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PHILOSOPHIE DU TEMPS sous la direction de Jiri Benovsky LaBaconnière R. M. ADAMS JIRI BENOVSKY DAVID BRADDON-MITCHELL MICHAEL DUMMETT GRAEME FORBES MARK HELLER PAUL HORWICH ROBIN LE POIDEVIN DAVID LEWIS D. H. MELLOR SYDNEY SHOEMAKER THEODORE SIDER J. J. C. SMART W. V. O. QUINE PETER VAN INWAGEN

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Page 1: LaBaconnière - Jiri Benovskyjiribenovsky.org/philosohie_du_temps_introduction.pdf · 2018. 4. 9. · David Hugh Mellor. L’irréalité des temps grammaticaux 315 R. M. Adams. Temps

PHILOSOPHIE DU TEMPSsous la direction de Jiri Benovsky

LaBaconnière

R. M. ADAMSJIRI BENOVSKY

DAVID BRADDON-MITCHELLMICHAEL DUMMETT

GRAEME FORBESMARK HELLER

PAUL HORWICHROBIN LE POIDEVIN

DAVID LEWISD. H. MELLOR

SYDNEY SHOEMAKERTHEODORE SIDER

J. J. C. SMARTW. V. O. QUINE

PETER VAN INWAGEN

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Table des matières

Introduction 5

PARTIE ITemps, persistance et changement

W. V. O. Quine. Identité, ostension et hypostase 15

David Lewis. Endurantisme et le problème des propriétés intrinsèques temporaires 21

Peter Van Inwagen. Parties temporelles et identité à travers le temps 27

Mark Heller. Parties temporelles d’objets quadridimensionnels 61

Theodore Sider. La théorie des étapes temporelles 79

Theodore Sider. La théorie des étapes temporelles et les propriétés intrinsèques temporaires 121

Sydney Shoemaker. Le temps sans changement 131

Robin Le Poidevin. Le temps sans changement (en trois étapes) 161

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Graeme Forbes. Temps, événements et modalité 185

Jiri Benovsky. La théorie relationniste et la théoriesubstantialiste du temps : ennemis mortels ou frères jumeaux? 213

J. J. C. Smart. Le monde comme espace-temps 239

Theodore Sider. Présentisme et engagement ontologique 267

David Braddon-Mitchell. Comment savons-nous que c’est maintenant ? 305

David Hugh Mellor. L’irréalité des temps grammaticaux 315

R. M. Adams. Temps et haeccéité 339

PARTIE IIVoyage dans le temps

Paul Horwich. À propos de quelques prétendus paradoxes concernant le voyage dans le temps 371

David Lewis. Les paradoxes du voyage dans le temps 391

Theodore Sider. L’argument du voyage dans le temps contre le tri-dimensionnalisme 413

Jiri Benovsky. Endurantisme et voyage dans le temps 423

Robin Le Poidevin. Le problème du chat du Cheshire et autres obstacles spatiaux aux voyages à rebours dans le temps 433

Michael Dummett. Influencer le passé 461

Références et crédits 489

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Introduction

Vous trouverez dans ce livre des traductions de textes quitentent de comprendre ce qu’est le temps et la manière dontnous, ainsi que tous les objets peuplant l’univers, existons dansle temps et persistons à travers le temps. Ces questions sontparfois difficiles et appellent à développer des théories quipeuvent sembler quelquefois étranges, mais les textes sélec-tionnés pour ce volume ont tous le mérite de s’atteler à latâche avec la plus grande clarté possible, et sont ainsi acces-sibles aux non-spécialistes motivé(e)s.Ce volume permettra, je l’espère, au public francophone de

découvrir des débats et des questionnements importantsconcernant le temps qui ont joué un rôle central dans le déve-loppement de la métaphysique des vingtièmes et vingt-et-unièmes siècles. Ces débats sont souvent menés en anglais, maisil n’y a pas de raison qu’il en soit toujours ainsi. Il y a en philo-sophie différentes «écoles», et différentes manières de la prati-quer, et certaines pratiques sont, de façon contingente, liées àune certaine langue ou un certain environnement académique.Si nous nous sommes donné tant de peine à traduire ces textesen français, c’est parce que nous pensons que ces contingencesne sont pas très importantes, et qu’il serait dommage que lapensée philosophique souffre d’obstacles de ce type.

