la mission plus macro de lAHB et cela en relation avec les missions (rendues bien visibles) des autres Uniteacutes et conforter sa propre mission comme une participation au Bien Commun Concernant le volet management opeacuterationnel le style de management quil faut deacutesormais instaurer au sein de lAHB a eacuteteacute deacutefini par les encadrants agrave partir dun rappel de la mission de chaque entiteacute de lAHB en relation avec leurs environnements speacutecifiques

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La deacutetermination des pratiques dun management propre agrave lAHB a eacuteteacute faite agrave partir - des besoins indiqueacutes par les collaborateurs ceux-ci sont des

responsables qui ont besoin dun manager mais dun manager doteacute de quel profil

- des besoins manifesteacutes par les managers eux-mecircmes Une charte de management propre agrave lAHB a eacuteteacute eacutelaboreacutee agrave partir de ces besoins en fonction de valeurs reacutefeacuterentielles eacutemergentes deacutefinies par les personnels eux-mecircmes Elle a eacuteteacute valideacutee ensuite par la Direction de lAHB Cette charte est accompagneacutee par la publication dun livret sur les pratiques de management qui devront en deacutecouler Les valeurs reacutefeacuterentielles eacutenonceacutees ont eacuteteacute

- communication - respect - eacutequiteacute - professionnalisme - solidariteacute

On remarquera que ces valeurs concernent aussi bien les performances eacuteconomiques que sociales et environnementales

36 Apregraves le diagnostic de management au sein de lrsquoAHB Des modules de management ont eacuteteacute construits sur mesure pour permettre aux encadrants de lAHB de reacutepondre aux regravegles eacutenonceacutees par la charte modules sur les pratiques du management (Le manager acteur de communication Optimiser lanimation de son eacutequipe Valoriser et reconnaicirctre le collaborateur Responsabilisation individuelle et collective au sein de leacutequipe) seacuteminaires mixtes (encadrants et collaborateurs) sur les relations de travail formations agrave la gestion de projet afin de mettre en œuvre un fonctionnement adhocratique de lInstitutionhellip Ces formations au management favorisent le deacuteveloppement des compeacutetences des managers dans toutes les dimensions de leurs fonctions Concernant leurs collaborateurs elles leur permettent deacutevaluer les potentialiteacutes des personnes et des situations dencourager la mobiliteacute fonctionnelle des professionnels decirctre les acteurs cleacute de lrsquoeacutevolution permanente de lrsquoAHB dans son environnement Il est degraves lors possible de construire un Audit Social qui eacutevalue avec rigueur et une parfaite preacutecision laccomplissement des fonctions des diffeacuterentes entiteacutes (leurs missions finaliteacutes et activiteacutes) et les styles de management au sein de ces entiteacutes tels que identifieacutes lors du diagnostic de management et soutenus par les modules de formation Son objet est de mesurer en quoi et comment agrave lissue de la formation action le management de lAHB reacutealise les performances requises en termes de RSE

- au niveau strateacutegique les politiques deacutefinies sont-elles comprises et suivies (conformes au Bien Commun eacutenonceacute au deacutepart de la construction) la traduction de ces politiques en deacutecisions opeacuterationnelles est-elle reacutealiseacutee

- en termes de conformiteacute linformation est-elle transmise de faccedilon transparente dans le respect des regravegles deacutefinies lors du diagnostic par la subsidiariteacute Le respect des dispositions leacutegales et reacuteglementaires est-il assureacute

- en termes defficaciteacute les interactions entre reacutesultats eacuteconomiques sociaux et environnementaux correspondent-elles au triangle des performances identifieacute par les acteurs de lAHB lors du diagnostic de management et rechercheacute par la formation- action

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4 Le cas drsquoune Direction drsquoeacutetablissement au sein drsquoun Groupe industriel Ce Groupe industriel est organiseacute selon une structure matricielle Dans chacun de ses sites coexistent plusieurs divisions opeacuterationnelles Leacutetablissement de Lannion est en restructuration profonde depuis quelques anneacutees En 1998 La Direction de lEtablissement de Lannion (DEL) est confronteacutee agrave un certain nombre de questions Comment anticiper les actions agrave eacutetablir en coheacuterence avec les strateacutegies des Directions Opeacuterationnelles Comment reacuteduire les sources de coucircts inheacuterents agrave la DEL Faut-il reacuteactualiser la DEL en profondeur pour en optimiser limpact Lannion est le berceau des Teacuteleacutecom (Alcatel le CNET hellip) mais la technologie des Teacuteleacutecom fait sauter les frontiegraveres Le Bien Commun viseacute Dans ce contexte le Groupe considegravere que sa reacuteussite au niveau mondial repose sur lUniteacute Locale Celle-ci intervient comme eacuteleacutement de coheacutesion durable du corps social afin de le soutenir dans son adaptation au changement Cest ainsi que le rocircle des eacutequipes de direction des eacutetablissements se transforme en loccurrence le rocircle de la DEL La deacutemarche de subsidiariteacute sest imposeacutee naturellement Les membres de leacutequipe de la DEL et les responsables des diffeacuterentes divisions opeacuterationnelles sur le site sont conduits agrave diagnostiquer ensemble les points forts et les points critiques du management au sein de leur propre eacutetablissement Ils deacutefinissent ensuite en fonction de ce diagnostic un certain nombre daxes daction dont les reacutesultats peuvent ecirctre suivis Le diagnostic de management pour commencer reacuteunis selon la Technique du Groupe Nominal les participants listent les forces quils considegraverent comme motrices ou freinantes dans la situation de leur eacutetablissement puis les pondegraverent et les interpregravetent Leur diagnostic fait apparaicirctre comme premier eacuteleacutement favorable la capaciteacute de mobilisation des hommes Ils constatent sur le site une forte volonteacute de rester en vie une forte coheacutesion agrave mettre en relation avec un pheacutenomegravene dimplantation quasi-terrienne Les participants parlent de lattachement agrave Lannion au mecircme degreacute que de la passion pour le meacutetier des Teacuteleacutecom Le triangle des performances sesquisse deacutejagrave sur ce plan lien entre la passion pour le meacutetier (performance eacuteconomique) la forte volonteacute de rester en vie (performance sociale) et lattachement au terrain (performance environnementale) En termes de management la seconde force motrice se trouve dans le potentiel manageacuterial des responsables directement concerneacutes Il est dit que beaucoup de responsables ont compris que lon attend deux leurs contributions et sont precircts agrave prendre leur destineacutee en mains La prise de conscience est en marche comptons sur nos propres forces (performance sociale) Cette implication est conforteacutee par la volonteacute ferme et explicite du Responsable de lensemble des Directions deacutetablissements de soutenir la deacutemarche eacutemergente de la DEL pour organiser le site de Lannion en fonction des reacutesultats de son diagnostic de management Le lien entre performances eacuteconomique et environnementale apparaicirct agrave nouveau lorsque les membres de la DEL et les responsables opeacuterationnels notent comme un atout le caractegravere dynamisant de leur environnement le Tregor (deacutenomination du Territoire) est un foyer de compeacutetences en reacutesonances Le diagnostic des encadrants fait apparaicirctre neacuteanmoins diffeacuterents points critiques le style de management sur le site apparaicirct inadeacutequat Nous passons dun management hieacuterarchico-militaire agrave un management dOS de deacuteveloppement Ce management technique et directif nest pas favorable agrave un changement au niveau humain agrave une deacutemarche participative Passant dun taylorisme agrave un autre on est loin dune culture entrepreneuriale Cela est agrave mettre en

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correacutelation avec le fait que le personnel manque de notions eacuteconomiques les notions technico-eacuteconomiques ne sont pas incorporeacutees dans le corps social de Lannion La DEL doit utiliser la dynamique deacutejagrave preacutesente dans son triangle des performances pour faire eacutevoluer son management en fonction du Bien Commun deacutefini par le Groupe LAudit Social permettra de suivre leacutevolution de leacutetablissement vers ce nouveau management

5 Une nouvelle organisation dans une PME du tertiaire La Socieacuteteacute Cassegrain agrave Orleacuteans est une Auto-Ecole A larriveacutee de son nouveau dirigeant en 1999 elle compte 4 employeacutes Elle emploie aujourdhui (milieu 2005) 37 moniteurs et 3 administratifs Plusieurs initiatives ont eacuteteacute prises dans la logique de la RSE Lune delles est venue dans la maniegravere dappliquer la loi sur les 35 heures Le Bien Commun la peacuterennisation de lentreprise familiale apregraves le deacutepart en retraite du preacuteceacutedent dirigeant La deacutemarche suivie a eacuteteacute celle de la subsidiariteacute lensemble des employeacutes ont eacuteteacute conduits agrave analyser les points forts et points critiques des diffeacuterentes solutions pour reacuteussir les 35 heures Il a eacuteteacute choisi par eux agrave lissue de ce diagnostic que chaque moniteur disposerait six jours conseacutecutifs dun mecircme veacutehicule au rythme de 10h de travail par jour puis serait en repos 5 jours conseacutecutifs Le Dirigeant a valideacute ce choix (choix conforme aux accords de branche) La performance eacuteconomique lentreprise optimise ansi ses investissements mateacuteriels reacuteduits (elle mobilise 13 veacutehicules au lieu de 24) La performance sociale se situe sur plusieurs volets Face agrave la difficulteacute de recruter dans son secteur dactiviteacute le dirigeant a fait le choix de reacutemuneacuterer ses employeacutes agrave un plus haut niveau que ses concurrents (agrave leacutepoque 50 francs par heure au lieu de 42 francs sur le marcheacute) Dautre part les moniteurs se disent satisfaits de travailler dans les conditions quils ont choisies de sentir un mieux-ecirctre dans leurs vies priveacutees Enfin la croissance eacuteconomique connue par lentreprise permet de mettre en œuvre deacutesormais des formations plus pointues pour certains types dusagers donc offre des eacutevolutions de carriegravere aux moniteurs motiveacutes par les postes correspondants La performance par rapport agrave lenvironnement La nouvelle organisation du travail mise en place rationalise les deacuteplacements et occasionne moins de deacutepenses eacutenergeacutetiques Un Audit Social de la Socieacuteteacute Cassegrain permettrait de veacuterifier la coexistence agrave terme de ses trois performances eacuteconomique sociale et environnementale

6 Un mouvement iteacuteratif entre le diagnostic de management et lrsquoAudit Social Le diagnostic de management permet de produire un Audit Social adapteacute avec justesse aux exigences du teacutetraegravedre interactif de la RSE LAudit Social ainsi construit eacutevalue la reacutealisation dun reacutefeacuterentiel speacutecifique dont le diagnostic a mis en eacutevidence linteacuterecirct Dans un mouvement iteacuteratif le diagnostic de management pourra interpreacuteter cette fois les reacutesultats de lAudit Social Cette relance du diagnostic de management permet une mise agrave jour reacuteguliegravere du reacutefeacuterentiel de lAudit Social Il ne sagit nullement de substituer le diagnostic de management agrave lAudit Social (ou inversement) la conjugaison de leurs pratiques est neacutecessaire pour eacutevaluer et entretenir le deacuteveloppement de la RSE dans lorganisation

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REPENSER LrsquoAUDIT DE LA CONFLICTUALITE DANS LES RELATIONS PROFESSIONNELLES Seacutebastien DINE Doctorant en Sciences de Gestion ndash IAE drsquoAix-en-Provence

Introduction Pour Candau (1985) le fondement de laudit se place au niveau du controcircle son objet porte sur lexamen et leacutevaluation des systegravemes de controcircle interne de lentreprise et de la qualiteacute des reacutesultats obtenus (Candau 1985 43) Concernant laudit social il se distingue par la nature du domaine auditeacute Pour Vatier (1980 25) celui-ci tend agrave estimer la capaciteacute dune entreprise ou dune organisation agrave maicirctriser les problegravemes humains ou sociaux que lui pose son environnement et agrave geacuterer ceux quelle suscite elle-mecircme par lemploi du personnel neacutecessaire agrave son activiteacute A lorigine lauditeur social se limitait agrave eacutetablir un diagnostic et des recommandations (Candau 1985 Couret amp Igalens 1988 Peretti amp Vachette 1985) Or de plus en plus de consultants proposent agrave la fois un diagnostic et une intervention sur le problegraveme releveacute Ce type de pratique ne risque-t-il pas dengendrer un deacuteficit dobjectiviteacute de la part de lauditeur Proposer des solutions de services preacute-formateacutes pourrait restreindre la speacutecificiteacute de chaque cas auditeacute et manquer lobjectif defficience assigneacute Laudit se construit sur des bases theacuteoriques qui permettent de fournir des indicateurs de mesure puis des recommandations Lauditeur doit donc constamment sinterroger sur la validiteacute des fondements theacuteoriques des reacutefeacuterentiels utiliseacutes pour construire ces indicateurs et en proposer une interpreacutetation (Candau 1985) Certains domaines auditeacutes eacutevoluent Dans le cas des dysfonctionnements sociaux les conflits collectifs sont toujours preacutesents dans les organisations mais les changements structurels des derniegraveres deacutecennies ont modifieacute le pouvoir des parties en preacutesence de telle sorte que les conflits organisationnels sorganisent maintenant davantage sur une base individuelle que collective Lauditeur doit prendre en consideacuteration ces eacutevolutions Mais comment enrichir la construction de laudit social dans le domaine de la conflictualiteacute Pour reacutepondre agrave cette interrogation nous commencerons par approfondir le concept de conflit en soulignant la difficulteacute de sa mesure Puis nous envisagerons de quelle maniegravere enrichir la lecture de ce pheacutenomegravene ce qui nous permettra enfin den tirer des implications sur le travail de lauditeur social

1 Le conflit un concept laquo multiple raquo Depuis peu les responsables de formation au management deacutequipes constatent une augmentation de la demande de stage sur la gestion des conflits1 Pheacutenomegravene informel les managers passeraient en effet une grande partie de leur temps agrave le geacuterer (Mintzberg 1994

1 Revue Management Feacutevrier 2004 p 51

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Thomas 1979) sans que celui-ci soit la plupart du temps officiellement reconnu (Kolb amp Bartunek 1992) Si la conflictualiteacute au travail a toujours existeacute son expression semble en revanche changer de niveau Comme laffirme le directeur de luniteacute RH du groupe international CEGOS La conflictualiteacute future ne sera pas du mecircme type que celle habituellement surveilleacuteehellip Elle ne passera plus par les acteurs traditionnels [hellip] De plus elle passera par dautres moyens2 Plusieurs anneacutees plutocirct Pierre Louart sinterrogeait deacutejagrave Comment creacuteer des eacutequipes coheacuterentes unies et daccord sur les buts agrave mettre en œuvre alors que les attentes particuliegraveres sont diffeacuterentes et que lindividualisme est une des valeurs dominantes au sein de notre socieacuteteacute (Louart 1991 p 75) De collectif le conflit semble se rapprocher au niveau du groupe voir de la relation entre personnes Cest ce niveau de conflit que nous allons tenter de deacutefinir Malgreacute la volumineuse litteacuterature manageacuteriale sur le sujet il nexiste pas de deacutefinition claire et unanimement accepteacutee du conflit entre personnes (Hartwick amp Barki 2002) Beaucoup deacutetudes empiriques proposent soit des deacutefinitions distinctes soit font simplement leacuteconomie dune deacutefinition Cette diversiteacute de constructions theacuteoriques reflegravete la difficulteacute dappreacutehender ce concept Thomas (1976) preacutecise que la grande varieacuteteacute de facteurs impliqueacutes dans le conflit en fait un pheacutenomegravene complexe et de ce fait que les modegraveles proposeacutes sont geacuteneacuteralement trop simplistes se focalisant sur une variable unique Nous utiliserons alors la deacutefinition proposeacutee par Hartwick et Barki (2002) qui ont consacreacute une partie de leurs travaux agrave la conceptualisation du conflit interpersonnel et nous en soulignerons les limites Ceux-ci deacutefinissent le conflit comme un processus dynamique qui se produit entre des parties interdeacutependantes lorsquelles eacuteprouvent des reacuteactions eacutemotionnelles neacutegatives agrave la perception de deacutesaccords et dinterfeacuterences dans latteinte de leurs buts (Hartwick amp Barki 2002 8) Cette deacutefinition preacutesente tout dabord lavantage de rassembler les trois dimensions geacuteneacuteralement associeacutees au conflit (eacutemotionnelle cognitive et comportementale) Ensuite le terme de parties peut sous-entendre que le conflit se deacuteroule entre individus groupes ou services Enfin il est mis en avant que le conflit est avant tout un pheacutenomegravene perccedilu cest-agrave-dire eacuteminemment subjectif Cependant cette deacutefinition centreacutee sur la dynamique agrave lœuvre dans le conflit eacutecarte linfluence du contexte dans lequel sont inseacutereacutes les individus Comme leacutenoncent Hartwick et Barki en amont de cette dynamique le conflit se produit plus probablement lorsquune varieacuteteacute deacuteleacutements situationnels (ex structures de reacutecompenses individuelles ressources rares) et de conditions personnelles (ex expeacuteriences de conflits anteacuterieurs diversiteacute interpersonnelle) existent (Hartwick et Barki 2002 5) En fait ces deux deacutefinitions se rapprochent des deux grands types de modegraveles qui servent agrave deacutecrire le conflit organisationnel dans la litteacuterature manageacuteriale Le premier modegravele dit processuel tente de deacutecrire la dynamique entre les parties en conflit tandis que le second dit structurel propose de comprendre les conditions geacuteneacuterales dans lesquelles est inseacutereacute un conflit (Rondeau 1990)

Ce premier eacuteclaircissement commence agrave nous laisser entrevoir la complexiteacute de ce

concept Nous devons encore ajouter que lexpression du conflit peut ecirctre ouverte ou latente

2 In RHampM laquo Climat social amp indicateurs sociaux perceptions amp reacutealiteacutes raquo ndeg96 janvier 2005 p 20

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et sexprimer de maniegravere indirecte (comme par des attitudes de retraits voir dabsenteacuteisme par exemple) Enfin une derniegravere preacutecision doit ecirctre apporteacutee au niveau des conseacutequences du conflit Comme il lest de plus en plus avanceacute le conflit peut avoir des conseacutequences positives sur le travail Plusieurs recherches montrent en effet que la divergence de point de vue pourrait ameacuteliorer la stimulation des ideacutees et la qualiteacute des deacutecisions par des critiques constructives (Cosier amp Rose 1977 Schweiger Sandberg amp Rechner 1989 Amason 1996) ce qui ameacuteliorerait la performance du groupe (Jehn 1995) Cependant le niveau de deacutesaccord doit rester modeacutereacute pour ne pas se deacuteplacer sur des questions de personnes et impliquer la dimension eacutemotionnelle De nombreuses eacutetudes montrent preacuteciseacutement que les conflits centreacutes sur les personnes sont neacutegativement correacuteleacutes avec la productiviteacute et le niveau de satisfaction des groupes de travail (Jehn 1997) Ce type de conflit diminuerait la bonne volonteacute et la compreacutehension mutuelle ce qui gecircnerait lachegravevement du travail (Deutsch 1969) Les membres du groupe passeraient davantage de temps sur les aspects relationnels (en tentant de reacuteduire les menaces et de construire une coheacutesion) plutocirct que sur les techniques ou prises de deacutecisions relatives au travail (Evan 1965) Jehn (1997) remarque dailleurs que ce type de conflit est beaucoup plus difficile agrave reacutesoudre Il rendrait de plus les individus irritables suspicieux et malveillants Enfin son expression chronique pourrait avoir des effets destructeurs sur le fonctionnement du groupe (Coser 1956) De la Rochefordiegravere (1990) a dailleurs releveacute les diffeacuterents effets de ce type de conflit au niveau de lorganisation et de son environnement3 Il a constateacute une tendance agrave la deacutesinformation agrave la reacutetention dinformation ou encore agrave la neacutegligence dans la transmission des informations cela afin de nuire agrave celui consideacutereacute comme ladversaire Mais eacutegalement une tendance agrave la mise en place de clans agrave des manœuvres de discreacuteditation ou encore agrave une reacutesistance passive (obstructions blocages) Au niveau du caractegravere compeacutetitif de lorganisation De la Rochefordiegravere (1990) rapporte que sur son eacutechantillon dentreprise dix-sept ont reconnu des opportuniteacutes manqueacutees de nouveaux marcheacutes du fait du conflit et trente-neuf ont reconnu des opportuniteacutes manqueacutees dameacuteliorations internes de la socieacuteteacute (Dans une entreprise du BTP de vifs deacutesaccords entre le directeur dun bureau deacutetudes et un responsable dagence ont empecirccheacute ce dernier de reacutepondre dans les deacutelais agrave plusieurs appels doffres ou encore Deux personnes arrivent agrave bloquer la mise en place dun projet dameacutelioration de la circulation de linformation ces nouvelles proceacutedures les auraient obligeacutes agrave se rencontrer reacuteguliegraverement ce quelles refusent absolument De la Rochefordiegravere 1990 70) Durant le conflit la prise de deacutecision peut eacutegalement apparaicirctre comme mal adapteacutee ou prise en retard Sur soixante-deux entreprises soixante et une reconnaissent un gaspillage dans lutilisation du temps lieacute au conflit Et dans dix-neuf cas limage de marque de lentreprise a eacuteteacute alteacutereacutee par une deacutegradation du service clientegravele ou par une alteacuteration de la confiance des partenaires de lentreprise une succession dinformations ou des deacutecisions contradictoires des allusions plus ou moins discregravetes certaines confidences laquo mettent la puce agrave lrsquooreille raquo de ceux qui se sentent concerneacutes par la bonne santeacute de lrsquoentreprise banquiers fournisseurs partenaires financiers (De la Rochefordiegravere 1990 74) Enfin le climat social a eacuteteacute affecteacute dans quarante-sept cas Cela va de leacutevidente deacuteteacuterioration de lambiance de travail accompagneacutee de rumeurs bruits de couloir et ragots divers (signaleacutes cinquante-huit fois) agrave des situations plus gecircnantes telles quune deacutemotivation geacuteneacuterale une exploitation de la situation par les partenaires sociaux des refus daller travailler dans les services perturbeacutes etc (De la Rochefordiegravere 1990 75)

3 Etude reacutealiseacutee en 1988 sur un eacutechantillon de 62 entreprises agrave partir dentretiens non-directif et directif

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Le conflit est donc un concept multiple multiple par ses causes mais eacutegalement par ses manifestations Du point de vue de laudit il semble alors particuliegraverement deacutelicat agrave appreacutehender Cette deacutemarche est pourtant essentielle puisque des conflits exacerbeacutes peuvent aller comme nous lavons vu jusquagrave menacer la survie de lentreprise Plusieurs eacutetudes montrent que les conflits sont rarement reacutesolus mais quils sont le plus souvent redeacutefinis reformuleacutes pour finalement toujours ressurgir (Kolb et Bartunek 1992) Nous allons donc agrave preacutesent centrer notre attention sur les origines du conflit pour tenter den proposer une lecture originale agrave lauditeur social

2 Une lecture originale des conflits professionnels Les causes dun conflit sont souvent rechercheacutees dans lattitude mecircme de ses protagonistes (perception dinjustice dans le traitement salarial ou lattribution des responsabiliteacutes jalousie etc) Or de par son mode dorganisation ou par sa strateacutegie lentreprise contribue agrave geacuteneacuterer des tensions voire un malaise qui peut rapidement faire germer de nombreux conflits Afin dameacuteliorer sa reacuteactiviteacute et donc ses performances la tendance dadaptabiliteacute de lentreprise vis-agrave-vis de son environnement va faire coiumlncider ses structures internes avec les conditions de ce dernier Cet isomorphisme va produire dans lorganisation la creacuteation de diffeacuterents services deacutepartements uniteacutes de travail chacun ayant ses propres objectifs moyens et de fait chacun ayant sa propre vision de lorganisation Cette derniegravere sera dailleurs renforceacutee par les structures organisationnelles de reacutecompenses et de controcircle Mais le fait que chaque individu voit les choses diffeacuteremment va lamener agrave interpreacuteter les eacuteveacutenements ses relations interpersonnelles diffeacuteremment Or lorsque ceux-ci vont interagir et donc confronter leurs diffeacuterences il va se produire de nombreuses incompreacutehensions et conflits Les uniteacutes organisationnelles creacuteent et entretiennent agrave la fois les difficulteacutes contre lesquelles elles luttent (Benson 1977) Tregraves rapidement les protagonistes peuvent entrer dans un conflit sans fin une sorte de cercle vicieux ougrave chacun rigidifie son attitude de victime de lautre Isabelle Orgogozo (1998) a identifieacute quelques-uns de ces jeux sans fin assez courants auxquels se livrent les membres des grandes entreprises et administrations Il sagit du jeu de laccusation entre les grandes fonctions (exemples entre la production et les vendeurs ou entre lapprovision-nement et la production) le jeu de lhostiliteacute et la peur entre les syndicats et la direction le jeu de la concurrence entre syndicats le jeu de la rivaliteacute entre cadres le jeu du nous on travaille eux cest moins sucircr entre ateliers etou bureaux (Orgogozo 1998 281) Un dysfonctionnement nest donc pas forceacutement lieacute agrave une incompatibiliteacute de personnaliteacutes mais peut ecirctre geacuteneacutereacute par la mise en place dobjectifs organisationnels opposeacutes et linstauration de langages et logiques diffeacuterents De la mecircme maniegravere certaines actions strateacutegiques de lentreprise peuvent ecirctre sources de tensions chez les salarieacutes Par exemple la grande majoriteacute des entreprises sont agrave la fois agrave la recherche de stabiliteacute par la mise en place de routines la recherche de preacutevision de coheacutesion et ont agrave la fois besoin de sadapter aux changements de leur environnement (Morill 1992 Pondy 1967) Or la stabiliteacute et ladaptabiliteacute ne sont pas deux valeurs tout agrave fait compatibles Pour deacutetailler cette contradiction nous nous appuierons sur la Theacuteorie geacuteneacuterale des Systegravemes

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de Bertalanffy (1973) Selon le principe dhomeacuteostasie tout systegraveme tend agrave parvenir et agrave maintenir un eacutequilibre gracircce agrave un meacutecanisme de reacutegulation Si cette caracteacuteristique assure la survie du systegraveme elle soppose en revanche agrave tout changement En consideacuterant lorganisation comme un systegraveme par la mise en place et maintenance de routines de travail celles-ci tendent agrave stabiliser un certain eacutequilibre Cette structure organisationnelle ainsi eacutetablie se traduit chez les salarieacutes par une certaine construction de la reacutealiteacute de lentreprise (Benson 1977) Or tout changement (impulseacute par exemple par lenvironnement exteacuterieur du systegraveme entreprise) va donc creacuteer des tensions Des meacutecanismes de reacutesistances vont se mettre en action pour conserver leacutequilibre du systegraveme Ainsi la construction de la reacutealiteacute induite agrave linstant preacutesent par lensemble des pratiques organisationnelles en vient agrave reacutesister agrave ses propres deacuteveloppements futurs Il sagit pour Morill (1992) de la principale tension organisationnelle celle-ci sexprime formellement lors dactes particuliers (innovation technologique majeur par exemple) ou plus informellement et quotidiennement par lexpression de doleacuteances individuelles Toujours pour cet auteur les conflits reacutesultants de cette contradiction vont soit menacer lordre organisationnel soit mener au changement (ou autrement dit amegraveneront le systegraveme vers un nouveau point deacutequilibre) Il est donc primordial dans le cadre dun audit de preacuteciseacutement identifier les diffeacuterentes logiques agrave lorigine deacuteventuelles tensions Car ce type de pheacutenomegravene paradoxal se deacuteroule quotidiennement Selon les theacuteories de lEcole de Palo Alto (Bateson Watzlawick hellip) une injonction comme Soyez Spontaneacute est en fait paradoxale puisquelle se preacutesente sous la forme dun ordre qui contient en lui-mecircme une contradiction telle que celui agrave qui il sadresse na aucun moyen dy reacutepondre de faccedilon satisfaisante (Marc amp Picard 2000) Ainsi toute personne mise en demeure davoir ce comportement se trouve dans une position intenable car pour obeacuteir il lui faudrait ecirctre spontaneacute par obeacuteissance donc sans spontaneacuteiteacute (Watzlawick amp al 1972 201) En demandant en mecircme temps agrave un salarieacute quelque chose et son contraire ce dernier se trouve pieacutegeacute et peut rapidement deacutevelopper des comportements aberrants les conditions dun conflit latent sont donc en place On retrouve les conditions similaires dans lentreprise lorsque dun cocircteacute la direction exige de ses salarieacutes quils communiquent davantage notamment en mettant en place des cercles de qualiteacute et que dun autre cocircteacute elle donne la prioriteacute absolue agrave la production et nattribue en fait ni moyens ni soutien reacuteel pour atteindre les objectifs ambitieux de ces cercles (Juegraves 1996) Lentreprise en souhaitant concilier performance sociale et contrainte eacuteconomique de cette maniegravere entraicircne de la confusion dans lencadrement intermeacutediaire et risque fort damener deacutemotivation stress et conflits Et les injonctions au sein des organisations sont nombreuses par exemple Soyez creacuteatifs Prenez des initiatives (mais nenfreignez pas les regravegles du jeu) Pensez lorganisation comme une entiteacute (mais noutrepassez pas les frontiegraveres de vos responsabiliteacutes) Signalez immeacutediatement que vous avez fait une erreur (mais vous serez sanctionneacute en cas derreur) Investissez-vous dans votre travail (Et acceptez les licenciements) (Hennestad 1990 Mucchielli 1999) Dans des organisations de plus en plus complexes il est difficile pour leurs dirigeants decirctre attentifs agrave la coheacuterence globale de leur action Or de nombreuses incoheacuterences de strateacutegies peuvent engendrer de lourdes contre-performances sociales et eacuteconomiques Cest dans ce cadre que lauditeur social doit penser la construction de sa deacutemarche

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3 Implications pour lrsquoauditeur social Nous avons souligneacute les multiples conseacutequences du conflit entre salarieacutes dans les organisations Les manifestations de ce dernier touchent une grande partie deacuteveacutenements sociaux auxquelles sont lieacutes les indicateurs de lauditeur tels que les diffeacuterencie Candau (1985) Nous pourrions avancer - Des conseacutequences physiques (accidents du travail stress hellip) les salarieacutes vivent la

situation de conflit en permanence ce qui peut agrave terme atteindre leur inteacutegriteacute physique ou mentale

- Des conseacutequences mateacuterielles pour lentreprise par des manœuvres de sabotages du travail de la partie adverse par des freinages dans la production dans le cas dun conflit de type vertical par une diminution de la qualiteacute

- Des conseacutequences au niveau individuel absenteacuteisme turn-over mais aussi deacutegradation des relations avec la clientegravele

- Des conseacutequences structurelles par contagion dun conflit entre personnes agrave un niveau collectif

Ces conseacutequences ou eacuteveacutenements sont mesureacutes par les indicateurs de lauditeur Ces derniers servent en effet agrave eacutevaluation lampleur la graviteacute dun eacuteveacutenement social mais ne fournissent pas dexplications relatives aux dysfonctionnements constateacutes Face agrave un grand nombre dindicateur ayant deacutepasseacute la norme eacutetablie comment lauditeur social doit-il interpreacuteter cette mesure Il doit en fait se reacutefeacuterer agrave un modegravele theacuteorique La theacuteorie est eacutegalement indispensable pour comprendre les relations existantes entre lindicateur retenu et le pheacutenomegravene que lon cherche agrave mesurer (Candau 1985 68) Or lorsque lon envisage la multitude dindicateurs pouvant se reacuteveacuteler comme eacutetant potentiellement conseacutecutive dun conflit cela reacutevegravele la haute neacutecessiteacute pour lauditeur de maicirctriser les modegraveles theacuteoriques explicatifs les plus riches et varieacutes Cette exigence nous a ameneacute agrave preacutesenter certaines sources du conflit entre personnes qui nous paraissent souvent neacutegligeacutees Le caractegravere eacuteminemment subjectif du conflit interpersonnel (Deutsch 1977) renforce la pertinence dutilisation des entretiens semi-directifs comme outil approprieacute de recueil de perception des salarieacutes (reacutealiseacute geacuteneacuteralement agrave partir dun eacutechantillon repreacutesentatif de la population) Parfois comme cela peut ecirctre le cas dans les entreprises publiques (Chabau amp Le Bellec 2003) laudit social se limite agrave la reacutealisation denquecirctes par questionnaires Comme le reacuteaffirme Chabau et Le Bellec (2003 18) seules des meacutethodes qualitatives sous la forme dentretiens approfondis peuvent permettre dapprocher le systegraveme social dans toute sa complexiteacute Concernant la place de lauditeur dans cette deacutemarche le caractegravere paradoxal de certaines actions manageacuteriales voir de certaines politiques organisationnelles preacuteceacutedemment souligneacutees tend agrave appuyer la preacutefeacuterence pour un audit social externe En effet dans de tels contextes communicationnels paradoxaux la possibiliteacute pour ses acteurs de deacutenoncer les messages contradictoires se trouve deacutenieacutee (Layole 1984) Or baseacute en interne lauditeur social pourrait ecirctre pris dans un rapport systeacutemique profond avec le dysfonctionnement lempecircchant dacceacuteder agrave un niveau de lecture pertinent etou de faire reconnaicirctre son diagnostic Dailleurs pour aboutir agrave un changement lintervention externe est procircneacutee dans un tel contexte (Watzlawick amp al 1975) Les reacuteflexions theacuteoriques preacuteceacutedemment preacutesenteacutees nous invitent de plus agrave repenser les causes des dysfonctionnements sociaux Comme le formule Vargas (1984 66) concernant ces

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contextes communicationnels paradoxaux sur les groupes de travail la cause du problegraveme nest plus alors agrave rechercher dans un groupe laquo malade raquo en lui-mecircme mais bien dans une maladie de la communication qui pervertit le rapport de ce groupe au reste de lorganisation Laudit de la communication interne nest donc pas un aspect agrave neacutegliger dans laudit social Cependant les recommandations consistant agrave augmenter les moyens de communication ou agrave ameacuteliorer la techniciteacute et la sophistication de ces outils dans le but de reacutesoudre les problegravemes de communication atteignent rarement cet objectif (Giordano 1994) De nombreux consultants proposent eacutegalement des seacuteminaires de communication ou des formations danimateurs Ces propositions reacutepondent agrave la probleacutematique Comment communiquer et font limpasse sur la question preacutealablement neacutecessaire Pourquoi communiquer Quels sont les objectifs de lentreprise (Lehnisch 2003) En se posant cette question lauditeur rencontre la possibiliteacute de deacuteceler les incoheacuterences de messages A contrario renforcer les moyens de communication descendante peut produire linverse des effets escompteacutes Par exemple plus une entreprise accentuera ses moyens pour motiver ou faire adheacuterer le personnel plus elle risque de voir se deacutevelopper des attitudes de reacutesistance de meacutefiance ou dapathie (Villette 1988)4 Laudit nest pas seulement une veacuterification a posteriori il peut eacutegalement avoir un rocircle preacuteventif en participant agrave la mise en place de nouvelles proceacutedures par exemple (Candau 1985) Aussi quelles mesures lauditeur social pourrait-il proposer pour preacutevenir les pheacutenomegravenes de conflictualiteacute La mise en place dun observatoire social semble la mesure la plus eacutevidente puisque son objectif de preacutevention des conflits est geacuteneacuteralement reconnu (Chabeau amp Le Bellec 2003) Cependant preacutevenir nest pas preacutedire comme le rappellent Chabeau et Le bellec (2003 14) ce qui est particuliegraverement aveacutereacute pour un pheacutenomegravene aussi complexe que le conflit Il existe un autre dispositif orienteacute davantage vers laction mais qui est peu pratiqueacute en France (Stimec 2003) Il sagit de la mise en place dune cellule de meacutediation au sein de lentreprise Lexpeacuterimentation effectueacutee par le groupe CEGETEL montre que des reacuteticences se posent du fait du manque de familiariteacute avec ce proceacutedeacute mais apregraves quelques temps des reacutesultats positifs commencent agrave eacutemerger (Duval-Hamel amp al 2004) Un sentiment dameacutelioration du climat interne est majoritairement constateacute cela notamment gracircce agrave un accroissement du sentiment deacutequiteacute dans les relations de travail La reacutesolution des conflits se trouve donc faciliteacutee il est eacutegalement noteacute une modification dans le rocircle du management par un accroissement de lexplication des deacutecisions prisent et une meilleure eacutecoute par lencadrement (Duval-Hamel amp al 2004) Conclusion

Le contexte organisationnel a une influence sur un dysfonctionnement social tel que le conflit A partir dindicateurs varieacutes lauditeur social doit ecirctre en mesure didentifier les veacuteritables origines des eacutecarts constateacutes Pour enrichir son analyse celui-ci doit prendre en compte le contexte communicationnel dans lequel se deacuteroule laction Ce qui corrobore lintuition de Candau quand il y a 30 ans celui-ci sinterrogeait Laudit social eacutetant par essence concerneacute par le diagnostic des problegravemes humains dans lentreprise [hellip] lapprofondissement du 4 Pour Michel Villette (1988 70) Dans le cadre dune relation durable et relativement intime (comme dans un couple ou dans une communauteacute de travail stable ougrave les gens cohabitent pendant de nombreuses anneacutees) le machiaveacutelisme finit neacutecessairement par ecirctre perccedilu comme tel et alors il seacutepare au lieu de reacuteunir

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concept daudit conduit naturellement agrave se demander si la mecircme deacutemarche ne pourrait pas ecirctre appliqueacutee agrave dautres domaines proches comme par exemple la communication les structures de lentreprises ou les systegravemes de management (Candau 1985 270) Terminons enfin par rappeler que laudit social a trouveacute ses fondements theacuteoriques dans lapplication des meacutethodes des audits financier et comptable Au delagrave celui-ci a fait et fait toujours appel agrave des deacutemarches utiliseacutees en sociologie marketing ou dautres disciplines traitant des informations qualitatives (Peretti amp Vachette 1984) comme nous venons de le montrer De leacutevolution et de lenrichissement de ces disciplines connexes laudit social doit donc continuer de se nourrir pour se perfectionner

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LrsquoAUDIT SOCIAL ET LrsquoHYPOTHESE IMPLICITE DE LrsquoEXISTENCE DrsquoUN DYSFONCTIONNEMENT STRUCTUREL INCOMPRESSIBLE CORRELE AUX PRATIQUES PROFESSIONNELLES DrsquoINVESTIGATION Franccedilois ECOTO1 Professeur titulaire au CRESPA Enseignant-Chercheur ISEOR (Universiteacute Lyon 3)

Reacutesumeacute Nous pensons que tout audit social est porteur drsquoun nombre incompressible de dysfonctionnements reacutesultant de la forme et contenu de son argumentaire Et mecircme lrsquoentreprise la mieux geacutereacutee du monde ne pourrait que rarement sortir indemne drsquoun audit social Mais qursquoappelle-t-on audit Et quelle diffeacuterence avec les notions connexes telles que lrsquoeacutevaluation mesure diagnostic et analyse Lrsquoaudit permet de certifier que les comptes annuels sont reacuteguliers sincegraveres et qursquoils donnent une image fidegravele du patrimoine de lrsquoentreprise de sa situation financiegravere et du reacutesultat de lrsquoexercice Il sert agrave controcircler la conformiteacute et la pertinence par rapport agrave des dispositions leacutegislatives reacuteglementaires et par rapport agrave des recommandations et normes publieacutees par des organismes professionnels Lrsquoeacutevaluation par contre consiste agrave formuler un jugement de valeur portant sur un objet une personne ou une action par le moyen drsquoune confrontation entre deux seacuteries de donneacutees des donneacutees de faits constitueacutees par un ensemble drsquoinformations concernant lrsquoobjet la personne ou lrsquoaction agrave eacutevaluer et des donneacutees qui sont de lrsquoordre de lrsquoideacuteal du devoir-ecirctre (critegraveres normes modegraveles) et qui concernent la reacutealiteacute agrave eacutevaluer (objet personne ou action) La probleacutematique de lrsquoeacutevaluation nrsquoest pas celle de lrsquoobjectiviteacute (livrer lrsquoobjet tel qursquoil est) mais de la pertinence La mesure de son cocircteacute est lrsquoopeacuteration par laquelle on met en correspondance des donneacutees mateacuterielles qualitativement deacutefinies (des objets) et des systegravemes drsquouniteacutes qui srsquoy appliquent (des nombres) tandis que le diagnostic rapproche les diffeacuterents symptocircmes pour mettre en exergue les syndromes et reconnaicirctre la famille pathologique Quant agrave lrsquoanalyse elle deacutecompose dissegraveque les pheacutenomegravenes pour ensuite deacutegager les points forts et les points faibles Mots cleacutes Audit ndash Evaluation ndash Mesure ndash Diagnostic ndash Analyse

1 Docteur egraves Sciences de Gestion Docteur en Sciences Economiques Docteur en Philosophie Appliqueacutee Agreacutegeacute en Sciences Commerciales Diplocircmeacute HEC Diplocircmeacute de lrsquoEcole Supeacuterieure des Sciences Commerciales Appliqueacutees Ancien Elegraveve de Preacuteparation Aux Grandes Ecoles du Lyceacutee du Parc de Lyon

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Introduction Le contexte et les circonstances dans lesquelles se pose la neacutecessiteacute drsquoun audit sont agrave la fois varieacutes et polyformes Il y a une soixantaine drsquoanneacutees lrsquoune des principales erreurs que redoutaient les entreprises reacutesidait dans la peur drsquoecirctre reprocheacutees de mal tenir la comptabiliteacute ne serait-ce que vis-agrave-vis du fisc Celles-ci craignaient en effet

- qursquoun mauvais deacutecompte des produits fabriqueacutes ou qursquoune mauvaise tenue des stocks ne vicircnt fausser les reacutesultats de fin drsquoanneacutee

- que des saisies erroneacutees et lrsquoabsence de pointage des heures travailleacutees chocircmeacutees heures normales compleacutementaires nrsquoinduisassent des erreurs dans lrsquoeacutelaboration de la fiche de paie et le deacutecompte des congeacutes payeacutes

- que le manque de reacutegulariteacute de rigueur et de professionnalisme dans la facturation ne retardacirct les paiements et nrsquoentraicircnacirct des pertes de chiffres drsquoaffaires

Aussi vit-on se deacutevelopper dans les anneacutees cinquante les services drsquoaudit interne afin de preacutevenir les risques comptables et financiers et de preacuteparer les missions annuelles des commissaires aux comptes Avec le deacuteveloppement de la consommation de masse des anneacutees quatre-vingts le client est placeacute au centre des preacuteoccupations de lrsquoentreprise sa fideacutelisation devenant un facteur de diffeacuterenciation et sa perte ou deacutefection comme un laquo trou financier raquo voire un risque financier important La qualiteacute du produit et du service devient donc un moyen incontournable permettant drsquoattirer le client de le garder et de le fideacuteliser Drsquoougrave la neacutecessiteacute pour lrsquoentreprise de srsquoassurer qursquoelle peut garantir en permanence agrave sa clientegravele la quantiteacute de produits et de services dont elle a besoin avec par ailleurs une qualiteacute irreacuteprochable De lagrave se deacuteveloppegraverent des audits de qualiteacute centreacutes sur les processus de production de lrsquoentreprise Plus reacutecemment les thegravemes de respect de lrsquoenvironnement ont fait leur apparition Le risque de famine et de peacutenurie alimentaire eacutetant eacutecarteacutes dans les pays industrialiseacutes ce sont les nuisances reacutesultant de lrsquoactiviteacute eacuteconomique sur lesquelles se focalise lrsquoattention de lrsquoopinion publique le bruit et les pollutions de tout genre devenant deacutesormais agrave tort ou agrave raison les boucs eacutemissaires et source de toutes les pathologies et de tous les maux dont souffre la Socieacuteteacute Ce qui a pousseacute nombre drsquoentreprises agrave creacuteer des structures et programmes particuliers de controcircle et drsquoaudit doubleacutes drsquoun systegraveme de management environnemental Aujourdrsquohui dans la mesure ougrave lrsquoopinion publique est deacutesormais plus sensibiliseacutee les entreprises sont confronteacutees agrave de nouveaux problegravemes tels que les questions drsquoeacutethique des affaires le rapport qualiteacuteprix la faccedilon dont les produits et services ont eacuteteacute produits afin drsquoeacuteliminer de leurs achats les produits des entreprises qui font travailler les enfants ou qui font travailler leur personnel dans des conditions inhumaines Des associations de consommateurs les ONG les syndicats et les associations de chefs drsquoentreprises font pression pour lrsquoadoption de chartes de bonne conduite et pour lrsquoeacutelaboration de normes garantissant agrave la fois le respect minimal des droits fondamentaux des travailleurs et de lrsquoeacutethique des affaires

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Crsquoest ainsi que lrsquoaudit social est neacute durant les anneacutees quatre-vingts et a rejoint la liste deacutejagrave longue des audits2 au service du management des entreprises Mais qursquoappelle-t-on audit Et qursquoest-ce qui le diffeacuterencie des autres notions connexes et souvent sujettes agrave confusion tels que lrsquoeacutevaluation mesure diagnostic analyse Lrsquoaudit (D Batude 1997) permet de certifier que les comptes annuels sont reacuteguliers sincegraveres donnent agrave la fois une image fidegravele du patrimoine de lrsquoentreprise de sa situation financiegravere et du reacutesultat de lrsquoexercice Pour accomplir sa mission lrsquoauditeur doit respecter les dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires ainsi que les recommandations et les normes publieacutees par les organismes professionnels Et en cas de faute sa responsabiliteacute peut ecirctre engageacutee selon le cas sur le plan civil peacutenal et disciplinaire Suivant le lexique de gestion (Dalloz 1991) il srsquoagirait drsquoune activiteacute de controcircle et de conseil Lrsquoaudit de gestion certifierait la reacutegulariteacute des comptes drsquoune socieacuteteacute ou drsquoune institution Il proposerait des mesures destineacutees agrave ameacuteliorer le fonctionnement de lrsquoentreprise si ce dernier est jugeacute incorrect Avec lrsquoinstitution du bilan social on parlerait donc drsquoaudit social Drsquoougrave la deacutefinition geacuteneacuterale suivante du mecircme lexique laquo lrsquoaudit quel que soit son domaine a pour tacircche drsquoentreprendre des investigations systeacutematiques afin de deacutegager lrsquoefficaciteacute reacuteelle dans le domaine drsquoune organisation et de ses dirigeants Lrsquoauditeur peut ecirctre interne salarieacute de lrsquoentreprise ou externe entreprise de conseil raquo Lrsquoaudit social (lrsquoIFACI IAS 2000) serait donc laquo un audit appliqueacute agrave la gestion et aux modes de fonctionnement des personnes dans les organisations qui les emploient ainsi qursquoau jeu de leurs relations internes et externes raquo Lrsquoeacutevaluation par contre consiste agrave formuler un jugement de valeur portant sur un objet une personne ou une action par le moyen drsquoune confrontation entre deux seacuteries de donneacutees des donneacutees de faits constitueacutees par un ensemble drsquoinformations concernant lrsquoobjet la personne ou lrsquoaction agrave eacutevaluer et des donneacutees qui sont de lrsquoordre de lrsquoideacuteal du devoir ecirctre (critegraveres normes modegraveles) et qui concernent la reacutealiteacute agrave eacutevaluer (objet personne ou action) La probleacutematique de lrsquoeacutevaluation nrsquoest pas celle de lrsquoobjectiviteacute (livrer lrsquoobjet tel qursquoil est) mais de la pertinence Ainsi le propos de lrsquoeacutevaluateur nrsquoest pas de mesurer un objet mais de dire dans quelle mesure un projet a eacuteteacute ou non reacutealiseacute La mesure de son cocircteacute est lrsquoopeacuteration par laquelle on met en correspondance des donneacutees mateacuterielles qualitativement deacutefinies (des objets) et des systegravemes drsquouniteacutes qui srsquoy appliquent (des nombres) tandis que le diagnostic rapproche les diffeacuterents symptocircmes pour mettre en exergue les syndromes et reconnaicirctre la famille pathologique Quant agrave lrsquoanalyse elle deacutecompose dissegraveque les pheacutenomegravenes pour ensuite deacutegager les points forts et les points faibles Ainsi le propos de lrsquoeacutevaluateur nrsquoest pas de mesurer un objet mais de dire dans quelle mesure un projet a eacuteteacute ou non reacutealiseacute Aussi comme nous lrsquoavons deacutejagrave souligneacute plus haut la

2 Lrsquoaudit des commissaires aux comptes ou audit externe leacutegal lrsquoaudit interne ou par un membre ou un groupe de lrsquoentiteacute auditeacutee lrsquoaudit externe hors commissaire aux comptes ou audit par les cabinets conseils audit comptable financier lrsquoaudit opeacuterationnel drsquoefficaciteacute et drsquoefficience lrsquoaudit de direction ou du management lrsquoaudit theacutematique ou transverse lrsquoaudit social lrsquoaudit environnemental lrsquoaudit de la maintenance lrsquoaudit du management de la seacutecuriteacute lrsquoaudit des systegravemes drsquoinformation lrsquoaudit de qualiteacute audit de lrsquoemploi audit des reacutemuneacuterations audit de lrsquoameacutenagement des temps audit de la formation professionnelle audit de la culture drsquoentreprise audit du bilan social audit du recrutement et la liste nrsquoest ni limitative ni exhaustive

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problegraveme de lrsquoeacutevaluation nrsquoest pas celle de lrsquoobjectiviteacute crsquoest-agrave-dire livrer lrsquoobjet tel qursquoil est mais de la pertinence crsquoest-agrave-dire congruence avec ses objectifs et son objet Lrsquointeacuterecirct lrsquoutiliteacute et les enjeux de ce concept sont eacutevidents lrsquoaudit social permet entre autres de deacuteterminer si les ressources de lrsquoentreprise lui permettront non seulement de saisir les opportuniteacutes de lrsquoenvironnement qui se preacutesenteront mais eacutegalement si elles lui permettront de faire face aux menaces Ce qui aboutit implicitement agrave lrsquoinventaire des forces et faiblesses de lrsquoentreprise Nous nrsquooublions pas non plus que le champ de lrsquoaudit social peut ecirctre appreacutehendeacute suivant les critegraveres de niveaux et de domaines (R Vatier in laquo Les regravegles de lrsquoaudit social raquo Enseignement et Gestion FNEGE 1980 P Candau Lrsquoaudit social Vuibert 1986) - Suivant le critegravere de niveaux on aurait lrsquoaudit de conformiteacute lrsquoaudit de proceacutedures et lrsquoaudit drsquoefficaciteacute du pilotage social - Suivant le critegravere des domaines de lrsquoaudit social ce dernier regrouperait selon R Vatier et P Candau (ibid ) lrsquoensemble des preacuteoccupations qui naissent des interactions des individus ou de groupes drsquoindividus avec leur environnement interne et externe Crsquoest ainsi que lrsquoaudit des politiques sociales traitera par exemple de lrsquoemploi des reacutemuneacuterations conditions de travail de lrsquohygiegravene et de la seacutecuriteacute de la formation des relations professionnelles des activiteacutes sociales et culturelles de lrsquoinformation et de la communication Aussi pour construire notre fil conducteur nous partons du constat selon lequel tout audit social quel qursquoil soit et quel que soit son domaine drsquointervention et les pratiques professionnelles au sein de lrsquoentreprise auditeacutee ne peut aboutir fatalement qursquoagrave la deacutecouverte drsquoun dysfonctionnement lieacute agrave la structuration mecircme de lrsquoargumentaire et du mode de questionnement utiliseacute Autrement dit il nrsquoy a pas drsquoaudit sans deacutecouverte de faute latente ou explicite Drsquoougrave notre probleacutematique agrave savoir laquo lrsquoaudit social peut-il se solder par un zeacutero faute ou par un zeacutero dysfonctionnement raquo Une preacute-reacuteponse ou hypothegravese centrale agrave cette question serait que le reacutesultat de lrsquoaudit est contingent agrave la structuration des pratiques professionnelles en vigueur et aux objectifs privileacutegieacutes par le cabinet drsquoaudit chargeacute de lrsquoaudit Aussi apregraves avoir - rappeleacute le contexte et circonstances dans lesquelles srsquoopegravere lrsquoaudit - esquisseacute une explicitation du concept comparativement aux autres notions assez proches - souligneacute lrsquointeacuterecirct lrsquoutiliteacute et les enjeux - annonceacute le fil conducteur la probleacutematique et lrsquohypothegravese centrale nous nous proposons donc drsquoorganiser le corpus theacuteorique de cette eacutetude tout agrave fait exploratoire en deux parties La meacutethodologie et reacutesultats (1) et lrsquoapprofondissement des notions drsquoaudit eacutevaluation diagnostic mesure et analyse (2)

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1 MeacutethodologieReacutesultats ndash Discussion

11 Donneacutees drsquoobservations Les donneacutees drsquoobservation auxquelles nous nous reacutefeacuterons sont celles contenues dans les drsquoargumentaires des praticiens et que nous nous sommes efforceacutes drsquoextraire avec tout lrsquoarbitraire que peut comporter une telle opeacuteration Ce sont des donneacutees qualitatives susceptibles de geacuteneacuterer par la suite des donneacutees quantitatives sur lesquelles pourraient srsquoaccorder les chercheurs et les praticiens pour eacutetablir ou infirmer lrsquohypothegravese selon laquelle il existe toujours dans tout audit social un niveau minimal incompressible de dysfonctionnements Pour cela nous nous sommes baseacutes sur cinq argumentaires de cinq cabinets diffeacuterents drsquoaudit social argumentaires soumis agrave trois entreprises de la Reacutegion Rhocircne Alpes en quinze ans drsquoexistence Les cinq argumentaires des cinq cabinets drsquoaudit social seront noteacutes respectivement C1 C2 C3 C4 C5 par commoditeacute et clarteacute de lrsquoexposeacute Pour savoir si le nombre de dysfonctionnements releveacutes deacutependrait de lrsquoargumentaire du cabinet drsquoaudit ou plutocirct de la structure et qualiteacute du management de la socieacuteteacute auditeacutee nous avons demandeacute agrave trois entreprises auditeacutees de nous rappeler grosso modo le nombre dysfonctionnements releveacutes par chacun des cabinets agrave partir de leur argumentaire durant leur passage Les reacutesultats obtenus sont reacutesumeacutes dans le tableau ci-dessous

Tableau 1 Collecte de donneacutees drsquoobservations Type drsquoentreprise

C1 C2 C3 C4 C5

Entreprise connaissant des problegravemes et attendant lrsquoaudit social comme remegravede (I)

6 10 19 19 1

lrsquoentreprise auditeacutee laquo a priori sans problegraveme et ayant deacutejagrave fait appel agrave un cabinet drsquoaudit social (II)

3 18 13 13 7

lrsquoentreprise auditeacutee a priori sans problegraveme avec changement reacutecent de direction (III)

8 12 15 18 1

5

12 Descriptif des argumentaires des professionnels C1 C2 hellip C5 de lrsquoaudit social choisis pour les besoins de lrsquoeacutetude exploratoire

C1 Cabinet speacutecialiseacute dans le laquo le controcircle de direction raquo 1) Existe-t-il une politique de personnel 2) Qui eacutetablit cette politique Conseil drsquoAdministration Comiteacute de direction Directeur des RH 3) Existe-t-il des objectifs pour le deacutepartement RH 4) Sont-ils reacuteviseacutes reacuteguliegraverement Par qui 5) Quelle est la structure de lrsquoactiviteacute Service du Personnel et Services sociaux 6) Existe-il un plan de deacuteveloppement du personnel agrave moyen terme C2 Cabinet speacutecialiseacute sur laquo lrsquoaudit organisationnel raquo 1) Organigramme agrave jour 2) Descriptif des postes corrects 3) Responsabilisation et deacuteleacutegation drsquoautoriteacute 4) Proportion de personnel cadre par rapport au nombre total drsquoemployeacutes 5) Responsabiliteacute pour lrsquoembauche et le licenciement 6) Proceacutedure pour lrsquoeacutevaluation du personnel Est-elle appliqueacutee 7) Politique de formation et de promotion 8) Nombre drsquoheures de travail normal et moyen par cateacutegorie et par activiteacute 9) Echelonnement des heures de travail 10) Dossiers et fichiers de personnel utiles neacutecessaires agrave jour 11) Regravegles pour la reacutetention et destruction des dossiers de personnel 12) Seacutecuriteacute de lrsquoinformation 13) Immatriculation par deacutepartement C3 Cabinet speacutecialiseacute dans laquo lrsquoaudit paie et efficaciteacute raquo 1) Existence drsquoune grille de salaires dans lrsquoentreprise 2) Meacutethodes utiliseacutees pour le calcul et la recommandation des primes Pourquoi 3) Politiques sur les avantages en nature voiture teacuteleacutephone logement cantinerestaurant 4) Salaire moyen tout personnel par cateacutegorie 5) Chiffre drsquoaffaires par employeacute 6) Valeur ajouteacutee par employeacute Diffeacuterentiel de salaire entre directeur cadres non cadres C4 Cabinet speacutecialiseacute dans laquo le recrutementseacutelection raquo 1) Qui est le responsable du recrutement des cadres non cadres directeurs PDG 2) Qui deacutecide du nombre de salarieacutes 3) Existe-t-il des plans de recrutement temporaire 4) Etudie-t-on reacuteguliegraverement le marcheacute du travail 5) Qui autorise les recrutements 6) Les relationscommunications entre le personnel et les deacutepartements sont-elles satisfaisantes 7) Quel genre de publiciteacute utilise lrsquoentreprise interne externe Est-elle efficace 8) Existe-t-il un document standard drsquoapplication 9) Comment deacutecide-t-on pour un candidat qualifications tests psychologie graphologie tous les candidats ou simplement les cadres 10) Quel est le coucirct unitaire de recrutement drsquoun salarieacute cadre ou non cadre 11) Veacuterifie-t-on apregraves la validiteacute des seacutelections 12) Existe-t-il une proceacutedure drsquoaccueil du nouveau salarieacute dans lrsquoentreprise C5 Cabinet speacutecialiseacute dans laquo lrsquoaudit ndashrelations avec le Personnel raquo 1) Histoire des relations avec les syndicats avec le comiteacute drsquoentreprise 2) Les employeacutes sont-ils informeacutes des deacuteveloppements les plus importants dans lrsquoentreprise changement de direction OPA explication des reacutesultats fermeture drsquoune usine ou drsquoune activiteacute objectifs de lrsquoentreprise nouveaux produits nouvelles filiales 3) Existe-t-il un journal de lrsquoentreprise ou de la direction objectifs utiliteacute coucirct 4) Efforts faits pour augmenter lrsquointeacuterecirct du travail taylorisme ou hetzbergisation 5) Taux de roulement du personnel 6) Analyse des raisons invoqueacutees pour quitter lrsquoentreprise 7) Existence de proceacutedures de discipline dans lrsquoentreprise Appliqueacutee par qui 8) Existe-t-il encore une carte drsquoidentiteacute interne Pourquoi 9) Politique de retraite et preacute -retraite compleacutement de traitement actualisation 10) Relations sociales agrave lrsquointeacuterieur et agrave lrsquoexteacuterieur de lrsquoentreprise sportives culturelles ou autres

6

13 Reacutesultats ndash Discussion

131 Application de lrsquoanalyse en composantes principales sur le tableau 1 Type drsquoentreprise Moyenne Ecart-type I 11 7127 II 108 5231 III 108 5913

132 Elaboration de la matrice M des variables centreacutees reacuteduites -0 702 -0140 1122 1122 -1 403 -1491 1376 0421 0421 -0726 -0474 0203 0710 1218 -1657

133 Deacutetermination de la matrice V avec des variances covariances Ougrave V= MxMrsquo avec Mrsquo= transposeacutee de M La matrice V est agrave 15 pregraves la matrice des variances covariances Cette matrice v est donc la suivante 5 2 8164 47933 2 8164 5 3 0006 47933 3 0006 5

134 Valeurs propres et vecteurs propres On appelle vecteur propre drsquoune matrice V un vecteur ligne X tel que XV=aX avec laquo a raquo un coefficient appeleacute valeur propre Apregraves reacutesolution de lrsquoeacutequation caracteacuteristique on trouve comme valeurs propres a 1 = 12 15 et a 2= 2644 Associeacutees aux vecteurs propres X1= (0609 0498 0616) X2= (-0385 0865 -0319) Les composantes de ces deux vecteurs propres deacuteterminent naturellement les deux axes principaux sur lesquels seront projeteacutes les points les valeurs propres de leur coteacute permettant de calculer la part de la variance totale expliqueacutee par les deux axes

135 Calcul de la variance totale La variance totale est eacutegale agrave la trace de la matrice des variances covariances V crsquoest-agrave-dire la somme des eacuteleacutements de sa diagonale principale Trace (v)=5+5+5=15= variance totale

136 Part de la variance expliqueacutee par chaque axe factoriel Variance expliqueacutee par le premier axe a 1Trace (v)= 121515=81 Variance expliqueacutee par le second axe a 2 Trace(v)= 264415= 1760

7

Donc le premier et le second axe expliquent agrave eux deux 9860 de la variance totale ou inertie ou de lrsquoinformation totale (=81+1760)

137 Coordonneacutees des diffeacuterents cabinets drsquoaudit social C1 C2 hellip C5 sur les deux axes factoriels

Pour trouver les coordonneacutees des cabinets drsquoaudit social sur chaque axe factoriel on multiplie chacun des deux vecteurs propres X1 et X2 par la matrice M des variables centreacutees reacuteduites de deacutepart soit respectivement X1M et X2M drsquoougrave le tableau des coordonneacutees T2 ci-dessous Axes factoriels

C1 C2 C3 C4 C5

Axe factoriel1 (X1M)

-1462 0726 133 164 -2239

Axe factoriel2 (X2M)

0869 118 -0295 -0458 0441

138 Repreacutesentation graphique dans le plan des deux premiers axes factoriels

Nous repreacutesentons ensuite sur le plan deacutetermineacute par les deux axes factoriels les coordonneacutees des cinq cabinets drsquoaudit social En ramenant ainsi agrave deux dimension les donneacutees du tableau 1 de deacutepart nous expliquons 81 + 176= 98 de la variance totale ou inertie totale la perte de lrsquoinformation eacutetant tregraves faible agrave savoir 100 -986 = 14 Figure 1 Repreacutesentation graphique des cabinets drsquoaudit social en laquo Analyse en composantes principales raquo Second axe factoriel(176)

C2

C5

C3 C4

C1

8

139 DiscussionInterpreacutetation Sur le premier axe factoriel qui contient 81 de lrsquoinformation totale srsquoopposent tregraves nettement deux groupes (C2 C3C4) et (C1 C5) Ce qui semblerait montrer qursquoil y aurait une certaine homogeacuteneacuteiteacute de reacutesultats dans chacun des deux groupes par rapport aux critegraveres proposeacutes (type drsquoentreprise auditeacutee) Les composantes du vecteur propre sont toutes positives et relativement proches ce qui tendrait agrave montrer que les trois types drsquoentreprises auditeacutees contribuent dans le mecircme sens et de faccedilon agrave peu pregraves eacutegale agrave la deacutetermination de cet axe Sur le second axe factoriel qui contient 176 de lrsquoinformation on distingue des cabinets drsquoaudit social plus attireacutes par lrsquoentreprise de type II (lrsquoentreprise auditeacutee laquo a priori sans problegraveme et ayant deacutejagrave fait appel agrave un cabinet drsquoaudit social ) que par les deux autres types I (Entreprise connaissant des problegravemes et attendant lrsquoaudit social comme remegravede) et III (lrsquoentreprise auditeacutee a priori sans problegraveme avec changement reacutecent de direction) Les composantes du vecteur propre confirment cette interpreacutetation le critegravere II avec un coefficient positif eacuteleveacute a sur cet axe une contribution qui va en sens inverse de celle des deux autres critegraveres I et III On peut donc eacutemettre lrsquohypothegravese que qursquoil existe toujours un niveau incompressible de dysfonctionnements que reacuteveacutelera un audit social indeacutependant de la nature de lrsquoentreprise mais lieacute agrave la preacutesence de lrsquoaudit social et agrave son argumentaire sans que cela ne soit geacuteneacuteralisable sans reacuteserve

2 Prolongement et extension theacuteoriques convergences divergences speacutecificiteacutes des concepts drsquoaudit eacutevaluation mesure diagnostic analyse

21 Un synopsis theacuteorique des concepts drsquoaudit eacutevaluation mesure diagnostic et

analyse exeacutegegravese

211 Lrsquoaudit Lrsquoaudit recouvre dans les faits un champ assez large Il consiste drsquoune faccedilon geacuteneacuterale en un examen meneacute par un observateur professionnel sur la maniegravere dont est exerceacutee une activiteacute par rapport agrave des critegraveres speacutecifiques agrave cette activiteacute Lrsquoaudit financier est sans doute lrsquoaspect le plus connu parce que le plus ancien Il a eu en effet un deacuteveloppement comparable agrave celui de la comptabiliteacute Visant agrave lrsquoorigine la recherche de la fraude et de lrsquoerreur lrsquoaudit comptable srsquoest agrave partir de ce siegravecle orienteacute vers lrsquoeacutemission drsquoune opinion sur la validiteacute des eacutetats financiers Apparu en Italie au 16degsiegravecle il srsquoest deacuteveloppeacute en Europe et a connu une veacuteritable expansion avec une forte impulsion anglo-saxonne au 20deg siegravecle La notion drsquoaudit srsquoest ensuite eacutetendue agrave de nombreux aspects du fonctionnement de lrsquoentreprise au point que lrsquoon parle aujourdrsquohui drsquoaudit social drsquoaudit juridique drsquoaudit industriel et mecircme drsquoaudit de qualiteacute Lrsquoaudit comptable et financier a eacuteteacute deacutefini en France et sur le plan international par les diverses organisations professionnelles Ces organisations veillent agrave la deacutetermination de regravegles

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professionnelles agrave leur constante ameacutelioration et agrave leur respect par ceux qui exercent le meacutetier les auditeurs ou reacuteviseurs comptables pour utiliser un terme non anglo-saxon Drsquoapregraves LrsquoOECCA3 lrsquoaudit est examen auquel procegravede un professionnel compeacutetent indeacutependant en vue drsquoexprimer une opinion motiveacutee sur la reacutegulariteacute et sinceacuteriteacute du bilan et des comptes de reacutesultat drsquoune entreprise Pour lrsquoIFAC4 lrsquoaudit est le controcircle de lrsquoinformation financiegravere eacutemanant drsquoune entiteacute juridique et effectueacute en vue drsquoexprimer une opinion sur cette information Et tout reacutecemment la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) a pris le parti drsquoadopter le terme drsquoaudit dans les modegraveles de rapport des commissaires aux comptes et en donne la deacutefinition suivante un audit consiste agrave examiner par sondage les eacuteleacutements probants justifiant les donneacutees contenues dans les comptes Il consiste eacutegalement agrave appreacutecier les principes comptables suivis et les estimations significatives retenues pour laquo lrsquoarrecircteacute des comptes raquo et agrave appreacutecier leur preacutesentation drsquoensemble Une distinction meacuterite drsquoecirctre faite cependant entre lrsquoaudit leacutegal et lrsquoaudit contractuel Lrsquoaudit leacutegal est celui exerceacute par le commissaire aux comptes dans le cadre de sa mission telle que deacutefinie par la loi alors que lrsquoaudit eacutelargi ou audit contractuel est celui reacutealiseacute par un auditeur externe de maniegravere reacuteguliegravere ou pour reacutepondre agrave des besoins speacutecifiques Srsquoagissant maintenant de lrsquoaudit et des missions de lrsquoexpert comptable il convient de noter que les travaux de lrsquoauditeur leacutegal ou du commissaire aux comptes ne se confondent geacuteneacuteralement pas avec ceux de lrsquoexpert comptable agrave qui peut ecirctre confieacutee par une entreprise ne disposant pas de ressources internes une mission drsquoeacutetablissement ou drsquoexamen des comptes annuels Certes lrsquoexpert comptable en tant que professionnel indeacutependant et ayant par ailleurs la qualiteacute de commissaire aux comptes se doit de respecter les normes professionnelles et peut fournir une attestation agrave la fin de ses travaux Mais la mission qui lui est confieacutee drsquoamplitude variable se distingue bien souvent de la mission drsquoaudit Lrsquoexpert comptable peut se voir confier trois types de mission mission de preacutesentation mission drsquoexamen et mission drsquoaudit Les deux premiegraveres missions se distinguent nettement des missions drsquoaudit Lrsquoattestation deacutelivreacutee par lrsquoexpert comptable le preacutecise alors clairement La mission de preacutesentation constitue une simple mise en forme de donneacutees comptables fournies par lrsquoentreprise La mission drsquoexamen comporte en outre des controcircles geacuteneacuteraux de coheacuterence des comptes ainsi eacutetablis La troisiegraveme mission quant agrave elle est une mission complegravete de reacutevision contractuelle Elle peut ecirctre confieacutee volontairement par lrsquoentreprise agrave un expert comptable si elle choisit spontaneacutement drsquoen deacutesigner un la fonction de commissaire aux comptes eacutetant incompatible avec celle drsquoexpert comptable de lrsquoentreprise Cette incompatibiliteacute preacutevue par la loi repose sur le principe drsquoindeacutependance suivant lequel le controcircleur ne peut ecirctre en mecircme temps lrsquoobjet du controcircle Notons au passage la distinction entre auditeur externe et auditeur interne Les groupes ou socieacuteteacutes de taille significative ont souvent chercheacute agrave renforcer leur propre dispositif de controcircle en creacuteant en leur sein mecircme un service speacutecifique Ce service appeleacute service drsquoaudit interne est geacuteneacuteralement rattacheacute agrave la direction geacuteneacuterale afin de preacuteserver son indeacutependance aux autres services de la socieacuteteacute ou du groupe Son rocircle est de deacutefinir etou de veiller agrave la deacutefinition de proceacutedures de controcircle interne satisfaisantes au sein de lrsquoentreprise agrave leur diffusion et agrave leur correcte application Lrsquoauditeur interne fait partie inteacutegrante de lrsquoentreprise par opposition agrave lrsquoauditeur leacutegal ou contractuel ou auditeur externe Bien que les conditions 3 Ordre des Experts Comptables et Comptables Agreacuteeacutes 4 International Federation of Accountants

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drsquointervention et de travail soient diffeacuterentes les auditeurs internes et externes visent le mecircme objectif la conformiteacute agrave la reacutealiteacute et la fiabiliteacute des comptes

212 Lrsquoeacutevaluation Lrsquoeacutevaluation proprement dite repose sur le traitement lrsquoanalyse et lrsquointerpreacutetation des informations recueillies en regard du reacutefeacuterent par comparaison ou mise en correspondance de celui-ci au reacutefeacutereacute Lrsquoeacutevaluation transforme ainsi la repreacutesentation factuelle drsquoun objet en une repreacutesentation normeacutee On passe drsquoun jugement de fait agrave un jugement de valeur aboutissant ainsi agrave une nouvelle repreacutesentation du reacuteel agrave partir de celle que constituait le reacutefeacutereacute Lrsquoeacutevaluation est une activiteacute drsquoeacutelaboration conceptuelle et non une activiteacute directement opeacuteratoire Crsquoest un moyen drsquoeacuteclairer une prise de deacutecision Le terme laquo eacutevaluation raquo recouvre drsquoailleurs une deacutemarche iteacuterative et reacutetroactive qui va de la fixation drsquoobjectifs agrave lrsquoappreacuteciation de leur atteinte Et toute deacutemarche drsquoeacutevaluation semble devoir en fait partir de la deacutefinition drsquoobjectifs deacutecrire le plus preacuteciseacutement possible les activiteacutes visant agrave atteindre ces objectifs deacutefinir des proceacutedures permettant drsquoeffectuer des tacircches neacutecessaires agrave lrsquoatteinte des objectifs soumises au controcircle interne lui-mecircme justiciable drsquoun audit interne ou externe deacutefinir des indicateurs facilitant la mesure des effets de chaque activiteacute deacutetecter lrsquoeffet drsquoeacuteventuels facteurs externes etou de faits impreacutevisibles lors de la fixation de lrsquoobjectif afin de pouvoir permettre de porter un jugement de valeur ou une appreacuteciation qui sera le cœur de lrsquoeacutevaluation

Cependant le concept drsquoeacutevaluation a eacutevolueacute et tendrait agrave devenir une appreacuteciation (N Sillamy 1980) du meacuterite une appreacuteciation des capaciteacutes ou de la valeur personnelle drsquoun sujet consideacutereacute dans une situation donneacutee etou par rapport agrave la moyenne de ses pairs Mais si nous nous en tenons agrave cette deacutefinition nous ne sommes pas plus avanceacutes car cette approche introduit des notions trop abstraites telles que celles de laquo meacuterite capaciteacute valeur professionnelle raquo induisant par la mecircme occasion une notion globale de lrsquoeacutevaluation de lrsquoindividu crsquoest-agrave-dire des reacutesultats de travail et de ses aptitudes

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Figure ndeg 2 Double articulation dans lrsquoopeacuteration drsquoeacutevaluation ----------------------------------------------------------------------------------------------------------- REFERE Utilisation Ensemble drsquoeacuteleacutements jugeacutes hellip drsquoindicateurs Repreacutesentatifs de = Cateacutegories drsquoappreacutehension hellip REALITE5 A partir de | (objet de travail) | de la reacutealiteacute concregravete une situation reacuteelle Champ de la reacutealiteacute une valeur concregravete

Evaluer = juger attribuer Un sens en confrontant hellip comparaisonhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip En fonction de Champ des attentes (moyen de travail) une situation deacutesireacutee | sociales | REFERENT Production de normes

Ensemble drsquointentions jugeacutees hellip ou critegraveres de jugement hellip PROJET6

Significatives de Reacutefeacutereacute constitueacute par lrsquoensemble des observables agrave travers lesquels le reacuteel concret est saisi et construit agrave lrsquoaide drsquoinstruments drsquoobservation (les outils drsquoeacutevaluation) qui servent ainsi agrave produire de lrsquoinformation pour lrsquoeacutevaluation Reacutefeacuterent est un modegravele laquo ideacuteal raquo articulant les intentions jugeacutees les plus significatives par reacutefeacuterence au projet et agrave partir desquelles vont se deacutegager des normes et critegraveres

213 Mesure Mesurer crsquoest assigner un nombre agrave un objet ou agrave un eacuteveacutenement selon une regravegle logiquement acceptable Il doit y avoir correspondance entre les proprieacuteteacutes qui reacutegissent les relations entre les choses et celles qui reacutegissent les relations entre les nombres La mesure est une opeacuteration de saisie des donneacutees Elle apporte la preacutecision dans la collecte des faits drsquoobservation A ce titre elle pourra participer dans la construction de ce qui sera appeleacute le reacutefeacutereacute mais ne constituera jamais en tant que telle une eacutevaluation puisque celle-ci sera le produit de la comparaison du reacutefeacutereacute (ensemble des donneacutees drsquoobservation) avec le reacutefeacuterent systegraveme drsquointerpreacutetation des donneacutees saisies

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5 Reacutealiteacute (situation concregravete observeacutee donneacutees de fait ce qui srsquoest concregravetement produit) 6 Projet (intention de changement donneacutees de devoir ecirctre ce qui est ideacutealement souhaiteacute ou attendu)

214 Diagnostic Le diagnostic correspond agrave lrsquoidentification non seulement des facteurs cleacutes de succegraves ou drsquooptimisation des ressources de lrsquoentreprise mais eacutegalement des dysfonctionnements ou anomalies dont souffre celle-ci agrave partir drsquoun ensemble de symptocircmes ne permettant pas de connaicirctre par anticipation les causes G Brown pense que le mot diagnostic est en principe reacuteserveacute agrave la meacutedecine mais que dans lrsquoindustrie on procegravede souvent agrave des analyses drsquoentreprises ayant pour but de faire ressortir les deacutefectuositeacutes Pour Ph Lorino le diagnostic correspondrait agrave une capaciteacute drsquoanalyse et de compreacutehension de la performance Diagnostiquer serait se rattacher aux causes Il srsquoagirait donc drsquoidentifier les leviers drsquoaction les plus efficaces Par contre pour JP Thibaut le diagnostic global est le modegravele de base qui analyse lrsquoentreprise dans une perspective globale agrave travers ses fonctions et son organisation et qui deacutebouche sur des propositions drsquoameacutelioration Les informations recueillies permettant aux principaux responsables drsquoorienter leur action pour ameacuteliorer la performance de lrsquoentreprise C Bottin qualifie le diagnostic de meacutethode particuliegravere drsquoaccegraves agrave la connaissance identifiant la situation preacutesente et preacuteparant la deacutetermination drsquoobjectifs drsquoaction Enfin pour AC Martinet le diagnostic srsquoappuie sur lrsquoanalyse mais srsquoen distingue nettement Il suppose appreacuteciation jugement et en deacutefinitive prise de responsabiliteacute de celui qui le pose

215 Lrsquoanalyse Crsquoest une deacutesagreacutegation voulue et accomplie dans le but drsquoeacutetudier seacutepareacutement chacune des parties drsquoun tout et de tirer de cette eacutetude des deacuteductions rigoureuses pour la suite Analyser crsquoest deacutecomposer disseacutequer les pheacutenomegravenes eacutelaborer les points forts et faibles repeacuterer les inter-relations identifier les signes examiner classer

22 Etude compareacutee des concepts drsquoaudit eacutevaluation mesure diagnostic et analyse

221 Points de convergence

2211Relativement agrave la deacutemarche Qursquoil srsquoagisse de lrsquoaudit de lrsquoeacutevaluation de la mesure du diagnostic ou de lrsquoanalyse certaines questions reacutecurrentes se posent toujours agrave savoir en vue de quoi veut-on auditer eacutevaluer mesurer diagnostiquer ou analyser Pour quels coucircts et quels gains Et sous quelles conditions et dans quel cadre Qui en est le beacuteneacuteficiaire ou le commanditaire Sous quel aspect le commanditaire souhaite-t-il essentiellement ecirctre informeacute Sur quel type de questions importe-t-il de mettre lrsquoaccent Vers quel type de deacutecision converge-t-on et dans quel contexte la demande srsquoinscrit-elle Autrement dit qui va srsquoapproprier du jugement de valeur et pourquoi faire Quelle est la personne qui aura accegraves agrave lrsquoinformation recueillie et traiteacutee En drsquoautres termes les concepts laquo A (audit) E (eacutevaluation) M (mesure) D (diagnostic) An (analyse) raquo neacutecessitent que lrsquoon se preacuteoccupe au moins des six facteurs invariants suivants lrsquoobjet problegraveme drsquoentreprise Problegraveme de recherche Problegraveme marketing comptable strateacutegique problegraveme de gestion La qualiteacute et nature de lrsquoinformation attendue son coucirct son accessibiliteacute rapiditeacute fiabiliteacute finesse sa dureacutee de vie pertinence preacutecision (justesse et fideacuteliteacute) son caractegravere drsquoexhaustiviteacute et son degreacute drsquoautonomie Le type de questions souhaiteacutees ou argumentaire de reacutefeacuterence La nature de la deacutecision preacutefixeacutee ainsi

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que le contexte ou circonstances Les conditions drsquoaccessibiliteacute agrave lrsquoinformation recueillie Le coucirct et gain associeacutes Par ailleurs il y a souvent une confusion entre laquo audit diagnostic et analyse raquo comme il en est de mecircme pour laquo eacutevaluation et mesure raquo confusion qursquoil conviendra de lever par une eacutetude empirique approfondie A la question laquo audit eacutevaluation mesure diagnostic analyse quels contours raquo notre premier reacuteflexe a eacuteteacute de nous tourner vers les publications disponibles traitant du sujet Mais alors force a eacuteteacute de convenir que des publications traitant simultaneacutement de ces thegravemes eacutetaient inexistantes la comparaison des diffeacuterents concepts eacutetant une probleacutematique peu convoqueacutee en sciences de gestion Notre premiegravere deacutemarche a donc consisteacute agrave nous orienter vers les principaux inteacuteresseacutes agrave savoir les experts comptables les analystes financiers les auditeurs les dirigeants recruteurs Elle a ensuite consisteacute agrave deacutecrypter les arguments que ces professionnels mettent en avant lorsqursquoils parlent drsquoaudit drsquoeacutevaluation de mesure de diagnostic et drsquoanalyse Aussi avons-nous collecteacute les discours tenus par les inteacuteresseacutes eacutetudieacute analytiquement le vocabulaire employeacute chercher agrave identifier les critegraveres reacutecurrents les plus importants de maniegravere agrave commencer agrave esquisser une deacutelimitation des contours de leurs pratiques habituelles et pouvoir ainsi deacutegager les convergences divergences et speacutecificiteacutes

2212Relativement agrave la creacuteation de valeur Contrairement agrave ce que beaucoup croient bien que borneacutes par les normes professionnelles lrsquoaudit lrsquoeacutevaluation la mesure le diagnostic et lrsquoanalyse peuvent ecirctre tous consideacutereacutes dans un certain sens et par certains cocircteacutes comme faisant partie inteacutegrante des meacutethodes de creacuteativiteacute de rationalisation de conception drsquoexploration et de recherche drsquoideacutees Meacutethodes de creacuteativiteacute la neacutecessiteacute drsquoune compreacutehension geacuteneacuterale de lrsquoentreprise auditeacutee le besoin de comprendre son activiteacute et son langage amegravenent les cabinets drsquoaudit agrave diversifier leur recrutement Celui-ci agrave lrsquoorigine plutocirct cibleacute sur les eacutelegraveves des eacutecoles de commerce tend agrave rechercher aujourdrsquohui eacutegalement des collaborateurs de formation scientifique (ingeacutenieurs informaticiens actuaireshellip) susceptibles de mieux comprendre les processus industriels et drsquoavoir un langage commun avec les interlocuteurs Crsquoest ainsi que bon nombre de cabinets utilisent le brainstorming pour geacuteneacuterer un grand nombre drsquoideacutees nouvelles ou la synectics pour susciter par analogie des ideacutees nouvelles

Meacutethodes de rationalisation laquo lrsquoA E M D An raquo fait appel comme les meacutethodes scientifiques de rationalisation

agrave la clarification des objectifs afin drsquoexpliciter les objectifs et sous-objectifs et les relations qui les lient (arbre des objectifs) agrave la deacutefinition des fonctions afin de deacutelimiter les frontiegraveres du systegraveme agrave concevoir (analyse fonctionnelle)

agrave la deacutefinition des performances ou speacutecifications techniques et eacuteconomiques agrave atteindre

agrave la creacuteation et eacutevaluation drsquoalternatives afin drsquoeacutevaluer et comparer les diffeacuterentes solutions alternatives

Meacutethodes drsquoexploration des situations de conception eacutetablissement des objectifs documentation recherche drsquoanomalies visuelles questionnaire recherche sur le comportement des utilisateurs identification des actions qui seraient susceptibles drsquoapporter des changements non souhaiteacutes mais qui sont trop difficiles agrave comprendre (systemic testing) seacutelection drsquoune eacutechelle de mesure

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2213Relativement au rythme drsquointervention Lrsquoaudit lrsquoeacutevaluation la mesure le diagnostic et lrsquoanalyse ont un caractegravere discontinu et sont souvent annuels semestriels ou trimestriels

222 Points de divergence Lrsquoaudit apparaicirct plus comme une opeacuteration drsquoinventaire ayant pour but de dresser un eacutetat des lieux de la situation alors que lrsquoeacutevaluation vise plutocirct agrave mettre en eacutevidence les forces et faiblesses de lrsquoobjet observeacute Quant au diagnostic il semblerait beaucoup destineacute agrave mettre en relief les dysfonctionnements ou anomalies Lrsquoanalyse enfin cherche agrave deacutevoiler la dimension cacheacutee des choses On ne peut dire avec preacutecision lequel des cinq concepts preacutecegravede ou suit lrsquoautre car suivant les objectifs fixeacutes lrsquoun ou lrsquoautre des cinq concepts peut comprendre les quatre autres Drsquoougrave lrsquoideacutee de les faire figurer plutocirct sur un cercle non orienteacute

Figure ndeg3 Impossible deacutetermination de lrsquoorientation universelle des cinq concepts Audit

Evaluation Diagnostic Analyse Mesure Diagnostic

Conclusion La notion drsquoaudit social est implicitement baseacutee sur lrsquohypothegravese de lrsquoexistence drsquoun dysfonctionnement conscient ou inconscient Nous pensons que lrsquoon trouvera toujours quelque chose agrave redire face agrave lrsquoentreprise la mieux geacutereacutee et que cela tient en partie aussi du contenu de lrsquoargumentaire utiliseacute par le cabinet drsquoaudit Mais cette hypothegravese doit ecirctre eacutetudieacutee plus profondeacutement eacutechantillon choisi eacutetant tregraves petit pour qursquoune geacuteneacuteralisation seacuterieuse puisse ecirctre faite

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PIGE B (2001) Audit et controcircle interne EMS

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LE laquo SOCIAL raquo DANS LA GRANDE MARMITE DE LrsquoAUDIT Georges EGG Auditeur social

Introduction Lrsquoaudit social a-t-il une speacutecificiteacute reacuteelle compareacute agrave ses grands fregraveres Est-ce mecircme un audit Ces questions se posent au moment ougrave un marcheacute de lrsquoaudit de RSE1 se profile Pour tenter drsquoy reacutepondre il nous faut drsquoabord replacer lrsquoaudit social laquo historique raquo au sein de lrsquoensemble des audits pratiqueacutes Pour cela nous retracerons drsquoabord le deacuteveloppement qualitatif de lrsquoaudit en geacuteneacuteral nous chercherons agrave caracteacuteriser ses diffeacuterentes formes avant de deacutecrire agrave grand traits les principales varieacuteteacutes drsquoaudit pratiqueacutees Nous aborderons ensuite sur cette base la question de lrsquoexistence drsquoun audit social de sa speacutecificiteacute et de ses limites

1 Lrsquoexpansion de lrsquoaudit Ceux qui ont connu la peacuteriode de creacuteation de lrsquoaudit social2 par lrsquoIAS sont bien perplexes voire deacutesempareacutes face agrave la situation actuelle A lrsquoeacutepoque au tout deacutebut des anneacutees 80 il srsquoagissait de deacutevelopper dans le champ social une meacutethode drsquoinvestigation analogue agrave celle qui existait depuis fort longtemps en matiegravere comptable et financiegravere et dans la gestion interne des entreprises plus reacutecemment Dans laquo audit social raquo le mot laquo social raquo deacutesignait essentiellement les meacutethodes de gestion du personnel et par extension le fonctionnement social interne3 Le peacuterimegravetre eacutetait celui des frontiegraveres de lrsquoentreprise La deacutemarche eacutetait drsquoune grande modestie adoption sans restriction de la meacutethode de lrsquoaudit supposeacutee unifieacutee agrave lrsquoeacutepoque Et drsquoune grande ambition le champ social est autrement plus eacutetendu et complexe que ceux de la comptabiliteacute et de la finance4 Pendant une vingtaine drsquoanneacutees le petit audit social a coexisteacute avec les audits techniques traditionnels des entreprises Dans une ignorance reacuteciproque totale Tout les seacuteparait agrave part ndashsemblait-il ndash la meacutethode Les audits comptables et financiers eacutetaient et restent indispensables et obligatoires tregraves fortement encadreacutes non seulement par des normes techniques mais encore par des reacuteglementations nationales et internationales Ils eacutetaient la chasse gardeacutee des grands cabinets drsquoaudit et des cabinets plus modestes drsquoexpertise comptable Le petit audit social lui eacutetait et continue drsquoecirctre demandeacute par un petit nombre drsquoorganisations plus hardies que les

1 Responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise 2 Du moins le deacuteveloppement de sa pratique car lrsquoideacutee avait deacutejagrave eacuteteacute avanceacutee par HR Bowen en 1953 et John Humble en 1973 (cf article de J IGALENS) 3 Le mot laquo social raquo accoleacute agrave laquo audit raquo est progressivement apparu trop connoteacute et restrictif Une assembleacutee de lrsquoIAS a deacutecideacute dans les anneacutees 90 que lrsquoIAS srsquoappellerait deacutesormais Institut international de lrsquoAudit Social et des organisations 4 On ne srsquoeacutetait peut-ecirctre pas rendu compte que lrsquoon transposait une meacutethode appliqueacutee agrave des techniques formaliseacutees dans le champ mouvant des fonctionnements Ou lrsquoon nrsquoen avait pas perccedilu les conseacutequences meacutethodologiques

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autres et meneacute librement par quelques petits cabinets de consultants de culture et drsquoexpeacuterience RH Lrsquoapparition des normes internationales et drsquoabord ISO 9000 en 1988 ne changea pas la situation Un nouveau champ eacutetait ouvert agrave lrsquoaudit couvert par un nouveau profil drsquoauditeurs Lrsquoaudit Qualiteacute eacutetait neacute agrave cocircteacute des autres et dans le mecircme aveuglement partageacute5 La sortie des normes ISO 14000 sur lrsquoenvironnement en 1994 suscita quelques interrogations de courte dureacutee chez les auditeurs sociaux On se demanda si lrsquoenvironnement nrsquoavait pas quelque chose agrave voir avec le social Pour conclure que crsquoeacutetait une affaire de techniciens speacutecialiseacutes Et lrsquoaudit drsquoenvironnement pris une place agrave lrsquoombre de son grand fregravere de la Qualiteacute A la mecircme eacutepoque apparaissent des pratiques drsquoinvestigation de la chaicircne des fournisseurs Elles faisaient suite aux scandales meacutediatiseacutes affectant certaines marques de vecirctements de sport et aux boycotts qui srsquoensuivirent Les missions mandateacutees visent agrave veacuterifier que les fournisseurs des grandes marques et enseignes respectent un SMIG en matiegravere de droits de lrsquohomme et du travailleur Elles sont appeleacutees laquo social audit raquo en anglais Aujourdrsquohui encore elles sont peu connues et constituent un univers professionnel distinct Last but not least arrive la responsabiliteacute sociale des entreprises (RSE) Promue par la Commission europeacuteenne dans son Livre vert de juin 2001 apregraves les premiegraveres deacutelocalisations massives en Europe la RSE est laquolrsquointeacutegration volontaire par les entreprises de preacuteoccupations sociales et environnementales agrave leurs activiteacutes commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantesraquo La commission ajoute laquoecirctre socialement responsable signifie non seulement satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables mais aussi aller au-delagrave et investir laquo davantage raquo dans le capital humain lrsquoenvironnement et les relations avec les parties prenantes raquo La RSE doit naturellement srsquoaccompagner drsquoune eacutevaluation de sa mise en œuvre et de ses reacutesultats Le Livre vert fait alors naicirctre un laquo audit social raquo et le deacutefinit par son sujet drsquoinvestigation audit des impacts des deacutecisions des entreprises sur leurs parties prenantes6 et leur environnement interne et externe Notons enfin que la publication de rapports de deacuteveloppement durable imposeacutee par la loi en France et en Belgique recommandeacutee ailleurs suscite des interrogations sur la bonne faccedilon drsquoeacutevaluer leur qualiteacute audit veacuterification ou simple avis Et lrsquoapparition du meacutetier drsquoanalyste non financier au sein des agences de notation vient encore complexifier lrsquounivers de lrsquoinvestigation de la veacuterification et de lrsquoeacutevaluation La pratique de lrsquoaudit srsquoeacutetend donc rapidement agrave de nouveaux territoires Les auditeurs semblent y employer la mecircme meacutethode Tout semble identique sauf le terrain Est-ce si sucircr Srsquoagit-il toujours drsquoaudit Et drsquoailleurs qursquoest-ce que lrsquoaudit Chaque professionnel pense en deacutetenir le sens veacuteritable et croit ecirctre bien compris de tous ses collegravegues quand il utilise ce mot pour

5 Il nrsquoa pas eacuteteacute possible de faire participer des auditeurs Qualiteacute aux travaux de reacutedaction des versions successives des laquo Mots de lrsquoaudit raquo (Editions Liaisons) au sein drsquoune commission mixte IAS-IFACI 6 laquo Personne communauteacute ou organisation influant sur les opeacuterations drsquoune entreprise ou concerneacutees par celles-ci Les parties prenantes peuvent ecirctre internes (salarieacutes par exemple) ou externes (clients fournisseurs actionnaires financiers communauteacute locale etc raquo

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reacutesumer sa pratique Il faut constater que ce nrsquoest pas le cas et que nous parlons de choses diffeacuterentes Qursquoil nrsquoy a peut-ecirctre pas un mais plusieurs audits Ils ont agrave lrsquoeacutevidence des points communs au-delagrave de diffeacuterences manifestes Lesquels

2 Un ou plusieurs audits

21 Les confusions et abus de langage Eliminons tout drsquoabord les confusions drsquoun champ deacutejagrave suffisamment opaque Parmi elles vient en premier le mot laquo controcircle raquo nom donneacute agrave une deacutemarche visant agrave distinguer le conforme du non conforme le normal de lrsquoanormal le reacutegulier du fautif Elle compare pour cela les caracteacuteristiques drsquoun objet ou drsquoun lieu la situation drsquoune personne ou ses reacutesultats agrave ce qursquoils devraient ecirctre Elle dispose donc drsquoune ou plusieurs reacutefeacuterences Comme lrsquoaudit Mais lrsquoanalogie srsquoarrecircte lagrave Car le controcircle srsquoapplique agrave des individualiteacutes (la piegravece dont on controcircle les caracteacuteristiques physiques la personne dont on veacuterifie lrsquoidentiteacute la machine dont srsquoassure du fonctionnement) Et non au systegraveme qui fabrique les piegraveces agrave lrsquoorganisation qui deacutelivre les passeports agrave la fonction drsquoentretien des machines Ou alors ce nrsquoest plus un simple controcircle ponctuel et reacutepeacutetable agrave lrsquoinfini et crsquoest autre chose peut-ecirctre un audit Ex aequo arrive le conseil Contrairement agrave lrsquoaudit le conseil ne dispose pas drsquoun reacutefeacuterentiel formaliseacute accessible connu Ou plutocirct celui-ci est enfoui dans le cerveau du conseiller Celui-ci donne son avis en fonction de son expeacuterience Elle constitue sa reacutefeacuterence qursquoil serait bien en peine de formaliser De plus le conseiller eacutemet des prescriptions agrave la diffeacuterence de lrsquoauditeur qui formule des avis Il doit prendre parti orienter faire des choix pour son client ce qui nrsquoest pas du tout le rocircle de lrsquoauditeur et lui est mecircme fortement deacuteconseilleacute Drsquoautres exemples drsquousage abusif nous sont fournis par les laquo audits de la France raquo qui paraissent dans les 15 jours suivants une eacutelection lrsquoaudit de la personne ou les enquecirctes deacutenueacutees de tout reacutefeacuterentiel etc Nous ne nous attarderons pas davantage sur ces emplois abusifs et trompeurs

22 Les caracteacuteristiques communes essentielles Au sein de toutes les pratiques professionnelles drsquoaudit en usage se retrouvent des eacuteleacutements communs

Comparaison lrsquoauditeur raisonne par comparaison jamais dans lrsquoabsolu Reacutefeacuterence il effectue ses comparaisons par rapport agrave une ou plusieurs reacutefeacuterences qui lui sont exteacuterieures Induction il part drsquoobservations en extrait des constats aveacutereacutes et en tire des conclusions Il ne part pas drsquohypothegraveses agrave veacuterifier drsquoa priori agrave prouver Deacutemarche lrsquoauditeur conduit sa mission de faccedilon meacutethodique et systeacutematique depuis la deacutefinition des objectifs jusqursquoau traitement des informations et aux conclusions en passant par lrsquoeacutetablissement du reacutefeacuterentiel et la construction du guide

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drsquoaudit Les diffeacuterentes eacutetapes sont mises en coheacuterence et eacutetroitement relieacutees entre elles Validation toutes les informations eacutecrites ou recueillies oralement sont valideacutees Les constats ainsi obtenus sont la base des conclusions de lrsquoauditeur Deacuteontologie lrsquoauditeur respecte une deacuteontologie contraignante dont un des eacuteleacutements principaux est sa reacuteelle indeacutependance

23 Les deacuteterminants essentiels de lrsquoaudit

Au-delagrave de ce qui constitue le noyau unificateur de lrsquoaudit on trouve de nombreux et importants eacuteleacutements de diffeacuterenciation On peut en citer six

A La nature du domaine auditeacute B Le reacutesultat rechercheacute par le commanditaire C Le reacutefeacuterentiel drsquoaudit D Le sujet de lrsquoaudit E Le secteur drsquointervention F Le type drsquoaudit

Les cinq premiers relegravevent de la pratique Le sixiegraveme touche agrave la nature de lrsquoaudit Ils deacuteterminent entiegraverement les missions et les rendre eacutetrangegraveres les unes aux autres

A - La nature du domaine auditeacute Les domaines drsquoapplication de lrsquoaudit sont tregraves nombreux et varieacutes Il nrsquoest pas neacutecessaire drsquoinsister sur le fait que les missions ne requiegraverent pas les mecircmes compeacutetences et les mecircmes outils dans le domaine comptable et dans celui de lrsquoenvironnement dans le domaine social et dans celui de la qualiteacute

B - Le but viseacute par le commanditaire Ce peut ecirctre

La certification des comptes de son entreprise La certification de son entreprise selon une norme deacutetermineacutee Un certain niveau drsquoassurance quant agrave la conformiteacute de tel ou tel aspect de ses

activiteacutes La deacutetection de pistes de progregraves ou la reacutesolution de difficulteacutes internes ou externes

Chacun de ces buts requiegravere des sources drsquoinformation des meacutethodes drsquoinvestigation et de deacutemonstration tregraves diffeacuterentes les unes des autres

C ndash Les reacutefeacuterences (critegraveres) drsquoaudit Les reacutefeacuterences drsquoaudit sont innombrables Dans les seuls domaines comptable et financier on deacutenombre une cinquantaine de normes europeacuteennes IAS7 (auxquelles srsquoajoutent les IAS+ pour les speacutecificiteacutes nationales) et une quarantaine de normes IFRS8 Dans le domaine du management de la qualiteacute par contre une poigneacutee de norme suffit

7 International Accounting Standard 8 International Financial Reporting Standard

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Leur nature est eacutegalement tregraves varieacutee leacutegale reacuteglementaire contractuelle normative politique proceacutedurale drsquoengagement Tout comme celle de leurs eacutemetteurs publics ou priveacutes institutions internationales ou nationales groupements professionnels ONG entreprises etc Mais ce nrsquoest pas cette profusion qui creacutee veacuteritablement les distinctions entre audits Le plus important est le sujet de leurs prescriptions Ce peut ecirctre

Des conditions agrave remplir des reacutesultats agrave obtenir des interdictions (travail des enfants niveau de bruit dans les ateliers deacutepenses de formation etc) Des modegraveles de fonctionnement (systegravemes de management de la qualiteacute de lrsquoenvironnement de la santeacute et la seacutecuriteacute des relations avec les parties prenantes etc)9

Lagrave encore ni les meacutethodes de recueil des informations ni les sources ni le type drsquoavis donneacute en conclusion ne sont pas les mecircmes dans lrsquoun et lrsquoautre cas

D ndash Le sujet auditeacute Crsquoest ce sur quoi porte lrsquoinvestigation En pratique et notamment quand lrsquoinvestigation porte sur un processus les missions concernent les types de sujet suivants

a) Les politiques strateacutegies objectifs b) Les systegravemes speacutecialiseacutes de management y compris drsquoinformation c) La mise en œuvre proprement dite et le fonctionnement d) Les reacutesultats obtenus quantitatifs et qualitatifs e) Lrsquoutilisation des reacutesultats

Mais il peut srsquoagir aussi f) Drsquoun eacutetat drsquoune situation drsquoun fonctionnement

Le type de sujet auditeacute deacutetermine directement le reacutefeacuterentiel pertinent mais aussi lrsquoorganisation drsquoensemble de la mission les investigations agrave mener les eacuteleacutements de preuve agrave fournir et le type drsquoavis eacutemettre

E ndash Le secteur professionnel Les audits de conformiteacute sur norme de systegraveme de management ou les audits comptables et financiers sont reacuteputeacutes laquo tout terrain raquo Lrsquoauditeur est censeacute passer sans difficulteacute du secteur de la santeacute agrave celui de la grande distribution de lrsquoaeacuteronautique agrave lrsquoindustrie du logiciel de la banque agrave lrsquoagriculture En pratique il lui faut neacutecessairement acqueacuterir preacutealablement les fondamentaux eacuteconomiques techniques et sociaux du secteur Crsquoest ce qursquoont bien compris les grands cabinets qui speacutecialisent leurs auditeurs La connaissance voire lrsquoexpeacuterience du secteur est encore plus neacutecessaire dans les autres types drsquoaudit notamment dans le domaine social

9 Certaines reacutefeacuterences relegravevent des deux cateacutegories agrave la fois Et une mecircme mission peut ecirctre fondeacutee sur des reacutefeacuterences appartenant aux deux cateacutegories

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F ndash Le type drsquoaudit Les buts viseacutes et les reacutesultats attendus par le commanditaire deacuteterminent le type drsquoaudit conformiteacute ou efficaciteacute parfois les deux Si le commanditaire recherche une certification de son entreprise ou de ses comptes ou une veacuterification de conformiteacute sur un thegraveme donneacute la ou les reacutefeacuterences utiliseacutees sont intouchables Lrsquoauditeur recherche et pointe les eacutecarts et donne un avis sur leur importance agrave lrsquoissue drsquoun audit de conformiteacute Crsquoest le seul type drsquoaudit possible Si le commanditaire cherche essentiellement agrave progresser ou agrave voir clair dans des difficulteacutes qursquoil ne maicirctrise pas lrsquoaudit doit non seulement eacutemettre un avis sur le respect des regravegles mais eacutegalement sur leur pertinence La regravegle nrsquoest plus intouchable degraves lors qursquoelle agit sur la performance Il srsquoagit lagrave drsquoun audit drsquoefficaciteacute Lrsquoaudit drsquoefficaciteacute peut comporter un diagnostic permettant de remonter aux causes des symptocircmes observeacutes ce qui est freacutequent en audit social Ce nrsquoest jamais le cas en audit de conformiteacute Les deux types drsquoaudit peuvent bien entendu ecirctre utiliseacutes dans les missions lorsque les reacutefeacuterences ne sont pas impeacuteratives Chaque mission drsquoaudit semble donc devoir ecirctre une combinaison speacutecifiques des deacuteterminants que nous venons drsquoeacutenumeacuterer La grande varieacuteteacute de ces combinaisons pourrait faire oublier le cœur commun de meacutethode qui les reacuteunit Quelles sont les combinaisons pratiques que nous pouvons identifier Elles apparaissent agrave lrsquoobservation des grands types de mission

3 Des pratiques que leurs praticiens cherchent agrave exporter hors de leur territoire drsquoorigine

31 Les audits du chiffre titulaires de lrsquoappellation drsquoorigine

Les commissaires aux comptes et les experts comptables megravenent depuis fort longtemps des audits comptables et financiers Les premiers dans le cadre drsquoune mission drsquoordre public les seconds en exeacutecution drsquoun contrat Le reacutesultat de la mission est un avis sur les comptes donneacute agrave son client par lrsquoexpert comptable porteacute agrave la connaissance de la communauteacute eacuteconomique par le commissaire aux comptes du fait de lrsquoobligation de publication Les auditeurs se reacutefeacuterent dans leurs investigations agrave des normes comptables et agrave des normes drsquoaudit eacutedicteacutees au plan international Ils procegravedent agrave des controcircles exhaustifs ou par sondage agrave des veacuterifications directes agrave des questionnements de fournisseurs ou de clients dans le souci de fiabiliser les informations recueillies La dureacutee des missions est tregraves variable Lrsquoexamen du systegraveme comptable existant nrsquoest pas un objectif en soi mais seulement un eacuteleacutement de jugement sur les comptes Les commissaires aux comptes ont deacutesormais les auditeurs internes comme partenaires sur le sujet du controcircle interne10 Il srsquoagit lagrave drsquoun sujet qui devrait agrave terme inteacuteresser les auditeurs de systegravemes de management Les commissaires aux comptes examinent par ailleurs le rapport annuel sur le deacuteveloppement durable que les preacutesidents des socieacuteteacutes coteacutees doivent

10 La loi NRE du 15 mai 2001fait obligation au preacutesident du conseil drsquoadministration de rendre compte dans un rapport annuel des proceacutedures de controcircle interne mises en place par la socieacuteteacute Ce rapport doit ecirctre viseacute par le commissaire aux comptes La veacuterification de lrsquoefficaciteacute du controcircle interne est eacutegalement deacutesormais une des missions essentielles des auditeurs internes

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obligatoirement preacutesenter agrave leur assembleacutee Mais ils ne le certifient pas Les experts-comptables par contre ont eacutelargi leur champ drsquointervention agrave lrsquoaudit ( ) ou la veacuterification de ce rapport

32 Les audits internes Les auditeurs internes observent et eacutevaluent les pratiques de gestion par reacutefeacuterence aux proceacutedures et consignes de leur entreprise jamais sur la base de normes internationales de certification de systegravemes Leur champ drsquointervention en matiegravere de gestion est tregraves large puisqursquoils doivent deacutesormais veiller agrave la qualiteacute du controcircle interne Ils nrsquointerviennent pas dans le champ social et assez peu dans la gestion du personnel domaine geacuteneacuteralement reacuteserveacute du DRH Ils forment leurs constats agrave partir de dossiers et drsquoenquecirctes Mettant en eacutevidence les eacutecarts entre la pratique et la regravegle ils megravenent essentiellement des audits de type conformiteacute Cependant les nouvelles normes professionnelles de lrsquoIIA11 confegraverent eacutegalement agrave lrsquoauditeur interne un rocircle de conseiller de la direction dans le domaine de la gestion et de la protection des actifs Le champ drsquointeacuterecirct des auditeurs internes commence agrave srsquoeacutelargir agrave la gestion des ressources humaines

33 Les audits sur normes de systegraveme de management Les auditeurs de la qualiteacute de lrsquoenvironnement de la santeacute et la seacutecuriteacute opegraverent sur la base de normes internationales fondeacutees sur un modegravele unique management (ISO 9000) et speacutecifiques drsquoun domaine particulier (ISO 14000 OHSAS 18001 hellip) Les auditeurs effectuent des missions visant agrave eacutetablir la conformiteacute du systegraveme de management particulier aux exigences de la norme de reacutefeacuterence Sur la base drsquoinformations documentaires pour lrsquoessentiel recueillies aupregraves des directions ils mettent en eacutevidence des eacutecarts qursquoils hieacuterarchisent Les missions sont courtes (quelques jours) La certification de lrsquoentreprise est le but assigneacute agrave lrsquoaudit Elle permettra au commanditaire de mettre en valeur la reconnaissance obtenue dans un domaine particulier Elle deacutepend du nombre et de la graviteacute des eacutecarts identifieacutes Scheacutematiquement Il srsquoagit drsquoaudits de conformiteacute de courte dureacutee pratiqueacutes dans un cadre formaliseacute et standardiseacute La norme ISO 9000 2000 consacre plusieurs articles agrave la gestion du personnel et des ressources humaines thegraveme qui entre de plus en plus dans les missions que megravenent les auditeurs Qualiteacute Les auditeurs de systegravemes de management souhaiteraient que lrsquoISO deacuteveloppe une norme en matiegravere de systegraveme de RSE ce qui se heurte actuellement agrave de fortes reacutesistances

34 Les audits de filiegraveres drsquoapprovisionnement Les auditeurs de filiegravere sillonnent le monde de lrsquoExtrecircme-Orient aux Indes de lrsquoAmeacuterique centrale et du Sud aux Pays de lrsquoEst Ils megravenent des missions annonceacutees ou impromptues sur mandat des entreprises de la grande distribution en reacutefeacuterence agrave des codes professionnels de conduite (CCC ETI hellip) ou des normes priveacutees (SA 8000 FLA hellip) Ces reacutefeacuterentiels peuvent ecirctre mixtes additionnant des exigences portant sur des reacutesultats12 qualitatifs (pour lrsquoessentiel) 11 International Internal Auditors Association 12 Par exemple interdiction du travail des enfants liberteacute drsquoassociation etc

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et des exigences relatives au systegraveme de management Tous se reacutefegraverent aux conventions OIT portant sur les droits fondamentaux des travailleurs En une agrave deux journeacutees aideacutes par des interpregravetes locaux ils rassemblent lrsquoinformation requise par leur guide drsquoaudit et obtenue dans les documents fournis et les entretiens reacutealiseacutes Le controcircle des informations fournies est eacutevidemment difficile et certaines missions relegravevent davantage du recueil de deacuteclarations non controcirclables que de lrsquoeacutetablissement de constats In fine les rapports adresseacutes aux commanditaires et aux organismes certificateurs ont pour rocircle drsquoeacuteclairer la deacutecision de poursuite ou drsquointerruption de la relation commerciale avec le fournisseur

35 Les audits laquo sociaux raquo

351 Les audits sociaux historiques Lrsquoaudit social ndash au sens premier de lrsquoIAS ndash ne repose pas sur une norme unique Il reacutepond en effet agrave des demandes tregraves diverses relatives aux risques sociaux aux fonctionnements non conformes inefficaces ou conflictuels aux systegravemes inadapteacutes Chaque demande relegraveve de reacutefeacuterences particuliegraveres de nature varieacutee (lois reacuteglementations normes conventions modegraveles techniques etc) Chacune neacutecessite la constitution drsquoun reacutefeacuterentiel speacutecifique et au-delagrave drsquoun guide drsquoaudit particulier Les informations issues du laquo terrain raquo apregraves validation et croisement avec les donneacutees documentaires tiennent une part tregraves importante dans la mise agrave plat de la situation Lrsquoaudit social nrsquoest pas une eacutetude en chambre et ceci le diffeacuterencie nettement des audits comptables et de systegravemes de management Lrsquoauditeur social est chargeacute selon les cas drsquoexaminer la conformiteacute drsquoun dispositif social drsquoeacutevaluer la qualiteacute drsquoun fonctionnement et la pertinence des regravegles qui srsquoy appliquent de clarifier des situations complexes et de trouver les causes des dysfonctionnements Ses missions sont le plus souvent de moyenne ou longue dureacutee Pour les auditeurs sociaux les audits de RSE font partie de lrsquoaudit social Le concept de laquo parties prenantes raquo qui semble nouveau est deacutejagrave preacutesent dans lrsquoaudit social interne Les syndicats le personnel la hieacuterarchie la direction ainsi que les diverses administrations sociales ont toujours eacuteteacute consideacutereacutes comme des parties prenantes de la situation auditeacutee La RSE ne fait qursquoeacutelargir le nombre des protagonistes Lrsquoeacutelargissement du champ hors des frontiegraveres de lrsquoentreprise leur apparaicirct comme leacutegitime et ne pas poser de problegraveme particulier