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Dans la première partie de ce volume, un premier ensemblede textes (ceux de Quine, Lewis, Van Inwagen, Heller, et Sider)concernent la question de la persistance à travers le temps. Pensezà une toute petite pousse d’arbre – à peine trois ou quatrefeuilles, portées vers le soleil par une tige minuscule sans cessepliée par le vent. Pensez aussi à l’énorme chêne que cet arbresera devenu une centaine d’années plus tard. Il s’agit du mêmearbre, et donc du même objet. Pourtant, l’un n’a plus aucunepartie commune avec l’autre : les petites feuilles initiales sonttombées depuis longtemps, de même que toutes les feuilles sui-vantes, qui tombent et meurent chaque année, la petite tige fra-gile a été remplacée par un tronc massif en bois, et les racinesont grandi. Plus aucune cellule d’origine ne se retrouve dansl’arbre centenaire. De plus, les «deux arbres», si l’on peut par-ler ainsi, sont des objets bien différents : l’un petit, l’autreénorme, l’un tout léger balayé par le vent, l’autre fort et puis-sant résistant aux pires tempêtes, ces deux objets n’ont ni lamême masse, ni la même couleur, ni la même forme. Ces «deux arbres» n’ont pas du tout les mêmes propriétés. Pour-tant, il ne s’agit pas de «deux arbres» mais bien d’un seul. Unseul arbre a été planté, et un seul arbre se trouve là cent ansplus tard – le même arbre. En un sens, le problème de la persis-tance à travers le temps peut donc être exprimé ainsi : l’arbreest le même, tout en n’étant pas le même. On pourra alors direque l’arbre est numériquement identique à travers le temps,mais qualitativement distinct – ceci constitue, en simplifiant, lecœur de la théorie endurantiste de la persistance à travers letemps. Selon les endurantistes, les objets matériels persistent àtravers le temps en étant numériquement identiques à chaqueinstant auquel ils existent et en existant entièrement à chacunde ces instants. En bref, l’arbre existe dans son entièreté àchaque instant de sa carrière de vie, et ce qui change ce sont lespropriétés qu’il exemplifie. Toutefois, dans une version naïvede l’endurantisme, ceci soulève un problème : si l’arbre aumoment t1 mesure, disons, un mètre et s’il existe également àun moment ultérieur t2 où il mesure dix mètres, il semble

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alors qu’il exemplifie deux propriétés contradictoires : le mêmeobjet, numériquement identique, possède la propriété F (quandil est petit) et la propriété non-F (quand il est grand). Cetteobjection est soulevée dans le premier texte de David Lewis dece volume, et discutée en détail dans plusieurs autres, celui dePeter Van Inwagen, notamment. Bien entendu, l’arbre ne pos-sède pas ces propriétés contradictoires au même moment, et c’estlà précisément la tâche des théories que vous allez découvrirdans les textes traduits dans ce volume que d’expliquer cettenotion et de montrer comment ceci fonctionne.Une stratégie possible, et populaire, pour expliquer la per-