352 Les audits de RSE Lrsquoaudit de RSE balbutie encore Essentiellement parce que le champ de son intervention nrsquoest pas encore clairement deacutefini Son sujet - ce sur quoi il porte - est diversement deacutefini Sa nature - conformiteacute ou efficaciteacute - fait lrsquoobjet de deacutebats Cette situation nrsquoest pas eacutetonnante tant la confusion est grande concernant la RSE elle-mecircme Une eacutetude reacutecente13 meneacutee avec le soutien de la Commission europeacuteenne reacutevegravele la grande diversiteacute voire lrsquoopposition des points de vue sur son champ ses buts et son eacutevaluation

13 Projet de certification europeacuteenne des auditeurs de RSE Colloque de travail mai 2005 agrave Paris

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Pour certains acteurs la RSE inclue toutes les actions charitables que lrsquoentreprise deacutecide de mener volontairement Drsquoautres limitent son champ agrave quelques thegravemes majeurs relevant de la responsabiliteacute de lrsquoentreprise Drsquoautres enfin pensent qursquoil doit ecirctre deacutefini dans un dialogue responsable avec les parties prenantes De plus les entreprises nrsquoattendent pas la mecircme chose de leurs actions en matiegravere de RSE Certaines entreprises y voient drsquoabord un moyen de se proteacuteger contre les critiques et une occasion de promouvoir lrsquoimage de la firme Elles font tout naturellement des rapports de RSE le centre de leur preacuteoccupation Drsquoautres ont mieux compris que la RSE allait devenir un eacuteleacutement strateacutegique du management Elles deacuteveloppent des programmes drsquointeacutegration de la RSE agrave tous les niveaux de leurs systegravemes de management et nrsquoattachent qursquoune importance relative agrave la production de rapports seacuteduisants Les analyses qui preacutecegravedent devraient ecirctre compleacuteteacutees drsquoindications sur le nombre des missions Nous ne disposons pas drsquoeacuteleacutements preacutecis mais des ordres de grandeur approximatifs les audits comptables et financiers se comptent annuellement en centaines de milliers dans le monde les audits qualiteacute en dizaines de milliers les audits environnement en milliers de mecircme que les audits sociaux si on y inclue les audits de filiegravere Plusieurs constats ressortent de ce qui preacutecegravede

Tous les audits ou presque sont de type conformiteacute et aucun agrave lrsquoexception de lrsquoaudit social ne recherche les causes des symptocircmes observeacutes Les sujets drsquoaudit sont geacuteneacuteralement speacutecifiques de lrsquoaudit consideacutereacute (les systegravemes pour les audits de management sur norme la conformiteacute drsquoeacutelaboration du reacutesultat dans le cas de lrsquoaudit comptable et financier) agrave la diffeacuterence de lrsquoaudit social qui peut ecirctre utiliseacute sur lrsquoensemble des sujets Partout les professionnels srsquoefforcent drsquoeacutelargir leur champ drsquoaction traditionnel agrave des champs existants ou nouveaux et drsquoy importer leurs meacutethodes et leurs faccedilons de penser Crsquoest ainsi qursquoil existe un risque de laquo financiarisation raquo des approches et de reacuteduction des analyses agrave la seule prise en compte des systegravemes

4 Dans ce contexte quelle place pour lrsquoaudit social A la question preacutealable est-ce un audit une eacutevaluation ou un conseil la reacuteponse est crsquoest et cela doit rester un audit Lrsquoaudit social pratiqueacute depuis 1980 reacutepond en tous points aux caracteacuteristiques communes eacutenonceacutees plus haut Lrsquoauditeur social comme un commissaire aux comptes eacutemet un avis pas une prescription Et ne fournit pas un conseil ou une assistance opeacuteratoire Certes un changement drsquoappellation aurait pour avantage de dissiper des ambiguiumlteacutes en laissant le nom aux seules investigations de conformiteacute Mais il aurait le grave inconveacutenient de marginaliser la dimension laquo efficaciteacute raquo dans lrsquoaudit et le diagnostic qui pourrait exister dans un audit de conformiteacute sauf consideacuterations eacuteconomiques Le changement de nom creacuteant une barriegravere entre les auditeurs de la conformiteacute et les autres ouvrirait la voie agrave la financiarisation et au reacuteductionnisme des eacutevaluations du

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champ social Pour lrsquoex audit social il y aurait risque drsquoaffadissement des meacutethodes et de forte subjectiviteacute dans les avis donneacutes Lrsquoaudit social a-t-il une speacutecificiteacute Quel est son inteacuterecirct La valeur ajouteacutee par lrsquoaudit social tient nous lrsquoavons vu dans la production drsquoun diagnostic sans lequel il nrsquoest pas possible de trouver la bonne faccedilon de traiter des dysfonctionnements complexes Elle tient eacutegalement agrave la liberteacute accordeacutee agrave lrsquoauditeur de porter un jugement sur les reacutefeacuterences non reacuteglementaires ou leacutegales lorsqursquoil megravene un audit drsquoefficaciteacute Lrsquoentreprise peut alors ameacuteliorer lrsquoefficaciteacute du cadre reacuteglant le fonctionnement de ses activiteacutes et pas seulement le fonctionnement lui-mecircme A la diffeacuterence des autres audits il est seul agrave prendre en compte et faire participer lrsquoensemble des parties prenantes Crsquoest et ce devra ecirctre de plus en plus un support du dialogue social Il permet aux parties prenantes externes etou internes drsquoouvrir des reacuteflexions et des neacutegociations sur une base factuelle incontesteacutee de faccedilon sereine Quelles limites pour lrsquoaudit social Ce sont celles au-delagrave desquelles preacutevalent les techniques lrsquoeacuteconomie et la gestion En deccedilagrave de ces limites lrsquoaudit social doit ecirctre contributif partout ou les deacutecisions et le comportement des hommes contribuent pour lrsquoessentiel agrave la situation ou au reacutesultat observeacutes Quelle place pour lrsquoaudit social Elle existe bien qursquoelle soit restreinte Elle pourrait ecirctre plus importante Lrsquoeacutetude europeacuteenne que nous avons citeacutee plus haut a montreacute que des entreprises allemandes espagnoles franccedilaises eacutetaient inteacuteresseacutees par le concept et precirctes agrave des opeacuterations expeacuterimentales In fine lrsquoaudit social ne se deacuteveloppera que srsquoil deacutemontre sa capaciteacute agrave faire progresser les entreprises et les organisations Et la place qursquoil occupera sera agrave la mesure de sa valeur ajouteacutee Sa pertinence et son originaliteacute nrsquoy suffiront pas agrave elles seules Il faudra certainement y ajouter des actions de promotion centreacutees non sur le mot mais sur les beacuteneacutefices agrave attendre et de nombreuses formations orienteacutees vers les speacutecificiteacutes de ce type drsquoaudit Nous devrons eacutegalement deacutevelopper des eacutechanges et collaborer de faccedilon plus systeacutematique avec les auditeurs des autres speacutecialiteacutes au plan europeacuteen

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COMMENT PASSER A UN AUDIT SOCIAL DE TROISIEME GENERATION Michel FERON1 Professeur ndash Reims Management School

Reacutesumeacute Lrsquoaudit social srsquoest longtemps inscrit dans un reacutefeacuterentiel de performance agrave dominante eacuteconomique ougrave le laquo social raquo est traiteacute soit comme un coucirct - et lrsquoaudit social se focalise sur lrsquooptimisation de lrsquoallocation de ressources pour en ameacuteliorer lrsquoefficience - soit comme un investissement - et lrsquoaudit social se focalise alors sur la maximisation du retour sur investissement dans le capital humain Lorsque ce reacutefeacuterentiel srsquoeacutelargit pour prendre en compte les attentes des diverses parties prenantes le laquo social raquo est alors assimileacute agrave tout ce qui peut contribuer au bien-ecirctre de lrsquoHumaniteacute (lrsquoeacuteconomique le social laquo classique raquo lrsquoenvironnemental et le socieacutetal) et lrsquoaudit social se focalise sur les modaliteacutes de mise en oeuvre drsquoun management socialement responsable Mais le passage agrave lrsquoaudit social de troisiegraveme geacuteneacuteration doit preacutealablement justifier de sa leacutegitimiteacute agrave investir des champs consideacutereacutes habituellement comme exteacuterieurs agrave son peacuterimegravetre identitaire La mise en oeuvre drsquoun audit social global implique de changer le paradigme de la dissociation Personnes Entreprise et lrsquoappui sur des processus drsquoapprentissage pour passer agrave une repreacutesentation laquo globale raquo drsquoune entiteacute contractuelle Personnes Entreprise leacutegitimant lrsquoextension du reacutefeacuterentiel de compeacutetences Introduction Le texte de preacutesentation de cette Universiteacute nous rappelle que lrsquoaudit social est questionneacute agrave la fois par laquo les nouvelles attentes des Etats des Organisations et des marcheacutes en matiegravere de deacuteveloppement durable et de responsabiliteacute sociale et environnementale raquo et par laquo les difficulteacutes de mesure du social dans les entreprises raquo Cette formulation soulegraveve la question de lrsquoarticulation entre lrsquoaudit social et le concept de Responsabiliteacute Sociale de lrsquoEntreprise Puisque nous consideacuterons que lrsquoaudit social vise agrave ameacuteliorer la qualiteacute des processus humains et sociaux qui concourent agrave la performance de lrsquoentreprise il semble effectivement qursquoil ne puisse rester indiffeacuterent agrave lrsquoimpact des ces processus sur les principales dimensions de la Socieacuteteacute Mais lrsquoeacutelargissement du regard agrave des perspectives aussi larges pose alors la question de savoir si lrsquoaudit social nrsquoest pas en train de perdre son acircme agrave srsquoeacuteloigner ainsi des ses principes fondateurs Le questionnement initial rappelle aussi implicitement que le laquo terreau naturel raquo de lrsquoaudit social est lrsquoentreprise Il est vraisemblable que la preacutegnance de la recherche de performance dans lrsquounivers de lrsquoentreprise a joueacute un rocircle dans la genegravese de lrsquoaudit social en incitant agrave ameacuteliorer en 1 E-mail michelferonreims-msfr Teacutel 0326774695

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permanence le pilotage des processus drsquoobtention de cette performance dans tous les domaines y compris le laquo social raquo Mais cette deacutemarche srsquoest maintenant diffuseacutee dans drsquoautres Organisations y compris celles qui nrsquointerviennent pas sur un marcheacute et qui poursuivent des finaliteacutes drsquoordre social socieacutetal Comment lrsquoentreprise peut-elle tirer profit des expeacuteriences de mise en œuvre de deacutemarches drsquoaudit social dans de telles Organisations Face agrave ces interrogations nous nous proposons de reacutepondre en deux temps La premiegravere partie de cette communication preacutesentera trois eacutetapes majeures dans lrsquoeacutevolution de lrsquoaudit social dans les entreprises en faisant reacutefeacuterence agrave diffeacuterentes approches de la strateacutegie et de la recherche de compeacutetitiviteacute Gracircce agrave cette mise en perspective nous montrerons pourquoi il semble logique que lrsquoaudit social eacutelargisse son champ drsquoinvestigation aux preacuteoccupations de type RSE Afin drsquoidentifier quelles peuvent ecirctre les fondements de cet audit social de troisiegraveme geacuteneacuteration nous nous adopterons un point de vue comparatif en nous inteacuteressant agrave drsquoautres Organisations que lrsquoentreprise et qui eacutevoluent elles aussi vers une approche globale de leur performance Nous observerons en particulier comment des Organisations ayant par nature une finaliteacute drsquoordre social socieacutetal peuvent inteacutegrer la dimension eacuteconomique dans leur reacutefeacuterentiel de performance en prenant lrsquoexemple le cas de la Caisse Reacutegionale drsquoAssurance Maladie de Bretagne dans son volet laquo Travail social raquo qui a eacutetendu agrave lrsquooccasion drsquoune deacutemarche de certification son champ de reporting agrave des consideacuterations drsquoordre eacuteconomique

1 Lrsquoaudit social et les finaliteacutes de lrsquoentreprise Si nous reprenons scheacutematiquement (et donc que le lecteur nous en pardonne de faccedilon reacuteductrice) lrsquoeacutevolution de lrsquoaudit social il nous semble envisageable de distinguer trois principales eacutetapes lieacutees elles-mecircmes agrave des visions speacutecifiques de la reacuteussite de lrsquoentreprise et de sa compeacutetitiviteacute Une premiegravere distinction concerne la nature de la performance de lrsquoentreprise illustreacutee par les eacutecoles de penseacutee drsquoun cocircteacute de Friedman (1962) qui privileacutegie une lecture focaliseacutee sur la dimension laquo eacuteconomique raquo dans laquelle srsquoinscrivent les enjeux des proprieacutetaires dans leur fonction drsquoinvestisseurs et de lrsquoautre par Freeman (1984) qui eacutelargit le reacutefeacuterentiel drsquoeacutevaluation de la performance agrave toutes les dimensions dans lesquelles peuvent srsquoinscrire les enjeux des proprieacutetaires et des autres acteurs concerneacutes par le fonctionnement de lrsquoentreprise Dans le reacutefeacuterentiel eacuteconomique nous distinguerons ensuite deux visions majeures inspireacutees classiquement des travaux de Porter (1982 1986) qui ont structureacute durant ces derniegraveres deacutecennies la plus grande partie des deacutecisions strateacutegiques dans les entreprises

11 Lrsquoaudit social dans une logique de performance laquo eacuteconomique raquo Une premiegravere eacutecole de penseacutee en matiegravere drsquoaudit social se situe clairement dans la deacuteclinaison drsquoune recherche de compeacutetitiviteacute par les prix Nous syntheacutetiserons cette approche autour des caracteacuteristiques suivantes

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Logique dominante Optimiser lrsquoallocation de ressources

Mot cleacute Lrsquoefficience

Compeacutetitiviteacute Avoir les prix les plus bas

Productiviteacute Reacuteduire le coucirct de la main-drsquoœuvre

Rentabiliteacute Avoir les coucircts les plus faibles

Creacuteation de valeur Faire mieux avec moins

Postulat Les activiteacutes durent plus que les Personnes

Fig 1 Les fondements des approches focaliseacutees sur la recherche drsquoun avantage concurrentiel par le prix

Dans un tel contexte lrsquoaudit social se focalise sur les processus qui vont permettre de maicirctriser les structures de coucircts comme par exemple lrsquoeacutevolution de la masse salariale de lrsquoabsenteacuteisme ou du turn-over Il va fortement srsquoinspirer des meacutethodologies deacuteveloppeacutees par le controcircle de gestion laquo classique raquo privileacutegiant lrsquoanalyse des eacutecarts (voir par exemple les principes freacutequemment mobiliseacutes pour mettre en œuvre un laquo controcircle de gestion sociale raquo) Une deuxiegraveme eacutecole de penseacutee peut ecirctre identifieacutee autour de la recherche de compeacutetitiviteacute par la diversification Reprenons avec la mecircme preacutesentation qursquoau paragraphe preacuteceacutedent les principales caracteacuteristiques de cette approche

Logique dominante Modifier la combinaison des ressources

Mot cleacute Lrsquoinnovation

Compeacutetitiviteacute Ecirctre le premier sur le marcheacute

Productiviteacute Avoir le maximum drsquoinnovations exploitables

Rentabiliteacute Deacutegager de fortes marges en deacutebut de cycle de vie du produit

Creacuteation de valeur Faire autrement

Postulat Les Personnes durent plus que les activiteacutes

Fig 2 Les fondements des approches focaliseacutees sur la recherche drsquoun avantage concurrentiel par la diversification

Preacutecisons que pour simplifier le propos nous consideacutererons les strateacutegies de speacutecialisation - qui cumulent la compeacutetitiviteacute par les prix et par la diversification - comme une variante des strateacutegies de speacutecialisation dans la mesure ougrave le plus souvent lrsquoinnovation preacutecegravede lrsquooptimisation de lrsquoallocation de ressources Lrsquoaudit social vise ici agrave accroicirctre la contribution des ressources humaines agrave la performance de lrsquoentreprise en mettant lrsquoaccent sur le capital humain de lrsquoentreprise et la maicirctrise des investissements fait pour lrsquoacquisition la fideacutelisation et le deacuteveloppement drsquoun portefeuille de compeacutetences aligneacute avec la strateacutegie de lrsquoentreprise

3

Nous trouvons par exemple dans cette logique les tentatives de laquo comptabiliteacute sociale raquo les instrument de pilotage drsquoun laquo double projet eacuteconomique et social raquo (Danone) ou les deacutemarches de management par les compeacutetences (agrave ne pas confondre avec la GPEC)

12 Lrsquoaudit social dans une logique de performance laquo globale raquo (eacuteconomique sociale environnementale socieacutetale)

Si nous reprenons la typologie drsquoArgyrisamp Schon (1978) le troisiegraveme type de finaliteacutes que peut poursuivre lrsquoaudit apregraves avoir chercheacute agrave laquo Faire mieux raquo puis laquo Faire autrement raquo est logiquement de laquo Faire autre chose raquo Nous retrouvons ici le basculement radical que repreacutesente la prise en compte des attentes des parties prenantes pour deacuteterminer la strateacutegie de lrsquoentreprise mecircme srsquoil srsquoagit le plus souvent drsquoun raisonnement classique de type laquo gestion des risques raquo et non pas de lrsquoapparition drsquoun nouveau paradigme de gestion Cette eacutevolution en trois eacutetapes peut ecirctre scheacutematiseacutee de la faccedilon suivante

eprises

egraves lors que les finaliteacutes de lrsquoentreprise srsquoeacutelargissent agrave des champs autres qursquoeacuteconomique

du

PERFORMANCE laquo GLOBALE raquo eacuteconomique sociale environnementale socieacutetale

PERFORMANCE laquo EacuteCONOMIQUE raquo

12 Compeacutetitiviteacute par la diffeacuterenciationObjectif prioritaire du management de la

dimension humaine et sociale maximiserle retour sur investissement dans le

capital humain

11 Compeacutetitiviteacute par les prixObjectif du management de la dimensionhumaine et sociale ameacuteliorer le rapportcoucirctefficaciteacute des ressources humaines

Compeacutetitiviteacute par la qualiteacute de la reacuteponse aux attentes de toutes lesparties concerneacutees par la vie de lrsquoentreprise

Objectif prioritaire du management de la dimension humaine et sociale permettre agrave chacun(e) de se comporter en acteur responsable dans les 4 dimensions ci-dessus

3

Audit social focaliseacute sur la mise en oeuvre drsquoun management socialement responsable

2

Audit social focaliseacute sur la maximisation du retour sur investissement dans le laquo social raquo

1

Audit social focaliseacute sur la maicirctrisedes coucircts du laquo social raquo

Fig 3 Evolution des approches de lrsquoaudit social dans les entr

Dlrsquoaudit social se retrouve confronteacute des objectifs et des pratiques originales par rapport agrave celles sur lesquelles il se focalise habituellement avec une extension du regard vers des acteurs laquo partenaires raquo eacutechappant au lien salarial et des peacuterimegravetres drsquoimpact aux frontiegraveres floues Pour identifier clairement cette approche il pourrait drsquoailleurs ecirctre judicieux de passer terme drsquolaquo audit social raquo agrave celui drsquolaquo audit global raquo par analogie avec le concept de laquo responsabiliteacute globale raquo de Pesqueux (2002)

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2 La dynamique drsquoeacutelargissement du reacutefeacuterentiel de performance ndash Le cas des organisations agrave finaliteacute socialesocieacutetale

Lrsquoouverture des reacutefeacuterentiels de performance dans les entreprises agrave des dimensions autres qursquoeacuteconomiques a deacutejagrave fait lrsquoobjet de nombreuses analyses approfondies mecircme si leur eacutetude est loin dlsquoecirctre termineacutee Nous voudrions essayer drsquoapporter - modestement- un autre regard sur cette question de lrsquoeacutelargissement des reacutefeacuterentiels en nous inteacuteressant aux Organisations ayant par nature une finaliteacute drsquoordre social socieacutetal et qui tentent drsquointeacutegrer dans leur peacuterimegravetre de performance une dimension eacuteconomique Nous proposons ici de nous inteacuteresser aux modaliteacutes de pilotage du travail social au sein de Caisse Reacutegionale drsquoAssurance Maladie de Bretagne qui preacutesente la particulariteacute drsquoecirctre la premiegravere CRAM en France agrave avoir obtenu la certification ISO 90012000 pour son Service Social en 2005

21 Les faits Rappelons rapidement quelles sont les principales caracteacuteristiques du travail social Il peut ecirctre deacutefini comme laquo un ensemble tregraves heacuteteacuterogegravene regroupant de multiples activiteacutes speacutecialiseacutees qui tentent de reacutesoudre ou agrave tout le moins de drsquoaccompagner les problegravemes de personnes ou de groupes confronteacutes agrave des difficulteacutes sociales importantes raquo (Ravon 2003) Comme le note Marchand (2005) les domaines drsquointervention des travailleurs sociaux sont multiples - par exemple la veille sociale pour les situations drsquourgence les demandes drsquoaide sociale lrsquoaide sociale agrave lrsquoenfance le soutien eacuteducatif et psychologique des jeunes en difficulteacute et de leurs parents- et de plus le travail social srsquoorganise autour drsquoune multitude drsquoeacuteveacutenements et drsquoacteurs - un systegraveme drsquoactions organiseacutees (depuis lrsquoassistance jusqursquoagrave la meacutediation) de nombreux professionnels (animateurs assistants sociaux eacuteducateurs speacutecialiseacutes etc) diffeacuterentes structures (foyers missions locales etc) des publics varieacutes (personnes handicapeacutees sans emploi surendetteacutees maltraiteacutees etc) avec in fine des interactions qui ne se font pas toujours sans heurts La speacutecificiteacute des activiteacutes drsquoun service social geacutenegravere une forte culture de Meacutetier agrave partir de Valeurs humanistes affirmeacutees drsquoautant plus fortes que le quotidien des travailleurs leur montre agrave quel point elles peuvent ecirctre bafoueacutees Les outils drsquoaudit qui permettent drsquoeacutevaluer si un service social laquo marche bien raquo - le mot laquo performance raquo nrsquoayant pas vraiment droit de citeacute dans cet univers - sont donc fortement impreacutegneacutes des ces Valeurs et reflegravetent la sensibiliteacute des acteurs face agrave la dimension laquo souffrance raquo qui impregravegne leur activiteacute Cette situation se veacuterifiait jusqursquoagrave ces derniegraveres anneacutees au niveau de la CRAM de Bretagne ougrave les Directions deacutepartementales deacutependant drsquoelle avaient eacutelaboreacute des outils de pilotage speacutecifiques aux contextes locaux Afin drsquoavoir une meilleure lisibiliteacute de lrsquoactiviteacute et dans la perspective drsquoune future certification la CRAM a demandeacute aux Directions deacutepartementales drsquoutiliser les mecircmes tableaux de bord afin de pouvoir facilement les consolider et de srsquointeacuteresser agrave des dimensions financiegraveres dont elle devait rendre compte au niveau supeacuterieur Cette initiative a provoqueacute de vives reacuteactions de la part du terrain les cadres deacutepartementaux se montrant solidaires des travailleurs sociaux pour contester lrsquoeacutevaluation de leur

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laquo performance raquo au travers drsquooutils drsquoaudit pas forceacutement coheacuterents avec la vision de leur rocircle et donnant une large place agrave des indicateurs drsquoordre eacuteconomique et financier

22 Les leccedilons agrave en tirer Comment analyser une telle reacuteaction Plusieurs explications peuvent ecirctre avanceacutees

- tout drsquoabord le champ du social socieacutetal se caracteacuterise par la grande une part donneacutee agrave lrsquoaffect du fait du contexte drsquoactiviteacute souvent tregraves eacuteprouvant ce qui peut entraicircner des reacuteactions pouvant paraicirctre excessives par rapport aux donneacutees factuelles

- ensuite les nouveaux indicateurs eacuteconomiques nrsquoont pas eacuteteacute perccedilus - au moins dans un premier temps - comme pertinents par les acteurs locaux pour ameacuteliorer le pilotage de leurs actions

- enfin - et crsquoest peut-ecirctre lrsquoexplication essentielle - autant la requecircte de la Direction reacutegionale pouvait ecirctre perccedilue comme laquo normale raquo tant qursquoelle concernait le champ du social socieacutetal autant elle devenait inacceptable degraves lors qursquoelle srsquointeacuteressait agrave des dimensions eacuteconomiques pour lesquelles son intervention nrsquoallait pas de soi

A y regarder de pregraves nous retrouvons agrave travers ces trois registres drsquoexplications la question fondamentale de la leacutegitimiteacute drsquoune Organisation agrave positionner ses finaliteacutes dans des registres perccedilus comme non conforme agrave son identiteacute Nous retiendrons ici la deacutefinition de Mohib et Sonntag (2003) qui voient dans la leacutegitimiteacute laquo une action ou un usage reconnu et autoriseacute par un groupe cest-agrave-dire un acte qui reacutepond agrave un certain nombre de regravegles eacutetablies (formelles ou tacites) et qui obtient le pouvoir de srsquoaccomplir raquo Par rapport agrave cette deacutefinition nous pouvons constater que les trois raisons que nous avons proposeacutees preacuteceacutedemment srsquoinscrivent dans des registres qui influent bien sur la leacutegitimiteacute de lrsquoOrganisation agrave modifier la nature des critegraveres servant agrave eacutevaluer sa performance En effet puisque la leacutegitimiteacute se construit sur la reconnaissance et lrsquoautorisation drsquoun groupe celui-ci va

- fonder sa deacutecision sur laquo sa raquo perception de la situation (cf la place de lrsquoaffect) - eacutevaluer en quoi cette deacutecision reacutepond agrave ses enjeux (cf lrsquoabsence drsquoameacutelioration du

pilotage) - veacuterifier si la deacutecision est bien conforme aux regravegles eacutetablies (cf la deacutefiance agrave lrsquoeacutegard de

la dimension eacuteconomique) Ce preacutealable pour une Organisation agrave justifier de sa leacutegitimiteacute lorsqursquoelle sort de son reacutefeacuterentiel de performance laquo classique raquo se rencontre lorsque la dynamique va dans le sens laquo social- socieacutetal raquo vers laquo eacuteconomique raquo mais aussi dans le cas inverse quand il srsquoagit drsquoaller de laquo lrsquoeacuteconomique raquo vers le laquo social - socieacutetal raquo (cas des entreprises) Or il est freacutequent que cette eacutetape soit occulteacutee parles entreprises degraves lors qursquoelles estiment (naiumlvement ) que la conformiteacute eacutethique de leurs motivations suffira agrave entraicircner lrsquoadheacutesion de toutes les parties concerneacutees Par exemple si nous reprenons le cas du travail social nous pouvons parfaitement imaginer qursquoune entreprise mette en place des dispositifs drsquoaccompagnement pour des personnes en difficulteacute Rien ne prouve que de telles initiatives soient forceacutement favorablement accueillies uniquement parce qursquoelle fait appel agrave des Valeurs humanistes (par exemple perception par les personnes en difficulteacutes comme un acte paternaliste voire meacuteprisant doutes des intervenants

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de lrsquoentreprise sur lrsquointeacuterecirct ultime de ces actions manque de coheacuterence entre la pression au travail et les mesures compensant les deacutegacircts qursquoelle geacutenegravere) Ces problegravemes risquent de surgir degraves lors que llsquoentreprise nrsquoaura pas valideacute preacutealablement sa leacutegitimiteacute agrave investir de tels champs drsquoaction (crsquoest agrave dire celui reacuteserveacute au travail social)

- en veillant agrave ce que les inteacuteresseacutes ne se sentent pas deacutevaloriseacutes - en veacuterifiant qursquoil nrsquoexiste pas drsquooptions plus efficientes que celles qursquoelle compte mettre

en place - en travaillant de concert avec les acteurs se sentant investis drsquoune leacutegitimiteacute laquo naturelle raquo

face agrave ces questions

3 La recherche de leacutegitimiteacute La construction drsquoune leacutegitimiteacute concerne aussi bien les acteurs internes agrave lrsquoentreprise - qui peuvent consideacuterer que celle-ci perd de vue ses finaliteacutes ndash que les acteurs externes - qui peuvent y voir une ingeacuterence agrave vocation totalitaire dans leur laquo domaine reacuteserveacute raquo Nous retrouvons en fait ici la question des paradigmes qui sous-tendent la repreacutesentation de la relation Personnes entreprise Lrsquoaudit social de premiegravere et de deuxiegraveme geacuteneacuteration dissocie lrsquoentreprise et les Personnes en les consideacuterant comme des ressources (lrsquoentreprise laquo a raquo des salarieacutes et des dirigeants) Cette vision de lrsquoaudit social est fortement inspireacutee de lrsquounivers comptable ougrave lrsquoaudit vise agrave laquo rendre compte raquo agrave des tiers exteacuterieurs agrave la sphegravere drsquoactiviteacute auditeacutee La mise en oeuvre drsquoun audit social eacutelargi neacutecessite de concevoir lrsquoentreprise et les Personnes comme un tout dont les multiples acteurs sont agrave la fois contributeurs et reacutecipiendaires (lrsquoentreprise laquo est raquo les Personnes qui la font vivre) car cette identification va en effet se reacutepercuter dans lrsquoeacutevaluation de la leacutegitimiteacute des actions engageacutees Ce preacute-requis de la leacutegitimiteacute deacutebouche sur la neacutecessiteacute drsquoun apprentissage de nouvelles repreacutesentations pour tous les acteurs concerneacutes (internes et externes) et ne peut ecirctre abordeacute par de simples mesures de type stimulus reacuteponse Il srsquoagit ici de penser la situation en consideacuterant les Personnes dans leur globaliteacute avec leurs Valeurs leurs enjeux et leur affect en travaillant avec les inteacuteresseacutes agrave lrsquoidentification de zones de convergence drsquointeacuterecirct pouvant servir de base agrave des contrats gagnant - gagnant Lrsquoaudit social laquo classique raquoest apparu dans un contexte construit sur le paradigme de lrsquoexclusion qui range un eacuteleacutement dans une entiteacute en excluant qursquoil puisse donc appartenir agrave une autre Si nous voulons eacutelargir lrsquoaudit social agrave des champs imbriqueacutes il est neacutecessaire de changer de paradigme en nous situant dans une logique inclusive ougrave chaque eacuteleacutement peut appartenir agrave plusieurs entiteacutes et donc contribuer au fonctionnement drsquoentiteacutes dont il nrsquoest pas le responsable ultime Les contrats qui pourront alors ecirctre noueacutes entre les diffeacuterentes parties nrsquoimpliquent pas qursquoelles risquent de perdent leur identiteacute (avec agrave la cleacute un deacuteficit de leacutegitimiteacute) mais qursquoelles poursuivent toujours leur finaliteacutes en utilisant toute les voies offertes comme le montre par exemple les partenariats entre entreprises et ONG (Igalens 2004)

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Conclusion Reprenons tout drsquoabord les principaux points de notre analyse

- lrsquoaudit social peut ecirctre envisageacute comme un dispositif visant agrave maicirctriser les modaliteacutes de pilotage de la dimension humaine et sociale afin drsquoameacuteliorer la compeacutetitiviteacute de lrsquoentreprise et par-lagrave mecircme sa performance

- lorsque cette performance est eacutevalueacutee en prioriteacute par rapport aux attentes des acteurs de la sphegravere financiegravere(actionnaires et autres investisseurs) le laquo social raquo est uniquement de lrsquoordre des ressources (cf lrsquoexpression laquo les ressources humaines raquo)

- dans ce cas le laquo social raquo est traiteacute soit comme un coucirct - et lrsquoaudit social se focalise sur les processus permettant drsquooptimiser lrsquoallocation de ressources pour en ameacuteliorer lrsquoefficience - soit comme un investissement - et lrsquoaudit social se focalise alors sur la maximisation du retour sur investissement dans le capital humain

- lorsque le reacutefeacuterentiel de performance srsquoeacutelargit pour prendre en compte les attentes des diverses parties prenantes la dimension humaine et sociale se retrouve agrave la fois de lrsquoordre des ressources et de lrsquoordre des finaliteacutes

- dans ce cas le laquo social raquo est assimileacute agrave tout ce qui peut contribuer au bien-ecirctre de lrsquoHumaniteacute dans les champs de lrsquoeacuteconomique du social (au sens eacutetroit du terme) de lrsquoenvironnemental et du socieacutetal et lrsquoaudit social se focalise alors sur les modaliteacutes de mise en oeuvre drsquoun management socialement responsable

- lrsquoanalyse de la dynamique drsquoeacutelargissement du reacutefeacuterentiel de performance agrave la dimension eacuteconomique dans les Organisations agrave finaliteacutes sociales socieacutetales permet de prendre du recul par rapport au contexte de lrsquoentreprise

- elle permet de mettre en exergue le fait que toute entiteacute souhaitant mettre en place un audit social de troisiegraveme geacuteneacuteration doit preacutealablement justifier de sa leacutegitimiteacute agrave investir des champs consideacutereacutes habituellement comme exteacuterieurs agrave son peacuterimegravetre identitaire

- la mise en oeuvre drsquoun audit social global implique de changer le paradigme de la dissociation Personnes Entreprise et lrsquoappui sur des processus drsquoapprentissage pour passer agrave une repreacutesentation laquo globale raquo drsquoune entiteacute contractuelle Personnes Entreprise leacutegitimant lrsquoextension du reacutefeacuterentiel de compeacutetences

Lrsquoimpeacuteratif de leacutegitimiteacute nous paraicirct ecirctre une des caracteacuteristiques majeures de la mise en œuvre drsquoun audit social eacutelargi qui nrsquoexiste pas speacutecifiquement pour lrsquoaudit social de premiegravere et deuxiegraveme geacuteneacuteration Si lrsquoentreprise veut passer agrave une deacutemarche drsquoaudit social de troisiegraveme geacuteneacuteration - laquo lrsquoaudit global raquo- il faut aussi qursquoelle passe agrave une approche laquo globale raquo des Personnes concerneacutees par son fonctionnement sous peine de voir ses efforts annihileacutes par manque de leacutegitimiteacute Crsquoest par lrsquoimplication de toutes les parties concerneacutees dans des processus partageacutes drsquoapprentissage de nouvelles repreacutesentations que pourra eacutemerger cette reconnaissance de leacutegitimiteacute En conclusion et pour reprendre une formule ceacutelegravebre laquo la Responsabiliteacute Sociale de lrsquoEntreprise est une chose trop seacuterieuse pour ecirctre laisseacutee aux entreprises raquo

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ORSE (Observatoire sur la Responsabiliteacute Socieacutetale des Entreprises) wwworseorg

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PERCEPTIONS ET VISIONS DE LrsquoAUDIT SOCIAL PAR LES DRH DU MAGHREB Soufyane FRIMOUSSE1 Doctorant agrave lrsquoIAE de Corse Jean-Marie PERETTI2 Professeur ESSEC CERGY et IAE de Corte Preacutesident de lrsquoIAS et Directeur de lrsquoIAE de Corte

Introduction Lrsquoinstitut international de lrsquoaudit social (IAS) a meneacute une enquecircte sur lrsquoimage de lrsquoaudit social aupregraves des DRH et autres parties prenantes pour leurs besoins et attentes en ce qui concerne lrsquoaudit social Les premiers reacutesultats preacutesenteacutes lors de lrsquoUniversiteacute de Printemps de lrsquoAudit Social agrave Marrakech reacutevegravelent que le terme drsquoaudit social est souvent assimileacute agrave une proceacutedure lourde source drsquoune perception neacutegative chez les DRH Neacuteanmoins ce concept est eacutegalement consideacutereacute comme un facteur de progregraves Dans le cadre de lrsquoespace euro-maghreacutebin et des accords entre les trois pays du Maghreb et lrsquoEurope il nous est apparu utile drsquoeacutetudier les convergences euro-meacutediterraneacuteennes en matiegravere drsquoaudit social et de responsabiliteacute sociale Le rapprochement entre lrsquoUnion europeacuteenne et le Maghreb contraint les entreprises locales agrave renouveler leurs politiques et pratiques RH afin drsquoacqueacuterir des avantages compeacutetitifs Dans cette optique les relations partenariales euro- maghreacutebines peuvent contribuer sous certaines conditions au deacuteveloppement des firmes locales et drsquoautre part elles permettent agrave lrsquoaide de partenaires ducircment choisis de diffuser les bonnes pratiques de GRH Ce processus drsquoadoption de politiques et pratiques nouvelles peut ecirctre seacutelectif etou creacuteatif Dans le cadre de cette communication nous examinons lrsquohypothegravese selon laquelle lrsquoapprentissage strateacutegique des pratiques de GRH deacutesignant le mouvement drsquoaccumulation drsquoacquisition de consolidation et de combinaison des ressources et compeacutetences cleacutes favorise la convergence et le recours agrave lrsquoaudit social en nous appuyant sur une eacutetude meneacutee aupregraves de 64 DRH dans les trois pays du Maghreb

1 Apprentissage strateacutegique et Audit Social quels apports Les chercheurs ont souvent mis en eacutevidence la contribution de la fonction Ressource Humaine (FRH) agrave la creacuteation de valeur eacuteconomique et au deacuteveloppement du capital humain tout en srsquointeacuteressant agrave la responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise (RSE) La recherche en sciences de gestion eacutetudie lrsquoalignement entre la Gestion des Ressources Humaines (GRH) et les performances eacuteconomiques et sociales de lrsquoentreprise Dans le cadre de lrsquointernationalisation des firmes dans lrsquoespace euro-maghreacutebin lrsquoapprentissage strateacutegique3 des pratiques de GRH 1 frimousseuniv-corsefr ou sfrimeyahoofr 2 perettiuniv-corsefr ou perettiessecfr 3 La notion drsquoapprentissage strateacutegique a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par De la Ville et Grimaud (2001) Nous compleacutetons leur deacuteveloppement en lrsquoappliquant dans le cadre des pratiques de GRH

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deacutesignant le mouvement drsquoaccumulation drsquoacquisition de consolidation et de combinaison des ressources et compeacutetences cleacutes peut contribuer agrave la conciliation entre les contraintes eacuteconomiques et la responsabiliteacute sociale par le recours agrave lrsquoaudit social Face agrave une concurrence de plus en plus exacerbeacutee les firmes portent un inteacuterecirct croissant aux opportuniteacutes drsquoapprentissage Neacuteanmoins lrsquoacquisition de ressources et compeacutetences nrsquoest pas pour autant systeacutematiquement significative drsquoaccroissement des performances Cette recherche drsquoapports externes preacutesuppose une capaciteacute drsquoaccumulation interne agrave la firme (assimilation et appropriation) De nombreuses publications analysent la theacutematique de lrsquoapprentissage4 Certaines srsquoattachent agrave en deacuteterminer les conditions preacutealables alors que drsquoautres se focalisent sur la distinction des types drsquoapprentissages Seuls quelques travaux eacutetudient ce pheacutenomegravene en tant que mode de transfert et de diffusion des pratiques de GRH Crsquoest dans cette perspective que se situe cette contribution En effet les trois pays du Maghreb peuvent franchir les obstacles provoqueacutes par la creacuteation de la zone de libre eacutechange en attirant des firmes eacutetrangegraveres capables de transfeacuterer des compeacutetences et drsquoune maniegravere geacuteneacuterale de transmettre des modes organisationnelles et des techniques performantes (Laval Guilloux Kalika 1998 Ameziane et alii 1999) Dans cette perspective lrsquoaudit social revecirct un inteacuterecirct majeur

11 Audit Social et apprentissage strateacutegique vecteurs de convergence Lrsquoouverture des frontiegraveres et lapparition de normes internationales sociales et eacutethiques font de laudit social une discipline et une deacutemarche de plus en plus solliciteacutees Le recours agrave lrsquoaudit social contribue agrave renforcer le deacuteveloppement de la GRH Lrsquoaudit social est un instrument drsquoeacutevaluation de la compeacutetitiviteacute des ressources humaines acteurs des performances de lrsquoentreprise et creacuteatrices de valeurs Cet outil strateacutegique participe drsquoune part agrave lrsquoameacutelioration des deacutecisions strateacutegiques et opeacuterationnelles et drsquoautre part agrave la conciliation de lrsquoeacuteconomique du social et de lrsquohumain (Peretti 1998) En drsquoautres termes lrsquoaudit social peut permettre aux entreprises maghreacutebines de continuer agrave faccedilonner des strateacutegies de ressources humaines coheacuterentes crsquoest agrave dire capable drsquoutiliser et de deacutevelopper le potentiel humain afin drsquoecirctre plus performantes Lrsquoaudit social doit eacutegalement favoriser par le biais notamment de lrsquoapprentissage strateacutegique la diffusion du concept de responsabiliteacute sociale des entreprises Cet outil est au service du pouvoir deacutecisionnel de lentreprise Il fournit des constats des analyses objectives des recommandations et des commentaires utiles faisant apparaicirctre des risques de diffeacuterentes natures tels que - le non-respect des textes - linadeacutequation de la politique sociale aux attentes du personnel - linadeacutequation aux besoins des ressources humaines Ce diagnostic peut permettre aux entreprises drsquoassumer leur responsabiliteacute sociale en ameacuteliorant les conditions de travail Cette ameacutelioration passe par la creacutedibiliteacute et les compeacutetences du management la transparence de la communication interne le respect des valeurs de chacun la reacutepartition eacutequitable des opportuniteacutes telles que la reacutemuneacuteration la formation (Benraiumlss Peretti 2003) Les entreprises socialement responsables ont une meilleure image et beacuteneacuteficient drsquoun jugement favorable envers la socieacuteteacute mais aussi leurs employeacutes (Yanat Tchankam 2004)

12 Audit Social diffusion et controcircle de la RSE Le recours agrave lrsquoaudit social peut participer agrave la diffusion des bonnes pratiques GRH vers les entreprises au Maghreb car chaque eacuteleacutement constateacute prend toute sa valeur lorsqursquoil peut ecirctre

4 Dont notamment les travaux de Ingham et Mothe (2000)

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compareacute avec un reacutefeacuterentiel une norme de comparaison Lrsquoaudit social peut concerner le controcircle de la qualiteacute de lrsquoinformation relative au personnel celui de lrsquoapplication des proceacutedures internes ou externes le controcircle encore de la conformiteacute agrave la GRH Lrsquoaudit social doit favoriser la diffusion aux entreprises maghreacutebines du concept de responsabiliteacute sociale des entreprises Selon la commission des communauteacutes europeacuteennes ce dernier correspond agrave laquo lrsquointeacutegration volontaire des preacuteoccupations sociales et eacutecologiques des entreprises agrave leurs activiteacutes commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes raquo (Commission des communauteacutes europeacuteennes 2001 p7) Selon Caroll (1979) la RSE regroupe les attentes eacuteconomiques leacutegales eacutethiques et discreacutetionnaires que la socieacuteteacute a des entreprises Dans sa pyramide de la responsabiliteacute sociale il distingue un niveau eacuteconomique leacutegal eacutethique et philanthropique Srsquoagissant du niveau eacuteconomique Caroll rappel que lrsquoentreprise se doit de produire des biens et services afin de reacutepondre aux besoins de la socieacuteteacute tout en reacutealisant des profits Concernant lrsquoaspect leacutegal lrsquoentreprise est dans lrsquoobligation de respecter la loi et la reacuteglementation Les standards les normes et attentes de la socieacuteteacute vis agrave vis de ce qursquoelle considegravere comme juste repreacutesente la partie eacutethique Enfin le niveau philanthropique repreacutesente lrsquoensemble des actions engageacutees par lrsquoentreprise dans le but drsquoecirctre une entreprise citoyenne Pour Lorriaux (1991) la RSE se deacutecline en deux grands niveaux une responsabiliteacute agrave lrsquoeacutegard des employeacutes (conditions de travail reacutemuneacuterations) responsabiliteacute agrave lrsquoeacutegard de la socieacuteteacute agrave travers la diffusion de produits la preacuteservation de lrsquoenvironnement lrsquoameacutelioration de la qualiteacute de vie Lrsquoaudit social peut donc permettre de diffuser et de veacuterifier les engagements dans le domaine de la RSE mais eacutegalement de controcircler et drsquoaccompagner les processus de certification et de normalisation (Allouche et alii 2004 Saulquin 2004) La certification repose sur une repreacutesentation formaliseacutee des activiteacutes productives en tant que reacutesultat drsquoun processus drsquoacquisition et drsquoaccumulation de connaissances Les normes de management de la qualiteacute ISO 9000 srsquoinscrivent dans cette logique5 Selon Beacuteneacutezech et alii (2001 2003) le processus de certification est susceptible de geacuteneacuterer des effets drsquoapprentissage Garantir la qualiteacute des services ou produits proposeacutes par le biais de la certification sous-entend que les caracteacuteristiques du mode de production puissent ecirctre deacutecrits et maicirctriseacutes par lrsquoentreprise Les processus de certification et de normalisation induisent la formalisation des pratiques et proceacutedeacutes et soulignent lrsquoimplication et la mobilisation des ressources humaines (Chaouki et Yanat 2004) Au-delagrave de la qualiteacute ce sont les normes sociales que lrsquoaudit doit eacutegalement srsquoefforcer de controcircler La certification selon une norme sociale srsquoappuie sur le respect des droits fondamentaux hygiegravene et seacutecuriteacute de travail discipline horaires de travail reacutemuneacuteration La certification sociale suppose une conformiteacute eacutetablie (Igalens et Peretti 2004) Selon Theacutevenet (1999) lrsquoaudit social analyse la qualiteacute et lrsquoefficaciteacute des interactions du binocircme individuorganisation Bien eacutevidemment lrsquoaudit social eacutetablit un constat dont lrsquoobjectif est drsquoengager une action visant agrave ameacuteliorer la relation de lrsquoindividu au sein de lrsquoentreprise Pour Joras (2004) lrsquoaudit social est laquo une deacutemarche mandateacutee et indeacutependante drsquoexamen et drsquoeacutevaluation drsquoune part pour assurer que les processus (process proceacutedures proceacutedeacutes) et les performances documenteacutees qui en reacutesultent reacutepondent aux exigences drsquoun reacutefeacuterentiel stipuleacute et drsquoautre part pour en deacutegager et mesurer les eacutecarts en preacutecisant eacuteventuellement de leurs origines leurs causes leurs impacts et conseacutequences raquo (Joras 2004 p244) 5 La famille des normes ISO 9000 a eacuteteacute eacutelaboreacutee en 1987 par lrsquoInternational Standars Organization Ces normes se rapportent au deacutepart speacutecifiquement agrave lrsquoassurance qualiteacute Elles deacutecrivent un systegraveme permettant drsquoanticiper et de preacutevenir les erreurs agrave chaque phase du processus de production (Beacuteneacutezech et Loos-Baroin 2003)

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2 Audit Social au-delagrave de la diffusion de la RSE la conciliation entre performances eacuteconomiques et sociales

Lrsquoaudit social srsquoappuie sur la notion de performance sociale Cette derniegravere est eacutetroitement lieacutee aux interactions du binocircme entreprisesocieacuteteacute En effet lrsquoentreprise agit dans un environnement social politique et eacutecologique En ce sens elle se doit drsquoassumer des responsabiliteacutes leacutegales et eacuteconomiques mais aussi des responsabiliteacutes sociales La responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise a pris naissance au sommet de Rio en 1992 Ce mouvement nrsquoappreacutehendait que lrsquoaspect environnemental Depuis cette notion srsquoest eacutetendue aux salarieacutes notamment

21 Performance sociale quelques preacutecisions Les travaux de Caroll (1979) constituent une eacutetape importante dans la modeacutelisation de la performance sociale de lrsquoentreprise6 Trois dimensions dominent le modegravele de Carroll les principes de responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise (RSE) articuleacutes autour de quatre ensemble (eacuteconomique leacutegal eacutethique et discreacutetionnaire) les difficulteacutes sociales (discriminations racialeshellip) et le mode de reacutesolution retenu afin drsquoassumer la responsabiliteacute de lrsquoentreprise Wartick et Cochran (1985) complegravetent lrsquoapproche de Caroll en preacutecisant la dimension laquo gestion des domaines sociaux raquo (identification analyse reacuteponseshellip) Wood (1991) preacutesente une deacutefinition de la performance sociale de lrsquoentreprise (PSE) fondeacutee sur les principes de responsabiliteacute sociale mais eacutegalement les processus de gestion les politiques et reacutesultats observables lieacutes aux relations sociales de lrsquoentreprise De son cocircteacute Clarkson (1995) deacutefinit la PSE comme la capaciteacute agrave geacuterer la satisfaction des parties prenantes7 Cette deacutefinition met le point sur lrsquoimpeacuterative obligation pour une entreprise de consideacuterer lrsquoensemble de ses partenaires En effet la performance diffegravere selon le type drsquoacteurs Pour les uns la dimension eacuteconomique et financiegravere est agrave privileacutegier alors que pour drsquoautres la dimension sociale est plus importante (Le Louarn et Wils 2001) En ce sens il revient agrave lrsquoentreprise drsquoeacutetablir un eacutequilibre entre les diffeacuterentes demandes tout en conciliant les impeacuteratifs eacuteconomiques et les obligations sociales (Saulquin 2004) La recherche drsquoindicateurs sociaux de performance8 (ISP) srsquoinscrit dans cette perspective

22 Vers une direction de la RSE Morin Guindon et Boulianne (1996) proposent des ISP agrave partir de quatre critegraveres la mobilisation des salarieacutes le climat de travail le rendement des salarieacutes et le deacuteveloppement des salarieacutes Les principaux indicateurs sont le taux drsquoabsenteacuteisme le taux drsquoaccidents la chiffre drsquoaffaires par salarieacute lrsquoeffort de formation et la mobiliteacute interne des salarieacutes Par conseacutequent la FRH est ameneacutee agrave consideacuterer le salarieacute comme un client interne dont la satisfaction agit sur les performances de lrsquoentreprise (Peretti 1999) Selon Igalens (2003) la fonction de Direction des Ressources Humaines srsquooriente vers une direction de la Responsabiliteacute Sociale Saulquin (2004) regroupe les pratiques sociales deacutecrites pas Pfeffer 6 Le lecteur inteacuteresseacute par une synthegravese des principaux modegraveles theacuteoriques de PSE peut se reacutefeacuterer agrave lrsquoarticle de Igalens et Gond (2003) 7 laquo Les activiteacutes de lrsquoentreprise associent diffeacuterents partenaires que lrsquoon groupe en parties prenantes ou stakeholders Il drsquoagit des actionnaires (stockholders) des fournisseurs partenaires et salarieacutes raquo (Tarondeau et Huttin 2001 p169) 8 La pertinence des indicateurs nrsquoest pas assureacutee pour toutes les entreprises car les objectifs strateacutegiques diffegraverent drsquoune entreprise agrave une autre (Le Louarn et Wils 2001)

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(1994) en quatre cateacutegories lrsquoemploi (seacutecuriteacute et seacutelectiviteacute) la reacutemuneacuteration (promotion interne inteacuteressementhellip) le deacuteveloppement individuel et le contexte au travail (lrsquoimplication la formation la mobiliteacute et la polyvalencehellip) et la vision RH des dirigeants (eacutevaluation des pratiques sociales philosophie feacutedeacuteratricehellip) En somme la notion de performance sociale se structure autour de deux grandes orientations theacuteoriques la premiegravere est fondeacutee sur le triptyque principesprocessus de gestion comportements et actions concregravetes et la seconde sur la consideacuteration des parties prenantes Igalens et Gond (2003) eacutevoquent la difficulteacute agrave mesurer la performance sociale En se basant sur les travaux de Decock-Good (2001) Igalens et Gond (2003) reacutepertorient les mesures de la performance sociale en cinq cateacutegories9 les mesures axeacutes sur le contenu des rapports annuels les indices de pollution les mesures issues drsquoenquecirctes par questionnaire les indicateurs de reacuteputation et les donneacutees produites par les organismes de mesures Dans le cas du processus drsquoapprentissage strateacutegique et de lrsquoaudit social reacutealiseacute dans le cadre de lrsquointernationalisation des firmes dans les trois pays du Maghreb lrsquoadoption de bonnes pratiques doit srsquoinseacuterer dans une dynamique de conciliation des performances eacuteconomiques et sociales Comme le soulignent Igalens et Peretti il srsquoagit laquo de veacuterifier qursquoune entreprise dit ce qursquoelle fait et fait ce qursquoelle dit qursquoelle le fait dans les regravegles de lrsquoart et qursquoelle maicirctrise les risques qui pegravesent sur elle raquo (Igalens et Peretti 2004 p241) Lrsquoutilisation drsquoun reacutefeacuterentiel connu et accepteacute constitue la principale caracteacuteristique drsquoun travail drsquoaudit Ce reacutefeacuterentiel doit ecirctre adapteacute selon les contextes et situations locales Dans cette perspective il semble inteacuteressant drsquoobtenir des informations relatives agrave la perception et agrave la vison de lrsquoaudit social des DRH du Maghreb

3 Visions et perceptions de lrsquoAudit Social par les DRH au Maghreb la reacutealiteacute empirique

La speacutecificiteacute des terrains drsquoinvestigation associeacutee au caractegravere exploratoire de la recherche amegravene agrave combiner deux meacutethodologies afin drsquoanalyser lrsquoobjet de la recherche par le biais de la triangulation des donneacutees laquo between methods raquo (Jick 1979 Ecoto 2004 Rymeyko 2004) La reacutealisation des entretiens donne lieu agrave la production de connaissances crsquoest agrave dire une repreacutesentation inductive de la reacutealiteacute Lrsquoentretien et lrsquoanalyse de contenu permettent drsquoexplorer la theacutematique concernant lrsquoASPGRH aupregraves drsquoun eacutechantillon de joint ventures euro-maghreacutebines10 Cette analyse qualitative amegravene agrave lrsquoeacutelaboration puis agrave la validation de lrsquoeacutechelle de mesure de lrsquoASPGRH Le questionnaire reprend lrsquoeacutechelle de mesure valideacutee et autorise la collecte de donneacutees sur un eacutechantillon plus important Cette communication isole une theacutematique du questionnaire lrsquoaudit social Lrsquoexploitation des 64 questionnaires recueillis dans les trois pays du Maghreb est reacutealiseacutee agrave lrsquoaide du logiciel SPSS

9 Il nrsquoest pas dans notre intention de deacutevelopper de maniegravere exhaustive ces cateacutegories Ce travail ayant deacutejagrave eacuteteacute reacutealiseacute par Igalens et Gond (2003) Lrsquoeacutenumeacuteration des diffeacuterents critegraveres deacutemontre toute la difficulteacute agrave mesurer la PSE Dans le cas de cette communication les dimensions environnementales ne seront pas consideacutereacutees car elles ont fait lrsquoobjet de multiples recherches et ont atteint plus de reacutesultats visibles Lrsquoaxe social et les critegraveres de gestion des ressources humaines sont privileacutegieacutes 10 Le lecteur inteacuteresseacute par les premiers reacutesultats de lrsquoanalyse qualitative peut se reacutefeacuterer agrave lrsquoarticle de Frimousse et Peretti publieacute dans le la revue Management et avenir ndeg5 (2005)

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31 Recueil et exploitation Dans le cadre de cette recherche lrsquoenquecircte en face agrave face a eacuteteacute retenue Cette meacutethode neacutecessite notre intervention sur le terrain de recherche afin drsquoenregistrer le plus fidegravelement possible les reacuteponses des personnes interrogeacutees La qualiteacute de la relation enquecircteurenquecircteacute est fonction de la stimulation de la personne interrogeacutee et du climat de lrsquoentretien Afin drsquoeacuteviter des biais de conformisme (donner des reacuteponses attendues) et de deacutesirabiliteacute sociale la reformulation et lrsquoutilisation drsquoun vocabulaire familier est neacutecessaire Le choix de ce type drsquoenquecircte semble adapteacute au contexte maghreacutebin En effet au-delagrave de la longueur du questionnaire lrsquoimportance de la culture orale et de lrsquoidentification de lrsquoenquecircteur dans les pays du Maghreb ont motiveacute le recours agrave cette meacutethode de collecte Apregraves avoir choisi le mode de recueil des donneacutees il convient maintenant de constituer lrsquoeacutechantillon et deacutefinir sa taille Au preacutealable la deacutemarche empirique de la recherche eacutetait fondeacutee sur lrsquoanalyse des joint ventures euro-maghreacutebines Chemin faisant et dans lrsquooptique drsquoune analyse comparative et compleacutementaire de lrsquoASPGRH il srsquoest aveacutereacute souhaitable drsquoeacutetendre le champ drsquoinvestigation aux diffeacuterentes modaliteacutes drsquointernationalisation des firmes dans divers secteurs drsquoactiviteacutes (filiales greenfield investment prises de participation dans les programmes de privatisationhellip) Lrsquouniteacute drsquoeacutechantillonnage est le DRH ou le dirigeant Ce sont les uniteacutes qui sont lrsquoobjet de lrsquoobservation Dans la preacutesente enquecircte la base de sondage cest-agrave-dire la liste exhaustive des DRH de la population nrsquoexiste pas Seule des listes imparfaites sont disponibles dans certains organismes professionnels dans les pays maghreacutebins Par conseacutequent la constitution de lrsquoeacutechantillon se fait par choix raisonneacute Le tableau 1 et le graphique 1 preacutesentent les caracteacuteristiques de lrsquoeacutechantillon Tableau 1 preacutesentation de lrsquoeacutechantillon Pays Nombre de DRH Modaliteacute drsquoimplantation Maroc 46 20 26 Algeacuterie 7 3 4 Tunisie 11 6 5 Total 64 29 JV 35 FMN

transports et communicationscommerces et serviceshocirctels et restaurationindustriesproduction distribution de ressourcestravaux publics

secteurs dactiviteacutes

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Le scheacutema 1 preacutesente les eacutetapes de lrsquoanalyse exploratoire Scheacutema 1 Lrsquoanalyse exploratoire

Analyse exploratoire

Analyse et traitement agrave lrsquoaide du logiciel

Questionnaire Preacute-test

Collecte des donneacutees

Echantillon de lrsquoeacutetude exploratoire

JV euro-maghreacutebines Autres modaliteacutes drsquointernationalisation des firmes

32 Preacutesentation des reacutesultats un Audit Social agrave double dimension Drsquoapregraves les reacutesultats il semble que les DRH attribuent majoritairement un rocircle positif agrave lrsquoaudit social A la lecture des tableaux de lrsquoanalyse reacutealiseacutee avec le logiciel SPSS il est possible drsquoaffirmer que lrsquoaudit social occupe un rocircle agrave double dimension La premiegravere srsquoinscrit dans une perspective de benchmarking Selon les DRH il srsquoagit de se comparer et de se situer Lrsquoaudit social procure un reacutefeacuterentiel agrave partir duquel il est possible de srsquoeacutevaluer et de se deacutevelopper Lrsquoautre dimension concerne la mise aux normes et la veacuterification des engagements en termes de normes sociales En ce sens les deux dimensions srsquoinscrivent dans une recherche drsquoaccroissement des performances eacuteconomiques mais eacutegalement sociales

321 Une dimension benchmarking Pour 90 des personnes interrogeacutees lrsquoaudit social est une aide au deacuteveloppement de lrsquoentreprise En fait lrsquoanalyse approfondie fait ressortir que lrsquoaudit social est assimileacute agrave un reacutefeacuterentiel11 sur lequel se baser afin de poursuivre le deacuteveloppement de lrsquoentreprise Pris dans leur ensemble 78 des DRH affirme que lrsquoaudit social offre une occasion de se situer par rapport aux firmes partenaires Dans la mecircme perspective 82 considegravere lrsquoaudit social comme un moyen de se confronter afin de diagnostiquer ses forces et faiblesses Pris isoleacutement les reacutesultats des analyses des deux cibles rencontreacutees convergent dans le mecircme sens (Cf Infra tableau 1) Aucune diffeacuterence nrsquoest agrave souligner Cette distinction souligne la double logique de positionnement et de perfectionnement inheacuterente agrave lrsquoaudit social Pour 80 des DRH lrsquoaudit social doit conseiller et accompagner le deacuteveloppement de lrsquoentreprise Les

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11 Un reacutefeacuterentiel peut ecirctre consideacutereacute comme un ensemble drsquoeacuteleacutements par rapport auquel on eacutevalue la reacutealiteacute Lrsquointeacuterecirct reacuteside dans lrsquoeffet levier vis-agrave-vis de la performance (Meignant A et R Dapegravere 1994)

reacutesultats confirment donc lrsquoimportance du benchmarking12 laquo Il faut se comparer avec les meilleurs Cela permet de se situer de voir agrave quel niveau nous sommes et agrave quel niveau nous souhaitons arriver Les auditeurs sociaux sont capables drsquoeacutetablir un diagnostichellip A partir de lagrave il est possible de se perfectionner Un audit pour se faire auditer nrsquoa aucun sens Il faut srsquoinscrire dans une deacutemarche de deacuteveloppement raquo13 Ce dernier permet agrave une firme de comparer sa performance avec celles des compeacutetiteurs aidant ainsi agrave progresser (Voss et alii 1997) Pour Longbottom (2000) le benchmarking se deacutefinit comme une recherche des pratiques efficaces14 Hyatt (2001) abonde dans ce sens en affirmant que cette technique est un processus continu drsquoidentification drsquoapprentissage et de mise en place des pratiques exemplaires dans le but drsquoaccroicirctre la compeacutetitiviteacute Les reacutesultats de la recherche de Saint-Pierre et alii (2002) meneacutee aupregraves de PME canadiennes eacutetablissent une relation de cause agrave effet positif entre benchmarking et performance La deacutemarche de benchmarking srsquoappuie sur plusieurs eacutetapes dont lrsquoidentification de la performance agrave ameacuteliorer la seacutelection des partenaires de benchmarking la recherche des informations dans lrsquoentreprise et chez les partenaires seacutelectionneacutes le traitement de lrsquoinformation la mise en place drsquoun plan drsquoaction pour atteindre les objectifs de performance (Matmati Schmidt 2001)

Tableau 2 Rocircles attribueacutes agrave lrsquoaudit social Logique de positionnement Joint venture 75 oui Multinationale 80 oui Logique de perfectionnement Joint venture 90 oui Multinationale 75 oui Veacuterification des normes sociales Joint venture 60 oui Multinationale 77 oui

322 Une dimension sociale et la consideacuteration de la contingence culturelle Lrsquoanalyse reacutevegravele que lrsquoaudit social est aussi consideacutereacute comme un vecteur de convergence et de veacuterification de certaines normes sociales La veacuterification du respect de certains engagements sociaux tels que le non emploi des enfants et le respect des conditions de travail sont majoritairement mentionneacutes dans les trois pays et ce quelques soient les modaliteacutes drsquoimplantation et les secteurs drsquoactiviteacutes Suit le rapport reacutemuneacuterationcontribution avec 73 des reacuteponses La discrimination hommefemme nrsquoest pas consideacutereacutee comme une norme

12 Le benchmark est un repegravere de geacuteomegravetre marquant une position Il est utiliseacute comme laquo norme raquo point de reacutefeacuterence permettant de positionner les eacutevaluations 13 Les phrases teacutemoins sont issues de lrsquoanalyse qualitative 14 Quatre types de benchmarking sont agrave distinguer Le benchmarking interne consiste agrave comparer les opeacuterations reacutealiseacutees au sein de la firme mecircme mais aussi agrave travers les filiales Le benchmarking compeacutetitif correspond agrave une comparaison speacutecifique avec des concurrents Dans cette configuration les protagonistes basent leurs comparaisons sur des terrains neutres et non pas strateacutegiques Le benchmarking fonctionnel est une comparaison de fonctions similaires entre entreprises non concurrentes Dans le cas du benchmarking geacuteneacuterique les comparaisons se reacutealisent entre entreprises de secteurs diffeacuterents sur des processus ou meacutethode de travail (Brilman 2000)

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sociale agrave respecter Il est inteacuteressant de constater que lrsquoaudit social reacutealiseacute en tant que controcircle est geacuteneacuteralement rejeteacute En effet la totaliteacute des DRH rencontreacutees estiment que lrsquoaudit social nrsquoest pas un controcircle Ce dernier srsquoexplique certainement par la connotation neacutegative attribueacutee au controcircle dans la dimension culturelle de ces pays laquo Les auditeurs sociaux ne doivent pas ecirctre des controcircleurs Ici la composante anti-arrogance est tregraves importante Qursquoest ce qursquoil veut celui-lagrave De quoi me parle-t-il raquo Drsquoailleurs la quasi-totaliteacute des DRH affirment que la contingence culturelle est le principal facteur agrave consideacuterer dans les proceacutedures drsquoaudit social laquo Ici on parle de soi diffeacuteremment on agit diffeacuteremment Les auditeurs sociaux se doivent de consideacuterer les reacutealiteacutes locales Ce nrsquoest pas lrsquoEurope raquo Dans le domaine manageacuterial la diversiteacute culturelle15 se manifeste agrave travers notamment lrsquoattitude agrave lrsquoeacutegard de la hieacuterarchie lrsquoapproche du travail la maniegravere drsquoexprimer ses opinions Lrsquoapproche de lrsquoeacutequiteacute peut ecirctre diffeacuterente comme lrsquoont montreacute les travaux comparatifs entre le Maroc et la France (Benraiumlss Peretti 2003) En ce sens si les cultures nationales influent sur les perceptions des individus il est primordial drsquoen tenir compte dans les pratiques et meacutethodes drsquoAudit Social laquo Quand pour geacuterer il faut savoir susciter lrsquoenthousiasme de ceux que lrsquoon dirige et eacuteviter de les scandaliser on a besoin de comprendre ce qui enthousiasme et scandalise raquo (DrsquoIribarne 1989 p266) Cette capaciteacute agrave comprendre puis agrave srsquoadapter aux speacutecificiteacutes drsquoune situation drsquointeraction interculturelle est deacutesigneacutee dans le concept de compeacutetence interculturelle (CI) (Hofstede 1994 Trompenaars Hampden-Turner 2001 Bartel-Radic 2003) Les DRH estiment majoritairement que le recours agrave lrsquoaudit social dans les entreprises au Maghreb est limiteacute par lrsquoabsence de ressources financiegraveres 85 drsquoentre eux jugent que les auditeurs sociaux sont insuffisamment formeacutes au contexte micro eacuteconomique maghreacutebin Dans le cadre de la reacuteflexion relative agrave lrsquoaction manageacuteriale la prise en compte du couple uniteacute-diversiteacute dans un contexte de globalisation exacerbeacutee constitue un impeacuteratif Cette laquo intelligence des situations raquo16 doit pousser les entreprises agrave se meacutefier des dangers de la standardisation17 Ainsi si lrsquoaudit social et la RSE sont universels sur le plan theacuteorique leurs mises en œuvre dans la pratique ne peuvent ecirctre que contingente car ils sont influenceacutes par lrsquoenvironnement micro et macro eacuteconomique (Tak Tak Kallel 2004) BIBLIOGRAPHIE Allouche J Huault I et G Schmidt 2004 laquo Responsabiliteacute sociale des entreprises la mesure deacutetourneacutee raquo 15 iegraveme Congregraves annuel de lrsquoAGRH Montreacuteal

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15 Selon G Hofstede la culture laquo est par essence une programmation mentale collective crsquoest cette partie de notre conditionnement que nous partageons avec les autres membres de notre nation mais aussi de notre reacutegion de notre groupe et non avec ceux drsquoautres nations drsquoautres reacutegions ou drsquoautres groupes raquo (Hofstede 1987 p10) 16 Expression emprunteacutee agrave M Bosche (1993) 17 laquo Lrsquoouverture multiculturelle des eacutequipes dirigeantes et la diversiteacute des ressources culturelles mobilisables forment une composante strateacutegique du succegraves des activiteacutes internationales raquo (Prime 2001 p66)

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Trompenaars F et C Hampden-Turner 2001 laquo Reacuteussir lrsquointeacutegration culturelle raquo Les eacutechos juin

Voss CA Ahlstroumlm P et K Blackmon1997 laquo Benchmarking and operational performance some empirical results raquo Benchmarking for Quality Management and Technology Vol4 ndeg 4

Wartick SL et PL Cochran 1985 laquo The evolution of the corporate social performance model raquo Academy of Management Review 10

Wood

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LA SITUATION DE LA RSE EN ITALIE ET UNE EXPERIENCE PILOTE DE CERTIFICATION PAR UN AUDIT INTEGRE Giovanni GUALANDI1 Membre du Conseil National AIDP (wwwaidpit) Consultant RINA et enseignant dans les Cours SAI pour Auditeurs SA8000 Avocat et Juge de paix

Reacutesumeacute Ce rapport preacutesente lrsquoeacutetat actuel de la RSE en Italie les outils les plus freacutequemment utiliseacutes et lrsquointeacuterecirct speacutecifique pour les standards auditables en particulier pour la norme eacutethique SA8000 On y analyse le parcours historique du concept de la RSE et ses applications en Italie face aux applications internationales En 2004 un nouveau systegraveme de certification inteacutegreacutee le BEST4 de la socieacuteteacute italienne RINA qui utilise quatre standards internationaux de RSE a eacuteteacute conccedilu et mis en oeuvre on preacutesente ici une application pilote dans une grande entreprise agrave renommeacutee mondiale la Compagnie de navigation laquo Costa Crociere raquo du Groupe Carnival La conclusion porte sur la neacutecessiteacute dans un marcheacute de plus en plus mondialiseacute de standards sociaux univoques et internationaux et de ce fait compreacutehensibles et veacuterifiables dans le monde entier

1 La situation actuelle Les thegravemes de la RSE deacutejagrave mis en eacutevidence par les observateurs eacuteconomiques soucieux des problegravemes de Corporate governance (gouvernance drsquoentreprise) ont susciteacute un inteacuterecirct de plus en plus grandissant en Italie apregraves la publication en deacutecembre 2004 du Social Statement - sorte de grille drsquoauto-eacutevaluation et explication des initiatives sociales drsquoentreprise - du Ministegravere italien du Travail et des Politiques Sociales On y propose encore la deacutefinition traditionnelle de RSE du Livre Vert europeacuteen de 2001 laquo Inteacutegration volontaire des probleacutematiques sociales et eacutecologiques dans les opeacuterations commerciales et dans les rapports avec les parties prenantes raquo mais le document gouvernemental eacutelargit avantageusement les thegravemes drsquoobservation du Social Statement - par rapport au Livre Vert ldquocentreacute surtout sur la responsabiliteacute des entreprises dans le secteur socialrdquo- aux rapports avec les consommateurs et agrave la preacutevention de la corruption A partir drsquooctobre 2003 le Ministegravere italien des Affaires Etrangegraveres srsquoest en revanche engageacute dans une action de support de lrsquoinitiative de lrsquoONU pour la RSE ndash le Global Compact - et a financeacute le projet ldquoDeacuteveloppement durable par le Global Compactrdquo Ce projet repreacutesente une forme novatrice de soutien et de promotion inteacutegreacutee du Global Compact de la deacuteclaration tripartite de lrsquoOIT et des Lignes Directrices OCDE - en tant qursquooutils internationaux fondamentaux en matiegravere de RSE et de dimension sociale de la globalisation - au sujet des entreprises multinationales La finaliteacute du Ministegravere eacutetait de concreacutetiser lrsquoideacutee que les entreprises italiennes peuvent veacutehiculer les principes fondamentaux en matiegravere de RSE dans

1 gualandi_ityahooit

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le contexte international et en particulier dans les pays destinataires de la coopeacuteration italienne En ce qui concerne la diffusion de la RSE il faut souligner les reacutesultats drsquoun releveacute expeacuterimental Istat de 2004 presque 70 des 10000 moyennes et grandes entreprises prises en consideacuteration adoptait un ou plusieurs outils de RSE Le thegraveme principal pour 60 des entreprises eacutetait le traitement des deacutechets suivi par le choix des fournisseurs (33) Seulement 11 reacutedigeait un bilan social ce dernier outil a eacuteteacute adopteacute par 2000 entreprises en Italie Drsquoautres releveacutes montrent que le pourcentage drsquoengagement dans le secteur social est en tout cas en augmentation tant pour le nombre drsquoentreprises inteacuteresseacutees que pour la somme moyenne investie (valeur estimeacutee supeacuterieure agrave 180000 euros en 2004) Lrsquoentreacutee en vigueur de la loi de 2001 qui a eacutetablit en Italie la responsabiliteacute laquo peacutenale raquo de lrsquoentreprise pour certains deacutelits commis par ses fonctionnaires a contribueacute agrave la diffusion des codes deacuteontologiques et eacutethiques dans les entreprises On peut ajouter que le regraveglement du prix italien laquo Oscar du Bilan raquo (eacutedition 2004) a requis pour la premiegravere fois la preacutesentation du bilan social en plus du compte-rendu eacuteconomique Le Conseil national des experts comptables est en train drsquoeacutetudier des Lignes directrices pour la reacutedaction du bilan social en accord avec les laquoinformations relatives agrave lrsquoenvironnement et au personnelraquo introduites par la Directive europeacuteenne n512003 dans les comptes-rendus eacuteconomiques Le gouvernement italien a envisageacute plusieurs initiatives pour 2005 des campagnes de promotion et information (teacuteleacutevision radio et presse eacutecrite) une Rencontre Nationale sur les ldquobest practicesrdquo de RSE qui se tiendra chez FERRARI Automobiles et la creacuteation agrave Milan drsquoun Centre national permanent de recherche sur la RSE LrsquoINAIL (Institut National pour lrsquoAssurance Accidents de Travail) a eacutetabli que pour acceacuteder en 2005 agrave la reacuteduction du taux tarifaire moyen de lrsquoassurance contre les accidents de travail les entreprises devront neacutecessairement avoir mis en oeuvre au moins une des interventions indiqueacutees dans le regraveglement dont la premiegravere est laquo Lrsquoentreprise a adopteacute ou tient un comportement socialement responsable selon les principes de la RSE eacutetablis par le Ministegravere du Travail et des Politiques Sociales et a effectueacute par conseacutequent des interventions qui visent agrave ameacuteliorer la seacutecuriteacute et la santeacute sur les lieux de travail raquo Au-delagrave des initiatives culturelles et de solidariteacute (souvent ldquopromotionnellesrdquo et en tout cas eacutetrangegraveres agrave la ldquogestion drsquoentrepriserdquo socialement responsable) les principaux outils de RSE en Italie sont - selon la distinction introduite par la Commission Europeacuteenne dans son lsquoMapping 2003rsquo des outils internationaux de RSE - les codes eacutethiques drsquoentreprise les systegravemes de compte-rendu (Bilan social Balance ambiante Social Statement) et les scheacutemas de certification (SA8000 ISO14001 EMAS) A fin 2004 les entreprises italiennes doteacutees de certifications environnementales eacutetaient drsquoenviron 5000 celles certifieacutees SA8000 eacutetaient au nombre de 167 dont la distribution geacuteographique est montreacutee agrave la Fig1 A celles-ci srsquoajoutent les fournisseurs tenus au respect de la norme On estime ainsi agrave plus de 6000 au total les entreprises devant se conformer au standard de gestion eacutethique du personnel LrsquoItalie est la nation ougrave le standard international SA8000 est le plus reacutepandu (167 entreprises certifieacutees en Italie presque 30 des 572 certifieacutees dans le monde entier) vraisemblablement les entreprises considegraverent avantageux drsquoexhiber une preuve sucircre de leur engagement social comme cela apparaicirct dans la recherche CE 2 et de plus lrsquoeffet en cascade incite souvent les fournisseurs agrave se certifier

2 ldquomany organisations aspire to use logos prizes and awards as a visible signal to the marketplace as to their performancehellip the certification logo acts as a proxy indicator as to performancerdquo (Mapping instruments for CSR - CE 2003)

2

En outre quelques reacutegions (notamment la Toscane) ont soutenu et favoriseacute une telle certification Aujourdrsquohui plusieurs entreprises en Italie demandent aux consultants des outils pour srsquoinitier agrave la conduite eacutethique des affaires Tous les experts considegraverent le standard SA8000 comme la meilleure reacutefeacuterence en tant qursquooutil drsquoinformation et de veacuterification de la tutelle des droits des travailleurs et le controcircle des fournisseurs Le systegraveme de gestion peut en outre favoriser lrsquoameacutelioration des relations drsquoentreprise et le deacuteveloppement de techniques manageacuterielles plus adeacutequates agrave la nouvelle sensibiliteacute des travailleurs Enfin la diffusion de la norme SA8000 peut ecirctre favoriseacute du fait que de grandes entreprises par ex le groupe de la COOP Consommateurs ou la Compagnie de navigation COSTA CROCIERE ont choisi de se certifier Il faudrait ajouter que la norme SA8000 est tregraves souvent adopteacutee par des entreprises non certifieacutees pour la gestion des controcircles externes sur leurs fournisseurs Il en est ainsi par exemple avec lrsquoAssociation europeacuteenne de distributeurs FTA - Foreign Trade Association - par le projet BSCI - Business Social Compliance Initiative - Trente groupes (comme Metro Migros Celio Coop Suisse Etam Quelle CampA) ont deacutejagrave adopteacute le BSCI en premiegravere instance focaliseacute seulement sur le secteur textile mais eacutetendu reacutecemment aux secteurs alimentaire et agricole en commenccedilant par Espagne et Maroc Une initiative analogue est la deacutenommeacutee AVE mise en place par les distributeurs allemands et hollandais Seuls les organismes de certification agreacuteeacutes par lrsquoorganisation ameacutericaine SAI peuvent deacutelivrer les attestations de certification SA8000 lrsquoorganisme geacutenois RINA qui organise aussi les cours SAI de formation pour auditeurs par le biais de lrsquoassocieacutee RINA Industry est le plus actif en Italie Le RINA a eacutegalement creacuteeacute BEST4 un scheacutema de certifications inteacutegreacutees de lrsquoengagement social vers les diffeacuterents stakeholders (obtenu par quelques grandes entreprises entre autres Costa Crociere du Groupe Carnival) qui reacuteunit en un seul systegraveme de gestion quatre certifications ISO9001 Qualiteacute + ISO14001 Environnement + OHSAS18001 Seacutecuriteacute + SA8000 Droit de lrsquohomme Une telle solution apparaicirct aujourdrsquohui comme le meilleur compromis face agrave la tendance agrave creacuteer de nouvelles certifications (europeacuteennes italiennes etc) la mondialisation de plus en plus accentueacute des marcheacutes rend en effet illogique et agrave contre courant lrsquoeacuteloignement des standards internationaux reconnus dans le monde entier Par ailleurs aucune norme internationale globale de RSE est en gestation lrsquoISO eacutelaborera pour 2008 seulement un document agrave caractegravere non normatif (ISO26000) pour eacuteclaircir le concept de RSE et ses implications Cette position suit la logique de lrsquoOCDE sur le sujet speacutecifique de la lsquoCorporate governancersquo pour lequel nrsquoont eacuteteacute eacutelaboreacutees que des lignes directrices agrave niveau mondial

3

Distribuzione percentuale delle certificazioni SA8000

Toscana

Lombardia

Veneto

Emilia-R

Lazio

Campania

Piemonte

Liguria

Puglia

Umbria

Abruzzo

Sicilia

Marche

Friuli

Basilicata

Sardegna

Trentino

Fig1 Percentage des certifications par Reacutegions au 31122004

En Italie on a reacutecemment souligneacute lrsquoimportance des indices de RSE en rapport agrave la rentabiliteacute des entreprises perccedilue par les stakeholders en particulier par les investisseurs Une eacutetude de lrsquoUniversiteacute Bocconi montre que certains des critegraveres de RSE (le degreacute drsquoappreacuteciation de la communauteacute la gestion du personnel la qualiteacute perccedilue du serviceproduit) contribuent pertinemment agrave la deacutefinition du rapport entre le cours boursier et le compte-rendu eacuteconomique de lrsquoentreprise (price-to-book-value) Par conseacutequent on deacutemontre que la RSE a une valeur sur le marcheacute financier en agissant sur la creacutedibiliteacute strateacutegique des entreprises Le Livre Vert soulignait deacutejagrave en 2001 cette theacuteorie reacutecemment des sondages montrent que les theacutematiques de la RSE ont gagneacute une place fondamentale dans lrsquoeacutevaluation des entreprises pour presque 90 des professionnels intervieweacutes en USA (84 en Europe et 82 en Asie - voir note agrave les pages 7-8)

2 Le parcours historique Valeria Fazio et les autres co-auteurs de laquo La Responsabiliteacute Sociale drsquoEntreprise raquo nous rappellent que traditionnellement la mission principale de lrsquoentreprise eacutetait de produire un deacuteveloppement et des reacutesultats eacuteconomiques satisfaisants dans le respect des lois La responsabiliteacute - pour une entreprise - nrsquoeacutetait-elle limiteacutee qursquoagrave garder une place financiegravere satisfaisante sur le marcheacute Dans cette logique le Prix Nobel drsquoeacuteconomie Milton Friedman affirmait en 1962 dans lsquoCapitalism and Freedomrsquo laquo Il nrsquoy a qursquoune responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise augmenter ses profits raquo Mecircme si le prof Zamagni a souligneacute agrave ce propos que agrave preacutesent personne ne soutiendrait une pareille affirmation (Milton Friedman non plus) il arrive assez souvent que de nos jours un chef drsquoentreprise le cite confondant le concept de RSE avec celui de meacuteceacutenat ou de bienfaisance

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Le deacutebat sur le thegraveme de la RSE a pris naissance dans les anneacutees 50 aux USA et successivement srsquoest reacutepandu en Europe drsquoinnombrables traiteacutes et interpreacutetations se sont accumuleacutes avant lrsquoeacutelaboration drsquoune deacutefinition exhaustive et geacuteneacuteralement accepteacutee du concept de RSE Certains ont consideacutereacute la RSE comme une ldquoresponsabiliteacute juridiquerdquo drsquoautres lrsquoont vue comme la recherche drsquoune nouvelle leacutegitimiteacute dans un systegraveme capitaliste ayant perdu son eacutelan drsquoautres encore comme ldquola neacutecessiteacute - parfois teinteacutee drsquointentions charitables - pour lrsquoentreprise de consacrer une partie de ses profits au bien-ecirctre geacuteneacuteralrdquo La deacutefinition proposeacutee en 1953 par Bowen apparaicirct un peu geacuteneacuterique mais interessante agrave cause de son relativisme la RSE serait ldquole devoir des hommes drsquoaffaires de poursuivre ces politiques de prendre ces deacutecisions de suivre ces lignes drsquoaction qui sont souhaitables en fonction des objectifs et des valeurs reconnus par la socieacuteteacuterdquo On peut arrecircter officiellement en 1995 la naissance du thegraveme de la RSE en Europe lorsque un groupe drsquoentreprises leader solliciteacutees par Jacques Delors (agrave cette eacutepoque ex-preacutesident de la Commission Europeacuteenne) signe le ldquoManifeste des Entreprises contre lrsquoexclusion socialerdquo La publication du Manifeste ainsi que sa signature de la part drsquoun influent groupe drsquoentreprises repreacutesenta un tournant marquant dans le deacutebat autour de la RSE dans les pays agrave plus solide tradition civile on commenccedila agrave eacutelaborer de nouveaux modegraveles drsquointervention A Bruxelles naicirct ldquoCSR Europerdquo qui constitue un reacuteseau drsquoassociations drsquoentreprises comme ldquoBusiness in the Communityrdquo en Angleterre ldquoSodalitasrdquo en Italie et lrsquo ldquoInstitut pour le Meacuteceacutenat Humanitaire drsquoentrepriserdquo en France Le vrai tournant dans lrsquoeacutevolution de lrsquoengagement sur la RSE eut lieu en 2000 au Sommet de Lisbonne les Chefs drsquoEtat et de Gouvernement europeacuteens se fixegraverent comme finaliteacute de ldquofaire de lrsquoEurope lrsquoespace eacuteconomique knowledge based le plus dynamique et compeacutetitif du monde capable drsquoun deacuteveloppement eacuteconomique durable et drsquoune plus forte coheacutesion socialerdquo Ils firent eacutegalement appel au sens de responsabiliteacute sociale des entreprises pour une collaboration synergique agrave la reacutealisation de cet objectif En 2001 la Commission Europeacuteenne publie le Livre Vert ldquoPromouvoir un Cadre Europeacuteen pour la Responsabiliteacute Sociale des Entreprisesrdquo suivi en 2001 de ldquoResponsabiliteacute Sociale une contribution des entreprises au deacuteveloppement durablerdquo Le concept de RSE puise ses racines bien plus profondeacutement dans le contexte eacuteconomique et culturel italien On peut citer des entreprises qui eacutetaient deacutejagrave ouvertes agrave la responsabiliteacute sociale agrave lrsquoaube de lrsquoindustrialisation du Pays par des programmes et des œuvres de bienfaisance Il srsquoagissait dans la plupart des cas drsquoeacutepisodes isoleacutes fruit drsquoun choix personnel drsquoun chef drsquoentreprise eacuteclaireacute On rappellera agrave ce propos lrsquoexpeacuterience des tisseurs de Crespi drsquoAdda au tout deacutebut du vingtiegraveme siegravecle qui constitue lrsquoexemple le plus significatif de laquo village ouvrier raquo en Italie On y ameacutenagea le territoire autour de lrsquoentreprise agrave eacutechelle humaine afin que le travail et la vie priveacutee et sociale puissent coexister harmonieusement Par la suite lrsquoarticle 41 de la Constitution italienne du 1947 deviendra sans aucun doute une importante reacutefeacuterence agrave la RSE ldquoLrsquoinitiative eacuteconomique priveacutee est libre Elle ne peut srsquoexercer en srsquoopposant agrave lrsquoutiliteacute sociale ou de maniegravere agrave porter atteinte agrave la seacutecuriteacute agrave la liberteacute agrave la digniteacute humaine La loi deacutetermine les programmes et les controcircles opportuns pour que lactiviteacute eacuteconomique publique et priveacutee puisse ecirctre orienteacutee et coordonneacutee vers des fins socialesrdquo Les initiatives qui ont accentueacute le rocircle social de lrsquoentreprise ont eacuteteacute nombreuses surtout agrave cause drsquoune plus grande importance des Participations de lrsquoEtat et de lrsquoattitude socialement responsable de certains chefs drsquoentreprise qui ont influenceacute profondeacutement la culture italienne drsquoentreprise

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Parmi les entrepreneurs du secteur priveacute il y eut Adriano Olivetti (1901-1960) En geacuterant sa grande entreprise il fut attentif aux retombeacutees sociales persuadeacute que la finaliteacute de lrsquoentreprise est de produire des richesses creacuteer des postes de travail distribuer dans la communauteacute le produit du succegraves obtenu sur le marcheacute Il affirmait en particulier que la fideacuteliteacute des travailleurs leur stabiliteacute leur participation convaincue et intelligente jouaient un rocircle essentiel dans son entreprise Lrsquoentrepreneur Gaetano Marzotto jr (1894-1972) observa eacutegalement qursquoon pouvait eliminer les conflits dans lrsquo entreprise uniquement par des interventions visant agrave renforcer son interdeacutependance avec la socieacuteteacute A ses yeux la socieacuteteacute preacutesentait des contradictions encore agrave reacutesoudre comme lrsquoabsence de services sociaux essentiels en preacutesence de bas salaires lrsquoinsalubriteacute des habitations et le deacuteveloppement deacutesordonneacute du territoire Ses convictions le poussegraverent agrave bacirctir agrave Valdagno entre 1927 et 1937 la ldquociteacute socialerdquo expeacuterience jugeacutee par certains comme eacutetant le plus important complexe italien drsquoœuvres sociales Selon Enrico Mattei (1906-1962) lrsquoentreprise priveacutee et encore plus celle du secteur public doivent prendre en charge non seulement la production des richesses mais aussi les problegravemes sociaux lrsquooccupation et la valorisation des ressources humaines ainsi que les eacutecoles les hocircpitaux et les logements Au tournant du siegravecle le deacutebat sur la RSE srsquoinsegravere dans le mouvement europeacuteen et atteint une dimension plus structureacutee On assiste en Italie en accord avec les eacuteveacutenements europeacuteens agrave la naissance du deacutebat sur lrsquoeacutethique des processus eacuteconomiques auquel participent non seulement des experts mais aussi des PDG et des chefs drsquoentreprise et la RSE srsquoaffirme comme un paradigme de strateacutegie et drsquoorganisation visant agrave garantir la valeur de lrsquoentreprise dans une perspective de longue haleine Au-delagrave des interventions publiques de support de nombreux facteurs ont joueacute un rocircle consideacuterable dans lrsquoeacutevolution des systegravemes eacuteconomiques vers la responsabiliteacute sociale - Les soucis et les attentes vis-agrave-vis drsquoun marcheacute de plus en plus global et compeacutetitif des citoyens des consommateurs des employeacutes des actionnaires et des autoriteacutes publiques qui demandent aux entreprises une attention particuliegravere agrave la transparence agrave la durabiliteacute et agrave lrsquoeacutethique dans les affaires Il suffit de rappeler lrsquoexemple du controcircle de la chaicircne des fournisseurs Au-delagrave de la qualiteacute des produits les consommateurs et leurs associations sont de plus en plus attentifs au comportement de lrsquoentreprise agrave lrsquoeacutegard de problegravemes eacutethiques sociaux et environnementaux lieacutes aux activiteacutes commerciales et de production Dans ce contexte il est impeacuteratif que lrsquoentreprise puisse geacuterer les rapports avec les fournisseurs tout en gardant un controcircle raisonnable mais deacutemontrable sur toute la chaicircne de la fourniture - Lrsquoutilisation de critegraveres eacutethiques et socio-environnementaux de seacutelection dans les choix des investisseurs - Les pressions des ONG agrave partir drsquoactiviteacutes drsquoinformation de mobilisation civile de lobbying politique exerceacutees par des associations diffeacuterentes (par exemple pour la deacutefense des droit de lrsquohomme ou la protection de lrsquoenvironnement) jusqursquoau boycottage contre les entreprises dont les produits les activiteacutes ou les strateacutegies sont consideacutereacutes socialement irresponsables - Le malaise grandissant ducirc agrave la deacutegradation de lrsquoenvironnement provoqueacutee par lrsquoactiviteacute industrielle

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- La transparence agrave niveau planeacutetaire de lrsquoactiviteacute de lrsquoentreprise creacuteeacutee par les medias et les technologies modernes de lrsquoinformation et de la communication

Un bon exemple de la situation deacutecrite au premier point est le mobbing ou harcegravelement moral au travail pheacutenomegravene qursquoon peut renvoyer agrave la nouvelle sensibilisation et prise de conscience des travailleurs Symptomatique du malaise vis-agrave-vis de pratiques deacutesormais inacceptables le ldquomobbingrdquo manifeste eacutegalement lrsquoexigence drsquoune gestion des ressources humaines plus attentive agrave la psychologie des personnes agrave leur fragiliteacute eacutemotionnelle et digniteacute humaine donc lrsquoexigence drsquoune plus grande responsabiliteacute sociale et eacutethique des organisations face au besoin de lsquojoie de vivrersquo des gents (GBecattini) Les eacutetudes drsquoeacuteconomie expeacuterimentale et cognitive sur les comportements irrationnels des consommateurs (qui en 2002 ont valu le Nobel agrave VSmith et DKahneman) deacutemontrent agrave quel point le psychisme et les suggestions eacutemotionnelles envahissent les secteurs traditionnels de la rationaliteacute Les entreprises et les organisations devraient porter une extrecircme attention aux motivations altruistes ou relationnelles ou aux facteurs psychologiques deacutependants de la sphegravere affective qui peuvent conditionner les deacutecisions des stakeholders drsquoune maniegravere incontrocirclable et impreacutevisible En particulier les impulsions eacutemotionnelles prennent le dessus si le manque drsquoinformations ou lrsquoimpossibiliteacute de les eacutelaborer rend impossible le choix rationnel on parle alors de rationaliteacute limiteacutee de lrsquoindividu Lrsquoentreprise peut y pallier par la communication drsquoinformations correctes et veacuterifiables voire certifieacutees Dans plusieurs situations le leacutegislateur a deacutejagrave imposeacute lrsquoobligation agrave lrsquoinformation minimale ou preacutedisposeacute des tutelles vis-agrave-vis des ldquoasymeacutetries drsquoinformationrdquo (par exemple les normes europeacuteennes en faveur du consommateur) Dans la mecircme optique le lsquoCommittee on Financial Marketrsquo de lrsquoOCDE a reacutecemment proposeacute le ldquoManifeste pour lrsquoeacuteducation des investisseurs et des eacutepargnantsrdquo Toutes les observations preacuteceacutedentes confirment la validiteacute de lrsquoarticle lsquoIl nrsquoy a de saine performance que dans lrsquoeacutequilibrersquo eacutecrit en 1994 par Peter Doyle de lrsquoUniversiteacute de Warwick Dans la rosace agrave la fig2 il montre comme lrsquoentreprise se doit de reacutepondre aux attentes des stakeholders dans le souci de leur eacutevolution et dans un effort drsquoeacutequilibre Les plus reacutecents sondages (par exemple celui de lrsquoEconomist Intelligence Unit 2005 en bas de page) ont porteacute au premier plan des attentes et des sensibiliteacutes plus fortement lieacutees aux thegravemes de la responsabiliteacute sociale qui peuvent modifier la hieacuterarchie des valeurs de reacutefeacuterence des parties prenantes3

3 The Economist ndash Economist Intelligence Unit 2005 ldquoA total of 88 of executives said that CR is a ldquocentralrdquo or ldquoimportantrdquo consideration in decision-making This compares with 54 of executives who said it was a ldquocentralrdquo or ldquoimportantrdquo consideration five years ago The biggest percentage change between now and five years ago was among European executives A total of 46 said CR was ldquocentralrdquo or ldquoimportantrdquo five years ago compared with 84 at the present time In Asia the proportion rose from 49 to 82 and in North America from 66 to 88 The survey of professional investors reveals a sharper trend Eighty-one percent of those surveyed said CR was currently a ldquocentralrdquo or ldquoimportantrdquo consideration in their investment decisions compared with 34 who said it was ldquocentralrdquo or ldquoimportantrdquo five years ago In fact 14 of them said CR was not a consideration at all five years ago Now not a single investor said it was not a considerationrdquo

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Fig 2 Lrsquoeacutequilibre du laquo systegraveme agrave multifinaliteacutes raquo

3

Lrsquoeacutequilibre du laquo systegraveme agrave multifinaliteacutes raquo(Le rosace de Peter Doyle ndash Universiteacute de Warwick 1994)

ENTREPRISE

CADRES EMPLOYES

MINORITES

COMMUNAUTE

CREANCIERSACTIONNAIRESCLIENTS

FOURNISSEURS

Pouvoirs publics

SeacutecuriteacuteReacutemuneacuteration

Satisfaction au le travail

ReacutemuneacuterationPrestigePouvoir

ImpocirctsEmplois

Paiements reacuteguliersPeacuterenniteacute de lrsquoactiviteacute

Qualiteacute des produitsService Valeur

DividendesCroissance et

seacutecuriteacute du capital

InteacuterecirctsSeacutecuriteacute du capital

Emploi eacutequitableNon-discrimination

EmploiEnvironnement

Il ne faut pas oublier lrsquoinfluence de la plus reacutecente Theacuteorie Sociale de lrsquoEglise Dans lrsquoEncyclique lsquoCentesimus annusrsquo (1991) le Pape Jean Paul II affirmait que ldquo la valeur sociale drsquoune entreprise ne peut pas ecirctre reacuteduite agrave la seule theacutematique du profit et du bien ecirctrehellip mais doit reconnaicirctre la centraliteacute de lrsquoindividu qui constitue le vrai critegravere de toute rationaliteacute eacuteconomique ou politiquehellip Le deacuteveloppement inteacutegral de la personne humaine ne contredit pas mais plutocirct favorise une plus grande productiviteacute et efficaciteacute du travailhellip Le profit nrsquoest pas lrsquounique finaliteacute de lrsquoentreprise il faut consideacuterer drsquoautres facteurs humains et moraux qui dans une plus longue perspective sont eacutegalement essentiels pour la vie de lrsquoentrepriserdquo Lrsquoeacutevocation de la prioriteacute du travail contenue dans lsquoLaborem exercensrsquo (1981) souligne la penseacutee du Pape Wojtyla ne pas se contenter uniquement de lrsquooptimum eacuteconomique mais aussi rapporter lrsquoefficaciteacute eacuteconomique agrave sa finaliteacute fondamentale le deacuteveloppement de lrsquohomme Une telle approche relationnelle permet agrave lrsquoentreprise de donner un ldquorocirclerdquo et une ldquovaleurrdquo aux multiples sujets (individus autoriteacutes publiques groupes politiques) avec lesquels - directement ou indirectement - elle opegravere ainsi que de les inciter agrave lrsquoaction et aux propositions dans un esprit de responsabiliteacute partageacutee et reacuteciproque

8

3 Quelques consideacuterations sur les tendances en Italie Plusieurs experts associations et organisations srsquooccupent en Italie de RSE Parmi les expeacuteriences les plus significatives au niveau de lrsquoeacutelaboration on trouve le projet Q-RES de 2001 conccedilu par Lorenzo Sacconi de lrsquoUniversiteacute de Trento en collaboration avec le Centre for Ethics Law amp Economics de la LIUC de Castellanza qui nrsquoa toutefois pas connu une grande diffusion agrave cause de sa complexiteacute drsquoapplication De telles propositions ont une certaine valeur culturelle de sensibilisation et approfondissement conceptuel de la RSE Dans une logique de marcheacute globaliseacute elles sont limiteacutees par une faible diffusion et de ce fait elles ne sont pas drsquoune particuliegravere utiliteacute aux entreprises engageacutees sur le marcheacute international ldquoLa finaliteacute du projet Q-RES est de promouvoir une vision de lrsquoorganisation baseacutee sur le contrat social avec les stakeholders par la deacutefinition drsquoun nouveau standard certifiable de responsabiliteacute etico-sociale qui sauvegarde la reacuteputation et la fiabiliteacute de lrsquoentreprise A ce propos le Projet Q-RES propose un modegravele pour le systegraveme de gestion des organisations qui adopte un ensemble drsquooutils finaliseacutes agrave la responsabiliteacute eacutethico-sociale de lrsquoentreprise et envisage un standard certifiable pour la gestion du systegraveme Les lignes directrices Q-RES publieacutees par lrsquoorganisme CELE en juillet 2001 preacutesentent un modegravele de gouvernance des relations entreprise-stakeholders baseacute sur un ensemble complet et inteacutegreacute drsquooutils Il y a six outils pour reacutealiser le systegraveme de gestion pour la responsabiliteacute eacutethico-sociale dans le modegravele Q-RES

- VISION ETHIQUE - CODE ETHIQUE - FORMATION ETHIQUE - SYSTEMES DrsquoORGANISATION DE LA REALISATION ET CONTROLE - COMPTE RENDU ETHICO-SOCIAL - VERIFICATION EXTERIEURE

Lrsquoeacuteleacutement novateur du Projet Q-RES reacuteside dans lrsquointeacutegration des outils La fonction dans le meacutecanisme de la reacuteputation justifie la preacutesence de chaque outil qui a la vocation drsquoaccroicirctre la confiance des stakeholders vers lrsquoorganisation Neacuteanmoins aucun des outils nrsquoest suffisant agrave lui seul eacutetant conccedilu comme une partie drsquoun systegraveme doteacute drsquoune logique interne Le modegravele de responsabiliteacute sociale drsquoentreprise deacutecrit dans les lignes directrices Q-RES a eacuteteacute deacuteveloppeacute degraves ses origines en tenant compte de deux caracteacuteristiques fondamentales ecirctre observable et veacuterifiable de lrsquoexteacuterieur Pour opeacuterer dans cette logique on a estimeacute opportun de se reacutefeacuterer aux plus reacutecentes normes sur les systegravemes de gestion (ISO 9000 eacutedition 2000)rdquo (Dalle Linee Guida Q-RES alla norma certificabile per la responsabilitagrave etico-sociale drsquoimpresa) La norme SA8000 suit les mecircmes logiques et constitue un standard international reacutepandu et appliqueacute (voir la recherche citeacutee ldquoMapping instruments for CSRrdquo de la Commission Europeacuteenne) quel sens et quelle utiliteacute peut preacutesenter pour les entreprises confronteacutees agrave des partenaires clients investisseurs agrave niveau planeacutetaire la proposition drsquoun outil ldquoitalienrdquo puisque lrsquoespace europeacuteen mecircme est deacutesormais trop limiteacute On peut deacutevelopper un pareil raisonnement pour les outils italiens du Bilan Social

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La recherche europeacuteenne cite uniquement les standards de compte-rendu GRI et AA1000 les deux eacutetant similaires entre eux comme outils globaux Comme Valeria Fazio a bien souligneacute le systegraveme GBS outil le plus reacutepandu en Italie est eacutegalement tregraves semblable du moins dans son organisation geacuteneacuterale STRUCTURE ET CONTENU DU BILAN SOCIAL GBS 21 IDENTITE DE LrsquoORGANISATION

bull 211 Ameacutenagement de lrsquoinstitution bull 212 Valeurs bull 213 Mission bull 214 Strateacutegies bull 215 Politiques

22 PRODUCTION ET REPARTITION DE LA VALEUR AJOUTEE bull 221 Balancement avec la comptabiliteacute geacuteneacuterale drsquoexercice bull 222 Le tableau de deacutetermination de la Valeur Ajouteacutee bull 223 Le tableau de reacutepartition de la VA parmi les stakeholders

23 RAPPORT SOCIAL bull Sections fondamentales bull 231 Contenus du rapport (objectives etc) bull 232 Identiteacute des parties inteacuteresseacutees - stakeholders bull 233 Politiques vers les stakeholders bull Sections inteacutegratives bull 234 Opinions des stakeholders bull 235 Benchmarks et informations bull 236 Ameacutelioration du budget social (projet)

Est-il donc utile de deacutevelopper un autre systegraveme agrave niveau local Ne serait-il pas mieux de trouver un accord sur des applications raisonneacutees des outils internationaux agrave lrsquoentreprise ou au secteur speacutecifique Confrontons les preacutemisses au systegraveme italien du GBS avec celles du GRI ldquoLa collectiviteacute exprime de plus en plus intenseacutement des besoins et des attentes qui influencent la croissance de lrsquoentreprise le concept de deacuteveloppement et de durabiliteacute Le consensus et la leacutegitimation sociale permettent par ailleurs agrave lrsquoentreprise drsquoaugmenter ses profits et drsquoecirctre favoriseacutee dans la compeacutetition pour les marcheacutes La conscience grandissante du rocircle des entreprises dans le secteur social vient accroicirctre lrsquointeacuterecirct pour la theacuteorie et la pratique de la communication sociale Quelques deacutecennies auparavant on consideacuterait suffisant de communiquer exclusivement les donneacutees relatives au cours eacuteconomique et financier de la geacutestionrdquo (Bilan Social du GBS) ldquoLa GRI (Global Reporting Initiative) reconnaicirct que le deacuteveloppement du cadre de reacutefeacuterence global pour le reporting est un projet de longue haleine Par exemple le reporting financier a vu le jour il y a plus drsquoun demi siegravecle et pourtant il est encore en eacutevolution Les lignes directrices de 2002 reflegravetent le point de vue du Conseil de Direction du GRI sur le reportiong agrave un moment donneacute ce qui repreacutesente un choix dans un eacuteventail drsquoalternatives possiblesrdquo (GRI - Lignes Directrices sur le Reporting de Durabiliteacute 2002) Le rapport de

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lrsquoEconomist Intelligence Unit 2005 sur la RSE souligne lrsquoimportante diffusion et les nombreuses adheacutesions au systegraveme GRI4 Srsquoil est vrai que ldquotoute socieacuteteacute reconnaicirct des valeurs et des finaliteacutes diffeacuterentes qursquoon ne peut pas reconduire agrave un systegraveme uniquerdquo (Max Weber) la RSE tout comme lrsquoeacutethique doit tenir compte des speacutecificiteacutes du lieu et du moment historique ougrave elle est appliqueacutee 5 La reacuteflexion doit par conseacutequent se porter sur lrsquoopportuniteacute drsquoutiliser des langages et des outils communs pour confronter des reacutealiteacutees lointaines mais soudainement rapprocheacutees par lrsquoeacutevolution de plus en plus rapide des marcheacutes le choix drsquooutils non standardiseacutes entraicircnerait lrsquoobligation de modifier ou de re-calibrer les outils avec une perte de temps et de compeacutetitiviteacute irreacuteparable Le super-manager Carlos Ghosn redresseur de Nissan et agrave partir de Mai 2005 responsable de Renault et Nissan a eacutecrit agrave ses employeacutes ldquoNotre eacutepoque a un label qui srsquoimpose aux entreprises et aux nations le deacutepassement des frontiegraveres Lrsquoentreprise doit opeacuterer agrave eacutechelle planeacutetaire - srsquoappuyant sur des collaborateur issus de multiples cultures - et profite de la disparition de ses propres barriegraveres Creacuteatrice de valeur ouverte agrave la diversiteacute culturelle et transversale dans son organisation telle est ma vision de lrsquoentreprise performante du 21egraveme siegraveclerdquo Quant agrave la position de ceux qui considegraverent speacutecifique de la RSE seulement ldquoce qui deacutepasse les obligations preacutevues par les loisrdquo (reacuteglementation eacutetatique contraignante opposeacutee agrave engagement volontaire) il suffit drsquoobserver que - vu la complexiteacute et lrsquoapplication dans tout secteur des normes (nationales et internationales) - une telle distinction apparaicirct surtout en Europe inutile et limitative Les consideacuterations contenues dans le rapport de la World Bank de 2002 apparaissent bien approprieacutees les lsquobest practicesrsquo peuvent dans plusieures situations se transformer en normes leacutegales et la RSE peut de toute maniegravere ecirctre utile agrave une plus efficace observation des normes existantes6 Ce qui dans la RSE peut vraiment aller au delagrave des lois est alors un systegraveme volontaire de management de la conformiteacute (tant aux lois qursquoaux best practices qursquoaux exigences des parties prenantes) Aux moyens de communication des et pour les stakeholders au controcircle des fournisseurs etc correspond le troisiegraveme ndash et plus haut ndash des trois degreacutes de la responsabiliteacute morale

bull 1 le respect des droits bull 2 la sensibiliteacute agrave la speacutecificiteacute des individus titulaires des droits bull 3 la prise en charge avec empathie des besoins et des droits des parties prenantes

4 ldquoMore than 10000 individuals and 3000 listed companies have helped to develop the standards of the Global Reporting Initiative (GRI) an organisation based in Amsterdam trying to create a single global measure for CR performance Among its corporate clients implementing GRI standards are Bayer Canon Deutsche Bank General Motors Heineken and Shellrdquo 5 ldquohellipdonner une reacuteponse aux deacutefis du monde actuel tout en respectant lrsquoidentiteacute et les traditions des socieacuteteacutes milleacutenairesrdquo ndash L Planas Ambassadeur drsquoEspagne au Maroc 6 ldquohellip considering only those initiatives that provide incentives for business to go ldquobeyond compliancerdquo would fail to take account of the dynamic linkages between voluntary approaches and regulation and the potential for voluntary initiatives of various kinds to crystallize over time into mandatory minimum standards Neither doeshellipthe rigid ldquovoluntary versus regulatoryrdquo make sense in the context of developing countryrdquo