sistance à travers le temps d’un objet matériel tel qu’un arbre,tout en évitant la menace de la contradiction que je viensd’esquis ser, est le perdurantisme (représenté dans ce volume parQuine, Lewis, et Heller). Selon le perdurantisme, un objetmatériel tel qu’un arbre est temporellement étendu. Il fautprendre cette affirmation littéralement, il ne s’agit pas d’unemétaphore. Selon les perdurantistes, un tel objet est étendudans l’espace, c’est-à-dire qu’il a des parties spatiales (lesbranches, les feuilles, les racines, …), mais il est également, ausens strict, étendu dans le temps, c’est-à-dire qu’il a des partiestemporelles (une partie à t1, une partie à t2, en bref, une par-tie à chaque moment de son existence). Une manière de ledire est que l’arbre est un vers quadridimensionnel, qui a des par-ties spatiales et temporelles. Les différentes propriétés qu’il aau cours de son existence, comme par exemple la propriétéd’être petit et la propriété d’être grand, sont alors exempli-fiées non pas par l’arbre mais par une partie temporelle de l’arbre,et comme une partie de l’arbre n’est pas identique à une autrepartie de l’arbre (exactement comme l’une de ses parties spa-tiales, une branche par exemple, n’est pas identique à uneautre de ses parties spatiales, comme une autre branche), lesdifférentes propriétés ne sont pas exemplifiées par la mêmechose, et donc il n’y a pas de risque de se retrouver dans unesituation menaçant d’une contradiction. De même qu’unebranche d’un arbre peut être plus grande qu’une autre de ses

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branches, sans contradiction, une partie temporelle de l’arbrepeut être petite et une autre grande, sans contradiction. Ilreste alors au perdurantiste de défendre sa théorie qui semble,en tout cas pour certains, violer le sens commun par l’affirma-tion que l’arbre est une entité à quatre dimensions, avec desparties hier, aujourd’hui, et demain. Les deux premiers textesde la Partie I de Theodore Sider défendent une position simi-laire au perdurantisme, mais Sider y abandonne l’affirmationque les objets sont étendus dans le temps. En bref, Sider défendplutôt l’idée que les différentes étapes temporelles de l’arbreoccupent chacune « leur» instant auquel elles existent, mais aulieu de composer un tout quadridimensionnel elles entretien-nent une relation de contrepartie les unes avec les autres.Les textes suivants de la Partie I de ce volume sont consa-

crés à la question de la nature du temps lui-même, en com-mençant par la question du lien entre le temps et lechangement. Il y a de nombreuses manières d’aborder cettequestion – qu’est-ce que le temps ? – et le choix que j’ai fait ici meten lumière deux théories traditionnellement rivales, à savoir lerelationnisme et le substantialisme. Tout commence avec le textede Sydney Shoemaker qui nous invite à faire l’expérience depensée suivante. Imaginez un monde possible où il y a debonnes raisons de croire que de manière régulière, disons tousles dix ans, il y a une période de gel qui dure un an : pendant uneannée, tout se fige, plus aucun changement, même au niveausubatomique, ne se produit. La question est alors la suivante :dans cette situation, le temps continue-t-il à s’écouler ? Autre-ment dit, le passage du temps est-il indépendant du fait qu’il yait ou pas des changements (c’est ce que pensent les substan-tialistes) ou au contraire l’écoulement du temps est-il dépen-dant de changements qui doivent avoir lieu faute de quoi il nepeut pas « passer » (comme le pensent les relationnistes) ?Selon la théorie que l’on adopte ici, on obtient alors unevision bien différente non seulement du lien entre le fait quele temps passe et le fait qu’il y ait des changements ou pas,mais également de la nature du temps lui-même. En effet, les

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substantialistes affirmeront que le temps est une substanceindépendante des objets et des événements qui s’y trouventavoir lieu, alors que les relationnistes défendront au contrairel’idée que le temps n’est rien d’autre qu’un système de relationsentre les choses et les évènements qui ne sont alors pas conçuscomme étant dans le temps, mais comme étant constitutifs dutemps – le temps est ainsi réduit aux objets et événements. Lestextes de Shoemaker, Forbes, et Le Poidevin explorent ces dif-férents points de vue, à la lumière de l’expérience de penséede Shoemaker. Suite à cette discussion, j’ai alors décidé d’ajou-ter une touche personnelle à ce débat, en incluant un articledans lequel je prends une position méta-théorique assez forte(et controversée bien sûr) : contrairement aux apparences, ettout en ayant à l’esprit tout ce que nous venons de voir et toutce qui est dit de manière très juste dans les textes traduits dansce volume, le relationnisme et le substantialisme ne sont enfait pas très différents l’un de l’autre – ils semblent être desrivaux, alors qu’en réalité ils sont davantage comme des frèresjumeaux. Afin de compléter une vision d’ensemble de ce quel’on peut dire concernant la nature du temps, les dernierstextes de la Partie I, ceux de Smart, Sider, Braddon-Mitchell,Mellor, et Adams, explorent des questions centrales en philo-sophie du temps, qui entretiennent toujours des liens avec lesquestions abordées dans les textes précédents.La partie II de ce volume est explicitement consacrée au