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4 Une proposition de scheacutema de certification inteacutegreacute le BEST4 Lrsquointernationalisation et la rapide eacutevolution des marcheacutes lrsquoaffirmation grandissante de la mondialisation et la concurrence des pays agrave bas niveau de salaires poussent un nombre de plus en plus important drsquoorganisations de pays deacuteveloppeacutes agrave rechercher des outils nouveaux pour affronter la confrontation internationale drsquoune faccedilon compeacutetitive Les derniegraveres eacutevolutions des marcheacutes tendent agrave seacutelectionner et exclure les entreprises qui opegraverent aux marges des regravegles et des principes universalement reconnus comme basiques dans la culture juridique et sociale La demande du marcheacute porte agrave reconsideacuterer les caracteacuteristiques intrinsegraveques des produits au-delagrave du concept de la qualiteacute immeacutediatement perceptible On precircte une plus grande attention agrave lrsquoengagement de lrsquoentreprise agrave opeacuterer selon les principes de la responsabiliteacute sociale Par conseacutequent lrsquointeacuterecirct est porteacute sur les eacuteleacutements qualitatifs relieacutes aux modaliteacutes de production aux garanties de seacutecuriteacute agrave la provenance du bien ou des services agrave lrsquoimage de lrsquoentreprise et agrave sa capaciteacute de produire deacuteveloppement eacuteconomique durable agrave la sauvegarde de la santeacute et de la seacutecuriteacute des travailleurs De nos jours la compeacutetitiviteacute - vue comme la capaciteacute de produire du profit dans lrsquoimmeacutediat mais aussi dans le moyen et long terme - implique une approche orienteacutee vers une philosophie de preacutevention ainsi que vers des capaciteacutes de controcircle et gestion de multiples variables tregraves fortement relieacutees entre elles Pour rendre creacutedible et reconnaissable lrsquoengagement des organisations agrave ameacuteliorer ce genre de prestations la socieacuteteacute RINA du groupe ldquoRegistro Italiano Navalerdquo a eacutelaboreacute le scheacutema de certification BEST4 (acronyme de Business Excellence Sustainable Task) Il srsquoagit drsquoun systegraveme inteacutegreacute de gestion qui reacuteunit dans un unique processus de certification les quatre standards ISO 90012000 (qualiteacute) ISO 140012004 et EMAS (environnement) OHSAS 180011999 (seacutecuriteacute) et SA80002001 (eacutethique) On peut pourtant le consideacuterer un veacuteritable scheacutema pour la gestion des variables essentielles pour la compeacutetitiviteacute sur les marcheacutes (fig3) Les tendences des marcheacutes ont progressivement porteacute agrave lrsquoeacutelaboration de standards volontaires mais auditables qui visent agrave la gestion correcte des variables mentionneacutees selon des modegraveles internationaux et garantissent les eacutechanges eacuteconomiques entre les entreprises de secteurs et pays diffeacuterents La proceacutedure de certification preacutevue pour obtenir le BEST4 est baseacutee sur une veacuterification inteacutegreacutee effectueacutee par un unique groupe drsquoeacutevaluation Il veacuterifie la correcte application des normes ISO 9001 ISO 14001 OHSAS 18001 et SA 8000 et reacutedige ensuite un unique rapport drsquoaudit vis agrave vis drsquoun systegraveme de gestion inteacutegreacute Une telle approche permet agrave lrsquoentreprise de concentrer toute lrsquoactiviteacute de deveacuteloppement du systegraveme et drsquoaudit en une seule fois au lieu de la reacutepeacuteter pour chaque norme Elle permet eacutegalement de mieux planifier les activiteacutes drsquoameacutelioration drsquoentraicircnement et de communication et de reacuteduire ce qui nrsquoest pas neacutegligeable les coucircts de consultation et de certification gracircce agrave une gestion plus efficace des temps drsquoeacutetude formalisation et audit Une vision drsquoentreprise qui considegravere fondamentales les probleacutematiques relatives agrave la qualiteacute (ISO 9001) agrave lrsquoenvironnement (ISO14001) agrave la santeacuteseacutecuriteacute (OHSAS 18001) et agrave la responsabiliteacute sociale agrave lrsquoeacutegard des travailleurs (SA8000) aboutit agrave lrsquoexigence de reacutealiser un systegraveme de gestion inteacutegreacute pour geacuterer au mieux ces variables Des nombreuses organisations reacutealisent deacutejagrave des Systegravemes de Gestion qui integravegrent deux scheacutemas de certification Par exemple la mise en place de Systegravemes de Gestion Inteacutegreacutes Qualiteacute-Environnement de plus en plus reacutepandue ne comporte aucun problegraveme particulier On trouve de mecircme des exemples drsquointeacutegration de trois Systegravemes de Gestion On nrsquoavait jamais essayeacute de reacuteunir quatre scheacutemas

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Fig 3 Inteacutegration des Systegravemes de Gestion des certifications

Clientes Fournisseurs Sous-traitants ISO 9001

Travailleurs Fournisseurs Sous-traitants SA 8000

Scheacutema inteacutegreacute de gestion de la RSE - Parties prenantes

Communauteacute Environnement ISO 14001

Travailleurs Sous-traitants OHSAS 18001

Les analyses effectueacutees montrent que les quatre scheacutemas de certifications mentionneacutes concernant les Systegravemes de Gestion des Organisations ne contiennent aucun eacutelement ou principe en opposition Mieux encore ils preacutesentent plusieurs caracteacuteristiques communes comme par exemple la structure de base du Systegraveme de Gestion la recherche de lrsquoameacutelioration continue par lrsquoutilisation du modegravele cyclique PDCA (Plan Do Check Act) et la proceacutedure de reacuteexamen moyen irremplaccedilable de collecte drsquoinformations La norme ISO 9001 analyse speacutecifiquement la compatibiliteacute du Systegraveme de Gestion Qualiteacute avec drsquoautres systegravemes de gestion soit comme extension du Systegraveme de Gestion de la Qualiteacute vers drsquoautres systegravemes soit agrave lrsquoinverse drsquoautres systegravemes vers celui de la Qualiteacute Un tel principe geacuteneacuteral sur la compatibiliteacute entre systegravemes de gestion et Systegraveme de Gestion de la Qualiteacute eacutenonceacute dans la norme ISO 9001 est valable eacutegalement dans les rapport reacuteciproques entre les autres normes analyseacutees Notamment la norme ISO 9001 ldquoa eacuteteacute aligneacutee sur la norme ISO 140011996 pour accroicirctre la compatibiliteacute entre les deux normes au beacuteneacutefice des utilisateursrdquo Le standard OHSAS 180011999 preacutesente une structure tregraves similaire agrave celle de la norme ISO 140011996 en ce qui concerne la succession des paragraphes On en deacuteduit lrsquointention de lrsquoorganisme anglais concepteur de simplifier la compreacutehension et lrsquoapplication de la norme par une compatibiliteacute accrue avec la norme environnementale En ce qui concerne la norme SA8000 on repegravere de nombreux eacuteleacutements communs avec les normes ISO La structure de base de toutes les normes est la mecircme Toutes deacuteveloppent leur sujet speacutecifique mais les aspects gestionnels correspondants se reacutefegraverent toujours au modegravele cyclique (PDCA) dans le souci drsquoameacuteliorer continuellement les prestations et lrsquoefficaciteacute des organisations

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Les diffeacuterences qursquoon a pu remarquer ne sont certainement pas un indice de logiques inconciliables Les normes apparaissent similaires agrave certains eacutegards et compleacutementaires par drsquoautres Des consideacuterations preacuteceacutedentes on deacuteduit la possibiliteacute reacuteelle de reacutealiser un Systegraveme de Gestion Inteacutegreacute des quatre standards caracteacuteriseacute par une documentation unitaire et par un seul processus drsquoaudit De plus gracircce agrave un certain niveau de compleacutementariteacute on peut reacuteunir les normes dans un seul scheacutema de reacutefeacuterence qui integravegre les aspects de qualiteacute environnement santeacuteseacutecuriteacute et responsabiliteacute sociale La reacutealisation drsquoun Systegraveme de Gestion Inteacutegreacute peut devenir extrecircmement simplifieacutee par rapport agrave celle des Systegravemes consideacutereacutes un par un Lrsquoorganisation peut arriver agrave assembler des proceacutedures produire une documentation plus leacutegegravere et deacuteceler drsquoeacuteventuelles synergies entre les theacutematiques et les proceacutedeacutes Des audits inteacutegreacutes donneront lieu agrave des eacuteconomies financiegraveres et agrave une reacuteduction non neacutegligeable des temps de reacutealisation et drsquoeacutevaluation Par exemple les correacutelations entre ldquoMesurages analyses et ameacuteliorationsrdquosont preacutesenteacutees dans le tableau suivant ISO 9001 ISO 14001 OHSAS

18001 SA8000 ELEacuteMENTS CONCcedilERNANTS

81 451 451 - Meacutethodologies de veacuterification 821 - - (913) Monitorage satisfaction des clients 822 454 454 92 Veacuterification de conformiteacute du Syst

Gestion 823 451 451 95d

912 - 913

Monitorage des activiteacutes et des reacutesultats

824 - - - Monitorageeacutevaluation des produits 83 ndash 852

(447) - 452

(447) - 452 910 - 911

Non conformiteacutes ndash Mesures rectificatives

853 - - 911 Mesures correctives 84 (451) (451) (914) Analyse des donneacutes 851 (434) (434) 92 Ameacutelioration continue

La theacutematique centrale pour tout Systegraveme de Gestion est preacutesente dans les quatre normes mais seules les normes ISO 9001 ISO 14001 et le standard OHSAS 18001 se rapportent avec preacutecision agrave des proceacutedeacutes et meacutethodologies de veacuterification preacuteeacutetablies Lrsquoorganisation inteacutegreacutee de lrsquoaudit donne lieu ainsi agrave un croisement synergique en faveur de la quatriegraveme norme En lrsquoabsence de probleacutematiques speacutecifiques qui excluent le deacuteveloppement drsquoun Systegraveme inteacutegreacute dans un organisation la certification effectueacutee par un Organisme tiers ne preacutesente aucun problegraveme Au contraire elle beacuteneacuteficie des avantages de lrsquointeacutegration mecircme si elle demande de toute eacutevidence une attention particuliegravere agrave la composition du team des auditeurs et au planning des audits

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5 Un exemple reacuteel le scheacutema BEST4 de laquo Costa Crociere SpA raquo Afin de certifier le Systegraveme de Gestion Inteacutegreacutee (SGI) Qualiteacute Environnement Seacutecuriteacute et Responsabiliteacute Sociale lrsquoOrganisme de certification RINA SpA a eacutelaboreacute le scheacutema BEST4 (Business Excellence Sustainable Task) Le BEST4 reacuteunit dans un seul processus de certification un SGI deacuteveloppeacute par lrsquoorganisation qui se rapporte aux standards ISO 9001 ISO 14001 SA8000 et au standard technique OHSAS 18001 Les premiers exemples de certification selon un tel scheacutema ont eacuteteacute proposeacutes par les organisations Costa Crociere SpA (Italie) et Air Sahara (Inde) La socieacuteteacute de navigation italienne a eacuteteacute notamment la premiegravere agrave niveau planeacutetaire agrave obtenir par le RINA - pour la Direction Geacuteneacuterale les Agences preacutesentes sur le territoire national et les navires de proprieacuteteacute - une telle reconnaissance dans le but ldquoProjet et reacutealisation de vacances en croisiegravere - Gestion des navires de proprieacuteteacuterdquo

Fig 4 Logo de certification BEST4

Lrsquoaudit de Costa Crociere a eacuteteacute planifieacute pour consideacuterer en une seule fois les facteurs communs aux quatre normes relatives aux Systegravemes de Gestion (SdG) dans ce but le Groupe de Veacuterification Inspective (GVI) a analyseacute les correacutelations entre les processus drsquoentreprise de Costa Crociere et les normes de reacutefeacuterence Le premier examen inteacutegreacute des documents date de mars 2004 la visite preacuteliminaire a eacuteteacute effectueacutee dans le but drsquoexaminer la correspondance entre les documents envoyeacutes par lrsquoOrganisation et la reacutealiteacute du travail dans les sites auditeacutes (la Direction un entrepocirct deux navires en navigation) Pendant lrsquoaudit tout comme preacuteceacutedemment on a eacutevalueacute un site par typologie drsquoactiviteacute en y ajoutant le Contact Center et deux Agences Dans les deux cas mentionneacutes le GVI a reacutedigeacute pour chaque scheacutema de certification un rapport distinct drsquoaudit puisque lrsquoanalyse des rapports drsquoaudit est effectueacutee par des diffeacuterents Comiteacutes Techniques de Certification et leurs deacutecisions sont ratifieacutees trimestriellement par le Comiteacute de Certification de RINA La visite de certification a eacuteteacute notamment effectueacutee par un team composeacute de six auditeurs caracteacuteriseacutes par des compeacutetences et responsabiliteacutes speacutecifiques (par ex expert naval expert en Droit du travail) ainsi que par une interdisciplinariteacute de haut niveau Tableau des Compeacutetences individuelles des auditeurs RINA

ISO 9001 ISO 14001 OHSAS 18001 SA8000

Auditeur A X X Auditeur B X X X X Auditeur C (expert naval) X X X X Auditeur D X X Auditeur E (expert en Droit) X Auditeur F X X X X

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Pour chaque scheacutema de certification on a obtenu le nombre de jours par homme neacutecessaires aux veacuterifications sur la base du nombre des employeacutes de lrsquoorganisation Mecircme srsquoil srsquoagissait drsquoune veacuterification inteacutegreacutee effectueacutee par des auditeurs qualifieacutes pour plusieurs scheacutemas on nrsquoa pas consideacutereacute opportun de reacuteduire les temps drsquoaudit vu le manque drsquoexpeacuterience dans le secteur et la situation de cas pilote Au cours de lrsquoaudit on a analyseacute la structure lrsquoarticulation les connaissances du personnel et le niveau de deacuteveloppement du SGI Le GVI a veacuterifieacute que la mise en train et la reacutealisation du SGI eacutetaient en mesure de garantir tant le respect des obligations de lois que lrsquoameacutelioration continue des prestations En particulier on a veacuterifieacute le rocircle du repreacutesentant du personnel et son niveau de notorieacuteteacute aupregraves des travailleurs ainsi que lrsquoactiviteacute de formation agrave lrsquointeacuterieur de lrsquoorganisation On a veacuterifieacute avec une particuliegravere attention que

- une formation adeacutequate eacutetait proposeacutee agrave tous les niveaux de lrsquoorganisation - la disponibiliteacute de ressources humaines eacutetait suffisante et que le personnel eacutetait

qualifieacute par rapport aux tacircches relieacutees agrave la gestion de lrsquoenvironnement - toute la structure de lrsquoentreprise selon les diffeacuterentes responsabiliteacutes et

compeacutetences eacutetait impliqueacutee dans la reacutealisation des buts de seacutecuriteacute

Sujet drsquoaudit a eacuteteacute eacutegalement la correcte application de la proceacutedure qui concerne les activiteacutes de controcircle des documents (eacutemission veacuterification acceptation distribution archivage et reacutevision de la proceacutedure par lrsquoexamen de la documentation distribueacutee dans les divers secteurs de lrsquoentreprise) A cet eacutegard le Manuel inteacutegreacute a eacuteteacute structureacute en 11 paragraphes les 8 premiers suivent le scheacutema de la norme ISO 9001 et contiennent la description deacutetailleacutee des proceacutedures deacuteveloppeacutees au sujet du respect des exigences de la norme ISO 9001 et de celles communes aux autres normes le paragraphe 9 considegravere les caracteacuteristiques speacutecifiques du SdG Environnemental le paragraphe 10 celles du SdG de la Santeacute et Seacutecuriteacute au travail et le paragraphe 11 celles de la Responsabiliteacute Sociale Les exigences relatives aux documents ISO 14001 et OHSAS 18001 (qui ont la mecircme structure et succession des paragraphes) traiteacutees dans les paragraphes 9 et 10 du manuel concernent lrsquoidentification des aspects environnementauxde seacutecuriteacute les prescriptions leacutegales le controcircle opeacuterationnel la preacuteparation et la reacuteponse aux urgences lrsquoeacutevaluation des prestations Les exigences particuliegraveres de Responsabiliteacute Sociale au paragraphe 11 concernent les points de la norme SA 8000 1 (travail des enfants) 2 (travail forceacute) 4 (liberteacute drsquoassociation) 5 (discrimination) 6 (pratiques disciplinaires) 7 (temps de travai) 8 (reacutemuneacuteration) Le point 3 (hygiegravene et seacutecuriteacute) selon la logique qui a inspireacute le Manuel a eacuteteacute inteacutegreacute dans le paragraphe 10 et le point 9 (systegraveme de management) est contenu dans les paragraphes 1-8 La Politique de Costa Crociere a eacuteteacute deacutecrite en deacutetail dans deux documents speacutecifiques reacutedigeacutes par lrsquo organisation ldquoPolitique inteacutegreacutee Qualiteacute Environnement et Seacutecuriteacute de Costa Crociere SpArdquo et ldquoPolitique de Responsabiliteacute Sociale de Costa Crociere SpArdquo La certification drsquoun Systegraveme de Gestion Inteacutegreacute par un organisme tiers selon le scheacutema BEST4 a concregravetement mis en eacutevidence les avantages drsquoun audit inteacutegreacute en termes drsquooptimisation des ressources et de maximalisation de lrsquoefficaciteacute opeacuterationnelle Lrsquoexpeacuterience acquise par les techniciens RINA en conduisant les audits ldquopiloterdquo a confirmeacute drsquoun point de vue theacuteorique la possibiliteacute - voire la convenance - drsquoeffectuer des audits inteacutegreacutes

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Le maintien de lrsquoexcellence gestionnelle garanti par le processus continu drsquoeacutevaluation inteacutegreacutee et la capaciteacute accrue de lrsquoorganisme certifieacute de se rapporter au contexte socio-environnemental assurent une plus grande transparence vers les parties prenantes inteacuterieures et exteacuterieures

Fig 5 laquo Together for excellence raquo

On pourrait souligner pour finir que Costa Crociere SpA (Groupe Carnival) a clocirctureacute son Bilan 2004 par un chiffre drsquoaffaires en croissance de 35 et un beacuteneacutefice brut accru de 90 laquo Srsquoil est vrai que la mission principale drsquoune entreprise reste la creacuteation de richesse alors ce but doit ecirctre atteint en consideacuterant les nouvelles sensibiliteacutes de notre socieacuteteacutehellip Chez nous la certification est une responsabiliteacute et un engagement agrave faire de mieux en mieux raquo (PL Foschi AD COSTA CROCIERE) Conclusion Rares sont en Italie les managers qui ne participent pas au grand inteacuterecirct susciteacute par la RSE en geacuteneacuteral il srsquoagit de gens qui la confondent avec - ou la limitent agrave - lrsquoideacutee de bienfaisance drsquoinitiatives culturelles ou humanitaires Des nos jours en revanche personne ne se rappelle agrave propos de la RSE des entreprises agrave participation drsquoEtat et du concept drsquoassistance qui pouvait autrefois caracteacuteriser certains aspects de leur gestion Par contre dans drsquoautres pays comme par exemple la Chine les experts sont soucieux que la diffusion de la RSE sur leur marcheacute ne puisse reproduire le manque drsquoefficaciteacute typique des entreprises agrave gestion eacutetatique La Responsabiliteacute sociale est de toute faccedilon perccedilue en Italie comme une force positive pour lrsquoefficaciteacute des organisations Il apparaicirct deacutesormais clair qursquoen Occident dans le monde anglo-saxon en particulier les ideacutees de la RSE ont modifieacute le concept mecircme de gestion drsquoentreprise Le deacutebat acharneacute sur les conseacutequences drsquoun tel pheacutenomegravene suite agrave lrsquoarticle lsquoThe good companyrsquo paru en janvier 2005 dans lrsquohebdomadaire lsquoThe Economistrsquo a mis en eacutevidence une reacutealiteacute incontestable la victoire totale de lrsquoideacuteologie de la RSE En conseacutequence de nos jours aucune entreprise ne peut se permettre de lrsquoignorer ou de ne pas mettre en place une quelconque initiative dans ce domaine Ceci est drsquoailleurs largement confirmeacute par le sondage deacutejagrave citeacute de lrsquoEconomist Intelligence Unit Il y a toujours un risque qursquoune adheacutesion formelle ou de commoditeacute aux concepts de la RSE puisse se reacuteduire uniquement agrave des deacuteclarations vides ou agrave des initiatives de promotion commerciale Il devient de ce fait neacutecessaire que les stakeholders - agrave tout niveau et dans le monde entier - puissent controcircler en utilisant des audits tierce partie et des certifications baseacutees sur les standards internationaux le contenu reacuteel des documents et des projets reacutealiseacutes par les entreprises selon le thegraveme de la RSE

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EVALUATION ET DEVELOPPEMENT DU CAPITAL HUMAIN UN ENJEU CLE POUR LrsquoAUDIT SOCIAL Alexandre GUILLARD Directeurs de Projets Direction de lOrganisation ndash CNP Assurances Josse ROUSSEL Maicirctre de Confeacuterences en Sciences de Gestion ndash Universiteacute de Paris 8

Reacutesumeacute Lrsquoaudit social en tant que champ de recherche et pratique professionnelle a tout inteacuterecirct agrave recourir agrave une analyse en terme de capital humain La premiegravere partie de cet article a pour objectif de mettre en eacutevidence dans quelle mesure la notion de capital humain est indispensable agrave lrsquoaudit social Une application au cas des eacutequipes de direction est mise en avant dans la seconde partie Abstract Social auditing both as a research topic and a business field has a vested interest to resort to a human capital based analysis The first part of this article sets the goal to demonstrate how the concept of human capital is of paramount importance for social auditing The case for human capital in top management teams is put forward in the second part Introduction Si lrsquoon entend lrsquoaudit comme un processus conduisant un expert auditeur interne ou externe agrave eacutemettre un diagnostic servant de base agrave lrsquoidentification de solutions drsquoameacutelioration ainsi qursquoau deacuteploiement de recommandations lrsquoaudit social a tout agrave gagner de la prise en compte du capital humain Certes cette notion dont la formulation peut ecirctre consideacutereacutee comme choquante est encore trop meacuteconnue et trop peu utiliseacutee dans les pratiques de lrsquoaudit social Pourtant les travaux portant sur le capital humain sont susceptibles drsquooffrir agrave lrsquoaudit social non seulement un grille de lecture pertinente mais eacutegalement des outils de diagnostic agrave mecircme de renouveler et drsquoenrichir la pratique de cette discipline En effet un audit du capital humain de la firme permet drsquoune part drsquoen faire une eacutevaluation et drsquoautre part drsquoidentifier les modaliteacutes permettant de deacutevelopper celui-ci A ce titre raisonner en terme de capital humain permet drsquoenvisager tant son deacuteveloppement que sa deacutepreacuteciation Cet article a pour objectif de montrer dans quelle mesure le capital humain se situe au cœur des probleacutematiques de lrsquoaudit social La valorisation du capital humain est deacuteveloppeacutee au sein de la premiegravere partie Nous insistons notamment sur les outils de mesure du capital humain ainsi que sur le pheacutenomegravene de sa deacutepreacuteciation La seconde partie porte sur lrsquoeacutevaluation du capital humain des eacutequipes de direction dans le cadre des due diligence meneacutees par les fonds drsquoinvestissement et les opeacuterations de fusion ndash acquisition Nous montrons ici que lrsquointeacuterecirct et les limites du concept pour ce cas drsquoapplication

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1 Le capital humain deacutefinition meacutethodes drsquoeacutevaluation et valorisation

11 Lrsquoaudit du capital humain

111 Le capital humain deacutefinitions et enjeux Le capital humain lrsquoapproche eacuteconomiste Le concept de capital humain a eacuteteacute faccedilonneacute par les travaux drsquoeacuteconomistes fondateurs agrave lrsquoinstar de Shultz (1961) et Becker (1975) Lrsquoideacutee seacuteminale de ses recherches consistait agrave srsquointerroger sur le rendement drsquoun investissement en eacuteducation pour un individu donneacute Afin drsquoeacutevaluer le retour sur investissement de lrsquoeacuteducation les eacuteconomistes ont tout drsquoabord tenteacute de cerner le coucirct affeacuterent agrave lrsquoinvestissement en formation Il correspond de maniegravere simplifieacutee agrave la somme des frais de scolariteacute ou de formation et du coucirct drsquoopportuniteacute lieacute agrave cette activiteacute (reacutemuneacuterations sur le marcheacute du travail auxquelles lrsquoapprenant renonce en srsquoengageant dans une formation) Le beacuteneacutefice attendu quant agrave lui se mesure par le surcroicirct de reacutemuneacuteration que lrsquoapprenant peut obtenir sur le marcheacute du travail tout au long de sa vie active Ainsi en investissant dans les eacutetudes et la formation les individus augmentent leur laquo capital humain raquo en lrsquooccurrence leurs aptitudes et connaissances ce qui leur permet drsquooccuper des emplois plus reacutemuneacuterateurs Le point de vue adopteacute est celui de lrsquoindividu et non de la firme Le capital humain lrsquoapproche gestionnaire Lrsquoapproche gestionnaire du capital humain srsquoinscrit dans le courant de recherche mettant lrsquoaccent sur les ressources et compeacutetences comme sources de compeacutetitiviteacute de la firme (Resource-based view of the firm) Cette approche considegravere qursquoune firme doteacutee de ressources de qualiteacute et rares est susceptible de beacuteneacuteficier drsquoun avantage concurrentiel sur ses rivales donnant lieu agrave des performances financiegraveres supeacuterieures (Barney 1991 Conner 1991 Peteraf 1993 Wernefelt 1984) De nombreux constats empiriques lui donnent de la creacutedibiliteacute puisqursquoils mettent en eacutevidence que les diffeacuterences de performance entre les firmes au sein drsquoune industrie sont plus significatives que les diffeacuterences entre les secteurs (Rumelt 1991) Ces eacutecarts de rentabiliteacute entre les entreprises drsquoun mecircme secteur srsquoexpliquent par des dotations diffeacuterentes en ressources et notamment en ressources immateacuterielles Celles-ci agrave lrsquoinstar du capital humain sont essentielles agrave lrsquoavantage concurrentiel (Bounfour 1998) et articuleacutees aux notions de compeacutetence et de performance organisationnelle Degraves lors les gestionnaires srsquoefforcent drsquoidentifier comment la firme peut construire et deacutevelopper des compeacutetences et des routines organisationnelles performantes Le capital humain joue un rocircle fondamental dans la mesure ougrave drsquoune part il correspond aux connaissances que les collaborateurs de lrsquoentreprise mettent agrave sa disposition et drsquoautre part il permet de deacutevelopper et drsquoameacuteliorer les compeacutetences et les proceacutedures notamment par innovation Les ressources humaines disposent drsquoun stock de connaissances qursquoelles peuvent augmenter (formation) et qursquoelles peuvent utiliser pour creacuteer de nouvelles connaissances (innovation) que celles-ci correspondent agrave des proceacutedures de gestion des brevets industriels ou des compeacutetences manageacuteriales Puisque le capital humain joue un rocircle majeur dans la construction de lrsquoavantage concurrentiel il convient non seulement de le geacuterer mais eacutegalement drsquoidentifier les facteurs qui ont un impact sur ce capital Lrsquoorganisation les choix strateacutegiques et le style de management ont un impact significatif sur le capital humain (Nekka 1999) Lrsquoapproche

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gestionnaire srsquointerroge degraves lors leacutegitimement sur le contexte organisationnel le plus favorable au deacuteveloppement du capital humain lrsquoinfluence des choix strateacutegiques sur ce dernier ou encore lrsquoimportance des styles de direction sur lrsquoaccumulation ou la deacutepreacuteciation de ce capital Capital humain et proprieacuteteacute Lrsquoun des enjeux les plus importants que soulegraveve le concept de capital humain est celui de son appropriation En effet contrairement aux ressources tangibles et agrave certaines ressources intangibles (marques brevets) le capital humain nrsquoest pas appropriable par la firme En effet seuls les individus sont proprieacutetaires de leur capital humain Le marcheacute du travail leur permet de louer ce capital humain aux entreprises moyennant le versement drsquoune reacutemuneacuteration Drsquoun point de vue gestionnaire il srsquoagira pour la firme de seacutecuriser autant que faire se peut lrsquoaccegraves et le controcircle du capital humain notamment lorsque celui-ci revecirct une valeur importante dans la mesure ougrave ce dernier est comme nous lrsquoavons montreacute source de profitabiliteacute En effet tout collaborateur drsquoune firme est susceptible drsquooffrir ses services agrave une autre socieacuteteacute pour lui faire beacuteneacuteficier de son capital humain Dans ce cas la premiegravere firme se fait laquo exproprier raquo du capital humain drsquoun de ses collaborateurs alors mecircme qursquoelle avait certainement investi en formation afin de preacuteciseacutement renforcer le capital humain de ce collaborateur Or le caractegravere plus ou moins appropriable du capital humain deacutepend de sa nature Crsquoest pourquoi il apparaicirct opportun agrave ce stade de lrsquoanalyse drsquoidentifier les deacutefinitions du capital humain et drsquoen dresser une typologie Typologie du capital humain Si le capital humain se deacutefinit au niveau drsquoune entreprise par les connaissances maicirctriseacutees par un individu force est de constater qursquoil recouvre des cateacutegories revecirctant des enjeux diffeacuterents pour les firmes en terme de controcircle Il est en effet possible de dresser une typologie du capital humain qui distingue les cateacutegories suivantes capital humain geacuteneacuteral capital humain speacutecifique agrave la firme capital humain speacutecifique agrave une tacircche (Gibbons et Waldman 2004 Hatch et Dyer 2004) Le capital humain geacuteneacuteral correspond agrave des connaissances qui ne sont ni speacutecifiques agrave une entreprise en particulier ni agrave une fonction ou une tacircche singuliegravere au sein drsquoune entreprise Il srsquoagit de connaissances et de compeacutetences geacuteneacuteriques (discernement capaciteacutes drsquoanalyse intelligence des situations) essentiellement accumuleacutees par les expeacuteriences professionnelles et lrsquoeacuteducation Le capital humain speacutecifique agrave la tacircche srsquoaccumule essentiellement par des formations professionnelles et au moyen de lrsquoexpeacuterience professionnelle Il correspond agrave des compeacutetences qui sont speacutecifiques agrave un poste de travail comme assistant de direction auditeur financier ougrave risk-manager Quant au capital humain speacutecifique agrave la firme il correspond agrave des compeacutetences et des connaissances maicirctriseacutees par un salarieacute sur la base drsquoun corpus de connaissances et de connaissances collectives (capital organisationnel) speacutecifique agrave une entreprise donneacutee Le capital humain speacutecifique agrave la firme octroie agrave un collaborateur des capaciteacutes directement lieacutees aux besoins speacutecifiques drsquoune entreprise particuliegravere Ainsi si un individu doteacute drsquoun capital humain speacutecifique agrave la firme quitte lrsquoentreprise au sein de laquelle il a deacuteveloppeacute lrsquoessentiel de son capital humain pour une autre socieacuteteacute une grande partie de ce dernier ne sera pas utiliseacute

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(les attentes et les besoins de la nouvelle entreprise sont diffeacuterents de la preacuteceacutedente) (Gibbons et Waldman 2004) En conseacutequence ce type de capital humain puisqursquoil se deacutepreacutecie en laquo sortant raquo de la firme ayant rendu possible sa creacuteation est moins inteacuteressant pour drsquoautres entreprises Crsquoest la raison pour laquelle il est plus aiseacute agrave controcircler pour lrsquoentreprise au sein de laquelle il srsquoest deacuteveloppeacute En revanche le capital humain geacuteneacuteral et le capital humain speacutecifique agrave la tacircche sont facilement laquo expropriables raquo dans la mesure ougrave ils ont presque autant de valeur pour la firme au sein de laquelle les collaborateurs louent ce type de capital que pour drsquoautres entreprises Quoi qursquoil en soit quel que soit le type de capital humain envisageacute lrsquoeacutevaluation de ce dernier demeure un problegraveme eacutepineux Degraves lors il srsquoagit drsquoidentifier les diffeacuterentes meacutethodologies drsquoeacutevaluation du capital humain

112 La mesure et la valorisation du capital humain dans une perspective gestionnaire

Le capital humain comme nous lrsquoavons montreacute est un des deacuteterminants de la performance de lrsquoentreprise Degraves lors au delagrave de sa gestion se pose la question de la valorisation du capital humain En effet comme tout capital le capital humain neacutecessite drsquoecirctre eacutevalueacute et ce pour deux raisons En premier lieu il srsquoagit de mesurer la valeur de ce capital au cours du temps et drsquoen deacuteduire srsquoil srsquoest bonifieacute ou au contraire deacutepreacutecieacute En second lieu puisque le capital humain est lrsquoun des actifs essentiels de nombre drsquoentreprises des services son eacutevaluation est rendue indispensable dans le cadre notamment drsquoopeacuterations de fusion acquisition Ainsi trois meacutethodes drsquoeacutevaluation peuvent ecirctre utiliseacutees pour valoriser le capital humain (Samier 1999) mesurer le niveau de savoir acquis utiliseacute ou deacutepreacutecieacute eacutevaluer le montant de lrsquoinvestissement complet dans cette ressource immateacuterielle et eacutevaluer la rentabiliteacute de cet investissement La premiegravere meacutethode a pour objectif drsquoeacutevaluer le stock de capital humain agrave partir des connaissances En regard il est tenu compte du niveau de formation des collaborateurs de la mesure des qualifications des collaborateurs par des tests et des entretiens et lrsquoappreacuteciation de la valeur du capital humain sur le marcheacute du travail (niveau de reacutemuneacuteration) Sur ce dernier point il convient de noter que les reacutemuneacuterations perccedilues sur le marcheacute du travail ne reflegravetent qursquoimparfaitement la valeur du capital humain En effet le marcheacute du travail est reacuteglementeacute (conventions collectives salaire minimum) de sorte que le salaire ne reflegravete qursquoimparfaitement la productiviteacute du travail Par ailleurs en reprenant la typologie du capital humain preacutesenteacutee si lorsque le capital humain est speacutecifique agrave la tacircche il est leacutegitime de consideacuterer que sa valeur est correctement refleacuteteacutee dans les niveaux de salaire il en va tout autrement lorsque le capital est speacutecifique agrave la firme1 La seconde meacutethode srsquoeacutevertue agrave eacutevaluer lrsquoinvestissement complet en capital humain en distinguant notamment les coucircts de remplacement des ressources humaines (Pyle 1970 Flamholtz 1972 1985) les coucircts drsquoutilisation des ressources humaines (Spencer 1986) et les coucircts sociaux globaux associeacutes aux ressources humaines (Martory 1980 1982 Savall et Zardet 1989) 1 Lorsque le capital est speacutecifique agrave la firme ce dernier nrsquoest pas valoriseacute par un grand nombre de firmes (une seule srsquoil est totalement speacutecifique) sur le marcheacute du travail agrave la diffeacuterence du capital humain speacutecifique agrave la tacircche

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Enfin lrsquoeacutevaluation de la rentabiliteacute de lrsquoinvestissement en capital humain srsquoappuie sur la valeur des services rendus par le capital humain drsquoun individu crsquoest-agrave-dire par le prix que diffeacuterents services de la firme sont precircts agrave payer pour beacuteneacuteficier de ce service (Samier 1999)

113 La deacutepreacuteciation du capital humain Si les outils de mesure et drsquoeacutevaluation du capital humain ne sont pas homogegravenes il nrsquoen demeure pas moins qursquoils sont unanimes pour nous faire prendre conscience des risques de deacutepreacuteciation de ce capital drsquoun genre particulier Lrsquoun des inteacuterecircts de lrsquoutilisation du terme de laquo capital raquo est preacuteciseacutement de faire porter notre attention sur la variabiliteacute de sa valeur au cours du temps En investissant dans la formation il est possible drsquoaugmenter le capital humain des collaborateurs Dans ce cas il y a une hausse de la valeur de ce capital Cependant le capital humain des collaborateurs de la firme peut eacutegalement se deacutepreacutecier au cours du temps Quels sont donc les facteurs de la deacutepreacuteciation du capital humain Pour reacutepondre agrave cette question nous pouvons nous appuyer sur les travaux de certains eacuteconomistes qui ont exploreacute cette theacutematique (Hollenbeck 1990 Nauze-Fichet et Tomanisini 2002 Chassard et Passet 2005) La perte drsquoemploi lorsqursquoelle se traduit par une peacuteriode drsquoinactiviteacute importante est un des facteurs cleacute de la deacutepreacuteciation du capital humain Ainsi Hollenbeck (1990) met en eacutevidence que les salarieacutes qui retrouvent un emploi apregraves une peacuteriode de chocircmage perccediloivent une reacutemuneacuteration infeacuterieure agrave celle obtenue avant la perte drsquoemploi La deacutecote est drsquoautant plus importante que la peacuteriode drsquoinactiviteacute est longue et le niveau de formation faible Ce chercheur mesure la deacutepreacuteciation du capital humain par la baisse du salaire perccedilu par le salarieacute Cette hypothegravese fondamentale est sujette agrave caution dans la mesure ougrave le marcheacute du travail ne reflegravete qursquoimparfaitement la valeur du capital humain drsquoune part parce qursquoil est reacuteglementeacute (salaire minimum conventions collectives etc) et drsquoautre part parce que le capital humain speacutecifique agrave la firme agrave la diffeacuterence du capital humain geacuteneacuterique ou speacutecifique agrave la tacircche est tregraves difficile agrave eacutevaluer par le biais du marcheacute du travail Ce dernier est beaucoup plus adapteacute pour eacutevaluer un capital humain qui se rapproche en quelque sorte drsquoun bien de type laquo commodity raquo Lrsquoinsuffisance drsquoinvestissement en formation est un autre facteur de la deacutepreacuteciation du capital humain A ce titre lrsquoeacutevolution du comportement des entreprises notamment des plus grandes drsquoentre elles est assez inquieacutetante En effet la deacutepense de formation continue des entreprises de plus de 2000 salarieacutes a diminueacute drsquoun point de 1994 agrave 2002 passant de 5 de la masse salariale agrave 4 (Chassard et Passet 2005) Les grandes firmes sont davantage preacuteoccupeacutees par la chasse et la fideacutelisation des compeacutetences rares ndash capital humain de haut niveau ndash que par la formation drsquoune main-drsquoœuvre faiblement qualifieacutee Ainsi les grandes entreprises estiment que lrsquoargent qui pourrait ecirctre investi dans la formation des moins qualifieacutes est mieux utiliseacute sous la forme de reacutemuneacuterations plus eacuteleveacutees pour les salarieacutes doteacutes drsquoun capital humain de haut niveau Ce faisant les plus grandes firmes contribuent de maniegravere progressive agrave deacutepreacutecier le stock de capital humain des collaborateurs les moins bien formeacutes Enfin lrsquoinadeacutequation entre les qualifications (diplocircme expeacuterience etc) et lrsquoemploi occupeacute que lrsquoon peut qualifier de surqualification est une source importante de deacutepreacuteciation des compeacutetences et du capital humain (Chassard et Passet 2005 Nauze-Fichet et Tomasini 2002) Ce pheacutenomegravene de surqualification est estimeacute repreacutesenter entre 10 et 30 des emplois

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(Nauze-Fichet et Tomasini 2002) La deacutepreacuteciation du capital humain reacutesultant de ce pheacutenomegravene de surqualification est peu analyseacutee notamment dans le monde de lrsquoentreprise Lrsquoun des objectifs de lrsquoaudit social pourrait ecirctre de proceacuteder agrave une analyse aussi fine que possible au niveau de lrsquoentreprise de ce type de deacutepreacuteciation du capital humain et drsquoidentifier les outils permettant drsquoy remeacutedier (recrutement reacutemuneacuteration etc) Plus geacuteneacuteralement lrsquoanalyse et lrsquoeacutevaluation de la deacutepreacuteciation du capital humain devraient ecirctre un objectif majeur de lrsquoaudit social et ce pour au moins deux raisons Drsquoune part la deacutepreacuteciation du capital humain notamment lorsqursquoelle est neacutegligeacutee est une source de difficulteacutes et de dysfonctionnements pour lrsquoentreprise Dans une eacuteconomie reposant de plus en plus sur lrsquoimmateacuteriel le deacuteveloppement du capital humain est un enjeu essentiel pour les firmes Un capital humain qui se deacutepreacutecie reacuteduit sa capaciteacute agrave contribuer agrave la creacuteation de richesse de lrsquoentreprise Drsquoautre part ce pheacutenomegravene est particuliegraverement neacutefaste pour les collaborateurs de la firme dans la mesure ougrave cette deacutepreacuteciation de leur capital humain est synonyme de reacutemuneacuterations plus faibles et drsquoun risque de chocircmage plus important

Illustration six eacuteleacutements pour un tableau de bord eacutevaluant le risque de deacutepreacuteciation du capital humain

1 Identifier les salarieacutes en situation de deacuteclassement (salarieacutes dont les revenus sont infeacuterieurs agrave la moyenne des salaires perccedilus par des salarieacutes du mecircme secteur drsquoun niveau de formation eacutequivalent)

2 Identifier les salarieacutes les moins bien formeacutes (formation initiale

faible formations professionnelles insuffisantes)

3 Identifier les salarieacutes nrsquoayant pas beacuteneacuteficieacute drsquoune formation depuis une longue peacuteriode (24 mois)

4 Identifier les salarieacutes doteacutes drsquoun capital humain

essentiellement de type speacutecifique agrave la tacircche (une gestion de carriegravere impliquant un changement important de tacircche est susceptible de deacutepreacutecier le capital humain du collaborateur)

5 Evaluer le laquo human capital gap raquo dans les proceacutedures de

promotion et identifier les formations correctives

6 Proceacuteder agrave un benchmarking des reacutemuneacuterations en comparant de maniegravere reacuteguliegravere les reacutemuneacuterations perccedilues au sein de lrsquoentreprise agrave celles des firmes du mecircme secteur (si lrsquoeacutecart est en faveur des autres firmes cela augmente le risque de deacutepart des collaborateurs ndash eacuteviction de capital humain-)

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12 Les leviers drsquoaction pour geacuterer et deacutevelopper le capital humain Le deacuteveloppement du capital humain speacutecifique agrave la firme devient de plus en plus un objectif prioritaire pour la plupart des entreprises Pour de nombreux chercheurs (Stewart 1997 Foray 2006) la monteacutee en puissance de lrsquoeacuteconomie de lrsquoinformation et de la connaissance signifie que le processus de creacuteation de richesse au sein des firmes repose davantage sur les connaissances que sur les actifs physiques Le capital humain est appeleacute agrave jouer un rocircle de plus en plus crucial comme source de lrsquoavantage concurrentiel Plus preacuteciseacutement si lrsquoon reprend la typologie du capital humain identifieacutee preacuteceacutedemment le capital humain speacutecifique agrave la firme est le contributeur cleacute de lrsquoavantage concurrentiel (Hatch amp Dyer 2004) Or lrsquoinvestissement dans ce type de capital humain pose de reacuteelles difficulteacutes de gouvernance entre les salarieacutes et les proprieacutetaires de la firme (Robinson Wilson Zhang 2002) Le capital humain speacutecifique agrave la firme accumuleacute par les collaborateurs de lrsquoentreprise (connaissances lieacutees agrave des proceacutedeacutes et ou des eacutequipements speacutecifiques agrave une firme en particulier) nrsquoa que tregraves peu de valeur dans une autre firme En conseacutequence si les collaborateurs ne sont pas inciteacutes agrave investir dans le deacuteveloppement de ce type de capital humain ils renacirccleront agrave deacutevelopper des connaissances speacutecifiques agrave la firme et preacutefeacutereront des connaissances geacuteneacuteriques ou lieacutees agrave une expertise professionnelle clairement deacutelimiteacutee afin de deacutevelopper un capital humain geacuteneacuterique et ou speacutecifique agrave la tacircche puisque ces derniers ne perdent pas de valeur en laquo sortant raquo de la firme au sein de laquelle il ont eacuteteacute accumuleacutes Les firmes capables de mettre en place un systegraveme drsquoincitation agrave mecircme de favoriser le deacuteveloppement du capital speacutecifique agrave la firme seront mieux armeacutees pour construire un avantage concurrentiel durable Par ailleurs les firmes investissent eacutegalement dans lrsquoaccumulation de capital humain speacutecifique agrave la firme ne serait-ce que parce que ce type de capital humain est le plus souvent lieacute agrave des meacutethodes ou des eacutequipements eux-mecircmes speacutecifiques Degraves lors il faut former les collaborateurs agrave ces meacutethodes et agrave lrsquoutilisation de ces eacutequipements Partant de cette premiegravere impulsion les salarieacutes pourront investir dans le deacuteveloppement de connaissances lieacutees agrave ces meacutethodes et ces eacutequipements Cependant du point de vue de lrsquoentreprise il est essentiel de proteacuteger les investissements reacutealiseacutes dans lrsquoaccumulation du capital humain speacutecifique agrave la firme en fideacutelisant les salarieacutes codeacutetenteurs de ces connaissances speacutecifiques Degraves lors il srsquoagit de mettre en place un systegraveme drsquoincitations qui drsquoune part permettent agrave la firme de proteacuteger les investissements qursquoelle reacutealise dans le deacuteveloppement du capital humain speacutecifique agrave la firme et drsquoautre part encouragent les salarieacutes agrave eacutegalement investir dans le deacuteveloppement du capital humain speacutecifique agrave la firme La participation des salarieacutes au capital de lrsquoentreprise (employee ownership) est une solution inteacuteressante pour Robinson Wilson et Zhang (2002) Ils montrent agrave partir drsquoune recherche reacutealiseacutee sur 600 entreprises britanniques que celles doteacutees des stocks de capital humain et physique les plus speacutecifiques privileacutegiaient une participation des salarieacutes au capital de lrsquoentreprise Le salaire sert en quelque sorte agrave reacutemuneacuterer le capital humain geacuteneacuterique et speacutecifique agrave la tacircche des collaborateurs alors que la participation au capital de lrsquoentreprise permet de laquo reacutemuneacuterer raquo la fraction speacutecifique agrave la firme du capital humain

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13 Valorisation du capital humain controcircle et gouvernement drsquoentreprise Si comme nous venons de le montrer les investissements en capital humain speacutecifique agrave la firme neacutecessitent la mise en place de regravegles de gouvernance particuliegraveres entre les proprieacutetaires et les collaborateurs de lrsquoentreprise il convient de relever que de maniegravere plus geacuteneacuterale le concept de capital humain est susceptible de remettre en question la leacutegitimiteacute des seuls deacutetenteurs de capital pour gouverner lrsquoentreprise En drsquoautres termes la prise en compte du capital humain renouvelle la conception classique du gouvernement drsquoentreprise2 Crsquoest un enjeu important pour lrsquoaudit social et ce pour une raison essentielle la notion drsquoaudit est intimement lieacutee agrave la notion de controcircle Or le gouvernement drsquoentreprise pose le problegraveme de la leacutegitimiteacute du controcircle agrave quelle partie prenante lrsquoexercice du controcircle peut-elle leacutegitiment revenir En insistant sur les relations au travail et sur les femmes et les hommes qui collaborent agrave la firme lrsquoaudit social met lrsquoaccent sur la dimension humaine de lrsquoentreprise La prise en compte du capital humain amegravene agrave reconsideacuterer le rocircle en termes de gouvernement drsquoentreprise des principaux proprieacutetaires de ce capital En effet jusqursquoalors lrsquoessentiel de la reacuteflexion en terme de gouvernement drsquoentreprise se focalisait sur les regravegles et proceacutedures permettant aux proprieacutetaires des actifs financiers drsquoexercer le controcircle qui leur revenait leacutegitimement Ainsi la prise en compte de la notion de capital humain remet en question le poids quasi exclusif accordeacute aux actionnaires dans lrsquoexercice du controcircle en mettant en avant une autre cateacutegorie de proprieacutetaires les proprieacutetaires du capital humain crsquoest-agrave-dire les collaborateurs de lrsquoentreprise En effet selon Rajan et Zingales (1998) lrsquoentreprise est une collection de ressources essentielles partageacutees de talents drsquoideacutees et de connaissances agrave laquelle toutes les personnes ont accegraves dans la mesure ougrave elles possegravedent et deacuteveloppent le capital humain La firme est ainsi un nœud drsquoinvestissement speacutecifique et notamment en capital humain Plus les collaborateurs de la firme ont un capital humain eacuteleveacute ndash cadres dirigeants par exemple - plus ils peuvent controcircler lrsquoaccegraves aux ressources critiques de lrsquoentreprise les valoriser mais aussi se les approprier pour augmenter leur capital humain Les deacutetenteurs du capital humain ont une influence deacutecisive sur la capaciteacute de la firme agrave creacuteer de la richesse et ce faisant sur la valeur mecircme de lrsquoentreprise Ces derniers par leur maicirctrise des ressources cleacutes de la firme (capital humain notamment) et leur influence sur la valeur de la firme disposent drsquoun reacuteel pouvoir Celui-ci peut venir compleacuteter voire srsquoopposer au pouvoir des proprieacutetaires des actifs financiers comme le montre Blair (2000) Lrsquoaudit social en srsquoappuyant davantage sur le concept de capital humain est ameneacute agrave jouer un rocircle de premier plan sur le pouvoir qui revient leacutegitimement aux collaborateurs de la firme dans le cadre du gouvernement drsquoentreprise

2 Le concept de gouvernement drsquoentreprise est intrinsegravequement lieacute aux problegravemes drsquoasymeacutetrie drsquoinformation et de limites du capital humain (par exemple capaciteacutes limiteacutees dans tel ou tel champ drsquoexpertise neacutecessitant une deacuteleacutegation agrave un tiers)

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2 Evaluation de la valeur du capital humain et due diligence de lrsquoeacutequipe dirigeante Nous venons de voir en quoi le capital humain pouvait offrir un cadre conceptuel dont il est inteacuteressant de poursuivre les travaux de formalisation dans le but drsquoaboutir un jour agrave un laquo reacutefeacuterentiel raquo solide qui pourrait ecirctre reconnu agrave la fois par les financiers les gestionnaires et le marcheacute3 Nous souhaitons maintenant examiner un cas drsquoapplication instructif pour tester lrsquointeacuterecirct du concept de capital humain celui de lrsquoeacutequipe de direction dans le contexte drsquoune due diligence4 Mentionnons qursquoil nest pas question ici de traiter du sujet de lrsquoeacutevaluation des cadres dirigeants en geacuteneacuteral sujet qui meacuteriterait un deacuteveloppement en soi

21 Lrsquoeacutequipe dirigeante un eacutechantillon privileacutegieacute pour proceacuteder agrave une premiegravere mesure du capital humain dune entreprise

Comme nous avons eu lrsquooccasion de le souligner ailleurs5 la due diligence capital humain nous semble une voie particuliegraverement pertinente agrave explorer pour le renouvellement des approches tant en audit social qursquoen matiegravere drsquoeacutevaluation drsquoentreprise Lrsquoune des premiegraveres dimensions qui va ecirctre appreacutehendeacutee dans le cadre de la due diligence est celle de lrsquoeacutevaluation de lrsquoeacutequipe dirigeante Il nrsquoy a lagrave qursquoun simple effet de planning puisque drsquoautres dimensions RH seront eacutegalement prises en consideacuteration par la suite Lrsquoeacutequipe dirigeante repreacutesente en effet un veacuteritable laquo eacutechantillon raquo reacuteveacutelant dans une certaine mesure la valeur du capital humain et organisationnel de lrsquoentreprise Comme lrsquoont montreacute de nombreux travaux issus de la theacuteorie des organisations et du management lrsquoidentification des forces et faiblesses du top management de leurs pathologies pour reprendre le vocabulaire de Ket de Vries (1984 2000) est en effet un puissant reacuteveacutelateur des deacutefauts et problegravemes de lrsquoorganisation Des auteurs comme Ulrich (1997) dans une logique de deacuteveloppement de tableaux de bord du capital humain (laquo HR balanced scorecard raquo) ou Fitz-Enz et Bontis (2002) se sont attacheacutes agrave montrer qursquoil y avait des liens de causaliteacute aveacutereacutes entre le management des dirigeants (leadership management) comme composante de la performance du capital humain et les reacutesultats eacuteconomiques et financiers de lrsquoentreprise Crsquoest pourquoi dans une perspective drsquoacquisition on considegravere que cette eacutevaluation de lrsquoeacutequipe dirigeante peut donner une premiegravere ideacutee mecircme sommaire de la valeur du capital humain et des risques qursquoil comporte On sait en effet que la deacutefaillance des eacutequipes dirigeantes et plus largement la gouvernance de lrsquoentreprise constituent un des signes preacutecurseurs de crise plus profonde qui peut entraicircner jusqursquoagrave la disparition de lrsquoentreprise comme lrsquoa montreacute le fameux cas drsquoEnron Il convient toutefois de tempeacuterer cet argument dans la mesure ougrave comme lrsquoa montreacute une eacutetude reacutecente (LSE ndash McKinsey 2005) le rocircle du management et de lrsquoeacutequipe dirigeante restent difficiles agrave isoler par rapport agrave drsquoautres facteurs Pire on peut constater que des entreprises respectables maintiennent des performances satisfaisantes malgreacute un piegravetre management Il reste que pour les cas que nous deacutecrivons ndash celui des acquisitions ndash la qualiteacute et le rocircle de lrsquoeacutequipe dirigeante revecirctent une importance qursquoil est difficile de contester

3 Nous faisons eacutecho indirectement agrave la probleacutematique du deacuteveloppement de la notation sociale et socieacutetale dans le cadre de la progression de lrsquoinvestissement socialement responsable 4 La due diligence est lrsquoaudit drsquoeacutevaluation de la valeur drsquoune entreprise auquel procegravede lrsquoacheteur le vendeur ou lrsquointermeacutediaire avant la signature drsquoun premier accord drsquoengagement (binding agreement) 5 7egraveme Universiteacute de Printemps de lrsquoAudit Social Mai 2005

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22 Le deacuteveloppement des pratiques de due diligence capital humain au sein des fonds drsquoinvestissement

Lrsquoimportance de lrsquointeacutegration du capital humain dans le due diligence a eacuteteacute particuliegraverement bien comprise par les fonds drsquoinvestissement dans leur approche drsquoeacutevaluation ces derniegraveres anneacutees Crsquoest particuliegraverement le cas pour les opeacuterations de LBO qui requiegraverent un travail de partenariat tregraves pousseacute avec la cible Un des premiers eacuteleacutements qui va ecirctre observeacute porte preacuteciseacutement sur la valeur individuelle et collective de lrsquoeacutequipe dirigeante de la cible Cela va conditionner drsquoune part la qualiteacute du partenariat qui doit srsquoinstaurer entre les deux parties et drsquoautre part lrsquoeacuteleacutement moteur pour reacutealiser les gains de synergies Cette tendance nrsquoest pas le fait drsquoune brusque prise de conscience de lrsquointeacuterecirct de la valeur des hommes ou de la dimension humaine dans le management mecircme si certains fonds y precirctent une reacuteelle attention en terme de strateacutegie drsquoinvestissement6 Elle est le fruit de lrsquoeacutevolution des marcheacutes notamment celui des LBO on constate en effet que la rareacutefaction des bonnes affaires les laquo peacutepites raquo comme disent les investisseurs rend de plus en en plus difficile lrsquoatteinte automatique et assureacutee des gains qui caracteacuterisaient les opeacuterations drsquoil y a quelques anneacutees Autrement dit il ne suffit plus de mener une opeacuteration dans une optique purement financiegravere pour atteindre les reacutesultats escompteacutes Sans intervenir directement dans la gestion ce qursquoil ne peut pas faire du fait des regravegles de gouvernance le fonds doit ecirctre de plus en plus en mesure drsquoactionner des leviers de creacuteation de valeur multiples pour reacutealiser les rendements de 15 et attirer de ce fait les capitaux neacutecessaires Crsquoest ainsi que lrsquoidentification des synergies et des moyens de les reacutealiser devient un point crucial qui va deacuteterminer lrsquoopportuniteacute de lrsquoopeacuteration Ainsi la qualiteacute de lrsquoeacutequipe dirigeante tant individuelle que collective va constituer un des points de controcircle essentiels On pourrait dire que la capaciteacute du fonds et de ses partenaires ndash les banquiers notamment ndash agrave eacutevaluer et mobiliser une eacutequipe compeacutetente fait deacutesormais partie inteacutegrante de son meacutetier et de ses savoir-faire7 Certes il fera appel dans la plupart des cas agrave des intervenants exteacuterieurs (cabinet de strateacutegie chasseur de tecircte hellip) Mais au final il devra faire montre drsquoun talent particulier pour attirer recruter puis retenir les personnaliteacutes ayant le profil adeacutequat et constituer des eacutequipes de direction performantes crsquoest-agrave-dire soudeacutees et capables de srsquoadapter rapidement et posseacutedant un sens aigu du reacutesultat Crsquoest par ses choix influents en matiegravere de capital humain que le fonds va atteindre voire mecircme deacutepasser les reacutesultats viseacutes par le business plan

23 Les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoeacutequipe dirigeante dans le cas des fusions acquisitions

Lrsquointeacuterecirct pour le capital humain concerne eacutegalement les due diligence meneacutees preacutealablement agrave une opeacuteration de fusion acquisition En deacutepit de lattention croissante porteacutee agrave la composition des eacutequipes8 lors de ce type drsquoopeacuteration notamment celle qui va composer le nouvel ensemble on constate encore de nombreux eacutechecs en la matiegravere comme en teacutemoigne le cas reacutecent drsquoHP-Compacq avec leacuteviction de Carly Fiorina et drsquoune partie de son eacutequipe Apregraves avoir eacutecarteacute son rival celle-ci a fini par subir agrave son tour le mecircme sort parce qursquoincapable de deacutelivrer les synergies promises au marcheacute On peut se demander si le marcheacute na finalement

6 On pense ici en particulier aux fonds drsquoinvestissement dit eacutethiques dont un des critegraveres porte preacuteciseacutement sur le management et la gestion responsables des ressources humaines Mais plus largement des fonds de retraite comme Calpers se sont eacutegalement rallier agrave ces regravegles 7 Lrsquoattention et le temps consacreacutes par le fonds agrave lrsquoeacutequipe de direction dans les trois premiers mois sont releveacutes comme eacutetant lrsquoun des facteurs clefs de succegraves selon une eacutetude de McKinsey 8 Voir parmi les tregraves nombreux ouvrages sur ce thegraveme ceux de Howon (2003) de Lajoux (2000)

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pas manqueacute de clairvoyance sur la valeur attribueacutee agrave leacutequipe et agrave son leader pourtant jugeacutes au deacutepart adeacutequats Pour rendre compte de ce paradoxe il faut toutefois deacutepasser les explications simplistes du poids omnipreacutesent de la dimension politique et des effets neacutefastes des luttes de pouvoir dans ces phases cruciales mecircme si elles peuvent avoir eacutevidemment une incidence On peut en effet repeacuterer dans de nombreux cas des meacutecanismes susciteacutes par des biais cognitifs et qui conduisent les acteurs de lrsquoeacutevaluation agrave choisir une mauvaise solution On peut identifier trois types de cas concernant lrsquoeacutevaluation de lrsquoeacutequipe dirigeante

Drsquoune part lrsquoeacutevaluation de leacutequipe cible peut ecirctre conduite improprement faute de temps ou de meacutethodes Une erreur classique (Barabel Meier 2002) est de croire que lrsquooptimum en terme de cible consiste agrave prendre ou assembler les meilleurs des profils de dirigeants des deux entreprises pour constituer une eacutequipe optimale On privileacutegie ici une approche surtout laquo individuelle raquo qui ne tient pas compte de la compatibiliteacute et de la valeur globale de lrsquoeacutequipe en regard du contexte strateacutegique et de lrsquoenvironnement Pour prendre une image bien connue il ne suffit pas de recruter les meilleurs joueurs de football pour constituer une grande eacutequipe Ensuite mecircme lorsque lrsquoeacutevaluation a eacuteteacute meneacutee proprement il y a une autre difficulteacute qui complique lrsquoexercice de constitution drsquoeacutequipe lrsquoeacutevaluation traque la valeur avant que le processus drsquointeacutegration ait deacutemarreacute (Capron 2005) Or on sait que la peacuteriode drsquointeacutegration - les fameux 100 jours qui srsquoeacutecoulent apregraves lrsquoaccord deacutefinitif - va avoir une influence capitale sur la reacutealisation ou non de la valeur de lrsquoeacutequipe tant individuellement que collectivement Mecircme tregraves bien preacutepareacutee lrsquoeacutequipe va devoir faire face agrave beaucoup drsquoincertitudes avec un degreacute drsquoanxieacuteteacute tregraves eacuteleveacute agrave tous les niveaux Or lagrave aussi du fait drsquoune confiance excessive dans les capaciteacutes des dirigeants agrave faire face agrave cette peacuteriode drsquointense changement la tendance forte est de sous-estimer lrsquoinfluence neacutegative que peut exercer ce type de contexte sur la valeur de lrsquoeacutequipe Cela nous amegravene au troisiegraveme point certainement le plus important comme tout collaborateur mais avec un degreacute suppleacutementaire la valeur du cadre dirigeant et les compeacutetences qui lrsquoincarnent reposent sur des eacuteleacutements autant contextuels qursquointrinsegraveques Cela renvoie agrave la distinction que nous avons deacuteveloppeacutee concernant le capital humain geacuteneacuteral capital humain speacutecifique agrave la firme capital humain speacutecifique agrave une tacircche (Gibbons et Waldman 2004 Hatch et Dyer 2004) Dans notre cas plongeacute dans un nouveau contexte marqueacute par un haut degreacute drsquoincertitude il est important drsquointeacutegrer la possibiliteacute que le laquo rendement de lrsquoactif raquo pour parler comme les financiers ou la reacutealisation de la valeur au mecircme titre que tout investissement puisse srsquoaveacuterer tregraves meacutediocre alors qursquoelle eacutetait laquo sur le papier raquo excellente laquo La performance passeacutee ne preacutejuge pas de la performance future raquo peut-on lire agrave propos drsquoinvestissement boursier Cet avertissement srsquoapplique aussi dans une certaine mesure agrave la performance de lrsquoeacutequipe dirigeante mecircme srsquoil existe un niveau de preacutedictibiliteacute la performance le laquo rendement raquo de la nouvelle eacutequipe ne peut ecirctre envisageacutee qursquoau travers de sceacutenarios insistant notamment sur lrsquoaspect contextuel Crsquoest drsquoailleurs pourquoi il est si important drsquointervenir en amont sur le systegraveme drsquoincitation et drsquointeraction via des laquo incentives raquo par exemple qui encouragent et reacutecompensent la coopeacuteration et qui constituent un des points clef pour entretenir la confiance et le capital relationnel de lrsquoeacutequipe

Linteacuterecirct du concept de capital humain va ecirctre donc doffrir un cadre conceptuel pour rendre compte de ce pheacutenomegravene de laquo deacutepreacuteciation raquo sous estimeacutee et mal anticipeacutee par les marcheacutes pour les opeacuterations de fusion - acquisition Mais il va revecirctir un enjeu tout aussi important en peacuteriode normale dans le domaine de lrsquoestimation des risques de deacutefaillance des cadres

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dirigeants On peut trouver au moins deux types drsquoapplication qui srsquoen font lrsquoeacutecho le deacuteveloppement ces derniegraveres anneacutees des assurances homme cleacutes et la geacuteneacuteralisation des plans de continuiteacute Lrsquoassurance des hommes cleacutes recouvre une cateacutegorie drsquoassurances encore souvent meacuteconnues qui a pour but preacuteciseacutement de couvrir des risques lieacutes agrave la disparition ou lrsquoinvaliditeacute de dirigeants ou de collaborateurs qui ont une contribution majeure pour le chiffre drsquoaffaires de lrsquoentreprise (commerciaux experts hellip) Mecircme si on ne traite pas de la deacutefaillance de compeacutetences on peut dire qursquoil y a lagrave une approche laquo implicite raquo qui valorise et chiffre le laquo capital humain raquo que repreacutesentent les dirigeants et hommes cleacutes pour la valeur de lrsquoentreprise et de son impact sur la valeur de lrsquoentreprise via des risques identifieacutes et provisionneacutes Le deacuteveloppement des plans de continuiteacute participe du mecircme esprit qui est de faire face agrave un risque opeacuterationnel lors du renouvellement du management Le marcheacute drsquoailleurs ne srsquoy trompe pas puisque le remplacement mal preacutepareacute et mal anticipeacute drsquoun dirigeant clef sa succession et ou la disparition soudaine drsquoun homme clef non couvert peuvent directement impacter le cours de bourse Reste cependant que ces approches demeurent geacuteneacuterales et tregraves macroscopiques et ne traitent pas la question de la mesure la valeur de lrsquoeacutequipe

24 La question de la mesure de la valeur de lrsquoeacutequipe dirigeante dans les due diligence boite agrave outils multiples plutocirct que modegravele de valorisation unique

Le problegraveme de mesure se trouve aujourdrsquohui poseacute avec beaucoup drsquoacuiteacute au travers des eacutevolutions qursquoimposent les lois Sarbanes-Oxley et Seacutecuriteacute Financiegravere en matiegravere de controcircle interne et de gouvernance drsquoentreprises Un des volets est preacuteciseacutement de deacutevelopper des eacutevaluations systeacutematiques et formaliseacutees des conseils drsquoadministration et des administrateurs dans une optique qui sera de plus en plus normative Sans ecirctre strictement assimilable cette deacutemarche soulegraveve un problegraveme identique agrave celui rencontreacute dans le cas des due diligence la question de savoir jusqursquoougrave il est possible drsquoeacutevaluer lrsquoeacutequipe dirigeante sa valeur et les risques associeacutes agrave chacun de ses membres et jusqursquoougrave peut-on objectiver lrsquoanalyse en recourant au concept de capital humain Nous allons faire une revue sommaire des approches disponibles

241 Les approches quantitatives de mesure drsquoinvestissement en capital humain Une premiegravere approche consiste agrave consideacuterer la valeur des membres de lrsquoeacutequipe dirigeante en se basant sur le coucirct drsquoinvestissement en ressources en partant des eacuteleacutements de comptabiliteacute dont on peut disposer Nous avons montreacute qursquoil y a plusieurs maniegraveres de mesurer le capital humain susceptibles de srsquoappliquer au cas des cadres dirigeants

le coucirct historique des ressources en particulier de lrsquoensemble des charges attacheacutees agrave un cadre dirigeant en terme de reacutemuneacuteration drsquoavantages en nature de fonds de retraite de dispositifs de sortie hellip Deux problegravemes se posent geacuteneacuteralement au cas des due diligence sur le plan pratique drsquoune part lrsquoaccegraves en data room aux informations neacutecessaires pour reconstituer lrsquoensemble des eacuteleacutements de coucirct notamment les coucircts cacheacutes drsquoautre part la question du niveau laquo drsquoamortissement raquo pourrait-on dire et qui va influencer de maniegravere sensible la valeur de la deacutecision drsquoinvestissement Il y a aussi le coucirct de remplacement qui est la meacutethode la plus usiteacutee et qui consiste agrave eacutevaluer le coucirct pour remplacer le dirigeant en se basant sur des reacutefeacuterences de marcheacute et qui recoupe les meacutethodes drsquoeacutevaluation des risques citeacutees plus haut La limite de cette approche tient au fait qursquoil faut y inclure des coucircts associeacutes lieacutes au capital organisationnel et relationnel difficile agrave estimer (coucirct drsquoapprentissage coucirct de deacuteveloppement des compeacutetences hellip)

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Une derniegravere meacutethode a pour but de deacutepasser le cadre comptable classique pour lui preacutefeacuterer une approche plus eacuteconomique qui consiste agrave eacutevaluer la valeur actualiseacutee attacheacutee agrave lrsquoinvestissement dans une eacutequipe de direction en prenant en compte les revenus nets les coucircts de recrutement et de formation ainsi que les reacutemuneacuterations perccedilues sur la dureacutee estimeacutee de lrsquoexercice des fonctions du dirigeant sur la base de statistiques et le taux de valorisation

Cette troisiegraveme approche a le meacuterite de promouvoir une approche actualiseacutee de la valeur mais elle comporte la mecircme limite que les deux autres qui est drsquoeacutevaluer la valeur dans une optique strictement de flux financiers Elle peut ecirctre opeacuterante dans une due diligence mais elle est loin drsquoecirctre suffisante pour cerner la laquo valeur raquo complegravete de lrsquoeacutequipe notamment en regard de critegraveres de performance

Il faudra eacutelargir le spectre et srsquointeacuteresser agrave des indicateurs clefs plus lieacutes agrave la performance de lrsquoentreprise et que lrsquoon peut extraire de la comptabiliteacute comme le ROI les revenus par tecircte La difficulteacute sera drsquoidentifier et de relier clairement les contributions et responsabiliteacutes de lrsquoeacutequipe et de voir en quoi consiste la correacutelation entre lrsquoaction de lrsquoeacutequipe et la performance globale de lrsquoorganisation Cette analyse est difficile agrave mener compte tenu du timing serreacute

242 Les approches qualitatives par la performance Il convient donc de passer par des approches plus qualitatives empiriques et pragmatiques autour de la performance de lrsquoeacutequipe dirigeante stricto sensu elles consistent agrave mener une eacutevaluation en regard de certains reacutefeacuterentiels qui tient compte de lrsquoenvironnement strateacutegique et drsquoaffaire dans lequel vont eacutevoluer les cadres dirigeants9 Le principe de la meacutethode est simple et bien connu il consiste agrave eacutevaluer et agrave coter le profil des dirigeants et celui de lrsquoeacutequipe par rapport aux meilleures pratiques (Ulrich 1997 voir eacutegalement un exemple chez un chasseur de tecircte Korn Ferry International 2004) et de mesurer leur position sur la courbe de deacuteveloppement La GRH dispose en effet maintenant suffisamment drsquoeacuteleacutements de reacutefeacuterentiels solides pour deacutecrire les compeacutetences drsquoun dirigeant dans un contexte donneacute et les adaptations neacutecessaires en lrsquooccurrence ici agrave lrsquooccasion drsquoune opeacuteration de fusion-acquisition De mecircme des travaux ont deacutecrit les principes drsquoune eacutequipe dirigeante performante dans une optique drsquoeacutevaluation de sa valeur et de la gouvernance10Nous donnons ci-apregraves un exemple de typologie des profils-types drsquoune eacutequipe performante que lrsquoon peut utiliser sous forme de check-list en situation de due diligence

9 Ce point est crucial car lrsquoeacutevaluation de la performance drsquoune eacutequipe de direction est trop souvent conduite sans tenir compte suffisamment des eacuteleacutements contextuels tant strateacutegiques business que sociologiques 10 On peut citer par exemple la tregraves bonne eacutetude qursquoa meneacutee reacutecemment Philipe Castilla du cabinet Secor A partir de lrsquoobservation de plus drsquoune trentaine drsquoexpeacuteriences il met en eacutevidence les leviers preacutecis de la dynamique de la coheacutesion que doit actionner le leader en fonction du contexte drsquoentreprise et de lrsquoeacutequilibrage subtil des compeacutetences requises entre strategraveges meneurs et reacutegulateurs (Castilla 2003)

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Profil drsquoune eacutequipe de direction performante (adapteacute de Paris 1980)

1 Chaque membre dans sa carriegravere actuelle ou anteacuterieure maicirctrise ou a maicirctriseacute le laquo meacutetier raquo dont il est le repreacutesentant

2 Lrsquoeacutequipe fait confiance agrave chacun de ses membres pour sa capaciteacute de reacuteponse agrave des problegravemes difficiles et impreacutevus

3 Le groupe travaille sans tension excessive sans ennui sans souci exclusif des inteacuterecircts personnels

4 Les eacutechanges drsquoinformations sont intenses systeacutematiques et focaliseacutes sur les problegravemes du groupe Lrsquoeacutecoute de lrsquoautre est geacuteneacuterale authentique et positive

5 Les relations interpersonnelles sont multilateacuterales confiantes empreintes drsquoattention drsquointeacuterecirct et de respect

6 Chaque membre prend ses responsabiliteacutes et assume les obligations de son rocircle en tenant compte de lrsquointerdeacutependance neacutecessaire au niveau des membres de lrsquoeacutequipe

7 Lrsquoesprit critique positif et les deacutebats contradictoires sont favoriseacutes Les causes de divergences de vue sont reconnues discuteacutees Les deacutesaccords sont soumis au test de lrsquoexpeacuterience les deacutecisions traduites en termes drsquoobjectifs et de responsabiliteacutes individuelles

8 Le leader nrsquoest qursquoune instance de recours ultime et le leadership varie selon les problegravemes et les souhaits du groupe

9 Chaque membre se sent comptable des conseacutequences des deacutecisions prises collectivement

10 Le leader se sent responsable de la performance globale du groupe et de chacun de ses membres A ce titre il se deacutefinit se perccediloit et srsquoeacutevalue en tant qursquoimpulseur et facilitateur du changement reacuteducteur de tension meacutedium et catalyseur drsquoeacutechanges professionnels

11 Le leader est une personne laquo autonome raquo qui ne cherche pas agrave asservir affectivement les membres du groupe

12 Le leader aime lrsquoexercice du pouvoir en tant que moyen de reacutealisation des buts de lrsquoorganisation

On voit que la valeur de lrsquoeacutequipe de direction - son capital humain - repose sur au moins trois ingreacutedients indispensables les qualiteacutes individuelles en terme de compeacutetences techniques et comportementales la dynamique interindividuelle et le jeu drsquoeacutequipe le leadership Le principal enjeu dans le cas drsquoune due diligence va ecirctre de collecter suffisamment drsquoinformation dans le timing serreacute (2 agrave 4 semaines en geacuteneacuteral) pour eacuteclairer ces dimensions Il y a plusieurs meacutethodes empiriques pour y proceacuteder - Lrsquoeacutetude par questionnaire et les tests de personnaliteacute lrsquoavantage est de pouvoir

objectiver et drsquoopeacuterer un traitement laquo scientifique raquo On pense par exemple au fameux MBTI qui constitue sans nul doute lrsquoun des approches les plus reacutepandues dans le monde

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des entreprises Compte tenu du contexte de la confidentialiteacute au moment des due diligence et de la reacutesistance culturelle cette pratique reste aujourdrsquohui tregraves peu reacutepandue De plus elle a lrsquoinconveacutenient laquo drsquoappauvrir raquo la richesse de la qualiteacute des dirigeants On constate neacuteanmoins son deacuteveloppement dans le monde anglo-saxons probablement mieux preacutepareacute agrave ce type qursquoexercice que le monde latin

- Pour cette raison la meacutethode la plus usuelle reste lrsquoentretien approfondi Elle seule permet de cerner en profondeur le profil du dirigeant ses points forts et points faibles et in fine sa laquo valeur raquo Son inconveacutenient est drsquoecirctre surtout de nature qualitative

Tous ces eacuteleacutements doivent ecirctre compleacuteteacutes par des recherches approfondies en utilisant les ressources drsquoinformation disponibles notamment sur lrsquohistorique et les reacutealisations des dirigeants Au final on comprend qursquoeacutevaluer en situation de due diligence la valeur drsquoun dirigeant et celle de lrsquoeacutequipe dans lequel il srsquoinsegravere ressemble davantage agrave un travail de deacutetective que de scientifique il srsquoagira avant tout drsquoaccumuler le maximum drsquoindices pour se faire une ideacutee aussi preacutecise et objective que possible de la laquo valeur raquo reacuteelle drsquoune eacutequipe et de ses membres et des changements agrave apporter au cas ougrave lrsquoopeacuteration srsquoeffectuerait Dans certains cas lrsquoacqueacutereur ne srsquoembarrasse pas trop drsquoeacutevaluations systeacutematiques sur ce volet et procegravede agrave des modifications drsquoeacutequipe mais avec le risque de se priver du capital relationnel organisationnel de certains hommes cleacutes et qui font la reacuteussite de lrsquointeacutegration et lrsquoinstallation de la nouvelle eacutequipe Certes drsquoaucuns argueront que nous sommes encore loin de la valorisation drsquoactifs telle qursquoelle est pratiqueacutee par les financiers On pourra leur reacutepondre au moins trois choses tout drsquoabord qursquoen joignant ces diffeacuterentes approches quantitatives et qualitatives compleacuteteacutees par le laquo flair raquo on peut aboutir agrave une eacutevaluation laquo satisfaisante raquo au sens donneacute par les eacuteconomistes comportementalistes ie qui constitue en quelque sorte un point drsquoeacutequilibre compte tenu du contexte qui srsquoaccommode mal drsquoune recherche exhaustive drsquoinformation Ensuite on peut reacutetorquer aux financiers qursquoils utilisent eux-mecircmes plusieurs meacutethodes drsquoapproche pour eacutevaluer lrsquoentreprise et qursquoin fine dans le cas drsquoune due diligence le laquo flair raquo et le pragmatisme jouent un rocircle non neacutegligeable dans la fixation du prix Enfin on peut se demander srsquoil nrsquoest illusoire de vouloir tendre vers une comptabiliteacute unique du capital humain et qui pourrait servir de reacutefeacuterence univoque au moment des due diligence Apregraves tout partir drsquoapproches pluralistes ne constitue-t-il pas une neacutecessiteacute lorsqursquoon traite de ressources humaines dont la valeur est difficile agrave capturer au travers de quelques indices Ce point nrsquoempecircche pas pour autant une ameacutelioration des techniques de valorisation du capital humain qui seront autant drsquoarguments pour convaincre les financiers Conclusion Le capital humain est la proprieacuteteacute des collaborateurs de la firme Deacuteveloppeacute en interaction avec les ressources mateacuterielles (eacutequipements locaux moyens financiers) et immateacuterielles (proceacutedures et meacutethodes culture drsquoentreprise reacuteseaux de distributeurs et de fournisseurs) il est la base de lrsquoavantage concurrentiel Cependant le capital humain comme tout capital peut se deacutepreacutecier ce qui est bien entendu neacutefaste tant pour les salarieacutes (croissance plus faible des reacutemuneacuterations risque de chocircmage plus fort) que pour les firmes A ce titre il revecirct un enjeu essentiel pour lrsquoaudit social

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Par ailleurs la prise en compte du capital humain dans une deacutemarche drsquoaudit social place les collaborateurs de lrsquoentreprise au centre des probleacutematiques de gouvernance Quelle est la place qui leur revient Les deacutetenteurs du capital humain ne sont-ils pas leacutegitimement en droit drsquoexercer un controcircle sur le bon fonctionnement de la firme agrave lrsquoinstar des proprieacutetaires (deacutetenteurs des actifs financiers) BIBLIOGRAPHIE Aguilera R 2004 laquo The Role of Human Resource Management in Cross-Border Mergers and Acquisitionsrdquo International Journal of Human Resource Management

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DU CONTROLE ETATIQUE A LrsquoAUDIT INTERNE PROBLEMATIQUE DU PILOTAGE SOCIAL AU SEIN DES ENTREPRISES ALGERIENNES Mounir HADJ-MOURI Maicirctre de Confeacuterences en Sciences de Gestion ndash IUT drsquoEVRY

Introduction Engageacute agrave la fin des anneacutees quatre-vingts le processus de transition vers lrsquolaquoeacuteconomie de marcheacute raquo se caracteacuterise par des reacutealiteacutes paradoxales qui reacutesultent de pressions externes et tensions et oppositions internes quant aux contenu et finaliteacute de cette transition Parmi ces reacutealiteacutes lrsquoune des plus significatives reacuteside dans le fait qrsquoune stabilisation relative au plan macroeacuteconomique avec des taux de croissance positifs sur plusieurs anneacutees srsquoaccompagne drsquoune laquo situation de deacutegradation continue pour le secteur de lrsquoindustriehellipet une persistance des problegravemes sociaux raquo (rapport de conjoncture du Conseil National Economique et social 2003) Un tel constat megravene ineacutevitablement agrave la question de la pertinence du pilotage de ce changement systeacutemique au double plan macro et micro Domineacute par lrsquointerventionnisme eacutetatique ce processus de deacuteseacutetatisation -autre paradoxe de cette transition- censeacute aboutir agrave lrsquoautonomisation des entreprises se caracteacuterise comme nous le verrons plus loin par des acceacuteleacuterations ralentissements voire revirements qui ne font que laquo brouiller raquo les pistes Crsquoest agrave travers cette dialectique de la domination eacutetatique et de lrsquoautonomie des entreprises qursquoil convient de situer la probleacutematique de la construction de lrsquoaudit social Degraves lors la question est de savoir si ce dernier ne servira que de simple instrument technique visant lrsquoapplication de normes arrecircteacutees unilateacuteralement et donc imposeacutees aux entreprises ou srsquoil constituera un puissant levier de pilotage contribuant agrave la construction de nouveaux modes de reacutegulation valide et leacutegitime La reacuteponse agrave cette question neacutecessite en premier lieu la mise en eacutevidence des principales caracteacuteristiques et speacutecificiteacutes contextuelles qui permettra ensuite drsquoappreacutehender les pratiques dominantes mais aussi eacutemergentes au sein des entreprises Les reacutealiteacutes contrasteacutees observeacutees qui deacutependent de lrsquoeacutevolution des rapports de force entre logique de perpeacutetuation et de transformation permettent de reacutefleacutechir sur les perspectives en matiegravere de gouvernance en geacuteneacuteral et de pilotage social en particulier dans des situations de mutations socio-organisationnelles complexes

1 Limites drsquoune autonomisation surveilleacutee des entreprises Lrsquoautonomisation des entreprises et leur laquo libeacuteration raquo de la tutelle eacutetatique avait pour principal objectif la reacutehabilitation de LA rationaliteacute eacuteconomique indispensable au passage drsquoune eacuteconomie administreacutee agrave une laquo eacuteconomie de marcheacute raquoCe processus devait donc aboutir agrave la transformation de lrsquoentreprise en centre de valorisation apregraves avoir longtemps servi de simple espace de reacutepartition Dans le prolongement des paradoxes releveacutes plus haut on note qursquoun niveau eacuteleveacute drsquoinvestissements (4522 du PIB ABouyacoub 2005) ne permet pas la relance de la

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production industrielle Bien au contraire celle-ci connaicirct une quasi-stagnation puisque son taux de croissance annuel moyen est 01 Selon un rapport de lrsquoOCDE (2005) laquo lrsquoindustrie manufacturiegravere a baisseacute de 50 entraicircnant une deacutesindustrialisation relative de ce pays raquo Dans le mecircme sens le CNES (2003)1 relegraveve que la production industrielle ne repreacutesente que 7 du PIB drsquoougrave sa qualification de laquo machine aneacutemieacutee raquo Parallegravelement aux contre-performances de ce systegraveme (imp)productif les coucircts sociaux induits par les mesures de stabilisation sont assez lourds Ainsi malgreacute un leacuteger recul le taux de chocircmage est de lrsquoordre de 18 ce qui a pour conseacutequence directe une restriction de la consommation et lrsquoaccroissement de la pauvreteacute accentueacutes par de laquo profonds deacuteseacutequilibres dans les mode de reacutepartition raquo (CNES 2003) Ces constats et diagnostics reacutevegravelent la laquo vulneacuterabiliteacute et la fragiliteacute de lrsquoeacuteconomie algeacuterienne raquo (A Bouzidi 2005) malgreacute des taux de croissance annuel de lrsquoordre de 452 Comment peut-on alors expliquer ces reacutealiteacutes paradoxales Les reacuteponses que nous tenterons drsquoapporter ne preacutetendent nullement appreacutehender lrsquoensemble des dimensions explicatives de ce pheacutenomegravene Aussi nous limiterons-nous compte tenu de lrsquoobjet de notre communication agrave mettre lrsquoaccent sur certains aspects de cette transition notamment celui du pilotage de ce changement agrave travers les relations entre Etat et entreprises Outre les similitudes avec les anciennes eacuteconomies de type sovieacutetique (ETS) qui peuvent ecirctre releveacutees sur ce plan ce sont les speacutecificiteacutes du cas algeacuterien qui retiendront notre attention Ainsi comme points communs on peut noter tout drsquoabord lrsquoorientation et le contenu uniformisateur des programmes drsquoajustement structurel conccedilus par le FMI et la Banque Mondiale qui srsquoinscrivent dans un neacuteo-classicisme dogmatique (MLavigne 1995) eacuterigeant la stabilisation macroeacuteconomique en prioriteacute centrale Cette focalisation sur les seuls eacutequilibres au plan macro a plongeacute lrsquoensemble de ces pays dans une profonde reacutecession sociale notamment reacutecession qui reacutesulte donc de pressions externes mais aussi de laquo facteurs inertiels raquo (VAndreff 2001) Lrsquoanalyse de ces facteurs qui se situent agrave diffeacuterents niveaux principalement au niveau institutionnel a permis de situer lrsquoimportance des structures de proprieacuteteacute Cet auteur qui a meneacute des eacutetudes dans plusieurs pays constate que laquo bien souvent les configurations des structures de proprieacuteteacute en apparence nouvelle conserve le controcircle de lrsquoentreprise et le pouvoir de gestion par les anciennes eacutequipes de direction parfois partiellement renouveleacutees raquo La nature et les rythmes des processus de privatisation laquo deacutebouchent alors sur des entreprises privatiseacutees mais non priveacutees leur proprieacutetaire priveacute nrsquoest pas identifiable car en geacuteneacuteral il nrsquoexiste pas vraiment raquo Cette inertie au plan institutionnel entraicircne une inertie comportementale servant souvent agrave preacuteserver des laquo acquis raquo et autres privilegraveges lieacutes agrave lrsquoancien systegraveme A ces caracteacuteristiques communes auxquelles on peut ajouter lrsquoinsuffisance de lrsquoeacutepargne moneacutetaire lrsquoinexistence drsquoun marcheacute boursier lrsquoeacutetat embryonnaire de reacuteseaux de professionnels et drsquoentrepreneurs la reacutealiteacute de lrsquoexpeacuterience algeacuterienne recegravele des speacutecificiteacutes qui expliquent en grande partie les reacutealiteacutes contradictoires eacutevoqueacutees plus haut La principale particulariteacute reacuteside dans le caractegravere extraverti de lrsquoeacuteconomie dans la mesure ougrave lrsquoexportation des hydrocarbures constitue la principale ressource financiegravere de ce pays Cette rente peacutetroliegravere dont le volume nrsquoa cesseacute drsquoaugmenter ces derniegraveres anneacutees en raison de la

1 Dernier rapport disponible sur le site de cet organisme 2 Selon les donneacutees de lrsquoOCDE (2005) les taux de croissance eacutetaient de 69 en 2003 54 en 2004 et les preacutevisions pour 2005 et 2006 se situent autour de 45

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progression constante des cours du baril permet de reacutealiser les taux eacuteleveacutes drsquoinvestissement deacutejagrave indiqueacutes Mais ce mode de financement de lrsquoactiviteacute eacuteconomique est agrave lrsquoorigine de deux deacuterives La premiegravere reacuteside dans la deacutependance vis-agrave-vis drsquoune seule ressource aux cours aleacuteatoires Rappelons que lrsquoeffondrement de ces derniers en 1986 doubleacute drsquoun profond deacuteficit de leacutegitimiteacute du pouvoir en place a eacuteteacute agrave lrsquoorigine de la grave crise qursquoa connu et continue de vivre ce pays crise qui a deacutemontre que cette rente nrsquoa et ne fait que compenser et masquer lrsquoinefficaciteacute des autres secteurs drsquoactiviteacute La seconde deacuterive intimement lieacutee agrave la premiegravere consiste dans le caractegravere laquo endeacutemique raquo de la corruption lrsquoAlgeacuterie eacutetant classeacute parmi les pays les plus corrompus du monde3 La preacutedominance de cette logique rentiegravere coupleacutee agrave une eacuteconomie informelle tentaculaire explique en grande partie les reacutesistances et oppositions agrave lrsquoeacutemergence drsquoune logique productive impliquant une refonte profonde des modes de gestion La crise de leacutegitimiteacute des institutions et lrsquoinstabiliteacute des dirigeants constitue un facteur inertiel non mois important en raison des laquo heacutesitations revirements et changements de programmes les discontinuiteacutes et inconstances observeacutees dans la conduite des politiques publique raquo ce qui a pour conseacutequence laquo le caractegravere instable et eacutepheacutemegravere drsquoun mode drsquoorganisation sans cesse reacuteviseacute jamais stabiliseacute (CNES 2003) Ces heacutesitations et deacutemarches sinueuses sont les plus manifestes en matiegravere de privatisation ce laquo serpent de mer depuis 15 ans raquo (FAbdallah 2002) Les propos de lrsquoancien ministre de la participation et de la coordination des reacuteformes (2002) sont eacutedifiants agrave cet eacutegard laquo En Algeacuterie nous avons beaucoup parleacute de privatisation et peu privatiseacute raquoLa fragilisation drsquoinstitutions deacutejagrave chancelantes par les conflits entre visions souvent antagonistes de cette transition expliquent en plus des eacuteleacutements eacutevoqueacutes plus haut lrsquoabsence de strateacutegie globale et partant lrsquoincoheacuterence des deacutemarches de restructuration industrielle et de privatisation Dans un tel contexte les entreprises malgreacute la multiplication des plans adopteacutes et la diversiteacute de leur intitulation (plan agrave moyen terme plan de redressement ou business plan) ne parviennent pas agrave lrsquoexception de quelques cas particuliers sur lesquels nous reviendrons agrave ameacuteliorer leur reacutesultat Ainsi malgreacute les diffeacuterentes tentatives de laquo mise agrave niveau raquo et drsquoassainissement financier accompagneacutees de reacuteductions sensibles drsquoeffectifs (reacuteduction de 23 de lrsquoeffectif total dans le secteur industriel CNES) le niveau de compeacutetitiviteacute de ces entreprises ne cesse drsquoenregistrer des reacutesultats neacutegatifs (-7 drsquoexportation hors hydrocarbures) La baisse de la production industrielle de 39 enregistreacutee au quatriegraveme trimestre 2004 par lrsquoOffice National de Statistiques confirme cette tendance Lrsquointerventionnisme eacutetatique persistant qui vise agrave redresser les entreprises selon un mode standardiseacute et uniformiseacute a donc produit les effets inverses En effet en plus des contraintes environnementales deacutejagrave citeacutees les modes de gestion interne restent selon le diagnostic du CNES laquo domineacutes par des meacutethodes drsquoune eacuteconomie administreacutee les rapports drsquoactiviteacute sont conccedilus toujours selon le mecircme canevas Cette maniegravere de faire ne peut permettre drsquoasseoir une strateacutegie viable raquoSi ces pratiques ougrave la tricherie informationnelle (autre caracteacuteristique des eacuteconomies planifieacutees) persiste notamment pour obtenir davantage de creacutedits de lrsquoEtat il convient neacuteanmoins de relever lrsquoeacutemergence de nouvelles pratiques visant la rupture avec ce mode de fonctionnement

3 La coalition contre la corruption un gros plan sur lrsquoAfrique Transparency International Rapport annuel 2003 citeacute par ABouyacoub (2005)

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A ce sujet lrsquoeacutevolution reacutecente de certaines entreprises examineacutees plus bas complegravete les observations et conclusions drsquoune recherche que nous avons meneacutee en 19994 Lrsquoeacutetude de cinq entreprises relevant de secteurs drsquoactiviteacute diffeacuterents (industrie distribution de produits pharmaceutiques engineering industriel) nous a permis de constater malgreacute ces pressions agrave lrsquouniformiteacute la diversiteacute des modes de prise en charge et de pilotage du changement Ces derniers obeacuteissaient agrave trois logiques drsquoaction que nous avons pu identifier La premiegravere qualifieacutee drsquoadaptation passive domineacutee par la rationalisation du statu quo laisse apparaicirctre la preacutegnance de lrsquolaquo habitus rentier raquo A l lsquoinverse la seconde fondeacutee sur une inteacutegration active au nouveau mode de gestion se caracteacuterise par une forte deacutesirabiliteacute du changement et volonteacute de rupture avec lrsquoancien systegraveme Il convient de noter que cette logique tend agrave privileacutegier la dimension eacuteconomique voire technique des processus de rationalisation au motif que les choix sont limiteacutes par les contraintes lieacutees agrave la laquo mondialisation raquoCrsquoest preacuteciseacutement contre cet aveu drsquoimpuissance voire de reacutesignation que se situe la troisiegraveme logique celle de la double deacutemarcation qui vise lrsquoeacutelargissement du champ des possibles en vue de lrsquoinventionconstruction de modes de reacutegulation alternatifs logique qui faut-il lrsquoadmettre est encore agrave lrsquoeacutetat embryonnaire Le teacutelescopage de ces logiques ne peut que produire des formes drsquohybridation organisationnelle originale au plan micro qui sont lrsquoexpression drsquoune eacuteconomie mixte au plan macro (BChavance 1994) ougrave le laquo nouveau eacutemerge en parallegravele avec le vieux et non sur les ruines de ce dernier raquo (Csaba 1996) Dans cette profonde mutation ougrave il ne srsquoagit pas seulement de changer les regravegles du jeu mais la nature du jeu lui-mecircme les reacuteactions et laquo comportements raquo des entreprises sont fort contrasteacutes reacuteveacutelant la nature des rapports de force entre logiques drsquoaction preacuteceacutedemment deacutecrites

2 Pratiques eacutemergentes et nouvelle(s) reacutegulation(s) La dynamique de reconstruction des modes de direction et de coordination se caracteacuterise comme nous lrsquoavons vu par lrsquounilateacuteraliteacute de nouvelles normes imposeacutees par les programmes drsquoajustement structurel Ces derniers eacutetaient censeacutes mettre agrave la disposition des acteurs des regravegles precirctes agrave lrsquoemploi (B Reynaud 1997) crsquoest-agrave-dire des regravegles qui se deacutefinissent par reacutefeacuterence agrave des seuils des indicateurs et des ratios notamment au plan comptable et financier Lrsquoapplication de ces derniegraveres par les entreprises est placeacutee sous le controcircle de lrsquoEtat qui devait selon les propos de lrsquoancien ministre des industries et de la restructuration (1995) laquo ecirctre le FMI des entreprises publiques raquo A travers cette mise sous surveillance eacutetroite du processus drsquoautonomisation autre paradoxe de cette transition les nouvelles regravegles de gestion au lieu de servir de cadre de guide pour lrsquoaction deviennent de veacuteritables laquo carcans raquo pour les gestionnaires Obeacuteissant agrave une vision reacuteduisant la performance aux seules dimensions techniques et financiegraveres lrsquointensification de cette reacutegulation de controcircle reacuteduit consideacuterablement les espaces drsquointerpreacutetation susceptibles de produire des regravegles drsquoajustement contextuel (PLivet 1997) Malgreacute ces contraintes certains dirigeants tentent de srsquoapproprier le changement en contestant ces meacutethodes et en impulsant de reacuteelles dynamiques drsquoautonomisation Dans ce sens des efforts drsquointerpreacutetation et de (re)deacutefinition de la performance dans une optique multidimensionnelle ont deacuteboucheacute sur la mise en place de systegravemes drsquoinformation de gestion

4 Voir notre thegravese de Doctorat intituleacutee laquo conflit de rationaliteacutes et construction de la GRH dans les eacuteconomies en transition le cas des entreprises publiques algeacuteriennes raquo IAE de Lille feacutevrier 1999

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plus fiable et plus efficace (introduction de nouveaux indicateurs de productiviteacute) de refonte des modes de classification et de reacutemuneacuteration en vue de reconnecter contribution et reacutetribution La formation longtemps neacutegligeacutee occupe deacutesormais une place importante dans les dispositifs de changement et des budgets conseacutequents lui sont consacreacutes Cette dynamique de changement observeacutee dans deux entreprises sur les cinq ne peut autoriser une quelconque geacuteneacuteralisation Neacuteanmoins les eacutevolutions enregistreacutees depuis cette date permettent de classer les entreprises en deux grands groupes Le premier est constitueacute drsquoentreprises privatiseacutees qui ont conclu des accords de partenariat avec des multinationales et le second drsquoentreprises qui ont proceacutedeacute agrave des restructurations sans modifier la nature de leur proprieacuteteacute les filiales creacuteeacutees relevant toujours drsquoentreprises publiques Dans le premier cas on peut citer deux entreprises lrsquoune dans le secteur sideacuterurgique (Ispat devenue reacutecemment Metal Steel Annaba) et lrsquoautre dans celui des industries chimiques (Enad-Henkel)Selon les principaux acteurs de la premiegravere entreprise (dirigeants et repreacutesentants syndicaux) lrsquoexpeacuterience de partenariat est laquo positive raquo Ainsi le DRH considegravere que laquo tous les engagements sont respecteacutes en matiegravere de preacuteservation de lrsquoemploi notammenthellipEn matiegravere drsquoinvestissement dans lrsquohomme quelques 3000 personnes ont beacuteneacuteficieacute de formation et 70 autres ont eacuteteacute envoyeacutes agrave lrsquoeacutetranger dans les usines du groupehellipLes salaires se sont nettement ameacutelioreacutes compareacutes aux anneacutees preacuteceacutedentes raquo Ce que confirme un repreacutesentant syndical qui estime que laquo lrsquoeacuteleacutement deacuteterminant dans la disparition des craintes reacuteside en plus de la preacuteservation de lrsquoemploi dans lrsquoaugmentation des salaires qui est de lrsquoordre de 60 raquo5 Il convient de noter que ces augmentations reacutesultent de lrsquoeacuteleacutevation des niveaux de production et de productiviteacute gracircce agrave la modernisation des eacutequipements et agrave la laquo rationalisation raquo du fonctionnement de lrsquoentreprise laquo En matiegravere de proceacutedures de gestion il y a eacutechange drsquoun certain savoir-fairehellip Il y a un eacutechange drsquoinformations techniques gracircce agrave Iroum un systegraveme drsquoinformations interne au groupe Cela facilite la communication et la reacutesolution de problegravemes technique ccedila a son pesant drsquoor raquo tient agrave preacuteciser le directeur des opeacuterations La nouvelle situation de cette entreprise est bien reacutesumeacutee par ce repreacutesentant syndical laquo rigueur discipline et nouvelles meacutethodes de travailhellipFini le temps du laisser-aller maintenant crsquoest strictement organiseacute raquo Les appreacuteciations de responsables de diffeacuterentes fonctions (marketing production) vont dans le mecircme sens et soulignent les incidences positives de la responsabilisation des managers soumis deacutesormais agrave lrsquoobligation de reacutesultats Il est clair que ces donneacutees sont insuffisantes pour eacutevaluer de faccedilon approfondie cette expeacuterience Elles permettent cependant de relever des reacutealiteacutes organisationnelles eacutemergentes qui deacutenotent une ferme volonteacute drsquointernaliser des modes de gestion exogegravene Srsquoagissant de la seconde entreprise les reacutesultats enregistreacutes sont positifs malgreacute des diffeacuterends et conflits qui ont porteacute sur la proceacutedure de privatisation et notamment de fixation des prix de cession En effet lrsquoentreprise a reacuteussi agrave deacutetenir 20 de parts de marcheacute et envisage lrsquoexportation de 20 000 tonnes de deacutetergents6 gracircce agrave des laquo investissements dans le domaine de la production du marketing et des ressources humaines raquo Bien que non privatiseacutees mais certainement en voie de lrsquoecirctre certaines entreprises du second groupe certes minoritaires se sont engageacutes reacutesolument dans la voie de leur transformation en entreprise commerciale soumise aux lois drsquoun marcheacute de plus en plus ouvert agrave la concurrence

5 Ces propos sont extraits drsquoun article de A Chih paru dans le quotidien liberteacute du 23 janvier 2005 6 Donneacutees figurant sur lrsquoarticle de YSalami paru dans le quotidien La tribune du 21 mars 2005

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nationale et internationale Ainsi la Socieacuteteacute Nationale des transports ferroviaires (SNTF par abreacuteviation) confronteacutee au deacutefi drsquoameacuteliorer ses niveaux de productiviteacute en reacuteduisant au maximum les coucircts sociaux a eacuteteacute ameneacutee agrave revoir son mode de gestion agrave partir de la reacuteorganisation de lrsquoinformation sociale en vue de la rendre accessible agrave tous les acteurs concerneacutes (OLayadi 2003) Selon ce consultant cette entreprise caracteacuteriseacutee par un double deacuteseacutequilibre quantitatif et qualitatif de ses ressources humaines (sureffectif de 3000 salarieacutes avec une masse salariale repreacutesentant 114 du chiffre drsquoaffaires) a conccedilu dans le cadre de son plan de redressement un bilan social qui a permis de structurer lrsquoinformation sociale et de mettre en eacutevidence drsquoimportants dysfonctionnements tels que le recours agrave des heures suppleacutementaires malgreacute des effectifs pleacutethoriques ou le caractegravere forfaitaire des primes de productiviteacute Cette dynamique de structuration de lrsquoinformation sociale en vue de son traitement optimal a permis drsquoapporter des mesures correctives (blocage des recrutements redeacuteploiement drsquoune partie des sureffectifs dans les filiales nouvellement creacuteeacutees notamment) qui ont abouti agrave la laquo reacutesorption des sureffectifs et agrave la stabilisation relative de la masse salariale malgreacute les augmentations geacuteneacuterales deacutecideacutees par le gouvernement raquo En outre lrsquoassociation des partenaires sociaux agrave ces processus de changement a permis de laquo jeter les bases de nouveaux modes de neacutegociation entraicircnant un changement qualitatif de comportement du syndicat en raison de la clarteacute des indicateurs la transparence des reacutesultats et leur visibiliteacute raquo Ce sont lagrave aussi des appreacuteciations et eacutevaluations qui restent agrave examiner de plus pregraves Enfin cette bregraveve preacutesentation des pratiques eacutemergentes de pilotage du changement notamment dans son volet social meacuterite drsquoecirctre compleacuteteacutee par le cas de Sonatrach (socieacuteteacute nationale de production et de commercialisation des hydrocarbures) dans la mesure ougrave cette entreprise assure comme nous lrsquoavons vu les principales rentreacutees financiegraveres de ce pays et repreacutesente agrave elle seule 30 du PNB Il y a lieu de preacuteciser que les pouvoirs publics nrsquoont jamais tenteacute lrsquoexpeacuterimentation de la laquo Gestion Socialiste des Entreprises raquo appliqueacutee pourtant agrave lrsquoensemble des entreprises publiques Le caractegravere strateacutegique voire vital de cette entreprise pour lrsquoeacuteconomie algeacuterienne et les craintes de sa deacutestabilisation par lrsquoapplication de ce mode de fonctionnement en sont les principales causes Malgreacute cela elle nrsquoa pu eacutechapper en matiegravere de classification et de reacutemuneacuteration agrave lrsquoapplication du Statut Geacuteneacuteral du Travailleur (SGT par abreacuteviation) un systegraveme eacutegalitariste et contraignant baseacute sur une meacutethode nationale de classification (ce qui constitue en soi une aberration) qui a montreacute ses limites drsquoougrave son abrogation en 1990 Depuis quelque temps cette entreprise a lanceacute un vaste chantier de refondation de son systegraveme de classification et de reacutemuneacuteration Selon son vice-preacutesident laquo avec un nouveau systegraveme de reacutemuneacuterations qui veut prendre en compte les contributions de chacun nous entendons bien travailler en profondeur passer drsquoune logique de poste agrave une logique de rocircle et de compeacutetences raquo7 Lrsquoobjectif principal de ce dispositif vise agrave reacutetribuer les performances par la mise en place de systegravemes drsquoeacutevaluation et notamment un pilotage par objectifs pour les cadres (G Le Nagard 2004)Compte tenu du niveau technologique eacuteleveacute de cette activiteacute et de lrsquolaquohostiliteacute de son environnement (domination du marcheacute par de plus grands groupes) Sonatrach a eacuteteacute dans lrsquoobligation de laquo privileacutegier le deacuteveloppement des ressources humaines en intensifiant son effort de formation ce qui repreacutesente 5 agrave 6 de la masse salariale et 55 agrave 70 des effectifs permanents formeacutes annuellement (AFeghouli 2003)

7 Propos recueillis par G Le Nagard dans son article paru dans la revue Entreprise et Carriegraveres ndeg730 septembre 2004

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Pour mener agrave bien ces projets et actions en GRH la fonction RH a connu toujours selon son vice-preacutesident laquo un deacuteveloppement consideacuterable au cours de la deacutecennie 1993-2003 raquo qui a consisteacute dans la mise en place de supports structurels en vue de reacutepondre aux exigences et objectifs de la strateacutegie drsquointernationalisation et de modernisation adopteacutee par cette entreprise Ces structures ont beacuteneacuteficieacute de laquo lrsquoaffectation de 5 de lrsquoeffectif total raquo En matiegravere de pilotage on note laquo lrsquoorganisation de brainstorming dans lrsquoensemble des domaines drsquoactiviteacute afin drsquoimpliquer les cadres et speacutecialistes dans lrsquoanalyse de situations les concernant lrsquoexploration des perspectives drsquoeacutevolution agrave travers des orientations drsquoaction assortis de plans et programmes de mise en œuvre raquo A travers ces exemples dont les donneacutees restent agrave bien des eacutegards lacunaires nous avons surtout voulu mettre en eacutevidence la tendance au deacuteveloppement de pratiques autonomes qui deacutemontrent bien la dualiteacute du structurel (AGiddens 1987) dans la mesure ougrave laquo il est en mecircme temps contraignant et habilitanthellip Le structurel nrsquoest pas que contrainte mais permet aux acteurs de produire et de disposer de compeacutetences leur permettant drsquoexercer un laquo controcircle reacuteflexif de leur activiteacute sociale raquo La mateacuterialisation progressive de ces processus drsquoautonomisation de lrsquoentreprise et drsquoune faccedilon geacuteneacuterale de la socieacuteteacute civile par rapport agrave lrsquoEtat et la dynamique conflictuelle qui en deacutecoule oblige en effet les acteurs agrave prendre position quant agrave la deacutefinition et construction de nouveaux reacutefeacuterentiels et partant de nouveaux modes de gouvernance

3 Pilotage social enjeux et perspectives Les situations de crise et les contre-performances chroniques de la majoriteacute des entreprises exigent des solutions urgentes renforccedilant ainsi les besoins en instrumentation de gestion exprimeacutes par les gestionnaires La satisfaction de ces besoins peut suivre alors deux directions opposeacutees mais qui ne sont pas incompatibles leur compleacutementariteacute deacutependant essentiellement de la vision de ces derniers et des paradigmes dans lesquels se situe leur intervention La premiegravere qui est dominante car incontournable srsquoinscrit dans la logique de la quantification et de la calculabiliteacute qui sert de fondement aux deacutemarches algorithmiques et mimeacutetiques Crsquoest le cas par exemple de la gestion des sureffectifs puisque cette opeacuteration srsquoest geacuteneacuteralement limiteacutee agrave une simple reacuteduction (soustraction) sans laquo repenser raquo les modes drsquoorganisation et de fonctionnement Cette faccedilon de proceacuteder a eu pour conseacutequence le deacutepart des salarieacutes les plus qualifieacutes privant ces entreprises de compeacutetences au moment ougrave elles en ont le plus besoin Lrsquoinsuffisance voire lrsquoabsence drsquoanticipation et de prise en charge du processus en amont deacutecoule drsquoune focalisation sur les seuls ratios comptables et financiers reacuteduisant les ressources humaines agrave un simple coucirct pour lrsquoentreprise La preacuteeacuteminence de lrsquoanalyse financiegravere sur lrsquoanalyse organisationnelle plus en raison de sa maniabiliteacute que de sa pertinence observeacutee dans les pays industrialiseacutes (FNoeumll GSchmidt 2003) est donc bien preacutesente malgreacute des reacutealiteacutes contextuelles et organisationnelles diffeacuterentes Par opposition au mimeacutetisme qui se limite geacuteneacuteralement agrave la transposition quasi-meacutecanique drsquooutils de gestion la seconde voie tente de combiner les dimensions quantitatives et qualitatives privileacutegiant ainsi les deacutemarches heuristiques baseacutees sur lrsquointerpreacutetation et la deacutelibeacuteration constitutives de regravegles valides et leacutegitimes Les pratiques eacutemergentes accordant une importance aux eacutechanges et traitements de lrsquoinformation tant technique que sociale deacutecrites preacuteceacutedemment srsquoinscrivent dans cette perspective Mais le choix ou la preacutedominance drsquoune des deux voies deacutepend en fait du traitement de la question centrale de la reconfiguration

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de ces organisations dans le sens drsquoune laquo retaylorisation raquo8 ou au contraire drsquoune laquo deacutetaylorisation raquo Dans le premier cas de figure crsquoest bien eacutevidemment le paradigme de la mesure et son corollaire le controcircle qui serait dominant Dans le second crsquoest au contraire le paradigme de lrsquointerpreacutetation et son corollaire le pilotage (PLorino 1996) qui serait privileacutegieacute Compte tenu des fortes exigences de rationalisation de la gestion de ces entreprises la reconstruction de leur mode de reacutegulation doit agrave notre avis viser lrsquoarticulation de ces deux dimensions la mesure et lrsquointerpreacutetation Dans un contexte marqueacute par le primat drsquoune reacutegulation de controcircle eacutetatique souvent inefficace lrsquoeacutemergence et le deacuteveloppement de pratiques autonomes reacutevegravelent la complexiteacute de la construction de nouveaux reacutefeacuterentiels et drsquoindicateurs qui explique en partie les dilemmes et heacutesitation des acteur cleacutes entre mimeacutetisme porteur de certitudes et creacuteativiteacute source drsquointerrogations et de questionnements permanents Comme nous lrsquoavons deacutejagrave indiqueacute le risque drsquoutilisation heacutegeacutemonique drsquoun indicateur (RPerez 2003) sous la pression externe est bien preacutesent Pour lrsquoeacuteviter la reacuteponse agrave une double exigence drsquoinstrumentationeacutevaluation et drsquointerpreacutetationdeacutelibeacuteration srsquoimpose Dans ce sens la mise en place de dispositifs organisationnels centreacutes sur le deacuteveloppement des eacutechanges intra et inter-structurelles peut favoriser un apprentissage agrave double boucle ougrave peut srsquoaffirmer lrsquoautonomie cognitive des acteurs Crsquoest donc par lrsquoassociation effective des parties (ap)prenantes que peuvent ecirctre neacutegocieacutes des compromis sur la leacutegitimiteacute des reacutefeacuterentiels et par lagrave mecircme sur la laquo preacutegnance raquo des indicateurs crsquoest-agrave-dire ceux qui laquo condensent cristallisent des concepts des valeurs des normes et les justifications de ces derniegraveres raquo (VBroussard 2001) Cette intersubjectiviteacute assurerait la validiteacute des outils de pilotage de lrsquoactiviteacute globale de lrsquoentreprise Sur le plan particulier de lrsquointervention en GRH elle faciliterait la construction de batteries drsquoindicateurs relevant de diffeacuterentes approches de lrsquoorganisation (planification contingence increacutementalehellipvoir FPichault 2004) Comme laquo la mesure en GRH nrsquoa guegravere de sens si elle se cantonne agrave une seule dimension raquo la combinaison drsquoapproches quantitatives et qualitatives srsquoavegravere neacutecessaire Lrsquoadoption drsquoun telle deacutemarche peut non seulement reacuteduire les espaces drsquoindeacutecidabiliteacute compte tenu de lrsquoincompleacutetude des regravegles (Voir Ofavereau et PLivet 1997) malgreacute les tentations panoptiques qui sous-tendent leur eacutelaboration mais aussi et surtout favoriser la construction de reacutegulations conjointes entre lrsquoEtat et les entreprises et au sein de ces derniegraveres En paraphrasant Wittgenstein ce mode de reacutegulation en encourageant lrsquointerpreacutetation des standards apporterait des reacuteponses satisfaisantes aux quatre exigences drsquoeacutelaboration drsquoune regravegle agrave savoir sa leacutegitimiteacute son utiliteacute sa lisibiliteacute et enfin son applicabiliteacute Dans de telles conditions les acteurs au lieu de srsquoenfermer dans des attitudes de retrait ou de laquo passager clandestin raquo peuvent donner du sens agrave leur action et srsquoimpliquer davantage dans le processus de changement En restant autonome agrave lrsquoeacutegard de ce dernier ils en seraient alors les acteurs (PLouart 2003) et participeraient activement agrave lrsquoarticulation drsquoun pilotage par le haut et par le bas (Ofavereau JMle Gall 2003) Situeacute aux antipodes drsquoun laquo pilotage quasi-automatique baseacute sur des indicateurs deacutemateacuterialiseacutes (RPeacuterez 2003) un tel mode de pilotage doit obeacuteir au principe de volonteacute mais aussi et surtout au principe de reacutealiteacute Dans ce sens outre les contraintes externes eacutevoqueacutees preacuteceacutedemment il y a lieu de tenir compte des

8 Certains auteurs qualifiant le mode drsquoorganisation des entreprises dans les pays en transition de taylorisme laquo incomplet raquo ou laquo inacheveacute raquo

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insuffisances de professionnalisme heacuteritage de lrsquoancien systegraveme qui imposent des efforts soutenus en matiegravere de formation La tendance agrave lrsquoextension et multiplication des actions de formation releveacutee agrave partir des expeacuteriences deacutecrites plus haut deacutemontre lrsquoimportance grandissante de cette activiteacute Mais il convient de preacuteciser que sur ce plan la dimension qualitative agrave savoir le contenu et la qualiteacute de la formation doit constituer une preacuteoccupation centrale En effet une formation limiteacutee agrave la seule dimension technique et instrumentale bien que neacutecessaire est nettement insuffisante pour combler les deacuteficits constateacutes En visant le deacuteveloppement drsquoun esprit critique vis-agrave-vis de toute forme de standardisation des maniegraveres de faire et de penser la formation coupleacutee agrave lrsquoapprentissage sur le terrain peut contribuer au deacuteveloppement drsquoune reacuteflexion strateacutegique articulant universaux de gestion et particulariteacutes locales Outre le renouvellement des pratiques lrsquoengagement drsquoune dynamique visant lrsquoappropriation des diffeacuterentes formes de savoir peut participer agrave lrsquoenrichissement du cadre drsquoanalyse des modes de pilotage et modes de gouvernance des entreprises En effet au moment ougrave le deacuteveloppement durable est preacutesenteacute comme un nouveau mode de deacuteveloppement eacuteconomique et social qui fait lrsquoobjet de controverses et est laquo agrave la recherche drsquoun corps de doctrine renfermant dogmes et reacutefeacuterents (JLauriol 2004) les processus de deacuteconstructionreconstruction en cours dans les eacuteconomies en transition mettent bien en eacutevidence les tensions et contradictions entre reacutefeacuterentiel financier et reacutefeacuterentiel durable (ACMartinet E Reynaud 2004) Les conseacutequences neacutegatives au plan social environnemental mais aussi manageacuterial de lrsquoimposition drsquoune ideacuteologie centreacutee sur la seule rentabiliteacute financiegravere constituent autant drsquoarguments qui justifient la recherche de modes de reacutegulation alternatifs A ce niveau la complexiteacute et la diversiteacute des pratiques releveacutees dans les pays en transition malgreacute les pressions uniformisatrices - lrsquoAlgeacuterie avec ses speacutecificiteacutes nrsquoeacutechappant pas agrave ce constat ndash encourage la reacuteflexion sur la possible contribution des eacuteconomies post-socialistes agrave la diversiteacute du capitalisme9 (EMagnin 1999) et par lagrave mecircme agrave la remise en cause de la domination du modegravele anglo-saxon Celle-ci suppose la laquo redeacutefinition du rocircle de lrsquoEtat et de lrsquoaction collective dans lrsquoeacuteconomiehellip le deacutefi central aujourdrsquohui consistant agrave trouver le juste eacutequilibre entre lrsquoEtat et le marcheacute raquo (JE Stiglitz 2003) La concreacutetisation de cet objectif dans un contexte ougrave laquo la mondialisation eacuteconomique est alleacutee plus vite que la mondialisation politique raquo passe neacutecessairement par la reacutehabilitation de lrsquoeacutethique La neacutecessiteacute de disposer face agrave lrsquoextension des deacutelocalisations de normes de travail agrave lrsquoeacutechelle de la planegravete (JIgalens 2003) pour eacuteviter les pratiques de dumping social srsquoinscrit dans cette perspective Mais comme les situations de crise favorisent la monteacutee en puissance des experts les risques drsquoinstrumentalisation et de capture de lrsquoideacuteal eacutethique sont bien preacutesents Aussi faut-il faire preuve de vigilance vis-agrave-vis des excegraves de laquo pilotage par les instruments qui tend agrave supplanter le management au lieu de simplement lrsquoaider dans ses deacutecisions raquo (RPeacuterez 2003) Les deacuterives et autres laquo deacutegacircts sociaux et environnementaux raquo provoqueacutes par lrsquoapplication des laquo theacuterapies de choc raquo dans les pays en transition preacuteconiseacutees par des laquo experts egraves-transition raquo mettent en eacutevidence la neacutecessiteacute de remise en cause de ces modes de gouvernance produits et (re)produisant le mouvement de financiarisation de lrsquoeacuteconomie

9 Cela ne signifie pas que cette reacuteflexion part du postulat de lrsquoindeacutepassabiliteacute de ce systegraveme question qui meacuterite des deacuteveloppements particuliers qui deacutepassent le cadre de notre propos

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Pour eacuteviter le passage drsquoun extrecircme agrave lrsquoautre crsquoest-agrave-dire du pilotage agrave vue au laquo pilotage automatique raquo dans des situations marqueacutees par des reacutealiteacutes bipolaires Etat-marcheacute secteur public-secteur priveacute controcircle-autonomie qui poussent au raisonnement binaire voire au manicheacuteisme lrsquoadoption de postures critiques et auto-reacuteflexives permet lrsquoinclusion du tiers-exclu indispensable au deacutepassement de ces contradictions Conclusion Dans un contexte caracteacuteriseacute par des oscillations permanentes entre retaylorisation et deacutetaylorisation sur fond drsquointerventionnisme eacutetatique contraignant et paralysant en raison des deacutecalages manifestes entre theacuteorie eacutepouseacutee (libeacuteralisation du systegraveme eacuteconomique et politique) et theacuteorie en usage (intensification du controcircle et neutralisation des contrepouvoirs) lrsquoautonomisation des entreprises reacutevegravele divers facteurs inertiels au double plan institutionnel et organisationnel La construction de modes de reacutegulation alternatifs ne peut se limiter agrave la mise en place drsquooutils aussi performants soient-ils Ces derniers bien que neacutecessaires ne doivent en aucun cas releacuteguer au second plan la mise en oeuvre drsquoune reacutegulation socio-politique Aussi les exigences de pilotage tant au plan mateacuteriel qursquoimmateacuteriel imposent-elles la construction de nouveaux reacutefeacuterentiels et indicateurs valides et leacutegitimes Dans ce sens les pratiques eacutemergentes des entreprises favorisant lrsquointerpreacutetation et la deacutelibeacuteration sur les normes et regravegles ouvrent malgreacute les pesanteurs du contexte et le poids des routines deacutefensives en raison du nombre eacuteleveacute de perdants par rapport aux gagnants des perspectives au double plan pratique et theacuteorique Lrsquoanalyse approfondie de ces derniegraveres dans le sens de la contribution agrave lrsquoeacutelaboration drsquoune theacuteorie (non limiteacutee agrave la seule dimension eacuteconomique) de la transition neacutecessite la reacutealisation drsquoeacutetudes longitudinales et multidisciplinaires BIBLIOGRAPHIE Ouvrages et articles Andreff V (2001) Les aspects inertiels de la transition colloque sur lrsquoeacuteconomie et le management dans les pays en transition ESSCA Angers

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SYNDICALISME ET MANAGEMENT DANS LES ENTREPRISES MAROCAINES laquo FAIRE DU DIALOGUE SOCIAL LA SOLUTION DE LA PERFORMANCE ABSOLUE DES ENTREPRISES raquo Karim HAMOUMI1 Doctorant en sciences de gestion ndash CLAREE ndash IAE de Lille

Introduction La deacutefinition du concept Management pose certaines difficulteacutes qui traduisent des divergences entre les auteurs agrave trois niveaux

o lorigine du concept (terme) o sa deacutenomination o et son contenu

En ce qui concerne son origine on rencontre souvent deux types dauteurs

ceux qui pensent que le terme management est dorigine anglo-saxonne et ceux2 qui rappellent quil sagirait dun vieux mot franccedilais dorigine latine (venant de manus la main) proche du verbe italien maneggiare (manier conduire) Ce terme semble-t-il longtemps oublieacute dans la langue franccedilaise a fini par ecirctre remis au goucirct du jour par lAcadeacutemie Franccedilaise en 1973

Il est donc important de noter quaujourdhui les termes management et manager existent bel et bien dans la langue franccedilaise et que comme le preacutecise O Aktouf (1999) le premier y est deacutefini comme conduite direction dune entreprise alors que le second y prend la signification de diriger Sur un autre plan lactiviteacute de conduite des organisations porte plusieurs deacutenominations diffeacuterentes Ainsi on retrouve dans la litteacuterature des termes tels que gestion administration animation3 management ou geacuterer administrer manager ou encore gestionnaire administrateur cadre dirigeant manager manageur Pour S Alecian et D Foucher (1994) le management est le meacutetier qui consiste agrave conduire dans un contexte donneacute un groupe dhommes et de femmes ayant agrave atteindre en commun des objectifs conformes aux finaliteacutes de lorganisation dappartenance H Savall et V Zardet (1997) se diffeacuterencient notablement des autres lorsquils prescrivent le management socio-eacuteconomique qui se reacutesume agrave ameacuteliorer conjointement la performance eacuteconomique des organisations et leur performance sociale et qui met agrave la disposition des managers des outils opeacuterationnels de pilotage Ils proposent en outre une deacutefinition du management qui met laccent dune part sur le caractegravere scientifique de lapproche manageacuteriale et dautre part sur les enjeux contradictoires auxquels les acteurs sont confronteacutes et autour desquels un consensus opeacuteratoire doit ecirctre construit pour produire les biens et les services Il reste donc que le fondement du Management par delagrave les aspects linguistiques reste la recherche de la reacutesolution de la contradiction fondamentale chegravere aux marxistes entre le capital et le travail dans ses aspects objectifs et subjectifs 1 karimhamoumieduniv-lillefr 2 Hermel P Le Management participatif ndash Sens reacutealiteacutes actions Editions dOrganisation 1988 3 Bartoli A Hermel P Piloter lentreprise en mutation ndash Une approche strateacutegique du changement Editions dOrganisation 1986

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Le Syndicalisme4 est le fait social et politique que repreacutesentent lrsquoexistence et lrsquoaction des syndicats des salarieacutes dans leur diversiteacute La principale fonction du mouvement syndical consiste aujourdrsquohui dans la repreacutesentation des travailleurs salarieacutes dans diverses instances intra ou interentreprises voire nationales et internationales neacutegociation de conventions collectives avec les syndicats patronaux dialogue avec les pouvoirs publics sur les grandes orientations de la leacutegislation sociale et du droit du travail (dialogue social5) Intervenant dans lrsquoespace de lrsquoentreprise on voit bien que les termes Syndicalisme et Management nous renvoient vers des ideacuteologies et des reacutealiteacutes bien diffeacuterentes Le Management repreacutesente lrsquoimage du pouvoir dans lrsquoentreprise de la vision et de la strateacutegie porteacutees par les actionnaires et par les deacutecideurs alors que le syndicalisme nous renvoie au contraire agrave une image de deacutefense des inteacuterecircts mateacuteriels et moraux des salarieacutes de lrsquoentreprise Ce qui nrsquoempecircche pas lrsquoexistence de vision et de strateacutegie syndicales Notre probleacutematique ici est de voir dans quelle mesure ces deux concepts vont srsquoaffronter ou srsquoallier pour atteindre chacun ses objectifs propres A premiegravere vue les logiques drsquointeacuterecircts sont fonciegraverement opposeacutees Pour les patrons ce sera la maximisation des profits et pour les travailleurs la juste reacutepartition de leur contribution agrave la constitution de ces mecircmes profits et la maximisation de leur bien ecirctre social Au Maroc et pendant tregraves longtemps crsquoest cette seule conception drsquoaffrontement qui a preacutevalu entre les deux groupes acteurs Face agrave des meacutethodes deacutepasseacutees de direction des entreprises seul le syndicalisme de combat a caracteacuteriseacute lrsquoaction syndicale et la gregraveve lrsquooutil privileacutegieacute contrebalanceacutee par le lock-out patronal Le recours agrave lrsquointermeacutediation de lrsquoinspection du travail ou des autoriteacutes eacutetant plus formel qursquoefficace Mais drsquoun point de vue conceptuel un nouveau style de Management est intervenu depuis pour introduire un certain humanisme dans les relations professionnelles domineacutees jusque lagrave par le taylorisme Et crsquoest le domaine de la GRH6 qui a enregistreacute les plus grandes avanceacutees Les Travaux de Mayo7 (lrsquoeacutecole de Chicago) ou de Maslow ont entraicircneacute une plus grande prise en consideacuteration des conditions psychologiques drsquoeacutevolution ou de motivation du travailleur Au lendemain de la seconde guerre mondiale lrsquoavegravenement de reacutegimes de seacutecuriteacute sociale (au Royaume-Uni Lord Beveridge puis en France) et lrsquoextension des droits sociaux ont infleacutechi les meacutethodes de direction tout comme la creacuteation drsquoespaces de concertation et de neacutegociation (Comiteacutes drsquoentreprises CHSCT8 etc) ont ameneacute les syndicats agrave reconsideacuterer leur rocircle Drsquoune attitude de confrontation et drsquoaffrontement systeacutematiques ils sont inviteacutes agrave devenir des partenaires sociaux privileacutegiant le dialogue et la concertation sur tous les sujets concernant le travailleur et parfois mecircme au-delagrave La cogestion agrave lrsquoallemande ou limplication de repreacutesentants syndicaux dans les conseils drsquoadministration des entreprises en France ont remodeleacute les rapports patronat-syndicat

4 Syndicalisme mouvement social et politique des travailleurs organiseacutes pour deacutefendre leurs inteacuterecircts imposer des changements et parfois transformer le mode de production 5 Dialogue social Une deacutefinition du dialogue social nous est apporteacutee par lrsquoOrganisation Internationale du Travail (OIT) Cette deacutefinition deacutebute en ces termes ldquoLrsquoOIT deacutefinit le dialogue social comme incluant tous les types de neacutegociation de consultation ou simplement drsquoeacutechange drsquoinformations entre les repreacutesentants des gouvernements des employeurs et des travailleurs sur des questions preacutesentant un inteacuterecirct commun relatives agrave la politique eacuteconomique et socialehellip La concertation peut ecirctre informelle ou institutionnaliseacutee et elle conjugue souvent ces deux aspects Elle peut intervenir au niveau national au niveau reacutegional ou agrave celui des entreprises Elle peut ecirctre interprofessionnelle sectorielle ou preacutesenter toutes ces caracteacuteristiques agrave la foishellip Le dialogue social peut prendre diverses formes depuis le simple eacutechange drsquoinformations jusqursquoaux formes de concertation plus aboutieshellip rdquo 6 GRH Gestion des Ressources Humaines 7 Le mouvement des Relations Humaines est neacute des travaux quElton Mayo (1880-1949) a entrepris agrave lusine Western Electric de Hawthorne pregraves de Chicago 1927-1932 Sans rejeter le Taylorisme il cherche les conditions de la meilleure efficaciteacute 8 CHSCT Comiteacute dHygiegravene de Seacutecuriteacute et des Conditions de Travail (au Maroc Comiteacute drsquoHygiegravene et Seacutecuriteacute)

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Les nouvelles techniques de Management surtout dans le domaine de la GRH et le recours aux NTIC9 et aux nouvelles technologies numeacuteriques ont deacutefinitivement remodeleacute lrsquoimage du patron omnipreacutesent et deacutetenteur du pouvoir du savoir en sus des capitaux La mondialisation qui a ameneacute une eacuteconomie de plus en plus globaliseacutee occulte mecircme les veacuteritables deacutetenteurs du capital donc du pouvoir au sein des entreprises Tout ceci a concouru agrave implanter un nouveau modegravele technocratique et deacutepersonnaliseacute agrave la tecircte de lrsquoentreprise et par conseacutequent un nouveau type de relations sociales Quelles conseacutequences pour le syndicalisme Jusque-lagrave marqueacute par un clivage ideacuteologique baseacute de la lutte des classes entre un syndicalisme radical de gauche en combat contre le capitalisme et un syndicalisme modeacutereacute ou de deacutependance confessionnelle le mouvement syndical est interpelleacute pour se trouver de nouveaux repegraveres Avec ses nouvelles techniques le Management ne laisse pas indiffeacuterent Potion magique pour les uns motif de tourments et de frayeurs pour les autres II peut ecirctre conccedilu comme lrsquoensemble des techniques et des compeacutetences visant agrave optimiser lorganisation la planification la direction et le controcircle des structures et des activiteacutes dune socieacuteteacute Ou au contraire comme un outil au service exclusif du patronat visant agrave faire passer les restructurations dentreprises le deacutegraissage des effectifs (licenciements mobiliteacute geacuteographique retraites anticipeacutees et autres deacuteparts volontaires etc)

Tout en admettant lrsquoabsolue neacutecessiteacute de se renouveler tout en reconnaissant la neacutecessiteacute de travailler autrement et pour ce faire de modes dorganisation et de relations sociales diffeacuterents le mouvement syndical vit un dilemme plein de questionnements

Les meacutethodes modernes de gestion doivent-elles rester lrsquoapanage des seules directions dentreprises Le Management est-il agrave rejeter ou bien agrave transformer Peut-on faire le pari du dialogue social de la neacutegociation et tourner le dos aux meacutethodes bien maicirctriseacutees de confrontation et drsquoaffrontement perpeacutetuels Peut-on concilier les besoins de flexibiliteacute des entreprises et les besoins de seacutecuriteacute chez les salarieacutes

Cette alternative est drsquoautant plus cruelle qursquoelle coiumlncide avec un pheacutenomegravene de deacutesyndicalisation acceacuteleacutereacutee La chute du Mur de Berlin (9 novembre 1989) lrsquoeffondrement de lrsquoUnion Sovieacutetique (21 Deacutecembre 1991) qui depuis des deacutecennies du reste ne repreacutesentait plus un espoir drsquoeacutemancipation le vieillissement (obsolescence) du deacutebat ideacuteologique lrsquoameacutelioration geacuteneacuterale des conditions de vie des salarieacutes et sur le plan eacuteconomique le recul des secteurs primaires et secondaires grands pourvoyeurs de bases militantes (cols bleus) au profit du secteur des services (cols blancs) moins sensibles au chant de lrsquoInternationale Ouvriegravere tout comme la monteacutee du chocircmage ont tocirct fait de reacuteduire les effectifs des grandes centrales syndicales et fait eacutemerger un monde unipolaire sous heacutegeacutemonie ameacutericaine Et tout ceci va exacerber les reacuteflexes de meacutefiance et retarder drsquoautant la neacutecessaire mise agrave niveau du mouvement syndical ou accentuer le nouveau clivage entre des centrales participationnistes et drsquoautres plus reacutesistantes Comme on enregistrera la monteacutee en puissance du syndicalisme des cadres Avec la preacutepondeacuterance qursquoils prennent dans les systegravemes manageacuteriaux et leur positionnement agrave la jonction des inteacuterecircts des parties en preacutesence les cadres sont ameneacutes agrave deacutevelopper des formes

9 NTIC Nouvelles Technologies de lrsquoInformation et de la Communication

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de repreacutesentation et drsquointervention distinctifs et agrave se deacutemarquer des autres cateacutegories de salarieacutes

1 Lrsquohistoire du mouvement syndical au Maroc

Syndicats CDT Confeacutedeacuteration Deacutemocratique du Travail CGEM Confeacutedeacuteration Geacuteneacuterale des Entreprises Marocaines CGT Confeacutedeacuteration Geacuteneacuterale du Travail FDT Feacutedeacuteration Deacutemocratique du Travail FOM Forces Ouvriegraveres Marocaines SNES Syndicat National de lEnseignement Supeacuterieur SNP Syndicat National Populaire UGEM Union Geacuteneacuterale des Etudiants Marocains UGSCM Union Geacuteneacuterale des Syndicats Confeacutedeacutereacutes du Maroc UGTM Union Geacuteneacuterale des Travailleurs Marocains UMT Union Marocaine du Travail UNEM Union Nationale des Etudiants Marocains UNFP Union Nationale des Forces Populaires UNTM Union Nationale des Travailleurs Marocains USD Union des Syndicats Deacutemocratiques USFO Union des Syndicats des Forces Ouvriegraveres USP Union des Syndicats Populaires USTL Union des Syndicats des Travailleurs Libres UTM Union des Travailleurs Marocains

Partis Politiques

Le syndicalisme marocain aujourdrsquohui est fragile A lrsquoimage des partis politiques marocains le syndicalisme est eacuteclateacute Le mouvement ouvrier est en reacutegression un cinquiegraveme de la classe ouvriegravere serait aujourdrsquohui syndiqueacute alors qursquoau deacutebut de lrsquoindeacutependance lrsquoUMT comptait agrave elle seule plus de 600000 adheacuterents sur une population drsquoun peu plus de cinq millions drsquohabitants Les faibles effectifs que lrsquoon enregistre aujourdrsquohui se reacutepartissent entre trois grandes centrales lUMT- avec 300000 Adheacuterents lUGTM proche de lrsquoIstiqlal (parti politique marocain)- avec 100000 Adheacuterents et la CDT avec 150000 Adheacuterents reconnues eacutegalement repreacutesentatives au plan national auxquels il faudra rajouter un certain nombre drsquoorganisations ou de confeacutedeacuterations marginales dont certaines ne manquent pas drsquoambition (lUNTM lUSP les FOM lUSTL le SNP lUTM lUSD le SNES lUNEM lUGEM) Les syndicats marocains ont connu plusieurs scissions parfois dramatiques dont certaines ont eacuteteacute suivies de tentatives de reacuteunification souvent eacutepheacutemegraveres Pour mieux appreacutehender les faits actuels il est donc indispensable de faire un retour en arriegravere crsquoest effectivement le passeacute qui nous eacuteclaire sur lrsquoexistence de certaines centrales de certaines traditions toujours vivaces et de certaines rivaliteacutes entre centrales

11 La naissance Crsquoest le 30 Mars 1912 que le Roi du Maroc Moulay Abdelhafid reconnut le protectorat franccedilais dans la zone Sud du Royaume (la zone Nord et les frontiegraveres sahariennes eacutetant confieacutes agrave lrsquoEspagne) Le Geacuteneacuteral Lyautey premier reacutesident geacuteneacuteral (1912-1925) est adepte drsquoune politique soft qui vise agrave preacuteserver les structures existantes et mecircme les formes drsquoadministration territoriale traditionnelles Il megravene une politique assidue envers les habitants du Maroc pays qursquoil se fixa agrave faire progresser en engageant drsquoeacutenormes travaux au niveau de son administration et de ses infrastructures (routes voies ferreacutees ports hocircpitaux eacutecoles etc) Mais degraves son eacuteviction avec la fin de la guerre du Rif (1926) suite agrave lrsquointervention de lrsquoarmeacutee franccedilaise au secours des espagnols les inteacuterecircts coloniaux preacutedominants en meacutetropole appellent agrave mettre en place une administration plus directe agrave lrsquoimage de celle qui existait dans plusieurs de ses colonies et surtout lrsquoexploitation des richesses miniegraveres et agricoles du pays La premiegravere reacuteaction nationaliste se fait ressentir et crsquoest agrave cette eacutepoque que se constitua le Comiteacute drsquoAction Marocaine regroupement de jeunes intellectuels formeacutes en France bientocirct rejoints par de jeunes Ouleacutemas10 issus des universiteacutes theacuteologiques de Fegraves et Marrakech Leurs premiegraveres revendications visent surtout agrave obtenir un minimum de droits pour les 10 Ouleacutemas ou uleacutemas (mot dorigine arabe) Le mot nest en effet que la transposition en franccedilais de larabe ulama pluriel de lsquoalim savant Dans lislam classique et jusquagrave nos jours dans les milieux traditionnels on entend plus largement par ouleacutemas tous les savants en sciences religieuses autrement dit le droit musulman

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habitants et une eacutegaliteacute de traitement par lrsquoapplication des dispositions du texte du Protectorat Et une des premiegraveres confrontations portera justement sur le droit syndical En effet quand lrsquoadministration du protectorat finira par lrsquoaccorder ce sera au seul profit des travailleurs europeacuteens et apregraves des escarmouches au cours des anneacutees 1934 et 1935 la fougue de jeunes nationalistes srsquoest consolideacutee et srsquoest accrue Les premiegraveres gregraveves de Juin 1936 ont eacuteteacute les veacuteritables bacirctisseuses du syndicalisme marocain

12 La marocanisation du mouvement syndical Au lendemain de la seconde guerre mondiale apregraves la fermeture de la parenthegravese vichyste et le retour en force des communistes en France comme au Maroc et surtout la promesse faite en 1943 par le preacutesident Roosevelt au Roi Mohammed V lors de la confeacuterence drsquoAnfa (Janvier 1943) tenue agrave Casablanca (Maroc) de soutenir les ambitions drsquoindeacutependance du Maroc lrsquoespoir des nationalistes marocains se renforccedila sachant qursquoen 1940 la France eacutetait occupeacutee Dans un monde bouleverseacute par la guerre et dans un contexte local travailleacute par la monteacutee de la revendication et du renforcement de la coheacutesion nationale que lrsquoon assiste agrave la marocanisation du mouvement syndical Durant cette phase de lrsquohistoire syndicale du Maroc on assiste au deacuteveloppement de lrsquoorganisation au recrutement massive de Marocains agrave la creacuteation de structures et de traditions de luttes agrave lamorce drsquoune leacutegislation relative aux accidents de travail aux tribunaux de prudrsquohommes au salaire minimum aux congeacutes payeacutes agrave lrsquoinspection du travail Les efforts utiles que les contraintes de la peacuteriode de Vichy nrsquoeffaceront pas et qui permettront la reprise de la vie syndicale en 194311 (A AYACHE 1992) En 1946 une nouvelle avanceacutee srsquoest fait ressentir les Marocains ont pu dans la filiale de la CGT lrsquoUGSCM acqueacuterir des postes en co-geacuterance avec les Franccedilais A partir de 1947 on assiste agrave lrsquoextension du mouvement syndical (mouvement plus libre des composantes politiques et sociales telles que le Parti Communiste Marocain le Parti de lrsquoIstiqlal et lrsquoUnion Geacuteneacuterale des Syndicats Confeacutedeacutereacutes du Maroc) drsquoune part et au deacuteveloppement du libeacuteralisme eacuteconomique et la multiplication des entreprises drsquoautre part qui constitueront les ingreacutedients drsquoun affrontement plus direct Avec lrsquoenclenchement et la deacuteclaration du processus drsquoindeacutependance le mouvement syndical srsquoest transformeacute en mouvement national marocain et en mars 1955 le paysage syndical marocain a changeacute avec la creacuteation de lrsquoUnion Marocaine du Travail (UMT) A partir de cette date lrsquoUMT disposait drsquoune force et drsquoun monopole qui constituait une base arriegravere pour les progressistes radicaux futurs fondateurs de lrsquoUNFP par une scission de lrsquoIstiqlal Celui-ci ne tarda pas agrave reacuteagir par la creacuteation de lrsquoUGTM en 1960 Avec la beacuteneacutediction du pouvoir drsquoautres syndicats verront le jour lrsquoUSTL (1963) lrsquoUSFO (1964) Bien plus tard naicirctra la CDT (1978) par une scission de lrsquoUMT qui est le prolongement drsquoune autre scission de lrsquoUNFP qui verra naicirctre le parti USFP (1975) auquel elle est organiquement lieacutee

11 A AYACHE Le mouvement syndical au Maroc (Tome 2) Paris lrsquoHarmattan 1992

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13 Le mouvement syndical dans le remous Plusieurs facteurs ont contribueacute agrave lrsquoaffaiblissement du mouvement syndical Nous retiendrons ici les effets de quatre variables

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General Tire le ldquomauvaisrdquo exemple Lindustrie marocaine agrave travers General Tire (GTM) qui fut un geacuteantdu pneumatique du Royaume et lun des premiers joint-ventures entreune multinationale - Continental avec 342 actionnaire majoritaire-et une socieacuteteacute marocaine a assisteacute impuissante agrave la mort de ce qui a faitsa fierteacute industrielle des deacutecennies durant Le plan social que le groupeContinental voulait imposer nrsquoa fait qursquoenvenimer le climat au sein delrsquoentreprise Ce qui a conduit agrave la fermeture de GTM et la perte deplusieurs centaines demplois Aucun mot cependant sur les surenchegraveressyndicales qui mecircme si elles ne sont pas agrave lrsquoorigine de la deacutebacirccle decette entreprise ont preacutecipiteacute son arrecirct de mort Le mal qua veacutecu GTM vient de ce que cette entreprise na pas su sadapterdans un environnement qui eacutetait celui qursquoelle avait pour plein de raisons

Des raisons qui sont agrave la fois environnementales au sensreacuteglementaire coucirct de lrsquoeacutenergiehellip

Des eacuteleacutements externes et eacutegalement internes surtout qui sont unedifficulteacute pour les employeacutes et lrsquoorganisation au sens large de sadapter agravedes niveaux de productiviteacute sensiblement supeacuterieurs

Des raisons drsquoacceptation du changement par le personnel Le malaise social a reacutegneacute pendant plusieurs mois la direction na reculeacutedevant rien pour exeacutecuter son programme dit de mise en redressementjudiciaire Dailleurs lrsquoopeacuteration de deacutepart a toucheacute plus de 780 employeacutesparmi les temporaires et les permanents sans que leurs droits sociaux nesoient respecteacutes

o La reacuteorganisation de la classe ouvriegravere Au sujet de ce premier point il nous semble qursquoil est neacutecessaire de situer lrsquoeacutetat des unions syndicales dans le cadre de lrsquoanalyse de la reacuteorganisation du mouvement ouvrier marocain tel qursquoil srsquoest deacuteveloppeacute dans les anneacutees 90 Degraves que lrsquoon srsquoengage dans cette direction de recherche on srsquoaperccediloit agrave quel point la composition de classe srsquoest modifieacutee au cours des derniegraveres anneacutees creacuteant une profonde division entre fractions tendanciellement condamneacutees agrave ecirctre marginaliseacutees et une fraction dont le salaire modifie plus ou moins le comportement et la consommation La frontiegravere entre mouvement ouvrier et classe infeacuterieure se double drsquoune autre frontiegravere seacuteparant les composantes du mouvement ouvrier et affectant le fonctionnement des organisations syndicales Cette recomposition de la classe ouvriegravere explique en partie la prudence historique de ces composantes fortement fixeacutees dans les secteurs les plus compeacutetitifs La prudence de ces fractions de la classe ouvriegravere ne peut ecirctre analyseacutee en termes psychologiques ou en terme de faillite historique elle srsquoexplique par lrsquohistoire industrielle du Maroc moderne et par la position du proleacutetariat industriel dans la structuration sociale globale agrave savoir son encerclement par de larges masses marginaliseacutees et exerccedilant dans lrsquoinformel et par la monteacutee du chocircmage (qui touche de plus en plus de diplocircmeacutes) Un tel comportement social qui est historique nrsquoincite pas beaucoup agrave srsquoengager dans des luttes offensives pour arracher de nouveaux droits et de nouveaux acquis Il incite encore moins agrave prendre lrsquoinitiative dans des gregraveves agrave une eacutechelle plus large Lrsquoobservation concregravete des grandes gregraveves nationales -comme celle du 14 deacutecembre 1990- montre que le proleacutetariat industriel reste en geacuteneacuteral en dehors de ces actions

o Lrsquoentreacutee des femmes dans le marcheacute du travail reacutetribueacute Lrsquoentreacutee des femmes dans le marcheacute du travail a transformeacute la configuration ouvriegravere lors des derniegraveres anneacutees Le travail des femmes se caracteacuterise par des salaires infeacuterieurs une forte seacutegreacutegation professionnelle et des statuts preacutecaires Tous ces eacuteleacutements contribuent agrave affaiblir le lien syndical La relation femmes-faible syndicalisation peut ecirctre lue agrave lrsquoenvers faible syndicalisation-femmes Crsquoest agrave dire que si les femmes ne sont pas fortement syndiqueacutees crsquoest qursquoelles sont souvent employeacutees dans des secteurs ougrave lrsquoidentiteacute syndicale est absente ou peu preacutesente comme le travail agricole lrsquoartisanat les emplois preacutecaires ou le secteur parallegravele voire dans les PME des grandes villes

o Les cadres culturels si lrsquoon veut comprendre lrsquoeacutetat de faiblesse actuelle du mouvement syndical il faudrait travailler sur la maniegravere dont les syndicats mobilisent les cadres drsquointerpreacutetation pour rallier militants et sympathisants Ces cadres ne rencontrent un eacutecho que dans la mesure ougrave ils touchent une corde sensible des salarieacutes et offrent le moyen de

donner du sens agrave leurs expeacuteriences quotidiennes et agrave leurs veacutecus Or ce que nous constatons empiriquement lors des manifestations du premier mai notamment crsquoest que les nouvelles geacuteneacuterations drsquoouvriers semblent apparemment moins attireacutees que leurs aicircneacutes par lrsquoaction syndicale classique Plusieurs raisons sont utiliseacutees pour expliquer cette deacutefiance syndicale chez les jeunes les problegravemes drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi et le caractegravere eacutepisodique de leurs expeacuteriences professionnelles des changements de valeurs sociales par rapport agrave leurs parents La scolariteacute relativement accrue des salarieacutes engendre une grande sensibiliteacute aux nouvelles formes drsquoaction collective qui mettent lrsquoaccent sur la responsabiliteacute individuelle et agrave une preacutefeacuterence agrave lrsquoeacutelaboration de projets individuels En somme une seacuterie de facteurs souvent contradictoires creacuteent les conditions propices agrave un deacutesinvestissement agrave lrsquoeacutegard des valeurs collectives qui caracteacuterisaient le modegravele du syndicalisme du mouvement national

Dialogue social Un cas concret Lafarge au Maroc

afarge Maroc premier cimentier marocain dispose drsquoune capaciteacute de production de 42 millions detonnes et deacutetient plus de 40 de parts de marcheacute Il est aussi preacutesent dans quatre autres activiteacutes leplacirctre le beacuteton les granulats et la chaux industrielle Lafarge Maroc srsquoengage pour le deacuteveloppement des compeacutetences et la formation Elle a ainsi reacutealiseacuteen 5 ans le recrutement de 200 jeunes cadres et agents de maicirctrise Elle a renforceacute les efforts deformation et engageacute un changement de son mode de fonctionnement pour favoriser laresponsabilisation le travail en eacutequipe entre les diffeacuterentes fonctions de lrsquoentreprise Lrsquoinvestissementen actions de formation repreacutesente plus de 4 de la masse salariale Lafarge Maroc inscrit drsquoembleacuteeson activiteacute dans le souci drsquoun deacuteveloppement durable Les deacutepenses pour la sauvegarde delrsquoenvironnement repreacutesentant environ 15 des investissements reacutealiseacutes Apregraves la mise agrave niveauenvironnementale de ses uniteacutes aujourdrsquohui acheveacutee Lafarge Maroc met en place des systegravemes demanagement environnementale de type de ISO 14 001 Les valeurs porteacutees par les Groupe Lafarge et partageacutees par Lafarge Maroc visant au delagrave de la seulereacuteussite de lrsquoentreprise agrave contribuer au deacuteveloppement eacuteconomique et social du pays A lrsquooccasion de la fermeture de lrsquoancienne usine de Teacutetouan Lafarge Maroc a fait le choix drsquoun plan deredeacuteploiement du personnel qui permette agrave lrsquoensemble des personnes temporaires ou permanentes qui

e pouvaient ecirctre transfeacutereacutees sur un autre site du groupe de les accompagner dans une reacuteinsertion quiur assure une activiteacute stable ou un emploi reacutegulier Malgreacute les inquieacutetudes susciteacutees par les difficulteacutes

inheacuterentes agrave un tel projet lrsquoobjectif assigneacute a eacuteteacute atteint Et au delagrave des espeacuterances lrsquoannonce du plan aeacuteteacute anticipeacutee intervenant deux ans avant la fermeture du site permettant un dialogue personnaliseacute avecchacun la formation de tous les salarieacutes et la preacuteparation des projets individuels La plupart despersonnes concerneacutees ont choisi la creacuteation de leur propre activiteacute plutocirct que la recherche drsquoun emploidans une autre entreprise Et gracircce agrave ce choix il srsquoest creacutee bien plus drsquoemplois que la fermeture delrsquousine nrsquoen devait deacutetruire Parallegravelement lrsquoapprovisionnement des clients a pu ecirctre assureacute durant lapeacuteriode de transition sans heurts dans un climat de confiance et sans qursquoaucune journeacutee de gregraveve nrsquoaeacuteteacute agrave deacuteplorer Quatre facteurs ont eacuteteacute essentiels pour la reacuteussite de ce projet de redeacuteploiement du personnel

Le travail tregraves en amont agrave partir de 1997 pour relever le niveau de compeacutetence (bilan descompeacutetences donnant lieu agrave un plan de formation technique important formationsprofessionnelles) Lrsquoun des effets de ces actions a eacuteteacute de renforcer lrsquoemployabiliteacute du personnelde Teacutetouan mecircme si on a pu percevoir agrave cette occasion les limites de toute GPEC (GestionPreacutevisionnelle des Emplois et des Compeacutetences)

La deacutecision drsquoinformer tregraves tocirct les salarieacutes et leurs repreacutesentants syndicaux presque deux ans avant la fermeture officielle Souvent ces deacutecisions drsquoarrecirct drsquoactiviteacute sont mal reccedilues par lessalarieacutes voire agrave la source de conflits sociaux En annonccedilant deux ans avant qursquoelle soit effective la fermeture du site de Teacutetouan la Direction de Lafarge Maroc prenait le risque drsquounemobilisation syndicale et ou drsquoune deacutemotivation du personnel avec perte de production ou baissede qualiteacute avec tout ce que cela implique de deacuteteacuterioration du climat social Mais ce choix parceqursquoexplique comme illustration la volonteacute de donner du temps aux salarieacutes pour preacuteparer leurlaquoreconversionraquo a eacuteteacute un facteur cleacute de reacuteussite Les salarieacutes ont reacutealiseacute que le souci detransparence agrave leur eacutegard nrsquoeacutetait pas qursquoun discours Ce langage de veacuteriteacute a renforceacute la confiance deacutejagrave grande en la Direction de Lafarge Maroc

Le troisiegraveme facteur cleacute de succegraves a eacuteteacute le pari drsquoimpliquer tregraves tocirct les partenairessociaux Des contacts ont eacuteteacute pris directement au niveau de la Direction Nationale duSyndicat repreacutesenteacutee dans lrsquousine Lrsquoassurance de respecter toutes les obligations leacutegalesmarocaines et surtout la volonteacute drsquoaller aundashdelagrave en construisant une nouvelle usine et enaidant agrave la reacuteinsertion par lrsquoaide agrave la creacuteation drsquoactiviteacutes ont convaincu les responsables nationaux de lrsquoUMT Degraves lors lorsque les salarieacutes de lrsquousine les ont interpelleacutes via leursdeacuteleacutegueacutes locaux ce sont eux les syndicalistes nationaux qui ont deacutefendu le projet Lafargefut appeleacutee agrave une collaboration constructive Les syndicalistes locaux ont par la suite prisune part importante dans lrsquoexplication du projet et sa mise en œuvre En rassurant encoopeacuterant ils ont eacuteviteacute toute deacutegradation du climat social et surtout contribueacute agrave ce que les salarieacutes retrouvent un emploi

Le quatriegraveme facteur de reacuteussite a eacuteteacute la collaboration avec les autoriteacutes locales WilayaMinistegravere de lrsquoAgriculture OFPPT (organisme public de formation professionnelle) Leministegravere de lrsquoAgriculture a fortement participeacute par lrsquointermeacutediaire de ses techniciens et ingeacutenieurs agronomes locaux agrave la formation des salarieacutes deacutesireux de se tourner vers ou de

t ti iteacute i l ( lt eacutel i l f ) t agrave l t Il

L

nle

o La nature du secteur priveacute et la crise eacuteconomique En outre il faudrait souligner la faible peacuteneacutetration syndicale dans le secteur priveacute qui est notoire La taille limiteacutee de beaucoup drsquoeacutetablissements et leur caractegravere familial reacuteduisent la capaciteacute des groupements syndicaux drsquoeacutelaborer et de soutenir une communauteacute drsquointeacuterecircts Les relations plus personnaliseacutees entre employeurs et employeacutes dans les petites entreprises qui composent lrsquoessentiel du secteur priveacute rendent moins pertinente la repreacutesentation syndicale Enfin on ne peut saisir lrsquoimpact de ces nouvelles sources de diffeacuterenciation indeacutependamment du contexte dans lequel elles se manifestent et des contraintes auxquelles sont soumis les acteurs syndicaux En effet la crise eacuteconomique a accru lrsquoatomisation de la socieacuteteacute affaiblissant ainsi la capaciteacute drsquoagir des syndicats notamment la CDT et lrsquoUMT et les rendant plus deacutependants de lrsquoEtat et de ses dialogues sociaux Les reacuteformes eacuteconomiques et la privatisation mecircme si sur le long terme creacuteent les conditions favorables agrave lrsquoeacutemergence drsquoacteurs syndicaux autonomes ont eu -en attendant le deacuteploiement drsquoun marcheacute ouvert- un effet tregraves neacutegatif sur lrsquoactiviteacute syndicale et favorisent lrsquoatomisation des syndicats La derniegravere scission en date qursquoa connue la CDT et lrsquoeacutemergence de la FDT a beaucoup affaibli lrsquoaction syndicale

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2 Les pratiques syndicales Nouvel horizon et nouveaux besoins Il nrsquoest pas aiseacute de parler de la relation entre Management et Syndicalisme tant les exigences drsquointeacuterecirct les objectifs les proceacutedeacutes sont distincts mais il est important de constater que les bouleversements du contexte marocain la mondialisation (lrsquoouverture des frontiegraveres permettant les deacutelocalisations drsquoentreprises dans les pays agrave coucircts salariaux deacuterisoires au regard du Royaume) les nouveaux accords de libre-eacutechange entre le Maroc et certains pays industrialiseacutes et du pourtour de la Meacutediterraneacutee le nouveau Code du travail12 qui est entreacute en vigueur au mois de Juin 2004 lrsquointroduction forte des nouvelles technologies de lrsquoinformation et des communications qui reacuteduit lrsquoutilisation de la main drsquoœuvre mecircme la plus formeacutee et la plus expeacuterimenteacutee les eacutevolutions des modegraveles drsquoorganisation et des modegraveles de management dans certaines filiales de multinationales nouvellement installeacutees au Maroc et lrsquoappui au plus haut sommet de lrsquoeacutetat (engagement du Roi Mohamed VI13) interpellent eacutenergiquement le mouvement syndical Jusqursquoagrave nos jours la forme privileacutegieacutee des centrales syndicales marocaines est la gregraveve ce moyen traduit geacuteneacuteralement le meacutecontentement des salarieacutes qui est suivi de lrsquoouverture de neacutegociations Mais compte tenu de lrsquoinflation des difficulteacutes que rencontrent ces salarieacutes (traites agrave honorer scolariteacute des enfants etc) et sans compter que les mots drsquoordre encore deacutecideacutes drsquoen haut on constate de plus en plus que les gregraveves ne sont pas suivies avec le mecircme engagement et enthousiasme Crsquoest pourquoi les centrales syndicales marocaines ont inteacuterecirct agrave modifier actuellement leurs pratiques

21 Un profond besoin de reconstitution Depuis plusieurs deacutecennies on constate que le syndicalisme marocain a du mal agrave se deacutebarrasser du modegravele patriarcal agrave tendance autocratique (il y a le chef spirituel au sommet qui regravegne agrave sa maniegravere et sans partage) Avec le nouveau code du travail marocain le Syndicalisme ne peut plus se reacuteduire agrave la seule protection des inteacuterecircts acquis des salarieacutes Ses champs de meacutediation sont appeleacutes agrave ecirctre diversifieacutes quand bien mecircme il srsquoagit toujours de deacutefendre les inteacuterecircts de ces salarieacutes politique salariale et nouvelles formes de reacutemuneacuteration organisation et conditions de travail mise en place et participation aux comiteacutes drsquohygiegravene de santeacute et de seacutecuriteacute au travail charge et temps de travail mais aussi introduction des nouvelles technologies (intranet ERP14 hellip) Ses formes drsquointervention sont eacutegalement appeleacutees agrave changer accompagnant ainsi les eacutevolutions organisationnelles srsquoadaptant aux eacutevolutions de lrsquoenvironnement Les groupements fusions inteacutegrations ont eu pour conseacutequence de deacuteplacer les endroits de deacutecision menant le syndicalisme agrave deacuteplacer eacutegalement ses lieux drsquointervention Lrsquoexemple des relations sereines entre Directions et Partenaires Sociaux dans les multinationales (SUEZ VEOLIA LAFARGE ALTADIS NESTLE UNILEVER GROUPE 12 Code du travail (Juin 2004) - Article 425 Il introduit lobligation de neacutegociation collective avec les acteurs sociaux de lentreprise Il introduit eacutegalement le comiteacute dentreprise et le syndicat sur la notion de syndicat le plus repreacutesentatif 13 Extrait du discours du Roi Mohammed VI (30072005 - Fecircte du Trocircne) hellip De mecircme Nous attendons des organisations syndicales et des chambres professionnelles quelles jouent activement leur rocircle dans la dynamisation des entreprises dont elles sont des partenaires contribuant agrave leur reacuteussite et agrave leur peacuterennisation Nous rendons eacutegalement hommage aux acteurs de la socieacuteteacute civile pour les efforts quils deacuteploient geacuteneacutereusement en vue de promouvoir les valeurs de citoyenneteacute et deacutevelopper leacuteconomie sociale qui contribue agrave creacuteer les conditions dune vie digne hellip Les prochaines Assises nationales sur lemploi doivent marquer un tournant deacutecisif dans les rapports entre des partenaires solidaires unis par la communauteacute de destin et ouverts au dialogue constructif agrave linnovation creacuteatrice et agrave linitiative individuelle et collective 14 ERP (Enterprise Resource Planning) traduit geacuteneacuteralement par PGI (Progiciel de Gestion Inteacutegreacute)

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ACCOR EUREST SODEXO etc) reacutecemment installeacutees au Maroc en sont un teacutemoignage Les syndicalistes ont lobligation agrave passer de la phase de lrsquoeacutecoute de leurs revendications au dialogue consistant et agrave la neacutegociation sur des bases et avec des arguments nouveaux

22 Le recours aux nouvelles technologies Lrsquointroduction massive des nouvelles technologies a de nombreux effets sur les conditions et les organisations du travail sur les modes de management Pourtant les dispositifs drsquoaccompagnement du changement technologique ne sont pris en compte et ces technologies ne sont pas toujours bien maicirctriseacutees par les centrales syndicales Le syndicalisme ne peut rester insensible agrave tout cela Les NTIC peuvent permettre aux syndicats une meilleure coordination des reacuteactions plus rapides aux deacutecisions de la Direction et une action forte agrave un moindre coucirct Alors que dans beaucoup de pays les sites intranet tendent agrave se multiplier au Maroc les demandes de connexion de la part des centrales syndicales au reacuteseau Internet restent embryonnaires voire inexistantes Avec la multiplication des ordinateurs et leurs prix en nette reacutegression on peut preacutesager que lrsquoeacuteconomie virtuelle peut donner naissance agrave des cyber-reacuteunions syndicales (pour les antennes reacutegionales) agrave des e-tracs voire agrave des cyber-manifestations Srsquoil est aujourdhui sucircr dadmettre lideacutee que les nouvelles technologies de linformation et des communications sont entrain de modifier le paysage institutionnel force est de constater qursquoelles ouvrent le champ des possibles Ainsi des sections syndicales franccedilaises estiment reacutepondre agrave leur devoir drsquoinformation en publiant sur Internet des accords drsquoentreprise des grilles de salaire et comptes-rendus de neacutegociations Coiumlncidence les pays connaissant le plus fort taux de peacuteneacutetration de lInternet tels la Finlande la Suegravede le Danemark ou la Norvegravege preacutesentent aussi la plus forte adheacutesion syndicale

OCP Un dialogue social riche et eacutequilibreacute Le Groupe Office Cheacuterifien des Phosphates (OCP) est speacutecialiseacute dans lrsquoextraction la valorisation etla commercialisation de phosphates et de produits deacuteriveacutes Chaque anneacutee plus de 23 millions detonnes de minerais sont extraits du sous-sol marocain qui recegravele les trois-quarts des reacuteservesmondiales Principalement utiliseacute dans la fabrication des engrais le phosphate provient des sites deKhouribga Bengueacuterir Youssoufia et Boucraacirc-Laacircyoune Selon les cas le minerai subit une ouplusieurs opeacuterations de traitement (criblage seacutechage calcination flottation enrichissement agrave sechellip) Une fois traiteacute il est exporteacute tel quel ou bien livreacute aux industries chimiques du groupe agrave JorfLasfar ou agrave Safi pour ecirctre transformeacute en produits deacuteriveacutes commercialisables acide phosphorique debase acide phosphorique purifieacute engrais solides Premier exportateur mondial de phosphate sous toutes ses formes le Groupe eacutecoule 95 de saproduction en dehors des frontiegraveres nationales Opeacuterateur international il rayonne sur les cinqcontinents de la planegravete et reacutealise un chiffre drsquoaffaires annuel de 13 milliard de dollars Moteur de lrsquoeacuteconomie nationale le Groupe OCP joue pleinement son rocircle drsquoentreprise citoyenneCette volonteacute se traduit par la promotion de nombreuses initiatives notamment en faveur dudeacuteveloppement reacutegional et de la creacuteation drsquoentreprise Dans un contexte de concurrence accrue le Groupe OCP poursuit la politique de consolidation deses positions traditionnelles et deacuteveloppe de nouveaux deacuteboucheacutes Avec une exigence sans cessereacuteaffirmeacutee ameacuteliorer la qualiteacute de ses produits tout en maintenant un niveau eacuteleveacute en matiegravere deseacutecuriteacute et de production de lrsquoenvironnement Le dialogue social a toujours eacuteteacute entretenu entre le personnel du Groupe OCP et la DirectionGeacuteneacuteral agrave travers les instances repreacutesentatives et les organisations syndicales Au niveau local le dialogue est assureacute via les Commissions du Statut et du Personnel (OCP)Composeacutees agrave pariteacute de repreacutesentants de la direction et drsquoeacutelus du personnel ces instances sontchargeacutees de veiller agrave lrsquoapplication du statut et drsquoexaminer les revendications des salarieacutes(embauches titularisations avancement licenciements sanctions disciplinaires hellip) Depuis juin 1995 le dialogue social est eacutegalement engageacute au niveau central par le biais decommissions constitueacutees de responsables de la Direction Geacuteneacuterale et des syndicats repreacutesenteacutes ausein du Groupe OCP Enfin des deacuteleacutegueacutes agrave la seacutecuriteacute eacutelus pour 3 ans et deacutetacheacutes aupregraves du ministegravere de lrsquoEnergie et desMines sont chargeacutes de veiller au respect des conditions drsquohygiegravene et de seacutecuriteacute sur les sites

Les centrales syndicales au Maroc doivent donc prendre des initiatives majeures dans le domaine des NTIC La prioriteacute devrait ecirctre donneacutee aux actions qui visent agrave offrir aux salarieacutes des entreprises une meilleure qualiteacute de linformation en terme de seacutecuriteacute de deacutelai et de proximiteacute

23 Le recours aux meacutedias Cest essentiellement dans la presse que se jouent de plus en plus les rivaliteacutes Il sagit pour les greacutevistes de sattirer la sympathie du public de discreacutediter lentreprise de faire ainsi la pression sur elle jusquagrave ce quelle cegravede Lacharnement des clients et des pouvoirs publics par des e-mails infirmant son comportement est deacutejagrave pratiqueacute dans plusieurs pays industrialiseacutes (USA Allemagne France hellip) Il ne sera plus possible agrave lentreprise de cacher le conflit et lopinion publique est prise agrave teacutemoin et il lui est demandeacute de jouer le rocircle darbitre Une preacutesence forte sur ce champ de lutte est fatalement neacutecessaire sachant que drsquoimportants acteurs eacuteconomiques ont deacutejagrave investi les meacutedias eacutecrits et audiovisuels

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3 Convergence entre Management et Syndicalisme Lencadrement dans lrsquoentreprise est agrave la fois au cœur des changements technologiques des changements drsquoorganisation ils sont les premiers concerneacutes par lrsquointroduction des meacutethodes et outils de gestion Si les choix strateacutegiques leur eacutechappent de plus en plus ils sont confronteacutes quotidiennement agrave des choix opeacuterationnels micro-organisationnels drsquoaffectation et drsquoallocation des moyens de gestion de lrsquoensemble des contraintes auxquelles ils doivent faire face dans leur deacutepartement leur service leur uniteacute Les questions des critegraveres de deacutecision des critegraveres de gestion leur sont familiegraveres souci drsquoeacutequilibre drsquoeacutequiteacute de responsabilisation de reconnaissance des acteurs de maintien et de deacuteveloppement des compeacutetences hellip Les critegraveres qui guident leurs choix ne peuvent ecirctre exclusivement drsquoordre financier Si le management global de lrsquoentreprise les choix macro-organisationnels peuvent faire abstraction des critegraveres autres que financiers degraves lors qursquoil srsquoagit de management de proximiteacute de choix opeacuterationnels le peacuterimegravetre des critegraveres srsquoeacutelargit ineacutevitablement Le cadre a avec lui des ecirctres humains avec leur savoir-faire leur faccedilon drsquoecirctre leur raisonnement leur comportement et leur subjectiviteacute Il doit composer avec lrsquoensemble des ressources dont il dispose lrsquoensemble des contraintes drsquoenvironnement et devient un veacuteritable acrobate Nous constatons combien la question des critegraveres de gestion ne renvoie pas Syndicalisme et Management dos agrave dos mais combien il peut y avoir au contraire convergence drsquointeacuterecirct entre le syndicalisme et les cadres sur la question des critegraveres de gestion A condition toutefois que le dialogue soit permis possible entre le management dans lrsquoentreprise au travers de son reacuteseau de cadres et les syndicalistes Porter au deacutebat aux eacutechanges les questions engendreacutees par la mise en œuvre de nouveaux modegraveles de nouvelles meacutethodes de nouveaux outils de gestion de nouvelles technologies susciter une analyse critique sur les critegraveres de gestion qui sous-tendent ces modegraveles voilagrave un espace totalement ouvert pour le syndicalisme pour srsquoadresser aux cadres sur des questions qui les concernent en premier lieu qui les inteacuteressent sur lesquels seuls il leur sera difficile drsquoagir ou de reacuteagir Le syndicalisme a bien vocation agrave se preacuteoccuper de toutes ces questions car ce sont prioritairement celles de salarieacutes agrave part entiegravere avec leur speacutecificiteacute que sont les cadres de lrsquoentreprise Sur ce terrain de proximiteacute le syndicalisme repreacutesentatif de lrsquoensemble des salarieacutes se doit de promouvoir ses propres valeurs dans lrsquointeacuterecirct des salarieacutes Il a tout inteacuterecirct agrave rejoindre le management agrave srsquoadresser aux cadres et agrave srsquoappuyer sur eux pour ce faire Le syndicalisme a besoin des cadres les managers ont besoin du syndicalisme Degraves lors qursquoil est question de management de proximiteacute on mesure bien quelles peuvent ecirctre les convergences entre Syndicalisme et Management Degraves lors que lrsquoon parle de Management global de lrsquoentreprise on mesure bien aussi quelles peuvent ecirctre les divergences de point de vue drsquoapproche entre syndicalistes et managers Les logiques drsquointeacuterecircts ne sont pas les mecircmes certes mais il importe surtout qursquoil y ait reacuteellement deacutebat neacutegociation ce qui nrsquoest pas toujours le cas et que le syndicalisme soit bien preacutesent dans ces deacutebats y prenne toute sa place

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4 Apports du mouvement syndical pour un dialogue social renforceacute Lrsquoentreprise nrsquoest pas et nrsquoa sans doute pas seule vocation agrave ecirctre citoyenne Elle ne peut toutefois ignorer lrsquoensemble des parties prenantes sous peine de prendre le risque agrave terme de perdre pied et disparaicirctre sous lrsquoeffet de ce qursquoil est convenu le risque socieacutetal Ces parties prenantes que sont les clients et usagers les actionnaires les salarieacutes et la communauteacute doivent ecirctre prises en compte mais comment trouver le bon eacutequilibre Dans un contexte drsquoincertitudes le dialogue social ne peut se reacutesumer agrave la deacutefense drsquointeacuterecircts corporatistes et agrave lrsquoobtention de bons accords drsquoautant que ces seuls objectifs ne suffisent plus agrave entraicircner des adheacutesions ni agrave motiver les adheacuterents Les syndicats doivent innover dans leurs meacutethodes et apporter une reacuteelle valeur ajouteacutee aux services qursquoils offrent et aux actions qursquoils megravenent Srsquoil nrsquoexiste pas de recette sans doute faut-il au moins creacuteer les conditions du dialogue entre les parties les regravegles du jeu du dialogue social Cela suppose de redonner aux corps intermeacutediaires et plus particuliegraverement aux organisations syndicales de salarieacutes la place qui leur revient leur leacutegitimiteacute Le syndicalisme a son mot agrave dire pour sortir de la logique dominante et pesante de la seule compeacutetitiviteacute par les coucircts afin que toutes les parties prenantes du deacuteveloppement eacuteconomique et social soient enfin reconnues et agrave eacutegaliteacute de traitement

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LYDEC acteur exemplaire du dialogue social au Maroc La Socieacuteteacute Lyonnaise des Eaux de Casablanca (LYDEC) assure la distribution de lrsquoeacutelectriciteacute de lrsquoeau etle service drsquoassainissement liquide dans le peacuterimegravetre du Grand Casablanca depuis aoucirct 1997 dans lecadre drsquoun contrat de gestion deacuteleacutegueacutee conccedilu avec le Conseil de la Ville Depuis janvier 2004 elle assuredans le cadre drsquoun contrat speacutecifique la maintenance du reacuteseau drsquoeacuteclairage public dans le mecircmepeacuterimegravetre Sa Direction Geacuteneacuterale assure eacutegalement un soutien fonctionnel agrave la socieacuteteacute Sita Al Baidafiliale du groupe Suez chargeacutee du ramassage drsquoordures meacutenagegraveres et de nettoyage dans le secteur dugrand Maacircrif agrave Casablanca depuis mars 2004 dans le cadre drsquoun contrat de concession Cet ensembledrsquoactiviteacutes qui entre dans le cadre de la politique de diversification voulue par le Groupe Suez etconcreacutetiseacutee par la mise en place drsquoune entiteacute de coordination chargeacutee de la mise en coheacuterence et dudeacuteveloppement de la synergie entre les diffeacuterentes composantes Par ailleurs LYDEC est impliqueacutee dansun ensemble drsquoactions de deacuteveloppement durable sous diverses formes dont deacutesenclavement de localiteacutesla reacutehabilitation drsquoensembles drsquohabitat insalubre lrsquoameacutenagement drsquoespaces verts et de plages ce qui enfait un interlocuteur rechercheacute des autoriteacutes locales et des ONG LYDEC est aujourdrsquohui reconnue pour ses compeacutetences et ses reacutealisations aussi bien sur le plan localqursquointernational Lrsquoentreprise est certifieacutee ISO 9001 depuis janvier 2005 pour lrsquoensemble de ses activiteacutesElle est eacutegalement la premiegravere entreprise marocaine agrave ecirctre eacutevalueacutee par Vigeo agence europeacuteenne denotation sociale Cette eacutevaluation a montreacute qursquoau point de vue de droits humains et plus particuliegraverement du respect de laliberteacute syndicale LYDEC assure la liberteacute des salarieacutes de constituer et de srsquoaffiler aux organisationssyndicales de leurs choix pour respecter lrsquoindeacutependance de ces organisations promouvoir avec elles desrelations constructives et assurer la protection des responsables et des adheacuterents contre les discriminationslieacutees agrave lrsquoexercice drsquoactiviteacutes syndicales LYDEC compte deux types de repreacutesentants du personnel lesmembres du bureau syndicales et les deacuteleacutegueacutes du personnel le protocole drsquoaccord du 10 juillet 2003reprend et complegravete le statut du personnel dans son article 10 les repreacutesentants du personnel par la voixdu Secreacutetaire Geacuteneacuteral ont pour mission de preacutesenter au chef de lrsquoentreprise ou agrave ses repreacutesentants toutesles reacuteclamations relatives aux avantages mateacuteriels la protection sociale lrsquohygiegravene et la seacutecuriteacute et en ceen application des dispositions leacutegales et statutaires Le pouvoir des capaciteacutes syndicales sur les mandats de la repreacutesentation deacuteleacutegueacutee du personnel estreconnu Les deacuteleacutegueacutes du personnel sont eacutelus sur une liste preacutesenteacutee par lrsquoUnion Marocaine du Travail(UMT) Les sujets qui peuvent ecirctre traiteacutes sont reacuteguliegraverement consulteacutes par la Direction Une journeacutee deseacuteminaire annuel est organiseacutee De lrsquoavis du partenaire social le dialogue la concertation et la consultation sont les mots-cleacutes pourcaracteacuteriser la relation entre la Direction et les repreacutesentants du personnel les rapports sont apaiseacutes etconfiants une performance remarquable dans le contexte de relations industrielles locales et le secteurdrsquoactiviteacutes de LYDEC Il y a une reacuteelle collaboration sur tous les dossiers importants comme lebasculement du reacutegime de retraite Les repreacutesentants du personnel sont eacutetroitement lieacutes et ceux-cipeuvent diffuser des messages clairs sur les sujets aux agents Les relations ne prennent pas qursquoune seuleforme mais sont au contraire marqueacutees par une diversiteacute de modaliteacutes qui en symbolise leurs richessesgroupes de travail reacuteunions de neacutegociations autour de protocoles drsquoaccord (trois protocoles drsquoaccord onteacuteteacute signeacutes entre LYDEC et lrsquoUMT ndash1998 1999 et 2003) reacuteunions informelles commissions paritaires La relation avec les repreacutesentants du personnel est manqueacutee par une grande richesse dans lesformes que celle-ci peut prendre neacutegociations consultations revendications propositions A ce

Au Maroc les entreprises et leurs salarieacutes sont comme toujours les plus mal lotis le fonctionnement geacuteneacuteral des institutions eacuteconomiques et sociales ayant eacuteteacute essentiellement penseacute pour les administrations et les grandes entreprises industrielles Le nouveau code du travail a apparemment chercheacute agrave y remeacutedier par des propositions concregravetes comme la mise en place du Conseil drsquoentreprise Le dialogue social est une des clefs de la performance globale des entreprises Il srsquoagit agrave travers lui de prendre en compte les inteacuterecircts de chaque partie parce que pour rester efficace lrsquoentreprise quelle que soit sa taille a besoin pour progresser drsquoinstances de neacutegociation et de besoin drsquoinstances de neacutegociation et de contre-pouvoirs Et ceci est encore plus neacutecessaire dans le contexte eacuteconomique actuel et pour faire face aux mutations sociales auxquelles assiste le Maroc Comment demander aux salarieacutes drsquoecirctre responsables et eacutemancipeacutes dans leur poste de deacuteployer des efforts et des

qualiteacutes relationnelles de faire preuve de creacuteativiteacute et en mecircme temps oublier de leur

demander leur avis sur la maniegravere de conduire lrsquoentreprise neacutegliger de neacutegocier avec eux le bon fonctionnement des relations sociales Pour que ce type de dialogue social existe aujourdrsquohui au Maroc et prenne enfin naissance en particulier dans les PMEPMI il faut revoir les principes mecircmes de son organisation Cette reconfiguration pour ecirctre efficace doit ecirctre deacuteveloppeacutee sur plusieurs axes

Faire eacutevoluer le droit du travail en impliquant les partenaires sociaux (favoriser les accords drsquoentreprise pour des relations sociales plus contractuelles)

Les accords drsquoentreprise doivent primer sur les conventions de branches Celles-ci constituent un niveau de neacutegociation intermeacutediaire qui srsquoarticule de plus en plus difficilement avec les deux autres (lois nationales et accords drsquoentreprise) tandis que beaucoup de conventions collectives ne correspondent plus aux reacutealiteacutes veacutecues par les entreprises et les salarieacutes ni au champ des meacutetiers qursquoelles sont censeacutees couvrir Degraves lors les accords drsquoentreprise devraient ecirctre incorporeacutes au contrat de travail pour en faire un veacuteritable outil de management de proximiteacute

Creacuteation de comiteacute paritaire dont les membres soccupent des questions relatives o agrave lemploi o aux reacutemuneacuterations o agrave la formation et aux reacuteorganisations

Formation et sensibilisation des managers et des partenaires sociaux au rocircle actif quils doivent jouer en matiegravere de dialogue social Cette sensibilisation interviendra pour une bonne part dans un cadre de participation agrave la construction dun compromis social dans lentreprise Trois missions y seront deacutefinies

o ecirctre acteur du dialogue social o deacutevelopper la veille et les relations sociales o veiller agrave leacutequilibre entre efficaciteacute de lorganisation et condition de travail

Revoir la cartographie des meacutetiers (restructurer et reacuteorganiser le meacutetier des branches et des meacutetiers)

Aujourdhui au Maroc les feacutedeacuterations professionnelles regroupent des entreprises de tailles et de meacutetiers diffeacuterents et que de ce fait coexistent un trop grand nombre de conventions souvent non appliqueacutees ou obsolegravetes qui cumulent des dispositions particuliegraveres Il est donc neacutecessaire de redeacutefinir le nombre de branches professionnelles pour quil corresponde non pas agrave la peacuterenniteacute des feacutedeacuterations existantes mais agrave une veacuteritable logique des professions Il faut en effet que ce soit la probleacutematique des meacutetiers et de leur eacutevolution qui fonde ce deacutecoupage et non lrsquoaffiliation agrave un secteur drsquoactiviteacute imposeacutee par les statuts drsquoun syndicat national Conclusion Le dialogue social crsquoest le moyen de concilier les inteacuterecircts cateacutegoriels de la collectiviteacute du personnel et ceux des deacutetenteurs du capital Il est donc lrsquoinstrument privileacutegieacute de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral de lrsquoentreprise Aujourdhui les organisations syndicales ou patronales ne doivent pas manager leur survie et fuir leurs responsabiliteacutes de mecircme que lrsquoEacutetat ne doit pas chercher agrave faire perdurer un systegraveme que chacun sait obsolegravete Une gestion moderne efficace et humaniste des ressources humaines et des organisations ne soppose pas aux garanties collectives et statutaires des salarieacutes Face aux divisions aux oppositions agrave lisolement des individus une autre logique peut simposer fondeacutee sur les coopeacuteration entre salarieacutes services entreprises et administrations le progregraves eacuteconomique et social Cette logique sappuie sur la deacutemocratie la discussion des objectifs et de lorganisation du travail Moyens mateacuteriels et humains pour travailler dans des conditions correctes Creacuteations demplois et dactiviteacutes nouvelles Formation professionnelle deacuteveloppement et

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reconnaissance des qualifications Salaire gestion de carriegravere protection sociale responsabiliteacute droits dexpression de contestation des choix et des propositions Laction syndicale loin davoir perdu de sa pertinence est plus que jamais neacutecessaire pour gagner des espaces de liberteacute agrave lentreprise Pour que les salarieacutes sapproprient de nouveaux domaines dintervention Enfin la socieacuteteacute doit ecirctre capable de prendre en main son avenir Il est temps de faire le pari du dialogue contre celui des structures en se donnant les moyens drsquoinstaurer une veacuteritable culture de neacutegociation au sein des entreprises marocaines malgreacute les reacutesistances et les antiquailles La socieacuteteacute marocaine sans lendemain si ce nrsquoest celui du merchandising et de lrsquoaccroissement des ineacutegaliteacutes peut voir renaicirctre le retour de lrsquoinquieacutetude qui peut ecirctre une nouvelle egravere de doute leacutepoque de labdication plutocirct que celle de la protestation On a constateacute que la monteacutee de lrsquoabstentionnisme politique se conjugue neacuteanmoins avec lrsquoapparition de nouvelles gregraveves lrsquoapparition drsquoune nouvelle combativiteacute syndicale de nouvelles formes de militantisme (extreacutemiste mouvements politico-religieux hellip) Le paysage marocain est tellement bouleverseacute que le chemin de la reconstruction reste un endurant travail agrave reacutealiserhellip La mise agrave niveau souhaiteacutee par le gouvernement marocain ne doit pas ecirctre seulement eacuteconomique et financiegravere Elle doit ecirctre eacutegalement sociale Pour A Bartoli aucune reacuteponse-miracle ne doit sans doute ecirctre attendue hellip la flexibiliteacute et la communication aux niveaux locaux ne peuvent que contribuer agrave linstauration deacutechanges plus constructifs entre acteurs15 En conclusion on peut soutenir que Syndicalisme et Management loin donc de srsquoopposer ont au contraire de nombreux deacutefis agrave relever ensemble si tant est au moment de la mondialisation que la contradiction fondamentale entre le travail et lrsquoargent est encore controcirclable dans lrsquoespace national Le dialogue social doit constituer un eacuteleacutement essentiel dune strateacutegie de reacuteforme de leacuteconomie Cest un moyen darriver agrave un certain consensus de faire accepter agrave chacun sa part de sacrifices Lrsquoanalyse agrave laquelle nous nous sommes atteleacutes dans le cadre de la preacutesente eacutetude a le meacuterite de mettre en exergue les nombreuses opportuniteacutes de coordination de coheacuterence et de compleacutementariteacute qui sont jusqursquoici inexploiteacutes et qui peuvent aider agrave acceacuteleacuterer davantage le train des reacuteformes que souhaitent engager lrsquoEtat Marocain BIBLIOGRAPHIE Aktouf O Le management entre tradition et renouvellement Gaeacutetan Morin 3egraveme eacutedition Montreacuteal 1999

Alecian S et Foucher D Guide du management dans le service public Editions dorganisation 1994

Ayache a Le mouvement syndical au Maroc (Tome 2) Paris lrsquoHarmattan 1992

Bartoli a hermel p Piloter lentreprise en mutation ndash Une approche strateacutegique du changement Editions dOrganisation 1986

Bartoli a Le Management dans les organisations publiques 2egraveme eacutedition DUNOD Paris 1997 2005

Hamoumou M Responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise Un cas concret Lafarge au Maroc 2004

15 A BARTOLI Le Management dans les organisations publiques (2egraveme eacutedition) DUNOD Paris 1997 2005

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Hermel p Le Management participatif ndash Sens reacutealiteacutes actions Editions dOrganisation 1988

Savall H et Zardet V Vers la penseacutee en action strateacutegique ou le non-dit dans le discours sur la strateacutegie Propositions pour ameacuteliorer la qualiteacute scientifique des recherches en strateacutegie Management International vol 2 ndeg 1 77-96 1997

Zyani b Reacuteflexions sur lrsquoadministration locale drsquoun point de vue de science administrative Dar Al Qalam Rabat (Maroc) 2000 (en arabe)

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LES MARCHES PUBLICS UN OUTIL DE DEMOCRATIE PARTICIPATIVE LrsquoAUDIT SOCIAL UN GUIDE PROGRESSIF POUR CONFIRMER LES OBJECTIFS Paul HUENS Chargeacute de direction au service du reacuteseau Objectif Plein Emploi au Luxembourg

Introduction Les Marcheacutes Publics sont aujourdrsquohui consideacutereacutes par le grand public comme la garantie drsquoune transparence de traitement eacutegal et drsquoune concurrence loyale et non fausseacutee Ils sont reacuteglementeacutes par une directive communautaire transposeacutee au niveau national au Luxembourg depuis septembre 2003 Les Marcheacutes Publics au travers de cahiers des charges et des bordereaux tentent de deacutefinir dans lrsquointeacuterecirct du contribuable tous les paramegravetres et toutes les regravegles permettant de reacutealiser son laquo Objet raquo Ces laquo Objets de Marcheacute raquo faisant partie de programmes principalement structurels et relevant de modes de financement qui favorisent la gestion sectorielle reacutepondent preacuteciseacutement aux besoins de lrsquoadjudicateur en terme de services de travaux ou de fournitures Notre projet tente de proposer des initiatives au travers de la leacutegislation en vigueur qui integravegrent les valeurs de lrsquoeacuteconomie solidaire dans lrsquoObjet du Marcheacute en srsquoappuyant sur la notion laquo eacuteconomiquement la plus avantageuse raquo Les facteurs reacutesiduels drsquoune activiteacute eacuteconomique contribuent agrave la creacuteation drsquoune forme de croissance endogegravene Dans les entreprises agrave but lucratif ces facteurs reacutesiduels sont repeacutereacutes et mis agrave profit par des eacuteconomies drsquoeacutechelle (srsquoagrandir pour diminuer les coucircts de fonctionnement) Au niveau de lrsquoeacuteconomie solidaire nous nous proposons drsquoanticiper ces facteurs reacutesiduels en les deacutefinissant comme des objectifs agrave atteindre Ces facteurs reacutesiduels qui srsquoexpriment moneacutetairement dans les entreprises traditionnelles pourraient ecirctre repris par le secteur de lrsquoeacuteconomie solidaire en terme drsquoexternaliteacutes positives Ces externaliteacutes positives agrave deacutefinir par des indicateurs objectivement veacuterifiables (audit social environnemental) devraient par notre deacutemarche ecirctre issus drsquoune relation eacuteconomique alors que dans la deacutefinition theacuteoriquement reconnue ces externaliteacutes ne passent pas par le marcheacute et ne sont pas eacutevalueacutees de maniegravere moneacutetaire Il srsquoagira donc drsquoamener le pouvoir adjudicateur agrave inteacutegrer cette vision afin qursquoil puisse neacutegocier avec le mieux offrant avec lrsquoeacuteconomiquement le plus avantageux toutes les externaliteacutes positives attendues qui devront permettre agrave long terme de creacuteer une croissance et une richesse endogegravene mesurable dans lrsquointeacuterecirct collectif Les diffeacuterentes conceptions de service drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et de deacuteveloppement durable deacutefinies par les forces vives locales (citoyens politiques associatifhellip) doivent rester agrave la base de la deacutemarche proposeacutee

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Le politique peut-ilhellip a-t-il encore les moyens de deacutefendre seul sans lrsquoaide et lrsquoimplication de la socieacuteteacute civile les enjeux drsquoune gouvernance deacutemocratique dans lrsquointeacuterecirct des geacuteneacuterations futures

1 Expeacuteriences et deacutemarches en cours pour lrsquointeacutegration des valeurs de lrsquoeacuteconomie solidaire dans les marcheacutes publics au Luxembourg

Les initiatives proposeacutees par Objectif Plein Emploi asbl (OPE) srsquointegravegrent dans un programme de deacuteveloppement durable neacutegocieacute autour de visions et de reacuteflexions plurielles Cette deacutemarche qui se veut participative impose une mobilisation de la socieacuteteacute civile et du pouvoir politique Dans le cadre de cette approche globale nous proposons agrave nos partenaires ( communes ministegraveres secteur associatif entreprises priveacuteeshellip) de deacutefinir ensemble laquo lrsquoObjet du Marcheacute raquo agrave reacutealiser et drsquoanticiper toutes les externaliteacutes positives par une recherche drsquoindicateurs objectivement veacuterifiables Une fois ce travail preacuteparatoire reacutealiseacute le pouvoir politique adjudicateur possegravedera un outil lui permettant drsquointeacutegrer dans un marcheacute public ou dans la neacutegociation drsquoun Partenariat Public-Priveacute toutes les valeurs retenues Ces valeurs doivent ecirctre deacutefendues par tous les acteurs et intervenants tout au long des neacutegociations preacutealables au programme (voir guide du maicirctre drsquoouvrage ndash eacutedition du moniteur) et lors de la reacutealisation des projets Les enjeux ainsi deacutefinis dans ce programme et transposeacutes dans laquo lrsquoObjet du marcheacute raquo feront partie inteacutegrante du contrat Lrsquoentreprise adjudicatrice ne peut plus se contenter de faire simplement appel agrave une vague notion de gouvernance interne et le pouvoir adjudicateur doit veiller agrave respecter et agrave faire respecter toutes les conditions du contrat sous le regard vigilant de la socieacuteteacute civile participative qui a contribueacute activement agrave la deacutefinition de lrsquoObjet (contraintes et controcircles bottum up et top down garantis) Dans ce contexte pour expeacuterimenter de maniegravere pragmatique les limites de la leacutegislation existante et deacutevelopper des outils pertinents drsquoexeacutecution et drsquoeacutevaluation

1 Notre association mobilise et contribue agrave la creacuteation de structures repreacutesentatives pour le Grand Ducheacute du Luxembourg

Mise en place drsquoun reacuteseau drsquoasbl Ce sont des Centres drsquoInitiatives et de Gestion locaux asbl au nombre de 35 qui repreacutesentent 48 des 118 communes luxembourgeoises pour le deacuteveloppement de lrsquoeacuteconomie solidaire au Luxembourg

(attention aux deacutefinitionshellip les entreprises de lrsquoeacuteconomie solidaire au Luxembourg ne se contentent pas de reacutepondre aux problegravemes de personnes exclues du systegraveme avec lrsquointention de les inseacuterer ou de les reacuteinseacuterer en beacuteneacuteficiant des programmes gouvernementaux existants dans le cadre drsquoune redistribution pure et dure mais veulent proposer des initiatives permettant de reacutepondre agrave des besoins non satisfaits par lrsquoeacuteconomie marchande et proposer des financements mixtes permettant de reacutepondre de maniegravere fonctionnelle et durable aux probleacutematiques socieacutetales rencontreacutees tant par les demandeurs de services que des demandeurs drsquoemploi agrave la recherche drsquoactiviteacutes reacutemuneacutereacutees utiles agrave la socieacuteteacute et creacuteatrices de richesses telles que deacutefinies dans un programme drsquointeacuterecirct collectif ou de deacuteveloppement durable)

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Participation active dans la plate-forme laquo Economie sociale et solidaire du Luxembourg raquo ougrave nous neacutegocions la creacuteation drsquoune agence pour le deacuteveloppement de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire au Luxembourg Creacuteeacute en 2004 suite agrave la mise en place du nouveau gouvernement le service du ministegravere de la famille est actuellement en charge du dossier -Economie Solidaire-

2 Notre association consolide en outre les contacts exteacuterieurs afin de travailler sur des

indicateurs socieacutetaux pertinents Notre association fait depuis peu partie du reacuteseau REVES (Reacuteseau Europeacuteen des Villes et des Reacutegions de lrsquoEconomie Sociale) qui nous permet de renforcer et drsquoeacutechanger nos expeacuteriences au niveau communautaire en vue de promouvoir des approches de subsidiariteacute au niveau local au Luxembourg Nous avons commandeacute une enquecircte nationale aupregraves de lrsquoinstitut luxembourgeois de recherches ILRes concernant la place des services de proximiteacutes au sein de la population luxembourgeoise Ces reacutesultats permettront drsquoalimenter le deacutebat de notre 5iegraveme Confeacuterence Nationale des acteurs beacuteneacutevoles du reacuteseau OPE et drsquoen extraire des indicateurs repreacutesentatifs Une eacutetude reacutealiseacutee en 2002 par le CRIDALSCI (Centre de Recherche et drsquoInformation sur la Deacutemocratie et lrsquoAutonomie Laboratoire de Sociologie du Changement des Institutions) deacutemontre lrsquointeacuterecirct de notre deacutemarche et nous donnes des pistes pertinentes pour notre eacutevolution future Une convention cadre a eacuteteacute signeacutee avec la Feacutedeacuteration Horticole Luxembourgeoise afin de deacutevelopper ensemble le marcheacute et les nouveaux marcheacutes sur base drsquoindicateurs mesurables dans le cadre des prestations proposeacutees par notre association

3 Les deacutemarches concregravetes et actuelles de notre association se reacutesument comme suit

Nous neacutegocions (avant les eacutelections communales de Octobre 2005) avec le pouvoir politique en place de la ville de Wiltz et le centre drsquoinitiatives et de gestion local du reacuteseau OPE pour lrsquointeacutegration de la notion laquo eacuteconomiquement la plus avantageuse raquo dans la deacutefinition drsquoun marcheacute public preacutecis (rue des sports) preacutevu pour 2006 Dans ce contexte ce futur marcheacute nrsquoest pas directement destineacute agrave ecirctre reacutealiseacute par notre asbl dans la mesure ougrave notre participation agrave la deacutefinition du Programme aura eacuteteacute trop importante Nous avons proposeacute au ministegravere des Travaux Publics (partenaire drsquoOPE depuis plus de Vingt ans) une forme de convention baseacutee sur la mise en place de services et drsquoactiviteacutes Notre objectif eacutetant de provoquer un dialogue compeacutetitif (avec toutes les conseacutequences de la remise en question drsquoune approche de subvention baseacutee exclusivement sur une reacuteglementation existante et contesteacutee par le secteur priveacute pour cause de concurrence deacuteloyale) Un deacutebat agrave ce sujet porteacute par notre preacutesident deacuteputeacute est preacutevu agrave la Chambre des deacuteputeacutes au courant de cette anneacutee lors de la cession parlementaire 2005 Nous organisons un recensement continu de maniegravere beacuteneacutevole avec les exeacutecutants les controcircleurs les agents techniques communauxhellipqui de part leurs fonctions et leurs missions sont perpeacutetuellement confronteacutes aux exigences des Marcheacute Publics tels qursquoimposeacutes par le laquo Pouvoir politique raquo en place Globalement ces marcheacutes ne reacutepondent plus aux exigences drsquoun service drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral pouvant ecirctre mis en place par le biais drsquoune redistribution compeacutetitive qui tiendrait compte des valeurs drsquoune eacuteconomie au service de lrsquohomme

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2 Meacutethode contractuelle proposeacutee par OPE pour lrsquointeacutegration des valeurs de lrsquoeacuteconomie solidaire dans les marcheacutes publics

Quel type de contrat pour pouvoir atteindre les objectifs de deacutemocratisation par une approche plus solidaire au travers drsquoun Partenariat Public-Priveacute respectueux de toutes les valeurs porteacutees par cette alternative eacuteconomique que repreacutesente lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Depuis sa creacuteation OPE a toujours proposeacute aux diffeacuterents partenaires des conventions La convention est applicable agrave partir du moment ougrave la personne publique (adjudicateur) deacutecide drsquoune opeacuteration justifieacutee par lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral tout en laissant lrsquoinitiative (la notion drsquoinitiative implique non seulement lrsquoimpulsion du projet mais aussi sa conception et sa deacutefinition) du programme agrave un tiers (le plus freacutequemment agrave une asbl) Aucune contrepartie directe nrsquoest attendue par la personne publique Le marcheacute public est quant agrave lui un contrat qui doit reacutepondre aux besoins bien preacutecis du pouvoir adjudicateur en matiegravere de fourniture de service ou de travaux Le programme proposeacute par OPE se situe quant agrave lui au croisement des chemins entre la convention (initiatives) et le marcheacute public (prestations de services) Si les valeurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire eacutetaient reconnues et eacutetaient inteacutegreacutees par le biais drsquoune deacuterogation agrave la loi sur les marcheacutes publics (voir ce qui est en cours au niveau du projet de loi 5144 pour les initiatives sociales pour lrsquoemploi) la connexion serait eacutetablie et il serait leacutegalement possible pour les entreprises de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire de proposer un programme global aux pouvoirs adjudicateurs qui reprendrait tant lrsquoInitiative que les prestations de services (voir deacutemarches en cours avec le Ministegravere de la Famille pour la mise en place drsquoun cadre leacutegal permettant le deacuteveloppement de lrsquoeacuteconomie solidaire Arrecircteacute Grand Ducal du 7 aoucirct 2004 Art1107 ) Actuellement nous neacutegocions avec les pouvoirs adjudicateurs (Ministegravere des Travaux Publics et communes) au travers de conventions transitoires le programme global lieacute au service drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral pour le deacuteveloppement durable drsquoune eacuteconomie solidaire (initiative) en y annexant des propositions de services qui reacutepondent preacuteciseacutement agrave leurs besoins (prestations de services) Ces propositions ont lrsquoavantage de pouvoir mettre en eacutevidence les activiteacutes proposeacutees tout en tenant compte des valeurs ajouteacutees (internalisation des coucircts externes suivant VADEMECUM de la leacutegislation agrave mettre en relation versus avec les externalisations positives deacutecrites ci-dessus) deacuteveloppeacutees par les initiatives dans le cadre du deacuteveloppement durable Dans ce contexte la notion drsquo laquo eacuteconomiquement la plus avantageuse raquo reprise dans la loi sur les marcheacutes publics constitue une plate-forme de discussion inteacuteressante La loi du 30 juin 2003 ( Art 11- mode drsquoattribution du marcheacute) et le regraveglement Grand Ducal du 7 juillet 2003 (dans ses Art16-objet de la soumission et Art89-Adjudication) preacutevoient de consideacuterer la notion de laquo eacuteconomiquement la plus avantageuse raquo La mecircme loi sur les marcheacutes publics (Article 4-Principes) demande agrave ce que le pouvoir adjudicateur assure la promotion du deacuteveloppement durable

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En srsquoappuyant sur ces deux visions nous voulons persuader le donneur drsquoordre (adjudicateur) que 1) Les valeurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire (si reconnues dans les neacutegociations en cours avec le Ministegravere de la famille et dans un deuxiegraveme temps par le gouvernement) telles que deacutefinies plus haut ont toutes les raisons de faire partie inteacutegrante des principes laquo pour le deacuteveloppement durable raquo deacutefinis par la leacutegislation (Titre II Principes repris dans la leacutegislation dans son Article 4) Ces principes demandent drsquointeacutegrer dans le cahier speacutecial des charges les conditions et lrsquoimportance agrave attribuer agrave la promotion du deacuteveloppement durable Comme nous lrsquoavons deacutejagrave deacutemontreacute notre programme contribue directement (par ses externaliteacutes positives mais aussi par une deacutemocratisation de lrsquoeacuteconomie) agrave la promotion du deacuteveloppement durable Il nrsquoy a donc pas drsquoobstacle agrave ce niveau pour que notre programme soit deacutecrit dans le cahier speacutecial des charges (possibiliteacute drsquoune standardisation tel que preacutevue dans la leacutegislation dans son Art20 par Arrecircteacute Grand Ducal ) Notre Initiative peut donc faire lrsquoobjet drsquoun marcheacute public et ne devrait plus uniquement ecirctre consideacutereacutee comme une convention 2) En ce qui concerne la notion drsquo laquo eacuteconomiquement la plus avantageuse raquo -La loi (Art 11) preacutevoit que le regraveglement GD instaure un cahier geacuteneacuteral ( ) des charges qui deacutefinit la notion drsquoeacuteconomiquement plus avantageuse -Le regraveglement GD quant agrave lui (dans ses Art16 et 89) demande agrave ce que cette notion soit deacutefinie dans un cahier speacutecial des charges La loi preacutevoit dans ses articles que lrsquoobjet de la soumission sera deacutecrit dans un cahier speacutecial des charges et qursquoil faut y indiquer notamment les critegraveres qui entrent en ligne de compte pour deacuteterminer lrsquooffre eacuteconomiquement la plus avantageuse par rapport aux services agrave prester Les valeurs lieacutees agrave lrsquoInitiative reprisent dans la notion laquo eacuteconomiquement la plus avantageuse raquo peuvent donc ecirctre inteacutegreacutees dans lrsquoObjet du marcheacute accompagneacutees du descriptif des services agrave prester (cahier des charges et bordereau) en relation directe avec les besoins du pouvoir adjudicateur

3 Eleacutements positifs constateacutes agrave ce jour La volonteacute politique doit ecirctre forte pour en arriver agrave une telle conception eacuteconomique plurielle mais drsquoores et deacutejagrave les arguments suivants soutiennent cette position volontariste

1) Au niveau national La commune de Wiltz nous a commandeacute un cahier des charges et un bordereau qui permette drsquointeacutegrer ces valeurs de lrsquoeacuteconomie solidaire dans un marcheacute public preacutevu pour 2006 La volonteacute politique existe dans la mesure ougrave ce sujet sera preacutesenteacute aux eacutelecteurs lors des prochaines eacutelections communales du 9 octobre 2005

2) Au niveau national LrsquoArrecircteacute Grand-Ducal du 7 aoucirct 2004 portant constitution des ministegraveres (dans son Art1-10-7) preacutevoit une responsabiliteacute du Ministegravere de la Famille et de lrsquoInteacutegration pour la solidariteacute et la deacutefinition drsquoun Fonds national de Solidariteacute La volonteacute et les deacutemarches en cours de la part du gouvernement luxembourgeois pour mettre en place

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la deacutefinition drsquoun cadre pour lrsquoeacuteconomie solidaire deacutemontre lrsquointeacuterecirct de reacutealiser des avanceacutees pragmatiques Lrsquoengagement actuel du Ministegravere des Travaux Publics et des finances pour deacutefinir la proceacutedure la plus adapteacutee de passation drsquoun marcheacute avec une entreprise de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire ainsi que les financements y rattacheacutes nous donnent des nouvelles opportuniteacutes de dialogues compeacutetitifs (voir opportuniteacute livre vert commission ci-dessous) pour clarifier les actions meneacutees par les entreprises concerneacutees

3) Le livre Blanc de la commission sur les services drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral en ce qui concerne la responsabiliteacute des pouvoirs publics lrsquo(Art1) appuie la neacutecessiteacute drsquoassurer une combinaison harmonieuse des meacutecanismes de marcheacute et des missions de services publics en preacutecisant (Art2) que les Etats membres restent responsables de la deacutefinition deacutetailleacutee des services agrave fournir et de leur mise en œuvre et restent du ressort des pouvoirs publics (Art22) en eacutetant organiseacutes aussi pregraves que possible des citoyens (Art 31) et donc en garantissant une approche deacutemocratique deacutefendue par les entreprises drsquoeacuteconomie sociale et solidaire en ce qui concerne les subventionscompensations deacuteveloppe des travaux et propose des mesures afin que les compensations lieacutees agrave des services drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral ne constituent pas des aides drsquoeacutetat et ne doivent pas directement respecter les regravegles et les plafonds par rapport aux montants preacutevus pour une notification preacutealable au niveau communautaire (voir Art42 en relation avec lrsquoArt86 du traiteacute aux aides drsquoeacutetat accordeacutees sous forme de compensation pour services public) Cette approche devrait rassurer les pouvoirs publics deacutesireux de mettre en place des regravegles nationales qui eacuteviteraient une ouverture trop large de ses frontiegraveres pour des Initiatives telles que deacutefinies dans des programmes socieacutetaux reacutepondant agrave des besoins internes tels que la lutte contre le chocircmage en ce qui concerne lrsquoeacutevaluation des reacutesultats agrave venir ils ne seront pas fondeacutes uniquement sur des critegraveres drsquoefficience eacuteconomique mais aussi sur des critegraveres sociaux eacuteconomiques et environnementaux agrave caractegravere plus geacuteneacuteral (Art45) qui doivent preacuteserver leur singulariteacute lieacutees agrave des exigences particuliegraveres en matiegravere de solidariteacute de collaboration beacuteneacutevoles et drsquoinsertion de groupes de personnes vulneacuterables (Art44) Pour les entreprises drsquoeacuteconomie sociale et solidaire une telle approche rassure et confirme toutes les valeurs deacutefendues journaliegraverement sur le terrain

4) Le livre vert de la commission sur les Partenariats Public-Priveacute et le droit communautaire des marcheacutes publics et des concessions deacutefinit que PPP srsquoinscrit dans lrsquoeacutevolution du rocircle de lrsquoEtat dans la sphegravere eacuteconomique LrsquoEtat passe drsquoun rocircle drsquoopeacuterateur direct agrave un rocircle drsquoorganisateur de reacutegulateur et de controcircleur (Com2004-327 final 113) Les regravegles preacuteconiseacutees passent par des proceacutedures de passation de marcheacutes publics Une nouvelle forme de proceacutedure est neacuteanmoins preacuteconiseacutee sous certaines conditions on parle alors de laquo dialogue compeacutetitif raquo (com2004-327 final 1213) qui permet aux autoriteacutes publiques de discuter avec les entreprises candidates afin drsquoidentifier les solutions susceptibles de reacutepondre agrave leurs besoins Nous retombons eacutegalement dans ce contexte dans les neacutegociations en cours avec les pouvoirs publics au niveau du Luxembourg 5) La Communication interpreacutetative sur le droit communautaire des marcheacutes publics (COM 2001-275 final) autorise que les valeurs sociales et environnementales soient inteacutegreacutees dans la deacutefinition de lrsquoobjet du marcheacute

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Conclusion A partir du moment ougrave ces valeurs sont retenues et que la volonteacute politique est affirmeacutee les marcheacutes publics peuvent contribuer activement agrave la mise en œuvre drsquoune vision plurielle dans le sens ougrave lrsquoefficaciteacute eacuteconomique la solidariteacute sociale et la protection de la nature pourraient devenir des forces motrices pour le deacuteveloppement de synergies agrave mecircme drsquoanticiper lrsquoavenir Nous pensons que lrsquoaudit social organiseacute dans cette universiteacute drsquoeacuteteacute peut nous apporter une contribution importante

agrave la deacutefinition des indicateurs objectivement veacuterifiables en rapport avec les valeurs deacuteveloppeacutees par le secteur de lrsquoeacuteconomie solidaire aux moyens agrave mettre en place pour valider nos actions

Nous vous remercions drsquoavance pour les aides et contributions qui nous permettrons de deacutefendre dans les neacutegociations en cours lrsquoeacutelaboration drsquoun systegraveme drsquoorganisation et de production baseacute sur le respect de lrsquoHomme et de la coheacutesion sociale dont il deacutepend Nous voulons laquo profiter raquo pour faire un appel pressant agrave toutes les volonteacutes individuelles et collectives susceptibles de nous aider pour continuer les recherches entreprises (qursquoelles se situent au niveau juridique mais eacutegalement au niveau de lrsquoAudit Social et environnemental) Pour terminer je voudrais citer un de vos pairs laquo avouons que nous sommes plus preacuteoccupeacutes par nos inteacuterecircts les plus immeacutediats les plus courtermistes que nous sommes mus par des logiques de preacutefeacuterence quasi-exclusivement individuelle Le sens du bien commun de la volonteacute geacuteneacuterale srsquoest effaceacute au profit du deacutesir particulier raquo (Baptiste RAPPIN colloque laquo raison(s) et deacutecision raquo- IAE de Lille 14 juin 2005) Cette citation provocatrice de la part de son auteur est en fait effectivement le contraire de ce que les entreprises de lrsquoeacuteconomie solidaire sont en droit et en devoir de preacutesenter Que cette approche vous invite agrave participer agrave notre projet

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AUX FONDEMENTS DE LrsquoAUDIT SOCIAL HOWARD R BOWEN ET LES EGLISES PROTESTANTES Jacques IGALENS Professeur des Universiteacutes ndash LIRHE et IAE ndash Universiteacute de Toulouse 1 Laiumlla BENRAISS Maicirctre de Confeacuterences en Sciences de Gestion ndash IAE de Bordeaux

Introduction Apregraves le second conflit mondial il faut reconstruire le monde Lrsquoalliance de circonstances entre le capitalisme ameacutericain et le communisme russe laisse place agrave de violents affrontements ideacuteologiques et militaires Avec la guerre de Coreacutee et la guerre froide le monde semble coupeacute en deux et le doute srsquoinstalle notamment chez ceux qui avaient espeacutereacute que la fin de la seconde guerre mondiale serait suivie drsquoune egravere de paix et de reacuteconciliation Aux Etats-Unis lrsquoapregraves guerre est une peacuteriode marqueacutee par lrsquoopposition entre les tenants (minoritaires) de lrsquoancien laquo New Deal raquo de F D Roosevelt et les partisans drsquoun capitalisme plus pur crsquoest agrave dire marqueacute par une moindre intervention de lrsquoEtat feacutedeacuteral dans la conduite de lrsquoeacuteconomie La guerre a grandement ameacutelioreacute lrsquoimage des grandes entreprises ameacutericaines aux yeux du public car elles ont joueacute un rocircle essentiel dans la production des armes qui ont permis la victoire Mais on le comprend aiseacutement cette reacutehabilitation nrsquoest pas sans ambiguiumlteacute Premiegraverement cet effort de guerre a enrichi beaucoup drsquoentrepreneurs et de proprieacutetaires ce qui pose agrave certains un problegraveme moral et qui explique que la philanthropie drsquoentreprise se deacuteveloppe rapidement Certes la philanthropie existait avant guerre et Carneacutegie avait pu par exemple financer la creacuteation de 2800 bibliothegraveques sur ces deniers mais crsquoes entre 1946 et 1960 qursquoelle prend un essor nouveau Ensuite les dirigeants drsquoentreprise commencent agrave srsquoexprimer publiquement et agrave faire valoir leurs conceptions de la place et du rocircle de lrsquoentreprise on peut citer parmi beaucoup drsquoautres Abrams de la Standard Oil Company (Abrams 1951) ou encore Randall de lrsquoInland Steel Company (Randall 1952) mais ces ouvrages ne reacutepondent pas toujours aux questions que se posent lrsquoopinion publique Crsquoest en 1949 dans ce contexte de doute et de questionnements eacutethiques que le conseil feacutedeacuteral des eacuteglises du Christ (eacuteglises protestantes ameacutericaines) passe commande agrave son deacutepartement eacuteconomique dirigeacute par Charles Taft drsquoune large eacutetude sur le thegraveme de laquo lrsquoeacutethique chreacutetienne et la vie eacuteconomique raquo La fondation Rockefeller soutient financiegraverement le programme En 1951 le conseil feacutedeacuteral fusionne avec drsquoautres structures et devient le laquo National Council of the Churches of Christ in the USA raquo regroupant vingt-neuf communauteacutes protestantes et orthodoxes des Etats-Unis la plus importante communauteacute cultuelle des Etats-Unis Six volumes seront publieacutes pour honorer la commande

Goals of Economic Life The American Economy and the Lives of people Social responsibilities of the businessman The organizational Revolution American income and its use Ethics and economic life

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Aucun de ces ouvrages ne sera traduit en franccedilais mais lrsquoun drsquoentre eux exercera une influence certaine aux USA et en France car il est le premier agrave eacutevoquer lrsquoideacutee qursquoil existe une responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise au-delagrave de sa stricte responsabiliteacute eacuteconomique et financiegravere vis agrave vis de ses proprieacutetaires Il srsquoagit de lrsquoouvrage de Howard R Bowen intituleacute laquo Social Responsibilities of the businessman raquo Apregraves avoir rapidement preacutesenteacute lrsquoauteur Howard R Bowen nous exposerons les ideacutees principales de son ouvrage avant de reproduire puis de commenter le passage relatif agrave lrsquoaudit social Nous rejoignons lrsquoauteur qui affirme qursquoagrave sa connaissance agrave la date de publication 1951 il srsquoagit de lrsquoapparition drsquoun concept entiegraverement nouveau

1 Qui est Bowen Bowen est neacute agrave Spokane Washington en 1908 mais il devient un produit intellectuel de lrsquoUniversiteacute de lrsquoIowa Il y fit toutes ses eacutetudes et fut docteur de cette universiteacute en 1935 il la preacutesidera entre 1964 et 1969 Economiste drsquoobeacutedience keyneacutesienne il a meneacute une partie de sa carriegravere dans lrsquoadministration au ministegravere du commerce agrave la commission des finances du Seacutenat et apregraves la guerre au laquo Irving Trust raquo agrave New York Il meurt agrave 81 ans en 1989 Sa carriegravere lrsquoa ameneacute agrave rencontrer beaucoup de personnes de milieux intellectuels et sociaux diffeacuterents et il est attentif aux conseacutequences concregravetes des deacutecisions eacuteconomiques Cela dit sa deacutemarche reste intellectuelle il nrsquoest ni militant ni ideacuteologue il se deacutefinit lui-mecircme dans sa preacuteface comme un laquo ingeacutenieur eacuteconomique raquo Gond et Acquier qui ont eacutetudieacute son œuvre eacutecrivent laquo SOCIAL RESPONSIBILITIES OF THE BUSINESSMAN ne semble pas central dans le parcours acadeacutemique de lrsquoauteur Tout drsquoabord lrsquoouvrage se preacutesente sous la forme de lrsquoessai et ne fait pas figure drsquoun travail de recherche respectant les standards acadeacutemiques propres agrave lrsquoeacuteconomie Ensuite Bowen fait peu reacutefeacuterence au livre dans ses travaux ulteacuterieurs qui se consacreront prioritairement agrave lrsquoeacuteconomie du systegraveme eacuteducatif ameacutericain (Bowen 1977) Enfin Bowen reviendra vingt ans plus tard sur laquoSOCIAL RESPONSIBILITIES OF THE BUSINESSMANraquo en prenant ses distances par rapport agrave lrsquoouvrage jugeant ideacutealiste lrsquoideacutee drsquoune responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise totalement volontaire et avanccedilant lrsquoideacutee qursquoune deacutemarche plus contraignante est neacutecessaire ( Bowen 1978) raquo (Acquier amp Gond 2005)

2 Les ideacutees principales de laquo SOCIAL RESPONSIBILITIES OF THE BUSINESSMAN raquo

Bowen deacutefinit la responsabiliteacute sociale de lrsquoentrepreneur degraves le deacutebut de lrsquoouvrage laquo elle renvoie aux obligations de lrsquohomme drsquoaffaire de poursuivre telles politiques de prendre telles deacutecisions ou de suivre telles lignes drsquoaction qui sont deacutesirables en fonction des objectifs et des valeurs de notre socieacuteteacute raquo il srsquoagit de placer les valeurs reconnues dans la socieacuteteacute au dessus des valeurs personnelles et cela dans un mouvement volontaire de la raison car lrsquohomme drsquoaffaire ayant plus de pouvoir que le simple citoyen il doit ecirctre capable de comprendre lrsquoimpact de son action sur la socieacuteteacute Lagrave reacuteside la notion de responsabiliteacute sociale dans cet abandon de ses propres valeurs au profit de valeurs collectives La dimension protestante apparaicirct plus loin lorsque Bowen montre que les penseurs protestants nrsquoont jamais soutenu de maniegravere inconditionnelle et univoque le systegraveme capitaliste laquo Ils srsquoaccommoderaient mieux drsquoun systegraveme mixant libre entreprise et intervention eacutetatique et ils abordent la question de la

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proprieacuteteacute priveacutee sous lrsquoangle speacutecifique du trusteeship et du stewardship raquo (Acquier ampGond 2005) Rappelons que ces doctrines stipulent que la proprieacuteteacute nrsquoa rien drsquoun droit absolu et inconditionnel et qursquoelle ne peut ecirctre justifieacutee que dans la mesure ougrave lrsquoadministration priveacutee des biens permet drsquoaccroicirctre le bien-ecirctre de la communauteacute Pour Bowen la doctrine de la responsabiliteacute sociale doit ecirctre envisageacutee comme moyen pour orienter lrsquoactiviteacute des entreprises vers lrsquoatteinte des objectifs que la socieacuteteacute civile srsquoest fixeacutee Il deacutetaille ces objectifs en srsquoappuyant sur le premier ouvrage de la seacuterie (laquo goals of economic life raquo) conditions de vie de qualiteacute progregraves et stabiliteacute eacuteconomique seacutecuriteacute des personnes ordre public justice sociale liberteacute drsquoentreprise deacuteveloppement personnel et ameacutelioration dans le cadre de la communauteacute (facteurs lieacutes agrave lrsquoameacutelioration de lrsquoenvironnement notamment) Crsquoest lrsquoencastrement ou lrsquoinscription des regravegles neacutecessaires pour atteindre ces objectifs que recherche Bowen Bien sur il eacutevoque le droit mais il trouve que la loi ne suffit pas et qursquoelle preacutesente des aspects dangereux si elle descend agrave un niveau de deacutetail trop important aussi il en appelle agrave la morale individuelle et agrave lrsquoeacutethique des affaires

3 Lrsquoaudit social selon Bowen Dans un premier temps lrsquoouvrage laquoSOCIAL RESPONSIBILITIES OF THE BUSINESSMANraquo est construit autour de probleacutematiques eacuteconomiques et de leurs conseacutequences eacutethiques Ensuite sont exposeacutees les convictions protestantes (chapitre 5) puis la responsabiliteacute speacutecifique de lrsquohomme drsquoaffaire (chapitres 6 7 8 et 9) Les critiques de la responsabiliteacute sociale sont eacutegalement exposeacutees et notamment la critique portant sur les conseacutequences de la RSE sur les coucircts de production (chapitre 10) le dilemme du choix entre le volontariat de lrsquoentreprise et lrsquoobligation leacutegale est abordeacute ( chapitre 11) puis des propositions sont effectueacutees (chapitres 12 et 13) Parmi les propositions figure la transformation du conseil drsquoadministration Bowen plaide pour lrsquointroduction de repreacutesentants des salarieacutes des fournisseurs des consommateurs des communauteacutes locales et du public laquo en geacuteneacuteral raquo Il ne faudrait pas faire de Bowen un preacutecurseur en la matiegravere car degraves les anneacutees 20 de nombreux auteurs avaient plaideacute sans succegraves dans cette direction (Tawney 1920 Goyder 1951 Douglas 1934 etc) Un certain Beardsley Ruml avait proposeacute avant Bowen un type de repreacutesentation particulier fondeacute sur le laquo trusteeship raquo un administrateur eacutetant eacutelu par les actionnaires avec mission particuliegravere de repreacutesenter telle ou telle cateacutegorie de laquo stakeholders raquo il eacutetait mecircme preacutevu pour lui une reacutemuneacuteration distincte de celle des autres administrateurs car sa tacircche eacutetait plus lourde dans la mesure ougrave il devait en plus de ses obligations normales srsquoefforcer de creacuteer des liens et drsquoobtenir le sentiment de la partie dont il repreacutesentait les inteacuterecircts De mecircme Bowen se prononce pour une repreacutesentation de ce qursquoil appelle le point de vue social dans le management Il esquisse une reacuteforme drsquoenvergure de la formation des managers dans le sens de leur transformation en laquo philosophe drsquoentreprise raquo Il propose que des cadres soient investis de la repreacutesentation des points de vue des parties prenantes Il suggegravere de renverser le sens de la mission du deacutepartement laquo public relation raquo pour qursquoelle serve la cause du public de mecircme il plaide pour que les eacuteconomistes drsquoentreprise eacutetudient les conseacutequences des deacutecisions de lrsquoentreprise sur lrsquoeacuteconomie globale Enfin il propose la creacuteation de mission drsquoaudit social Voici selon notre traduction ce qursquoeacutecrit Bowen dans le chapitre 13 pages 155 et 156

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laquo Un changement institutionnel qui pourrait aider agrave renforcer le point de vue social dans la conduite des affaires pourrait ecirctre lrsquoaudit social De mecircme que les dirigeants soumettent leurs comptes agrave des audits reacutealiseacutes par des commissaires aux comptes indeacutependants ils pourraient eacutegalement accepter de soumettre leurs performances sociales agrave des experts exteacuterieurs agrave lrsquoentreprise et indeacutependants Les auditeurs sociaux effectueraient une eacutevaluation indeacutependante et deacutesinteacuteresseacutee des politiques de lrsquoentreprise concernant les salaires la recherche et le deacuteveloppement la publiciteacute les relations publiques les relations humaines les relations avec lrsquoenvironnement la stabiliteacute de la main drsquoœuvre etc Ils soumettraient ensuite leur rapport agrave la direction et au management avec leur eacutevaluation et leurs recommandations Un tel document serait reacuteserveacute agrave usage interne et ne serait pas public Les audits sociaux pourraient ecirctre reacutealiseacutes tous les cinq ans et pas annuellement comme les audits comptables et financiers Les missions drsquoaudit social devraient ecirctre conduites par une eacutequipe de personnes

Orienteacutees vers le point de vue social Connaissant bien le monde des affaires et ses pratiques Compeacutetentes dans les domaines juridique eacuteconomique sociologique psychologique gestion du personnel gouvernance ingeacutenierie philosophie et theacuteologie

Il est concevable que des eacutequipes seacutepareacutees drsquoauditeurs soient recruteacutees pour chacun des aspects eacutevoqueacutes Ou bien une ou plusieurs socieacuteteacutes drsquoaudit pourraient se speacutecialiser sur ce creacuteneau de lrsquoaudit social Une telle socieacuteteacute pourrait ecirctre une socieacuteteacute priveacutee orienteacutee vers le profit comme le sont les socieacuteteacutes de consultants Ou mieux elle pourrait se constituer en coopeacuterative de service avec des groupement drsquoentreprises agrave la base chacun drsquoentre eux acceptant de partager les deacutepenses pendant un certain nombre drsquoanneacutees et chaque entreprise adheacuterente acceptant de se faire auditer agrave intervalle reacutegulier Lrsquoaudit social aurait plusieurs avantages

Il fournirait une meacutethode reconnue pour porter le cocircteacute social des affaires agrave lrsquoattention du management Lrsquoeacutevaluation des entreprises serait effectueacutee par des personnes exteacuterieures deacutesinteacuteresseacutees et deacutetacheacutees des activiteacutes La creacuteation drsquoun corps drsquoauditeurs sociaux donnerait une impulsion agrave la reconnaissance de normes sociales pour la conduite des affaires Le fait que la restitution se fasse uniquement en interne et pas agrave lrsquoexteacuterieur de lrsquoentreprise autoriserait une totale franchise tout en rendant la chose acceptable par les dirigeants