problème du voyage dans le temps car il a ceci de particulière-ment intéressant : il sert de cas limite, qui permet de tester lesthéories et soulever de nombreuses questions pertinentes. Ilsemble que voyager dans le temps vers l’avant (vers le futur)soit physiquement possible – il suffit d’aller très vite. En bref,plus vite on se déplace dans l’espace, moins vite on se déplacedans le temps. (C’est ainsi que l’astronaute Sergei Krikalyov,qui a passé 803 jours, 9 heures et 39 minutes en orbite de laTerre se trouve un peu plus d’un cinquantième de secondeplus jeune que ce qu’il serait s’il était resté les pieds sur terrecomme nous autres.) Pour faire un voyage dans le futur un

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peu plus digne de ce nom, il « suffirait » de se déplacer à unevitesse proche de la vitesse de la lumière. Mais une fois dans lefutur, si vous voulez rapporter des résultats de loterie dans lepassé, c’est une autre paire de manches… Car si nous venonsde voir qu’il est physiquement possible de voyager dans lefutur, le voyage dans le passé ne jouit pas d’une telle possibilitécar il nécessiterait de se déplacer à une vitesse plus grande quela vitesse de la lumière. La question demeure alors ouverte desavoir si le voyage dans le passé est métaphysiquement et / oulogiquement possible. Cette seconde partie s’ouvre ainsi sur des formulations de

paradoxes logiques et / ou métaphysiques concernant la possi-bilité de voyage dans le temps. Paul Horwich et David Lewissoulèvent un certain nombre de questions qui semblent para-doxales – comme par exemple le fameux paradoxe du GrandPère – et y apportent des réponses. Vient ensuite, avec le textede Sider et un article de ma plume, la question du lien entre lapossibilité de voyage dans le temps et les théories de la persis-tance que nous avons rencontrées dans la Partie I : l’enduran-tisme et le perdurantisme. On y voit qu’il semble que leperdurantisme soit mieux armé que son rival pour permettreune telle possibilité. Selon l’une des versions de perduran-tisme, les objets persistent à travers le temps en étant étendusdans le temps, exactement comme ils le sont dans l’espace – cesont des vers quadridimensionnels. Que se passe-t-il alors lorsqu’un voyageur temporel voyage dans le passé pour, parexemple, discuter avec son moi plus jeune? Cela dépend unpeu du fonctionnement supposé de la machine à voyager dansle temps. Dans le célèbre roman de H. G. Wells le voyage dansle temps prend du temps : le voyageur voit défiler autour de lui lemonde à une vitesse plus ou moins rapide. Cela crée un cer-tain nombre de problèmes intéressants, discutés dans l’articlede Robin Le Poidevin. Si en revanche, comme dans des filmstels que Terminator ou encore Retour vers le futur, la machinevoyage dans le temps de manière instantanée, la trajectoire duvoyageur ressemblera à une ligne discontinue. Selon le perdu-

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rantisme, le voyageur est cette trajectoire. Il est un objetétendu dans tout l’espace-temps occupé par sa trajectoire, ilexiste à différents moments non pas en y étant présent lui-même entièrement, mais en y ayant une partie temporelle. Thelast but not the least, le texte de Michael Dummett nous permetde mieux comprendre la notion de causalité, en discutant lapossibilité d’influencer le passé.

Jiri Benovsky, Fribourg, mars 2018