A ma connaissance le concept drsquoaudit social nrsquoa jamais eacuteteacute preacutesenteacute auparavant Mais il existe des signaux institutionnels dans cette direction Par exemple certaines socieacuteteacutes ont fait reacutealiser des enquecirctes de climat social par des consultants drsquoautres ont inviteacute des professeurs des hommes drsquoEglise et drsquoautres personnes agrave reacutealiser des diagnostics de leurs opeacuterations avec pour objectif drsquo laquo eacuteduquer raquo ces personnes mais aussi drsquo ameacuteliorer par leurs suggestions les performances sociales Pour ces preacutecurseurs lrsquoaudit social sera un prolongement naturel raquo (fin de citation) Le chapitre 13 se termine par un plaidoyer pour la recherche en sciences sociales et nous ne pouvons reacutesister au plaisir corporatiste drsquoune derniegravere citation laquo Lrsquoindustrie deacutepensera des millions de dollars pour trouver une meilleure meacutethode pour deacutecouper de lrsquoacier ou pour deacutevelopper de nouveaux mateacuteriaux plastiques en comparaison elle deacutepense quelques centimes pour financer la recherche en psychologie sociologie

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eacuteconomie ou gestion des disciplines dans lesquelles elle a un inteacuterecirct eacutenorme Il est vrai que la recherche dans les sciences naturelles profite directement agrave lrsquoentreprise qui lrsquoengage car ses reacutesultats sont brevetables La recherche en sciences sociales mecircme si elle peut contribuer agrave abaisser les coucircts ou accroicirctre les ventes ne produit geacuteneacuteralement pas de revenus identifiables pour telle ou telle entreprise Pourtant pour lrsquoindustrie ou les affaires pris comme un tout la recherche en sciences sociale est drsquoun inteacuterecirct consideacuterable raquo

4 Commentaires Bowen un preacutecurseur sans descendance Bowen nrsquoest pas un speacutecialiste de lrsquoaudit lequel agrave lrsquoeacutepoque ougrave il eacutecrit commence drsquoailleurs agrave sortir de la seule speacutecialiteacute comptable et financiegravere pour investir drsquoautres chaicircnes drsquoopeacuterations Il est donc naturel que son propos ne soit pas centreacute sur les meacutethodes mais srsquoen tienne agrave un plaidoyer Quels sont ses arguments Le premier est en droite ligne avec lrsquoensemble du livre le coteacute social des affaires est sous-estimeacute et lrsquoaudit social est un moyen parmi drsquoautres ( la formation des managers la composition du CAhellip) pour introduire du social dans les preacuteoccupations et les deacutecisions de gestion Mais le social pour Bowen ne se limite pas agrave la relation employeuremployeacutes il srsquoagit en reacutealiteacute de la relation de lrsquoentreprise avec ses parties prenantes comme le theacuteorisera Freeman trente ans apregraves lui ( Freeman 1984) Le second argument tient mecircme srsquoil nrsquoemploie pas le terme exact agrave la neacutecessiteacute de disposer de reacutefeacuterentiel il utilise dans ce sens le terme de norme Pas drsquoaudit social sans reacutefeacuterentiel donc appeler au deacuteveloppement de lrsquoaudit social doit conduire au deacuteveloppement de normes sociales dont lrsquoexistence fait cruellement deacutefaut pour la gestion des entreprises ameacutericaines On sait qursquoapregraves la peacuteriode du New Deal une meacutefiance srsquoeacutetait installeacutee vis agrave vis de toute reacuteglementation nouvelle et Bowen de ce point de vue reste en accord avec cette crainte mais comme il est eacutegalement attentif aux deacuterives drsquoune gestion par trop centreacutee sur la recherche exclusive du profit il en appelle agrave une laquo soft law raquo par adoption volontaire de normes sociales Bowen insiste eacutegalement sur la neacutecessiteacute de conserver un certain degreacute de confidentialiteacute sur les reacutesultats de lrsquoaudit car il craint que toute publiciteacute agrave ce sujet devienne une raison invoqueacutee par les dirigeants pour ne pas avoir recours agrave lrsquoauditeur social Bowen associe eacutetroitement lrsquoaudit et lrsquoeacutevaluation et pour lui un audit contient des recommandations Il srsquoagit certainement dans son esprit drsquoune deacutemarche lourde et coucircteuse et pour cette raison il conseille un intervalle de cinq ans entre deux audits Mais il ne deacutetaille pas le contenu de lrsquoaudit Paradoxalement Bowen est plus preacutecis lorsqursquoil eacutevoque lrsquoauditeur social que lorsqursquoil deacutecrit lrsquoaudit social Lrsquoauditeur social doit ecirctre expert dans la matiegravere sociale et surtout indeacutependant ce qui suppose pour Bowen qursquoil soit exteacuterieur agrave lrsquoentreprise pour ne pas ecirctre soumis agrave la pression hieacuterarchique Lrsquoauditeur peut ecirctre membre drsquoune eacutequipe drsquoaudit et cette ideacutee vient agrave Bowen lorsqursquoil eacutenumegravere lrsquoensemble des disciplines dans lequel il le deacutesire compeacutetent Cette liste est si longue (droit eacuteconomie sociologie psychologie GRH ingeacutenierie gouvernance

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philosophie theacuteologie) qursquoil prend conscience de la difficulteacute agrave trouver toutes ces connaissances dans une seule personne La preacutesence de la theacuteologie dans le reacutefeacuterentiel de compeacutetences ne doit pas ecirctre isoleacute de lrsquoorientation protestante de lrsquoouvrage De faccedilon geacuteneacuterale lrsquoideacutee de Bowen est inteacuteressante car elle se deacutemarque drsquoune deacuterive de lrsquoaudit (social ou non social) qui voudrait que la seule speacutecialiteacute de lrsquoauditeur soit la meacutethodologie de lrsquoaudit et plus preacuteciseacutement la meacutethodologie de lrsquoaudit comptable et financier Pour certains on peut avec une meacutethodologie universelle et la connaissance drsquoune norme approprieacutee passer sans difficulteacute de lrsquoaudit qualiteacute agrave lrsquoaudit environnemental ou agrave lrsquoaudit social (Igalens 2005) Bowen plaide pour un auditeur ou une eacutequipe drsquoaudit composeacutee de speacutecialistes mais connaissant bien le monde des affaires afin drsquoeacuteviter des points de vue laquo utopiques raquo sur le monde Il situe la place de socieacuteteacutes drsquoaudit social dans le champ des socieacuteteacutes priveacutees mais note qursquoelle pourrait eacutegalement prendre la forme coopeacuterative ce qui est original et demande quelques explications Cette proposition peut srsquoexpliquer par la crainte que le marcheacute de lrsquoaudit social soit trop limiteacute pour inteacuteresser des socieacuteteacutes priveacutees traditionnelles la forme coopeacuterative eacutetant dans ce cas un moyen pour les futures socieacuteteacutes clientes de se creacuteer un pocircle de compeacutetences tout en assurant aux auditeurs un marcheacute captif Il srsquoagit ici drsquoun lien agrave creacuteer entre auditeur et auditeacute qui nrsquoobeacuteisse pas agrave la seule logique marchande On peut aussi se demander si la forme coopeacuterative ne serait pas proposeacutee par reacutefeacuterence au lien entre auditeur et socieacuteteacute drsquoaudit car lrsquoaudit pourrait neacutecessiter une forme drsquoengagement particulier au service de grandes causes et dans ce cas on pourrait rapprocher les ideacutees de Bowen du deacuteveloppement actuel non des coopeacuteratives mais des ONG qui surveillent et publient des rapports sur les engagements sociaux des entreprises On sait que le militantisme est souvent agrave la base de ces organisations Conclusion On peut relever que Bowen a le meacuterite de penser et drsquoexposer les grandes lignes drsquoune activiteacute et drsquoune profession qui ne verront vraiment le jour qursquoune quinzaine drsquoanneacutees plus tard dans les pays anglo-saxons et trente ans plus tard en France Sa proposition est tout agrave fait insuffisante drsquoun point de vue technique car elle ne donne aucune orientation pratique de ce que pourrait ecirctre une deacutemarche drsquoaudit et elle nrsquoeacutevoque ni technique ni outil Mais il srsquoagit drsquoune ideacutee nouvelle et drsquoun concept nouveau Si lrsquoon voulait relever drsquoautres auteurs preacutecoces ayant chercheacute agrave donner du contenu aux activiteacutes drsquoaudit social on pourrait citer agrave la suite de Bowen lrsquoouvrage de Steiner GA (laquo social audit raquo) paru en 1971 puis celui de John Humble (laquo social responsibility audit raquo) paru en 1973 Dans ce dernier ouvrage figurent des questions relatives agrave la responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise par rapport agrave son environnement externe (communauteacute consommateurs pollution investisseurs) et interne Mais il convient de souligner que ni Steiner ni Humble ne font aucune reacutefeacuterence agrave Bowen et qursquoils semblent mecircme ignorer son existence Aussi agrave bien des eacutegards on peut consideacuterer que le premier auteur agrave avoir proposeacute le terme drsquoaudit social fut un visionnaire mais qursquoil nrsquoeucirct pas de descendance

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Acquier A Gond JP (2005) Aux sources de la responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise (Re)lecture et analyse drsquoun ouvrage fondateur Social responsibilities of the businessman drsquoHoward Bowen Communication au colloque La responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise Reacutealiteacute mythe ou mystification CREFIGE Universiteacute Nancy 2 17 et 18 mars 2005

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Randall CB (1952) A creed for free entreprise Boston

Tawney RH (1920) The acquisitive society New York Harcourt Brace amp Howe pp102-103

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LE ROLE DU CHERCHEUR EN SCIENCES DE GESTION ELEMENTS POUR UNE INTERSUBJECTIVITE CONTRADICTOIRE EN AUDIT SOCIAL Nathalie KRIEF Maicirctre de Confeacuterences en sciences de gestion ndash Universiteacute Jean Moulin Lyon 3 Membre de lrsquoISEOR

Introduction Srsquoil est geacuteneacuteralement admis dans toute activiteacute qursquoun controcircle de qualiteacute des matiegraveres premiegraveres soit reacutealiseacute avant tout lancement drsquoopeacuteration en sciences humaines et sociales on constate une certaine insouciance vis-agrave-vis de la question fondamentale de la qualiteacute des informations Cette question de la qualiteacute des informations en sciences humaines et sociales et plus speacutecifiquement dans les sciences de gestion rejoint drsquoune part la probleacutematique de lrsquoobjectiviteacute des sciences drsquoautre part celle de lrsquoexactitude de la mesure Tout drsquoabord la question de lrsquoobjectiviteacute soulegraveve celle de la scientificiteacute de la recherche En effet tout soupccedilon de subjectiviteacute dans une recherche srsquoaccompagne geacuteneacuteralement drsquoun laquo deacuteni de scientificiteacute raquo (Liotard 2000 p 10) Ainsi si lrsquoobjectiviteacute fait eacutecho quasiment sans ambiguiumlteacute agrave la scientificiteacute parce qursquoelle apparaicirct comme raison subjectiviteacute et scientificiteacute paraissent incompatibles la subjectiviteacute eacutetant consideacutereacutee comme relevant du domaine de lrsquoirrationnel Drsquoautre part et parallegravelement la question de la mesure des pheacutenomegravenes en sciences de gestion est souvent taxeacutee drsquoapproximation Le caractegravere humain des pheacutenomegravenes observeacutes dans les sciences de gestion semble empecirccher toute mesure objective La mesure fidegravele et exacte du social paraicirct donc impossible compte tenu de lrsquointerfeacuterence de lrsquoobservateur humain sur le sujet humain observeacute Ainsi objectiviteacute et exactitude de la mesure permettraient de juger de la scientificiteacute des recherches et des connaissances De nos jours les penseurs et les chercheurs srsquoaccordent sur le fait que les sciences de la nature reconnues pour leur rigueur et leur objectivisme appartiennent agrave la cateacutegorie des connaissances scientifiques alors que les sciences sociales ont une scientificiteacute toujours emprunte drsquoun certain doute Cette communication srsquointeacuteresse agrave la question de lrsquoobjectiviteacute et de la subjectiviteacute des recherches en sciences de gestion Les chercheurs sont-ils laquo asservis raquo dans leur travail de recherche agrave leur propre subjectiviteacute Quels sont les risques de cette subjectiviteacute Comment deacutepasser cette subjectiviteacute et se rapprocher de lrsquoobjectiviteacute

1 Objectiviteacute et subjectiviteacute

11 Objectiviteacute et subjectiviteacute dans les sciences En philosophie lrsquoobjectiviteacute est la qualiteacute de ce qui existe indeacutependamment de lrsquoesprit et par extension de ce qui donne une repreacutesentation fidegravele drsquoun objet de ce qui est exempt de partialiteacute et de preacutejugeacutes Chez Descartes (1637) est objectif ce qui nrsquoest que conceptuel et donc ce qui existe hors de lrsquoesprit comme un objet indeacutependant de lrsquoesprit Par opposition la

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subjectiviteacute eacutevoque le caractegravere de ce qui appartient au sujet et au sujet seul et qui donc considegravere les choses en donnant la primauteacute agrave ses eacutetats de conscience Lrsquohomme peut-il ecirctre veacuteritablement objectif Peut-il se soustraire agrave ses propres eacutetats de conscience en faire abstraction comme srsquoil les maicirctrisait selon une meacutecanique logique et laquo froide raquo Les deux grands paradigmes qui sous-tendent la production scientifique ndash positivisme et constructivisme ndash permettent drsquoeacuteclairer ces premiegraveres interrogations Le positivisme de Comte considegravere qursquoil est possible drsquoacceacuteder agrave lrsquoobjectiviteacute dans les sciences Le positivisme est lrsquoapplication aux sciences sociales et politiques des meacutethodes utiliseacutees dans les sciences positives notamment les matheacutematiques qui sont consideacutereacutees par Comte dans sa classification des sciences comme la base de toutes les sciences Lrsquoobjectif de Comte est de dresser la science politique et sociale qursquoil appelle dans un premier temps laquo physique sociale raquo puis laquo sociologie raquo au mecircme rang que lrsquoastronomie la physique la chimie crsquoest-agrave-dire des pheacutenomegravenes assujettis agrave des lois naturelles invariables (voir agrave ce sujet Opuscules de philosophie sociale 1819-1826) Le paradigme positiviste conccediloit une reacutealiteacute objective du monde observeacute le chercheur pouvant ecirctre neutre vis-agrave-vis de son objet et de son terrain de recherche Le positivisme admet donc une objectiviteacute du chercheur dont la logique deacuteductive baseacutee sur la mesure et lrsquoaxiomatique garantit la scientificiteacute des reacutesultats obtenus (veacuterifiabiliteacute confirmabiliteacute et reacutefutabiliteacute des hypothegraveses) A lrsquoopposeacute le paradigme constructiviste (Usinier et al 1993 Igalens et Roussel 1998 Savall et Zardet 2004) construit notamment agrave partir des travaux de Piaget (1967 1970) considegravere la reacutealiteacute comme socialement construite au sein de laquelle la neutraliteacute et lrsquoobjectiviteacute du chercheur sont un mythe car lrsquointeraction entre lrsquoobservateur et lrsquoobserveacute est une condition de la production de connaissance La communauteacute des chercheurs en sciences de gestion est fortement marqueacutee par le dualisme positivisme-constructivisme ce qui pose donc la question du choix de lrsquoeacutepisteacutemologie (Savall et Zardet 2004 p 59) Cette question soulegraveve donc lrsquoopposition entre recherche ou chercheur objectif et recherche ou chercheur subjectif Elle semble encore plus complexe dans le domaine des sciences sociales ougrave la recherche et la production de connaissances drsquointention scientifique srsquoeacutelaborent au sein drsquoune relation entre deux sujets humains Ainsi se pose la question tant de la subjectiviteacute du ou des chercheurs que de celle des acteurs de lrsquoorganisation sujets et objets de la recherche Les recherches peuvent-elles ecirctre reacuteellement objectives Notre conviction nous amegravene agrave penser que lrsquoobjectiviteacute est un mythe Drsquoune part parce que le chercheur ne peut faire abstraction de ce qursquoil est de ses valeurs mais encore plus il renvoie une image agrave lrsquoobserveacute qui lrsquoincite agrave adopter un comportement particulier laquo Lrsquohomme objectif est bel et bien un miroir habitueacute agrave srsquoassujettir agrave tout ce qursquoil faut connaicirctre sans autre deacutesir que celui que donne la connaissance le lsquorefletrsquo raquo (Nietzsche 1886 p 217) Lrsquoindividu nrsquoest pas que lui-mecircme une heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute srsquoinsegravere dans son uniciteacute (Arendt 1971) Drsquoautre part parce que mecircme dans les sciences de la nature reconnues pour leur scientificiteacute comme les sciences physiques lrsquoobservation et la mesure ne sont jamais neutres ou objectifs Lrsquoacte mecircme de mesurer (le geste) perturbe la mesure Par exemple mesurer la pression drsquoun pneu et le geste qui permet de le faire transforment mecircme si le chercheur ne le souhaite pas la mesure et lrsquoobjet eacutetudieacute On pourrait dire que toutes les recherches sont ainsi soumises agrave des lois de perturbations Celles-ci sont inheacuterentes agrave lrsquoaction drsquoobserver ou de mesurer

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Du cocircteacute du chercheur en sciences de gestion les images et les informations capteacutees et recueillies peuvent srsquoinscrire dans un systegraveme composeacute drsquoune part de ses cinq sens drsquoautre part des instruments drsquoinvestigation qursquoil utilise Le systegraveme perceptuel et sensoriel du chercheur ainsi que les outils qursquoil choisit ne sont pas neutres et ce quel que soit le degreacute drsquoimmersion du chercheur sur son terrain drsquoinvestigation Parallegravelement du cocircteacute des acteurs de lrsquoorganisation les expressions qursquoils formulent agrave lrsquooccasion drsquoun audit social (dans le cadre drsquoentretiens par exemple) ne semblent pas non plus eacutepargneacutees de cette subjectiviteacute Ainsi agrave la subjectiviteacute du chercheur srsquoajoute celle des acteurs de lrsquoorganisation Lrsquointerpreacutetation des mecircmes reacutealiteacutes (eacutevolutives dans le temps) donne parfois lieu agrave des discours diffeacuterents de la part des acteurs chaque acteur raisonnant avec ses propres eacutemotions ses propres convictions et son affectiviteacute

12 Objectiviteacute et subjectiviteacute dans les deacutemarches de recherche-intervention Dans ses travaux sur la meacutedecine expeacuterimentale Claude Bernard (1865) dissocie lrsquoobservateur de lrsquoexpeacuterimentateur Selon lrsquoauteur lrsquoobservateur doit ecirctre laquo le photographe des pheacutenomegravenes (hellip) son observation doit repreacutesenter exactement la nature raquo crsquoest-agrave-dire laquo observer sans ideacutee preacuteconccedilue raquo (p 52) Cette conception renvoie agrave un observateur laquo passif raquo sans eacutemotions qui eacutecrit sous la dicteacutee de la nature Lrsquoexpeacuterimentateur au contraire est laquo actif raquo laquo Lrsquoexpeacuterimentateur reacutefleacutechit essaye tacirctonne compare et combine pour trouver les conditions expeacuterimentales les plus propres agrave atteindre le but qursquoil se propose Il faut neacutecessairement expeacuterimenter avec une ideacutee preacuteconccedilue raquo (p 52) Dans les deacutemarches de recherche-intervention en sciences de gestion (Moisdon 1984 Avenier 1989 Hatchuel 1994 Argyris 1995 Avenier et Nourry 1997 Savall et Zardet 1998 David 2000) ou de recherche-expeacuterimentation (Savall 1978) lrsquoobjectiviteacute du chercheur et des acteurs semble ecirctre une quecircte vaine En effet la recherche-expeacuterimentation srsquoappuie sur une investigation expeacuterimentale des modes drsquoorganisation dans lrsquoentreprise celle-ci eacutetant consideacutereacutee comme un laquo terrain raquo au sens de champ drsquoinvestigations approfondies La production de connaissance est vue pour et par les organisations (Avenier et Nourry 1997) dans une logique transformative Ce type de recherche srsquooppose agrave la recherche contemplative afin de favoriser lrsquoappropriation et lrsquoutilisation par les praticiens de lrsquoentreprise drsquoune partie des connaissances produites par le chercheur et co-produites avec les acteurs de lrsquoorganisation Ainsi le chercheur-expeacuterimentateur agrave lrsquoinstar de celui deacutecrit par Claude Bernard en meacutedecine expeacuterimente avec une ideacutee preacuteconccedilue laquo Dans les sciences drsquoexpeacuterimentation lrsquohomme observe mais de plus il agit sur la matiegravere en analyse les proprieacuteteacutes et provoque agrave son profit lrsquoapparition de pheacutenomegravenes (hellip) A lrsquoaide de ces sciences expeacuterimentales actives lrsquohomme devient un inventeur de pheacutenomegravenes un veacuteritable contremaicirctre de la creacuteation raquo (Bernard 1865 p 48) Ainsi lrsquoexpeacuterimentateur-chercheur laquo doit prendre conscience des registres selon lesquels il pense et perccediloit faute de quoi son appartenance socio-culturelle risque de se muer en un ethnocentrisme producteur de jugements de valeur aveugles et drsquoideacuteologies inconscientes raquo (Savall et Zardet 2004 p 345) Le chercheur nrsquoest pas passif et geacutenegravere des impressions voire des eacutemotions qui vont modifier le comportement et le discours du sujet qui eux-mecircmes vont susciter des reacuteactions eacutemotionnelles chez le chercheur Lrsquoobjectiviteacute paraicirct donc ecirctre impossible agrave atteindre mais parallegravelement la subjectiviteacute peut apparaicirctre dangereuse si elle nrsquoest pas maicirctriseacutee et encadreacutee Si certains preacuteconisent drsquoappliquer une anthropologie reacuteflexive permettant de consideacuterer les conditions de production

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des connaissances et des informations et de deacutelibeacutereacutement inteacutegrer la subjectiviteacute du chercheur nous proposons plutocirct de mettre en place des meacutecanismes et des principes de conduite de recherche permettant de tendre vers une certaine objectiviteacute Renoncer agrave lrsquoideacuteologie de lrsquoobjectiviteacute des informations ne signifie pas pour autant renoncer agrave la qualiteacute des informations Il srsquoagit de remplacer cette impossible objectiviteacute par une laquo intersubjectiviteacute contradictoire raquo Ce processus peut permettre drsquoaffiner le degreacute de signifiance des informations et de renforcer la validiteacute des reacutesultats obtenus

2 Pour une intersubjectiviteacutehellip contradictoire

21 Intersubjectiviteacute agrave la frontiegravere des paradigmes Lrsquointersubjectiviteacute caracteacuterise une situation de communication entre deux sujets Intersubjectiviteacute est composeacute de laquo inter raquo qui signifie ou suggegravere la laquo relation entre raquo la communication et de laquo subjectiviteacute raquo qui fait reacutefeacuterence agrave lrsquointuition du sujet par lui-mecircme agrave ce qui lui est propre La subjectiviteacute drsquoun individu se reacutefegravere agrave lrsquoinfluence qursquoont sur lrsquoactiviteacute mentale de cette personne son tempeacuterament ses propres convictions ses centres drsquointeacuterecirct et motivations personnelles Le concept drsquointersubjectiviteacute fut eacutenonceacute pour la premiegravere fois par le philosophe allemand Edmund Husserl fondateur de la pheacutenomeacutenologie reprise plus tard par Merleau-Ponty Lrsquointersubjectiviteacute est deacutefinie comme une laquo communication telle qursquoelle srsquoeacutetablit entre les consciences raquo de deux personnes humaines (Bourdon 1999 p 656) Ainsi de mecircme que toute conscience est conscience de quelque chose notre conscience reconnaicirct lrsquoexistence drsquoautres consciences dans une expeacuterience originaire de coexistence que Husserl appelle intersubjectiviteacute Lrsquointersubjectiviteacute suppose le deacutetour indispensable par le discours de lrsquoautre et la prise en compte de la penseacutee drsquoautrui dans lrsquoeacutelaboration des connaissances du sujet Dans cette conception intervient le solipsisme selon lequel le laquo moi raquo avec ses sensations et ses sentiments constitue la seule reacutealiteacute existante dont on soit sucircr Selon Merleau-Ponty une subjectiviteacute reacuteveacuteleacutee agrave elle-mecircme et agrave autrui constitue une intersubjectiviteacute Afin de se rapprocher drsquoune certaine objectiviteacute nous proposons de mettre en place une intersubjectiviteacute contradictoire qui consiste agrave confronter les points de vue relatifs et subjectifs de chacun des acteurs en organisant et en suscitant des interactions entre acteurs doteacutes en partie de points de vue convergents et en partie de points de vue diffeacuterents voire contradictoires

22 Principes drsquointersubjectiviteacute contradictoire Comment assurer lrsquointersubjectiviteacute contradictoire Nous proposons drsquoappreacutehender ce pheacutenomegravene agrave partir des principes de la recherche-intervention meneacutee selon la theacuteorie et la meacutethodologie socio-eacuteconomique (Savall 1975 Savall et Zardet 1987) Lrsquointersubjectiviteacute contradictoire prend place drsquoune part dans la collecte de lrsquoinformation drsquoautre part dans lrsquoanalyse et lrsquointerpreacutetation de ces informations Car il y a laquo deux choses agrave consideacuterer dans la meacutethode expeacuterimentale 1deg lrsquoart drsquoobtenir des faits exacts au moyen drsquoune investigation rigoureuse 2deg lrsquoart de les mettre en œuvre au moyen drsquoun raisonnement expeacuterimental afin drsquoen faire ressortir la connaissance de la loi des pheacutenomegravenes raquo (Bernard 1865 p 42)

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Ainsi il nous fait consideacuterer drsquoune part le rocircle des acteurs chercheur(s) et acteurs de lrsquoorganisation drsquoautre part les deux mouvements entrant en consideacuteration dans le processus de production de connaissances collecte et analyse

221 Collecte drsquoinformations Dans la phase de collecte drsquoinformations le chercheur met en œuvre plusieurs techniques de collecte de lrsquoinformation lui permettant de rendre moins subjectives les donneacutees collecteacutees Le triptyque [entretiens observation analyse de documents] est un des principes de mise en œuvre de lrsquointersubjectiviteacute contradictoire La qualiteacute de la base drsquoinformations sera drsquoautant plus grande qursquoelle sera le reacutesultat drsquoune combinaison de techniques de collecte drsquoinformations Les entretiens semi-directifs permettent aux acteurs de lrsquoorganisation de srsquoexprimer de maniegravere abondante sur des thegravemes concernant la performance sociale tout en limitant lrsquointervention et lrsquoinfluence du chercheur qui la plupart du temps se tait pour recueillir comme un laquo theacuterapeute raquo lrsquoexpression des acteurs Cette collecte par entretiens limite les biais du questionnaire ougrave bien souvent agrave lrsquooccasion de questions fermeacutees la reacuteponse est dans la question La multipliciteacute des acteurs rencontreacutes en entretiens tend eacutegalement agrave obtenir une image proche de la reacutealiteacute mecircme si dans le cadre drsquoentretiens les acteurs srsquoexpriment tant sur des descriptions factuelles que sur des ressentis et des opinions personnelles Plus le chercheur combine les sources de collecte drsquoinformations et multiplie son panier drsquoinformateurs moins il sera deacutependant de leur vision subjective (Savall et Zardet 2004 p 213) Lrsquoanalyse de documents internes agrave lrsquoentreprise permet de compleacuteter lrsquoinformation collecteacutee au moment des entretiens en preacutecisant deacutetaillant ou atteacutenuant des positions personnelles de certains acteurs intervieweacutes Enfin lrsquoobservation directe affine lrsquoimage obtenue de lrsquoorganisation et de sa performance sociale Dans le cadre de recherches-interventions la forte preacutesence du chercheur sur son terrain drsquoexpeacuterimentation rend possible une observation quasi quotidienne des situations de travail sur une longue peacuteriode

222 Analyse et interpreacutetation des informations Dans la phase drsquoanalyse des informations collecteacutees lrsquointersubjectiviteacute contradictoire srsquoinscrit au sein du dispositif de restitution des reacutesultats (laquo effet-miroir raquo) et drsquointime conviction de lrsquointervenant (avis drsquoexpert) Les risques drsquoaffectiviteacute du chercheur drsquoideacuteologies professionnelles ou culturelles peuvent lrsquoinciter agrave eacutepouser les repreacutesentations drsquoun corps social en particulier Pour faire face agrave ces risques de trop forte subjectiviteacute il est important drsquoorganiser le filtrage et lrsquoaffinage des informations collecteacutees par la preacutesentation laquo effet-miroir raquo des repreacutesentations collecteacutees Cette premiegravere eacutetape permet de creacuteer une premiegravere phase drsquoeacutechange entre les acteurs sur des reacutealiteacutes plurielles collectives et partageacutees (convergences) et des reacutealiteacutes plus singuliegraveres constituant des speacutecificiteacutes Il srsquoagit alors de construire des dispositifs iteacuteratifs pour confronter explicitement les diffeacuterents acteurs doteacutes de leurs points de vue et analyses respectifs afin drsquoen identifier les convergences et les speacutecificiteacutes Sur ces points un deacutebat

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srsquoengage pour creacuteer une certaine intersubjectiviteacute crsquoest-agrave-dire une communication entre deux ou plusieurs personnes consideacutereacutee sur le plan drsquoeacutechange de contenus Afin drsquoaffiner les repreacutesentations des acteurs et celles du chercheur ce dernier peut mettre en application un principe compleacutementaire drsquoanalyse au second degreacute des situations deacutecrites Ainsi la triangulation [entretiens documents observation] finaliseacutee dans un premier temps par une laquo restitution raquo collective des laquo reacutesultats bruts raquo obtenus peut ecirctre compleacuteteacutee drsquoun filtrage compleacutementaire agrave travers une analyse temporelle et une analyse de contenu Le discours drsquoun acteur dans une organisation est tout drsquoabord affecteacute par des pheacutenomegravenes temporels le preacutesent le passeacute et le futur influencent le discours des acteurs Le preacutesent (ou actualiteacute) impressionne lrsquoacteur Un eacuteveacutenement reacutecent aura tendance agrave ecirctre survaloriseacute dans un entretien ce qui introduit un biais dans lrsquoexpression de lrsquoacteur Cette information reacutecente est-elle bien peseacutee par lrsquoacteur Le passeacute ou lrsquoeffet meacutemoire entrent eacutegalement en ligne de compte Un acteur fortement marqueacute par un eacuteveacutenement passeacute aura tendance agrave le placer encore dans son actualiteacute alors que celui-ci nrsquoest plus preacutesent De mecircme certains eacuteveacutenements passeacutes ne sont pas meacutemoriseacutes par lrsquoacteur Lrsquoavenir ou lrsquoanticipation projective conduit certains acteurs agrave assimiler une situation possible ou deacutesireacutee agrave une situation reacuteelle Ainsi la sinceacuteriteacute et lrsquoauthenticiteacute des informations collecteacutees sont laquo affecteacutees drsquoune part par lrsquoamneacutesie des acteurs et drsquoautre part par une certaine confusion entre lrsquoeffet strateacutegique du discours et lrsquoeffet descriptif de lrsquoobjet raquo (Savall et Zardet 2004 p 222) Ce premier filtre temporel peut ecirctre compleacuteteacute par un second filtre permettant de mettre en eacutevidence les dadas les tabous et les contentieux Les dadas individuels ou collectifs conscients ou inconscients peuvent srsquoapparenter agrave une laquo ideacutee fixe raquo A lrsquoopposeacute les tabous repreacutesentent les ideacutees non exprimeacutees par les acteurs par crainte pudeur ou convention sociale laquo Ces non-dits ces contournements et reacutetentions existent dans toute organisation et le chercheur gagne agrave srsquointerroger a priori sur les tabous sous-jacents aux discours recueillis et qursquoil convient de deacutetecter raquo (Savall et Zardet 2004 p 224) Enfin les contentieux constituent un troisiegraveme eacuteleacutement pouvant laquo polluer raquo les discours des acteurs Le processus deacutefinit pour mettre en œuvre une certaine objectiviteacute par intersubjectiviteacute contradictoire consiste donc drsquoune part agrave faire le tri entre lrsquoensemble des discours des acteurs par le filtre temporel et le filtre des dadas-tabous-contentieux drsquoautre part agrave permettre des iteacuterations successives permettant de reacuteveacuteler aux acteurs les informations collecteacutees pour les faire reacuteagir et creacuteer au fur et agrave mesure une intersubjectiviteacute productrice de nouveau sens Ce processus permet aussi drsquoaffiner la mesure de la performance sociale par un encadrement progressif Tout comme une mesure exacte nrsquoa pas de sens mecircme si elle existe toujours les recherches tentent de srsquoapprocher le plus possible de cette mesure par un encadrement Mecircme dans les sciences les plus perfectionneacutees et avec les instruments les plus preacutecis la mesure nrsquoest toujours qursquoun encadrement de mesure Mesurer la longueur drsquoune table en ignorant aussi tous les effets de dilatation revient agrave donner une laquo fourchette raquo plus ou moins grande de mesure Il en va de mecircme des recherches dans le domaine social Lrsquoexpeacuterience permet de srsquoapprocher drsquoune mesure vraisemblable par encadrement mais la mesure exacte nrsquoa pas de sens Si lrsquoobjectiviteacute paraicirct donc une quecircte vaine et que la subjectiviteacute apparaicirct risqueacutee pour produire des connaissances drsquointention scientifique lrsquointersubjectiviteacute contradictoire permet drsquoeacuteviter toute affectiviteacute dans la recherche et de limiter les risques drsquointerpreacutetation erroneacutee des

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situations deacutecrites par les acteurs Ainsi le chercheur agrave lrsquoimage drsquoun laquo savant expeacuterimentateur raquo (Bernard 1865 p 85) nrsquoimpose pas son ideacutee et tente par les diffeacuterents meacutecanismes deacutecrits de ne pas non plus se faire laquo manipuler raquo par les acteurs de lrsquoorganisation BIBLIOGRAPHIE ARENDT H (1971) Consideacuterations morales 1egravere publication 1971 in Revue Social Research 1993 Editions Tierce pour la traduction franccedilaise 1996 Rivages-Poches Petite Bibliothegraveque

ARGYRIS C (1995) Savoir pour agir Surmonter les obstacles agrave lrsquoapprentissage organisationnel InterEditions traduction de Knowledge for Action A Guide to Overcoming Barriers to Organizational Change Jossey-Bass 1993

AVENIER M-J (1989) laquo Meacutethodes de terrain et recherche en management strateacutegique raquo Economies et Socieacuteteacutes Seacuterie Sciences de Gestion ndeg14 deacutecembre pp 199-218

AVENIER M-J et NOURRY L (1997) laquo Connaissances engendreacutees dans une lsquorecherche-interventionrsquo modaliteacutes de production et conditions de leacutegitimation raquo Colloque laquo Constructivisme(s) et sciences de gestion raquo IAE de Lille octobre pp 307-318

BERNARD C (1865) Introduction agrave lrsquoeacutetude de la meacutedecine expeacuterimentale 1egravere eacutedition 1947 Flammarion 1984

BOURDON B (1999) Dictionnaire de la langue franccedilaise Flammarion

COHEN E (1997) laquo Episteacutemologie de la gestion raquo Encyclopeacutedie de gestion 2egraveme eacutedition Economica pp 1158-1178

COMTE A (1852) Discours sur lrsquoesprit positif Chronologie introduction et notes par Annie Petit eacutedition de 1999 Vrin

DAVID A (2000) laquo La recherche-intervention cadre geacuteneacuteral pour la recherche en management raquo ouvrage collectif DAVID A HATCHUEL A et LAUFER R Les nouvelles fondations des sciences de gestion Eleacutements drsquoeacutepisteacutemologie pour les sciences du management Editions Vuibert Collection FNEGE

DESCARTES (1637) Discours de la meacutethode eacutedition de 1997 Hachette

HATCHUEL A (1994) laquo Les savoirs de lrsquointervention en entreprise raquo Entreprises et Histoires ndeg7 pp 59-75

HUSSERL E (1905-1935) Sur lrsquointersubjectiviteacute Tome 1 eacutedition de 2001 PUF

HUSSERL E (1905-1935) Sur lrsquointersubjectiviteacute Tome 2 eacutedition de 2001 PUF

IGALENS J et ROUSSEL P (1998) Meacutethodes de recherche en gestion des ressources humaines Economica

LIOTARD P (2000) laquo Le hibou et lrsquoalouette Approches plurielles et enjeux de recherche raquo Working Paper 18 p

MERLEAU-PONTY M (eacutedition de 1976) Pheacutenomeacutenologie de la perception Gallimard

MERLEAU-PONTY M (eacutedition de 1979) le visible et lrsquoinvisible Gallimard

MOISDON J-C (1984) laquo Recherche en gestion et intervention raquo Revue Franccedilaise de Gestion septembre-octobre pp 61-73

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NIETZSCHE F (1886) Par-delagrave le bien et le mal Preacutelude agrave une philosophie de lrsquoavenir eacutedition de 2000 Le Livre de Poche

PETIT J-L (1996) Solipsisme et intersubjectiviteacute quinze leccedilons sur Husserl et Wittgenstein Cerf

PIAGET J (1967) Logique et connaissance scientifique Encyclopeacutedie de la Pleacuteiade Gallimard

PIAGET J (1970) Lrsquoeacutepisteacutemologie geacuteneacutetique 4egraveme eacutedition 1988 PUF

SAVALL H (1975) Enrichir le travail humain lrsquoeacutevaluation eacuteconomique Dunod nouvelle eacutedition augmenteacutee 1989 Economica

SAVALL H (1978) laquo Propos drsquoeacutetape sur la reacutegulation socio-eacuteconomique de lrsquoentreprise par la recherche de la compatibiliteacute de lrsquoefficience eacuteconomique et du deacuteveloppement humain raquo Rapport du VIIegrave Colloque International du Collegravege de France deacutecembre 1977 Revue Economie Appliqueacutee ndeg4 36 p

SAVALL H et ZARDET V (1987) Maicirctriser les coucircts et les performances cacheacutes 3egraveme eacutedition augmenteacutee 1995 Economica

SAVALL H et ZARDET V (1998) laquo La dimension cognitive de la recherche-intervention la production de connaissances par interactiviteacute cognitive raquo Revue Internationale de Systeacutemique Vol 10 ndeg1-2 pp 157-189

SAVALL H et ZARDET V (2004) Recherche en sciences de gestion approche qualimeacutetrique Observer lrsquoobjet complexe Economica

STEINER R et BARBEZAT A (2002) Goethe le Galileacutee de la science du vivant Novalis

TESTART A (1991) Essai drsquoeacutepisteacutemologie Christian Bourgeois

USINIER J-C EASTERBY-SMITH M et THORPE R (1993) Introduction agrave la recherche en gestion Economica 2egraveme eacutedition 2000

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DETECTION ANALYSE ET QUANTIFICATION DU RISQUE SOCIAL LE MODELE MRS Hubert LANDIER Consultant directeur de la lettre laquo Management social raquo Membre du conseil drsquoadministration de lrsquoIAS Bernard MERCK Consultant et chercheur en RH Membre du conseil drsquoadministration de lrsquoIAS

Introduction Le laquo social raquo pour beaucoup de managers a longtemps pu repreacutesenter la part drsquoirrationnel que comporte lrsquoentreprise Les effets drsquoun mauvais climat social nrsquoeacutetaient pas quantifiables Nrsquoeacutetant pas quantifiables ils nrsquoapparaissaient pas dans la comptabiliteacute Nrsquoy apparaissant pas ils eacutetaient nuls et non avenus Nombre de DRH ont ainsi pu constater venant des laquo opeacuterationnels raquo ou des financiers le manque drsquointeacuterecirct pour une dimension de lrsquoentreprise dont ils eacutetaient incapables de mesurer les conseacutequences positives ou neacutegatives sur les reacutesultats de lrsquoentreprise Dans un contexte de concurrence qui tend en permanence agrave reacuteduire les marges de manœuvre ces conseacutequences pourtant peuvent ecirctre deacuteterminantes pour la reacuteussite de lrsquoentreprise Une deacuteteacuterioration du climat social peut se traduire par une baisse de lrsquoefficaciteacute collective au travail par une progression de lrsquoabsenteacuteisme par une augmentation indeacutesirable du turn-over avec le deacutepart des meilleurs et par des risques de conflit susceptibles eux-mecircmes de peser sur lrsquoimage de lrsquoentreprise et donc sur son attractiviteacute commerciale Parce qursquoil ne figure pas en tant que tel dans la comptabiliteacute le coucirct social est un coucirct cacheacute qui nrsquoen constitue pas moins un coucirct reacuteel Degraves lors sa prise en compte en vue drsquoactions correctives susceptibles de le reacuteduire peut constituer pour lrsquoentreprise une source de productiviteacute importante Il srsquoagit donc drsquoeacutevaluer le coucirct drsquoun climat social deacuteteacuterioreacute et drsquoen preacuteciser les causes afin drsquoadopter des mesures correctrices dont le coucirct lui-mecircme mesurable constituera un investissement rentable pour lrsquoentreprise et un progregraves pour les salarieacutes qursquoelle emploie MRS (laquo Modegravele drsquoanalyse du risque social raquo) a ainsi pour objet de proposer agrave la Direction Geacuteneacuterale de lrsquoentreprise et au DRH un outil opeacuterationnel qui leur permettra de deacutetecter les actions prioritaires agrave mener et drsquoen calculer la rentabiliteacute

1 De la deacutetection des irritants agrave la mesure du risque social

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La deacutegradation du climat social se traduit par des coucircts actuels et par des coucircts potentiels Les coucircts actuels sont de diffeacuterentes natures ils reacutesultent notamment de lrsquoexistence drsquoun absenteacuteisme excessif drsquoun turn over trop eacuteleveacute avec le deacutepart des meilleurs eacuteleacutements et surtout de la perte drsquoefficaciteacute collective telle qursquoelle se traduit par des neacutegligences geacuteneacuteratrices de pertes de productiviteacute voire de pannes ou de malfaccedilons et parfois mecircme par des deacutegradations volontaires Quant aux coucircts potentiels ils correspondent au risque de gregraveve et aux pertes financiegraveres qui en reacutesultent directement et indirectement (alteacuteration de lrsquoimage de lrsquoentreprise deacuteteacuterioration de la relation avec les clients deacutepart de certains drsquoentre eux) On notera ainsi que le coucirct social ne reacutesulte pas seulement des conflits lorsqursquoils se produisent mais qursquoil reacutesulte eacutegalement des comportements des salarieacutes au quotidien Ce coucirct repreacutesenteacute par une deacutegradation de leur efficaciteacute individuelle et collective peut srsquoeacutevaluer en pourcentage de la masse salariale Or les enquecirctes de climat social nous apprend que celui-ci peut ecirctre tregraves eacuteleveacute Il srsquoagit donc pour lrsquoentreprise drsquoun reacuteservoir de productiviteacute important Reste agrave savoir ce qui conduit les salarieacutes agrave faire preuve de neacutegligence agrave srsquoabsenter sans cause reacuteelle et seacuterieuse agrave chercher agrave quitter lrsquoentreprise voire mecircme agrave se lancer dans un mouvement de gregraveve Les enquecirctes de climat social reacutevegravelent que de tels comportements reacutesultent de la multiplication de ce que nous avons appeleacute des laquo irritants raquo les irritants repreacutesentent toutes sortes de petits problegravemes de tracasseries de sources drsquoinquieacutetude ou de frustration qui au quotidien viennent veacuteritablement polluer la vie de chacun dans lrsquoentreprise et contribuent ainsi agrave la deacuteteacuterioration du climat social Il srsquoagira par exemple des questions maintes fois poseacutees et qui ne reccediloivent aucune reacuteponse ou encore des augmentations de salaire attribueacutees preacutetendument au meacuterite mais dont lrsquoattribution ne semble reacutesulter drsquoaucun critegravere preacutecis Ce sont donc lagrave drsquoautant de sources de meacutecontentement qui le plus souvent demeurent inexprimeacutees mais qui conduisent ceux qui les subissent agrave moins srsquoimpliquer dans leur travail agrave se comporter individuellement ou collectivement drsquoune faccedilon moins efficace qursquoils ne le seraient en lrsquoabsence de tels irritants

Lrsquoappreacuteciation du risque implique ainsi une deacutetection des irritants qui contribuent agrave la deacutegradation du climat social et agrave lrsquoapparition et au deacuteveloppement des tensions Plusieurs

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dizaines drsquoenquecirctes approfondies et des centaines drsquointerviews en profondeur reacutealiseacutees dans le cadre de missions drsquoappreacuteciation du climat social et de deacutetection des sources de tensions1 ont permis drsquoeacutetablir un reacutefeacuterentiel correspondant aux irritants que lrsquoon trouve le plus freacutequemment agrave lrsquoorigine drsquoune deacutegradation significative des relations de travail Ce reacutefeacuterentiel est au cœur du modegravele MRS Il srsquoagit en effet de deacutetecter parmi les 32 irritants reacutepartis en 5 familles figurant dans ce reacutefeacuterentiel ceux drsquoentre eux qui sont susceptibles drsquoexpliquer une deacutegradation du climat social et donc de peser sur les coucircts reacuteels ou potentiels de lrsquoentreprise ou de lrsquoeacutetablissement ougrave ils ont eacuteteacute constateacutes Principales sources de dysfonctionnement internes geacuteneacuteratrices de tensions sociales A - Comportement perccedilu de la Direction 1 - Eacuteloignement des centres de deacutecisions 2 - Absence de reconnaissance pour le travail accompli 3 - Incapaciteacute agrave preacutesenter un projet mobilisateur 4 - Manque de coheacuterence visible de lrsquoeacutequipe de direction 5 - Absence drsquoune visibiliteacute suffisante de la politique poursuivie B - Comportement perccedilu de lrsquoencadrement 6- Deacutefinition insuffisante des rocircles respectifs du n+1 et du n+2 7- Preacutesence insuffisante sur le terrain 8- Manque de respect pour le personnel 9- Comportement autoritariste ou incapaciteacute agrave animer et agrave reacuteguler lrsquoeacutequipe 10- Incapaciteacute agrave faire progresser les personnes 11- Existence drsquoordres et de contre-ordres 12- Absence drsquoinformations claires et complegravetes 13- Absence de reacuteponse aux questions et aux suggestions drsquoameacutelioration 14- Deacutefaillances dans le traitement des symboles C- Composition sociologique de lrsquoeacutetablissement et repreacutesentation du personnel 15- Querelles entre anciens et nouveaux 16- Existence de groupes sociaux fortement typeacutes du point de vue ethnique sociologique ou

professionnel 17- Existence drsquoune repreacutesentation du personnel peu structureacutee et peu repreacutesentative 18- Existence drsquoune surenchegravere entre organisations syndicales concurrentes 19- Existence drsquoune tradition de confrontation sociale D - Mise en œuvre perccedilue des meacutethodes de management 20- Informations geacuteneacuterales insuffisantes 21- Incompreacutehension des modes de fonctionnement de lentreprise et des exigences qursquoils

impliquent 22- Neacutegligences dans lrsquoaccueil des nouveaux embaucheacutes

1 Cf Hubert Landier et Daniel Labbeacute Le management du risque social Editions drsquoorganisation 2004

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23- Absence drsquoentretiens peacuteriodiques seacuterieusement faits 24- Mesures salariales individuelles diffeacuterencieacutees mais non justifieacutees de faccedilon claire 25- Possibiliteacutes drsquoeacutevolution insuffisantes ou reacutepondant agrave des regravegles insuffisamment claires

entraicircnant un sentiment dinjustice ou dineacutequiteacute E - Perception de lrsquoavenir et des rapports de lentreprise agrave son environnement 26- Inquieacutetude en ce qui concerne la peacuterenniteacute de lrsquoeacutetablissement ou de lemploi 27- Incertitude en ce qui concerne les intentions de la Direction 28- Evolution deacutefavorable des meacutetiers pratiqueacutes 29- Crainte de deacuteclassement par insuffisance des compeacutetences requises 30- Relations difficiles avec les usagers ou les clients 31- Evolution insuffisamment comprise des modes de fonctionnement entre lentreprise et ses

partenaires 32- Changement imposeacute sans explications suffisantes du cadre institutionnel Ces irritants toutefois nrsquoont pas la mecircme porteacutee sur le comportement du personnel selon notamment lrsquohistoire sociale de lrsquoentreprise ou de lrsquoeacutetablissement ougrave ils ont eacuteteacute constateacutes crsquoest pourquoi MRS pondegravere leurs effets par des laquo facteurs contextuels raquo au nombre de 8 et qui sont susceptibles soit de renforcer soit de reacuteduire les conseacutequences des irritants en termes de deacutegradation du climat social Facteurs contextuels internes 1 Attachement du personnel agrave lrsquoentreprise 2 Discipline de travail 3 Continuiteacute dans la mise en oeuvre de la politique sociale 4 Existence drsquoune tradition de neacutegociations sociales 5 Meacutemoire de traumatismes sociaux (restructuration ou rachat) 6 Existence de contentieux juridiques entre les syndicats et la Direction 7 Existence drsquoune tradition de confrontation sociale 8 Existence de groupes militants radicaux Reste agrave mesurer la porteacutee des irritants et des facteurs contextuels Cette mesure est effectueacutee par le moyen drsquoun questionnaire eacutelectronique de 120 questions parameacutetreacute par MRS de faccedilon agrave aboutir agrave une veacuteritable cartographie du risque social dans lrsquoentreprise ou dans lrsquoeacutetablissement

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2 La preacutesentation drsquoune cartographie du risque social Selon le degreacute de preacutecision rechercheacute le questionnaire pourra ecirctre instruit par un nombre limiteacute de personnes deacutesigneacutees par la Direction afin drsquoeacutevaluer globalement et rapidement la situation ou au contraire par un panel significatif de salarieacutes voire par la totaliteacute du personnel pour obtenir une analyse deacutetailleacutee et preacutecise MRS constitue alors lrsquoeacutequivalent drsquoune enquecircte par sondage reacutealiseacutee sur un support informatique permettant non seulement de connaicirctre le point de vue des personnes interrogeacutees moyennant respect de leur anonymat mais eacutegalement de mesurer le risque social et son coucirct et de deacutetecter ainsi puis deacutecider en connaissance de cause des actions prioritaires susceptibles drsquoecirctre meneacutees afin de remeacutedier agrave une situation deacuteteacuterioreacutee Selon le niveau de MRS choisi par lrsquoentreprise cliente les reacutesultats peuvent ecirctre preacutesenteacutes drsquoune faccedilon syntheacutetique par laquo familles drsquoirritants raquo (preacutesentation en eacutetoile) ou drsquoune faccedilon beaucoup plus deacutetailleacutee irritant par irritant (preacutesentation en zigzag) Ces reacutesultats peuvent concerner selon les cas

lrsquoentreprise envisageacutee globalement

chacun de ses diffeacuterents eacutetablissements

des ensembles homogegravenes qui figurent dans le modegravele MRS sous lrsquoappellation de laquo pocircles raquo

Bien entendu ces reacutesultats sont susceptibles de faire lrsquoobjet drsquoeacutetudes comparatives

comparaison des reacutesultats drsquoun pocircle ou drsquoun eacutetablissement particuliers par rapport agrave lrsquoentreprise envisageacutee globalement

comparaison de pocircle agrave pocircle ou drsquoeacutetablissement agrave eacutetablissement

comparaisons dans le temps en vue de mesurer les effets des actions correctrices mises en œuvre dans lrsquointervalle

Reste agrave eacutevaluer le coucirct social repreacutesenteacute par les dysfonctionnements mis en lumiegravere par le modegravele celui-ci fait lrsquoobjet drsquoune estimation faisant appel aux techniques assurantielles par reacutefeacuterence agrave une table prenant en compte agrave la fois lrsquoeffet des irritants et lrsquoeffet positif ou neacutegatif des facteurs contextuels Lrsquoentreprise dispose ainsi drsquoune eacutevaluation fondeacutee des coucircts sociaux reacutesultant des dysfonctionnements qui sont agrave la source des irritants du coucirct potentiel pondeacutereacute par sa probabiliteacute reacutesultant drsquoun eacuteventuel conflit et du gain agrave attendre de la mise en oeuvre drsquoactions correctives

5

Mesure du risque social

0

5

10

15

20Comportement Direction

Comportement Encadrement

Composition sociologiqueMeacutethode de management

Perception avenir

Moyenne Enquecircte Risque

Analyse du risque social

Facteurs eacuteleacutementaires Commentaires

Moyenne Panel Enquecircte socieacuteteacute

6

3 Les diffeacuterentes utilisations possibles de MRS De la simple estimation du risque social agrave lrsquoeacutechelle de lrsquoentreprise envisageacutee globalement faisant appel agrave lrsquoappreacuteciation drsquoun nombre limiteacute de ses dirigeants agrave lrsquoenquecircte la plus deacutetailleacutee fondeacutee sur la consultation drsquoun nombre important de collaborateurs MRS se preacutesente ainsi comme un outil tregraves souple susceptible de plusieurs utilisations possibles

eacutevaluation de la performance sociale de lrsquoentreprise en des termes coheacuterents avec les critegraveres de rentabiliteacute auxquels sont soumis ses diffeacuterents projet de deacuteveloppement dans le domaine technique ou commercial

eacutevaluation des marges de progregraves possibles de lrsquoentreprise par comparaison avec la moyenne observeacutee pour lrsquoensemble de la profession

eacutevaluation compareacutee des performances obtenues par diffeacuterents sites ou diffeacuterents pocircles

eacutevaluation du ROI des projets drsquoaction dans le domaine du management humain

deacutetection des eacutecarts entre la strateacutegie arrecircteacutee par la Direction geacuteneacuterale et sa mise en oeuvre sur le terrain

sensibilisation des managers agrave la dimension sociale de leur mission et aux coucircts reacutesultant de neacutegligences de leur part en matiegravere de management humain

sensibilisation des financiers agrave lrsquoimpact des actions meneacutees dans le domaine social

recherche des actions prioritaires dans le domaine des relations de travail en vue drsquoune ameacutelioration de la performance globale de lrsquoentreprise

eacutevaluation des effets des actions meneacutees en vue drsquoune ameacutelioration du climat social

Des exemples drsquoutilisations possibles de MRS 1 ndash Une entreprise du secteur des services veut creacuteer un baromegravetre de climat social interne et applique MRS agrave un grand nombre de petits eacutetablissements avec la possibiliteacute de suivre drsquoanneacutees en anneacutees lrsquoeacutevolution des actions correctives meneacutees avec lrsquoencadrement local 2 - Une entreprise inteacutegre MRS dans ses actions de formation de ses managers aux relations sociales afin de les convaincre de lrsquoimportance de leur rocircle social en termes drsquoimpact sur les reacutesultats et de leur permettre de suivre par la suite leurs progregraves 3 ndash Une entreprise industrielle confronteacutee agrave des situations sociales tendues dans certains de ses eacutetablissements deacutecide de se donner la possibiliteacute quand le besoin srsquoen fait sentir de mener une enquecircte flash dans tel ou tel drsquoentre eux en se comparant au reste de la profession 4 ndash Une grande entreprise arrecircte le principe drsquoenquecirctes peacuteriodiques de climat social dans le but de mesurer ses progregraves de comparer entre eux les diffeacuterents eacutetablissements et filiales du Groupe (benchmarking) pour mettre en lumiegravere les meilleures pratiques et deacutetecter les pocircles ougrave une action corrective srsquoavegravere neacutecessaire

7

5 ndash Un DRH souhaite sensibiliser son comiteacute de direction domineacute par une vision essentiellement financiegravere sur les pertes drsquoexploitation lieacutees agrave une absence de coheacuterence des politiques RH et agrave certaines deacuteficiences dans le management humain de lrsquoentreprise 6 ndash Une entreprise ameneacutee agrave reprendre une activiteacute (contrat de geacuterance ou rachat) veut mesurer tregraves rapidement le risque social lieacute agrave lrsquoopeacuteration ainsi que les coucircts correspondants agrave mettre en balance avec les gains attendus En vue de reacutepondre drsquoune faccedilon adapteacutee agrave ces diffeacuterentes probleacutematiques MRS est ainsi proposeacute aux entreprises sous formes de prestations de preacutecisions croissantes agrave partir drsquoune plate-forme seacutecuriseacutee accessible par Internet

depuis lrsquoauto diagnostic global flash du risque social

jusqursquoau diagnostic deacutetailleacute par facteurs de risque (irritants et facteurs contextuels) susceptible drsquoecirctre reacutealiseacute pocircle par pocircle ou eacutetablissement par eacutetablissement en faisant appel au point de vue drsquoun nombre plus ou moins eacuteleveacute de personnes interrogeacutees

En outre MRS peut ecirctre proposeacute par abonnement en vue de la reacutealisation peacuteriodique drsquoenquecirctes reacutealiseacutee sur une base identique et sur un peacuterimegravetre comparable en vue de suivre dans le temps lrsquoeacutevolution du risque social assumeacute par lrsquoentreprise

Plus qursquoune enquecircte drsquoopinionhellip mieux qursquoune notation solliciteacuteehellip

Lrsquoenquecircte drsquoopinion par sondage apporte une information sur le point de vue des salarieacutes sur la base des thegravemes jugeacutes utiles par la direction

La notation sociale solliciteacutee permet drsquoeacutevaluer les performances de lrsquoentreprise sur la base drsquoun reacutefeacuterentiel social et socieacutetal exteacuterieur agrave la probleacutematique propre agrave lrsquoentreprise

MRS permet drsquoeacutevaluer agrave partir du jugement des dirigeants et des salarieacutes sur la base drsquoun reacutefeacuterentiel construit en termes de gestion les marges latentes de productiviteacute lieacutees agrave la qualiteacute du management humain de lrsquoentreprise

8

LrsquoAUDIT DE CONFORMITE DES CONDITIONS DE TRAVAIL CONCEPTION ET ASSISE APPROCHE ANALYTIQUE DrsquoUNE ENTREPRISE TUNISIENNE Saloua LANGAR Auditrice sociale certifieacutee CNSS Tunisie Treacutesoriegravere de lrsquoIAS Tunisie

Reacutesumeacute Aujourdrsquohui mecircme si lrsquoentreprise respecte la reacuteglementation en matiegravere drsquohygiegravene et des conditions de travail elle peut encore subir des risques en raison notamment des aleacuteas et des effets pervers de la technologie Lrsquoaudit de conformiteacute des conditions de travail nous permettra drsquoeacutevaluer lrsquoefficaciteacute des mesures et des dispositifs mis en place et de deacutetecter les risques potentiels En effet agrave travers lrsquoaudit de conformiteacute des conditions de travail consideacutereacute comme un audit participatif au niveau drsquoune entreprise tunisienne nous allons nous interroger sur le bien-fondeacute de cet audit et sur la pertinence des reacutefeacuterentiels utiliseacutes Il importe de signaler que pour des raisons de confidentialiteacute la deacutenomination de cette entreprise ne sera pas deacutevoileacutee Introduction Le concept drsquoaudit de par le monde connaicirct une vogue certaine Apregraves les diffeacuterents domaines de la gestion lrsquoaudit fait de plus en plus irruption dans le domaine social Les pratiques drsquoaudit se sont multiplieacutees deacuteveloppeacutees et diversifieacutees au point que le terme drsquoaudit fait partie de la umlmode gestionnaire et socialeuml Il reste que cette notion agrave la mode veacutehicule des ambiguiumlteacutes En effet lrsquoaudit social surtout de par la varieacuteteacute des domaines qursquoil touche et en lrsquoabsence de normes et de reacutefeacuterentiels preacutecis exige un travail de clarification Drsquoougrave la neacutecessiteacute de preacutesenter une deacutefinition globale des diffeacuterentes tendances actuelles de lrsquoaudit social et du champ de son intervention pour nous limiter par la suite agrave lrsquoaudit de conformiteacute et agrave ses speacutecificiteacutes agrave travers le cas drsquoune entreprise tunisienne en matiegravere de conditions de travail La probleacutematique de cette communication serait alors de deacuteterminer la deacutemarche drsquoaudit de conformiteacute des conditions de travail au niveau drsquoune entreprise tunisienne Lrsquoideacutee centrale agrave deacutevelopper est de deacuteterminer si cette deacutemarche drsquoaudit telle qursquoelle est deacutefinie actuellement est bien fondeacutee et bien structureacutee Se base t-elle sur des reacutefeacuterentiels speacutecifiques ayant une valeur permettant drsquoameacuteliorer les conditions de travail

1

1 Deacutefinitions de lrsquoaudit social Plusieurs deacutefinitions ont eacuteteacute donneacutees agrave lrsquoaudit social tout drsquoabord il a eacuteteacute deacutefini1 comme laquoun audit appliqueacute agrave la gestion et aux modes de fonctionnement des personnes dans les organisations qui les emploient ainsi qursquoau jeu de leurs relations internes et externesraquo Aussi la Commission europeacuteenne a deacutefini lrsquoaudit social dans son livre vert comme eacutetant laquoune eacutevaluation systeacutematique de lrsquoimpact social drsquoune entreprise par rapport agrave certaines normes et attentesraquo Selon la norme ISO version 2000 lrsquoaudit social est deacutefini comme eacutetant umlun processus meacutethodique indeacutependant et documenteacute permettant drsquoobtenir des preuves drsquoaudit et de les eacutevaluer de maniegravere objective pour deacuteterminer dans quelle mesure les critegraveres drsquoaudit sont satisfaitsuml Lrsquoobjectif de lrsquoaudit social serait donc drsquoaider lrsquoentreprise agrave fournir des appreacuteciations et des analyses objectives Lrsquoaudit social2 permet drsquoeacutetablir un constat donnant une image fidegravele de la reacutealiteacute ou srsquoassurant de la fiabiliteacute des informations pertinentes de mettre en eacutevidence les points forts et faibles et les problegravemes agrave partir des reacutefeacuterentiels et aussi de mettre en eacutevidence les risques de toute nature que court lrsquoentreprise et de les analyser et de proposer eacuteventuellement les recommandations de nature agrave les reacuteduire Lrsquoaudit social3 est aussi une mission aux dimensions variables vu qursquoil peut ecirctre soit une mission drsquoappreacuteciation de la conformiteacute de la pratique sociale agrave des reacutefeacuterentiels soit une mission de recherche de lrsquoefficaciteacute des pratiques sociales ou enfin une mission drsquoordre strateacutegique de lrsquoentreprise Enfin lrsquoaudit social ne se situe pas dans le contexte traditionnel et conflictuel des inteacuterecircts des salarieacutes et des employeurs mais dans la perspective drsquoune gestion globale de lrsquoentreprise qui integravegre lrsquoaspect social comme facteur essentiel de sa performance et de sa compeacutetitiviteacute Il a pour but drsquoexaminer de faccedilon critique les informations disponibles dans son champ drsquoaction Les fondements theacuteoriques de la deacutemarche drsquoaudit social se trouvent principalement selon Peretti et Vachette4 dans la deacutemarche deacuteveloppeacutee par les anglo-saxons et appliqueacutee aux domaines financier et comptable mais au delagrave de ces meacutethodes lrsquoaudit social srsquoappuie sur tous les apports meacutethodologiques lieacutes au traitement de lrsquoinformation et plus particuliegraverement au traitement de lrsquoinformation qualitative De par la probleacutematique que nous nous sommes fixeacutes dans le cadre de cette analyse il serait opportun drsquoapporter une deacutefinition succincte de lrsquoaudit de conformiteacute

1 Les mots pour lrsquoaudit IAS-IFACI (2000) EdLiaisons 2 Candau (P) (1990) Audit des associations 3 Couret (A) et Igalens (J) (1988) Lrsquoaudit social Que sais-je p3 4 Peretti (JM) et Vachette (JL) (1984) Audit social p28

2

2 Deacutefinitions de lrsquoaudit de conformiteacute Lrsquoaudit de conformiteacute vise agrave veacuterifier le respect des exigences qui srsquoapplique au systegraveme ou au processus auditeacute Les objectifs de lrsquoaudit de conformiteacute ont donc un caractegravere preacuteventif et visent agrave eacutevaluer lrsquoefficaciteacute des mesures et dispositifs mis en place par lrsquoentreprise et agrave deacutetecter les risques potentiels Lrsquoaudit de conformiteacute srsquoappuie tregraves largement sur des reacutefeacuterentiels approprieacutes aux caracteacuteristiques de lrsquoentreprise agrave auditer Lrsquoauditeur serait alors appeleacute agrave identifier le reacutefeacuterentiel pertinent et de creacuteer sur cette base le guide drsquoaudit et de questionnement de la mission et ce en dialogue avec lrsquoentreprise en question Cet audit est un audit participatif Le reacutefeacuterentiel de lrsquoaudit se deacutefinit selon Vatier5 comme umlun ensemble drsquoeacuteleacutements de reacutefeacuterence une construction rationnelle exteacuterieure agrave lrsquoauditeur qui lrsquoutilise repreacutesentative drsquoune situation dont on peut rapprocher autant drsquoimages comparables agrave chacun de ces eacuteleacutements correspondants et relever des eacutecarts significatifs de divers aspects de cette situationuml Crsquoest lrsquoensemble des prescriptions (normes objectifs directives) srsquoimposant agrave une entreprise ou retenues par elle et auxquelles un auditeur va se reporter pour comparer ce qursquoil va constater agrave ce qui devrait ecirctre Les reacutefeacuterences de lrsquoaudit doivent ecirctre exprimeacutees en termes drsquoexigences qualitatives et quantitatives agrave respecter permettant de constituer des points de comparaison et drsquoorienter lrsquoaction drsquoune maniegravere efficace La formulation des critegraveres pertinents est neacutecessaire pour veacuterifier le respect ou le non respect de ces exigences Comme il est neacutecessaire drsquoassocier un questionnement dont les reacuteponses peuvent ecirctre obtenues soient par des entretiens individuels ou de groupe ouet par des observations ouet par une eacutetude de la documentation existante Le questionnaire drsquoaudit srsquoarticule autour des six familles de questions agrave savoir Quoi Qui Ougrave Quand Combien et Comment Crsquoest la deacutemarche6 de lrsquoaudit de conformiteacute qui constitue le fondement de lrsquoaudit En effet crsquoest une deacutemarche inductive objective meacutethodique indeacutependante ponctuelle peacutedagogique et coopeacuterative Lrsquoabsence de tout agrave priori la preuve de toute non conformiteacute lrsquoindeacutependance de lrsquoauditeur constituant une garantie drsquoobjectiviteacute la ponctualiteacute de la mission drsquoaudit ainsi que la coopeacuteration sont les eacuteleacutements cleacutes de la deacutemarche de lrsquoaudit de conformiteacute En effet lrsquoauditeur doit partir des faits les veacuterifier les comparer agrave drsquoautres en tirer les eacutecarts en diagnostiquer les causes et proposer eacuteventuellement des recommandations Ainsi lrsquoauditeur social doit ecirctre attentif aux reacutealiteacutes Il doit eacutecouter les diffeacuterents acteurs de lrsquoentreprise pour entendre ce qui veut se dire ou ne le veut pas et regarder les faits pour voir ce qursquoils recouvrent et mesurer et donner un sens agrave leur mesure au delagrave des chiffres enregistreacutes7

5 Vatier (R) (1988) Lrsquoaudit de la gestion sociale Editions drsquoOrganisation 6 Candau (P)opcit p28 7 Vatier (R) (29 et 30 aoucirct 2002) Message lors de la 20egraveme Universiteacute drsquoEteacute de lrsquoIAS Bordeaux

3

Scheacutematiquement nous pouvons preacutesenter la proceacutedure de lrsquoaudit de conformiteacute

ECARTS - Prescrit (proceacutedures regravegles) - Souhaiteacute (objectifs)

Explications

Risques

Conformiteacute

Observeacute Reacutealiteacute Reacutefeacuterentiels

Externes Et internes

Scheacutema de la deacutemarche drsquoaudit de conformiteacute J Igalens8 distingue quatre cateacutegories de risques sociaux en lrsquooccurrence

- Le risque de non-respect des textes - Le risque drsquoinadaptation des politiques sociales aux attentes du personnel - Le risque drsquoinadeacutequation des besoins aux ressources humaines - Le risque drsquoenvahissement des preacuteoccupations sociales

En pratique lrsquoaudit de conformiteacute9 prend deux formes selon la taille de lrsquoentreprise auquel il est conduit Pour les petites entreprises il srsquoagit de constater la conformation aux regravegles du droit social Pour les plus grandes entreprises nous ajoutons lrsquoexamen de lrsquoapplication des proceacutedures internes et la conformiteacute des donneacutees chiffreacutees aux deacutefinitions et modes de deacutetermination fixeacutes au sein de lrsquoentreprise La difficulteacute de la mission drsquoaudit tient agrave la varieacuteteacute des regravegles agrave appliquer associeacutee agrave la tregraves grande diversiteacute des documents et des proceacutedures agrave auditer La deacutelimitation des domaines conduit agrave souligner lrsquoimportance du cadre reacuteglementaire applicable dans lrsquoentreprise en matiegravere des conditions de travail La speacutecificiteacute de la mission tient au fait qursquoil ne suffit pas de relever les distorsions vis-agrave-vis des regravegles mais aussi drsquoappreacutecier les risques associeacutes sous forme des sanctions preacutevues par la leacutegislation Nous allons voir dans le cas pratique dans quelle mesure cette deacutemarche a eacuteteacute respecteacutee et nous interroger sur le bien-fondeacute de lrsquoaudit des conditions de travail au niveau drsquoune entreprise tunisienne ainsi que sur la pertinence des reacutefeacuterentiels utiliseacutes En effet actuellement lrsquoentreprise tunisienne vit une egravere de grandes mutations eacuteconomiques technologiques et sociales imposeacutees par le nouvel ordre eacuteconomique mondial Lrsquoaudit des conditions de travail nrsquoest pas sans effets sur la santeacute et la seacutecuriteacute au travail de lrsquohomme acteur principal dans le processus de production et de performance Crsquoest pourquoi la protection de la santeacute des travailleurs et la preacutevention contre les risques professionnels constituent un enjeu primordial dans cet audit au niveau de toute entreprise

4

8 Igalens ( J) Le risque social de la PME Travaux et recherches de lrsquoIAE 33 9 Berthelot (N) Corbet (D) et Soland (JB) Lrsquoaudit des emplois DESS de Controcircle de Gestion Sociale

3 Preacutesentation de lrsquoentreprise objet de lrsquoeacutetude Lrsquoentreprise objet de notre eacutetude a pour rocircle la fabrication la reacuteparation et la fourniture des appareils orthopeacutediques les plus divers Elle exerce son activiteacute non seulement sur site mais aussi agrave lrsquoexteacuterieur sous forme drsquointervention itineacuterante dans les centres hospitaliers et les dispensaires de lrsquointeacuterieur du pays Elle emploie environ 120 agents

4 Audit de conformiteacute des conditions de travail La premiegravere eacutetape de cette mission drsquoaudit des conditions de travail au niveau de lrsquoentreprise objet de notre eacutetude consiste agrave preacuteciser la demande drsquoaudit au niveau de la lettre de mission qui est cosigneacutee par le commanditaire et lrsquoauditeur Par la suite la mission drsquoaudit est deacuteclencheacutee par le biais drsquoune reacuteunion drsquoouverture de la mission drsquoaudit qui preacutecisera lrsquoobjet le champ et la porteacutee de lrsquoaudit au commanditaire Aussi cet audit de conformiteacute a eacuteteacute reacutealiseacute par rapport aux normes tunisiennes affeacuterentes aux conditions de travail aux textes reacuteglementaires en Tunisie et en France et aux normes franccedilaises AFNOR dont certains sont donneacutes dans le tableau ci-dessous Le reacutefeacuterentiel nrsquoeacutetant pas un construit de lrsquoentreprise il est de ce fait reacuteglementaire

41 Entiteacutes auditeacutees Les entiteacutes auditeacutees dans cette entreprise concernent les prothegraveses les orthegraveses la sellerie et le bandage la podo-orthegravese (chaussures orthopeacutediques) le corset la salle de coulage de la reacutesine la salle de placirctre et la salle de prise de moulage

42 Porteacutee de lrsquoaudit Cet audit porte sur de nombreux aspects de la vie au travail il srsquoagit de lrsquoeacutevaluation de la charge de travail des contraintes physiques de la perception et de la vigilance et enfin de lrsquoenvironnement Lrsquoanalyse des conditions de travail concerne aussi bien des eacuteleacutements quantifiables telles que la tempeacuterature lrsquoeacuteclairement que la perception qursquoa le personnel technique exerccedilant dans cette entreprise

43 Deacuteroulement de lrsquoaudit La mission drsquoaudit srsquoest deacuterouleacutee en diffeacuterentes eacutetapes tout en preacutecisant les intervenants agrave la deacutemarche scheacutematiseacutees comme ci-dessous afin de mieux cerner les non-conformiteacutes drsquoeacutevaluer leur degreacute drsquoimportance de les comparer au reacutefeacuterentiel retenu de preacutesenter les risques deacutecoulant de ces anomalies drsquoanalyser leurs causes et de deacuteterminer les moyens et les actions correctives neacutecessaires pour pouvoir reacuteduire les risques Ces non-conformiteacutes sont preacutesenteacutees sous forme de fiches de non-conformiteacutes signeacutees aussi bien par le responsable de lrsquoentreprise par lrsquoauditeur que lrsquoingeacutenieur chargeacute de la preacutevention comme indiqueacute dans le modegravele ci-joint et ceci dans le but drsquoimpliquer les acteurs dans la deacutemarche drsquoaudit et qui seront agrave mecircme de saisir le degreacute de son importance pour le bien de lrsquoentreprise et de ses ressources humaines Enfin la derniegravere eacutetape la plus importante est la restitution du rapport drsquoaudit au commanditaire Par ailleurs un audit de suivi a eacuteteacute aussi reacutealiseacute apregraves 6 mois pour voir si les mesures correctives ont eacuteteacute entreprises ou pas

5

En effet lrsquoameacutelioration des conditions de travail est un facteur motivationnel pour les ressources humaines La qualiteacute de vie au travail nrsquoest-elle pas devenue un souci majeur des entreprises pour reacutepondre aux attentes des parties prenantes de lrsquoentreprise

Tableau syntheacutetisant les diffeacuterentes eacutetapes de la deacutemarche drsquoaudit de conformiteacute des conditions de travail

Etape Intervenant

Discussion sur la mission drsquoaudit

Premier responsable de lrsquoentreprise

Clarification de la porteacutee de lrsquoaudit et acceptation du ou des reacutefeacuterentiels drsquoaudit

Premier responsable de lrsquoentreprise

Deacutetermination de la logistique neacutecessaire pour la reacutealisation de la mission

Premier responsable de lrsquoentreprise

Discussion avec les responsables des ateliers porteacutee et reacutefeacuterentiels drsquoaudit

Responsables de la structure de lrsquoentreprise agrave auditer

Discussion des reacutesultats des eacutetudes reacutealiseacutees preacuteceacutedemment au sujet des conditions de travail

Responsables de la structure de lrsquoentreprise agrave auditer

Rencontre avec les agents exerccedilant dans les ateliers pour leur expliciter la mission drsquoaudit

Agents exerccedilant dans les structures de lrsquoentreprise agrave auditer

Distribution drsquoun 1er questionnaire relatif agrave la description des postes de travail pour saisir qui fait quoi

Agents exerccedilant dans les structures de lrsquoentreprise agrave auditer

Distribution drsquoun 2egravemequestionnaire relatif aux conditions de travail

Agents exerccedilant dans les structures de lrsquoentreprise agrave auditer

Discussion avec ces agents pour cerner les non-conformiteacutes (mineures et majeures) et des risques lieacutes agrave ces non-conformiteacutes

Agents exerccedilant dans les structures de lrsquoentreprise agrave auditer

Confirmation des non-conformiteacutes releveacutees avec un ingeacutenieur chargeacute de la preacutevention

Ingeacutenieur chargeacute de la preacutevention

Restitution du rapport drsquoaudit Premier responsable de lrsquoentreprise agrave auditer

6

Quelques reacutefeacuterentiels utiliseacutes

Nature du reacutefeacuterentiel Objet Reacutefeacuterentiels tunisiens

-Arrecircteacute du Ministegravere des Affaires Sociales et de la Santeacute Publique

Liste des maladies Professionnelles

-Norme tunisienne 36-18 (1984) Limite maximale de manuten- tion

-Arrecircteacute du 12 juin 1987 Dispositif de protection

-Deacutecret ndeg68-328 du 22 octobre 1968

Regravegles drsquohygiegravene

Reacutefeacuterentiels franccedilais

-Loi franccedilaise du 11 juillet 1977 Niveau du bruit (fixation du Niveau sonore acceptable)

Ce qui importe de deacutemontrer est la recherche drsquoune rigueur scientifique au niveau de la deacutemarche drsquoaudit de conformiteacute des conditions de travail Conclusion En guise de conclusion nous pouvons affirmer que la mission drsquoaudit des conditions de travail au niveau de lrsquoentreprise objet de notre eacutetude a permis la participation et la responsabilisation des travailleurs agrave la mise en place des mesures de seacutecuriteacute et de preacutevention contre les risques professionnels leur information sur les risques auxquels ils sont exposeacutes et de mettre en exergue la volonteacute du premier responsable de cette structure drsquoassurer un lieu de travail sucircr propice agrave des conditions de travail favorables surtout que ce responsable a eacuteteacute fortement sensibiliseacute sur le lien entre les conditions de travail et les objectifs de lrsquoentreprise en lrsquooccurrence la reacutealisation drsquoune meilleure productiviteacute Ainsi cette mission drsquoaudit constitue agrave la fois une reacuteponse communicative dans la mesure ougrave elle a reacutepondu agrave la volonteacute de la direction geacuteneacuterale de lrsquoentreprise drsquoameacuteliorer les conditions de travail au sein de cette structure et une reacuteponse strateacutegique du fait qursquoelle a reconstruit les enjeux des diffeacuterents intervenants qui ont poseacute les problegravemes lieacutes aux conditions de travail et preacutesenteacute les solutions y affeacuterentes Il reste que lrsquoaudit ne peut pas preacutetendre agrave la connaissance exhaustive du systegraveme auditeacute En fait une part de la logique des acteurs est irreacuteductible agrave une analyse rationnelle et agrave une connaissance complegravete10

10 Lecointe (M) et Rebinguet (M) (1994) Ethique et pratique de lrsquoaudit le cas des audits de formation p59

7

Enfin nous ne pouvons que se joindre agrave Michel Joras11 qui affirme que laquo Auditer crsquoest eacutecouter sans srsquoeacutecouter pour se faire eacutecouter raquo

Fiche de non-conformiteacute

Entreprise Ordre de mission dateacute du Date

1- Non conformiteacute Majeure Mineure A Deacutefaillance BRisques CPreuve DExigence (Reacutefeacuterentiel)

Intervenant Signature Auditeur Responsable de la structure de lrsquoentreprise agrave auditer

Ingeacutenieur chargeacute de la preacutevention Action corrective mise en place Pour le

Date

2- Action corrective Signature du responsable de lrsquoatelier 3-Revue de lrsquoaction corrective Action proposeacutee ou prise satisfaisante OuiNon Autre veacuterification requise OuiNon Lrsquoauditeur Signature Date Commentaires

11 Joras (M)(1997)Lrsquoaudit mais qursquoest-ce que crsquoest

8

BIBLIOGRAPHIE Berthelot (N) Corbet (D) et Soland (JB) Lrsquoaudit des emplois DESS de Controcircle de Gestion Sociale

Candau (P) et Tougard (L) (1990) Audit des associations

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IAS-IFACI (2000) Les mots pour lrsquoaudit EdLiaisons

Igalens (J) Le risque social de la PME Travaux et recherches de lrsquoIAE 33

Joras (M) (1997)Lrsquoaudit mais qursquoest-ce que crsquoest

Lecointe (M) et Rebinguet (M) (1994) Ethique et pratique de lrsquoaudit

Peretti (JM) et Vachette (JL) (1984)Audit social

Vatier (R) (1988)Lrsquoaudit de la gestion sociale Editions drsquoOrganisation

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LOGIQUES DrsquoAUDIT ET RATIONALITES SOUS-JACENTES Pierre LOUART Professeur des Universiteacutes ndash IAE de Lille Directeur de lrsquoIAE de Lille Preacutesident de lrsquoAGRH Christel BEAUCOURT Maicirctre de Confeacuterences ndash IAE de Lille

Synthegravese En construction progressive depuis une trentaine drsquoanneacutees lrsquoaudit social est confronteacute agrave une grande quantiteacute drsquoattentes et de modegraveles dissocieacutes On lui demande des objectifs tregraves divers - le controcircle drsquoune reacutealiteacute sociale (de ses risques ou de lrsquoinvestissement immateacuteriel qursquoelle repreacutesente) pour des actionnaires - la veacuterification drsquoaspects leacutegaux ou reacuteglementaires pour des instances publiques de controcircle (nationales europeacuteennes internationales) - lrsquoeacutevaluation drsquoune GRH pour des dirigeants pour des repreacutesentants du personnel ou en vue drsquoun compromis de gouvernance (faisant intervenir les parties prenantes actives drsquoune organisation) - la gestion de regravegles ou de cadres de discussion relatifs agrave la responsabiliteacute sociale et environnementale (RSE) au deacuteveloppement durable ou agrave la citoyenneteacute des entreprises Lrsquoaudit social peut ainsi se mettre au service drsquoune limitation de risques ou drsquoobjectifs de deacuteveloppement Il peut couvrir la gestion des emplois ou celle du travail Il peut toucher conjointement - agrave des aspects juridiques (conformiteacute usages tactiques) ou budgeacutetaires (solvabiliteacute rentabiliteacute) - agrave des dimensions opeacuterationnelles (efficience efficaciteacute technique) ou strateacutegiques (pertinence par rapport aux buts afficheacutes) - agrave des enjeux politiques (possibiliteacutes de neacutegociation accords eacutetablis) ou moraux (clauses drsquoeacutequiteacute) Dans tous ses eacutetats lrsquoaudit social est aujourdrsquohui agrave un carrefour drsquoopportuniteacutes Il est aussi dans une crise de croissance avec le danger qursquoil soit deacutevoyeacute ou contamineacute par des inteacuterecircts partiels Il est donc utile drsquoen repenser les fondements de maniegravere agrave mieux orienter sa construction ses objectifs ou ses meacutethodes Au-delagrave de sources qui paraissent objectives une fois installeacutees dans le discours commun lrsquoaudit est avant tout une construction drsquoacteurs Il importe donc de regarder en quoi les logiques dont il fait eacutetat correspondent agrave des rationaliteacutes sous-jacentes Desquelles srsquoagit-il En quoi est-il possible de les discerner drsquoen tenir compte et de les faire eacutevoluer si besoin Par exemple en quoi lrsquoaudit social srsquoappuie-t-il sur la coutume la rationaliteacute des buts ou la rationaliteacute des valeurs (voir Weber) En quoi est-il un meacutelange instable des trois En quoi faut-il tenir compte du laquo roi clandestin des raisonnements raquo (cf Simmel) agrave savoir de certaines focalisations ideacuteologiques ou de certains affects souterrains qui modifient le jeu collectif et les pratiques observeacutees (en particulier le soupccedilon la haine le ressentiment la vengeance etc ndash et bien entendu le syndrome du controcircleur jaloux)

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1 Un processus intersubjectif Comme le souligne M Power (1994) lrsquoaudit est un processus actif visant agrave rendre les choses susceptibles drsquoecirctre auditeacutees Cela passe par la neacutegociation drsquoune base de connaissance leacutegitime et institutionnellement acceptable Et par laquo la creacuteation drsquoenvironnements reacuteceptifs raquo Celle-ci laquo repose sur des neacutegociations qui aboutissent (provisoirement) agrave deacutelimiter ce qui doit ecirctre auditeacute et comment il faut srsquoy prendre raquo (J Igalens 2004) Le systegraveme de reacutefeacuterence lui-mecircme est composeacute - de connaissance officielles de proceacutedures connues et opposables - de systegravemes de transmission du savoir (lieux de formations ou de rencontres de socialisation - de rapports drsquoaudit valideacutes par les cabinets officiels et reconnus plus geacuteneacuteralement de pratiques diffuseacutees (avis publieacutes deacutebats confrontations rationalisations qui puissent donner confiance aux utilisateurs) La neacutegociation est surtout baseacutee sur lrsquoapplicabiliteacute des techniques Lrsquoaudit en ce sens est donc une sorte de mise en scegravene ougrave lrsquoauditeur joue un spectacle (drsquoacteur seacuterieux drsquoagent de controcircle drsquoexpert en conformiteacute) Au pire crsquoest le thegraveme du Revizor de Gogol reacuteactualiseacute drsquoailleurs cet eacuteteacute 2005 par un theacuteacirctre anglais Au mieux crsquoest un processus de leacutegitimation qui srsquoapparente agrave celui de la traduction (dans le domaine des sciences) agrave la diffeacuterence qursquoici les formes sociales en jeu sont en construction reacuteelle et qursquoon peut donc eacutemettre des propheacuteties creacuteatrices en controcirclant par avance ce qursquoon veut faire eacutemerger Il ne faut pas recircver de fondement absolu (il nrsquoy a pas drsquoobjectivation sans acteurs pour la dire et lrsquoimposer) tout est affaire drsquointersubjectiviteacute Mais les eacutecarts sont eacutenormes entre laquo lrsquohomme mesure de toute chose raquo au sens des sophistes qui jugeaient du vrai comme drsquoune affaire drsquoimposer sa raison (drsquolaquo avoir raison raquo de battre lrsquoautre par toutes formes possibles de rheacutetorique et drsquoargumentation) et lrsquohomme acceacutedant au vrai par une raison dialectique de la preuve (une laquo justesse des faits raquo tireacutee de la matiegravere empirique ou discuteacutee entre des modegraveles de perception et des modegraveles drsquoexplication agrave la fois concurrentiels et cumulatifs) On peut comparer les outils drsquoaudit selon leur degreacute de puissance On peut comparer les auditeurs selon leur degreacute drsquoexpertise de distance critique ou de sagaciteacute par rapport aux faits (du moins ce que lrsquoon appelle des laquo faits raquo) Mais on ne peut pas deacuteterminer a priori la valeur des choses analyseacutees (la pertinence des objectifs escompteacutes la conformiteacute des regravegles suivies la qualiteacute des processus choisis lrsquoamplitude des performances reacutealiseacutees) Ces derniers points sont relatifs agrave des conventions drsquoacteurs aux valeurs singuliegraveres qui srsquoy sont mecircleacutees aux attentes humaines et sociales que tout cela reflegravete

2 Il y a des bases de reacuteflexion ou drsquointeraction agrave lrsquoorigine des normes sociales et du travail drsquoaudit

Diverses bases de reacuteflexion peuvent contribuer agrave la structuration de lrsquoaudit Chacune de ces bases doit ecirctre testeacutee dans sa capaciteacute agrave produire des normes bref agrave se servir de rationaliteacutes pas toujours explicites pour en tirer des logiques drsquoaudit formaliseacutees La plupart drsquoentre elles sont des constats de fait ou des normes eacutetablies qui servent de reacutefeacuterence aux eacutevaluations Peut-on srsquoappuyer sur des modegraveles scientifiques eacutetayeacutes par des constats geacuteneacuteralisables Est-ce vraiment possible Dans quel cadre et jusqursquoougrave En eacutetant plus reacutealiste ne vaut-il pas mieux se contenter de justifications conventionnelles Dans ce cas faut-il srsquoen tenir agrave des accords partiels locaux ou peut-on chercher agrave obtenir des raisons plus geacuteneacuterales des bases de contractualisation plus larges agrave lrsquoeacutechelle drsquoun pays drsquoun secteur drsquoactiviteacute ou drsquoune deacutecision

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mondialiseacutee (par le BIT lrsquoONU et la pression drsquoaccords multinationaux) Peut-on accepter que les normes soient faccedilonneacutees par les entreprises (avec des accords internes servant agrave mettre en valeur une activiteacute sociale ou responsable) Faut-il en demander la construction aux instances politiques et aux systegravemes de reacutegulation Faut-il en laisser lrsquoeacutelaboration agrave des tiers qui au nom drsquoune expertise propre ou drsquoun droit drsquoanteacuterioriteacute diffusent des reacutefeacuterentiels de certification drsquoaccreacuteditation ou de rating avec une valeur qui srsquoobtient apregraves coup gracircce au nombre ou agrave la puissance des adheacuterents Il faut accepter ce meacutelange de bases laquo positives raquo (qui srsquoappuient sur des constats des objectivations de pratiques ou des normes drsquoeacutevaluation) et de bases laquo conventionnelles raquo (qui eacutemergent drsquoexpeacuteriences locales drsquoopportuniteacutes techniques ou drsquoaccords entre acteurs) Apregraves tout crsquoest le sort de bien des pratiques sociales appuyeacutees sur la science que de mecircler savoirs habitudes et convenances locales Comme le souligne Georges Gusdorf laquo toute science est lrsquoœuvre de lrsquohomme elle se trompe et elle nous trompe si elle lrsquooublie et preacutetend obtenir par elle-mecircme une autoriteacute quelconque raquo (citeacute dans lrsquoouvrage de lrsquoISEOR 1994 sur lrsquoaudit social)

3 Lrsquoaudit deacutepend des domaines que lrsquoon considegravere (agrave tort ou agrave raison) comme susceptibles drsquoecirctre auditeacutes

Il y a des territoires mobiles (agrave geacuteomeacutetrie variable) dont on doit tester la structure et la plausibiliteacute On doit ecirctre attentif aux points suivants - comment se deacuteterminent les domaines ou les champs susceptibles drsquoecirctre auditeacutes (du risque social agrave la responsabiliteacute sociale et environnementale en passant par les modegraveles ad hoc en GRH pertinences locales ou critegraveres transnationaux reacutefeacuterences conjoncturelles ou logiques quasi-intemporelles) - comment srsquoorganise (se justifie se facilite ou non) lrsquoaccegraves aux donneacutees requises (avec le problegraveme qursquoil est toujours plus simple de srsquoappuyer sur des informations simples accessibles et quantifiables que sur des donneacutees complexes cacheacutees pour partie et trop complexes pour ecirctre homogeacuteneacuteiseacutees en chiffres ou en valeurs) Il ne faut pas pour reprendre Habermas que la technique arraisonne la socieacuteteacute en la soumettant agrave ses propres raisons

4 Enfin lrsquoaudit srsquoappuie sur des meacutethodes agrave la fois rationnelles et dialectiques lieacutees aux acteurs en preacutesence

Les meacutethodes de lrsquoaudit sont agrave la fois drsquoenregistrement et drsquoeacutevaluation (par comparaison avec des normes drsquoautres acteurs etc)On doit donc reacutefleacutechir aux points suivants - quelles sont les meacutethodes de calcul drsquointerpreacutetation ou de diffusion qui permettent de faire le lien entre les modegraveles et les donneacutees De quels moyens se sert-on pour deacutebattre de quelles meacutethodes drsquointerpreacutetation et de valorisation des calculs - quels sont les moyens de controcircle de surveillance de reacuteclamation par rapport aux donneacutees interpreacuteteacutees lorsqursquoelles exigent des reacuteformes des transformations des ameacutenagements de lrsquoexistant Comment mesurer avec justesse ce qursquoon juge ecirctre des deacutecalages de conformiteacute de pertinence drsquoefficaciteacute de justice etc En reacutealiteacute tout deacutepend des caracteacuteristiques des acteurs influenccedilant lrsquoaudit (les politiques les managers les experts les repreacutesentants des institutions) Si on les analyse en termes de parties prenantes il y a - les salarieacutes qui cherchent une plus grande clarteacute en matiegravere de pratiques RH et plus drsquoeacutequiteacute en matiegravere drsquoemploi ou de responsabiliteacutes sociales

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- les clients eux-mecircmes en conflit entre des logiques de coucirct et de qualiteacute avec une position ambigueuml ougrave ils se savent aussi salarieacutes (ou dirigeants) et la crainte de cautionner des pratiques sociales condamnables - les investisseurs qui cherchent agrave relier les politiques RH les conformiteacutes sociales et les conventions internationales agrave des preacutedictions en matiegravere de performance financiegravere certains agrave court terme drsquoautres avec des viseacutees plus ouvertes au deacuteveloppement durable - les vendeurs de technologie ou les auxiliaires de gestion qui relaient orientent et renforcent la production drsquoinformations de critegraveres et de systegravemes de mesure ils proposent des instrumentations de support des contrats fournisseurs des modegraveles drsquointerpreacutetation et de mesure drsquoun reacuteel qui convient agrave leurs expertises (toujours partiales et partielles) - les eacutevaluateurs agences de rating ou de notation les laquo bien-pensants raquo de la gestion les politiques assoiffeacutes de controcircle (ou de preacutecaution) les ONG ou associations de morale collective tous ceux qui cherchent agrave mettre de lrsquoordre social avec des preacutesupposeacutes sur le bien le mal la justice et la laquo bonne socieacuteteacute raquo

5 Les enjeux drsquoune analyse des raisons sous-jacentes Srsquoil y a un ordre par lrsquoaudit (un recul de ce que les affaires peuvent offrir de laquo jungle raquo de chausses trappes de piegraveges de deacutesordres organisationnels ou sociaux) encore faut-il que ce ne soit pas une deacuterive au profit de choses ou drsquoacteurs mal laquo reconnus raquo ou un deacutetournement des jeux eacuteconomiques produisant par lagrave mecircme des blocages des enlisements des stagnations bref des effets pervers faisant pire que bien Face agrave lrsquoaudit social il faut avoir la mecircme attention inquiegravete que certains eacutecologistes par rapport aux tendances des entreprises des consultants et mecircme des parties politiques agrave confisquer les valeurs drsquoenvironnement au profit de strateacutegies commerciales ou eacutelectorales Les fondements ne sont que des laquo universels en contexte raquo ou des laquo universels potentiels raquo si on en croit Ricoeur (1990) Autrement dit leur caractegravere universel nrsquoempecircche pas leur mise en condition historique leur discussion laquo au niveau des convictions inseacutereacutees dans la vie concregravete raquo Comme lrsquoont montreacute historiquement les jeacutesuites toute norme tout principe a besoin de casuistique Crsquoest dans cette capaciteacute agrave maintenir la regravegle au plus profond de ce qursquoelle veut dire tout en lrsquoadaptant aux circonstances que se trouve la qualiteacute essentielle de lrsquoauditeur Il ne doit en rien renoncer agrave ses principes il doit les faire valoir au mieux drsquoune reacutealiteacute changeante et diffracteacutee Par ailleurs entre laquo le relatif et lrsquouniversel raquo (Delmas-Marty 2004) agrave travers les superpositions des niveaux de droit il faut tacirctonner ensemble de maniegravere active afin que laquo lrsquoincompleacutetude des ideacutees raquo soit un moyen drsquoeacutechanges constructifs dans la souplesse dans lrsquoouverture et la creacuteativiteacute On ne doit pas lui opposer laquo une force des choses raquo aux relents dogmatiques et forceacutement partiaux On doit aussi produire de lrsquoaudit prospectif comme on le propose dans un autre article Sur les liens entre auditeurs (ou analystes) et strateacutegies sociales des entreprises on pourrait avoir la mecircme approche que celle de Le Maux (2005) Celui-ci preacuteconise la transparence des analystes consideacuterant apregraves Jensen que la place trop importante accordeacutee aux analystes financiers avait renverseacute les rocircles Les dirigeants srsquoappuyaient sur les prescriptions des socieacuteteacutes drsquoanalyse afin drsquoatteindre les preacutecieuses estimations de beacuteneacutefices plutocirct que de prendre une vraie responsabiliteacute strateacutegique laquo Lrsquoanalyste nrsquoest pas lagrave pour ordonner ou commander une strateacutegie mais pour comprendre celle mise en place et eacutevaluer sa pertinence son efficaciteacute raquo Si on renverse le jeu tout devient irrationnel Drsquoougrave lrsquoideacutee de rendre disponibles a posteriori leurs recommandations agrave tous les acteurs du marcheacute Cela permettrait de juger sur piegraveces ex

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post des pertinences ou non des analyses reacutealiseacutees voire drsquoen tirer un rating des analystes eux-mecircmes On doit se meacutefier aussi de ce que les laquo theacuteories spontaneacutees raquo autrement dit les cadres drsquoanalyse ne soient pas baseacutees sur les instincts humains primaires que sont la peur et la cupiditeacute (Micklethwait Wooldridge 1996) Le plus souvent la peur deacuteforme les risques en accentuant les uns et en minimisant les autres agrave partir drsquoune position souvent tregraves partielle et tregraves subjective Lrsquoaviditeacute fait dire tout et nrsquoimporte quoi aux laquo conseillers raquo susceptibles drsquoemporter les marcheacutes du savoir y compris en introduisant des modes Il faut se meacutefier de cinq maux clefs le manque de fondements lrsquoincapaciteacute drsquoautocritique les terminologies embrouilleacutees les avis qui ne sont qursquoune complication du bon sens et les contradictions dues agrave une simplification interpreacutetative qui occulte la diversiteacute des contextes

6 Un moyen tregraves utile le maintien du deacutebat Scientifiquement on sait qursquoil est drsquoimpossible drsquoagreacuteger a priori les preacutefeacuterences individuelles Les laquo theacuteoregravemes drsquoimpossibiliteacute raquo condamnent tout indicateur syntheacutetique venu drsquoen haut Pour pondeacuterer les variables qursquoon juge utiles et pertinentes agrave un moment donneacute il importe donc de maintenir les eacutechanges entre les acteurs concerneacutes Rien nrsquoempecircche de proposer des regravegles ou des dispositifs conventionnels Mais pour constituer des conventions durables il faut des indicateurs clarifieacutes (quant aux valeurs qursquoils portent aux inteacuterecircts qursquoils deacutefendent aux meacutethodes qursquoils utilisent) et qui se precirctent agrave lrsquoeacutelaboration de variantes adaptatives qursquoon puisse discuter localement au-delagrave du cercle plus eacutetroit de leurs concepteurs Autrement dit il faut reacutefleacutechir agrave la dynamique sociale autour des indicateurs tout autant qursquoagrave leur conception Or lrsquoexigence du deacutebat bien qursquoinvoqueacutee sans cesse nrsquoa pas assez drsquoeffets pratiques On le voit en France ougrave malgreacute des progregraves significatifs laquo la population nrsquoest pas consulteacutee suffisamment en amont des projets raquo (Paillart Zadjerman 2005) La concertation preacutealable est pourtant une meacutethode de gouvernance en deacuteveloppement dans lrsquoUnion europeacuteenne Concregravetement une consultation permet de reacuteunir des points de vue subtils (des variations utiles des repegraveres multiples) sur des objets sensibles (politiquement) et complexes (techniquement ou opeacuterationnellement) Elle garantit lrsquoexpression drsquoune grande varieacuteteacute drsquoacteurs drsquointeacuterecircts de valeurs et de repreacutesentations De fait laquo aucun projet industriel social ou politique ne peut faire lrsquoeacuteconomie drsquoune communication de qualiteacute prenant en compte le rocircle actif et la varieacuteteacute des reacutecepteurs raquo A travers le deacutebat se construit une plus grande capaciteacute de reacuteflexion et drsquoorganisation des individus ou des collectifs laquo Le deacutebat est un espace ougrave les certitudes sont bien souvent bousculeacutees mais crsquoest ainsi que naicirct et se propage lrsquoinnovation raquo Lrsquoaudit social peut srsquoappuyer sur des experts des normes ou des conventions durables mais il ne peut srsquoinscrire dans lrsquoaction qursquoagrave partir drsquoune construction et drsquoune appropriation collective renouveleacutee Avec un minimum de sinceacuteriteacute il faut pouvoir prendre en compte les aleacuteas les difficulteacutes et les obligations nouvelles de chaque situation eacuteconomique ou sociale de chaque collectif organisationnel en conciliant des obligations geacuteneacuterales (sans cesse reacuteeacutevalueacutees) et des choix speacutecifiques (pour geacuterer les contextes et les strateacutegies locales en suscitant des accords internes sur la pondeacuteration des indicateurs jugeacutes pertinents)

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BIBLIOGRAPHIE PARTIELLE Delmas-Marty M Le relatif et lrsquouniversel Les forces imaginantes du droit Paris Seuil 2004

Igalens J laquo Auditer la responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise ou rendre la responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise auditable raquo in F Bournois P Leclair GRH regards croiseacutes en lrsquohonneur de Bernard Galambaud Paris Economica 2004

ISEOR Lrsquoaudit social au service du management des ressources humaines Paris Economica 1994

Le Maux J laquo Les analystes financiers doivent eux aussi ecirctre transparents raquo Les Echos 17 aoucirct 2005

Micklethwait J Wooldridge A The Witch Doctors London Random House 1996

Power M ldquoAuditing and the production of legitimacyrdquo Accounting Organizations and Society 2003

Ricoeur P Soi-mecircme comme un autre Paris Seuil 1990

Pailliart P Zadjerman E laquo Le deacutebat public premier principe de preacutecaution raquo Les Echos 18 aoucirct 2005

Power M laquo Making things auditable raquo Accounting Organizations and Society 1996

Power M ldquoExpertise and the construction of relevance accountants and environmental auditrdquo Accounting Organizations and Society 1997

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DOCUMENT DE TRAVAIL EN COURS DE VALIDATION PAR LrsquoIAS

REFERENTIEL DE COMPETENCES DE LrsquoAUDITEUR SOCIAL

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Document de travail Alain Meignant 18082005 ameignantwanadoofr wwwalain-meignantcom

Alain Meignant 25082005

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REMERCIEMENTS Ce document a eacuteteacute eacutelaboreacute par un groupe de praticiens et drsquoexperts de lrsquoaudit social et avec lrsquoaide de la socieacuteteacute webCompetence qui a mis agrave la disposition du groupe de travail un forum Internet et son logiciel de gestion des compeacutetences Mes remerciements vont tout particuliegraverement aux personnes suivantes qui se sont investies dans ce travail et sans lesquelles ils nrsquoaurait pas pu ecirctre meneacute agrave bien Jean-Louis Beaugrand Martine de la Cocircdre Georges Egg Louis Forget Barbara Magnet Catherine Quenisset Catherine Voynnet Et pour la socieacuteteacute webCompetence agrave Stephane Grau Des informations peuvent ecirctre obtenues sur la meacutethode proposeacutee par webCompetence sur le site httpwwwwebcompetencecom Alain Meignant Vice Preacutesident de lrsquoIAS

AVERTISSEMENT Ce document de travail preacutesente la synthegravese des travaux du groupe drsquoexperts praticiens de lrsquoaudit social Il a eacuteteacute produit pour preacutesentation agrave lrsquoUE de Lille du 2 septembre 2005 Il sera soumis au bureau de lrsquoIAS pour validation agrave la rentreacutee 20052006 et sera mis agrave disposition des adheacuterents sous la forme approprieacutee qui seule engagera lrsquoIAS

Alain Meignant 25082005

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PRESENTATION DU DOCUMENT Origine deacutecision du Bureau de lrsquoIAS septembre 2004 Objectifs

Communiquer en externe sur lrsquoactiviteacute de lrsquoAuditeur social Donner aux professionnels un cadre structureacute de description des compeacutetences requises drsquoun auditeur social Construire des parcours de formation drsquoauditeurs Coordonner entre IAS et CCIAS le reacutefeacuterentiel de certification des auditeurs Permettre des auto-eacutevaluations drsquoauditeurs

Meacutethodologie

Compte tenu de la diversiteacute des statuts pratiques et des niveaux partir de ce qui est commun pour mener agrave bien les missions Choix de la meacutethode AMC (Aide au management des compeacutetences) qui srsquoappuie sur lrsquoeacutelaboration drsquoune laquo bibliothegraveque de compeacutetences raquo La compeacutetence est deacutefinie agrave partir des actes professionnels Accord drsquoune dizaine de praticiens pour participer agrave lrsquoeacutelaboration du reacutefeacuterentiel Appui de la socieacuteteacute webcompetence qui a ouvert pour nous un forum Internet structureacute autour des laquo cases raquo de la bibliothegraveque et mis agrave disposition son logiciel Expression par les experts de propositions puis synthegravese

Remarque Un certain nombre de compeacutetences deacutecrites peuvent srsquoappliquer agrave tout prestataire de services intellectuels aux entreprises Nous avons consideacutereacute qursquoil eacutetait important de les conserver dans la mesure ougrave lrsquoaudit social du moins pour les auditeurs externes est un cas particulier de prestation intellectuelle srsquoexerccedilant dans le cadre drsquoune relation contractuelle Le reacutefeacuterentiel speacutecifie chaque fois que crsquoest pertinent ce qui est speacutecifique agrave lrsquoauditeur social Structure du reacutefeacuterentiel Les pages suivantes preacutesentent

- les caracteacuteristiques geacuteneacuterales de lrsquoactiviteacute de lrsquoauditeur social - un reacutesumeacute de la mission de lrsquoauditeur social - une liste des champs de connaissances et des aptitudes consideacutereacutees comme requis

de lrsquoauditeur social - la structure de la bibliothegraveque de compeacutetences segmenteacutee en 15 cases - le contenu de chaque case exprimeacute en termes de compeacutetences

Alain Meignant 25082005

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CARACTERISTIQUES GENERALES

INTITULE COURANT AUDITEUR SOCIAL

STATUT

Lauditeur social peut exercer son activiteacute agrave temps plein ou agrave temps partiel selon trois statuts - salarieacute dun cabinet speacutecialiseacute Il agit dans le cadre de contrats qui lui sont confieacutes par un client parfois agrave la suite dun appel doffres - auditeur indeacutependant libeacuteral Comme son collegravegue salarieacute dun cabinet il agit dans le cadre de contrats - salarieacute dune entreprise avec une mission daudit interne (pouvant inclure dautres domaines que le social) Il agit mandateacute par une Direction de lentreprise parfois en lien avec des certifications selon des normes externes

NIVEAU

Les cabinets priveacutes introduisent parfois la distinction entre auditeurs juniors et auditeurs senior Entre junior deacutebutant et senior confirmeacute le cabinet peut introduire des niveaux intermeacutediaires Cette distinction est dusage dans certains cabinets mais nest pas mentionneacutee comme telle dans la convention collective SYNTEC (en France) dans son Annexe 2 portant sur les Ingeacutenieurs et Cadres Celle-ci deacutecrit 3 niveaux avec au total 8 positions possibles Les juniors sont chargeacutes pour lessentiel de recueillir et traiter les donneacutees lors dune mission Les seniors ont la responsabiliteacute globale de la mission et des relations avec le client En amont de la mission ils eacutelaborent et neacutegocient le projet daudit managent leacutequipe en charge de la mission eacutelaborent et preacutesentent au client le rapport Certains seniors peuvent avoir une responsabiliteacute dexpert dans un domaine particulier sans avoir de responsabiliteacute directe dans le management des eacutequipes Ces distinctions ne sappliquent pas sauf si elles en deacutecident ainsi aux eacutequipes daudit interne et aux structures libeacuterales

FORMATION

Il ny a pas de formation obligatoire pour mener des audits sociaux sauf les audits se reacutefeacuterant agrave des normes On observe que dans la pratique les auditeurs sociaux ont le plus souvent une formation de niveau au moins eacutegal agrave la maicirctrise dans des speacutecialiteacutes de gestion juridiques ressources humaines organisation management qualiteacute ou une double formation Ingeacutenieur + lune des speacutecialiteacutes indiqueacutees Certains Etablissements dEnseignement Supeacuterieur des organismes priveacutes de formation et des organisations professionnelles dauditeurs organisent des formations speacutecifiques ou des perfectionnements dauditeurs sociaux

CERTIFICATIONS

Les auditeurs qui reacutealisent des audits baseacutes sur une norme doivent avoir la formation approprieacutee agrave cette norme souvent sanctionneacutee par une certification speacutecifique qui peut ecirctre exigeacutee sur le CV Les auditeurs qui le souhaitent peuvent se preacutesenter agrave la certification speacutecifique proposeacutee (en France et dans quelques autres pays) par le CCIAS (auditeurs sociaux et auditeurs RSE) Le CCIAS a eacuteteacute reconnu comme apte agrave deacutelivrer ces certifications par le COFRAC au titre de la norme internationale NF EN ISOCEI 17024

EXPERIENCE REQUISE

Il est geacuteneacuteralement admis que lauditeur social doit avoir une expeacuterience professionnelle solide acquise en entreprise agrave des postes de responsabiliteacute notamment au sein dune DRH mais pas exclusivement qui leur permet une bonne compreacutehension des situations quils auditent et qui est de nature agrave rassurer le donneur dordres sur la qualiteacute de la prestation Les auditeurs juniors agissant par application de grilles daudit preacuteeacutetablies sous la responsabiliteacute dauditeurs expeacuterimenteacutes peuvent avoir une expeacuterience professionnelle moins importante On considegravere cependant geacuteneacuteralement que la mission dun auditeur social ne peut ecirctre exerceacutee dans le cadre dun premier poste de deacutebut de carriegravere

CONTRAINTES PARTICULIERES

Les missions daudit neacutecessitent souvent des deacuteplacements freacutequents et une grande disponibiliteacute

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MISSION DE LAUDITEUR SOCIAL

Lauditeur social agit dans le cadre dune lettre de mission neacutegocieacutee avec le donneur dordres Il megravene des investigations par les meacutethodes approprieacutees (recueil analyse de donneacutees calcul dindicateurs interviews questionnaires etchellip) permettant dapporter une reacuteponse argumenteacutee agrave la question ou aux questions poseacutees(s) par la lettre de mission Sa mission est tregraves proche dans ses meacutethodologies et dans sa deacuteontologie de celle dun auditeur travaillant sur une autre probleacutematique (gestion qualiteacute informatique etc) mais sapplique agrave des champs dinvestigation diffeacuterents On peut identifier trois champs principaux - laudit dun domaine ou dun processus speacutecifique agrave la gestion des RH (recrutement eacutevaluation formation

absenteacuteisme reacutemuneacuterations relations et communication sociale etc) - laudit dune situation speacutecifique notamment pour appreacutecier la coheacuterence dune politique sociale agrave la strateacutegie dune

entreprise souvent agrave des moments de changements importants (fusion restructuration changement de Dirigeants redeacuteploiements strateacutegiques )

- laudit de conformiteacute de lentreprise agrave des normes juridiques ou lieacutees agrave la RSE (Responsabiliteacute Sociale dEntreprise) Son activiteacute consiste agrave partir dun ou plusieurs reacutefeacuterentiels identifieacutes agrave identifier des eacutecarts entre la reacutealiteacute observeacutee et ce reacutefeacuterentiel sur une base factuelle agrave en eacutevaluer les risques agrave en analyser les causes et agrave reacutediger et commenter au donneur dordres un rapport circonstancieacute de ses observations Il peut ecirctre ameneacute agrave formuler des preacuteconisations mais son activiteacute se distingue de celle dun consultant en ceci quil sinterdit decirctre un opeacuterateur dans la mise en oeuvre de ses preacuteconisations Il peut cependant ecirctre mandateacute pour assurer le suivi et le controcircle de la mise en oeuvre des deacutecisions prises par le donneur dordres suite agrave laudit Les compeacutetences neacutecessaires agrave lexercice de lactiviteacute se reacutepartissent sur les trois temps du processus-type dune mission obtention de la mission reacutealisation de la mission (incluant preacute-audit reacutealisation remise du rapport) et deacuteveloppement de lactiviteacute On distinguera les compeacutetences relationnelles ( avec le donneur dordre et les auditeacutes) les compeacutetences meacutetier (ou techniques) et les compeacutetences dorganisation (dans la conduite de la mission) La bibliothegraveque de compeacutetences qui structure le reacutefeacuterentiel est construite sur cette base

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CONNAISSANCES ET APTITUDES GENERALES

La reacutealisation de missions daudit social suppose que lauditeur possegravede un certain nombre de connaissances et daptitudes Nous nindiquerons ici que celles qui ne sont pas speacutecifiques agrave la pratique de laudit social (elles seront deacutetailleacutees dans le reacutefeacuterentiel) mais qui constituent un socle permettant dexercer les compeacutetences propres agrave laudit social en sappuyant sur des bases solides La liste des connaissances est fortement inspireacutee du test de seacutelection eacutelaboreacute pour le CCIAS pour la premiegravere eacutetape de certification des auditeurs sociaux Seuls les champs de connaissances sont indiqueacutes ici Il appartient aux formateurs den deacutetailler et den mettre agrave jour le contenu

CONNAISSANCES c1 Organisation du travail c2 Management c3 Gestion dentreprise c4 Controcircle et audit interne notions de base de laudit conformiteacute pertinence coheacuterence efficaciteacute efficience c5 Normalisation et certifications (connaissance geacuteneacuterale pour tous et approfondie dans les domaines auditeacutes) c6 Meacutethodologie geacuteneacuterale denquecircte (recueil et traitement de donneacutees entretiens questionnaires indicateurs hellip) et

bases de statistique c7 Bases de Droit du Travail c8 Connaissance des institutions sociales leur rocircle leur pouvoirs droits et obligations c9 Connaissance des ressources documentaires dans le domaine social

c10 Probleacutematique geacuteneacuterale du management des RH et probleacutematique speacutecifique des domaines auditeacutes c11 Sociologie des organisations (en particulier analyse strateacutegique des jeux dacteurs) c12 Deacuteontologie (code deacuteontologique de lauditeur)

APTITUDES a1 Utiliser les technologies bureautiques basiques logiciels Word Excel (ou eacutequivalents) et mail Internet a2 Sexprimer avec aisance et clarteacute a3 Reacutediger de maniegravere claire a4 Goucirct du contact ouverture relationnelle eacutecoute disponibiliteacute a5 Autonomie et initiative aller chercher linformation au delagrave de celle immeacutediatement disponible a6 Capaciteacute agrave se maintenir dans le cadre de la mission confieacutee a7 Capaciteacute agrave placer la relation avec les auditeacutes au bon niveau (empathie sans compliciteacute et professionnalisme) a8 Capaciteacute agrave coopeacuterer au sein dune eacutequipe a9 Capaciteacute dauto-analyse des ses points forts et faibles

a10 Respect des regravegles deacuteontologiques et des engagements (confidentialiteacute hellip)

Alain Meignant 25082005

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STRUCTURE DE LA BIBLIOTHEQUE DE COMPETENCES La meacutethodologie choisie est la meacutethodologie AMC (Aide au management des compeacutetences) qui permet ici de croiser deux dimensions des compeacutetences1 globalement neacutecessaires agrave la conduite agrave bonne fin de missions drsquoaudit social

- verticalement les compeacutetences lieacutees aux trois eacutetapes principales de lrsquoactiviteacute (obtention de la mission reacutealisation de la mission deacuteveloppement de lrsquoactiviteacute)

- horizontalement les compeacutetences lieacutees aux relations avec les laquo clients raquo (relationnelles) les compeacutetences techniques (meacutetier) les compeacutetences drsquoorganisation

Cette approche permet la production drsquoune bibliothegraveque de compeacutetences classant les compeacutetences en 15 cases Pour lrsquoauditeur social la bibliothegraveque a les intituleacutes suivants

REALISATION DE LA MISSION

OBTENTION ET CADRAGE DES

MISSIONS

ANALYSE DES DONNEES

DISPONIBLES ET PRE-AUDIT

REALISATION DE LAUDIT

PRODUCTION ET PRESENTATION

DU RAPPORT

DEVELOPPEMENT

DE LACTIVITE

COMPETENCES RELATIONNELLES (R)

CASE 1 IDENTIFIER LES ATTENTES DES

PRESCRIPTEURS DAUDIT ET SON OFFRE

CASE 4 PREPARER LA

COMMUNICATION AVEC LES AUDITEacuteS

CASE 7 MAINTENIR UNE

RELATION POSITIVE AVEC LE

PRESCRIPTEUR

CASE 10 PRESENTER ET

COMMENTER LES CONCLUSIONS AU

PRESCRIPTEUR

CASE 13 DETECTER DES

OPPORTUNITES DE DEVELOPPEMENT

COMPETENCES METIER (M)

CASE 2 ELABORER UN PROJET

DAUDIT (TECHNIQUE ET FINANCIER)

CASE 5 CHOISIR

ELABORER LES OUTILS DAUDIT

CASE 8 REALISER LAUDIT

SELON LES REGLES DE LART

CASE 11 FORMALISER LES

CONCLUSIONS

CASE 14 CAPITALISER ET VALORISER LE

SAVOIR-FAIRE ACQUIS

COMPETENCES DORGANISATION (O)

CASE 3 FINALISER LE PROJET

PAR LA LETTRE DE MISSION

CASE 6 -ORGANISER

LEQUIPE DAUDIT

CASE 9 GERER LE PROJET

EN COURS DE REALISATION

CASE 12 EVALUER LA

MISSION

CASE 15 DEGAGER DES AXES DE PROGRES POUR

LES MISSIONS FUTURES

Chaque case de la bibliothegraveque est elle mecircme subdiviseacutee en sous-cases (voir listes) agrave lrsquointeacuterieur desquelles sont classeacutees les compeacutetences requises de lrsquoauditeur Lrsquoensemble constitue le reacutefeacuterentiel incluant une liste exhaustive de compeacutetences Dans la pratique en fonction des choix drsquoorganisation de lrsquoorganisme reacutealisant des audits et du type de missions qursquoil megravene cet organisme pourra preacutelever dans la bibliothegraveque les compeacutetences qui lui semblent requises pour un emploi particulier drsquoauditeur Lrsquoensemble des compeacutetences identifieacutees nrsquoest donc pas requis de tout auditeur Par hypothegravese nous consideacutererons qursquoil y a

- des compeacutetences communes requises de tout auditeur (notamment dans les compeacutetences laquo client raquo et les compeacutetences laquo organisation raquo + quelques compeacutetences laquo meacutetier raquo)

- des compeacutetences speacutecifiques agrave lrsquoauditeur laquo RH raquo (compeacutetences meacutetier) - des compeacutetences speacutecifiques agrave lrsquoauditeur RSE (compeacutetences meacutetier)

Un auditeur devrait avoir au moins les compeacutetences communes plus les compeacutetences lieacutees au moins agrave lrsquoune des deux speacutecialiteacutes

1 La compeacutetence est un savoir-faire opeacuterationnel observable en situation de travail Crsquoest pourquoi elle est formuleacutee par des verbes drsquoaction Les connaissances sont un eacuteleacutement constitutif de la compeacutetence (de mecircme que lrsquoexpeacuterience) mais ne sont pas observeacutees directement

Alain Meignant 25082005

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CASES 1 2 3 RELATIVES A LrsquoOBTENTION DE LA MISSION R CASE 1 IDENTIFIER LES ATTENTES DES PRESCRIPTEURS DAUDIT ET SON OFFRE 11 METTRE A JOUR SES CONNAISSANCES 111 Se tenir agrave jour de leacutevolution des normes dans son domaine 112 Se tenir agrave jour de leacutevolution de la leacutegislation sociale 113 Se tenir agrave jour de leacutevolution des attentes des prescripteurs potentiels

1131 Si audit externe se tenir au courant de leacutevolution du marcheacute 1132 Si audit interne se tenir au courant de leacutevolution des besoins des Directions

114 Se tenir agrave jour de leacutetat de lart sur la meacutethodologie de laudit

12 DETERMINER ET STRUCTURER SON OFFRE DE SERVICE 121 Deacutefinir son offre de services en fonction de ses domaines de compeacutetences 122 Structurer et instrumenter la preacutesentation de son offre (brochures sites web hellip) 123 Tenir agrave jour un reacuteseau de partenaires et leurs compeacutetences avec qui on pourra reacutepondre 124 Elaborer des propositions innovantes daudit (meacutethodes deacutemarches) dans son domaine 125 Produire des grilles daudit dans son domaine de compeacutetence (si reacutefeacuterentiel non normatif)

13 IDENTIFIER LES BESOINS DU PRESCRIPTEUR 131 Comprendre lenvironnement eacuteconomique technique organisationnel et social du client

132 Cerner les objectifs quil souhaite atteindre exprimeacutes (et non dits) 133 Instruire la demande comprendre les attentes exprimeacutees (ou non) les objectifs strateacutegiques en faire lanalyse

134 Reformuler et faire valider une probleacutematique autour des attentes

135 Identifier la pertinence dune reacuteponse en termes daudit agrave une demande 136 Identifier les points demandeacutes ougrave lon na pas la compeacutetence

137 Etablir le profil du prescripteur fonction pouvoirs influence objectifs profil psychologique

M CASE 2 ELABORER UN PROJET DAUDIT (TECHNIQUE ET FINANCIER) 21 ELABORER UNE PROPOSITION TECHNIQUE 211 Identifier le(s) reacutefeacuterentiel(s) pertinent(s) si audit normatif 212 Identifier le(s) reacutefeacuterentiel(s) pertinent(s) si audit social non normatif 213 Obtenir si neacutecessaire du client les informations compleacutementaires neacutecessaires agrave une proposition 214 Reacutediger une proposition technique agrave la demande

2141 Reformuler la demande et la probleacutematique du client 2142 Preacuteciser les livrables de la mission 2143 Deacutecrire la deacutemarche meacutethodologique proposeacutee 2144 Proposer un plan daudit (eacutetapes nature des activiteacutes informations neacutecessaires sources et meacutethodes) 2145 Rappeler les principes deacuteontologiques (confidentialiteacute etchellip) 2146 Identifier les auditeurs devant intervenir et rassembler leurs CV

22 ELABORER UNE PROPOSITION FINANCIERE 221 Estimer et justifier par eacutetape les hommesjour 222 Chiffrer le coucirct des hommesjour (avec eacuteventuellement des options selon les choix de meacutethode) 223 Chiffrer les coucircts annexes (deacuteplacementsseacutejour traitements informatique tirages de documents hellip)

Alain Meignant 25082005

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O CASE 3 FINALISER LE PROJET PAR LA LETTRE DE MISSION 31 SORGANISER POUR OBTENIR LA MISSION 311 Geacuterer le temps au stade projet 312 Deacutesigner un responsable de projet 313 Identifier les compeacutetences et savoir-faire agrave mobiliser au stade projet 314 Identifier les compeacutetences agrave mobiliser pour la reacutealisation de la mission 315 Neacutegocier le projet pour lobtention du contrat

32 OBTENIR UNE LETTRE DE MISSION

321 Contractualiser les engagements reacuteciproques du client et de lauditeur dans une lettre de mission ( deacutelais livrables organisation de mission)

322 Deacutefinir la restitution des reacutesultats qui quoi quand agrave quel moment

Alain Meignant 25082005

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CASES 456 RELATIVES A LrsquoANALYSE DES DONNEES DISPONIBLES ET AU PRE-AUDIT R CASE 4 PREPARER LA COMMUNICATION AVEC LES AUDITEacuteS 41 STRUCTURER UN PLAN DE COMMUNICATION

411 Deacutefinir avec le client le contenu la forme et la chronologie de linformation agrave donner aux diffeacuterents acteurs avant le deacutemarrage de laudit

4111 Preacuteciser les messages et les engagements vis agrave vis des auditeacutes (objectifs confidentialiteacute meacutethode planning ) 4112 Preacuteciser les messages diffuseacutes aux autres acteurs (les identifier et cibler les messages)

412 Deacutefinir les rocircles et la coordination de linformation

413 Assister le client dans la production de document(s) dinformation

42 REALISER LA COMMUNICATION 421 Mener les opeacuterations de communication eacutecrite ou orale confieacutees agrave leacutequipe daudit 422 Sassurer que le client informe les diffeacuterents acteurs selon ce qui a eacuteteacute deacutefini 423 Sassurer de la coheacuterence des messages diffuseacutes par les membres de leacutequipe daudit

M CASE 5 CHOISIR ELABORER LES OUTILS DAUDIT 51 RASSEMBLER LES DOCUMENTS UTILES 511 Identifier les documents agrave rassembler chez le client leurs deacutetenteurs et deacuteterminer un plan de classement 512 Reacutepertorier les reacutefeacuterentiels et grilles daudit disponibles pertinents pour la mission 513 Organiser la seacutecurisation de la documentation rassembleacutee (confidentialiteacute protection )

52 PRODUIRE LES OUTILS DE LAUDIT 521 Identifier les informations agrave rechercher et les meacutethodes approprieacutees

522 Identifier les personnes agrave rencontrer pour le preacute-audit

523 Constituer un eacutechantillon

524 Bacirctir le(s) guide(s) dentretien

525 Bacirctir un questionnaire

526 Choisir les indicateurs agrave renseigner

527 Elaborer des grilles dobservation et de classement des informations

528 Mettre en place la logistique permettant le classement et le traitement des informations

529 Valider que tous les champs deacutefinis dans la lettre de mission et le plan daudit soient couverts

O CASE 6 - ORGANISER LEQUIPE DAUDIT 61 ORGANISER LEQUIPE DAUDIT 611 Informer les auditeurs impliqueacutes (mission meacutethodologie planning) 612 Reacutepartir lactiviteacute entre les auditeurs (rocircles responsabiliteacutes vis agrave vis du client charges de travail reacutepartition des investigations) 613 Organiser la mise en commun des informations rassembleacutees (forme et fond des restitutions) 614 Planifier le calendrier des points deacutetapes de leacutequipe dauditeurs (physiquement et eacutelectroniquement)

615 Si neacutecessaire mise agrave jour des connaissances des auditeurs impliqueacutes

62 ORGANISER LA LOGISTIQUE 621 Organiser le classement des documents rassembleacutes la traccedilabiliteacute de la mission la confidentialiteacute 622 Organiser linterface administratif avec le client (secreacutetariat messages hellip) 623 Organiser la disponibiliteacute des moyens (ordinateurs logiciels transports communications tirages de documents etchellip)

Alain Meignant 25082005

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CASES 789 RELATIVES A LA REALISATION DE LA MISSION R CASE 7 - MAINTENIR UNE RELATION POSITIVE AVEC LE PRESCRIPTEUR 71 INFORMER SELON PLANNING ET REGLES 711 Preacuteparer et effectuer des restitutions partielles si elles sont preacutevues dans la lettre de mission 712 Informer le prescripteur en cours de mission en cas de difficulteacutes par rapport au process convenu 713 Assurer la coheacuterence des auditeurs dans la transmission dinformations au client

72 MAINTENIR UN COMPORTEMENT RELATIONNEL PROFESSIONNEL 721 Reacutesister aux pressions eacuteventuelles (rupture danonymat extension ou abandon du champ auditeacute demandes de conseil) 722 Maintenir la bonne distance avec les auditeacutes pour conserver lindeacutependance requise (neutraliteacute empathie) 723 Geacuterer les situations de tension eacuteventuelles avec les auditeacutes dans linteacuterecirct de la mission 724 Respecter strictement les engagements deacuteontologiques (confidentialiteacute ) 725 Respecter strictement les engagements organisationnels (rendez-vous remise rapports etchellip)

M CASE 8 - REALISER LAUDIT SELON LES REGLES DE LART 81 REALISER UN AUDIT BASE SUR UNE NORME OU UN REFERENTIEL JURIDIQUE 811 Appliquer les regravegles grilles et proceacutedures preacutevues par la norme 812 Rechercher et veacuterifier les donneacutees chiffreacutees pertinentes 813 Identifier les eacutecarts par rapport agrave des reacutefeacuterentiels juridiques (Loi Convention collective accords) et les risques encourus 814 Maintenir ses investigations dans le domaine couvert par la norme

82 REALISER UN AUDIT SOCIAL NON NORMATIF 821 Recueillir et traiter reacuteferentiels et donneacutees quantitatives et organisationnelles

8211 Identifier les reacutefeacuterentiels internes pertinents (politiques regravegles proceacutedures objectifs) 8212 Analyser les eacutecarts entre la reacutealiteacute observeacutee et les reacutefeacuterentiels choisis 8213 Analyser les risques encourus du fait des eacutecarts constateacutes 8214 Identifier les causes des eacutecarts (pertinence des reacutefeacuterentiels coheacuterence etchellip) 8215 Rechercher et veacuterifier les donneacutees chiffreacutees et factuelles pertinentes 8216 Deacutecrire et analyser un processus et ses dysfonctionnements 8217 Analyser et exploiter des documents internes agrave lentreprise cliente 8218 Choisir et calculer les ratios et indicateurs pertinents 8219 Effectuer des comparaisons significatives dans le temps (seacuteries) ou lespace (eacutetablissements benchmarking)

82110 Appreacutecier la fiabiliteacute statistique des chiffres obtenus (repreacutesentativiteacute) 82111 Faire tous recoupements de donneacutees permettant den veacuterifier la fiabiliteacute 82112 Elaborer tableaux ou graphiques rendant compte des reacutesultats

822 Recueillir et traiter des donneacutees qualitatives 8221 Elaborer des grilles dentretien 8222 Conduire des entretiens 8223 Elaborer et appliquer des questionnaires 8224 Elaborer et appliquer un protocole dobservation 8225 Exploiter les informations qualitatives recueillies par entretien questionnaire ou observation 8226 Analyser les strateacutegies des acteurs (comme facteur explicatif et comme eacuteleacutement agrave prendre en compte dans les preacuteconisations)

823 ASSURER LA TRACABILITE DE LA MISSION 8231 Assurer la traccedilabiliteacute de la mission (enregistrements signatures documents etc) 8232 Enregistrer les donneacutees administratives et budgeacutetaires

Alain Meignant 25082005

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O CASE 9 - GERER LE PROJET EN COURS DE REALISATION 91 COORDONNER LE PROJET AVEC LEQUIPE DAUDIT 911 Appliquer les proceacutedures de reporting et de remonteacutee dinformation 912 Piloter le projet en opeacuterant les changements neacutecessaires pour la conduite agrave bonne fin de la mission 913 Adapter si neacutecessaire lorganisation de la mission et les rocircles auditeurs 914 Veacuterifier que les changements ne modifient la lettre de mission preacutealablement deacutefinie

92 COORDONNER LE PROJET AVEC LE PRESCRIPTEUR 921 Appreacutecier limpact eacuteventuel sur la mission dorigine de demandes nouvelles du prescripteur 922 Veacuterifier que la demande ou lincitation est acceptable deacuteontologiquement techniquement et financiegraverement 923 Expliquer et argumenter le cas eacutecheacuteant son deacutesaccord envers une demande de changement demandeacutee par un prescripteur 924 Reacuteorganiser le planning de la mission en concertation avec le client en cas de problegraveme lieacute agrave des impondeacuterables

925 Valider avec le client les modifications de meacutethodes outils eacutechantillon en fonction des aleacuteas du terrain

Alain Meignant 25082005

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CASES 101112 RELATIVES A LA PRODUCTION ET A LA PRESENTATION DU RAPPORT R CASE 10 - PRESENTER ET COMMENTER LES CONCLUSIONS AU PRESCRIPTEUR 101 PREPARER UNE SEANCE DE RESTITUTION

1011 Preacuteparer les reacuteunions de restitution avec les supports approprieacutes aux participants (selon plan fixeacute)

1012 Organiser les diffeacuterentes eacutetapes de restitution dans le temps disponible

1013 Syntheacutetiser les ideacutees sur un document clair et facilement compreacutehensible (qualiteacutes de synthegravese de vocabulaire et reacutedactionnelles)

102 ANIMER UNE SEANCE DE RESTITUTION 1021 Preacutesenter et commenter oralement les conclusions 1022 Faire une preacutesentation peacutedagogique et explicite des points sensibles pertinents et importants souleveacutes par les conclusions

1023 Distinguer clairement analyses conclusions et recommandations 1024 Preacutesenter les risques du statu quo et leur hieacuterarchie en termes de probabiliteacute de graviteacute et deacutetendue 1025 Enregistrer les remarques et suggestions du prescripteur 1026 Enregistrer les remarques et suggestions des auditeacutes 1027 Se maintenir dans une position dauditeur (pas de consultant sur les suites agrave donner) 1028 Synthegravetiser les remarques et observations preacutesenteacutees

1029 Assurer la traccedilabiliteacute des preacutesences et des rapports remis (signatures)

M CASE 11 - FORMALISER LES CONCLUSIONS 111 REDIGER LE RAPPORT 1111 Structurer le rapport daudit 11111 Structurer le rapport en fonction des points mentionneacutes sur la lettre de mission 11112 Seacuteparer clairement le rapport baseacute sur les observations et la partie de commentaires et de preacuteconisations 11113 Mettre en eacutevidence les eacutecarts (conformiteacute) les risques encourus les problegravemes de pertinence coheacuterence et efficaciteacute 11114 Reacutediger des fiches de non-conformiteacute remarques ou points agrave clarifier (pour les audits normatifs) 11115 Preacutevoir dans le rapport de lespace pour que les auditeacutes puissent apporter leurs commentaires (si preacutevu dans la lettre de mission)

1112 Veiller agrave la qualiteacute reacutedactionnelle du rapport 11121 Reacutediger de maniegravere claire et concise en sappuyant sur des donneacutees factuelles 11122 Inseacuterer des verbatims pour ancrer laudit dans la reacutealiteacute des auditeacutes (en veillant agrave leur repreacutesentativiteacute) 11123 Reacutediger les conclusions et preacuteconisations dune maniegravere permettant au prescripteur de prendre des deacutecisions

112 FINALISER LE RAPPORT (si neacutecessaire)

1121 Dans le rapport final inteacutegrer les commentaires et suggestions des auditeacutes en assumant sa propre position dauditeur indeacutependant

O CASE 12 - EVALUER LA MISSION 121 EVALUER DU POINT DE VUE DU PRESCRIPTEUR 1211 Recueillir le point de vue du prescripteur sur le formulaire preacutevu (audits normatifs) 1212 Organiser avec le perscripteur une reacuteunion de bilan de fin de mission

122 EVALUER DU POINT DE VUE TECHNIQUE 1221 Evaluer les meacutethodologies et outils utiliseacutes

1222 Analyser les aleacuteas les adaptations faites en cours daudit les eacutetonnements et les eacuteleacutements de compleacutement dexpeacuterience de la mission

1223 Reacuteunir les auditeurs pour eacutevaluer la mission collectivement trouver des voies dameacutelioration et le deacuteveloppement de compeacutetences

1224 Proceacuteder aux questionnements individuels de chaque auditeur pour eacutetablir une eacutevaluation de leur mission (savoir mener des entretiens deacutevaluation appreacutecier les compeacutetences et qualiteacutes neacutecessaires )

123 EVALUER DU POINT DE VUE ADMINISTRATIF ET FINANCIER 1231 Veacuterifier la conformiteacute administrative et financiegravere aux preacutevisions

Alain Meignant 25082005

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1232 Veacuterifier la conformiteacute aux engagements pris (documents agrave rendre confidentialiteacute hellip) CASES 131415 RELATIVES AU DEVELOPPEMENT DE LrsquoACTIVITE R CASE 13 - DETECTER DES OPPORTUNITES DE DEVELOPPEMENT 131 DETECTER LES SUITES POSSIBLES CHEZ LE MEME CLIENT

1311 Identifier avec le client les possibiliteacutes dautres missions daudit ou daudits de suivi ou dapprofondissement de la mission

1312 Conserver vis agrave vis du client une position dauditeur (pas de passage au conseil)

1321 IDENTIFIER LES OPPORTUNITES CHEZ DAUTRES CLIENTS 132 Analyser les possibiliteacutes de reacuteinvestir la reacutefeacuterence pour des missions analogues

M CASE 14 CAPITALISER ET VALORISER LE SAVOIR-FAIRE ACQUIS 141 ENRICHIR LA BASE DE DONNEES CLIENTS 1411 Enregistrer les reacutefeacuterences 1412 Enregistrer les donneacutees client 142 ENRICHIR LA BASE DE DONNEES CONNAISSANCES ET METHODES 1421 Enregistrer les savoir-faire et connaissances acquis transposables sur dautres missions 1422 Formaliser les meacutethodologies et outils reacuteutilisables agrave lavenir 143 CONTRIBUER A LA PROMOTION DE LAUDIT SOCIAL 1431 Communiquer lors des colloques professionnels agrave propos des expeacuteriences daudit 1432 Echanger les pratiques au travers du reacuteseau des auditeurs 1433 Formaliser des documents ou supports pouvant ecirctre utiliseacutes dans la formation des auditeurs 1434 Contribuer agrave la valorisation externe de lAS

O CASE 15 - DEGAGER DES AXES DE PROGRES POUR LES MISSIONS

FUTURES 151 ETABLIR UN PLAN DE PROGRES DES PRATIQUES 1511 Deacutefinir les actions de progregraves agrave mener pour reacuteduire ou supprimer les points faibles constateacutes dans la mission 1512 Elaborer un plan de progregraves des compeacutetences des auditeurs 1513 Enregistrer les deacutecisions de modification dans la documentation du systegraveme qualiteacute (si certifieacute)

Alain Meignant 25082005

VERS UN AUDIT DES POLITIQUES DE FORMATION Jonathan POTTIEZ1 Doctorant en sciences de gestion agrave lrsquoIAE de Lille ndash Membre du GRAPHE Consultant-Chercheur ndash Vulpus

Reacutesumeacute Issue drsquoune recherche doctorale en cours cette communication porte sur lrsquoeacutevaluation de lrsquoefficaciteacute de la formation et plus particuliegraverement sur lrsquoeacutevaluation des politiques de formation ainsi que sur les perspectives de recherche qui en deacutecoulent Nombre drsquoeacutetudes empiriques tendent agrave deacutemontrer le lien entre pratiques de GRH notamment la formation et performance de la firme Or malgreacute cet attrait majeur et ces justifications incessantes qui font lrsquoobjet de nombreuses publications toutes les entreprises ne se precirctent pas forceacutement agrave lrsquoeacutevaluation de leurs pratiques et politiques de formation Nous nous interrogerons ainsi sur les pratiques des entreprises franccedilaises en la matiegravere En outre de nouveaux enjeux eacutemergent il ne srsquoagit plus drsquoeacutevaluer la formation au travers de son seul retour sur investissement mais aussi en tenant compte des diffeacuterents acteurs en preacutesence dans la logique de la theacuteorie des parties prenantes en lien avec la Responsabiliteacute Sociale des Entreprises Il srsquoagira eacutegalement drsquoeacutevoquer lrsquointeacuterecirct croissant des outils et des indicateurs issus du controcircle de gestion sociale qui permettent de piloter les politiques de formation de lrsquoentreprise dans cette logique drsquoeacutevaluation Introduction Mesurer la gestion des ressources humaines (GRH) eacutevaluer ses pratiques et ses politiques est un enjeu majeur pour les chercheurs comme pour les praticiens Les premiers se questionnent freacutequemment et multiplient les recherches LrsquoAGRH2 en a justement fait le thegraveme de son congregraves annuel en 2004 (La GRH mesureacutee ) Lrsquointeacuterecirct porteacute par la communauteacute acadeacutemique a favoriseacute lrsquoeacutemergence de nombreuses recherches dont les reacutesultats deacutemontrent majoritairement un lien entre pratiques de GRH et performance de la firme Les praticiens eux se questionnent sans cesse quant agrave lrsquoopeacuterationnalisation possible de tels reacutesultats et leur traduction concregravete en outils et indicateurs de gestion Au centre des deacutebats la formation occupe une place de choix dans le paysage francophone En effet la reacuteforme de la formation professionnelle continue (FPC) instaureacutee en 2004 suscite un engouement pour la formation de plus en plus consideacutereacutee comme un investissement (on parle alors drsquoinvestissement-formation) Lrsquoapparition du Droit Individuel agrave la Formation (DIF) devrait dans les prochaines anneacutees accroicirctre sensiblement le volume des stages de formation et par conseacutequent le budget formation des entreprises drsquoougrave la neacutecessiteacute drsquoeacutevaluer les pratiques et les politiques de formation qui en deacutecoulent Evaluer la formation cela consiste laquo agrave dire si oui ou non et dans quelle mesure les objectifs sont atteints ou non atteints ou deacutepasseacutes raquo (Barzucchetti et Claude 1995)3

1 jonathanpottieziaeuniv-lille1fr ou jpottiezvulpuscom 2 Association francophone de Gestion des Ressources Humaines 3 BARZUCCHETTI S CLAUDE JF (1995) Evaluation de la formation et performance de lrsquoentreprise Editions Liaisons Paris

Or le modegravele de la formation eacutevalueacutee par ses seuls aspects eacuteconomiques (coucirct et retour sur investissement) tend agrave se renouveler par lrsquoeacutemergence du concept de Responsabiliteacute Sociale des Entreprises (RSE) agrave qui lrsquoactualiteacute fait la part belle Parfois consideacutereacutee comme un effet de mode et faisant lrsquoapanage de nombre de consultants force est de constater que les travaux issus de la recherche sont quant agrave eux ici aussi de plus en plus nombreux Pour preuve lrsquoIAS4 en faisait le thegraveme de son Universiteacute drsquoeacuteteacute en 2004 au Luxembourg (Audit social Responsabiliteacute sociale et Deacuteveloppement durable vers une convergence europeacuteenne ) mettant ainsi en avant le rocircle preacutepondeacuterant de lrsquoaudit social et son apport dans les probleacutematiques lieacutees agrave la RSE La GRH srsquoinscrit directement dans ce cadre Il serait difficilement concevable drsquoeacutevoquer la responsabiliteacute sociale drsquoune entreprise sans srsquointeacuteresser agrave ses pratiques et politiques de gestion des hommes La formation comme nous lrsquoeacutevoquions preacuteceacutedemment nrsquoy fait pas deacutefaut Longtemps perccedilue sous ses seuls aspects eacuteconomiques (le laquo sacro-saint raquo retour sur investissement) la RSE nous invite agrave nous interroger sur les autres mesures probables de son efficaciteacute En effet la formation inteacuteresse un certain nombre de parties prenantes aux attentes parfois divergentes vis-agrave-vis de celle-ci Cette penseacutee introduit donc le concept de stakeholder (Freeman 19845 Carroll et Buchholtz 19996) optant ainsi pour une alternative agrave la tregraves preacutesente stockholder theory dans la litteacuterature scientifique (consideacuterant lrsquoactionnaire comme partie prenante unique) Crsquoest au travers de cette nouvelle approche que nous allons tenter de faire eacutemerger une nouvelle reacuteflexion sur lrsquoeacutevaluation de lrsquoefficaciteacute de la formation au travers de ses politiques Apregraves avoir passeacute en revue un certain nombre drsquoeacuteleacutements issus de la litteacuterature mecirclant eacutevaluation de la formation et instrumentation de gestion sociale tout en maintenant le lien avec la RSE et la theacuteorie des parties prenantes qui y est majoritairement associeacutee nous preacutesenterons le deacuteroulement de nos recherches empiriques agrave venir

1 Les acteurs de lrsquoeacutevaluation de la formation eacutevoluer vers un nouveau paradigme de la GRH

La RSE est bien souvent au sein des eacutecrits scientifiques et manageacuteriaux associeacutee agrave la theacuteorie des parties prenantes Mercier et Guinn-Milliot (2004)7 voyaient ainsi en la RSE un cadre theacuteorique feacutecond pour la theacuteorie des parties prenantes Selon cette logique une entreprise responsable nrsquoagirait plus selon des impeacuteratifs eacuteconomiques dicteacutes par ses seuls actionnaires mais prendrait eacutegalement en compte les attentes et inteacuterecircts bien souvent divergents des autres acteurs internes et externes Nous pourrions alors parler de laquo parties prenantes raquo de la formation mais pourrions opter plus volontairement pour lrsquoappellation laquo acteurs en preacutesence raquo Il nrsquoest pas certain en effet que lrsquoensemble des parties prenantes comme traditionnellement repreacutesenteacutees dans la litteacuterature aient un inteacuterecirct direct dans lrsquoeacutevaluation de la formation A titre drsquoexemple lrsquoactionnaire est normalement inteacuteresseacute au reacutesultat eacuteconomique final de lrsquoentreprise agrave son beacuteneacutefice net le versement de ses dividendes en deacutependant En revanche rien ne nous permet de croire qursquoil puisse srsquointeacuteresser preacuteciseacutement agrave

4 Institut international de lrsquoAudit Social 5 FREEMAN RE (1984) Strategic management a stakeholder approach Pitman Boston 6 CARROLL AB BUCHHOLTZ AK (1999) Business and society ethics and stakeholder management South-Western College Publishing Cincinnati 4egraveme eacutedition 7 MERCIER S GUINN-MILLIOT S (2003) laquo La theacuteorie des parties prenantes un cadre conceptuel feacutecond pour la responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise raquo Actes de la 5egraveme Universiteacute de Printemps de lrsquoAudit Social IAE de Corse mai 2003 pp 249-259

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la construction de cette performance organisationnelle (et agrave lrsquoimpact possible de la formation sur celle-ci) Quels peuvent ecirctre ces acteurs inteacuteresseacutes et impliqueacutes directement ou indirectement dans lrsquoeacutevaluation de la formation A la maniegravere de Louart (2002)8 qui mettait en exergue les acteurs de la GRH nous pensons que les acteurs de la formation sont divers et varieacutes Citons entre autres les dirigeants les managers opeacuterationnels les salarieacutes les syndicalistes les responsables et cadres RH (et plus particuliegraverement le responsable formation) les salarieacutes les partenaires sociaux les consultants les auditeurs les formateurshellip mais eacutegalement lrsquoEtat A la suite de cette eacutenumeacuteration il nous semble eacutevident de constater la richesse et la diversiteacute potentielles des acteurs de la formation aux inteacuterecircts rarement convergents A titre drsquoexemple nous pouvons supposer que les dirigeants seront plus sensibles aux coucircts des formations et agrave leur retour sur investissement eacuteconomique quand les managers opeacuterationnels veilleront principalement aux reacutesultats de leur servicedeacutepartement (citons comme exemples freacutequents la hausse du chiffre drsquoaffaires pour un directeur commercial ou la diminution du nombre de rebuts pour le responsable de production) Aussi les salarieacutes et les syndicats se soucieront davantage du deacuteveloppement effectif des compeacutetences du personnel dans une logique drsquoemployabiliteacute (la peur des restructurations nrsquoest jamais lointaine) Les raisons sous-jacentes agrave la mesure (et agrave lrsquoeacutevaluation) de la GRH et ici plus particuliegraverement de la formation en entreprise sont en effet nombreuses Louart et Beaucourt (2004)9 distinguent trois enjeux de la mesure mesurer pour mettre agrave jour mesurer pour comparer mesurer pour avoir une base drsquoeacutechanges de discussions de deacutebats constructifs Comme le deacutemontrent ces auteurs il y a dans la mesure un veacuteritable acte politique impliquant donc directement et indirectement un grand nombre drsquoacteurs dans lrsquoorganisation Ainsi bien au-delagrave de sa seule eacutevaluation eacuteconomique nrsquoest-il pas opportun pour la formation de srsquoinscrire dans un paradigme alternatif de la GRH La GRH srsquoeacuteloignerait alors de la seule logique du marcheacute (et de la valeur boursiegravere de lrsquoentreprise) pour ne plus ecirctre un ensemble de rouages obeacuteissant aveugleacutement agrave la strateacutegie geacuteneacuterale mais au contraire pour impacter davantage dans les deacutecisions strateacutegiques en prenant soin de vanter les avantages essentiels pour la peacuterenniteacute de lrsquoorganisation agrave geacuterer les hommes de maniegravere responsable Une telle approche devrait revaloriser la formation aux yeux du personnel et la resituer au centre de toutes les probleacutematiques de gestion des compeacutetences (employabiliteacute gestion de carriegravereshellip) laquo Il nrsquoest de richesses que drsquohommes raquo dit-on Il est deacutesormais impeacuteratif de montrer objectivement que les impeacuteratifs eacuteconomiques peuvent cohabiter avec ceux du deacuteveloppement social

8 LOUART P ( 2002) laquo Les acteurs de la GRH raquo Les cahiers de la recherche de lrsquoIAE de Lille 9 LOUART P BEAUCOURT C (2004) laquo La deacutecision de mesure en GRH un acte politique sous couvert de gestion raquo Actes du XVegraveme congregraves de lrsquoAGRH Montreacuteal aoucirct 2004

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2 Lrsquoeacutevaluation de la formation des pratiques aux politiques Deux approches theacuteoriques majeures se distinguent en ce qui concerne la formation et le deacuteveloppement des compeacutetences la theacuteorie du capital humain de Becker ( 1964)10 et lrsquoapproche Resource-Based Value largement deacuteveloppeacutee par un grand nombre drsquoauteurs dont Penrose (1959)11 En ce qui concerne la premiegravere et comme le remarquent Allouche Charpentier et Guillot-Soulez (2004) elle laquo montre que lrsquoinvestissement dans le capital humain que ce soit agrave travers la formation initiale lrsquoexpeacuterience professionnelle ou la formation en entreprise est source de rendements positifs raquo Il srsquoagit lagrave drsquoune logique plus individuelle le salarieacute accroicirct son capital humain investit pour le deacutevelopper (mecircme srsquoil nrsquoest pas forceacutement agrave lrsquoorigine de lrsquoinvestissement) et prend donc de la valeur Pour lrsquoentreprise le raisonnement est du type laquo make or buy raquo devons-nous construire les compeacutetences de nos salarieacutes (deacuteveloppement agrave lrsquoaide de la formation notamment) ou les acheter (recrutement de compeacutetences exteacuterieures) Lrsquoapproche RBV srsquoinscrit elle dans le courant du management strateacutegique des ressources humaines (MSRH) valorisant la croissance interne de lrsquoorganisation et insistant sur la valeur ajouteacutee des compeacutetences deacutetenues par lrsquoentreprise (donc de la neacutecessiteacute de les deacutevelopper notamment par la formation) Lrsquointeacuterecirct est porteacute ici davantage sur lrsquoensemble du personnel sur les ressources humaines de lrsquoentreprise au sens global Afin drsquoaccroicirctre son efficaciteacute organisationnelle lrsquoentreprise peut ajuster les compeacutetences de salarieacutes (consideacutereacutees agrave juste titre comme des laquo ressources raquo) et instaurer une politique de formation adapteacutee et coheacuterente avec la politique geacuteneacuterale de lrsquoentreprise Lrsquoeacutevaluation de la formation srsquoinscrit donc directement dans ces deux cadres theacuteoriques diffeacuterents mais compleacutementaires Aussi nombre de recherches ont opeacutereacute un lien positif entre pratiques de GRH dont la formation et performance de la firme (Le Louarn et Wils 2001)12 Il devient ainsi de plus en plus difficile de discuter de tels reacutesultats au vu de la multipliciteacute des chercheurs qui srsquoy sont inteacuteresseacutes au sein drsquoorganisations varieacutees et disposant de pratiques de GRH relativement heacuteteacuterogegravenes Toutefois ne crions pas victoire trop vite Le Louarn (2004)13 affiche ainsi son scepticisme en affirmant que la question de la contribution de la GRH aux reacutesultats organisationnels reste laquo fondamentale et non reacutesolue raquo Nous inscrivant dans cette reacuteflexion nous remarquons eacutegalement que les recherches meneacutees jusqursquoalors portaient principalement sur lrsquoeacutevaluation des actions des pratiques de formation principalement sur la base du modegravele en escalier proposeacute par Kirkpatrick (1998)14 celui-ci eacutevaluant les pratiques de formation au travers de quatre niveaux (les reacuteactions les apprentissages les comportements les reacutesultats organisationnels) Le modegravele de Kirkpatrick eacutelaboreacute en 1959 est consideacutereacute comme une reacutefeacuterence pour lrsquoeacutelaboration de processus drsquoeacutevaluation Il est simple flexible et complet Il est fondeacute sur une deacutemarche agrave 4 niveaux

10 BECKER G (1964) Human Capital National Bureau of Economic Research New York 11 PENROSE E (1959) The Theory of the Growth of the Firm Basil Blackwell Londres 12 LE LOUARN J-Y WILS T (2001) Lrsquoeacutevaluation de la gestion des ressources humaines Editions Liaisons Paris 13 LE LOUARN J-Y (2004) laquo GRH et performance de la firme raquo in Bournois F et Leclair P (dir) Gestion des Ressources Humaines Regards croiseacutes en lrsquohonneur de Bernard Galambaud Economica Paris 14 KIRKPATRICK DL (1998) Evaluating training programs Berrett-Koehler 2egraveme eacutedition

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Le niveau 1 (reacuteactions) consiste en lrsquoappreacuteciation du degreacute de satisfaction des participants agrave lrsquoissue du programme de formation Selon Kirkpatrick il srsquoagit drsquoun impeacuteratif minimal les stagiaires doivent avoir lrsquoimpression que leur feedback est important De plus leurs reacuteactions ont des conseacutequences importantes sur le niveau 2 (apprentissage) Les eacutevaluations se font geacuteneacuteralement agrave lrsquoaide de questionnaires eacutevaluatifs mecircme srsquoil reste deacutelicat de mesurer ce qui a eacuteteacute appris (niveau 2) de garantir un changement de comportement (Niveau 3) et de quantifier les reacutesultats de lrsquoapprentissage (Niveau 4) Le niveau 2 (apprentissage) consiste en lrsquoeacutevaluation de lrsquoapprentissage effectif de connaissances compeacutetences ou attitudes nouvelles par le salarieacute Les meacutethodes utiliseacutees sont varieacutees (interviews questionnaires tests observations sur le lieu de travail etc) Toutefois cette eacutevaluation ne garantit pas qursquoils aient appreacutecieacute le stage (niveau 1) qursquoils vont se comporter diffeacuteremment agrave leur poste de travail (niveau 3) ou encore que lrsquoon obtiendra les reacutesultats finaux escompteacutes (niveau 4) Le niveau 3 (comportement) eacutevalue le transfert des acquis du niveau 2 agrave lrsquoenvironnement professionnel et personnel du salarieacute A titre drsquoexemple le responsable srsquointeacuteressera aux variations de rendement agrave la tacircche ou de productiviteacute du personnel Les meacutethodes utiliseacutees (observations des participants avec ou non questionnaires agrave renseigner interviews des salarieacutes de leurs collegravegues de leurs responsables hieacuterarchiqueshellip) Lrsquoeacutevaluation ne garantit pas la satisfaction des participants agrave lrsquoissue de la formation (niveau 1) la bonne assimilation des savoirs (niveau 2) ou encore que ces changements de comportements ameacuteliorent les reacutesultats opeacuterationnels (niveau 4) Le niveau 4 (reacutesultats) srsquointeacuteresse aux impacts du programme de formation sur les reacutesultats de lrsquoentreprise Les avantages potentiels peuvent ecirctre de nature tregraves diffeacuterente accroissement des beacuteneacutefices diminution de coucircts hausse de la qualiteacute de la productiviteacute reacuteduction des accidents de travail satisfaction accrue de la clientegravelehellip Une condition essentielle est ici la fixation drsquoobjectifs propres au programme de formation et lrsquoeacutevaluation de leur atteinte ou non (avec bien souvent une certaine difficulteacute agrave les quantifier) Cette derniegravere eacutevaluation ne garantit pas que les stagiaires aient aimeacute la formation (niveau 1) aient tout compris (niveau 2) et adoptent les comportements conseilleacutes (niveau 3) Phillips (1994)15 y ajoute un niveau 5 celui du retour sur investissement Il propose ainsi de convertir les reacutesultats (niveau 4) en valeurs moneacutetaires (tout en gardant agrave lrsquoesprit une logique de comparaison coucirctsbeacuteneacutefices) Les recherches adoptant ce modegravele sont elles aussi particuliegraverement nombreuses et concernent les pratiques de formation (niveau micro) Nous proposons de nous inteacuteresser deacutesormais aux politiques de formation (niveau macro) En effet inteacuteressons-nous au concept de performance organisationnelle en reprenant le modegravele de lrsquoescalier tel que deacutecrit par Le Louarn et Wils (2001)16

15 PHILLIPS JJ (1994) Measuring return on investment ASTD Alexandria Virginia 16 LE LOUARN J-Y WILS T (2001) op cit

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Figure 1 Le concept de performance organisationnelle

Reacutesultats du marcheacute

Reacutesultats financiers

Reacutesultats organisationnels

Reacutesultats RH

Source Le Louarn et Wils (2001) Les auteurs expliquent que ces quatre niveaux de mesure sont relieacutes les uns aux autres par des liens de cause agrave effet Les reacutesultats RH impacteraient ainsi sur les reacutesultats organisationnels qui eux-mecircmes influenceraient les reacutesultats financiers qui agrave leur tour deacutetermineraient les reacutesultats du marcheacute A notre niveau nous nous inteacuteressons bien eacutevidemment aux reacutesultats RH Les pratiques de GRH deacutetermineraient ainsi les reacutesultats RH de lrsquoentreprise drsquoougrave suivant cette logique lrsquointeacuterecirct majeur de les eacutevaluer Aussi nous pouvons nous interroger Dans le cas de la formation nous pouvons consideacuterer un niveau intermeacutediaire drsquoeacutevaluation entre les pratiques et les reacutesultats celui des politiques comme deacutecrit dans le scheacutema ci-dessous

Figure 2 Lien entre pratiques politiques et reacutesultats RH

Reacutesultats RH

Politique(s) RH

Pratique(s) RH Les reacutesultats RH deacutependraient alors lrsquoefficaciteacute des pratiques de GRH et des politiques mises en œuvre Dans le cadre de la formation il serait en effet logique de croire que des pratiques de formation efficaces nrsquoaient que peu drsquoimpact sur les reacutesultats RH (attitudes et comportements du personnel) si la politique de formation qui les relie ne veille pas agrave leur coordination agrave leur pertinence agrave leur alignement sur la strateacutegie voulue par lrsquoentreprise Nous proposons ainsi de distinguer pratiques et politiques de formation En effet les eacutetudes meneacutees jusqursquoalors et que nous eacutevoquions concernaient principalement les pratiques de formation (actions de formation) Or nous pouvons nous interroger sur la coheacuterence et la pertinence que peuvent avoir ces pratiques si elles ne sont pas relieacutees agrave une politique de formation efficace elle-mecircme sous-ensemble de la politique RH eacutegalement eacutetroitement lieacutee agrave la strateacutegie geacuteneacuterale de lrsquoentreprise

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Afin de preacuteciser ce qursquoest une politique de formation nous pouvons reprendre la deacutefinition proposeacutee par Meignant (2003)17 laquo Une politique de formation est un eacuteleacutement drsquoune politique drsquoensemble drsquoune entreprise visant agrave assurer de maniegravere durable sa rentabiliteacute la satisfaction de ses clients lrsquoimplication de son personnel et une relation positive avec son environnement Elle exprime une volonteacute exprimeacutee par la direction geacuteneacuterale et engageant toute lrsquoentreprise portant sur les axes essentiels qui vont orienter les deacutecisions et les actes de gestion de la formation et par extension de gestion des compeacutetences raquo Lrsquoauteur indique ainsi que la politique de formation doit reacutepondre aux interrogations suivantes Pourquoi Quoi Qui Comment et ougrave Combien Les reacuteponses agrave ces questions deacutefinissent la politique de formation en vigueur dans lrsquoentreprise Aussi nous pouvons appreacutehender lrsquoefficaciteacute de la politique de formation de lrsquoentreprise de faccedilon systeacutemique Evaluer reste une entreprise particuliegraverement deacutelicate un acte qui nrsquoa de sens que relieacute agrave drsquoautres variables agrave lrsquoenvironnement organisationnel agrave la strateacutegie globale dans laquelle srsquoinscrit la politique RH En matiegravere de formation il convient notamment de srsquointerroger sur le sens donneacute agrave celle-ci dans un contexte preacutecis comment est deacutefinie la politique de formation En quoi est-elle pertinente et pour quelles finaliteacutes Aussi une certaine attention doit ecirctre porteacutee aux effets de la mise en pratique de la formation quelle(s) synergie(s) srsquoopegravere(nt) A titre drsquoexemple est-il opportun de deacutevelopper lrsquoautonomie drsquoun salarieacute si son encadrement ne lui permet pas de la reacuteveacuteler Il y a lagrave tout un ensemble de pratiques organisationnelles qui doivent correspondre agrave ce que lrsquoon attend de la politique de formation en vigueur Afin drsquoillustrer nos propos et en nous basant sur la vision deacuteveloppeacutee par Beaucourt et Louart (2005)18 suggeacuterant un tel cadre drsquoanalyse eacutetudions en quoi la politique de formation peut deacutependre de lrsquoadeacutequation entre les trois sphegraveres que sont les effets intrinsegraveques de sens et de structure

Figure 3 Une vision systeacutemique de la politique de formation

Effets intrinsegraveques

Effets de structure

Politique de formation

17 MEIGNANT A (2003) Manager la formation Editions Liaisons Paris 6egraveme eacutedition

Effets de sens

18 BEAUCOURT C LOUART P (2005) laquo Pour un audit prospectif raquo Actes de la 23egraveme Universiteacute drsquoeacuteteacute de lrsquoAudit Social Lille septembre 2005

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Effets intrinsegraveques qursquoa-t-on reacuteellement appris en formation Effets de sens les objectifs organisationnels sont-ils atteints La politique de formation est-elle en phase avec la strateacutegie lrsquoentreprise Quel sens est donneacute agrave celle-ci Effets de structure la formation peut-elle srsquointeacutegrer srsquoexprimer dans lrsquoenvironnement organisationnel (politique technologique eacuteconomique socialhellip) Cela nous ouvre quelques perspectives en matiegravere drsquoeacutevaluation des politiques de formation notamment lrsquoeacutelaboration drsquoindicateurs propres agrave chacune de ces trois sphegraveres et permettant drsquoeacutevaluer leur efficaciteacute et leur sens Des indicateurs bien penseacutes peuvent ainsi nous apporter quelques eacuteleacutements de reacuteponse aux questions suivantes quelle est la qualiteacute de la politique de formation mise en œuvre Quels sont les effets durables entre ces trois sphegraveres Les donneacutees recueillies et les eacutecarts constateacutes peuvent inciter les deacutecideurs agrave corriger certains eacuteleacutements de leur politique afin drsquooptimiser son efficaciteacute et ses liens avec la strateacutegie globale

3 Vers une instrumentation de lrsquoeacutevaluation des politiques de formation Selon la logique deacuteveloppeacutee preacuteceacutedemment afin drsquoeacutevaluer les politiques de formation il convient de srsquooutiller en conseacutequence et de disposer drsquoune instrumentation de gestion (Gilbert 1998)19 approprieacutee Comme traditionnellement en controcircle de gestion sociale des indicateurs pertinents peuvent laisser entrevoir une eacutevaluation des politiques de formation eacutetablies dans les organisations et en assurent ainsi le pilotage De nombreux outils existent laissant apparaicirctre des atouts mais eacutegalement des limites Nous avons passeacute en revue les principaux utiliseacutes par les praticiens RH afin de piloter la formation Document de base pour lrsquoinformation sociale des entreprises de plus de 300 salarieacutes le bilan social fait bien souvent office de base de donneacutees alimentant souvent partiellement les diffeacuterents tableaux de bord sociaux utiliseacutes par les praticiens RH dans lrsquoorganisation Or le bilan social nrsquoest pas prospectif et ne permet ni de deacutefinir ni de suivre les politiques RH mises en œuvre (Couret et Igalens 1994)20 Les indicateurs propres agrave la formation y sont eacutegalement relativement basiques uniquement centreacutes sur les activiteacutes de formation (nombre de stagiaires formeacutes budget formationhellip) et nrsquoeacutevaluant en rien les pratiques de formation ni lrsquoefficaciteacute de la politique en vigueur Couret et Igalens (1994)20 deacutefinissent le tableau de bord social comme laquo un outil de gestion destineacute agrave permettre aux responsables de se situer rapidement par rapport aux objectifs du plan social raquo Comme le remarquent Martory et Crozet (2004)21 laquo le suivi des actions de formation est souvent opeacutereacute dans les tableaux de bord sociaux raquo Malheureusement les indicateurs qui y figurent comme pour le bilan social concernent principalement les activiteacutes de formation Ces mecircmes auteurs rappellent que lrsquoobjectif de cet outil est de laquo seacutelectionner puis de preacutesenter les informations pertinentes raquo Il arbore toutefois un caractegravere encore relativement statique

19 GILBERT P (1998) Lrsquoinstrumentation de gestion Economica Paris 20 COURET A IGALENS J (1994) Lrsquoaudit social PUF Paris 2egraveme eacutedition 21 MARTORY B CROZET D (2004) Gestion des ressources humaines ndash Pilotage social et performances Dunod Paris 5egraveme eacutedition

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Le tableau de bord prospectif (Balanced scorecard) est un outil nettement plus proche des reacutealiteacutes strateacutegiques de lrsquoentreprise qui fut introduit par Kaplan et Norton (1998)22 Il combine habilement indicateurs financiers et non financiers cette diversiteacute des indicateurs autorisant lrsquoadoption drsquoun pilotage plus reacutealiste non plus seulement baseacute sur les donneacutees financiegraveres de lrsquoorganisation Il propose ainsi de deacutecliner ces indicateurs sur quatre axes lrsquoaxe laquo financier raquo lrsquoaxe laquo clients raquo lrsquoaxe laquo processus internes raquo et lrsquoaxe laquo apprentissage organisationnel raquo La reacutealisation des objectifs des trois premiers axes est fonction de lrsquoatteinte des objectifs du dernier Il convient donc de travailler agrave lrsquooptimisation des eacuteleacutements qui le composent le personnel les systegravemes drsquoinformation et les proceacutedures organisationnelles Les auteurs remarquent que laquo les indicateurs et les mesures de reacutesultats sont moins nombreux et plus geacuteneacuteriques sur lrsquoaxe laquo apprentissage organisationnel raquo que sur les trois autres Le deacuteficit actuel drsquoindicateurs souligne le potentiel de deacuteveloppement de mesures personnaliseacutees plus eacutetroitement articuleacutees agrave la strateacutegie de lrsquoentreprise raquo Lrsquoapprentissage organisationnel deacutependant en partie de la maicirctrise et du deacuteveloppement des compeacutetences du personnel il est eacutevident que la formation a lagrave un rocircle non neacutegligeable agrave jouer Les indicateurs drsquoeacutevaluation des politiques de formation auraient ainsi toute leur place sur cet axe dans une logique de coheacuterence avec la strateacutegie de lrsquoentreprise en plus des mesures de reacutesultats RH proposeacutees par les auteurs (satisfaction au travail de lrsquoemployeacute reacutetention du personnel productiviteacute) Cela se justifie drsquoautant plus par le fait que les auteurs pensent que le peu drsquoindicateurs RH actuellement deacuteveloppeacutes dans les entreprises indique lrsquoabsence de lien entre les objectifs strateacutegiques et la GRH Nous avons donc lagrave une bonne occasion de relier la politique de formation agrave la strateacutegie globale de lrsquoentreprise Quant agrave lrsquoaudit social lrsquoeacutevaluation de la formation reste lrsquoune de ses pratiques fondamentales Lrsquoauditeur social est justement reacuteguliegraverement ameneacute agrave veiller aux instruments de gestion utiliseacutes par les entreprises ceux-ci se devant drsquoecirctre coheacuterents et pertinents par rapport aux objectifs viseacutes Srsquoinscrivant majoritairement dans les nouvelles obligations en matiegravere de RSE lrsquoauditeur social a ici un rocircle majeur agrave jouer accompagner lrsquoentreprise dans lrsquoeacutevaluation de ses politiques de formation et lrsquoaider agrave saisir lrsquoimportance de disposer drsquoindicateurs qui vont au-delagrave des seules mesures actuelles Ces missions doivent srsquoaccomplir en regard des attentes des diffeacuterentes parties prenantes et dans le respect de la strateacutegie de lrsquoentreprise Cela concorde avec le plus haut niveau drsquoaudit lrsquoaudit strateacutegique qui consiste agrave srsquoassurer laquo que les objectifs strateacutegiques en matiegravere de ressources humaines sont deacutefinis coheacuterents que les modaliteacutes de mise en œuvre sont adapteacutees raquo (Peretti 1994)23 Lrsquoinstrumentation de gestion et lrsquoaudit social peuvent aider lrsquoentreprise en ce sens ceci afin drsquoatteindre un certain degreacute de maicirctrise dans lrsquoeacutevaluation de ses politiques de formation Egg (2004)24 remarque que laquo crsquoest le pheacutenomegravene de la RSE qui a populariseacute lrsquoaudit social raquo il peut donc ecirctre judicieux de beacuteneacuteficier de ce regain drsquointeacuterecirct offert par la RSE pour reacuteaffirmer lrsquoimportance de lrsquoaudit social et de son implication aupregraves des DRH dans lrsquoeacutevaluation de leurs politiques RH et notamment de leurs politiques de formation

22 KAPLAN RS NORTON DP (1998) Le tableau de bord prospectif Editions drsquoOrganisation Paris 23 PERETTI J-M (1994) laquo Lrsquoaudit social dans le cadre du management strateacutegique des ressources humaines raquo in ISEOR Lrsquoaudit social au service du management des ressources humaines Economica Paris 24 EGG G (2004) laquo Audit social et certification drsquoauditeurs sociaux agrave lrsquoheure de la responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise raquo Actes de la 22egraveme Universiteacute drsquoeacuteteacute de lrsquoAudit Social Luxembourg aoucirct 2004

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4 Constats et reacuteflexions sur les pratiques drsquoeacutevaluation de la formation des entreprises franccedilaises

Afin de preacuteciser un peu plus notre probleacutematique de recherche et comprendre quels pourraient ecirctre les besoins des DRH et cadres opeacuterationnels des entreprises franccedilaises en terme drsquoeacutevaluation de la formation nous avons contacteacute quelques speacutecialistes25 (consultants et chercheurs) afin de nous faire part de leur expeacuterience en la matiegravere Il en ressort ainsi que le niveau 1 de Kirkpatrick reste le principal utiliseacute (laquo la soupe eacutetait bonne raquo mecircme si formuleacutee ainsi ce type de questionnement srsquoapparente plus au degreacute zeacutero de lrsquoeacutevaluation) et qursquoils eacutevaluent majoritairement les activiteacutes de formation agrave lrsquoaide drsquoindicateurs tels que les heures de formation le nombre de formeacutes le budget formation etc Il est nettement plus rare qursquoils eacutevaluent les reacutesultats des programmes de formation (niveau micro) comme ceux des politiques de formation (niveau macro) Quels peuvent ecirctre les raisons de ces manques La raison principale est qursquoil est particuliegraverement rare que lrsquoon leur en demande plus Nous parlons bel et bien des parties prenantes de la formation Lrsquoexemple de lrsquoEtat est particuliegraverement significatif seules les entreprises de plus de 300 salarieacutes doivent produire des indicateurs au travers du bilan social les seuls indicateurs du bilan social Le flou entourant la RSE ne risque pas drsquoameacuteliorer sensiblement les choses drsquoun point de vue leacutegal et encore il semblerait que nous en resterions agrave des indicateurs drsquoactiviteacutes de formation Ensuite bien qursquoil soit demandeacute aux DRH de justifier quantitativement de lrsquoutilisation de leur budget formation nos interlocuteurs remarquent que les dirigeants nrsquoen exigent pas grand chose lagrave est un grave paradoxe Il est fort possible que lrsquoeacutevaluation de la formation puisse les inteacuteresser au niveau 4 de Kirkpatrick en terme drsquoeacutevaluation des reacutesultats organisationnels mais peu y croient mecircme si la litteacuterature scientifique foisonne drsquoexpeacuteriences reacuteussies cela faisant probablement suite agrave des difficulteacutes drsquoopeacuterationnalisation Les partenaires sociaux se contentent la plupart du temps drsquoindicateurs drsquoactiviteacutes de formation quant aux actionnaires nous pouvons douter de leur inteacuterecirct agrave connaicirctre preacuteciseacutement comment se sont construits les reacutesultats eacuteconomiques de leur entreprise (avec ou sans laquo bonne raquo GRH) Enfin le personnel formeacute ne doit pas avoir beaucoup plus drsquointeacuterecirct pour lrsquoeacutevaluation au-delagrave du niveau 1 celui-ci refusant parfois le controcircle des connaissances (niveau 2 de Kirkpatrick) son inteacuterecirct majeur eacutetant drsquoexercer son droit agrave la formation et que celle-ci soit payeacutee par lrsquoemployeur Qursquoen est-il des DRH au final Il semble que ces derniers privileacutegient lrsquourgence du quotidien au deacutetriment de ces pratiques drsquoeacutevaluation Au final nous sommes en droit de nous interroger sur lrsquointeacuterecirct que peuvent avoir les diffeacuterents acteurs agrave eacutevaluer la formation ils nrsquoauraient pas inteacuterecirct agrave en faire mais aussi il est fort possible qursquoils pourraient avoir inteacuterecirct agrave ne pas en faire (logique des intentions des acteurs et de leur refus de faire de lrsquoeacutevaluation) Par exemple que ferait-on drsquoun manager dont les subordonneacutes affirment qursquoil ne leur permet pas de mettre en application leurs connaissances Il y a lagrave des probleacutematiques implicites de GRH De plus vu que toutes les eacutetudes deacutemontrent que la formation paie (en terme de reacutesultats organisationnels) alors pourquoi les DRH prendraient encore la peine de deacutepenser argent eacutenergie et temps pour le veacuterifier Ce constat peut ecirctre partageacute tant par les praticiens mais eacutegalement par la communauteacute scientifique (pourquoi refaire une eacuteniegraveme recherche sur lrsquoeacutetude de ce lien ) 25 Nous preacuteserverons leur anonymat tout en leur formulant agrave nouveau nos plus vifs remerciements ainsi qursquoagrave nos deux directeurs de thegravese les Professeurs Pierre Louart et Jean-Yves Le Louarn qui ont su guider notre reacuteflexion

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Le Louarn et Wils (2001)26 eacutemettaient lrsquohypothegravese que le lien eacutetabli entre GRH et performance organisationnelle pouvait provenir de la qualiteacute des pratiques de GRH mises en œuvre gracircce notamment aux moyens financiers de ces entreprises En effet une grande entreprise multipliant les beacuteneacutefices pourrait ainsi laquo srsquooffrir raquo des pratiques de GRH de qualiteacute agrave lrsquoaide de moyens financiers (et donc humains et mateacuteriels) abondants Partant de cette logique nous nous sommes inteacuteresseacutes aux entreprises que lrsquoon considegravere comme eacutetant le fleuron de lrsquoeacuteconomie franccedilaise celles du CAC 40 Il srsquoagissait alors de comprendre alors que lrsquoactualiteacute du deacuteveloppement durable et de lrsquoinscription de lrsquoentreprise moderne dans la RSE bat son plein comment celles-ci pouvaient communiquer sur leur approche de la formation et les reacutesultats qui en deacutecoulent Il est en effet freacutequent de disposer librement sur les sites Corporate de celles-ci de leurs bilans sociaux etou socieacutetaux (appeleacutes aussi Rapports de deacuteveloppement durable Rapports RSEhellip) Dans le cadre des nouvelles responsabiliteacutes sociales des entreprises comment les plus grandes drsquoentre elles au niveau national communiquent-elles sur leurs politiques de formation et leur eacutevaluation Force est de constater qursquoen matiegravere drsquoeacutevaluation de pratiques et de politiques de GRH la RSE nrsquoa pas inciteacute agrave la production drsquoindicateurs plus ambitieux plus pertinents Ainsi si lrsquoon srsquointeacuteresse aux entreprises du CAC 40 via leurs sites Corporate nous remarquons que la formation et de maniegravere globale le deacuteveloppement des compeacutetences des salarieacutes beacuteneacuteficient de longs discours en majoriteacute axeacutee sur une prise en compte responsable de lrsquoemployabiliteacute des salarieacutes Le vocable de laquo deacuteveloppement durable raquo est omnipreacutesent et lrsquoon parle systeacutematiquement de GRH (ex deacuteveloppement des compeacutetences) au sein de documents divers qursquoil srsquoagisse des traditionnels bilans sociaux ou des plus reacutecents laquo Rapports de deacuteveloppement durable laquo Rapports RSE raquo et autres documents de reporting social Or les indicateurs qui y figurent restent relativement laquo basiques raquo au sens ougrave ceux-ci eacutetaient deacutejagrave ancreacutes depuis longtemps dans les entreprises bien avant que nrsquoeacutemerge la RSE et son lot drsquoinnovations Nous pouvons ainsi citer comme eacutetant les plus freacutequents le pourcentage de la masse salariale attribueacute agrave la formation (deacuteterminant ainsi son budget global) et le nombre de stagiaires formeacutes chaque anneacutee (avec eacuteventuellement une distinction par fonction sexe ou acircge) En terme de communication il est difficile de cerner quel est le type de public viseacute candidats au recrutement actionnaires investisseurshellip Les parties prenantes restent agrave preacuteciser et toutes ne perccediloivent pas lrsquoefficaciteacute drsquoune politique de formation de la mecircme faccedilon Toutefois il est tout agrave fait possible qursquoen interne pleacutethore drsquoindicateurs drsquoeacutevaluation de la formation soient utiliseacutes Nous pouvons alors nous interroger eacutegalement sur ce point quels sont les deacuteterminants agrave la publication de tels reacutesultats Quel est lrsquointeacuterecirct des entreprises agrave publier les reacutesultats de leurs politiques de formation A qui srsquoadressent ces reacutesultats Ainsi drsquoune pratique fondamentale de lrsquoaudit social (lrsquoeacutevaluation de la formation) lrsquoauditeur social pourrait eacutevoluer vers un rocircle de laquo partenaire RSE raquo qui diagnostiquerait lrsquoentreprise en interne tout en lrsquoaidant ainsi agrave mieux communiquer ses laquo efforts raquo en matiegravere de deacuteveloppement des compeacutetences de son personnel aupregraves de ses diffeacuterentes parties prenantes (agrave lrsquointeacuterieur comme agrave lrsquoexteacuterieur de lrsquoentreprise)

26 LE LOUARN J-L WILS T (2001) op cit

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5 Probleacutematique et design de la recherche

51 Question de recherche Comme nous lrsquoaffirmions preacuteceacutedemment les eacutetudes montrent un lien significatif statistique entre les pratiques de GRH et la performance organisationnelle mais cela peut ecirctre suspect En effet mecircme si ce lien subsiste ces eacutetudes ne deacutemontrent pas clairement comment se construit cette performance organisationnelle et comment les pratiques de GRH impactent directement sur celle-ci Comme le remarque Le Louarn (2004)27 cela ne nous permet pas de reconnaicirctre veacuteritablement la part de la GRH dans la performance globale Cet auteur ajoute eacutegalement que cette expeacuterience des chercheurs ameacutericains qui suggegravere que les DRH ont en tecircte une theacuteorie implicite theacuteorie voulant que la bonne performance de leur organisation est en partie due agrave la preacutesence de bonnes pratiques RH est possiblement issue des reacutesultats drsquoeacutetudes preacuteceacutedentes dont les reacutesultats ont ensuite eacuteteacute enseigneacutes par ces mecircmes chercheurs laquo formatant raquo ainsi des praticiens qui croient en cette laquo potion magique raquo qursquoils appliquent dans le cadre de ces eacutetudes ponctuelleshellip mais beaucoup plus rarement au quotidien Cette production de laquo faux savoir raquo est issue drsquoune seacuterie impressionnante de correacutelations positives que le sens commun a rapidement transformeacute en une seacuterie impressionnante de causaliteacutes positives Mais la fameuse laquo boicircte noire raquo demeure comme la question geacuteneacuterale du lien de causaliteacute entre pratiques de GRH et performance organisationnelle (cf Figure 1) comme la sous-question du lien de causaliteacute entre formation et performance organisationnelle Toutefois des questions de recherche demeurent malgreacute tout Lrsquoeacutevaluation des politiques de formation nous semble ainsi comme probleacutematique de recherche ecirctre un terrain inteacuteressant agrave explorer Nous pourrions en tirer des reacutesultats qui eacutelucideraient un peu plus les meacutecanismes de construction de la performance organisationnelle en lien avec la part de la formation et le rocircle de la politique en vigueur (cf Figure 2) Une question de recherche possible pourrait se formuler ainsi des politiques de formation diffeacuterentes donnent-elles des reacutesultats (RH) diffeacuterents

52 Meacutethodologie Notre recherche empirique srsquoeacutechelonnera en deux grandes eacutetapes Dans un premier temps nous effectuerons une seacuterie drsquoentretiens exploratoires aupregraves de diffeacuterents praticiens proches des probleacutematiques de lrsquoeacutevaluation des politiques de formation (DRH responsables formation consultantshellip) Il srsquoagira dans un premier temps drsquoune recherche qualitative de nature inductive nous permettant de comprendre comment les politiques de formation sont eacutevalueacutees au sein de leurs organisations agrave partir de quelles meacutethodes de quels indicateurs agrave lrsquoaide de quels acteurs pour quels publics pour quels objectifs et pour quels reacutesultats visibles Cette approche transversale nous diffeacuterencie de certains travaux plus traditionnels en matiegravere drsquoeacutevaluation de la GRH Il nous importe en effet de comprendre plus globalement comment srsquoinscrivent ces pratiques drsquoeacutevaluation dans lrsquoorganisation et quels liens sont eacutetablis avec ses orientations strateacutegiques Nous nous inteacuteresserons aux diffeacuterents eacuteleacutements de contexte notamment la strateacutegie de lrsquoentreprise et le positionnement de la fonction RH dans celle-ci Cette seacuterie drsquoentretiens exploratoires confirmera ou infirmera lrsquointeacuterecirct de notre possible question de recherche formuleacutee preacuteceacutedemment

27 LE LOUARN J-Y (2004) op cit

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Puis nous prolongerons cette phase empirique de la recherche par plusieurs eacutetudes de cas de type recherche-intervention et plus speacutecifiquement du type recherche ingeacutenierique (Chanal Lesca et Martinet 1997)28 Notre deacutemarche consistera en lrsquoeacutelaboration drsquoindicateurs permettant drsquoeacutevaluer les reacutesultats de la politique de formation de lrsquoorganisation (en lien avec les inteacuterecircts des parties prenantes) Ensuite agrave lrsquoaide de ces mecircmes indicateurs nous tenterons de mesurer et drsquoeacutevaluer les reacutesultats de cette politique en fonction des variables identifieacutees avant drsquoanalyser et de comparer les reacutesultats issus des diffeacuterentes eacutetudes de cas En terme de positionnement eacutepisteacutemologique nous tenterons de faire interagir les diffeacuterents positionnements eacutepisteacutemologiques notamment comme preacuteconiseacute par Breacutechet et Desreumaux (1999)29 la rationaliteacute substantielle du positivisme qui reacutepond au laquo quoi raquo et au laquo pourquoi raquo (quelles variables impactent sur lrsquoefficaciteacute de la politique de formation et pourquoi ) et la rationaliteacute processuelle du constructivisme qui reacutepond au laquo comment raquo (comment et agrave lrsquoaide de quels indicateurs pouvons-nous eacutevaluer les politiques de formation ) Les reacutesultats issus de cette recherche pourront ecirctre prolongeacutes agrave terme par de multiples recherches quantitatives aupregraves drsquoun eacutechantillon significatif drsquoorganisations aboutissant ainsi agrave une triangulation entre meacutethodes qualitatives et quantitatives qui favorise la validation et la transfeacuterabiliteacute des reacutesultats (analyse drsquoeacutevolution des variables) Cela nous permettra drsquoeacutelaborer un programme de recherche post-doctoral proche des reacutealiteacutes du terrain Comme Le Louarn (2004)30 nous deacuteplorons le fait que les nombreux reacutesultats obtenus par les chercheurs ne donnent pas lieu agrave lrsquoeacutemergence drsquoune veacuteritable culture de lrsquoeacutevaluation par les praticiens Cette recherche nous apportera peut-ecirctre de nouveaux eacuteleacutements de reacuteponse expliquant mecircme partiellement les raisons de ces eacutecarts entre les preacuteconisations de la litteacuterature scientifique et la reacutealiteacute manageacuteriale Faisant reacutefeacuterence agrave la cateacutegorisation des objectifs de recherche opeacutereacutee par Igalens et Roussel (1998)31 cette recherche oscille entre deux objectifs majeurs laquo Reacutesoudre un problegraveme que se pose un Directeur des Ressources Humaines ou un cadre opeacuterationnel concernant la GRH raquo et laquo Elargir les reacutesultats de recherches anteacuterieures raquo En effet lrsquoeacutevaluation de la GRH est un thegraveme de recherche directement proche des preacuteoccupations actuelles des praticiens (notamment par lrsquoeacutemergence de la RSE et du besoin impeacuterieux et croissant drsquoafficher les reacutesultats de ses actions de gestion sur le personnel) Ces auteurs soulignent la difficulteacute agrave deacutevelopper des recherches qui reacutepondent aux besoins des praticiens ceci en raison des difficulteacutes de coordination entre les exigences rapides des praticiens et le souci de rigueur scientifique des chercheurs Or notre situation professionnelle dans le cadre de cette thegravese nous y autorise Reacutealiseacutee dans le cadre de lrsquoentreprise Vulpus32 nous avons dores et deacutejagrave un certain nombre de contacts eacutetablis avec des praticiens pouvant ecirctre inteacuteresseacutes par des eacutetudes portant sur lrsquoeacutevaluation de leur politique de formation avec comme finaliteacute lrsquoeacutelaboration drsquoindicateurs et de tableaux de bord Nous remarquons eacutegalement que ce type de preacuteoccupation srsquoinscrit parfois dans une deacutemarche plus globale agrave terme de gestion des compeacutetences Aussi nous eacutelargissons les reacutesultats de recherches anteacuterieures mais qui furent 28 CHANAL V LESCA H MARTINET A-C (1997) laquo Vers une ingeacutenierie de la recherche en sciences de gestion raquo Revue Franccedilaise de Gestion ndeg 116 p 41-51 29 BRECHET J-P DESREUMAUX A (1999) laquo Des theacuteories de la firme aux dynamiques de laction collective - Pour une socio-eacuteconomie des projets productifs raquo Cahiers de recherche de lIAE de Nantes 30 LE LOUARN (2004) op cit 31 IGALENS J ROUSSEL P (1998) Meacutethodes de Recherche en Gestion des Ressources Humaines Economica Paris 32 wwwvulpuscom

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principalement le fruit de lrsquoeacutetude des pratiques de formation (niveau micro) alors que nous orientons notre analyse sur les politiques de formation (niveau macro) Conclusion Il est aiseacute de constater que les eacutecarts restent majeurs entre les preacuteconisations de la litteacuterature scientifique et les reacutealiteacutes opeacuterationnelles Rares sont les entreprises qui eacutevaluent leur formation et lorsqursquoelles le font les donneacutees dont elles disposent permettent difficilement drsquoattester de lrsquoattitude socialement responsable du DRH quant au deacuteveloppement des compeacutetences des salarieacutes ou de lrsquoefficaciteacute de la politique de formation mise en œuvre Ainsi par cette recherche nous souhaitons prolonger les preacuteceacutedents travaux portant sur la mesure et lrsquoeacutevaluation de la GRH en nous focalisant sur les politiques de formation Les reacuteponses apporteacutees en termes de retombeacutees et preacuteconisations manageacuteriales devraient permettre aux entreprises de mieux saisir lrsquoimportance potentielle de leurs politiques de formation en termes de reacutesultats organisationnels tant pour la santeacute financiegravere de lrsquoorganisation que vis-agrave-vis des parties prenantes de la formation en tenant compte des nouvelles exigences de la RSE Comme Ulrich et Smallwood (2003)33 nous pensons que laquo les chiffres donnent de la creacutedibiliteacute agrave la fonction RH raquo et qursquoil est dans lrsquointeacuterecirct des DRH de saisir les opportuniteacutes offertes par lrsquoeacutevaluation En outre le DRH a tout inteacuterecirct agrave inscrire ses pratiques et politiques de GRH dans le cadre de la RSE ne serait-ce que pour repositionner son rocircle de maniegravere strateacutegique (Meignant 2004)34 BIBLIOGRAPHIE BARZUCCHETTI S CLAUDE JF (1995) Evaluation de la formation et performance de lrsquoentreprise Editions Liaisons Paris

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CONTRIBUTION DE LA THEORIE SOCIO-ECONOMIQUE DES ORGANISATIONS A LrsquoAUDIT SOCIAL Henri SAVALL Professeur de Sciences de Gestion agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 Directeur de lrsquoISEOR Veacuteronique ZARDET Professeur de Sciences de Gestion agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 Co-Directrice de lrsquoISEOR

Introduction Quinze anneacutees de participation reacuteguliegravere aux Universiteacutes de lrsquoInstitut International drsquoAudit Social nous ont conduit agrave constater une eacutevolution consideacuterable de la conception de lrsquoaudit social et de ses pratiques Lrsquoobjet de cette communication est drsquoexpliciter dans un premier temps quelques fondements conceptuels et praxeacuteologiques de lrsquoaudit social puis de positionner le processus de changement socio-eacuteconomique issu de la theacuteorie socio-eacuteconomique des organisations comme une forme speacutecifique drsquoaudit social comportant quelques speacutecificiteacutes majeures par rapport agrave lrsquoacception usuelle drsquoaudit social Cette seconde partie reacutesulte de notre pratique de recherche conduite au sein de lrsquoISEOR depuis une trentaine drsquoanneacutees

1 Lrsquoaudit social en eacutevolution et en deacutebat Historiquement on peut consideacuterer lrsquoaudit social comme une eacutemanation de lrsquoaudit financier lrsquoobjectif consistant agrave transposer une meacutethode du champ des pratiques comptables et financiegraveres au champ des pratiques sociales et de gestion des ressources humaines Nous eacutetudions dans un premier temps lrsquoeacutevolution du peacuterimegravetre et de lrsquoobjet de lrsquoaudit social (11) puis nous soulevons la question des clients potentiellement beacuteneacuteficiaires drsquoun audit social (12) La genegravese et lrsquoessence conceptuelle de lrsquoaudit social sont ensuite eacutetudieacutees (13) en mettant en eacutevidence son paradigme interactionniste ainsi que ses rapports dialectiques entre le social et lrsquoeacuteconomique

11 Peacuterimegravetre et objectifs eacutevolutifs de lrsquoaudit social Lrsquoaudit social lato sensu dans sa conception originelle se deacutecompose en trois familles correspondant chacune agrave un objectif diffeacuterencieacute Lrsquoaudit social de conformiteacute normative consiste agrave repeacuterer les eacutecarts entre les pratiques sociales drsquoune entreprise et la reacuteglementation lois conventions normes Lrsquoaudit drsquoefficaciteacute consiste agrave analyser le degreacute drsquoefficaciteacute des pratiques de gestion des ressources humaines soit encore le degreacute drsquoatteinte des objectifs que srsquoest fixeacutes lrsquoentreprise Lrsquoaudit social strateacutegique vise agrave identifier la coheacuterence entre les pratiques de gestion des ressources humaines de lrsquoentreprise et sa strateacutegie globale par exemple entre sa strateacutegie de deacuteveloppement commercial sa politique et ses pratiques de reacutemuneacuterations Tregraves reacutecemment le deacuteveloppement au niveau international du mouvement dit de la Responsabiliteacute Sociale de lrsquoEntreprise (RSE) assorti notamment en France de sa traduction

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reacuteglementaire et normative a impulseacute une dynamique nouvelle de lrsquoaudit social les auditeurs sociaux eacutetant au premier plan pour analyser les pratiques de Responsabiliteacute Sociale de lEntreprise On peut donc consideacuterer quactuellement laudit social recouvre deacutesormais quatre familles La conception meacutethodologique dominante de laudit social consiste agrave eacutetablir un diagnostic un constat formuleacute par lauditeur apregraves recensement des pratiques de lentreprise puis agrave recommander un plan dactions le tout eacutetant consigneacute dans un rapport daudit

12 Une question troublante quel engagement de lrsquoauditeur social et pour quel(s) client(s)

Qui est le client de lauditeur social Qui fait appel agrave lui A qui reacutepond-il Quel est son degreacute dengagement En effet et particuliegraverement dans le domaine social le client nest pas uniforme on pourrait parler dun client eacutelargi multi-tecirctes ayant des objectifs partiellement contradictoires Laudit social peut-il inteacuteresser toutes les parties prenantes pour leur permettre de neacutegocier une plate-forme bacirctie agrave partir dune base dinformations laudit qui constitue une repreacutesentation ou une modeacutelisation qualitative de la situation reacuteelle agrave eacutetudier afin que chaque partie prenante se deacutecouvre des marges de manœuvre strateacutegique gouvernance dirigeants encadrement personnel de base syndicats de salarieacutes organisations professionnelles ainsi que dautres partenaires externes tels que clients fournisseurs ou encore institutions environnantes Or laudit social aujourdhui dans son acception dominante est davantage consideacutereacute par certains theacuteoriciens et praticiens comme ayant une vocation de laquo secourisme raquo au service des acteurs opprimeacutes lauditeur social eacutetant animeacute par la tentation du justicier au profit dune ou de certaines cateacutegories dacteurs De surcroicirct les contours et la composition interne de lobjet auditeacute sont complexes et incorporels Non seulement sa nature est multidimensionnelle mais elle se caracteacuterise aussi par une instabiliteacute temporelle et une dynamique interactive Ces interactions sont interspatiales entre les acteurs dans leur espace de jeu et intertemporelles du fait des seacutequences successives du jeu eacuteconomique et social La notion de valeur sociale quil sagit deacutetalonner fait appel aux critegraveres de confortinconfort de satisfactioninsatisfaction de bien-ecirctremal-ecirctre Le reacutesultat de laudit social deacutepend de sa fonction est-elle plutocirct contemplative (statique) curative preacuteventive Ainsi un audit agrave vocation preacuteventive eacutevaluera davantage la non-production de satisfaction potentielle un audit agrave vocation curative la destruction de satisfaction existante Laudit social statique produit des photographies des constats des inventaires deacutecarts conclut par des recommandations Laudit social dynamique produit aussi un constat mais davantage sous la forme dun film en construisant leacutevolution souhaiteacutee et en accompagnant un processus dapprentissage de lentreprise Finalement on peut se demander si lobjectif de laudit social est le controcircle exogegravene ou au contraire laide aux acteurs en preacutesence De la reacuteponse agrave cette question deacutepend laccegraves plus ou moins facile de lauditeur aux informations

13 La genegravese et lrsquoessence conceptuelle de lrsquoaudit social Laudit social est neacute dans le droit fil du courant psychosociologique historique de lEcole des Relations Humaines Dans les anneacutees 1930 la reacuteaction agrave la crise eacuteconomique et aux excegraves du taylorisme-fordisme aboutit agrave eacutevacuer la dimension eacuteconomique agrave la fois du modegravele de

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comportement humain de lhomme au travail et de celui de leacutevaluation de la satisfaction au travail A lEcole des Relations Humaines lessence psychosociologique prend le pas affichant ainsi sa revanche theacuteorique sur limpeacuterialisme de la motivation financiegravere de lhomme au travail qui sous-tend lideacuteologie techno-eacuteconomique dominante aussi bien dans lunivers de leacuteconomie capitaliste que dans lunivers concentrationnaire des reacutegimes deacuteconomie planifieacutee Rappelons en effet que Leacutenine introduisit le taylorisme importeacute des Etats-Unis degraves la creacuteation de lrsquoURSS en 1917 Lessence ergonomique et environnementale transparaicirct aussi avec la prise en compte des risques sur la santeacute durable cest-agrave-dire celle que lon eacutevalue agrave court moyen et long termes Laudit social dessence socio-juridique seffectue par rapport agrave un reacutefeacuterentiel de normes exogegravenes aux acteurs qui tendent agrave les rejeter faute de pouvoir se les approprier les assimiler les inteacuterioriser (Savall Zardet 2005) Si cette conception preacutesente des insuffisances laudit social ne constitue pas moins lantidote la reacuteparation voire les soins palliatifs des meacutefaits de lapproche dominante technico-eacuteconomique Il repreacutesente ainsi quoiquimplicitement un reacutefeacuterentiel de bonnes pratiques sociales dont la fonction est curative des eacutecarts constateacutes et qui constitue lrsquoinjonction indirecte et parfois implicite de bonnes pratiques subrepticement impulseacutees par lauditeur La fonction preacuteventive de laudit social consiste agrave preacutevenir des risques qui peuvent se situer agrave diffeacuterents niveaux sur une eacutechelle des diffeacuterents espaces concentriques des acteurs au niveau micro preacutevention des risques sociaux internes agrave lentreprise au niveau meso celle des risques socieacutetaux au niveau macro enfin celle des risques environnementaux propulseacutee par le mouvement du deacuteveloppement durable

14 Le paradigme interactionniste de lrsquoaudit social Laudit social admet le principe de subordination des acteurs les uns aux autres au sein dune organisation structureacutee ce qui est conforme agrave leacutedifice socio-juridique bacircti en droit social (contrat de travail) et en droit de la fonction publique (statut du personnel) Lrsquoaudit social se pratique dans le cadre de ce que lon peut appeler un eacutequilibre social de soumission tel que lont bacircti les fondateurs de lEcole classique de lorganisation (triptyque Taylor - Fayol - Weber) Or le paradigme de la soumission srsquooppose agrave celui de lrsquoengagement neacutegocieacute contractuel Ces deux paradigmes sont preacutesents dans le fonctionnement des organisations et srsquoy affrontent au deacutetriment de la qualiteacute de son management et de son niveau de performance globale durable (figure 1) Figure 1 Les deux paradigmes du management

Fiction de ladeacutepersonnalisation

du travail etde la deacutefinition

de fonction ou deposte

Soumission

=

Subordination

RationalismeIndividualisme

Hieacuterarchie exclusiveElitisme

Engagement neacutegocieacute

=

Contractualisation

ReacutealismeAnimation drsquoeacutequipeCadre peacutedagogue

Coopeacuteration

Personnalisationde lrsquoactiviteacute et de

la mission desacteursEcoute

Observation

Deux paradigmesopposeacutes

3

Le paradigme de la soumission considegravere que certains hommes sont subordonneacutes agrave drsquoautres dans lrsquoentreprise et qursquoils doivent donc ipso facto obeacuteir aux ordres et instructions de ceux qui les dirigent Ce paradigme deacutebouche sur la deacutepersonnalisation dans la relation de subordination fonde le rationalisme la supreacutematie de la hieacuterarchie et de la regravegle qui simpose sui generis et in fine une certaine forme drsquoeacutelitisme

15 Les rapports dialectiques entre lrsquoeacuteconomique et le social Nous lavons vu leacuteconomique a un statut tregraves affaibli dans la conception de laudit social En effet lobjectif prioritaire de celui-ci est clairement la performance sociale la performance eacuteconomique eacutetant consideacutereacutee comme une contrainte nuisible pour le deacuteveloppement social Aujourdhui ne convient-il pas de deacutepasser cette vision dichotomique socialeacuteconomique qui conduit agrave la dialectique dopposition ce qui provoque des coucircts de reacutegulation (coucirct humain social et eacuteconomique) destructeurs de la valeur ajouteacutee neacutecessaire au bien-ecirctre durable des parties prenantes Une dialectique de synthegravese de nature synergeacutetique et inteacutegrative nrsquoest-elle pas plus pertinente efficace et efficiente La theacuteorie des micro-pouvoirs multiformes issue de la theacuteorie socio-eacuteconomique des organisations (Savall Zardet 2005) propose en effet une vision moins dichotomiste de la relation eacuteconomiquesocial

2 Positionnement de lrsquoanalyse socio-eacuteconomique quant agrave lrsquoobjet et au peacuterimegravetre de lrsquoaudit social

Lrsquoanalyse socio-eacuteconomique serait une des meacutethodes drsquoaudit social dont voici les principales caracteacuteristiques Celles-ci correspondent aux options choisies par lrsquoanalyse socio-eacuteconomique par rapport aux questions qui se posent agrave lrsquoaudit social Elles sont agrave consideacuterer comme des propositions de la theacuteorie socio-eacuteconomique des organisations agrave la discipline de laudit social

21 Du paradigme interactionniste dichotomique au paradigme inteacutegrationniste et contractualiste du couple socialeacuteconomique

Pour passer drsquoun paradigme agrave lrsquoautre il convient de modifier simultaneacutement la valeur sociale et la valeur eacuteconomique Les theacuteories psychosociologiques laquo pures raquo apportent des ingreacutedients au couple inteacutegreacute socio-eacuteconomique Ces ingreacutedients eacuteclairent la connaissance des pheacutenomegravenes mais sont agrave leur tour questionneacutes par lrsquoobservation scientifique de la reacutealiteacute inteacutegreacutee socialeacuteconomique qui interpelle la pertinence des theacuteories monodisciplinaires agrave savoir les theacuteories psychosociologiques eacutelaboreacutees hors de la probleacutematique de la gestion des ressources rares Dans cette note de reacuteflexion lrsquoanalyse socio-eacuteconomique par souci de rapprochement avec lrsquoaudit social sera deacutenommeacutee laquo audit socio-eacuteconomique raquo Lrsquoaudit socio-eacuteconomique est un audit social explicitement ENGAGEacute vers latteinte dun reacutesultat Lrsquoobservation scientifique rigoureuse des pratiques montre que la neutraliteacute de lrsquoaudit social porteur drsquoune injonction laquo cacheacutee raquo ou implicite est impossible en effet le reacutefeacuterentiel constitue lrsquoideacuteal-type tacitement recommandeacute par lrsquoauditeur Franccedilois Perroux (1972) nous a dailleurs appris agrave deacutenoncer la fausse neutraliteacute des conceptualisations implicitement normatives

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211 Lrsquoaudit socio-eacuteconomique comme laquo objet de valeur raquo sociale Son objectif explicite et sa raison drsquoecirctre est drsquoaccroicirctre la valeur socio-eacuteconomique pour lrsquoensemble des parties prenantes et consiste donc agrave deacutevelopper la taille du gacircteau que les parties prenantes auront agrave se partager au travers de leurs jeux de conflit-coopeacuteration agrave dosage variable et fluctuant et ce dans une dynamique de progregraves social et eacuteconomique inteacutegreacute Lrsquoaccent est mis sur la production de valeur plus que sur la reacutepartition celle-ci eacutetant laisseacutee au libre jeu de neacutegociation des parties prenantes sous le regard empreint drsquoinjonctions plus ou moins efficaces des pouvoirs publics Lrsquoapport de lrsquoaudit socio-eacuteconomique consiste agrave accompagner les principales parties prenantes dans un processus de creacuteation de valeur ajouteacutee ayant vocation agrave ecirctre partageacutee Lrsquoaudit socio-eacuteconomique a pour objectif de reacutecupeacuterer de la valeur ajouteacutee qui srsquoest laquo perdue dans les sables raquo crsquoest donc un processus de reacutecupeacuteration des eacutenergies humaines celle de la creacuteativiteacute en action source preacutecieuse de progregraves social et eacuteconomique durable Le reacutefeacuterentiel fondamental de lrsquoaudit socio-eacuteconomique nrsquoest pas le paradigme de la soumission des acteurs mais au contraire celui de leur capaciteacute drsquoautonomie congeacutenitale et inalieacutenable Le paradigme de la soumission est une fiction qui nie la theacuteorie de la deacutesobeacuteissance organisationnelle spontaneacutee Lrsquoengagement neacutegocieacute contractuel reconnaicirct a contrario lrsquoexistence du pheacutenomegravene de la deacutesobeacuteissance organisationnelle spontaneacutee et permet de mieux la geacuterer Il neacutecessite lrsquoeacutecoute du subordonneacute son observation sa connaissance et partant la personnalisation de la relation Lrsquoacteur qui neacutegocie au lieu drsquoecirctre supposeacute fictivement obeacuteir est reconnu dans son identiteacute speacutecifique (objectifs attentes contraintes personnaliteacute) en contrepartie de quoi sa force drsquoengagement est plus grande La personnalisation encourage le passage drsquoune strateacutegie cacheacutee de lrsquoindividu ou de lrsquoeacutequipe agrave une strateacutegie visible et neacutegocieacutee Lors de la contractualisation le plaisir dans lrsquoactiviteacute professionnelle provient de la discussion et de lrsquoengagement sur la base drsquoune consideacuteration agrave leacutegard de lrsquoacteur

Lrsquoeacutequilibre de lrsquoeacutechange contractuel ou theacuteorie du client geacuteneacuteraliseacutee En effet les nombreuses recherches-interventions (1150 cas drsquoentreprises et drsquoorganisations dans 32 pays) qui ont permis de construire la theacuteorie socio-eacuteconomique des organisations ont deacutemontreacute la relativiteacute de la notion de hieacuterarchie dans les pratiques observables des acteurs au sein des organisations Lrsquoaudit socio-eacuteconomique considegravere donc le lien de subordination comme une fiction stimulante tregraves importante dans le champ juridique et mobilisable dans les situations litigieuses mais parfaitement IRREALISTE dans le fonctionnement observable du jeu des acteurs au sein des organisations

212 La theacuteorie des micro-pouvoirs multiformes Elle montre que les acteurs reacuteputeacutes laquo opprimeacutes raquo ont de fait un pouvoir eacuteconomique reacuteel et potentiel important En effet la totaliteacute des acteurs dans une organisation est doteacutee de micro-pouvoirs multiformes dont certains sont visibles et explicites alors que drsquoautres sont cacheacutes Loin drsquoecirctre un espace binaire ougrave certains auraient du pouvoir et les autres pas lrsquoentreprise est constitueacutee drsquoacteurs qui disposent chacun drsquoune gamme de modaliteacutes pour exercer une

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certaine influence vis-agrave-vis des autres et creacuteer ou deacutetruire de la valeur ajouteacutee Ainsi par nos travaux sur les coucircts cacheacutes nous avons montreacute qursquoun acteur consideacutereacute laquo sans pouvoir raquo selon la theacuteorie classique de lrsquoorganisation crsquoest-agrave-dire deacutenueacute de tout pouvoir hieacuterarchique formel a de fait un pouvoir important en interaction avec drsquoautres acteurs de geacuteneacuteration consciente ou inconsciente de coucircts cacheacutes crsquoest-agrave-dire de destruction reacuteelle ou potentielle de valeur ajouteacutee Ces micro-pouvoirs multiformes sont preacutejudiciables pour la laquo communauteacute entreprise raquo (autre fiction stimulante) et se manifestent sous forme de comportements drsquoabsenteacuteisme et de rotation du personnel excessifs drsquoaccident du travail de deacutefauts de qualiteacute et drsquoeacutecarts de productiviteacute directe (pannes lenteurs hellip) excessifs par ailleurs signes de malaise social et organisationnel

Jeu de mot eacuteclairant Le mot commande (commander) se precircte agrave un jeu de mot qui peut eacuteclairer lrsquoambiguiumlteacute ou lrsquoambivalence des relations humaines et sociales dans les organisations La commande deacutesigne tantocirct un ordre hieacuterarchique reposant sur le postulat de la subordination consacreacute par le droit du travail tantocirct un ordre drsquoun client sur un marcheacute drsquoun lieu drsquoeacutechanges de ressources multiples et varieacutees (cf ci-dessous lrsquoeacuteventail anthropologique des besoins humains fondamentaux) Lrsquoobservation scientifique approfondie au sein des organisations (Savall Zardet 2004) montre en effet que les acteurs internes peuvent eacutechapper agrave la commande hieacuterarchique sous forme de divers comportements laquo drsquoeacutevasion raquo absenteacuteisme (hors maladie laquo authentique raquo) rotation du personnel non qualiteacute du travail et des produits sous-productiviteacute chronique et notoire Les acteurs externes quant agrave eux peuvent srsquoeacutechapper de leur relation avec le partenaire fournisseur en ne renouvelant pas leurs commandes en tant que clients Les comportements de soumission ne correspondent pas aux pratiques que lrsquoon peut observer dans les organisations chez les acteurs en chair et en os

Bonnes pratiques de gestion des ressources humaines Lrsquoaudit socio-eacuteconomique preacuteconise explicitement de bonnes pratiques de gestion des ressources humaines qui constituent une part essentielle de son reacutefeacuterentiel Il recommande en particulier un mode de commandement plus peacutedagogique au sein des organisations Ainsi la formation inteacutegreacutee qui accompagne un processus drsquoaudit socio-eacuteconomique consiste agrave faire deacutecouvrir par les cadres et les agents de maicirctrise puis agrave deacutevelopper au moyen de meacutethodes comportant des outils concrets de management leur fonction de pilote peacutedagogue drsquoune eacutequipe de personnes et de leurs activiteacutes Cela conduit agrave ameacuteliorer crsquoest-agrave-dire deacutevelopper et entretenir freacutequemment les conditions de travail lrsquoorganisation du travail la communication-coordination-concertation la gestion du temps la formation inteacutegreacutee ou adeacutequation formation-emploi et la mise en œuvre strateacutegique

22 Un peacuterimegravetre configureacute par la gouvernance le management et les relations sociales laquo internes raquo de lrsquoorganisation

Lrsquoaudit socio-eacuteconomique a privileacutegieacute jusqursquoagrave preacutesent lrsquoeacutevolution des situations construites au sein des organisations par le jeu dialectique des acteurs sans reacutefeacuterence focaliseacutee sur les normes juridiques exogegravenes

6

Ce peacuterimegravetre a privileacutegieacute lrsquoanalyse et lrsquoeacutevaluation du jeu des parties prenantes en srsquoaffranchissant de la production de normes leacutegislatives imposeacutees aux organisations Entretemps une avalanche de normalisations en tous genres srsquoest abattue sur les acteurs et les organisations exacerbeacutees par les dynamiques de la mondialisation Il importe deacutesormais de deacutefinir un vaste programme de recherches pour les dix prochaines anneacutees comportant un observatoire des pratiques macro-sociales de la teacutetranormalisation (Savall Zardet 2005) Le peacuterimegravetre de lrsquoaudit socio-eacuteconomique comprend principalement trois des quatre domaines de lrsquoaudit social signaleacutes dans le point 211 les bonnes pratiques de gestion des ressources humaines lrsquoaudit strateacutegique et lrsquoaudit eacutelargi de responsabiliteacute sociale et environnementale Ces trois domaines privileacutegieacutes par lrsquoaudit socio-eacuteconomique ont eacuteteacute structureacutes agrave partir drsquoun ideacuteal-type reacutefeacuterentiel construit au moyen drsquoun processus des recherches-interventions agrave partir drsquoune hypothegravese fondamentale sur lorigine de la destruction de valeur socio-eacuteconomique dans le fonctionnement observable des organisations En revanche lrsquoaudit de conformiteacute aux normes sociales nrsquoa pas eacuteteacute au cœur de la deacutemarche drsquoaudit socio-eacuteconomique Crsquoest pourquoi lrsquoInstitut de Socio-Economie des Entreprises et des Organisations a lanceacute depuis deux ans son programme de recherche sur la teacutetranormalisation en reacuteseau avec des eacutequipes de lrsquoAFC lrsquoAGRH de lrsquoAIMS et de lrsquoADERSE en France ainsi qursquoau plan international en particulier la Division Social Issues in Management de lrsquoAcademy of Management des Etats-Unis Ainsi la synthegravese des quatre domaines de lrsquoaudit social conduit au concept de responsabiliteacute sociale durablement supportable (RSDS) proposeacute par la theacuteorie socio-eacuteconomique des organisations comme une version reacutealiste et partant porteuse de progregraves de la responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise (RSE) Figure 2 Configuration et fonctionnement interne

Theacuteorie de lrsquohommeeacuteclateacute

Theacuteorie de lrsquoeacutetatconflictuel spontaneacutedes organisations etdu dosage conf lit-

coopeacuteration

Theacuteorie duparadigme de la

soumission versusparadigme delrsquoengagementneacutegocieacute (oucontractuel)

Theacuteorie desmicro-pouvoirs

multiformes visibleset cacheacutes de la

totaliteacute des acteurs

Theacuteorie du produit placeacute au cœur de lacoopeacuteration au seinde lrsquoentreprise et aucarrefour des liens

entre acteurs internes(potentiel humain) etles acteurs externes

Theacuteorie de lavertico-

transversaliteacute etrocircle de

l rsquoencadrement (outheacuteorie du chacircteau

drsquoeau)

Theacuteorie de lastrateacutegie desorganisations

assemblage arbitreacutedes strateacutegies despersonnes et des

reacuteseaux

21Configuration etfonctionnement

laquo interne raquo

7

23 Concepts de valeur et de rationaliteacute socio-eacuteconomiques Lrsquoaudit socio-eacuteconomique consiste somme toute agrave accroicirctre la valeur socio-eacuteconomique que se partagent les parties prenantes

231 La valeur socio-eacuteconomique Selon la theacuteorie socio-eacuteconomique des organisations elle consiste drsquoune part agrave produire des avantages dits sociaux de nature qualitative touchant agrave la physiologie la psychologie la sociologie bref agrave lrsquoanthropologie et drsquoautre part des avantages dits mateacuteriels ou financiers qui relegravevent de la notion drsquoanthropologie eacuteconomique (cf Maurice Godelier) Figure 3 Theacuteorie anthropologique des besoins multidimensionnels de lrsquohomme au travail

Physiologie

Psychologie

Economie

Sociologie

Avantage financier

Climat socialEmotion affective

Emotionestheacutetique

Anthropologie

Ambiance de travail

La valeur socio-eacuteconomique est donc composite et multidimensionnelle Elle reacutesulte des interactions qui constituent le jeu dynamique des acteurs fondeacute sur le couple dialectique conflit-coopeacuteration (Perroux 1948) dont le dosage est eacuteminemment instable et fluctuant La valeur socio-eacuteconomique comprend deux eacuteleacutements la valeur sociale et la valeur eacuteconomique - la valeur sociale consiste agrave augmenter la satisfaction des parties prenantes dans les domaines ougrave elles ressentent des besoins permanents non parfaitement satisfaits les conditions de travail lrsquoorganisation du travail la communication-coordination-concertation la gestion du temps la formation inteacutegreacutee la mise en œuvre strateacutegique - la valeur eacuteconomique comporte deux sortes drsquoavantages drsquoune part le pouvoir drsquoachat individuel et collectif agrave court terme deacutenommeacute reacutesultat immeacutediat et drsquoautre part un pouvoir drsquoachat diffeacutereacute agrave moyen et long termes deacutenommeacute creacuteation de potentiel qui constitue pour lessentiel un investissement incorporel source de deacuteveloppement durable Les acteurs et les organisations eacutetant censeacutes rechercher la valeur socio-eacuteconomique indispensable agrave leur survie-deacuteveloppement la question se pose de leur rapport agrave lrsquoaudit et agrave ses suites Srsquoagit-il drsquoorganiser des actions coercitives ou eacuteducatives ou hybrides Peut-on mesurer lrsquoefficaciteacute et lrsquoefficience Crsquoest ce que srsquoest efforceacute de faire lrsquoaudit socio-eacuteconomique en proposant un cadre conceptuel et des outils de mesure abondamment expeacuterimenteacutes dans 1150 entreprises et organisations de secteurs et de tailles tregraves varieacutes sur quatre continents depuis une trentaine danneacutees

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232 Le concept de rationaliteacute socio-eacuteconomique La rationaliteacute eacuteconomique est de nature monodimensionnelle et inspire le calcul eacuteconomique traditionnel sexprimant sous forme duniteacutes moneacutetaires Au contraire la rationaliteacute socio-eacuteconomique est multidimensionnelle (figure 3) et correspond agrave un calcul coucirct-avantage ougrave les coucircts sont de nature simultaneacutement physiologique psychologique sociologique et eacuteconomique de mecircme que les avantages rechercheacutes par les acteurs correspondant agrave la diversiteacute de leurs besoins fondamentaux La deacutecision socio-eacuteconomique rationnelle consiste agrave choisir une combinaison de ces diffeacuterents eacuteleacutements qui permette datteindre le niveau de satisfaction (multidimensionnelle) rechercheacute avec un coucirct (multidimensionnel) supportable Ce modegravele (Savall 1977 1979) montre quil existe un tregraves grand nombre de solutions acceptables par les acteurs et correspondant agrave leur grande diversiteacute Le calcul socio-eacuteconomique porte sur des informations qualitatives quantitatives et financiegraveres modeacuteliseacutees dans un arbre de deacutecision socio-eacuteconomique Cas de la strateacutegie contrainte ou exogegravene Cas de la strateacutegie deacutelibeacutereacutee ou endogegravene normes exogegravenes tendance au rejet coucircts cacheacutes non comptabiliseacutes de reacutesistance (exteacuteriorisation)

meacutecanisme de deacutecision deacutecentraliseacutee repose sur lrsquointeacuterecirct eacutelargi des acteurs (rationaliteacute socio-eacuteconomique) tendance agrave lrsquoappropriation performance cacheacutee non comptabiliseacutee lieacutee agrave linteacuteriorisation strateacutegique

24 LrsquoAudit socio-eacuteconomique processus structureacute de changement deacutelibeacutereacute et agrave

impacts mesureacutes Lrsquoanalyse socio-eacuteconomique objet eacuteminemment dynamique en perpeacutetuel mouvement comme la vie humaine et sociale hellip constitue aussi un processus drsquoaccroissement de la valeur socio-eacuteconomique Le rocircle de lrsquo laquo auditeur raquo socio-eacuteconomique nrsquoest pas laquo neutre raquo Son objectif engageacute est explicite il reconnaicirct qursquoil est un acteur parmi les acteurs de lrsquoorganisation auditeacutee dans laquelle il peacutenegravetre pour apporter sa modeste mais reacuteelle contribution agrave lrsquoaccroissement de valeur socio-eacuteconomique repeacutereacutee dans lorganisation La prestation de laquo lrsquoauditeur socio-eacuteconomique raquo comporte une sorte drsquoobligation drsquoun certain reacutesultat qualitatif quantitatif et financier consistant agrave accroicirctre simultaneacutement la performance ou valeur sociale de lrsquoorganisation et sa performance ou valeur eacuteconomique agrave deux deacutetentes reacutesultat immeacutediat et creacuteation de potentiel agrave moyen et long termes

241 Question de la durabiliteacute des effets des prestations de lrsquoaudit social et de lrsquoaudit socio-eacuteconomique

Les deux types drsquoaudit ont un objectif commun agrave savoir instaurer de bonnes pratiques durables au sein des organisations compatibles avec le deacuteveloppement humain - eacutetablir des liens entre les horizons temporels agrave court et moyen termes pour obtenir des reacutesultats immeacutediats (RI) plus importants

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- susciter la creacuteation de potentiel (CP) principalement sous forme drsquoinvestissement incorporel permettant de consolider lavenir de lorganisation Selon la theacuteorie socio-eacuteconomique des organisations lrsquoaccroissement de creacuteation de potentiel

CP (ti) augmente la probabiliteacute du maintien ou de lrsquoaccroissement RI (ti+1) du niveau de reacutesultats immeacutediats de la peacuteriode suivante La baisse des dysfonctionnements constitue une source premiegravere et directe drsquoaccroissement de la satisfaction des parties prenantes personnel managers gouvernance clientsfournisseurs en particulier La reacuteduction des dysfonctionnements produit simultaneacutement une baisse de la destruction de valeur ajouteacutee et produit ipso-facto un accroissement de la performance eacuteconomique Ainsi se constitue une spirale de progregraves successifs gracircce agrave lrsquoeffet drsquoapprentissage de laquo bonnes pratiques sociales raquo durables de la part des acteurs parties prenantes

Lrsquoaudit socio-eacuteconomique srsquoinscrit donc aussi dans une des familles de lrsquoaudit social lrsquoaudit strateacutegique En effet lrsquoobjectif principal est drsquoaccroicirctre la coheacuterence strateacutegique de lrsquoorganisation ce qui a pour effet drsquoaccroicirctre son niveau drsquoefficaciteacute et drsquoefficience eacuteconomique mesureacutee par lrsquoaccroissement du ratio de valeur ajouteacutee par heure dactiviteacute La performance sociale quant agrave elle se mesure par les bilans de reacutealisations drsquoactions drsquoameacutelioration des conditions de travail de lrsquoorganisation du travail de la communication-coordination-concertation de la gestion du temps de la formation inteacutegreacutee de la mise en œuvre strateacutegique agrave partir dentretiens avec les acteurs leacutetude de documents et agrave titre compleacutementaire lobservation directe

Le rocircle de lrsquoauditeur socio-eacuteconomique est celui drsquoun intervenant accompagnant un processus de mise en coheacuterence de la strateacutegie des acteurs telle qursquoils lrsquoont deacutefinie par neacutegociation entre eux cest-agrave-dire au moyen drsquoun jeu de conflit-coopeacuteration eacutevolutif et iteacuteratif creacuteateur de valeur sociale et de valeur eacuteconomique Conclusion Laudit social sest construit progressivement au cours des trente derniegraveres anneacutees Or les pratiques qui sont lobjet danalyse dun audit social constituent un objet complexe et incorporel que lauditeur lobservateur le chercheur ne peuvent observer directement et en temps reacuteel Ils sont donc contraints agrave transiter par les discours des acteurs de lentreprise ou de lorganisation sur leurs propres pratiques Pour obtenir du sens agrave partir de ces discours nous avons eacutelaboreacute et expeacuterimenteacute trois concepts qui constituent aussi des techniques danalyse et de traitement des informations (Savall Zardet 2004) qui constituent la matiegravere des discours dacteurs

- le principe de contingence geacuteneacuterique reconnaicirct agrave chaque situation analyseacutee son caractegravere contingent ET sa contribution agrave une connaissance geacuteneacuterique sur le fonctionnement et les pratiques des organisations reacutefutant par lagrave mecircme la traditionnelle opposition entre contingence et universalisme

- le principe dintersubjectiviteacute contradictoire consiste face agrave limpossibiliteacute dacceacuteder agrave une objectiviteacute des discours agrave confronter les subjectiviteacutes respectives de diffeacuterents acteurs sur les mecircmes situations et pratiques pour en tirer un sens susceptible decirctre partageacute Une collecte dinformations est ainsi organiseacutee aupregraves dacteurs varieacutes tant du point de vue du meacutetier que du niveau hieacuterarchique puis ces acteurs sont reacuteunis pour obtenir un effet-miroir

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quant agrave leurs repreacutesentations respectives et les mener agrave une discussion contradictoire Cette technique utiliseacutee par notre eacutequipe dans plus dun millier dorganisations repreacutesentant plus de 100 000 personnes intervieweacutees permet de faire jaillir des connaissances nouvelles affineacutees produites gracircce au principe dintersubjectiviteacute contradictoire

- le principe dinteractiviteacute cognitive repose sur lhypothegravese selon laquelle la connaissance a une consistance incorporelle volatile et non stockable La connaissance naicirctrait donc de la rencontre de deux ou plusieurs acteurs qui par leurs eacutechanges produisent une connaissance utilisable perceptible formulable produisant des effets sous sa forme de compeacutetence mise en œuvre La technique de linteractiviteacute cognitive consiste agrave organiser des processus dinteractions entre les acteurs de lentreprise ainsi quentre eux et le tiers externe - auditeur intervenant-chercheur - desquels deacutecoule une connaissance nouvelle et diffeacuterente des germes de connaissance porteacutes par chacun des acteurs pris isoleacutement Lintersubjectiviteacute contradictoire est lune des modaliteacutes de linteractiviteacute cognitive Chacun de ces concepts fait lobjet de communications dans cette mecircme Universiteacute de lAudit Social permettant dapprofondir leurs contributions respectives au deacuteveloppement dun audit social dintention scientifique Ces difficulteacutes inheacuterentes au traitement des discours nous permettent de mieux appreacutehender pourquoi il est si complexe de mesurer le social dans les entreprises En repenser les fondements pour mieux organiser les processus et les meacutethodes de laudit social constitue une voie que nous suivons depuis plus de trente ans Laudit social se situe aujourdhui agrave un carrefour dopportuniteacutes il vit une crise de croissance tout en se confrontant aux risques dun deacutevoiement ou dune contamination En effet les attentes des individus des organisations des Etats et des reacuteseaux dacteurs sont fortes face agrave des besoins relatifs au deacuteveloppement durable et aux nouvelles normes de responsabiliteacute sociale et environnementale Ce deacutefi constitue agrave la fois une opportuniteacute et une menace agrave charge pour les acteurs de laudit social de construire des modegraveles et techniques rigoureux et pertinents pour lanalyse leacutevaluation et laction La creacutedibiliteacute agrave long terme de laudit social sera probablement davantage servie par des pratiques scientifiques et techniques rigoureuses et inventives de cette discipline que par la geacuteneacuterositeacute et le souci de justice voire la populariteacute qui caracteacuterisent et leacutegitiment ce champ de theacuteories et de pratiques professionnelles BIBLIOGRAPHIE AILLERET P Essai de theacuteorie de la normalisation Eyrolles 1982

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SAVALL H ZARDET V BONNET B Libeacuterer les performances cacheacutees des entreprises par un management socio-eacuteconomique paru simultaneacutement en anglais et en espagnol Releasing the untapped potential of enterprises through socio-economic management Mejorar los desempentildeos ocultos de las empresas a traveacutes de una gestioacuten socioeconoacutemica ILO-BIT 2000 180 p

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LES FONDEMENTS DE LrsquoAUDIT SOCIAL DANS LA PERSPECTIVE DE LrsquoAUDIT DE LA RESPONSABILITE SOCIALE DES ENTREPRISES Christian SZYLAR IAS Luxembourg Preacutesident AEPCAS Luxembourg

Introduction Il est utile pour une pratique professionnelle quelle qursquoelle soit de prendre le temps de srsquoarrecircter et de jeter un regard en arriegravere sur ses fondements Une reacuteflexion quant aux fondements drsquoune pratique professionnelle peut mener dans certains cas agrave une profonde remise en cause de ces mecircmes fondements Lrsquoexpeacuterience peut en effet deacutemontrer que les fondements originels nrsquoeacutetaient point assis sur un socle de connaissances suffisamment stable A lrsquoinverse une reacuteflexion quant aux fondements drsquoune pratique professionnelle qui entre temps aurait eacutevolueacute peut mener agrave la constatation que ces fondements ont eacuteteacute quelque peu ignoreacutes ou oublieacutes alors que ces derniers sont toujours valides Dans quel cas nous situons-nous avec lrsquoaudit social Avons-nous pervertis les fondements historiques de lrsquoaudit social suite agrave lrsquoapparition de nouvelles pratiques drsquoaudit sociaux Crsquoest pour apporter une contribution agrave ces questions que lrsquoarticle proposeacute trouve toute sa motivation Il serait ambitieux de vouloir apporter une reacuteponse deacutefinitive agrave cette question dans ce seul article La question meacuterite drsquoecirctre poseacutee puisque les fondements originels de lrsquoaudit social nrsquoont eacuteteacute questionneacutes que suite au deacuteveloppement parallegravele drsquoune pratique de lrsquoaudit appliqueacutee agrave la Responsabiliteacute Sociale de lrsquoEntreprise (laquo RSE raquo) Lrsquoarticle se propose drsquointerroger les fondements de lrsquoaudit social afin de poser la question de leur adeacutequation etou pertinence quant agrave lrsquoaudit de RSE Pour se faire nous avons tenteacute de reacutesumer ces fondements agrave travers une revue de la litteacuterature et cela autour

- du cadre geacuteneacuteral de lrsquoaudit - de la speacutecificiteacute de lrsquoaudit des ressources humaines et des diffeacuterents niveaux drsquoaudit

1 Le cadre geacuteneacuteral de lrsquoaudit

11 Deacutefinitions Deacutefinition de lrsquoaudit ( Vocabulaire laquo des mots pour lrsquoaudit raquo - IASIFACI eacutediteurs 1995) deacutemarche speacutecifique drsquoinvestigation et drsquoeacutevaluation agrave partir drsquoun reacutefeacuterentiel incluant un diagnostic et conduisant eacuteventuellement agrave des recommandations1 Audit qualiteacute ( ISO 8402 ) Examen meacutethodique et indeacutependant en vue de deacuteterminer si les activiteacutes et reacutesultats relatifs agrave la qualiteacute satisfont aux dispositions preacuteeacutetablies si ces dispositions sont mises en œuvre de faccedilon efficace et si elles sont aptes agrave atteindre les objectifs

1 JORAS Michel (1996) laquo Les fondamentaux de lrsquoaudit raquo Editions Preacuteventique p17

1

12 Lrsquoobjet de lrsquoaudit Lrsquoobjectif de principe de lrsquoaudit est de se prononcer sur la qualiteacute drsquoun systegraveme de gestion sur les risques qursquoil encourt sur les potentialiteacutes qursquoil recegravele et sur sa capaciteacute drsquoanticipation2 Lrsquoaudit a ainsi pour fin de renseigner sur le degreacute drsquoefficaciteacute et de fiabiliteacute des systegravemes observeacutes De maniegravere plus geacuteneacuterale il tend agrave srsquoassurer de la creacutedibiliteacute des informations et agrave montrer sur quels points celle-ci peut ecirctre ameacutelioreacutee Lrsquoaudit vise agrave veacuterifier qursquoune institution

a effectivement reacutealiseacute ce qursquoelle affirme avoir fait La deacutemarche drsquoaudit veacuterifie la reacutealiteacute des faits exposeacutes elle confirme ou infirme lrsquoexactitude des mesures et informations collecteacutees elle certifie que les reacutesultats obtenus sont bien ceux qui avaient eacuteteacute annonceacutes et elle indique les eacutecarts avec les objectifs afficheacutes et les effets attendus

lrsquoaccomplit selon les regravegles de lrsquoart La deacutemarche drsquoaudit procegravede par recherche du degreacute de conformiteacute des pratiques agrave la reacuteglementation aux proceacutedures et aux impeacuteratifs juridiques techniques politiques voire scientifiquequi conditionnent la qualiteacute des actions conduites Elle srsquoassure que les moyens mis en œuvre lrsquoont eacuteteacute de maniegravere optimale (efficience)

est capable de reacutealiser ce qursquoil dit vouloir faire La deacutemarche drsquoaudit examine la coheacuterence des deacutecisions prises des deacutemarches engageacutees entre elles et avec les strateacutegies deacutefinie comme avec les moyens mis en œuvre Elle permet de se prononcer sur la pertinence des choix opeacutereacutes et sur le degreacute de fiabiliteacute du fonctionnement

peut connaicirctre et estimer les risques qursquoelle court Sur chacun de ces trois objets drsquoinvestigation lrsquoaudit srsquoattache agrave deacutetecter et mesurer les risques courus inventorier les potentialiteacutes et estimer le degreacute de flexibiliteacute du systegraveme de fonctionnement de lrsquoorganisation auditeacutee

peut anticiper sur lrsquoeacuteveacutenement pour maicirctriser les changements Par ses projections et simulations auxquelles il peut proceacuteder lrsquoaudit apporte des eacuteleacutements permettant de voir si lrsquoentreprise est en eacutetat de reacuteagir positivement face aux incertitudes de lrsquoavenir

13 Ce que produit lrsquoaudit A lrsquooccasion de sa veacuterification lrsquoaudit

Procegravede agrave un eacutetat des lieux Traduit son examen en un constat de la situation ( potentialiteacutes drsquoune institution anomalies et dysfonctionnements de marche) Identifie les risques courus eacutevalue leur importance et met en lumiegravere les conditions de leur apparition

2 VATIER Raymond (1995) laquo Lrsquoaudit social meacutethode drsquoeacutevaluation et diagnostic raquo ANDCP Personnel ndeg365 deacutecembre 1995

2

Indique les points ougrave doivent se placer des controcircles et des systegravemes de reacutegulation ( en cela il est le controcircle des controcircles) Ce faisant lrsquoaudit a pour effet de diminuer le risque de laisser passer une erreur une faute ou une fraude majeure dans lrsquoinformation

14 Meacutethodologie de lrsquoaudit

Les diffeacuterentes opeacuterations de lrsquoaudit CANDAU P ( 1985) laquo Audit social raquo Edition Vuibert Gestion Paris 1985 p64 Deacutemarche de lrsquoaudit CANDAU P ( 1985) laquo Audit social raquo Edition Vuibert Gestion Paris 1985 p68

Recueil drsquoinformations

Analyse Veacuterification

Evaluation Recommandation

Indicateur

N

Problegraveme

Estimationdes

conseacutequences

ucirct

Hieacuterarchie des problegravemes

Diagnostic des causes

Indicateurs + Normes

Reacutefeacuterentiels Reacutefeacuterentiel

Deacutetermination desActions possiblesSuivi Evaluation

de lrsquoefficaciteacute d lrsquo dit

Mise en oeuvre

Recommandation

Reacutefeacuterentiels

Reacutefeacuterentiels

Non fait par lrsquoauditeur

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La deacutemarche geacuteneacuterale de lrsquoaudit EGG Georges (1987) laquo Audits des emplois et gestion preacutevisionnelle des ressources humaines raquo les eacuteditions drsquoOrganisation 1987 p42-44 Situer lrsquoentreprise ou lrsquoeacutetablissement Recenser les activiteacutes lrsquoorganisation les moyens techniques les reacutegimes de travail les reacutesultats techniques et eacuteconomiques Les moyens sur dossier par une visite des installations principales Connaissance de lrsquoinstitution G LE BOTERF P DUPOUEY F VIALLET (1985) laquo Lrsquoaudit de la formation professionnelle raquo Les Editions drsquoOrganisation Paris 1985 p85 Evolution des activiteacutes des produits ou des services fournis par lrsquoinstitution croissance numeacuterique speacutecialisation ou diversification qualiteacute simplification ou complexification

Les grandes eacutetapes les tournants qui marquent lrsquohistoires de lrsquoinstitution

Evolution du chiffre drsquoaffaires ( en volume reacutepartition selon les activiteacutes ou les secteurs)

Les eacuteveacutenements qui ont influenceacute lrsquoeacutevolution de lrsquoinstitution et les mentaliteacutes de ceux qui y vivent

Evolution technologique (techniques de production modernisation des ateliers)

Evolution du personnel (effectif origine qualification acircge deacuteparts ou recrutements significatifs)

Evolution commerciale (marcheacute clients concurrence exigences de lrsquoenvironnement)

Evolution de lrsquoorganisation interne (reacutepartition des pouvoirs et des responsabiliteacutes reacutepartition des services et des secteurs organigrammes centralisation et deacutecentralisation)

Evolution des installations et de lrsquoimplantation geacuteographique

Evolution de lrsquoimage de marque de lrsquoinstitution et de la repreacutesentation qursquoelle entend se donner sur le marcheacute ou dans lrsquoenvironnement (document de preacutesentation brochure publicitaire logotype style des installations)

Evolution de lrsquoorganisation et des techniques de gestion (distribution des tacircches circuit des documents de gestion informatisation relation et communication entre les services et les secteurs)

4

Poser le problegraveme

Qui demande lrsquoaudit quelle est sa place dans lrsquoentreprise ou en dehors quel est son pouvoir drsquointervention dans lrsquoaudit Quelle est la question poseacutee quelle a eacuteteacute le fait deacuteclencheur Des pressions sont-elles exerceacutees administratives syndicaleshellip Qursquoest-ce qui fait vraiment problegraveme dans quel secteur pour quelle cateacutegorie de personnel Quelles seraient les conseacutequences du statu quo Quels sont les services instances et personnes concerneacutes par lrsquoaudit (deacutecideurs parties prenantes ou inteacuteresseacutees par le reacutesultat)

Etablir un plan de travail et le faire approuver

Rappel du problegraveme Deacutelimitation du champ Sources drsquoinformation Meacutethode de travail

- Relation auditeur-entreprise expertise solidaire reacuteunions peacuteriodiques avec le groupe pilote audit participatifhellip - Recueil des donneacutees entretien reacuteunions dossiers statistiqueshellip - Etudes approfondies observations terrain mesures physiques examens meacutedicaux enquecirctes expeacuterimentationhellip

Restrictions eacuteventuelles de consultation et de diffusion Destinataires et modaliteacutes des retours drsquoinformation Moyens neacutecessaires et coucircts Deacutelai calendrier

Rechercher et controcircler lrsquoinformation eacutetape analytique

Construire un reacutefeacuterentiel et choisir des indicateurs (agrave preacuteciser et affiner au fur et agrave mesure de la collecte des donneacutees) Rassembler et traiter les documents reacuteglementaires conventionnels et de synthegravese (interne externe) historiques statistiques conventions monographies normes formelles Rechercher les documents de gestion approprieacutes compte rendus drsquoaccident fiches de paie deacutefinitions de fonctionhellip Analyser les proceacutedures leur fonctionnement leurs reacutesultats Recueillir les informations jugements et suggestions sur le(s) problegraveme(s) Proceacuteder aux observations et mesures sur le terrain Recouper et syntheacutetiser les diffeacuterentes informations

5

Traiter lrsquoinformation eacutetape inductive

Partant des faits il srsquoagit de reconstruire le fonctionnement reacuteel et de le comparer au fonctionnement de reacutefeacuterence Mettre en eacutevidence les eacutecarts agrave la norme et leurs conseacutequences Preacuteciser les enjeux eacuteconomiques et sociaux Hieacuterarchiser les problegravemes mis agrave jour Imaginer des solutions et les moyens neacutecessaires Identifier les reacutesistances probables aux solutions envisageacutees et la faccedilon de les reacuteduire (contrepartie reacutepartition diffeacuterente des rocircles formation informationhellip)

Etablir des recommandations Preacuteciser

Les conditions de leur efficaciteacute Les instruments du controcircle de leur efficaciteacute Les moyens neacutecessaires leur deacutelai de mise en place et leur coucirct Les reacutesultats attendus

Rendre compte et informer

Etablir le rapport drsquoaudit destineacute au prescripteur (synthegravese et deacuteveloppements annexeacutes) il doit comprendre quatre parties

Le rappel du problegraveme poseacute de sa deacutelimitation et de ses enjeux La nature le deacuteroulement et le reacutesultat des investigations qui ont eacuteteacute meneacutees Les commentaires de lrsquoauditeur Les recommandations permettant drsquoameacuteliorer la situation preacutesente Adresser les copies aux destinataires convenus

Discuter le rapport avec les inteacuteresseacutes et enregistrer les conclusions Preacuteparer le cas eacutecheacuteant les preacutesentations orales destineacutees aux instances et comiteacutes eacutelus et aux responsables hieacuterarchiques

Participer eacuteventuellement agrave la mise en place des recommandations

Deacutefinition preacutecise des proceacutedures Preacuteparation des responsables

6

Les principes amp devoirs de lrsquoauditeur Professionnalisme et deacuteontologie Michel JORAS (1996) laquo Les fondamentaux de lrsquoaudit raquo Editions Preacuteventiques Bordeaux 1996pp58-63 Indeacutependance Indeacutependant par rapport au sujet agrave lrsquoeacutegard

des responsables Etre impartial Rester ferme dans ses conclusions malgreacute les pressions

Objectiviteacute Etre objectif (donner une repreacutesentation fidegravele) Examiner une mecircme question sous diffeacuterents aspects Recueillir avec la mecircme attention les informations et avis Deacutegager ses conclusions des faits eux mecircme et non drsquoune thegravese agrave priori

Discreacutetion Garantir la confidentialiteacute Obligation de lrsquoauditeur de ne pas porter de jugement affectant la vie priveacutee des personnes (limite compeacutetence - personnaliteacute)

Devoirs ou obligations Respecter les obligations eacutedicteacutees dans sa lettre de mission Obligation de moyens

Compeacutetence requises Savoir ou connaissances speacutecifiques agrave lrsquoactiviteacute Savoir mis en pratique savoir-faire aptitudes Intelligence personnelle et professionnelle capaciteacute Lrsquoenvie la volonteacute de mettre en œuvre ses compeacutetences et de les deacutevelopper

Qualification des auditeurs Quatre niveaux de qualification 1 Directeur de lrsquoaudit 2 Responsable drsquoaudit chef de mission

manager 3 Auditeur qualifieacute senior 4 Auditeur en cours de formation stagiaire

ou junior

7

2 Audit des Ressources Humaines

21 Deacutefinition Audit social pratiques par lesquelles lrsquoaudit srsquoapplique au systegraveme de gestion des ressources humaines du pilotage social et des relations sociales3 Audit de personnel (STEPHEN)4 est une analyse des politiques programmes et pratiques drsquoune organisation et lrsquoeacutevaluation de leur efficience et de leur efficaciteacute Audit social (VATIER)5 est laquo un instrument de direction et de gestion et une deacutemarche drsquoobservation qui agrave lrsquoinstar de lrsquoaudit financier ou comptable dans son domaine tend agrave estimer la capaciteacute drsquoune entreprise ou drsquoun organisation agrave maicirctriser les problegravemes humains ou sociaux que lui pose son environnement et agrave geacuterer ceux qursquoelle suscite elle-mecircme par lrsquoemploi du personnel neacutecessaire agrave son activiteacute raquo Audit social (CANDAU)6 deacutemarche objective indeacutependante et inductive drsquoobservation drsquoanalyse drsquoeacutevaluation et de recommandation reposant sur une meacutethodologie et utilisant des techniques permettant par rapport agrave des reacutefeacuterentiels explicites drsquoidentifier dans une premiegravere eacutetape les points forts les problegravemes induits par lrsquoemploi du personnel et les contraintes sous formes de coucircts et de risques Ceci conduit agrave diagnostiquer les causes des problegravemes deacuteceleacutes agrave en eacutevaluer lrsquoimportance et enfin agrave aboutir agrave la formulation de recommandations ou propositions drsquoaction qui ne sont jamais mises en œuvre par lrsquoauditeur Audit social (Alain COURET amp Jacques IGALENS)7 Lrsquoaudit social aura pour mission drsquoanalyser chaque facteur de risque et de proposer les recommandations de nature agrave les reacuteduire J IGALENS distingue quatre cateacutegories de risques sociaux

Risque de non respect des textes Risque drsquoinadaptation des politiques sociales aux attentes du personnel Risque drsquoinadaptation des besoins aux ressources humaines Risque drsquoenvahissement des preacuteoccupations sociales

22 Speacutecificiteacute

La speacutecificiteacute de lrsquoaudit social se fonde essentiellement sur la nature du domaine auditeacute qui deacutetermine lrsquoutilisation de certaines meacutethodes et techniques propres agrave ce type drsquoaudit La fonction ressources humaine a une dimension qualitative qui infleacutechit la meacutethodologie et en particulier dans le recueil drsquoinformations et dans la recherche de reacutefeacuterentiels speacutecifiques Remarques

3 VATIER Raymond (1995) laquo Lrsquoaudit social meacutethode drsquoeacutevaluation et diagnostic raquo ANDCP Personnel ndeg365 deacutecembre 1995 4 LG STEPHENS (1970) laquo Personnel Audit Recommended raquo The personnel administrator vol 15 ndeg6 nov-dec 1970 pp 9-14 5 VATIER Raymond (1980) laquo Lrsquoaudit social un instrument utile au pilotage des entreprises et des organisations raquo Enseignement et Gestion ndeg16 Hivers 1980 p25 6 CANDAU P ( 1985) laquo Audit social raquo Edition Vuibert Gestion Paris 1985 p51 7 A COURET et J IGALENS Audit social PUF 1988

8

Parmi les divers champs agrave auditer dans la gestion de lrsquoentreprise celui des ressources humaines et du pilotage prend en compte des faits de nature technique eacuteconomique et juridique Par la nature mecircme des choses on est ameneacute agrave recueillir des donneacutees suppleacutementaires qui sont de nature psychologique et sociologique Il en deacutecoule certaines contraintes qui affectent les pheacutenomegravenes agrave observer la faccedilon drsquoobserver les modes drsquointerpreacutetation des reacutesultats et la qualification des auditeurs speacutecialiseacutes en cette matiegravere8

23 Champ drsquoanalyse Le Traitement de lrsquoInformation Sociale MARTORY B (1992) laquo Les tableaux de bord sociaux raquo Editions Nathan Paris 1992 p23

INDIVIDUEL

OBJECTIF SUBJECTIF

Pyramide des acircges

Masse Salariale

Gestion preacutevisionnelle des objectifs

Climat Comportements

Conditions de Travail

Potentiel individuel Appreacuteciation

Carriegraveres

Salaires individuels

Absenteacuteisme

Turn over

Formation

Formatio

COLLECTIF

9

8 VATIER Raymond (1995) laquo Lrsquoaudit social meacutethode drsquoeacutevaluation et diagnostic raquo ANDCP Personnel ndeg365 deacutecembre 1995

24 Typologie Preacutesentation des diffeacuterents types drsquoaudits des Ressources Humaines IGALENS Jacques (1994) laquo Audit des Ressources Humaines raquo 2egraveme eacutedition Editions Liaisons p8 Temps Niveau

Passeacute Preacutesent Futur

Entiteacute Audit du climat social Individu Audit des performances Audit des potentiels Preacutesentation des diffeacuterents types drsquoaudits des Ressources Humaines (bis) CANDAU P ( 1985) laquo Audit social raquo Edition Vuibert Gestion Paris 1985 Audit social Meacutethodologie de lrsquoaudit social ( processus de

lrsquoaudit et les bases de la mesure) Outils et techniques de lrsquoaudit social Outils et techniques pour le recueil drsquoinformations Outils et techniques drsquoanalyse Techniques de preacutesentation des reacutesultats

Audit de lrsquoabsenteacuteisme Notion amp mesure de lrsquoabsenteacuteisme Meacutethodes drsquoanalyse de lrsquoabsenteacuteisme Diagnostic des causes drsquoabsence

Audit de lrsquoemploi et du recrutement Lrsquoanalyse de lrsquoemploi ( quantitative qualitative) Audit de la gestion preacutevisionnelle des emplois Audit du recrutement

Audit de la paye Audit de la reacutemuneacuteration Audit des politiques salariales

Audit de la masse salariale Audit de la structure salariale

Audit de la formation Le processus de la formation Recueil drsquoinformation et identification des problegravemes Diagnostic des causes et des recommandation

Construction drsquoun systegraveme de reacutefeacuterence (preacuteoccupations dominantes de lrsquoaudit social)

Le personnel comme acteur des performances de lrsquoentreprise La flexibiliteacute due au potentiel de ressources humaines de lrsquoentreprise La qualiteacute du mode de gestion laquo des ressources humaines et des relations sociales raquo

Le diagnostic de la qualiteacute des preacutevisions et des plans drsquoorientation

10

1 AUDIT DE CONFORMITE9 Il permet drsquoappreacutecier la conformiteacute des pratiques aux regravegles applicables dans lrsquoentreprise et de porter un jugement sur la qualiteacute des informations OBJECTIFS

DOMAINES

Garantir la qualiteacute de lrsquoinformation

1 Lrsquoexamen de ces information doit reacutepondre aux exigences de lrsquoaudit

caractegravere professionnel reacutesultant drsquoune meacutethode de techniques et drsquooutils speacutecifiques reacutefeacuterence agrave des critegraveres de qualiteacute (reacutegulariteacute efficaciteacute fideacuteliteacute) Utilisation de normes expression drsquoune opinion agrave travers un jugement identification des risques formulation drsquoun certain nombre de preacuteconisations accroissement de lrsquoutiliteacute de lrsquoinformation par lrsquoameacutelioration de sa creacutedibiliteacute et de sa fiabiliteacute

2 La mission de controcircle porte en particulier sur les informations communiqueacutees aux repreacutesentants du personnel les informations fournies agrave lrsquoexteacuterieur (administration organismes sociaux actionnaires groupements professionnels) et en particulier le bilan social les informations diffuseacutees aux salarieacutes les informations utiliseacutees dans le cadre de lrsquoadministration et de la gestion du personnel les informations permettant des prendre les deacutecisions en matiegravere de ressources humaines

Assurer le respect des dispositions leacutegales reacuteglementaires ou conventionnelles

La reacuteglementation applicable en matiegravere de GRH est particuliegraverement importante Lrsquoauditeur en controcircle le respect et eacutevalue les risques encourus du fait drsquoune application insuffisante

Assurer lrsquoapplication des instructions de la direction

Pour mettre en œuvre leur politique de GRH les entreprises eacutelaborent un ensemble de proceacutedures (guides manuels notes de service) lrsquoauditeur social collecte ces documents et en controcircle le respect

9 PERETTI laquo La fonction Personnel raquo

11

2 AUDIT DrsquoEFFICACITE Les audits drsquoefficaciteacute reacutepondent aux deux questions suivantes

Les reacutesultats sont-ils conformes aux objectifs Les reacutesultats ont-ils eacuteteacute acquis aux moindres coucircts

Pour conforter et asseoir les preacuteconisations lrsquoauditeur est ameneacute agrave examiner non seulement les reacutesultats obtenus mais aussi lrsquoensemble du processus par lequel ils ont eacuteteacute produits Lrsquoaudit drsquoefficaciteacute recouvre lrsquoaudit des proceacutedures Ils reacutepond aussi aux questions

Les proceacutedures de gestion internes correspondent-elles aux objectifs deacutefinies Les proceacutedures peuvent-elles ecirctre alleacutegeacutees ou ameacutelioreacutees pour atteindre plus facilement les objectifs viseacutes

Au delagrave des reacutesultats lrsquoauditeur deacutegage les conseacutequences preacutevues et impreacutevues de lrsquoaction (effets pervers coucircts dysfonctionnement induits) Les principales missions drsquoaudit drsquoefficaciteacute concernent les pratiques en matiegravere drsquoemploi (recrutement deacuteparts) de reacutemuneacuterations (qualification individualisation) de formation drsquoameacutenagement des temps Critegraveres de reacutefeacuterence Efficaciteacute Efficience

Capaciteacute drsquoune organisation agrave atteindre le but qursquoelle srsquoest fixeacute

Capaciteacute agrave ecirctre efficace au moindre coucirct

Quatre niveaux drsquoeacutevaluation

la coheacuterence des proceacutedures avec les choix de lrsquoentreprise en matiegravere de politique sociale ((les proceacutedures sont-elles le reflet exact des politiques deacutefinie ) la coheacuterence des pratiques pour lrsquoensemble des aspects de la gestion sociale (reacutemuneacuteration et gestion de carriegravere par exemple) et la coheacuterence des proceacutedures de gestion et drsquoadministration entre eacutetablissements la pertinence des proceacutedures crsquoest agrave dire leur capaciteacute agrave provoquer les reacutesultats attendus lrsquoefficience des proceacutedures crsquoest agrave dire le rapport du coucirct de leur mise en œuvre sur les reacutesultats obtenus

12

3 AUDIT STRATEGIQUE Lrsquoaudit strateacutegique correspond agrave une double preacuteoccupation

Les politiques de GRH sont-elles conformes aux objectifs poursuivis par lrsquoentreprise agrave sa strateacutegie globale et agrave sa strateacutegie sociale Chaque volet de la politique sociale est-il formuleacute et adapteacute aux speacutecificiteacute de lrsquoentreprise et agrave lrsquoeacutevolution de son environnement Lrsquoauditeur doit veacuterifier eacutegalement la coheacuterence entre les principes directeurs des politiques de GRH et les valeurs afficheacutees par lrsquoentreprise dans son projet culturel

La traduction des grands choix de la politique sociale en plans et programmes est-elle reacutealiseacutee Lrsquoauditeur srsquointeacuteresse aux diffeacuterentes composantes de la seacutequence strateacutegique (diagnostic deacutefinition mise en œuvre controcircle) et en particulier aux modaliteacutes de suivi et drsquoeacutevaluation permettant drsquoadapter les politiques aux eacutevolutions internes et externes Recueil drsquoinformations laquo Pour mon compte ma meacutethode nrsquoa jamais varieacute depuis le premier roman que jrsquoai eacutecrit Jrsquoadmet trois sources drsquoinformation les livres qui me donnent le passeacute les teacutemoins qui me fournissent soit par des œuvres eacutecrites soit par des conversations des documents sur ce qursquoils ont vu ou sur ce qursquoils savent et enfin lrsquoobservation personnelle directe ce qursquoon va voir entendre ou sentir sur place raquo Emile ZOLA in laquo Les droits du romancier raquo Un Systegraveme drsquoInformation Sociale10 Etre informeacute pour administrer le personnel - les obligation administratives permanentes de la fonction personnel ( audit de conformiteacute)

le suivi des diffeacuterents types drsquoeffectifs leacutegaux la reacuteponse aux sollicitation des administration sociale du travail lrsquoapplication au jour le jour de dispositions eacutevolutives de la leacutegislation sociale la mise en forme des DAS le suivi de la formation et la mise en place des plans de formation lrsquoeacutelaboration annuelle du bilan social

Etre informeacute pour deacutecider - les opeacuterations de la gestion courante du personnel

comment connaicirctre peacuteriodiquement et preacuteciseacutement lrsquoeacutetat des effectifs Comment ecirctre susceptible de proposer rapidement le nom des quelques speacutecialistes dont lrsquoentreprise a besoin pour une opeacuteration deacutecisive de quelle maniegravere suivre les grands dysfonctionnement sociaux absenteacuteisme Turn over Conflits Quelles en sont les conseacutequences financiegraveres comment envisager lrsquoeacutevolution de la masse salariale et des coucircts salariaux

10 MARTORY B (1992) laquo Les tableaux de bord sociaux raquo Editions Nathan Paris 1992 pp12-15

13

comment appreacutecier les effets drsquoun changement de la reacuteglementation sociale sur les temps et rythmes de travail par quelle voie appreacutecier la performance individuelle ou drsquoun groupe en vue drsquoameacuteliorer la motivation

- Les conseacutequences sociales des choix eacuteconomiques de lrsquouniteacute

comment analyser une implantation dans un nouvel environnement eacuteconomique combien coucircte le retour drsquoun produit un incident de machine un arrecirct de production quelles sont les conseacutequences socio-eacuteconomiques drsquoun changement drsquoorganisation de mode de production de suppression du travail de nuit comment appreacutecier lrsquoincidence drsquoune opeacuteration drsquoameacutelioration des conditions de travail drsquoameacutenagement des temps et des rythmes de production comme la suppression du travail posteacute

Etre informeacute pour un meilleur pilotage social Pilotage Social = Objectifs + Reacutegulations + Controcircle des eacutecarts

Assigner des objectifs - Objectifs sociaux Exemple assurer un rajeunissement progressif de la main drsquoœuvre - Sous objectif sociaux Exemple reacutealiser lrsquoadaptation du personnel pour tenir compte du changement du mode de production Le systegraveme drsquoinformation - formalise et preacutesente les objectifs - conduit agrave la mise en forme du plan social qui preacutesente les choix strateacutegiques de lrsquouniteacute

Ajuster la route suivie compte tenu des modifications de lrsquoenvironnement Le systegraveme drsquoinformation - fournit au jour le jour des donneacutees objectives qualifiant les eacutevolutions de lrsquoenvironnement - permet drsquoeacutelaborer des indicateurs peacuteriodiques - approvisionne en informations eacuteleacutementaires les eacutetudes ponctuelles qui eacuteclairent les deacutecisions sociales

Appreacutecier et eacutetudier les eacutecarts agrave lrsquohorizon choisi deacutefinir de nouveau objectifs Le systegraveme drsquoinformation - deacutetermine les eacutecarts sur objectifs mesure et deacutecompose certains drsquoentre eux - permet la deacutetermination des causes drsquoeacutecarts et de responsabiliteacute - sert de base agrave la fixation des nouveaux objectifs ( plan social )

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Sources documentaires Sources drsquoInformation Ecrite CANDAU P ( 1985) laquo Audit social raquo Edition Vuibert Gestion Paris 1985 pp120-122 Domaines Documents Source 1 EMPLOI

11 Effectif Etat des effectifs 12 Structure (Age sexe qualification)

Bilan Social Registre du personnel Fichiers

RH

13 Types de contrats Dossiers individuels Contrats avec entreprises exteacuterieures Registres du personnel

RH amp service Administratif

14 Mouvements Deacuteclarations annuelles agrave - la preacutefecture - DDTE - Caisse de seacutecuriteacute sociale

Fichiers Contrats de travail

RH Services Administratifs RH RH

15 Recrutement Proceacutedures Plans

RH

2 REMUNERATION

21 Salaires Conventions collectives Objectifs Deacuteclarations annuelles des salaires (DAS) Livre de paie Archives Accords drsquoentreprise et drsquoeacutetablissement Bulletins de salaires

RH RH Comptabiliteacute RH RH amp comptabiliteacute

22 Participation Dossiers individuels Bordereaux de versement

RH Comptabiliteacute

23 Avantages sociaux Budgets Accords Bilan social

Comptabiliteacute RH RH

24 Charges sociales Compte drsquoexploitation Comptabiliteacute 25 Oeuvres sociales Bilan social

Compte drsquoexploitation Compte du CE

RH Comptabiliteacute

15

Domaines Documents Source 3 CONDITIONS DE

TRAVAIL

31 Seacutecuriteacute - accidents - maladies professionnelle

Bilan social Notification agrave la caisse drsquoassurance maladie Deacuteclaration agrave la Seacutecuriteacute sociale Rapport annuel au meacutedecin du travail PV CHSCT

RH

32 Ameacutelioration des conditions de travail

Rapport meacutedecin Carte de son CE Bilan Social

RH RH

4 DUREE DU TRAVAIL

41 Horaires Regraveglement inteacuterieur Accord drsquoentreprise

RH RH

42 Chocircmage Deacuteclaration agrave la DDTE Livre de paye

RH Comptabiliteacute

43 Congeacutes Accord drsquoentreprise Registre du personnel

RH RH

44 Absenteacuteisme Deacuteclaration agrave la Seacutecuriteacute Sociale

RH amp Comptabiliteacute

5 DEPENSES 51 Deacutepenses Objectifs

Etat Frais non deacuteductibles

RH Comptabiliteacute

52 Structure Bilan social Etat (2483)

RH

53 Dureacutee Dossier du personnel RH 54 Modaliteacutes Plan de formation

Avis du CE Demandes eacutecrites des inteacuteresseacutes

RH RH

55 Apprentissage Registre du personnel Contrats transmis agrave lrsquoadministration Taxes drsquoapprentissage

RH RH Comptabiliteacute

16

Domaines Documents Source 6 RELATIONS SOCIALES

61 Elections PV des eacutelections RH 62 Fonctionnement Bons de deacuteleacutegation

Budget (versement CE) RH

621 Nombre de reacuteunions Bilan social Comptabiliteacute 622 Nombre de commissions CE

Bilan social Dossier

Comptabiliteacute RH

63 Revendications Tracts Cahier revendications Compte rendus PV Panneaux drsquoaffichage

RH RH RH

64 Conflits Dossier du service du personnel

RH

65 Accords Accords et avenants Notes Instructionsrecommandations

66 Contentieux Dossiers Instances Registre des mises en demeures et PV de lrsquoinspection du travail

Sources juridiqueRH

67 Information amp communication

Journal drsquoentreprise Publications internes Groupes drsquoexpression Bilan social

RH RH RH

7 ORGANISATION

Organigrammes Deacutefinitions de fonctions Plans objectifs Politiques proceacutedures Instructions meacutemos Budgets Opeacuterations particuliegraveres en cours Type de controcircle

RH RH RH amp Direction RH Comptabiliteacute RH RH Comptabiliteacute Controcircle de gestion

17

Conclusion Telles sont les bases fondamentales de lrsquoaudit social telles qursquoelles ont eacuteteacute expliciteacutees dans la litteacuterature La question est de savoir maintenant si ces fondements peuvent toujours srsquoappliquer agrave lrsquoaudit de RSE Sur base des pratiques drsquoaudit RSE tels que reacutealiseacutes par certains cabinets speacutecialiseacutes ou par certains auditeurs indeacutependants il apparaicirct clairement qursquoun certain nombre de fondements ne srsquoy retrouvent pas ou tout du moins pas encore par manque de maturiteacute En effet le champs mecircme de lrsquoaudit de RSE peut precircter agrave confusion et le paramegravetre mecircme de lrsquoaudit nrsquoest pas encore clairement eacutetabli Comment est-il possible drsquoappliquer ces fondements alors que le sujet nrsquoest pas encore clairement deacutefini et seacutegreacutegeacute Par ailleurs le niveau drsquoaudit au niveau de la RSE pose aussi des difficulteacutes drsquoordre meacutethodologiques est-ce que nous nous situons agrave un audit de conformiteacute drsquoefficaciteacute strateacutegique Si nous posons lrsquoaudit de RSE vis-agrave-vis drsquoune norme telle que la norme SA8000 alors nous nous trouvons plus dans le champs de la laquo Compliance raquo telle que le Comiteacute de Bacircle vient de la deacutefinir en Avril 2005 et non plus vraiment dans le champs de lrsquoaudit Il serait donc inteacuteressant de reprendre chacun de ces principes fondamentaux de lrsquoaudit social et de les confronter aux pratiques actuelles en matiegravere de drsquoaudit de RSE mais cet exercice ne peut se faire dans cet article mais constituera la base drsquoune prochaine communicationhellip

18

ETHIQUE RESPONSABILITE SOCIALE AUDIT SOCIAL ET DEVELOPPEMENT DURABLEhellip QUEL BILAN ET QUELLES PERSPECTIVES DrsquoAVENIR Ivan TCHOTOURIAN ATER agrave lrsquoUniversiteacute Nancy 2

Introduction laquo Il y a quelques anneacutees encore il eacutetait habituel de dire que le monde de la finance nrsquoeacutetait pas concerneacute par le deacuteveloppement durable au preacutetexte qursquoune banque une compagnie drsquoassurance une socieacuteteacute de gestion drsquoactifs ne polluent pas Aujourdrsquohui cette affirmation nrsquoest plus drsquoactualiteacute raquo1 Selon la Commission europeacuteenne laquo le concept de responsabiliteacute sociale des entreprises est deacutefini comme lrsquointeacutegration volontaire par les entreprises de preacuteoccupations sociales et environnementales agrave leurs activiteacutes commerciales et leurs relations avec les parties prenantes raquo2 Ainsi est mise en lumiegravere la volonteacute de doter la globalisation de regravegles sociales et eacutecologiques tout en laissant les opeacuterateurs eacuteconomiques choisir agrave cette fin celles qui leur sont le mieux adapteacutees Reacutepondant agrave la prise de conscience collective face agrave la crise eacuteconomique sociale culturelle du XXegravemes et aux bouleversements de la science et de ses applications technologiques3 lrsquoeacutethique paraicirct ecirctre au cœur de ses preacuteoccupations environnementales et sociales laquo Lrsquoentreprise est pour lrsquohomme et non lrsquohomme pour lrsquoentreprise raquo4 La rentabiliteacute la productiviteacute le marketing la publiciteacute ne sont des eacuteleacutements agrave prendre en compte qursquoagrave une fin supeacuterieure le bien commun hellip ce qui implique drsquoeacuteviter dans la mesure du possible les deacutelocalisations de ne recourir aux licenciements qursquoen derniegravere extreacutemiteacute de prendre en compte lrsquoenvironnement hellip laquo En cette fin de siegravecle ougrave lrsquoon relegraveve souvent la reacutegression des valeurs morales traditionnelles il peut paraitre paradoxal de constater qursquoil nrsquoa jamais eacuteteacute autant question drsquoeacutethique de moraliteacute ou de deacuteontologie (hellip) raquo5 Si la prise en compte de la morale nrsquoest pas un pheacutenomegravene purement hexagonal son aspect national nous inteacuteresse plus particuliegraverement laquo [L]a vie des affaires a soif de morale raquo6 Il apparait que le monde de lrsquoentreprise et des affaires ne peut se passer de morale tant laquo la veacuteritable sanction qui est implicite dans les contrats drsquoaffaires est la perte de moraliteacute crsquoest-agrave-dire le discreacutedit raquo7

1 Guide Financement et deacuteveloppement durable laquo Enjeux et responsabiliteacute raquo juin 2005 p1 Introduction 2 Communication de la Commission concernant la responsabiliteacute sociale des entreprises du 2 juillet 2002 (COM [2002] 347) sect 3 3 A propos de la perception de la fragiliteacute de la nature E Reynaud laquo La protection de lrsquoenvironnement par lrsquoentreprise raquo Ethique Economique Entreprise et Environnement Eska 1998 p89 et s 4 P Le Tourneau laquo Sur lrsquoentreprise au risque de lrsquoeacutethique raquo RJCom 2004 p219 speacutec p220 5 D Devos et J-V Louis avant-propos Lrsquoeacutethique des marcheacutes financiers eacuted de lrsquoULB 1991 Bruxelles

1

Au-delagrave de la deacutefinition des concepts en jeu lrsquoeacutethique environnementale et sociale semble intervenir agrave deux niveaux laquo Cette eacutethique raquo8 a un impact non seulement dans le cadre de la pratique des affaires (I) mais eacutegalement dans le cadre des techniques juridiques du monde marchand (II) Au cœur de cette intervention nous tenterons de mettre en application au strict domaine des donneacutees environnementales et sociales la vision de lrsquoeacutethique que nous avons exposeacute de maniegravere theacuteorique au cours drsquoun colloque consacreacute agrave la responsabiliteacute sociale des entreprises9

1 Ethique environnementale et sociale et pratique de affaires

11 Inteacuterecircts drsquoune deacutemarche responsablehellip

111 hellip Inteacuterecircts geacuteneacuteraux laquo la performance sociale et environnementale ne peut pas exister sans la performance eacuteconomique raquo10

En premier lieu la responsabiliteacute sociale preacutesente lrsquoavantage de faire acceacuteder les entreprises agrave lrsquounivers de reacutefeacuterence laquo eacutethique raquo des investisseurs et agrave renforcer la valeur eacuteconomique de lrsquoentreprise Pour les grandes entreprises la promotion de la responsabiliteacute sociale et environnementale permet drsquoaccroicirctre les performances commerciales et financiegraveres de reacuteduire le coucirct des risques industriels et eacutecologiques et de renforcer leur compeacutetitiviteacute Pour les PME une telle promotion influe sur leur image et sur les possibiliteacutes de financement et de cotraitance (avec les grandes entreprises soumises agrave des cotations eacutethiques) En deuxiegraveme lieu lrsquoeacutethique offre lrsquoopportuniteacute de donner une image saine et de restaurer la confiance Lrsquoeacutemergence des codes drsquoeacutethique des contrats de confiance des chartes drsquoeacutethique des engagements drsquohonneur nrsquoest pas neutre Il faut y voir la volonteacute de renforcer les liens de confiance entre les parties et par-lagrave mecircme la seacutecuriteacute juridique En troisiegraveme lieu il y a apparition dans les entreprises drsquoune labellisation eacutethique qui ont utiliseacute ce critegravere pour attirer ou retenir une clientegravele soucieuse de ne pas contribuer au financement de pratiques commerciales reacutemuneacuteratrices mais peu respectueuses de principes

6 C Saint-Alary-Houin laquo Morale et faillite raquo La morale et le droit des affaires Montchrestien 1996 p161 ndeg6 7 L Vilde laquo Morale dans les contrats drsquoaffaires raquo La morale et le droit des affaires Montchrestien 1996 p96 Voir eacutegalement J Carbonnier laquo Droit civil Les obligations raquo t 4 17egraveme eacuted PUF 1995 ndeg3 P Le Tourneau laquo Existe-t-il une morale en droit des affaires raquo La morale et le droit des affaires Montchrestien 1996 p23 S Darmaisin laquo Le contrat moral raquo preacutef B Teyssieacute LGDJ 1999 p312 ndeg488 P Diener laquo Ethique et droit des affaires raquo D 1993 chron p19 8 Cette appellation ne prend pas position sur lrsquoexistence drsquoune ou plusieurs eacutethiques Sur les eacutethiques J Delga laquo De lrsquoeacutethique drsquoentreprise et son cynisme raquo D Affaires 2004 p3126 B Oppetit laquo Ethique et droit des affaires raquo Meacutelanges A Colomer Litec 1993 p321 9 I Tchotourian laquo La morale en droit des affaires la pratique et la technique doivent plier plutocirct que sacrifier lrsquoeacutethique raquo Colloque La responsabiliteacute sociale des entreprises reacutealiteacute mythe ou mystification Universiteacute Nancy 2 17 et 18 mars 2005 10 laquo Alliances et la RSE raquo httpwwwalliances-assoorg

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En quatriegraveme lieu lrsquoeacutethique integravegre le champ de la reacutegularisation corporative par le biais drsquoinstruments drsquoautodiscipline ndash codes de conduite drsquoeacutethique ou de deacuteontologie ndash qui existent dans les secteurs les plus varieacutes de lrsquoactiviteacute professionnelle11 Ainsi il nrsquoest pas rare que les codes contiennent quelques deacuteclarations de principe sur la sensibiliteacute de lrsquoentreprise agrave lrsquoeacutegard de la sauvegarde de lrsquoemploi de lrsquoenvironnement ou de la moraliteacute Toutefois aucune obligation positive ne reacutesulte de ces peacutetitions de principe

112 hellip Inteacuterecircts speacutecifiques laquo Lrsquoentreprise responsable peut accroicirctre ses performances tout en donnant un laquo sens raquo agrave son deacuteveloppement et un visage plus humain agrave lrsquoEconomie raquo12

En ce qui concerne lrsquoenvironnement la prise en compte de cette donneacutee dans le cadre de la responsabiliteacute sociale est un outil strateacutegique qui permet de reacuteduire les coucircts de production les coucircts drsquoadaptation et les coucircts de deacutepollution ndash concept drsquoeacuteco-efficience ndash de preacutevenir contre des risques drsquoaccidents industriels ou de crises sociales et drsquoinciter agrave innover Or laquo (hellip) aujourdrsquohui seule une minoriteacute drsquoentreprise a su construire une vraie diffeacuterenciation strateacutegique raquo13 De plus en imposant son comportement au reste de la profession lrsquoentreprise beacuteneacuteficie drsquoun avantage en terme de coucircts les autres entreprises supportant des coucircts supeacuterieurs Par ailleurs en raison de la prise en compte par les entreprises classiques drsquoun certain nombre de probleacutematique socieacutetale lrsquoenvironnement est une nouvelle probleacutematique qui permet agrave un petit nombre drsquoentreprises de se diffeacuterencier et de beacuteneacuteficier drsquoun avantage concurrentiel Cette image de pionnier demeurera mecircme lorsque son niveau de protection de lrsquoenvironnement sera imposeacute agrave tous14 En ce qui concerne lrsquoaspect social les salarieacutes sont la premiegravere source de richesse de lrsquoentreprise15 Ils garantissent non seulement la production drsquoun bien ou drsquoun service mais peuvent eacutegalement placeacutes dans des conditions favorables (qualiteacute du management et de lrsquoenvironnement formation reacutemuneacuteration incitation agrave lrsquoautonomie) ameacuteliorer la qualiteacute des produits et des services innover imaginer de nouvelles faccedilons de travailler La mobilisation du personnel autour de valeurs partageacutees de projets strateacutegiques et drsquoune plus grande ouverture vers lrsquoexteacuterieur permet de reacuteduire le risque social et de creacuteer une dynamique de progregraves16

11 Farjat G (1982) Reacuteflexions sur les Codes de conduite priveacutee Etudes offertes agrave B Goldman Litec 1982 p47 Sur les difficulteacutes relatives agrave cette multitude de regravegles Caramelli D (2004) Corporate governance la bourse de New York vient en aide aux dirigeants ameacutericains Dalloz Affaires p618 12 laquo Alliances et la RSE raquo httpwwwalliances-assoorg 13 Responsabiliteacute sociale des entreprises laquo Repegraveres raquo httpwwwnovethicfr 14 E Reynaud laquo La protection de lrsquoenvironnement par lrsquoentreprise raquo Ethique Economique Entreprise et Environnement Eska 1998 p89 speacutec p102 15 Responsabiliteacute sociale des entreprises laquo Parties Prenantes raquo httpwwwnovethicfr 16 Responsabiliteacute sociale des entreprises laquo Repegraveres raquo httpwwwnovethicfr

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12 Le teacutemoignage de la pratique le laquo oui mais raquo

121 Le laquo oui raquohellip

1211Le pheacutenomegravene de notation ndash et le nombre drsquoagences ndash srsquoest consideacuterablement accru17

La creacuteation drsquoindices environnementaux atteste de la prise en compte de donneacutees environnementales En France une demi-douzaine dagences vend des listes dentreprises noteacutees selon des critegraveres environnementaux et sociaux agrave des socieacuteteacutes de gestion Cest le cas de lameacutericaine Innovest de la suisse Sam (qui produit lindice Dow Jones Sustainable Index) de la franccedilaise Vigeo (qui gegravere lindice Aspi Eurozone) dEiris un organisme britannique agrave but non lucratif (qui produit lindice FTSE4Good) et de Deminor Ratings (qui note la gouvernance dentreprise) BMJ Ratings (dont Fimalac proprieacutetaire de lagence de notation financiegravere Fitch est actionnaire de reacutefeacuterence) vend elle des notations aux entreprises En Europe pregraves de 25 socieacuteteacutes sont actives Imug ou Oekom en Allemagne Ges Investment Services dans les pays scandinaves Aux Etats-Unis et au Canada les grands acteurs sont Innovest Calvert JRA et KLD Cette derniegravere a creacuteeacute le premier indice dinvestissement socialement le Domini 400 en 1990 qui seacutelectionne 400 entreprises de lindice Standard amp Poors 50o18 Dans le mecircme ordre drsquoideacutee lrsquoaudit social ndash deacutefini comme lrsquoopinion eacutemise par un auditeur indeacutependant et compeacutetent sur la qualiteacute de lrsquoinformation sociale et sur celle des outils de pilotage social drsquoune organisation19 ndash srsquoest deacuteveloppeacute agrave partir de 1980 et a eacuteteacute ressenti comme neacutecessaire20 Aux notions de performance financiegravere et de performance eacuteconomique srsquoest ajouteacutee la performance sociale crsquoest-agrave-dire la prise en compte des comportements de lrsquoentreprise au regard des parties prenantes de son environnement partie prenante agrave laquelle les salarieacutes sont inteacutegreacutes

1212Les normes environnementales et sociales ont inteacutegreacute drsquoautres structures que les entreprises

Calpers ndash le plus important fonds public ameacutericain quelque 170 milliards de dollars qui gegravere les retraites de pregraves de 12 millions de fonctionnaires californiens ndash est le premier agrave introduire des normes sociales en se conformant aux recommandations de lOrganisation internationale du travail (OIT) Elle introduit un preacuteceacutedent qui ne sera pas sans conseacutequences dans lunivers des fonds de pension ces investisseurs institutionnels dont la puissance financiegravere en fait des acteurs redouteacutes sur les marcheacutes financiers21

17 laquo Il y a beaucoup dopportunisme dans lengouement des cabinets de conseil raquo C Rollot laquo Le deacuteveloppement durable attise les appeacutetits des consultants raquo Le Monde 9 avril 2002 18 Sur ces chiffres laquo Une trentaine drsquoagences dans le monde raquo Le Monde 17 juin 2005 19 laquo Encyclopeacutedie de la Gestion et du Management raquo Dalloz 2003 72 20 A Couret et J Igalens laquo Lrsquoaudit social raquo Que sais-je PUF 1988 p6 21 L Caramel laquo Les normes sociales font leur entreacutee dans les fonds de pension raquo Le Monde 16 janvier 2001

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En outre le placement dans des portefeuilles constitueacutes agrave partir de critegraveres de seacutelection eacutethiques tout autant que financiers a pris de lrsquoimportance ces derniegraveres anneacutees En France crsquoest au deacutebut des anneacutees 1980 que sont apparues les premiegraveres collectes drsquoeacutepargne eacutethique et solidaire Apregraves lrsquoouverture de fonds de partage ndash Terre nouvelle au profit de lrsquoenvironnement France emploi au profit de lrsquoinsertion et de la promotion de lrsquoemploi ndash relativement nombreux dans les anneacutees 1980 ce sont les fonds eacutethiques ndash CDC Euro 21 pour le deacuteveloppement durable Capital emploi pour lrsquoemploi ndash qui ont pris le dessus en 199022 De plus certains estiment que les produits deacutepargne socialement responsables ou orienteacutes vers le financement de leacuteconomie solidaire sont suceptibles de prendre leur envol au sein des entreprises En effet relativement confidentiels jusquagrave preacutesent dans les plans deacutepargne dentreprise (PEE) un placement assorti dun avantage fiscal ouvert au salarieacute dans le cadre de son travail ces fonds eacutethiques beacuteneacuteficient dune conjonction de facteurs favorables Ils sont tout dabord soutenus par les syndicats qui cogegraverent les PEE puis tireacutes par de nouvelles offres et beacuteneacuteficient de limpact de la loi Fabius sur leacutepargne salariale23 EDF-GDF a creacuteeacute un fond sous le nom drsquoEgeacutepargne croissance qui est deacutedieacute agrave lrsquoemploi Par ailleurs les banques et les assurances fournissent une illustration laquo (hellip) appeleacute[e] agrave srsquoaffirmer raquo24 Les banques deacuteveloppent la prise en compte de critegraveres sociaux et environnementaux dans leur politique de financement de projet meneacute par les grandes entreprises mais aussi dans lrsquooctroi de precircts aux PME et mecircme aux particuliers25 Les banques exploitent progressivement les opportuniteacutes commerciales que recegravele le deacuteveloppement durable financement de projets protecteurs de lrsquoenvironnement accompagnement de la monteacutee en puissance du marcheacute des permis drsquoeacutemission des gaz agrave effet de serre Les compagnies drsquoassurance accordent une place grandissante agrave la composante environnementale pour eacutevaluer les projets agrave assurer Pour orienter les comportements de leurs clients elles investissent de plus en plus dans la preacutevention et le conseil Elles utilisent eacutegalement les primes et franchises qursquoelles modulent en fonction de lrsquoimportance du risque eacutecologique Les banques et les assurances participent agrave la promotion de gammes de produits de placement socialement responsables contribuant agrave une meilleure prise en compte des enjeux de deacuteveloppement durable par les entreprises dans lesquelles elles investissent La Nouvelle Economie fraternelle creacuteeacutee en 1989 a fortement impulseacute le mouvement drsquoaffectation de lrsquoeacutepargne agrave divers projets dont lrsquoutiliteacute sociale prime sur la rentabiliteacute eacuteconomique Plus globalement le gouvernement franccedilais souligne que laquo (hellip) le secteur financier joue (hellip) un rocircle crucial et pourrait reacuteorienter les modes de production vers le deacuteveloppement

22 Pour la distinction entre ces deux fonds J Ballet et F de Bry laquo Lrsquoentreprise et lrsquoeacutethique raquo Editions du Seuil 2001 p331 et s 23 A de Tricornot laquo Lrsquoenvol programmeacute des fonds socialement responsables dans lrsquoentreprise raquo Le Monde 1er juin 2003 24 Guide Financement et deacuteveloppement durable laquo Enjeux et responsabiliteacute raquo juin 2005 p3 25 La Commission nationale de linformatique et des liberteacutes (CNIL) a rendu un rapport le 18 janvier 2005 agrave propos des centrales positives ces fichiers qui regroupent des informations financiegraveres sur les particuliers (creacutedits contracteacutes laquo capaciteacutes de remboursement raquo etc) De nombreux pays centralisent de telles donneacutees preacutecise la CNIL qui dresse un panorama des centrales positives dans le monde Le Monde laquo Les centrales positives dans le monde raquo 28 avril 2005

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durable en precirctant ou [en] investissant dans les activiteacutes eacuteconomiques qui en respectent les principes ou pour des projets publics en coheacuterence avec celui-ci (hellip) raquo26

1213Un certain nombre drsquoindustriels ont adopteacute une deacutemarche environnementale du type EMAS ou accreacuteditation ISO 14000 et lrsquoont imposeacute agrave leur cocontractant

General Motors demanderait ainsi agrave ses fournisseurs de se faire accreacutediter ISO 1400027

1214Le commerce eacutequitable est une tentative drsquoenvisager le commerce international autrement que les pratiques conventionnelles en conciliant la deacutemarche eacuteconomique et les critegraveres de juste reacutepartition eacuteconomique

Les deacutegradations sociales et environnementales causeacutees par certaines entreprises afin drsquoobtenir des gains eacuteconomiques plus eacuteleveacutes sont deacutenonceacutees pas plusieurs organisations internationales et sont rejeteacutees Le respect de la digniteacute humaine et de lrsquoenvironnement est consideacutereacute comme fondamental par un certain nombre de producteurs ou de membres de reacuteseaux de distribution Bien que cette pratique se heurte agrave de nombreuses difficulteacutes28 celle-ci semble se deacutevelopper depuis une dizaine drsquoanneacutees dans les pays europeacuteens

122 Le laquo mais raquo malgreacute la preacutesence drsquoune conscience environnementale et sociale des structures financiegraveres quelques ombres apparaissent

1221A la question de savoir si linvestissement socialement responsable a toujours

le vent en poupe M Bello indique que ce sujet est moins preacutesent agrave la laquo une raquo des journaux

laquo Apregraves une forte preacutesence meacutediatique nous nous retrouvons agrave une eacutetape plus logique dune pratique qui reste encore marginale dans la communauteacute financiegravere Cela dit linvestissement socialement responsable ne va pas disparaicirctre Cette theacutematique ne va simplement pas croicirctre agrave la vitesse que certains pronostiquaient Elle avance au mecircme rythme que la prise de conscience de lensemble de la planegravete de la neacutecessiteacute de pratiquer un deacuteveloppement durable raquo29

1222J-M Cardebat note que laquo (hellip) lengagement social des entreprises paraicirct bien plus eacutevident en faccedilade que dans les faits (hellip) raquo30

Rares sont celles aujourdhui qui naffichent pas dans leurs bilans sociaux et autres sites Internet un haut degreacute de responsabiliteacute sociale Mais que penser alors de la stagnation des salaires concomitante agrave lexplosion des profits du sentiment de peur des salarieacutes qui ne se sont jamais sentis aussi menaceacutes par les deacutelocalisations et autres plans sociaux A-t-on ici des preuves de la responsabiliteacute sociale des

26 laquo Propositions pour une strateacutegie nationale de deacuteveloppement durable raquo mars 2002 27 laquo Corporate environmental Reporting raquo An interview with DJ Lober httpwwwusaeporg 28 J Ballet et F de Bry laquo Lrsquoentreprise et lrsquoeacutethique raquo Editions du Seuil 2001 p361 et s 29 J Morio laquo 3 questions agrave Pascal Bello Preacutesident de BMJ Core rating raquo Le Monde 12 deacutecembre 2004 30 J-M Cardebat laquo Le marcheacute peut-il venir au secours du social raquo Le Monde 15 mars 2005

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entreprises A en croire la rue bruyante ces derniers mois nous nrsquoen sommes guegravere convaincus

1223Il existe un retard franccedilais certain en la matiegravere Les entreprises anglo-saxonnes ont inteacutegreacute depuis plus longtemps les donneacutees environnementales et sociales

Ainsi des entreprises comme Shell ou BP en sont agrave leur quatriegraveme ou cinquiegraveme rapport deacuteveloppement durable

1224Bien que le bilan quant agrave lrsquoarticle 116 de la loi NRE srsquoavegravere favorable pour les professionnels31 deux constatations srsquoimposent pour les analystes constatations qui se reacutesument en deux mots laquo Trop complexe raquo

Drsquoun cocircteacute les rapports franccedilais ont peu drsquoindicateurs chiffreacutes32 (50 de moins que leurs homologues europeacuteens) Drsquoun autre cocircteacute les rapports franccedilais sont peu compareacutes 41 drsquoindicateurs compareacutes contre 75 dans les rapports europeacuteens33

1225Le reporting social se base sur une relation de confiance qursquoil est important de ne pas neacutegliger

M Goyder (stakeholders) indique laquo A mon sens le reporting sert plus agrave faire passer des valeurs et agrave creacuteer une relation de confiance avec les parties prenantes qursquoagrave cocher les bonnes cases raquo

1226Le problegraveme de la responsabiliteacute qursquoimplique la publication drsquoun rapport deacuteveloppement durable quand il manque de rigueur est poseacute

Par ailleurs le risque est grand que le rapport deacuteveloppement durable devienne une opeacuteration drsquoimage plus qursquoune politique de progregraves34 Ce rapport a une laquo (hellip) vocation de compte rendu ouvert qui se veut rigoureux et non promotionnel des actions engageacutees en reacuteponse aux questions de laquo durabiliteacute raquo poseacutees agrave lrsquoentreprise et qui sollicitent sa responsabiliteacute agrave lrsquoeacutegard de ses actionnaires comme de ses stakeholders raquo35

1227La mise en place drsquoune politique de deacuteveloppement durable ou sociale entraicircne des coucircts non neacutegligeables agrave court terme pour lrsquoentreprise ndash coucircts qui sont susceptibles de lrsquoaffaiblir ndash et apparaicirct comme une veacuteritable contrainte

31 Pour une approbation de lrsquoarticle 116 de la loi NRE Rapport de mission remis au Gouvernement ndash Bilan article 116 Loi NRE 8 juin 2004 httpwwworseorgfrhomenewshtml 32 Y de Kerorguen laquo La notation sociale srsquoimpose peu agrave peu en France mais doit faire mieux raquo La Tribune 29 novembre 2002 p23 33 Y de Kerorguen laquo La notation sociale srsquoimpose peu agrave peu en France mais doit faire mieux raquo La Tribune 29 novembre 2002 p23 34 A propos de cette ideacutee P drsquoHumiegraveres laquo Un reporting social trop formaliste raquo La Tribune 4 deacutecembre 2002 p2 35 P drsquoHumiegraveres laquo Un reporting social trop formaliste raquo La Tribune 4 deacutecembre 2002 p2

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2 Ethique environnementale et technique juridique Il existe non seulement des regravegles dont le contenu est inspireacute par lrsquoeacutethique mais encore la mise en œuvre de certaines regravegles juridiques est corrigeacutee par lrsquoeacutethique sous la forme drsquoune opposition ou drsquoune orientation

21 Lrsquoeacutethique environnementale et sociale comme inspiration de regravegles un authentique laquo self-service normatif raquo36

Divers textes internationaux europeacuteens et nationaux eacutevoquent lrsquoaspect environnemental et social37 Cependant il est agrave noter que lrsquounification de critegraveres sociaux communs agrave une majoriteacute drsquoEtats et englobant des pratiques qui se retrouvent dans des entreprises disperseacutees aux quatre coins du globe est complexe

211 Pour les textes internationaux peuvent ecirctre citeacutes le Global Reporting Initiative qui fait reacutefeacuterence aux dimensions environnementales et sociales pour aider les entreprises agrave produire des rapports les principes directeurs de lrsquoOCDE qui eacutevoquent eacutegalement ces deux volets agrave lrsquoattention des multinationales ou le Global Compact initieacute par lrsquoONU qui a pour ambition drsquolaquo unir la force des marcheacutes agrave lrsquoautoriteacute des ideacuteaux individuels raquo

212 Pour les textes europeacuteens un grand nombre de textes europeacuteens ndash strateacutegies

(strateacutegie europeacuteenne de Politique Inteacutegreacutee des Produits) ou directives (directive sur la responsabiliteacute environnementale du 20 feacutevrier 2004 directive drsquoeacutechange de permis drsquoeacutemissions de gaz agrave effet de serre du 10 deacutecembre 2002 directive sur la mise en œuvre de lrsquoeacutegaliteacute de traitement du 23 septembre 2002) ndash a trait au deacuteveloppement durable ou agrave lrsquoun de ses aspects

213 Pour les textes nationaux un grand nombre de lois franccedilaises font explicitement

reacutefeacuterence au deacuteveloppement durable ndash le plan climat (juillet 2004) le plan santeacute-environnement (juillet 2004) la charte de lrsquoenvironnement (mai 2004) plan air (novembre 2003) ndash et agrave la prise en compte de la dimension sociale de lrsquoentreprise ndash loi relative aux discriminations (16 novembre 2001) loi sur lrsquoeacutegaliteacute professionnelle (9 mai 2001) pratique drsquointeacutegration drsquoobligations morales dans les accords collectifs38 ndash

214 Reacutecemment la loi NRE (article 116) et son deacutecret drsquoapplication du 20 feacutevrier

2002 obligent les entreprises coteacutees agrave produire un rapport sur les aspects sociaux ndash 32 informations sociales internes effectifs formation hygiegravene seacutecuriteacute pariteacute handicapeacutes ndash territoriaux ndash 8 rubriques concernant lrsquoimpact territorial de lrsquoactiviteacute ndash et environnementaux ndash 28 rubriques ndash

Il sera inteacuteressant de traiter en deacutetail du contenu de cette disposition et de ses conseacutequences pour les entreprises

36 A Supiot laquo Du nouveau au self-service normatif la responsabiliteacute sociale des entreprises raquo Etudes offertes agrave J Peacutelissier Dalloz 2004 p541 speacutec p543 37 Sur ces textes Responsabiliteacute sociale des entreprises laquo Reacutefeacuterentiels raquo httpwwwnovethicfr 38 S Darmaisin laquo Le contrat moral raquo thegravese Montpellier LGDJ 2000 p464 ndeg682

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Parallegravelement la prise en compte de la dimension patrimoniale de lrsquoenvironnement par les entreprises se fait eacutegalement au travers de la comptabiliteacute traditionnelle qui doit traduire lrsquoimpact comptable de telles donneacutees Les instruments mis en œuvre sont alors les comptes annuels Toutefois la comptabiliteacute traditionnelle se heurte agrave un double problegraveme en matiegravere de charges39 Non seulement la comptabilisation des provisions destineacutees agrave faire face agrave des contraintes environnementales est soumise agrave des incertitudes fiscales et comptables mais encore lrsquoobligation du dernier exploitant drsquoassumer la remise en eacutetat drsquoun site industriel nrsquoest qursquoimplicite et ne dure que le temps de lrsquoexploitation Cette prise en consideacuteration de lrsquoenvironnement par la comptabiliteacute traditionnelle a eacuteteacute relayeacutee par la COB qui insiste sur les impacts financiers de cette donneacutee40 Au-delagrave de la comptabiliteacute traditionnelle de nombreux outils se deacuteveloppent et tendent agrave mettre en oeuvre une laquo comptabiliteacute verte raquo41 visant agrave mettre en eacutevidence les donneacutees environnementales dans des documents comptables et agrave eacutetablir des indices de performance environnementale42 Enfin la diffusion par lrsquoentreprise de donneacutees environnementales peut reacutesulter drsquoune deacutemarche volontaire adopteacutee par les entreprises lrsquoadheacutesion agrave un systegraveme de management environnemental mis en place au niveau communautaire43 ou la publication drsquoun rapport environnement autonome44

22 Lrsquoeacutethique comme correctif agrave la mise en œuvre de regravegles juridiques

221 Lrsquoeacutethique peut srsquoopposer au fonctionnement de la regravegle de droit Lorsque les dirigeants drsquoune entreprise souhaite quitter leurs fonctions quelles que soient les raisons ceux-ci ont tendance agrave obtenir un certain nombre drsquoavantages Bien que juridiquement rien ne srsquooppose agrave de telles pratiques est-il laquo eacutethique raquo qursquoun chef drsquoentreprise augmente sa reacutemuneacuteration lorsqursquoil annonce des pertes des licenciements des gels ou des modeacuterations salariales45 Lrsquoactualiteacute semble teacutemoigner drsquoune modification de cette pratique en la matiegravere la reacutefeacuterence agrave lrsquoeacutethique constituant le fondement de cette opposition Par ailleurs lorsque lrsquoentreprise souhaite licencier un salarieacute mais ne peut pas le faire soit pour des raisons juridiques soit pour des raisons eacuteconomiques elle tente de le pousser agrave deacutemissionner en creacuteant des conditions psychologiques le poussant au deacutepart

39 F G Treacutebulle laquo Lrsquoenvironnement en droit des affaires raquo Meacutelanges Y Guyon Dalloz 2003 p1035 speacutec p1047 40 laquo Quelques recommandations agrave lrsquoapproche de lrsquoarrecircteacute des comptes annuels et consolideacutes de lrsquoexercice 2000 raquo Bull COB ndeg352 deacutecembre 2000 p18 41 Dossier laquo La comptabiliteacute de lrsquoenvironnement raquo RFC novembre 1995 ndeg272 p13 42 Pour plus de deacutetails F G Treacutebulle laquo Lrsquoenvironnement en droit des affaires raquo Meacutelanges Y Guyon Dalloz 2003 p1035 speacutec p1048 43 Regraveglement CE ndeg7612001 du Parlement europeacuteen et du Conseil du 19 mars 2001 permettant la participation volontaire des organisations agrave un systegraveme communautaire de management environnemental et drsquoaudit 44 A propos des imperferfections de ce rapport F G Treacutebulle laquo Lrsquoenvironnement en droit des affaires raquo Meacutelanges Y Guyon Dalloz 2003 p1035 speacutec p1049 45 Sur cette question J Ballet et F de Bry laquo Lrsquoentreprise et lrsquoeacutethique raquo Editions du Seuil 2001 p310

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Le juge intervient condamnant lrsquoemployeur sur le fondement du harcegravelement moral et srsquoopposant ainsi au reacutesultat auquel aurait pu conduire la simple application de la regravegle juridique

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222 Lrsquoeacutethique peut orienter le reacutesultat de la regravegle En ce sens le juge chargeacute de lrsquoapplication du controcircle est guideacute par lrsquoeacutethique environnementale et socieacutetale qui devient sa reacutefeacuterence46

2221Impact des donneacutees environnementales

22211 Responsabiliteacute peacutenale de lrsquoentreprisehellip un champ restreint

Lrsquoentreprise est soumise agrave certaines obligations en matiegravere de divulgation drsquoinformations dans son rapport annuel Lrsquoarticle L 225-10-2 du Code de commerce est soumis au reacutegime du rapport annuel Bien que le caractegravere incomplet du rapport annuel nrsquoait aucune incidence sur la responsabiliteacute peacutenale des dirigeants47 si les comptes annuels ne donnent pas une image fidegravele du reacutesultat des opeacuterations de lrsquoexercice de la situation financiegravere et du patrimoine lrsquoarticle L 242-6 2deg pourra ecirctre appliqueacute48 Les erreurs commises dans la prise en compte drsquoeacuteleacutements lieacutes agrave lrsquoenvironnement au sein des comptes annuels pourront caracteacuteriser lrsquoeacuteleacutement mateacuteriel de lrsquoinfraction

22212 Responsabiliteacute civile de lrsquoentreprise hellip une porteacutee plus eacutetendue Premiegraverement lrsquoarticle L 225-251 du Code de commerce vise les infractions aux dispositions leacutegislatives ou reacuteglementaires applicables aux socieacuteteacutes anonymes et agrave ce titre lrsquoarticle L 225-102-1 du Code de commerce est concerneacute Deuxiegravemement laquo (hellip) on peut se demander si la mauvaise gestion de lrsquoenvironnement par lrsquoentreprise nrsquoest pas susceptible drsquoecirctre analyseacutee en une faute de gestion pure et simple notamment dans le cas ougrave la reacuteveacutelation tardive drsquoun passif environnemental neacutegligeacute entraicircnerait lrsquoouverture drsquoune proceacutedure collective raquo49 Troisiegravemement la communication drsquoune information environnementale inexacte impreacutecise ou trompeuse par une socieacuteteacute coteacutee sur les marcheacutes financiers est constitutive drsquoune atteinte agrave la bonne information du public et expose la socieacuteteacute agrave des sanctions administratives de la COB Quatriegravemement le deacutelit de fausse information deacutefini au dernier alineacutea de lrsquoarticle L 465-1 du Code moneacutetaire et financier peut ecirctre caracteacuteriseacute par la diffusion dans le public de fausses informations contenues tant dans le rapport annuel que dans un rapport environnement autonome degraves lors que celui-ci est reacutepandu dans le public par un moyen quelconque et que lrsquoinformation peut avoir une incidence sur le cours des titres50 Plus globalement la geacuteneacuteralisation de lrsquoinformation environnementale et le deacuteveloppement de la pratique de lrsquoaudit environnement vont permettre de savoir plus facilement si la socieacuteteacute 46 D Schmidt laquo A propos de la jurisprudence source du droit des affaires raquo Dalloz Affaires 2004 p2130 47 F G Treacutebulle laquo Lrsquoenvironnement en droit des affaires raquo Meacutelanges Y Guyon Dalloz 2003 p1035 speacutec p1051 48 Cinq ans drsquoemprisonnement et 375 000 Euro drsquoamende agrave lrsquoencontre du preacutesident des administrateurs directeurs geacuteneacuteraux drsquoune socieacuteteacute anonyme 49 F G Treacutebulle laquo Lrsquoenvironnement en droit des affaires raquo Meacutelanges Y Guyon Dalloz 2003 p1035 speacutec p1052 50 F G Treacutebulle laquo Lrsquoenvironnement en droit des affaires raquo Meacutelanges Y Guyon Dalloz 2003 p1035 speacutec p1053

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mise en cause est susceptible compte tenu de lrsquoeacutemission ou du rejet de substances dangereuses drsquoecirctre agrave lrsquoorigine du dommage51

2222Et la responsabiliteacute du banquier Drsquoune part les positions sont partageacutees sur le fait de savoir si un banquier doit assurer une vigilance particuliegravere le conduisant agrave ne pas financer drsquoindustries polluantes ou drsquoentreprises qui ne respecteraient pas les prescriptions leacutegales et reacuteglementaires en matiegravere environnementale Pour certains le banquier est tenu de srsquoassurer que lrsquoemprunteur respecte les contraintes leacutegales et dispose des autorisations52 Pour drsquoautres il est possible de refuser tout rocircle ou toute responsabiliteacute au banquier dans ce cadre sur le fondement du principe de non-ingeacuterence53 Drsquoautre part les informations environnementales seront prises en compte par le magistrat afin drsquoappreacutecier le bien-fondeacute drsquoun renouvellement au profit drsquoun industriel drsquoune garantie financiegravere exigeacutee par lrsquoarticle L 516-1 du Code de lrsquoenvironnement deacutejagrave octroyeacutee

2223Impact des donneacutees sociales laquo Les chefs drsquoentreprise sont responsables en prioriteacute du deacuteveloppement de lrsquoemployabiliteacute des salarieacutes tout au long de leur carriegravere raquo54

De son recrutement agrave son deacutepart lrsquoeacutethique sociale concerne tous les aspects du parcours professionnel du salarieacute dans lrsquoentreprise laquo A tous les stades de la vie du contrat de travail srsquoimpose une eacutethique contractuelle qui srsquoexprime essentiellement dans une exigence de bonne foi strictement sanctionneacutee par la loi et la jurisprudence dans la conclusion et dans lrsquoexeacutecution du contrat du contrat raquo55 Lrsquoeacutethique intervient agrave tous les niveaux de recrutement strictement encadreacutee par les regravegles juridiques Si ce cadre juridique existe il nrsquoest pas toujours suffisant Aussi des principes eacutethiques ndash pesant sur le recruteur et le recruteacute ndash doivent guider le recrutement respect du candidat eacutequiteacute absence de discrimination confidentialiteacute loyauteacute

51 F G Treacutebulle laquo Lrsquoenvironnement en droit des affaires raquo Meacutelanges Y Guyon Dalloz 2003 p1035 speacutec p1055 52 Association des banquiers canadiens laquo Le creacutedit et lrsquoenvironnement les risques des precircteurs raquo wwwcbacafrtoolsbrochurestools_environnement5html Gilles J Martin laquo La preacutevention du risque de responsabiliteacute du precircteur pour dommages agrave lrsquoenvironnement et lrsquoaudit drsquoenvironnement raquo Rapport de synthegravese RD Aff int 1993 ndeg4 p523 E Bodson laquo Rocircle des banques pour la mise en place drsquoun principe de due diligence en matiegravere environnementale raquo RD Aff int 1993 ndeg4 p467 53 Association belge des banques laquo La banque et lrsquoenvironnement raquo Aspects et documents ndeg175 Bruxelles avril 1995 p23 agrave 25 D-R Martin laquo De la causaliteacute dans la responsabiliteacute du precircteur raquo Banque amp droit novembre-deacutecembre 1999 p3 P Leclercq laquo Lrsquoobligation de conseil du banquier dispensateur de creacutedit raquo RJDA 495 p332 F G Treacutebulle laquo Lrsquoenvironnement en droit des affaires raquo Meacutelanges Y Guyon Dalloz 2003 p1035 speacutec p1058 54 P Dubule laquo Responsabiliteacute eacutethique du chef drsquoentreprise raquo PA 20 novembre 2003 p4 55 F Vasseur-Lambry laquo La bonne foi dans les relations individuelles de travail raquo PA 17 mars 2000 p4

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Au niveau de lrsquoexeacutecution du contrat de travail pegravese non seulement sur le salarieacute une obligation de bonne foi de loyauteacute et drsquoimplication mais encore pegravese sur lrsquoemployeur une obligation de loyauteacute de formation drsquoinformation et de respect de la vie priveacutee Au niveau de la reacutemuneacuteration la reacutemuneacuteration eacutethique tente drsquoeacutetablir un eacutequilibre entre les attentes du salarieacute ses performances et la rentabiliteacute de lrsquoentreprise Quant agrave lrsquoeacutegaliteacute homme - femme en terme drsquoeacutethique et au-delagrave des textes europeacuteens et nationaux en la matiegravere lrsquoentreprise doit srsquointerdire toute discrimination notamment sexiste Au niveau du licenciement les licenciements aussi bien individuels que collectifs doivent faire appel agrave lrsquoeacutethique Pour le licenciement individuel il apparaicirct que celui-ci doit srsquoeffectuer dans des conditions eacutethiques preacuteserver lrsquoemployabiliteacute du salarieacute le preacutevenir dans des deacutelais raisonnables creacuteer les conditions psychologiques les meilleures possibles respecter ses droits lrsquoaider dans la mesure du possible Pour les DRH lrsquoeacutethique permet de mener une laquo (hellip) reacuteflexion raisonnable et humaine raquo56 Lrsquoemployeur ne peut licencier un salarieacute pour avoir subi ou refuseacute de subir les agissements de harcegravelement de toute personne dont le but est dobtenir des faveurs de nature sexuelle agrave son profit ou au profit dun tiers (article L 122-46) Aucun salarieacute ne peut ecirctre licencieacute pour avoir teacutemoigneacute des agissements deacutefinis agrave lrsquoalineacutea preacuteceacutedent ou pour les avoir relateacutes (article L 122-46 du Code du travail) Le salarieacute ne doit pas se rendre coupable drsquoune deacutemission abusive en raison notamment de son caractegravere brusque et du preacutejudice qursquoelle est susceptible drsquooccasionner agrave lrsquoentreprise Pour les licenciements collectifs lrsquoeacutethique est en cause dans la mesure ougrave la reacuteduction drsquoeffectifs est devenue un moyen privileacutegieacute drsquoaugmentation des cours en Bourse et drsquoaccroissement des gains de lrsquoinvestissement Un reacutefeacuterentiel eacutethique ne devrait-il pas alors guider lrsquoaction des dirigeants dans le management des hommes En plus de ce comportement vis-agrave-vis de leurs employeacutes les chefs drsquoentreprise doivent entretenir un dialogue continu avec les syndicats les pouvoirs publics et les autres parties prenantes et doivent veiller agrave la sinceacuteriteacute et agrave la transparence du dialogue et de lrsquoinformation57 Cependant ces donneacutees sociales se heurtent agrave des difficulteacutes Comme le souligne M Supiot non seulement le concept drsquoentreprise est une notion juridique insaisissable qui tend agrave devenir un moyen pour lrsquoentrepreneur de laquo (hellip) disparaicirctre derriegravere les masques drsquoune foule de personnaliteacutes morales et de fuir ainsi les responsabiliteacutes inheacuterentes agrave son action eacuteconomique raquo58 mais encore laquo le droit se trouve mis en eacutechec par la notion de sujet de droit et la possibiliteacute drsquoimputer agrave une personne deacutetermineacutee la responsabiliteacute drsquoun acte ou drsquoun manquement dommageable raquo59

56 J Ballet et F de Bry laquo Lrsquoentreprise et lrsquoeacutethique raquo Editions du Seuil 2001 p311 57 P Dubule laquo Responsabiliteacute eacutethique du chef drsquoentreprise raquo PA 20 novembre 2003 p4 58 A Supiot laquo Du nouveau au self-service normatif la responsabiliteacute sociale des entreprises raquo Etudes offertes agrave J Peacutelissier Dalloz 2004 p541 speacutec p552 59 A Supiot laquo Du nouveau au self-service normatif la responsabiliteacute sociale des entreprises raquo Etudes offertes agrave J Peacutelissier Dalloz 2004 p541 speacutec p553

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laquo (hellip) Lrsquoeacutetude de la jurisprudence tregraves maigre voire rarissime ne permet pas drsquoaffirmer en lrsquoeacutetat actuel que la charte ait une valeur juridique autonome et soit une source de droit raquo60 Pour Oppetit tout deacutepend de la structuration du milieu concerneacute et de la leacutegitimiteacute ou de lrsquoautoriteacute de lrsquoinstance reacutegulatrice ainsi que de lrsquoeacutetendue de lrsquoautolimitation du droit eacutetatique au profit des regravegles eacutemanant drsquoautres institutions61 Conclusion Les conditions drsquoobservation des entreprises eacutevoluent et ne srsquoattachent plus uniquement aux seuls aspects techniques comptables mais suggegraverent une inteacutegration plus profonde de lrsquoauditeur dans la vie de la structure et du personnel Crsquoest agrave ce prix que lrsquolaquo (hellip) on peut espeacuterer que la reacutefeacuterence eacutethique [devienne] un critegravere creacutedible dans lrsquoentreprise raquo62 Lrsquoeacutethique au travers de la responsabiliteacute sociale des entreprises permet de faire prendre conscience aux entreprises qursquoelles ne sont pas que de simples structures eacuteconomiques mais surtout une communauteacute humaine au service des hommes Ainsi lrsquoeacutethique est laquo (hellip) un aiguillon agrave lrsquoaction concregravete raquo63 qui permet de rappeler que lrsquoentreprise est pour lrsquohomme et non lrsquohomme pour lrsquoentreprise Toutefois sans responsable clairement identifieacute sans organisation susceptible de demander des comptes et sans tiers devant qui reacutepondre cette responsabiliteacute en est-elle une64 A travers la responsabiliteacute sociale des entreprises lrsquoeacuteconomie se trouve en quecircte de deacutebiteurs de creacuteanciers et de juges sans lesquels plus personne ne reacutepond de rien65 De plus un risque non neacutegligeable drsquoinstrumentalisation eacuteconomique est deacutenonceacute par la doctrine qui eacutevoque un deacutetournement pervers de la labellisation eacutethique des activiteacutes drsquoaffaires66

60 D Berra et N Causse laquo La porteacutee juridique des chartes drsquoentreprises et le droit du travail franccedilais raquo Ethique en entreprise Librairie de lrsquoUniversiteacute drsquoAix-en-Provence 2001 p285 61 B Oppetit laquo Ethique et droit des affaires raquo Meacutelanges A Colomer Litec 1993 p332 62 G Fournier laquo Le droit peacutenal et le risque drsquoinstrumentalisation de lrsquoeacutethique dans la vie des affaires raquo Aspects organisationnels du droit des affaires Meacutelanges en lrsquohonneur de J Paillusseau Dalloz 2003p273 speacutec p298 63 Le Tourneau P (2001) Ethique des affaires et du management au XXIegraveme siegravecle Droit amp patrimoine p23 64 A Supiot laquo Du nouveau au self-service normatif la responsabiliteacute sociale des entreprises raquo Etudes offertes agrave J Peacutelissier Dalloz 2004 p541 speacutec p550 65 A Supiot laquo Du nouveau au self-service normatif la responsabiliteacute sociale des entreprises raquo Etudes offertes agrave J Peacutelissier Dalloz 2004 p541 speacutec p550 66 En ce sens G Fournier laquo Le droit peacutenal et le risque drsquoinstrumentalisation de lrsquoeacutethique dans la vie des affaires raquo Aspects organisationnels du droit des affaires Meacutelanges en lrsquohonneur de J Paillusseau Dalloz 2003p273 speacutec p298 Pour drsquoautres critiques peu de moraliteacute (P Diener laquo Ethique et droit des affaires raquo D 1993 chron p18 ndeg8) meacuteconnaissance des reacutealiteacutes eacuteconomiques et vise agrave reacuteglementer la concurrence jusqursquoagrave lui enlever toute efficaciteacute (P Leacutemieux laquo Les dangers de lrsquoeacutethique des affaires raquo Figaro eacuteconomique avril 1992) risque de perte du droit des affaires (P Diener laquo Ethique et droit des affaires raquo D 1993 chron p17 ndeg2) utiliteacute reacuteelle ou agrave la finaliteacute de la reacutefeacuterence actuelle agrave lrsquoeacutethique (G Fournier laquo Le droit peacutenal et le risque drsquoinstrumentalisation de lrsquoeacutethique dans la vie des affaires raquo Aspects organisationnels du droit des affaires Meacutelanges en lrsquohonneur de J Paillusseau Dalloz 2003p273 speacutec p274)

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RECONSIDERATION DrsquoUN DES FONDEMENTS DE LrsquoAUDIT SOCIAL PERFORMANCE SOCIALE ET ECONOMIQUE UNE VISION AU NIVEAU INDIVIDUEL Delphine VAN HOOREBEKE Professeur adjoint agrave lrsquoUniversiteacute de Montreacuteal Chercheur associeacute au CEROG IAE drsquoAix-en-Provence

Introduction Depuis plusieurs anneacutees la recherche en sciences de gestion a engendreacute de nombreux travaux sur le lien entre la performance sociale et la performance eacuteconomique de lrsquoentreprise Allouche Charpentier Guillot-Soulez (2004) en font une revue approfondie Neacuteanmoins ces travaux se situent essentiellement agrave un niveau agreacutegeacute alors que peu drsquoeacutetudes placent leur analyse au niveau individuel Agrave lrsquoheure ougrave le marcheacute des services agrave la clientegravele preacutedomine et ougrave la qualiteacute de la prestation intervient en tant qursquooutil de deacutemarcation par rapport agrave la concurrence lrsquoaudit social doit pouvoir consideacuterer la performance individuelle qursquoelle soit drsquoordre eacuteconomique ou social en tant qursquooutil drsquoestimation de la performance sociale et eacuteconomique organisationnelle potentielle agrave un moment t Agrave cet eacutegard la performance humaine en entreprise ne se limite plus aux seuls employeacutes mais deacutepend de la faccedilon dont lrsquoentreprise redeacutefinit les regravegles de sa propre action pour et sur ses membres Dans ce sens la probleacutematique de la performance humaine passe par une redeacutefinition individuelle et collective des normes reacutegulant les rapports entre les salarieacutes et lrsquoentreprise De nos jours la question de la performance individuelle est en effet une preacuteoccupation fondamentale de tous les acteurs de lrsquoentreprise Cette derniegravere est souvent perccedilue par les managers et les employeacutes comme le facteur essentiel contribuant agrave la performance eacuteconomique de lrsquoorganisation Lagrave ougrave lrsquoorganisation taylorienne ne requeacuterait du salarieacute que sa force de travail aujourdrsquohui lrsquoentreprise neacutecessite une implication directe intellectuelle et comportementale Crsquoest la raison pour laquelle le concept de performance reacuteduit agrave lrsquoaccomplissement de tacircches nrsquoest plus approprieacute Theacutevenet (1999) En cela cet article envisage la performance sociale en tant que capaciteacute agrave avoir les comportements adeacutequats et la performance eacuteconomique comme une perception par lrsquoemployeacute de sa propre performance agrave geacuteneacuterer du profit pour lrsquoentreprise Cocircteacute et al (1994 p120) eacutetayent cette conception laquoCe que les gens perccediloivent de leur situation au travail influence leur productiviteacute plus que leur situation elle-mecircme [hellip] Si lrsquoorganisation veut augmenter la productiviteacute elle doit donc srsquoattarder davantage agrave la faccedilon dont les employeacutes perccediloivent leur travailraquo Performance eacuteconomique et performance sociale individuelles deux concepts qui pourraient paraicirctre antinomiques comme le rationnel est geacuteneacuteralement opposeacute agrave lrsquoeacutemotionnel Or au regard de lrsquoorganisation lrsquoemployeacute est ameneacute agrave la fois agrave la performance sociale et eacuteconomique Plus encore nrsquoimporte quel type drsquoemployeacute agrave tout niveau est contraint agrave cette regravegle informelle commune Ce papier cherche donc agrave reacuteveacuteler les relations probables entre ces deux types de performance Deux points de vue agrave ce sujet Tout drsquoabord la performance individuelle est unidimensionnelle on ne peut distinguer la performance sociale individuelle de la performance eacuteconomique individuelle Deuxiegraveme point de vue la performance sociale individuelle est un des facteurs anteacuteceacutedents agrave la performance eacuteconomique individuelle Agrave ce propos cet article se fonde sur le postulat de base que le positionnement de chacun de ces

concepts diffegravere selon la tacircche de lrsquoemployeacute Ainsi la performance eacuteconomique drsquoune personne en contact ne peut ecirctre dissocieacutee de sa performance sociale Lrsquoemployeacute en contact avec la clientegravele se doit de performer socialement (accueil conseil hellip) pour atteindre ses objectifs de vente Par contre la performance eacuteconomique drsquoune personne non en contact peut srsquoaveacuterer indeacutependante de sa performance sociale La performance sociale individuelle dans dernier ce cas apparaicirct comme un facteur davantage neacutegligeable parmi drsquoautres de la performance eacuteconomique individuelle Subseacutequemment il est question de faire le point au niveau individuel sur ces concepts souvent conceacutedeacutes agrave un niveau agreacutegeacute Pour cela diffeacuterentes notions permettent drsquoillustrer chacune des performances individuelles solliciteacutees par lrsquoorganisation aupregraves de lrsquoemployeacute au travail le savoir-faire le savoir ecirctre et le savoir-vivre Cet eacutecrit part du principe que la performance humaine deacutepend drsquoune reacutevision des regravegles fixeacutees par lrsquoentreprise au sujet de son action vis-agrave-vis de ses salarieacutes Ainsi si cette investigation met en relief des liens entre les diffeacuterents types de performance individuelle le modegravele qui en sera tireacute peut srsquoaveacuterer un outil drsquoaide primordial agrave lrsquoaudit social dont lrsquoun des nouveaux rocircles est de faire apparaicirctre des dysfonctionnements ou des eacutecarts entre les pratiques de lentreprise et la reacuteglementation sociale ou les normes adopteacutees par lentreprise

1 Performance sociale et eacuteconomique individuelles Si lrsquoagreacutegation de lrsquoensemble des performances individuelles ne suffit pas agrave mesurer la performance de lrsquoorganisation sa contribution ne saurait pour autant ecirctre ignoreacutee Neacuteanmoins la performance laquo humaine raquo reste un eacuteleacutement difficilement identifiable dans un ensemble de composantes de la performance de lrsquoentreprise La deacutefinition de la performance individuelle doit ainsi consideacuterer les eacutevolutions de lrsquoemploi des organisations devenues plus deacutependantes de lrsquohumain Neacuteanmoins cette deacutefinition ne saurait ecirctre universelle tant la perception de la place de lrsquohumain au travail diverge selon les organisations et tant son ancrage dans la gestion quotidienne et strateacutegique est alambiqueacute Crsquoest pourquoi une dissociation de chacune de ses composantes tend agrave eacutetayer la construction drsquoun nouvel outil drsquoappreacuteciation de la performance humaine

11 Performance eacuteconomique individuelle ou savoir-faire Dans un premier temps la performance eacuteconomique individuelle reste un sujet de moult discussions entre neacutecessiteacute eacuteconomique et alieacutenation au travail Srsquoil semble chimeacuterique de vouloir imposer une deacutefinition accomplie car deacutependante drsquointeacuterecircts eacuteconomico-strateacutegiques et individuels souvent antagonistes une vision drsquoensemble non exhaustive des pratiques employeacutees est ici dessineacutee (Picard 1995)

111 Une capaciteacute agrave faire au moins ce qursquoil faut Ce type de performance est geacuteneacuteralement mesureacute par les reacutesultats produits par chaque individu compareacute agrave ceux des collegravegues ayant une activiteacute eacutequivalente Cette performance eacuteconomique individuelle prend en consideacuteration les reacutesultats mesurables et tangibles de lrsquoemployeacute au travail agrave travers une vision ponctuelle Drsquoaucun nomme ce type de performance la productiviteacute au travail Cette performance eacuteconomique individuelle pourrait ecirctre perccedilue comme la bonne et rapide reacutesolution des tacircches agrave accomplir laquola vitesse de travail a chaque poste et la vitesse de coordination entre les postes determinent le debit de la

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production et donc lrsquoefficacite economique des usines La productivite du travail autrement dit la performance au travail devient donc lrsquoorganisation de la vitesse de travail et du debit de la production qui en resulteraquo (Zarifian 1999 p 33)

112 Une capaciteacute agrave faire ce qursquoil faut de faccedilon responsable Dans le cadre de cette perception de la performance individuelle au type drsquoeacutevaluation quantitatif preacuteceacutedemment eacutevoqueacute srsquoajoute une eacutevaluation qualitative fondeacutee sur une capaciteacute individuelle agrave adopter les comportements attendus par les dirigeants de lrsquoorganisation Cette performance socio-eacuteconomique conjugue en ce sens un souci de rentabiliteacute agrave court terme et de flexibiliteacute agrave long terme Selon les interviews recueillies aupregraves de cabinets de conseil en GRH par Picard (1995 p4) il srsquoagirait drsquoune capaciteacute de lrsquoindividu agrave laquoassumer sa part de responsabiliteacutes [hellip] agrave moduler son actionraquo laquola capaciteacute des hommes agrave srsquoengager dans les objectifs eacuteconomiques et de flexibiliteacute organisationnelle est deacutetermineacutee par lrsquoaptitude du management agrave geacuterer les compeacutetences de lrsquoefficaciteacute prouveacutee en connaissance des besoins et attentes de chacunraquo

113 Une capaciteacute agrave faire les choses bien Faire les choses bien consisterait agrave faire les choses en srsquoy prenant mieux ou diffeacuteremment gracircce aux connaissances et agrave lrsquoapprentissage La mesure de cette performance individuelle eacuteconomique srsquoeffectue sur une eacutevaluation et appreacuteciation des emplois et compeacutetences et sur des bilans comportementaux Picard (1995 p5) nomme ce type de performance eacuteconomique individuelle lrsquoefficience Celle-ci correspond agrave une maicirctrise des laquobonnes meacutethodes drsquoune gestion progressiste des hommes [et] agrave tenir convenablement les postes agrave pouvoirraquo Les deux derniers types de performance eacuteconomique individuelle srsquoapprochent tregraves nettement de ce que nous appelons la performance sociale individuelle parce qursquoelle implique une mesure des comportements de lrsquoemployeacute au poste occupeacute Ce rapprochement deacutenoterait-il une imbrication tregraves eacutetroite entre ces deux concepts Selon Zarifian (1999) le travail a muteacute incluant une uniteacute de temps (horaires de travail) une uniteacute drsquoaction (faire ce qursquoil faut) et une uniteacute de lieux (ecirctre dans les mecircmes locaux en mecircme temps que les collegravegues) Ainsi lrsquohomme au travail ne saurait plus ecirctre reacuteduit agrave ce qursquoil fait Dans ce sens lrsquoessentiel des mutations du travail se reacutesume agrave trois notions 1) la notion drsquoeacuteveacutenement 2) de communication et 3) de service Le travail nrsquoest plus une question de reacutealisation de tacircches mais 1) une capaciteacute agrave faire face agrave des eacuteveacutenements et aleacuteas 2) une capaciteacute agrave communiquer et agrave former des accords avec les autres et 3) une habileteacute agrave engendrer du service ou une laquomodification dans lrsquoeacutetat ou des conditions drsquoactiviteacute drsquoun autre humain ou drsquoune autre institution destinataire du serviceraquo (Zarifian 1999 p46) Crsquoest la raison pour laquelle selon nous lrsquoaudit social doit aujourdrsquohui envisager la performance de lrsquoemployeacute au travail en tant que performance humaine tant eacuteconomique que voire essentiellement sociale

12 Performance sociale individuelle ou savoir-vivre savoir ecirctre La performance sociale individuelle la capaciteacute agrave geacuterer ses comportements et agrave manager sa performance individuelle et celle drsquoautrui diffeacuterents termes cherchant agrave deacutesigner et souligner lrsquoimportance drsquoune capaciteacute individuelle agrave exprimer et geacuterer les comportements adeacutequats au travail en fonction de la situation qursquoelle soit eacuteconomique relationnelle hieacuterarchique ou strateacutegique

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121 Une capaciteacute agrave geacuterer ses comportements le savoir ecirctre Lrsquoindividu au travail doit sajuster agrave la situation et avoir les comportements requis et attendus au travail soit laquo agrave faire les choses bien raquo dans le cadre des relations interpersonelles avec le client les collegravegues les supeacuterieurs hieacuterarchiqueshellip Lrsquoobjectif de favoriser ce type de performance serait de rendre les employeacutes plus eacuteveilleacutes plus assureacutes plus heureux ou tout au moins le moins malheureux possible (Lazarus 1991) afin drsquoaboutir agrave une grande flexibiliteacute organisationnelle Le savoir-ecirctre ou laquo image consultancy raquo (Wellington et Bryson 2001) est encore trop souvent pratiqueacute dans lrsquoorganisation sous lrsquoangle des vecirctements porteacutes du langage du corps jusqursquoagrave lrsquoangle de lrsquoharmonie des couleurs avec la peau les cheveux etc comme en deacutemontre le livre de Carole Jackson laquo Color Me Beautiful raquo (1980) Il est alors utiliseacute comme un outil marketing de communication et de diffusion de lrsquoimage de lrsquoentreprise Or crsquoest neacutegliger le rocircle drsquoacteur que doit tenir lrsquoemployeacute au travail qursquoil srsquoagisse drsquoune performance de simulation theacuteacirctrale des expressions eacutemotionnelles ou drsquoun profond travail de gestion de ses comportements (Goffman 1959) De plus comme le preacutecise Theacutevenet (1999) agrave partir drsquoune eacutetude qursquoil a effectueacutee sur des jeunes au travail que cette gestion du comportement par lrsquoemployeacute est loin drsquoecirctre lieacutee agrave la satisfaction du client mais davantage agrave leur inteacuterecirct personnel Crsquoest la raison pour laquelle il est consideacutereacute que lrsquoemployeacute doit disposer drsquoune adaptabiliteacute eacutemotionnelle et drsquoune capaciteacute agrave effectuer un effort pour geacuterer ses eacutemotions un travail eacutemotionnel (Hochshild 1983) Il doit eacutegalement deacutevelopper une capaciteacute agrave ecirctre conscient de son comportement et agrave acqueacuterir des techniques corporelles (Tyler et Abbott 1998) Face au nouvelles conditions du marcheacute de plus en plus drsquoentreprises cherchent agrave eacutevaluer les performances de ses cadres en termes de savoir-ecirctre pour reacuteduire lrsquoeacutecart entre les comportements manifesteacutes et les comportements attendus

122 Une capaciteacute agrave geacuterer la performance individuelle le savoir-vivre Il y est question de mesurer de faccedilon qualitative la capaciteacute de management des performances individuelles Ce programme de mesure se fonde sur le postulat que le management de la performance individuelle deacutetermine la capaciteacute des employeacutes agrave srsquoengager dans les objectifs eacuteconomiques et sociaux de lrsquoorganisation Il srsquoagit pour lrsquoemployeacute drsquoavoir la capaciteacute agrave maicirctriser les bons proceacutedeacutes afin drsquoeacuteviter le gaspillage des compeacutetences drsquoameacuteliorer les coordinations drsquooptimiser les relations avec les clients et dans tous les cas de deacutetecter les difficulteacutes degraves qursquoelles se deacuteclarent Eleacutement indispensable pour un manager et un personnel en contact il srsquoadditionne au savoir-ecirctre Ce savoir-vivre correspondant litteacuteralement agrave laquo lrsquoart de bien diriger sa vie agrave la politesse raquo est consideacutereacute ici en tant qursquoart de geacuterer les relations avec les autres agrave travers une gestion de ses propres eacutemotions et celles des autres Agrave cet eacutegard Amherdt (2005) suggegravere cinq recommandations pour assurer aux membres drsquoune eacutequipe un fonctionnement optimal Selon cet auteur ce type de manager dispose drsquoune grande clareteacute dans ses attentes reacutevegravele un inteacuterecirct reacuteel pour son eacutequipe est un bon deacutecisionnaire inspire confiance sait relever les deacutefis et en soumettre agrave son eacutequipe De la mecircme faccedilon pour un employeacute en contact avec la clientegravele des capaciteacutes agrave geacuterer ses propres eacutemotions et celles de son interlocuteur sont essentielles A ce propos selon Hochschild (1983) ces postes sont des meacutetiers de contact vocal ou facial avec le public qui demandent aux employeacutes de produire une reacuteaction eacutemotionnelle chez le client et qui offrent aux employeurs un moyen de controcircle des activiteacutes eacutemotionnelles des salarieacutes Sous sa forme ideacuteale cette gestion de soi-mecircme et drsquoautrui est sincegravere et authentique

En reacutesumeacute la performance eacuteconomique individuelle correspondrait pour lrsquoemployeacute agrave lrsquoaccomplissement minimum des tacircches demandeacutees de faccedilon responsable et correcte un

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savoir-faire La performance sociale individuelle srsquoattacherait davantage agrave lrsquoart et la maniegravere de se comporter au travail gracircce agrave une adaptabiliteacute eacutemotionnelle agrave un savoir-ecirctre et en tant que manager ou personnel en contact agrave un savoir-vivre dans le sens drsquoune capaciteacute agrave geacuterer sa performance individuelle et celle drsquoautrui Le deacutetail de chacune de ces composantes de la performance humaine semble reacuteveacuteler une certaine endogeacuteneacuteiteacute Le savoir faire faire les choses au moins comme il faut de faccedilon responsable et les faire bien preacutesuppose un comportement et une attitude de lrsquoemployeacute propice agrave la bonne reacutealisation des tacircches soit une veacuteritable capaciteacute sociale Dans ce cadre plusieurs recherches investiguent plus avant les relations probables entre les deux types de performance

2 Une veacuteritable imbrication

21 La performance sociale individuelle peut influencer la performance eacuteconomique individuelle

Selon Rafaeli et Sutton (1987) la performance sociale qursquoils deacutefinissent comme expression drsquoeacutemotions de lrsquoemployeacute influence la performance eacuteconomique organisationnelle Non seulement ils montrent par leur litteacuterature que les eacutemotions peuvent avoir un impact immeacutediat sur les ressources de lrsquoorganisation mais aussi sur les gains agrave moyen et long terme A court terme cette influence est tregraves perceptible lorsqursquoon regarde lrsquoeffet eacuteconomique des eacutemotions exprimeacutees par des commerciaux sur les ventes de lrsquoentreprise Le moyen terme est deacutefini comme laquogain bis ou gain par contagionraquo qui traduit les gains gagneacutes au deuxiegraveme contact avec le lsquoclientrsquo ou gracircce agrave un nouveau lsquoclientrsquo introduit par le premier En fait les eacutemotions fideacutelisent le client En ce qui concerne le long terme des expressions drsquoeacutemotions appreacutecieacutees creacuteent une bonne reacuteputation agrave lrsquoeacutetablissement agrave travers le bouche agrave oreille Mais lrsquoimpact de la gestion des eacutemotions sur la performance va plus loin Les interactions entre individus deviennent plus preacutevisibles permettant lrsquoeacutevitement des conflits intenses et preacuteservant ainsi lrsquoeacutequilibre eacutemotionnel de chacun (Ashforth et Humphrey 1993) Selon Lazarus (1991) la performance sociale individuelle ou laquole fonctionnement socialraquo peut perturber la performance eacuteconomique individuelle Il indique que les comportements pro-sociaux peuvent ecirctre lieacutes agrave des strateacutegies engageantes Ces strateacutegies individuelles ont pour objectif de se faire appreacutecier drsquoautrui afin drsquoeacuteviter la marginalisation et le rejet des autres Ce rejet peut en effet selon ses termes entraver la performance eacuteconomique individuelle lrsquoindividu eacutetant inquieacuteteacute par des preacuteoccupations inteacuterieures alteacuterant la performance au travail Dans le mecircme sens Ashforth et Humphrey (1993) rapportent que la gestion des eacutemotions lieacutee agrave la performance sociale individuelle peut provoquer lrsquoeacutepuisement eacutemotionnel le bien-ecirctre psychologique la frustration et le stress De plus si en geacuteneacuteral les deacutesordres physiologiques dus aux eacutemotions sont temporaires il arrive que le choc eacutemotionnel soit si violent ou si persistant que lrsquoorganisme srsquoeacutepuise (burnout) agrave reacutetablir lrsquoeacutequilibre et que des leacutesions telles que lrsquoulcegravere gastrique apparaissent (HSelye 1974) perturbant automatiquement la performance eacuteconomique individuelle par le manque de forces physiques en deacutecoulant jusqursquoagrave lrsquoabsenteacuteisme du salarieacute Nonobstant ces recherches aucune eacutetude nrsquoa reacuteellement eacutetabli de correacutelations ou de liens de causes agrave effet entre les eacutemotions et la performance Si ce lien nrsquoa pas eacuteteacute aveacutereacute peut-on parler drsquoun lien de cause agrave effet drsquoun type de performance individuelle sur lrsquoautre

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22 La performance eacuteconomique peut influencer la performance sociale individuelle La performance eacuteconomique individuelle pourrait influer sur la performance sociale individuelle Lazarus (1991) explique agrave ce sujet qursquoun individu qui eacutechoue peut ne pas lrsquoaccepter et faire montre pendant la peacuteriode drsquoacceptation de comportements inapproprieacutes au travail Peu drsquoeacutetudes portent sur ce sujet neacuteanmoins il est concevable que cette deacutependance de lrsquoeacuteconomique et du social reacutesulte de lrsquoattachement porteacute par lrsquoindividu sur la perception de sa performance eacuteconomique Cet attachement peut ainsi creacuteer une frustration affective La conceptualisation de ces deux concepts est confronteacutee agrave deux contextes issus du type de travail occupeacute doit-on consideacuterer que les performances individuelles sont les mecircmes dans un poste en contact avec la clientegravele ou dans un poste non en contact Adelmann (1989) estimait que les postes drsquoun tiers des employeacutes ameacutericains incorporent des eacuteleacutements de laquo troc raquo des eacutemotions ougrave les employeacutes sont reacutecompenseacutes speacutecialement pour leurs expressions drsquoeacutemotions Quels sont les liens qui relient ces deux performances dans ces deux cadres de travail La performance eacuteconomique individuelle dans un meacutetier en contact avec la clientegravele serait-elle analogue agrave la performance sociale individuelle Dans un poste non en contact avec la clientegravele la performance sociale serait-elle une variable indeacutependante parmis drsquoautre de la performance eacuteconomique

Dans les meacutetiers en contact avec la clientegravele la performance sociale individuelle semble une dimension de la performance eacuteconomique individuelle Leur perception du bon accomplissement de la tacircche et du travail bien fait est totalement deacutependante des comportements exprimeacutes lors de leur contact avec le client Le savoir-faire srsquoy confond avec le savoir-ecirctre et le savoir-vivre Dans un meacutetier en contact la performance sociale est souvent ce qui deacutefinit le rocircle de lrsquoindividu Ainsi la performance sociale individuelle y serait une dimension de la performance eacuteconomique individuelle Dans le cas des services la qualiteacute du service rendu est directement deacutependant du savoir-ecirctre et savoir-vivre du personnel en contact qui se mesure agrave partir drsquoitems speacutecifiant la satisfaction du client vis-agrave-vis de lrsquoaccueil Dans les meacutetiers non en contact la performance eacuteconomique individuelle aurait essentiellement pour dimensions le savoir-faire accomplissement de la tacircche et le savoir-faire responsable crsquoest-agrave-dire une implication dans la tacircche agrave accomplir composeacute drsquoattitudes speacutecifiques tels que pertinence (ampleur des relations eacutetablies par le sujet entre une tacircche et ses valeurs personelles) inteacuterecirct (intensiteacute de la relation cognitive de lrsquoindividu agrave la tacircche) attrait (intensiteacute de la relation eacutemotionelle de lrsquoindividu agrave la tacircche) (Strazieri 1994) Ces derniers reacuteclament potentiellement du savoir-ecirctre pour reacutepondre aux normes comportementales de lrsquoentreprise Le savoir-vivre ou gestion des eacutemotions drsquoautrui semble ne pas y avoir de rocircle formel neacuteanmoins nous soupccedilonnons les individus drsquoen faire usage dans certains cas probablement exeptionnels lors de support social agrave autrui Ainsi dans le cas des meacutetiers non en contact il semblerait qursquoil y ait davantage une relation de cause agrave effet entre la performance sociale et la performance eacuteconomique individuelle et vice et versa qursquoune veacuteritable endogeacuteneacuteiteacute Ces deux types de performance individuelle pourrait-on dire correspondent au minimum requis Le qualificatif laquo responsable raquo deacutepend du niveau drsquoimplication du salarieacute pour son travail Le tableau 1 reacutecapitule les performances cleacutes exigeacutees selon que lrsquoindividu est en contact avec la clientegravele et manager ou personnel dit non en contact sachant que la mutation

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du travail deacutecrite par Zafirian (1999) indique clairement que ce type de poste taylorien tend agrave disparaicirctre pour laisser place agrave un travail pro-actif et de reacuteseau drsquoacteurs Tableau 1 description des deux types de performance individuelle selon le type de meacutetier

Performance individuelle du personnel non en contact

- performance individuelle o savoir-faire o savoir-ecirctre

(potentiellement) - performance individuelle

responsable o savoir-faire o savoir-faire responsable

(implication) o savoir-ecirctre

Performance individuelle du personnel en contact (avec la clientegravele ou subalternes)

- performance individuelle o savoir-faire o savoir-ecirctre o savoir-vivre

- performance individuelle responsable

o savoir-faire o savoir-faire responsable o savoir-ecirctre o savoir-vivre

3 Reconsideacuteration ou consideacuteration de la performance humaine Cette investigation nous permet ainsi de deacutefinir la performance sociale et la performance eacuteconomique individuelles et leurs dimensions Dans ce sens elle tente de reacuteveacuteler des relations entre ces deux variables qui si elles doivent ecirctre valideacutees correspondent agrave une base de constitution drsquoun outil de mesure de la performance individuelle au travail applicable De faccedilon syntheacutetique aucun employeacute ne saurait eacuteviter lrsquoaccomplissement dune performance sociale srsquoil a pour objectif de performer eacuteconomiquement La distinction se situe uniquement sur le type et le degreacute de performance sociale demandeacutee par le poste occupeacute En cela ce papier tend agrave eacuteveiller les esprits sur une reconsideacuteration neacutecessaire dans le contexte actuel de lappreacuteciation de la performance individuelle de lrsquoemployeacute au travail Neacuteanmoins nrsquooublions pas que la probleacutematique de la performance individuelle implique pour lrsquoentreprise une remise en cause des objectifs mecircme de son action Ainsi du cocircteacute des salarieacutes cette nouvelle exigence drsquoun plus grand investissement personnel et comportemental implique lrsquoeacutelaboration par les salarieacutes de nouvelles regravegles et conditions pour geacuterer leurs rapports avec lrsquoautre et lrsquoentreprise Tant que les employeacutes eacutetaient sous la tutelle de lrsquoorganisation taylorienne du travail il srsquoagissait pour eux de srsquoadapter aux regravegles imposeacutees par lrsquoentreprise Le problegraveme se situe dans le fait qursquoaujourdrsquohui la performance humaine passe par une redeacutefinition agrave la fois individuelle et collective drsquooutils de reacutegulation de ces rapports Lorsque lrsquoon considegravere que drsquoici 2010 le deacuteficit annuel de salarieacutes se chiffrera agrave 440 0001 ce ne sera plus les employeurs qui utiliseront les talents mais les talents qui utiliseront lrsquoorganisation Or pendant des deacutecennies les entreprises ont investi en masse dans lrsquoameacutelioration de leurs performances technologique et financiegravere laissant de cocircteacute la performance de leur ressources humaines Son eacutevaluation srsquoest en effet longtemps limiteacutee au coucirct et aux effectifs Mais actuellement ce type drsquoaction ne peut mener qursquoagrave la perte

1 Source APEC (2004)

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conduisant agrave courir apregraves les salarieacutes et agrave surencheacuterir sur les reacutemuneacuterations Face agrave un travail en mutation il srsquoagit pour lrsquoorganisation de passer drsquoune gestion des ressources humaines globale et coucircteuse agrave un management des performances individuelles voire humaines A cet eacutegard cet objectif ambitieux implique une large reconfiguration des outils de management mis en place depuis vingt ans Cette redeacutefinition suppose selon notre analyse

(1) au preacutealable de connaicirctre parfaitement les meacutetiers qui composent lrsquoentreprise Les descriptions de tacircches poste par poste sont statistiques et souvent obsolegravetes agrave peine leur mise agrave jour effective

(2) de replacer la contribution au reacutesultat au cœur de leurs outils de management en fixant pour chaque poste lrsquoactiviteacute attendue comprenant le degreacute et le type de performance sociale y attenant

(3) de traduire de facon formaliseacutee et localiseacutee les axes strateacutegiques de lrsquoentreprise en guidant la contribution au reacutesultat de chacun pour qursquoelle corresponde agrave la fois aux reacutesultats agrave court terme attendus et la strateacutegie agrave long terme souhaiteacutee Il est neacutecessaire de sortir lrsquoentreprise drsquoune vision de lrsquohomme comme preacutedeacutetermineacutee telle quil a souvent eacuteteacute consideacutereacute pour le leadership et non comme un potentiel agrave deacutevelopper Pour reacutesumer Beacutelier (1998 p6) preacutecise laquoEn valorisant le savoir-ecirctre et savoir vivre dans la gestion des hommes on fait de ce qursquoil y a de plus priveacute particulier personnel le ressort de la performance de lrsquoentreprise Les techniques les savoirs et les habileteacutes ne suffisent plus pour reacuteussirraquo

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LA PRODUCTION DE CONNAISSANCES DrsquoINTENTION SCIENTIFIQUE LE PRINCIPE DE CONTINGENCE GENERIQUE APPLIQUE A LrsquoAUDIT SOCIAL Olivier VOYANT Maicirctre de Confeacuterences en Sciences de Gestion agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 Membre de lrsquoISEOR

Introduction Partant du thegraveme du colloque les fondements de lrsquoaudit social la probleacutematique de cette communication srsquointeacuteresse aux difficulteacutes de mesure du social dans les organisations Sur ce point deux approches compleacutementaires peuvent se distinguer La premiegravere consiste agrave srsquointeacuteresser aux variables exogegravenes qui peuvent remettre en cause les outils et les meacutethodes de la mesure Ainsi la neacutecessiteacute pour les organisations drsquohypertrophier leurs performances ou encore la neacutecessiteacute complexe de mieux maicirctriser les turbulences de la mondialisation peuvent contraindre les meacutecanismes de la mesure agrave eacutevoluer La seconde sur laquelle cette communication est orienteacutee porte sur des variables endogegravenes de la mesure Il srsquoagit de reconnaicirctre que les meacutethodes de mesure sont intrinsegravequement eacutevolutives tant elles ne deacutecrivent qursquoune partie de la reacutealiteacute En effet si les meacutethodes drsquoaudit social constituent un socle de connaissances ces derniegraveres sont incomplegravetes et comprennent une part drsquoombre et de lumiegravere Srsquointeacuteresser au caractegravere laquo vivant raquo de ce socle repreacutesente un inteacuterecirct tant pour la survie que pour le deacuteveloppement des connaissances acquises Pour esquisser une reacuteponse agrave cette probleacutematique cette communication tentera de deacutemontrer que la mise en œuvre drsquoun audit social inscrit dans un principe de contingence geacuteneacuterique peut contribuer agrave la production de connaissances drsquointention scientifique Les propos seront articuleacutes en deux temps une reacuteflexion eacutepisteacutemologique sur la connaissance et plus preacuteciseacutement sur la connaissance drsquointention scientifique une illustration agrave partir de terrains drsquoexpeacuterimentation de la contribution du principe de contingence geacuteneacuterique agrave la production de connaissances drsquointention scientifique pour conforter et enrichir un type drsquoaudit social

1 Les connaissances drsquointention scientifique La connaissance deacutesigne un rapport de la penseacutee agrave la reacutealiteacute exteacuterieure et engage la notion de veacuteriteacute comme adeacutequation de lrsquoesprit et de la chose Par extension connaissance deacutesigne le contenu de la penseacutee qui correspond agrave la nature de la chose viseacutee et srsquooppose agrave erreur ou illusion Cette recherche de veacuteriteacute est infinie Selon Arendt (1996 pp 31-32) laquo notre soif de connaissance nrsquoest peut-ecirctre pas eacutetanchable en raison de lrsquoimmensiteacute de lrsquoinconnu et du fait que chaque domaine de la connaissance eacutelargit les horizons du savoir raquo Cette soif de connaissance qursquoelle soit neacutee de neacutecessiteacutes pratiques drsquoembarras theacuteoriques ou de la simple curiositeacute constitue une quecircte permanente pour le chercheur Cette mission ne doit cependant pas lrsquoeacuteloigner de deux principes fondamentaux Le premier ndash un principe de preacutecaution ndash consiste agrave preacutefeacuterer les incertitudes aux certitudes immeacutediates le second ndash un principe drsquoengagement dynamique ndash porte sur la neacutecessiteacute de srsquoengager dans le processus de connaissances en srsquoassurant qursquoelles pourront faire lrsquoobjet de remises en cause

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11 Un principe de preacutecaution lrsquointention scientifique

Au cours de son premier ouvrage sur la Naissance de la trageacutedie Nietzsche considegravere Socrate comme le type de lrsquooptimiste theacuteorique qui attribue laquo agrave la foi dans la possibiliteacute drsquoapprofondir la nature des choses au savoir agrave la connaissance la vertu drsquoune panaceacutee universellehellip raquo Selon Socrate laquo peacuteneacutetrer les causes et distinguer de lrsquoapparence et de lrsquoerreur la veacuteritable connaissance raquo est pour lrsquohomme laquo la vocation la plus noble la seule digne de lrsquohumaniteacute raquo Cette vocation pleine de noblesse et drsquointeacuterecirct pour lrsquohomme et pour le chercheur en particulier nrsquoest en laquo reacutealiteacute raquo que la formulation drsquoune intention Socrate laquo srsquoavouacirct agrave lui-mecircme ne rien savoir raquo (Nietzsche 1994 [1872] pp 110-121) En ce sens il est en adeacutequation avec Platon (1981 p 18) pour qui laquo lrsquoignorance se preacutesente le plus souvent comme sucircre drsquoelle-mecircme alors que la reconnaissance de son ignorance constitue le deacutebut de la sagesse Se savoir ignorant crsquoest se rendre disponible agrave la deacutecouverte de la connaissance de la veacuteriteacute et du bien qui est en nous raquo Cette apologie de lrsquoignorance ne srsquoapparente pas agrave une quelconque fausse modestie mais traduit la force des illusions ces erreurs de lrsquoesprit qui font prendre des apparences pour des reacutealiteacutes Une connaissance bacirctie sur les apparences peut-elle preacutetendre au statut de connaissance Elle ne reacuteside en fait qursquoagrave eacutelever la pure apparence et selon lrsquoexpression de Schopenhauer (2004 p 498) agrave laquo endormir plus profondeacutement encore le recircveur raquo Cette position paradoxale ndash celui qui part en quecircte de nouvelles connaissances se considegravere ignorant ndash ne peut ecirctre assimileacutee agrave une forme drsquoabandon de reacutesignation mais agrave un principe de preacutecaution Srsquoil existe encore des observateurs assez naiumlfs pour croire qursquoil existe des laquo certitudes immeacutediates raquo le chercheur srsquoappuiera sur des expeacuteriences riches en contenu et sur la dureacutee Cette logique anti-commerciale de reacutesultats lents et coucircteux devrait lui permettre de deacutepasser pour tout ou partie le mur des illusions Qursquoen est-il cependant des connaissances acquises Sont-elles complegravetes et durables Si Nietzsche (2000 [1886] p 73) pense qursquoil laquo est bon pour le peuple de croire que la connaissance est le fait de connaicirctre une chose jusqursquoau bout raquo le style comportemental du chercheur ne peut y souscrire Selon Paturel et Voyant (2004 pp 553-554) le chercheur srsquointerroge de maniegravere permanente et envisage les certitudes acquises dans un va-et-vient avec les incertitudes Ainsi la somme des connaissances acquises ne constitue pas un Codex certain complet et immuable Comme le preacutecise Spinoza (1954 [1677] pp 159 amp 327) dans son excellent ouvrage Lrsquoeacutethique les connaissances nous sont repreacutesenteacutees laquo drsquoune faccedilon incomplegravete (mutilate) confuse et sans ordre pour lrsquoentendement raquo et laquo de la dureacutee des choses nous ne pouvons avoir qursquoune connaissance tregraves inadeacutequate et le temps drsquoexistence des choses nous les deacuteterminons par la seule imagination raquo Ne pas respecter cette possibiliteacute drsquoincompleacutetude et de changement des connaissances crsquoest prendre le risque signaleacute par Boudon (2004 p 29) drsquoutiliser des connaissances qui nrsquoappartiennent qursquoagrave lrsquohistoire Pour reprendre la question de Weber (1963 [1959] p 111) laquo quel est alors au fond lrsquoapport positif de la science agrave la laquo vie raquo pratique et personnelle raquo si les connaissances acquises ne sont que des probabiliteacutes de connaissances incomplegravetes et non durables Pour ce dernier la laquo science contribue agrave une œuvre de clarteacute raquo Par optimisme lrsquoeacutevocation de connaissances semble acceptable degraves lors qursquoelle srsquoinscrit dans un principe de preacutecaution lrsquointention scientifique Cette derniegravere accepte de consideacuterer une connaissance reacuteelle complegravete et stable degraves lors qursquoelle ne quitte pas un corpus drsquohypothegraveses

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12 Un principe drsquoengagement dynamique la contingence geacuteneacuterique Selon Spinoza (1954 [1677] p 100) laquo une chose nrsquoest dite contingente que par rapport agrave un manque de connaissance raquo Sur ce point les reacuteflexions relatives agrave lrsquoexistence et agrave la liberteacute humaine constituent un thegraveme majeur de la contingence Selon Merleau-Ponty (2001 [1960]) laquo tout est possible de la part de lrsquohomme et jusqursquoagrave la fin Lrsquohomme est absolument distinct des espegraveces animales mais justement en ceci qursquoil nrsquoa point drsquoeacutequipement originel et qursquoil est le lieu de la contingence raquo Ajouter une variable telle que les entreprises et les organisations agrave lrsquoeacutetude de la laquo meacutecanique humaine raquo (Alain 1985 [1932 agrave 1938] p 111) rend sans doute la probabiliteacute de contingence encore plus grande Le chercheur est-il cependant condamneacute agrave ne produire que des connaissances speacutecifiques crsquoest-agrave-dire reacuteelles complegravetes stables pour un champ donneacute et un seul Selon Savall et Zardet (2004 p 251) il est possible de rendre compleacutementaire la production de connaissances composeacutees drsquoingreacutedients speacutecifiques (contingents) et invariants (regravegles geacuteneacuteriques doteacutees drsquouniversalisme) Si les auteurs admettent que laquo le caractegravere universel drsquoune recherche en sciences sociales est encore aujourdrsquohui mal accepteacute raquo ils estiment que laquo certaines recherches cumulatives permettent de mieux comprendre comment peuvent srsquoagencer des connaissances geacuteneacuteriques avec des connaissances contextuelles ou speacutecifiques raquo Pour eux laquo le concept de contingence geacuteneacuterique deacutesigne la combinaison possible entre contingence et universalisme un noyau dur de connaissances geacuteneacuteriques compleacuteteacute par des peacuteripheacuteries contextuelles issues de cas diffeacuterents A B Chellip Au lieu de consideacuterer qursquoune eacutetude au sein drsquoune entreprise est neacutecessairement contingente et contextualiseacutee ne peut-on pas consideacuterer qursquoun cas constitue le deacutebut drsquoune seacuterie statistique ou un eacuteleacutement dans une population drsquoentreprises que lrsquoon ambitionne drsquoeacutetudier dans un programme de recherches cumulatives raquo Ce point de vue autorise une dynamique entre contingence et geacuteneacuterique et reacutepond au principe de preacutecaution preacuteceacutedemment eacutevoqueacute Tout drsquoabord les connaissances ne constituent pas des eternae veritates mais traduit la penseacutee du chercheur pour un espace-temps imaginaire Dans cet espace les connaissances ne quittent pas un corpus drsquohypothegraveses scindeacute en trois degreacutes (Savall et Zardet 2004 p65) laquo le niveau descriptif dont la finaliteacute principale est de deacutecrire un objet de recherche le niveau explicatif dont la finaliteacute est de proposer une interpreacutetation agrave des pheacutenomegravenes deacutecrits et observeacutes et le niveau prescriptif dont la finaliteacute principale est de proposer des actions ou des transformations pour modifier lrsquoeacutetat des choses observeacutees raquo Ensuite le va-et-vient entre connaissances geacuteneacuteriques et connaissances contingentes offre la possibiliteacute au chercheur de modifier et drsquoenrichir ses connaissances agrave vocation universelle Enfin les connaissances deacuteveloppeacutees servent agrave la fois la communauteacute des praticiens (connaissances contingentes) et agrave la communauteacute scientifique (connaissances geacuteneacuteriques) Prendre position dans le laquo combat raquo de production de connaissances drsquointention scientifique reacutepond au principe de Clausewitz (1999 [1832] p 56) selon lequel lrsquoengagement est une condition sine qua non de reacuteussite laquo le soldat est recruteacute vecirctu armeacute formeacute il dort mange boit et marche uniquement afin de prendre part agrave lrsquoengagement au bon endroit et au bon moment raquo Ainsi le chercheur-soldat conduit son action selon deux principes la preacutecaution qui considegravere la connaissance comme une intention scientifique lrsquoengagement dynamique pour lequel la production de connaissances drsquointention scientifique suit un principe de contingence geacuteneacuterique

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2 La production de connaissances drsquointention scientifique Le fil conducteur de la deacutemonstration drsquoune contribution du principe de contingence geacuteneacuterique agrave la production de connaissances drsquointention scientifique sera preacutesenteacute en 3 points Ces points repreacutesentent une segmentation du processus drsquoaudit social la preacuteparation la reacutealisation et la restitution de lrsquoaudit social Cette meacutethode deacuteveloppeacutee par Savall et Zardet (2003 [1987] pp253-282]) consiste agrave laquo mettre en relief les dysfonctionnements raquo traduisant une atrophie de lrsquoeacutetat social des entreprises puis agrave en deacutecrire les effets Selon les auteurs laquo cette option meacutethodologique de base consistant agrave ne seacutelectionner que les dysfonctionnements de lrsquoentreprise srsquoappuie sur une volonteacute de creacuteer un choc culturel ou prise de conscience de lrsquoentreprise pour lrsquoinciter ensuite agrave rechercher des solutions raquo En preacuteambule et de maniegravere contextuelle seront preacutesenteacutes les mateacuteriaux expeacuterimentaux utiliseacutes pour cette deacutemonstration

21 Les terrains drsquoexpeacuterimentation La recherche-intervention est-elle de nature agrave produire des connaissances drsquointention scientifique De nombreux travaux ndash rapports articles communications ouvrages et thegraveses de doctorat ndash traitent de cette question Dans lrsquoattente drsquoune reacuteponse claire et deacutefinitive () de la part des speacutecialistes il convient drsquoadopter trois principes Le premier fait reacutefeacuterence au style comportemental du chercheur abordeacute preacuteceacutedemment le chercheur est curieux ouvert drsquoesprit toleacuterant envers ce que font et obtiennent les autres humble modestehellip Ainsi le recours agrave la recherche-intervention reacutepond agrave une opportuniteacute voire agrave une conviction et ne srsquooppose en aucun cas aux autres types de meacutethodologies Le second principe srsquointeacuteresse au niveau et agrave la qualiteacute de conceptualisation du type de recherche-intervention adopteacute Les terrains drsquoexpeacuterimentation preacutesenteacutes ci-apregraves ont eacuteteacute meneacutes agrave lrsquoaide drsquoune recherche-intervention (Savall amp Zardet 2004 1996 Thieacutetart 2003 David 2000 Plane 2000) encadreacutee par des regravegles rigoureuses ndash dispositif drsquointervention diagnostic preacuteconisations restitutions accompagnements eacutethiquehellip ndash de lrsquointervention du chercheur en entreprise (Livian 2003 Louart 1995) Le troisiegraveme principe consiste agrave srsquoassurer que le chercheur tentera au cours de son activiteacute de recherche de briser le mur des illusions Sur ce point lrsquointronisation du chercheur au sein du champ observeacute constitue un eacuteleacutement inteacuteressant et srsquoaccorde avec le point de vue de nombreux auteurs (Einstein 1979 p 160 Bachelard 2004 [1949] pp 1-11 Granger 1994) Dans la perspective drsquoillustration de connaissances geacuteneacuteriques et contingentes obtenues au cours de recherches-interventions les mateacuteriaux suivants ont eacuteteacute seacutelectionneacutes Ils sont preacutesenteacutes en deux familles de probleacutematiques des variables endogegravenes et exogegravenes agrave lrsquoorganisation

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Variables

endogegravenes Variables exogegravenes

Cas A Organisme de la formation professionnelle et de lrsquoemploi ndash Effectif de 3300 personnes ndash Secteur public ndash Belgique Recherche-intervention 2001 agrave 2005

Obtenir une meilleure utilisation des deniers publics

Adopter une attitude proactive eacutelaborer le futur contrat de gestion

Cas B Entreprise inteacutegreacutee drsquoaciers speacuteciaux ndash Effectif de 2000 (puis 4000) personnes ndash Secteur priveacute ndash France Recherche-intervention 1999 agrave 2002

Renforcer le management de la socieacuteteacute X pour reacuteussir la fusion avec la socieacuteteacute Y

Deacutevelopper une forte reacuteactiviteacute strateacutegique attentats du 11 septembre 2001

Cas C Groupe de la grande distribution Filiale service apregraves-vente ndash Effectif de 1500 personnes ndash Secteur priveacute ndash France Recherche-intervention 1997 agrave 2002

Mettre en adeacutequation le systegraveme de primes avec les reacutesultats eacuteconomiques

Preacuteparer lrsquoeacutevolution de la leacutegislation Europeacuteenne en matiegravere de service apregraves-vente

Cas D Groupe industriel en technologies de pointe ndash Effectif de 300 personnes ndash Secteur priveacute ndash Belgique Recherche-intervention 1995 agrave 2002

Preacuteparer la succession du Preacutesident Directeur Geacuteneacuteral

Anticiper les crises industrielles en Belgique et en Europe

Ces diffeacuterents cas reacutepondent agrave deux volonteacutes La premiegravere consiste agrave eacutelargir le champ de recherche agrave des organisations heacuteteacuterogegravenes La seconde opte pour une analyse longitudinale des expeacuterimentations Le point commun entre ces deux volonteacutes est de deacuteterminer par lrsquoexpeacuterimentation multiple et le temps le caractegravere contingent ou geacuteneacuterique drsquoune connaissance Les eacuteleacutements geacuteneacuteriques preacutesenteacutes ci-apregraves sont communs aux diffeacuterents terrains et ont eacuteteacute soumis agrave lrsquoeacutepreuve du temps ce qui reacuteduit le risque de connaissances laquo immeacutediates raquo crsquoest-agrave-dire agrave effet potentiellement limiteacute dans le temps Pour chacune des eacutetapes du processus drsquoaudit social 3 connaissances contingentes (speacutecifiques agrave une organisation A B C ou D) seront relieacutees agrave 3 connaissances geacuteneacuteriques (convergentes agrave lrsquoensemble des organisations)

22 La preacuteparation de lrsquoaudit social La premiegravere eacutetape du processus drsquoaudit social concerne sa preacuteparation en deux grandes eacutetapes la preacuteparation des entretiens et leur programmation Les connaissances contingentes et geacuteneacuteriques preacutesenteacutees ci-apregraves srsquoappuient principalement sur la preacuteparation des entretiens1

1 Remarque La connaissance contingente laquo C11 raquo est agrave relier avec la connaissance geacuteneacuterique laquo G11 raquo

5

Connaissances Contingentes Connaissances Geacuteneacuteriques

C13 Organiser des entretiens

individuels pour les personnels experts (Cas A)

G13 Organiser des entretiens individuels pour la Direction et lrsquoencadrement hieacuterarchique puis de groupe pour le personnel

C12 Rencontrer les clients internes du secteur auditeacute (Cas A)

G12 Rencontrer les populations Direction encadrement hieacuterarchique et personnel

PREP

AR

ER

C11 Accepter de la Direction une apparence de volonteacute de laisser srsquoexprimer les acteurs au cours drsquoentretiens (Cas B)

G11 Obtenir de la Direction la volonteacute de laisser srsquoexprimer les acteurs au cours drsquoentretiens

Les connaissances contingentes laquo C12 amp C13 raquo repreacutesentent des compleacutements agrave la laquo leacutegislation raquo geacuteneacuterique des cases laquo G12 amp G13 raquo alors que la case laquo C11 raquo illustre la possibiliteacute de srsquoaccorder sur des illusions qui font prendre des apparences pour des reacutealiteacutes le cas B exprime sa volonteacute de faire srsquoexprimer les personnes mais cette volonteacute est une acceptation de faccedilade Ces diffeacuterentes illustrations montrent que le deacuteveloppement drsquoune meacutethode peut combiner agrave la fois rigueur (geacuteneacuterique) et grande souplesse (contingente) Par ailleurs les connaissances preacutesenteacutees pourront qursquoelles soient contingentes ou geacuteneacuteriques ecirctre utiliseacutees comme hypothegraveses descriptives explicatives et prescriptives par le chercheur Ainsi la connaissance deacuteveloppeacutee conserve son potentiel de reacuteactualisation une connaissance contingente en TO pourrait se transformer en connaissance geacuteneacuterique en T+1 (et inversement une connaissance geacuteneacuterique peut devenir au travers du temps une connaissance contingente) De plus il faut reconnaicirctre diffeacuterents degreacutes aux connaissances geacuteneacuteriques Ainsi la case laquo G11 raquo semble reacutepondre agrave une connaissance geacuteneacuterique plus profonde concernant lrsquointeacuterecirct pour une organisation de renforcer ses pratiques deacutemocratiques Selon Sen (2005 p 64) la deacutemocratie requiert laquo la liberteacute le respect de la leacutegaliteacute ainsi que la garantie de libre discussion et de circulation non censureacutee de lrsquoinformation et la liberteacute de la commenter raquo Lrsquoauteur preacutecise eacutegalement qursquoil convient de ne pas restreindre la deacutemocratie au droit de vote2 et agrave lrsquoOccident Dans ce cadre lrsquoaudit social constitue le lancement drsquoune dynamique deacutemocratique agrave renforcer par drsquoautres actions agrave vocation transformative Lrsquoenjeu pour lrsquoentreprise est drsquoactiver un levier (conscient ou inconscient) drsquoattraction des acteurs le renforcement des pratiques deacutemocratiques de lrsquoentreprise laquo exerce une force drsquoattraction interne (fideacutelisation des personnes) et externe (accroissement du volume et de la qualiteacute des candidatures) raquo (Voyant 2003 p 9) Sur ce point il semble que lrsquoarticulation des connaissances geacuteneacuteriques est une contribution agrave leur transfert par la force qualitative et quantitative de la deacutemonstration les connaissances geacuteneacuteriques pourraient convaincre les plus indeacutecis

2 Voir eacutegalement agrave ce sujet SLAMA (2002 [1995])

6

23 La reacutealisation de lrsquoaudit social La seconde eacutetape du processus drsquoaudit social concerne sa reacutealisation en trois grandes eacutetapes le deacuteroulement drsquoentretiens leur exploitation et leur controcircle Les connaissances contingentes et geacuteneacuteriques preacutesenteacutees ci-apregraves srsquoappuient principalement sur les eacutetapes de deacuteroulement des entretiens et de leur exploitation

Connaissances Contingentes Connaissances Geacuteneacuteriques

C23 Lrsquoexpression drsquoun acteur traduite sous forme de laquo phrase-teacutemoin raquo est consideacutereacute unique Exemple laquo Lrsquoeacutequipe de Direction reacuteagit en gestionnaire elle deacuteduit des choses des budgets sans voir les implications relationnelles et sociales raquo (Cas D)

G23 Reacutepartir lrsquoexpression des acteurs dans les thegravemes suivants conditions de travail organisation du travail communication ndash coordination -concertation gestion du temps formation inteacutegreacutee et mise en œuvre strateacutegique

C22 Le volume drsquoinformations collecteacutees aupregraves de la Direction est plus important que celui de lrsquoencadrement et du personnel (Cas C)

G22 Prendre des notes exhaustives au cours des entretiens

REA

LISE

R

C21 Les entretiens aupregraves des fonctions comptables sont plus directifs que pour les autres fonctions (Cas B)

G21 Reacutealiser des entretiens semi-directifs aupregraves des acteurs

La meacutethodologie utiliseacutee est celle du traitement de lrsquoinformation qualitative qui pose la question suivante comment agreacuteger des mots plutocirct que des nombres Ce travail est reacutealiseacute agrave lrsquoaide drsquoun logiciel systegraveme expert qui permet de classifier lrsquoexpression des acteurs dans une arborescence de thegravemes sous-thegravemes sous-sous thegravemes et ideacutees-cleacutes Si lrsquoarborescence des thegravemes constitue une connaissance geacuteneacuterique les ideacutees-cleacutes ndash qui repreacutesente la valeur des thegravemes ndash occupent le statut de connaissances semi-geacuteneacuteriques (ou semi-contingentes) Comme lrsquoindique la case laquo C23 raquo lrsquoexpression des acteurs retranscrite sous la forme de laquo phrases-teacutemoins raquo repreacutesente des laquo bribes ou eacuteleacutements de connaissances contextuelles raquo (Savall Zardet 2004 p 338) Une phrase-teacutemoin pourrait cependant apregraves plusieurs recoupements de cas dans le temps prendre la forme drsquoune ideacutee-cleacute voire figurer dans lrsquoarborescence des thegravemes elle prendrait ainsi le statut de connaissance geacuteneacuterique La figure ci-apregraves illustre lrsquoutilisation de lrsquoagreacutegation des mots comme base drsquoagreacutegation de chiffres Conccedilue agrave partir des 21 audits sociaux reacutealiseacutes sur les terrains drsquoexpeacuterimentation preacutesenteacutes et meneacutes sur une deacutecennie (de 1995 agrave 2005) elle permet de mettre en relief de nouvelles connaissances semi-geacuteneacuteriques

7

Populations Ensemble Direction Encadrement

hieacuterarchique Personnel

Nombre drsquoentretiens 877 91 579 207 Nombre de personnes 1464 91 601 772 Nombre de phrases-teacutemoins 8692 987 5347 2358 CONDITIONS DE TRAVAIL 1509 669 1255 2439 ORGANISATION DU TRAVAIL

2148 2290 2190 1993

COMMUNICATION ndash COORDINATION ndash CONCERTATION

1826 1976 1868 1667

GESTION DU TEMPS 1169 861 1216 1167 FORMATION INTEGREE 809 648 806 882 MISE EN ŒUVRE STRATEGIQUE

2539 3556 2663 1832

Le regroupement des 8692 phrases-teacutemoins collecteacutes et imputeacutes dans les thegravemes preacutesenteacutes permet drsquoobserver diffeacuterentes tendances La population laquo personnel raquo srsquoexprime majoritairement sur le thegraveme laquo conditions de travail raquo alors que les populations laquo Direction raquo et laquo Encadrement hieacuterarchique raquo le font sur la laquo mise en œuvre strateacutegique raquo Concernant le thegraveme laquo formation inteacutegreacutee raquo il srsquoagit cette fois drsquoune tendance convergente (et non speacutecifique) entre les populations elles abordent ce thegraveme de maniegravere minoritaire par rapport aux autres

000

500

1000

1500

2000

2500

3000

3500

4000

CO

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ND

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Direction

EncadrementhieacuterarchiquePersonnel

La forme graphique ci-dessus illustre les premiegraveres tendances deacutecrites et fait apparaicirctre lrsquoimportance du rocircle drsquointermeacutediation de lrsquoencadrement (Saulnier Le Saout 2002 Trouveacute 1998) il est la courroie de transmission entre les populations laquo Direction raquo et laquo Personnel raquo sur les thegravemes laquo conditions de travail raquo et laquo mise en œuvre strateacutegique raquo

8

24 La restitution de lrsquoaudit social La troisiegraveme eacutetape du processus drsquoaudit social concerne sa restitution en trois grandes eacutetapes la preacutesentation de lrsquoaudit puis lrsquoeacutelaboration et la preacutesentation drsquoun avis drsquoexpert Les connaissances contingentes et geacuteneacuteriques preacutesenteacutees ci-apregraves srsquoappuient principalement sur les eacutetapes de deacuteroulement des entretiens et de leur exploitation

Connaissances Contingentes Connaissances Geacuteneacuteriques

C33 Certaines caracteacuteristiques environnementales (internes etou externes) ne rendent pas pertinente la preacutesentation des convictions fortes de lrsquointervenant-chercheur (Cas A)

G33 Lrsquoavis drsquoexpert est une analyse au second degreacute permettant agrave lrsquointervenant-chercheur drsquoexposer sa conviction par rapport agrave lrsquoaudit reacutealiseacute

C32 La forte drsquoinertie exceptionnelle de certaines organisations rend difficile le deacuteclenchement drsquoun choc culturel (Cas B)

G32 Restituer lrsquoaudit social provoque aupregraves des acteurs un choc culturel lieacute agrave lrsquoanalyse dysfonctionnelle

RES

TITU

ER

C31 Organiser la restitution des reacutesultats aupregraves de lrsquoensemble des acteurs du secteur auditeacute (Cas C)

G31 Organiser la restitution des reacutesultats aupregraves de lrsquoensemble des personnes intervieweacutees

La connaissance laquo C31 raquo marque une profonde eacutevolution des acteurs depuis le deacutemarrage des expeacuterimentations eacutetudieacutees De contrainte-sanction la reacutealisation drsquoun audit semble devenir une opportuniteacute-reacutecompense Ainsi les acteurs non rencontreacutes eacuteprouvent non pas un soulagement mais une forme de frustration qui semble srsquoadoucir degraves lors qursquoils sont convieacutes agrave la restitution des reacutesultats La connaissance laquo C32 raquo traduit le deacutesarroi strateacutegique des acteurs la multipliciteacute des audits et autres conduites de changement avorteacutes ont renforceacute leur insensibiliteacute aux difficulteacutes rencontreacutees Enfin la connaissance laquo C33 raquo repreacutesente la prise en compte de situations internes etou externes particuliegraverement turbulentes Si lrsquointervenant-chercheur doit se garder drsquoune trop grande influence de son champ drsquoeacutetude sur ses reacuteflexions il doit eacutegalement prendre en compte les situations complexes rencontreacutees par les acteurs Face agrave des situations exceptionnelles il se doit de reporter lrsquoexposeacute de ses convictions agrave des moments plus favorables Les connaissances contingentes laquo C31 C32 et C33 raquo pourraient-elles devenir des connaissances geacuteneacuteriques Des expeacuterimentations compleacutementaires sur une dureacutee aussi longue que la premiegravere seacuterie pourraient confirmer leur statut de connaissances geacuteneacuteriques etou leur capaciteacute agrave faire eacutemerger des connaissances geacuteneacuteriques peacuteripheacuteriques

9

Conclusion La production de connaissances est une recherche de veacuteriteacute que lrsquoon souhaiterait universelle et intemporelle Mais la multiplication des illusions ces erreurs de lrsquoesprit qui font prendre des apparences pour des reacutealiteacutes doit inciter le chercheur agrave la preacutecaution La quecircte de connaissances est un signe de sa propre ignorance et les connaissances durement acquises ne peuvent ecirctre qursquoune intention scientifique ces derniegraveres ndash les connaissances ndash ne constituent pas un Codex certain complet et immuable Plus qursquoune contrainte cette posture drsquoesprit est une opportuniteacute pour rendre les connaissances utiles pour preacuteparer lrsquoavenir et non pour enrichir le passeacute Les connaissances sont des hypothegraveses permanentes pour lesquelles un engagement dynamique du chercheur est neacutecessaire les connaissances sont-elles contingentes ou geacuteneacuteriques Dans le premier cas le chercheur les imagine reacuteelles complegravetes et stables pour un champ donneacute et un seul dans le second cas il leur attribue une vocation universelle Appliqueacute agrave lrsquoaudit social ce principe a permis de deacutegager des connaissances contingentes (speacutecifique agrave une organisation) et geacuteneacuteriques (convergentes agrave lrsquoensemble des organisations) De maniegravere non exhaustive les connaissances G11 agrave G33 deacutecrivent un processus drsquoaudit social geacuteneacuterique alors que les connaissances C11 agrave C33 preacutesentent un processus contingent La poursuite de nouvelles expeacuterimentations sur une peacuteriode aussi importante que la premiegravere (de 1995 agrave 2005) pourrait probablement modifier le paysage des connaissances deacutecrites Si ces nouveaux travaux neacutecessitent beaucoup drsquoeacutenergie et de coopeacuteration ils justifient toute la noblesse et lrsquointeacuterecirct du meacutetier de chercheur pour ce dernier la quecircte de connaissances est infinie BIBLIOGRAPHIE ALAIN (1985 [1932 agrave 1938]) Propos sur les pouvoirs ndash Eleacutements drsquoeacutethique politique Gallimard ndash Folio essais 371 pages

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BOUDON R (2004) Pourquoi les intellectuels nrsquoaiment pas le libeacuteralisme Odile Jacob 247 pages

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10

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QUELLES REPRESENTATIONS DE LrsquoAUDIT SOCIAL Catherine VOYNNET-FOURBOUL Maicirctre de Confeacuterences - Universiteacute Paris 2 Pantheacuteon Assas

Reacutesumeacute La production des lois (bilan social 1977 loi NRE 2001) a reacuteguliegraverement stimuleacute le champ de laudit social qui fait lobjet dun corps de pratiques formaliseacutees par les auditeurs Cette recherche qualitative de type laquo Grounded Theory raquo meneacutee par une eacutequipe de 7 auditeurs aupregraves de 25 experts deacutecrit limage que se repreacutesentent les parties prenantes agrave propos de laudit social Limage de laudit social est un foisonnement de perceptions dattentes et deacutevaluations teacutemoignant des faiblesses mais aussi du potentiel et de lrsquoeacutevolution de cette pratique vers une compreacutehension des salarieacutes plus fine et plus propice agrave lrsquoaction

1 Objet de la recherche Lrsquoaudit social a connu un deacuteveloppement en France agrave partir du milieu des anneacutees soixante dix agrave la suite des obligations relatives au bilan social Sa justification reposait agrave cette eacutepoque sur lrsquointroduction de la rigueur drsquoeacuteleacutements plus quantitatifs comme la mesure drsquoeacutecarts par rapport agrave des objectifs Cependant si la litteacuterature nous apporte des eacuteleacutements preacutecieux de compreacutehension de la deacutemarche drsquoaudit social nous disposons en revanche de peu drsquoeacuteleacutements concernant les perceptions externes de lrsquoaudit social ce que nous proposons drsquoinvestiguer agrave la suite La litteacuterature permet de relever les fondements de cette pratique et les questions cleacutes que nous rapprocherons des perceptions que nous eacutetudierons empiriquement Le terme est drsquoabord apparu (Caroll Beiler 1975) aux Etats-Unis dans les anneacutees quarante avec les travaux de Theodore J Kreps professeur drsquoeacuteconomie des affaires agrave Stanford Le rocircle initial de laudit social selon lui consistait agrave mesurer et eacutevaluer la performance sociale des affaires (Bauer 1973) ainsi quagrave eacutetablir une eacutevaluation des contributions sociales des entreprises En 1953 Howard R Bowen conccediloit lrsquoaudit social comme une eacutevaluation de haut niveau indeacutependante conduite tous les cinq ans par un groupe drsquoauditeurs deacutesinteacuteresseacutes donc externes de preacutefeacuterence Le rapport drsquoaudit devant ecirctre une eacutevaluation assortie de recommandations agrave usage interne des dirigeants de lrsquoentreprise auditeacutee ceci afin de srsquoassurer de la franchise du rapport Jusque-lagrave les recherches ont porteacutees sur lrsquoimage de lrsquoaudit par les auditeurs Aubert A (1997) remarque que lrsquoaudit ne constitue pas leur unique activiteacute professionnelle que les contextes professionnels des auditeurs sont variables (quil sagisse de cabinets priveacutes drsquouniversitaires dauditeurs internes) et des domaines d rsquointervention (ressources humaines qualiteacute gestion informatique communication) Est souligneacutee la capaciteacute de lrsquoauditeur agrave voir entendre au delagrave de ce qui est offert et agrave srsquointeacutegrer dans le systegraveme auditeacute

1

MeacutediationFormation

Controcircle

Inspection

Auscultation

Recherche

Eacutetat des lieux

Evaluation

Analyse

Expertise

Conseil

Eacutetude

Ce que nrsquoest pas l rsquoaudit

Ce qursquoest l rsquoaudit

Enquecircte

Figure 1 lrsquoaudit vu par les auditeurs [AUBERT 1997] Le groupe de travail de lrsquoInstitut drsquoAudit Social a souhaiteacute produire un eacutetat des lieux de lrsquoimage de lrsquoaudit social afin de mieux comprendre la nature de lrsquoimage de lrsquoaudit social et lrsquoaudit de RSE ceci aupregraves drsquoun public plus divers eacutetendu aux parties prenantes concerneacutees par cette fonction En effet il nexiste pas agrave notre connaissance de recherche portant sur lavis des personnes qui sont les laquo beacuteneacuteficiaires raquo de laudit social

2 Meacutethodologie

21 Finaliteacute et reacutealisation de la recherche Les membres actifs du groupe (universitaires praticiens consultants) et experts de laudit social ont proceacutedeacute agrave des investigations au moyen drsquoentretiens qualitatifs aupregraves de 25 reacutepondants Lrsquoobjet de cette recherche porte sur lrsquoimage le rocircle le repeacuterage drsquoacteurs la mise en œuvre et lrsquoimpact de lrsquoaudit social Lrsquoeacutechantillon des reacutepondants a eacuteteacute constitueacute agrave la convenance des 7 membres du groupe de recherche lrsquoun des critegraveres eacutetant une reacutepartition par secteur drsquoactiviteacute par type de reacutepondant (agrave la fois des DRH majoritairement mais aussi des auditeurs consultants repreacutesentants drsquoONG et membres de syndicat) La position drsquoexpert des membres du bureau a permis une certaine faciliteacute drsquoaccegraves agrave des reacutepondants occupant des postes-cleacutes dans les institutions priveacutees mais aussi publiques et organisations cibleacutees (dans des secteurs drsquoactiviteacute divers meacutetallurgie aeacuteronautique BTP teacuteleacutecommunications communication loisirs agroalimentaire eacutenergie services) Chaque membre de lrsquoeacutequipe a proceacutedeacute agrave au moins deux entretiens selon un guide drsquoentretien portant sur lrsquoimage le recours agrave lrsquoaudit lrsquoexpeacuterience drsquoaudit Les transcriptions des entretiens ont fait lrsquoobjet drsquoune analyse visant agrave comparer et structurer le mateacuteriau Cette recherche qualitative articule les travaux des experts faccedilonnage du guide dentretien recueil des donneacutees primaires analyse des donneacutees qualitatives et reacuteflexions en commun Lrsquointeacuterecirct de

2

lrsquoeacutequipe drsquoexperts consiste dans la triangulation par les regards croiseacutes et les eacutechanges facilitant le deacutecodage des reacutesultats de recherche

22 Le traitement de donneacutees Les entretiens retranscrits ont eacuteteacute analyseacutes agrave lrsquoaide du logiciel NUDIST N6 QSR Lrsquoanalyse a consisteacute agrave eacutetablir un codage des donneacutees une cateacutegorisation de type laquo grounded theory raquo par comparaison constante des donneacutees dans le but de produire une analyse transversale des variables eacutemergentes (Strauss Corbin 1990) Lrsquoanalyse a consisteacute en une structuration des cateacutegories in vivo Les reacutesultats preacutesenteacutes ici sont concentreacutes sur laudit social Il srsquoagit de relever le plus de cateacutegories lieacutees autour de lrsquoimage de lrsquoaudit social sans geacuteneacuteralisation du fait de la nature de lrsquoeacutechantillon Les premiers reacutesultats ont fait lrsquoobjet de preacutesentation devant le comiteacute drsquoexperts et au cours de communication lors de lrsquouniversiteacute de printemps de lrsquoInstitut drsquoAudit Social qui srsquoest tenue du 5 au 7 mai 2005 Les reacuteactions des experts et certains eacuteleacutements de la litteacuterature ont eacuteteacute inteacutegreacutes agrave lrsquoanalyse qui suit

3 Les reacutesultats

31 Les grandes perceptions Lrsquoaudit social recouvre geacuteneacuteralement une image tregraves eacutetireacutee peu homogegravene lieacutee agrave un domaine des ressources humaines susceptible dameacutelioration A la suite nous ferons figurer les aspects positifs et neacutegatifs lieacutes agrave cette image ainsi que certaines ameacuteliorations suggeacutereacutees par les reacutepondants Au plan positif lrsquoaudit social permet de mesurer une situation den tirer de enseignements pour le futur Les conseacutequences concregravetes de laudit en termes drsquoaction parfois le manque deffet preacuteoccupent les reacutepondants La caracteacuteristique majeure eacutevoqueacutee est lrsquoexistence drsquoun double volet les observations et les preacuteconisations Selon les entreprises la pratique est variable et tous les champs ne sont pas couverts Certains pourraient ecirctre eacutemergents comme le champ des relations sociales lorganisation du travail etc Laudit social est un domaine large qui porte sur toutes les dimensions de lentreprise certains reacutepondants insistent sur le caractegravere externe de sa porteacutee et que lon ne peut pas le dissocier de laudit de RSE Pourtant la preacutesence du mot social dans le sigle RSE ne garantit pas que lrsquoauditeur social soit le mieux placeacute pour assumer les missions de RSE Afin de clarifier les eacuteleacutements spontaneacutes permettant de deacutecrire lrsquoimage qursquoont les reacutepondants de lrsquoaudit social nous repreacutesentons cette image en opeacuterant une mise en perspective tout drsquoabord en distinguant les thegravemes de lrsquoaudit du processus mecircme de lrsquoaudit Puis pour ces deux aspects de lrsquoaudit nous deacuteclinerons lrsquoimage et ses conseacutequences lrsquoutiliteacute et les aspects lieacutes agrave lrsquoorganisation mecircme de lrsquoentreprise

3

Contenu de lrsquoaudit Forme de lrsquoaudit Image de lrsquoaudit

Associeacutee neacutegativement agrave la reacuteduction deffectif

Proceacutedure lourde formelle

Conseacutequences Un terme qui pose problegraveme auditeur vs expert

Vision eacutetroite trop lieacutee agrave la qualiteacute agrave la conformiteacute pas assez creacuteative

Utiliteacute Fusions acquisitions outil danalyse des risques et coucirct social Prospective audit des reacutemuneacuterations axes dameacutelioration Utile si situation deacutegradeacutee

Point positif regard exteacuterieur rigueur de lanalyse et aspects concrets RH Progregraves srsquoorienter vers lrsquoameacutelioration des outils RH

Organisation intra entreprise

Pratique agrave ameacuteliorer trop de missions fragmenteacutees besoin de coheacuterence

Adapteacute culturellement aux entreprises agrave systegraveme organisationnel formaliseacute

Tableau 1 lrsquoimage de lrsquoaudit social

32 Contenu de lrsquoaudit

La premiegravere impression qui apparaicirct pour illustrer lrsquoimage de lrsquoaudit est actuellement plutocirct contrasteacutee En effet drsquoune part on trouve lassociation agrave lideacutee de productiviteacute de gain de frais de structure et donc de reacuteduction deffectifs Drsquoautre part si agrave linteacuterieur de lrsquoentreprise pour les fonctions ressources humaines cet aspect peut ecirctre positif en revanche il nen est pas de mecircme agrave lexteacuterieur et les reacutepondants sont conscients que le terme met les gens sur la deacutefensive Laudit est commandeacute avant un plan social et donc risque decirctre annonciateur de reacuteduction deffectifs La conseacutequence de cette image neacutegative est la difficulteacute agrave utiliser le terme drsquoaudit social agrave lrsquointeacuterieur de lrsquoentreprise il existe un problegraveme de terminologie de laudit social Par exemple le terme audit social nest jamais utiliseacute dans lentreprise dun reacutepondant On parle deacutetudes denquecirctes Le deacutefaut drsquoimage est relateacute par le fait que les eacutequipes RH ont beaucoup trop travailleacute en interne dans lombre sans faire eacutetat de leur pratique On n a pas assez mesureacute et deacutemontreacute dans la fonction RH Une eacutevaluation neacutegative peut aussi tenir agrave une expeacuterience malheureuse Un audit qui na pas apporteacute des effets concrets freine historiquement toute volonteacute en ce sens Il semble que le terme daudit pose problegraveme pour certains reacutepondants qui preacutefegraverent lui substituer dautres vocables laquo expert en reacutemuneacuterations expert exteacuterieurhellip raquo Certains mecircme preacuteconisent de remplacer ce terme par celui daudit des ressources humaines terme adopteacute par Jacques Igalens (2000) Les fusions acquisitions les projets dachat sont associeacutes agrave lideacutee daudit qui apparaicirct comme un outil danalyse permettant deacutevaluer le prix de lentreprise racheteacutee le coucirct social et les risques associeacutes Des theacutematiques tregraves cibleacutees constituent une prospective qui se deacutecline par exemple au travers de laudit des reacutemuneacuterations lrsquoaudit des formations Laudit apparaicirct utile lorsquune situation dentreprise se deacutegrade quand cela ne va pas lorsquil est question de plan social de reacuteduction deffectifs Il y a lideacutee que si les choses marchent bien ce nest pas la peine de faire un audit Par exemple un reacutepondant remarque que tant que le niveau de candidatures spontaneacutees est excellent dans son entreprise et que dans un avenir preacutevisible

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limage nest pas un handicap pour le recrutement alors il est inutile de recourir agrave laudit Pourtant agrave un carrefour de notions diffeacuterentes agrave lrsquoarticulation de la GRH et de la RSE lrsquoaudit apparaicirct aussi comme un vecteur drsquooptimisation de la politique RH Parce que laudit est parfois assimileacute agrave une mission qui nest pas accomplie comme il le faudrait il neacutecessite des progregraves agrave faire Des missions daudit fragmenteacutees par exemple gagneraient agrave ecirctre inteacutegreacutees dans un processus plus large lui donnant plus de coheacuterence Il existe une aspiration complexe agrave des audits cibleacutes mais aussi agenceacutes dans un processus inteacutegratif

33 Forme de lrsquoaudit Limage du processus drsquoaudit eacutevoque la lourdeur des proceacutedures eacutenormeacutement de documents sont agrave fournir et les eacutetudes sont pointues Cette lourdeur de la forme a un retentissement contrasteacute par des aspects agrave la fois neacutegatifs et positifs - Le cocircteacute neacutegatif de laudit provient geacuteneacuteralement de lassociation agrave lideacutee de problegraveme de crises et de controcircle Laudit de conformiteacute et laccent mis sur la qualiteacute ont contribueacute agrave donner une image eacutetroite de laudit Spontaneacutement certains lassocient agrave des moments de tension et du controcircle politique Le mot audit fait eacutegalement peur et est associeacute agrave des obligations et agrave des mesures de controcircle suite agrave laffaire ENRON on passe notre temps agrave deacutecrire des process eacutecrire controcircler auditer en interne nous avons un certain ras le bol de laudit ce nest pas veacuteritablement RH en effet la RH cest plutocirct creacuteatif alors que laudit est davantage orienteacute vers le controcircle Un autre point neacutegatif concerne les proceacutedures anonymes denquecircte de climat social celles-ci peuvent servir trop souvent de deacutefoulement aux salarieacutes mais apporter peu deacuteleacutements concrets pour laction On leur preacutefegravere alors des meacutethodes se rapprochant des reacuteunions drsquoexpression des salarieacutes dont le mateacuteriau riche sera traiteacute de faccedilon analytique - Les aspects positifs sont lieacutes au regard exteacuterieur (mise en perspective business ) agrave la rigueur de lanalyse et aux aspects concrets RH Nous avons eu une deacutemarche plus concregravete agrave lusine du Teil en Ardegraveche une usine socialement dure Le climat social eacutetait deacutetestable et on ne comprenait rien on a donc missionneacute des consultants pour faire un eacutetat des lieux tregraves cibleacute sur la maicirctrise et lencadrement nous souhaitions savoir ce que pensait la maicirctrise des cadres et inversement Leffet de miroir croiseacute eacutetait tregraves inteacuteressant et reacuteveacutelateur la restitution compliqueacutee agrave organiser car il fallait meacutenager les susceptibiliteacutes cela nous a conduit agrave construire un chantier de revalorisation de la maicirctrise Les choses ont changeacute Cest donc un aspect plus qualitatif et complexe qui est ici appreacutecieacute La maicirctrise dun processus de compreacutehension et de restitution ancreacute dans limplication de salarieacutes responsables qui srsquoinscrit dans un climat de transparence Limpression geacuteneacuterale qui se deacutegage est que laudit devrait ecirctre davantage associeacute agrave une image de progregraves Lorsque lrsquoentreprise deacuteveloppe une structure organisationnelle de type organique il existe des reacuteticences agrave adopter des proceacutedures tregraves formaliseacutees propres agrave laudit En effet introduire de la rigueur meacutecaniste dans un modegravele organique est deacutelicat La structure eacutetroitement lieacutee agrave la culture organisationnelle peut jouer un rocircle et amener les membres de lrsquoorganisation agrave choisir des systegravemes simples efficaces peu formaliseacutes avec le minimum dindicateurs significatifs Dans le cas suivant laudit se heurte agrave la dimension culturelle

ISO 9001 eacutetait pour nous tregraves anti-culturel Ils font des audits mais ils ont du mal dans les Directions surtout techniques Ils ont formeacute des auditeurs dans les diffeacuterentes Directions (12 agrave la DRH) et ceux-ci auditent dans leur speacutecialiteacute mais dans des eacutetablissements diffeacuterents du leur

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34 Rocircle de lrsquoaudit social Un grand nombre de repreacutesentations ont eacuteteacute reacuteveacuteleacutes par les reacutepondants pour deacutecrire une conception vaste et contrasteacutee de laudit agrave travers les rocircles effectifs et attendus en effet se sont exprimeacutes agrave la fois des reacutepondants qui ont une pratique de lrsquoaudit social et ceux qui nrsquoen ont pas mais ont des attentes par rapport agrave lrsquoaudit social et seraient susceptibles drsquoy avoir recours dans lrsquoavenir Laudit social est lieacute agrave la notion deacutetalon dindicateur Il permet de comparer une reacutealiteacute agrave des normes deacutefinies par lentreprise drsquoeacutetablir une analyse de lrsquoexistant par rapport aux regravegles standards que lon sest fixeacutees Lrsquointeacuterecirct fondamental de lrsquoaudit tient dans le souci de limage de lentreprise qui ambitionne de satisfaire les ideacuteaux du moment ecirctre un employeur de reacutefeacuterence proteacutegeant ses salarieacutes assurer la promotion des femmes dans les postes de management respecter les regravegles de la diversiteacutehellip Il permet de disposer dun diagnostic de lorganisation par une mesure dune situation agrave un instant t Il traduit la volonteacute dy voir clair de savoir preacutealablement ougrave lon est Nous retenons que le rocircle de laudit social au-delagrave de lrsquoacception traditionnelle du controcircle des bonnes pratiques du respect de la leacutegislation sociale du droit du travail de la seacutecuriteacute sociale consiste agrave reacutepondre agrave deux exigences internes portant sur lrsquoobservation et les preacuteconisations Limage de laudit est meilleure quand la partie sensible que constituent les preacuteconisations donne satisfaction ce qui nest pas facile sans doute parce que la matiegravere est neuve se cherche et nrsquoest pas encore en mesure de proposer un fonctionnement normeacute

35 Observation Laudit social eacutevoque lrsquoobservation et donc la compreacutehension dun problegraveme qui se pose agrave lentreprise les meacutethodes mises en oeuvre le diagnostic et la recherche de preacuteconisations qui vont aider agrave la deacutecision Le diagnostic a pour finaliteacute de rendre compte dune vision juste des attentes des collaborateurs non pas par simple exposeacute de citations mais par une analyse la plus souvent qualitative baseacutee sur la distanciation et une vraie reacuteflexion Il ne sagit pas simplement de mesurer quantitativement lopinion du personnel sur certains points (compeacutetences reacutemuneacuterations management) mais veacuteritablement de proposer des preacuteconisations La mesure le diagnostic ne sont que des outils au service de cet espace propositionnel qui touche aux relations sociales agrave lorganisation du travail agrave limplication de faccedilon beaucoup plus geacuteneacuterale Lrsquoobservation regroupe donc agrave la fois des orientations concregravetes comme lrsquoaudit de conformiteacute et le volet GRH mais aussi des repreacutesentations agrave propos de lrsquoobservation bilan et controcircle Parmi les points forts citeacutes en matiegravere daudit social se trouve laudit de conformiteacute qui a fait ses preuves dans le domaine des reacutemuneacuterations systegravemes de preacutevoyance Cette forme daudit est assimilable dune part agrave un controcircle de gestion sociale chiffreacutee et dautre part agrave un plan de veacuterification des regravegles sociales et fiscales applicables agrave la gestion du personnel Il semble que laudit de conformiteacute ne soit plus autant de mise et que laccent se fasse sur dautres formes en particulier les eacutetudes dopinion interne Laudit social constitue une photographie de la RH dans lentreprise une analyse agrave un instant t de lexistant sur les diffeacuterents volets de la fonction RH Cest eacutegalement le moyen de savoir comment une entreprise pratique la GRH agrave moyen et long terme Cela inclut notamment lavis des clients de la fonction ce quils appreacutecient ou pas dans la politique RH les effets

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produits par une politique Cela inclut les enquecirctes dopinion car le climat social fait partie des preacuteoccupations fortes des DRH Laudit social aide agrave avoir une vision globale des RH tout en pouvant deacutetailler des points particuliers et mettre en place des proceacutedures dapporter des informations sur lentreprise sur son climat et les risques sociaux Sur la faccedilon drsquoexercer lrsquoaudit social la dimension nette de communication se manifeste par le besoin de faire partager des eacuteleacutements de constats faire srsquoexprimer le management et les dirigeants sur leurs attentes RH (directeur commercial directeur de la communication directeur financier hellip) et sur les chiffres cleacutes Cette communication va mecircme plus loin puisque lrsquoun des rocircles citeacutes est le renouvellement du dialogue social avec les syndicats au moyen de lrsquoaudit social Nous remarquons que les sujets lieacutes au climat social et relations sociales sont les plus eacutevoqueacutes spontaneacutement Les audits opeacuterationnels effectueacutes agrave la demande du DRH peuvent porter pecircle-mecircle sur une tregraves grande varieacuteteacute de sujets en particulier si on inclut le domaine de la RSE leacutevaluation des postes le respect des budgets daugmentation la pratique des entretiens annuels les deacutepenses de formation les retraites (engagements financement corporate governance) le respect par les sous-traitants de la leacutegislation sociale la formation le deacuteveloppement des compeacutetences linteacuteressement ou le partage des profits les garanties de passif social les retraites le bien-ecirctre de lemployeacute lassistance agrave sa famille agrave ses parents lassurance la preacutevoyance la protection lenvironnement les deacuteplacements le terrorisme la retraite la maladie le knowledge management lemployabiliteacute Les mesures dopinion du personnel traditionnellement employeacutees peuvent porter sur des points preacutecis tels que les compeacutetences la reacutemuneacuteration le management mais nimpliquent pas de changement et daction Une fois transmises aux Directeurs de site elles peuvent rester lettre morte et donner limage dune opeacuteration tregraves coucircteuse et pauvre en effets concrets Si elles ne sont pas assorties de preacuteconisations les DRH ne les considegraverent pas comme relevant veacuteritablement de laudit social Certains DRH vont mecircme jusqursquoagrave remettre en cause les meacutethodologies quantitatives lorsqursquoelles sont mise en œuvre de faccedilon trop anonymes car elle ne permettent pas drsquoecirctre reacuteveacutelatrice du climat social profond de lentreprise Pour autant peut-on consideacuterer que parce qursquoil srsquoagit drsquoune mesure quantitative ces enquecirctes doivent ecirctre inteacutegrables dans le champ de lrsquoaudit social Cette confusion par rapport aux deacutefinitions faites par les speacutecialistes de lrsquoaudit illustre bien le caractegravere tregraves extensif de la notion drsquoaudit social aupregraves des reacutepondants Sans doute une part des deacuteceptions exprimeacutees tient dans le manque de qualiteacute de certaines interventions ce qui tend agrave poser la question de la professionnalisation de la fonction Drsquoune certaine maniegravere les efforts initieacutes par le Centre de Certification Internationale des Auditeurs Speacutecialiseacutes (CCIAS) illustrent cette neacutecessiteacute de recourir agrave la certification des auditeurs pour clarifier lrsquoimage de lrsquoaudit social Les reacutepondants font eacutetat eacutegalement de thegravemes prospectifs Dautres sujets comme les relations sociales lorganisation du travail pourraient ecirctre couverts dans lrsquoavenir Le choix des thegravemes deacutepend de la sensibiliteacute des dirigeants drsquoentreprise de leur aversion agrave certains sujets telle entreprise sera reacuteticente pour couvrir le thegraveme du management telle autre eacutevitera les relations sociales Laudit social sert comme appui agrave la direction geacuteneacuterale pour couvrir les zones de risque social et les corriger en particulier dans le cadre dun rachat dentreprise on cherche alors agrave faire le point sur leffectif la cartographie des effectifs et les accords appliqueacutes agrave deacuteterminer la responsabiliteacute le risque juridique et financier agrave eacutevaluer la preacutesence syndicale le risque de gregraveve le risque tenant au climat social les modes de management les formations les contentieux existants les proceacutedures existantes au moment de lembauche au cours de la vie du contrat et de la fin du contrat etc

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Lrsquoeacutevaluation manageacuteriale nrsquoest pas que le fait de lrsquoeacutevaluation du risque social Il sagit aussi deacutevaluer la culture les modes de management les rocircles les aspirations la perception de lorganisation des projets de la direction Ceci a pour but de clarifier les contextes de mettre en lumiegravere des probleacutematiques sociales et manageacuteriales Pour autant si lrsquointention correspond agrave un besoin leacutegitime ce sujet est particuliegraverement sensible Par exemple un reacutepondant rapporte sa deacuteception agrave propos dun audit commandeacute par son Directeur Geacuteneacuteral avant un plan social et dont les reacutesultats empreints de preacutecaution rendant le discours hypocrite neacutetaient pas reacuteveacutelateurs de la situation manageacuteriale Le DRH dans ce cas eacutevoque son malaise dougrave une forme de discreacutedit Lheacutesitation agrave mettre en cause certaines deacuteficiences manageacuteriales peuvent ecirctre preacutejudiciables agrave limage de laudit social et ne doit pas faire oublier que dans cet exercice une part de la reacuteussite tient non seulement au tiers intervenant en tant qursquoauditeur mais aussi agrave la transparence de lrsquoentreprise beacuteneacuteficiaire

36 Preacuteconisation La preacutesence des preacuteconisations est le second volet et non le moindre puisqursquoil permet de sassurer que lon traite vraiment dun audit social selon les reacutepondants Parmi lrsquoensemble des reacutepondants seuls les DRH ont insisteacute sur cette dimension du rocircle de lrsquoaudit social Les preacuteconisations sont des conseils pertinents aux opeacuterationnels visant agrave mettre en place des proceacutedures des propositions dun plan daction en vue dune ameacutelioration ces preacuteconisations vont parfois agrave lencontre des habitudes et des tabous de lentreprise Les DRH critiquent les preacuteconisations triviales comme par exemple celles relatives agrave la neacutecessiteacute de limplication de la DG la communication et divers eacutecueils Les DRH critiquent les preacuteconisations triviales du type il faut que la DG simplique ou les services devraient mieux communiquer Egalement ils rejettent les propositions qui appellent systeacutematiquement agrave des moyens suppleacutementaires ou reacutepercutent ce type davis des auditeacutes Un eacutecueil classique est que devant un problegraveme poseacute lauditeur en suscitent quatre nouveaux alors que le DRH attend de lui des propositions de solutions opeacuterationnelles Lattente en matiegravere de preacuteconisations est fondamentale et marque la diffeacuterence avec la phase dobservation Les DRH rappellent que les speacutecialistes doivent proposer des options mecircme imparfaites On nattend pas deux quune photo de nos problegravemes Lrsquoexemple suivant eacuteclaire la maniegravere dont laudit recouvre agrave la fois observation et preacuteconisations

On ne comprenait pas pourquoi les agents de maicirctrise eacutetaient avec les ouvriers et syndicaliseacutes cela nous paraissaient une aberration ce choix de lautre camp La reacuteponse tenait dans la mobiliteacute entre les deux cateacutegories les agents de maicirctrise eacutetaient immuables agrave la diffeacuterence des cadres Nous avons donc au cours de cet audit eu agrave la fois un diagnostic et des preacuteconisations qui ont deacuteboucheacute sur la mise en place dune formule complegravete de tutorat preacutevoyant jusquagrave payer les tuteurs et les former

Apregraves la phase dobservation vient la phase dexposeacute et donc de deacutecouverte des reacutesultats du diagnostic agrave linstant t Le constat aide agrave deacuteterminer un plan daction des projets qui sous-tendront une activiteacute RH agrave lavenir Un DRH eacutevoque les bienfaits de la prise de conscience

laquo La difficulteacute du groupe et de ma fonction qui est une feacutedeacuteration de PME avec des politiques et regravegles communes le ciment de notre collectiviteacute est que lon confie la direction opeacuterationnelle agrave des hommes diffeacuterents avec un degreacute de pratique plus ou moins eacuteleveacute Le comportement dun patron malgreacute les meilleures regravegles du monde ne peut empecirccher quune situation se deacuteteacuteriore agrave cause de certaines habitudes une vision eacutetriqueacutee de petit

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chef peut revenir Laudit permet de porter le diagnostic et de faire prendre conscience agrave un patron de sa pratique inapproprieacutee raquo

Cette prise de conscience concerne eacutegalement le DG agrave qui le DRH peut alors plus facilement faire passer des messages prenant sens et validiteacute parce quil sappuie sur des faits peu reacutefutables plus objectifs gracircce agrave lrsquoapproche rigoureuse et exteacuterieure de lrsquoaudit Cette prise de conscience permet au DRH de laquo seacutecuriser raquo son DG La phase dobservation englobe la phase de restitution et dexposeacute Celle-ci a pour but de clarifier les contextes daider agrave la prise de conscience agrave la compreacutehension des situations

4 Auditeurs Les entretiens ont permis de distinguer plusieurs types drsquoacteurs de lrsquoaudit Leurs origines et champs drsquoaction diffeacuterents deacutenotent le manque drsquohomogeacuteneacuteiteacute drsquoune profession en voie de structuration et de deacuteveloppement Le fait marquant est la distinction entre auditeurs internes et auditeurs externes Historiquement lrsquoauditeur interne occupe une place plus stable Le choix de recourir agrave un auditeur externe se justifie par le besoin dun regard exteacuterieur dune approche du problegraveme agrave traiter par des interlocuteurs autres que directement rattacheacutes agrave la DRH Cette explication a eacuteteacute mise en avant avec plus de force que la neacutecessiteacute dimpartialiteacute propre aux auditeurs

41 Audit interne Laudit social entretient des liens avec laudit interne et plus particuliegraverement laudit de qualiteacute Les auditeurs de la qualiteacute ont cependant contribueacute agrave donner une image de laudit perccedilue comme une contrainte alors quelle devrait ecirctre une occasion de progregraves Ils ont communiqueacute et centreacute leurs preacuteoccupations sur les outils la maniegravere de proceacuteder sans faire comprendre le pourquoi Cette forme daudit est associeacutee agrave la conformiteacute Finalement les DRH doivent apprendre agrave tirer parti de cette expertise qui ne peut se substituer totalement agrave laudit social mais peut constituer une phase utile agrave inteacutegrer agrave laudit social Il existe une sorte dintersection entre ces formes daudit et eacutegalement une impreacutecision quant agrave la deacutefinition des domaines des deux fonctions Le fait que laudit de qualiteacute soit externe agrave la fonction RH peut constituer un atout daide agrave la reacuteflexion

laquo A la CNCE 10 de nos effectifs sont des auditeurs (audit risques et reacuteglementation) aucun nrsquoa le profil drsquoun auditeur social ils sont orienteacutes ratios respect de la loi eacuteventuellement repreacutesentants du personnel mais il faut colorer lrsquoanalyse et lrsquoenrichir laquo social raquo pour faire de lrsquoaudit social raquo

Certaines entreprises ont recours de preacutefeacuterence agrave des auditeurs internes et non pas externes Les entreprises eacutevoquent des rocircles tregraves diffeacuterents qui consistent agrave venir en appui agrave la direction geacuteneacuterale ou agrave se cantonner agrave ladministration du personnel Dans ce cas les entreprises forment leurs auditeurs dans les diffeacuterentes Directions et ceux-ci auditent toujours dans leur speacutecialiteacute mais dans des eacutetablissements diffeacuterents du leur La question se pose de savoir si lrsquoauditeur doit ecirctre un expert du systegraveme ou du problegraveme auditeacute ou un expert de laudit Certains DRH penchent plutocirct pour lexpertise de laudit lrsquoauditeur ayant des qualiteacutes personnelles fortes eacutecoute curiositeacute capaciteacute de communication qui priment sur lexpertise Cest comme un manager qui ne doit pas neacutecessairement ecirctre le meilleur expert dans le domaine technique de sa responsabiliteacute Les auditeurs internes sont remarquablement impliqueacutes du fait de leur connaissance de lentreprise et des systegravemes dinformation (Dilley 1975) Ce vivier drsquoauditeurs geacuteneacuteralistes qui peuvent faire des audits RH est provisoire lrsquoaudit interne peut constituer une eacutetape initiatique de carriegravere laquo On les fait passer par lrsquoaudit

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pour leur faire connaicirctre lrsquoentreprise ses regravegles avant de leur confier des fonctions opeacuterationnelles raquo Les auditeurs internes auditent tantocirct le domaine RH tantocirct drsquoautres domaines Cette pluraliteacute des interventions assorti drsquoun tregraves bon esprit de collaboration peut inciter agrave une pratique plus forte de benchmarking Cependant des limites sont rapporteacutees eacutegalement

Les auditeurs internes ont travailleacute sur la mise en place de normes suite aux nouvelles leacutegislations puis ont travailleacute avec nous sur la mesure de lensemble Approche inteacuteressante mais limite du process sur lesprit dentreprise On rentre vite dans une recherche de responsabiliteacutes et une seacuteparation des taches qui structurent la fonction mais nuisent agrave la reacuteactiviteacute dans les diffeacuterents domaines de la fonction

Peut-on deacutemarquer lrsquoauditeur social des autres auditeurs La reacuteponse varie selon les reacutepondants La nuance peut tenir dans le fait que lauditeur social dans lentreprise doit comprendre toutes les relations entre lentreprise et ses employeacutes ce qui les unit Il a une connaissance du social du domaine RH au plan quantitatif et qualitatif La nature de son reacutefeacuterentiel est diffeacuterente des autres lauditeur social tente de formaliser ou deacutetablir un reacutefeacuterentiel propre agrave lentreprise qui tient compte des bonnes pratiques du mecircme secteur car il nest pas dans une matiegravere normeacutee comme dans les mondes comptables et gestionnaires classiques Ceci le pousse agrave ecirctre plus agrave leacutecoute de lexterne moins inscrit dans une regravegle Il peut exister une certaine rivaliteacute entre audit qualiteacute et audit social Il nest pas investi de regravegles comptables ou de proceacutedures ses regravegles sont plus larges il fait preuve de peacutedagogie et doit alerter

42 Auditeurs speacutecialiseacutes Lorsque lentreprise fait appel agrave un auditeur social le DRH peut faire appel agrave un cabinet speacutecialiseacute - quil connaicirct bien les liens eacutetroits poussent assez naturellement le DRH agrave faire appel agrave un cabinet connu de lui et reacuteciproquement car le consultant doit connaicirctre lentreprise et ses subtiliteacutes culturelles son particularisme afin de mieux cibler les interlocuteurs - en fonction de la compeacutetence de lintervenant sur le champ agrave explorer et selon la situation pour un problegraveme de responsabiliteacute peacutenale un avocat pour une garantie de passif un actuaire pour un problegraveme de management un universitaire - en confiant le choix agrave un service des achats qui gegravere les marcheacutes - en fonction de sa notorieacuteteacute internationale car laudit peut ne pas se limiter seulement agrave la France il existe une grande prudence vis-agrave-vis des notateurs autoproclameacutes Si les formules de recours sont varieacutes en revanche il ny a pas dautomatisme les DRH peuvent ecirctre localement plus ou moins libres de leur choix

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5 Mise en œuvre

51 Recours agrave lrsquoaudit Le recours agrave laudit se produit souvent par un eacuteveacutenement deacuteclencheur qui peut ecirctre par exemple pecircle-mecircle un besoin de changer une obligation normative (norme ISO ) un changement de dirigeant la mise en place dun nouveau management une fusion un rachat ou restructuration un plan social agrave venir un malaise dans le climat social des dysfonctionnements la preacutevention des conflits le souci de lrsquoameacutelioration de limage la mise en œuvre de chantier ou de politique sociale On deacutetecte une certaine frilositeacute et de nombreuses eacutevocations relatives agrave la reacuteticence au recours agrave laudit social sans doute dues aux obstacles politiques eacutevoqueacutes par Frederick amp Myers (1974) les cadres heacutesitants agrave approuver et agrave participer agrave laudit Alors que les eacutequipes RH nrsquoont pas assez mis en valeur leur contribution agrave la performance laudit social apparaicirct actuellement assez sous-estimeacutee par la fonction RH Le rocircle du DG permet la mobilisation neacutecessaire des personnes auditeacutees Le comportement du Preacutesident est essentiel Un DRH remarque la diffeacuterence lors du changement de Preacutesidence laquo Le preacuteceacutedent ne se faisait pas rendre des comptes sur le social Le nouveau se fait remettre tous les mois un tableau de bord avec par exemple le dentretiens professionnel reacutealiseacutes et les chiffres sont commenteacutes en Comiteacute de Direction Cela exerce une pression sur les Directeurs et le recours agrave laudit pour savoir sils sont faits nest plus neacutecessaire Cela peut deacuteclencher des eacutetudes speacutecifiques notamment reacutecemment un sondage interne aupregraves des agents de maicirctrise sur leur reacutemuneacuteration raquo La mise en oeuvre de laudit peut recouvrir des speacutecificiteacutes et difficulteacutes lorsquil est associeacute par tout le monde agrave une image neacutegative en particulier comme nous venons de le voir les risques de reacuteduction deffectifs En effet limage neacutegative ne facilite pas la mise en oeuvre parce que les gens sont sur la deacutefensive et nrsquoaccueillent pas lrsquoauditeur de faccedilon confiante

52 Rocircle du DRH Le DRH joue une place centrale dans laudit car cest lui qui doit valider le choix de lauditeur et piloter laudit social Il est donneur dordre ou partie prenante il a inteacuterecirct agrave ecirctre moteur dans un domaine qui renforce le professionnalisme de sa fonction en effet la fonction RH peut ecirctre renforceacutee si elle montre que ce qui est programmeacute a eacuteteacute efficacement mis en œuvre Le DRH participe agrave la deacutefinition du programme de laudit et met agrave la disposition des auditeurs lexpertise neacutecessaire pour mener agrave bien la mission Il est selon les cas le deacutecideur ou la victime de lrsquoaudit Lrsquoauditeacute peut ecirctre sur la sellette selon les deacutefaillances constateacutees Si le DRH et la Direction geacuteneacuterale jouent un rocircle deacuteterminant il semble que les organisations syndicales dans le cadre de neacutegociation pourraient aussi jouer un rocircle Le niveau de recours agrave lrsquoaudit social est un indicateur de la puissance de la fonction ressources humaines dans une entreprise En effet un DRH remarque que lorsque lrsquoaudit social pecircche par absence alors que laudit est utiliseacute reacuteguliegraverement dans les autres domaines (eacuteconomie qualiteacute processus ) drsquoune entreprise la conseacutequence est de deacutevaloriser la fonction RH et de diminuer ses effectifs

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53 Meacutethodologie Les remarques faites agrave propos de la meacutethodologie permettent de signaler que les deacutemarches ont tendance agrave ecirctre tregraves structureacutees tregraves preacutecises Par exemple une enquecircte meneacutee sur labsenteacuteisme comportera deux eacutetapes lune sous forme quantitative lautre plus qualitative La deacutemarche est eacutegalement adapteacutee au contexte et agrave la probleacutematique de laudit et les auditeurs formalisent ou eacutetablissent un reacutefeacuterentiel propre agrave la situation La meacutethodologie apparaicirct deacuteterminante pour certains reacutepondants qui notent la preacuteeacuteminence de cette compeacutetence par rapport agrave la connaissance du systegraveme auditeacute mecircme si la meacutethodologie ne constitue quun outil Il a eacuteteacute fait eacutetat de certaines critiques par rapport au manque de fiabiliteacute des meacutethodes quantitatives

54 Compeacutetences Les qualiteacutes attendues chez un auditeur social sont agrave la fois techniques et surtout humaines on attend de la rigueur combineacutee agrave de la subtiliteacute comme un manager qui ne doit pas neacutecessairement ecirctre le meilleur expert dans le domaine technique de sa responsabiliteacute et des compeacutetences pluridisciplinaires Nous avons recenseacute une grande varieacuteteacute des diffeacuterentes qualiteacutes et compeacutetences attendues chez un auditeur social tout dabord des connaissances geacuteneacuterales de gestion les connaissances de lentreprise des connaissances en ressources humaines des connaissances techniques du domaine auditeacute Il serait inteacuteressant de rapprocher ces attentes par rapport au reacutefeacuterentiel eacutetabli par le CCIAS La connaissance des RH apparaicirct utile afin de pouvoir eacutelaborer un plan daction et dameacutelioration mais elle ne doit pas ecirctre bloquante dans lrsquoinvestigation Il srsquoagit donc drsquoavoir affaire agrave des experts eacuteclaireacutes sur le plan meacutethodologique pour se garder des biais que repreacutesentent un deacutefaut de prise de conscience de ses preacutesupposeacutes un manque de distance par rapport agrave ses habitudes risquant de conduire agrave un plaquage de solution toute faite alors que la reacuteflexion doit ecirctre beaucoup plus creacuteatrice et mobilise des ressources agrave transfeacuterer bien plus en amont Connaissance geacuteneacuterale gestion Connaissance de la creacuteation de valeur du modegravele eacuteconomique de la strateacutegie et de la performance type eacutecole de commerce avec une bonne compreacutehension du compte de reacutesultat connaissance du fonctionnement des entreprises et de leur probleacutematique sociale connaissance organisationnelle compeacutetence sociale politique sociale sociologie des organisations

Connaissance de lentreprise Connaissance du meacutetier de lentreprise son secteur dactiviteacute connaicirctre le fonctionnement de lentreprise (rentabiliteacute fonction et rocircle de chacun) expeacuteriences de diffeacuterentes entreprises

Connaissances RH Quelques connaissances RH sans trop drsquoexpertise

Connaissances techniques domaine daudit Connaissance technique du domaine auditeacute

Tableau 2 Les connaissances recenseacutees

En ce qui concerne le domaine des qualiteacutes les reacutepondants ont manifesteacute des pistes tregraves prolifiques que nous avons regroupeacutes autour de 6 grandes lignes eacutecoute analyse jugement appreacutehension de la complexiteacute preacuteconisations et communication

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Ecoute Capaciteacute deacutecoute pas comme un theacuterapeute eacutecouter ce quil faut piloter eacutecoute dirigeacutee savoir mettre les gens agrave laise confiance compreacutehension ouverture comprendre vite avoir le charisme neacutecessaire pour que les personnes se livrent se confient Les femmes sont plus doueacutees que les hommes elles parviennent mieux agrave faire parler les gens a priori disponibiliteacute

Jugement Capaciteacute de jugement fiabiliteacute ni langue de bois ni contresens exigeant rigoureux qui ne me serve pas ce que je veux ni me faire prendre des vessies pour des lanternes adopte une eacutethique dauditeur pas un effet miroir absence dapproche ideacuteologique sur le sujet traiteacute neutre discreacutetion indeacutependance On est dans linvestigation il ne faut pas avoir des ideacutees preacuteconccedilues pas de scheacutema ideacutealiste lauditeur deacutevide leacutecheveau objectiviteacute

Analyse Capaciteacute danalyse connaicirct les instruments de mesure la quantification une deacutemarche analytique stricte rigueur curiositeacute (pour ne pas sinteacuteresser quagrave la superficie des choses voir plus loin Il faut quil sache regarder y compris ce quon ne lui montre pas) ne se reacutefugie pas derriegravere les outils capaciteacute danalyse qualitative finesse danalyse preacutecision

Subtiliteacute Capaciteacute agrave geacuterer la complexiteacute ecirctre subtil devient essentielle intelligence des situations capaciteacute de synthegravese clarteacute maturiteacute ou expeacuterience aveacutereacutee

Preacuteconisations et creacuteativiteacute Capaciteacute de participation agrave leacutelaboration des normes de preacuteconisations utiles intelligence du contexte dans la formulation des recommandations sens pratique Les preacuteconisations sappuient sur une bonne compreacutehension des systegravemes lesprit de synthegravese permettant de rendre les choses compreacutehensibles sur la hieacuterarchisation des thegravemes de travail la proposition dindicateurs et de tableaux de suivi

Communication La communication peut signifier savoir dire les choses en les rendant intelligible savoir mettre lrsquoaccent sur la restitution en faisant preuve de peacutedagogie

Tableau 3 les qualiteacutes de lrsquoauditeur

Conclusion Lrsquoimage de lrsquoaudit social telle qursquoelle ressort agrave lrsquoissue de cette recherche qualitative est contrasteacutee dans le contenu et la forme sans doute lrsquoeacutechantillonnage tregraves varieacute explique en partie cette diversiteacute de deacuteclinaison qui reacutevegravele une description non standard de lrsquoaudit social Il semble que deux visions sous-jacentes srsquoaffrontent celle du passeacute et celle du souhaitable Lrsquoaudit social apparaicirct plutocirct comme un domaine contraignant entacheacute de certaines peurs ou de certaines faiblesses inheacuterentes aux conditions mecircme de sa reacutealisation (lrsquoaudit social doit ecirctre fait souvent vite et mal) Spontaneacutement lrsquoaudit tel qursquoil est dans les repreacutesentations apparaicirct dans son formalisme comme difficilement conciliable avec la matiegravere RH plus creacuteative plus vivante de mecircme avec les structures organisationnelles de moins en moins propices agrave la formalisation Des effets neacutegatifs peuvent brouiller lrsquoimage la plaquage de cadres theacuteoriques de reacutefeacuterentiels trop eacuteloigneacutes des situations particuliegraveres de lrsquoentreprise les

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proclamations de principes le manque drsquoadeacutequation aux attentes tregraves concregravetes des DRH la difficulteacute agrave proposer des preacuteconisations pertinentes mais eacutegalement les relais deacutefaillants agrave lrsquointeacuterieur de lrsquoentreprise tels que le manque de transparence dans la communication des reacutesultats daction et de deacutecision agrave lissue de laudit et deffets concrets De cette vision du passeacute plutocirct ressenti neacutegativement se deacutetache une vision du souhaitable En effet des pistes drsquoeacutevolution signaleacutees par les acteurs du terrain deacutemontrent lrsquoutiliteacute et lrsquointeacuterecirct potentiel de cette deacutemarche lorsqursquoelle est orienteacutee vers des meacutethodes reacuteellement deacutemonstratives son poids dans le deacuteveloppement de la fonction RH Il apparaicirct clairement que le chemin se fera dans la creacuteativiteacute en mobilisant par exemple des techniques qualitatives eacutegalement lrsquoaudit de climat social srsquoeacutecartera des enquecirctes de deacutefoulement anonyme pour privileacutegier lrsquoexpression veacuteritable des salarieacutes Lrsquoaudit social apparaicirct eacutegalement diffeacuterent et plus complexe que les autres audits car il neacutecessite une notion qualitative de leacutevaluation lemploi de meacutethodes originales et adapteacutees aux probleacutematiques sociales des compeacutetences agrave la fois larges et speacutecifiques de la part des auditeurs dont on attend qursquoils mettent en avant la contribution de laudit social agrave la performance Enfin les attentes en termes de compeacutetences des auditeurs posent le problegraveme de la professionnalisation de la fonction en particulier de la formation adapteacutee des auditeurs de la clarification des filiegraveres de formation ainsi que de leur certification Les eacuteleacutements concrets releveacutes agrave propos des perceptions du rocircle de la mise en œuvre sont reacuteveacutelateurs de la transformation de lrsquoaudit social en audit des ressources humaines BIBLIOGRAPHIE Aubert A (1997) laquo Des discours sur l rsquoaudithellip aux profils des auditeurs raquo IAS 28-29 aoucirct

Bauer RA Dan HF (1973) ldquoWhat is a Corporate Social Auditrdquo Harvard Business Review Vol51 Ndeg1 pp 37-48

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Igalens J (2000) Audit des Ressources Humaines Editions Liaisons

Strauss A Corbin J (1990) Basics of Qualitative Research Grounded Theory Procedures and Techniques Sage Publications Newbury Park

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APPORT DE LrsquoETHNOMETHODOLOGIE ET DES HISTOIRES DE VIE A LrsquoAUDIT DE LA CONNAISSANCE DES METIERS Zahir YANAT Maicirctre de Confeacuterences ndash Universiteacute Montesquieu Bordeaux IV Laboratoire de recherche Humanisme et Gestion Bordeaux Ecole de Management

Introduction Jai 30 ans de boite et je nai pas de meacutetier Nombreux sont ceux qui comme cette salarieacutee de Moulinex nont pas eacuteteacute preacutepareacutes agrave acqueacuterir une nouvelle compeacutetence et nen prennent conscience que lors de leur exclusion de lentreprise pour cause eacuteconomique Ce cri de deacutesespoir met en eacutevidence le veacutecu dune salarieacutee riveacutee agrave son poste Il souligne ce quil conviendrait dentendre lorsque lon parle de meacutetier Nous eacutevoquerons ici deux interpreacutetations de la notion de meacutetier celle du salarieacute et celle de lentreprise Le salarieacute en situation de travail aspire agrave une formation qui non seulement le maintiendrait agrave son poste mais aussi lui permettrait dacceacuteder agrave un poste diffeacuterent en cas de licenciement de reacuteduction deffectif de plan social de restructuration de fusion en fait en cas daccident de parcours On parle alors demployabiliteacute Lentreprise pour sa part dans la majoriteacute des cas aurait plutocirct tendance agrave opter pour une formation au poste craignant agrave juste titre que linvestissement formation ne se transforme en tonneau des danaiumldes craignant une situation qui verrait les employeacutes les mieux formeacutes quitter deux-mecircmes lentreprise pour aller vers la concurrence Ces approches divergentes tiennent agrave la difficulteacute de deacutefinition du concept de meacutetier Premiegravere hypothegravese Le meacutetier se deacutefinit t-il comme un ensemble dactiviteacutes techniques dans le contexte dune division scientifique du travail Devons nous deacutepasser cette conception fonctionnaliste qui a pourtant pour avantage de valoriser lordre et leacutequilibre au sein de lentreprise et qui permet didentifier les taches et les comportements observables Deuxiegraveme hypothegravese une conception qui consiste agrave deacutepasser la seule logique technique et qui integravegre les faces cacheacutees du meacutetier celles qui ne se donnent pas agrave voir La premiegravere conception nous permet de connaicirctre le meacutetier au travers notamment des opeacuterations dites de description de poste En permettant lapprofondissement de la connaissance de lactiviteacute ces opeacuterations de description de poste vont mettre en eacutevidence

- la nature et la complexiteacute des tacircches - les connaissances qui sy rattachent - les responsabiliteacutes qui en deacutecoulent - les conditions de travail qui les caracteacuterisent

Les informations recueillies vont servir agrave la direction des RH pour alimenter son programme deacutelaboration du plan geacuteneacuteral opeacuterationnel dans les domaines suivants

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- la deacutefinition des exigences propres agrave chaque poste se traduisant par un profil dexigences permettant de deacutefinir les programmes dembauche (qui embauche et pourquoi faire) et pouvant ecirctre confronteacutees avec un profil daptitudes en vue dune seacutelection ndash orientation approprieacutee

- La mise en place dun plan de formation afin de disposer dun personnel parfaitement en mesure dassurer son travail

- La simplification des taches et lameacutelioration des meacutethodes de travail en liaison avec les services dorganisation

Linteacuterecirct opeacuterationnel de cet outil de description de poste est incontestable (incontournable) pour connaicirctre les meacutetiers de lentreprise Le succegraves de cet outil est sans nul doute le reacutesultat de la croyance en la vertu de la rationaliteacute et de la productiviteacute et sinspire dune philosophie dessence taylorienne et fayolienne On devine deacutes lors les lacunes de cet outil il est construit sur une logique de poste versus logique de compeacutetence pour reprendre la terminologie de Philippe Zarifian (2004) Plus preacuteciseacutement il nidentifie que les faces visibles de lactiviteacute ne retient que ce qui est prescrit et ignore tout ce qui dans le comportement de lindividu ne relegraveve pas de la norme Ces lacunes nous conduisent agrave rechercher des meacutethodes qui valorisant lhomme tout lhomme permettrait non seulement de traquer le dit et le non dit lobservable et le non observable mais aussi de sinterroger sur le sens des eacutecarts entre ce qui est prescrit et la reacutealiteacute observable La deuxiegraveme conception nous amegravene agrave reconnaicirctre lhomme dans son meacutetier et pour son meacutetier Nous eacutevoquerons1 deux meacutethodes qui par leur dimension eacutepisteacutemologique permettent dacceacuteder agrave une reconnaissance exhaustive de lhomme de tout lhomme et par leur dimension opeacuterationnelle permettent dacceacuteder agrave une connaissance exhaustive de lactiviteacute dun individu dans une organisation

1 La dimension eacutepisteacutemologique des meacutethodes proposeacutees

11 Premiegravere meacutethode lrsquoethnomeacutethodologie Cest leacutetude des meacutethodes que Garfinkel (1984) appelle raisonnement sociologique pratiqueacute ethno suggeacuterant quun membre exteacuterieur dispose du savoir de sens commun de la socieacuteteacute en tant que servir de quoi que ce soit Selon le teacutemoignage de Coulon (1990) la meacutethodologie dans le terme ethnomeacutethodologie est consideacutereacutee comme un thegraveme deacutetude mais nest pas reacuteduite agrave un appareillage scientifique Il sagit bien au contraire de rechercher chez les opeacuterationnels leur logique de sens commun ce quils ont en eux-mecircmes incarneacute Si nous nous placcedilons dun point de vue eacutepisteacutemologique nous suivrons Karl Poppper car nous croyons quil y a au moins un problegraveme qui inteacuteresse tous les hommes qui pensent le problegraveme de comprendre le monde nous-mecircmes et notre connaissance en tant quelle fait partie du monde Selon cette deacutemarche pour comprendre le monde nous-mecircmes et autrui il faut ecirctre attentif au fait social total Cette attention porteacutee agrave nous-mecircmes et agrave tout ce qui nous entoure se reacutealise en labsence de connaissances agrave priori (Mucchielli 1991)

1 Ce papier de travail est le produit enrichi et mis agrave jour dune confeacuterence reacutealiseacutee le 17 mars 2005 agrave lIGR de Rennes lors du seacuteminaire meacutethodologique annuel de lIREIMAR (organiseacute par Philippe Demontrond)

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Lexemple citeacute par Harold Garfinkel est eacutedifiant A la suite dun travail dobservation sur les deacutelibeacuterations de jureacutes (1954) il est frappeacute par la capaciteacute de ces jureacutes non speacutecialistes du droit agrave mettre en œuvre une meacutethode deacutevaluation afin de juger de piegraveces explicationshellipeacutechangeacutees et preacutesenteacutees dans le cadre du procegraves Quatre jureacutes parviennent agrave travailler en puisant dans un stock de savoirs de pratiques eacutevaluatives qui relegravevent du sens commun Frappeacute par le rocircle deacuteterminant de ce sens commun que partagent les membres dun groupe Garfinkel dirige son attention vers leacutetude des raisonnements pratiques mis en œuvre en permanence par les individus pour vivre dans le monde social En consideacuterant les faits sociaux non comme des choses mais comme des accomplissements pratiques Garfinkel rompt avec la tradition positiviste qui fait du meacutetier une reacutealiteacute objective et du salarieacute un agent sans histoire ni passion Dans ce contexte une connaissance complegravete du meacutetier signifie non seulement la prise en compte des faits objectifs retenus par les analystes du travail dont cest la responsabiliteacute mais aussi des pratiques consideacutereacutees comme non conformes agrave ce qui a eacuteteacute prescrit Pour cette raison lethnomeacutethodologie va porter un inteacuterecirct eacutevident aux actes de la vie quotidienne qui peuvent paraicirctre les plus banals afin dy percevoir les proceacutedures et les interactions agrave lœuvre pour la construction de ces comportements cacheacutes Lethnomeacutethodologie va privileacutegier deux approches essentielles pour avoir accegraves agrave la connaissance experte

- Tout dabord elle va privileacutegier leacutetude des pratiques langagiegraveres Selon elle la vie sociale la vie en entreprise comme la vie dans tout autre type dorganisation se constitue en grande partie agrave travers le langage qui possegravede trois proprieacuteteacutes essentielles

o indexaliteacute les expressions sont deacutenueacutees de sens lorsquelles sont deacuteconnecteacutees de leur contexte

o reacuteflexiviteacute cette proprieacuteteacute traduit le fait que le langage est une pratique qui permet non seulement de deacutecrire mais de construire un sens un ordre La description de la situation participe agrave la situation

o accountability Il sagit de reconnaicirctre que gracircce au langage les actions celles qui ne nous sont pas exteacuterieures sont descriptibles reportables analysables

- Lobservation participante constitue la deuxiegraveme approche Nous empruntons agrave Bruyn (1966) les trois axiomes qui constituent lessentiel de cette approche

o lobservateur participant partage la vie les activiteacutes et les sentiments des personnes dans une relation de face agrave face

o lobservateur est un eacuteleacutement normal (non forceacute non simuleacute non eacutetranger agrave) dans la culture et dans la vie des personnes observeacutees

o le rocircle de lobservateur participant est un reflet au sein du groupe observeacute du processus social de la vie du groupe en question

Lobservateur procegravede par immersion dans la population cible sans que cette intrusion altegravere de faccedilon deacutecisive le fonctionnement du groupe et les comportements des individus Lapproche consiste donc comme Malinowski (1922) lui-mecircme le dit agrave participer agrave ma faccedilon agrave la vie du village agrave attendre avec plaisir les reacuteunions et les festiviteacutes importantes agrave prendre un inteacuterecirct personnel aux palabres et aux petits incidents journaliers lorsque je me levais chaque matin la journeacutee sannonccedilait pour moi plus ou moins semblable agrave ce quelle allait ecirctre pour un indigegravene Ces pratiques daccession agrave la connaissance des activiteacutes professionnelles ne sont pas agrave labri des critiques Les plus seacutevegraveres viennent des fonctionnalistes qui reprochent le cocircteacute non objectif de ces pratiques

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Les fonctionnalistes remarquent notamment que lobservation pour lire les non-dits enfouis dans la conscience de lacteur fait appel agrave ses capaciteacutes dinterpreacutetation des signes symboliques Ce faisant lobservateur participant utiliserait une deacutemarche subjective Une autre critique porte sur la validiteacute des faits observeacutes et recueillis Mais nous devons bien admettre avec Serge Bouchard (1980) quil ny a pas dautre choix que de sen remettre agrave la parole de lethnographe lorsque celui-ci affirme que ce quil rapporte au niveau du discours est effectivement ce que les gens disent agrave quelques interpreacutetations preacutes Il faut donc le croire (ou pas) jusquagrave ce quun autre ethnographe veacuterifie son mateacuteriel ethnographique

12 Deuxiegraveme meacutethode les histoires de vie Elles constituent une deuxiegraveme meacutethode qui permet comme lethnomeacutethodologie dacceacuteder agrave une reconnaissance exhaustive de lhomme de tout lhomme Selon G Pineau et JL Legrand lhistoire de vie est conccedilue comme une approche de recherche et eacutegalement comme une pratique de formation mais loin de se reacuteduire agrave une meacutethode elle vient questionner les diffeacuterentes sciences humaines dans un sens eacutepisteacutemologique cest-agrave-dire dans leur fondement mecircme Nous retiendrons la deacutefinition proposeacutee par ces auteurs recherche et construction de sens agrave partir des faits temporels personnels aux fins deacuteviter les risques dune lecture exclusivement eacutevegravenementielles des histoires de vie Dans cet esprit il apparaicirct illusoire de penser geacuterer les hommes de faccedilon simple deacutes lors que chaque homme est en lui-mecircme le siegravege de pulsions et besoins contradictoires ainsi que le sujet de sa destineacutee Il en reacutesulte un usage mystificateur de proceacutedeacutes tel que le projet dentreprise qui na dutiliteacute et de sens selon Fitcher que sil sadresse agrave des groupes ou agrave des individus entre lesquels existe deacutejagrave une compliciteacute et une communauteacute dinteacuterecircts Au total les histoires de vie en valorisant le veacutecu donnent du sens agrave lactiviteacute des hommes non seulement dans leurs pratiques leur interaction mais aussi dans leur recherche Dira-t-on pour autant que les sciences de gestion se sont empareacute de ce terrain Force est de reconnaicirctre que cette deacutemarche relativement neuve dhistoires de vie (ou ce qui de preacutes ou de loin peut sy rattacher comme par exemple les reacutecits de vie les parcours professionnels personnels biographies voire les confessions) ont eacuteteacute davantage utiliseacutees en anthropologie en sociologie en psychologie et en histoire Ainsi selon le teacutemoignage de J Poitier S Clapier-Valandon et P Raybant (1989) la bibliographie des ouvrages concernant les histoires de vie atteint plus dun millier de reacutefeacuterences Quelques anneacutees plus tocirct D Betaux (1981) nous invitait agrave deacutecouvrir le deacuteplacement de lhistoire de vie dun champ theacuteorique celui des sciences sociales agrave un champ pratique celui de leacuteducation permanente Lensemble des travaux tend agrave leacutegitimer notre inteacuterecirct pour cette meacutethode de recherche qui se reacutevegravele fructueuse non seulement pour connaicirctre des pratiques de la GRH mais aussi pour en saisir la signification Ainsi prendrons nous agrave notre compte ces trois reacutesultats retenus par NBarthe et J Igalens (1995) agrave savoir que

- lorsquon arrive apregraves une assez longue peacuteriode de vie lexpression professionnelle devient significative

- Les eacuteveacutenements qui ont jalonneacute ce parcours eacutetant plus nombreux leacutetude des blocages des ruptures est particuliegraverement instructive et parfois deacuteterminante pour la construction dun nouveau projet

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- Les steacutereacuteotypes tels quapregraves cinquante ans on ne peut plus trouver de travail doivent ecirctre deacutedramatiseacutes

Nous avons ci-dessus rendu compte de la dimension eacutepisteacutemologique de lethnomeacutethodologie et des histoires de vie pour adopter le point de vue compreacutehensif des situations observables Il convient maintenant didentifier les apports de ces meacutethodes au plan opeacuterationnel

2 La dimension opeacuterationnelle Les apports sont eacutevidents nous avons deacutejagrave pointeacute plus haut la richesse de ces meacutethodes qui nous permettent de reacuteveacuteler les faces cacheacutees des comportements et de mettre agrave jour les non-dits Elles mettent en eacutevidence les insuffisances des outils classiques dextraction dinformations tels que la description de poste et le questionnaire pour connaicirctre le profil dun meacutetier moi si tu mavais envoyeacute un questionnaire je me serai dit celui lagrave il ne donne pas lui-mecircme assez dimportance agrave ce quil fait (au lieu de venir me parler) alors pourquoi moi jy reacutepondrai Cette reacuteponse dun opeacuterateur met en eacutevidence le besoin de communication et de reconnaissance de la personne en situation de travail La question quil faudra reacutesoudre deacutesormais est la suivante Pourquoi et pour quoi ces gens-lagrave font-ils ce quils font comme ils le font Pourquoi renvoie agrave la fonctionnaliteacute des conduites Pour Quoi renvoie au sens que les sujets mettent dans leur activiteacute Le renversement de perspective est radical on passe de la normalisation agrave la compreacutehension Le scheacutema de connaissance du meacutetier se trouve alors profondeacutement modifieacute il y a renoncement aux eacutevidences des choses observeacutees et effort de compreacutehension et dinterpreacutetation des actes poseacutees dans lorganisation Dans cette perspective les eacutecarts de conduite les eacutecarts de qualiteacute par rapport agrave la norme auront autant dimportance que la norme elle-mecircme Le reacuteel est reacutehabiliteacute il nest plus second Le travail reacuteel nest plus reacuteductible au travail prescrit Par conseacutequent leacutecart nest plus jugeacute comme une transgression de la norme par lopeacuterateur quil suffirait de changer pour retrouver la norme Leacutecart est une conduite quil sagit dinterroger Il sagit dune conduite signifiante Pourquoi donc ne pas positiver cette liberteacute buissonniegravere des pratiques Pourquoi ne pas lui donner un sens Il apparaicirct alors que tout travail suppose toujours une dimension dinterpreacutetation dadaptation dengagement personnel de conception Il est affrontement au reacuteel Ainsi le travail impose de sortir de lexeacutecution pure et simple Il ne suffit pas de faire comme on a dit il ne suffit pas dappliquer les consignes Il ne suffit pas de mobiliser lintelligence theacuteorique Il faut faire appel agrave lintelligence pratique agrave lintelligence de laction Dans ce contexte le concept de travail se trouve consideacuterablement enrichi Le travail va exiger la mise agrave jour de linitiative de linventiviteacute de la creacuteativiteacute des opeacuterateurs Ainsi dans les comportements des salarieacutes la notion de tricherie inseacuteparable de la situation de travail pourrait ecirctre interpreacuteteacutee comme une deacutemarche dinvention et dimagination plutocirct que comme une deacutemarche deacutecart par rapport agrave un reacutefeacuterentiel eacutecart quil faudrait sanctionner Lobservateur qui accepte de se livrer agrave ce deacutetour de connaissance totale de lhomme au travail au lieu de se contenter de ladministration dun questionnaire va devoir adopter une posture de chercheur en rupture avec celle de controcircleur du paradigme normatif

Une expeacuterience veacutecue dadministration de questionnaires remonte agrave quelques mois Il sagissait de rendre compte du meacutetier de dirigeant dans une association organisatrice et gestionnaire de colonies de vacances Les informations contenues dans le questionnaire

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renseigneacute par le directeur geacuteneacuteral de lassociation semblaient suffisantes pour connaicirctre du processus de gestion en place mais non pertinente pour comprendre le fonctionnement du reacuteel Dans ce contexte pour compleacuteter ma connaissance du meacutetier jai tregraves vite adopteacute lapproche de lobservateur participant Elle a consisteacute agrave vivre la quotidienneteacute du directeur geacuteneacuteral Mon immersion a dureacute une semaine avec participation agrave la reacuteunion du matin pause cafeacute agrave 10 heures avec les collegravegues deacutejeuner avec les collegravegues relations exteacuterieures lapregraves midi En fin de journeacutee dernier parti en mecircme temps que le directeur geacuteneacuteral je notais chaque jour sur mon carnet cahier de bord tous les faits et gestes observeacutes dans la journeacutee Les faits et gestes observeacutes relevant agrave leacutevidence de la deacutefinition du poste comme ceux qui relevaient dinitiatives ou dactes construits par une neacutecessiteacute exogegravene ou par lamour du bel ouvrage Les leccedilons agrave tirer de cette meacutethode dobservation conforteacutee par mon expeacuterience de gestionnaire portent sur le danger qui guette le responsable qui voudrait soumettre la gestion quotidienne agrave des processus formels planifieacutes Privileacutegier les processus formels reviendrait agrave ignorer les qualiteacutes humaines dintuition de flair y compris le systegraveme D et agrave croire que ces qualiteacutes lagrave pourraient ecirctre remplaceacutees par des proceacutedures-recettes sophistiqueacutees Dans mon rocircle dobservateur dans une posture dauditeur jai tregraves vite compris la neacutecessiteacute de reacutehabiliter la riche notion de meacutetier telle quemprunteacutee agrave la grande tradition de lartisanat La notion dartisanat deacutesignant une activiteacute qui mobilise non seulement le savoir et le savoir faire mais aussi et surtout les valeurs lintuition le flair Lobservateur comprend aussi que ce que lon appelle trop vite des dysfonctionnements ne signifie pas toujours que lon soit en preacutesence deacutecarts quil conviendrait de corriger pour respecter la norme la regravegle le processus retenu et prescrit dans leacutetude de poste ou tout autre reacutefeacuterentiel de gestion Il est tregraves enrichissant de consideacuterer que ces eacutecarts ces dysfonctionnements apparents constituent une reacutealiteacute quil faut interroger pour comprendre le sens mis dans leurs actes par les acteurs Cette attitude dobservateur deacutevoile aussi lerreur de certains psychosociologues du travail qui qualifient de reacutesistants au changement ces salarieacutes qui saccrochent agrave leurs habitudes au lieu de sadapter agrave la nouvelle organisation Lautre piste qui soffre aux psychosociologues est de deacutetecter de comprendre et dadmettre lamour du meacutetier que le salarieacute ne veut pas voir se fondre dans une activiteacute polyvalente avec le sentiment de perdre de sa meacutemoire et de son identiteacute En deacutefinitive lexpeacuterience que je veux vous faire partager porte sur linteacuterecirct et la neacutecessiteacute dun audit autrement avec pour finaliteacute une connaissance de ce quest un homme au travail dans un contexte de management de proximiteacute

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Deux points pour vous inviter au deacutebat Premier point Je deacutefinis cette forme de management comme une activiteacute qui en utilisant les approches dobservation participante et dhistoires de vie permet denrichir la description objective du meacutetier par la prise en compte du souci du deacutetail le goucirct du beau le respect des valeurs et du sens tout ce qui permet leacutepanouissement de lecirctre pour reprendre une expression du philosophe George Gusdorf(2002) Cest cette deacutefinition que je retiens pour exprimer ma conception de la reconnaissance de lidentiteacute de lautre au travail de lautre qui se deacutefinit lui-mecircme consciemment ou pas par son meacutetier Cette conception rejoint celle de Hugues (1989) qui en opposition agrave la tradition fonctionnaliste a deacutefini le meacutetier non comme un ensemble particulier dactiviteacutes mais sur la base du rocircle quun individu exerce au sein dun univers professionnel Deuxiegraveme point Les tenants de la sociologie quantitative nont pas manqueacute de souligner les impreacutecisions et les dangers inheacuterents agrave la pratique de lobservation directe subjectivisme et manque de rigueur absence deacutechantillonnage et de veacuterification statistique Les ethnomeacutethodologues et interactionnistes ont reacutepondu agrave ces critiques en refusant la seacuteparation positiviste entre science et vie quotidienne La science na pas agrave produire un sens cacheacute car celui-ci saccomplit devant nos yeux de faccedilon transparente dans le faire et le dire des acteurs Ce faire et ce dire constituent autant deacuteleacutements de connaissance construite pour un enrichissement des conduites dopeacuterations daudit opeacuterationnel BIBLIOGRAPHIE Barthe N et Igalens J Reacutecits de vie et recherche demploi Actes 6egraveme congregraves AGRH Poitiers 1995

Beteaux D Histoires de vie Tome 1 LHarmattan 1981

Bouchard S Etre trucker in A Chanlat et MDufour La rupture entre lentreprise et les hommes Montreacuteal Paris Queacutebec Editions dorganisation 1980

Coulon A Lethnomeacutethodologie Paris Puf 990

Garfinkel H Studies in ethnomeacutethodologie Cambridge Polity Press 1984

Gusdorf G Le creacutepuscule des illusions Editions de la table ronde 2002

Hugues et alii The developpement of large technical system Francfurt campus Verlag 1989 citeacute par JP Durand et R Weil Sociologie contemporaine Vigot 1997

Malinowski B Les argonautes du Pacifique Sud Londres G Routledge 1922

Poitier J et alii Reacutecits de vie Puf 1989

Zarifian Ph Le modegravele de la compeacutetence Deuxiegraveme eacutedition Liaisons sociales Paris 2004

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